versailles-grignon • faits marquants 2015 · mer sur les marchés auquel participe louis-georges...

60
VERSAILLES-GRIGNON • FAITS MARQUANTS 2015

Upload: vodat

Post on 13-Sep-2018

213 views

Category:

Documents


0 download

TRANSCRIPT

Page 1: VERSAILLES-GRIGNON • FAITS MARQUANTS 2015 · mer sur les marchés auquel participe Louis-Georges Soler, UR Aliss. ... Sylvie Pouteau, UMR IJPB, participe à l’ouvrage « COP 21

VERSAILLES-GRIGNON • FAITS MARQUANTS 2015

Page 2: VERSAILLES-GRIGNON • FAITS MARQUANTS 2015 · mer sur les marchés auquel participe Louis-Georges Soler, UR Aliss. ... Sylvie Pouteau, UMR IJPB, participe à l’ouvrage « COP 21

SOMMAIRE

Les temps forts de l’année ...................2

Les faits marquants scientifiques .........4• BIOLOGIE VÉGÉTALE INTÉGRATIVE, BIOTECHNOLOGIES ET BIORESSOURCES ...................................... 6

• AGROÉCOLOGIE ET GESTION DURABLE DES PRODUCTIONS VÉGÉTALES SUR LES TERRITOIRES ................... 24

• ÉCONOMIE ET SOCIOLOGIE DE L’AGRICULTURE ET DE L’ALIMENTATION ................................................................... 38

• ALIMENT, ALIMENTATION, SANTÉ ................................................... 50

Le Centre Inra de Versailles-Grignon .........................56

Page 3: VERSAILLES-GRIGNON • FAITS MARQUANTS 2015 · mer sur les marchés auquel participe Louis-Georges Soler, UR Aliss. ... Sylvie Pouteau, UMR IJPB, participe à l’ouvrage « COP 21

1

PRÉFACEMille et une recherches façonnent le quotidien des équipes et des chercheurs de notre Centre. Marquées par l’envie de la connaissance, elles rencontrent nécessairement l’incer-titude de l’expérience. Aucun doute, la science se vit là, dans l’inconnu et l’inachevé. Elle se développe posément, dans une curiosité singulière, au cœur d’une aventure intellectuelle sans cesse réorientée.

Constamment, ces travaux ouvrent des fronts de recherche inattendus et forgent de nou-velles prémices. Ils débouchent aussi sur des découvertes ou des innovations tout autant utiles pour le savoir que pour l’action. Leur impact est majeur, aujourd’hui pour les scienti-fiques, demain pour l’économie et la société. La recherche est désormais le moteur principal de la compétitivité, de la croissance et de l’emploi.

Les faits marquants scientifiques que nous avons sélectionnés pour vous témoignent de la variété de notre activité, autour de quatre axes thématiques :

• Biologie végétale intégrative, biotechnologies et bioressources• Agroécologie et gestion durable des productions végétales sur les territoires• Économie et sociologie de l’agriculture et de l’alimentation• Aliment, alimentation, santé.

Nous souhaitons que ce panorama 2015 vous donne envie d’en savoir plus sur les recherches conduites dans les unités du Centre Inra de Versailles-Grignon. N’hésitez pas à nous contac-ter et à suivre l’actualité du Centre en consultant régulièrement son site : www.versailles-grignon.inra.fr

Laurent Hémidy, président du Centre

Page 4: VERSAILLES-GRIGNON • FAITS MARQUANTS 2015 · mer sur les marchés auquel participe Louis-Georges Soler, UR Aliss. ... Sylvie Pouteau, UMR IJPB, participe à l’ouvrage « COP 21

2

LES TEMPS FORTS DE L’ANNÉE

JANVIERL’École internationale de recherche d’Agreenium sélectionne deux doc-torants de l’Inra Versailles-Grignon, Charlotte Dion, UR Alimentation et sciences sociales – Aliss et Pierre-Antoine Précigout, UMR Écologie fonctionnelle et écotoxicologie des agroécosystèmes - EcoSys (Inra, AgroParisTech), parmi les 35 lauréats de la promotion 2014/2015.

L’UMR Génie et microbiologie des procédés alimentaires (Inra, AgroParisTech) reçoit 25 étudiants de l’Institut français de presse - Université Paris 2 Panthéon-Assas pour une semaine en immersion.

L’UMR Institut des Sciences des plantes de Paris Saclay – IPS2 (CNRS, Inra, Université Évry-Val d’Essonne, Univ. Paris-Diderot Paris 7, Univ. Paris-Sud) est créée par regroupement de l’UMR Génomique végé-tale (Inra, Univ. Évry). Située à Gif-sur Yvette (91), elle est dirigée par Martin Crespi, enseignant chercheur.

FÉVRIERÀ Bangalore (IN), Annie Marion-Poll, UMR Institut Jean-Pierre Bourgin - IJPB (Inra, AgroParisTech, ELR CNRS), participe à une école-chercheur consacrée à l’écologie chimique, organisée par l’Institut de recherche fondamentale Tata.

Aurélie Maurice, UR Aliss, reçoit le Prix Jean Trémolières de l’Institut Delessert, pour ses travaux de thèse consacrés aux préadolescents comme ressorts des actions de santé publique.

L’Institut Jean-Pierre Bourgin accueille les lauréats du Challenge Climat Agriculture et Forêts (Cirad, AFD) pour une visite consacrée à la bio-logie végétale.

MARSPour la troisième année, durant une journée, l’Inra Versailles-Grignon invite les élèves et les professeurs de l’Académie de Versailles à décou-vrir ses travaux, ses métiers et ses structures.

Sabine Houot, UMR EcoSys, présente les principaux résultats de l’exper-tise sur la valorisation des matières fertilisantes d’origine résiduaire sur les sols à usages agricole ou forestier devant la Commission européenne.

AVRILLancement du projet européen Primefish - Développer une boîte à outils pour renforcer la viabilité et la compétitivité des produits de la mer sur les marchés auquel participe Louis-Georges Soler, UR Aliss.

L’UMR IJPB accueille Yufeng Jiang, récipiendaire d’une bourse délivrée par l’Académie des Sciences de Chine dans le cadre d’un accord avec l’Institut agronomique, vétérinaire et forestier de France. Y. Jiang tra-vaille sur l’assimilation de l’azote par les plantes.

MAILancement du projet européen Susfans - Développer des programmes alimentaires sains et durables auquel participent Stephan Marette, UMR Économie publique – EcoPub (Inra, AgroParisTech) et L.-G. Soler.

Lors de la Journée internationale de célébration des plantes (en anglais, Fascination of Plants Day), le LabEx Sciences des plantes de Saclay, auquel est associé l’Inra Versailles-Grignon, présente ses travaux aux lycéens d’Île-de-France.

L’UMR Génétique quantitative et évolution – le Moulon (Inra, Univ. Paris-Sud, CNRS, AgroParisTech) participe à la première édition du Basket Trophée Paris-Saclay.

Luc Begahel, UMR Paris-Jourdan Sciences économiques (CNRS, ENS, EHESS, École des Ponts ParisTech, Inra) est nominé pour le prix du Meilleur jeune économiste décerné par Le Monde et le Cercle des économistes.

JUINÀ Pékin (CN), l’ambassade de France en Chine organise une conférence sur l’agroécologie dans le contexte du changement climatique. Muriel Tichit, UMR Sciences pour l’action et le développement : actions, pro-duits et territoires – SadAPT (Inra, AgroParisTech) et Patricia Garnier, UMR EcoSys, font partie de la délégation Inra.

À Bogota (CO), Allison Loconto et Marc Barbier, Laboratoire interdis-ciplinaire Sciences Innovations Sociétés (Inra, Univ. Paris Est Marne-la-Vallée, CNRS, ESIEE, École des Ponts ParisTech) participent à un atelier consacré aux approches innovantes dans les pays en développement et organisé par la FAO et l’Inra.

©Inr

a - W

illiam

Beau

card

er

Page 5: VERSAILLES-GRIGNON • FAITS MARQUANTS 2015 · mer sur les marchés auquel participe Louis-Georges Soler, UR Aliss. ... Sylvie Pouteau, UMR IJPB, participe à l’ouvrage « COP 21

3

Le projet « Musique et lumière : une même histoire d’ondes », porté par Marine Froissard, UMR IJPB, est sélectionné dans le cadre de l’ap-pel à projets Science et Société – Médiation de l’Initiative d’excel-lence Paris-Saclay.

Elsa Berthet, UMR SadAPT, se voit décerner un accessit pour ses tra-vaux de thèse consacrés à la conception des agroécosystèmes par l’Association nationale des Docteurs ès Sciences économiques et en Sciences de gestion.

JUILLETLa signature du protocole d’accord pour la mise en œuvre de l’im-plantation de l’Inra et d’AgroParisTech sur le campus de Saclay est une étape clé de ce projet d’envergure, destiné à assurer une visibi-lité de la recherche et de l’enseignement supérieur agronomiques en Île-de-France.

Les projets Soilµ3D - Propriétés émergentes des fonctions micro-biennes dans les sols, coordonné par P. Garnier et Odorscape – Effets du changement climatique sur les émissions de composés volatils par les plantes et leurs impacts sur l’olfaction de l’insecte, coordonné par Michel Renou, UMR Institut d’Écologie et des sciences de l’envi-ronnement de Paris (Univ. Pierre et Marie Curie, CNRS, Inra, IRD, Univ. Paris Diderot, Univ. Paris Est Créteil Val-de-Marne) sont sélectionnés par l’Agence nationale de la recherche.

AOÛTLes projets PROLEG - Écologisation de l’agriculture via les produits rési-duaires et les légumineuses pour améliorer les services écosystémiques,

coordonné par S. Houot et CAP IDF - Gouvernance foncière de l’agri-culture de proximité, coordonné par Romain Melot, UMR SadAPT, sont sélectionnés dans le cadre du programme « Pour et sur le développe-ment régional » Île-de-France.

SEPTEMBRERaia Silvia Massad et Benjamin Loubet, UMR EcoSys, publient Review and Integration of Biosphere-Atmosphere Modelling of Reactive Trace Gases and Volatile Aerosols, aux Éditions Quæ (Versailles).

OCTOBRELoïc Lepiniec, UMR IJPB ; E. Berthet, UMR SadAPT, et Antoine Porquier, UMR Biologie et gestion des risques en agriculture - Bioger (Inra, AgroParisTech), sont, parmi les 11 lauréats de l’Institut, distingués par l’Académie d’agriculture de France pour la qualité de leur parcours.

NOVEMBREL’UMR Bioger participe à l’Ekiden Paris, une course durant laquelle nos collègues ont porté haut les couleurs de l’Inra.

Sylvie Pouteau, UMR IJPB, participe à l’ouvrage « COP 21. Déprogrammer l’apocalypse » aux Éditions Atlande (Paris), sur le thème des plantes et du climat.

En Île-de-France, les centres de recherche Inra de Versailles-Grignon et de Jouy-en-Josas font compte commun sur les réseaux sociaux. Retrouvez-les sur @INRA_IDF

DÉCEMBRELe Laurier d’impact de la recherche agronomique récompense le groupe Colza, soit plus de 50 scientifiques, dont ceux de l’Inra Versailles-Grignon, qui ont contribué à améliorer les fleurs et les plantes de colza et à pro-téger sa culture des ravageurs.

André Torre, UMR SadAPT, et Dominique Vollet, Irstea, coordonnent la parution du livre Partenariats pour le développement territorial aux Éditions Quæ.

Sabine Fillinger, UMR Bioger, et Yigal Elad, Agricultural Research Organization (IS) publient « Botrytis – the Fungus, the Pathogen and its Management in Agricultural Systems » aux Éditions Springer (US).

UR : Unité de recherche, UMR : Unité mixte de recherche

Page 6: VERSAILLES-GRIGNON • FAITS MARQUANTS 2015 · mer sur les marchés auquel participe Louis-Georges Soler, UR Aliss. ... Sylvie Pouteau, UMR IJPB, participe à l’ouvrage « COP 21

4

©Inr

a - W

illiam

Beau

card

et

Page 7: VERSAILLES-GRIGNON • FAITS MARQUANTS 2015 · mer sur les marchés auquel participe Louis-Georges Soler, UR Aliss. ... Sylvie Pouteau, UMR IJPB, participe à l’ouvrage « COP 21

5

LES FAITS MARQUANTS SCIENTIFIQUES

BIOLOGIE VÉGÉTALE INTÉGRATIVE, BIOTECHNOLOGIES ET BIORESSOURCESComprendre l’évolution du génome des Brassicacées en reconstruisant les génomes ancestraux ..............................6La sexualité des Cucurbitacées dévoilée .....................................................................................................................8Blé tendre : développement et utilisation d’une population hautement recombinante pour cartographier des caractères adaptatifs ....................................................................................10Architecture et composition nucléotidique des gènes codant pour les protéines chez les plantes ............................12Lignées recombinantes : quand la physique théorique aide à résoudre un problème de génétique .........................14RTL1, une nouvelle défense antivirale des plantes inhibée par les virus ...................................................................16Découverte de nouveaux facteurs intervenant dans la mise en place des tissus vasculaires chez les végétaux .........18Octopus, un mécanisme original de régulation contrôle la différenciation des tissus vasculaires chez Arabidopsis thaliana .......................................................................................................20Tournesol et colza, des résidus susceptibles d’être convertis en lipides d’intérêt .......................................................22

AGROÉCOLOGIE ET GESTION DURABLE DES PRODUCTIONS VÉGÉTALES SUR LES TERRITOIRESBruche de la féverole : un exemple de signal chimique émis par la plante au service du bio-contrôle ......................24 Phoma du colza : de la structure cristalline de l’effecteur AvrLm4-7 à sa reconnaissance par les protéines de résistance de la plante ..............................................................................26La variabilité des rendements des cultures de légumineuses en Europe et en Amérique..........................................28Décomposition de la matière organique des sols, le modèle LBioS ...........................................................................30Propriétés moléculaires des contaminants organiques, des éléments clés pour prédire leur devenir dans l’environnement ..........................................................................32Intérêt des vers de terre dans la lutte contre une maladie du blé, le piétin-verse .....................................................34Impact des traitements phytosanitaires en arboriculture fruitière sur la diversité des insectes ................................36

ÉCONOMIE ET SOCIOLOGIE DE L’AGRICULTURE ET DE L’ALIMENTATIONValeur de la durabilité sur le marché : une approche expérimentale ........................................................................38Le bilan mitigé de la réforme de la Politique agricole commune ..............................................................................40Valorisation des produits résiduaires organiques par l’agriculture : évaluation économique de l’azote pour l’Île-de-France............................................................................................42Effets de l’intensité agricole et de sa distribution spatiale sur la biodiversité des oiseaux agricoles ..........................44Quelle place pour les sciences agronomiques dans la littérature traitant des services écosystémiques ? ..................46Paternalisme et choix alimentaires ..........................................................................................................................48

ALIMENT, ALIMENTATION, SANTÉ« À table les enfants ! » : enquête sur les patrimoines alimentaires enfantins ...........................................................50Les bonbons au collège, entre objet de transgression et instrument de lien social ...................................................52Congélation des bactéries lactiques : des marqueurs de résistance identifiés grâce au rayonnement synchrotron .............................................................54

Page 8: VERSAILLES-GRIGNON • FAITS MARQUANTS 2015 · mer sur les marchés auquel participe Louis-Georges Soler, UR Aliss. ... Sylvie Pouteau, UMR IJPB, participe à l’ouvrage « COP 21

6

Comprendre l’évolution du génome des Brassicacéesen reconstruisant les génomes ancestrauxL’analyse de la structure ancestrale du génome des Brassicacées a révélé une part conséquente de vestiges d’éléments transposables dont certains correspondent à des centromères ancestraux en train de disparaître.

©Inr

a - Pa

scale

Mollie

r

BIOLOGIE VÉGÉTALE INTÉGRATIVE, BIOTECHNOLOGIES ET BIORESSOURCES

Page 9: VERSAILLES-GRIGNON • FAITS MARQUANTS 2015 · mer sur les marchés auquel participe Louis-Georges Soler, UR Aliss. ... Sylvie Pouteau, UMR IJPB, participe à l’ouvrage « COP 21

7

A u sein d’un génome, les séquences répétées dérivent pour la plu-part des séquences d’ADN mobiles, les éléments transposables dont l’évolution suit un modèle d’amplification-détérioration.

Selon ce modèle, certaines familles d’éléments transposables multi-plient le nombre de leurs copies lesquelles évoluent ensuite à la faveur de mutations et de délétions. Les familles d’éléments transposables sont activées à des moments différents et si les conditions de leur activation/amplification se reproduisent, elles peuvent à nouveau se multiplier. De fait, les séquences d’éléments transposables ancestrales sont conser-vées de façon différentielle dans les génomes modernes descendants.

Leur détection passe par la construction de séquences consensus géné-rées à partir des copies des familles de séquences répétées détectées dans un génome. Plus ces copies sont similaires (et donc jeunes), plus la séquence consensus générée à partir de celles-ci sera informative. À l’inverse, si dans un génome, les copies d’une famille de séquences répétées sont très détériorées, alors la séquence consensus sera de faible qualité et donc peu informative. Les séquences consensus générées à partir du génome d’une espèce peuvent donc être utiles pour détecter des séquences dérivées présentes dans le génome d’une espèce proche.

Des chercheurs de l’Inra et leurs collègues ont généré des séquences consensus à partir de sept espèces de Brassicacées dont A. thaliana afin de construire une librairie représentative des séquences répétées de cette famille de plantes.

Arabidopsis thaliana, des éléments transposables anciensChez A. thaliana, la plupart de séquences répétées sont plus proches de séquences consensus construites à partir des génomes d’autres Brassicacées que de celles construites à partir du génome d’A. thaliana. Cela suggère que ces copies sont relativement vieilles, et que cette approche est utile pour déterminer les époques durant lesquelles se sont déposées différentes strates de séquences répétées dans ce génome. Les copies les plus jeunes sont concentrées dans les régions centromériques et péri-centromériques des chromosomes alors que les séquences plus âgées sont localisées dans les régions péri-centromériques et les bras des chromosomes.

Arabis alpina, des éléments transposables sous contrôle épigénétiqueDans le génome d’A. alpina, l’insertion des éléments transposables s’est prolongée durant plusieurs millions d’années. De façon tout à fait remar-quable, ces insertions ont étendu les régions péri-centromériques, peu favorables à la recombinaison et transformé de grandes régions euchro-matiques en régions centromériques riches en éléments transposables - dans le noyau des cellules, l’ADN est associé à des protéines pour for-mer la chromatine. Élément de base des chromosomes, elle se présente sous deux formes : l’hétérochromatine, structure compacte généralement associée à une répression de l’expression des gènes et l’euchromatine, structure relâchée qui, au contraire, facilite leur expression.

