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JOHNNY HALLYDAY « Johnny Hallyday est parti. J’écris ces mots sans y croire. Et pourtant c’est bien cela. Mon homme n’est plus. Il nous quitte cette nuit comme il aura vécu tout au long de sa vie, avec courage et dignité. » C’est par un communiqué envoyé à l’Agence France Presse, à 2 h 34 mercredi matin, que son épouse Laeticia a annoncé le décès du chanteur, à l’âge de 74 ans. Photo AFP Souvenirs, souvenirs NOTRE SUPPLÉMENT COLLECTOR DE SEIZE PAGES ÉDITION NUMÉRIQUE Vendredi 8 décembre 2017 - Supplément spécial Ses passages en Côte-d’Or Les témoignages de ses fans dans la région Photo DARIUS JF

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Page 1: Vendredi 8 décembre 2017 - Supplément spécial Souvenirs ...€¦ · Artistes, amis, politiques, peo-ple… Les réactions et hommages s’enchaînent dans une même tristesse

JOHNNY HALLYDAY

■ « Johnny Hallyday est parti. J’écris ces mots sans y croire. Et pourtant c’est bien cela. Mon homme n’est plus. Il nous quitte cette nuit comme il aura vécu tout au long de sa vie, avec courage et dignité. »C’est par un communiqué envoyé à l’Agence France Presse, à 2 h 34 mercredi matin, que son épouse Laeticia a annoncé le décès du chanteur, à l’âge de 74 ans. Photo AFP

Souvenirs,souvenirs

NOTRE SUPPLÉMENT COLLECTOR DE SEIZE PAGES

ÉDITION NUMÉRIQUEVendredi 8 décembre 2017 - Supplément spécial

Ses passages en Côte-d’Or

Les témoignages de ses fans

dans la région ■ Photo DARIUS JF

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SPÉCIAL JOHNNY HALLYDAYLE BIEN PUBLIC VENDREDI 8 DÉCEMBRE 2017

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La France s’est réveillée les larmesaux yeux, une chanson dans la tê-

te. « Johnny Hallyday est parti. J’écris ces mots sans y croire. Il nous quitte cette nuit comme il aura vécu tout au long de sa vie, avec courage et digni-té. » Il est 2h34 mercredi lorsque Lae-ticia Hallyday annonce, par un com-muniqué à l’Agence France Presse, le décès de l’idole des jeunes à 74 ans dessuites d’un cancer du poumon.Auparavant, l’épouse du chanteur a pris soin de prévenir l’Elysée. Le pré-sident de la République est le premier à réagir un peu après 3 heures du ma-tin. « De Johnny Hallyday, nousn’oublierons ni le nom, ni la gueule, nila voix, ni surtout les interprétations, qui, avec ce lyrisme brut et sensible, appartiennent aujourd’hui pleine-ment à l’histoire de la chanson fran-çaise. Il a fait entrer une part d’Améri-que dans notre Panthéon national », souligne Emmanuel Macron.

Les réseaux sociaux submergésLa nuit a retenu Johnny dans un som-meil éternel. La France, elle, a peu dormi. À la radio et à la télévision, la nouvelle a éclipsé tous les program-mes. Artistes, amis, politiques, peo-ple… Les réactions et hommages s’enchaînent dans une même tristessesur les tubes et les images de l’artiste. « Comme la France, j’ai le cœur bri-sé », résume Sylvie Vartan, la premiè-re épouse de Jean-Philippe Smet.Les réseaux sociaux – l’outil de com-munication privilégié du clan Hally-day ces dernières années – sont aussi submergés : déjà un demi-million de tweets à la mi-journée pour saluer une« véritable légende », selon le mot de Céline Dion. Les fans n’ont pas atten-du le lever du jour pour aller se re-cueillir à Marnes-la-Coquette où rési-dait le chanteur avec Laeticia et leurs filles Jade et Joy. C’est dans sa vaste propriété, près de Paris, que Johnny s’était réfugié depuis le 18 novembre après une dernière hospitalisation pour « détresse respiratoire ».

« Jusqu’au dernier instant, il a tenu tête à cette maladie »« Ma Jade a repris ses courts de ten-nis », avait-il tweeté il y a quelques jours pour mettre fin aux rumeurs qui annonçaient le pire. Cet ultime mes-sage, pas plus que ceux de son entou-rage – « Il va bien, il se bat » – n’avaient vraiment rassuré. Mais comme la Tour Eiffel, ce « monument

national » semblait inoxydable. Il avait si souvent frôlé la mort… depuissa tentative de suicide en 1966.Pour « rester vivant » – sa dernière tournée solo en 2015-2016 –, Johnny travaillait à l’enregistrement d’un nouveau disque. « Jusqu’au dernier instant, il a tenu tête à cette maladie qui le rongeait depuis des mois », a souligné Laeticia Hallyday. Fans ou pas, les Français ont, eux, l’impres-sion d’avoir perdu un membre de leurfamille. Ils connaissaient tout ou pres-que de ses joies et de ses peines et sa bande-son a rythmé soixante ans de leur vie. Partageant l’émotion du peu-ple, l’Assemblée nationale a applaudi debout la « rock’n’roll attitude » d’une sacrée canaille. La Première da-me Brigitte Macron s’est, elle, rendue mercredi soir auprès de ses proches en deuil. « Notre douleur est immen-se », ont réagi Laura et David Hally-day, les deux enfants aînés de Johnny.Hier, on avait surtout envie de fredon-ner : « Oh Johnny, si tu savais tout le mal que tu nous fais… ».

Christine Béranger

F R A N C E D É C È S DU RO CK E R À L’ Â GE DE 74 A NS

La nuit a retenu Johnny, la France a perdu un monumentL’annonce du décès du chanteur, dans la nuit de mardi à mercredi, a pris l’ampleur d’un drame national. Une cérémonie d’adieu exception-nelle sera organisée samedi sur les Champs-Elysées.

■ Johnny en concert à Clermont-Ferrand en 2003. Photo AFP

BILLET

Par Jean-Philippe Guillot

La disparition de Johnny fait partie de ces faits de vie qui nepeuvent pas vous laisser indifférent. Une mort qui ne va pasforcément vous rendre triste et vous tirer des larmes mais qui vacréer un vide. Parce qu’on aime ou pas le bonhomme, on aforcément (un peu ou beaucoup) sa musique en tête. Parce que sivous nous lisez aujourd’hui, c’est que vous êtes vivant, et queJohnny Hallyday fait tout simplement partie de votre vie.Comme le canapé dans le salon ou le téléphone sur la table denuit. Au point que je ne connais pas un journal en France qui n’apas trouvé dans ses publications de jeudi, « son » ou « ses » liensavec la star disparue. Johnny est passé partout. On l’a entendupartout. Bête sur la scène, voix incomparable, énergie animale,catalyseur de foule et d’émotions… Johnny laisse son public, denombreux « amis » du spectacle qui tous vont se hâter deraconter leur vie, mais surtout une famille, des femmes, uneépouse et quelques enfants. Qui hier, n’ont pas perdu un« monstre sacré » ou une « légende française », mais un père.Plus simplement.

On ne pouvait plus retenir la nuit

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SPÉCIAL JOHNNY HALLYDAYVENDREDI 8 DÉCEMBRE 2017 LE BIEN PUBLIC

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Presque soixante ans ! C’estle 30 décembre 1959 que les

Français entendent pour la pre-mière fois à la radio dans l’émis-sion « Paris-cocktail » un cer-tain Johnny Hallyday. Il a seize ans, il raconte qu’il vient d’Amé-rique. En réalité, il est né d’un père belge, Léon Smet, qu’il di-sait n’avoir quasiment pas con-nu et il a grandi à Paris chez sa tante Hélène.Le 18 avril 1960, la télévision présente pour la première fois ce grand adolescent freluquet et blond, coiffé comme son ido-le, Elvis Presley, lors de l’émis-sion « L’École des vedettes ». Il est parrainé par Line Renaud. Ilrevient quelques semaines plus tard et interprète son premier grand tube Souvenirs, souve-nirs. La saga Johnny commen-ce.Depuis ce temps des yéyés, cinqgénérations, les baby-boomers mais aussi leurs enfants, ac-compagnent l’éclectique roc-ker national de tube en tour-née, de mariages en divorces, de frasques nocturnes en frau-des fiscales, d’adaptations de standards américains en adop-tions d’orphelins vietnamiens.

Idole des jeunesLe Johnny des sixties, ce fut d’abord l’idole des jeunes. Les concerts dans tout le pays sont rythmés par le son électrique desa guitare, les cris des filles en pâmoison et les sifflets des CRS qui peinent à contenir les fans. La foule l’étouffe. Les fans arra-chent ses chemises, s’accro-chent à son van. Avec lui, le rock trouve sa voix française et une formidable bête de scène.Georges Wolfson et Daniel Fili-pacchi, les faiseurs de stars, s’oc-cupent du reste : les disques, la présence dans les radios, les tournées avec les plus grands musiciens (Jimi Hendrix). Lors de son service militaire dans un régiment en Allemagne, il est même utilisé par l’armée dans un petit film de propagande in-titulé Sergent Smet. Sa popula-rité se construit aussi avec l’émergence de la presse ‘‘pa-pier glacé’’. Johnny est un bon client, côté cœur, parfois aussi dans le style mauvais garçon. Le mariage avec Sylvie Vartan,

qu’il drague pendant un an avant de la conquérir, devient l’événement de l’année 1965.Entre rock et hippie, le Johnny post Woodstock est moins sa-ge. Sa chanson avec Philippe Labro Jésus Christ est un hippielui vaut les foudres épiscopales. Il chante dans un pénitencier et déclare à la fin du spectacle : « S’il n’y avait pas eu le roc-k’n’roll, je serais sûrement par-mi vous. » Les prisonniers l’ac-compagnent en chœur en frappant sur leurs barreaux.Pendant ces années, il dérive entre chevauchées à moto dansl’Amérique profonde et nuits

agitées à Paris ou Saint-Tropez. Une tournée et deux tubes le re-lancent : Gabrielle, puis J’ai oublié de vivre.Un concert sur le porte-avions Foch en 1980 le ramène à son identité 100 % française. Car la star Johnny est franco-françai-se et franco-belge (et un peu Suisse côté fiscal !).Son concert à Las Vegas, en 1996, est rempli par 7 000 per-sonnes francophones, l’Améri-que ne le reconnaît pas. Même s’il chante en anglais, il ne s’ex-porte quasiment pas.Johnny est l’incarnation d’un rock tricolore et d’un personna-

ge insoumis et rebelle comme laFrance les aime. Berger, Gold-man, Obispo, Le Forestier, Lara, Djian, Miossec, Delerm : tous composent pour Johnny. Sa voix puissante et vibrante, ses interprétations fusionnelles avec les chansons, sa présence sur scène subliment leurs musi-ques et leurs textes. « Ceux qui n’ont pas chanté avec lui rêvent de le faire », avoue Vanessa Pa-radis.Le rocker déborde largement lasphère musicale. Le mythe est entretenu dans le pays à la fois par des concerts, des tournées, des chansons des mises en scè-

ne toujours plus sophistiquées et par cette turbulence perma-nente dans sa vie dissolue.La mégastar au cœur d’arti-chaut fait les choux gras de la presse. Dans les années 1980, les maîtresses passent comme les partenaires de duo sur scè-ne. Réalisateurs, mais aussi sportifs, chefs d’entreprise et surtout les politiques se bouscu-lent autour de la star. Johnny chante qu’on a tous en nous quelque chose de Jacques Chi-rac, soutient Nicolas Sarkozy en 2008 et rencontre le couple Macron en 2017. Il chante deux fois à la fête de l’Huma. Dedroite fiscalement, de gauche socialement.

