variations d’humidite´ en zone humide tropicale

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Variations d’humidite ´ en zone humide tropicale : un exemple d’exploitation d’images ERS-SAR dans le delta inte ´rieur du Niger Elmar Csaplovics 1 Catherine Mering 2 Yveline Poncet 3 1 Université de Dresde Helmholtzstrasse 10 D-01062 Dresde Allemagne <[email protected]> 2 UMR Prodig Université Paris Diderot 75013 Paris <[email protected]> 3 Institut de recherche pour le développement (IRD) Centre dOrléans 5, rue du carbone 45072 Orléans cedex 2 <[email protected]> Tirés à part : Y. Poncet Résumé Sur les images radar à ouverture synthétique (RSO, radar à synthèse douverture), les valeurs des pixels sont étroitement liées à des paramètres physiques des sols tels que topographie, rugosité et humidité, et à leur végétation. Ces caractères sont particulièrement intéressants dans létude de la variabilité spatiale et temporelle des états de surface dans les zones humides telles que le delta intérieur du Niger au Mali. Lexploitation de séries temporelles dimages SAR (Synthetic Aperture Radar) permet donc de détecter et de quantifier les changements intervenus dans les états de surface. Les techniques classiques de détection de changement sont basées sur la synthèse additive en trichromie RVB et sur des opérations arithmétiques simples entre les deux images que lon cherche à comparer. Laspect « poivre et sel » des images ERS, dû à la granularité (ou speckle), diminue cependant lefficacité de ces techniques. On expérimente ici un filtre morphologique destiné à réduire le bruit dans les images dorigine avant dutiliser la technique classique de détection et de cartographie des changements. Linterprétation des images aux échelles densemble donne des résultats pertinents sur lorganisation spatiale et temporelle de lhumidité dans le delta, directement utilisables pour létude de la variabilité climatique locale. Mots cle ´s : état de surface des sols, image radar, imagerie satellitaire et géomatique, Niger, télédétection, zone humide. Abstract Moisture changes in a tropical wetland: Example of exploiting SAR images in the inner delta of the Niger Synthetic Aperture Radar (SAR) images produce pixel values, which are closely rela- ted to soil physical parameters such as topography, roughness, moisture and vege- tation. These characteristics are particularly interesting in the study area of the spa- tial and temporal variability of the ground surface in a wetland such as the inner delta of the Niger in Mali. The exploitation of successive SAR images thus allows good detection and quantification of the ground surface changes. Classic techni- ques for identifying changes are based on the additive synthesis in RGB trichromy and on simple arithmetic comparisons between the two images. However, the salt and pepperfeatures of ERS images, due to the speckle, reduce the efficiency of such techniques. Hereafter, we show experimentation of a morphologic filter inten- ded to reduce the noise of the original images before using the classic technique of detection and mapping of changes. The interpretation of these images at general scales produces significant results on the spatial and temporal organization of mois- doi: 10.1684/sec.2007.0190 Article de recherche Sécheresse 2007 ; 1E (4) : 1-12 Sécheresse vol. 1E, n° 4, octobre-novembre-décembre 2007 1

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Variations d’humiditeen zone humide tropicale :unexempled’exploitationd’imagesERS-SARdans le delta interieur du Niger

Elmar Csaplovics1Catherine Mering2Yveline Poncet3

1 Université de DresdeHelmholtzstrasse 10D-01062 DresdeAllemagne<[email protected]>2 UMR ProdigUniversité Paris Diderot75013 Paris<[email protected]>3 Institut de recherche pour le développement(IRD)Centre d’Orléans5, rue du carbone45072 Orléans cedex 2<[email protected]>

Tirés à part : Y. Poncet

RésuméSur les images radar à ouverture synthétique (RSO, radar à synthèse d’ouverture),les valeurs des pixels sont étroitement liées à des paramètres physiques des solstels que topographie, rugosité et humidité, et à leur végétation. Ces caractères sontparticulièrement intéressants dans l’étude de la variabilité spatiale et temporelle desétats de surface dans les zones humides telles que le delta intérieur du Niger auMali. L’exploitation de séries temporelles d’images SAR (Synthetic Aperture Radar)permet donc de détecter et de quantifier les changements intervenus dans les étatsde surface. Les techniques classiques de détection de changement sont basées sur lasynthèse additive en trichromie RVB et sur des opérations arithmétiques simplesentre les deux images que l’on cherche à comparer. L’aspect « poivre et sel » desimages ERS, dû à la granularité (ou speckle), diminue cependant l’efficacité de cestechniques. On expérimente ici un filtre morphologique destiné à réduire le bruitdans les images d’origine avant d’utiliser la technique classique de détection et decartographie des changements. L’interprétation des images aux échelles d’ensembledonne des résultats pertinents sur l’organisation spatiale et temporelle de l’humiditédans le delta, directement utilisables pour l’étude de la variabilité climatique locale.