Cette réduction de l’activité des éléments transposables dans ce génome s’accompagne d’un faible niveau de la méthylation de l’ADN - chez les plantes, l’activité des éléments transposables dépend de la structure de l’ADN et notamment de sa compaction. Celle-ci est déterminée par des modifications chimiques de certaines protéines de structure (les his-tones) et bases azotées (méthylation des cytosines). Ces modifications sont qualifiées d’épigénétiques car, si elles sont transmises à la descen-dance, elles n’affectent pas la séquence d’ADN.

Au cours des divisions cellulaires, lors de la réplication de l’ADN, la méthy-lation des cytosines (C) est habituellement recopiée sur le brin d’ADN néoformé. Ici, les chercheurs ont mis en évidence, d’une part, un niveau faible de la méthylation des dinucléotides CG, et donc une absence de méthylation symétrique CG et, d’autre part, des niveaux de méthylation CHG légèrement réduits par rapport à A. thaliana et donc une mainte-nance faible de l’inactivation des éléments transposables. Les reconstruc-tions phylogénétiques des gènes dont la fonction est importante pour la méthylation de l’ADN suggèrent une évolution spécifique des gènes concernant le maintien de la méthylation chez A. alpina.

Cette analyse montre une densité accrue des séquences répétées au sein des génomes modernes aux points de fusion des chromosomes ances-traux ainsi qu’au niveau des anciens centromères. En particulier, l’analyse du chromosome 1 d’A. thaliana révèle des vestiges d’éléments transpo-sables présents autour d’un centromère ancestral. Leur étude permet de caractériser la disparition d’un centromère ancestral.

L’analyse des séquences répétées dans les génomes modernes se révèle être un outil intéressant pour prévoir leur distribution le long des chro-mosomes des génomes ancestraux où l’identification des gènes poten-tiellement régulés par des mécanismes épigénétiques via leur proximité avec des éléments transposables serait alors possible.

❙ En savoir plusWilling E-M. et al. 2015. Genome expansion of Arabis alpina linked with retrotransposition and reduced symmetric DNA methylation. Nat. Plants 1: 14023.Murat F. et al. 2015. Brassicaceae evolution through ancestral genome reconstruction. Genome Biol. 16: 262.

contacts

UR Génomique-Infohttps://urgi.versailles.inra.fr/Florian Maumus, [email protected] Quesneville, [email protected]

Page 10: VERSAILLES-GRIGNON • FAITS MARQUANTS 2015 · mer sur les marchés auquel participe Louis-Georges Soler, UR Aliss. ... Sylvie Pouteau, UMR IJPB, participe à l’ouvrage « COP 21

8

La sexualité des Cucurbitacées dévoiléeComment, sur une même plante, des fleurs mâles et des fleurs femelles parviennent-elles à coexister ? En étudiant le melon et le concombre, des chercheurs de l’Inra révèlent des mécanismes génétiques de détermination du sexe chez les plantes jusque-là inconnus. Ces travaux revêtent un intérêt agronomique important en matière de sélection et de production des plantes cultivées.

©Inr

a - Je

an W

eber

BIOLOGIE VÉGÉTALE INTÉGRATIVE, BIOTECHNOLOGIES ET BIORESSOURCES

Page 11: VERSAILLES-GRIGNON • FAITS MARQUANTS 2015 · mer sur les marchés auquel participe Louis-Georges Soler, UR Aliss. ... Sylvie Pouteau, UMR IJPB, participe à l’ouvrage « COP 21

9

La sexualité des Cucurbitacées dévoilée L a grande majorité des végétaux sont hermaphrodites, c’est-à-

dire que leurs fleurs renferment à la fois des organes mâles et femelles. Cependant, certaines espèces ont des fleurs de sexe

séparé, soit sur la même plante, soit sur des plantes différentes qui sont donc des espèces modèles pour l’étude du déterminisme sexuel chez les plantes. C’est le cas de la famille des Cucurbitacées qui ras-semble entre autre pastèque, melon, concombre, courgette...

Chez le melon et le concombre, la plupart des variétés cultivées sont principalement monoïques (présence de fleurs mâles et de fleurs femelles sur une même plante) ou andromonoïques (fleurs mâles et fleurs hermaphrodites séparément sur une même plante). Plus mino-ritairement, les plantes peuvent également être gynoïques (unique-ment des fleurs femelles) ou hermaphrodites (uniquement des fleurs hermaphrodites).

En 2008, le gène impliqué dans le contrôle de la formation des organes mâles dans les fleurs pistillées (avec un appareil reproducteur femelle) a été identifié chez le melon. L’expression de ce gène CmACS7 inhibe le développement des étamines (appareil reproducteur mâle des fleurs), entraînant ainsi le développement d’une fleur femelle. Lorsque ce gène est muté, alors les fleurs femelles deviennent hermaphrodites. Puis, en 2009, c’est au tour du gène impliqué dans le contrôle de la for-mation des organes femelles d’être mis en évidence chez le melon. Baptisé CmWIP1, son expression inhibe le développement du pistil (appareil reproducteur femelle des fleurs) entraînant alors le déve-loppement d’une fleur mâle. Lorsque ce gène est muté, la gynoécie apparaît chez le melon.

Dans ce modèle génétique, il restait à décrypter la coexistence des fleurs mâles et des fleurs femelles sur une même plante chez les espèces monoïques ? Et à comprendre comment les plantes dioïques parviennent à se développer. C’est ce processus que sont parvenus à décrire les chercheurs de l’Inra. En étudiant le melon et le concombre, ils ont découvert que si le gène CmWIP1 permet l’expression de fleurs mâles dans les tiges principales, le gène CmASC11 inhibe l’expression de CmWIP1 au niveau des ramifications de la plante et y entraîne le déve-loppement de fleurs femelles. Lorsque le gène CmASC11 ne s’exprime pas, on observe alors le développement de fleurs mâles. En déchif-frant le mécanisme génétique qui conduit aux espèces monoïques, ils ont créé des espèces dioïques artificielles ce qui leur a permis de proposer un modèle d’évolution du sexe chez les plantes qui va des espèces hermaphrodites aux dioïques en passant par un stade inter-médiaire des espèces monoïques.

Ces résultats laissent entrevoir des applications agronomiques considé-rables. D’abord en matière de maîtrise de la reproduction des plantes : la production plus importante de plantes femelles (à l’origine de la formation des fruits) permettrait d’améliorer les rendements. Ils per-mettent également d’envisager le contrôle du développement des fleurs chez le melon, mais également chez d’autres espèces.

Ces travaux de transfert sont en cours dans le cadre d’un projet financé par Le Conseil européen de la recherche à la faveur d’une Bourse des-tinée aux chercheurs confirmés (en anglais, Advanced Grant), dans le cadre du projet SEXYPART.

❙ En savoir plusBoualem A. et al. 2015. A cucurbit androecy gene reveals how unisexual flowers develop and dioecy emerges. Science 350: 688.

contact

Institut des Sciences des plantes de Paris-Saclay (CNRS, Inra, Université Évry-Val d'Essonne, Univ. Paris-Diderot Paris 7, Univ. Paris-Sud)http://www.ips2.u-psud.fr/Abdelhafid Bendahmane, [email protected]

Page 12: VERSAILLES-GRIGNON • FAITS MARQUANTS 2015 · mer sur les marchés auquel participe Louis-Georges Soler, UR Aliss. ... Sylvie Pouteau, UMR IJPB, participe à l’ouvrage « COP 21

10

Blé tendre : développement et utilisation d’une population multi-parentale et hautement recombinante pour cartographier des caractères adaptatifs

©Inr

a - W

illiam

Beau

card

et

BIOLOGIE VÉGÉTALE INTÉGRATIVE, BIOTECHNOLOGIES ET BIORESSOURCES

L’analyse d’un ensemble de 1000 lignées hautement recombinantes, extraite d’une population de blé tendre issue du croisement de 60 parents puis d’un brassage génétique pendant 12 générations, a permis d’identifier 26 régions génomiques impliquées dans l’adaptation de cette population dont six associées à la précocité de floraison.

Page 13: VERSAILLES-GRIGNON • FAITS MARQUANTS 2015 · mer sur les marchés auquel participe Louis-Georges Soler, UR Aliss. ... Sylvie Pouteau, UMR IJPB, participe à l’ouvrage « COP 21

11

Blé tendre : développement et utilisation d’une population multi-parentale et hautement recombinante pour cartographier des caractères adaptatifs

L a cartographie génétique reste une voie majeure pour identifier les variations génétiques impliquées dans un caractère d’inté-rêt agronomique, notamment les régions chromosomiques ou

locus impliqués dans la variation des caractères quantitatifs (en anglais Quantitative Trait Loci ou QTLs). Chez les plantes, cette cartographie a été longtemps basée sur des croisements biparentaux. Différents dis-positifs alternatifs ont été développés ces dernières années, soit en connectant différents croisements biparentaux par l’utilisation de géno-types communs (en anglais Nested Association Mapping ou NAM), soit en croisant plusieurs parents dans une même population (en anglais Multi-parent Advanced Generation Inter-Cross ou MAGIC). Ce dernier dispositif, en permettant la ségrégation de plusieurs allèles dans une même population, offre des possibilités de cartographie uniques.

Une population MAGICDes chercheurs de l’Inra et leurs collègues ont développé une popu-lation MAGIC de blé tendre par brassage, pendant 12 générations, de 60 fondateurs - les croisements ont été facilités par l’introduc-tion d’un gène de stérilité mâle. Pendant ces brassages, réalisés au champ, la population s’est adaptée aux conditions environnementales locales. Près de 1000 lignées ont été extraites par autofécondation (en anglais Single Seed Descent ou SSD) de la population recombinante, à fin d’analyses génétiques.

Un ensemble de 400 lignées a été génotypée à l’aide de quelques 6 000 marqueurs (en anglais Single Nucleotide Polymorphisme ou SNP), alors qu’un phénotypage ciblé sur la précocité de floraison était effec-tué (sept conditions climatiques).

Deux méthodes d’estimationLe développement d’une méthode d’estimation a permis de déter-miner les contributions des 60 parents à la population MAGIC initiale. Un second estimateur a permis de détecter les régions génomiques

soumises à sélection, à partir des variations temporelles de fréquences alléliques, et d’estimer les taux de sélection les plus probables. Il a conduit à identifier 26 régions génomiques soumises à sélection pen-dant la phase de brassage génétique. L’analyse des données phéno-typiques par génétique d’association a permis d’associer six de ces régions à des locus de caractères quantitatifs (QTL), contrôlant la pré-cocité de floraison. Enfin, l’analyse de l’association entre les allèles, encore appelée déséquilibre de liaison, a confirmé le haut niveau de brassage génétique de la population.

Vers l’analyse de caractères d’intérêt agronomiqueLa disponibilité de cette population MAGIC permettra d’analyser d’autres caractères d’intérêt agronomique, grâce à des phénoty-pages complémentaires, notamment des caractères d’intérêt pour des conduites agroécologiques. En pratique, les scientifiques étudient actuellement ce matériel original pour cartographier des gènes impli-qués dans l’aptitude à la culture en mélange variétal.

De plus, dans le cadre du projet BreedWheat (ANR) et du métapro-gramme Sélection génomique ou SelGen (Inra), le nombre de mar-queurs SNP a été multiplié par 40, sur l’ensemble des 1000 lignées, ce qui offre des conditions uniques pour faire de la cartographie de précision.

Ces résultats ouvrent plus largement des perspectives sur l’utilisa-tion de populations hautement recombinantes implantées in situ en réseau, pour accélérer la détection puis l’utilisation de QTLs impliqués dans l’adaptation à de nouvelles contraintes biotiques ou abiotiques.

❙ En savoir plusThépot S. et al. 2015: Efficiently Tracking Selection in a Multiparental Population: The Case of Earliness in Wheat. Genetics 199: 609.

contact

UMR Génétique quantitative et évolution-le Moulon (Inra, Univ. Paris-Sud, CNRS, AgroParisTech)http://moulon.inra.fr/Jérôme Enjalbert, [email protected]

Page 14: VERSAILLES-GRIGNON • FAITS MARQUANTS 2015 · mer sur les marchés auquel participe Louis-Georges Soler, UR Aliss. ... Sylvie Pouteau, UMR IJPB, participe à l’ouvrage « COP 21

12

Architecture et composition nucléotidique des gènes codant pour les protéines chez les plantesEntre l’arabette des dames et le riz, la composition en nucléotides des gènes codant pour des protéines est liée au nombre et à la position des parties non codantes.

©Inr

a - Ka

tia Be

lcram

BIOLOGIE VÉGÉTALE INTÉGRATIVE, BIOTECHNOLOGIES ET BIORESSOURCES

Page 15: VERSAILLES-GRIGNON • FAITS MARQUANTS 2015 · mer sur les marchés auquel participe Louis-Georges Soler, UR Aliss. ... Sylvie Pouteau, UMR IJPB, participe à l’ouvrage « COP 21

13

Architecture et composition nucléotidique des gènes codant pour les protéines chez les plantes C hez les eucaryotes, les gènes sont des mosaïques de régions

codantes et non-codantes. La composition nucléotidique des gènes codant pour des protéines varie de façon spectaculaire

en fonction de la position des nucléotides dans des régions codantes ou non-codantes et, au sein des régions codantes, dans le cadre de lecture de la protéine.

De la composition en nucléotides de gènes chez les plantesChez les plantes, on observe ainsi des génomes plutôt riches en adénine (A) et thymine (T) et assez homogènes comme chez l’arabette des dames, Arabidopsis thaliana, et d’autres, plutôt riches en guanine (G) et cytosine (C) et très hétérogènes comme chez le riz, Oryza sativa, où le taux de GC des gènes présente une distribution bimodale. Entre ces deux types de génome, on observe un continuum de la variation des taux de GC des régions codantes que l’on peut décrire comme un syndrome : l’augmentation du taux de GC des régions codantes est associée à une augmentation de la variation du taux de GC entre les gènes d’un même génome et à une augmentation de la variation du taux de GC à l’intérieur des gènes, laquelle décroit de l’extrémité 5’ à l’extrémité 3’.

Chez les plantes, les portions de gènes le plus souvent non codante que sont les introns occupent près d’un quart de l’espace génique et sont présents dans 80 % des gènes en nombre extrêmement vari-able. Leur composition en nucléotides diffère et ils sont régulière-ment associés à des variations de la composition en nucléotides des gènes ou en acides aminés des protéines. Cependant, leur présence dans les gènes n’est généralement pas prise en compte dans les études d’évolution moléculaire, de phylogénomique ou de détection des sig-natures de la sélection.

Pour déterminer s’ils sont impliqués dans les variations des taux de GC observés chez les plantes, les conséquences de leur présence sur la composition en nucléotides des régions codantes, les fréquences d’usage des codons et la composition en acides aminés ont été évaluées chez l’arabette des dames et le riz.

Du rôle des introns dans la composition nucléotidique des gènesDans les deux génomes, la présence d’introns est associée à des varia-tions de la composition en nucléotides des gènes à toutes les échelles d’organisation étudiées.

Au niveau nucléotidique, les régions codantes (exons) sont riches en GC et les régions non codantes (introns) pauvres en GC tandis que les transitions entre les deux types de régions sont brutales. À l’échelle des gènes, le gradient du contenu en GC varie avec le nombre et la posi-tion des introns et le nombre d’introns est lié négativement au taux de GC. Enfin, la grande différence de composition observée entre les deux génomes se concentre essentiellement dans les gènes pauvres en introns ou dans les régions externes des gènes riches en introns (c’est-à-dire dans les exons terminaux des gènes).

Globalement, cette étude suggère que le nombre et la position des introns jouent un rôle important dans la genèse du syndrome observé dans les génomes de plantes, à savoir que l’augmentation du taux de GC est liée à une augmentation de l’hétérogénéité des taux de GC entre les gènes et à une augmentation du gradient de GC le long du gène.

Même si les causes de l’augmentation des taux de GC entre génome de plantes restent méconnues, cette étude suggère qu’une conversion génique biaisée vers les GC agirait aux extrémités des gènes et qu’un autre phénomène, à savoir une sélection stabilisante sur le taux de GC au centre des gènes riches en introns, pourrait exister.

Globalement peu étudiés jusqu’à encore récemment, les introns pourraient également participer à l’évolution de la composition en nucléotides des gènes et l’étude des effets des variations de la struc-ture introns/exons dans des groupes d’espèces proches devrait per-mettre de comprendre à quelle échelle évolutive se produisent les phénomènes qui génèrent les variations de taux de GC observées entre gènes à l’intérieur d’un génome et entre génomes d’espèces différentes.

❙ En savoir plusRessayre A. et al. 2015. Introns structure patterns of variation in nucleotide composition in Arabidopsis thaliana and rice protein-coding genes. Genome Biol. Evol. 7: 2913.

contact

UMR Génétique quantitative et évolution-le Moulon (Inra, Univ. Paris-Sud, CNRS, AgroParisTech) http://moulon.inra.fr/Adrienne Ressayre, [email protected]

Page 16: VERSAILLES-GRIGNON • FAITS MARQUANTS 2015 · mer sur les marchés auquel participe Louis-Georges Soler, UR Aliss. ... Sylvie Pouteau, UMR IJPB, participe à l’ouvrage « COP 21

14

Lignées recombinantes :quand la physique théorique aide à résoudre un problème de génétiqueRessources phares de la cartographie des gènes et de la création variétale, les lignées recombinantes abritent des combinaisons d‘allèles à différentes fréquences. Deux chercheurs, de l’Inra et du CNRS, trouvent la solution d’un problème vieux de plus de 80 ans en déterminant la fréquence de combinaison des allèles au sein de lignées recombinantes quel que soit le nombre de gènes considérés.

©Fo

tolia

BIOLOGIE VÉGÉTALE INTÉGRATIVE, BIOTECHNOLOGIES ET BIORESSOURCES

Page 17: VERSAILLES-GRIGNON • FAITS MARQUANTS 2015 · mer sur les marchés auquel participe Louis-Georges Soler, UR Aliss. ... Sylvie Pouteau, UMR IJPB, participe à l’ouvrage « COP 21

15

Lignées recombinantes :quand la physique théorique aide à résoudre un problème de génétique

1931 l’Exposition coloniale s’ouvre à Paris. En Angleterre, les généticiens John Haldane et Conrad Waddington s’in-

téressent aux lignés recombinantes pures. Ils déterminent la proba-bilité d’obtenir des lignées où les allèles (c’est-à-dire les différentes versions d’un même gène) sont recombinés par rapport à ceux des parents, mais leur calcul se limite aux cas de deux ou trois gènes.Aujourd’hui, les lignées constituent des ressources génétiques large-ment utilisées pour détecter les gènes responsables de caractères agro-nomiques d’intérêt et pour créer de nouvelles variétés végétales. Les mélanges génétiques créés lors de la production de lignées recom-binantes font apparaître des combinaisons d’allèles à différentes fré-quences. Calculées à partir des résultats de J. Haldane et C. Waddington, ces fréquences permettent de déduire quelles régions du génome contribuent aux différents caractères d’intérêt. Cependant, même s’ils sont fréquemment utilisés de manière empirique, les résultats de J. Haldane et C. Waddington ne sont pas valables au-delà de trois gènes. Plus de 80 ans après ces travaux, deux chercheurs réussissent à généraliser cette formule pour n’importe quel nombre de gènes.

