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Cour de cassation Service de Documentation et d’Etudes __________________________________________________________________ -------------------------------- VEILLE BIMESTRIELLE DE DROIT EUROPÉEN Juin-juillet-août 2008 n/ 20 ___________________________________________________________ Observatoire du droit européen

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Cour de cassation Service de Documentation et d’Etudes

__________________________________________________________________--------------------------------

VEILLE BIMESTRIELLE

DE

DROIT EUROPÉEN

Juin-juillet-août 2008

n//// 20___________________________________________________________

Observatoire du droit européen

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SOMMAIRE

ACTUALITÉ

Actualité de l’Union Européenne . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2Textes législatifs et réglementaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3Communiqués . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5

Actualité du Conseil de l’Europe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11Ratifications et signatures . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12Communiqués . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13Publications . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15

Actualité législative nationale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17Sources européennes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 18Sources communautaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19

JURISPRUDENCE

Arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21Liste des arrêts et décisions commentés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 22Arrêts . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 24Mesures provisoires (article 39) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 57

Arrêts de la Cour de justice et du Tribunal de prem ière instance des communautés européennes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 58

Liste des arrêts et des conclusions des Avocats généraux . . . . . . . . . . . . 59Citoyenneté européenne . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 61Concurrence . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 64Coopération judiciaire et policière en matière pénale . . . . . . . . . . . . . . . . . 68Droit institutionnel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 75Environnement et consommateurs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 77Espace liberté, justice, sécurité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 83Politique sociale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 88Principes du droit communautaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 92Propriété intellectuelle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 94

Affaires communautaires à suivre : Conclusions des avocats généraux . . . . 97

Coopération judiciaire et policière en matière pénale . . . . . . . . . . . . . . . . . 98Politique sociale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 99Recours en manquement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 101

Décisions d’autres hautes instances juridictionnell es françaises et étrangères . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 102

Cour constitutionnelle fédérale de Rhénanie-du-Nord-Westphalie (Allemagne) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 103Cour constitutionnelle - Belgique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 104Areios Pagos (Cour de Cassation) - Grèce - . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 106House of Lords - Royaume-Uni . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 107Pilecki /Circuit Court of Legnica, Pologne . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 108

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DOCTRINE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 109

Commentaires d’arrêts . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 110Concernant les droits de l’homme et les droits fondamentaux . . . . . . . . . 111Concernant le droit communautaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 112

Articles généraux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 115Concernant les droits de l’homme et les droits fondamentaux . . . . . . . . . 116Concernant le droit communautaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 118

Droit Comparé . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 120

Cette veille a été élaborée par l’Observatoire du d roit européen du Service de Documentation et d’Etude sde la Cour de cassation

Françoise CALVEZ, auditeurAnne-Claire DUBOS, greffier en chef

Aurélie DRESSAYRE, assistante de justiceElodie SALLES, assistante de justice

Héloïse PLAQUIN, assistante de justice

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ACTUALITÉ

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ACTUALITÉ

DE

L’UNION EUROPÉENNE

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1 Pour plus d’informations : http://eur-lex.europa.eu/fr/index.htm

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TEXTES LÉGISLATIFS ET RÉGLEMENTAIRES 1

T Publication du règlement communautaire « Rome 1 »Le règlement (CE) n/ 593/2008 du 17 juin 2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles(Rome 1) est publié au Journal officiel de l’Union européenne (JOUE) du 4 juillet. Ce règlement« Rome I » transforme en texte communautaire la Convention de Rome de 1980 sur la loiapplicable aux obligations contractuelles. Fruit d’un accord négocié entre le Parlement européenet le Conseil, il reprend les principaux points de la convention (rôle central de la loi d’autonomie,modalités de choix de la loi applicable, etc...) mais vient préciser certaines règles de rattachementspécifiques (PE, 29 nov. 2007, communiqué ; PE, rapport sur la proposition de règlement duParlement européen et du Conseil :COM(2005)0650 - C6-0441/2005 - 2005/0261(COD) ; V.Dépêches JurisClasseur, 11 déc. 2007, 1445).

Dispositions générales : L’article 3 § 4 relatif à la liberté de choix dispose que « lorsque tous lesautres éléments de la situation sont localisés, au moment du choix dans un ou plusieurs Étatsmembres, le choix par les parties d’une autre loi applicable que celle d’un État membre ne portepas atteinte, le cas échéant, à l’application des dispositions du droit communautaire auxquellesil n’est pas permis de déroger par accord, et telles que mises en oeuvre par l’État membre dufor ».

S’agissant de la loi applicable à défaut de choix, la proclamation de principe de l’application dela loi qui présente les liens les plus étroits avec le contrat a été supprimée. À la place figuredésormais une liste de huit rattachements spéciaux (art. 4 § 1, a-h). Certains d’entre euxapportent des solutions dérogatoires, alors que d’autres reprennent le critère général de larésidence habituelle du débiteur de la prestation caractéristique, pour les contrats les pluscourants (contrat de vente, prestation de services, bail d’immeuble...).

L’article 9 du règlement contient la définition des lois de police. Le principe de l’applicationimpérative des lois de police du for reste inchangé (art. 9 § 2).

Règles de conflits spéciales : Certains contrats obéissent à des règles de conflits spécifiques,c’est le cas des contrats de transport (art. 5) et des contrats d’assurance (art. 7). En outre, lerèglement comporte des dispositions relatives aux contrats de consommation (art. 6) et auxcontrats de travail (art. 8).

Le règlement qui s’applique aux contrats conclus après le 17 décembre 2009, entrera en vigueurle vingtième jour suivant celui de sa publication au JOUE.

Sources : PE et Cons. UE, règl. n/ 593/2008 : JOUE n/ L 177/6, 4 juillet 2008

T Directive 2008/52/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 mai 2008 sur certainsaspects de la médiation en matière civile et commerciale

Source JOUE n/ L 136 du 24 mai 2008

T Directive 2008/48/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2008 modifiant ladirective 87/102/CEE qui concerne les contrats de crédits aux consommateurs

Source JOUE n/ L 133 du 22 mai 2008

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T Règlement n/ 450/2008 du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2008 établissant leCode des douanes communautaire.

Source JOUE n/ L 145 du 4 juin 2008

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2 Pour plus d’informations : http://www.consilium.europa.eu/cms3_fo/showPage.asp?id=339&lang=fr

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COMMUNIQUÉS

Présidence

T Déclaration de la présidence au nom de l’Union euro péenne concernant la déclarationdu 17 juin 2008 sur les prisonniers pour délit d’op inion

Les 27 États membres de l’Union européenne ont parrainé, avec 37 pays du monde entier, unedéclaration sur les prisonniers pour délit d’opinion, qui a été distribuée à l’ensemble des Étatsmembres des Nations unies le 17 juin 2008. Dans cette déclaration il est réaffirmé que toute personne a le droit à la liberté d’opinion etd’expression, à la liberté de réunion et d’association pacifique, ainsi qu’à la liberté de pensée, deconscience et de religion. L’Union européenne et les autres pays qui parrainent cette déclarations’engagent à agir pour obtenir la libération des prisonniers d’opinion et à faire de cette libérationl’une de leurs priorités dans leurs relations avec d’autres États. L’Union européenne appelle tousles États membres des Nations unies à s’associer aux efforts visant à assurer la libération del’ensemble des prisonniers d’opinion. La Turquie, la Croatie et l’ancienne République yougoslave de Macédoine, pays candidats,l’Albanie, la Bosnie-Herzégovine, le Monténégro et la Serbie, pays du processus de stabilisationet d’association et candidats potentiels, l’Islande, le Liechtenstein et la Norvège, pays de l’AELEmembres de l’Espace économique européen, ainsi que la République de Moldavie, l’Arménie etla Géorgie se rallient à la présente déclaration.

Sources : P/08/78 Bruxelles, le 19 juin 2008, 10387/08 (Presse 184)

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Conseil de l’Union européenne 2

T Renforcement du système européen d’échanges d’infor mations policièresLa décision 2008/615/JAI du Conseil de l’Union européenne, publiée au JOUE du 6 août, renforcele système d’échange de données entre États membres dans le cadre de la prévention et de lapoursuite des infractions pénales. Le texte nouveau organise les conditions et procéduresapplicables au transfert automatisé des profils ADN, des données dactyloscopiques et decertaines données nationales relatives à l’immatriculation des véhicules. La décision contientdiverses dispositions relatives aux conditions et aux procédures applicables àl’approfondissement de la coopération policière transfrontalière, en particulier en vue de prévenirles infractions terroristes.Une seconde décision publiée le même jour, (2008/617/JAI), établit les dispositionsadministratives et techniques nécessaires à la mise en oeuvre de la décision 2008/615/JAI.

Sources : Cons. UE, déc. 2008/615/JAI, 23 juin 2008 : JOUE n/ L 210, 6 août 2008, p. 1Cons. UE, déc. 2008/617/JAI, 23 juin 2008 : JOUE n/ L 210, 6 août 2008, p. 73.

T L’Union européenne encourage l’adoption de règles i nternationales communes dansle domaine de la responsabilité parentale et de la protection des enfants.

La Communauté européenne ne peut adhérer elle-même à la convention de la Haye du 19octobre 1996 concernant la compétence, la loi applicable, la reconnaissance, l’exécution et la

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3 Pour plus d’informations : http://www.europarl.europa.eu/news/public/default_fr.htm?language=FR

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coopération en matière de responsabilité parentale et de mesures de protection des enfants. Elleentend inciter les Etats membres à l’application des règles retenues par cette convention, nonseulement entre eux, mais également dans leurs relations avec les pays non membres de l’Union.Les Ministres de la Justice européens ont décidé de faciliter l’application de cette convention parles Etats membres. Cette décision devrait ainsi permettre l’application au-delà des frontières del’Union de règles partagées en matière de protection des enfants, et renforcer au niveauinternational l’affirmation de principes communs dans le domaine de la responsabilité parentale,dans l’intérêt supérieur de l’enfant.

Sources : IP/08/898, Bruxelles, le 6 juin 2008

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Parlement 3

T Parlement européen : les grands dossiers de la fin 2008Entre le 1er et le 4 septembre, les députés européens débattront du paquet législatif dit« télécom » portant notamment sur l’accès facilité à internet, la portabilité du numéro lors d’unchangement d’opérateur téléphonique, ou l’accès aux numéros gratuits depuis l’étranger (...).Différentes mesures du « paquet climat » seront votées en commission cet automne. LeParlement européen espère une adoption de la législation d’ici la fin de l’année. Sont d’abordconcernées : les émissions de CO2 des nouvelles voitures avec le projet d’un seuil maximal de120 g de CO2 par km pour la date butoir de 2012, et les véhicules motorisés lourds (bus etcamions). Enfin, l’énergie et les transports seront examinés, avec un rapport sur la promotion desvéhicules propres grâce aux marchés publics.Par ailleurs, six rapports seront consacrés à l’amélioration de la sécurité maritime. Les députéseuropéens examineront des projets législatifs relatifs à : la mise en place d’un systèmecommunautaire de suivi du trafic des navires et d’information ; la responsabilité des entreprisesassurant le transport de personnes par mer ou par voie de navigation intérieure en casd’accident ; les règles et normes communes concernant les organismes habilités à effectuerl’inspection et la visite des navires et les activités des administrations maritimes.En matière d’immigration, un projet de visa spécifique, dit « carte bleue », pourrait voir le jour pouraccueillir en Europe davantage de travailleurs à hautes compétences. À suivre en octobre, lacommission Libertés civiles qui débattra également de l’emploi d’immigrés illégaux et dessanctions des employeurs peu regardants.Pour protéger les enfants des dangers liés à l’utilisation d’Internet un projet de programmeeuropéen dénommé « Safer Internet » sera débattu en octobre en plénière. L’objectif estnotamment de lutter contre les contenus illicites et les comportements préjudiciables en ligne.

Sources : PE, 25 août 2008, communiqué.

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4 Pour plus d’informations : http://europa.eu/rapid/setLanguage.do?language=fr : recherche via la référence du communiqué.

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Commission 4

T La Commission européenne présente de nouvelles mesu res en matière de transportsLa Commission européenne a présenté une série de mesures en matière « d’écologisation destransports » qui visent à promouvoir la viabilité environnementale du secteur, à faire baisser lesémissions, de réaliser une économie de 8 % sur la consommation des camions et de réduire lesencombrements pour tous les usagers de la route. (...).La proposition de révision de la directive « Eurovignette » sera soumise au Parlement européenet au Conseil et pourrait entrer en vigueur avant 2011.Par ailleurs, la communication relative à la réduction du bruit ferroviaire du parc existant prévoitdes mesures qui permettront de diminuer de moitié le bruit produit par les trains de marchandises,d’ici à 2014.

Sources : CE, communiqué IP/08/1119, 8 juillet 2008

T TVA : la Commission européenne propose d’appliquer un taux réduit à certainsservices

Rappelons que, les biens et services soumis à la TVA font normalement l’objet d’un taux minimalde 15 %. Les États membres peuvent appliquer des taux réduits, qui ne peuvent être inférieursà 5 %, à certains biens et services figurant sur une liste restreinte. De nombreuses dérogationsont toutefois été accordées à certains États membres. (...) La Commission européenne aprésenté, le 7 juillet, une proposition visant à modifier la directive TVA du 28 novembre 2006(Cons. UE, dir. 2006/112/CE : JOUE L 347/1, 11 déc. 2006), afin de permettre aux Étatsmembres d’appliquer des taux réduits de TVA à certaines catégories de services. L’accord detous les États membres, qui ne devrait pas intervenir avant la fin de l’année, est requis.La Commission propose d’inclure les services dits « à forte intensité de main-d’œuvre » demanière permanente dans la liste des services pouvant faire l’objet de taux réduits ainsi qued’élargir cette catégorie à d’autres services fournis localement qui sont de nature similaire (soinsà domicile, petites réparations de biens meubles, etc.). Le principe d’une application facultativedes taux réduits serait maintenu. Par ailleurs, en ce qui concerne le secteur du logement, les tauxréduits ne seront plus limités aux services fournis dans le cadre de la politique sociale, maiss’appliqueront également à la fourniture et à la construction des logements, ainsi qu’aux servicesliés à ce secteur (rénovation, entretien, etc.). Le secteur de la restauration est également couvert,à l’exclusion des boissons alcoolisées.

Sources : CE, communiqué IP/08/1109, 7 juillet 2008

T La Commission adopte le troisième rapport annuel su r les réalisations en matière dejustice, de liberté et de sécurité

La Commission a adopté ce jour son troisième rapport annuel (également nommé « tableau debord ») sur la mise en œuvre du programme de La Haye, qui fait le point sur les avancées despolitiques menées en matière de liberté, de sécurité et de justice. Des avancées majeures ont eulieu en matière de migration et de gestion des frontières, ainsi que de lutte contre le terrorisme.Les résultats confirment par ailleurs la nécessité d'améliorer le processus décisionnel dans lesdomaines relevant du titre VI du traité UE (coopération policière et judiciaire en matière pénale).Le taux de réalisation atteint en 2007 est inférieur à celui des années passées. Alors qu’en 2006,un peu plus de 53 % des mesures prévues ont été mises en œuvre, ce chiffre est de 38 % en2007. Des progrès ont été enregistrés dans les domaines relevant du « premier pilier », tels quela justice civile, la stratégie européenne en matière de drogue, l’asile et les migrations, lespolitiques relatives aux visas et aux frontières ainsi que la lutte contre le terrorisme. Toutefois, lapolitique en matière de justice, de liberté et de sécurité est actuellement divisée - les mesuresrelèvent de différents « piliers » - et des retards sont intervenus dans les domaines couverts parle «troisième pilier» (coopération policière et judiciaire en matière pénale). Afin d’atteindre les objectifs stratégiques définis dans le programme de La Haye, des initiatives

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supplémentaires ont été prises, qui ne figuraient pas à l’origine dans le plan d’action. Parmicelles-ci figure l’adoption en 2007 de plusieurs dispositions, telles que le « paquetantiterrorisme », la communication relative aux migrations circulaires et aux partenariats pour lamobilité entre l’Union européenne et les pays tiers, ainsi que deux propositions de directive duConseil, l’une sur les conditions d’entrée et de séjour des ressortissants de pays tiers à des finsd’emploi hautement qualifié, et l’autre sur une procédure de demande unique visant à doter lesressortissants de pays tiers d’un permis unique pour résider et travailler sur le territoire d’un Étatmembre, ainsi que sur un ensemble commun de droits pour les travailleurs originaires de paystiers résidant légalement dans un État membre. Le tableau de bord fait également ressortir les progrès remarquables accomplis par certains Étatsmembres dans la communication de leurs mesures de transposition, par comparaison avec lasituation constatée dans le rapport de l’année précédente. Cependant, un certain nombre d’Étatsmembres ne respectent pas le délai prévu pour la transposition des instruments juridiques en droitnational ou accusent des retards dans ce domaine. Ceci concerne en particulier les dispositionsadoptées dans le domaine de la coopération policière et judiciaire en matière pénale, dans lequella Commission n’a pas le pouvoir d’engager des procédures d’infraction.

Sources : IP/08/1086, Bruxelles, le 2 juillet 2008.

T La Commission adopte une proposition de directive relative aux droits des patientsen matière de soins de santé transfrontaliers .

Dans le cadre de « l’Agenda social renouvelé », la Commission a adopté une proposition dedirective visant à faciliter aux patients européens l’exercice de leurs droits en matière de soinsde santé, ainsi qu’une communication relative à l’amélioration de la coopération entre les Étatsmembres dans ce domaine. Si, dans une jurisprudence claire et constante, la Cour de justice aconfirmé que le traité confère aux patients le droit d’aller se faire soigner dans d’autres Étatsmembres et d’obtenir, dans le leur, le remboursement des coûts engagés, les modalités plusgénérales de l’application des principes établis par cette jurisprudence ne sont pas encore biendéfinies. Par cette proposition, la Commission vise à assurer la sécurité juridique sur cettequestion.

Contexte : Les soins de santé ont été exclus du champ d’application de la directive 2006/123/CErelative aux services dans le marché intérieur. Le Conseil et le Parlement ont invité laCommission à traiter des questions relatives aux soins de santé transfrontaliers dans uninstrument distinct.La Commission a mené une consultation publique afin de recenser précisément les problèmesqui s’est prononcée en faveur d’une action communautaire en matière de soins de santéconjuguant des éléments législatifs et un soutien concret à la coopération entre les systèmes desanté européens. Sur cette base, la Commission a élaboré le projet de directive adopté ce jour.

Sources : IP/08/1080, le 2 juillet 2008.

T L’Union européenne propose une protection contre la discrimination en dehors du lieude travail

La Commission a adopté aujourd’hui une proposition de directive qui assure une protection contrela discrimination fondée sur l’âge, un handicap, l’orientation sexuelle et la religion ou lesconvictions, exercée en dehors du lieu de travail. Cette nouvelle directive vise à garantir l’égalitéde traitement dans les domaines suivants : la protection sociale (y compris la sécurité sociale etles soins de santé), l’éducation, ainsi que l’accessibilité et la fourniture des biens et services quisont commercialement à la disposition du public, y compris le logement.Cette directive interdira la discrimination, tant directe qu’indirecte, ainsi que le harcèlement et lesrétorsions. La non-discrimination envers les personnes handicapées englobera la problématiquede l’accessibilité générale ainsi que le principe d’« aménagement raisonnable », déjà utilisé dansla législation européenne existante. Les prestataires de services ne se verront toutefois pasimposer une charge disproportionnée dans la mesure où il sera tenu compte de l’ampleur et desressources de l’organisation, de sa nature, du coût estimé, du cycle de vie des biens et serviceset des avantages potentiels d’une meilleure accessibilité pour les personnes handicapées. Ladirective ne s’appliquera aux particuliers que dans la mesure où ils exercent des activités

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commerciales ou professionnelles. Par ailleurs, les États membres demeureront libres de maintenir des mesures garantissant lalaïcité de l’État ou concernant le statut et les activités d’organisations religieuses. La directiven’aura aucun effet sur des pratiques largement admises, telles que les remises accordées auxséniors (sur les tickets de bus et les entrées aux musées, par exemple) ou les restrictions d’âgeconcernant l’accès à certains biens (l’alcool pour les jeunes, par exemple), imposées pour desraisons de santé publique.

Sources : IP/08/1071, Bruxelles, le 2 juillet 2008.

T La Commission propose le renforcement du Réseau Jud iciaire EuropéenLa Commission a adopté une proposition révisant la décision de 2001 sur le réseau judiciaireeuropéen en matière civile et commerciale entre les États membres. Cette nouvelle propositiona pour but de doter le réseau d’un cadre juridique rénové, d’une organisation plus efficace et demoyens renforcés pour lui permettre de s’imposer à l’avenir au sein de l’espace de justiceeuropéen comme le rouage essentiel de la coopération entre tous les acteurs de la justice civile.Le réseau judiciaire civil, qui fonctionne depuis le 1er décembre 2002 (...) est chargé de faciliterla coopération judiciaire entre les États membres, ainsi que de favoriser l’accès des citoyens àla justice par l’intermédiaire de son site Internet mis en ligne en 2003. Le réseau comprendenviron 400 membres, points de contact des Etats membres, juges, magistrats de liaison,autorités centrales des ministères de la justice. Site Internet du Réseau judiciaire européen en matière civile et commerciale :http://www.ec.europa.eu/civiljustice/

Sources : IP/08/990, Bruxelles, le 23 juin 2008.

T Lutte contre le blanchiment d’argent : la Commissio n prend des mesures à l’encontrede 15 États membres pour non-transposition dans les délais

La Commission européenne a décidé de poursuivre les procédures d’infraction contre 15 Étatsmembres pour non-transposition en droit interne de la troisième directive anti-blanchiment. LaCommission va adresser des invitations officielles à la Belgique, à la République tchèque, à laGrèce, à l’Espagne, à la Finlande, à la France, à l’Irlande, au Luxembourg, à Malte, auxPays-Bas, à la Pologne, au Portugal, à la Suède et à la Slovaquie (...). Cette directive aurait dûêtre transposée au plus tard le 15 décembre 2007.

Sources : IP/08/860, Bruxelles, le 5 juin 2008.

T Vers une interconnexion électronique des casiers ju diciaires européensLa Commission européenne a présenté une proposition de décision relative à la création dusystème européen d’information sur les casiers judiciaires (ECRIS). Ce texte, qui devra êtrevalidé par le Conseil, vient préciser les modalités d’une décision-cadre sur l’échanged’informations extraites des casiers judiciaires que le Conseil avait examiné en juin 2007.Le système a pour objet dassister les juridictions nationales, lesquelles prononcent fréquemmentdes peines sur la seule base du relevé des condamnations produit par leur registre national, entotale méconnaissance des condamnations éventuellement prononcées dans d’autres Étatsmembres. La proposition établit une architecture générale de l’échange électronique desinformations et pose les jalons des futurs développements informatiques liés à l’interconnexiondes casiers judiciaires nationaux. Dans ce système, fondé sur une architecture informatiquedécentralisée, les casiers judiciaires seront exclusivement conservés dans des bases de donnéesgérées par les États membres.

Sources : Comm. CE, communiqué IP/08/823, 30 mai 2008

T La Commission en faveur d’une coordination des init iatives d’« e-Justice »La Commission européenne dresse un bilan des initiatives entreprises par les Etats membresdans le domaine de l’« e-Justice » lancées au niveau national ou dans le cadre d’une coopérationinternationale, et propose une action coordonnée au niveau de l’Union.

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5 Pour plus d’informations : http://curia.europa.eu/fr/instit/txtdocfr/index.htm

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L’exécutif communautaire recommande la création d’un portail européen visant à faciliter l’accèsà la justice pour les citoyens et les entreprises. Ce portail comprendrait des informationspertinentes et actualisées sur les droits des prévenus et des victimes dans les procédurespénales et sur les voies de recours disponibles devant les juridictions d’un autre État membre encas de litiges transfrontaliers.La Commission préconise en second lieu le renforcement de la coopération judiciaire qu’offrentles instruments juridiques existants, en accordant une attention particulière à l’interconnexion descasiers judiciaires, l’échange d'informations entre les praticiens et le développement despratiques modernes de communication telles que la visioconférence ou les logiciels de traduction.

Sources : Comm. CE, communiqué IP/08/821, 30 mai 2008.

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Médiateur européen

T Médiateur: les nouvelles règles sur les enquêtes co ntribueront à déceler la véritéLe statut modifié du Médiateur introduit quatre modifications substantielles :1. Accès au document: Les institutions ont décidé de permettre au médiateur de consulter toutdocument qu’il exigerait au cours de son enquête y compris en levant l’exception du secret. Enoutre, les nouvelles règles clarifient et renforcent les dispositions exigeant du médiateur qu’ilprotège la confidentialité des documents qui lui sont rendus accessibles.2. Coopération dans le domaine des droits de l’homme : La coopération du médiateur européenavec les médiateurs nationaux a été élargie aux organismes ayant la responsabilité de lapromotion et de la protection des droits de l’homme dans les États membres.3. Audition de témoins : Le nouveau libellé rappelle que les fonctionnaires qui témoignent neparlent pas à titre personnel, mais en tant que fonctionnaires. La formulation antérieure (...)pouvait donner l’impression que les fonctionnaires pourraient ne pas témoigner de manièreauthentique et complète.4. Informations concernant de possibles activités criminelles : Le médiateur notifiera l’Officeeuropéen de lutte antifraude (OLAF), si au cours de ses enquêtes, il reçoit les informations quipourraient faire partie du mandat d’OLAF.

Sources : EO/08/8, Bruxelles, 18 juin 2008.

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Cour de Justice des Communautés Européennes 5

T Environnement : la Commission assigne neuf États m embres devant la Cour pournon-transposition de la directive communautaire rel ative à la responsabilitéenvironnementale

Le délai de transposition était fixé au 30 avril 2007. Les pays concernés sont l’Autriche, laBelgique (région de Bruxelles uniquement), la Grèce, la Finlande, la France, l’Irlande, leLuxembourg, la Slovénie et le Royaume-Uni. La directive relative à la responsabilitéenvironnementale (DRE) établit un cadre juridique de responsabilité environnementale fondé surle principe du « pollueur-payeur », en vue de prévenir et de réparer les dommagesenvironnementaux. (...). Le projet de loi transposant cette directive est en cours d’examen enFrance (voir cette veille p. 19).

Sources : IP/08/1025, Bruxelles, 26 juin 2008.

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ACTUALITÉ

DU CONSEIL DE L’EUROPE

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RATIFICATIONS ET SIGNATURES

T Le 24 juillet 2008 :

La Suisse a ratifié la Convention pour la protection des Droits de l’Homme et de la dignité del’être humain à l’égard des applications de la biologie et de la médecine : Convention sur lesDroits de l’Homme et la biomédecine et le Protocole additionnel à la Convention pour laprotection des Droits de l’Homme et de la dignité de l’être humain à l’égard des applications dela biologie et de la médecine, portant interdiction du clonage d’êtres humains.

T 4 juillet 2008 :

La Croatie a ratifié la Convention européenne relative au dédommagement des victimesd’infractions violentes et le Protocole additionnel à la Convention sur la cybercriminalité, relatifà l’incrimination d’actes de nature raciste et xénophobe commis par le biais de systèmesinformatiques.

T 2 juin 2008 :

L’Arménie a ratifié la Convention du Conseil de l’Europe relative au blanchiment, au dépistage,à la saisie et à la confiscation des produits du crime et au financement du terrorisme.

T 5 juin 2008 :

L’Italie a ratifié la Convention sur la cybercriminalité.

T 30 juin 2008 :

L’Azerbaïdjan a ratifié la Convention sur la cybercriminalité.

T 2 juillet 2008 :

La Serbie a ratifié le Protocole additionnel à la Convention pour la protection des personnesà l’égard du traitement automatisé des données à caractère personnel, concernant les autoritésde contrôle et les flux transfrontières de données.

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COMMUNIQUÉS

T 1031ème réunion des Délégués des Ministres

La lutte contre la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle :Le Comité des Ministres a souligné, que le Conseil de l’Europe est résolument attaché au principed’égalité des droits et d’égale dignité de tous les êtres humains, y compris des lesbiennes, gays,bisexuels et transsexuels. La réunion a rappelé que les normes du Conseil de l’Europe en matièrede tolérance et de non-discrimination visent l’ensemble des sociétés européennes, et que ladiscrimination fondée sur l’orientation sexuelle ou l’identité de genre n’est pas compatible avecces normes.

Dans ce contexte, plusieurs décisions visant à renforcer la lutte du Conseil de l’Europe contre ladiscrimination fondée sur l’orientation sexuelle ont été prises. Les Délégués des Ministres ontdonné des instructions pour l’élaboration d’une recommandation aux Etats membres relativeà la discrimination fondée sur l’orientation sexuel le et l’identité de genre . Ils ont en outremis en route des travaux sur la question des différentes formes maritales et non maritales departenariat et de cohabitation, en vue d’identifier les éventuelles mesures susceptiblesd’empêcher une discrimination fondée sur l’orientation sexuelle ou l’identité de genre.

Coopération en matière de prééminence du droit :Le Comité des conseillers juridiques sur le droit international public du Conseil de l’Europe(CAHDI) réunit les conseillers juridiques des ministères des Affaires étrangères des Etatsmembres du Conseil de l’Europe, ainsi que d’un nombre important d’Etats observateurs etd’organisations. Ces derniers ont informé les Délégués des Ministres des travaux les plus récentset notamment la conférence des cours et tribunaux internationaux qui se tiendra à Londres, les6 et 7 octobre 2008, dans le cadre de la Présidence suédoise du Comité des Ministres.

Les Délégués des Ministres ont adopté deux recommandations élaborées par le CAHDI, laRecommandation CM/Rec(2008)8 du Comité des Ministres aux Etats membres relative àl’acceptation de la juridiction de la Cour internationale de justice et la RecommandationCM/Rec(2008)9 du Comité des Ministres aux Etats membres sur la désignation d’arbitres etconciliateurs internationaux.

Prenant note d’un rapport sur le crime pharmaceutique, les Délégués des Ministres ont adoptéle projet de mandat pour l’élaboration d’une convention du Conseil de l’Europe contre lacontrefaçon des produits médicaux et les infractions similaires menaçant la santé publique. Laconvention doit être parachevée en 2009.

Source : Communiqué de presse, 2 juillet 2008.

T Réclamations collectives selon la Charte sociale eu ropéenne Les Délégués des Ministres ont adopté des résolutions concernant deux réclamations collectivesdéposées en application de la Charte sociale européenne : réclamation collective n/ 33/2006 parle Mouvement international ATD - Quart monde contre la France et réclamation collectiven/ 39/2006 par la Fédération des associations nationales de travail avec les sans-abri (FEANTSA)contre la France.Le Comité européen des droits sociaux avait rendu ces deux décisions le 5 décembre 2007. Ilconstatait différentes violations par la France de la Charte sociale européenne. Le comité a écartél’examen de la loi sur le logement opposable au motif qu’elle prendra effet postérieurement àl’examen d’espèce (1er décembre 2008). Les deux réclamations portaient sur les difficultés delogements des personnes les plus défavorisées dont les gens du voyage, les sans-abris et lesimmigrés. Les requérants alléguaient des violations des article 31 (droit au logement) et 30 (droit à la

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protection contre la pauvreté et l’exclusion sociale), auxquels étaient également ajouté l’articleE (non discrimination).

Sources : Communiqué de presse, Comité des ministres, 5 juin 2008.

T Signature d’un accord de coopération entre Conseil de l’Europe et l’Agence des droitsfondamentaux de l’Union européenne

Le Conseil de l’Europe et l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne ont signéaujourd’hui un accord de coopération visant : à renforcer la complémentarité de leur action ; àéviter les chevauchements inutiles d’activités dans le domaine de la protection des droits del’homme en Europe; et à permettre la mise en place d’activités communes de promotion desdroits de l’homme. Cet accord de coopération constitue une étape importante vers l’adoption d’un système européende protection des droits fondamentaux qui serait cohérent et efficace et qui reposerait sur desnormes communes. Le Conseil de l’Europe a pour mission principale de développer etpromouvoir ses normes sur les droits de l’homme et de veiller au respect par ses 47 Etatsmembres - y compris les 27 pays membres de l’UE - de la Convention européenne des droits del’homme. L’Agence des droits fondamentaux, dont le siège est situé à Vienne, concentrera sesactivités sur les aspects liés aux droits de l’homme dans la législation de l’Union européenne etde sa mise en œuvre par les Etats membres et les institutions de l’Union européenne.

Source : Communiqué de presse - 453(2008)

T Responsabilité médicale : le Conseil de l’Europe en tend définir des normesAu terme d’une conférence de deux jours, réunissant les 2 et 3 juin à Strasbourg des médecins,des assureurs, des juristes et des représentants de la société civile, le Conseil de l’Europe a étéinvité à définir de nouvelles normes européennes en matière de responsabilité médicale.Sur la base de ces travaux, le Conseil de l’Europe envisage d’élaborer des normes destinées àprivilégier les modes alternatifs de règlement des litiges (notamment médiation et conciliation) età donner des lignes directrices couvrant la gestion du risque, la compensation et l’indemnisationdes victimes ainsi que la mise en place de mécanismes efficaces pour assurer le financement liéaux plaintes déposées par les patients. L’élaboration d’un code de bonne pratique et la mise enplace d’une plateforme permanente de coopération entre professionnels de santé et juristespourraient également être envisagées.Les conclusions et de nombreux autres documents sont disponibles sur : www.coe.int/medical-liability

Source : Communiqué de presse 409(2008), Strasbourg, 4 juin 2008.

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PUBLICATIONS

T Point de vue - Point de droit : La CIA au-dessus de s lois ? Détentions secrètes ettransferts illégaux de détenus en Europe, 2008, 325 p.

“L’Europe serait-elle devenue un « terrain de chasse » pour des services de sécurité étrangers? Peut-on accepter, au nom de la sécurité commune et de la lutte contre le terrorisme, que descitoyens soient kidnappés, transférés et détenus arbitrairement dans des prisons secrètes,torturés, sur simple suspicion de terrorisme et au mépris des lois internationales ?L’analyse du programme HVD (High Value Detainees/Détenus de grande importance) mis enplace par l’administration des USA après les attaques du 11 septembre révèle ici, au travers dedeux enquêtes de l’Assemblée parlementaire, la « toile d’araignée » mondiale tissée par la CIA.Ce programme, dit de « restitutions extraordinaires », a donné lieu à des nombreuses et gravesviolations des droits de l’homme. Il n’a pu fonctionner que grâce à la coopération de certains Etatsmembres du Conseil de l’Europe, pourtant liés par les conventions européennes en matière dedroits de l’homme.Par ailleurs, la Commission européenne pour la démocratie par le droit apporte son expertisejuridique sur les principes généraux du droit international et la responsabilité des Etats membresdu Conseil de l’Europe qui auraient manqué, intentionnellement ou par négligence, à leursobligations.Ce livre, émaillé de témoignages édifiants, réaffirme la position du Conseil de l’Europe selonlaquelle la lutte contre le terrorisme ne peut être efficace à long terme que par l’usage de moyensqui respectent les droits de l’homme et la prééminence du droit.” (Résumé de l’éditeur).

T Nuala Mole, “Le droit d’asile et la Convention euro péenne des droits de l’homme”,2008, 163 p.

“Les bouleversements politiques, les réformes économiques, l’instabilité sociale et les guerresciviles ont contribué aux changements dans les flux migratoires mixtes tant vers l’Europe qu’ausein même de l’Europe. La plupart de ceux qui ont besoin d’une protection internationale sontcontraints de la rechercher en Europe, et les nouveaux Etats membres du Conseil de l’Europeélargi sont maintenant eux aussi confrontés à l’arrivée de demandeurs d’asile. Nuala Mole a repoussé les limites de son étude pour y inclure un plus large éventail de questionsliées aux demandeurs d’asile qui se posent dans le cadre de la Convention européenne des droitsde l’homme. L’édition révisée comporte trois volets. Elle fait l’analyse de la jurisprudencesubstantielle de la Cour européenne des droits de l’homme qui a examiné la compatibilité desmesures prises par les Etats relativement à tous les aspects de la procédure d’asile avec lesdispositions de la Convention. Elle étudie aussi le rôle de protection subsidiaire offert par lesorganes de Strasbourg pour protéger les personnes qui risquent de faire l’objet d’un traitementprohibé. L’étude porte en outre sur les dispositions de plus en plus pertinentes s’agissant del’évolution du droit communautaire en la matière, ainsi que sur les mesures adoptées dans lecontexte des menaces terroristes – ces deux éléments ayant des répercussions importantes surla situation concrète des réfugiés et des demandeurs d’asile et sur le droit qui leur est applicable.”(Résumé de l’éditeur).

T Laura Zanfrini, Winfried Kluth, “Les politiques rel atives aux migrants irréguliers -Volume I : Italie et Allemagne”, 2008, 115 p.

“Les migrants irréguliers vivent quotidiennement dans l’insécurité du fait de l’illégalité de leurséjour, c’est pourquoi le Comité européen sur les migrations (CDMG) a décidé d’évaluer leursituation dans les Etats membres du Conseil de l’Europe. L’objectif de cet exercice était departager les expériences nationales et de les évaluer, mais aussi de formuler éventuellement despropositions portant sur le traitement des migrants irréguliers et d’améliorer la coopération entreles pays d’origine et d’accueil. Cinq pays se sont portés volontaires – l’Arménie, l’Allemagne, la Grèce, l’Italie et la Fédérationde Russie – pour soumettre à l’évaluation certains éléments de leurs politiques nationalesrelatives à la situation des migrants irréguliers.

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Ce premier volume contient un chapitre de synthèse (objectifs, méthodologie, leçons à tirer, etc.)ainsi que les rapports nationaux de l’Italie et de l’Allemagne.” (Résumé de l’éditeur).

T Renáta Uitz, “ L'Europe des droits - la liberté de religion”, 2008“La Déclaration universelle des droits de l’homme et la Convention européenne des Droits del’Homme proclament que toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et dereligion, y compris la liberté de manifester sa religion ou sa conviction par le culte,l’enseignement, les pratiques et l’accomplissement de rites. Ce droit fondamental est aujourd’huiencore parfois limité et se heurte à l’hostilité et à l’intolérance, et cela même dans nos sociétésdémocratiques. A travers des exemples concrets, l’auteur compare et analyse la protection du droit à la libertéde religion dans les jurisprudences des cours constitutionnelles européennes et de la Coureuropéenne des Droits de l’Homme du Conseil de l’Europe pour déterminer s’il existe un droitcommun européen dans ce domaine”. (Résumé de l’éditeur).