Omniprésent dans la vie des FrançaisLe mythe Johnny prend aussi racine dans cette enfance dé-chirée, maintes fois contée. Il s’entretient par les légendes sur ses dettes, les rumeurs de bagar-res dans les boîtes, les ragots sur ses maladies. On le voit partout.En 2000, il participe au Paris-Dakar avec René Metge. Des Restos du cœur au Téléthon, il s’engage dans l’humanitaire sans dédaigner la pub. Chaque retour sur scène force l’admira-tion, surtout que la star apparaîttoujours plus fatiguée.Sa santé est en permanence scrutée. Après une alerte car-diaque en 2009 à Los Angeles, la bête de scène revient. En mars 2017, il annonce lui-mê-me un cancer du poumon mais chante encore avec Eddy et Dutronc, ses copains canailles. Ce cancer l’a terrassé. Pour ses fans et pour tous les Français, Johnny est devenu un vrai mo-nument du patrimoine natio-nal.

Pascal Jalabert

F R A N C E P R È S DE S OI X A N T E A NS DE C A R RI È R E

1959-2017 : la saga JohnnyDepuis plus d’un demi-siècle, le pays suit les tubes, les tournées, les amours de son rocker “made in France”. Sa longévité, la force qu’il déga-geait sur scène et son omni-présence médiatique lui ont valu une popularité inégalée.

■ En juin 1980, au Bourget. Photo AFP

Dans un texte envoyé aux rédactions et à l’Élysée, l’épouse de Johnny Hallyday de-puis 1996 fait part de son immense res-pect pour la stature de son mari, et rend aussi hommage au public qui chérissait Johnny.« Johnny Hallyday est parti. Jean-Philip-pe Smet est décédé dans la nuit du 5 dé-cembre 2017. J’écris ces mots sans y croi-re. Et pourtant, c’est bien cela. Mon homme n’est plus. Il nous quitte cettenuit comme il aura vécu tout au long de sa vie, avec courage et dignité. Jusqu’au dernier instant, il a tenu tête à cette mala-die qui le rongeait depuis des mois, nous donnant à tous des leçons de vie extraordinaires. Le cœur battant si fort dans un corps de rocker qui aura vécu toute une vie sans concession pour la scène, pour son public, pour ceux qui l’adulent et ceux

qui l’aiment. Mon homme n’est plus. Lepapa de nos deux petites filles, Jade etJoy, est parti. Le papa de Laura et David afermé ses yeux. Ses yeux bleus qui illumi-neront encore et encore notre maison, etnos âmes. Aujourd’hui, par respect etpar amour pour cet homme extraordi-naire qui fut le mien pendant plus de 22ans, pour perpétuer sa passion de la vie,des sensations fortes, des émotions sansdemi-mesure, nous unissons tous nosprières, et nos cœurs. Nous pensons à luisi fort qu’il restera à jamais à nos côtés,aux côtés de ceux qui l’écoutent, le chan-

tent et le chérissent depuis toujours. Johnny était un homme hors du commun. Il le restera grâce à vous tous. Surtout, ne l’oubliez pas. Il est et restera avec nous pour toujours. Mon amour, je t’aime tant. »

Le message de Laeticia Hallyday : « N’oubliez pas Johnny »

■ Photo AFP

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Les premiers fans sont arrivés bienavant le lever du jour, en même

temps que plusieurs dizaines de jour-nalistes. En quelques heures, Marnes-la-Coquette est passée de sa quiétude habituelle au statut de commune pla-cée en état de siège. Plusieurs cars de CRS ont été envoyés dans la nuit, dès l’annonce de la mort de Johnny Hally-day. Le centre-ville de cette commune ultra-chic de l’ouest de Paris très prisée des grandes fortunes est totalement bouclé. Des barrières empêchent les badauds d’approcher le parc privé où lechanteur avait acheté sa magnifique propriété de 900 m² habitables au dé-but des années 2000.À sa sortie de la clinique parisienne où il avait été soigné pour détresse respira-toire, Johnny Hallyday avait décidé de retourner à La Savannah, cette super-

be maison avec tennis, piscine et salle de cinéma estimée entre 15 et 18 mil-lions d’euros en 2010. C’est ici, dans ce havre de paix loin du tumulte parisien et à l’abri des paparazzis, qu’il avait choisi de finir ses jours. Un lit médicali-sé avait été installé et une équipe médi-cale se relayait à son chevet jour et nuit dans cette commune qui a la particula-rité d’être la plus riche de France pour lerevenu par habitant.

« Je n’arrive pas à réaliser »Tout à coup, c’est comme si le deuil de tout un pays pesait sur les épaules d’unepetite ville de 1 700 habitants. « Je suis dévasté. J’ai appris la mort de Johnny en me réveillant, avant d’aller au bou-lot. J’ai pris une journée de congé pour venir me recueillir devant chez lui », explique Patrick, un fan de 55 ans qui habite dans le Val d’Oise. « Johnny, c’est toute ma vie. J’ai vu tous ses plus grands concerts, à l’Olympia, à Bercy, au Zénith, au Parc des Princes, au Sta-de de France et à la Tour Eiffel. Je suis allé trois fois à Bercy pour sa tournée « Rester vivant » en 2015 et 2016. Je n’arrive pas à réaliser qu’il est mort ».

Plusieurs fans sont venus avec une rosepour rendre un dernier hommage à leur idole. Ils ne sont pas autorisés à al-ler jusqu’à l’entrée de la voie privée qui donne accès la propriété de Johnny mais des policiers se chargent d’aller déposer les fleurs sur les grilles. Un fleu-riste vient livrer un bouquet de fleurs dela part de fans qui habitent en Meurthe-et-Moselle, à plusieurs centaines de ki-lomètres.

« Très simple et humain, toujours souriant »Le lourd portail s’ouvre pour laisser passer plusieurs voitures aux vitres teintées. Le réalisateur Claude Le-louch a été le premier à venir se re-cueillir à La Savannah. Les fans ont pu ensuite entrapercevoir Muriel Robin, arrivée dans une petite Smart, Jean-Claude Darmon, l’ancien grand argen-tier du foot, et Yodelice, l’artiste qui a réalisé De l’Amour, le dernier album deJohnny, et qui travaillait sur son futur album.Xavier est venu en voisin. « Je croisais parfois Johnny à la boulangerie ou dansson Hummer. Un jour, il a même failli

me renverser à moto, mais ce n’est pas lui qui était au volant. C’était quelqu’unde formidable et plein d’humilité. Il était très simple et humain, toujours souriant. Une icône française dispa-raît. J’espère qu’il sera honoré par un hommage national », confie cet habi-tant de Marnes-la-Coquette, très ému.

Trop fatigué pour monter au premier étageHier midi, la Brasserie de la Tête noire était pleine à craquer, avec les tubes de Johnny diffusés en boucle. Le chanteur était un habitué de ce restaurant situé à proximité de sa propriété de Marnes-la-Coquette. Johnny Hallyday y avait dîné plusieurs fois l’été dernier, avec sa femme Laeticia, avec ses filles Jade et Joy et avec des copains. Lors de sa der-nière visite, la patronne lui avait propo-sé de monter à l’étage pour être plus tranquille. Trop fatigué, le rocker avait renoncé à monter les escaliers. Mais il avait toujours bon appétit. En dessert, ilavait demandé un baba au rhum, après avoir dégusté du foie gras et un foie de veau déglacé au vinaigre de framboise.

Luc Chaillot

De nombreux fans sont venus se recueillir dès mercredi le plus près possible de La Savannah, la ma-gnifique propriété du chanteur. La commune de Marnes-la-Coquette a été placée en état de siège.

■ Des fans en pleurs se sont rassemblés près de la propriété de Johnny Hallyday à Marnes-la-Coquette, qui a la particularité d’être la commune la plus riche de France pour le revenu par habitant. Photo AFP

HOMMAGE

Sa “marraine” Line Renaud : « Ça ne s’éteindra jamais Johnny »Elle fut sa “marraine” à ses débuts, dès 1960. L’actrice et chanteuse Line Renaud a rendu hommage à Johnny Hallyday mercredi sur RTL : « Il était beau comme un Dieu, il avait un charisme fou, avant de dire quoique ce soit, juste le fait qu’il entre dans ce studio, avec sa guitare à la main, ses cheveux blonds tous frisés, ses yeux bleus, son sourire, un tel charisme avant de dire un seul mot. Et puis après il s’est mis à chanter, il est venu avec cette mode, le Rock’n Roll ». Et de conclure : « Ça ne s’éteindra jamais Johnny. Il n’y aura plus jamais un Johnny Hallyday ». C’est après sa première apparition à la télévision en 1960 que Johnny Hallyday est devenu l’un des chouchous et l’une des valeurs sûres de la presse people qui en a fait la star yéyé par excellence. Les deux stars étaient proches, comme sur cette photo de 1985, où Johnny accompagnait Line Renaud à une réception officielle à l’hôtel de ville de Paris, avec le maire de l’époque, Jacques Chirac. Photo AFP

A Marnes-la-Coquette, des CRS et des larmes

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Il était connu pour ça : des arrivéesspectaculaires dans des arènes im-

menses. Johnny Hallyday était la défi-nition même de la bête de scène.