Mots cles : état de surface des sols, image radar, imagerie satellitaire etgéomatique, Niger, télédétection, zone humide.

AbstractMoisture changes in a tropical wetland: Example of exploiting SAR images in the innerdelta of the Niger

Synthetic Aperture Radar (SAR) images produce pixel values, which are closely rela-ted to soil physical parameters such as topography, roughness, moisture and vege-tation. These characteristics are particularly interesting in the study area of the spa-tial and temporal variability of the ground surface in a wetland such as the innerdelta of the Niger in Mali. The exploitation of successive SAR images thus allowsgood detection and quantification of the ground surface changes. Classic techni-ques for identifying changes are based on the additive synthesis in RGB trichromyand on simple arithmetic comparisons between the two images. However, the “saltand pepper” features of ERS images, due to the speckle, reduce the efficiency ofsuch techniques. Hereafter, we show experimentation of a morphologic filter inten-ded to reduce the noise of the original images before using the classic technique ofdetection and mapping of changes. The interpretation of these images at generalscales produces significant results on the spatial and temporal organization of mois-

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Article de recherche

Sécheresse 2007 ; 1E (4) : 1-12

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ture in the delta area. These results are directly exploitable for the study of local cli-matic variability.

Key words: Niger, radar image, remote sensing, satellite imaging, soil surfacecondition, wetland.

L e delta intérieur du Niger est une zonehumide continentale qui couvre entre15 000 et 35 000 km2 (figure 1)

selon le niveau maximal de la crueannuelle. Il est situé dans l’aire climatiquedite sahélienne de l’Afrique de l’Ouest,connue pour l’irrégularité de sa pluviomé-trie et l’insuffisance de ses ressources eneau face aux besoins d’une population for-tement croissante et aux nécessités du déve-loppement. La présence de l’eau dans ledelta intérieur, sous forme d’écoulementset de stockages, est donc un facteur impor-tant des stratégies de développement ruralau niveau de l’État malien et au niveau descommunautés territoriales décentralisées :régions et communes rurales. Celles-ci sontdotées d’une autonomie de décision sur lagestion de leurs ressources nées de l’eau :poissons, herbages et bétail, riz. Or le deltan’est pas un espace homogène : il est consti-tué d’un grand nombre de « pays », diffé-rents par leur géographie et par leur his-

toire, mais tous liés entre eux par leréseau complexe que constitue l’hydro-système dans son ensemble.Cet hydrosystème très peu artificialisé estétudié depuis une quarantaine d’années,soit pour en décrire les composantes physi-ques [1, 2], soit pour analyser les systèmesde production liés à l’eau et mettre en évi-dence leur complexité [3-5]. Ces analysesmontrent que les mécanismes fondamen-taux des stratégies et des productions sontfondés sur les dynamiques de l’eau. Dans laplupart des analyses, le facteur eau est prisen compte par deux variables : l’hydrologiedes eaux de surface (mesurée en hauteurset en débits) ; la pluviométrie (mesurée enhauteurs), toutes deux au pas de temps quo-tidien sur des stations ponctuelles. Les deuxvariables complémentaires – l’évapotranspi-ration et l’infiltration – font l’objet d’estima-tions rapportées, comme les précédentes,aux points de mesure. Leur exploitation surl’ensemble du delta ne peut donc être pra-

tiquée qu’à travers des interpolations qui nerestituent pas avec précision les différencesgéographiques locales. Il est donc très utilede disposer régulièrement d’une informa-tion exhaustive sur ces espaces inondés ethumides.

Un milieu humide complexe

Les multiples gestionnaires des ressourcesdu delta, parmi lesquels on compte les pay-sans producteurs, savent depuis longtempsqu’une bonne connaissance de l’hétérogé-néité dans l’espace et de l’irrégularité dansle temps de la crue et de la décrue leur estnécessaire, sur tout le delta et quelle quesoit l’échelle de gestion. En effet, commedans tout hydrosystème continental dyna-mique (qui connaît des variations impor-tantes de débits), les stratégies d’exploita-tions locales et mobiles dépendent engrande partie des états successifs de l’alter-nance submersion/ressuyage [6]. L’exploi-tation des sources d’information disponi-bles est donc un enjeu important pour ledéveloppement et la conservation dupotentiel productif. Dans ce contexte, lesdonnées de télédétection sont de toute pre-mière utilité.Par ailleurs, les travaux de modélisationsur les productions agricoles, pastoraleset halieutiques du delta s’accordent pourconsidérer les superficies inondéescomme un facteur indispensable aux prévi-sions, sous des formes détaillées : différen-tiels temporels de la crue, de la décrue, del’étiage ou des hautes eaux entre l’amontet l’aval, différences de hauteur d’eau oude durée d’immersion d’un « pays » àl’autre. Or, d’une année sur l’autre, cesdifférentiels peuvent prendre des valeurstrès élevées. L’évaporation et l’infiltrationinterviennent, à la fois dans les quantitésd’eau présentes (et donc théoriquementdisponibles) dans le delta, et parce quel’humidité atmosphérique et l’eau dansl’horizon superficiel du sol ont un rôleimportant dans la dynamique de la végé-tation, qu’elle soit naturelle, spontanée oucultivée.Les dynamiques fluviales à l’œuvre depuisplusieurs millénaires ont façonné la micro-topographie de l’aire inondable. Leur com-binaison avec l’inondation et les actionshumaines engendrent une mosaïque mou-vante de paysages. Le tableau 1 en dresse