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ACTUALITÉ LÉGISLATIVE

NATIONALE

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SOURCES EUROPÉENNES

T Adoption de 3 décrets du 4 juillet 2008 relatifs à la lutte contre la corruption dans lesEtats membres du Conseil de l’Europe

-Décret n/ 2008-671, 4 juillet 2008, portant publication du protocole additionnel à la Conventionpénale sur la corruption, signé à Strasbourg le 15 mai 2003-Décret n/ 2008-672, 4 juillet 2008, portant publication de la Convention pénale sur lacorruption, signée à Strasbourg le 27 janvier 1999- Décret n/ 2008-673, 4 juillet 2008, portant publication de la Convention civile sur la corruption,signée à Strasbourg le 4 novembre 1999.

Source : http://www.legifrance.gouv.fr/rechTexte.do?reprise=true&page=1

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SOURCES COMMUNAUTAIRES

T La directive sur la responsabilité environnementale enfin transposée par la FranceLes députés français ont adopté le projet de loi « responsabilité environnementale » (LRE), quitranscrit dans le droit français, avec plus d’un an de retard, une directive européenne de 2004.Un texte qui légalise enfin en France le principe du« pollueur/payeur », alors que la Présidencefrançaise de l’Union européenne a fait de l’environnement l’une de ses priorités.La loi sur la responsabilité environnementale offre également la possibilité aux collectivitésterritoriales de se porter partie civile en cas de pollution sur leur territoire. Les pollutions maritimesseront également punies plus sévèrement, le capitaine d’un navire responsable du rejet deproduits polluants étant passible d’une amende de 15 millions d'euros, contre un millionactuellement, ainsi que d’une peine de prison de dix ans.La loi française renforce également l’autorité des préfets, chargés de veiller au respect desobligations des exploitants de sites industriels susceptibles de provoquer une pollution.Cependant, de nombreux amendements ont été apportés au texte originel de la directive. Ainsi,la LRE n’aborde pas la question de l’indemnisation, et est de ce fait jugée insuffisante par lesorganisations de protection de l’environnement.Un certain nombre d’amendements ont également permis la transposition par cette loi de plusd’une dizaine d’autres directives en retard, notamment sur la pollution des navires, de l’air, l’ozoneet le marché européen des émissions de carbone.

Sources : Projet de loi relatif à la responsabilité environnementale et à diverses dispositions d’adaptation au droitcommunautaire dans le domaine de l’environnement - 22/07/08 - Assemblée nationale.Directive 2004/35/CE sur la responsabilité environnementale en ce qui concerne la prévention et la réparation desdommages environnementaux - 21/04/04

T Adoption de la loi n ////2008-649 du 3 juillet 2008 portant diverses dispositionsd’adaptation du droit des sociétés au droit communa utaire

Source : http://www.legifrance.gouv.fr/./affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000019117371&dateTexte=20081006&fastPos=1&fastReqId=2019526654&oldAction=rechTexte

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JURISPRUDENCE

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6 Les arrêts de la CEDH sont disponibles sur le site http://www.echr.coe.int/ECHR/ . Les arrêts présentés deviendront définitifs dans les conditions définies à l’article 44 § 2 de la Convention.

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ARRÊTS DE

LA COUR EUROPÉENNE

DES

DROITS DE L’HOMME 6

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LISTE DES ARRÊTS ET DÉCISIONS CI-APRÈS COMMENTÉS,classement par articles

(Arrêts particulièrement intéressants signalés en gras)

Article 2 : DROIT À LA VIE- CEDH, Sampanis et autres c. Grèce, req. n/ 32526/05, 5 juin 2008, p. 54

Article 3 : INTERDICTION DE LA TORTURE- CEDH, Na c. Royaume-Uni, req. n/ 25904/07, 17 juillet 2008, p. 36.

Article 5 § 1 : DROIT À LA LIBERTÉ ET À LA SÛRETÉ- CEDH, Medvedyev et autres c. France , req. n //// 3394/03, 10 juillet 2008, p. 41.

Article 5 § 3 : CONTRÔLE JURIDICTIONNEL SUR LA DÉTENTION- CEDH, Garriguenc c. France , 10 juillet 2008, req. n //// 21148/02, p. 44.- CEDH, Medvedyev et autres c. France , req. n //// 3394/03, 10 juillet 2008, p. 41.

Article 6 § 1 : DROIT À UN PROCÈS ÉQUITABLE- CEDH, André et autre c. France , req. n //// 18603/03, 24 juillet 2008, p. 31.- CEDH, Arouette c. France , req. n ////42122/04, 24 juillet 2008, p. 33.- CEDH, Martins Castro et Alves Correia e castro c/ Portugal, req. n/ 33729/06, 10 juin 2008 p.52. - CEDH, Religionsgemeinschaft der Zeugen Jehovas et autres c. Autriche, req. n/ 40825/98,31 juillet 2008, p. 24.

Article 7 § 1 : PAS DE PEINE SANS LOI- CEDH, Konovov c. Lettonie, req. n/ 36376/04, 24 juillet 2008, p. 26.

Article 8 : DROIT AU RESPECT DE LA VIE PRIVÉE ET FAMILIALE- CEDH, André et autre c. France , req. n //// 18603/03, 24 juillet 2008, p. 31.- CEDH, Grande chambre, Maslov c. Autriche , req. n //// 1638/03, 23 juin 2008, p. 49.

Article 9 : DROIT A LA LIBERTÉ DE RELIGION- CEDH, Religionsgemeinschaft der Zeugen Jehovas et autres c. Autriche, req. n/ 40825/98,31 juillet 2008, p. 24.

Article 10 : DROIT A LA LIBERTÉ D’EXPRESSION- CEDH, Riolo c. Italie, req. n/ 42211/07, 17 juillet 2008, p. 34.- CEDH, Soulas c. France , req. n //// 15948/03, 10 juillet 2008, p. 39.- CEDH, Vajnai c. Hongrie, req. n/ 33629/06, 8 juillet 2008, p. 47.

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Article 13 : DROIT A UN RECOURS EFFECTIF :- CEDH, Martins Castro et Alves Correia e castro c. Portugal, req. n/ 33729/06, 10 juin 2008 p.52. - CEDH, Religionsgemeinschaft der Zeugen Jehovas et autres c. Autriche, req. n/ 40825/98,31 juillet 2008, p. 24.- CEDH, Sampanis et autres c. Grèce, req. n/ 32526/05, 5 juin 2008, p. 54.

Article 14 (INTERDICTION DE DISCRIMINATION) combiné à l’article 9 de la Convention(DROIT A LA LIBERTÉ D’EXPRESSION)- CEDH, Religionsgemeinschaft der Zeugen Jehovas et autres c. Autriche, req. n/ 40825/98,31 juillet 2008, p. 24.

Article 14 (INTERDICTION DE DISCRIMINATION) combiné avec article 2 du Protocoleadditionnel n //// 1 (DROIT À L’INSTRUCTION)- CEDH, Sampanis et autres c. Grèce, req. n/ 32526/05, 5 juin 2008, p. 54.

Article 1 er du Protocole additionnel n //// 1 : DROIT AU RESPECT DES BIENS- CEDH, Gauchin c. France, req. n //// 7801/03, 19 juin 2008, p. 51.

Article 3 du Protocole additionnel n ////1 : DROIT A DES ELECTIONS LIBRES- CEDH, Parti travailliste géorgien c. Géorgie, req. n/ 9103/04, 8 juillet 2008, p. 45.

Article 3 du Protocole additionnel n //// 7 : DROIT A UNE INDEMNISATION EN CASD’ERREUR JUDICIAIRE- CEDH, Matveiev c. Russie, req. n/ 26601/02, 3 juillet 2008, p. 48.

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7 Cet arrêt n’est disponible qu’en anglais.

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Religionsgemeinschaft der Zeugen Jehovas et autres c. Autriche 7

31 juillet 2008- req. n/ 40825/98 -

- Violation des articles 9 (droit à la liberté de penser, de conscience et de religion) et 14 combiné à l’article 9 (interdiction de la discrimination) ; violation de l’article 6 § 1 (droit à un

procès équitable dans un délai raisonnable et non violation de l’article 13 (droit à un recours effectif) de la Convention -

T Faits :

Les requérants, ressortissants autrichiens et membres des Témoins de Jehovah, demandèrentau ministre fédéral de l’Education et des Arts, en septembre 1978, de leur accorder le statutd’association confessionnelle et la personnalité morale. Leur demande fut rejetée. La CourConstitutionnelle rendit deux arrêts. Par le premier arrêt, en 1995, elle jugea que les intéressésétaient en droit d’obtenir une décision expresse à leur demande ; par un second arrêt en 1997,elle jugea la décision du ministère arbitraire et contraire au principe d’égalité. En 1998, les Témoins de Jehovah se virent ainsi accorder le statut de communauté religieuseet la personnalité morale. Par la suite, les requérants engagèrent une nouvelle procédure en vue d’obtenir le statutd’association confessionnelle. Le Ministère rejeta leur demande au motif que selon la loi surles communautés religieuses, une communauté religieuse ne pouvait se voir accorder le statutd’association confessionnelle que si elle existait depuis au moins dix ans. En octobre 2004, leurrecours fut rejeté par la Cour Constitutionnelle qui jugea que le délai de dix ans imposé pourobtenir ce statut d’association confessionnelle était conforme à la Constitution, et cela, alorsmême que les autorités autrichiennes avaient refusé d’accorder la personnalité morale auxrequérants pendant vingt ans.

T Griefs :

Les requérants invoquaient une violation des articles 9 (droit à la liberté de penser, deconscience et de religion), et 14 (interdiction de la discrimination) pour dénoncer le refus desautorités autrichiennes de leur conférer le statut d’association confessionnelle. Ils invoquaient également l’article 6 (droit à un procès équitable dans un délai raisonnable) pourdénoncer la durée excessive de la procédure relative à leur demande tendant à l’obtention dustatut d’association confessionnelle.

T Décision :

Sur la violation de l’article 9 :

La Cour rappelle que l’article 9 de la Convention protège particulièrement l’autonomie religieuseen tant que garante du pluralisme dans « une société démocratique ». Puis elle cherche à savoir si les requérants avaient subi une ingérence de la part des autoritésautrichiennes dans leur liberté religieuse.Pour être conforme à l’article 9 § 2 de la Convention, l’ingérence doit être « prévue par la loi »et poursuivre un « but légitime ». En l’espèce, une loi autrichienne de 1874 impose aux cultes de solliciter la reconnaissance deleur personnalité morale auprès du ministre compétent. De plus, la Cour considère qu’il

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appartient aux Etats de décider si les activités d’une association, notamment d’obédiencereligieuse, portent atteintes à la sécurité publique.La Cour considère que l’ingérence en question était alors prévue par la loi et poursuivait un butlégitime à savoir la protection de l’ordre et de la sûreté publics.

La Cour rappelle que l’autonomie des communautés religieuses est indispensable au pluralismedans une société démocratique. Faute pour le Gouvernement d’avoir fourni des raisons« pertinentes » et « suffisantes » propres à justifier pareil refus, l’ingérence dénoncée est alléeau-delà de ce qui pouvait passer pour une restriction « nécessaire » à la liberté de religion desrequérants. L’ingérence dénoncée ne constitue donc pas une restriction nécessaire à la libertéde religion.

En conséquence, la Cour conclut, par six voix contre une, à la violation de l’article 9 de laConvention.

Sur l’article 14 combiné avec l’article 9 :

La Cour relève que le droit autrichien accorde aux associations confessionnelles de nombreuxprivilèges, notamment en matière fiscale.Elle rappelle qu’il pèse sur les autorités étatiques une obligation de neutralité et d’impartialitéquant à leurs politiques à l’égard des communautés religieuses, et notamment dans l’attributionde privilèges ou dans la possibilité de solliciter le bénéfice d’un statut particulier. Les critèrespour accorder ces privilèges doivent être appliqués sans discriminations : “The obligation underArticle 9 of the Convention incumbent on the State’s authorities to remain neutral in the exerciseof their powers in this domain (...)” (§ 92). En particulier, l’imposition d’un certain délai à des communautés religieuses déjà dotées de lapersonnalité morale avant qu’elles ne puissent accéder au statut d’association confessionnellerelève de ce devoir de neutralité. “A difference of treatment is discriminatory if it has no objective and reasonable justification ;in other words, if it does not pursue a legitimate aim or if there is not a reasonable relationshipof proportionality between the means employed and the aim sought to be realised.” (§ 96).

En droit autrichien la loi sur les communautés religieuses exige un délai minimum de dix anspour que soit conféré le statut d’association confessionnelle à une communauté religieuse. LaCour admet que ce délai soit nécessaire à titre exceptionnel pour vérifier la légalité des activitésde la communauté religieuse, notamment dans le cas où la communauté en question,récemment créée, est inconnue.Mais en l’espèce, les juges de Strasbourg estiment qu’un tel délai ne se justifie pas pour lesTémoins de Jehovah qui sont établis de longue date et connus sur le plan international etnational. Les autorités autrichiennes n’avaient donc pas besoin d’un délai aussi long pour vérifier si cettecommunauté remplissait toutes les conditions posées par la loi nationale. En conséquence, “thedifference in treatment was not based on any « objective and reasonable justification » et laCour décide, par six voix contre une, que l’article 14 combiné à l’article 9 a été violé.

Sur l’article 6 et le respect du délai raisonnable :

La Cour relève la complexité de l’affaire pour juger que la durée de la première procédure quis’est étalée sur deux ans et dix mois n’est pas excessive et que l’article 6 §1 n’a pas été violé.

Cependant, la seconde procédure ayant durée cinq ans et onze mois, et ce, sans explicationde la part du Gouvernement, est jugée excessive par la Cour car elle ne satisfait pas àl’exigence du délai raisonnable.

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Elle conclut à l’unanimité, à la violation de l’article 6 § 1 de la Convention.

Sur l’article 13 :

La Cour considère que les requérants ont pu saisir la Cour constitutionnelle pour contestercertaines dispositions de la loi sur le statut juridique des communautés religieuses enregistrées.“The Court observes that on the whole the applicants successfully used the remedies availableunder the Federal Constitution and eventually obtained redress at domestic level for theircomplaint” (§ 123). Ainsi, elle décide, à l’unanimité, que l’article 13 n’a pas été violé.

L L’opinion partiellement dissidente du juge Steiner est annexée à l’arrêt.

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Kononov c. Lettonie24 juillet 2008

- req. n/ 36376/04 -

- violation de l’article 7 (pas de peine sans loi) -

T Faits :

Le requérant, d’origine lettone, fut mobilisé dans l’armée soviétique en 1942. En 1943 il futparachuté sur le sol letton et devint chef d’un commando soviétique composé de « partisansrouges ». Ce commando, vêtu d’uniformes de soldats allemands, mena une action dereprésailles le 27 mai 1944 contre des habitants d’un village letton soupçonnés d’avoir,quelques mois auparavant, trahi et livré aux allemands un groupe de partisans rouges. Sixvillageois furent exécutés, deux femmes furent blessées et plusieurs maisons furent pillées etbrûlées. Il ressort des faits que le requérant aurait dirigé cette opération sans avoir pénétré dansle village.

Une enquête pénale fut ouverte en janvier 1998. Le requérant fut mis en examen pour crimesde guerre en octobre de la même année et fut reconnu coupable et condamné à une peine desix ans d’emprisonnement. Cette décision fut annulée en appel en avril 2000 au motif que d’unepart, une incertitude existait quant à qualité de combattant ou de non combattant des victimes,et que, d’autre part, une seconde incertitude portait sur le caractère occupé ou non du territoiresur lequel les faits s’étaient déroulés.

Le requérant fut de nouveau mis en examen en mai 2001, à la suite de quoi il fut acquitté descharges de crimes de guerre, mais déclaré coupable de brigandage. Le parquet fit appel decette décision et la Cour suprême condamna le requérant le 30 avril 2004 pour crime de guerre.

T Griefs :

Le requérant dénonçait une violation de l’article 7 § 1 de la Convention européenne des droitsde l’homme en raison d’une application rétroactive de la loi pénale.

T Décision :

- Sur les faits de l’affaire et leur qualification juridique :

La Cour rappelle qu’en vertu de l’article 19 de la Convention, elle a pour mission d’assurer lerespect des engagements résultant de la Convention pour les Parties contractantes.

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8 Voir, parmi beaucoup d’autres, CEDH, Grande chambre, Benham c. Royaume-Uni, du 10 juin 1996 - req. n/ 19380/92 (§ 41), etCEDH, Goussinski c. Russie, du 19 mai 2004 - req. n/ 70276/01, (§ 66).

9 Voir, par exemple, déc. de la Commission X. c. Allemagne, du 24 septembre 1963 - req. n/ 1169/61.

10 Arrêt de Grande chambre, Achour c. France du 29 mars 2006 - req. n/ 67335/01, (§ 41).

11 Arrêt de Grande chambre, Streletz, Kessler et Krenz c. Allemagne du 22 mars 2001 - req. n/ 34044/96, 35532/97 et 44801/98(§ 50).

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Conformément au principe de subsidiarité et à sa jurisprudence antérieure, elle estime que“l’établissement des faits de l’affaire et l’interprétation du droit interne relèvent de la compétencedes juridictions nationales”, sauf “en cas d’arbitraire flagrant et évident” (§ 108) ou “lorsque laConvention elle-même se réfère expressément au droit interne. Dans un tel cas, l’inobservationdes dispositions nationales peut, à elle seule, entraîner une violation de la Convention ; dèslors, en vertu du principe jura novit curia, la Cour peut et doit exercer un contrôle pourrechercher si ces dispositions ont bien été respectées” (§ 110) 8 . Tel est le cas en l’espèce del’article 7, dans la mesure où cet article de la Convention exige précisément que l’applicationd’une disposition du droit pénal à un acte qui n’est pas couvert par cette disposition entredirectement en conflit avec la Convention.

La Cour s’estime alors “compétente pour se prononcer sur le respect de la disposition pénaleen question, sous peine de priver l’article 7 de tout effet utile” 9. Elle considère “qu'il en estexactement de même dans les situations où, comme en l’occurrence, les tribunaux internes ontfait application du droit international” (§ 110).

Les juges de Strasbourg établissent une distinction entre les faits matériels et leur qualificationjuridique. Ils ne peuvent se prononcer sur l’établissement des faits, sauf dans l’hypothèse oùles faits auraient été établis selon une procédure jugée non équitable au regard de l’article 6 § 1de la Convention, ce qui n’était pas le cas en l’espèce. A l’inverse, la Cour se doit d’examinerla qualification de ces événements de faits sous l’angle du droit national ou international, afinde pouvoir se prononcer sur le respect des garanties de l’article 7 de la Convention. “Dansl'accomplissement de cette tâche (...), [la Cour peut être amenée à] donner aux faits de la cause(...), une qualification juridique différente de celle que leur attribuent les parties ou, au besoin,de les envisager sous un autre angle” (§ 111).

- Sur le fond du grief :

Les principes généraux : La Cour rappelle dans un premier temps l’ensemble des principesd’interprétation de l’article 7 § 1 de la Convention : - l’obligation de s’assurer de l’existence d’une base légale d’ordre nationale ou internationalerendant un acte punissable au moment de sa commission. - la définition claire des infractions et des peines qui les répriment10 par la loi ou la jurisprudenceà condition que le résultat soit cohérent avec la substance de l’infraction et raisonnablementprévisible 11.

Dans le cas de succession d’Etats ou de changement de régime, la Cour estime légitime pourun Etat de droit “d’engager des poursuites pénales à l'encontre de personnes qui se sontrendues coupables de crimes sous un régime antérieur” ou encore “d’interpréter les dispositionslégales existantes à l'époque des faits à la lumière des principes régissant un Etat de droit”(§ 114).

Enfin la Cour rappelle que l’article 7 § 2, “clause de dérogation exceptionnelle au principegénéral” contenu dans l’article 7 § 1, “n'affecte pas les lois qui, dans les circonstances tout à

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12 déc. de la Commission, X. c. Belgique, du 20 juillet 1957 - req. n/ 268/57 ; déc. de la Commission, Touvier c. France, du 13janvier 1997 - req. n/ 29420/95, et Papon c. France (n/ 2) (déc.), du 15 novembre 2001 - req. n/ 54210/00.

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fait exceptionnelles qui se sont produites à l’issue de la Seconde Guerre mondiale, ont étépassées pour réprimer les crimes de guerre et les faits de trahison et de collaboration avecl’ennemi ; dès lors, il ne vise aucune condamnation juridique ou morale de ces lois” 12 (§ 115).

En l’espèce, la Cour relève par conséquent qu’il ne lui appartient pas de se prononcer sur laresponsabilité pénale individuelle du requérant mais “d’examiner sous l’angle de l’article 7 § 1de la Convention, si, à la date du 27 mai 1944, les actions du requérant constituaient desinfractions définies avec suffisamment d’accessibilité et de prévisibilité par le droit national ouinternational” (§ 116).

Le droit international : La Cour examine en premier lieu le fondement juridique de lacondamnation litigieuse. Or, il ressort de cet examen que le droit national letton appliqué enl’espèce établit un renvoi au profit du droit conventionnel, soit en l’espèce le jus in bello. Ainsila Convention de La Haye de 1907 concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre (ou,plus précisément, le règlement y annexé), la Convention de Genève de 1949 relative à laprotection des personnes civiles en temps de guerre et, le Protocole additionnel à cettedernière, adopté en 1977 ont été mis en oeuvre par les juridictions lettones.

La Cour s’intéresse ensuite à l’applicabilité de ces textes. Elle relève d’une part, qu’au momentdes faits, seule la Convention de La Haye était en vigueur, et d’autre part, que les deux autrestextes conventionnels ne contiennent aucune clause leur accordant une force rétroactive.La Cour estime également que dans l’hypothèse d’espèce “où la loi pénale nationale renvoieau droit international pour la définition d’une infraction, la disposition interne et la dispositioninternationale forment, au sens matériel, une seule et unique norme pénale couverte par lesgaranties de l'article 7 § 1 de la Convention. Dès lors, cet article s’oppose à ce qu’un traitéinternational soit appliqué rétroactivement pour qualifier un acte ou une omission de criminels”(§119). De surcroît, la Cour observe que ni l’URSS ni la Lettonie ne figuraient parmi lessignataires de la Convention de La Haye de 1907 le rendant a priori inapplicable au conflit arméen cause en vertu de la clause de « participation générale » contenue dans son article 2.Néanmoins, s’agissant d’une codification de règles coutumières la Cour admet l’applicabilitératione temporis de la Convention de 1907 aux faits de l’espèce. Elle reconnaît également lecaractère applicable ratione personae de la Convention dans la mesure où la région lettonneconcernée se trouvait sous occupation allemande à l’époque des faits, et que le requérant etles hommes de son commando étaient membres de l'armée soviétique, donc « combattants »au sens du droit international.

Les juges européens reconnaissent finalement l’applicabilité aux faits de l’espèce du contenumatériel du règlement annexé à la Convention de La Haye de 1907 et s’intéressent ensuite àla qualification juridique des faits au regard de la Convention de 1907.

Ils relèvent le silence des juridictions nationales sur l’implication personnelle directe durequérant dans les événements et en déduisent que “le seul fait réellement reproché aurequérant était d’avoir dirigé le commando qui effectua l’opération punitive du 27 mai 1944”(§ 124).

Dès lors, la Cour examine si cette opération pouvait être constitutive d’une violation des lois etcoutumes de la guerre codifiées par la Convention de La Haye de 1907. Pour répondre à cettequestion, elle cherche dans un premier temps à qualifier juridiquement de zone de conflit armé,sur la base des faits rapportés par les parties, la zone géographique concernée.

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Une fois cette première qualification établie, la Cour examine dans un second temps lecomportement des villageois tués par le commando du requérant en vue d’en déduire leurqualité de combattant ou de civils. Or une controverse existe sur ce point entre les parties. Legouvernement letton retient la qualification de « civils », tandis que le requérant la conteste. La Cour retient une autre approche en distinguant la situation des six hommes de celle des troisfemmes.

S’agissant des hommes, les juges de Strasbourg considèrent que les faits excluent àleur profit la qualité de « civil » (hommes armés par l’armée allemande, méthodes similairesà celle de la police auxiliaire lettone). Toutefois ils relèvent que la notion de « civil » n’est pasdéfinie par le règlement annexé à la Convention de La Haye de 1907 mais découle de l’article50 du Protocole additionnel aux Conventions de Genève relatif à la protection des victimes desconflits armés internationaux, adopté en 1977 et inapplicable en l’espèce. Ils en déduisent qued’après le jus in bello applicable au moment des faits, aucune règle n’établissait que “toutepersonne ne réunissant pas les conditions formelles pour être qualifiée de « combattant » devaitautomatiquement être rangée dans la catégorie des « civils » avec toutes les garanties qui endécoulaient” (§ 131). Ce faisant la Cour leur reconnaît le statut de « combattants ».

Quant à l’opération litigieuse et la conformité de celle-ci au regard de la Convention de La Hayede 1907, la Cour juge que : - l’opération litigieuse était dirigée contre six hommes précis soupçonnés de collaborer avecl’occupant nazi, que ces derniers furent exécutés après la découverte des preuves tangiblesde leur collaboration (des armes remises par les Allemands), et après le prononcé, à leurencontre, d’un jugement par un tribunal militaire ;- l’opération en question constitue “une opération militaire ciblée” et non une opération contredes civils dans un « village non défendu » ;- l’interprétation des juridictions internes selon laquelle cette opération aurait été effectuée « partrahison », au sens de l’article 23 du règlement de La Haye, doit être rejetée ;- il faut retenir en l’espèce l’emploi de « ruses de guerre » légitimes, autorisées par l’article 24dudit Règlement.

Par conséquent s’agissant du volet de l’opération litigieuse ayant conduit à l’exécution de sixhommes, la Cour estime qu’il n’a pas été prouvé que celle-ci, en tant que telle, était contraireaux lois et aux coutumes de la guerre codifiées par le règlement annexé à la Convention de LaHaye de 1907. La Cour en conclut sur ce point qu'il n'existait donc en droit international aucunebase juridique plausible pour condamner le requérant pour avoir dirigé le commando chargé decette opération.

S’agissant des trois femmes tuées à Mazie Bati la Cour considère que la qualificationjuridique des circonstances de leur décès dépend de savoir : - si elle avaient participé à la trahison des « partisans rouges » de février 1944 ;- si leur exécution avait été initialement prévue par les partisans rouges ou s’il s'agissait plutôtd’un excès de pouvoir de la part de ces derniers. La Cour envisage deux solutions :La première consisterait à dire que les trois villageoises étaient impliquées dans l’acte detrahison et que leur exécution était initialement prévue dans le plan de l’opération du 27 mai1944. De la sorte, en fournissant une assistance réelle et concrète aux six hommes exécutés,ces femmes auraient, tout comme ces derniers, abusé de leur statut de «personnes civiles »et relèveraient alors de la qualité de« combattant ». Dans cette hypothèse la Cour adopteraità la même conclusion que pour les hommes exécutés lors de ce commando.

La seconde version consisterait à supposer que l’exécution des villageoises n’était pas prévueet que leur mort résulterait d’un excès de pouvoir. Dans cette hypothèse la Cour devrait exclure

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ces actes du champ d’application matériel du jus in bello et les analyser alors comme descrimes de droit commun, devant être examinées sous l’angle du droit interne applicable àl'époque des faits.

Le droit national : La Cour estime qu’en retenant la seconde hypothèse et à supposer “que lerequérant ait effectivement perpétré un ou plusieurs crimes de droit commun le 27 mai 1944 (...)ceux-ci sont définitivement prescrits depuis 1954, et qu’il serait contraire au principe deprévisibilité inhérent à l’article 7 de la Convention de les sanctionner près d’un demi-siècle aprèsque cette prescription a été acquise” (§ 146).

En effet, d’une part, “sur le plan pénal, le texte législatif national applicable aux événements du27 mai 1944 était le code pénal de la Russie soviétique, adopté en 1926 et dont l’applicabilitéfut étendue au territoire letton par le décret du 6 novembre 1940. Or, l’article 14 de ce code fixaitles délais de prescription qui étaient de trois, cinq ou dix ans, selon la gravité de la peine.” (...)“Par conséquent, et à supposer que lors de l’opération de Mazie Bati le requérant ait commisune ou plusieurs infractions graves réprimées par le code de 1926, force est à la Cour deconstater que le délai de prescription au regard de celles-ci a définitivement expiré dix ansaprès les faits litigieux, c'est-à-dire en 1954” (§ 142).

D’autre part, la Cour relève qu’il n’existe aucune disposition du droit letton prévoyant lapossibilité de suspendre ou d’allonger les délais de prescription pour la seule raison qu’uneinfraction avait été perpétrée à une époque où le pays se trouvait sous une dominationétrangère. Elle en déduit que ces faits serait donc prescrits depuis 1954 “et qu’il serait contraireau principe de prévisibilité inhérent à l’article 7 de la Convention de les sanctionner près d’undemi-siècle après que cette prescription a été acquise” (§ 146).

Conclusion

“Eu égard à ce qui précède, la Cour conclut que, le 27 mai 1944, le requérant ne pouvaitraisonnablement prévoir que ses actes constituaient un crime de guerre au sens du jus in bellode l’époque ; il n’existait donc en droit international aucune base juridique plausible pour lecondamner pour un tel crime. A supposer toutefois que le requérant ait commis une ouplusieurs infractions de droit commun réprimées par le droit interne, celles-ci, par l’effet de laprescription, ne sont plus punissables depuis longtemps ; dès lors, le droit national ne pouvaitpas non plus servir de base à sa condamnation” (§ 148).

La Cour conclut, par quatre voix contre trois, à la violation de l’article 7 de la Conventioneuropéenne des droits de l’homme et alloue au requérant la somme de 30 000 euros au titrede la réparation du préjudice moral sur le fondement de l’article 41.

L : L’opinion dissidente des juges Fura - Sandström, David Thor Björgvinsson, et Ziemele etopinion concordante du juge Myjer sont annexées à l’arrêt.

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13 CEDH, Ravon c. France, 21 février 2008 - req. n/ 18497/03 (arrêt résumé dans la veille bimestrielle de droit européen n/ 18(janvier - février 2008), p. 25).

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André et autre c. France 24 juillet 2008

- req. n/ 18603/03 -

- Violation des articles 6 § 1 (droit à un procès équitable) et 8 (droit au respect de la vie privée et de la vie familiale) de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme -

T Faits :

Les requérants sont respectivement, Marc André, avocat et la société civile professionnelle(SCP) André, André et Associés.

En juin 2001, une visite domiciliaire fut organisée, sur ordonnance du président du tribunal degrande instance, dans les locaux de la SCP André, André et Associés, en présence de MarcAndré, par des fonctionnaires de l’administration fiscale, en vue de découvrir des éléments àcharge contre une société cliente du cabinet d’avocats contre laquelle pesait une présomptionde fraude fiscale. Etaient également présents, le bâtonnier de l’Ordre des avocats de Marseilleet un officier de police judiciaire.

Parmi les documents saisis à l’issue de cette opération, figuraient des notes manuscrites et undocument portant une mention manuscrite rédigés par Marc André. Le bâtonnier fit observerqu’il s’agissait de documents personnels de l’avocat qui, soumis au secret professionnel absolu,ne pouvaient faire l’objet d’une saisie.

Les requérants formèrent un pourvoi en cassation pour contester la légalité de la visitedomiciliaire et des saisies pratiquées. Ils soulevèrent d’une part que la correspondance entreun client et son avocat, protégée par le secret professionnel, ne pouvait faire l’objet d’une saisieque lorsque la perquisition tendait à démontrer la participation de l’avocat à l’infraction et d’autrepart, que l’ordonnance d’autorisation de la perquisition ne mentionnait pas expressément laprésence obligatoire du bâtonnier ou de son délégué à l’opération. La chambre criminelle dela Cour de cassation rejeta le pourvoi par un arrêt du 11 décembre 2002.

T Griefs :

Devant la Cour européenne, les requérants invoquaient une violation des articles 6 §§ 1 et 3c(droit à un procès équitable) et 8 (droit au respect de la vie privée et familiale) de la Conventioneuropéenne des droits de l’homme. Ils soutenaient que la visite domiciliaire et la saisiepratiquée avaient porté atteinte au respect des droits de la défense et au secret professionnel.Ils considéraient par ailleurs que la portée du contrôle exercé par la Cour de cassation contreles ordonnances rendues sur le fondement de l’article 16 B du livre des procédures fiscalesrendait inopérant tout recours pour contester la régularité de cette procédure.

T Décision :

Sur la recevabilité de la demande :

Les juges de Strasbourg rappellent l’arrêt Ravon c. France 13, du 21 février 2008, dans lequella Cour s’était prononcée en faveur de l’applicabilité de l’article 6 § 1 à une procédure fiscale,qui en principe ne relève pas de l’article 6 de la Convention. Dans l’arrêt précité comme en

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14 CEDH, Brualla Gómez de la Torre c. Espagne, du 19 décembre 1997 - req. n/ 26737/95 (§ 41)

15 Grande chambre Kudla c. Pologne, du 26 octobre 2000 - req. n/ 30210/96 (§ 146)

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l’espèce, la contestation des requérants porte exclusivement “sur la régularité des visitesdomiciliaires et saisies (...) : en son coeur, se trouve la question de la méconnaissance ou nonpar les autorités de leur droit au respect du domicile. Or le caractère « civil » de ce droit estmanifeste, tout comme l’est sa reconnaissance en droit interne, qui résulte non seulement del’article 9 du code civil (...) mais aussi du fait que la Convention, qui le consacre en son article8, est directement applicable dans l’ordre juridique français” (§ 24 de l’arrêt Ravon). La Courdéclare donc la requête recevable sous l’angle de l’article 6 § 1 de la Convention.

Sur la violation de l’article 6 § 1 et de l’article 13 de la Convention :

La Cour considère que “lorsque (...) l’article 6 § 1 s’applique, il constitue une lex specialis parrapport à l’article 13” et que ses “garanties, propres aux procédures judiciaires sont plus strictesque celles de l’article 13” (§ 33). Elle décide donc d’examiner le grief sous le seul angle del’article 6 § 1de la Convention.

Les juges de Strasbourg rappellent avoir jugé dans l’arrêt Ravon c. France que la procédurede visite domiciliaire et de saisie telle que prévue à l’article L. 16B du livre des procéduresfiscales ne répond pas aux exigences de l’article 6 § 1 de la Convention. Ils concluent àl’unanimité à la violation de l’article 6 § 1 (droit d’accès à un tribunal) en raison de l’absence decontrôle juridictionnel effectif.

Sur la violation de l’article 8 :

La Cour européenne, rappelant l’arrêt Brualla Gómez de la Torre c. Espagne 14, du 19décembre 1997, et l’arrêt de Grande chambre Kudla c. Pologne, du 26 octobre 2000 15 - req.n/ 30210/96 précise dans un premier temps que la notion de « domicile » prévue à l’article 8 dela Convention, “peut englober, par exemple le bureau d’un membre d’une profession libérale,notamment d’un avocat” et en déduit que l’article 8 de la Convention est ici applicable.

Elle constate avec les requérants que les opérations de perquisitions et de visites domiciliairesétaient prévues par la loi, l’article L 16B et les articles 56 et 56-1 du code de procédure pénaleen définissant les modalités.

La Cour par ailleurs, reconnaît que l’ingérence ayant pour objectif de protéger l’ordre public etde prévenir les infractions pénales, poursuivait un « but légitime ».

Quant à la « nécessité » de cette ingérence, les juges européens considèrent que lesperquisitions et visites domiciliaires effectuées dans le cabinet d’un avocat “doiventimpérativement être assorties de garanties particulières” et qu’il est “impératif d’encadrerstrictement de telles mesures” (§ 42).

La Cour note qu’en l’espèce, la visite domiciliaire s’est accompagnée d’une garantie spécialepuisqu’elle fut exécutée en présence du bâtonnier de l’Ordre des avocats de Marseille. “Enrevanche, outre l’absence du juge qui avait autorisé la visite domiciliaire, la présence dubâtonnier et [ses] contestations expresses (...) n’ont pas été de nature à empêcher laconsultation effective de tous les documents du cabinet, ainsi que leur saisie” (§ 44). En outre,elle relève que l’autorisation domiciliaire avait été rédigée dans des termes larges de sorte queles fonctionnaires et officiers de police judiciaire se sont vus reconnaître des pouvoirs étendus.“Ensuite, et surtout, la Cour constate que la visite domiciliaire litigieuse avait pour but la

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découverte chez les requérants, en leur seule qualité d’avocats de la société soupçonnée defraude, de documents susceptibles d’établir la fraude présumée de celle-ci et de les utiliser àcharge contre elle. A aucun moment les requérants n’ont été accusés ou soupçonnés d’avoircommis une infraction ou participé à une fraude commise par leur cliente” (§ 46).

Elle en déduit que la visite domiciliaire et les saisies pratiquées étaient disproportionnées parrapport au but visé et conclut, à l’unanimité, à la violation de l’article 8 de la Convention.

La Cour alloue à M. André 5 000 euros pour préjudice moral, ainsi que 10 000 euros auxrequérants conjointement pour frais et dépens.

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Arouette c. France24 juillet 2008

- req. n/ 42122/04 -

- violation de l’article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (droit un procès équitable) -

T Faits :

En l’espèce, le requérant forma un pourvoi en cassation sans l’assistance d’un avocat dans uneaffaire criminelle où il était poursuivi puis fut reconnu coupable de délits de faux et usage defaux en écriture publique et de dénonciation calomnieuse. Le requérant adressa son mémoirele 4 décembre 2003. Conformément à la nouvelle procédure mise en oeuvre à compter du 1er

février 2003 devant la chambre criminelle, le requérant obtint une réponse du greffe criminelde la Cour le 16 décembre 2003 ainsi rédigé : « Vous avez produit, au soutien de ce pourvoi, un mémoire personnel qui a été reçu à la Cour de cassation le04/12/2003. Ce mémoire va être soumis à l’examen d’un conseiller rapporteur puis d’un avocat général. Au termede son examen, l’avocat général vous fera connaître par écrit le sens de ses conclusions (cassation ou rejet ouirrecevabilité ou non admission du pourvoi). Vous serez alors en mesure, si vous l’estimez nécessaire, de faireparvenir au greffe criminel de la Cour de cassation de brèves observations complémentaires qui seront versées audossier avant son examen à l’audience. Ces observations qui ne peuvent en aucun cas prendre la forme denouveaux moyens de cassation, devront être adressées ... ». Le 5 mars 2004, il fut informé du sens des conclusions de l’Avocat général. Le 7 avril 2004, sonpourvoi fut rejeté par la chambre criminelle siégeant en formation restreinte.

T Griefs :

Sur le fondement de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme le requérantalléguait d’une rupture d’équité de la procédure en raison de l’absence de communication durapport du conseiller rapporteur, alors que celui-ci avait été transmis à l’avocat général avantl’audience.