D’une paire de dés pour le jeu de craps...Tout particulièrement apprécié des joueurs américains, le craps est un jeu de dés dont le principe général est de miser sur la chance ou la malchance du lanceur de dés. Il se joue avec deux dés à six faces et le score prend en compte le total des points des deux dés.

Classiquement, pour chaque dé, la possibilité d’obtenir chacun des nombres 1 à 6 se réalise avec la même probabilité : un sixième. Imaginons maintenant que les dés soient truqués : cela introduit 12 probabilités inconnues. En mesurant les fréquences des sommes des deux dés obtenus au gré de multiples lancers, on peut reconstituer les 12 probabilités des réalisations de ces dés car il y a autant de quan-tités inconnues que de quantités mesurées.

... à la physique théoriqueOlivier Martin (Inra) et Areejit Samal (CNRS) n’ont pas joué aux dés, encore moins au craps. Par contre, ils ont su exploiter l’astuce qui consiste à trouver les conséquences des probabilités des différentes combinaisons alléliques des lignées recombinantes sur les moyennes d’autres observations. Si ces observations sont assez nombreuses, alors il y a assez d’information pour en déduire les probabilités multi-allé-liques des lignées, tout comme dans l’exemple du craps où les infor-mations sur les sommes permettent de déduire les probabilités de réalisation de chaque dé.

Restait à calculer mathématiquement les moyennes des différentes observations. Pour cela, les chercheurs ont fait appel à des équa-tions de la physique théorique développées par les physiciens Roy Glauber, Julian Schwinger et Freeman Dyson. Ils ont ainsi évalué ces moyennes et abouti finalement à la relation tant attendue qui géné-ralise le résultat de J. Haldane et C. Waddington, quel que soit le nombre de gènes considérés.

Ces résultats constituent une avancée déterminante dans le domaine de la génétique. Plus encore, la démarche mise en œuvre dans ce sujet est susceptible d’être valorisée dans d’autres domaines scientifiques où des solutions mathématiques sont attendues et dans lesquels de nombreuses variables aléatoires corrélées sont impliquées (e.g. géné-tique des populations).

❙ En savoir plusA. Samal and O. C. Martin. 2015. Statistical Physics Methods Provide the Exact Solution to a Long-Standing Problem of Genetics. Phys. Rev. Lett. 114: 238101.

contact

UMR Génétique quantitative et évolution-le Moulon (Inra, Univ. Paris-Sud, CNRS, AgroParisTech)http://moulon.inra.fr/Olivier Martin, [email protected]

Les lignées recombinantes en quelques motsEn biologie végétale, les descendants d’un même parent sont réunis sous le nom de lignées.Elles sont dites pures lorsque tous les individus sont génétiquement identiques et homozygotes (dont les allèles sont identiques sur les chro-mosomes de la même paire) pour tous leurs caractères car obtenus à la faveur d’un processus d’autofécondation. Elles sont dites pures recombinantes (en anglais recombinant inbred lines ou RIL) lorsqu’elles sont obtenues après croisement de deux lignées pures génétiquement différentes en effectuant des croisements des descendants entre eux ou en les croisant en retour avec un des parents (on parle alors de rétrocroisement).

Page 18: VERSAILLES-GRIGNON • FAITS MARQUANTS 2015 · mer sur les marchés auquel participe Louis-Georges Soler, UR Aliss. ... Sylvie Pouteau, UMR IJPB, participe à l’ouvrage « COP 21

16

RTL1, une nouvelle défense antivirale des plantes inhibée par les virusChez les plantes, les infections virales sont à l’origine de pertes importantes. Des chercheurs de l’Inra et du CNRS ont identifié une nouvelle enzyme, RTL1 qui s’attaque spécifiquement aux ARN double-brin et qui est induite en réponse à l’infection virale. Cette ligne de défense antivirale, nouvelle chez les plantes, est cependant inhibée par les virus qui en manipulent à leur avantage les différentes propriétés.

©Inr

a - W

illiam

Beau

card

et

BIOLOGIE VÉGÉTALE INTÉGRATIVE, BIOTECHNOLOGIES ET BIORESSOURCES

Page 19: VERSAILLES-GRIGNON • FAITS MARQUANTS 2015 · mer sur les marchés auquel participe Louis-Georges Soler, UR Aliss. ... Sylvie Pouteau, UMR IJPB, participe à l’ouvrage « COP 21

17

L es infections virales réduisent fortement la production végétale et en comprendre les modalités constitue un enjeu majeur en agronomie. Au cours de la phase de multiplication des virus, la

forme double-brin des ARN viraux est coupée en petits ARN appe-lés siRNA (en anglais, short interfering RNA) par des ribonucléases de type III (ou RNase III) appelées Dicer. Ces petits ARN participent à la défense de la plante par interférence ARN (en anglais, RNA silen-cing), en guidant la coupure de la forme simple-brin des ARN viraux par des ribonucléases de type H (ou RNase H) appelées Argonautes.Les plantes possèdent une autre famille d’enzymes RNase III appe-lées RTL (en anglais, RNase Three-Like) dont les fonctions sont encore peu connues. À la faveur de l’analyse systématique des RNase III RTL de la plante modèle Arabidopsis thaliana, les chercheurs de l’Inra et du CNRS ont mis en évidence, qu’une enzyme de cette famille, RTL1, est induite en réponse à l’infection virale, ce qui laisse supposer que RTL1 joue un rôle dans les interactions plantes-virus.

RTL1, une RNase III antagoniste des RNase III de type DicerPour mieux comprendre la fonction biochimique de la RNase III RTL1, les scientifiques l’ont exprimée de manière constitutive chez A. tha-liana. Ils ont observé que RTL1 empêche la production de siRNAs dans la cellule contrairement aux RNase III de type Dicer qui les produisent. Ils ont montré que RTL1 coupe spécifiquement les ARN double-brin et en particulier les ARN double-brin précurseurs des siRNA avant qu’ils soient coupés par les RNase III de type Dicer.

Rôle de RTL1 dans les interactions plantes-virus, défense ou cheval de Troie ?La capacité de RTL1 à couper tous les ARN double-brin et son induc-tion en réponse à l’infection virale laissaient donc penser que cette enzyme pouvait contribuer à augmenter la résistance des plantes aux virus en s’attaquant à la forme double-brin de l’ARN viral. Pour tester cette hypothèse, les scientifiques ont infecté des plantes sauvages, exprimant faiblement RTL1 et des plantes exprimant RTL1 de manière constitutive. À leur grande surprise, ils ont constaté que la surexpres-sion de RTL1 aggrave les symptômes causés par des virus peu agres-sifs (c’est-à-dire causant naturellement des symptômes faibles), et n’a pas d’effet sur les symptômes provoqués par des virus très agres-sifs. Dans le cas des virus peu agressifs, l’aggravation des symptômes est due au blocage de la production des siRNA d’origine virale, essen-tiels dans la lutte de la plante contre l’infection. Dans le cas des virus très agressifs, l’activité de RTL1 est inhibée par les protéines virales VSR (en anglais, viral suppressor of RNA silencing) connues pour inhi-ber le mécanisme d’interférence ARN.

Ces travaux soulignent donc la multiplicité des ribonucléases ciblant les ARN viraux : la RNase III RTL1 qui détruit les ARN double-brin, les RNase III Dicer qui transforment en siRNA les ARN double-brin qui ont échappé à RTL1, et les RNase H Argonaute qui détruisent les ARN simple-brin complémentaires des siRNA.

Malheureusement pour les plantes, les virus ont développé des stra-tégies pour échapper à ces trois types de ribonucléases. Les virus très agressifs produisent des protéines VSR capables de les inhiber. Les virus peu agressifs se répliquent dans des compartiments sub-cellulaires où ils sont à l’abri de l’action de RTL1, tout en induisant la produc-tion de cette même enzyme afin de limiter la production des siRNA, ce qui réduit l’impact des défenses par interférence ARN.

En inhibant RTL1 ou en induisant l’expression de RTL1 pour la retour-ner contre cet autre mécanisme de défense antiviral qu’est l’interfé-rence ARN, les virus semblent avoir trouvé là un moyen efficace de contourner les défenses de la plante qui ont pour cible l’ARN viral. Ce scénario en cascades dévoile finalement un nouveau niveau de com-plexité dans la lutte que se livrent plantes et virus.

❙ En savoir plusShamandi N. et al. 2015. Plants encode a general siRNA suppressor that is induced and suppressed by viruses. PLoS Biol. 13(12) : e1002326.doi: 10.1371/journal.pbio.1002326.

contact

UMR Institut Jean-Pierre Bourgin (Inra, AgroParisTech, ELR CNRS)http://www-ijpb.versailles.inra.fr/fr/Hervé Vaucheret, [email protected]

Page 20: VERSAILLES-GRIGNON • FAITS MARQUANTS 2015 · mer sur les marchés auquel participe Louis-Georges Soler, UR Aliss. ... Sylvie Pouteau, UMR IJPB, participe à l’ouvrage « COP 21

18

Découverte de nouveaux facteurs intervenant dans la mise en place des tissus vasculaires chez les végétaux Chez les plantes, le transfert latéral entre les tissus vasculaires permet de moduler l’offre et la demande de sucres. Des chercheurs de l’Inra Versailles-Grignon et leurs collègues ont mis en évidence le rôle clé de plusieurs membres de la famille des transporteurs de sucres de type SWEET dans ce processus.

©Inr

a - Ch

risto

phe M

aître

BIOLOGIE VÉGÉTALE INTÉGRATIVE, BIOTECHNOLOGIES ET BIORESSOURCES

Page 21: VERSAILLES-GRIGNON • FAITS MARQUANTS 2015 · mer sur les marchés auquel participe Louis-Georges Soler, UR Aliss. ... Sylvie Pouteau, UMR IJPB, participe à l’ouvrage « COP 21

19

C hez les plantes, les sucres (glucose, fructose ou saccharose) par-ticipent à de nombreux processus biologiques notamment liés à la structure (cellulose) et aux réserves (amidon) de la plante.

Leur transport, que ce soit des organes de production vers ceux de stockage ou à l’intérieur des cellules, est orchestré par de nombreuses protéines. Parmi elles, la famille des transporteurs de sucre de type SWEET comptent 17 membres chez la plante modèle Arabidopsis thaliana, impliqués notamment dans le chargement du phloème. Plusieurs d’entre eux ont été caractérisés : AtSWEET1 est un transpor-teur unidirectionnel de glucose, AtSWEET11 et AtSWEET12 jouent un rôle clé dans le transport du saccharose et le chargement du phloème tandis qu’AtSWEET16 et AtSWEET17 contribuent vraisemblablement à la régulation de la teneur en fructose chez A. thaliana.

La fixation et l’allocation des sucres au sein de la plante sont essen-tielles à son adaptation à l’environnement et à son développement. La régulation fine des échanges intertissulaires et intercellulaires pour les sucres sont également à la base de la mise en place des réserves et de la capacité de production de la biomasse sous forme de composés solubles (saccharose, mannitol...) et des formes séquestrées (polysac-charides pariétaux...). Des échanges dont l’étude est susceptible d’in-téresser de nombreux domaines de la biologie végétale.

AtSWEET11 et AtSWEET12 : mise en place des tissus vasculairesCombinant les ressources de la génétique et de l’observation micros-copique, des chercheurs de l’Inra Versailles-Grignon et leurs collègues ont mis en évidence qu’AtSWEET11 et AtSWEET12 sont exprimées dans les cellules parenchymateuses des tissus vasculaires conduc-teurs de sève brute - xylème et de sève élaborée - phloème chez

A. thaliana. Ces deux protéines transportent, en plus du saccha-rose, le glucose and fructose. Plus encore, les scientifiques ont mon-tré que des plantes mutées pour ces deux transporteurs présentent des défauts dans le développement de leurs tissus vasculaires et des modifications de la composition chimique des parois des cellules du xylème. Les scientifiques ont également démontré que les transpor-teurs de sucre de type SWEET interviennent dans la tolérance à des stress abiotiques tels que la réponse au gel.

AtSWEET11 et AtSWEET12 : de nouvelles perspectivesCes travaux suggèrent qu’AtSWEET11 et AtSWEET12 jouent un rôle déterminant dans l’export des sucres nécessaires à la formation de la paroi cellulaire au cours du développement des tissus vasculaires. Plus largement, cette étude questionne le rôle des sucres dans la mise en place du système vasculaire chez les plantes, essentiel dans la coor-dination des organes et l’adaptation de la plante aux contraintes de l’environnement. Ils illustrent également la complexité des proces-sus à considérer dans la production de biomasse tout en conciliant croissance optimale et tolérance aux stress.

❙ En savoir plusLe Hir R. et al. 2015. Disruption of the Sugar Transporters AtSWEET11 and AtSWEET12 Affects Vascular Development and Freezing Tolerance in Arabidopsis. Mol Plant. 8: 1687.

contacts

UMR Institut Jean-Pierre Bourgin (Inra, AgroParisTech, ELR CNRS)http://www-ijpb.versailles.inra.fr/fr/Rozenn Le Hir, [email protected] Bellini, [email protected]

Arabidopsis thaliana, la reine des laboratoiresTrès prolifique (plusieurs dizaines de milliers de graines par individu), l’arabette des dames, se satisfait de conditions simples de culture qui en facilitent la production en serre. Son cycle de développement est court (8 à 10 semaines de graines à graines). De petite taille (30 cm à l’âge adulte), elle supporte une forte densité de plantation (1000 individus/m2) sans que cela altère son cycle de reproduction.Son génome, séquencé en 2000, est le plus petit génome végétal connu. Il comporte 5 chromosomes constitués de 157 millions de bases et 25498 gènes.A. thaliana a été déclarée organisme modèle en 1998.

Page 22: VERSAILLES-GRIGNON • FAITS MARQUANTS 2015 · mer sur les marchés auquel participe Louis-Georges Soler, UR Aliss. ... Sylvie Pouteau, UMR IJPB, participe à l’ouvrage « COP 21

20

Octopus, un mécanisme original de régulation contrôle la différenciation des tissus vasculaires chez Arabidopsis thaliana Les tissus conducteurs de la sève jouent un rôle majeur dans le développement des plantes et la production de biomasse. La protéine OCTOPUS régule leur différenciation en séquestrant un régulateur clé de la voie des brassinostéroïdes, la protéine BIN2, au niveau de la membrane cellulaire, ce qui l’empêche d’exercer son activité inhibitrice dans le noyau.

©Inr

a - Kl

an He

maty

BIOLOGIE VÉGÉTALE INTÉGRATIVE, BIOTECHNOLOGIES ET BIORESSOURCES

Page 23: VERSAILLES-GRIGNON • FAITS MARQUANTS 2015 · mer sur les marchés auquel participe Louis-Georges Soler, UR Aliss. ... Sylvie Pouteau, UMR IJPB, participe à l’ouvrage « COP 21

21

Octopus, un mécanisme original de régulation contrôle la différenciation des tissus vasculaires chez Arabidopsis thaliana L es tissus vasculaires jouent un rôle important dans la physiologie

et le développement de la plante. Leur mise en place est haute-ment régulée. Au cours du développement, le gène OCTOPUS

intervient très précocement dans la mise en place du patron vasculaire et dans la différenciation du phloème, un tissu conducteur de la sève.Au gré d’une large étude, les chercheurs de l’Inra Versailles-Grignon ont révélé la fonction moléculaire, jusque-là inconnue, de la protéine OCTOPUS (OPS) et décrivent un mécanisme original de régulation.

Quand OCTOPUS active la voie signalisation des brassinostéroïdes,Chez Arabidopsis thaliana, des modifications de l’expression d’OPS (surexpression) se traduisent par un développement chaotique, révé-lateur de perturbations de l’élongation cellulaire. Les chercheurs ont alors exploré le rôle potentiel d’OPS dans la voie de signalisation des brassinosteroïdes, des hormones végétales impliquées notamment dans l’élongation cellulaire et l’organisation des tissus vasculaires.

Les plantes qui surexpriment OPS, accumulent la forme active des fac-teurs de transcription BES1et induisent l’élongation cellulaire indépen-damment de la présence de brassinostéroïdes. Ces résultats suggèrent qu’OPS est impliquée dans la réponse aux brassinosteroïdes au niveau de la voie de signalisation qu’elle active.

... en retenant BIN2 au niveau de la membrane cellulaire,Les chercheurs ont analysé les interactions entre OPS et les gènes des composants de la voie de signalisation des brassinostéroides. Ils ont croisé des plantes mutées pour les gènes du récepteur BRl1 ou du régu-lateur BIN2, de petite taille, avec des plantes qui surexpriment OPS. La surexpression d’OPS restaure l’élongation de la tige embryonnaire et des pétioles des plantules tandis que s’accumule la forme active de BES1. L’action d’OPS se situerait donc, contre toute attente, en aval de BIN2.

Les prouesses de la microscopie confocale ont permis d’établir qu’OPS et BIN2 interagissent au niveau de la membrane plasmique, là où est située OPS mais à un endroit où BIN2 n’était pas jusque-là connue pour agir puisqu’elle est localisée préférentiellement dans le noyau des cellules. En présence d’OPS, BIN2 se délocalise de son site d’ac-tivité suggérant qu’OPS la retient au niveau de la membrane où elle s’accumule et l’empêche ainsi d’exercer son activité inhibitrice dans le noyau cellulaire.

... pour contrôler la différenciation du phloèmeChez A. thaliana, l’absence d’OPS, du fait d’une mutation, s’accom-pagne, dans la racine, de défauts de structure du phloème. Chez ce mutant, l’utilisation d’un inhibiteur de BIN2 ou de facteurs de trans-cription constitutivement actifs, BZR1 ou BES1, supprime ces défauts, suggérant que l’activité de BIN2 joue un rôle sur ces facteurs de trans-cription au cours de la différenciation du phloème. Notons que les gènes BIN2, BZR1 et BES1 sont exprimés dans le phloème.

