vénus et adonis -...

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FICHE SPECTACLE V V é é n n u u s s e e t t A Ad d o o n n i i s s Opéra en anglais de John Blow, précédé de l’Ode à sainte Cécile dans une mise en scène de Louise Moaty Photographie de maquette Représentations les 11, 12 et 13 octobre à 20h Saison 2012-2013

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FICHE SPECTACLE

VVVééénnnuuusss eeettt AAAdddooonnniiisss

Opéra en anglais de John Blow, précédé de l’Ode à sainte Cécile

dans une mise en scène de Louise Moaty

Photographie de maquette

Représentations les 11, 12 et 13 octobre à 20h Saison 2012-2013

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Sommaire Présentation p. 3 Distribution p. 4 Un opéra baroque p. 5 La naissance de l'œuvre p. 5 John Blow Le contexte historique et musical Vénus et Adonis : un « masque » Les personnages p. 7 L'argument p. 8 Vénus et Adonis au théâtre de Caen p. 10 Questions à Louise Moaty p. 10 Influences et inspirations p. 12

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Présentation

Vénus et Adonis de John Blow est considéré comme le premier opéra anglais. Composé pour la cour de Charles II (roi d’Angleterre, d’Écosse et d’Irlande) au début des années 1680, Blow relate le mythe de Vénus et Adonis, un amour légendaire entre une déesse et un jeune mortel, tel qu’évoqué dans le poème de Shakespeare, Venus and Adonis ou dans les Métamorphoses d’Ovide. Faisant alterner récitatifs, airs, danses et chœurs, la musique de Blow, intense et fluide, nous conduit, non sans quelques amusants détours, vers une fin tragique… L’opéra sera précédé de l’Ode à sainte Cécile, « Begin the song » de John Blow, véritable hommage au pouvoir de la musique, créée à l’occasion de la célébration du jour de la sainte Cécile, le 22 novembre 1684. Pour cette nouvelle création au théâtre de Caen, la distribution réunira de jeunes chanteurs talentueux, désormais familiers de la maison – Marc Mauillon et Céline Sheen – qui seront accompagnés par Alain Buet et Les Musiciens du Paradis, ensemble de la Région de Caen. Pour cette création, Louise Moaty a rapidement décidé, pour davantage de vraisemblance, de confier le rôle de Cupidon à un enfant de la Maîtrise de Caen, rôle généralement tenu par un adulte. Enfin, un travail approfondi de documentation autour de l'univers pictural et littéraire de Vénus et Adonis a permis à l'équipe du spectacle de s'immerger totalement dans l'œuvre de John Blow, afin d'en proposer une lecture à la fois fidèle et moderne.

Dessins d'Alain Blanchot

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Distribution John Blow, composition Livret d'Anne Fincha. Créé vers 1683 à la cour du roi Charles II. Les Musiciens du Paradis chœur et orchestre Alain Buet direction artistique La Maîtrise de Caen chœur Olivier Opdebeeck direction artistique Priscillia Valdazo assistante musicale Bertrand Cuiller direction musicale Louise Moaty mise en scène, assistée de Florence Beillacou Françoise Denieau chorégraphie Adeline Caron scénographie Alain Blanchot costumes Christophe Naillet lumières Mathilde Benmoussa maquillages Eugène Green conseiller linguistique Céline Sheen Vénus (soprano) Marc Mauillon Adonis (baryton) Un enfant de la Maîtrise de Caen Cupidon, fils de Vénus (soprano) solistes du chœur des Musiciens du Paradis : Anne-Marie Beaudette (soprano), Alain Buet (baryton), Robert Getchell (ténor), David Tricou (ténor) danseurs : Nathalie Adam, Marc Barret, Romana Konradova, Robert Le Nuz, Andrea Miltnerova, Gilles Poirier Spectacle chanté en anglais, surtitré Durée 1h30

a On a longtemps ignoré l'auteur du livret de Vénus et Adonis. Une étude de James Winn parue en 2008 dans The Review of english studies, révèle l'identité d'Anne Finch (Kingsmill étant son nom de jeune fille), dame d'honneur de la duchesse de York, ayant écrit de nombreux poèmes.