Le gouvernement soulignait les modifications apportées aux modalités d’instruction et dejugement des affaires mises en places le 1er février 2003 permettant une transmission en destermes identiques du rapport du conseiller rapporteur, tant aux parties, qu’à l’avocat général.Il rappelait à cet égard qu’un simple appel téléphonique au service d’accueil eût ainsi permisd’organiser la consultation du rapport, ce service ayant pour instructions d’indiquer auxjusticiables non représentés les modalités de sa consultation.

Malgré cette réforme, le requérant soutenait que les informations contenues dans la lettre dugreffe du 16 décembre 2003 “ne lui permettaient absolument pas de supposer qu’il y aurait unrapport établi par ce conseiller rapporteur, puisqu’il n’en est fait état nulle part, ni a fortiori de

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16 CEDH, Bertin c. France, du 24 mai 2006 - req. n/ 55917/00, (§ 26) ; Ledru c. France, du 6 décembre 2007 - req. n/ 38615/02,(§ 15).

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connaître la date du dépôt de ce rapport ou la possibilité de le consulter” (§ 18).

T Décision :

La Cour rappelle que “l’absence de communication au requérant ou à son conseil, avantl’audience, du premier volet du rapport du conseiller rapporteur, alors que ce document avaitété transmis à l’avocat général, ne s’accorde pas avec les exigences du procès équitable 16. LaCour prend acte des mesures décrites par le Gouvernement quant à la consultation du rapportdu conseiller rapporteur mises en place par la Cour de cassation. Pour autant, il ne ressort pasdu dossier que ces mesures aient été pertinentes en l’espèce. En effet, la Cour constate quele requérant n’a pas été informé par une lettre du greffe de la Cour de cassation de la date dudépôt du rapport du conseiller rapporteur et de la possibilité de le consulter en temps utile”(§ 19).Elle conclut, à l’unanimité, à la violation de l’article 6 § 1 de la Convention.

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Riolo c. Italie17 juillet 2008

- req. n/ 42211/07 -

- Violation de l’article 10 (liberté d’expression) de la Convention -

T Faits :

Le requérant, chercheur italien en sciences politiques de l’Université de Palerme (Italie), avaitrédigé un article, publié en novembre 1994 dans le journal Narcomafie puis dans le quotidiennational Il Manifesto, intitulé : « Mafia et droit. Palerme : la province contre elle-même dans leprocès Falcone. L’étrange affaire de Me Musotto et M. Hyde ».L’article dénonçait le comportement ambigu de Me Musotto, avocat au barreau de Palerme etprésident de la province de Palerme. En effet, alors qu’il représentait l’un des accusés dans lecadre de la procédure pénale relative à l’assassinat du magistrat G. Falcone, Me Musotton’avait pas renoncé à son mandat de haut fonctionnaire de l’administration locale et avait alorsaccepté que la province de Palerme se constitua partie civile. Une vive polémique éclata à cesujet dans les journaux locaux et nationaux. En avril 1995, Me Musotto introduisit une action civile en dommages-intérêts à l’encontre durequérant, pour diffamation. Par un jugement du 19 mars 2000, le tribunal de Palermecondamna le requérant à verser à Me Musotto 36 151,00 euros pour dommages moraux, unecompensation de 5 164,00 euros et à rembourser ses frais de justice à hauteur de 3 300,00euros.Le tribunal estimait qu’en laissant entendre que Me Musotto était le gardien d’intérêts mafieux,le requérant avait dépassé son exercice légitime du droit de critique journalistique et qu’avecune telle attaque personnelle, il avait lésé l’image professionnelle et politique de Me Musotto.Le requérant interjeta appel mais par un arrêt du 29 novembre 2002 la Cour d’Appel de Palermeconfirma le jugement rendu en première instance. La Cour, se fondant sur la jurisprudence dela Cour de Cassation, releva que l’intérêt public des informations données par l’article nesuffisait pas et qu’il fallait également prendre en considération le but de l’article et lesexpressions utilisées par son l’auteur. En l’espèce, le public avait certes intérêt à connaître lesfaits historiques et politiques mais les expressions utilisées par le requérant pour peindre MeMusotto dépassaient les limites d’une critique journalistique. Aussi les insinuations accusant Me

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17 Arrêt de Grande chambre, Pedersen et Baadsgaard c. Danemark, du 17 décembre 2004 - req. no 49017/99, (§ 67)

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Musotto d’être conditionné par des intérêts politiques et économiques ne se fondaient sur aucunélément objectif. En conséquence, tous ces éléments contribuaient à offenser le défendeur. M. Riolo se pourvut en cassation mais un arrêt du 30 janvier 2007 le débouta de son pourvoi.

T Griefs :

Le requérant invoquait une violation de l’article 10 § 1 (liberté d’expression) de la Conventionpour se plaindre de sa condamnation pour diffamation.

T Décision :

Selon la Cour, la condamnation pour diffamation du requérant constitue une véritable ingérencedans le droit à la liberté d’expression. Elle cherche donc à savoir si cette ingérence répondaitaux conditions posées à l’article 10 § 2 de la Convention :- l’ingérence doit être prévue par la loi ;- l’ingérence doit poursuivre un ou plusieurs buts légitimes énoncés dans le § 2 ;En l’espèce, l’ingérence était prévue par la loi, et poursuivait un but légitime à savoir laprotection de la réputation de Me Musotto.- enfin l’ingérence doit être « nécessaire dans une société démocratique » pour atteindre le butlégitime 17. Au regard de l’article 10 § 2 la « nécessité » consiste en « un besoin social impérieux » évaluépar les Etats contractants qui disposent d’une certaine marge d’appréciation, marge plus étroitesi les propos s’inscrivent dans le cadre d’un débat d’intérêt général.En l’espèce, le requérant n’est certes pas journaliste mais, étant chercheur en sciencespolitiques, ses propos sont assimilables à ceux d’un journaliste et sont donc protégés parl’article 10 de la Convention. L’article incriminé a été inspiré par la situation à l’époque des faits. Le Gouvernement lui-mêmeadmet que Me Musotto était dans une situation délicate et la presse locale et nationale s’estégalement investie dans le débat. Cet article s’inscrivait donc dans un débat d’intérêt public,touchant à une question d’intérêt général. Pour mesurer la proportionnalité de la mesure incriminée, la Cour prend en considération lanature et la lourdeur des peines infligées. Les autorités nationales ne doivent pas prendre desmesures propres à “dissuader les médias de leur rôle d’alerte du public en cas d’abusapparents ou supposés de la puissance publique” (§ 62). Les juges européens rappellent que si les journalistes ont le droit de communiquer desinformations sur des questions d’intérêt général, à condition qu’ils agissent de bonne foi et surla base de faits exacts, ils ont également les devoirs et responsabilités de ne pas nuire auxdroits d’autrui ni porter atteinte à la réputation d’une personne nommément citée.A l’époque des faits, Me Musotto était un homme politique “occupant (...) un poste clef dansl’administration locale. Il devait donc s’attendre à ce que ses actes soient soumis à un examenscrupuleux de la part de la presse” (§ 66), souligne la Cour. Par ailleurs, à la lecture de l’article incriminé la Cour relève d’une part, qu’il s’agit d’une “opinionqui ne dépasse pas les limites de la liberté d’expression dans une société démocratique” (§ 67),que “nul ne conteste la véracité des principales informations factuelles contenues dans l’articleincriminé” et d’autre part que “la liberté journalistique peut comprendre une certaine dose deprovocation” (§ 68). En l’espèce, malgré les provocations, les expressions utilisées par l’auteurde l’article présentaient un lien suffisamment étroit avec les faits de l’espèce et ne constituentpas une attaque personnelle gratuite à l’encontre de Me Musotto.Enfin, les juges de Strasbourg considèrent que “le montant des dommages moraux et de lacompensation que le requérant a été condamné à payer (au total, environ 41 315 EUR, plus

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18 Cet arrêt n’est disponible qu’en anglais.

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toute somme due à titre d'intérêts légaux sur le montant de 36 151 EUR à partir de novembre1994 (...) est de nature à altérer le juste équilibre requis en la matière” (§ 71).La Cour conclut que l’ingérence dans la liberté d’expression n’a pas été conforme auxconditions posées par la Convention. En effet, les motifs avancés par les autorités nationalesà l’appui de la condamnation du requérant ne suffisent pas à démontrer que l’ingérence était“nécessaire dans une société démocratique ; en particulier, les moyens employés étaientdisproportionnés par rapport au but visé à savoir « la protection de la réputation ou des droitsd’autrui »”. (§ 72).En conséquence, la Cour reconnaît à l’unanimité la violation de l’article 10 de la Convention.

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Na. c. Royaume-Uni 18

17 juillet 2008- req. n/ 25904/07 -

- violation de l’article 3 (interdiction des traitements inhumains ou dégradants) -

T Faits et procédure :

Le requérant, originaire du Sri-Lanka et appartenant à la minorité ethnique tamoul, résideactuellement au Royaume-Uni, à Londres. Il est entré clandestinement sur le territoire anglaisle 17 août 1999 et a demandé l’asile le lendemain au motif qu’il craignait d’être soumis à destraitements inhumains ou dégradants infligés par l’armée sri-lankaise. Entre 1990 et 1997, à six reprises il avait déjà été arrêté, détenu et avait été victime de mauvaistraitements par l’armée qui le soupçonnait de liens avec les Tigres tamouls. Chaque fois il futlibéré sans faire l’objet d’une inculpation. Sa demande d’asile fut rejetée le 30 avril 2002 par le Ministre de l’Intérieur. Il fit alors appel decette décision mais fut débouté le 27 juillet 2003 au motif que ses craintes de mauvaistraitements n’étaient pas fondées, la situation politique au Sri-Lanka s’étant sensiblementaméliorée. Le 1er avril 2006, un arrêté d’expulsion fut pris à son encontre suivi d’un second le 25 juin 2007.La Cour européenne des droits de l’homme décida d’appliquer l’article 39 du règlement de laCour sur les mesures provisoires et demanda au Gouvernement de ne pas expulser lerequérant jusqu’à ce qu’elle se prononce sur l’affaire.

T Griefs :

Le requérant soutenait que son expulsion vers son pays d’origine au Sri-Lanka emporteraitviolation des articles 2 (droit à la vie) et 3 (interdictions des traitements inhumains oudégradants) de la Convention.

T Décision :

La Cour décide que le grief peut être examiné en même temps sous l’angle de l’article 3 et del’article 2 de la Convention.

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19 Directive 2004/83/EC du 29 avril 2004

20 A ce sujet voir l’arrêt CEDH, Müslim c. Turkey, du 25 avril 2005 - req. n/ 53566/99.

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- La Cour expose les principes généraux applicables en matière d’expulsion :

Elle rappelle qu’en principe les Etats parties sont libres de contrôler l’entrée, la résidence, etl’expulsion des étrangers. Le droit à l’asile politique n’est prévu ni par la Convention ni par sesprotocoles. Cependant, l’expulsion peut soulever des questions relevant de l’article 3 de la Convention etengager la responsabilité de l’Etat partie si ce dernier expulse une personne encourant dansle pays de destination un risque réel de mauvais traitement.

Pour préciser les conditions dans lesquelles une protection internationale peut être accordée,la Cour se fonde sur les articles 2 (e) et 15 (a), (b) et (c) de la directive 19 de droit européen du29 avril 2004 régulant le statut des réfugiés (§ 51).Ainsi, toute personne qui encourrait un risque réel de mauvais traitement si elle retournait dansson pays d’origine peut se voir accorder le statut de réfugié. Les mauvais traitements sont définis à l’article 15 de la même directive : ils consistent en unepeine de mort ou d’exécution (a), torture ou traitement inhumain ou dégradant ou punition (b),ou menace sérieuse et individuelle d’atteinte à la vie dans le cadre d’un conflit arméinternational ou de guerre civile (c).

A propos de la notion de « risque réel », il appartient au demandeur d’asile de supporter lacharge de la preuve de l’existence d’un risque réel pour lui s’il devait être expulsé. Parmi leséléments pertinents, la Cour mentionne :- le risque réel menaçant le réfugié peut émaner d’une personne ou d’un groupe de personnesnon officiels ;- les autorités de l’Etat d’origine ne sont pas capables d’offrir une protection suffisante à lapersonne en danger ;- un contexte de violence. (Cependant, les juges de Strasbourg précisent que le fait d’extraderune personne dans un pays instable en situation de guerre ne constitue pas en soit uneviolation de l’article 3 de Convention 20. Seules les situations générales de violence extrême sontprises en compte).- l’appartenance de la personne à un groupe systématiquement exposé aux mauvais traitementset à la violence.

- Les informations objectives soumises à l’appréciation de la Cour :

Par la lecture de nombreux rapports d’organisations gouvernementales et nongouvernementales (§ 57 à 85), la Cour a pu être précisément informée de la situation politiqueactuelle et des atteintes aux droits de l’homme au Sri-Lanka. En effet, l’assassinat du Ministre des affaires étrangères en août 2005 a déclenché une guerrecivile entre les « Tigres Tamouls » et l’armée sri-lankaise ; l’état d’urgence a alors été décrétéjustifiant, selon les autorités sri-lankaises, l’adoption de lois anti-terroristes qui privilégient lerecours à la torture et la détention des suspects. Cependant, la Cour précise que les considérations générales fournies par les organisationshumanitaires ont un moindre poids que celles relatives aux risques réels encourus par lerequérant.

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21 Haut commissariat des Nations Unies pour les réfugiés.

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- Sur le risque pesant sur les Tamouls retournant au Sri-Lanka :

Pour évaluer le risque pesant sur les Tamouls dans leur pays d’origine (§ 123), la Courconsidère la dégradation de la sécurité intérieure et l’augmentation des atteintes massives auxdroits de l’homme perpétrées tant par les Tigres Tamouls que par le Gouvernement.

Cependant, elle prend note que l’évaluation des risques fournie par le UNHCR 21 est uneapproche générale de la situation et qu’elle concerne, soit les différentes minorités ethniquesdu Sri-Lanka, soit seulement les Tamouls ayant un « certain profil » (§ 128). Ainsi, elle ne remetpas en cause les conclusions des autorités britanniques ayant étudié tous les éléments depreuves objectifs et pertinents affirmant que la situation ne donnait pas naissance à un risquegénéral pour tous les Tamouls et précise que l’évaluation d’un risque réel ne peut se faire quesur la base d’une analyse individuelle : “the assessment of the risk to Tamils of « certainprofiles » and the assessment of whether individual acts of harassment cumulatively amount toa serious violation of human rights can only be done on an individual basis” (§ 128).

Ensuite, pour apprécier « certains profils au cas par cas », la Cour souligne qu’en principel’évaluation du risque réel se fait d’après une liste de facteurs pertinents susceptiblesd’augmenter le risque de mauvais traitement. En l’espèce, cette liste a été dressée par lesautorités britanniques. Parmi ces éléments, on peut citer le fait d’avoir été un opposant activisteau Gouvernement ou d’être considéré comme un traître ou un renégat par les révolutionnairesTamouls ou encore l’existence d’un casier judiciaire et/ou d’un mandat d’arrêt antérieur.

De plus, la Cour insiste sur le fait qu’un certain nombre de facteurs individuels peuvent ne pasconstituer en soi un risque réel lorsqu’ils sont considérés isolément mais peuvent le devenirlorsqu’ils sont cumulés et inscrits dans un contexte de violence généralisée et de renforcementdes mesures de sécurité interne (§ 130). Eu égard à la pratique régulière de la torture et au climat de violence au Sri-Lanka, il apparaîtà la Cour qu’un demandeur d’asile débouté attire davantage l’attention des autorités sri-lankaises, augmentant alors le risque d’interrogations et de détention à l’aéroport et avec lui lerisque de subir des mauvais traitements.

- Sur le risque pesant sur le requérant :

- A propos du risque émanant des Tigres Tamouls : La Cour souscrit au rapport des autoritésdu Royaume-Uni selon lesquelles seuls les Tamouls connus pour leur activisme dansl’opposition ou considérés comme des traîtres sont susceptibles de mauvais traitements. En l’espèce, ces facteurs ne concernent pas le requérant et ne serait « d’aucun intérêt » pourles Tigres Tamouls. En conséquence, aucun risque réel, selon la définition de l’article 3 de laConvention, ne pèserait sur lui s’il était expulsé à l’aéroport de Colombo (§ 141).

- A propos du risque émanant des autorités sri-lankaises : Les autorités britanniques ontidentifié un certain nombre de facteurs cumulatifs parmi lesquels figurent l’existence d’un casierjudiciaire ou/et d’un mandat d’arrêt. En l’espèce, le requérant a été arrêté et relâché six fois entre 1990 et 1997, ses empreintesdigitales et sa photographie ont été prises ; la présence de cicatrices sur son corps contribueégalement à susciter un certain intérêt de la part des autorités sri-lankaises. Parmi les facteurs de risques accumulés, la Cour relève également l’âge, le sexe et l’origineTamoule du requérant, son expulsion de Londres, le dépôt d’une demande d’asile à l’étrangeret l’appartenance de membres de sa famille aux Tigres Tamouls (§ 146).

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Ainsi, la Cour estime que la situation du requérant est de nature à attirer la suspicion desautorités sri-lankaises et l’expose à des risques de torture et de mauvais traitements. “The Courthas taken note of the current climate of general violence in Sri Lanka and has consideredcumulatively the factors present in the applicant’s case” (§ 147).

En conséquence, “on this basis, the Court finds that these are substantial grounds for findingthat the applicant would be of interest to the Sri Lankan authorities in their efforts to combat theLTTE. In those circumstances, the Court finds that at the present time there would be a violationof Article 3 if the applicant were to be returned” (§ 147). La Cour décide, à l’unanimité, que l’expulsion du requérant au Sri-Lanka serait contraire àl’article 3 de a Convention.

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Soulas et autres c. France10 juillet 2008

- req. n/ 15948/03 -

- non violation de l’article 10 (droit à la liberté d’expression) -

T Faits :

En février 2000, les trois requérants, Gilles Soulas, Guillaume Faye et la Société européennede diffusion et d’édition publièrent un ouvrage intitulé « La colonisation de l’Europe » etsous-titré « Discours vrai sur l’immigration et l’islam », dans lequel l’auteur entendait « soulignerparticulièrement ce qu’il croit être l’incompatibilité de la civilisation européenne avec lacivilisation islamique dans une aire géographique donnée ».

Sur citation du parquet, ils furent poursuivis, respectivement en qualité d’auteur (premierrequérant), de complice (deuxième requérant) et de civilement responsable (troisièmerequérante), sur le fondement des articles 23 et 24 alinéa 6 de la loi du 29 juillet 1881, pour« provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence à l’égard d’une personne ou d’ungroupe de personnes à raison de leur origine, de leur appartenance ou non-appartenance à unerace, une nation, une ethnie ou une religion ».

Le 14 décembre 2000, le tribunal de grande instance déclara le gérant de la maison d’édition,en qualité d’auteur et l’écrivain, en qualité de complice, coupables des délits reprochés, pourune partie seulement des passages litigieux. Ils furent condamnés à 50 000 francs (7 622, 45euros) d’amende chacun ainsi qu’à titre solidaire à payer à chaque partie civile 1 franc (0,15euro) au titre de dommages et intérêts. La société d’édition fut déclarée civilement responsable.

Les requérants interjetèrent appel, exposant que “l’article 24 alinéa 6 de la loi du 29 juillet 1881était contraire et incompatible avec les articles 9 § 1, 10 et 14 de la Convention aux motifs qu’ilprotégerait de manière discriminatoire l’appartenance à une religion mais non à une idéologieprofane. Cette disposition créerait ainsi deux catégories d’opinions différemment protégées, etétablirait une discrimination en faveur d’une catégorie de personnes. Elle conduirait donc àexclure au titre de l’impartialité tout juge soupçonnable de relever de la même appartenance”(§ 10). En outre, selon eux, le délit n’était pas constitué.

Le 31 janvier 2002, la Cour d’appel confirma partiellement le jugement de première instance etdéclara le gérant de la maison d’édition et l’écrivain coupables, pour l’ensemble des passagesde l’ouvrage, comme auteur et complice du délit de provocation à la haine et à la violenceenvers un groupe de personnes déterminées. Elle les condamna à une amende de 7 500 euroschacun et à verser des sommes symboliques aux parties civiles (la LICRA (Ligue Internationale

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22 Handyside c. Royaume-Uni, du 7 décembre 1976 - req. n/ 5493/72 (§ 49) ; Lingens c. Autriche, du 8 juillet 1986 - req. n/ 9815/82(§ 41) ; arrêt de Grande chambre, Jersild c. Danemark du 23 septembre 1994 - req. n/ 15890/89 (§ 37) ; Piermont c. France du 27avril 1995 - req. n/ 15773/89 et 15774/89 (§ 76) ; arrêt de Grande chambre Lehideux et Isorni c. France, du 23 septembre 1998 -req. n/ 24662/94 (§ 55) ; Arrêt de Grande chambre Fressoz et Roire c. France, du 21 janvier 1999 - req. n/ 29183/95 (§ 45).

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Contre le Racisme et l’Antisémitisme) et au MRAP (Mouvement contre le Racisme et pourl’Amitié entre les Peuples)). Le pourvoi en cassation formé par les requérants sur les mêmesfondements que leur appel fut rejeté par un arrêt du 19 novembre 2002.

T Griefs :

Devant la Cour européenne, les requérants invoquaient une violation de l’article 10 de laConvention (droit à la liberté d’expression) en raison de leur condamnation.

Le Gouvernement, quant à lui, soulevait une exception tirée de l’article 17 de la Convention(interdiction de l’abus de droit) et soutenait que la requête était irrecevable. Il estimait en effetque les requérants invoquaient “le droit à la liberté d’expression pour justifier la publication destextes portant atteinte à l’esprit même de la Convention et aux valeurs essentielles de ladémocratie” (§ 20).

T Décision :

Sur l’article 10 de la Convention européenne :

La Cour reconnaît en premier lieu l’existence d’une ingérence dans le droit à la libertéd’expression des requérants. Elle précise que le but de cette ingérence était légitime puisqueconsistant à assurer la défense de l’ordre et à protéger la réputation et les droits d’autrui. Elleconstate ensuite que cette ingérence était bien prévue par la loi du 29 juillet 1881.

En ce qui concerne le point de savoir si cette ingérence était nécessaire dans une sociétédémocratique, la Cour, ne manque pas de rappeler « l’importance cruciale » de la libertéd’expression dans une société démocratique. “Telle que la consacre l’article 10, elle est assortied’exceptions qui appellent également une interprétation étroite, et le besoin de la restreindre doitse trouver établi de manière convaincante.” 22 (§ 35).

En l’espèce, elle relève d’emblée que l’ouvrage incriminé pose des questions d’intérêt généralconcernant les problèmes liés à l’intégration des personnes immigrées dans les pays d’accueil.

Elle “note que plusieurs passages du livre donnent une image négative des communautésvisées. Le style est parfois polémique et la présentation des effets de l’immigration verse dansle catastrophisme” (§ 41) et rappelle l’importance de la lutte contre la discrimination raciale. Lesjuges européens constatent que pour condamner les requérants, les juridictions internes, citantles passages litigieux, avaient précisé que “les propos utilisés dans le livre avaient pour objetde provoquer chez les lecteurs un sentiment de rejet et d’antagonisme, accru par l’emprunt aulangage militaire, à l’égard des communautés visées, désignées comme l’ennemi principal, etles amener à partager la solution préconisée par l’auteur, celle d’une guerre de reconquêteethnique” (§ 43). Dès lors, la Cour européenne considère que les motifs avancés à l’appui dela condamnation des requérants sont suffisants et pertinents et que les peines prononcées nesont pas excessives.

L’ingérence dans l’exercice de leur droit à la liberté d’expression était donc, pour la Coureuropéenne, « nécessaire dans une société démocratique ».

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Elle conclut à l’unanimité à la non-violation de l’article 10.

Sur l’exception d’irrecevabilité soulevée par le Gouvernement et tirée de l’article 17 de laConvention européenne (interdiction de l’abus de droit), la Cour “considère [à l’unanimité] queles passages incriminés du livre ne sont pas suffisamment graves pour justifier l’application del’article 17 dans cette affaire” et rejette cette exception (§ 48).

Enfin, elle rejette les autres griefs soulevés par les requérants sur le fondement des articles 6§ 1, et 9 et 14 combinés de la Convention, comme manifestement mal fondés.

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Medvedyev et autres c. France 10 juillet 2008

- req. n/ 3394/03 -

- Violation de l’article 5 § 1 (droit à la liberté et à la sûreté ) ; non violation de l’article 5 § 3 (droit d’êtretraduit « aussitôt » devant un juge) -

T Faits :

Les requérants faisaient partie de l’équipage d’un cargo dénommé « Le Winner » et battantpavillon cambodgien.Dans le cadre de la lutte internationale contre les trafics de stupéfiants, les autorités françaisesapprirent que ce navire était susceptible de transporter des quantités importantes de drogue.

Devant la Cour, le Gouvernement produit une note verbale datée du 7 juin 2002, adressée parle ministère des Affaires étrangères cambodgien à l’ambassade de France à Phnom Penhautorisant, « les autorités françaises à intercepter, contrôler et engager des poursuitesjudiciaires contre le bateau Winner, battant pavillon cambodgien ».

Le 13 juin 2002 à 6 heures, le bâtiment français repéra, au large des îles du Cap Vert, un navirede commerce navigant à faible vitesse, n’arborant aucun pavillon mais identifié comme étantle Winner. Après que le navire eut été arraisonné par la force et détourné sur le port de Brest,le parquet de Brest ouvrit, le 24 juin 2002, une information contre X des chefs de direction d’ungroupement ayant pour objet la production, la fabrication, l’importation, l’exportation, letransport, la détention, l’offre, la cession, l’acquisition ou l’emploi illicite de stupéfiants etd’importation et exportation illicites de stupéfiants en bande organisée. Deux juges d’instructionsfurent désignés. Le 26 juin 2002, l’équipage du navire arrivé à Brest se vit notifier sa mise en garde à vue puisles 28 et 29 juin les requérants furent mis en examen et placés en détention provisoire.

Par un arrêt du 3 octobre 2002, la chambre de l’instruction rejeta les moyens de nullité soulevéset dit n’y avoir lieu à annulation de pièces de la procédure, retenant notamment que si leCambodge n’avait pas signé la convention de Vienne, prévoyant en son article 17.3 desdérogations au principe traditionnel de la « loi du pavillon », cela ne privait pas les autoritésfrançaises de la possibilité de « solliciter la coopération du Cambodge pour obtenir de sa partl’autorisation d’intercepter le Winner pour mettre fin au trafic de stupéfiants auquel tout ou partiede son équipage était soupçonné de se livrer », sur le fondement de l’article 108 de laconvention de Montego Bay et « par référence » à la convention du 30 mars 1961.

Le pourvoi formé par les requérants (au moyen notamment d’une violation de l’article 5 § 3 dela Convention) fut rejeté par un arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation du 15janvier 2003. Selon la haute juridiction, « en statuant ainsi, et dès lors que le Cambodge, Etat

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du pavillon, a[vait] expressément et sans restriction, autorisé les autorités françaises à procéderà l’arraisonnement du Winner et que seules [avaient] été prises, conformément à l’article 17 dela convention de Vienne, des mesures appropriées à l’égard des personnes se trouvant à bord,lesquelles [avaient] été régulièrement placées en garde à vue dès leur débarquement sur leterritoire français, la chambre de l’instruction [avait] justifié sa décision ».

Enfin, par un arrêt du 28 mai 2005, la cour d’assises spéciale d’Ile-et-Vilaine déclara GeorgiosBoreas, Symeon Theophanous, Guillermo Sage Martinez et Sergio Cabrera Leon coupablesde tentative d’importation non autorisée de stupéfiants commise en bande organisée et lescondamna respectivement à vingt ans, dix-huit ans, dix ans et trois ans d’emprisonnement. Lesautres requérants furent acquittés des accusations portées contre eux.

T Griefs :

Les requérants alléguaient une violation de l’article 5 de la Convention et dénonçaient lecaractère illégal de l’interception du Winner et l’irrégularité de leur détention à bord pendanttreize jours.

T Décision :

Sur la violation alléguée de l’article 5 § 1 de la Convention :

La Cour constate qu’entre le 13 juin 2002 (date de l’interception du Winner) et le 26 juin 2002(date de son arrivée au port de Brest) le Winner et son équipage étaient sous le contrôle desforces militaires françaises, de sorte que, bien qu’en dehors du territoire français, ils setrouvaient sous la juridiction de la France au sens de l’article 1er de la Convention et l’équipagese trouvait privé de liberté au sens de l’article 5 § 1 de la Convention en vue d’être conduitdevant l’autorité judiciaire compétente.

Elle rappelle que l’article 5 § 1 impose que toute arrestation ou détention ait une base légale endroit interne. A ce titre, il lui incombe d’apprécier non seulement la législation en vigueur dansle domaine considéré, mais également la qualité des autres normes juridiques applicables auxintéressés y compris, le cas échéant, celles qui trouvent leur source dans le droit international.

La Cour est prête à suivre le raisonnement de la chambre de l’instruction en ce qu’il revient àconsidérer que, vu l’article 108 de la convention de Montego Bay, l’interception et la prise decontrôle du Winner par les autorités françaises trouvaient un fondement juridique dans l’accordintervenu avec le gouvernement cambodgien sous forme de note verbale. En revanche,considérant les termes de cette note, “elle doute fort que l’on puisse en déduire comme l’a faitla chambre de l’instruction, que cet accord couvre non seulement « l’arraisonnement projeté »mais aussi « toutes ses conséquences », y compris la privation de liberté de treize joursimposée aux membres de l’équipage à bord du navire” (§ 58).En d’autres termes, elle estime que l’on ne peut déduire de ce seul accord que la détentionlitigieuse avait une base légale au sens de l’article 5 § 1 de la Convention.

Examinant ensuite l’ensemble des textes internationaux et nationaux susceptibles d’êtreinvoqués, la loi du 15 juillet 1994 articles 12 à 14 (« mesures de contrôle et de coercitionprévues par le droit international et la présente loi »), l’article 17 de la Convention de Viennecontre le trafic illicite des stupéfiants et substances psychotropes », du 20 décembre 1988 (maisnon ratifiée par le Cambodge), le juges de Strasbourg considèrent que ces normes juridiques“n’offrent pas une protection adéquate contre les atteintes arbitraires au droit à la liberté. Eneffet, aucune de ces normes ne vise expressément la privation de liberté des membres del’équipage du navire intercepté. Il s’ensuit qu’elles n’encadrent pas les conditions de la privation

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23 Arrêt de Grande chambre McKay c. Royaume-Uni, du 3 octobre 2006 - req. n/ 543/03

24 Rigopoulos c. Espagne (déc.), du 12 janvier 1999 - req. n/ 37388/97

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de liberté à bord, notamment quant aux possibilités pour les intéressés de contacter un avocatou des proches. Par ailleurs, elles omettent de la placer sous le contrôle d’une autoritéjudiciaire” (§ 61).En outre, la Cour précise que le procureur de la République, avisé sous l’empire de la loi du 15juillet 1994, n’est pas une « autorité judiciaire » au sens que sa jurisprudence donne à cettenotion, faute de disposer de l’indépendance requise vis à vis du pouvoir exécutif.“En conséquence, et eu égard tout particulièrement à « l’adhésion scrupuleuse à laprééminence du droit » qu’impose l’article 5 de la Convention (voir McKay précité,c.Royaume-Uni 23), on ne saurait dire que les requérants ont été privés de leur liberté « selon lesvoies légales », au sens du paragraphe 1 de cette disposition.” (§ 62). Elle conclut à l’unanimitéà la violation de l’article 5 § 1 de la Convention.

Sur la violation alléguée de l’article 5 § 3 (obligation de traduire immédiatement devant un jugeune personne régulièrement arrêtée) :

Est ici examinée la durée de la privation de liberté subie par les requérants.

Sur ce point, la Cour européenne retient, contrairement aux dires du gouvernement, que lesrequérants n’ont été présentés à « un juge ou un autre magistrat habilité par la loi à exercer desfonctions judiciaires » au sens de l’article 5 § 3 qu’au moment de leur comparution devant lejuge des libertés et de la détention en vue de leur placement en détention provisoire (le 28 juin2008 pour les uns, le 29 pour les autres), soit après quinze ou seize jours de privation de liberté.Or, comme elle l’a souligné dans la décision Rigopoulos 24, un tel délai est en principeincompatible avec l’ « exigence de promptitude » qu’expriment les termes « aussitôt traduite »que l’on trouve dans cette disposition. Seules des « circonstances tout à fait exceptionnelles » pourraient le justifier, étant toutefoisentendu que rien ne saurait dispenser les Etats parties de l’obligation d’offrir en toutescirconstances aux personnes se trouvant sous leur juridiction des garanties adéquates contreles privations arbitraires de liberté.

La Cour européenne juge néanmoins raisonnable l’argument du Gouvernement selon lequelcette garde à vue et sa durée s’expliquent par les nécessités de l’enquête, eu égard au nombredes requérants et à l’obligation de recourir à des interprètes pour procéder à leur interrogatoire.Elle en déduit que “la durée de la privation de liberté subie par les requérants se trouve justifiéepar les « circonstances tout à fait exceptionnelles » susexposées, notamment par l’inévitabledélai d’acheminement du Winner vers la France” (§ 68) et, par quatre voix contre trois, conclutà la non violation de l’article 5 § 3 de la Convention.

L L’opinion partiellement dissidente de la Juge Berro-Lefèvre, à laquelle se rallient les jugesLorenzen et Lazarova Trajkovska est annexée à l’arrêt.

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25 Arrêt CEDH, I.A. c. France, 23 septembre 1998 - req. n/ 28213/95 (§ 102).

26 Voir arrêt de Grande chambre, CEDH, Labita c. Italie, du 6 avril 2000 - req. n/ 26772/95, (§ 153).

27 Voir récemment, arrêt CEDH, Yambolov c. Bulgarie, du 12 avril 2007 - req. n/ 68177/01.

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Garriguenc c. France10 juillet 2008

- req. n/ 21148/02 -

- violation de l’article 5 § 3 (droit à la liberté et la sûreté - durée de la détention) -

T Faits :

En janvier 1996, le requérant, fut mis en examen et placé en détention provisoire pour meurtre.Il présenta plusieurs demandes de mise en liberté qui furent rejetées, avant d’être libéré enjuillet 2001. En décembre 2001 il fut reconnu coupable et condamné à 15 ans de réclusioncriminelle.

T Griefs :

Sur le fondement de l’article 5 § 3 (droit à la liberté et à la sûreté), le requérant se plaignait dela durée de sa détention provisoire de quatre ans six mois et dix-huit jours.

T Décision :

Dans un premier temps la Cour de Strasbourg rappelle sa jurisprudence constante 25 selonlaquelle la régularité du maintien en détention repose sur “la persistance de raisons plausiblesde soupçonner la personne arrêtée d’avoir commis une infraction” (§ 49).

Après avoir constaté que ce point n’était pas contesté, la Cour relève ensuite qu’il estnécessaire d’établir si les autres motifs de rejets adoptés par les autorités judiciaires se révèlentsuffisamment « pertinents » et « suffisants » pour légitimer la privation de liberté.

En l’espèce la Cour estime que le maintien en détention du requérant était justifié par lesjuridictions internes en raison “de la complexité de l’affaire, l’existence d’un trouble exceptionnelet persistant à l’ordre public, la nécessité d’éviter les risques de concertation et celle d’empêcherdes pressions sur les témoins qui avaient clairement exprimé de fortes craintes” (§ 49).En dernier lieu, la Cour vérifie si “les autorités nationales compétentes ont apporté une« diligence particulière » à la poursuite de la procédure” (§ 49) 26. Elle note que le déroulement de l’information n’a connu aucune période d’inactivité particulièreau cours des années 1996 à 1998. A l’inverse, de novembre 1998, date du dernier acted’instruction, au 26 juillet 2000, date de la libération sous contrôle judiciaire du requérant, laCour souligne qu’aucun acte d’instruction n’a eu lieu. Les juges de Strasbourg estiment par conséquent que durant cette période de dix-huit mois “lesautorités judiciaires n’ont pas agi avec toute la promptitude nécessaire” (§ 49). Or, il est dejurisprudence constante 27 que “même en présence de motifs « pertinents et suffisants »continuant à légitimer la privation de liberté, l’absence de « diligence particulière » apportée parles autorités nationales à la poursuite de la procédure peut entraîner une violation de l’article5 § 3 de la Convention” (§ 49).

La Cour européenne estime la durée de la détention provisoire excessive et conclut àl’unanimité à la violation de l’article 5 § 3 (droit à la liberté et à la sûreté). Elle alloue au

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28 Cet arrêt n’est disponible qu’en anglais.

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requérant, au titre de l’article 41 de la Convention (satisfaction équitable), 4 000 euros pourpréjudice moral.

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Parti travailliste géorgien c. Russie 28

8 juillet 2008- req. n/ 9103/04 -

- articles 3 du Protocole n/ 1 (droit à des élections libres) et 14 (interdiction desdiscriminations) de la Convention -

T Faits :

Le 2 novembre 2003, des élections législatives nationales eurent lieu en Géorgie. L’irrégularitédes élections fut dénoncée par l’opposition conduisant à la démission du Président EdouardChevardnadze et à l’annulation par la Cour suprême de Géorgie des résultats des électionslégislatives. De nouvelles élections furent organisées mais, en décembre 2003, la Commissionélectorale centrale (CEC) prit plusieurs arrêtés modifiant les règles d’inscription sur les listesélectorales. Les partis politiques d’opposition qui s’estimaient lésés par ces nouvelles règlescontestèrent en justice la légalité de ces arrêtés mais sans succès. Par ailleurs, plusieurs plaintes dénonçant des irrégularités dans le déroulement des électionslégislatives du 28 mars 2004 dans les circonscriptions de la République autonome d’Adjarie,obligèrent la CEC à annuler les résultats par une ordonnance du 2 avril 2004 sans cependantjustifier sa décision par des motifs pertinents et suffisants. Elle organisa ensuite la tenue d’unnouveau scrutin le 18 avril 2004 mais les bureaux de vote de deux circonscriptions restèrentfermés, privant ainsi 60 000 personnes de la possibilité de voter. Le parti travailliste requérant forma en vain un recours devant la Cour Suprême puis saisit laCour constitutionnelle de Géorgie qui déclara le recours irrecevable.

T Grief :

Devant la Cour européenne, le parti requérant invoquait une violation de son droit d’éligibilitéau sens de l’article 3 du Protocole n/ 1 (droit à des élections libres). Il alléguait également uneviolation de l’article 14 (interdiction des discriminations) au motif que les modifications durèglement électoral étaient uniquement préjudiciables aux partis de l’opposition.