Ces résultats révèlent l’implication de la voie des brassinostéroïdes dans la différenciation du phloème et mettent à jour le rôle de la protéine OCTOPUS dans ce processus à la faveur d’un mécanisme original de régulation de la protéine BIN2. Ils sont d’autant plus importants que le développement des plantes et la production de biomasse reposent sur la mise en place des tissus vasculaires et la circulation des res-sources via ces tissus.

❙ En savoir plusAnne P. et al. OCTOPUS Negatively Regulates BIN2 to Control Phloem Differentiation in Arabidopsis thaliana. Current Biol. 25: 1.

contacts

UMR Institut Jean-Pierre Bourgin (Inra, AgroParisTech, ELR CNRS)http://www-ijpb.versailles.inra.fr/fr/Jean-Christophe Palauqui, [email protected] Kian Hematy, [email protected]

BIN2, un régulateur clef de la voie des brassinostéroïdesBIN2 est une enzyme de la famille des Glycogen Synthase Kinase 3 qui catalyse des réactions de phosphorylation. En absence de brassinostéroïdes, BIN2 est active, réprimant cette voie par son action sur les facteurs de transcription BES1 et BZR1 qu’elle phosphoryle et dont elle induit la dégradation. En présence de brassinostéroïdes, ceux-ci sont perçus au niveau de la membrane plasmique, par le récepteur BRl1 et le signal est transmis à l’intérieur de la cellule où BIN2 est finalement inhibée. L’accumulation de BES1 et BZR1 sous forme non phosphorylée induit la réponse aux brassinosteroïdes avec, notamment une induction de l’élongation cellulaire.

Page 24: VERSAILLES-GRIGNON • FAITS MARQUANTS 2015 · mer sur les marchés auquel participe Louis-Georges Soler, UR Aliss. ... Sylvie Pouteau, UMR IJPB, participe à l’ouvrage « COP 21

22

Tournesol et colza, des résidus susceptibles d’être convertis en lipides d’intérêtAujourd’hui, la réduction de l’utilisation des produits issus du pétrole conduit à se tourner vers des matières premières issues de la biomasse, telles que les lipides. Tiges de tournesol et pailles de colza se révèlent être de bons substrats pour la croissance bactérienne et la production de lipides d’intérêt pour le secteur de la chimie verte, notamment.

©In

ra - W

illiam

Bea

ucar

det

BIOLOGIE VÉGÉTALE INTÉGRATIVE, BIOTECHNOLOGIES ET BIORESSOURCES

Page 25: VERSAILLES-GRIGNON • FAITS MARQUANTS 2015 · mer sur les marchés auquel participe Louis-Georges Soler, UR Aliss. ... Sylvie Pouteau, UMR IJPB, participe à l’ouvrage « COP 21

23

D ans un contexte économique et écologique où la réduction de l’utilisation des produits issus du pétrole conduit à se tourner vers des matières premières renouvelables, issues de la bio-

masse végétale, les lipides sont des molécules clés pour la produc-tion d’agrocarburants et de produits biosourcés issus de la chimie verte. Leur élaboration par des microorganismes à partir de la bio-masse lignocellulosique est en plein essor. Des chercheurs de l’Inra et leurs collègues ont exploré le potentiel de résidus issus de l’agri-culture pour la production de lipides d’intérêt par une bactérie ligno-cellulolytique, Streptomyces lividans.

Des tiges de tournesol et des pailles de colza...S’intéressant aux tiges de tournesol et aux pailles de colza, jusqu’alors peu explorées, les scientifiques ont mis en évidence que toutes deux présentent un taux moyen de lignines peu élevé (17 %), proche de celui du maïs mais bien moins élevé que celui du bois, tous deux mieux connus des filières de bioconversion. Ces lignines ont la particularité d’être structurellement faciles à convertir en molécules d’intérêt. Tiges de tournesol et pailles de colza renferment, en moyenne, 32 % de cel-lulose et 16 % d’hémicelluloses. Ces caractéristiques hissent d’ores et déjà ces résidus agricoles lignocellulosiques au rang de substrat poten-tiellement intéressant pour les filières de bioconversion.

… pour la production bactérienne d’acides gras originauxConnues pour leur capacité à dégrader les lignocelluloses et à pro-duire des molécules d’intérêt (e.g. antibiotiques, lipides) des bacté-ries du genre Streptomyces, S. lividans, se sont révélées capables de se développer sur les résidus de colza comme de tournesol, affection-nant plus particulièrement la fraction glucidique soluble dans l’eau de ces résidus. Au cours de leur croissance, ces bactéries produisent

des acides gras et cette production peut atteindre 44 % de celle réa-lisée à partir de l’arabinose, un glucide très favorable à la croissance en laboratoire de S. lividans. Parmi ces acides gras, les scientifiques ont identifié des acides gras originaux par leur structure puisqu’ils sont ramifiés ou comportent un nombre impair d’atomes de carbone voire réunissent ces deux caractéristiques. Ils représentent près des ¾ des acides gras produits.

De la parcelle agricole à la fiole de laboratoire, ce travail pionnier révèle l’intérêt des résidus lignocellulosiques d’origine agricole que sont les tiges de tournesol et les pailles de colza pour la croissance de bacté-ries lignocellulolytiques et la production de lipides d’intérêt pour la chimie verte. Plus largement, ce travail ouvre de nouvelles perspec-tives pour la valorisation par voie biotechnologique de coproduits agricoles encore sous-exploités. Il appelle à être poursuivi pour en démonter la faisabilité à plus grande échelle.

❙ En savoir plusDulermo T. et al. Bioconversion of Agricultural Lignocellulosic Residues into Branched- Chain Fatty Acids using Streptomyces lividans. OCL 2016, 23(2) A202.

contacts

Institut Jean-Pierre Bourgin (Inra, AgroParisTech, ELR CNRS)http://www-ijpb.versailles.inra.fr/fr/Marine Froissard, [email protected]éphanie Baumberger, [email protected]

Des lignocelluloses à la biomasse lignocellulosiqueConstitutives de la paroi des cellules végétales, les lignocelluloses sont composées de trois polymères, en proportions variables selon les végétaux : la cellulose (30 à 60 % de la matière sèche) qui est un polymère de glucose, les hémicelluloses (10 à 40 %) constituées de différents glucides (xylose, arabinose, galactose et mannose) et les lignines (5 à 30 %) composées de dérivés phénylpropane. Étroitement associés entre eux, ces polymères forment une matrice rigide, difficile à déstructurer.Les processus de conversion biologique de cette biomasse concernent principalement la cellulose et ses molécules de glucose, lequel est un glucide hautement fermentescible. Ils sont favorisés par une faible teneur en lignines puisque celles-ci, en assurant la stabilité de la structure lignocellulosique, freinent tout le processus. Certains micro-organismes dits lignocellulolytiques, comme Streptomyces lividans, possèdent un équipement enzymatique qui leur permet d’utiliser les lignines. Ils offrent l’avantage de pouvoir convertir l’ensemble des constituants de cette biomasse en limitant l’intensité des pré-traitements.

Page 26: VERSAILLES-GRIGNON • FAITS MARQUANTS 2015 · mer sur les marchés auquel participe Louis-Georges Soler, UR Aliss. ... Sylvie Pouteau, UMR IJPB, participe à l’ouvrage « COP 21

24

Bruche de la féverole : un exemple de signal chimique émis par la plante au service du bio-contrôleÀ la faveur d’études comportementales et physiologiques de la bruche de la féverole, Bruchus rufimanus, les chercheurs de l’Inra Versailles-Grignon ont identifié deux mélanges olfactifs susceptibles d’être utilisés dans le bio-contrôle de cet insecte ravageur.

©Inr

a - Ab

elard

AGROÉCOLOGIE ET GESTION DURABLE DES PRODUCTIONS VÉGÉTALES SUR LES TERRITOIRES

Page 27: VERSAILLES-GRIGNON • FAITS MARQUANTS 2015 · mer sur les marchés auquel participe Louis-Georges Soler, UR Aliss. ... Sylvie Pouteau, UMR IJPB, participe à l’ouvrage « COP 21

25

Bruche de la féverole : un exemple de signal chimique émis par la plante au service du bio-contrôle B ruchus rufimanus, plus communément dénommée bruche de

la fèverole, est un insecte spécifique de cette plante, dont le développement se fait à l’intérieur des graines. La présence

de bruches dans les graines les rend impropres à la commerciali-sation, diminue le taux de germination des semences et présente des risques de ré-infestation des cultures. De fait, la maîtrise de cet insecte ravageur est indispensable pour respecter les critères de qua-lité exigés par le marché. Aujourd’hui, la lutte phytosanitaire a mon-tré ses limites tandis que le contexte global de réduction de l’emploi des pesticides remet en question son utilisation. Proposer des solu-tions de bio-contrôle compatibles avec la durabilité de la production de la féverole constitue donc un enjeu majeur auquel les scientifiques de l’Inra Versailles-Grignon se sont tout particulièrement intéressés.

À la faveur d’études comportementales et physiologiques, les cher-cheurs ont montré que B. rufimanus reconnaît la féverole sur la base de signaux chimiques émis par la plante aux stades fleurs et fruits (gousses). Ils ont également mis en évidence que la capacité de l’in-secte femelle à analyser les substances volatiles présentes dans son environnement est liée à sa physiologie et à celle de la plante : lorsque la plante est au stade fleurs, l’insecte se consacre essentiellement son alimentation, consommant le pollen et les pétales des fleurs et ses ovaires sont peu développés ; lorsque la plante est au stade gousse, l’insecte se consacre à sa reproduction, déposant ses œufs sur les gousses et ses ovaires matures sont prêts à la ponte.

En combinant les informations liées à la perception des composés et à leur indentification - grâce aux techniques d’analyse par chroma-tographie en phase gazeuse couplée à la spectrométrie de masse, les chercheurs ont sélectionné deux mélanges originaux, dont les consti-tuants sont bien perçus par les insectes et sont caractéristiques des stades fleurs et gousses.

L’efficacité attractive de deux formulations a été vérifiée au cours de deux années d’expérimentation au champ.

Ces travaux d’écologie chimique d’un couple insecte- plante cultivée ont permis d’identifier et de formuler deux mélanges, un premier attrac-tif pour les femelles fécondées (attractif Gousse) et un deuxième pour les mâles et les femelles avant la ponte (attractif Fleur). Ces mélanges ouvrent des perspectives intéressantes pour lutter contre la bruche de la féverole sous couvert de techniques de bio-contrôle qui pourraient être basées sur l’attraction ou la perturbation olfactive.

À plus long terme, ces connaissances sont susceptibles d’intéres-ser les généticiens des plantes dans la perspective de produire, par sélection classique ou action sur l’expression de gène de biosyn-thèse des composés organiques volatils, des plantes résistantes à la bruche de la féverole.

Ces travaux et leurs résultats ont donné lieu à un brevet - Reference : DIRV-15-0005 RS B.FREROT ; N. Réf. : BFF 15P0106 ; Rappel / Reminder Extension - FR 15 54037.

❙ En savoir plusBengtsson J.M. et al. 2014. A predicted sex pheromone receptor of codling moth Cydia pomonella detects the plant volatile pear ester. Front. Ecol. Evol. 2: 33.

contact

Institut d’Écologie et des sciences de l’environnement de Paris (Univ. Pierre et Marie Curie - Paris 6, CNRS, Inra, IRD, Univ. Paris-Diderot, Univ. Paris-Est Créteil Val de Marne)http://ieesparis.ufr918.upmc.fr/Brigitte Frérot, [email protected]

La bruche de la féverole à la loupeBruxus rufimanus est un petit coléoptère spécifique de la féverole, appelé communément bruche de la fèverole. La bruche ne présente qu’une génération par an. Elle se développe en culture en consommant les fèves et peuvent se retrouver dans les grains stockés. Au printemps, les adultes quittent les lieux d’hibernation pour coloniser les cultures en fleur. L’adulte pond sur les gousses en formation. Après l’éclosion, la larve pénètre dans la gousse puis dans la graine où elle se développe pour donner un adulte. Celui-ci en sortira à la faveur d’un trou bien rond pour trouver refuge dans les bois ou sous les écorces d’arbre.La maîtrise des populations de la bruche de la féverole est indispensable pour respecter les critères de qualité exigés par le marché : le taux de grains bruchés ne doit pas dépasser 10 % pour un débouché vers l’alimentation animale et seulement 1 à 3 % à destination de l’alimentation humaine.

Page 28: VERSAILLES-GRIGNON • FAITS MARQUANTS 2015 · mer sur les marchés auquel participe Louis-Georges Soler, UR Aliss. ... Sylvie Pouteau, UMR IJPB, participe à l’ouvrage « COP 21

26

Phoma du colza : de la structure cristalline de l’effecteur AvrLm4-7 à sa reconnaissance par les protéines de résistance de la planteLeptosphaeria maculans est un agent pathogène majeur du colza. La structure 3D de la protéine fongique AvrLm4-7 livre des éléments clés à même d’éclairer le rôle de celle-ci dans l’infection de la plante.

©Inr

a - W

illiam

Beau

card

et

AGROÉCOLOGIE ET GESTION DURABLE DES PRODUCTIONS VÉGÉTALES SUR LES TERRITOIRES

Laboratoire de Génétique moléculaire des interactions Leptosphaeria maculans - colza de l’Unité BIOGER, site de Grignon.

Page 29: VERSAILLES-GRIGNON • FAITS MARQUANTS 2015 · mer sur les marchés auquel participe Louis-Georges Soler, UR Aliss. ... Sylvie Pouteau, UMR IJPB, participe à l’ouvrage « COP 21

27

L eptosphaeria maculans, responsable de la nécrose du collet des Brassicacées, est un agent pathogène majeur du colza. Face à une lutte chimique peu efficace, la sélection et l’utilisation de

variétés de colza naturellement résistantes à ce champignon sont lar-gement plébiscitées.

Des chercheurs de l’Inra Versailles-Grignon se sont intéressés aux des protéines que cet agent pathogène sécrète et qui permettent l’infec-tion de la plante. Parmi elles, AvrLm4-7 présente l’originalité d’être responsable d’une double spécificité d’interaction vis-à-vis de deux protéines de résistance, Rlm4 et Rlm7. Rappelons que d’une manière générale, la résistance d’une plante à un agent pathogène donné et la capacité de ce dernier à provoquer une maladie chez cette plante, sont deux paramètres contrôlés par un gène de résistance (R) de la plante et un gène d’avirulence (Avr) de l’agent pathogène. La recon-naissance du produit de ce gène d’avirulence par les variétés de plantes hôtes dotées du gène de résistance correspondant limite le dévelop-pement pathogène du champignon dans la plante et protège cette dernière de la maladie.

Afin de mieux comprendre la fonction et le rôle de cet effecteur lors de l’infection, les scientifiques en ont exploré la structure cristalline.

Des feuillets et une hélice pour une structure originale très repliéeAvrLm4-7 est, comme la plupart des effecteurs fongiques, une petite protéine de 143 acides aminés, riche en cystéines. Sa structure se com-pose de trois feuillets ß et d’une hélice α. Quatre ponts disulfures, formés par huit cystéines, concourent à la stabilité de son extrémité C- terminale et à son très fort repliement. Elle est globalement char-gée positivement. À ce jour, AvrLm4-7 n’a d’équivalent structural ni parmi les effecteurs d’autres champignons pathogènes ni parmi les protéines connues, ce qui rend difficile le décryptage de sa fonction.

Des acides aminés impliqués dans la fonction d’AvrLm4-7Comparant AvrLm4-7 et ses homologues chez des espèces proches de L. maculans, les scientifiques ont mis en évidence que les espace-ments entre cystéines sont bien conservés et qu’un motif de quatre acides aminés, allant des positions 98 à 104 (arginine, tyrosine, argi-nine, acide glutamique ou RYRE), se retrouve systématiquement au niveau de la partie C-terminale de toutes les protéines homologues, à la hauteur du troisième feuillet ß.

Ces résultats confirment le rôle déterminant des cystéines dans la structure d’AvrLm4-7 et suggèrent l’importance fonctionnelle des autres acides aminés et motifs conservés.Ils ont ensuite comparé les différentes versions du gène codant pour AvrLm4-7 dans les populations virulentes ou avirulentes de L. macu-lans collectées sur le terrain afin d’identifier les acides aminés impli-qués dans l’interaction avec les gènes de résistance Rlm4 et Rlm7. Ils ont confirmé le rôle primordial d’un acide aminé en position 120 (glycine), localisé en surface de la protéine, dans la reconnaissance AvrLm4/Rlm4 puisque sa mutation affecte la reconnaissance d’AvrLm4 par Rlm4 sans toutefois altérer celle d’AvrLm7 par Rlm7. Par contre, la reconnaissance par Rlm7 repose sur un mécanisme plus com-plexe : ainsi, des mutations ponctuelles du motif conservé RYRE ou des acides aminés proches de celui impliqué dans la reconnaissance par Rlm4 (glycine en position 120) aboutissent à la perte de la recon-naissance par Rlm7.

Les chercheurs se ont également montré que le passage d’AvrLm4-7 dans les cellules végétales ferait intervenir le motif RYRE et un second motif de quatre acides aminés, situé entre les positions 64 et 67 (argi-nine, alanine, tryptophane, glycine ou RAWG). Proches l’un de l’autre, ils partagent trois arginine (R) et leur proximité au cœur d’une région chargée positivement pourrait être déterminante pour le transport d’AvrLm4-7.

Ces travaux constituent une nouvelle avancée dans un domaine d’ex-ploration aujourd’hui en pleine expansion, les effecteurs fongiques et plus largement dans la lutte contre le phoma.

❙ En savoir plusBlondeau K. et al. 2015. Crystal structure of the effector AvrLm4–7 of Leptosphaeria maculans reveals insights into its translocation into plant cells and recognition by resistance proteins. Plant J. 83: 610.

contact

UMR Biologie et gestion des risques en agriculture (Inra, AgroParisTech) http://www6.versailles-grignon.inra.fr/biogerIsabelle Fudal, [email protected]

Page 30: VERSAILLES-GRIGNON • FAITS MARQUANTS 2015 · mer sur les marchés auquel participe Louis-Georges Soler, UR Aliss. ... Sylvie Pouteau, UMR IJPB, participe à l’ouvrage « COP 21

28

La variabilité des rendements des cultures de légumineuses en Europe et en AmériqueMalgré leur intérêt agronomique, les légumineuses sont nettement moins cultivées en Europe qu’en Amérique. Les chercheurs de l’Inra Versailles-Grignon ont mis en évidence que le rendement des cultures varie plus en Europe qu’en Amérique, contribuant ainsi à identifier les espèces de légumineuses et les régions les plus favorables à leur essor sous nos latitudes.