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Un opéra baroque

La naissance de l’œuvre John Blow John Blow est né en 1649 dans le comté de Nottinghamshire en Angleterre. Il fait partie du chœur de la Chapelle royale et compose très jeune ses premiers anthems, la musique vocale sacrée des services religieux en Angleterre. À peine âgé de vingt ans, John Blow devient organiste à l’abbaye de Westminster. Il occupe ce poste jusqu’en 1679, date à laquelle il le cède à Henry Purcellb, son élève et ami. La mort prématurée de ce dernier en 1695 conduira John Blow à reprendre ses fonctions. En parallèle, le compositeur mène une carrière bien remplie. Il est très vite reconnu comme le musicien le plus éminent de son temps. Consécration ultime de son talent, John Blow sera le premier à occuper la fonction de compositeur officiel de la Chapelle royale. Artiste influent à la cour de Charles II, pédagogue reconnu de ses contemporains, John Blow est l’auteur d’une centaine d’anthems, de dizaines d’odes – dont plusieurs écrites à l’occasion des célébrations de la sainte Cécile – de musique vocale profane ainsi que de très nombreuses pièces instrumentales pour clavecin et orgue. Vénus et Adonis, son unique opéra, marque la naissance de l’opéra anglaisc.

John Blow meurt le 1er octobre 1708 à Londres. Il est enterré à l’abbaye de Westminster.

Le contexte historique et musical Une crise politique marquante Le XVIIe siècle en Angleterre est marqué par une grande crise politique. Charles 1er (1600-1649), roi protestant, exerce un pouvoir tyrannique depuis 1625. Persécutant les puritains avec l'appui de l'Église, il tente d'imposer l'anglicanisme par la force. Le climat, déjà brûlant, explose lorsque le roi décide de taxer davantage son peuple. Le gouvernement se détourne progressivement du roi et une guerre civile éclate. En 1649, Oliver Cromwelld réussit à renverser la monarchie et à prendre le pouvoir, en proclamant la République. Mais après la mort de ce dernier en 1658, ses successeurs ne parviennent pas à maintenir le régime en place et le fils de Charles 1er, Charles II, est finalement ramené sur le trône en 1660. C’est la Restauration.

bHenry Purcell (1659-1695) est un des plus grands compositeurs anglais. On lui doit notamment les opéras Didon et Énée (1689) et The Fairy Queen (1692). Purcell s’inspirera de Vénus et Adonis pour composer Didon et Énée. c Pour l'anecdote, lors des premières représentations de Vénus et Adonis à la cour de Charles II, le rôle de Vénus fut tenu par la maîtresse du roi, et Cupidon par leur fille naturelle. d Oliver Cromwell (1599-1658), militaire et homme politique anglais. Cromwell est l'une des figures les plus controversées de l'histoire des îles britanniques. Alors que certains historiens voient en lui un héros de la liberté, d'autres en font un tyran, dictateur régicide ayant tout sacrifié pour le pouvoir.

Charles 1er

John Blow

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La musique sous Cromwell

Ces événements politiques eurent un impact important sur la vie artistique, et notamment musicale, de l’époque. En effet, les puritains ne pouvant guère supporter la musique et le faste qui l'entourait sous le règne de Charles 1er, la musique religieuse fut réduite à sa plus simple expression (un chant syllabiquee et à l’unisson), tandis que les instruments furent détruits dans la plupart des cathédrales, les chœurs dissous, les manuscrits et recueils de musique brûlés. Les musiciens de cour perdirent leur travail et les théâtres furent fermés, provoquant la ruine et la misère de nombreux artistes. Une pratique musicale « clandestine » vit le jour et, pour les milieux les plus aisés, des musiciens chassés de leur emploi réussirent à

donner des cours chez des particuliers, qui créèrent même des lieux de concerts privés. La Restauration La restauration de la monarchie permit le retour aux salles de concerts (privées et publiques), la réouverture des théâtres et la création d’emplois pour les musiciens à la Chapelle Royale. Les opéras français et italiens furent représentés avec succès à Londres. À la fin du XVIIe siècle, un nouveau style va voir le jour, issu de la tradition du masque et influencé par les modèles italiens et français : l’opéra anglais, porté par la figure de John Blow, puis surtout par celle d'Henry Purcell. Vénus et Adonis : un « masque » Masque : « Genre théâtral anglais, en vogue aux XVIe et XVIIe siècles. Le masque (mask, en anglais) était constitué de poésie, de musique, de danse et d’une mise en scène luxueuse (décors, costumes et machineries). Ce somptueux divertissement de cour fut l’équivalent, en Angleterre, du ballet de cour français. Les seigneurs participaient à ces spectacles baroques. L’intrigue en était allégorique ou symbolique – « Si la voix du masque célèbre l’occasion présente, elle exprime toujours de plus lointains mystères » (Ben Johnson) ».