T Décision :

Concernant la violation alléguée de l’article 3 du Protocole additionnel n/ 1 :

- Sur les nouvelles modalités d’inscription des électeurs sur les listes électorales : La Courconsidère que toute loi électorale doit toujours s’apprécier à la lumière de l’évolution politiquedu pays. En l’espèce, le contexte politique « post-révolutionnaire » en Géorgie justifiait lesmodifications des règles d’inscription sur les listes électorales introduites un mois avant la tenuedes élections législatives du 28 mars 2004. A l’instar d’autres démocraties européennes, telles le Royaume-Uni ou le Portugal, la Géorgiea adopté pour la constitution de ses listes électorales nationales un système de déclarationindividuelle des électeurs. A la question de savoir si le choix des autorités de déchargerpartiellement sur les électeurs leur responsabilité en matière de vérification des listes pouvaitse concilier avec l’obligation de l’Etat d’assurer la libre expression de l’opinion du peuple, la

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Cour accorde une large marge d’appréciation à l’Etat géorgien à propos du caractère participatifdu système d’inscription sur les listes électorales. Ainsi, vu les particularités de la situation politique en Géorgie, la Cour considère, à l’unanimité,que le nouveau système d’inscription des électeurs sur les listes électorales nationales ne portepas atteinte au droit d’éligibilité du parti requérant selon l’article 3 du Protocole n/ 1.

- Sur la composition de la Commission électorale centrale : La Cour admet qu’au vu de lacomposition de la CEC, ses membres ne pouvaient faire preuve d’indépendance par rapport auxpressions politiques extérieures. Cependant, le parti requérant n’a pas apporté la preuve d’uncas concret d’abus de pouvoir ou de fraude électorale commis à son détriment. Ainsi, par 5 voix contre deux, la Cour conclut à la non violation de l’article 3 du Protocole n/ 1.

- Sur la privation du droit de vote des électeurs des circonscriptions de Khulo et de Kobuleti :La Cour se fonde sur le principe du suffrage universel pour vérifier si les autorités étatiquesgéorgiennes ont pris toutes les mesures que l’on peut raisonnablement attendre pour permettreaux 60 000 électeurs de Khulo et de Kobuleti de participer au vote. Elle s’assure également quel’ordonnance du 2 avril 2004 annulant les résultats du scrutin n’était pas arbitraire oudisproportionnée par rapport au but poursuivi par l’Etat géorgien. En l’espèce, la CEC n’ a pas agi conformément aux principes fondamentaux de l’Etat de droitcar elle n’a pris aucun acte pour abroger officiellement son ordonnance du 2 avril 2004, niadopté de décision fondée sur des motifs pertinents et suffisants pour justifier la privation dudroit de vote des électeurs. En outre, aucune garantie procédurale contre un abus de pouvoirn’ a été adoptée.Quant à l’Etat géorgien, il n’a pas non plus pris les mesures permettant aux 60 000 électeursde participer aux élections nationales malgré la fermeture des bureaux de vote le 18 avril 2004.Selon la Cour, l’intérêt de l’Etat de se doter d’un Parlement nouvellement élu « dans un délairaisonnable » ne justifie pas la privation des électeurs de leur droit de vote. En conséquence, la Cour conclut à l’unanimité que l’Etat géorgien a manqué à ses obligationspositives découlant de l’article 3 du Protocole n/ 1. Sur ce fondement, elle reconnaît, l’existenced’une violation du droit d’éligibilité du parti requérant.

Sur la violation de l’article 14 :

La Cour ne décèle aucun indice permettant de conclure que les nouvelles règles électorales oules événements de Khulo et Kobuleti visaient exclusivement le parti politique requérant etn’affectaient pas les autres candidats aux élections. Elle estime, à l’unanimité, que l’article 14 de la Convention combiné à l’article 3 du Protocolen/ 1 n’a pas été violé.

L Les opinions partiellement dissidentes des juges Mularoni et Popovic sont annexées à l’arrêt.

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29 Cet arrêt n’est disponible qu’en anglais.

30 Arrêt de Grande chambre, CEDH, Rekvenyi c/ Hongrie, du 20 mai 1999 - req. n/ 25390/94, §§ 47 à 49 (disponible en français).

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Vajnai c. Hongrie 29

8 juillet 2008- req. n/ 33629/06 -

- violation de l’article 10 (liberté d’expression) de la Convention -

T Faits :

Le requérant est un ressortissant hongrois qui à l’époque des faits était Vice-président d’un partipolitique de gauche. A l’occasion d’une manifestation publique au cours de laquelle il devaitprononcer un discours, la police intervint pour lui demander, de retirer l’étoile rouge qu’il portaitau revers de sa veste. Le requérant fut condamné pour avoir arboré l’étoile rouge à cinq branches, symbole dumouvement international des travailleurs.

T Griefs :

Le requérant invoquait une violation de l’article 10 relatif à la liberté d’expressions en raison dela condamnation dont il avait fait l’objet pour avoir porté le symbole du mouvement internationaldes travailleurs.

T Décision :

La Cour qualifie en premier lieu la condamnation subie par le requérant d’ « ingérence » dansl’exercice de son droit à la liberté d’expression. Elle note que, conformément aux exigences dela Convention, cette ingérence s’avère toutefois « prévue par la loi » hongroise et visait « un butlégitime », en l’espèce, la défense de l’ordre et la protection des droits d’autrui.

En dernier lieu, la validité d’une telle ingérence tient enfin à son caractère « nécessaire dansune société démocratique ». La Cour rappelle sa jurisprudence dans l’arrêt Rekvenyi c.Hongrie 30, relatif à des officiers de police hongrois, dont certains droits politiques avaient étérestreints. Elle avait alors conclu à la conformité de cette ingérence au droit à la libertéd’expression dans la mesure où il s’agissait d’une part, de membres des forces armées qui,d’autre part, relevaient d’un Etat placé dans un contexte particulier de transition démocratique.Or, la Cour distingue les circonstances de l’espèce de l’affaire précédemment mentionnée. Eneffet, contrairement aux officiers de police, le requérant est un politicien qui n’exerçait pas deresponsabilités conférées par le droit public. De plus, la transition démocratique de la Hongries’est déroulée il y a vingt ans. La Hongrie est désormais un Etat démocratiquement stable,devenu membre de l’Union européenne. La Cour considère qu’il n’existe aucun élément pouvantfaire croire à un réel danger de restauration d’une dictature communiste en Hongrie.

Concernant l’interdiction des symboles totalitaires par le droit hongrois, les juges européensdéplorent le caractère trop large de cette interdiction. Le simple fait d’arborer l’étoile rouge, enl’absence de toute preuve de propagande totalitaire, s’avère suffisant pour donner lieu à unesanction pénale. Or, la Cour rappelle que l’étoile rouge ne symbolise pas uniquement ladictature communiste mais également le mouvement international des travailleurs ou encorecertains partis politiques légaux et actifs dans plusieurs Etats européens. Par conséquent, elleestime que le gouvernement n’a apporté aucune preuve d’un quelconque risque de troubles

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31 Cet arrêt n’est disponible qu’en anglais.

32. Article 3 du Protocole n/ 7 :« droit d’indemnisation en cas d’erreur judiciaire :Lorsqu’une condamnation pénale définitive est ultérieurement annulée, ou lorsque la grâce est accordée, parce qu’un fait nouveauou nouvellement révélé prouve qu’il s’est produit une erreur judiciaire, la personne qui a subi une peine en raison de cettecondamnation est indemnisée, conformément à la loi ou à l’usage en vigueur dans l’Etat concerné, à moins qu’il ne soit prouvé quela non-révélation en temps utile du fait inconnu lui est imputable en tout ou en partie. »

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provoqués par le port de l’étoile rouge.

Les juges de Strasbourg reconnaissent toutefois que les références à la période communistepeuvent être jugées irrespectueuses par les victimes de actes de terreurs commis durant cettepériode. Mais ils estiment que cela ne constitue pas un motif suffisant pour limiter la libertéd’expression.

Ils considèrent que la condamnation du requérant ne répond pas à un « besoin socialimpérieux » et précisent enfin que “la mesure qui a sanctionné son comportement, même si elleest relativement légère, relevait de la loi pénale, ce qui pouvait entraîner les conséquences lesplus graves” (§ 58). La Cour juge par conséquent que la sanction n’était pas proportionnée au but légitime visé etconclut, à l’unanimité, à la violation de l’article 10 de la Convention.

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Matveiev c. Russie 31

3 juillet 2008- req. n/ 26601/02 -

- Incompétence pour examiner le fond du litige - article 3 du Protocole n/ 7 (droit à une indemnisation en cas d’erreur judiciaire 32) -

T Faits :

En août 1981, le requérant, reconnu coupable de contrefaçon d’un cachet de la poste, futcondamné à deux ans d’emprisonnement. Il purgea sa peine puis fut licencié de son emploi. Lesjuridictions russes, ultérieurement saisies d’un recours en révision, estimèrent que cettecondamnation était illégale.

T Griefs :

Invoquant l’article 3 du Protocole n/ 7 (droit à une indemnisation en cas d’erreur judiciaire),l’intéressé alléguait que sa demande en réparation du préjudice moral résultant de sacondamnation illégale avait été rejetée alors qu’il avait obtenu une indemnité au titre dudommage matériel.

T Décision :

La Cour rappelle que la mise en oeuvre de l’article 3 du Protocole n/ 7 impose l’existence defaits nouveaux venant justifier la révision judiciaire. En l’espèce, elle considère que la révisionde la décision n’était pas motivée par des faits nouveaux tels qu’exigés par l’article susvisé,mais par le réexamen par la Cour des pièces utilisées contre le requérant durant la procédurecriminelle. Le critère d’applicabilité de l’article 3 du Protocole n/ 7 faisant défaut, la Cour conclutà l’unanimité à un défaut de compétence matériel et se déclare incompétente pour connaîtredu fond de l’affaire.

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33 Voir veille bimestrielle de droit européen n/ 14, p. 24 (cet arrêt n’est disponible qu’en anglais sur le site Hudoc)

34 CEDH, Bouchelkia c. France, du 29 janvier 1997 - req. n/ 23078/93 (§ 41) ; CEDH, Le Boujaïdi c. France du 26 septembre 1997 -req. n/ 25613/94, (§ 33) ; CEDH Ezzouhdi c. France, du 13 février 2001, req. n/ 47160/99, (§ 26).

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Maslov c. Autriche

arrêt de Grande chambre 23 juin 2008

- req. n/ 1638/03 -

- violation de l’article 8 (droit au respect de la vie privée et familiale) -

T Faits :

Le requérant, ressortissant bulgare né en octobre 1984, réside légalement en Autriche avec safamille depuis 1990. Il détient un permis d’établissement permanent depuis 1999. En septembre 1999, il fut condamné à dix-huit mois d’emprisonnement dont treize assortis d’unsursis avec mise à l’épreuve, pour diverses infractions commises. En mai 2000, il fut à nouveaucondamné à 15 mois d’emprisonnement pour une série de cambriolages aggravés. La mesuredevint définitive alors qu’il avait atteint l’âge de la majorité, c’est-à-dire 18 ans, et qu’il vivaitencore avec ses parents. Une interdiction de séjour de dix ans fut prononcée le 3 janvier 2001,il fut finalement expulsé le 22 décembre 2003.

La requête a été introduite devant la Cour européenne des droits de l’homme le 20 décembre2002 et déclarée en partie recevable le 2 juin 2005. La Cour a prononcé un arrêt de chambre,le 22 mars 2007 33. Elle a conclu, par quatre voix contre trois, que l’article 8 de la Conventionavait été violé. Le 20 juin 2007 le Gouvernement a demandé le renvoi de l’affaire devant laGrande Chambre conformément à l’article 43 de la Convention.

T Griefs :

M. Maslov se plaignait de l’interdiction de séjour prononcée contre lui et de son expulsionultérieure vers la Bulgarie. Il invoquait l’article 8 (droit au respect de la vie privée et familiale) dela Convention européenne des droits de l’homme.

T Décision : La Cour estime que “l’imposition et l’exécution de la mesure d’interdiction de séjour prononcéecontre le requérant constituent une ingérence dans l’exercice par l'intéressé de son droit aurespect de sa « vie privée et familiale »” (§ 61). Selon sa jurisprudence, elle rappelle que lesliens des jeunes adultes qui n’ont pas encore fondé leur propre famille avec leurs parents etd’autres membres de leur famille proche s’analysent en une « vie familiale » 34. Une telle ingérence peut toutefois être justifiée, sous réserve de répondre aux exigences del’article 8 § 2. Les juges européens relèvent à ce propos qu’en l’espèce une telle ingérence étaitprévue par la loi autrichienne et qu’elle poursuivait le but légitime de la défense de l’ordre et dela prévention des infractions pénales.

La Cour cherche ensuite à savoir si l’interdiction de séjour de dix ans était « nécessaire dansune société démocratique » et rappelle les principes fondamentaux établis dans sa

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35 Arrêt de Grande chambre, Uner c. Pays-Bas, du 18 octobre 2006 - req. n/ 46410/99 ; CEDH, Boultif c. Suisse, 21 octobre 1997,req n/ 54273/00.

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jurisprudence 35.

La Cour examine en premier lieu la nature et la gravité des infractions commises. Elle relèveque le requérant est un délinquant juvénile ayant commis des infractions à caractère non violentà une exception près. Elle rappelle que “lorsque les infractions commises par un mineur sont à l’origine d’uneinterdiction de séjour, il y a lieu de prendre en compte l’intérêt supérieur de l’enfant” (§ 82) etque “l’intérêt supérieur de l’enfant exige aussi de faciliter la réintégration de celui-ci” (§ 83). Etprécise “que ce but ne peut pas être atteint si les liens familiaux et sociaux sont rompus parl’expulsion, qui doit demeurer une mesure de dernier recours dans le cas d’un délinquantjuvénile” (§ 83). Sur ce point, la Cour conclut que “l’expulsion d’un immigré de longue durée en raisond’infractions pour la plupart non violentes commises alors qu’il était mineur ne peut guère sejustifier” (§ 84).

Après avoir constaté la durée pendant laquelle l’intéressé a séjourné légalement en Autriche,la Cour examine sa conduite depuis le moment où il a commis sa dernière infraction jusqu’à sonexpulsion effective, période durant laquelle le requérant a passé deux ans et trois mois et demien prison, puis est resté encore un an et demi en Autriche sans commettre de nouvellesinfractions. La Cour ne bénéficiant pas d’information suffisante sur la conduite du requérant en prison etignorant dans quelle mesure la situation de l’intéressé s’est stabilisée après sa libération,estime, contrairement à la chambre, “que le laps de temps écoulé depuis les infractions et laconduite du requérant pendant cette période revêtent moins d’importance par rapport aux autrescritères applicables, en particulier le fait que le requérant a commis des infractions pour laplupart à caractère non violent alors qu’il était mineur” (§ 95).

Elle observe ensuite que les principaux liens sociaux, culturels, linguistiques et familiaux durequérant se trouvent en Autriche, où vivent tous ses proches, et elle note l’absence de liensdémontrés avec son pays d’origine.

Enfin, en l’espèce, la durée limitée de l’interdiction de séjour n’est pas jugée décisive. Selon lesjuges de Strasbourg, “Vu le jeune âge de l’intéressé, dix ans d’interdiction de séjourreprésentent presque autant que ce qu’il a vécu en Autriche, alors qu’il se trouve à une périodedéterminante de son existence” (§ 99).

Par conséquent, la Cour conclut, par seize voix contre une, que “l’imposition de l’interdiction deséjour, même pour une période de temps limitée, était disproportionnée au but légitime poursuivià savoir la défense de l’ordre et la prévention des infractions pénales” (§ 100) et ce, enméconnaissance de l’article 8 de la Convention. Elle alloue au requérant, au titre de l’article 41,3 000 euros au titre de la réparation du préjudice moral du requérant plus tout montant pouvantêtre du à titre d’impôt.

L La juge Steiner a exprimé une opinion dissidente dont le texte se trouve joint à l’arrêt.

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Gauchin c. France19 juin 2008

- req. n/ 7801/03 -

- Violation de l’article 1er du Protocole additionnel n/ 1 à la Convention (protection de la propriété) -

T Faits :

Les requérants sont agriculteurs, le premier requérant est propriétaire de terres agricoles et lesecond requérant, son fils, est également exploitant agricole.

En 1980, le premier requérant avait donné à bail une partie de ses terres à M. C et son épouse.Le bail fut reconduit par tacite reconduction. En 1997, M.C qui arrivait à l’âge de la retraite,demanda au premier requérant l’autorisation de céder son bail à son fils, lui même agriculteur.Le premier requérant ne répondit pas à la demande mais lui délivra successivement deuxcongés pour l’ensemble des parcelles louées, sur le fondement de l’article L 411-64 du coderural .

Les congés furent contestés par M.C mais le 16 novembre 1998, le tribunal des baux rurauxsaisi de l’affaire valida le second congé. La décision fut en partie infirmée par la cour d’appelqui autorisa la cession du bail au profit du fils de M.C, le preneur.

La Cour de cassation rejeta le pourvoi des requérants par un arrêt de la Troisième chambrecivile en date du 18 décembre 2002.

T Griefs :

Les requérants se plaignaient d’une violation de l’article 1er du Protocole n/ 1 (protection de lapropriété) en raison de l’impossibilité pour le premier requérant de reprendre possession de sesterres à l’échéance du bail en vue de leur exploitation par le second requérant.

T Décision :

Sur la recevabilité de la requête du second requérant :

La Cour retient l’irrecevabilité de la requête du fils du premier requérant, soulevée par legouvernement.

Dans un premier temps, elle rappelle qu’à “supposer même que le second requérant, qui estintervenu dans la procédure interne en tant que repreneur désigné des terres, puisse êtreconsidéré comme victime, au sens de l’article 34 de la Convention, (...), [celui-ci] ne peut seplaindre d’une violation de l’article 1 du Protocole n/ 1 que dans la mesure où les procéduresqu’il incrimine se rapporteraient à des « biens » dont il serait titulaire, au sens de cettedisposition” (§ 42).

Or, en l’espèce, elle constate “qu’aucune conséquence juridique n’est attachée par le droitinterne au fait que le second requérant ait été désigné comme repreneur éventuel des terreslouées en vue de leur exploitation, et qu’en cette qualité il n’est titulaire d’aucun droit ou créanceen son propre nom qui découle de la législation interne ou de la jurisprudence. Il ne peut doncprétendre être titulaire ni d’un bien actuel ni d’une créance certaine (Anheuser-Busch Inc.précité, § 64)” (§ 44). Elle en déduit que “le second requérant n’est titulaire d’aucun intérêtsubstantiel et actuel relevant du champ d’application de l’article 1 du Protocole n/ 1 et que sarequête est incompatible ratione personae avec les dispositions de la Convention, au sens de

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36 CEDH, Grande chambre, Chassagnou et autres c. France, du 29 avril 1999 - req. n/ 25088/94, 28331/95 et 28443/95, (§ 75)

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l’article 35 § 3” (§ 45).

Sur la violation de l’article 1er du protocole additionnel n/ 1 :

Pour la Cour, la situation de l’espèce, à savoir l’impossibilité pour le requérant, en qualité depropriétaire, de récupérer ses terres agricoles à l’échéance du bail, s’analyse en uneréglementation de l’usage des biens : l’article 1er du protocole additionnel n/ 1 trouve bien às’appliquer. Cette ingérence, organisée par les dispositions du code rural, était bien prévue parla loi.

Par ailleurs, elle “accepte l’argument du Gouvernement, selon lequel les dispositions en causepoursuivent des buts d’intérêt général, à savoir, d’une part, garantir au locataire exploitant lasécurité du maintien dans les lieux pour rentabiliser ses investissements et, d’autre part,soutenir les exploitations agricoles moyennes comme modèle de développement de l’agriculturefrançaise, en facilitant la transmission familiale” (§ 61).

S’agissant de l’existence d’un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyensemployés et le but visé, les juges européens, citant notamment l’arrêt Chassagnou et autres c.France 36 reconnaissent “à l’Etat une large de manoeuvre tant pour choisir les modalités demise en œuvre que pour juger si leurs conséquences se trouvent légitimées, dans l’intérêtgénéral, par le souci d’atteindre l’objectif de la loi en cause” (§ 62). Ils estiment que le statut dufermage permet, tant par la prise en compte des intérêts respectifs du locataire et dupropriétaire que par la recherche de la continuité de l’exploitation, d’assurer un équilibre entreles intérêts en jeu. Par ailleurs, ils relèvent que le propriétaire dispose de voies de recoursdevant le tribunal paritaire des baux ruraux ou la cour d’appel, pour trancher un conflit éventuelrelatif à la cession du bail ou la reprise.

La Cour reprend la démarche juridique suivie par la cour d’appel ainsi que les motivationsavancées pour autoriser la cession du bail. Elle constate en l’espèce que ce n’est qu’après avoirvérifié que toutes les conditions prévues par l’article L 411-53 du code rural étaient réunies quela cour d’appel a autorisé la cession. Enfin, elle relève que “même si le premier requérant n’apu reprendre les terres en question au terme du bail, il perçoit pour leur exploitation un loyerdont il n’allègue pas qu’il serait insuffisant” (§ 67).

Dans ces conditions, elle estime qu’un juste équilibre a été ménagé entre les exigences del’intérêt général et la protection du droit au respect des biens du requérant et conclut, àl’unanimité, à la non violation de l’article 1er du protocole additionnel n/ 1.

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Martins Castro et Alves Correia e castro c. Portuga l10 juin 2008

- req. n/ 33729/06 -

- Violation de l’article 6 § 1 (durée de la procédure) et de l’article 13 (droit à un recours effectif) -

T Faits :

En 1993, les requérants résidant en France, saisirent les tribunaux portugais d’une demanded’expulsion de locataires. L’audience eut lieu en décembre 2002. A l’issue de celle-ci le jugerendit son jugement et fit droit à la demande de requérants.

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37 Arrêt de Grande chambre, Frydlender c. France, du 27 juin 2000 - req. n/ 30979/96 (§ 43).

38 Arrêt de Grande chambre, Scordino c. Italie n/ 1, du 29 mars 2006 - req. n/ 36813/97.

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En janvier 2004, les requérants introduisirent devant la juridiction administrative portugaise uneaction en responsabilité extracontractuelle en raison de la durée excessive de la procédurecivile. Il furent déboutés, le tribunal estimant que s’il y avait bien eu dépassement du délairaisonnable, les requérants n’avaient pas apporté la preuve de leur préjudice moral. Cette décision fut confirmée en appel en mars 2006. Les requérants saisirent ensuite la Coursuprême administrative d’un recours extraordinaire, mais le 21 septembre 2006 ce recours futjugé irrecevable.

T Griefs :

Les requérants invoquaient une violation de l’article 6 § 1 en raison de la durée excessive dela procédure litigieuse et dénonçaient l’inefficacité de l’action en responsabilitéextracontractuelle constitutive d’une violation de l’article 13 (droit à un recours effectif).

T Décision :

Sur la violation de l’article 6 § 1 :

La période à considérer a débuté le 24 novembre 1993, date de la saisine du tribunal deMatosinhos par les requérants, et s’est terminée le 3 décembre 2002, date du jugement rendupar ce même tribunal. Elle a donc duré un peu plus de neuf ans.

La Cour rappelle en premier lieu le mode d’appréciation du caractère raisonnable de la duréed’une procédure. Il s’agit donc d’apprécier, d’une part, les circonstances de la cause et d’autrepart, un certain nombre d’autres critères jurisprudentiels tels que le comportement desrequérants et celui des autorités compétentes, la complexité de l’affaire et l’enjeu du litige pourles intéressés 37.En l’espèce, compte tenu de sa jurisprudence en la matière, et après avoir constaté que leGouvernement n’apporte aucun élément justifiant de la longueur de cette procédure, la Courconclut à la violation de l’article 6 § 1 dans la mesure ou “la procédure litigieuse est excessiveet ne répond pas à l’exigence du délai raisonnable” (§ 40).

Sur la violation de l’article 13 :

La Cour s’interrogeait sur le caractère « effectif » de l’action portugaise en responsabilitéextracontractuelle ouverte aux personnes souhaitant se plaindre de la durée excessive desprocédures. Malgré le délai d’examen de l’action litigieuse par les juridictions administratives, la Cour admetque ce seul élément est insuffisant pour déclarer un recours ineffectif “surtout si la juridictioncompétente dispose de la possibilité de faire état de son propre retard et d’accorder à l’intéresséune réparation supplémentaire à ce titre” (§ 53) 38.Cependant, la Cour note qu’en l’espèce, le tribunal administratif a considéré que la duréeexcessive de la procédure judiciaire ne mériterait pas, un dédommagement et elle condamnecette position. En effet, elle estime que “le point de départ du raisonnement des juridictionsnationales en la matière doit être la présomption solide, quoique réfragable, selon laquelle ladurée excessive d’une procédure occasionne un dommage moral. Bien sûr, dans certains cas,la durée de la procédure n’entraîne qu’un dommage moral minime, voire pas de dommagemoral du tout. Le juge national devra alors justifier sa décision en la motivant suffisamment”(§ 54).

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39 Famille H. c. Royaume-Uni (déc.), du 6 mars 1984 - req n/ 10233/83 ; Konrad and others v. Germany (déc.), du 11 septembre2006 - req. n/ 35504/03.

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La Cour conclut, à l’unanimité, que “l'action en responsabilité extracontractuelle de l'Etat n’a pasoffert un recours « effectif », au sens de l’article 13 de la Convention”. Elle précise “par ailleursqu’une telle action ne pourra passer pour un recours « effectif » tant que la jurisprudence quise dégage de l’arrêt de la Cour suprême administrative du 28 novembre 2007 n’aura pas étéconsolidée dans l’ordre juridique portugais, à travers une harmonisation des divergencesjurisprudentielles qui se vérifient à l'heure actuelle” (§ 57).

La Cour octroie conjointement aux requérants 9 500 euros au titre de la réparation du préjudicemoral (article 41).

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Sampanis et autres c. Grèce5 juin 2008

- req. n/ 32526/05 -

- violation de l’article 14 (interdiction de la discrimination) de la Convention combiné avec l’article 2du Protocole n/ 1 (droit à l’instruction) et de l’article 13 (droit à un recours effectif) -

T Faits :

Les onze requérants sont des ressortissants grecs d’origine rom. L’affaire concerne lanon-scolarisation de leurs enfants pour l’année scolaire 2004-2005, puis leur scolarisation dansdes classes spéciales situées dans un bâtiment annexe au bâtiment principal de l’école primaired’Aspropyrgos, en raison, selon eux, de leur origine rom.

T Griefs :

Invoquant l’article 14 (interdiction de la discrimination) combiné avec l’article 2 du Protocole n/ 1(droit à l’instruction), ainsi que l’article 13 (droit à un recours effectif), les requérants seplaignaient de ce que leurs enfants avaient subi une discrimination dans la jouissance de leurdroit à l’instruction en raison de leur origine rom.

T Décision :

Concernant l’article 13 de la Convention :

La Cour estime que le gouvernement grec n’a fait état d’aucun recours effectif que lesrequérants auraient pu exercer afin d’obtenir le redressement de la violation alléguée au titrede l’article 14 de la Convention combiné avec l’article 2 du Protocole n/ 1 et conclut, àl’unanimité, à la violation de l’article 13 de la Convention.

Article 14 combiné avec l’article 2 du Protocole n/ 1 :

La Cour rappelle dans un premier temps les principes jurisprudentiels en matière de mise enoeuvre de l’article 14 et de l’article 2 du Protocole n/ 1.

Ainsi, elle estime que quelque soit la forme choisie, l’article 2 du protocole 1 impliquel’instauration par l’Etat d’une scolarisation obligatoire. Dans le même temps, elle soulignel’importance particulière de la scolarisation en école primaire 39.

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40 CEDH, Timichev c. Russie, du 13 décembre 2005 - req. n/ 55762/00 ; Arrêt de Grande chambre D.H. et autres c. RépubliqueTchèque,du 13 novembre 2007 - req. n/ 57325/00 (résumé dans la veille bimestrielle de droit européen n/ 17 (novembre, décembre2007), p. 38).

41 Arrêt de Grande chambre Natchova et autres c. Bulgarie, du 6 juillet 2005 - req. n/ 43577/98 et 43579/98 , (§§ 147 et 157)

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Après avoir défini la discrimination en vertu de l’article 14 de la Convention, la Cour tient àrappeler que cet article n’interdit pas aux Etats de mettre en oeuvre des mesures de traitementsdifférenciés ayant pour but de corriger des « inégalités factuelles ». La discrimination fondée,comme en l’espèce, sur l’origine ethnique est tout particulièrement condamnable. Elle ajoutequ’une différence de traitement “fondée exclusivement ou dans une mesure déterminante surl’origine ethnique d’une personne ne saurait être objectivement justifiée” (§ 69) 40.

- Sur l’existence d’éléments justifiant une présomption de discrimination : La Cour reconnaît ladifficulté pour les requérants de prouver l’existence d’un traitement discriminatoire 41. C’estpourquoi elle admet un renversement de la charge de la preuve en cas d’invocation dediscrimination indirecte. Elle institue donc une présomption réfragable de discrimination quel’Etat défendeur pourra réfuter en démontrant que la différence en question n’est pasdiscriminatoire. En l’espèce la Cour relève que : - la création de classes préparatoires n’a jamais été évoquée avant 2005, date à laquelle lesautorités locales se trouvèrent confrontées à la question de la scolarisation des enfants d’originerom résidant au camp de Psari. Or d’autres enfants d’origine rom ont été inscrits normalementà l’école primaire dans le passé.- les classes préparatoires litigieuses étaient fréquentées exclusivement par des élèves d’originerom. - enfin si les incidents à caractère raciste ayant eu lieu devant l’école primaire d’Aspropyrgosen septembre et octobre 2005 ne peuvent pas être imputés aux autorités grecques, ont peuttoutefois supposer qu’ils aient pesés sur la décision de placer les élèves d’origine rom dans uneannexe de l’école primaire.

L’ensemble de ces éléments de preuve sont considérés par la Cour comme “suffisammentfiables et révélateurs pour faire naître une forte présomption de discrimination”. Ce faisant, envertu du principe de renversement de la charge de la preuve, c’est au Gouvernement qu’ilrevient de démontrer que la “différence de traitement était le résultat de facteurs objectifs quin’étaient pas liés à l’origine ethnique des personnes concernées” (§ 83).

- Sur l’existence d’une justification objective et raisonnable : Au regard de la vulnérabilité desRoms, la Cour rappelle qu’il est nécessaire de faciliter la scolarisation des mineurs. En l’espèce,la mise en oeuvre de l’article 14 exige un traitement différencié pour corriger une inégalité. Ainsiles autorités compétentes auraient dû “faciliter l’inscription des enfants d’origine rom, mêmedans les cas où certains des documents administratifs requis auraient fait défaut” (§ 86). LaCour note que le droit national grec a pris en compte la spécificité de la situation des enfantsd’origine Rom en permettant l’inscription d’élèves à l’école primaire, sur simple déclaration despersonnes exerçant l’autorité parentale, sous réserve de la production en temps utiles descertificats de naissance. Une telle obligation pesait donc sur les autorités scolairesd’Aspropyrgos.

S’agissant des classes spéciales, la Cour estime que les autorités compétentes “ne se sont pasfondées sur un critère unique et clair pour choisir les enfants à affecter aux classespréparatoires” (§ 89). Les juges de Strasbourg relèvent en effet que les enfants n’ont pas étésoumis à des tests d’évaluation de leurs aptitudes ou de leurs difficultés éventuellesd’apprentissage qui auraient pu justifier une orientation en classe spécialisée. En outre, ils

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42 Arrêt de Grande chambre, D.H et autres c. République Tchèque, du 13 novembre 2007, précité - req. n/ 57325/00 (§ 204).

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notent que “l’objectif affiché des classes préparatoires était que les élèves concernés seretrouvent à niveau pour intégrer en temps utile les classes ordinaires. Or le Gouvernement necite aucun exemple d’élève qui, après avoir été placé dans une classe préparatoire - il y en eutainsi plus de cinquante - aurait, après l’écoulement de deux années scolaires, intégré lesclasses ordinaires de l’école primaire d’Aspropyrgos” (§ 91). De surcroît, le gouvernement nementionne aucun test d’évaluation “auxquels les élèves d’origine rom auraient dû êtrepériodiquement soumis pour permettre aux autorités scolaires d’apprécier, sur la base dedonnées objectives et non pas d’évaluations approximatives, leur aptitude à intégrer les classesordinaires” (§ 91).

Or la Cour souligne l’importance de mettre en place un système adéquat d’évaluation desaptitudes des enfants présentant des lacunes d’apprentissage en vue de leur remise à niveau,surtout s’agissant d’élèves appartenant à une minorité ethnique. Ce système permettrait degarantir le placement éventuel des élèves roms dans des classes spéciales sur la base decritères non discriminatoires. En outre, “étant donné les incidents racistes provoqués par lesparents des élèves non roms, l’instauration d’un tel système aurait fait naître chez lesrequérants le sentiment que le placement de leurs enfants dans des classes préparatoiresn’était pas inspiré par des motifs ségrégatifs” (§ 92). Si la Cour reconnaît qu’il “ne lui appartientpas de se prononcer sur cette question de nature psychopédagogique, [elle] estime que celaaurait particulièrement contribué à l’intégration sans entraves des élèves d’origine rom nonseulement dans les classes ordinaires, mais, en même temps, dans la société locale” (§ 92).

Par ailleurs, les juges européens ne s’estiment pas convaincus “que les intéressés, en tant quemembres d’une communauté défavorisée et souvent sans instruction, fussent capablesd’évaluer tous les aspects de la situation et les conséquences de leur consentement au transfertde leurs enfants dans un bâtiment distinct” (§ 94).

Ils rappellent ensuite l’importance fondamentale de la prohibition de la discrimination raciale,et que l’on ne peut admettre “la possibilité de renoncer au droit de ne pas faire l’objet d’une tellediscrimination” (§ 95) 42. En effet, pareille renonciation se heurterait à un intérêt public important.

En conclusion, la Cour reconnaît la volonté des autorités de scolariser les enfants roms.Cependant, elle regrette que les modalités d’enregistrement de ces enfants à l’école et leuraffectation dans des classes préparatoires spéciales aient eu un résultat discriminatoire. Parconséquent, elle conclut, à l’unanimité, à la violation de l’article 14 de la Convention combinéavec l’article 2 du Protocole n/ 1. Elle octroie 6 000 euros à chacun des requérants pourréparation de leur préjudice moral.

L A noter : La Cour a rendu un autre arrêt concernant la scolarisation des enfants roms :CEDH, Orsus et autres c. Croatie, du 17 juillet 2008 - req. n/ 15766/03.Mais dans cette affaire, la Cour a conclu à l’unanimité à la non violation de l’article 2 duProtocole n/ 1 (droit à l’instruction) combiné avec l’article 14 (interdiction des discriminations).Elle a toutefois conclut à la violation de l’article 6 § 1 (droit à un procès équitable dans un délairaisonnable).

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MESURES PROVISOIRES - article 39

- Rejet d’une demande de suspension d’extradition - 28 août 2008

Le requérant, un célèbre haker américain était accusé par les Etats-Unis d’avoir renduinopérable le système informatique d’une base navale de l’armée et d’avoir causé plus de 700000 dollars de dommage en pénétrant dans 97 ordinateurs de plusieurs institutions publiquesaméricaines (dont la NASA, la Navy, l’armée de l’air, le ministère de la défense et lePentagone).Le requérant sollicitait la suspension de son extradition vers les Etats-Unis. Il alléguait que lesconditions de sa détention en cas de condamnation aux Etats-Unis seraient contraires auxexigences de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme (interdiction de latorture et des peines ou traitements dégradants).

- Conflit entre la Géorgie et la Russie - 28 août 2008

Au titre de l’article 39 de la CEDH, le président de la Cour européenne des droits de l’hommeà demandé à la Géorgie et à la Russie de respecter leurs engagements au titre notamment desarticle 2 (droit à la vie) et 3 (interdiction de la torture et des peines ou traitements dégradants)de la Convention européenne des droits de l’homme. La Géorgie a déposé une requête contre la Russie pour violation des articles 2, 3 et de l’article1er du Protocole n/ 1 (protection de la propriété).

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43 Les arrêts de la CJCE et du TPICE sont disponibles sur le site : http://curia.europa.eu/fr

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ARRÊTS DE LA

COUR DE JUSTICE

ET DU TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES 43

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LISTE DES ARRÊTS ET CONCLUSIONS DES AVOCATS GÉNÉRAU X CI-APRÈS COMMENTÉS - classement par domaine -(arrêts particulièrement intéressants signalés en gras)

CITOYENNETÉ EUROPÉENNE

- CJCE, Ministerul Administratiei si Internelor - Directia Generala de Pasapoarte Bucuresticontre Gheorghe Jipa, 10 juillet 2008, aff. C-33/07, p. 61.

CONCURRENCE

- TPI, AC-Treuhand AG/ Commission, 8 juillet 2008, aff. T-99/04, p. 64.

COOPÉRATION JUDICIAIRE ET POLICIÈRE EN MATIÈRE PÉNA LE

- CJCE, Ignacio Pedro Santesteban Goicoechea , 12 août 2008, aff. C-296/08 PPU, p. 68- CJCE, György Katz contre István Roland Sós, aff. C-404/07, conclusions de l’Avocat généralMme Juliane Kokott, présentées le 10 juillet 2008, p. 98- CJCE, Szymon Kozlowski (Grande chambre), 17 juillet 2008, aff. C-66/08, p . 71

DROIT INSTITUTIONNEL

- CJCE, Suède et Turco c/ Conseil e. a. (Grande chambre), 1er juillet 2008, aff. jointes C-39/05P et C-52/05 P, p. 75.

ENVIRONNEMENT ET CONSOMMATEURS

- CJCE, Commune de Mesquer c/. Total France SA et Total Int ernational Ltd (Grandechambre), 24 juin 2008, aff. C-188/07, p. 77.- CJCE, The International Association of Independent Tanker Owners e.a. (Grande chambre),3 juin 2008, aff. C-308/06, p. 80.

ESPACE LIBERTÉ, JUSTICE, SÉCURITÉ

- CJCE, Blaise Baheten Metock (Grande chambre), 25 juillet 2008, aff. C-127/08, p. 83- CJCE, Inga Rinau , 11 juillet 2008, aff. C-195/08 PPU, p. 85.

POLITIQUE SOCIALE

- CJCE, Centrum voor gelijkheid van kansen en voor racismebestrijding contre Firma Feryn NV,10 juillet 2008, aff. C-54/07, p. 90.- CJCE, S. Coleman contre Attridge Law et Steve Law , (Grande chambre), 17 juillet 2008,aff. C-303/06, p. 88.

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- CJCE, Svenska staten genom Tillsynsmyndigheten i Konkurser contre Anders Holmqvist, aff.310/07, conclusions de l’Avocat général M. Dámaso Ruiz-Jarabo Colomer, présentées le 3 juin2008, p. 99.