De Devos au Stade de FranceAprès quelques tours de chauffe à Mi-gennes (Yonne) puis à Juan-les-Pins (Alpes-Maritimes), Johnny monte sursa première scène parisienne à l’Al-hambra, en septembre 1960, pendanttrois semaines, en première partie du spectacle de l’humoriste belge Ray-mond Devos. Ce sera ensuite la place de la Nation à Paris. Pour ce concert célébrant le premier anniversaire de l’émission de radio Salut les Copains,Europe 1 invite, outre Johnny, Sylvie Vartan, les Chaussettes Noires d’Ed-dy Mitchell… Le concert se termine par des échauffourées avec la police. « 500 voyous terrorisent 150 000 spectateurs attirés par les idoles des jeunes », titre le lendemain Paris-Presse. Comme quoi, le rap n’a rien inventé… Puis vient le Palais desSports de Paris en 1982, dans un spectacle Le Survivant, aux allures deMad Max. En 1984, au Zénith, une main transporte le chanteur.En 1993, il fête ses 50 ans au Parc des Princes. Défilé de Harley Davidson, Cadillac, bagarres chorégraphiées et un Johnny qui fend la foule pour sonentrée à même la pelouse du stade… Et 180 000 spectateurs au total.En 1998, c’est son premier Stade de

France. Si le premier soir a été être annulé pour cause de pluies diluvien-nes, il réunit ensuite 240 000 specta-teurs pendant trois soirées, à chaque fois avec une arrivée remarquée en hélicoptère (même s’il s’agissaitd’une doublure). En guest star : Syl-vie Vartan. Il y reviendra en 2012.En 2000, 500 000 spectateurs font le déplacement au pied de la Tour Eiffel pour un concert gratuit afin de célé-brer ses 40 ans de carrière. Enfin, le Tour 66 de 2009 a marqué une forme d’apothéose de la démesure, avec desconcerts au Stade de France et sous la

Tour Eiffel.

Les plumes de Labro, Goldman ou Miossec pour luiJohnny Hallyday n’a pas attiré que lesfans, il a aussi attiré de nombreuses stars de la musique pour composer plusieurs de ses tubes. Michel Berger créa en 1985 Quelque chose deTennessee, hommage au dramaturge américain Tennessee Williams, avantde mettre en scène le premier passagede Johnny à Bercy, en 1987.L’envie ou Je te promets sont des car-tons de l’album Gang (1986), entière-

ment écrit par Jean-Jacques Gold-mann qui a réellement lancé unedeuxième carrière. Zazie et Pascal Obispo ont créé en 1998 le redouta-ble Allumer le feu pour ses shows au Stade de France. Il y a eu aussi Marie, en 2002 par Gérald de Palmas, De l’amour en 2015 par Miossec…Même Philippe Labro (Oh ! Ma jolie Sarah) et Guy Carlier (Ce qui ne tuepas nous rend plus fort) ont écrit pourJohnny. Sur le plan musical, Hallydaysavait très bien s’entourer. Son autre force avec sa voix.

T. L.

L’ A R T I S T E U N E B Ê T E DE S C È N E P OU R QUI ON COM P OS A I T

Celui qui rendait la musique puissanteIl pouvait remplir des stades. Et de Michel Berger à Zazie, on se bousculait pour composer ses chansons. Johnny Hallyday arri-vait à porter la musique aussi bien sur scène qu’en studio.

■ Johnny Hallyday en 1998 pour son premier passage au Stade de France. Un spectacle pharaonique. Photo AFP

D’un point de vue musical, que restera-t-il de Johnny ?S’il n’y avait pas Johnny, le rock serait resté en France une musique étrangère. C’est grâce à lui que le rock est rentré dans la vie quotidien-ne des Français. Et c’est notre seul rockeur…C’est aussi un chanteur qui a su se réinven-ter pendant un demi-siècle…Oui, comme les très bons interprètes. Ils n’écrivent pas eux-mêmes leurs chansons. Ceux qui durent sont ceux qui dénichent les musiciens ou les paroliers qui relanceront leur carrière, donneront un tour nouveau. Dujour où Charles Aznavour lui a écrit Retiens lanuit ou à la période du rock anglais jusqu’à l’an dernier, en passant par Goldman ou De Palmas, Johnny a toujours su se régénérer. La rupture la plus impressionnante de sa carriè-re, c’est au milieu des années 80. À l’époque, il est en perte de vitesse. Il est allé chercher Mi-chel Berger, qui a mis fin à son image de chan-teur yéyé pour en faire un chanteur adulte…Comment s’expliquer alors que Johnny soit

resté une passion fran-çaise, sans percer par exemple aux États-Unis ?La seule star francopho-ne planétaire, c’est CélineDion. Mais c’est une Québécoise, donc avec la proximité du Cana-da anglais et des États-Unis. Parfois les mêmesproducteurs, la capacité à chanter des chan-sons en anglais… Dans les années 60, lors-qu’il était pertinent musicalement, Johnny n’avait pas l’entourage nécessaire pour perceraux États-Unis. Et puis avec un marché com-me la France et la francophonie, vous avez tellement de gloire et de fortune que vous n’avez pas l’incitation de tout remettre en jeu pour réussir aux États-Unis. Si vous êtes Hol-landais ou Norvégiens, vous avez absolu-ment besoin du marché anglo-saxon pour du-rer. En France, on peut faire une très belle carrière. Johnny en est la preuve !

Propos recueillis par Ryad Benaidji

« Johnny était notre seul rockeur »Yves Bigot, directeur général de TV5 Monde, spécialiste du rock

■ Photo CL2P/ C. LARTIGE

Si la carrière musicale de Johnny Hallyday a été jalonnée de succès, ily a eu aussi des échecs. En 1976, Johnny publie Hamlet, un concept-album inspiré par la tragédie sha-kespearienne et très marqué par le rock progressif. Le double album est enregistré avec un orchestre de 150 musiciens. Mais c’est un échec commercial et l’idée d’en faire un spectacle est abandonnée.Il y a eu aussi la déroute de Las Ve-gas, en novembre 1996. Johnny or-ganisa un concert à l’Aladdin-Ho-tel-Casino, devant 7 000 fans français ayant acquitté un forfait de7 300 francs (1 100 euros) pour deux jours à Las Vegas et l’entrée auconcert. Mais le rockeur, victime d’une trachéite, n’apparaît pas en grande forme pour ses premiers pas américains, et a laissé fans et cri-tiques sur leur faim.

Hamlet ou Las Vegas, rares ratés

DISCOGRAPHIE

nSes plus grands hits1960 : Souvenirs, souve-nirs.1961 : Retiens la nuit.1962 : L’idole des jeunes.1964 : Le pénitencier.1966 : Noir c’est noir.1969 : Que je t’aime.1970 : J’ai oublié de vivre.1973 : La musique que j’aime.1973 : J’ai un problème.1976 : Requiem pour un fou.1979 : Ma gueule.1982 : Gabrielle.1985 : Quelque chose de Tennessee.1985 : Rock’N’Roll Atti-tude.1986 : L’envie.1986 : Laura.1986 : Je te promets.1986 : J’oublierai ton nom.1989 : Mirador.

1991 : Diego.1998 : Allumez le feu.1999 : Sang pour sang.1999 : Vivre pour le meilleur.2002 : Marie.2011 : Jamais seul.2015 : De l’amour.

■ Photo LRL/Julio PELEAZ

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« Hallyday, c’est mon vrainom. Mon père est améri-

cain ». Il avait menti. Johnny avait18 ans, on était en 1961, l’enfant durock s’inventait une famille d’Amé-rique dans l’émission «Discorama»à la Radio-télévision française(RTF). En vrai, son père, Léon Smet, était belge, mais Johnny avaitrêvé si fort de l’Amérique d’ElvisPresley, de Chuck Berry et d’EddieCochran, qu’il tentait à son tourd’inventer sa propre légende.Il avait pris son nom de scène à LeeHallyday, danseur américain mariéà sa cousine, et c’est Lee qui lui avaittransmis l’amour des États-Unis,Lee aussi qui l’avait appelé Johnny.« Lee, c’était l’Amérique, il me ra-contait les grands espaces, les coltsdes cow-boys, les canyons… », écritle rocker dans son autobiographie,Dans mes yeux (Plon),L’Amérique était au cœur du rockeret de sa musique qui venait du blues.Il l’aimait déjà avant même sonvoyage en 1962, à Nashville, Ten-nessee, pour l’enregistrement deson premier album en anglais, danslequel il avait repris des standardsdu rock américain.Il avait tellement rêvé l’Amériquedes récits de Lee et du cinéma, queJohnny a fini par vivre quelquetemps sur la côte ouest avec SylvieVartan dans les années 70, avant derevenir en France. Son rêve améri-cain ne s’est pas réalisé : il n’y a paseu de carrière américaine, seule-ment des allers et retours pour tra-

vailler outre-Atlantique ses albumsavec les musiciens de là-bas. LesAméricains ne l’ont pas reconnucomme un de leurs rockers maisbien volontiers comme un ambassa-deur qui a fait aimer leur culture auxFrançais.

L’an dernier, un dernier road-trip à motoEn 2013, Johnny est reparti vivre àLos Angeles dans le quartier desstars de Pacific Palisades. Une mai-son de 650 m², avec sept chambres,dix salles de bains, de la place poursa collection de motos et ses bolidesrutilants. « Depuis des années, c’estici que je répète avec mes musiciens,que j’enregistre mes disques, que je

prépare mes tournées et mes specta-cles. Il était logique que j’y passedavantage de temps ».Il y a un an, Johnny Hallyday, blou-son de cuir, a poussé plus loin queses longues balades à moto sur laPacific Coast Highway. Il est partiavec ses copains bikers sillonnerson Amérique des grands espaces,la Louisiane, le Texas, le Nouveau-Mexique, l’Utah, l’Arizona. Che-veux au vent, il posait au bord desgouffres de canyons, des photosdans un paysage de western, où ilapparaissait rayonnant comme unvieux chef sioux en surplomb de sonterritoire indien. Il avait un aird’Amérique et de légende.

Nathalie Chifflet

E TATS - U NI S INS TA LL É A U X DE P UIS CINQ A NS AV EC S A FE M M E E T S E S F ILLE S

Johnny au Far West : quelque chose en lui de l’AmériqueSon rock avait un air d’Amérique, il avait enregistré plusieurs al-bums aux États-Unis. Depuis 2013, Johnny vivait dans le quar-tier huppé de Pacific Palisades, à l’ouest de Los Angeles.

■ Sillonner les grands espaces américains en Harley-Davidson : le plaisir immodéré de Johnny. Photo O. BOITET

Il était une légende dans le mon-de francophone mais à Los Ange-les, la ville des célébrités hol-lywoodiennes, Johnny Hallydayétait une star discrète.Ainsi, l’interprète de Quelquechose de Tennessee, faisait sescourses comme tout le monde,fréquentait des restaurants chicscomme The Little Door (tenu pardes Français) ou Nobu à Malibu,au bord du Pacifique.