Extrait du Dictionnaire de la musique de Gérard Pernon, éditions Jean-Paul Gisserot.

e Chant dans lequel à chaque syllabe correspond une note et une seule. C’est, en général, le style employé pour les hymnes.

O. Cromwell

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Les personnages Vénus Dans la mythologie romaine, Vénus est la déesse de l'amour, de la séduction et de la beauté, mais aussi de la maternité. Elle est la femme de Vulcain, dieu forgeron, qu'elle trompe avec son frère Mars, dieu de la guerre. De cette infidélité naîtra Cupidon, dieu de l'amour également. Vénus est une déesse connue pour ses multiples aventures amoureuses (notamment avec Jupiter). Dans la mythologie grecque, elle est appelée Aphrodite. Les dieux de la mythologie grecque comme latine sont souvent définis avec des attributs, éléments constitutifs de leur pouvoir et de leur personnalité. Vénus a pour attributs un miroir et une ceinture magique appelée le "ceste", qui renferment et protègent tous deux les charmes de la déesse (la grâce, le phrasé élégant, l'attrait physique…), mais aussi la rose et le myrte (plante à partir de laquelle on fabrique une liqueur), la nudité, la pomme, et un certain nombre d'animaux comme le bélier, le lièvre, la colombe ou encore le cygne. Adonis Adonis est issu de la mythologie grecque, mais Ovide et Shakespeare, puis John Blow, l'intègrent dans la mythologie romaine. Jeune mortel d'une grande beauté, Adonis est le fils de Cinyras, roi de Chypre et de sa fille Myrha, qui fut transformée en arbre à myrrhe en punition de son union incestueuse avec son père. Il devient l'amant de Vénus et est à son tour associé à la rose et au myrte, symboles de plaisir et de luxuriance. La légende veut que Jupiterf, jaloux de l'amour de Vénus pour Adonis, ait soufflé à un sanglier l'ordre de tuer Adonis lors d'une chasse en forêt. Mortellement blessé à la jambe par l'animal, Adonis s'effondre devant Vénus éplorée. Et c'est en versant une larme sur une goutte de sang de son amant que Vénus donne vie à l'anémone, fleur symbole de la renaissance. En Grèce antique, les Adonies, fêtes organisées en l'honneur du jeune chasseur, étaient célébrées en divers lieux et essentiellement à Athènes. Durant ces festivités, les femmes plantaient différentes graines et les arrosaient d'eau chaude pour accélérer leur croissance. Les plantations, nommées "Jardins d'Adonis", fanaient ensuite très rapidement en souvenir de la courte vie du jeune homme. À Pompéi de nos jours, on peut encore admirer la casa di Adoni. Cupidon Cupidon existe surtout dans la mythologie romaine. Fils de Mars et Vénus et dieu de l'amour, il fut caché dans les bois par sa mère pour le protéger de Jupiter qui avait vu en lui un danger pour les dieux dont il fallait se débarrasser. Cupidon se nourrit ainsi du lait de bêtes féroces, apprit à manier l'arc et à fabriquer des flèches en cyprès. S'entrainant d'abord sur des animaux, il changea son arc et ses flèches contre d'autres fabriquées en or, destinées à transpercer le cœur des hommes. Sa mère le charge en effet de tirer des flèches capables de rendre amoureux ceux qu'elles atteignent.

f Le livret de l'opéra ne mentionne pas la jalousie et la vengeance de Jupiter.

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Cupidon est le plus souvent représenté sous les traits d'un enfant aux ailes de couleurs azur, pourpre et or, partiellement dénudé et armé d'un carquois rempli de flèches. Dans certains tableaux, on le voit également brandissant une torche allumée et paré d'un casque. Il est souvent couronné de roses et est parfois aveugle, signe que l'amour ne perçoit pas les défauts de l'être aimé. Sa mère se tient en général à ses côtés.