PRINCIPES DU DROIT COMMUNAUTAIRE

- CJCE, James Wood c. Fonds de Garantie , 5 juin 2008, aff. C-164/07, p. 92.

PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE

- CJCE, O2 Holdings Limited, O2 (UK) Limited c/. Hutchison 3G UK Limited, 12 juin 2008, aff.C-533/06, p. 94.

RECOURS EN MANQUEMENT

- CJCE, Commission des Communautés européennes contre République française, affaire C-121/07, conclusions de l’Avocat général M. Jan Mazák, présentées le 5 juin 2008, p. 101.

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44 Voir également les conclusions de l’Avocat général, M.J. Mazak, présentées le 14 février 2008 et résumées dans la veillebimestrielle du droit européen n/ 18, janvier - février 2008, p. 84.

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CITOYENNETÉ EUROPÉENNE

Ministerul Administratiei si Internelor - Directia Generala de PasapoarteBucuresti c. Gheorghe Jipa 44

10 juillet 2008- Affaire C-33/07 -

« Citoyenneté de l’Union - Article 18 CE - Directive 2004/38/CE - Droit des citoyens de l’Union etdes membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire

des États membres »

T Faits :

Selon une ordonnance de renvoi, M. Jipa a quitté la Roumanie le 10 septembre 2006 pour serendre en Belgique. Le 26 novembre 2006, il a été rapatrié en Roumanie, par les autoritésbelges pour « séjour irrégulier ».Le 11 janvier 2007, la juridiction de renvoi a été saisie d’une demande visant à obtenir unedécision limitant le droit à la libre circulation vers la Belgique de M. Jipa. Or, la juridiction relèvedans son ordonnance de renvoi que le Ministère n’a pas précisé en quoi consistait le « séjourirrégulier» qui a abouti au rapatriement de M. Jipa. Selon celle-ci, les dispositions de droitroumain sont contraires à l’article 18 CE et à l’article 27 de la directive 2004/38.

Par une décision du 17 janvier 2007, le Tribunalul Dâmbovita a décidé de surseoir à statuer eta saisi la Cour sur :

- l’interprétation de l’article 18 du Traité CE en ce sens qu’il s’oppose à ce que les dispositionsapplicables en Roumanie fassent obstacle à la libre circulation des personnes ;- l’interprétation de la notion de « séjour irrégulier » au sens de l’arrêté n/ 825/2005 dugouvernement portant approbation de l’accord entre le gouvernement de la Roumanie, d’une part,et les gouvernements du Royaume de Belgique, du Grand-duché de Luxembourg et du Royaumedes Pays-Bas, d’autre part, relatif à la réadmission des personnes en situation irrégulière ; - l’interprétation des raisons d’ « ordre public » ou de « sécurité publique » telles qu’elles figurentà l’article 27 de la directive 2004/38/CE, et justifiant la limitation de la liberté de circulation d’unepersonne et notamment de son applicabilité à la notion de « séjour irrégulier » au sens de l’arrêtén/ 825/2005 du gouvernement portant approbation de l’accord entre le gouvernement de laRoumanie, d’une part, et les gouvernements du Royaume de Belgique, du Grand-duché deLuxembourg et du Royaume des Pays-Bas, d’autre part, relatif à la réadmission des personnesen situation irrégulière ;- sur la question de savoir si, en cas de motif « d’ordre public », les États membres peuventrestreindre la liberté de circulation et de séjour de ressortissants de l’Union européenne demanière automatique, sans analyser le « comportement » de la personne en cause.

T Droit communautaire en cause :

L’article 17 CE traite de la citoyenneté européenne tandis que l’article 18 § 1 CE prévoit laliberté de circulation des citoyens européens sauf dispositions contraires prévues dans lesdirectives d’application du traité.

La directive 2004/38 du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relative au droit

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des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librementsur le territoire des États membres, modifiant le règlement (CEE) n/ 1612/68 et abrogeant lesdirectives 64/221/CEE, 68/360/CEE, 72/194/CEE, 73/148/CEE, 75/34/CEE, 75/35/CEE,90/364/CEE, 90/365/CEE et 93/96/CEE, concerne en particulier les conditions d’exercice dudroit des citoyens de l’Union et des membres de leur famille de circuler et de séjourner librementsur le territoire des États membres (article 1er, sous a) ) et s’applique à tous les citoyens del’Union qui se rendent ou séjournent sur le territoire d’un autre Etat membre (article 3 § 1).Enfin, l’article 27 de la directive 2004/38, intitulé « Principes généraux », qui figure au chapitreVI – Limitation du droit d’entrée et du droit de séjour pour des raisons d’ordre public, de sécuritépublique ou de santé publique, dispose :

« 1. Sous réserve des dispositions du présent chapitre, les États membres peuvent restreindrela liberté de circulation et de séjour d’un citoyen de l’Union […] pour des raisons d’ordre public,de sécurité publique ou de santé publique. Ces raisons ne peuvent être invoquées à des finséconomiques.2. Les mesures d’ordre public ou de sécurité publique doivent respecter le principe deproportionnalité et être fondées exclusivement sur le comportement personnel de l’individuconcerné. L’existence de condamnations pénales antérieures ne peut à elle seule motiver detelles mesures.Le comportement de la personne concernée doit représenter une menace réelle, actuelle etsuffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société. Des justifications non directementliées au cas individuel concerné ou tenant à des raisons de prévention générale ne peuvent êtreretenues […] ».

T Décision :

Par ses questions, traitées conjointement, la juridiction de renvoi demande, en substance, siles articles 18 CE et 27 de la directive 2004/38 s’ opposent à une réglementation nationalepermettant de restreindre le droit d’un ressortissa nt d’un État membre de se rendre surle territoire d’un autre État membre, notamment au motif qu’il en a été précédemmentrapatrié en raison du fait qu’il s’y trouvait en « situation irrégulière » .

La Cour aboutit à une conclusion finale identique à celle de l’Avocat général mais inverse leraisonnement.Il importe de rappeler que le droit à la libre circulation des citoyens de l’Union n’est pasinconditionnel, mais peut être assorti des limitations et des conditions prévues par le traité ainsique par les dispositions prises pour son application (voir en ce sens, notamment, arrêts Kaba,du 11 avril 2000 (aff. C-356/98), Rec. p. I-2623, point 30; et Kaba, du 6 mars 2003, (aff.C-466/00).Mais, “dans le contexte communautaire, et notamment en tant que justification d’une dérogationau principe fondamental de la libre circulation des personnes, ces exigences doivent êtreentendues strictement, de sorte que leur portée ne saurait être déterminée unilatéralement parchacun des États membres sans contrôle des institutions de la Communauté européenne.”(point 23). De plus, pour être justifiées, “des mesures d’ordre public ou de sécurité publiquedoivent être fondées exclusivement sur le comportement personnel de l’individu concerné”(point 24).Enfin, il ressort de l’article 27, paragraphe 2, de la directive 2004/38 ainsi que de lajurisprudence constante de la Cour qu’une mesure restrictive du droit à la libre circulation nepeut être justifiée que si elle respecte le principe de proportionnalité.

Ainsi, la Cour dit pour droit : “les articles 18 CE et 27 de la directive 2004/38/C E duParlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relative au droit des citoyens del’Union et des membres de leurs familles de circule r et de séjourner librement sur leterritoire des États membres, modifiant le règlemen t (CEE) n //// 1612/68 et abrogeant lesdirectives 64/221/CEE, 68/360/CEE, 72/194/CEE, 73/1 48/CEE, 75/34/CEE, 75/35/CEE,

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90/364/CEE, 90/365/CEE et 93/96/CEE, ne s’opposent pas à une réglementation nationalepermettant de restreindre le droit d’un ressortissa nt d’un État membre de se rendre surle territoire d’un autre État membre notamment au m otif qu’il en a été précédemmentrapatrié en raison du fait qu’il s’y trouvait en « situation irrégulière », à condition que,d’une part, le comportement personnel de ce ressort issant constitue une menace réelle,actuelle et suffisamment grave affectant un intérêt fondamental de la société et que,d’autre part, la mesure restrictive envisagée soit propre à garantir la réalisation del’objectif qu’elle poursuit et n’aille pas au-delà de ce qui est nécessaire pour l’atteindre.Il appartient à la juridiction de renvoi de vérifie r si tel est le cas dans l’affaire dont elle estsaisie” (point 31).

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CONCURRENCE

AC-Treuhand AG c/ Commission8 juillet 2008

- Affaire T-99/04 -

T Faits et procédure :

En 1971, trois entreprises productrices de produits chimiques utilisés dans l’industrie desplastiques et caoutchouc ont conclu une entente sur le marché européen en vue de préserverleurs parts de marché et de coordonner leurs hausses des prix.Une entreprise de conseil, AC-Treuhand AG, a joué un rôle dans la mise en œuvre de l’entente,notamment en organisant des réunions et en dissimulant des éléments de preuves del’infraction.Le 7 avril 2000, certains représentants d’une des trois sociétés ont informé la Commission del’existence d’une infraction aux règles communautaires de la concurrence pour bénéficier del’immunité concernant la non-imposition d’amendes ou la réduction de leur montant dans lesaffaires. Les autres membres des sociétés concernées par l’entente ont ensuite égalementcollaboré avec la Commission.Le 20 mars 2003, la Commission a indiqué à l’entreprise de conseil requérante que cettedernière serait aussi visée par les poursuites engagées pour violation de l’article 81 du TraitéCE et de l’article 53 de l’accord sur l’Espace économique européen, sans toutefois lui préciserdavantage les reproches qui seraient retenus contre elle.Le 10 novembre 2003, la Commission a adopté sa décision, notifiée à la requérante le 9 janvier2004, infligeant à cette dernière une amende de 1 000 euros. Pour justifier sa décision et conclure que la requérante avait violé les règles de la concurrence,la Commission a retenu que « la requérante avait joué, en tant que société de conseil, à partirde la fin de 1993, un rôle essentiel dans le cadre de l’entente en organisant des réunions et endissimulant des preuves de l’infraction ». La Commission précisait que « La sanction prise [àl’encontre de la requérante] est d’un montant limité en raison de la nouveauté de la politiquesuivie en la matière (...) »

Le 16 mars 2004, la requérante saisissait le Tribunal de première instance d’un recours enannulation de la décision de la Commission. Invoquant une violation de l’article 6 § 3 a) de laConvention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (droit à unprocès équitable - droits de la défense), elle reprochait à la Commission de ne l’avoir tenueinformée de la procédure ouverte à son encontre et des griefs retenus contre elle que troptardivement.Par ailleurs, elle soutenait que la Commission avait violé le principe de légalité des délits et despeines (nullum crimen, nulla poena sine lege) : elle expliquait qu’elle n’avait pas commisd’infraction à l’article 81 CE dès lors qu’elle n’était qu’un complice non punissable puisqu’ellen’était pas partie contractante à l’entente.

T Décision :

Sur la violation des droits de la défense et du droit à un procès équitable :

En premier lieu, le Tribunal rappelle que les droits de la défense constituent des droitsfondamentaux dont le juge communautaire assure le respect lorsqu’une procédure est

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susceptible d’aboutir à des sanctions (amendes ou astreintes).Ensuite, il rappelle que la procédure administrative qui se déroule devant la Commissioncomporte deux phases distinctes et successives : une phase d’instruction préliminaire puis unephase contradictoire “qui s’étend de la communication des griefs à l’adoption de la décisionfinale (...)” (point 47).Il explique que dans un souci d’efficacité de l’enquête, et parce que l’entreprise concernéen’avait pas le statut d’accusé au cours de la phase d’instruction préliminaire, celle-ci n’a étéinformée de la procédure et des griefs qu’on lui reprochait qu’au début de la phasecontradictoire.Il précise que “c’est seulement après l’envoi de la communication des griefs que l’entrepriseconcernée peut pleinement se prévaloir de ses droits de la défense” (point 48).Le Tribunal rejette donc l’argument selon lequel pour répondre au respect des droits de ladéfense l’obligation d’information de tous les éléments essentiels de l’instruction doit se faireau cours de la phase préliminaire.

Cependant, le Tribunal considère que lors de la première mesure d’instruction, y compris dansles demandes de renseignements, il incombe à la Commission d’informer l’entreprise concernéenotamment sur l’objet et le but de l’instruction en cours. Ceci “implique de préciser lesprésomptions d’infraction et, dans ce contexte, le fait qu’elle est susceptible de s’exposer à desreproches liés à cette éventuelle infraction, pour qu’elle puisse prendre les mesures qu’elleestime utiles à sa décharge et préparer ainsi sa défense au stade de la phase contradictoire dela procédure administrative” (point 56).Or, il ressort de la demande de renseignements transmise par la Commission que celle-ci n’amentionné qu’une instruction relative à l’infraction commise par les producteurs européens deproduits chimiques sans préciser à la requérante qu’elle était également concernée parl’infraction. Selon le Tribunal, “une information préalable de la requérante aurait été d’autant plusnécessaire que, selon la Commission elle-même, son choix de poursuivre une entreprise deconseil constituait une réorientation de sa pratique décisionnelle antérieure et que, partant, larequérante ne pouvait pas nécessairement s’attendre à ce qu’elle soit directement visée par lacommunication des griefs” (point 57).Cependant, les juges n’estiment pas cette seule constatation suffisante pour annuler la décisionde la Commission et recherchent par ailleurs si l’irrégularité commise par la Commission a étéde nature à affecter concrètement les droits de la défense. En l’espèce, le Tribunal considère que l’entreprise de conseil n’a apporté aucun élément concretprouvant que l’irrégularité avait porté atteinte à l’efficacité de sa défense. En conséquence, cemoyen est rejeté comme non fondé.

Sur la violation du principe de légalité des délits et des peines : L’entreprise de conseil estime que n’étant pas partie contractante à l’entente, elle n’est qu’uncomplice non punissable et que la Commission a outrepassé son pouvoir décisionnel.

Le tribunal adopte d’abord une interprétation littérale, puis contextuelle et téléologique del’article 81, §1 du Traité CE.

- L’interprétation littérale : L’article 81, paragraphe 1, CE dispose que :« [s]ont incompatibles avec le marché commun et interdits tous accords entre entreprises, toutesdécisions d’associations d’entreprises et toutes pratiques concertées, qui sont susceptiblesd’affecter le commerce entre États membres et qui ont pour objet ou pour effet d’empêcher, derestreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l’intérieur du marché commun ».

Le tribunal étudie les termes « accords entre entreprises ». Il adopte une notion large du terme

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« accord »: il y voit tout d’abord “une autre expression pour désigner un comportementcoordonné/collusif et restrictif de concurrence, voire une entente au sens large, auquelparticipent à tout le moins deux entreprises distinctes ayant exprimé leur volonté commune dese comporter sur le marché d’une manière déterminée (...). En outre, pour constituer un accordau sens de l’article 81, paragraphe 1, CE, il suffit qu’un acte ou un comportement apparemmentunilatéral soit l’expression de la volonté concordante de deux parties au moins, la forme selonlaquelle se manifeste cette concordance n’étant pas déterminante par elle-même (...)”. LeTribunal précise encore que “Cette notion large d’accord est confirmée par le fait que tombeégalement sous le coup de l’interdiction prévue à l’article 81, paragraphe 1, CE la pratiqueconcertée qui vise une forme de coordination entre entreprises sans que celle-ci aboutisse àla réalisation d’une convention proprement dite” (point 118).

Le tribunal rappelle que “l’article 81, paragraphe 1, CE s’applique non seulement aux accords« horizontaux » entre entreprises exerçant une activité commerciale sur un même marché deproduits ou de services pertinent, mais également aux accords « verticaux », qui impliquent lacoordination d’un comportement entre des entreprises actives à des niveaux distincts de lachaîne de production et/ou de distribution et, partant, opérant sur des marchés de produits oude services distincts” (point 120). De même, il suffit que l’accord en cause restreigne laconcurrence sur des marchés voisins et/ou émergents. La jurisprudence constante insiste sur le critère de la « volonté commune » des membres del’entente. Il en découle que “toute restriction de concurrence à l’intérieur du marché commun peut releverd’un « accord entre entreprises » au sens de l’article 81, paragraphe 1, CE”.

En conséquence, le Tribunal retient une conception large de la notion d’auteur d’infraction pouraffirmer : “une entreprise est susceptible de violer l’interdiction prévue à l’article 81, paragraphe1, CE lorsque son comportement, tel que coordonné avec celui d’autres entreprises, a pour butde restreindre la concurrence sur un marché pertinent particulier à l’intérieur du marchécommun, sans que cela présuppose nécessairement qu’elle soit elle-même active sur leditmarché pertinent” (point 122).

- L’interprétation contextuelle et téléologique : Le Tribunal se fonde sur la jurisprudenceantérieure pour étudier les conditions dans lesquelles une entreprise ayant participé à uneentente est responsable en tant que coauteur de l’infraction.Selon les juges, “il suffit que la Commission démontre que l’entreprise concernée a participé àdes réunions au cours desquelles des accords de nature anticoncurrentielle ont été conclus,sans s’y être manifestement opposée, pour prouver à suffisance la participation de laditeentreprise à l’entente” (point 130).En effet, il incombe à la Commission de prouver que cette entreprise “entendait contribuer parson propre comportement aux objectifs communs poursuivis par l’ensemble des participants etqu’elle avait connaissance des comportements matériels envisagés ou mis en œuvre pard’autres entreprises dans la poursuite des mêmes objectifs, ou qu’elle pouvait raisonnablementles prévoir et qu’elle était prête à en accepter le risque” (point 130).Le Tribunal précise que la condition objective est remplie dès lors que l’entreprise a “contribuéà sa mise en œuvre, même de façon subordonnée, accessoire ou passive” (point 133).Cependant, il rappelle également la nécessité de prouver l’existence d’une condition subjective :“L’imputation de l’ensemble de l’infraction à l’entreprise participante dépend en outre de lamanifestation de sa volonté propre, qui démontre qu’elle souscrit, ne fût-ce que tacitement, auxobjectifs de l’entente.” (point 134).Par ailleurs, les juges considèrent que le rôle mineur joué par l’entreprise dans les élémentsconstitutifs de l’infraction ne suffit pas pour exclure sa responsabilité mais que l’importance dela participation détermine en revanche la gravité de la sanction qui sera attribuée.

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En l’espèce, le Tribunal estime que vue l’activité économique et l’expertise professionnelle del’entreprise de conseil, celle-ci ne pouvait pas “ignorer le caractère anticoncurrentiel descomportements en cause et d’apporter ainsi un soutien non négligeable à la commission del’infraction” (point 136). Ils notent également l’existe d’un lien de causalité concret et déterminantentre ses activités et la restriction de concurrence sur le marché.

En conséquence, le Tribunal établit la coresponsabilité de l’entreprise de conseil et rejette sonrecours comme non-fondé.

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COOPÉRATION JUDICIAIRE ET POLICIÈRE EN MATIÈRE PÉNA LE

Ignacio Pedro Santesteban Goicoechea ,12 août 2008

- affaire C-296/08

« Coopération policière et judiciaire en matière pénale - Décision-cadre 2002/584/JAI - Articles 31 et32 - Mandat d’arrêt européen et procédures de remise entre États membres - Possibilité, pour l’État

d’exécution d’une demande d’extradition, d’appliquer une convention adoptée antérieurementau 1er janvier 2004, mais applicable, dans cet État, depuis une date postérieure »

T Faits :

Rappel : La décision-cadre relative au mandat d’arrêt européen, remplace à compter du 1er

janvier 2004, les textes antérieurs dont la Convention de Dublin, relative à l’extradition dansl’Union européenne de 1996. Toutefois, la décision-cadre autorise les Etats à émettre unedéclaration indiquant qu’ils appliqueront l’ancien système d’extradition pour toutes les demandesportant sur des faits antérieurs à une date qu’ils précisent. Une telle déclaration a été émise parla France. Dès lors que la France se voit soumettre une demande d’extradition pour des faitsantérieurs au 1er novembre 1993, elle applique le système antérieur.

En l’espèce, le 11 octobre 2000, la France s’est vue notifier une demande d’extraditionespagnole visant la convention européenne d’extradition du 13 décembre 1957. Cette demandeétait émise à l’encontre de M. Santesteban Goicoechea pour des faits prétendument commissur le territoire espagnol au cours des mois de février et de mars 1992. La Chambre del’instruction de la Cour d’appel de Versailles rendit un avis défavorable le 19 juin 2001, au motifque les faits pour lesquels l’extradition était demandée étaient prescrits selon le droit français.

Le 31 mars 2004, un mandat d’arrêt européen visant les mêmes faits et la même personne futdélivré par les autorités judiciaires espagnoles. De nouveau les autorités françaises rejetèrentcette demande au motif qu’eu égard à la date des faits et à la déclaration faite par la Franceconformément à l’article 32 de la décision-cadre, ledit mandat ne pouvait être considéré quecomme une simple demande d’arrestation provisoire, à traiter selon le système d’extraditionapplicable avant le 1er janvier 2004, c’est-à-dire la convention européenne d’extradition du 13décembre 1957. De surcroît, dans la mesure où la personne requise par les autoritésespagnoles purgeait une peine d’emprisonnement en France, toute éventuelle remise à l’Étatrequérant ne pourrait être effectuée qu’après l’exécution de la peine en cours.

La personne initialement visée par les mandat d’extradition devant être libérée le 6 juin 2008,les autorités espagnoles émirent une demande d’arrestation provisoire le 27 mai 2008 en vued’une demande d’extradition fondée sur la convention de 1996. Le 28 mai 2008, M. SantestebanGoicoechea fut placé sous écrou extraditionnel et le 2 juin 2008, les autorités espagnolessollicitèrent son extradition sur le fondement de la convention de 1996.

Or, le requérant refusa son extradition en estimant que la Convention de 1996 était inapplicableen l’espèce. Faisant usage de la nouvelle procédure d’urgence, la chambre de l’instruction dela cour d’appel de Montpellier décida de surseoir à statuer et saisit la Cour, de plusieursquestions préjudicielles.

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T Droit communautaire en cause et question préjudicie lle :

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 31 et 32 de ladécision-cadre 2002/584/JAI du Conseil, du 13 juin 2002, relative au mandat d’arrêt européenet aux procédures de remise entre États membres (JO L 190, p. 1), ci-après la« décision-cadre ».

L’article 31 de la décision-cadre, intitulé « Relation avec d’autres instruments légaux », estrédigé comme suit :

«1.Sans préjudice de leur application dans les relations entre États membres et États tiers, laprésente décision-cadre remplace, à partir du 1er janvier 2004, les dispositions correspondantesdes conventions suivantes, applicables en matière d’extradition dans les relations entre les Étatsmembres :a) La convention européenne d’extradition du 13 décembre 1957, son protocole additionnel du15 octobre 1975, son deuxième protocole additionnel du 17 mars 1978 et la conventioneuropéenne pour la répression du terrorisme du 27 janvier 1977 pour autant qu’elle concernel’extradition ;b) l’accord du 26 mai 1989 entre les douze États membres des Communautés européennes relatifà la simplification et à la modernisation des modes de transmission des demandes d’extradition ;c) la convention [de] 1995 [...] ;d) la convention [de] 1996 [...] ;e) le titre III, chapitre 4, de la convention d’application du 19 juin 1990 de l’accord de Schengendu 14 juin 1985 relatif à la suppression graduelle des contrôles aux frontières communes. »

L’article 32 de la décision-cadre, intitulé « Disposition transitoire », prévoit que :« Les demandes d’extradition reçues avant le 1er janvier 2004 continueront d’être régies par lesinstruments existants dans le domaine de l’extradition. Les demandes reçues à partir de cettedate seront régies par les règles adoptées par les États membres en exécution de la présentedécision-cadre. Cependant, tout État membre peut faire, au moment de l’adoption de la présentedécision-cadre, une déclaration indiquant que, en tant qu’État membre d’exécution, il continuerade traiter selon le système d’extradition applicable avant le 1er janvier 2004 les demandes relativesà des faits commis avant une date qu’il indique. Cette date ne peut être postérieure au 7 août2002. Ladite déclaration sera publiée au Journal officiel [des Communautés européennes]. Ellepeut être retirée à tout moment. »

T Décision :

Sur la première question :

La juridiction de renvoi interroge la Cour sur l’interprétation de l’article 31 de la décision-cadre.Il s’agit d’examiner si l’absence de notification, par un Éta t membre de son intentiond’appliquer des accords bilatéraux ou multilatéraux , conformément à l’article 31,paragraphe 2, de cette décision, entraîne l’impossi bilité, pour cet État membre, d’utiliserd’autres procédures d’extradition que celle du mand at d’arrêt européen avec un autreÉtat membre, telle la République française, qui a f ait une déclaration en vertu de l’article32 de la décision-cadre.

La Cour estime que “Ies articles 31 et 32 de la décision-cadre visent des situations distinctesqui s’excluent l’une l’autre. En effet, tandis que ledit article 31, intitulé « Relation avec d’autresinstruments légaux », traite des conséquences de l’application du régime du mandat d’arrêteuropéen pour les conventions internationales dans le domaine de l’extradition, ledit article 32,intitulé « Disposition transitoire », envisage la circonstance dans laquelle ce régime nes’applique pas.” (point 59).

Or, en l’espèce, la France avait fait une déclaration, conformément à l’article 32 de la

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décision-cadre, selon laquelle elle continuerait de traiter selon le système d’extraditionapplicable avant le 1er janvier 2004 les demandes relatives à des faits commis avant le 1er

novembre 1993, date d’entrée en vigueur du traité de Maastricht. Ainsi dans ces hypothèsesla France refuse d’appliquer le régime du mandat d’arrêt européen tel que prévu à l’article 31.En l’espèce, la demande de l’Etat espagnol porte sur des faits qui auraient été commis au coursdes mois de février et de mars 1992. “Le régime du mandat d’arrêt européen prévu par ladécision-cadre n’étant pas applicable à cette demande, l’article 31 de la décision-cadre n’estpas pertinent. “

La Cour dit pour droit : “L’article 31 de la décision-cadre 2002/584/JAI du Conseil, du 13juin 2002, relative au mandat d’arrêt européen et a ux procédures de remise entre Étatsmembres, doit être interprété en ce sens qu’il ne v ise que l’hypothèse selon laquelle lerégime du mandat d’arrêt européen est applicable, c e qui n’est pas le cas lorsqu’unedemande d’extradition porte sur des faits commis av ant une date indiquée par un Étatmembre dans une déclaration effectuée conformément à l’article 32 de cettedécision-cadre” .

Sur la seconde question :

La juridiction de renvoi interroge la Cour sur l’interprétation de l’article 32 de la décision-cadre . Il s’agit de savoir en l’espèce si cet article s’oppose à l’appl ication, par un Étatmembre d’exécution, de la convention de 1996 lorsqu e celle-ci n’est devenue applicabledans cet État membre que postérieurement au 1 er janvier 2004 .

Sur ce point, la Cour souligne que l’expression de « système d’extradition applicable avant le1er janvier 2004 » vise l’ensemble des conventions basées sur la convention européenned’extradition du 13 décembre 1957, qu’elles modifient ou complètent celle-ci. Ainsi, laconvention de 1996 a pour objet de compléter les dispositions et de faciliter l’application entreles États membres de l’Union, notamment, de la convention européenne d’extradition du 13décembre 1957. (point 69).Néanmoins l’expression examinée par la Cour ne peut être entendue comme désignantuniquement les conventions qui auraient été effectivement applicables entre les Etats membresau 1er janvier 2004.En effet, “aucun motif ne s’oppose à ce qu’un État membre rende applicable, après le 1er janvier2004, une convention faisant partie du système d’extradition remplacé par le régime du mandatd’arrêt européen pour les situations où ledit régime n’est pas applicable”. (point 72 in fine)La Cour estime que cette date “sert essentiellement à établir la limite entre le champd’application du système d’extradition prévu par les conventions et celui du régime du mandatd’arrêt européen élaboré dans la décision-cadre, ce dernier régime ayant vocation à s’appliquer,en règle générale, à toutes les demandes présentées après le 1er janvier 2004” (point 73).

Elle souligne : “L’application, entre deux États membres, de la convention de 1996 est, en outre,conforme aux objectifs de l’Union. Il convient, à cet égard, de rappeler que cette convention faitpartie de l’acquis de l’Union et que, par acte du 27 septembre 1996, le Conseil a recommandéson adoption par les États membres conformément à leurs règles constitutionnellesrespectives.” (point 77).

La Cour dit pour droit : “ L’article 32 de la décision-cadre 2002/584 doit êtr e interprété ence sens qu’il ne s’oppose pas à l’application, par un État membre d’exécution, de laconvention relative à l’extradition entre les États membres de l’Union européenne, établiepar acte du Conseil le 27 septembre 1996 et signée à la même date par tous les Étatsmembres, même lorsque celle-ci n’est devenue applic able dans cet État membre quepostérieurement au 1 er janvier 2004” (point 82).

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45 “La décision-cadre a été transposée dans l’ordre juridique allemand par les articles 78 à 83 k de la loi sur l’entraide judiciaireinternationale en matière pénale (Gesetz über die internationale Rechtshilfe in Strafsachen), du 23 décembre 1982, telle quemodifiée par la loi relative au mandat d’arrêt européen (Europäisches Haftbefehlsgesetz), du 20 juillet 2006 (BGBl. 2006 I, p. 1721,ci-après l’«IRG»), en conservant la terminologie habituelle en droit allemand qui désigne une «remise» au sens de la décision-cadrepar le terme «extradition»” (point 13).

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Szymon Kozlowski

Arrêt de Grande chambre17 juillet 2008

- affaire C-66/08 -

« Coopération policière et judiciaire en matière pénale - Décision-cadre 2002/584/JAI - Mandat d’arrêteuropéen et procédures de remise entre États membres - Article 4, point 6 - Motif de

non-exécution facultative du mandat d’arrêt européen - Interprétation des termes “réside” et “demeure” dans l’État membre d’exécution »

T Faits :

Le requérant, un ressortissant polonais, séjourna de manière prépondérante en Allemagne dumois de février 2005 au 10 mai 2006, date de son arrestation en Allemagne. Durant cettepériode, il aurait travaillé de manière occasionnelle mais aurait assuré l’essentiel de sasubsistance en commettant des infractions. Depuis le 10 mai 2006, il se trouve en détention au centre pénitentiaire de Stuttgart (Allemagne)où il purge une peine privative de liberté de trois ans et six mois pour 61 faits d’escroqueriecommis en Allemagne.Par jugement rendu le 28 mai 2002 par le tribunal d’arrondissement de Tuchola (Pologne), ilavait été condamné à une peine d’emprisonnement de cinq mois pour atteinte à la propriétéd’autrui. Cette peine est devenue définitive mais n’a pas été exécutée. Aux fins d’exécution decelle-ci, les autorités polonaises émirent un mandat d’arrêt le 18 avril 2007 demandant auxautorités allemandes la remise du requérant.Le requérant fit connaître son refus d’être remis aux autorités polonaises. Toutefois, l’autoritéjudiciaire d’exécution allemande refusa de faire droit à sa demande et autorisa l’exécution dumandat d’arrêt. L’autorité allemande justifia sa décision de refus en invoquant le fait que lerequérant ne pouvait bénéficier des motifs de non exécution de l’article 83b de l’IRG 45 dans lamesure où il n’avait pas sa résidence habituelle en Allemagne.

Le requérant forma un recours contre cette décision devant la juridiction de renvoi.La juridiction de renvoi, en vue de statuer sur l’autorisation ou non de l’exécution du mandatd’arrêt, devait “déterminer si, au sens de l’article 83 b, paragraphe 2, de la loi du 23 décembre1982 telle que modifiée par la loi relative au mandat européen du 20 juillet 2006, et à la date àlaquelle la remise a été demandée, la « résidence habituelle » de M. Kozlowski était située surle territoire allemand et si elle s’y trouv[ait] encore” (point 27). La juridiction de renvoi, décida de surseoir à statuer et posa à la Cour plusieurs questionspréjudicielles. En effet, la loi allemande transposant le mandat d’arrêt européen prévoit parmiles motifs de non exécution, celui où l’extradition concerne “un ressortissant étranger dont larésidence habituelle est située sur le territoire national” et qui n’y consent pas.

T Question préjudicielle et droit communautaire en ca use :

La CJCE a été saisie d’une question préjudicielle p ortant sur l’interprétation de l’article4, point 6, de la décision-cadre 2002/584/JAI du Co nseil, du 13 juin 2002, relative au

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46 Décision-cadre 2002/584/JAI du Conseil, du 13 juin 2002, relative au mandat d’arrêt européen et aux procédures de remise entreÉtats membres JO L 190, p. 1.

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mandat d’arrêt européen et aux procédures de remise entre États membres 46, ci-après la«décision-cadre». La Cour a répondu à la question préjudicielle suivante (point 24) :

« 1) Aux fins de l’application de l’article 4, point 6, de la décision-cadre […], une personnepeut-elle être considérée comme « demeurant » ou « résidant » dans un État membre[d’exécution], alors que cette personne

a) ne séjourne pas de manière ininterrompue dans l’État membre [d’exécution] ;b) n’y séjourne pas conformément à la législation nationale relative à l’entrée et au séjourdes étrangers ;c) y commet à titre habituel des infractions et/oud) y est placée en détention aux fins de l’exécution d’une peine privative de liberté? »

L’article 4 de la décision-cadre, intitulé « Motifs de non-exécution facultative du mandat d’arrêteuropéen », énonce, à son point 6 que :

« L’autorité judiciaire d’exécution peut refuser d’exécuter le mandat d’arrêt européen : […] si lemandat d’arrêt européen a été délivré aux fins d’exécution d’une peine ou d’une mesure de sûretéprivatives de liberté, lorsque la personne recherchée demeure dans l’État membre d’exécution,en est ressortissante ou y réside, et que cet État s’engage à exécuter cette peine ou mesure desûreté conformément à son droit interne ».

T Décision :

La décision-cadre litigieuse vise à remplacer le système d’extradition multilatéral entre Etatsmembres par un système fondé sur le principe de reconnaissance mutuelle. Ce nouveausystème a pour but de permettre l’exécution de tout mandat d’arrêt européen. L’article 4, point6, de la décision-cadre énonce toutefois un motif de non exécution facultative du mandat d’arrêteuropéen. Un refus d’exécution peut être invoqué lorsque la personne recherchée, bien quen’étant pas ressortissante de l’Etat membre d’exécution :- « demeure dans l’État membre d’exécution, en est ressortissante ou y réside », - et que cet État s’engage à faire exécuter cette peine conformément à son droit interne.

Or, La Cour relève qu’il n’existe aucune précision quant au sens a donné aux termes « réside »et « demeure » hormis une indication de la Commission des Communautés européennesestimant que le terme « demeure » doit être interprétée comme un e condition nécessairemais non suffisante pour invoquer le motif de non-e xécution facultative. Les juges précisent toutefois que le terme litigieux devrait être interprété ni de manière tropextensive , ni de manière trop restrictive. Ils distinguent la portée des termes « demeure » et« réside », quant aux situations auxquels ils se rapportent. La Cour cherche ainsi à déterminerde quelle manière le terme « demeure » peut compléter la portée du terme « réside ».

Aux fins d’interprétation, la Cour rappelle d’une part, l’objectif d’application uniforme du droit del’Union européenne et le principe d’égalité, et, d’autre part, le fait que la directive ne fasse aucunrenvoi exprès au droit des États membres pour déterminer le sens et la portée de sesdispositions. Ces indications permettent ensuite à la Cour de refuser que l’interprétation destermes litigieux soient laissés à l’appréciation de chaque État membre. Il est alors rappeléqu’une interprétation « autonome et uniforme » doit être recherchée en tenant compte ducontexte de la disposition et de l’objectif poursuivi par la réglementation en cause. Or, enl’espèce la Cour relève que les termes litigieux déterminent le champ d’application de l’article4, point 6. Etant donné la portée des termes litigieux, la Cour en déduit que ces deux notionsautonomes du droit de l’Union impliquent une définition uniforme dont la portée ne doit pas êtreétendue par le droit national de transposition.

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Afin de savoir si, dans une situation concrète, l’autorité judiciaire d’exécution peut refuserd’exécuter un mandat d’arrêt européen, il doit être déterminé dans un premier temps, si lapersonne recherchée « réside » ou « demeure » dans l’Etat d’exécution au sens de l’article 4,point 6, de la décision-cadre. Dans un second temps, et uniquement lorsque l’autorité judiciaired’exécution constate que ladite personne relève de l’un desdits termes, il convient d’appréciers’il existe un intérêt légitime justifiant que la peine infligée dans l’État membre d’émission soitexécutée sur le territoire de l’État membre d’exécution. La Cour précise à cet effet que le motif de non-exécution facultative de l’article 4, point 6, anotamment “pour but de permettre à l’autorité judiciaire d’exécution d’accorder une importanceparticulière à la possibilité d’accroître les chances de réinsertion sociale de la personnerecherchée à l’expiration de la peine à laquelle cette dernière a été condamnée” (point 45).

La Cour définit ensuite les dispositions litigieuses : le terme «réside» vise les situations danslesquelles “la personne a établi sa résidence réelle dans l’Ét at membre d’exécution” ( point46) tandis que le terme « demeure », correspond au fait que la personne ait acquis, “à la suited’un séjour stable d’une certaine durée dans ce mêm e État, des liens de rattachementavec ce dernier d’un degré similaire à ceux résulta nt d’une résidence” (point 46).

Les juges luxembourgeois considèrent que le requérant ne relevait pas de la condition derésidence. S’agissant au contraire de l’applicabilité à l’espèce du terme « demeure », la Courdéveloppe une méthode de raisonnement permettant de prouver l’existence de « liens derattachement » avec l’Etat d’exécution. Elle précise alors que “pour déterminer si, dans unesituation concrète, il existe entre la personne recherchée et l’État membre d’exécution des liensde rattachement permettant de constater que cette dernière relève du terme « demeure » ausens de l’article 4, point 6, de la décision-cadre, il y a lieu d’effectuer une appréciation globalede plusieurs des éléments objectifs caractérisant l a situation de cette personne, aunombre desquels figurent, notamment, la durée, la n ature et les conditions du séjour dela personne recherchée ainsi que les liens familiau x et économiques qu’entretient celle-ciavec l’État membre d’exécution” (point 49). L’exigence d’une appréciation « globale » en vue de prouver l’existence d’un lien derattachement implique pour la Cour la réunion de plusieurs des circonstances susmentionnées.

S’agissant de l’affaire en cause, la Cour relève dans un premier temps que le fait que lerequérant n’ait pas séjourné de façon ininterrompue en Allemagne, et la non conformité de ceséjour avec la législation nationale relative à l’entrée et au séjour des étrangers sans permettreà elles seules que cette personne ne « demeure » pas dans cet État membre, peuvent revêtirune pertinence pour l’autorité judiciaire d’exécution lorsqu’elle est appelée à apprécier si lapersonne concernée est couverte par le champ d’application de ladite disposition.