Ben Affleck ou Tom Hanks dans le voisinageAu salon de tatouage ShamrockSocial Club sur Sunset Boule-vard, le patron Mark Mahoney se

désole de sa disparition : « C’estla personne la plus vivante quej’ai jamais rencontrée, il dévoraitla vie. Il buvait, il fumait commes’il n’y avait pas de lendemain.C’était incroyable d’être autourde lui. » Il se souvient lui avoirfait environ dix tatouages, dontun portrait de sa femme Laeticia.Au salon, il venait parfois enfamille, parfois seul.Éclipsé par des voisins plus célè-bres que lui outre-Atlantiquecomme Ben Affleck, Tom Hanks,Steven Spielberg ou, juste en facede sa propriété, l’actrice KateHudson, « l’idole des jeunes »,décédé hier à 74 ans, vivait dans

un anonymat presque parfait.« C’est très calme ici », expliquaitSandra Morton, qui vit à PacificPalisades depuis 50 ans. Elle nonplus n’avait jamais entendu par-ler du chanteur.À quelques kilomètres de là, dansl’école française à la jolie clôturebleue où sont scolarisées sesfilles, une surveillante assurequ’elles sont élevées comme tou-tes les petites filles de leur âgeMais c’est aussi à Los Angelesque « Johnny » avait frôlé la morten 2009. Il s’était retrouvé troissemaines hospitalisé dans le co-ma à la suite de complicationsd’une opération au dos.

À Los Angeles, la star était anonyme

RÉACTIONS D’ARTISTES

nCharles Aznavour : «Après quelques décennies, je suis à nouveau frappé douloureu-sement par une étrange coïnci-dence, la disparition de quatre personnages hors du commun, dans l’espace d’une nuit : Édith Piaf et Jean Cocteau (morts à un jour d’intervalle en octobre 1963, ndlr), et aujourd’hui Johnny Hallyday et Jean d’Ormesson, deux de ma famille artistique et deux de mes maîtres à penser qui resteront à jamais gravés dans mon cœur et dans mon esprit.»

nMichel Polnareff : «Je me sens à la fois triste et libéré car il souffrait énormément. Il a toujours été un héros. C’est quel-qu’un qui nous a beaucoup inspi-rés, qui avait une force de caractè-re hors norme. J’ai les larmes aux yeux en le disant, mais, vraiment, on l’aime. J’ai pris deux claques à cause de lui parce que mon père n’aimait pas du tout que j’aime ce genre de personnage. »

nClaude Lelouch : «Je pense à sa famille, à Laeticia, qui l’a accompagné, à ses enfants. Pour nous les autres, il faut qu’on transforme tout ça en une grande fête, parce que Johnny était un enfant toute sa vie, il a fait la fête toute sa vie, il a vécu 1 000 vies, il a eu la chance de goûter à tous les parfums. »

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nL’enfance meurtrie

L’histoire de Johnny commence dansles tourments. C’est à Paris que naîtJean-Philippe Smet, le 15 juin 1943.Très tôt, en 1944, ses parents, Huguet-te et Léon, se séparent. Le petit Jean-Philippe part vivre avec une tante pa-ternelle, Hélène Mar, ancienne actricede cinéma muet, et mène une vie itiné-rante avec ses deux cousines danseu-ses Desta, future épouse de Lee Hally-day, et Menen. Il suit l’école parcorrespondance, il apprend le specta-cle de villes en villes, de cirques enthéâtres : danse, guitare, chant, petitsfilms publicitaires. Il arrête l’école. Ilvoit peu sa mère et jamais son pèrequ’il déteste tout en refusant de le lais-ser dans la pauvreté. Il porte son nom,Smet.

Johnny, c’était tout ça à la fois

Les nuits blanches noyées dans le whisky et embrumées de paradis arti-ficiels, les filles faciles et les femmes fatales. La vie de Johnny n’a pas été aussi droite que la route 66. Il aura été poursuivi par le fisc, les juges et sur-tout par « ses démons » comme disaitLæticia.Rongé par une gloire qui dévore sa vieprivée, ravagé par une enfance in-complète, sans père ni stabilité fami-liale, il s’évade par tous les moyens. Dans les années 1960, l’idole des jeu-nes compense son mal-être de starprécoce par des échappées au long cours en Amérique et ces évasions nocturnes qui font enrager Sylvie Var-tan. La rupture en 1972 et la rencon-tre avec la choriste Nanette Work-man le précipitent dans des déboires financiers et sentimentaux. À cette époque, il aide son père, Léon Smet avant de le délaisser et de le détester définitivement.

Déprimes soignées au whiskyGrâce à ses producteurs successifs, il renoue avec Sylvie et la scène. Avant de replonger en 1978. Pendant quatreannées, il sombre dans la démesure, sur scène comme dans la vie et souffred’une inguérissable solitude, passant

de femme en femme, délaissant ses fans et laissant ses biens à Saint-Tro-pez, Los Angeles et Paris. Mariage éphémère avec Babette à Las Vegas, liaisons en série avant un “concubina-ge” avec Nathalie Baye (1982) qui le stabilise quatre ans. Le corps est déjà fatigué. Johnny est opéré d’une arth-rose à la hanche, il s’effondre sur scè-ne, victime d’un malaise cardiaque (1985).

Au creux de la vague, il lui est arrivé dechanter dans des salles à moitié vide. En juillet 1990, il épouse Adeline Blondiau, la fille de son copain Long Chris, mais ne vit quasiment pas avec elle. Sorties, bagarres, alcool, excès… Il rencontre Karine, puis se remarie avec Adeline en 1994 à Las Vegas pour en redivorcer en mai 1995, an-née de sa rencontre avec Laeticia Boudou, une Héraultaise, fille d’unroi de la nuit du Languedoc, de trente ans sa cadette. C’est elle et la famille Chirac qui le remettent d’aplomb.

La scène pour guérirSes concerts à Paris remplissent à nouveau stades et esplanades. Mais il doit aussi faire face à un procès, qu’il gagne, avec sa maison de disques Uni-versal et affronte à une polémique sur son déménagement en Suisse et sa de-mande de nationalité belge, dictés pardes motivations fiscales. Le chanteur affirme en 2006 « ne plus aller en boî-te, ne plus draguer, ne plus se bourrer la gueule ». Affirmations démenties par Laeticia : « Il est parfois rattrapé par ses démons, mais la scène le gué-rit. » Et si finalement c’était le seul en-droit où Johnny s’était senti à l’abri de ses démons ?

Ces démons qui ne l’ont pas lâché

■ Whisky et paradis artificiels, filles faciles, fisc, bagarres… AFP

■ Il n’aimait pas sa marionnette des Guignols de l’Info. Elle l’a pourtant rendu populaire. Photo Olivier BOITET

se laisse volontiers croquer jusqu’auxannées 1980 où son image devient plusmaîtrisée et confiée à Claude Angeli. Ildépose plainte pour des photos voléesavec des maîtresses à plusieurs reprisesà cette époque. Après son mariage avecLaeticia, le lien avec la presse s’atténue.La jeune épouse reprend la main sur lacommunication de l’idole.

nMaladroit quand il parleLogiquement, Johnny devient en 1989la première star des Guignols de l’infode Canal + avec la voix d’Yves Lecocqet la réplique culte de sa marionnette,« Ah que coucou ! ». Il apprécie peu depasser pour l’idiot de service. À l’épo-que, sa fille Laura Smet, moquée parses camarades d’école, fait d’ailleursune déprime. Si à l’aise sur scène, il serévèle maladroit quand il a la parole.

le fisc et les concerts au Stade de Fran-ce en 1998, ainsi que la vente de lamaison de Ramatuelle, auraient permisde remettre les compteurs à zéro. Lecouple Johnny-Laeticia avait acheté unchalet à Gstaad en Suisse (en vente9,5 millions d’euros début 2015), unepropriété à Los Angeles et une maisonà Marnes-la-Coquette au nom de Læti-cia. Selon le magazine People with Mo-ney, la star aurait gagné 96 millions en2014, grâce aux succès de ses tournéeset de ses contrats, mais aussi grâce à sespartenariats publicitaires et à différentsinvestissements (boursier, immobilier).

nLes amis paparazziPhotogénique, expressif sur scène, agi-té dans la vie : Johnny a tout pour plaireaux photographes. En plus, il termineles soirées en discothèque avec eux. Il

nLe biker

Avec son premier chèque, il s’est achetéune Harley-Davidson, croit se souvenirMichel Drucker. Blouson noir ou giletde cuir, pantalons cloutés et casquerond, tenue de cow-boy : dans Monu-ment Valley en Arizona, sur les hau-teurs de Saint-Tropez ou en vallée deChevreuse, il chevauche ses motos cus-tomisées et pétaradantes, entouré depotes. Il en aurait possédé 140.

nL’argent, les maisonsGrande fortune, champion de l’évasionfiscale en Suisse ? Ou inscrit à la com-mission de surendettement ? Les rap-ports de Johnny à l’argent sont fluc-tuants et complexes. Il dépense sanscompter et ne gère pas lui-même. De1975 à 1990, ses gains ont été saisis par

JOHNNY A DIT

nSur son père« De mon père, je n’ai connu que les pires aspects. L’aban-don petit, puis les factures ou les frais d’hôpitaux à régler, la déchéance. On le trouvait ivre mort, écroulé au milieu de la rue. C’était dur, douloureux de n’avoir que ça de lui. Le manque de père a hanté ma vie »nSur les femmes« J’ai vécu très souvent avec des femmes. Mais en fait j’étais seul. Je n’ai jamais eu vraiment une épaule sur la-quelle poser la tête. Je l’ai trouvée depuis que j’ai ren-contré Laeticia »nSur sa « destroyance »« J’étais le brave petit soldat Johnny. Peut-être un peu fan-tasque, un peu fou, un peu… excessif – je ne regrette rien, tu connais ma « destroyance » –, mais j’étais toujours prêt à sortir de la tranchée, même quand ça canardait (je me souviens des jets de canettes quand je passais en première partie de Raymond Devos), et je me suis débrouillé pour rester au top ».

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« On a tous quelque chose ennous de Johnny Hally-

day » : la phrase est du président dela République. Elle a été reprise mer-credi après-midi par le président del’Assemblée nationale, François deRugy, qui a ouvert la séance desquestions au gouvernement par cesmots, provoquant une ovation de-bout des députés pour rendre hom-mage au chanteur disparu. Le Pre-mier ministre lui-même lui a renduhommage : « Johnny avait une placeparticulière. L’émotion est très viveet nous la partageons tous », a ditÉdouard Philippe.Johnny et la politique, c’est aussi unehistoire. Jamais une personnalité po-litique caressant un destin présiden-tiel n’a risqué de se le mettre à dos.

Le cœur à droiteJohnny, qui n’a jamais caché son ad-miration pour le général de Gaulle,avait le cœur à droite. On l’a vu avecun tee-shirt « Giscard à la barre », ila chanté « On a tous en nous quel-que chose de Jacques Chirac » et il asoutenu son « ami » Nicolas Sarko-zy, qui l’avait marié avec Laetitia. Ilfaisait d’ailleurs partie, avec sonépouse, des invités de la fameuse soi-rée du Fouquet’s.Mais jamais il ne s’est beaucoupavancé sur le terrain des idées, préfé-rant mettre ses amitiés en avant plu-tôt qu’une quelconque convictionpolitique.