L’argument Prologue Cupidon apparaît au milieu de bergers et de bergères. Il chante le pouvoir de l’amour et invite à profiter des plaisirs de la vie, sans se soucier de fidélité. Acte I Tendrement enlacés, Vénus et Adonis échangent des serments d’amour quand ils entendent des chasseurs approcher. Adonis veut refuser une partie de chasse alors que Vénus le presse d’accepter, l’absence attisant le désir. Un terrifiant sanglier doit être capturé. Acte II Entouré de petits cupidons, Cupidon conseille à sa mère, Vénus, de faire souffrir Adonis afin de le rendre fidèle pour toujours. Cupidon convoque les Grâces qui exécutent une danse pour Vénus. Acte III Vénus s’ennuie de son amant. Adonis fait son entrée. Il a été blessé par le sanglier. Vénus et Adonis échangent quelques paroles avant que le jeune amant ne meure dans les bras de la déesse. Une marche funèbre célèbre sa mémoire.

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Vénus et Adonis, Van der Neer

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Vénus et Adonis au théâtre

de Caen

Questions à Louise Moaty En quoi consiste le métier de metteur en scène d’opéra ? Être metteur en scène d'opéra, c'est littéralement mettre sur la scène un opéra c'est-à-dire imaginer la représentation d’un texte allié à une musique. Elle prend vie grâce au jeu des chanteurs/acteurs qui racontent une histoire aux spectateurs, ainsi qu’à l'invention d'un univers visuel : le décor, les costumes et les lumières. Comment devient-on metteur en scène d’opéra ? La plupart des metteurs en scène d’opéra viennent du monde du théâtre ce qui est mon cas : j'ai fait des études de comédienne parallèlement à un master de théâtre à l’université. Mais pour s'intéresser à l'opéra, il faut aimer la musique et le chant. Le matériau de départ n'est pas seulement le texte. La musique elle-même doit pouvoir ouvrir notre imaginaire. Faut-il connaître la musique pour exercer ce métier ? Pas nécessairement même si c'est beaucoup plus facile quand on peut suivre sur la partition et avoir une écoute fine de ce qui se joue à l'orchestre. Il est aussi plus aisé de diriger des chanteurs lorsqu'on a soi-même chanté ! Mais je dirais qu'il faut avant tout être sensible à la musique. À l’opéra, quels sont les collaborateurs du metteur en scène ? Il y a tout d’abord l'équipe de conception artistique liée à la mise en scène - le scénographe, le costumier, l’éclairagiste, le chef-maquilleur – qui forme une "famille" artistique. Collaborateur majeur, l’assistant du metteur en scène, présent du début à la fin de la période de production, est le gardien de la mise en scène qu’il doit être en mesure de transmettre en cas d’absence du metteur en scène ou de reprise. Certains metteurs en scène font aussi appel à un dramaturge mais personnellement, je ne peux pas déléguer ce qui me semble inhérent à mon métier : les recherches autour de l'œuvre et du contexte, mais aussi de textes et d’images destinés à nourrir mon imaginaire et à me permettre d'entrer en dialogue avec l’ouvrage. Autre collaborateur majeur du metteur en scène, le chef d'orchestre qui a sa propre interprétation de l'opéra : le but est que leurs visions s'accordent dans une direction commune. Le metteur en scène collabore aussi avec le producteur délégué, le théâtre et son administration qui s'occupent de l'aspect financier et pratique de la production : la construction du décor, la fabrication des costumes. Enfin, il y a ceux qui font le spectacle tous les soirs sur scène, l'équipe du plateau : chanteurs, danseurs, acteurs, et dans les coulisses ou parfois à vue, les techniciens. Parmi eux, on trouve le régisseur général, véritable chef d'orchestre de la technique. Quelles sont les différentes étapes de travail d’une production jusqu’au soir de la première ? Il y a d'abord un moment où je rêve au spectacle, en lisant et relisant le livret, en écoutant la musique, en cherchant des images et des textes en rapport avec l’œuvre. Parallèlement, la production se monte ; je sais avec quels chanteurs et dans quel cadre budgétaire je vais pouvoir