©Inr

a - Je

an W

eber

AGROÉCOLOGIE ET GESTION DURABLE DES PRODUCTIONS VÉGÉTALES SUR LES TERRITOIRES

Page 31: VERSAILLES-GRIGNON • FAITS MARQUANTS 2015 · mer sur les marchés auquel participe Louis-Georges Soler, UR Aliss. ... Sylvie Pouteau, UMR IJPB, participe à l’ouvrage « COP 21

29

M algré de nombreux atouts agronomique, les légumineuses occupent moins de 2 % des surfaces cultivées en grandes cultures en Europe contre plus de 15 % en Amérique du

Nord et 26 % en Amérique du Sud. Les agriculteurs européens consi-dèrent souvent ces cultures trop risquées du fait, semble-t-il, de leurs rendements plus variables d’une année sur l’autre que ceux d’autres cultures comme les céréales. Les chercheurs de l’Inra ont exploré cette hypothèse en analysant la variabilité interannuelle du rende-ment de légumineuses à graines et de non-légumineuses en Europe et en Amérique, sur une période de 53 ans.

Un peu de méthodologieLes scientifiques ont utilisé les données de rendements et de surfaces de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture. Sur une période allant de 1961 à 2013 et dans chacune des quatre régions d’Europe (de l’Ouest, de l’Est, du Nord et du Sud) et des deux régions d’Amérique (du Nord et du Sud), les cinq cultures de légu-mineuses à graines les plus cultivées en termes de surface (parmi les-quelles arachide, féverole, haricot, lentille, lupin, pois, pois chiche, soja et vesce) ont été comparées aux cinq principales cultures de non-légu-mineuses (parmi lesquelles avoine, blé, colza, maïs, orge, pomme de terre, riz, seigle, sorgho et tournesol). Pour chaque culture, la variabi-lité du rendement d’une année sur l’autre et le risque que le rende-ment soit inférieur à un seuil de perte ont été évalués.

En Europe, les légumineuses ont des rendements plus variables que les non-légumineusesQuels que soient les indicateurs de variabilité et de risque, les cher-cheurs ont mis en évidence que les rendements des légumineuses à graines varient plus que ceux des non-légumineuses en Europe. Ils ont également montré que les niveaux de variabilité diffèrent selon les espèces et les régions, ce qui peut s’expliquer par des bioagres-seurs (ravageurs et adventices), des systèmes de culture ou des pédo-climats différents.

En pratique, alors que le rendement du blé, première céréale culti-vée en termes de surface en Europe, présente la plus faible variabi-lité interannuelle, celui des légumineuses varie systématiquement plus (excepté la féverole en Europe du Sud). Le lupin présente une variabilité cinq à quarante-cinq fois plus élevée que celle du blé dans trois régions européennes sur quatre (Nord, Est et Ouest). En Europe du Sud, le haricot est la légumineuse la plus variable suivi par le soja. À l’inverse, la féverole est l’espèce la plus stable en Europe du Sud et de l’Ouest, le soja en Europe de l’Est et le pois en Europe du Nord.

En Amérique, la variabilité du rendement des légumineuses est plus proche de celle des non-légumineusesEn Amérique, la comparaison entre légumineuses et non-légumi-neuses est plus favorable aux cultures de légumineuses qu’en Europe. En Amérique du Nord, seules trois espèces de légumineuses (lentille, pois et arachide) présentent une variabilité plus élevée que celle du blé, elles ne sont plus que deux en Amérique du Sud (arachide et vesce).

Les chercheurs ont montré que la variabilité du rendement et le risque de perte de rendement du soja sont très similaires à ceux du blé en Amérique du Nord et Sud. Le soja a même une variabilité plus faible que le maïs en Amérique du Nord. Ils ont observé que les espèces qui présentent des niveaux élevés de variabilité ont tendance à être cultivées sur de petites surfaces (par exemple, l’ensemble des légu-mineuses en Europe) alors que les espèces cultivées sur des surfaces plus grandes présentent des niveaux de variabilité moindres (par exemple, le soja en Amérique du Nord et du Sud). Cependant, des espèces cultivées sur de faibles surfaces ne présentent pas systéma-tiquement des niveaux élevés de variabilité, ce qui suggère que la variabilité du rendement est un facteur d’explication parmi d’autres de la surface cultivée d’une espèce à l’échelle de grandes régions.

Cette étude contribue à identifier les espèces de légumineuses à graines et les régions les moins risquées afin de favoriser l’expansion de ces espèces en Europe.

❙ En savoir plusCernay C. et al. 2015. Estimating variability in grain legume yields across Europe and the Americas. Sci. Rep. - 5,11171 doi: 10.1038/srep11171.

contacts

UMR Agronomie (Inra, AgroParisTech)http://www6.versailles-grignon.inra.fr/agronomieElise Pelzer, [email protected] Cernay, [email protected]

Page 32: VERSAILLES-GRIGNON • FAITS MARQUANTS 2015 · mer sur les marchés auquel participe Louis-Georges Soler, UR Aliss. ... Sylvie Pouteau, UMR IJPB, participe à l’ouvrage « COP 21

30

Décomposition de la matière organique des sols, le modèle LBioS Des chercheurs de l’Inra Versailles-Grignon ont analysé le rôle et l’importance des interactions qui prennent place à l’échelle des habitats microbiens dans le devenir du carbone dans les sols à la faveur d’un modèle décrivant l’hétérogénéité des microenvironnements du sol.

©Inr

a - Sé

basti

en Br

euil

AGROÉCOLOGIE ET GESTION DURABLE DES PRODUCTIONS VÉGÉTALES SUR LES TERRITOIRES

Page 33: VERSAILLES-GRIGNON • FAITS MARQUANTS 2015 · mer sur les marchés auquel participe Louis-Georges Soler, UR Aliss. ... Sylvie Pouteau, UMR IJPB, participe à l’ouvrage « COP 21

31

Décomposition de la matière organique des sols, le modèle LBioS L a matière organique du sol - et donc le carbone organique qui

entre dans sa composition - joue un rôle fondamental dans le comportement des sols et des agroécosystèmes qu’ils supportent

et la perte en carbone des sols est une menace à laquelle ils doivent faire face. La prédiction de ces pertes est un enjeu majeur encore mal appréhendé. Disposer de modèles capables de prédire les changements de la teneur en carbone des sols se révèle essentiel.

Les modèles macroscopiques qui décrivent la décomposition de la matière organique du sol selon des compartiments plus ou moins facilement biodégradables, ont montré leurs limites d’autant qu’ils ne prennent pas en compte les régulations biologiques et qu’ils doivent être paramétrés pour chaque contexte agro-pédo-climatique. Ce manque de robustesse, c’est-à-dire ce manque de validité face à des situations externes différentes, peut trouver son origine dans le fait que ces modèles omettent la diversité des microenvironnements dans le sol ainsi que les interactions qui existent à l’échelle des habi-tats microbiens. Ces éléments ont cependant toute leur importance. Dans les sols, la distribution spatiale hétérogène des micro-orga-nismes modifie les quantités dégradées et la distribution de l’eau et de l’air dans l’espace poral influence l’activité des microorganismes et module leur accès aux substrats.

Des chercheurs de l’Inra Versailles-Grignon et leurs collègues ont analysé le rôle et l’importance des interactions qui prennent place à l’échelle des habitats microbiens dans le devenir du carbone dans les sols à la faveur d’un modèle décrivant l’hétérogénéité des microen-vironnements du sol.

LBioS, prendre en compte l’organisation spatiale du milieu poreux à l’échelle des habitats microbiensDans ce contexte, des chercheurs de l’Inra Versailles-Grignon et leurs collègues ont développé le modèle LBioS pour prendre en compte l’or-ganisation spatiale du milieu poreux à l’échelle des habitats microbiens. LBioS repose sur le couplage d’un modèle de transport de solutés basé sur une méthode de dynamique des fluides, encore appelée méthode de Boltzmann sur réseau, et d’un modèle biologique de biodégrada-tion qui prend en compte les régulations microbiennes.

Ils ont ensuite utilisé le modèle pour tester diverses hypothèses concer-nant le rôle de la structure du sol sur la biodégradation. À cet effet, les scientifiques ont réalisé un plan factoriel - c’est-à-dire une suite d’es-sais, dans ce cas virtuels - qui leur a permis de tester toutes les com-binaisons possibles des différents facteurs caractérisant la structure du sol plus un facteur uniquement lié à la physiologie des bactéries. Ce plan factoriel a exploité des images 3D de l’espace poral d’échan-tillons de sol obtenues par tomographie aux rayons X.

De l’influence majeure de la localisation des bactériesLes scientifiques ont ainsi montré que les déterminants liés à la struc-ture du sol expliquent la majorité (80 %) de la variation totale de la concentration en substrat carboné avec une influence majeure de la localisation des bactéries. Celle-ci explique à elle seule 30 % de la variation totale. Cependant, ce sont les interactions entre les déter-minants liés à la géométrie de l’espace poral, l’état de saturation en eau et la localisation des bactéries qui contrôlent majoritairement la concentration du substrat (50 %).

Globalement, ces travaux ont permis de hiérarchiser le rôle et l’im-portance des interactions qui prennent place à l’échelle des habitats microbiens dans le devenir du carbone dans les sols. Le modèle LBioS se révèle être pertinent pour identifier et quantifier les déterminants microscopiques de la structure du sol qui pilotent la biodégradation des substrats carbonés.

contact

UMR Écologie fonctionnelle et écotoxicologie des agroécosystèmes (Inra, AgroParisTech) https://www6.versailles-grignon.inra.fr/ecosysValérie Pot, [email protected]

❙ En savoir plusVogel L.E. et al. 2015. Modeling the effect of soil meso- and macropores topology on the biodegradation of a soluble carbon substrate. Adv. Water Resour. 83:123.

Page 34: VERSAILLES-GRIGNON • FAITS MARQUANTS 2015 · mer sur les marchés auquel participe Louis-Georges Soler, UR Aliss. ... Sylvie Pouteau, UMR IJPB, participe à l’ouvrage « COP 21

32

Propriétés moléculaires des contaminants organiques, des éléments clés pour prédire leur devenir dans l’environnementPrédire le devenir des contaminants organiques dans l’environnement à partir de leurs propriétés moléculaires est un des enjeux des relations « structure - activité » quantitatives ou QSAR. Dans la littérature, 790 équations ont été recensées. Elles utilisent 686 descripteurs moléculaires dont cinq permettent d’expliquer plus particulièrement la variabilité du devenir des contaminants.

©Inr

a - Br

igitte

Cauv

in

AGROÉCOLOGIE ET GESTION DURABLE DES PRODUCTIONS VÉGÉTALES SUR LES TERRITOIRES

Page 35: VERSAILLES-GRIGNON • FAITS MARQUANTS 2015 · mer sur les marchés auquel participe Louis-Georges Soler, UR Aliss. ... Sylvie Pouteau, UMR IJPB, participe à l’ouvrage « COP 21

33

D ans l’environnement, de nombreux contaminants organiques résultant de l’activité humaine sont susceptibles d’être présents. Entre 30 000 et 100 000 molécules seraient concernées dont il

est impossible d’étudier le devenir au cas par cas.

Depuis de nombreuses années, les méthodes de prédiction in silico pré-sentent un intérêt croissant et se développent. Parmi elles, les relations « structure - activité » quantitatives (en anglais : Quantitative structure-activity relationship ou QSAR), basées sur l’hypothèse selon laquelle la structure des molécules est directement responsable de leurs propriétés physiques, chimiques et biologiques, doivent permettre de comprendre et prédire leur activité ou leur comportement dans l’environnement.

Des chercheurs de l’Inra Versailles-Grignon et leurs collègues ont réa-lisé la première synthèse des QSAR permettant de prédire le compor-tement de composés organiques dans l’environnement et ont identifié les propriétés moléculaires les plus discriminantes pour expliquer la variabilité de ce comportement.

Relations « structure - activité » quantitatives, des équationsCette synthèse bibliographique recense 790 équations. Ces équa-tions impliquent 686 descripteurs moléculaires différents, relevant de diverses catégories (i.e. descripteurs constitutionnels, géométriques, topologiques, quantiques...) qui permettent d’estimer 90 paramètres. Ceux-ci décrivent la dissolution dans l’eau et le caractère hydrophobe des molécules (SW et KOW), la dissociation (au travers du pKa), la vola-tilisation (pression de vapeur Pvap, constante de Henry KH...), la sorp-tion dans les sols et les sédiments (coefficients d’adsorption Kd, Koc, Kf...) et le transfert vers les eaux souterraines, la biodégradation et la dégradation abiotique (hydrolyse, photolyse, réactions d’oxydo-réduc-tion...) dans les sols, l’eau et l’air (donc les risques de persistance dans ces milieux) et l’absorption par les plantes.

Une grande partie des équations concerne la dissociation (18 %), le caractère hydrophobe (KOW : 14 %), la solubilité dans l’eau (SW : 8 %), l’adsorption dans les sols (13 %) et la biodégradation (10 %).

Seules 177 équations (22 %) ont été développées pour des pesticides. Aucune QSAR n’a été développée pour prédire leur dissociation, volati-lisation, adsorption dans les sédiments, photolyse, photodégradation et oxydation dans l’atmosphère, et dégradation sur la surface foliaire des végétaux. Il existe également très peu de QSAR pour prédire la désorp-tion ou le potentiel de transfert vers les eaux souterraines des composés organiques. Aucune QSAR ne s’attache au potentiel de transfert vers les eaux de surface ou la formation des « résidus liés ».

et des descripteurs moléculaires pour prédire le devenir des composés organiques dans l’environnementParmi les 686 descripteurs moléculaires utilisés dans les équations recensées, cinq prédominent : un descripteur constitutionnel (la masse molaire MW) et quatre descripteurs quantiques (le moment dipolaire µ, la polarisabilité α et les énergies des orbitales EHOMO et ELUMO). Notons que la combinaison de descripteurs appartenant à différentes catégories (constitutionnel, géométrique, quantique...) améliore la performance des QSAR car elle permet de considérer simultanément différentes représentations et caractéristiques des molécules.

Ces cinq descripteurs, des plus génériques, pourraient expliquer plus particulièrement la variabilité du devenir des composés organiques dans l’environnement et le développement de futures QSAR devra prendre en compte ces descripteurs.

Alors que l’utilisation des QSAR pour l’évaluation des risques au niveau règlementaire se généralise de plus en plus, ce travail aidera à identifier les équations les plus pertinentes pour prédire le comportement des composés organiques et de leurs métabolites dans l’environnement.

❙ En savoir plusMamy L. et al. 2015. Prediction of the fate of organic compounds in the environment from their molecular properties: A review. Crit. Rev. Env. Sci. Technol. 45: 1277.

contact

UMR Écologie fonctionnelle et écotoxicologie des agroécosystèmes (Inra, AgroParisTech)https://www6.versailles-grignon.inra.fr/ecosys Laure Mamy, [email protected]

Page 36: VERSAILLES-GRIGNON • FAITS MARQUANTS 2015 · mer sur les marchés auquel participe Louis-Georges Soler, UR Aliss. ... Sylvie Pouteau, UMR IJPB, participe à l’ouvrage « COP 21

34

Intérêt des vers de terredans la lutte contre une maladie du blé, le piétin-verse Dans le sol, les relations entre organismes sont susceptibles d’influencer le développement de maladies provoquées par les agents pathogènes telluriques. Des chercheurs de l’Inra et leurs collègues ont ainsi montré que la présence de vers de terre permet de réduire l’incidence d’une maladie fongique, le piétin verse, sur le blé.

©Inr

a - Sé

basti

en Br

euil

AGROÉCOLOGIE ET GESTION DURABLE DES PRODUCTIONS VÉGÉTALES SUR LES TERRITOIRES

Page 37: VERSAILLES-GRIGNON • FAITS MARQUANTS 2015 · mer sur les marchés auquel participe Louis-Georges Soler, UR Aliss. ... Sylvie Pouteau, UMR IJPB, participe à l’ouvrage « COP 21

35

L a recherche d’une agriculture limitant le recours aux intrants chimiques nécessite de mobiliser au mieux les régulations biolo-giques qui existent dans le milieu cultivé, afin de limiter la pression

des ravageurs des cultures. Dans le sol, certains champignons qui pro-voquent des maladies des plantes sont ainsi en relation avec d’autres organismes, qu’il s’agisse d’organismes microscopiques ou d’orga-nismes de plus grande taille comme les vers de terre.

Les vers de terre suscitent beaucoup d’intérêt chez les spécialistes du sol qui s’intéressent aux milieux cultivés. Leur présence a, en général, un effet favorable sur la croissance des plantes. En creusant des gale-ries, ils améliorent la porosité du sol et favorisent l’enracinement des plantes. En se nourrissant, ils participent également à la dégradation des matières organiques qui apporte de l’azote aux plantes.

Dans la perspective de développer des méthodes de lutte biologique, l’utilisation d’organismes tels que les vers de terre, représente une stra-tégie alternative potentielle pour lutter contre le piétin-verse, une des principales maladies fongiques du blé d’hiver, à l’origine de pertes de rendement parfois importantes.

De l’intérêt de Lumbricus terrestris sur l’incidence du piétin verseÀ la faveur d’une étude expérimentale conduite en serre, des chercheurs de l’Inra et leurs collègues ont analysé la réponse de deux variétés de blé tendre d’hiver à la présence du champignon pathogène respon-sable, Oculimacula yallundae et de vers de terre de l’espèce anécique Lumbricus terrestris.

Ils ont ainsi mis en évidence que la présence de L. terrestris a un effet négatif sur la maladie fongique, dont elle permet de réduire l’incidence. La fréquence et la sévérité des nécroses diminuent de moitié pour les blés de la variété de blé Soissons, plutôt sensible au piétin-verse et des deux-tiers pour la variété Aubusson, plutôt résistante à la maladie. Ces résultats suggèrent que L. terrestris agit soit directement sur le cham-pignon pathogène, en favorisant sa destruction soit indirectement en augmentant la résistance des plantes à l’infection.

De l’impact de Lumbricus terrestris sur le fonctionnement de la planteLes scientifiques ont également noté que la présence de L.terrestris n’a pas d’effet sur la biomasse des plants de blé affectés par le cham-pignon. Par contre, elle modifie la répartition des ressources dans la plante, favorisant la présence de carbone et d’azote dans la tige princi-pale et l’épi. Ces résultats sont indépendants de la présence du cham-pignon pathogène et suggèrent plus largement que la présence des vers de terre modifie le fonctionnement de la plante.