Sont sans pertinence pour déterminer si le requérant relève de l’article 4 point 6 le fait qu’il acommis régulièrement des infractions dans l’Etat membre d’exécution, et qu’il est placé endétention dans cet Etat aux fins d’exécution d’une peine.

Dans un second temps, la Cour note que la commission de manière habituelle d’infractions surle territoire allemand et la détention sur ce même territoire aux fins de l’exécution d’une peineprivative de liberté, s’il était avéré que le requérant demeurait en Allemagne, constituent deséléments d’appréciation pertinents pour examiner ultérieurement s’il serait justifié de ne pasdonner suite à un mandat d’arrêt européen.

La Cour en conclut que seules deux des quatre circonstances relatées par la juridiction derenvoi peuvent avoir une pertinence pour l’autorité judiciaire d’exécution lorsqu’elle doitdéterminer si la situation de l’intéressé relève du champ d’application de l’article 4, point 6, dela décision-cadre.

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Or, en l’espèce, la Cour juge que, au regard de la situation du requérant et notamment “ladurée, la nature et les conditions de son séjour ainsi que l’absence de liens familiaux etl’existence de très faibles liens économiques avec l’État membre d’exécution, une telle personnene peut être considérée comme étant couverte par le terme « demeure » au sens de l’article 4,point 6, de la décision-cadre” (point 56).

Elle dit pour droit : “L’article 4, point 6, de la décision-cadre 2002/58 4/JAI du Conseil, du13 juin 2002, relative au mandat d’arrêt européen e t aux procédures de remise entre Étatsmembres, doit être interprété en ce sens que :

- une personne recherchée « réside » dans l’État me mbre d’exécution lorsqu’ellea établi sa résidence réelle dans ce dernier et ell e y « demeure » lorsque, à la suite d’unséjour stable d’une certaine durée dans cet État me mbre, elle a acquis des liens derattachement avec cet État d’un degré similaire à c eux résultant d’une résidence ;

- afin de déterminer s’il existe entre la personne recherchée et l’État membred’exécution des liens de rattachement permettant de constater que cette personne relèvedu terme « demeure » au sens dudit article 4, point 6, il appartient à l’autorité judiciaired’exécution de faire une appréciation globale de pl usieurs des éléments objectifscaractérisant la situation de cette personne, au no mbre desquels figurent, notamment,la durée, la nature et les conditions du séjour de la personne recherchée ainsi que lesliens familiaux et économiques qu’entretient cette personne avec l’État membred’exécution. ”

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DROIT INSTITUTIONNEL

Suède et Turco c/ Conseil e.a.

Arrêt de Grande chambre1er juillet 2008

- affaires jointes C-39/05 P et C-52/05 P -

« Pourvoi - Accès aux documents des institutions - Règlement (CE) n/ 1049/2001 - Avis juridiques »

T Faits :

Le 22 octobre 2002, M. Turco demanda au Conseil d’accéder aux documents figurant à l’ordredu jour d’une réunion du Conseil « Justice et affaires intérieures ». Parmi ces documents,figurait un avis du service juridique du Conseil relatif à une proposition de directive fixant lesstandards minimaux pour la réception des demandeurs d’asile dans les Etats membres. Le Conseil refusa d’accéder à la demande de M. Turco concernant ce document au motif queles avis de son service juridique méritaient une protection particulière. Ces documentspermettent de déterminer a priori la validité des actes avec le droit communautaire. Ladivulgation de tels documents pourraient constituer un risque d’insécurité juridique quant à lalégalité des actes législatifs adoptés par la suite. De surcroît, le Conseil estima qu’il n’y avait pas, en l’espèce, d’intérêt supérieur justifiant lapublication de ces documents.

Le Tribunal de Première instance avait refusé d’annuler la décision du Conseil au motif que “ladivulgation d’avis tels que l’avis juridique en cause est, d’une part, susceptible de laisser planerun doute sur la légalité des actes législatifs sur lesquels portent ces avis et peut, d’autre part,remettre en cause l’indépendance des avis du service juridique du Conseil, de sorte que leConseil n’a pas commis d’erreur d’appréciation en considérant qu’il existe un intérêt général àla protection des avis juridiques tels que celui en cause” (point 18).

Les recours de la Suède et de M. Turco demandent l’annulation de l’arrêt attaqué en ce quecelui-ci refuse à M. Turco l’accès à l’avis juridique en cause. Le Royaume de Suède invite enoutre la Cour à statuer elle-même sur le recours en annulant la décision litigieuse. M. Turco, enrevanche, demande, si cela s’avère nécessaire, le renvoi de l’affaire devant le Tribunal pourqu’elle soit à nouveau jugée.

T Droit communautaire et question préjudicielle :

Le règlement (CE) n/ 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2001, relatifà l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (JOL 145, p. 43), prévoit l’accès aux documents de l’Union, pour l’ensemble des citoyenseuropéens et à toute personne résidant sur le territoire de l’Union.

Des exceptions au principe de droit d’accès sont prévues en cas de risque d’atteinte à laprotection des procédures juridictionnelles et des avis juridiques, sauf intérêt public supérieur.

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T Décision :

La Cour expose que le “règlement n/ 1049/2001 vise, comme l’indiquent son quatrièmeconsidérant et son article 1er, à conférer au public un droit d’accès aux documents desinstitutions qui soit le plus large possible” (point 33).“Lorsque la divulgation d’un document est demandée au Conseil, celui-ci est tenu d’apprécier,dans chaque cas d’espèce, si ce document relève des exceptions au droit d’accès du public auxdocuments des institutions énumérées à l’article 4 du règlement n/ 1049/2001” (point 35).Elle précise également que l’exception relative aux avis juridiques prévue à l’article 4,paragraphe 2, deuxième tiret, du règlement n/ 1049/2001 doit être interprétée “comme visantà protéger l’intérêt d’une institution à demander des avis juridiques et à recevoir des avis francs,objectifs et complets” (point 42) et que “Le risque d’atteinte à cet intérêt doit, pour pouvoir êtreinvoqué, être raisonnablement prévisible, et non purement hypothétique” (point 43).Dès lors que “le Conseil considère que la divulgation d’un document porterait atteinte à laprotection des avis juridiques telle qu’elle vient d’être définie, il lui incombe de vérifier qu’iln’existe pas un intérêt public supérieur justifiant cette divulgation nonobstant l’atteinte qui enrésulterait à son aptitude à demander des avis juridiques et à recevoir des avis francs, objectifset complets” (point 44).La Cour considère également qu’il “incombe au Conseil de mettre en balance l’intérêt spécifiquedevant être protégé par la non-divulgation du document concerné et, notamment, l’intérêtgénéral à ce que ce document soit rendu accessible, eu égard aux avantages [en] découlant,(...) (transparence accrue, (...) meilleure participation des citoyens au processus décisionnel,(...) plus grande légitimité et responsabilité de l’administration à l’égard des citoyens dans unsystème démocratique)” (point 45). Elle relève que “Ces considérations sont, à l’évidence, d’unepertinence toute particulière lorsque le Conseil agit en sa qualité de législateur (...)” (point 46).

En l’espèce, “il n’apparaît aucun véritable risque, raisonnablement prévisible, et non purementhypothétique, que la divulgation des avis du service juridique du Conseil émis dans le cadre deprocédures législatives soit de nature à porter atteinte à la protection des avis juridiques au sensde l’article 4, paragraphe 2, deuxième tiret, du règlement n/ 1049/2001” (point 66).

Dans cette affaire, la Cour estime que la décision litigieuse repose sur une double erreur duConseil avalisée par le tribunal :

- n’avoir pas vérifié si les motifs d’ordre général du Conseil étaient effectivementapplicables à l’avis juridique concerné ;

- avoir considéré qu’il existe un besoin général de confidentialité en ce qui concerne lesavis du service juridique du Conseil relatifs à des questions législatives.

La Cour décide que : “L’arrêt du Tribunal de première instance des Communautéseuropéennes du 23 novembre 2004, Turco/Conseil (T-84/03), est annulé en ce qu’il porte surla décision du Conseil de l’Union européenne du 19 décembre 2002 refusant à M. Turco l’accèsà l’avis du service juridique du Conseil n/ 9077/02, relatif à une proposition de directive duConseil fixant des standards minimaux pour la réception des demandeurs d’asile dans les Étatsmembres, et en ce qu’il condamne M. Turco et le Conseil à supporter chacun la moitié desdépens.La décision du Conseil de l’Union européenne du 19 décembre 2002 refusant à M. Turco l’accèsà l’avis du service juridique du Conseil n/ 9077/02 est annulée” (point 85).

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ENVIRONNEMENT ET CONSOMMATEURS

Commune de Mesquer c/. Total France SA et Total Int ernational Ltd

- Arrêt de Grande chambre -24 juin 2008

- affaire C-188/07 -

« Directive 75/442 relative aux déchets - Notion de déchet - Hydrocarbures et fioul lourd - Détenteur dudéchet - Principe du pollueur-payeur - Convention internationale sur la responsabilité civile pour les

dommages dus à la pollution par les hydrocarbures »

T Faits :

A la suite du naufrage du pétrolier Erika en 1999, la Commune de Mesquer engagea des fraisde nettoyage et de dépollution de la commune. Elle assigna les sociétés du groupe Total visantnotamment à faire constater que celles-ci devaient assumer, en application de la loi n/ 75-633,les conséquences des dommages causés par les déchets répandus sur son territoire et êtrecondamnées in solidum au paiement des sommes engagées par la commune au titre desopérations de nettoyage et de dépollution, soit 69 232,42 euros.La Cour de cassation devait se prononcer sur les conditions de responsabilité de la sociétéTotal au titre du régime de droit communautaire des déchets.

Considérant que le litige présente une difficulté sérieuse d’interprétation de la directive 75/442,la Cour de cassation a décidé de surseoir à statuer et de poser à la CJCE les questionspréjudicielles suivantes :

« 1) [L]e fioul lourd, produit issu d’un processus de raffinage, répondant aux spécifications del’utilisateur, destiné par le producteur à être vendu en qualité de combustible et mentionné dansla directive 68/414 [...] peut-il être qualifié de déchet au sens de l’article 1er de la directive 75/442[...] codifiée par la directive 2006/12 [...] ?2) [U]ne cargaison de fioul lourd, transportée par un navire et accidentellement déversée dans lamer constitue-t-elle par elle-même ou du fait de son mélange à l’eau et à des sédiments un déchetau sens de la [catégorie] Q4 de l’annexe 1 de la directive 2006/12 [...] ?3) [E]n cas de réponse négative à la première question et positive à la deuxième, le producteurdu fioul lourd (Total raffinage [distribution]) et/ou le vendeur et affréteur (Total International Ltd)peuvent-ils être considérés au sens [de l’article] 1er , sous b) et c), de la directive 2006/12 [...] etpour l’application de l’article 15 de la même directive comme producteur et/ou détenteur du déchetalors qu’au moment de l’accident qui l’a transformé en déchet le produit était transporté par untiers ? »

T Droit communautaire en cause :

La réglementation communautaire applicable en l’espèce est la directive 75/442/CEE duConseil, du 15 juillet 1975, relative aux déchets, et modifiée par la décision 96/350/CE de laCommission, du 24 mai 1996.En droit interne, la disposition concernée est l’article 2 de la loi n/ 75-633 du 15 juillet 1975,relative à l’élimination des déchets et à la récupération des matériaux (JORF du 16 juillet 1975,p. 7279), désormais article L. 541-2 du code de l’environnement.

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47 Voir conclusions de l’Avocat général J. Kokott, présentées le 13 mars 2008, résumées dans la veille bimestrielle de droiteuropéen n/ 19, p. 102

48 Voir CJCE, Palin Granit et Vehmassalon kansanterveystyön kuntayhtymän hallitus, du 18 avril 2002 (aff. C-9/00), Rec. p. I-3533;CJCE, ARCO Chemie Nederland e.a., du 15 juin 2000 (aff. C-418/97 et C-419/97), Rec. p. I-4475.

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T Décision :

Sur l’exception d’irrecevabilité soulevé par les sociétés Total :

Les sociétés Total soutenaient que le présent renvoi préjudiciel devait être déclaré irrecevabledans la mesure où la commune de Mesquer avait déjà obtenu une indemnisation au titre duFIPOL et que, par conséquent, elle serait dépourvue d’intérêt à agir. Conformément à une jurisprudence constante, la Cour de justice rappelle qu’il appartient auxjuridictions nationales saisies d’un litige d’apprécier tant la nécessité d’une décision préjudiciellepour être en mesure de rendre leur jugement que la pertinence des questions qu’elles posentà la Cour.Il ressort du dossier que la commune de Mesquer a effectivement bénéficié de paiements autitre du FIPOL, lesquels ont été versés à la suite de la demande d’indemnisation qu’elle avaitformulée à l’encontre, notamment, du propriétaire du navire Erika et du FIPOL. Ces paiementsont fait l’objet de transactions par lesquelles ladite commune a renoncé expressément à toutesinstances et actions, sous peine de remboursement des sommes versées.Il apparaît que la juridiction de renvoi disposait de ces informations, mais qu’elle n’a toutefoisni considéré que le litige au principal était éteint ou que la commune de Mesquer avait perduson intérêt à agir ni renoncé à poser à la Cour ses questions préjudicielles. La Cour de justiceestime donc qu’il convient de répondre aux questions préjudicielles posées par la Cour decassation française.

Première et deuxième questions : Sur la question de savoir si du fioul lourdaccidentellement déversé en mer à la suite d’un nau frage doit être qualifié de déchet ausens de la directive :

La Cour suit la position de l’Avocat général 47. Dans un premier temps, les juges cherchent à qualifier juridiquement le fioul lourd au regard dela directive 75/442. Celle-ci définit les déchets comme « toute substance ou tout objet qui relèvedes catégories figurant à l’Annexe 1, dont le détenteur se défait ou dont il à l’intention oul’obligation de se défaire ». La Cour rappelle que les objectifs poursuivis par cette directive dictait une interprétation « nonrestrictive » de la notion de « déchet ».Elle procède à l’examen de deux critères cumulatifs permettant de qualifier une substance dedéchet, soit en l’espèce du fioul lourd. Le premier critère tient à la nature ou non de résidu de production d’une substance 48. Le secondcritère tient au degré de probabilité de réutilisation de la substance, sans opération detransformation préalable. La Cour considère en effet que, “si, au-delà de la simple possibilité deréutiliser la substance, il existe un avantage économique pour le détenteur à le faire, laprobabilité d’une telle réutilisation est forte. Dans une telle hypothèse, la substance en cause nepeut plus être analysée comme une substance dont le détenteur chercherait à «se défaire», maisdoit être considérée comme un authentique produit.” (point 45).

En l’espèce, le fioul lourd est obtenu à l’issu du processus de raffinage du pétrole et peut doncêtre assimilé à un résidu de production. Mais en application du second critère prédéfini, le fioullourd peut être exploité commercialement dans des conditions économiquement avantageuses.La Cour en conclut que le fioul lourd vendu en tant que combustible ne constitue pas un déchet

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49 CJCE, Van de Walle e.a., du 7 septembre 2004 (aff. C-1/03), Rec. p. I-7613.

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au sens de la directive 75/442.

Mais, dans les circonstances d’espèce, un naufrage a provoqué le déversement de ceshydrocarbures qui se sont mélangés à l’eau et à des sédiments, et ont dérivé et échoué sur lescôtes d’un Etat membre. Dans ces circonstances, de tels hydrocarbures “sont à considérercomme des substances que leur détenteur n’avait pas l’intention de produire et dont il« se défait », quoique involontairement, à l’occasi on de leur transport si bien qu’ellesdoivent être qualifiées de déchets au sens de la di rective 75/442.” 49 (point 59).

Troisième question : Sur la question de savoir si, dans le cas du naufra ge d’un navirepétrolier, le producteur du fioul déversé en mer et /ou le vendeur de ce fioul et affréteurdu navire qui transportait cette substance peuvent être tenus de supporter le coût lié àl’élimination des déchets ainsi générés, alors même que la substance déversée en merétait transportée par un tiers, en l’occurrence un transporteur maritime.

La directive « déchets », introduit le principe « pollueur-payeur » qui prévoit que le coût lié àl’élimination des déchets doit être supporté soit par les « détenteurs antérieurs », soit par le« producteur du produit générateur de déchets ». La Cour juge que, dans le cas d’hydrocarbures accidentellement déversés en mer, le propriétairedu navire, dans la mesure où il est en possession des hydrocarbures immédiatement avant qu’ilsne se déversent dans l’eau et ne deviennent alors des déchets, peut être qualifié à ce titre de« détenteur » au sens de l’article 1er, sous c), de la directive 75/442.Elle rappelle que, conformément au principe du pollueur-payeur, le producteur est tenu desupporter ces coûts, à condition que par son activité il ait contribué au risque de survenance dela pollution occasionnée par le naufrage du navire.

Pour déterminer les personnes qui doivent supporter le coût de l’élimination des déchets, la Courestime que, s’agissant “d’hydrocarbures accidentellement déversés en mer à la suite dunaufrage d’un navire pétrolier, le juge national peut considérer que le vendeur de ceshydrocarbures et affréteur du navire les transportant a « produit des déchets », si ce juge, au vudes éléments que lui seul est à même d’apprécier, aboutit à la conclusion que cevendeur-affréteur a contribué au risque de survenance de la pollution occasionnée par cenaufrage, en particulier s’il s’est abstenu de prendre les mesures visant à prévenir un telévénement telles que celles concernant le choix du navire. Dans de telles circonstances, leditvendeur-affréteur pourra être considéré comme détenteur antérieur des déchets aux fins del’application de l’article 15, second tiret, première partie, de la directive 75/442.” (point 78).

Ainsi la Cour dit pour droit qu’aux fins de l’application de l’article 15 de la directive 75/442, telleque modifiée par la décision 96/350, au déversement accidentel d’hydrocarbures en mer àl’origine d’une pollution des côtes d’un État membre : “le juge national peut considérer levendeur de ces hydrocarbures et affréteur du navire les transportant comme producteurdesdits déchets, au sens de l’article 1er, sous b), de la directive 75/442, telle que modifiéepar la décision 96/350, et, ce faisant, comme « dét enteur antérieur » aux fins del’application de l’article 15, second tiret, premiè re partie, de cette directive, si ce juge, auvu des éléments que lui seul est à même d’apprécier , aboutit à la conclusion que cevendeur-affréteur a contribué au risque de survenan ce de la pollution occasionnée parce naufrage, en particulier s’il s’est abstenu de p rendre les mesures visant à prévenir untel événement telles que celles concernant le choix du navire ” .

Par ailleurs, la directive « déchet » et notamment l’article 15 de cette directive, ne fait pas

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50 Convention internationale sur la responsabilité civile pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures, adoptée àBruxelles le 29 novembre 1969, modifiée par le protocole signé à Londres le 27 novembre 1992 (JO 2004, L 78, p. 32) ; ConventionFIPOL, portant création d’un Fonds international d’indemnisation des dommages dus à la pollution par les hydrocarbures, adoptéeà Bruxelles le 18 décembre 1971, modifiée par le protocole signé à Londres le 27 novembre 1992 (JO 2004, L 78, p. 40).

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obstacle à ce que les Etats prévoient, en application d’engagements internationaux tels que laconvention sur la responsabilité civile et la Convention FIPOL 50, des limitations ou desexonérations de responsabilité en faveur du propriétaire du navire et de l’affréteur ou la mise enplace d’un fonds tel que le Fonds international d’indemnisation des dommages dus à la pollutionpar les hydrocarbures (FIPOL)qui prenne en charge en lieu et place des « détenteurs » au sensde l’article 1er, sous c), de la directive 75/442, les coûts liés à l’élimination des déchets résultantd’hydrocarbures accidentellement déversés en mer.

Toutefois la Cour dit pour droit que “s’il s’avère que les coûts liés à l’élimination de s déchetsgénérés par un déversement accidentel d’hydrocarbur es en mer ne sont pas pris encharge par ledit fonds ou ne peuvent l’être en rais on de l’épuisement du plafondd’indemnisation prévu pour ce sinistre et que, en a pplication des limitations et/ou desexonérations de responsabilité prévues, le droit na tional d’un État membre, y compriscelui issu de conventions internationales, empêche que ces coûts soient supportés parle propriétaire du navire et/ou l’affréteur de ce d ernier, alors même que ceux-ci sont àconsidérer comme des « détenteurs » au sens de l’ar ticle 1 er, sous c), de la directive75/442, un tel droit national devra alors permettre , pour assurer une transpositionconforme de l’article 15 de cette directive, que le sdits coûts soient supportés par leproducteur du produit générateur des déchets ainsi répandus. Cependant, conformémentau principe du pollueur-payeur, un tel producteur n e peut être tenu de supporter cescoûts que si, par son activité, il a contribué au r isque de survenance de la pollutionoccasionnée par le naufrage du navire.” (point 90).

p pp

The International Association of Independent Tanker Owners e.a.

Arrêt de Grande chambre3 juin 2008

- Affaire C-308/06 -

«Transport maritime - Pollution causée par les navires - Directive 2005/35/CE - Validité - Convention deMontego Bay - Convention Marpol 73/78 - Effets juridiques - Invocabilité - Négligence grave - Principe

de sécurité juridique »

T Faits :

Plusieurs sociétés importantes du secteur du transport maritime international ont introduit uneaction conjointe devant la High Court of Justice contre le ministre britannique des Transports ausujet de la transposition envisagée de la directive 2005/35/CE du Parlement européen et duConseil, du 7 septembre 2005, relative à la pollution causée par les navires et à l’introductionde sanctions en cas d’infractions.

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51 Voir, CJCE International Fruit Company e.a., du 12 décembre 1972 ( 21/72 à 24/72), Rec. p. 1219, point 7.

52 Voir, CJCE, IATA et ELFAA, du 10 janvier 2006 (C-344/04), Rec. p. I-403, point 39.

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T Droit communautaire en cause et questions préjudici elles :

Le litige porte sur le point de savoir si les artic les 4 et 5 de la directive 2005/35 sontcompatibles avec la convention des Nations unies su r le droit de la mer, signée àMontego Bay le 10 décembre 1982 et avec la conventi on internationale pour la préventionde la pollution par les navires, ainsi que son prot ocole de 1978 (ci-après « Marpol 73/78 »).

Les requérants soutiennent notamment qu’en prévoyant un niveau de responsabilitécorrespondant à une négligence grave, ces articles établiraient un régime de responsabilité plusstrict pour les rejets accidentels que celui prévu à l’article 4 de la convention Marpol 73/78, luen combinaison avec les règles 9 et 11, sous b), de l’annexe I de cette convention ainsi que 5et 6, sous b), de l’annexe II de celle-ci.

T Décision :

Sur les première à troisième questions : A titre préliminaire, la Cour rappelle la hiérarchie desnormes de l’ordre juridique communautaire. Ainsi, en vertu de l’article 300 § 7 CE, les accordsinternationaux conclus par la Communauté bénéficient de la primauté sur les actes du droitcommunautaire. La validité d’une directive peut donc être affectée par le non-respect desnormes internationales. La Cour doit donc vérifier, en application de l’article 234 CE, la validité de l’acte communautaireconcerné au regard de toutes les règles du droit international, sous réserve du respect de deuxconditions : - que la Communauté soit liée au traité international en cause 51 ;

- que la nature et l’économie du traité ne s’opposent pas à un tel contrôle et queles dispositions conventionnelle apparaissent suffisamment inconditionnelles et précises 52.

Les juges du Luxembourg appliquent ensuite les principes sus-mentionnés aux Conventionsinternationales litigieuses : la Convention de Marpol et la Convention de Montego Bay.

S’agissant de la Convention de Marpol, la Cour relève que la Communauté n’est pas partiecontractante à cette dernière. Bien que tous les États membres de la Communauté soient partiescontractantes à la dite convention, elle estime qu’ “en l’absence d’un transfert intégral descompétences précédemment exercées par les États membres à la Communauté, cette dernièrene saurait, en raison du seul fait que tous ces États sont parties contractantes à la conventionMarpol 73/78, être liée par les règles figurant dans celle-ci, qu’elle n’a pas elle-mêmeapprouvées” (point 49).

La Communauté n’est donc pas liée par la Convention. Par conséquent, la Cour ajoute que “laseule circonstance que la directive 2005/35 a pour objet d’incorporer dans le droitcommunautaire certaines règles qui figurent dans cette dernière ne suffit pas, non plus, pour qu’ilappartienne à la Cour de contrôler la légalité de cette directive au regard de ladite convention”(point 50).

En revanche, la Communauté se trouve liée par la Convention de Montego Bay. En effet, cetteConvention a été régulièrement signée et approuvée par la Communauté. Toutefois, la Courrelève que les dispositions de la Convention ne mettent pas en place “des règles destinées às’appliquer directement et immédiatement aux particuliers et à conférer à ces derniers des droitsou des libertés susceptibles d’être invoqués à l’encontre des États, indépendamment de l’attitude

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de l’État du pavillon du navire” (point 64).

Sur la quatrième question : Par cette question, la juridiction de renvoi demand e, ensubstance, si l’article 4 de la directive 2005/35 e st invalide au motif que, en utilisantl’expression « négligence grave », il viole le prin cipe général de sécurité juridique,l’expression n’étant pas définie par le texte selon les demandeurs au principal.

La Cour rappelle “que le principe général de sécurité juridique, qui constitue un principefondamental du droit communautaire, exige, notamment, qu’une réglementation soit claire etprécise, afin que les justiciables puissent connaître sans ambiguïté leurs droits et obligations etprendre leurs dispositions en conséquence.” (point 69).En outre, en obligeant les États membres à considérer certains comportements comme desinfractions et à les sanctionner, l’article 4 de la directive 2005/35, lu en combinaison avec l’article8 de cette dernière, doit également respecter le principe de légalité des délits et des peines(nullum crimen, nulla poena sine lege), qui fait partie des principes généraux du droit se trouvantà la base des traditions constitutionnelles communes aux États membres .Après avoir relevé que cette notion de négligence est présente et déjà appliquée dans tous lessystèmes juridiques des Etats membres, la cour précise la notion de « négligence grave » ences termes : “Dans ces conditions, la notion de « négligence grave » au sens de l’article 4 dela directive 2005/35 doit être entendue comme impliquant une action ou omission involontairepar laquelle la personne responsable viole, d’une manière caractérisée, l’obligation de diligencequ’elle aurait dû et aurait pu respecter compte tenu de ses qualités, de ses connaissances, deses aptitudes et de sa situation individuelle.” (point 77). Elle juge en conséquence, que l’article4 de la directive 2005/35, lu en combinaison avec l’article 8 de cette dernière, n’enfreint pas leprincipe général de sécurité juridique.

La Cour dit pour droit : “1) La validité de la directive 2005/35/CE du Parle ment européen et du Conseil, du 7septembre 2005, relative à la pollution causée par les navires et à l’introduction desanctions en cas d’infractions, ne peut être appréc iée :

- ni au regard de la convention internationale pour la prévention de la pollution parles navires, signée à Londres le 2 novembre 1973, t elle que complétée par le protocole du17 février 1978 ;

- ni au regard de la convention des Nations unies s ur le droit de la mer, signée àMontego Bay le 10 décembre 1982” (point 81).2) L’examen de la quatrième question n’a révélé auc un élément de nature à affecter lavalidité de l’article 4 de la directive 2005/35 au regard du principe général de sécuritéjuridique.”

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ESPACE LIBERTÉ, JUSTICE, SÉCURITÉ

Blaise Baheten Metock

Arrêt de Grande chambre25 juillet 2008

- Affaire C-127/08 -

« Directive 2004/38/CE- Droit des citoyens de l’Union et des membres de leur famille de circuler et deséjourner librement sur le territoire d’un Etat membre - Membres de la famille ressortissants de

pays tiers - Ressortissants de pays tiers entrés dans l’Etat membre d’accueilavant de devenir conjoints d’un citoyen de l’Union »

T Faits :

La Haute Cour d’Irlande a été saisie de quatre affaires distinctes présentant la mêmeproblématique juridique. Ces affaires concernaient des ressortissants africains qui s’étaient vurefuser l’asile politique, refus confirmé par les plus hautes instances judiciaires irlandaises. Entretemps ils se marièrent avec une irlandaise ou une ressortissante communautaire et demandèrentun titre de séjour, en leur qualité de conjoint d’un citoyen travaillant et séjournant en Irlande, envertu de la directive 2004/38 relative à la circulation des citoyens de l’Union et des membres deleur famille.La Haute Cour rejeta leur demande au motif que :- pour trois affaires, les requêtes ne satisfaisaient pas à la condition de séjour préalable dansun autre Etat membre, exigée à l’article 3 § 2 du règlement de 2006 relatif à la libre circulationdes personnes dans les Communautés européennes qui assure la transposition de la directive2004/38 ;- pour la dernière affaire, le ressortissant du pays tiers séjournait illégalement en Irlande lorsqu’ils’est marié avec une citoyenne européenne.

T Droit communautaire en cause et question préjudicie lle :

La directive 2004/38 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004, relative au droit descitoyens de l’Union et des membres de leur famille de circuler et de séjourner librement sur leterritoire des Etats membres prise sur le fondement des articles 12 CE, 18 CE, 40 CE, 44 CEet 52 CE et notamment les articles 3, 5 et 7.

Deux questions préjudicielles sont posées à la Cour :

- La Haute Cour Irlandaise, tout en soulignant qu’aucun des mariages en cause au principal n’estun mariage de complaisance, demande si la directive 2004/38 s’oppose à la régle mentationd’un Etat membre qui exige du ressortissant d’un pa ys tiers, conjoint d’un citoyen del’Union habitant dans cet Etat membre dont il n’a p as la nationalité, d’avoir au préalableséjourné dans un autre Etat membre avant son arrivé e dans l’Etat membre d’accueil pourbénéficier des dispositions de la directive.- Elle demande également si le conjoint d’un citoyen de l’Union qui a exercé son droit de librecirculation en s’établissant dans un Etat membre do nt il n’a pas la nationalité, accompagneou rejoint ce citoyen au sens de l’article 3 § 1 de la directive 2004/38 et, partant, bénéficiedes dispositions de cette directive, indépendamment du lieu et de la date du mariage, ainsique des circonstances dans lesquelles il est entré dans l’Etat membre d’accueil.

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53 Arrêt CJCE, Akrich du 23 septembre 2003, (C-109/01, Rec. p. I-9607)

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T Décision :

Sur la première question, la Cour affirme que la directive 2004/38 s’oppose à une législationnationale, comme celle équivalent à l’Irlande qui exige du ressortissant étranger d’avoir séjournélégalement dans l’Union européenne avant de se marier pour avoir droit à un titre de séjour. Elle justifie sa décision en invoquant les objectifs supérieurs du droit communautaire comme laliberté de circulation des personnes dans l’Union. Elle énonce que “la directive 2004/38 doit êtreinterprétée en ce sens qu’elle s’applique à tout ressortissant d’un pays tiers, membre de lafamille d’un citoyen de l’Union au sens de l’article 2, point 2, de cette directive, qui accompagneou rejoint le citoyen de l’Union dans un État membre autre que celui dont il a la nationalité, et luiconfère des droits d’entrée et de séjour dans cet État membre, sans distinguer selon que leditressortissant d’un pays tiers a ou non déjà séjourné légalement dans un autre État membre”.(point 54).Elle mentionne également “l’importance d’assurer la protection de la vie familiale desressortissants des États membres afin d’éliminer les obstacles à l’exercice des libertésfondamentales garanties par le traité CE” (point 56).La Cour revient explicitement et partiellement sur sa jurisprudence antérieure et notamment sonarrêt Akrich 53 du 23 septembre 2003, qui interprétait le règlement antérieur n/ 1612/68. Elles’appuie sur le troisième considérant de la directive 2004/38 qui a notamment pour objet « derenforcer le droit à la liberté de circulation et de séjour de tous les citoyens de l’Union », “desorte que les citoyens de l’Union ne sauraient tirer moins de droits de cette directive que desactes de droit dérivé qu’elle modifie [cas du règlement n/ 1612/ 68] ou abroge”. (point 59).

Sur la seconde question, la Cour répond en deux temps :

Dans un premier temps, elle rappelle les finalités de la directive 2004/38, à savoir, le droitde tous les citoyens de l’Union de circuler et de séjourner librement sur le territoire des Étatsmembres qui devrait, pour qu’il puisse s’exercer dans des conditions objectives de dignité, êtreégalement accordé aux membres de leur famille quelle que soit leur nationalité. Elle affirmequ’aucune disposition de la directive “n’exige que le citoyen de l’Union ait déjà fondé une familleau moment où il se déplace dans l’État membre d’accueil pour que les membres de sa famille,ressortissants de pays tiers, puissent bénéficier des droits institués par ladite directive”. (point87).Ainsi, le déplacement peut avoir lieu avant que la famille ne soit fondée : “le législateurcommunautaire a au contraire admis la possibilité que le citoyen de l’Union ne fonde une famillequ’après avoir exercé son droit de libre circulation” (point 88) affirme ainsi la Cour.La Cour précise “les termes « les membres de [la] famille [d’un citoyen de l’Union] quil’accompagnent», figurant à l’article 3, paragraphe 1, de ladite directive” (...) “à la lumière de lanécessité de ne pas interpréter les dispositions de la directive 2004/38 de façon restrictive et dene pas les priver de leur effet utile”. Cette notion vise, selon la Cour, “à la fois les membres de la famille d’un citoyen de l’Union quisont entrés avec ce dernier dans l’État membre d’accueil et ceux qui séjournent avec lui danscet État membre, sans, dans ce second cas, qu’il y ait lieu de distinguer selon que lesressortissants de pays tiers sont entrés dans ledit État membre avant ou après le citoyen del’Union ou avant ou après être devenus membres de sa famille.” (point 93).

Dans un second temps, la Cour expose les limites de son interprétation de la directive.Elle indique que “Dès le moment où le ressortissant d’un pays tiers, membre de la famille d’uncitoyen de l’Union, tire de la directive 2004/38 des droits d’entrée et de séjour dans l’Étatmembre d’accueil, celui-ci ne peut restreindre ce droit que dans le respect des articles 27 et 35

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de cette directive.” (point 95). Ainsi l’Etat ne peut intervenir lorsqu’il “souhaite sanctionner leressortissant d’un pays tiers pour être entré et/ou avoir séjourné sur son territoire en violationdes règles nationales en matière d’immigration, avant de devenir membre de la famille d’uncitoyen de l’Union. Toutefois, même si le comportement personnel de l’intéressé ne justifie pas l’adoption demesures d’ordre public ou de sécurité publique, au sens de l’article 27 de la directive 2004/38,l’État membre reste en droit de prendre à son encontre d’autres sanctions non attentatoires àla liberté de circulation et de séjour, telle une amende, à condition qu’elles soient proportionnées”(point 96 et 97).

La Cour dit pour droit : “1) La directive 2004/38/CE du Parlement européen e t du Conseil, du 29 avril 2004, relativeau droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et deséjourner librement sur le territoire des États mem bres, modifiant le règlement (CEE) n ////

1612/68 et abrogeant les directives 64/221/CEE, 68/ 360/CEE, 72/194/CEE, 73/148/CEE,75/34/CEE, 75/35/CEE, 90/364/CEE, 90/365/CEE et 93/96/CEE, s’oppose à la réglementationd’un État membre qui exige du ressortissant d’un pa ys tiers, conjoint d’un citoyen del’Union séjournant dans cet État membre dont il n’a pas la nationalité, d’avoir au préalableséjourné légalement dans un autre État membre avant son arrivée dans l’État membred’accueil pour bénéficier des dispositions de cette directive.

2) L’article 3, paragraphe 1, de la directive 2004/ 38 doit être interprété en ce sens que leressortissant d’un pays tiers, conjoint d’un citoye n de l’Union séjournant dans un Étatmembre dont il n’a pas la nationalité, qui accompag ne ou rejoint ce citoyen de l’Unionbénéficie des dispositions de ladite directive, que ls que soient le lieu et la date de leurmariage ainsi que la manière dont ce ressortissant d’un pays tiers est entré dans l’Étatmembre d’accueil.”

p pp

Inga Rinau11 juillet 2008

- Affaire C-195/08 PPU -

« Coopération judiciaire en matière civile - Compétence judiciaire et exécution des décisions -Exécution en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale -

Règlement (CE) n/ 2201/2003 - Demande de non-reconnaissance d’une décision de retour d’un enfant illicitement retenu dans un autre État membre - Procédure préjudicielle d’urgence »

T Faits et procédure :

Mme Inga Rinau, de nationalité lituanienne, a épousé en 2003, Michael Rinau qui était denationalité allemande. Les époux habitaient en Allemagne. Deux mois après la naissance de leurfille Luisa en 2005, ils se sont séparés, leur fille continuant à vivre avec sa mère. Une procédureen divorce a alors été entamée. En juillet 2006, après avoir obtenu l’accord de son époux pourpartir en vacances pour deux semaines avec sa fille à l’étranger, Mme Rinau a quitté l’Allemagneavec Luisa pour se rendre en Lituanie, où elle est restée et habite jusqu’à présent.En août 2006, l’Amtsgericht Oranienburg (Tribunal d’instance, Allemagne) a confiéprovisoirement la garde de Luisa à son père, décision confirmée en appel le 11 octobre 2006.Le 30 octobre 2006, le mari de la requérante a saisi le tribunal de Lituanie pour obtenir le retourde son enfant en Allemagne mais sa demande fut rejetée. La Cour d’appel reforma cettedécision puis l’arrêt fut cassé par la Cour suprême lituanienne. Après de nombreux recours et

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54 Sources : site Europa

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décisions rendues dans cette affaire, la Cour suprême de Lituanie a été saisie d’une demandede non reconnaissance du jugement le 20 juin 2007 par lequel le tribunal allemand prononçaitle divorce des époux et confiait la garde définitive de Luisa à son père, ce qui obligeait la mère,résidant en Lituanie, à remettre l’enfant au père.

La Cour suprême de Lituanie a décidé de surseoir à statuer et de saisir la Cour de justice descommunautés européennes.

L A noter : Dans cette affaire la Cour a eu à mettre en oeuvre pour la première fois laprocédure préjudicielle d’urgence prévue à l’articl e 104 ter du règlement de procédure.Cette procédure permet de traiter dans un délai considérablement raccourci les questionsrelatives à l’espace de liberté de sécurité et de justice. Elle est ouverte à des questionspréjudicielles qui portent sur la responsabilité parentale, si la compétence du juge national saisiau titre du droit communautaire dépend de la réponse à la question préjudicielle. La demanded’urgence a été motivée en l’espèce en faisant référence au dix-septième considérant durèglement, qui vise le retour sans délai d’un enfant enlevé, et à l’article 11, paragraphe 3, dumême règlement, qui fixe un délai de six semaines à la juridiction saisie d’une demande deretour pour rendre son jugement.