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travailler. On entre alors dans un aspect plus concret avec la conception de la scénographie et des costumes qui aboutit à une remise de maquette. Puis vient la phase de construction : un travail d'esquisse, de préparation, une première ébauche de ce que j'imagine pour la mise en scène et l'écriture de la danse pour la chorégraphe. On passe alors au temps des répétitions où la mise en scène s'écrit véritablement : d’abord dans une salle puis sur le plateau avec le décor ; puis, on ajoute les costumes, les lumières, on fait des essais pour les maquillages et les coiffures, on règle les mouvements de décor avec les techniciens. Le tableau se complète au fur et à mesure. De la même manière, au début, il n’y a que quelques chanteurs solistes avec un accompagnateur, auxquels viennent s'ajouter les petits rôles, les danseurs, le chœur et les musiciens de scène s'il y en a. Enfin, l'orchestre arrive et c'est le moment des répétitions générales où toute la machine se met en place avant le jour de la première ! Quelle relation entretenez-vous avec le répertoire baroque ? Je l'aime tout particulièrement ! Les arts baroques me touchent beaucoup et j'apprécie le fait qu'ils partagent un langage commun. Dans mes spectacles, j’aime exploiter cette harmonie qui existe entre la musique, le théâtre, la danse et la peinture. Je travaille beaucoup sur cette période également en tant que comédienne. La musique baroque permet aussi d’exploiter la lumière des bougies qui apporte l'énergie vivante du feu sur la scène ! À quoi ressemblera la mise en scène de Vénus et Adonis ? Elle sera éclairée aux bougies justement, et pensée dans cet esprit baroque, avec de la danse et un travail sur des gestes liés aux paroles pour les chanteurs. Nous avons choisi d'ajouter en introduction à l'opéra une Ode du même compositeur, qui sera aussi mise en scène, avec beaucoup de danse. L'histoire tragique d'Adonis nous a conduits vers une scénographie et des costumes assez sombres, beaucoup de noir qui se mêle au végétal et au feu. Enfin si les répétitions se passent bien, les Chasseurs, compagnons d'Adonis entreront avec deux chiens et les Grâces avec les deux colombes de Vénus ! Pensez-vous que le message de Vénus et Adonis parle encore aux jeunes spectateurs ? Je pense car l'opéra parle d'amour et de mort, deux sujets profondément humains ! Les enfants de la maîtrise de Caen chanteront d’ailleurs Cupidon et le chœur, ce qui leur plaît beaucoup. Pour vous Vénus et Adonis de John Blow, c’est… Une Vanitég.

g En peinture, une vanité est une catégorie particulière de nature morte, très répandue à l'époque baroque. Les vanités sont souvent allégoriques et suggèrent que la vie humaine est peu importante en comparaison avec la vie des dieux.

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INFLUENCES ET INSPIRATIONS Base de travail pour l'équipe de Vénus et Adonis.

Dossier réalisé par Florence Beillacou, assistante à la mise en scène.

Avant de concevoir les décors et les costumes de l'opéra, l'atmosphère qui règnera, le jeu des chanteurs, etc., Louise Moaty a effectué un travail de

dramaturgie : elle a entrepris de nombreuses recherches iconographiques, littéraires et historiques afin de mieux connaître le contexte esthétique et historique de l'œuvre qu'elle allait mettre en scène, mais aussi afin de nourrir son imaginaire et ses "rêveries".

Nous vous proposons de découvrir ici le fruit d'une partie de ces recherches, afin de retracer le chemin sinueux qui mène de la partition à la représentation d'un opéra.

Après l’écoute attentive de l’opéra et la lecture approfondie de son livret, les recherches ont d’abord porté sur le mythe de Vénus et Adonis, tel qu’il est relaté par Ovide dans ses Métamorphoses mais aussi dans la version qu’en a donnée Shakespeare. Un thème semblait ressortir de ces différents textes ainsi que du livret de l’opéra : celui du temps qui passe, d’un temps qui interroge notre rapport à la mort. Dans Vénus et Adonis, trois âges de la vie sont représentés : l’enfance avec Cupidon, la jeunesse, voire l’adolescence avec Adonis, et une forme de maturité avec Vénus. Adonis meurt dans la fleur de l’âge, Vénus souffre de ne pouvoir mourir et d’être immortelle. Le rapport au temps est donc primordial pour chacun de ces personnages.

Ces interrogations sur le temps ont mené Louise Moaty à des recherches sur le thème et l’esthétique de la vanité, qui précisément renvoie les hommes à la pensée de leur propre mort.