Si cette étude a d’ores et déjà mis en évidence l’intérêt potentiel des vers de terre pour le biocontrôle du piétin-verse, il faut maintenant en préciser les déterminants et mécanismes et envisager l’intégration de cet effet dans des stratégies de protection des cultures au champ.

❙ En savoir plusBertrand M. et al. 2015. Biocontrol of eyespot disease on two winter wheat cultivars by an anecic earthworm (Lumbricus terrestris). Appl. Soil Ecol. 96: 33.

contact

UMR Agronomie (Inra, AgroParisTech) http://www6.versailles-grignon.inra.fr/agronomieMichel Bertrand, [email protected]

Les vers de terreHabitants bien connus de nos sols, les vers de terre comptent de nombreuses espèces qui se répartissent dans les différentes couches du sol :• anéciques, ils fréquentent les profondeurs du sol. Ils creusent des galeries verticales qui leur permettent de monter consommer la matière organique présente à la surface du sol. De grande taille, ils sont de couleur rouge, brun ou noirâtre comme Lumbricus terrestris, Aporrectodea giardi ou A. longa ;• endogés, ils vivent dans le sol au sein duquel ils creusent des galeries horizontales et dont ils consomment la matière organique. Rose, gris ou verts mais globalement peu colorés, ils sont de petite taille tels A. caliginosa, A. icterica, Octolasium cyaneum ou Allolobophora c. chlorotica typica ;• épigés, ils consomment le matelas de feuilles mortes et de débris végétaux qui se dépose à la surface des sols des forêts et prairies. De petite taille, ils arborent une couleur rouge-bordeaux soutenue et se nomment Eisenia fetida, L castaneus, L. rubellus ou encore Satchellius mammalis.

Page 38: VERSAILLES-GRIGNON • FAITS MARQUANTS 2015 · mer sur les marchés auquel participe Louis-Georges Soler, UR Aliss. ... Sylvie Pouteau, UMR IJPB, participe à l’ouvrage « COP 21

36

Impact des traitements phytosanitaires en arboriculture fruitière sur la diversité des insectesDes chercheurs de l’Inra ont exploré l’impact des traitements phytosanitaires sur la diversité des Coléoptères de la famille des Carabides, au cœur de vergers de pommiers. Leurs travaux révèlent qu’une moindre utilisation de pesticides de synthèse aboutit à une augmentation de la biodiversité dans les vergers, tant structurelle que fonctionnelle.

©Inr

a - Je

an-Lu

c Rog

er

AGROÉCOLOGIE ET GESTION DURABLE DES PRODUCTIONS VÉGÉTALES SUR LES TERRITOIRES

Page 39: VERSAILLES-GRIGNON • FAITS MARQUANTS 2015 · mer sur les marchés auquel participe Louis-Georges Soler, UR Aliss. ... Sylvie Pouteau, UMR IJPB, participe à l’ouvrage « COP 21

37

Impact des traitements phytosanitaires en arboriculture fruitière sur la diversité des insectes D ans mon verger, il y a... toute une faune associée aux sols et

à laquelle se sont intéressés des chercheurs de l’Inra. Ils ont évalué l’impact de trois modalités de conduite agronomique en

arboriculture fruitière - conduite conventionnelle, production fruitière intégrée et culture biologique - sur la diversité structurelle et fonctionnelle de la famille des Carabides dans des vergers de pommiers à destination commerciale situés dans la région d’Avignon.

Particulièrement abondants dans les milieux agricoles où leur rôle d’auxiliaire de cultures est reconnu, les Carabides sont susceptibles d’être affectés par les traitements phytosanitaires même s’ils n’en sont pas directement la cible. Les scientifiques les ont collectés au gré des saisons - au printemps, lorsque les traitements débutent ; en été, lorsqu’ils sont à leur maximum et en automne, deux mois après leur arrêt - pour en étudier la diversité en fonction des pesticides apportés. Ils ont ainsi récolté et identifié pas moins de 1073 individus appartenant à 46 espèces différentes.

Vergers en bio, pas si diversifiés structurellementLes chercheurs ont tout d’abord mis en évidence que le nombre d’espèces de Carabides dépendait de la saison plutôt que de la modalité de conduite agronomique. Au printemps, vergers intégrés et biologiques abritaient en moyenne plus de deux espèces par point de prélèvement alors qu’en automne, modalités conventionnelles et biologiques en comptaient moins d’une par point de prélèvement. De façon surprenante, les parcelles conduites en agriculture biologique n’étaient pas les plus diversifiées. Si aucun pesticide de synthèse n’est employé dans ces systèmes, des traitements phytosanitaires variés, de nature organiques ou physiques susceptibles d’affecter les organismes vivants, sont mis en œuvre.

Vergers bio, une plus grande diversité morphologique des CarabidesLes chercheurs se sont ensuite penchés sur les caractères morphologiques des Carabides : stature, aptitude à se déplacer ou à se nourrir. Ils ont évalué poids, longueur, largeur et autres mesures des pattes, des ailes ou encore des mandibules, dans tous les sens ou presque sur une centaine d’animaux des espèces majoritaires des Carabides récoltés.

Ce travail leur a permis de montrer que la majorité des caractères morphologiques variaient en fonction des saisons. Toutefois, deux caractères étaient modifiés en fonction du système de culture :

• le rapport entre la largeur et la longueur du fémur était plus bas dans les vergers conventionnels, donnant à supposer que les insectes y marchaient moins qu’ils n’y volaient;

• le rapport entre la hauteur des mandibules et la longueur du corps était plus élevé dans les vergers biologiques, suggérant un régime alimentaire diversifié vers la consommation de graines.

Enfin, les caractères liés au déplacement des insectes, portés par les pattes et les ailes, étaient influencés par l’interaction entre la conduite de la culture et la saisonnalité des traitements phytosanitaires.

Les chercheurs ont aussi révélé que la diversité de leur alimentation dépendait uniquement du système de culture, faisant ainsi écho aux caractères morphologiques observés. Au contraire, leur habitat préférentiel variait selon les saisons, les systèmes de culture et aussi l’interaction de ces deux facteurs.

De manière innovante, ce travail établit que la pression phytosanitaire diminue la diversité structurelle et fonctionnelle de certaines espèces et plus largement la variabilité de leur réponse. Éclairant d’un jour nouveau la question de l’impact des produits phytosanitaires sur la biodiversité, il souligne l’importance de prendre en compte les caractères morphologiques et écologiques des individus et d’étendre l’étude dans le temps.

❙ En savoir plusHedde M. et al. 2015. Orchard management influences both functional and taxonomic ground beetle (Coleoptera, arabidae) diversity in South-East France. Appl. Soil Ecol. 88: 26.

contact

UMR Écologie fonctionnelle et écotoxicologie des agroécosystèmes (Inra, AgroParisTech)https://www6.versailles-grignon.inra.fr/ecosysMickaël Hedde, [email protected]

Page 40: VERSAILLES-GRIGNON • FAITS MARQUANTS 2015 · mer sur les marchés auquel participe Louis-Georges Soler, UR Aliss. ... Sylvie Pouteau, UMR IJPB, participe à l’ouvrage « COP 21

38

Valeur de la durabilité sur le marché : une approche expérimentaleFavoriser un mode de développement plus durable des pays industrialisés pourrait s’appuyer sur le marché avec un renforcement de la responsabilité sociale des entreprises vis-à-vis des consommateurs et des investisseurs. Cette valorisation de la durabilité sur le marché est possible et celui-ci peut ainsi être utilisé par les politiques publiques.

©Inr

a - Ch

risto

phe M

aître

ÉCONOMIE ET SOCIOLOGIE DE L’AGRICULTURE ET DE L’ALIMENTATION

Page 41: VERSAILLES-GRIGNON • FAITS MARQUANTS 2015 · mer sur les marchés auquel participe Louis-Georges Soler, UR Aliss. ... Sylvie Pouteau, UMR IJPB, participe à l’ouvrage « COP 21

39

Valeur de la durabilité sur le marché : une approche expérimentale L e fort développement économique observé ces dernières décen-

nies s’est fait au détriment des dimensions environnementales et sociales. L’objectif aujourd’hui est de concourir au développe-

ment durable de la société au niveau mondial. L’action des politiques publiques comme celle des acteurs économiques, i.e. consommateurs, entreprises et investisseurs, peuvent aider à y parvenir.

Utilisant la méthode de l’économie expérimentale, des chercheurs ont déterminé si la valorisation de la durabilité peut passer par le marché et de quelle manière. Ils ont analysé les conditions sous lesquelles les marchés peuvent favoriser l’adoption de comportements socialement responsables par les entreprises.

Marchés des biens à la consommation et marchés financiersSur les marchés des biens finaux, les scientifiques ont identifié deux limites principales à la responsabilité sociale des entreprises.

Les contraintes budgétaires et les préférences sociales des consomma-teurs limitent leur disposition à payer plus pour consommer équitable. À l’aide d’une expérience d’enchère pour des chocolats équitables et conventionnels, nous avons examiné la possibilité d’utiliser d’éventuels effets de pression sociale pour augmenter cette disposition à payer. Les résultats suggèrent qu’être exposés au regard des autres pendant la décision d’achat, ou apprendre que les autres sont prêts à payer plus pour l’équitable, a peu d’effet sur sa propre disposition à payer.

Il y a, par ailleurs, un manque d’information des consommateurs sur les efforts des entreprises en matière de responsabilité sociale. Le développement de la demande et de l’offre de responsabilité sociale n’est possible que s’il existe un système de certification et labellisa-tion par une tierce-partie qui contrôle précisément les efforts de res-ponsabilité sociale des entreprises. Un cadre institutionnel dans lequel

les entreprises pourraient, sans contrôle par un tiers, s’afficher comme socialement responsables ne favorise pas le développement d’entre-prises socialement responsables sur le marché. Au contraire, la mul-tiplication d’allégations non contrôlées tend à générer des effets de halo, c’est-à-dire que les consommateurs tendent à payer plus pour un produit dont le caractère durable n’est pas crédible. Ce der-nier résultat est observé même lorsque les entreprises encourent le risque d’être détectées comme utilisant des allégations trompeuses. Sans régulation stricte de l’information au consommateur, les entre-prises les moins responsables sont incitées à faire du greenwashing.

Sur le marché « financier », si les investisseurs sont prêts à plus finan-cer une entreprise responsable socialement ou moins financer une entreprise qui ne l’est pas, l’offre de produits plus durables peut s’avé-rer plus rentable financièrement. Les résultats d’une expérience réa-lisée avec de vrais investisseurs en capital exerçant ce métier dans la vie courante, montrent clairement qu’ils paient légèrement plus pour une entreprise responsable socialement mais surtout paient moins pour une entreprise qui ne l’est pas. Les investisseurs utilisent le fait que l’entreprise n’est pas responsable socialement comme un moyen de négociation.

Valoriser la durabilité par le marchéCes travaux montrent que la durabilité peut effectivement être valo-risée par le marché avec des entreprises incitées à être responsables socialement de par leurs interactions avec les consommateurs mais aussi de par leurs interactions avec les investisseurs. Ils révèlent que le marché n’est pas une entrave à l’atteinte des objectifs de dévelop-pement durable et que les dynamiques de marché peuvent favoriser les efforts de responsabilité sociale des entreprises, à condition que l’information à l’intention des investisseurs et des consommateurs soit correctement régulée.

❙ En savoir plusEtilé F. and S. Teyssier. 2016. Signaling Corporate Social Responsibility: Third-Party Certification vs. Brands. Scand. J. Econ. 118: 397.

contacts

UR Alimentation et sciences sociales http://www6.versailles-grignon.inra.fr/alissFabrice Etilé, [email protected]

Laboratoire d’Économie appliquée de Grenoble (CNRS, Inra, Univ. Grenoble-Alpes, Grenoble INP) Sabrina Teyssier, [email protected]

Page 42: VERSAILLES-GRIGNON • FAITS MARQUANTS 2015 · mer sur les marchés auquel participe Louis-Georges Soler, UR Aliss. ... Sylvie Pouteau, UMR IJPB, participe à l’ouvrage « COP 21

40

Le bilan mitigé de la réforme de la Politique agricole communeLa réforme de la Politique agricole commune adoptée en 2014 peut être considérée comme un semi-échec. La version qu’en a déclinée la France, dans sa mise en œuvre nationale se situe sur une voie moyenne par rapport aux autres pays, la politique restant limitée à un soutien largement indifférencié des revenus.

©Inr

a - W

illiam

Beau

card

et

ÉCONOMIE ET SOCIOLOGIE DE L’AGRICULTURE ET DE L’ALIMENTATION

Page 43: VERSAILLES-GRIGNON • FAITS MARQUANTS 2015 · mer sur les marchés auquel participe Louis-Georges Soler, UR Aliss. ... Sylvie Pouteau, UMR IJPB, participe à l’ouvrage « COP 21

41

Le bilan mitigé de la réforme de la Politique agricole commune L a réforme de la Politique agricole commune (PAC) adoptée en

2014 a été un processus politique complexe dans un nouveau cadre institutionnel européen. Si au final elle présente des inno-

vations et laisse une grande flexibilité aux États membres, elle peut être considérée comme un semi-échec tant elle perpétue le statu quo, les gouvernements de l’Union européenne n’ayant pas réussi à s’en-tendre sur des objectifs à long terme pour leur politique agricole. Si l’intervention du Conseil (ministres des États membres) et du comité de l’agriculture du Parlement européen ont édulcoré les principales dispositions novatrices proposées par la Commission, la réforme, aussi insatisfaisante soit-elle, évite néanmoins un retour en arrière vers des instruments inefficaces, proposés par plusieurs groupes de pression.

De la déclinaison nationale de la PACLa traduction nationale de cette réforme par la France a conduit à réorienter des aides vers l’élevage, les jeunes agriculteurs et les plus petites exploitations, mais la politique menée reste largement limi-tée à une distribution d’un soutien aux revenus, malgré des ambi-tions affichées en termes d’agroécologie.

Plusieurs travaux menés à l’Inra ont conduit à une analyse approfon-die des résultats de cette réforme et à des recommandations pour les pouvoirs publics français, en particulier dans le cadre du Conseil d’analyse économique du premier ministre. Le diagnostic est sévère quant à l’efficacité des aides actuelles, qui ont nombre d’effets per-vers et ne parviennent pas à enrayer la dégradation du capital naturel, dégradation qui nuit à plus long terme à la résilience et la compéti-tivité de l’agriculture française.

Préparer les évolutions de la PAC après 2020Soulignons que le travail collectif de réflexion sur la PAC qui a été mis en place autour de l’ouvrage « The Political Economy of the 2014-2020 Common Agricultural Policy » prend la forme plus pérenne d’une struc-ture de réflexion coordonnée par l’Institut Von Thünen à Brunswick (DE). L’Inra, sous les traits de l’UMR Économie publique, y participe afin de préparer les futures évolutions de la PAC après 2020.

contact

UMR Économie publique (Inra, AgroParisTech)http://www6.versailles-grignon.inra.fr/economie_publiqueJean-Christophe Bureau, [email protected]

The Political Economy of the 2014-2020 Common Agricultural PolicyD’après les auteurs de l’ouvrage collectif The Political Economy of the 2014-2020 CAP publié par le Center for European Policy Studies (CEPS), la récente réforme de la Politique agricole commune n’a pas produit des changements d’une grande ampleur. La plupart d’entre eux se disent d’ailleurs déçus par la réforme - il en résulterait une PAC plus juste, mais pas plus simple et pas nécessairement plus verte, tandis qu’ils s’accordent sur le niveau inédit de flexibilité accordé aux États membres dans cette réforme pour la mise en œuvre de la PAC. Parmi eux, Jean-Christophe Bureau, UMR Économie publique (Inra, AgroParisTech) et Louis-Pascal Mahé (AgroCampusOuest) reconnaissent les avantages de cette flexibilité, qui permet notamment une adaptation au contexte de chaque pays. En revanche, cela ouvre la voie à une application, dans certains pays, contraire aux objectifs généraux. Une telle fragmentation des politiques interroge sur les risques pour le marché unique.

The Political Economy of the 2014-2020 Common Agricultural Policy: An Imperfect Storm. Johan F.M. Swinnen (Editeur). Publication : Centre for European Policy Studies, Bruxelles (BE), 30 juillet 2015, 596 pages. ISBN-13: 978-1783484843.

Page 44: VERSAILLES-GRIGNON • FAITS MARQUANTS 2015 · mer sur les marchés auquel participe Louis-Georges Soler, UR Aliss. ... Sylvie Pouteau, UMR IJPB, participe à l’ouvrage « COP 21

42

Valorisation des produits résiduaires organiques par l’agriculture : évaluation économique de l’azote pour l’Île-de-FranceLes produits résiduaires organiques sont une ressource potentielle pour l’agriculture. En combinant trois outils de modélisation, des chercheurs de l’Inra Versailles-Grignon en ont estimé la valeur en azote pour l’agriculture de l’Île-de-France.

©Inr

a - W

illiam

Beau

card

et

ÉCONOMIE ET SOCIOLOGIE DE L’AGRICULTURE ET DE L’ALIMENTATION

Page 45: VERSAILLES-GRIGNON • FAITS MARQUANTS 2015 · mer sur les marchés auquel participe Louis-Georges Soler, UR Aliss. ... Sylvie Pouteau, UMR IJPB, participe à l’ouvrage « COP 21

43

Valorisation des produits résiduaires organiques par l’agriculture : évaluation économique de l’azote pour l’Île-de-France

Q uelques 330 millions de tonnes de produits résiduaires orga-niques (PRO), provenant de l’activité agricole, des collectivités et des industries, sont recyclés chaque année en agriculture. En

tenant compte des effets de long terme des apports de matière orga-nique (MO) dans les sols, les gains pour l’agriculture sont significatifs et cette option de retraitement est donc potentiellement intéressante pour les opérateurs en charge du recyclage des PRO et pour les exploi-tations agricoles.

Des chercheurs de l’Inra se sont plus particulièrement intéressés à la valeur de l’azote des PRO pour l’agriculture francilienne.

Trois modèles et trois niveaux L’analyse économique réalisée dans le cadre de cette étude a mobi-lisé trois modèles :

• AROPAj, modèle technico-économique d’optimisation statique mono-périodique de l’offre agricole européenne. Initialement conçu pour éva-luer les effets des réformes de la Politique agricole commune, AROPAj s’oriente progressivement vers les relations entre l’agriculture et l’envi-ronnement, les politiques agro-environnementales, et l’évaluation des incitations à l’atténuation et l’adaptation au changement climatique ;

• STICS, modèle de fonctionnement des cultures. STICS modélise, à l’échelle de la parcelle, le développement d’une culture, voire de cultures associées ou d’une succession culturale, en fonction de tous les para-mètres agronomiques : climat, sol, et pratiques agricoles ;

• CarboPRO, modèle permettant d’estimer l’évolution du stock de car-bone organique dans les sols suite à l’apport répété de différents types de PRO ainsi que certaines propriétés physiques du sol qui en découlent : stabilité de la structure, capacité d’échange cationique et capacité de rétention en eau ;

afin de calculer l’apport de long terme de l’épandage régulier de MO sous forme d’azote disponible pour les cultures. Notons que l’associa-tion STICS-AROPAj a été développée en intégrant les effets de long terme de l’apport de MO.