Ami avec MacronD’ailleurs, il n’a jamais dit de mal deFrançois Mitterrand et a fait un véri-

table tabac en 1985 à la Fête de l’Hu-ma, où Georges Marchais avaitchauffé la foule massée devant lagrande scène avant le concert. Àpropos de François Hollande, aveclequel il avait dîné, il confessait qu’ilavait trouvé l’homme « très sympa-thique et très intelligent ».Emmanuel Macron aussi était unami du chanteur, avec lequel il avaitdîné à plusieurs reprises. L’actuelprésident l’avait fait savoir sur lesréseaux sociaux, à l’époque où iln’était pas encore candidat et où sanotoriété était moindre. Johnny Hal-lyday n’a jamais fait une électionprésidentielle. Mais être l’ami del’idole des jeunes (et des autres) nenuisait pas.

Nathalie Mauret

D I S PA R I T I O N J OH N N Y E T L A P OLI T IQU E

Homme de droite, pas contre la gaucheJohnny a rencontré tous les pré-sidents de la République. Homme de droite, il n’a jamais dit de mal de la gauche et a même chanté à la Fête de l’Huma.

■ Johnny Hallyday venu soutenir Nicolas Sarkozy durant sa campagne électorale en 2006. Photo AFP

Les politiques aiment tous Johnny Hallyday, et ont forcément une chanson préférée. Nadine Morano, Bruno Le Maire et Jack Lang avouent leur préfé-rence pour Que je t’aime. L’envie a les faveurs de Marine Le Pen (« Un texte d’une grande force et d’une incroyable justesse »), des ministres Jean-BaptisteLemoyne (« une chanson mythique qui me rappelle mes amis du pension-nat») et Sébastien Lecornu (« elle donne de la force et de la volonté ») mais aussi de Bernard Accoyer et de l’exclu LR Franck Riester (« Ça donne envie deprendre le micro et de chanter »). Ségolène Royal n’arrive pas à choisir entre Retiens la nuit et Vivre pour le meilleur. Delphine Batho n’a, elle, aucune hésitation et cite Je te promets (« C’est un cadeau d’amour pour toutes les femmes »). Jean-Christophe Cambadélis réveille ses souvenirs et se souvient du Pénitencier (« La première que j’ai entendue sur l’appareil du salon et que je reprenais à tue-tête devant mes parents consternés »).

N. M.

Quelles sont ses chansons préférées par les hommes et femmes politiques ?

L’HOMMAGE PRÉSIDENTIEL

Pour Macron, Johnny « fait partie des héros français »Johnny « fait partie des héros français », a clamé Emmanuel Macron depuis Alger, où il était en visite officielle. « C’est extrêmement douloureux pour beaucoup de nos concitoyens car ce n’était pas seulement une star mais quelqu’un qui était devenu familier. C’est un artiste populaire au bon sens du terme, a-t-il estimé. De Johnny Hallyday nous n’oublierons ni le nom, ni la gueule, ni la voix, ni surtout les interprétations, qui, avec ce lyrisme brut et sensible, appartiennent aujourd’hui pleinement à l’histoire de la chanson française. Il a fait entrer une part d’Amérique dans notre Panthéon national. Nous avions forgé au plus profond de nous-même l’idée qu’il était invincible. Il fait partie de ces hommes qui auraient pu mourir 100 fois mais il n’est jamais tombé. » « On a tous en nous quelque chose de Johnny », avait réagi auparavant dans un communiqué le président de la République depuis la France, informé du décès de Johnny Hallyday vers 2 heures du matin par son épouse Laeticia. « Un hommage lui sera rendu, mais il faudra voir avec la famille », a-t-il ajouté. Selon l’Élysée, il se rendra avec son épouse Brigitte aux obsèques de la star, dont la date n’est pas encore connue.

■ Emmanuel Macron. Photo AFP

LES POLITIQUES

nFrançois Hollande, ancien président de la République« Johnny est parti dans la nuit. Nous aurions tellement aimé le retenir. C’est un élément de notre patrimoine musical national »nNicolas Sarkozy, ancien président de la République« La France est en deuil d’un très grand artiste, de cette voix irremplaçable, de ce talent et d’un répertoire. Johnny va laisser un vide que personne ne pourra jamais combler. »nJean-Pierre Raffarin, ex-Premier ministre« Ce matin, on a tous en nous quelque chose qui meurt. »nAlain Juppé« Que je t’aime ! Que je t’aime ! Que de souvenirs avec Johnny ! Aux côtés de Jacques Chirac […] nous étions des milliers de toutes générations. »nMarine Le Pen (Front national)« Le taulier de la chanson française n’est plus. Un chanteur venu du peuple et que le peuple aimait. »nBenoît Hamon, ancien candidat PS à la présidentielle 2017« C’est un peu comme si Paris perdait sa Tour Eiffel. »nPierre Laurent, secrétaire national du PCF« Un grand artiste populaire nous a quittés. Son œuvre immense, ses tubes resteront gravés à jamais. »nFrançois Bayrou, président du MoDem«JohnnyHallyday a réussi à fédérer les sensibilités et les générations. »

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Vivant en « loup solitaire » com-me le rockeur aimait à se définir,

Johnny Hallyday avait d’abord con-nu l’amour avec Sylvie Vartan, stardu Yéyé, qu’il avait épousée pen-dant son service militaire en 1965.

David, le bébé de l’année 1966L’événement est national et l’arri-vée du petit David, l’année suivantedéchaîne la presse et les fans. Maisleur couple vit déjà des hauts et desbas qui conduiront le chanteur àune tentative de suicide. En 1980,le divorce est prononcé mais le duoSylvie-Johnny, qui chanta J’ai unproblème, restera gravé dans le cœur de toute une génération. « J’aiperdu l’amour de ma jeunesse etrien ne pourra jamais le rempla-cer », confiait hier Sylvie Vartanqui avait fêté ses 65 ans chez lui en2009 entourés de leurs amis com-muns.En 1981, l’idole des jeunes épouseBabette Etienne, un top model de23 ans. Leur mariage dure deuxmois, pas un de plus.

Accusé de viol par AdelineÀ partir de 1982, il vit une grandehistoire d’amour, trois années du-rant, avec l’actrice Nathalie Bayedont naîtra Laura, aujourd’hui ac-trice sous le nom de Smet, patrony-me de son père. « Mon chagrin estimmense », déclarait hier Nathalie

Baye à laquelle il n’a jamais étémarié.En 1990, en revanche, il épouse lafille de son ami Long Chris, Adeli-ne Blondieau, 19 ans, dont il divor-ce deux ans plus tard pour la réé-pouser en 1994 et en redivorcer enmai 1995. Leur histoire vire littéra-lement au drame lorsqu’en 2013,l’actrice de Sous le soleil l’accusede viol.S’ensuivra une série de relationspassagères avec de jeunes manne-quins françaises, allemandes ou ca-nadiennes : Gisèle, Sabina, Olga,Leah… firent chacune à leur tourles choux gras de la presse people.Ce n’est qu’en 1996 que le rockeurtrouve enfin la stabilité en épou-sant Laëticia Boudou, de trenteans sa cadette, avec laquelle iladopte deux petites filles vietna-miennes, Jade et Joy, entre 2004et 2008.

Laeticia, toujours làLeur couple est confronté aux diffi-cultés les plus lourdes : la drogue,l’infidélité, l’anorexie, la perte d’amis fidèles, mais ils parviennentensemble à les surmonter. Laëticiaavait pris en main la vie de Johnnyde A à Z ; lui en avait acceptél’idée, devant parfois sacrifier jus-qu’à ses plus proches. Son produc-teur historique, Jean-Claude Ca-mus, en fut la première victime. Cequi ne l’a pas empêché hier deremercier publiquement Laëticiade lui avoir permis de renouer avecJohnny dans la toute dernière lignedroite.

Fabrice Veysseyre-Redon

«J’ai un problème, je sens bien que je t’aime»Johnny laisse derrière lui qua-tre enfants, une épouse et une multitude d’ex-femmes ou compagnes.

■ Johnny et Sylvie Vartan ont donné vie à David, l’un des deux enfants biologiques de la star avec Laura, née de son union avec Nathalie Baye (au milieu à dr.). Après Babette (au milieu à g.) et Adeline Blondiau (en bas à g.), il a trouvé la paix avec Laeticia, avec qui il a eu deux filles adoptives, Jade et Joy. AFP

nCarlos, son meilleur ami

Le plus grand copain de Johnny dans le show-bizz était sans doute Jean-Chrysostôme Dolto, alias Carlos, avecqui il passait l’été à Ramatuelle (Var). Bringues mémorables et soirées chez Barclay, autre grand ami dont il a portéle cercueil, mais jamais intégré la mai-son de disque. Parmi les plus récents, Patrick Bruel, Art Mengo ou PascalObispo ont rejoint le cercle, succédantà Dalida, Renaud, dont il ne partage pas les idées politiques, ou Michel Mallory, son parolier. Sylvie Vartan, « la personne qui le connaît le mieux

avec David », selon Camus, dit à pro-pos de Johnny : « Infidèle en amour, il est tout le contraire en amitié. »

nEddy Mitchell, le même accordIls ont partagé la même passion : la musique américaine aux vibrations blues. En avril 1985, Eddy Mitchell ac-compagne son pote lors de sa repré-sentation au printemps de Bourges. Coup du sort, les deux french rocker ont annoncé leur dernière tournée quasiment en même temps. Les deux monstres de l’époque yéyé ont chanté ensemble sur le titre On veut des lé-gendes.

nJean-Claude Darmon, le businessman

Homme d’affaires, ce pied-noir sorti de HEC, magnat de la pub sportive, nedémarche pas seulement les sponsors pour les tournées. Le monsieur pub d’Optic 2000 fait partie du premiercercle des amis du couple Johnny-Lae-ticia. Il est le parrain de Joy. Ami de plusieurs stars, Daniel Angeli est le photographe officiel depuis 30 ans. A la scène comme à la ville, lui seul ap-puie sur le bouton. Henri Chemin et Henri Pescarolo l’ont initié au pilotageautomobile dans les années 1960.

Carlos, Eddy ... les grands copains d’abord

■ Des amis de toujours, gauche à droite : Carlos, Eddy Mitchell, Jean-Claude Darmon (à gauche de Jean-Michel Aulas). Photos DR, Philippe JUSTE et Stéphane GUIOCHON

TRISTESSE DES ENFANTS

C’est ensemble, et en toute sobrié-té, que Laura Smet et David Hally-day, les deux aînés du chanteur nésdes unions de la star avec Nathalie Baye et Sylvie Vartan, ont réagi à la triste nouvelle. « Aujourd’hui nous avons perdu notre père. Notre douleur est immense. Merci du soutien que vous nous appor-tez et de vos messages, qui nous touchent et qui comptent énormé-ment pour nous », ont-ils écrit, signant d’un « David et Laura, Laura et David ».