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William Shakespeare Sonnet 43h Quand je ferme les yeux, c’est là qu’ils voient le mieux Car tout le jour ils voient des choses indignes de respect, Mais quand je dors, en rêve ils te regardent Et, tout brillants de noir, trouvent la lumière dans l’obscur. Or toi, dont l’ombre illumine toutes les ombres, Quel heureux spectacle formerait la forme de ton ombre Dans le clair jour, à ta clarté plus vive, Quand ton ombre éblouit les yeux qui ne voient pas ? Combien, dis-je, mes yeux seraient bénis ; En te regardant dans le jour vivant, Quand dans la morte nuit ta chère ombre imparfaite A travers le lourd songe s’impose aux yeux sans vue ! Tous les jours sont des nuits quand je ne te vois pas, Et les nuits des jours clairs quand je rêve de toi.

h Sonnet récité au début du spectacle.

When most I winke then doe mine eyes best see For all the day they view things unrespected But when I sleepe, in dreames they looke on thee, And darkely bright, are bright in darke directed. Then you, whose shaddow shaddowes doth make bright, How would thy shadow forme, forme happy show, In the cleer day with thy much cleerer light, When to un-seeing eyes thy shade shines so ? How would, I say, mine eyes be blessed made, By looking at thee in the living day, When in dead night, thy fair imperfect shade Through heavy sleep on sightless sight doth stay ! All days are night to see till I see thee, And nights bright daies when dreams do show thee me.

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Les Métamorphoses, Ovide (Livre X)

Ovide conte tout d’abord l’histoire de Myrrha : cette jeune femme, fille d’un roi, est éprise de son père et parvient à devenir la maîtresse de celui-ci en cachant son identité. Quand le roi découvre que c’est sa propre fille qui partage son lit, il la bannit dans la forêt. Myrrha, honteuse, implore les dieux de mettre fin à ses souffrances. Elle est entendue et les dieux la transforment en arbre. Mais quelques mois plus tard, l’enfant que Myrrha portait dans son ventre naît de l’arbre : c’est Adonis.

Image 1 : Naissance d’Adonis, Sebastiano del Piombo, vers 1505

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Images 2, 3 et 4 : Illustrations de la Métamorphose d’Ovide, dessins de Bernard Salomon, 1557

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Les Hermétiques

Le texte de l’Ode à Sainte-Cécile, qui précédera l’opéra, est un éloge de la musique. Il évoque une sorte d’harmonie universelle, une correspondance entre la musique, le moi et le monde. Cela a mené Louise Moaty à faire des recherches sur l’hermétisme, un mouvement de pensée très présent à la Renaissance et qui précisément étudie les correspondances entre l’homme et le monde. L’iconographie de ce mouvement à la fois scientifique, philosophique et ésotérique est très riche. Elle a inspiré en grande partie l’esthétique de la mise en scène, mais aussi des chorégraphies imaginées par Françoise Deniau, qui reposent sur des formes géométriques allant du simple cercle aux formations les plus complexes.

Image 6 : dessin de Robert Fludd,

1617. Des rapports entre musique et

mathématique, des correspondances

entre les sons et le macrocosme.

Image 5 : dessin de Robert Fludd, 1617

Source : http://astronomie-rara.ethbib.ethz.ch/cgi/content/thumbview/1684110)

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Image 7 : dessin de Robert Fludd, 1617.

Robert Fludd a symbolisé la correspondance entre le macro- cosme et le microcosme, entre les astres, le monde terrestre et le corps humain.

Image 8

Image 9

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Image 10 : extrait du Theatrum Chemicum Brittanicum, compilation d’écrits d’al- chimistes anglais réunis par Elias Ashmole, 1652.

À travers un savant jeu géométrique et symbolique, on repère des oppositions : soleil/lune, homme/femme, les différents signes astrologiques, etc.

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Image 11 : Vénus et Cupidon, Cranach, 1509

Ces deux images ont été des sources d’inspiration importantes.

La Vénus de Cranach car elle est très loin des couleurs et des traits joyeux et presque romantiques avec lesquels on la représente souvent, de même que le Cupidon qui l’accompagne.

La miniature d’Hilliard pour son côté énig- matique : que fait cet homme en habit noir au milieu de cette végétation géométrique ? Que signifie le globe terrestre dans le fond ? À quoi pense-t-il ?

Image 12 : Miniature de Sir Henry Percy, Hilliard, vers 1595

Images aimées Plusieurs tableaux, rencontrés dans ses recherches, ont particulièrement influencé l'univers de Louise Moaty.