Le calcul économique a été réalisé sous forme d’une optimisation à trois niveaux :• la parcelle, dédiée à différentes cultures, avec pour chacune d’entre elles l’optimisation de la relation intrant azoté - rendement ; • l’exploitation agricole, les terres étant allouées aux différentes cultures afin de maximiser la marge brute globale au niveau de chaque exploitation-type ; • la région agricole, en optimisant la répartition des PRO parmi les dif-férentes exploitations.

Il a été conduit en paramétrant les quantités de PRO disponibles à l’échelle de la région Île-de-France, sous deux formes : boue de station d’épura-tion, compost de déchets verts mélangé à des boues.

Des gains économiques et environnementauxCette analyse a mis en évidence que les gains pour l’agriculture pro-viennent essentiellement de la substitution des amendements minéraux par les PRO (disponibles à coût nul pour l’agriculteur). À l’échelle de la région, en mobilisant la totalité des PRO disponibles, le gain moyen serait de 39 €/ha. La valeur marginale de l’unité de PRO, c’est-à-dire la valeur ajoutée par la dernière unité de ce PRO, mise à disposition de l’agricul-ture régionale varie de 7 € à 1,5 € par tonne de matière brute selon les PRO, quand la disponibilité en PRO varie de 0 à 100 %.

Dans le cas d’un partage optimal des PRO entre les systèmes agricoles à l’échelle de la région, la demande en engrais minéral diminue de 18 %, ce qui conduit à une réduction de 8,7 % des émissions de protoxyde d’azote (N2O) agricoles. Au gain privé s’ajoute ainsi une externalité posi-tive correspondant à une réduction nette des émissions directes de gaz à effet de serre par l’agriculture. Cette réduction n’est significativement positive que si l’on tient compte des effets de long terme des amende-ments de PRO (i.e. apport régulier pendant 10 ans).

Compte tenu du caractère générique du modèle AROPAj et de la méthode de calcul retenue, les évaluations produites ici peuvent être étendues aux autres régions françaises et à une partie des pays de l’Union européenne.

❙ En savoir plusJayet P.A. and Petel E. 2015. Economic valuation of the nitrogen content of urban organic residue by the agricultural sector. Ecol. Econ. 120: 272

contact

UMR Économie publique (Inra, AgroParisTech)http://www6.versailles-grignon.inra.fr/economie_publiquePierre-Alain Jayet, [email protected] Petel, [email protected]

Page 46: VERSAILLES-GRIGNON • FAITS MARQUANTS 2015 · mer sur les marchés auquel participe Louis-Georges Soler, UR Aliss. ... Sylvie Pouteau, UMR IJPB, participe à l’ouvrage « COP 21

44

Effets de l’intensité agricole et de sa distribution spatiale sur la biodiversité des oiseaux agricolesConcilier biodiversité et agriculture grâce à des mesures agro-environnementales est au cœur de nombreux débats. L’effet de l’intensité agricole sur la biodiversité des communautés d’oiseaux des milieux agricoles se révèle être renforcé par sa structuration. Ainsi, les oiseaux spécialistes des prairies sont d’autant plus affectés par l’intensité agricole que celle-ci est homogène.

©Je

nny J

ones

ÉCONOMIE ET SOCIOLOGIE DE L’AGRICULTURE ET DE L’ALIMENTATION

Page 47: VERSAILLES-GRIGNON • FAITS MARQUANTS 2015 · mer sur les marchés auquel participe Louis-Georges Soler, UR Aliss. ... Sylvie Pouteau, UMR IJPB, participe à l’ouvrage « COP 21

45

Effets de l’intensité agricole et de sa distribution spatiale sur la biodiversité des oiseaux agricoles S i l’intensification de l’agriculture a joué, au cours des dernières

décennies, un rôle crucial pour augmenter la production alimen-taire, elle a aussi engendré des dommages environnementaux,

affectant notamment la biodiversité des oiseaux des milieux agri-coles. Des chercheurs de l’Inra Versailles-Grignon et leurs collègues ont exploré le lien entre la distribution dans l’espace de l’intensité de l’agriculture et la biodiversité. Connaître la variation de cette dernière en fonction de l’intensité agricole est indispensable pour déterminer où les politiques agroenvironnementales seront les plus efficaces.

Les scientifiques ont travaillé sur l’ensemble du territoire métropoli-tain à l’échelle de 152 petites régions agricoles ou PRA, couplant des bases de données qui décrivent l’agriculture et les oiseaux spécialistes des milieux agricoles. Ils ont ainsi caractérisé l’intensité agricole, à l’aide d’un indicateur basé sur les dépenses en intrants par hectare, considérant plus particulièrement cinq systèmes agricoles - cultures industrielles, céréales, élevage bovin laitier, élevage bovin pour la viande et exploitations mixtes cultures/élevages - représentatifs de l’activité agricole à l’échelle de la France. Ils ont également décrit les communautés d’oiseaux, 22 espèces au total, à l’aide de quatre gran-deurs, renseignant leur taille (richesse spécifique) et leur composition (la spécialisation de la communauté vis-à-vis du milieu agricole, son niveau trophique, et sa spécialisation vis-à-vis de l’habitat prairial).

L’intensité agricole affecte la composition des communautés d’oiseaux...Les scientifiques ont ainsi mis en évidence que l’intensité de l’agricul-ture a un effet plus important sur la composition de la communauté d’oiseaux d’une PRA, que sur sa taille. Les trois grandeurs qui carac-térisent sa composition sont toutes affectées, révélant ainsi qu’au sein d’une communauté d’oiseaux, toutes les espèces ne sont pas égales. Certaines, pour lesquelles une faible augmentation de l’intensité

agricole entraîne une forte perte de la diversité, seront défavorisées. À l’inverse, d’autres seront favorisées et leur place augmente au sein de la communauté jusqu’à un certain seuil. Les premières affectionnent les prairies, telle le pipit farlouse, le bruant jaune ou encore la huppe fasciée, où elles consomment des invertébrés, elles dominent la com-munauté dans les régions d’agriculture extensive. Les secondes, telle la perdrix, la bergeronnette printanière ou encore le bruant proyer, plutôt friandes de graines, sont inféodées aux terres cultivées. Elles remplacent les espèces défavorisées dans les régions qui abritent une agriculture plus intensive.

... et sa distribution spatiale renforce cet effetDans un deuxième temps, les chercheurs ont examiné les effets de la structuration spatiale de l’intensité agricole sur les communautés d’oi-seaux. Pour certains groupes d’espèces, comme les espèces spécialistes des prairies, l’homogénéisation de l’intensité entre PRA voisines ren-force son effet. La réponse de ces espèces à l’intensité agricole est plus forte dans les PRA entourées de PRA d’intensité similaire, que dans les PRA entourées de PRA d’intensité différente. Ces résultats suggèrent que les mesures promouvant l’extensification seraient plus efficaces dans les zones où l’intensité est modérée et homogène entre PRA. Favoriser une dispersion de l’intensité dans les zones de forte inten-sité pourrait être un autre levier pour y avantager les espèces défa-vorisées par l’intensité.

Ces travaux proposent un modèle statistique solide qui permet de pré-dire la composition d’une communauté d’oiseaux en fonction de l’in-tensité agricole. Ils révèlent l’effet de cette dernière sur la biodiversité des communautés d’oiseaux en lien avec la structuration spatiale de l’intensité. Ils ouvrent des perspectives intéressantes pour ajuster et améliorer l’efficacité des politiques agroenvironnementales en faveur de la biodiversité.

❙ En savoir plusTeillard et al. 2015. The Response of Farmland Bird Communities to Agricultural Intensity as Influenced by Its Spatial Aggregation. PloS One doi: 10.1371/journal.pone.0119674.

contact

UMR Sciences pour l’action et le développement : activités, produits, territoires (Inra, AgroParisTech)http://www6.versailles-grignon.inra.fr/sadaptMuriel Tichit, [email protected]

Page 48: VERSAILLES-GRIGNON • FAITS MARQUANTS 2015 · mer sur les marchés auquel participe Louis-Georges Soler, UR Aliss. ... Sylvie Pouteau, UMR IJPB, participe à l’ouvrage « COP 21

46

Quelle place pour les services agronomiques dans la littérature traitant des services écosystémiques ?Une analyse de la littérature scientifique sur les services écosystémiques révèle que les sciences agronomiques ont peu investi ce concept émergeant. Les résultats plaident pour un élargissement des questions de recherche traitant des socio-agrosystèmes considérés dans leur globalité.

©Fo

tolia

ÉCONOMIE ET SOCIOLOGIE DE L’AGRICULTURE ET DE L’ALIMENTATION

Page 49: VERSAILLES-GRIGNON • FAITS MARQUANTS 2015 · mer sur les marchés auquel participe Louis-Georges Soler, UR Aliss. ... Sylvie Pouteau, UMR IJPB, participe à l’ouvrage « COP 21

47

Quelle place pour les services agronomiques dans la littérature traitant des services écosystémiques ? D epuis le milieu des années 1990, la notion de « services écosysté-

miques », définis comme les bienfaits que les hommes obtiennent des écosystèmes (Millennium Ecosystem Assessment ou MEA)

connait une popularité croissante dans les domaines académiques et opérationnels. Cette popularité devrait également concerner l’agriculture.

Des chercheurs de l’Inra se sont interrogés sur la place de l’agriculture et des agro-écosystèmes dans la littérature scientifique traitant des services écosystémiques, dans le but de savoir si les sciences agronomiques géné-raient des savoirs en lien avec ce thème émergeant et de quelle manière.

Des ressources à profusionLes chercheurs ont utilisé les ressources des bases de données biblio-graphiques du système d’information Web of Science. Ils ont construit un corpus large sur la base des expressions synonymes ou recouvrantes de la notion de service écosystémique, identifiées au préalable dans la littérature (environmental service, ecosystem function, land good, eco-logical amenity...). L’exploration de ces ressources leur a permis d’isoler 12 184 références pour la période allant de 1975 à 2012 dont 11 915 documents entre 1992 (Convention sur la diversité biologique) et 2005 (MEA). Différentes analyses lexicales ont ensuite été réalisées à l’aide de la plateforme digitale CorText : extractions lexicales, catégorisations de termes, calculs de fréquences, cartes de cooccurrences.

De la fonction de l’écosystème aux services écosystémiquesLes termes les plus fréquemment utilisés dans les articles de la période 1975-2012 ont ainsi été mis en évidence et sont ecosystem service (39 % des documents indexés), puis ecosystem function (29 %), ecological func-tion (14 %) et environmental service (9 %). Le terme ecosystem function domine jusqu’en 2007 où il est supplanté par celui de ecosystem service, apparu en 1998 et qui connait une progression exponentielle suite à la publication du MEA (2003, 2005).

Sciences agronomiques et services environnementauxLes chercheurs notent également que les sciences agronomiques uti-lisent plutôt le terme de « services environnementaux », qui met l’ac-cent sur les services rendus par l’homme à l’environnement. Le service le plus étudié est celui de la production, qu’il s’agisse de l’approvision-nement en énergie ou de la production agricole, talonné de près par les services supports de l’approvisionnement alimentaire. La majo-rité des services sont étudiés de manière isolée. Lorsqu’ils sont abor-dés conjointement, les services concernés sont majoritairement des services qui agissent en synergie, tels les services liés à l’eau (cycle de l’eau, qualité, contrôle de l’érosion) et ceux relatifs à la limitation de la pollution (contrôle de la pollution, traitement des déchets et qualité de l’air). Les services antagonistes sont très peu étudiés de concert.

Peu de prise en compte de la dimension sociale des agro-écosystèmesIls ont relevé que, si les écosystèmes forestiers et agricoles sont parmi les écosystèmes les plus étudiés, ils le sont principalement dans leur dimension bio-physique en lien avec la santé et la nutrition des plantes, et très peu dans leur dimension sociale, éclairant le fait qu’étudier un socio-écosystème dans son ensemble n’est pas encore de mise. De même, les problématiques de gestion des ressources naturelles sont abordées principalement par des méthodologies de l’économie clas-sique - consentement à payer, évaluations contingentes... - et sont également très liées à un argumentaire en faveur du développement social. Ces résultats montrent que la notion de « services écosysté-miques » a peu été saisie par les sciences agronomiques et qu’elle est beaucoup abordée de manière programmatique, sans considérer le socio-écosystème dans son ensemble. Ils soulignent l’intérêt, dans ce contexte, de développer une recherche intégrée sur la gestion des écosystèmes anthropisés.

❙ En savoir plusTancoigne E. et al. 2014. The place of agricultural sciences in the literature on ecosystem services. Ecosyst. Serv. 10: 35.

contacts

Laboratoire interdisciplinaire Sciences innovations sociétés (Inra, Univ. Paris Est Marne-la-Vallée, CNRS, ESIEE, École des Ponts ParisTech)Marc Barbier, [email protected] Tancoigne, [email protected]

Page 50: VERSAILLES-GRIGNON • FAITS MARQUANTS 2015 · mer sur les marchés auquel participe Louis-Georges Soler, UR Aliss. ... Sylvie Pouteau, UMR IJPB, participe à l’ouvrage « COP 21

48

Paternalisme et choix alimentairesÉvaluer le paternalisme consiste à comparer, pour une personne, les décisions prises pour elle-même et celles prises pour une autre personne. En matière d’alimentation, nombre de gens font des choix pour eux-mêmes différents de ceux qu’ils réalisent pour l’autre. Un constat qui invite à reconsidérer les impacts des politiques publiques dans le domaine de la nutrition.

©Fo

tolia

ÉCONOMIE ET SOCIOLOGIE DE L’AGRICULTURE ET DE L’ALIMENTATION

Page 51: VERSAILLES-GRIGNON • FAITS MARQUANTS 2015 · mer sur les marchés auquel participe Louis-Georges Soler, UR Aliss. ... Sylvie Pouteau, UMR IJPB, participe à l’ouvrage « COP 21

49

Paternalisme et choix alimentaires L es questions de consommation alimentaire occupent une place

importante dans les débats de santé publique et les autorités publiques et sanitaires tentent de promouvoir une alimentation

équilibrée et durable via différentes actions. Le paternalisme, c’est-à-dire le fait de prendre des décisions pour guider voire contraindre les citoyens est, implicitement, à la base des interventions réglementaires sur les marchés. Il existe cependant peu de témoignages concernant la façon dont les personnes (les décideurs) prennent des décisions pour les autres, ou comment les bénéficiaires du paternalisme (les destinataires) réagissent aux décisions prises pour eux.

Décider pour soi ou pour les autres...S’intéressant tout d’abord aux conséquences des décisions prises par des personnes anonymes, des chercheurs de l’Inra ont étudié comment les choix entre un aliment avec une dimension santé (pommes), et un aliment relativement moins bon pour la santé (biscuit chocolaté), sont influencés par les rôles respectifs des participants (décideurs ou destinataires). Cette expérience a été conduite auprès de quelque 300 personnes recrutées aux États-Unis et en France. Après avoir fourni des informations sur le contenu nutritionnel des aliments, certains des décideurs font des choix plus sains pour les destinataires que pour eux-mêmes, notamment en France. À l’inverse, avant de recevoir les informations, les destinataires font des choix plus sains pour eux-mêmes, que ceux qu’ils attendent des décideurs. Enfin, plus de 75 % des destinataires préfèrent leurs propres choix, par rapport à ceux pris pour eux par les paternalistes.

Les scientifiques ont également mis en évidence la perte de bien-être que peut subir le destinataire, à cause de choix imposés. Quand les choix du décideur diffèrent des préférences et des choix du destinataire, ce dernier subit une perte de bien-être ou de surplus, au moins à court terme. Cette perte jouerait un rôle méconnu dans l’évaluation de l’opportunité des politiques publiques, souvent motivées par l’économie comportementale.

Ainsi, des décideurs choisissant pour les autres, peuvent engager des politiques d’information nutritionnelle, qui ne seraient pas choisies si on se basait uniquement sur les choix des destinataires.

... plus compliqué qu’il n’y paraît !S’intéressant ensuite aux conséquences des décisions prises par des personnes de la famille, les chercheurs ont examiné, en France, les choix effectués par des enfants et par leur mère. Les choix se focalisaient sur des aliments liés au goûter. Chaque mère et chaque enfant choisissait séparément pour eux-mêmes et pour l’autre membre de leur famille, entre des aliments relativement sains pour la santé (des compotes) et des aliments relativement peu sains pour la santé (des barres chocolatées).

De nombreux participants ont fait des choix pour eux-mêmes, différents des choix qu’ils ont réalisés pour l’autre personne de leur famille. Avant la révélation des informations sur le contenu nutritionnel des aliments, la moitié des mères se sont révélées « indulgentes » pour leur enfant, en choisissant moins d’aliments sains pour leur enfant que pour elles-mêmes. À l’inverse, 67 % des enfants se sont révélé « paternalistes » pour leur mère, en sélectionnant plus de produits sains pour elle que pour eux-mêmes. La communication du message nutritionnel influence significativement les choix des mères et des enfants en faveur des produits sains, à la fois pour eux-mêmes et pour autrui. Les participants, se révélant « paternalistes » avant la révélation du message nutritionnel, ont plus de chances d’augmenter leur choix de produits sains pour eux-mêmes, à la suite de la révélation de ce message nutritionnel.

Ce « paternalisme » vis-à-vis d’un membre de sa famille montre l’impact des liens familiaux sur l’efficacité des politiques nutritionnelles et ces résultats invitent à une analyse plus approfondie des effets des politiques publiques dans le domaine de la nutrition, en étudiant notamment la relation parents-enfants.

❙ En savoir plusMarette S. et al. 2016. Choosing for Others. Applied Econ. 48: 2093.

contact

UMR Économie publique (Inra, AgroParisTech)http://www6.versailles-grignon.inra.fr/economie_publiqueStephan Marette, [email protected]

Page 52: VERSAILLES-GRIGNON • FAITS MARQUANTS 2015 · mer sur les marchés auquel participe Louis-Georges Soler, UR Aliss. ... Sylvie Pouteau, UMR IJPB, participe à l’ouvrage « COP 21

50

À table les enfants : enquête sur les patrimoines alimentaires enfantinsLes goûts et les représentations des enfants en matière d’alimentation sont influencés, de manière parfois contradictoire, par l’alimentation et la position sociale de leurs familles. C’est ce que révèle une vaste enquête de terrain menée par une sociologue de l’Inra de Versailles-Grignon auprès d’enfants âgés de 10 à 12 ans.