■ Laura Smet et David, les enfants biologiques de Johnny Hallyday, ont cosigné un texte de remerciement. Photos AFP

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Il était minot. Johnny avait 12 ansquand il est entré dans la lumière du

cinéma. Pour sa première fois, il se te-nait derrière Simone Signoret, la gran-de actrice de l’époque. Henri-Georges Clouzot était derrière la caméra, lefilm s’appelait Les Diaboliques (1955).Le rêve de cinéma de Jean-Philippe Smet a commencé comme ça, par une apparition. Figurant, c’est un début, et tant pis si la scène a finalement été cou-pée au montage.

Les beaux yeux tristesDans ces années-là, l’enfant de la balle ne voulait que ça : jouer au cinéma, et même, suivre les cours de l’Actors’Stu-dio en Amérique. Il aimait les films noirs, il admirait le réalisateur Elia Ka-zan, ses idoles s’appelaient Marlon Brando, James Dean et Montgomery Clift. « J’ai toujours voulu être acteur et j’ai commencé à chanter dans des bals pour payer mes cours au Centre d’art dramatique de la rue Blanche. Après, la route a dévié », se souvient-il en 2014 quand on le rencontre pour le nouveau Lelouch, Salaud, on t’aime. Il a le premier rôle, partage l’affiche

avec son ami Eddy Mitchell, cet autre cinoque de cinoche.Dans les années 60, les premiers films (Cherchez l’idole, D’où viens-tu John-ny, Les Parisiennes), on ne lui offre quedes rôles chantés. Lui attend un vrai rôle dramatique, et c’est Jean-Luc Go-dard qui lui donne en 1985 dans Dé-tective avec Nathalie Baye. Il incarne un organisateur de combats de boxe. Détective, qu’il considère comme son premier film, l’amène en compétition au festival de Cannes où il retournera

en 2009 avec le thriller Vengeance du réalisateur chinois, Johnnie To.Johnny était fou de cinéma et le ciné-ma en retour a été fou de lui. Le chan-teur, même s’il n’a pas tourné autant qu’il l’aurait voulu, a été un acteur de premier plan pour les plus grands réa-lisateurs : Costa-Gavras (Conseil de famille) ; Alain Berbérian (Paparaz-zi) ; Patrice Leconte (L’homme du Train), Olivier Dahan (Les rivières pourpres) ; Jean-François Stévenin (Mischka) ; Claude Lelouch (L’Aven-

ture c’est l’aventure, Salaud, ont’aime).Lelouch filmait bien les beaux yeux tristes de Johnny. Lelouch lui a donné son ultime rôle dans Chacun sa vie, sorti en mars dernier. Johnny Hally-day dans son propre rôle est le jouet desosies qui l’adulent ou veulent lui volersa vie. L’air un peu perdu, le vrai John-ny avance en légende vacillante mais toujours debout, regard d’acier mélan-colique et voix de feu.

Nathalie Chifflet

C I N É M A DE GODA R D À LE LOUC H , E N PA S S A N T PA R COS TA - G AV R A S

Le gosse rêvait d’être un grand acteurIl disait : « Je suis un fou de ciné-ma ». Il répétait : « J’ai toujours voulu être acteur ». Johnny Hallydaya joué dans une trentaine de films, tourné avec les plus grands réalisa-teurs. Un acteur de premier plan.

■ L’Homme du train (2002) de Patrice Leconte, avec Jean Rochefort, mort en octobre dernier. Photo Pathé

*participations incluses. Photo : Instagram (jhallyday)

DES CHIFFRES FOUS

57 ansde carrière

Une « bêtede scène »

696

10 Victoiresde la musique29 albums live

187 tournées

29 millions de spectateurs

concertsà Paris

3253 concertsdans 40 pays dont

Johnny « super star »

86 couverturesde Paris Match (record)

40 films*Au cinéma

couverturesde Télé 7 jours (record)37

duos avec 187 artistessur 213 titres

Des collaborationsavec 750 auteurset compositeurs

994 chansonsPlus de 1 300 versionsenregistrées

50 albums studio

541

110 millionsde disques vendus

Environ

40 disques d’or 22 3

disques de platine disques de diamant

43 ansde collaborationavec UniversalMusic France(800 chansons)

SES PRINCIPAUX FILMS

n Les Parisiennes (1962) de Marc Allégret et Claude Barman Point de chute (1970) de Robert Hosseinn L’aventure, c’est l’aventure (1972) de Claude Lelouch.n Détective (1985) de Jean-Luc Godard.n Conseil de famille (1986) de Costa Gavras.n Love me (2000) de Laetitia Masson.n L’homme du train (2002) de Patrice Leconte.n Jean-Philippe (2006) de Laurent Tuel.n Vengeance (2009) de Johnnie To.n Salaud, on t’aime (2014) de Claude Lelouch.n Rock’n’roll (2017) de Guillaume Canet.

SES BONS MOTS

nSon élocutionSouvent moqué, notam-ment par Les Guignols de l’Info, Johnny a défendu sa locution. Dans Voici, en 2007, il a ainsi déclaré : « Je n’ai jamais dit “Ah que” dans une phrase, je vous le promets. »nLe sportOn doit au sport quelques-unes de ses sorties les plus drôles. Au Dakar 2002, après une étape compli-quée dans les dunes du Sahara, il lâche cette phrase restée célèbre : « Tu te rends compte que si on n’avait pas perdu une heure et quart, on serait là depuis une heure et quart ? » On mettra cette sortie sur le compte de la fatigue… Autre gaffe, cette interview en 2002, où quand Claire Chazal lui demande « Est-ce que vous les connaissez ces joueurs de l’équipe de France de football ? », Johnny a répondu : « Oui, je connais Zazie évidem-ment, je l’adore… »

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Alors que les acteurs et réalisateurs,pourtant prestigieux, sont venus

en train et en navette à la sixième édi-tion du Festival du film policier, àBeaune, Johnny Hallyday, lui, est arri-vé à Longvic en jet privé, ce mercredi 2 avril 2014, pour la présentation du film de Claude Lelouch, Salaud, on t’aime.Tel un chef d’État, il est descendu sur le tarmac de l’aéroport, où les photo-graphes avaient été tenus à l’écart. Il s’est engouffré dans une voiture qui l’attendait au pied du jet. S’en est sui-vie une séquence, comme celle de C’était un rendez-vous, que ClaudeLelouch n’aurait pas reniée. Des mo-tards de la police nationale ont formé un cortège qui a pris la direction de Beaune. Le parcours sur l’autoroute abattu bien des records, gyrophares al-lumés.

Une haie d’Harley Davidson

Dans la capitale des vins de Bourgo-gne, les fans qui l’attendaient s’étaientdonné le mot : « Johnny est parti ! Il arrive ! ». Des dizaines de photogra-phes amateurs s’étaient postés devant

l’hôtel Le Cep où il descendait. Le convoi est arrivé rue Maufoux, devantl’entrée principale de l’hôtel, où la starest entrée. Jean-Claude Bernard, pa-tron du Cep, se souvient d’un « monu-ment, qui était pourtant resté très ac-cessible. Il a même reçu un fan qui lui a remis un tableau qu’il avait peint ».Quelques heures plus tard, Johnny est

arrivé sur le tapis rouge devant leCap’Cinéma, où une haie d’honneur d’Harley Davidson l’attendait. Tout de noir vêtu, Christ guitariste autour du cou, il a volé la vedette au jury. Il s’était prêté de bonne grâce au jeu des autographes et des photos. Pendant plus de quinze minutes, on ne voyait plus que lui sur le tapis rouge. Les flas-

hs crépitaient. On comptait plus de cinq cents personnes. Les fans étaientsubmergés d’émotion, les uns pouravoir serré la main de leur idole, les autres pour avoir eu un autographe. Quelques heures à Beaune dans la viede la méga star et des moments inou-bliables pour ses fans.

Franck Bassoleil

C Ô T E - D ’ O R [ S OU V E NIR S , S OU V E NIR S ]

Johnny à Beaune comme un chef d’ÉtatJohnny Hallyday a été la star absolue de la sixième éditiondu Festival du film policierde Beaune, le 2 avril 2014,pour son film Salaud, on t’aime.

■ La star s’était prêtée de bonne grâce au jeu des autographes et des photos. Photo archives Philippe BRUCHOT

« Il était d’une grande fidélité en amitié »Norbert Krief, guitariste de Trust(à Chenôve, le 14 décembre)« Je suis entré dans le groupe qui accompagnait Johnny en 1986. Au départ, c’était pour un an et demi. Je suis resté huit ans avec lui. J’ai beaucoup apprécié toutes ces années à ses côtés. C’était quelqu’un de généreux, qui se donnait toujours à fond et qui était d’une grande fidélité en amitié. J’ai beaucoup appris avec lui. C’est lui qui faisait l’audition de ses futurs musiciens. Travailler avec lui a été une mer-veilleuse expérience. Par la suite, nous avons continué à avoir des rapports, de manière plus épisodique mais nous avons toujours conservé un lien. Pour moi, ma rencontre avec Johnny est une immense amitié, de l’amour même. »

« Un rockeur cool, qui saluait tout le monde, du gardien jusqu’au public »Daniel Linuesa, ex-directeur d’EuromusesAvec Lala Productions, à l’époque, Daniel Linuesa se souvient avoir produit Johnny plusieurs fois à Dijon, dans les années 1980-1990. « Une fois au parc des Expositions, une fois au palais des Sports – le concert n’avait pas commencé à 23 heures et on se demandait si on n’allait pas annuler –, et une autre sous chapiteau, à l’emplacement de l’Auditorium. C’était un spectacle incroyable, avec des lasers, une sorte de comédie musicale où il allait mourir dans l’histoire. Les filles pleuraient à grosses larmes et lui disaient “Meurs pas, Johnny”. C’était surréaliste ! À côté de ça, c’était un garçon d’une extrême gentillesse, très plaisant quant à l’accueil. Un rockeur cool, qui saluait tout le monde, du gardien jusqu’au public, en toute simplicité. »

« Une figure emblématique de la chanson »Mario Barravecchia, chanteur« Nous nous sommes connus par l’intermédiaire de la maison de disques Universal, pour laquelle nous travaillions tous les deux. On s’est croisés plusieurs fois à l’occa-sion de soirées organisées par cette maison de disques. C’était quel-qu’un de génial. Un des seuls artis-tes dont on peut dire que c’est une star et, pourtant, il restait un hom-me d’une simplicité et d’une gen-tillesse incroyable. Quelqu’un de normal, tout simplement. Pour moi, il s’agit d’une figure embléma-tique de la chanson. Il y a eu Elvis Presley et Michael Jackson aux États-Unis et Johnny Hallyday en France. »

Johnny Hallyday, c’était aussi un peu leur histoire

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SPÉCIAL JOHNNY HALLYDAYLE BIEN PUBLIC VENDREDI 8 DÉCEMBRE 2017

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L’histoire d’amour remonte à 1963. Trois ans à peine après le début de sa carrière, le jeune homme de 20 ans offre un show à Dijon. Entre la star naissante et la Côte-d’Or, les étincelles des débuts sont vite devenues un brasier que Johnny a su entretenir avec son incroyable fougue, en revenant régulièrement enflammer les scènes côte-d’oriennes. Le Théâtre en 1969, le palais des Congrès en 1970, sous chapiteau à Santenay en 1971, etc. Les rendez-vous s’enchaînent avec régularité. Puis, l’homme pose sa voix et ses valises au Zénith de Dijon pour une série de concerts toujours flamboyants. Sa dernière date : le 19 mars 2016. Il était revenu, cet été, avec les Vieilles canailles.