T Droit communautaire et question préjudicielle :

La demande de décision préjudicielle porte sur l’in terprétation du règlement (CE)n//// 2201/2003 du Conseil, du 27 novembre 2003, relatif à la compétence, la reconnaissanceet l’exécution des décisions en matière matrimonial e et en matière de responsabilitéparentale abrogeant le règlement (CE) n //// 1347/2000 (JO L 338, p. 1), ci-après le« règlement ».

L Brèves explications des dispositions du règlement e n cause : 54 Les juridictions de l’Étatmembre où l’enfant a été enlevé peuvent uniquement refuser le retour de l’enfant dans le cas où il existeraitun risque grave pour la santé physique et psychique de l’enfant (en vertu de l'article 13, point b) de laconvention de la Haye de 1980). Selon le règlement, le juge doit ordonner le retour aussi dans ce derniercas s’il est établi que des dispositions adéquates ont été prises pour assurer la protection de l’enfant aprèsson retour. Si une juridiction rend une décision de non-retour, elle doit transférer le dossier à la juridiction compétentede l’Etat membre où l’enfant avait sa résidence habituelle avant son déplacement. Cette juridiction a ledernier mot pour décider si l’enfant doit retourner ou non. Le juge doit donner la possibilité à l’enfant et auxparties d’être entendus et également tenir compte des motifs et des éléments de preuve sur la basedesquels le premier juge a rendu sa décision de non-retour. Si le juge dans l’Etat membre d’origine arriveà une autre décision, à savoir que l’enfant doit retourner, cette décision est automatiquement reconnue etexécutoire dans l’autre Etat membre sans qu’une déclaration constatant la force exécutoire (« suppressionde l’exequatur ») soit nécessaire et sans qu’il soit possible de s’y opposer pourvu que le juge d’origine aitdélivré le certificat prévu. (annexe IV).

Dans cette affaire, la Cour suprême de Lituanie interroge la Cour pour savoir si, malgré la forceexécutoire de la décision allemande de retour, il lui est possible d’examiner la demande de larequérante au motif que la juridiction allemande n’aurait pas suivi les procédures prévues parle règlement communautaire. Elle cherche également à savoir si le tribunal allemand était en droit de certifier la forceexécutoire de la décision de retour, alors que suite à la réformation de la décision de non retourprise par les juridictions lituaniennes, les conditions de délivrance du certificat, telles queprévues par le Règlement, n’étaient plus remplies.

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T Décision :

Le règlement (CE) n/ 2201/2003 du Conseil, du 27 novembre 2003, est fondé sur la conceptionselon laquelle la reconnaissance et l’exécution des décisions rendues dans un État membredoivent reposer sur le principe de la confiance mutuelle et les motifs de non-reconnaissancedoivent être réduits au minimum nécessaire.La Cour relève que le certificat relatif à la force exécutoire ne peut être délivré sans qu’unedécision de non-retour ait été préalablement rendue. Dans l’affaire au principal, la réformationde la décision initiale de refus par la Cour d’appel de Lituanie n’empêche cependant pasl’Amtsgericht Oranienburg de délivrer le certificat.En effet, les incidents procéduraux qui se produisent ou se reproduisent dans l’État membred’exécution, après une décision de non-retour, ne sont pas déterminants et peuvent êtreconsidérés comme sans incidence aux fins de la mise en oeuvre du règlement communautaireen cause.S’il n’en était pas ainsi, le règlement risquerait d’être vidé de son effet utile.

La Cour dit pour droit : “1) Une fois une décision de non-retour prise et po rtée à laconnaissance de la juridiction d’origine, il est sa ns incidence, aux fins de la délivrancedu certificat prévu à l’article 42 du règlement (CE ) n//// 2201/2003 du Conseil, du 27novembre 2003, relatif à la compétence, la reconnai ssance et l’exécution des décisionsen matière matrimoniale et en matière de responsabi lité parentale abrogeant le règlement(CE) n//// 1347/2000, que cette décision ait été suspendue, r éformée, annulée ou, en tout étatde cause, ne soit pas passée en force de chose jugé e ou ait été remplacée par unedécision de retour, pour autant que le retour de l’ enfant n’a pas effectivement eu lieu.Aucun doute n’ayant été émis en ce qui concerne l’a uthenticité de ce certificat et celui-ciayant été établi conformément au formulaire dont le modèle figure à l’annexe IV duditrèglement, l’opposition à la reconnaissance de la d écision de retour est interdite et iln’incombe à la juridiction requise que de constater la force exécutoire de la décisioncertifiée et de faire droit au retour immédiat de l ’enfant.

2) Hormis les cas où la procédure vise une décision certifiée en application des articles11, paragraphe 8, et 40 à 42 du règlement n //// 2201/2003, toute partie intéressée peutdemander la non-reconnaissance d’une décision jurid ictionnelle, même si une demandede reconnaissance de la décision n’a pas été déposé e préalablement.

3) L’article 31, paragraphe 1, du règlement n //// 2201/2003, en ce qu’il prévoit que ni lapersonne contre laquelle l’exécution est demandée n i l’enfant ne peuvent, à ce stade dela procédure, présenter d’observations, n’est pas a pplicable à une procédure denon-reconnaissance d’une décision juridictionnelle, formée sans qu’une demande dereconnaissance ait été préalablement introduite à l ’égard de la même décision. Dans unetelle situation, la partie défenderesse, prétendant à la reconnaissance, peut présenter desobservations” .

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POLITIQUE SOCIALE

S. Coleman contre Attridge Law et Steve Law

Arrêt de Grande chambre17 juillet 2008

- Affaire C-303/06 -

« Politique sociale - Directive 2000/78/CE - Égalité de traitement en matière d’emploi et de travail -Articles 1er, 2, paragraphes 1, 2, sous a), et 3, ainsi que 3, paragraphe 1, sous c) - Discrimination

directe fondée sur le handicap - Harcèlement lié au handicap - Licenciement d’un employé n’ayant paslui-même un handicap, mais dont l’enfant est handicapé - Inclusion - Charge de la preuve »

T Faits :

La requérante au principal a travaillé à partir de 2001 comme Legal secretary pour Attridge Law,un cabinet de solicitors de Londres. En 2002, elle a donné naissance a un enfant dont l’état desanté nécessite des soins spécialisés que lui dispensent sa mère pour l’essentiel. En 2005, larequérante cessa de travailler pour Attridge law dans le cadre d’une formule de départ volontaire.Quelques mois plus tard elle intenta une action à l’encontre de ses anciens employeurs arguantde “constructive dismissal” (licenciement implicite) et de discrimination en raison du handicap.

T Droit communautaire et question préjudicielle :

La demande de décision préjudicielle formée par le London South Employement Tribunalsoulève, pour la première fois, une question relative à la portée de la directive 2000/78/CE duConseil, du 27 novembre 2000, portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité detraitement en matière d’emploi et de travail.

La question posée à la Cour est de savoir si le principe de l’égalité de traitement etl’interdiction de discrimination directe fondée sur le handicap s’appliquent également àun employé qui n’est pas lui-même handicapé, mais q ui, comme dans l’affaire auprincipal, est victime d’un traitement défavorable en raison du handicap dont est atteintson enfant, auquel il prodigue lui-même l’essentiel des soins que nécessite son état.

- L’article 13CE dispose : « Sans préjudice des autres dispositions du présent traité et dans les limites des compétences quecelui-ci confère à la Communauté, le Conseil, statuant à l’unanimité sur proposition de laCommission et après consultation du Parlement européen, peut prendre les mesures nécessairesen vue de combattre toute discrimination fondée sur le sexe, la race ou l’origine ethnique, lareligion ou les convictions, un handicap, l’âge ou l’orientation sexuelle ».

- Selon l’article 1er de la directive 2000/78 du Conseil, du 27 novembre 2000, portant créationd’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail,

« La présente directive a pour objet d’établir un cadre général pour lutter contre la discriminationfondée sur la religion ou les convictions, l’handicap, l’âge ou l’orientation sexuelle, en ce quiconcerne l’emploi et le travail, en vue de mettre en oeuvre, dans les États membres, le principede l’égalité de traitement ».

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55 Arrêt CJCE, Chacón Navas c/ Eurest Colectividades du 11 juillet 2006 (C-13/05, Rec. p. I-6467), résumé dans la veillebimestrielle de droit européen n/ 11 (juillet à octobre 2006), p.35.

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T Décision :

La Cour relève que le principe de l’égalité de traitement visé par la directive 200/78 concernetoutes les formes de discrimination fondées sur le handicap et n’est donc pas limité auxpersonnes ayant elles-mêmes un handicap.

Elle considère que “le fait que la directive 2000/78 comporte des dispositions visant à tenircompte spécifiquement des besoins des personnes handicapées ne permet pas de conclure quele principe de l’égalité de traitement qu’elle consacre doit être interprété de manière restrictive,c’est-à-dire comme interdisant uniquement les discriminations directes fondées sur le handicapet visant exclusivement les personnes handicapées elles-mêmes. Par ailleurs, le sixièmeconsidérant de cette directive, en visant la charte communautaire des droits sociauxfondamentaux des travailleurs, se réfère tant à la lutte générale contre les discriminations soustoutes leurs formes qu’à la nécessité de prendre des mesures appropriées en faveur del’intégration sociale et économique des personnes handicapées”. (point 43).

Citant l’arrêt Chacón Navas 55 du 11 juillet 2006, la Cour expose qu’elle “n’a (...) pas jugé [danscet arrêt] que le principe de l’égalité de traitement et la portée ratione personae de cette directivedoivent, s’agissant de ces motifs, être interprétés de manière restrictive” (point 46).Au contraire, elle estime que toute autre interprétation des dispositions de la directive 2007/78priverait alors celle-ci d’une partie importante de son effet utile.Selon la Cour, la directive ayant pour objectif de lutter contre toutes les formes de discrimination,s’applique non pas à une catégorie de personnes déterminées mais en fonction de la nature dela discrimination. Ainsi, les juges considèrent que “si dans une situation telle que celle en cause au principal, lapersonne qui a fait l’objet d’une discrimination directe fondée sur le handicap n’est paselle-même handicapée, il n’en demeure pas moins que c’est bien le handicap qui, selon MmeColeman, constitue le motif du traitement moins favorable dont elle allègue avoir été la victime”(point 50).

S’agissant de la charge de la preuve, la Cour rappelle le principe selon lequel il revient audemandeur d’établir seulement des faits qui permettent de présumer l’existence d’unediscrimination directe fondée sur le handicap. L’aménagement des règles concernant la chargede la preuve s’impose dès lors qu’il existe une présomption de discrimination.

La Cour dit pour droit : “ La directive 2000/78/CE du Conseil, du 27 novembr e 2000, portantcréation d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et detravail, et, notamment, ses articles 1er et 2, para graphes 1 et 2, sous a), doivent êtreinterprétés en ce sens que l’interdiction de discri mination directe qu’ils prévoient n’estpas limitée aux seules personnes qui sont elles-mêm es handicapées. Lorsqu’unemployeur traite un employé n’ayant pas lui-même un handicap de manière moinsfavorable qu’un autre employé ne l’est, ne l’a été ou ne le serait dans une situationcomparable et qu’il est prouvé que le traitement dé favorable dont cet employé est victimeest fondé sur le handicap de son enfant, auquel il dispense l’essentiel des soins dontcelui-ci a besoin, un tel traitement est contraire à l’interdiction de discrimination directeénoncée audit article 2, paragraphe 2, sous a).”

En ce qui concerne le harcèlement, la Cour procède à un raisonnement identique. Elle rappelleque cette notion est considérée par la directive comme une forme de discrimination qui peut faire

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l’objet d’une définition conforme à la législation nationale de chaque Etat membre. Elle dit pour droit : “La directive 2000/78 et, notamment, ses articles 1 er et 2, paragraphes1 et 3, doivent être interprétés en ce sens que l’i nterdiction de harcèlement qu’ilsprévoient n’est pas limitée aux seules personnes qu i sont elles-mêmes handicapées.Lorsqu’il est prouvé que le comportement indésirabl e constitutif de harcèlement dont unemployé, n’ayant pas lui-même un handicap, est vict ime est lié au handicap de son enfant,auquel il dispense l’essentiel des soins dont celui -ci a besoin, un tel comportement estcontraire à l’interdiction de harcèlement énoncée a udit article 2, paragraphe 3”.

p pp

Centrum voor gelijkheid van kansen en voor racismeb estrijdingcontre Firma Feryn NV

10 juillet 2008- Affaire C-54/07-

« Directive 2000/43/CE - Critères de sélection du personnel discriminatoires - Charge dela preuve - Sanctions »

T Faits :

Le Centre pour l’Egalité des Chances et la Lutte contre le Racisme est l’organisme belge chargéde promouvoir l’égalité de traitement en vertu de la directive 2000/43. Cet organisme a demandéaux juridictions du travail belges de constater que la société Feryn appliquait une politiquediscriminatoire à l’embauche. Des déclarations publiques du directeur de cette entrepriserévèlent que la société en question cherchait à recruter des installateurs, mais qu’elle ne pouvaitembaucher des «allochtones» en raison des réticences de la clientèle à leur donner accès, letemps des travaux, à leur domicile privé.

T Droit communautaire et question préjudicielle : La Cour est interrogée sur l’interprétation de la directive 2000/43/CE du Con seil, du 29 juin2000, relative à la mise en œuvre du principe de l’ égalité de traitement entre les personnessans distinction de race ou d’origine ethnique .

Plus précisément il appartient à la Cour de répondre à la question de savoir si les déclarationssus-mentionnées faites par un employeur dans le cad re d’un processus de recrutementsont constitutives de discrimination, en l’absence de plaignant qui s’estimerait victimed’une discrimination.

T Décision :

La Cour cherche à déterminer dans un premier temps l’existence d’une discrimination directeà l’embauche. Elle relève à cet égard que le fait pour un employeur de déclarer publiquementqu’il ne recrutera pas de salariés ayant une certaine origine ethnique ou raciale “constitue unediscrimination directe à l’embauche au sens de la directive 2000/43 [article 2, paragraphe 2, sousa)]. L’existence d’une telle discrimination directe ne suppose pas que soit identifiable unplaignant soutenant qu’il aurait été victime d’une telle discrimination” (point 25).Les juges soulignent la nécessaire distinction entre la détermination d’une discrimination directeau sens de la directive 2000/43 et la détermination des voies de droit prévues à l’article 7 decette dernière pour faire constater et sanctionner le non-respect du principe de l’égalité de

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traitement. Ainsi, l’article 7 de la directive 2000/43 ne s’oppose pas à ce qu’une législationnationale prévoit “le droit pour les associations ayant un intérêt légitime à faire assurer le respectde cette directive d’engager des procédures judiciaires ou administratives visant à faire respecterles obligations découlant de la directive sans agir au nom d’un plaignant déterminé ou enl’absence de plaignant identifiable.” (point 27).

L’existence d’une discrimination ayant été établie, la Cour se penche dans un second temps surla question du renversement de la charge de la preuve. Elle rappelle que le renversement de lacharge de la preuve prévu à l’article 8 de la directive 2000/43 exige seulement que le demandeurapporte le constat d’une présomption de discrimination. La Cour dit pour droit : “Des déclarations publiques par lesquelles un emplo yeur fait savoirque, dans le cadre de sa politique de recrutement, il n’embauchera pas de salariés ayantune certaine origine ethnique ou raciale suffisent à présumer, au sens de l’article 8,paragraphe 1, de la directive 2000/43, l’existence d’une politique d’embauche directementdiscriminatoire. Il incombe alors à cet employeur d e prouver qu’il n’y a pas eu de violationdu principe de l’égalité de traitement. Il peut le faire en démontrant que la pratique réelled’embauche de l’entreprise ne correspond pas à ces déclarations. Il appartient à lajuridiction de renvoi de vérifier que les faits rep rochés sont établis et d’apprécier si leséléments apportés au soutien des affirmations dudit employeur selon lesquelles il n’a pasviolé le principe de l’égalité de traitement sont s uffisants”.

Pour finir la Cour se prononce sur la détermination de sanctions adaptées à la discrimination àl’embauche. La directive ne prévoit pas de sanctions déterminées mais impose aux Etatsmembres de prévoir des sanctions effectives, proportionnées et dissuasive s. La Cour estime que ces critères sont également applicables en l’absence de victimesidentifiables. Elle énonce ensuite une série d’exemples de sanctions pouvant être adaptées àl’espèce : ces sanctions peuvent “consister dans le constat de la discrimination par la juridictionou l’autorité administrative compétente, assorti du degré de publicité adéquat, le coût de celle-ciétant alors à la charge de la partie défenderesse. Elles peuvent également consister dansl’injonction faite à l’employeur, selon les règles posées par le droit national, de cesser la pratiquediscriminatoire constatée, assortie, le cas échéant, d’une astreinte. Elles peuvent en outreconsister dans l’octroi de dommages et intérêts à l’organisme qui a mené la procédure” (point39).

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PRINCIPES DU DROIT COMMUNAUTAIRE

James Wood c. Fonds de Garantie5 juin 2008- C-164/07 -

« Article 12 CE - Discrimination en raison de la nationalité - Indemnisation servie par le Fonds degarantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions - Exclusion»

T Faits :

Le requérant est un ressortissant britannique qui vit en France depuis plus de 20 ans. Il a eu,avec sa concubine, ressortissante française, trois enfants qui possèdent la nationalité française.Sa fille est décédée en 2004 dans un accident de la circulation alors qu’elle effectuait un stageen Australie. La mère et les frères se sont vus accorder, par la Commission d’indemnisation desvictimes d’infractions du TGI de Nantes, une indemnisation des préjudices matériels et morauxliés au décès. En revanche, le fonds de garantie a refusé d’indemniser le père de la victime, aumotif que ce dernier n’avait pas la nationalité française.

T Droit communautaire en cause :

Par décision du 16 mars 2006, la Commission d’indemnisation du Tribunal de grande instancede Nantes a suspendu la procédure dont elle était saisie et a posé la question préjudiciellesuivante à la Cour :

« Au regard du principe général de non-discriminati on en raison de la nationalité, énoncéà l’article 7 du Traité de Rome, les dispositions d e l’article 706-3 du code français deprocédure pénale sont-elles compatibles ou non avec le droit communautaire en ce qu’unressortissant de la Communauté européenne, résidant en France, père d’un enfant denationalité française, décédé hors du territoire na tional, serait exclu du bénéfice del’indemnisation servie par le Fonds de Garantie, au seul motif de sa nationalité ? »

T Décision :

La Cour rappelle le contenu du principe de non discrimination et ses limites. A situationcomparable, elle admet une différence de traitement sous réserve de respecter deux critères.D’une part, la différence de traitement doit être justifiée par des considérations objectives,indépendantes de la nationalité des personnes. D’autre part, cette différence de traitement doitêtre proportionnée à l’objectif légitimement poursuivi.

En l’espèce, la Cour considère, au regard du préjudice subi à la suite du décès accidentel deleur enfant en dehors du territoire de la Communauté, que le requérant et son épouse setrouvent dans une situation comparable. Hormis leur nationalité, leur situation ne se distinguepas pour ce qui concerne les conditions de leur droit à indemnisation. Or, les juges constatentque seule l’épouse peut bénéficier de l’indemnisation en raison de sa nationalité française.

Dans la mesure où la différence de traitement est explicitement et uniquement fondée sur lanationalité, la Cour dit pour droit : “Le droit communautaire s’oppose à la législationfrançaise qui exclut les ressortissants des autres États membres, qui résident ettravaillent sur son territoire, du bénéfice d’une i ndemnisation destinée à réparer lesdommages qui résultent des atteintes à la personne causées par une infraction qui n’a

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pas été commise sur le territoire de cet État, au s eul motif de leur nationalité” .

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PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE

O2 Holdings Limited, O2 (UK) Limited c/ Hutchison 3 G UK Limited12 juin 2008

- Affaire C-533/06 -

« Marques - Directive 89/104/CEE - Article 5, paragraphe 1 - Droit exclusif du titulaire de la marque -Directives 84/450/CEE et 97/55/CE - Article 3 bis, paragraphe 1 - Conditions de licéité

de la publication comparative »

T Faits et procédure :

Les parties requérantes O2 et O2 (UK) sont prestataires de services de téléphonie mobile ettitulaires de deux marques nationales figuratives enregistrées au Royaume-Uni. Elles utilisentdes images de bulles pour promouvoir leurs services. La partie défenderesse H3G est également prestataire de services de téléphonie mobile et aucours de l’année 2004, elle a engagé une campagne publicitaire utilisant le nom O2 et le dessinde bulles en noir et blanc. L’objet de cette publicité était de comparer le prix de ses servicesavec ceux proposés par O2 et O2 (UK).

Les compagnies O2 et O2 (UK) considèrent que l’utilisation par H3G d’un signe similaire à leursmarques bulles dans le cadre d’une publicité comparative porte atteinte à leur droit exclusif queleur confère leurs marques.Elles ont alors introduit une action en contrefaçon de leurs bulles à l’encontre de H3G, devantla Haute Cour de Justice du Royaume-Uni. Mais cette action fût rejetée par un arrêt du 23 mars 2006 aux motifs que l’utilisation des imagesde bulles relevait certes de l’article 5 §1 b) de la directive 89/104, mais que la publicité en causeétait conforme à l’article 3bis de la directive 84/450. O2 et O2 (UK) ont formé un recours contre cet arrêt devant la Cour d’Appel. La juridiction de renvoi décida de surseoir à statuer et de poser à la CJCE les questionspréjudicielles relatives à l’interprétation de l’article 5 §1 b) de la directive 89/104 et de l’article3bis §1 de la directive 84/450.

L’article 5 §1 b) de la directive 89/104 intitulée « droits conférés par la marque » dispose que :« 1. La marque enregistrée confère à son titulaire un droit exclusif. Le titulaire est habilité àinterdire à tous tiers, en l’absence de son consentement, de faire usage, dans la vie des affaires :

(...)b) d’un signe pour lequel, en raison de son identité ou de sa similitude avec la marqueet en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services couverts par lamarque et le signe, il existe, dans l’esprit du public, un risque de confusion qui comprendle risque d’association entre le signe et la marque ».

L’article 3bis §1 de la directive 84/450 dispose :« Pour autant que la comparaison est concernée, la publicité comparative est licite dès lors queles conditions suivantes sont satisfaites :a) elle n’est pas trompeuse au sens de l’article 2 point 2, de l’article 3 et de l’article 7 paragraphe1 ;[…]d) elle n’engendre pas de confusion sur le marché entre l’annonceur et un concurrent ou entre lesmarques, noms commerciaux, autres signes distinctifs, biens ou services de l’annonceur et ceuxd’un concurrent ;

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e) elle n’entraîne pas le discrédit ou le dénigrement des marques, noms commerciaux, autressignes distinctifs, biens, services, activités ou situation d’un concurrent ;[…]g)elle ne tire pas indûment profit de la notoriété attachée à une marque, à un nom commercial ouà d’autres signes distinctifs d’un concurrent ou de l’appellation d’origine de produits concurrents ;h) elle ne présente pas un bien ou un service comme une imitation ou une reproduction d’un bienou d’un service portant une marque ou un nom commercial protégés. »

T Droit communautaire et questions préjudicielles :

- sur l’interprétation de l’article 5 §1 b) de la directive 89/104 : la juridiction de renvoi chercheà savoir si le titulaire d’une marque enregistrée e st habilité à faire interdire l’usage par untiers, dans une publicité comparative, d’un signe s imilaire à sa marque, alors même quecet usage ne fait pas naître dans l’esprit du publi c un risque de confusion.

- sur l’interprétation de l’article 3bis §1 de la directive 84/450 : la juridiction souhaite savoir si,dans le cadre d’une publicité comparative, l’usage de la marque ou d’un signe similaireà celle d’un concurrent doit avoir un caractère « i ndispensable » pour être licite. (êtreconforme à l’article 3bis §1 de la directive 84/450 ).

T Décision :

- La Cour procède à quelques observations liminaires relatives à la relation entre les directives89/104 et 84/450.Elle étudie les moyens de concilier la protection des marques enregistrées telle que prévue parl’article 5 §1 b) de la directive 89/104 et l’utilisation de la publicité comparative conditionnée parl’article 3bis §1 de la directive 84/450.Ainsi, dans l’hypothèse de l’utilisation par un annonceur, dans une publicité comparative, d’unsigne identique ou similaire à la marque d’un concurrent, soit le concurrent n’établit pasl’existence d’un risque de confusion et, partant, n’est pas habilité à faire interdire l’utilisation dece signe sur le fondement de l’article 5, paragraphe 1, sous b), de la directive 89/104, soit ilétablit l’existence d’un risque de confusion et, partant, l’annonceur ne peut s’opposer à une telleinterdiction en application de l’article 3 bis, paragraphe 1, de la directive 84/450, faute pour lapublicité en cause de satisfaire à toutes les conditions énoncées à cette disposition.Selon la Cour, les articles 5, paragraphes 1 et 2, de la directive 89/104 et 3 bis, paragraphe 1,de la directive 84/450 doivent être interprétés en ce sens que le titulaire d’une marqueenregistrée n’est pas habilité à interdire l’usage, par un tiers, dans une publicité comparative quisatisfait à toutes les conditions de licéité énoncées audit article 3 bis, paragraphe 1, d’un signeidentique ou similaire à sa marque.Toutefois, lorsque les conditions requises à l’article 5, paragraphe 1, sous b), de la directive89/104 pour interdire l’usage d’un signe identique ou similaire à une marque enregistrée sontréunies, il est exclu que la publicité comparative dans laquelle ce signe est utilisé satisfasse àla condition de licéité énoncée à l’article 3 bis, paragraphe 1, sous d), de la directive 84/450, telleque modifiée par la directive 97/55.

- Sur la première question relative à l’interprétation de l’article 5 §1 b) de la directive 89/104 :

La Cour rappelle le champ d’application de l’article 5 §1 b). Celui-ci ne s’applique que dans lecas de l’usage d’un signe identique à la marque enregistrée. En l’espèce, H3G n’a utilisé qu’un signe similaire aux marques bulles telles qu’enregistrées parO2 et O2 (UK).La Cour en déduit donc que la disposition de l’article 5 §1 b) n’est pas susceptible de s’appliquer

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56 Notamment arrêts CJCE, Arsenal Football Club, du 12 novembre 2002 (aff. C-206/01),et Anheuser-Busch, du 16 novembre 2004(aff. C-245/02), Rec. p. I-10989.

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et qu’elle n’a pas à l’interpréter.

- Sur l’interdiction d’un tiers à faire usage d’une marque enregistrée alors qu’il ne fait pas naîtredans l’esprit du public un risque de confusion :

La Cour se fonde sur une jurisprudence constante 56 selon laquelle “le titulaire d’une marqueenregistrée ne peut interdire l’usage par un tiers d’un signe identique ou similaire (...) que si lesquatre conditions suivantes sont réunies : 1) l’usage doit avoir lieu dans les affaires 2) il doit être fait sans le consentement du titulaire de la marque 3) il doit être fait pour des produits ou des services identiques ou similaires à ceux pourlesquels la marque a été enregistrée. 4) il doit porter atteinte ou être susceptible de porter atteinte à la fonction essentielle de lamarque, qui est de garantir aux consommateurs la provenance des produits ou des services, enraison d’un risque de confusion dans l’esprit du public. (point 57).Ainsi, s’il existe un risque de confusion dans l’esprit du public, l’article 5 §1 b) a alors vocationà s’appliquer.

La Cour précise le terme « confusion » comme étant “le risque que le public puisse croire queles produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou, le cas échéant,d’entreprises liées économiquement (...). Ainsi, l’usage du signe identique ou similaire à lamarque qui fait naître un risque de confusion dans l’esprit du public porte atteinte ou estsusceptible de porter atteinte à la fonction essentielle de la marque” (point 59).

En l’espèce, sur ces quatre conditions cumulatives, les trois premières sont réunies. Maisl’usage par H3G d’images de bulles similaires aux marques bulles de O2 et O2 (UK) n’a pas faitnaître un risque de confusion dans l’esprit des consommateurs. La publicité n’était pastrompeuse et ne suggérait pas de lien commercial entre les compagnies en cause. La quatrième condition permettant au titulaire d’une marque enregistrée d’interdire à un tiersl’usage d’un signe similaire à sa marque fait défaut dans l’affaire.

En conséquence, la Cour dit pour droit : “l’article 5, paragraphe 1, sous b), de la directiv e89/104 doit être interprété en ce sens que le titul aire d’une marque enregistrée n’est pashabilité à faire interdire l’usage par un tiers, da ns une publicité comparative, d’un signesimilaire à cette marque pour des produits ou des s ervices identiques ou similaires àceux pour lesquels ladite marque a été enregistrée, lorsque cet usage ne fait pas naître,dans l’esprit du public, un risque de confusion, et ce indépendamment du fait que laditepublicité comparative satisfait ou non à toutes les conditions de licéité énoncées àl’article 3 bis de la directive 84/450” (point 69).

- Sur la question de savoir si, dans le cadre d’une publicité comparative, l’usage de la marqueou d’un signe similaire à celle d’un concurrent doit avoir un caractère « indispensable » pour êtrelicite (être conforme à l’article 3bis §1 de la directive 84/450).

La Cour répond que la juridiction de renvoi n’a sollicité l’interprétation de cette disposition quedans l’hypothèse où la réponse à la première question préjudicielle serait positive. En conséquence, elle ne se prononce pas sur cette question (points 71 et 72).

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AFFAIRES COMMUNAUTAIRES

A SUIVRE :

CONCLUSIONS DES AVOCATS GÉNÉRAUX

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COOPÉRATION JUDICIAIRE ET POLICIÈRE EN MATIÈRE PÉNA LE

György Katz contre István Roland Sós

Conclusions de l’Avocat général Mme Juliane Kokottprésentées le 10 juillet 2008

- Affaire C-404/07 -

«Coopération policière et judiciaire en matière pénale - Décision-cadre 2001/220 - Protection desvictimes - Accusation privée substitutive - Déposition en tant que témoin »

T Faits :

M. Katz, membre du ministère public, estimant que M. Sos l’avait trompé et lui avait ainsi causéun préjudice particulièrement grave avait engagé, à titre d’accusateur privé substitutif, despoursuites contre celui-ci devant les juridictions autrichiennes. Dans le cadre de cette procédure,M. Katz demanda a être entendu comme témoin. Sa demande fut rejetée au motif qu’un membredu ministère public ne pouvant être admis comme témoin, tel devait également être le cas d’unaccusateur privé substitutif.

T Droit communautaire et question préjudicielle :

Les juridictions hongroises de renvoi ont saisi la Cour d’une question préjudicielle portant sur lacompatibilité de la décision de rejet avec la décision-cadre 2001/220 du Conseil, du 15 mars2001, relative au statut des victimes dans le cadre de procédures pénales.

La question posée à la Cour est la suivante : « Les articles 2 et 3 de la décision-cadre 2001/220/JAI du Conseil, du 15 mars 2001, relative austatut des victimes dans le cadre de procédures pénales, doivent-ils être interprétés en ce sensque la juridiction nationale doit se voir garantir la possibilité d’entendre comme témoin la victimed’une infraction dans le cadre également d’une procédure d’accusation privée substitutive ? »

T Conclusions :

L’Avocat général propose la réponse suivante :“Selon l’article 3, première phrase, de la décision -cadre 2001/220/JAI, du 15 mars 2001,relative au statut des victimes dans le cadre de pr océdures pénales, la victime d’un crimequi exerce, dans le cadre d’une procédure pénale vi sant cette infraction, les fonctions del’accusation à la place de l’autorité publique char gée des poursuites, doit avoir lapossibilité d’apporter, par sa déposition, des preu ves dans ladite procédure. Il n’esttoutefois pas nécessaire de donner à une telle vict ime le statut de témoin si le droit de laprocédure pénale national applicable lui offre en t out état de cause la possibilité dedéposer devant les tribunaux et que cette dépositio n constitue un moyen de preuvevalable.”

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POLITIQUE SOCIALE

Svenska staten genom Tillsynsmyndigheten i Konkurse r contre AndersHolmqvist

Conclusions de l’Avocat général M. Dámaso Ruiz-Jarabo Colomerprésentées le 3 juin 2008

- Affaire C-310/07 -

« Rapprochement des législations - Protection des travailleurs salariés en cas d’insolvabilité del’employeur - Directive 80/987/CEE - Activités réalisées dans deux États membres au moins - Notion »

T Faits :

M. Holmqvist travaillait comme chauffeur pour le compte de la société Jörgen Nilsson Akeri ochSpedition AB, entreprise ayant son activité principale en Suède et ne possédant aucunereprésentation commerciale en dehors de ce pays. Il fournissait pour le compte de cetteentreprise des services d’enlèvement de marchandises en Italie qu’il livrait ensuite en Suède.Il était également chargé de la supervision des opérations de chargements et de déchargementsen Suède mais également en Italie. Dans le cadre de cette activité professionnelle entre laSuède et l’Italie, M. Holmqvist traversait par route le territoire de l’Autriche et de l’Allemagne.

L’entreprise a été déclarée en faillite le 10 avril 2006. Le curateur a alors admis M. Holmqvist aubénéficie de la garantie salariale qui lui revenait, en vertu d’une loi nationale suédoisetransposant la directive 80/987 du Conseil, concernant le rapprochement des législations desÉtats membres relatives à la protection des travailleurs salariés en cas d’insolvabilité del’employeur. Or, l’autorité de contrôle dans les procédures de faillite saisit les tribunaux suédoisen soutenant que M. Holmqvist ne pouvait bénéficier de la garantie salariale dans la mesure oùil accomplissait ses fonctions dans d’autres États membres, différents de la Suède, et qu’il luiappartenait donc de faire valoir ses droits dans ces autres États membres.

T Droit communautaire et questions préjudicielles :

La Cour est appelée à interpréter la directive 80/987/CEE du Conseil, du 20 octobre 1980,concernant le rapprochement des législations des États membres relatives à la protection destravailleurs salariés en cas d’insolvabilité de l’employeur, modifiée en dernier lieu par la directive2002/74/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 septembre 2002.

La juridiction suédoise interroge la Cour sur les quatre points suivants : «1) L’article 8 bis de la directive 80/987/CEE du Conseil, du 20 octobre 1980, concernant lerapprochement des législations des États membres relatives à la protection des travailleurssalariés en cas d’insolvabilité de l’employeur, modifiée en dernier lieu par la directive 2002/74/CEdu Parlement européen et du Conseil, signifie-t-il qu’il faut qu’une entreprise dispose d’une filialeou d’un centre d’activité permanent dans un État membre pour qu’elle soit considérée commeayant des activités sur son territoire?2) Dans la négative, quels sont les conditions requises pour qu’une entreprise soit considéréecomme ayant des activités dans plusieurs États membres?3) Si l’entreprise doit être considérée comme ayant des activités sur le territoire de plusieurs Étatsmembres et qu’un travailleur exerce son travail pour le compte de celle ci dans plusieurs de cesÉtats membres, selon quels critères est déterminé le lieu où le travail est exercé habituellement?4) L’article 8 bis de la directive 80/987/CEE du Conseil, du 20 octobre 1980, concernant le

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rapprochement des législations des États membres relatives à la protection des travailleurssalariés en cas d’insolvabilité de l’employeur, modifiée en dernier lieu par la directive 2002/74/CEdu Parlement européen et du Conseil, a-t-il un effet direct ? ».

T Conclusions :

L’avocat général propose les conclusions suivantes : “L’article 8 bis de la directive 80/987/CEE du Cons eil, du 20 octobre 1980, concernant lerapprochement des législations des États membres re latives à la protection destravailleurs salariés en cas d’insolvabilité de l’e mployeur, modifiée en dernier lieu par ladirective 2002/74/CE du Parlement européen et du Co nseil du 23 septembre 2002, doit êtreinterprété en ce sens qu’il n’exige pas qu’une entr eprise dispose d’une filiale ou d’uncentre d’activité permanent pour considérer qu’elle exerce une activité dans, au moins,deux États membres.

Pour considérer qu’une entreprise exerce son activi té dans plusieurs États membres, ilfaut pondérer deux critères : premièrement, l’infra structure en moyens matériels ethumains indispensable, couplée à une vocation de pe rmanence, dans un autre Étatmembre ; deuxièmement, le rattachement social et li nguistique des travailleurs quiréclament la créance à l’institution de garantie.

Le lieu dans lequel le travailleur accomplit ou acc omplissait « habituellement son travail »est celui où sont versées les cotisations sociales correspondantes destinées à couvrirl’éventuelle réclamation de salaires, hormis dans l e cas où, à titre exceptionnel, letravailleur est rattaché par un lien social ou ling uistique à un autre territoire de l’Union.”

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RECOURS EN MANQUEMENT

Commission des Communautés européennes contreRépublique française

Conclusions de l’Avocat général M. JÁn Mazákprésentées le 5 juin 2008

- Affaire C-121/07 -

« Manquement d’État - Directive 2001/18/CE - Dissémination volontaire dans l’environnement et misesur le marché d’organismes génétiquement modifiés - Arrêt de la Cour constatant un manquement -

C-419/03 - Inexécution partielle - Article 228 CE - Application de sanctions pécuniaires »

T Requête de la Commission :

La Commission demande à la Cour de constater que la République française n’a pas exécutél’arrêt de la Cour, Commission/France du 15 juillet 2004 (aff. C-419/03). La Commission avait initialement demandé le paiement d’une astreinte de 366 744 euros parjour de retard dans l’exécution de l’arrêt C-419/03, précité, et ce, à compter du prononcé del’arrêt. En outre, elle demande que la République française soit condamnée au paiement d’unesomme forfaitaire.

Dans l’arrêt litigieux la Cour avait jugé : “qu’en ne prenant pas, dans le délai prévu, lesdispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour transposer dans sondroit interne les dispositions de la directive 2001/18/CE du Parlement européen et du Conseil,du 12 mars 2001, relative à la dissémination volontaire d’organismes génétiquement modifiésdans l’environnement et abrogeant la directive 90/220/CEE du Conseil, qui divergent ou vontau-delà de celles de la directive 90/220/CEE du Conseil, du 23 avril 1990, relative à ladissémination volontaire d’organismes génétiquement modifiés dans l’environnement, laRépublique française a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de la directive2001/18”.