©Inr

a - Ch

risto

phe M

aître

ALIMENT, ALIMENTATION, SANTÉ

Page 53: VERSAILLES-GRIGNON • FAITS MARQUANTS 2015 · mer sur les marchés auquel participe Louis-Georges Soler, UR Aliss. ... Sylvie Pouteau, UMR IJPB, participe à l’ouvrage « COP 21

51

À table les enfants : enquête sur les patrimoines alimentaires enfantins À table les enfants ! Si cette interjection porte en elle la marque

du repas quotidien à la française, qu’en pensent les enfants ? C’est ce rapport à l’alimentation qu’une chercheuse de l’Inra

Versailles-Grignon a exploré auprès de filles et garçons âgés de 10 à 12 ans, scolarisés dans des écoles et collèges du nord-est de Paris.

Le dîner, à table et en famillePour la majorité d’entre eux, le repas du soir est pris à la maison, entre 19h et 20h. Il se déroule à table, en famille ou parfois, entre frères et sœurs, sans les parents, lorsque la famille est nombreuse ou lorsque les parents ont des horaires professionnels décalés. Manger hors de table est rare et concerne essentiellement les enfants des familles les plus favorisées.

En milieu populaire et migrant, les enfants sont plus souvent pleinement impliqués dans le partage du travail domestique avec les adultes. Dans les classes supérieures qui ont la possibilité d’externaliser les tâches domestiques les moins valorisées, les enfants bénéficient d’un apprentissage plus ludique des plaisirs de la table et de la cuisine.

Les goûts, entre héritage familial, culturel et socialELes enfants de familles populaires françaises comme ceux de petite classe moyenne d’immigration ancienne, privilégient les plats populaires typiquement français (steak-frites et autre poulet-frites ou cordon bleu), intériorisant ainsi le modèle d’aspiration à la culture populaire qui domine leur groupe d’âge. À l’opposé, les enfants des milieux les plus favorisés, quelle que soit leur origine, ne mentionnent jamais le steak-frites dans leurs préférences familiales mais se prononcent pour des plats plus raffinés et/ou plus diététiques. Enfin, les enfants d’ouvriers d’immigration plus récente préfèrent les plats traditionnels du pays d’origine de leurs parents, manifestant ainsi leur adhésion aux valeurs familiales puisque leurs parents sont aussi ceux qui pratiquent le plus la cuisine du pays.

Les enfants s’approprient et reproduisent les valeurs familiales jusque dans le vocabulaire utilisé pour décrire le contenu du dîner familial. Les enfants de migrants et de milieu populaire restituent plutôt ce contenu sous forme de menu en évoquant les aliments sous leur forme cuisinée, se référant consciemment ou non au « parler » culinaire et à la structuration typiquement française des repas. Au contraire, les enfants des milieux les plus favorisés tendent à décrire ce contenu à travers une liste succincte de produits, sans forcément les associer entre eux, parfois sous leur forme crue tendant à les réduire à leur valeur nutritive. Ils traduisent souvent dans leur discours les recommandations nutritionnelles que leurs parents mettent en œuvre. Cette apparente contradiction renvoie aux nouvelles valeurs diététiques de l’élite centrées sur un discours savant autour de l’aliment, plus nutritionnel que culinaire, qui domine le discours des enfants issus de ces milieux.

Les sodas sont très présents dans les menus décrits par les enfants de milieu populaire mais filles et garçons se distinguent : les premières, évoquant la minceur les évitent ; les seconds, se retranchant derrière la virilité sportive les revendiquent.

L’autre patrimoine alimentaire des enfants : les nouilles chinoises De manière surprenante, les enfants (surtout en élémentaire), mangent des nouilles chinoises à la récréation ou à la sortie des classes. Consommées crues, entre copains et de manière plus ou moins secrète, elles permettent de concrétiser et d’entretenir des liens au sein du groupe d’enfants, lesquels interfèrent alors librement avec leurs propres objets d’intérêt.

Cette étude révèle la manière dont les goûts des enfants et les constructions de leur rapport à l’alimentation sont imprégnées par l’appartenance sociale de leurs familles, et notamment chez les enfants de migrants, par l’intégration de modèles concurrents. Elle invite à dépasser le seul critère de l’âge et à réintroduire celui des classes sociales dans l’analyse des pratiques enfantines.

❙ En savoir plusTichit C. Du repas familial au snack entre copains : le point de vue des enfants sur leur alimentation quotidienne (enquête en milieu scolaire à Paris, France). AOF 2015 [Online], 9 | 2015, Online since 24 October 2015, connection on 05 September 2016. URL : http://aof.revues.org/7883

contact

UR Alimentation et sciences socialeshttps://www6.versailles-grignon.inra.fr/aliss/Christine Tichit, [email protected]

Page 54: VERSAILLES-GRIGNON • FAITS MARQUANTS 2015 · mer sur les marchés auquel participe Louis-Georges Soler, UR Aliss. ... Sylvie Pouteau, UMR IJPB, participe à l’ouvrage « COP 21

52

Les bonbons au collège, entre objet de transgression et instrument de lien socialEn France, les bonbons sont synonymes de plaisir, de fête et de partage. À la faveur d’une vaste étude de terrain, une sociologue de l’Inra de Versailles-Grignon révèle qu’au collège, les bonbons sont un élément, voire un instrument, de construction des liens sociaux qui permet aux préadolescents de trouver leur place au sein de la classe.

©Inr

a - Be

rtran

d Nico

las

ALIMENT, ALIMENTATION, SANTÉ

Page 55: VERSAILLES-GRIGNON • FAITS MARQUANTS 2015 · mer sur les marchés auquel participe Louis-Georges Soler, UR Aliss. ... Sylvie Pouteau, UMR IJPB, participe à l’ouvrage « COP 21

53

Les bonbons au collège, entre objet de transgression et instrument de lien social S ucettes, chewing-gums ou réglisses, à croquer, à sucer ou à

mâcher... bien qu’ils soient traditionnellement associés à l’enfance, les bonbons sont encore très présents au collège. Dans la cour de

récré comme en classe, ils se mangent, se donnent et se demandent au quotidien mais quels rôles y remplissent-ils vraiment ? C’est cette question qu’une chercheuse en sociologie de l’Inra Versailles-Grignon a explorée et dont elle livre les résultats.

Le bonbon comme objet de transgressionLe bonbon qui entre au collège est celui qui a été acheté par l’élève, ce préadolescent qui a quitté, il y a peu, l’enceinte de l’école primaire et qui témoigne là de l’autonomie qu’il commence à acquérir. Plus encore, comme le montre la sociologue, ce bonbon conserve sa valeur hédonique lorsqu’il est invité au collège pour un goûter de fin d’année ou pour fêter Noël, tandis qu’il affiche un caractère transgressif quand il est consommé en dehors des repas ou a fortiori, en cachette pendant les cours. Cette consommation transgressive permet, comme l’explique la sociologue, aux élèves « populaires », plutôt rebelles face au système scolaire de gagner en prestige et plus encore d’affirmer leur position au sein de la classe.

Le bonbon comme vecteur de liens sociauxChoisir avec qui on partagera le bonbon que l’on apporte à l’école est lourd de signification. En choisissant la personne digne de ce don, le préadolescent bien intégré et plutôt « populaire », dessine les contours de son cercle d’amis. À l’image du parent qui récompense l’enfant avec un bonbon, il traduit ainsi un lien affectif tandis qu’il reproduit la pratique parentale. Au contraire, le préadolescent en marge de la classe et plutôt dominé n’arrivant pas à se faire respecter des autres, ne résiste pas à la demande de certains et se transforme en fournisseur. Une place subie par certains qui peuvent aller jusqu’à se faire dépouiller par leurs camarades, ou choisie par d’autres qui y voient un moyen d’interaction avec les membres du groupe des « populaires » voire une façon de gagner leur estime ou de recevoir l’illusion d’une marque d’amitié fugace. Le partage de bonbons révèle ainsi la violence qui s’exprime à l’intérieur des groupes de pairs au collège à travers de forts enjeux de domination.

Ces résultats portés par une longue enquête ethnographique, mettent clairement en évidence que ce « morceau d’enfance » qu’est le bonbon, lié au plaisir et à la récompense et dont le statut est porté par les parents, les enseignants voire les médias, révèle aussi des rapports parfois conflictuels entre les collégiens. C’est un élément de construction des liens sociaux entre élèves au collège voire un instrument qui leur permet de trouver leur place au sein de leur classe.

❙ En savoir plusMaurice A. 2015. L’ambivalence du bonbon dans les interactions entre préadolescents au collège (France). AOF [Online], 9 | 2015, Online since 27 August 2015, connection on 06 September 2016. URL : aof.revues.org/7848.

contact

UR Alimentation et sciences socialeshttps://www6.versailles-grignon.inra.fr/aliss/Aurélie Maurice, [email protected]

Au cœur de l’étudeDurant deux années, entretiens et observations ont été réalisés auprès de 60 enfants âgés de 12 à 13 ans, scolarisés en classe de 5ème dans deux collèges de la petite couronne parisienne. Le premier établissement est situé dans une ville dont la population est majoritairement défavorisée. Il est classé en zone sensible prévention violence. Le second est localisé dans une ville plus cossue, proche d’une zone de logements sociaux. Il accueille une population socialement plus mixte. Dans les classes, se côtoient des élèves bien intégrés qui appartiennent au groupe uni et puissant des « populaires » et des élèves en marge, réunis en plus petits groupes, qui gravitent autour des premiers.

Page 56: VERSAILLES-GRIGNON • FAITS MARQUANTS 2015 · mer sur les marchés auquel participe Louis-Georges Soler, UR Aliss. ... Sylvie Pouteau, UMR IJPB, participe à l’ouvrage « COP 21

54

Congélation des bactéries lactiques : des marqueurs de résistance identifiés grâce au rayonnement synchrotronProduire des populations bactériennes homogènes et capables de résister à différents stress est important pour la qualité des produits fermentés. Développée en partenariat avec le Synchrotron Soleil, une approche conjuguant, pour une même cellule, caractérisation biochimique et physiologique a permis d'identifier des marqueurs moléculaires de résistance à la congélation.

©Inr

a - W

illiam

Beau

card

et

ALIMENT, ALIMENTATION, SANTÉ

Page 57: VERSAILLES-GRIGNON • FAITS MARQUANTS 2015 · mer sur les marchés auquel participe Louis-Georges Soler, UR Aliss. ... Sylvie Pouteau, UMR IJPB, participe à l’ouvrage « COP 21

55

Congélation des bactéries lactiques : des marqueurs de résistance identifiés grâce au rayonnement synchrotron P roduire des populations bactériennes homogènes et capables de

résister à différents stress environnementaux représente un enjeu majeur pour la qualité des produits fermentés.

Dans la perspective de caractériser, au sein d'une population bactérienne les cellules résistantes et sensibles à un stress, des chercheurs de l’Inra, d’AgroParisTech et du Synchrotron Soleil ont associé la spectroscopie infrarouge à transformée de Fourier (IRTF), comme méthode d'étude non invasive et in situ de la composition biochimique de microorganismes, à l'utilisation de sondes fluorescentes pour évaluer l'état physiologique de la cellule.

La caractérisation simultanée de l'état physiologique et de la composition biochimique d'une bactérie pour découvrir des marqueurs cellulaires de résistance aux stress...Des spectres infrarouges de bactéries produites dans différentes conditions de fermentation et de congélation ont été acquis par microscopie IRTF sous rayonnement synchrotron. Un double marquage fluorescent de ces mêmes bactéries a permis de distinguer individuellement les cellules considérées viables, présentant une activité enzymatique et les cellules considérées mortes ayant perdu l’intégrité de leur membrane.

Les cellules résistantes à la congélation se différencient des cellules sensibles par trois caractéristiques biochimiques • une teneur plus élevée en groupements CH3 des chaînes lipidiques ;• une teneur plus élevée en polymères chargés tels que les acides téichoïques et lipotéichoïques caractéristiques de la paroi des bactéries Gram-positive ;• des protéines cellulaires caractérisées par des structures secondaires de type hélice α.

Au sein de la population de cellules résistantes, les protéines cellulaires se sont révélées hétérogènes probablement du fait de la diversité des substrats potentiellement utilisables par les bactéries lors de leur croissance.

... et mieux connaître les mécanismes liés aux dommages cellulairesCes travaux ont également permis d’attribuer les dommages cellulaires associés aux processus de congélation et décongélation à des modifications biochimiques des phospholipides membranaires, en particulier à une rigidification de la membrane cytoplasmique lors de la congélation.

Ils mettent en évidence l'application potentielle de l'analyse bimodale d'une cellule bactérienne individuelle par spectroscopie synchrotron infrarouge et microscopie à fluorescence pour accroître nos connaissances sur les mécanismes liés à des dommages cellulaires.

❙ En savoir plusS. Passot et al. 2015. Understanding the cryotolerance of lactic acid bacteria using combined synchrotron infrared and fluorescence microscopies. Analyst 140: 5920.

contacts

UMR Génie et microbiologie des procédés alimentaires (Inra, AgroParisTech)http://www6.versailles-grignon.inra.fr/gmpaStéphanie Passot, [email protected] Fonseca, [email protected]

L’Inra en lumière ou l’apport du Synchrotron Soleil à la biologieSoleil* est le centre français de rayonnement synchrotron. Inauguré en 2006 et situé sur le plateau de Saclay, c’est à la fois un très grand instrument pluridisciplinaire et un laboratoire de recherche. Situé en plein cœur du regroupement technologique Paris-Saclay, il est partenaire de l'Université Paris-Saclay.Soleil permet, grâce à ses 27 lignes de lumière d’explorer la matière à l’aide de lumières dont les longueurs d’onde vont de de l’infrarouge aux rayons X et ce à différentes échelles.Le dispositif INRA SOLEIL repose sur trois scientifiques dont deux travaillent au sein des lignes de lumière du Synchrotron Soleil. Ils ont pour rôle de favoriser l'accès au synchrotron des chercheurs Inra (futurs) utilisateurs de Soleil.

* Soleil est l’acronyme de Source optimisée de lumière d'énergie intermédiaire du Lure, le Lure étant lui-même l’acronyme de Laboratoire d’utilisation du rayonnement électromagnétique, le laboratoire pionner dans l’utilisation du rayon synchrotron en France.

Page 58: VERSAILLES-GRIGNON • FAITS MARQUANTS 2015 · mer sur les marchés auquel participe Louis-Georges Soler, UR Aliss. ... Sylvie Pouteau, UMR IJPB, participe à l’ouvrage « COP 21

56

Le Centre de recherche Inra de Versailles-Grignon• un des 17 centres de recherche Inra en région• 1400 personnes, scientifiques, ingénieurs et techniciens• 7 implantations géographiques en Île-de-France

YVELINESVAL-DE-MARNE

ESSONNE

SEINE-ET-MARNE

Thiverval-Grignon

VersaillesParis

Gif-sur-Yvette

Ivry-sur-Seine

Évry

Page 59: VERSAILLES-GRIGNON • FAITS MARQUANTS 2015 · mer sur les marchés auquel participe Louis-Georges Soler, UR Aliss. ... Sylvie Pouteau, UMR IJPB, participe à l’ouvrage « COP 21

57

Quatre orientations thématiques au sein desquelles se répartissent 20 unités Inra ou unités mixtes

BIOLOGIE INTÉGRATIVE, BIOTECHNOLOGIES ET BIORESSOURCES

• Institut Jean-Pierre Bourgin (Inra, AgroParisTech, ELR CNRS)• Institut des Sciences des plantes de Paris-Saclay (CNRS, Inra, Univ. Évry-Val d’Essonne, Univ. Paris-Diderot Paris 7, Univ. Paris-Sud)• Étude du polymorphisme des génomes végétaux• Génétique quantitative et évolution - le Moulon (Inra, Univ. Paris-Sud, CNRS, AgroParisTech)• Génomique-Info

AGROÉCOLOGIE ET GESTION DURABLE DES PRODUCTIONS VÉGÉTALES SUR LES TERRITOIRES

• Impacts écologiques des innovations en production végétale• Biologie et gestion des risques en agriculture (Inra, AgroParisTech)• Agronomie (Inra, AgroParisTech)• Écologie fonctionnelle et écotoxicologie des agroécosystèmes (Inra, AgroParisTech)• Institut d’Écologie et des sciences de l’environnement de Paris (Univ. Pierre et Marie Curie - Paris 6, CNRS, Inra, IRD, Univ. Paris Diderot, Univ. Paris Est Créteil Val de Marne)• Mathématiques et informatique appliquées (Inra, AgroParisTech)• Grandes cultures

ÉCONOMIE ET SOCIOLOGIE DE L’AGRICULTURE ET DE L’ALIMENTATION

• Sciences pour l’action et le développement : activités, produits, territoires (Inra, AgroParisTech)• Économie publique (Inra, AgroParisTech)• Alimentation et sciences sociales• Risques, travail, marchés, État• Laboratoire interdisciplinaire Sciences Innovations Sociétés (Inra, Univ. Paris-Est Marne-le-Vallée, CNRS, ESIEE, École des Ponts ParisTech)• Paris -Jourdan Sciences économiques (CNRS, EHESS, École des Ponts ParisTech, Inra)

ALIMENTS, ALIMENTATION, SANTÉ

• Génie et microbiologie des procédés alimentaires (Inra, AgroParisTech)

Des forces dans l’appui à la recherche

• Services déconcentrés d’appui à la recherche• Unité support de gestion et de moyens• Département Biologie et amélioration des plantes• Publications, information, communication du Département Sciences pour l’action et le développement • Direction de la Valorisation/Information scientifique et technique• Directions du Système d’information. Ingénierie logicielle - Finances / Ressources humaines et référentiels

Directeur de la publication : Laurent HémidyRédaction et réalisation : Catherine Foucaud-Scheunemann

Conception graphique et réalisation : Pascale Inzerillo - UCPC, InraPhoto de couverture : ©Inra - William Beaucardet

Communication Centre Inra de Versailles-Grignon - Septembre 2016

Page 60: VERSAILLES-GRIGNON • FAITS MARQUANTS 2015 · mer sur les marchés auquel participe Louis-Georges Soler, UR Aliss. ... Sylvie Pouteau, UMR IJPB, participe à l’ouvrage « COP 21

Route de Saint-Cyr - RD1078026 Versailles CedexFrance

Tél. : + 33(0)1 30 83 30 00www.versailles-grignon.inra.fr