Amandine Robert

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Plus de 54 ans d’amour avec la Côte-d’Or

■ À Dijon, le 22 mars 1963. Photo archives LBP

■ À Dijon, le 18 octobre 1976. Photo archives LBP

■ Au Théâtre, en février 1969.Photo archives LBP

} Le chanteurs’est produitau cabaret L’Escale,à Migennes,en 1960.Ce fut son premier contrat professionnel. La Bourgogne le vit donc à ses tout dé-buts. ~

Gérard Gautier,directeur des Éditions

de L’Armançon ■ Au palais des Congrès de Dijon,le 16 décembre 1970. Photo archives LBP

} À l’intention d’un photographe du Bien public qui fourbit son objectif, Johnny lance inquiet : “M’esquinte pas trop, hein ?”. ~

Philippe Caramanian, compterendu du show de mars 1983

} C’est au début d’une nuit d’orage semblable à celle pendant laquelle il est “né dansla rue” que la voix de Johnny, si puissante et mélodieuse soit-elle, s’est tue, à grand regret. ~

Nathalie Bouley, compte rendu de concert,Le Bien public, juillet 1991

■ À Dijon, en septembre 1978. Photo archives LBP

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SPÉCIAL JOHNNY HALLYDAYVENDREDI 8 DÉCEMBRE 2017 LE BIEN PUBLIC

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Plus de 54 ans d’amour avec la Côte-d’Or

■ En octobre 2015, à Dijon. Johnny Hallyday est repassé par le Zénith cet été, à l’occasion de la tournée des Vieilles canailles. Photo archives Philippe BRUCHOT

■ À Dijon, le 11 avril 1996. Photo archives LBP

■ À Santenay, en 1971, la star assure le show sous chapiteau pour le casino.Photo archives LBP

} Johnny Hallyday est unet indivisible.Il est tout simplement inoxydable. Et même s’il n’a plus la fraîcheur de ses 20 ans, il dégage cette force incroyable que seuls de rares artistes possè-dent. ~

Jean-Yves Rouillé,compte rendu de concert,

Le Bien public, octobre 2015

■ À Dijon, le 6 juillet 1991. Photo archives LBP

■ Au Zénith de Dijon, le 10 octobre 2009. Photo archives Philippe BRUCHOT

Si la plupart des Français ont appris la mortde Johnny Hallyday en début de matinée, mercredi, cela n’a pas été le cas de l’auteur-compositeur-interprète Hubert-Félix Thié-faine, qui ne l’a apprise que l’après-midi,pour des raisons qui lui appartiennent. Pour cet artiste né en 1948, bien connu des Bourguignons et des Francs-Comtois, « Jo-hnny, c’est surtout un souvenir d’enfance »,nous a-t-il confié par téléphone. « Avec le début des yéyés, au début des années 1960, les adultes nous disaient que ce que Johnny faisait n’était pas de la musique. Étant don-né que j’avais quitté l’école de musique, si ce

que faisait Johnny n’était pas de la musique,je pouvais donc faire pareil. […] Ça m’a don-né envie de m’y remettre ! Lorsque j’étais ensixième et en cinquième, j’avais entre 11 et 12 ans », se souvient Thiéfaine. « Lui n’enavait que cinq ou six de plus, mais, pour moi, c’était comme un modèle. »« Il a fait partie d’un grand bouleversementde la société. À l’époque, avec le baby-boom, on voulait de la couleur, du rythmeet on voulait que ça pète. »Interrogé sur sa chanson préférée de John-ny Hallyday, Hubert-Félix Thiéfaine ré-pond sans détour : Tes tendres années.

Thiéfaine : « Johnny, c’était comme un modèle »

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SPÉCIAL JOHNNY HALLYDAYLE BIEN PUBLIC VENDREDI 8 DÉCEMBRE 2017

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« Je vais essayer de vous parler,mais j’ai les larmes qui me

viennent », lâche, très ému, celui que tout le monde appelle “Johnny” dans le Morvan. Pascal Tournier est un ad-mirateur de Johnny Hallyday depuis des décennies. « Mon premier con-cert, c’était en 1976, à Paris. Je suis sor-ti en pleurant, en me disant que j’avaisvu mon idole. » Les scènes, il les a écu-mées et a même été jusqu’à Las Vegas,aux États-Unis, pour entendre la star. « À Dijon, avec les copains, on prenaitla tente et on dormait devant les salles de spectacle pour être bien placés. »

Comme s’il avait perduun membre de sa familleSa station-service, il l’a créée pour êtredélicieusement vintage. Elle est fran-chement inspirée de son idole. « J’ai appris la nouvelle dans la nuit de mar-di à mercredi. Je la redoutais depuis unmoment déjà. Les vrais “fous” de Jo-hnny ont compris avant tout le mondequ’il avait un problème grave lorsqu’il

n’est pas allé à Saint-Barth, en décem-bre dernier, comme il avait l’habitude de le faire. »Cet été, Pascal Tournier et sa conjoin-te sont allés le voir sur scène, lors de la tournée des Vieilles canailles. « J’ai une vidéo de lui qui sort de scène. J’ai dit à ma compagne : “C’est la dernière

fois que je le vois”. Il avait l’air telle-ment mal. » Le pompiste a l’impres-sion d’avoir perdu un membre de safamille : « On a tous en tête une chanson de Johnny qui nous a per-mis de ne pas sombrer », nous dit-il, la gorge serrée. Certains de ses clients, dès le petit jour, lui ont

envoyé des messages de soutien : « “Courage, on pense à toi”. Comme sij’avais perdu mon papa ou ma ma-man ».

Amandine Robert

M O LP H E Y [ IL S LUI R E N DE N T HOM M A GE ]

« On a tous en tête une chanson de lui qui nous a permis de ne pas sombrer »Devant la station-service Johnny Fuel,située le long de l’ancienne RN 6, à Molphey, la statue représentant la star décédée porte un brassard noir. Le propriétaire des lieux, Pascal Tour-nier, est en deuil, comme les millions de fans du chanteur disparu.

■ Pascal Tournier, surnommé “Johnny”, a fêté ses trente ans de pompiste en octobre. Fan du chanteur, il est très touché par son décès. Photo archives P. VIGREUX

■ La statue deJohnny qui

accueillesesclientsest elleaussiendeuil.PhotoPascal

TOURNIER

Lors d’un jeu radiophonique, en 1984, Pascal Tournier fait l’acquisition de deux disques d’or de Johnny Hallyday. Pour cela, il dépense 60 000 francs, lui qui a un salaire d’ouvrier de 4 000 francs… Pour cette peti-te folie, il doit contracter un prêt. Touchée par ses efforts, la star lui remet en main propre ses trophées, mais surtout l’in-vite à dîner lors d’un passage auCreusot, en Saône-et-Loire.

« Il était gentil, généreux »« Il y avait aussi sa compagne de l’époque, Nathalie Baye. Cela s’est déroulé dans un res-taurant privatisé pour l’occa-sion. J’étais terriblement inti-midé au début. Mais à la fin du repas, il m’a tapé sur l’épaule enme disant : “Tu es franco, toi. Jet’aime bien”. En riant, il m’a promis de m’offrir son pro-chain disque d’or. Je n’y ai pas cru jusqu’à ce que je reçoive l’objet en 1986, c’était pour sonalbum Gang, avec Jean-Jac-ques Goldman. Il y avait joint

une petite plaque dorée : “PourPascal Tournier de la part deJohnny”. Il était comme ça, gentil, généreux. » Triste par avance « de l’aspect mercanti-le que sa mort va déclencher », Pascal refuse de rentrer dans le jeu « en achetant des albums de reprises ou en vendant [ses] souvenirs. Mais vous verrez que, sur le Net, des dédicaces qui valaient 15 € hier, vont monter jusqu’à 70 € ou 80 € ».

En 1984, il achète deux disques d’or de Johnny, que la star lui remet en main propre

■ Pascal Tournier et son idole, en 1984. Photo DR

De son idole, Michel Thierry a le look, la voix et l’énergie. Sa gueule, sa passion, il les a partagées au gré des concerts qu’il adonnés partout en Côte-d’Or et ailleurs. Il a longtemps eu sa résidence principale à Sainte-Colombe-sur-Seine (il y possè-de d’ailleurs encore une maison) et reste un fan incondition-nel de la star. Il confiait dans nos colonnes : « On m’avait dit que je ressemblais à Johnny. C’est lors de l’émission Qui sera le meilleur sosie ? qu’on m’a donné mon nom de scène (John-ny Guitare, ndlr). »

Un sosie de la starest originaire du Châtillonnais

■ Photo archives LBP

} Mon premier concert,c’était en 1976, à Paris. Je suis sorti en pleurant, en me disant que j’avais vu mon idole. ~

Pascal Tournier

} À la fin du repas, il m’a tapé sur l’épaule, en me disant : “Tu es franco, toi. Je t’aime bien”. ~

Pascal Tournier

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SPÉCIAL JOHNNY HALLYDAYVENDREDI 8 DÉCEMBRE 2017 LE BIEN PUBLIC

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« Le plus grand de tous »Jérémy Sachoux, MeloDuende, fabricant de guitares« Johnny est quelqu’un de super généreux. Tu as toujours de l’ap-préhension lorsque tu le rencon-tres, mais, en fait, il est d’une telle simplicité… Pour moi, il demeure le plus grand de tous. Je dirais qu’il est dans l’âme le plus simple avec le plus grand des talents. D’ailleurs, les gens ne s’y trom-pent pas, car cela fait plus de cinquante ans que cela dure. Avec lui, il n’y a pas de tricherie. Avec MeloDuende, la première guitare que nous avons fabriquée pour Johnny date de 2014. Il avait fallu travailler vite. Il voulait une guita-re légère. On a tout stoppé pour la fabriquer. On l’a appelée la Skull guitar car elle a des yeux bleus qui s’allument. Lors sa dernière tour-née, à Dijon, je lui ai apporté un

vinyle sur lequel Jimi Hendrix faisait sa première partie à l’Olym-pia. Cela l’avait beaucoup touché. À cette occasion, il nous a dit de fabriquer une guitare pour Keith Richards. Lorsqu’il l’a vue termi-née, il l’a trouvé très belle et a dit qu’il voulait l’offrir à un ami. »

■ Photo Jean-Yves ROUILLE

C Ô T E - D ’ O R [ IL S LUI R E N DE N T HOM M A GE ]

L’adieu à « une légende »De Montbard à Ruffey-lès-Beaune, en passant par la cité des ducs, les Côte-d’Oriens rendent hommage à Johnny Hallyday. L’annonce de son décès, dans la nuit de mardi à mercredi, a provoqué une vague de tristesse dans tout le département.