T Conclusions :

L’Avocat général propose à la Cour de faire droit à la requête de la Commission et de :“ - déclarer que, en ne prenant pas toutes les mesu res que comporte l’exécution de l’arrêtde la Cour de justice du 15 juillet 2004 dans l’aff aire C-419/03 concernant lanon-transposition dans son droit interne des dispos itions de la directive 2001/18/CE duParlement européen et du Conseil, du 12 mars 2001, relative à la dissémination volontaired’organismes génétiquement modifiés dans l’environn ement et abrogeant la directive90/220/CEE du Conseil qui divergent ou vont au-delà de celles de la directive 90/220/CEEdu Conseil, du 23 avril 1990, relative à la dissémi nation volontaire d’organismesgénétiquement modifiés dans l’environnement, la Rép ublique française a manqué auxobligations qui lui incombent en vertu de l’article 228, paragraphe 1, du traité instituantla Communauté européenne ;- condamner la République française à payer à la Co mmission, sur le compte« Ressources propres de la Communauté européenne », une astreinte d’un montant de235 764 euros par jour de retard dans l’exécution d e l’arrêt C-419/03, précité, et ce, àcompter du prononcé de l’arrêt rendu dans la présen te affaire jusqu’au jour de l’exécutioncomplète de l’arrêt dans l’affaire C-419/03, Commis sion/France” .

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57 - Source de la jurisprudence étrangère : Bulletin Reflets n/ 2, 2008, disponible sur le site : http://curia.europa.eu/fr/coopju/apercu_reflets/lang/index.htm, sous la rubrique « Le Droit de l’Union en Europe », Jurisprudencenationale et internationale.

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DÉCISIONS

D’AUTRES HAUTES INSTANCES

JURIDICTIONNELLES

FRANÇAISES ET ÉTRANGÈRES 57

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COUR CONSTITUTIONNELLE FÉDÉRALE de Rhénanie-du-Nord -Westphalie -ALLEMAGNE -

Bundesverfassungsgericht

arrêt du 27 février 2008- 1 BvR 370/07; 1 BvR 597/07 -

« Droits fondamentaux - Confidentialité et intégrité des systèmes informatiques - perquisitions en lignes - conditions - accord préalable d’un juge - respect du principe de proportionnalité - menaces

concrètes contre des vies humaines ou contre l’Etat »

T Faits :

La Cour a été saisie de plaintes contre une loi du Land de Rhénanie-du-Nord-Westphalieautorisant le service de la protection de la Constitution de ce Land à réaliser des perquisitionsen lignes. Ce procédé permet de s’introduire dans les ordinateurs personnels, notamment demanière secrète au moyen de “chevaux de Troie”.

T Décision :

La Cour après avoir relevé l’importance croissante des ordinateurs portables comme moyend’épanouissement personnel, et en rappelant les risques d’atteintes à la vie privée, relèvel’insuffisance des droits fondamentaux traditionnels garantis par la Loi fondamentale et desprincipes développés par sa propre jurisprudence pour faire face aux dangers des nouvellestechnologies. Pour y pallier, elle reconnaît un nouveau droit fon damental, rattaché aux droits de lapersonnalité (art. 2§1 et art. 1§1 de la Loi fondam entale), celui de la protection de laconfidentialité et de l’intégrité des systèmes info rmatiques.

La conformité d’une loi à ce nouveau principe répond au respect du principe de proportionnalité.En l’espèce, pour être admissibles les perquisitions en ligne doivent reposer sur des indicesréels de menace concrète sur la vie humaine, la liberté d’une personne ou l’existence de l’Etat.

Par conséquent, la Cour admet le principe des perquisitions en ligne sous réserve d’un certainnombre de conditions protectrices de la sphère privée. Mais, en l’espèce, ces conditions n’étantpas remplies, elle déclare la loi inconstitutionnelle.Afin de pallier à ce défaut de constitutionnalité, le législateur devra prendre des mesures afin deprotéger la sphère totalement privée et de soumettre les perquisitions en ligne à l’accordpréalable d’un juge.

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58 Arrêt de Grande chambre, Ordre des barreaux francophones et germanophone e.a., du 26 juin 2007, (aff. C- 305/05), résumédans la veille bimestrielle de droit européen n/ 15 (juin, juillet, août 2007), p. 65.

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COUR CONSTITUTIONNELLE - Belgique-

Cour constitutionnelle

23 janvier 2008- req. n/ 10/2008 -

« Rapprochement des législations - prévention de l’utilisation du système financier aux fins dublanchiment de capitaux - directive 91/308 - obligations d’information et de coopération imposées aux

avocats - limites - secret professionnel et intervention du bâtonnier »

T Faits :

La Cour constitutionnelle avait été saisie d’un recours en annulation contre plusieurs dispositionsde la loi belge du 12 janvier 2004 transposant dans l’ordre interne la directive 2001/97 relativeà la prévention de l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux.

T Décision :

La Cour constitutionnelle belge avait saisi la Cour de Justice des Communautés européennesd’une question préjudicielle. La question de la Cour Suprême belge portait sur la compatibilitéde la directive avec le droit à un procès équitable dans la mesure ou le texte communautairelitigieux avait pour effet d’étendre aux avocats l’obligation d’informer les autorités responsablesde la lutte contre le blanchiment de capitaux de tout fait pouvant être l’indice d’un telblanchiment.La CJCE déclara la directive compatible avec le droit à un procès équitable 58.

A la suite de cette décision, la Cour constitutionnelle belge ne s’est pas contentée d’appliquerla solution de la CJCE. Au contraire, et en premier lieu, elle a partiellement annulé la dispositionlégislative permettant aux employés ou représentants d’un avocat de procéder personnellementà la communication d’informations lorsque l’avocat ne peut y procéder lui-même, sur lefondement de la violation par ce texte du principe de protection du secret professionnel. Ensecond lieu, elle a procédé à une nouvelle interprétation des dispositions attaquées à la lumièrede l’impératif de protection du secret professionnel, sur lesquelles la Cour de justice ne s’étaitpas prononcée.

La Cour a ainsi rappelé l’importance de la relation de confiance entre l’avocat et son client quiimplique la règle du secret professionnel comme élément fondamental des droits de la défense.Ce faisant, la levée du secret professionnel ne peut être justifiée que par un motif impérieux etdoit être strictement proportionnée. Appliqués à l’espèce, ces principes conduisent la Cour à juger que si la lutte contre le crimeorganisé constitue un objectif d’intérêt général, il ne justifie pas une levée inconditionnelle ouillimitée du secret professionnel de l’avocat. En outre, elle relève que le secret professionnel del’avocat s’étend au delà de ses activités de défense, à son activité de conseil juridique mêmeen dehors de toute procédure judiciaire.

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De surcroît la Cour rappelle que, dans l’exercice d’activités autres que le conseil et la défense,l’avocat est soumis à une obligation d’information. Ces informations doivent être transmises aubâtonnier. Dans ces cas limités, l’avocat cesse d’agir pour le compte de son client. La relationde confiance avocat-client, objet de la protection, est alors rompu de sorte que l’interdiction dedivulgation d’informations cesse également.

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AREIOS PAGOS (Cour de Cassation) - Grèce -

Avis du Procureur auprés de l’Areios Pagos (Cour de Cassation)

30 octobre 2007- req. n/ 14/2007 -

« Protection des données à caractère personnel - notion - données portant sur des infractions pénalescollectées lors de manifestations publiques - exclusion - utilisation comme moyens de preuve dans les

procédures pénales - admissibilité - conditions »

T Faits :

L’avis du Procureur fait suite à une demande du Chef de la Police hellénique relativement à laconstitutionnalité de la collecte, du traitement et de l’usage comme moyens de preuve dans lesprocédures pénales de données à caractère personnel réunies lors de manifestations publiqueste politiques.

T Décision :

Le Procureur rappelle dans un premier temps le respect nécessaire des principes de liberté deréunion et de liberté d’expression. Ces principes fondamentaux doivent toutefois s’exercer demanière paisible et non violente. En cas contraire, le principe de respect de l’ordre public justifiele recours à la police pour arrêter les auteurs des troubles et pour réunir les moyens de preuveétablissant leur responsabilité. Il estime que ces moyens incluent ceux offerts par les nouvellestechnologies, dont les procédés de vidéo surveillance et tout autre procédé de recueil d’imagesdigitales.

Dans un second temps, le Procureur examine l’éventuelle couverture des données collectéespar de tels moyens de preuve par les dispositions légales relatives à la protection des donnéespersonnelles. Il est d’avis qu’un acte criminel ne peut être qualifié de « donnée personnelle » etne peut donc bénéficier de cette protection en cas de procédure pénale. En outre, il relève qu’enmatière pénale, la recherche de la vérité substantielle constitue un principe constitutionnel quine saurait être limité par des obligations formelles.

Si le Procureur considère qu’il n’y pas d’atteinte aux droits fondamentaux s’agissant dutraitement de données recueillies par les organes de police, sa position est différente en ce quiconcerne le traitement des données collectées par des particuliers. Il estime que les donnéescollectées par les particuliers, notamment par les professionnels des médias, ne constituent pasdes pièces à conviction pouvant être saisies par les autorités de police, mais de simples moyensde preuves dont les autorités d’enquête peuvent demander la production.

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HOUSE OF LORDS - Royaume-Uni -

Re Hilali

Arrêt du 30 janvier 2008- req. n/ [2008]2 WLR 299 -

« Union européenne - coopération policière et judiciaire en matière pénale - décision cadre2002/584/JAI relative au mandat d’arrêt européen - possibilité de faire valoir le

droit d’habeas corpus - conditions »

T Faits :

Un ressortissant marocain était soupçonné par les autorités judiciaires espagnoles d’avoir eudes contacts avec le chef de la cellule espagnole d’Al Qaida, Barakat Yarkas, condamné pourses liens avec les attentats terroristes du 11 septembre 2001. Un mandat d’arrêt européen avait conduit à son arrestation en Angleterre. Sa remise auxautorités espagnoles avait été ordonnée en juin 2005. Or, durant cette période, la condamnationde Yarkas avait été cassée par la Cour suprême espagnole qui refusa d’accueillir des élémentsde preuves qui constituaient une pièce - clé dans l’inculpation du ressortissant marocain susvisé.Le détenu saisit alors la Divisional Court d’une demande au titre de l’habeas corpus en vue decomparaître devant un juge afin que celui-ci statue sur la validité de sa détention. Il estimait eneffet que la décision espagnole avait rendu sa détention injustifiée. Cette demande fut jugéerecevable le 25 avril 2007 au titre d’un « changement fondamental de circonstances ». La Courestima que le maintien en détention dépendait de la validité de l’ordonnance de remise dans lamesure où les éléments de preuve la justifiant avaient été jugés inadmissibles par la Coursuprême espagnole.

T Décision :

La House of Lords a été saisie en appel. Elle juge d’une part que, conformément au principe de reconnaissance mutuelle, il n’appartientpas aux juridictions de l’Etat requis de s’interroger sur le caractère suffisant ou insuffisant desmoyens de preuve à l’appui des faits invoqués. S’agissant d’autre part du droit d’habeas corpus, elle précise que “dans le cadre d’une procédured’exécution d’un mandat d’arrêt européen, la personne recherchée ne peut faire valoir son droitd’habeas corpus que lorsqu’elle a épuisé les voies de recours prévues par la loi nationale detransposition de la décision-cadre relative au mandat d’arrêt européen”.La juridiction suprême constate que, en tout état cause, un recours en habeas corpus fondé surl'argument qu'il n'y a pas de preuves suffisantes contre la personne recherchée doit toujours êtrerejeté comme contraire aux dispositions de la loi de transposition.

ppp

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Pilecki /Circuit Court of Legnica, Pologne

Arrêt du 6 février 2008- req. n/ [2008]1 WLR325 -

« Union européenne - coopération policière et judiciaire en matière pénale - décision-cadre2002/584/JAI relative au mandat d’arrêt européen - seuils minima de peine pour l’émission d’un mandat d’arrêt - franchissement du seuil par le cumul des peines

infligées pour plusieurs infractions figurant sur le mandat - inclusion »

T Faits :

L’affaire portée devant la Cour concerne deux mandats d’arrêt européen délivrés par unejuridiction polonaise à l’encontre d’un ressortissant polonais et portant sur sept infractions pourlesquelles le détenu avait été déclaré coupable et pour lesquelles deux peines cumulées d’uneannée avaient été prononcées.

La question posée devant la House of Lords consistait à savoir si, aux fins de l’exécution dumandat d’arrêt, chaque infraction poursuivie devait être sanctionnée par une peine d’au moinsquatre mois ou s’il suffisait qu’une peine cumulée supérieure à quatre mois ait été prononcée.

T Décision :

La House of Lords juge que le seuil minima de peine et de mesure de sûreté exigé pourl’émission d’un mandat d’arrêt européen peut être atteint par le cumul de l’ensemble des peinesprononcées à l’égard d’un détenu. La Cour suprême anglo-saxonne apprécie le montant total des peines et non la duréeindividuelle de chacune.

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DOCTRINE

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COMMENTAIRES D’ARRÊTS

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59 Voir résumé : veille bimestrielle de droit européen n/ 18, p. 25

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CONCERNANT LES DROITS DE L’HOMME ET LES DROITS FOND AMENTAUX

T Bernard Bossu, Jean-Philippe Tricoit , “La consécration par la Cour européenne du droit àl’exécution des décisions de justice en matière sociale”, Commentaire de l’arrêt CEDH, Miclicic. Roumanie du 20 décembre 2007 - req. n/ 23657/03, in : Revue de droit du travail, n/ 7/8;juillet-août 2008, pp. 431.

T Fabienne Jault-Seseke, Cécile Legros, Delphine Coct eau-Senn et François Mélin (Centrede recherche sur les droits de l'homme et le droit international), “Chronique de droit internationalprivé (1re partie)”, in : Les petites affiches, 4 août 2008 n/ 155, p. 8.

T Fabienne Jault-Seseke, Cécile Legros, Delphine Coc teau-Senn et François Mélin (Centrede recherche sur les droits de l'homme et le droit international), “Chronique de droit internationalprivé (2ème partie)”, in : Les petites affiches, 5 août 2008 n/ 156, p. 3.

T Fabienne Jault-Seseke, Cécile Legros, Delphine Coct eau-Senn et François Mélin (Centrede recherche sur les droits de l'homme et le droit international) “Chronique de droit internationalprivé (suite et fin)”, in : Les petites affiches, 6 août 2008 n/ 157, p. 10.

TJean Marguénaud, Pauline Remy-Corlay , “Sources internationales - chronique dejurisprudence”, in : Revue trimestrielle de droit civil, avril-juin 2008, pp. 249-267.

T Romain Tinière , “ Le Conseil d’Etat se prononce pour la première fois sur la conformité d’unedirective communautaire à la CEDH”, in : JCP E, n/ 26, 25 juin 2008, II 10125.

T Pascal Wilhelm, Florent Vever , “ Enquêtes de concurrence : les perquisitions « surprises »remises en cause par la Cour européenne des droits de l’homme”, commentaire de l’arrêt CEDH,Ravon et autres c. France,59 21 février 2008, in : Revue Contrats, concurrence consommation,n/ 5, mai 2008, alerte 27.

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CONCERNANT LE DROIT COMMUNAUTAIRE

T Christine Bergerès , “La CSG, la CRDS, le droit communautaire et les conventions de luttecontre les doubles impositions”, commentaire de l’arrêt CJCE, 3 avril 2008, Derouin c/ URSSAF -région parisienne, aff. C-103/06, in : JCP Social, n/ 24, juin 2008, 1339.

« Le règlement (CEE) n/ 1408/71, du 14 juin 1971 ne s’oppose pas à ce qu’un Etat membre, dontla législation sociale est seule applicable à un travailleur indépendant résident, exclue de l’assiettede contribution telles que la CSG et la CRDS les revenus perçus par ledit travailleur dans un autreEtat membre, par application, notamment, d’une convention préventive de la double imposition enmatière d’impôts sur le revenu » (Abstract).

T Maurice-Christian Bergerès , “La CSG, la CRDS, le droit communautaire et les conventionsde lutte contre les doubles impositions”, commentaire de l’arrêt CJCE, 3e ch., 3 avr. 2008, aff.C-103/06, Derouin c/ URSSAF de Paris - Région parisienne, in : JCP, Entreprise et affaires,n/ 30, 24 juillet 2008, 1989.

« La CJCE considère que le règlement (CEE) n/ 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif àl’application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariéset aux membres de leur famille qui se déplacent à l’intérieur de la Communauté doit être interprétéen ce sens qu’il ne s'oppose pas à ce qu’un État membre, dont la législation sociale est seuleapplicable à un travailleur indépendant résident, exclue de l’assiette de contributions telles que laCSG et la CRDS les revenus perçus par ledit travailleur dans un autre État membre, parapplication, notamment, d’une convention préventive de la double imposition en matière d’impôtssur les revenus ». (Abstract)

T Elsa Bernard , “À propos de l’exclusion automatique des offres considérées comme« anormalement basses »”, commentaire de l’arrêt CJCE, 15 mai 2008, aff. C-147/06 et 148/06,SECAP SpA, in : revue Europe n/ 7, juillet 2008, comm. 234. T Emmanuelle Broussy, Francis Donnant, Christian Lamb ert , “Chroniques de jurisprudence”,in : AJDA, 2008, n/ 28, pp. 1533-1542.

T Laetitia Driguez , “Discrimination en raison de la nationalité des lecteurs de langue étrangère”,commentaire de l’arrêt CJCE, 15 mai 2008, aff. C-276/07, Delay, in : Europe n/ 7, juillet 2008,p.230.

« La Cour de justice des Communautés européennes estima que le recours systématique aucontrat à durée déterminée ainsi que l’exclusion du bénéfice du régime légal de sécurité socialeconstituaient une discrimination indirecte en raison de la nationalité, contraire à l’article 39 §2 TCE.Le régime du remplacement des contrats à durée déterminée en contrats à durée indéterminéequi emporte reconnaissance des droits acquis depuis la date du premier engagement doit êtreappliqué à un lecteur d’échange comme il le serait à l’égard du travailleur national placé dans unesituation comparable. » (Abstract)

T Laetitia Driguez , “La compétence de la législation de l’État membre d’emploi ne fait pasobstacle à ce que le travailleur migrant perçoive des prestations familiales dans l’État membrede sa résidence”, commentaire de l’arrêt CJCE, 20 mai 2008, aff. C-352/06, Bosmann, in :Revue Europe, n/ 7, juillet 2008, comm. 235.

T Sous la direction de Daniel Gadbin , “Chronique de jurisprudence communautaire 2006-2007(1ère partie)” in : Revue de droit rural, juin-juillet 2008, p. 9-22.

T Laurence Idot , “Pouvoir d’appréciation de la Commission en matière d’amendes”,

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commentaire de l’arrêt CJCE, 22 mai 2008, aff. C-266/06 P, Evonik Degussa, in : revue Europen/ 7, juillet 2008, comm. 237.

« (...) si la Commission dispose d’une marge d’appréciation, l’exercice du pouvoir d’infliger desamendes est encadré, d’abord par l’article 15, § 2, du règlement n/ 17/62, qui impose un plafondchiffrable, ensuite par les principes d’égalité de traitement et de proportionnalité, enfin par leslignes directrices que la Commission s’est elle-même fixée » (Abstract).

T Laurence Idot , “Langue des annexes à un acte introductif d’instance”, commentaire de l’arrêtCJCE, 8 mai 2008, aff. C-14/07, Ingenieurbüro Michael Weiss und Partner GbR, in : revueEurope n/ 7, juillet 2008, comm. 251.

« Les annexes à un acte introductif d’instance n'en font partie que si elles sont intrinsèquementliées à la demande. Elles doivent alors être signifiées dans la langue de l’État requis, à moins quele destinataire comprenne la langue de l’État d’origine. Cette connaissance est présumée pour lesannexes dès lors que la langue de l’État d'origine a été prévue dans le contrat. » (Abstract)

T Laurence Idot , “Contrat de travail, groupe international de sociétés et pluralité de défendeurs,RÈGLEMENT « BRUXELLES I »”, commentaire de l’arrêt CJCE, 22 mai 2008, aff. C-462/06,Glaxosmithkline, Laboratoires Glaxosmithkline in : revue Europe n/ 7, juillet 2008, comm. 250.

« Dans l’hypothèse où il a été employé au sein d’un groupe de sociétés établi dans plusieurs Étatsmembres, le travailleur ne peut se prévaloir de l’article 6, point 1, pour attraire ses co-employeursdevant un seul et même tribunal. » (Abstract)

T Fabienne Jault-Seseke , “ Droit d’ici - droit d’ailleurs - Le détachement”, commentaire, CJCE,3 avril 2008, aff. C-34/06, Rüffert, in : Revue de droit du travail, n/ 6, juin 2008, pp. 408.

T Fabienne Kauff-Gazin , “Sanction de l’obligation de résidence”, commentaire de l’arrêt CJCE,22 mai 2008, aff. C-499/06, Nerkowska, in : Revue Europe n/ 7, juillet 2008, p.216.

T Francis Kessler, David Jonin , “Nationalité et discrimination dans la computation del’ancienneté”, commentaire de l’arrêt CJCE, 15 mai 2008, Delay c/ Universita egli studi diFirenze, aff. C-276/07, in : JCP Social, n/ 28, 8 juillet 2008, 1395.

« L’article 39 § 2 CE s’oppose à ce que, dans le cadre du remplacement d’un CDD comme lecteurd’échange par un CDI comme collaborateur et expert linguistique de langue maternelle unepersonne se voit refuser la reconnaissance des droits acquis depuis la date de son premierengagement, avec des conséquences en ce qui concerne la rémunération, la prise en compte del’ancienneté et le versement par l’employeur de cotisations à un régime de sécurité sociale, pourautant qu’un travailleur national placé dans une situation comparable aurait bénéficié d’une tellereconnaissance ». (Abstract)

T Jean-Philippe Lhernould, Vincent Bonnin, Francis Ke ssler, Muriel Le Barbier-le Bris,Denis Martin , “ L’actualité de la jurisprudence communautaire et internationale” - Commentairedes principales décisions de la CJCE en droit social pour lapériode allant du 1er avril 2008 au 24avril 2008” in : Revue de jurisprudence sociale - Edition Francis Lefebvre, août 2008, pp. 685-696.

T Monique Luby , “Droit international européen - chronique”, in : JCP E, n/ 27, juillet 2008, I,161.

T Anne-Laure Mosbrucker , “Conditions de recevabilité du recours en responsabilité - LeTribunal de première instance rejette le recours en indemnité du fait de l’expiration du délai deprescription”, commentaire de l’arrêt TPICE, ord., 19 mai 2008, aff. T-220/07, TransportsSchiocchet – Excursions c/ Commission, in : Revue Europe n/ 7, juillet 2008, p.221.

« Le Tribunal rappelle, d’une part, que la responsabilité extracontractuelle de la Communauté nepeut être engagée que si trois conditions cumulatives sont remplies, à savoir l’illégalité du

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60 Voir résumé : veille bimestrielle de droit européen n/ 19, p. 75

61 Voir résumé : veille bimestrielle de droit européen n/ 19, p. 73

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comportement reproché à l’institution, le caractère réel et certain du préjudice, et l’existence d’unlien de causalité entre le comportement et le dommage (CJCE, 28 avr. 1971, aff. 4/69, Lütticke c/Commission : Rec. CJCE 1971, p. 325), et, d’autre part, que le délai de prescription ne commenceà courir que lorsque ces trois conditions sont réunies (...) ». (Abstract).

T Cyril Nourissat , “Procédures européennes et communautaires - Commentaires”, in : RevueProcédures, juillet 2008, pp. 17-15.

T Cyril Nourissat , “Quand la Cour de cassation interroge la Cour de justice à propos del’application du règlement « Bruxelles II bis » à des binationaux”, commentaire de l’arrêt Cass.1re civ., 16 avr. 2008, n/ 07-11.648, FS-P+B+I, H. c/ M. : JurisData n/ 2008-043628, in : revueProcédures n/ 6, juin 2008, comm. 172.

« À l'occasion d’une procédure de divorce « intracommunautaire », la Cour de cassation a décidéde saisir la Cour de justice des Communautés européennes de plusieurs questions préjudiciellesd’importance » (Abstract).

T Cyril Nourissat , “Traduction de l'acte introductif d'instance : précisions et interrogations...”,commentaire de l’arrêt CJCE, 3e ch., 8 mai 2008, aff. C-14/07, Weiss und Partner, in : revueProcédures n/ 7, juillet 2008, comm. 207.

« Le destinataire d’un acte introductif d’instance n’a pas le droit de refuser la réception de cet actedès lors que celui-ci met ce destinataire en mesure de faire valoir ses droits dans le cadre d’uneprocédure judiciaire dans l’État membre d’origine bien que l’acte soit accompagné d’annexesconstituées de pièces justificatives qui ne sont pas rédigées dans la langue de l’État membrerequis ou dans une langue de l’État membre d’origine comprise du destinataire, annexes qui ontuniquement une fonction de preuve et ne sont pas indispensables pour comprendre l’objet et lacause de la demande. » (Abstract)

T Cyril Nourissat , “Compétence en matière de contrat individuel et pluralité d'employeurs”,commentaire de l’arrêt CJCE, 1re ch., 22 mai 2008, aff. C-462/06, Laboratoires Glaxosmithklinec/ Jean-Pierre Rouard 60, in : Revue Procédures, n/ 7, juillet 2008, comm. 208

« Le salarié ne peut se prévaloir de l’article 6, paragraphe 1, du règlement (CE) n/ 44/2001 relatifà la pluralité de défendeurs pour attraire tous ses « co-employeurs » devant la juridiction du siègede l’un d’entre eux en application de l’article 19 de ce même règlement. » (Abstract).

T Mélanie Schmitt , “Premières décisions sur la discrimination à raison de l’orientation sexuellesur le fondement de la directive 2000/78”, Commentaire arrêt CJCE, Gde ch. 1er avril 2008,Tadao Maruko c/ Vesorgungsanstalt der deutschen Bühnen 61, aff. C-267/06, in : Revue de droitdu travail, n/ 7/8, juillet-aout 2008, pp. 458-459.

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ARTICLES GÉNÉRAUX

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CONCERNANT LES DROITS DE L’HOMME ET LES DROITS FOND AMENTAUX

T Xavier Dupré de Boulois , “Les personnes publiques et la Convention européenne des droitsde l’homme : un peu, beaucoup, pas du tout”, in : AJDA, n/ 19, 2 juin 2008, pp. 1036-1040.

T Bernard Edelman , “La Cour européenne des droits de l’homme : une juridictiontyrannique ?”, in : Le Dalloz, 2008, chronique, p. 28

T Natalie Fricero , “Premier rapport annuel du comité des ministres” in: Procédures n/ 6, Juin2008, comm.173.

« La publication en mars 2008 du premier rapport annuel 2007 du comité des ministres, intitulé «Surveillance de l’exécution des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme » fournit desindications précieuses sur l’engagement de la France. Elle conforte la légitimité du comité desministres dans le processus de protection des droits de l’homme et permet de conclure àl’émergence d’un véritable droit à l’exécution nationale des arrêts de la Cour européenne. »(Abstract).

T Nicole Guimezanes , “Pour une politique des migrations transparente, simple et solidaire - Àpropos du rapport de la Commission Mazeaud du 11 juillet 2008”, in : La Semaine JuridiqueEdition Générale n/ 31-35, 30 juillet 2008, p.516.

T Nicolas Mathey , “Les droits et libertés fondamentaux des personnes morales de droit privé”,in : Revue trimestrielle de droit civil, avril-juin 2008, pp.205-228.

T Michel Massé , “Chronique internationale - Droit pénal international - Actualité de lacompétence universelle”, in : Revue de Sciences criminelles, avril/juin 2008, n/ 2, pp. 440-451.

T Damien Roets , “La rétention de sûreté à l’aune du droit européen des droits de l’homme”, in :Le Dalloz, 10 juillet 2008, n/ 27, pp.1840-1847.

« La rétention de sûreté, introduite dans notre droit par la loi n/ 2008-174 du 25 février 2008relative à la rétention de sûreté et à la déclaration d’irresponsabilité pénale pour cause de troublemental, a fait l’objet d’une vive controverse. D’aucuns ont, un temps, espéré que le Conseilconstitutionnel censurerait les dispositions qui y sont relatives. Les sages de la rue Montpensierles ayant, pour l’essentiel, validées, reste à savoir si elles répondent aux exigences de laConvention européenne des droits de l’homme telle qu’interprétée par la Cour de Strasbourg. Deleur confrontation aux articles 3, 5 et 7 émerge un doute sérieux sur la conventionnalité de certainsaspects du mécanisme, complexe, de rétention de sûreté » (Abstract de la revue).

T Frédéric Sudre , “Droit de la Convention européenne des droits de l'homme” in : La SemaineJuridique Edition Générale n/ 30, 23 juillet 2008, I 167.

« La présente chronique couvre le premier semestre 2008, marqué par le poids du contentieuxdes étrangers, envisagé à des titres divers (n/ 5 à 8, 15, 16). La protection contre les risquesnaturels (n/ 2 et 20), l’applicabilité de l’article 6, § 1 en matière d’infractions fiscales (n/ 9), lesbornes de la liberté d’expression du fonctionnaire (n/ 17), la compatibilité du statut du fermageavec l’article 1er du Protocole 1 (n/ 21), le recours au principe de confiance légitime (n/ 22) sontautant de questions diverses, et, parfois, nouvelles, qui méritent de retenir l’attention » (Abstract).

T Anne Weyembergh , “Droit pénal international - Cycle européen de la Cour de Cassation - Lemandat d’arrêt européen : vers un espace pénal européen cohérent”, in : Les Petites Affiches,31 juillet 2008, n/ 153, p. 7.

« La présente contribution, consacrée au mandat d’arrêt européen, pose la question de lacohérence de l’espace pénal européen en construction. Elle l’envisage à travers la transposition

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62 Voir résumé : veille bimestrielle de droit européen n/ 17, p. 19.

63 Voir résumé : veille bimestrielle de droit européen n/ 17, p. 38.

64 Voir résumé : veille bimestrielle de droit européen n/ 14, p. 21.

65 Voir résumé : veille bimestrielle de droit européen n/ 17, p. 27.

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et la mise en application pratique de la décision-cadre du 13 juin 2002. Elle l’étudie aussi via lesrelations que cette décision-cadre entretient avec les autres éléments constitutifs de l’espace pénaleuropéen. Cet article est tiré d’une conférence qui s’est tenue le 20 septembre 2007 à la Cour decassation dans le cadre du cycle de droit européen. » (Abstract de la revue).

Sommaire de la Revue trimestrielle des droits de l’ homme - juillet 2008

T Elisabeth Lambert Abdelgawad , “L’exécution des arrêts de la Cour européenne des droitsde l’homme” (2007), p. 647

T Sous la dir. de Caroline Picheral et Helène Surrel , “Droits communautaires et droitsfondamentaux - Chronique de la jurisprudence de la Cour de justice des communautéseuropéennes” (2007), p. 687

T Jean-François Flauss , “Les élections des juges à la Cour européenne des droits del’homme”, p. 713

T Delphine Tharaus , “Les discriminations positives ou la figure triangulaire de laproportionnalité”, p. 743

T Aurélie Verheylesonne, Olivier Klees , “ La loi belge du 1er avril 2007 relative à la réouverturede la procédure pénale à la suite d’un arrêt de condamnation de la Cour européenne des droitsde l’homme”, p. 773.

T Michel Hottelier , “ La liberté de presse entre confidentialité et provocation : mode d’emploipour faire chuter une liberté de son piédestal”, Commentaire, arrêt CEDH, Stoll c/ Suisse 62, 10décembre 2007, p. 801

T Edouard Dubout , “L’interdiction des discriminations indirectes par la Cour européenne desdroits de l’homme : rénovation ou révolution ? - Epilogue dans l’affaire D.H. et autres c/république tchèque” 63, Commentaire, CEDH, 13 novembre 2007, p. 821

T Frédéric Krenc , “L’arrêt Lelièvre c/ Belgique - Double regard sur un arrêt contrasté”,Commentaire, CEDH, 8 novembre 2007, p. 857

T Nicole Gallus , “La procréation médicalement assistée et les droits de l’homme”,Commentaire, arrêt CEDH, Evans c/ Royaume-Uni, 64 10 avril 2007 et Dickson c/ Royaume-Uni 65, 4 décembre 2007, p. 879.

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CONCERNANT LE DROIT COMMUNAUTAIRE

T Carlos-Manuel ALVES , “Biocarburants et Union européenne, entre marché et intérêtgénéral”, in : Revue de droit des transports n/ 7, juillet 2008, étude 10.

« Les biocarburants font l'objet d'une production juridique significative au sein de l'Unioneuropéenne. Ces différents instruments législatifs présentent l'intérêt d'illustrer la complexité desrelations entre marché et intérêt général en droit communautaire. Ces relations semblent, sinondangereuses, du moins incestueuses. » (Abstract).

T Pierre Arhel , “La Commission européenne se dote d’un système de transaction”, in: LaSemaine Juridique Entreprise et Affaires n/ 28, 10 juillet 2008, act. 352.

« La Commission européenne vient de mettre en place un système permettant aux entreprisesayant participé à une entente de bénéficier d’une réduction d’amende en s’abstenant de contesterles faits. - Elle estime que ce système lui réserve une très large marge d’appréciation » (Abstract).

T Michel Bazex et Sophie Blazy , “Le contrôle exercé par le juge communautaire et ses limites”,in : Droit Administratif, n/ 6, juin 2008, comm. 77.

« Le Tribunal de première instance des communautés européennes définit la méthodologie ducontrôle de compatibilité portant sur les aides publiques aux entreprises. » (Abstract).

T J.M Belorgey et Régis Brillat , “Quelle justice internationale pour les droits sociaux ?” in :Revue de droit social, n/ 7/8, juin-juillet 2008, pp. 774-777.

T Valérie Boccara , “Adaptation du droit des sociétés au droit communautaire”, in : Les petitesaffiches, 30 juillet 2008 n/ 152, p. 4

« Le 4 juillet dernier, la loi du 3 juillet 2008 portant diverses dispositions d’adaptation du droit dessociétés au droit communautaire a été publiée au Journal officiel. Cette loi, transposition dedirectives européennes, facilite les fusions entre les sociétés françaises et les sociétés d’autresÉtats membres de l’Union européenne, modifie les règles qui s’appliquent aux sociétéscoopératives afin de leur permettre d’adopter le statut de la société coopérative européenne,améliore enfin la gouvernance des entreprises cotées en France en complétant l’informationcommuniquée aux actionnaires sur l’organisation des sociétés anonymes. » (Abstract de la revue).

T Marie-Thèrese Lanquetin , “Discriminations : la loi d’adaptation au droit communautaire du27 mai 2008”, in : Revue de droit social, n/ 7/8, juin-juillet 2008, pp. 778-788.

T Céline Castets-Renard , “La pénalisation du droit communautaire de l’environnement”, in : LesPetites Affiches, 29 juillet 2008, n/ 151, p. 7.

« Le mouvement de pénalisation du droit communautaire de l’environnement témoigne du constatselon lequel, seules des sanctions pénales sont suffisamment dissuasives pour protégerefficacement l’environnement. Encore faut-il que cette volonté politique communautaire se traduiseensuite par des actes des Etats membres » (Abstract de la revue).

T Anne Laude , “ Vers un code européen de la santé ?”, in : Revue de droit sanitaire et social,mai-juin 2008, n/ 3, p.457.

T François Mélin , “Le règlement « Rome I » du 17 juin 2008 sur la loi applicable aux obligationscontractuelles”, in : La semaine juridique Entreprise et Affaires.

« Après de longs travaux préparatoires, le règlement (CE) n/ 593/2008 du Parlement européenet du Conseil du 17 juin 2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles (Rome I) vientd’être publié (JOUE n/ L 177, 4 juill. 2008, p. 6). - Sans bouleverser les solutions acquises, ildevrait permettre d’atteindre une plus grande sécurité juridique et une meilleure prévisibilité des

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solutions dans le domaine des conflits de lois. » (Abstract).

T Gérard Notté , “Loi n/ 2008-649, du 3 juillet 2008 (adaptation du droit des sociétés au droitcommunautaire)” in : La Semaine Juridique Entreprise et Affaires n/ 28, 10 juillet 2008, act. 355.

« La loi n/ 2008-649, du 3 juillet 2008 portant diverses dispositions d’adaptation du droit dessociétés au droit communautaire intéresse les fusions tant transfrontalières qu’internes. - Elle créele statut de SCE. - Elle modifie des règles de gouvernance des sociétés cotées. » (Abstract).

T Sous la direction de Cyril Nourissat , “Droit international et communautaire des contratsd’affaires”, in : Revue Lamy droit des affaires, n/ 29, juillet-août 2008, pp. 61-83.L Cet article propose de livrer des commentaires plus ou moins développés concernant lesprincipales règles de rattachement en matière contractuelles : rattachement général ou spécialmais également les dispositions relatives aux lois de police et à l’exception d’ordre public.

T Guy Raymond , “Directive 2008/48/CE relative aux crédits à la consommation . - Premièresapproches” in : Contrats Concurrence Consommation n/ 7, Juillet 2008, étude 9.

« La directive, n/ 2008/48/CE, abrogeant la directive n/ 87/102/CEE du 22 décembre1986, devrait être appliquée avant le 12 mai 2010 dans tous les États de l’Unioneuropéenne. Elle devrait modifier considérablement le régime juridique applicable enFrance aux crédits à la consommation puisque les États membres ne disposent qued’une marge de manoeuvre réduite pour adapter leur législation nationale. Lesmodifications qui interviendront devraient concerner notamment la formation du contrat,le délai de rétractation, le calcul du taux effectif global, le remboursement paranticipation, les obligations des parties et la responsabilité des établissements de créditdans l’octroi de crédits à des personnes déjà surendettées. » (Abstract).

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DROIT COMPARÉ

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T Dominique Gély , “Le défenseur du peuple espagnol en modèle”, in : AJDA, 2008, n/ 27, pp.1481-1482.

T Kathia Martin-Chenut , “Chronique internationale - Droits de l’homme - La condition juridiquede l’enfant dans la jurisprudence interaméricaine des droits de l’homme” in : Revue de Sciencescriminelles, avril/juin 2008, n/ 2, pp. 416-428.

T Sous la dir. d'Arnaud Raynouard , Céline Castets-Renard, Michel Attal, Sylvain Néron,“Chronique de la Cour suprême des États-Unis d'Amérique n/ 2 (1re partie)”, in : Les petitesaffiches, 11 août 2008 n/ 160, p.6.

T Sous la dir. d'Arnaud Raynouard , Céline Castets-Renard, Michel Attal, Sylvain Néron,“Chronique de la Cour suprême des États-Unis d'Amérique n/ 2 (2e partie)”, in : Les petitesaffiches, 12 août 2008 n/ 161, p.9.

T Sous la dir. d'Arnaud Raynouard , Céline Castets-Renard, Michel Attal, Sylvain Néron,“Chronique de la Cour suprême des États-Unis d'Amérique n/ 2 (suite et fin)”, in : Les petitesaffiches, 13 août 2008 n/ 162, p. 9.

T Winston J. Maxwell , “Publicité ciblée et protection du consommateur en France, en Europeet aux Etats-Unis”, in : Revue Contrats, concurrence et consommation, n/ 6, juin 2008, étude 8.

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