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Les représentations de la mélancolie par Dürer et Cranach font également partie de ces « images aimées » : elles invitent à une réflexion sur le temps qui passe (on remarquera le sablier représenté par Dürer) et mettent en scène de nombreuses formes géométriques largement reprises dans le spectacle, comme la sphère de Cranach ou le polyèdre irrégulier de Dürer.

Image 13 : Mélancolie, Dürer, 1514

Image 14 : Mélancolie, Cranach, 1532

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LES COSTUMES

Le choix des costumes est un élément très important du spectacle. Il détermine en grande partie l’univers dans lequel l’histoire va être représentée. Il existe de nombreuses possibilités : le metteur en scène peut choisir des costumes inspirés de l’époque où l’opéra a été créé, en l’occurrence l’Angleterre du XVIIe siècle. Il peut aussi choisir des costumes correspondant à l’époque et au lieu où se déroule l’action de l’opéra. Dans le cas de Vénus et Adonis, il s’agit d’un temps mythologique, mais puisque l’histoire de Vénus et Adonis fait partie de la mythologie romaine, on pourrait imaginer des costumes d’inspiration antique. Mais le metteur en scène est aussi totalement libre de choisir des costumes contemporains, de mélanger les époques et les influences.

Dans l'opéra, les trois protagonistes sont Vénus, Adonis et Cupidon. Louise Moaty a donc choisi de faire ressortir leurs costumes et de considérer les autres personnages (bergers, chasseurs…) comme des conteurs, presque en marge de la fiction. Ces derniers, vêtus exclusivement de noir, portent des costumes inspirés de la mode élisabéthaine (XVIe siècle en Angleterre). Les tenues, assez austères, doivent à la fois permettre le contraste avec les trois principaux personnages et mettre en avant la classe sociale de ces "conteurs", bourgeois érudits, qui représentent, d'une certaine manière, la connaissance. Alain Blanchot, créateur de ces costumes, a beaucoup travaillé sur le mélange des formes et des matières, afin d'offrir aux tenues une large panoplie de nuances, tout en respectant la contrainte du noir. Ainsi, velours et cuir cohabitent parfois sur une même manche, permettant les jeux de reflets et la variation des teintes de noir. Quant à Vénus, elle porte un long vêtement drapé de couleur bleue, faisant allusion à une nuit étoilée. Adonis et Cupidon sont vêtus de couleurs claires et d'accessoires qui rappellent leur rôle, l'un chasseur et l'autre jeune dieu de l'amour. La question de la sensualité, notamment pour Vénus et Adonis, était également importante dans le choix des costumes, qui s'attachent à rappeler la nudité partielle des tableaux qui ont inspiré Louise Moaty.

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Vénus et Adonis

De très nombreux tableaux représentent le couple formé par Vénus et Adonis.

Adonis est souvent représenté avec les attributs du chasseur : un arc, des flèches, des chiens de

chasses. On peut voir l’influence de ces tableaux sur le dessin du costume d’Adonis.

Image 15 : dessin d’Alain Blanchot pour le costume d’Adonis

Image 16 : Vénus et Adonis, Titien, vers 1560

Image 17 : Vénus et Adonis, Carracci, vers 1595

Image 18 : La Mort d’Adonis, Sebastiano del Piombo, vers 1505

Image 18

Image 15

Image 16

Image 17

12 Image 22 Image 23

Vénus, Adonis et Cupidon

Image 19 : Vénus désarmant Cupidon, Allori, vers 1570

Image 20 : Vénus et Adonis, Backer, vers 1650. on remarque les chiens de chasse qui accompagnent Adonis, Cupidon, et les colombes qui souvent entourent Vénus (voir aussi images 20 et 22)

Image 21 : Vénus et Adonis, Van der Neer, vers 1685-1698

Image 22 : dessin d’Alain Blanchot pour le costume de Vénus. On reconnaît le tissu bleu des images 20, 22 et

Image 20

24. Vénus est comme enveloppée dans la nuit.

Image 23 : Vénus accompagnée par les nymphes et

Cupidon, Albani Francesco, 1633

Image 19

Image 21

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Image 25

Cupidon et les enfants

Dans la mythologie antique, Cupidon est le fils de Vénus. Dieu de l’amour, il a le pouvoir de rendre les gens amoureux, à l’aide de ses flèches. Le costume de Cupidon s’inspire des représentations iconographiques.