« Sa maladie l’a emporté trop vite »Émilie, 19 ans, Montbard« J’ai appris sa mort sur les réseaux sociaux, mercredi matin. Sa mala-die l’a emporté trop vite. C’est monpère qui écoutait Johnny Hallyday lorsque j’étais enfant. Il me l’a fait découvrir. J’aimais bien. Allumer le feu est ma chanson préférée. Mon père l’écoutait souvent et nous la chantions ensemble. » ■ Photo Christelle CHOUREAU

« Une étoile s’éteint dans la nuit »Helena Rochet, 36 ans,Saint-Bonnet-en-Bresse (71)« Pour moi, Johnny, c’était le rêve américain à la française. Il était issu d’un milieu difficile et il a réussi dans le domaine musical tout en restant proche de ses fans et de tous les specta-teurs. Vraiment, il y aura un grand vide dans le milieu musical. Ce n’était pas ma génération mais il a su, au fil du temps, changer de réper-toire et continuer à faire vibrer tous les gens qui l’écoutaient. Ma chanson préférée restera toujours Quelque chose de Tennessee. Com-me lui, une étoile s’éteint dans la nuit. » ■ Photo Claudine HENRY

« Une émotion terrible »Sylvie, 66 ans, Montot« J’ai mis la radio, mercredi, à 5 heu-res. On parlait de Johnny au passé… J’ai eu une émotion terrible. J’ai réveillé mon mari et on n’a parlé que de ça le début de la journée. Je me rappelle que, lorsque j’étais lycéenne au Castel, à la sortie des cours, on se précipitait à la Lib de l’U pour écou-ter à fond les chansons de Johnny avec un casque. Il m’a accompagnée jusqu’à ce jour. Je regrette de ne pas avoir été l’écouter en concert. La chanson qui me restera est Souve-nirs, souvenirs… »

■ Photo Bruno THIEBERGIEN

« Johnny étaitune icône »Yves, 63 ans, Touillon« J’ai entendu l’annonce de sa mort à la radio […]. Les chansons de Johnny ont bercé ma jeunes-se. Lorsque j’étais militaire à Carcassonne (11), nous écou-tions ses chansons sur K7. John-ny était une icône. Ma chanson favorite est l’un de ses premiers succès L’idole des jeunes. »

■ Photo Christelle CHOUREAU

« C’est un choc »Gérard, 56 ans,Ruffey-lès-Beaune« Je suis complètement boule-versé. Même si je m’y attendais, pour moi, c’est un choc. Tous mes Noëls, il a bercé mon enfan-ce et j’ai toujours un CD comme cadeau, que je garde précieuse-ment. Pour moi, c’est une icône, une référence, un monument de la chanson française qui nous a quittés. La chanson-phare selon moi ? L’Envie, car les paroles délivrent un message, une part de sa personnalité. »

■ Photo Claudine HENRY

« C’était une idole »Maurice, 71 ans, Châtellenot« C’est ma femme qui m’a annon-cé sa mort, mercredi matin. Cela m’a fait un choc. Ça a ravivé un tas de souvenirs de jeunesse. J’ai écouté ses chansons de nom-breuses fois. C’était une idole pour beaucoup de gens. Parmi toutes ses chansons, ma préférée est Allumer le feu. »

■ Photo Christelle CHOUREAU

« Il était un peu le papyde tout le monde »Daisy et Fatima, 21 ans, Dijon« On n’est pas fans, mais ça reste une légen-de. On a toujours eu l’habitude de le voir. On avait un peu cette image d’immortel. C’est un peu comme le papy de tout le monde. Allumer le feu et Ma gueule sont les chan-sons les plus emblématiques pour nous. »■ Photo Axel MATISSE

« C’est la mort d’une légende »Benoît, 21 ans, Dijon« C’est la première chose que j’ai entendue à la radio, mercredi matin. Je ne m’y atten-dais pas. Je savais qu’il était malade mais je pensais qu’il allait se remettre. C’est, pour moi, la mort d’une légende. Allumez le feu, est, pour moi, la chanson qui me vient à l’esprit. » ■ Photo Axel MATISSE

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Un adieu à la hauteur de l’émotionsuscitée par son décès. Un hom-

mage populaire, à l’image de sa per-sonnalité et de son succès. C’est l’ob-jectif de la cérémonie d’adieu à Johnny Hallyday organisée samedi, à Paris, avant que la star ne soit enter-rée à Saint-Barthélemy, dans les An-tilles. Ni funérailles nationales, nihommage du même nom, le public et ses proches diront un dernier « au re-voir » à leur idole au cours d’un« hommage populaire ». Il s’agit, de fait, d’un événement exceptionnel taillé sur mesure pour une personna-lité tout aussi exceptionnelle.

« Un hommage populaire »Le convoi funéraire partira à midi de l’Arc de Triomphe, puis descendra lesChamps-Élysées, accompagné de 500 à 700 motards, jusqu’à la place dela Concorde avant de se rendre àl’église de la Madeleine pour un officereligieux. Le président de la Républi-que prendra brièvement la parole pendant la cérémonie. Le trajet du cortège sera accompagné par les mu-siciens de Johnny Hallyday, qui joue-ront en live des morceaux instrumen-taux, sans la voix de l’idole dont des photos jalonneront le parcours.Plusieurs voix s’étaient élevées pour demander un hommage de la nation à l’homme qui a enflammé la scène pendant 57 ans. Mais sa famille ne

souhaitait pas d’une cérémonie en-goncée dans les codes républicains, qui collaient peu à la personnalité de la rock star. L’hommage national est un rituel très codifié, dont bénéficie aujourd’hui l’écrivain Jean d’Ormes-son, et avant lui l’ancienne ministre Simone Veil ou encore l’abbé Pierre. Décidé par le président de la Républi-que, l’hommage national se déroule généralement dans la cour d’honneurdes Invalides ou du Panthéon. Des lieux peu propices aux accords en mé-moire du rocker et aux élans d’émo-tion de son public, habitué des salles de concerts ou des rassemblements en plein air.Les funérailles nationales, elles, sont décrétées par le président de la Répu-blique, et les frais sont pris en charge par l’État. Victor Hugo en a bénéficié

en 1885, cérémonie à laquelle une foule de plus d’un million de person-nes a assisté. Colette en 1954, Louis Pasteur en 1895, Joséphine Baker en 1975 ou encore Aimé Césaire en 2008 y ont également eu droit.

Piaf et la foule au Père LachaiseLe cortège de Joséphine Baker avait fait un chemin similaire à celui qu’em-pruntera la dépouille de Johnny, à tra-vers les rues de Paris, avec un arrêt devant Bobino et une cérémonie à la Madeleine.Pour les artistes, l’hommage de la rue est aussi important que celui de la Ré-publique. Édith Piaf, disparue en1963, quelques heures avant Jean Cocteau, n’a eu le droit ni à l’homma-ge officiel de la nation, ni à des funé-

railles catholiques, en raison de sa viesentimentale « tumultueuse. » Maisle public, lui, était au rendez-vous, desmilliers de personnes suivant son cer-cueil de son domicile jusqu’au cime-tière du Père-Lachaise, où 40 000 Pa-risiens et Parisiennes s’étaient presséspour aller faire un dernier adieu à cel-le dont la voix les avait fait vibrer. Samedi, c’est le public qui se donnera rendez-vous pour Johnny. Sur lesChamps-Élysées, comme dans les sta-des de foot, où une chanson de son répertoire sera diffusée à l’entrée des joueurs sur la pelouse avant chaque match de Ligue 1 et Ligue 2. Sans oublier la Tour Eiffel, qui participera également au recueillement national,illuminée de vendredi soir à diman-che soir du message « Merci John-ny ».

PA R I S HOMMAGE

Samedi, les Français pourront adresser un dernier adieu au chanteur. Le cortège funéraire descendra la plus belle avenue du monde, avant une cérémonie religieuse où interviendra Emma-nuel Macron.

■ Le public adressera un dernier adieu à Johnny Hallyday lors d’un hommage populaire samedi. Photo AFP

JOHNNY HALLYDAY UN HOMMAGE POPULAIRE SAMEDI

Arc de Triomphe

La Seine

La Seine

Place de la Concorde

Avenue des Champs-Élysées12h. Le convoi funérairepartira de la place de l’Étoile,puis descendra l’avenuedes Champs-Élyséespour rejoindre la placede la Concorde, suivi par700 motards bikers.

Paris - Bercy. Chapelle ardentepour les fans qui pourront signerles livres d’or.

Samedi 9 décembre11h. Mont-Valérien(Hauts-de-Seine)Départ du cortège funéraireen direction de l’Arc de Triomphe.

PARIS

Johnny Hallyday sera ensuite inhumé sur l’île de Saint-Barthélemy aux Antilles.

Photo : Instagram (jhallyday) Google Earth.

Vendredi 8 décembre

Hommage musical.Prise de parole du présidentde la République pendantla cérémonie religieuse.

Église de la Madeleine

Plusieurs centaines de milliers de personnes sont atten-dues pour l’hommage à Johnny. Les forces de l’ordresont mobilisées avec 1 500 policiers et gendarmes dé-diés à la cérémonie, qui ira des Champs-Élysées à laMadeleine. Une escorte d’honneur de motocyclistes dela police accompagnera le cortège, et une zone deprotection sera établie aux alentours du parcours pourpermettre de fouiller les personnes. La difficulté est detrouver un équilibre entre la proximité du cortège avecle public, souhaitée par l’entourage de Johnny, et l’impé-ratif de sécurité. Un exercice d’autant plus difficile queles forces de l’ordre sont mobilisées le même jour pard’autres événements à Paris : une manifestation pourles prisonniers basques, une autre des mouvementspro-palestiniens ou un match du PSG le soir.

Le casse-tête de la sécurité

AUDIENCES

n3 millions sur TF1 et France 2Les soirées en hommage à Johnny Hallyday diffu-sées mercredi ont permis à TF1 et France 2 d’en-granger chacune plus de 3 millions de téléspecta-teurs, mais sans battre cependant de records d’audience, selon des

données de Médiamétrie publiées jeudi.nFrance 3 tire son épingle du jeuFrance 3 a ainsi engrangé 2,673 millions de télés-pectateurs avec « Des racines et des ailes » et Arte 1,566 million pour le film « Une femme de ménage ».

Les Champs-Élysées pour Johnny