20°

10°

10° 0°

0 500 km

MAURITANIE

ALGÉRIE

NIGER

NIGÉRIA

BÉNIN

TOG

O

GHANA

CÔTE D'IVOIRELIBÉRIA

SIERRALEONE

GUINÉE

GUINÉEBISSAU

SÉNÉGAL

BURKINA-FASO

M

A

LI

Gao

Tombouctou

Bamako

MoptiSégou

GAMBIE

Figure 1. Carte de situation du delta intérieur du fleuve Niger.

2 Sécheresse vol. 1E, n° 4, octobre-novembre-décembre 2007

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un inventaire schématique. Les figures 2à 6 en fournissent une illustration.Les types 2 et 3 présentent une grandevariabilité paysagère puisque la morpholo-gie végétale et les modes d’exploitation y

changent avec la présence de l’eau, quichange elle-même au cours de l’année etd’une année à l’autre. Ce sont les airescorrespondantes qui retiennent plus parti-culièrement l’attention des acteurs du déve-

loppement agricole, pastoral et halieu-tique. C’est sur ces milieux que lescaractéristiques spécifiques de l’imagerieERS peuvent être efficaces en restituantdes états d’humidité [7] : l’exploitation de

Tableau I. Les quatre types de dynamiques paysageres dans le delta malien.

Type 1 Type 2 Type 3 Type 4

Immersion permanente (Niger et chenauxpermanents, lacs)

Immersion prolongee (bas-fonds, plainesbasses, chenaux secondaires)

Immersion breve (bas-fonds peu profonds,la plupart des plaines)

Emersion permanente (dunes, buttes baties et non baties,bourrelets de berges, bordures du delta)

Eau libre,Eau sous vegetation herbacee naturelle

Sols nus, argileux ou sableux, rugueux ou lisse

Vegetation flottante, active Humidite residuelle apres retrait de l’eauRizieres

Vegetations specifiques : chaumes de riz, pelouses de decrue, pelouses de patures

Vegetation arboree et arbustiveCultures seches sous pluies

Figure 2. Paysages de types 1, 2 et 4.Le chenal permanent du Mayo Dembé en basses eaux (mars 1993) : au premier plan,l’eau libre, barrée par les nasses des pêcheurs. Au deuxième plan, bancs de sable nuencore humides, récemment découverts par la décrue. Au dernier plan, la haute bergeplate, exondée en permanence, portant des champs pluviaux sous parc arboré.Cliché : Y. Poncet.

Figure 3. Paysage de type 2.La plaine inondée de Konna, habituellement immergée pendant plusieurs mois. Hautevégétation herbacée flottante et chenaux d’eau libre (février 1996). Cliché : Y. Poncet.

Figure 4. Paysage de type 3.Un bas-fond argileux topographiquement peu marqué avec humidité résiduelle dans leDialloubé (novembre 1996, année moyenne).Cliché : Y. Poncet.

Figure 5. Paysage de type 3.Labour sous pluie préparant une rizière. À gauche, pelouse de pâture inondable nonloin de Mopti (mai 2001). Cliché : F. Gallier.

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séries multitemporelles fournit alors desrepères utiles pour la mise en évidencedes états transitoires, qui se révèlentdécisifs en ce qui concerne les itinérairestechniques des riziculteurs, éleveurs etpêcheurs.Le delta est un espace de stockage généralde l’eau qui y entre principalement par leNiger, secondairement par le Bani et parles écoulements locaux directement issusdes pluies. L’organisation relative des uni-tés hydrographiques (seuils, chenaux,plaine inondables, lacs) structure des« pays » – des unités hydrogéographiqueslocales – qui peuvent être décrits par lerythme spécifique de la crue, de la décrueet du ressuyage. Ce rythme dépend de latopographie (altitudes, hauteur des seuilstopographiques, hauteurs d’eau, conne-xions), de l’hydrologie (débits, vitessesd’écoulement), de la pluviométrie (varia-tions quantitatives et chronologiques), dela nature des sols et de la végétation, desaménagements hydrauliques d’intérêt agri-cole et piscicole (canaux et batardeaux,planage des parcelles, faucardage), c’est-à-dire de variables multiples, dont l’impor-tance relative peut changer d’une année àl’autre. Dans la partie la plus basse dudelta les habitants distinguent sept « plai-nes » dans un espace de 400 km2 envi-ron : elles sont différenciées par les ryth-mes de la crue et de la décrue, dontdépendent, chaque année, les itinérairestechniques des exploitants.Dans la perspective d’une meilleure ges-tion possible des ressources, il est doncutile de représenter la variable « eau »dans l’espace réel continu, non pas seule-ment en termes de présence/absenced’eau libre et de végétation active, mais