Les autres enfants sont vêtus très différemment : leurs costumes se rapprochent de ceux du chœur, inspirés des costumes noirs de l’époque élisabéthaine.

Image 24 : dessin d’Alain Blanchot pour le costume de Cupidon.

Image 25 : Vénus et Adonis, Poussin, vers 1624.

Images 26 et 27 : dessins d’Alain Blanchot pour les costumes des enfants.

Image 24

Images 26 et 27

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Les Grâces

Dans l’acte II de Vénus et Adonis apparaissent les grâces. Dans la mythologie antique, ces personnages sont des déesses personnifiant l’allégresse, l’abondance et la beauté.

Elles sont souvent représentées nues. Les costumes choisis pour les Grâces jouent sur la transparence.

Image 29 : Les Grâces, Raphael, vers 1504.

Image 28 : dessin d’Alain Blanchot pour le costume des Grâces

Image 30 : Les trois Grâces, Cranach l’ancien, 1531.

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Image 34

Les hommes Image 33

Images 31 et 32: dessin d’Alain Blanchot pour l’un des chanteurs, et son cos- tume en cours de réalisation dans les ateliers.

Image 33 : dessin d’Alain Blanchot pour le costume d’un chanteur du chœur.

Image 34: A young man leaning against a tree among roses, Nicholas Hil- liard, 1588. La juxtaposition d’un costume très raffiné et de la nature se retrouve dans le choix des costumes et de la scénographie.

Image 35 : autoportrait de Nicholas Hilliard, 1577. Les peintures de cet ar- tiste anglais sont une source importante d’inspiration pour les costumes.

Image 31

Image 32 Image 35

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Les femmes Image 36 : dessin d’Alain Blanchot

Images 37 et 38 : dessin d’Alain Blanchot pour une chanteuse du chœur, et le costume en cours de réalisation dans les ateliers

Image 39 : portrait miniature d’Elisabeth, Nicholas Hilliard, 1572.

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LA SCENOGRAPHIE

Comme pour l’élaboration des costumes, le travail sur la scénographie commence par des recherches historiques, iconographiques et littéraires. Les recherches sur les hermétiques et les vanités ont guidé le travail de Louise Moaty et d'Adeline Caron, scénographe. Pour élaborer le décor, Adeline Caron s’est inspirée d’images de tombeaux, et notamment des catacombes des Capucins à Palerme : on y voit de nombreuses boites en bois, véritables cercueils ouverts. Des branches d'arbres seront disposées sur le plateau, car suggérés à la fois par le livret (fleurs avec lesquelles les petits cupidons jouent) et par de nombreux tableaux de l'époque où la végétation est présentei.

i Voir par exemple les tableaux p.10 du dossier

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Image 40 Image 40 : photographies des catacombes de Palerme.

Image 41 : photographies de la ma- quette du décor de Vénus et Adonis. Pour travailler sur les décors, la scéno- graphe réalise une maquette de la scène et de l’ensemble des décors, accessoires, et aussi de petits personnages.

Image 41

Images 42 et 43

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Images 44 et 45

Photographies de la maquette de Vénus et Adonis.

Pour imaginer la mise en scène, Louise Moaty fait un déroulé de l’opéra à l’aide de cette maquette elle imagine les déplacements des chanteurs, les changements de décor, etc.

C’est à partir de cette maquette et des indications très précises d’Adeline Caron que les décors seront réalisés à taille réelle.

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Photographies prises dans les ateliers de construction des décors de Vénus et Adonis.

On reconnaît les boîtes en verre carrées fixées sur des planches de bois et celles en forme de cercueil visibles sur la maquette.

Image 46

Sur ces photos, on repère les végétaux qui feront partie du décor.

Chaque détail est étudié, notamment la teinte de vert qui conviendra le mieux.

Sur la photo en bas à gauche, la personne observe la couleur que prennent les différents éléments de décor à la lumière d’une bougie (car le spectacle sera éclairé à la bougie).

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Image 47

théâtre de Caen 135, boulevard du Maréchal Leclerc 14007 CAEN Cedex 1 02 31 30 48 20 http://www.theatre.caen.fr

Pour tout renseignement :

Soraya BRIÈRE Médiatrice culturelle 02 31 30 48 26 06 85 84 66 35 [email protected]