également sous une autre forme tout aussipertinente pour l’exploitation agropasto-rale : celle de l’humidité résiduelle aprèsressuyage de surface.Lorsque l’on veut étudier les paramètres dela surface en zone intertropicale, les imagesSAR (Synthetic Aperture Radar) telles queles images des satellites ERS constituent sou-vent une source d’information plus fiableque les images du domaine optique en rai-son de leur haute répétitivité temporelle etde leur capacité à produire des mesures dela surface terrestre indépendamment desconditions météorologiques.L’exploitation d’images ERS consiste alors :– à identifier les différentes formes queprend l’eau dans le delta, tout au long ducycle annuel ;– à identifier le signal ou les signaux cor-respondant à ces formes ;– à rechercher ces signaux dansl’ensemble de l’image ;– à identifier les changements entre uneimage au temps t0 et des images auxtemps t1, t2, etc.En 1998, l’Agence spatiale européenne(ESA, European Space Agency) a acceptéune proposition de recherche sur l’applica-tion des images ERS-SAR pour l’analyse del’influence de l’inondation naturelle et desactivités humaines sur la dynamique des for-mations végétales dans le delta intérieur duNiger (ESA-AO3-363 : SAR-Based Monito-ring of Human Impact and Flood Patternsfor the Assessment of Landcover and Lan-duse Change in the Region of the InlandDelta of the River Niger). Les images four-nissent, d’une part une couverture complètedu delta, d’autre part des séries multitempo-relles sur plusieurs secteurs représentatifs dudelta [8, 9].

Exploitation des images ERSen zone humide

La corrélation significative entre l’inter-action eau-sol et l’interaction eau-végétation et les variations correspondan-tes d’amplitude des signaux hyperfré-quents destine les séries multitemporellesdes images ERS-SAR à l’analyse des chan-gements de la couverture végétale deszones inondables (encadré 1).L’interaction des ondes hyperfréquentesavec les surfaces naturelles est caractériséepar une réflexion spéculaire et uneréflexion diffuse. Leur proportion, et doncl’amplitude du signal réfléchi, est détermi-née par la rugosité du terrain, la teneur eneau des sols et de la végétation, la salinité(et particulièrement par la constante diélec-trique), par la position du satellite par rap-port au terrain observé, elle-même repré-sentée par l’angle d’inclinaison des ondesradar, variable entre 20° et 25°. Les varia-tions du signal radar transcrivent doncl’hétérogénéité des surfaces naturelles deszones inondables et mettent en évidenceles transformations de la mosaïque eau-sol-végétation (encadré 2).Dans les zones humides, les rétrodiffusionsbasses correspondent donc à des états desurface très différents : eau libre (sansvégétation et sans vent) d’une part, solsnus, lisses et secs, d’autre part. Elles aug-mentent avec l’humidité du sol nu et sarugosité (pierrosité, labours) et avec la pré-sence de végétation, notamment de lavégétation ligneuse et de la végétationsèche. À l’opposé, les rétrodiffusions éle-vées correspondent aux sols nus imprégnésd’eau. Elles diminuent quand l’humidité dusol nu diminue (ressuyage) et quand lavégétation réapparaît. Or la dynamiquede la végétation inondable suit deux pro-cessus inverses :– quand l’humidité du sol augmente, lavégétation herbacée annuelle, active, aug-mente en densité de couvert, jusqu’à uncertain niveau d’humidité et de submer-sion : cette végétation disparaît alors etest remplacée par l’eau libre ou par unevégétation flottante ;– quand la submersion décroît (en profon-deur et en durée) et que l’humidité du soldiminue, la végétation change, laissant deplus en plus de place au sol nu.Dans de nombreux cas, les ligneux ne sontprésents que sur les secteurs exondés enpermanence, à de rares exceptions près.En outre, les épisodes d’exploitation agri-cole et pastorale constituent des phases demodification du milieu qui ne correspon-dent pas strictement aux états d’humidité.

Figure 6. Paysage de type 4.En bordure sèche du delta, champ de mil et friche sous parc arboré jeune : végétation ligneuse éparse sur sol nu.Région du Kounari (mai 1995). Cliché : Y. Poncet.

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Les images SAR du delta interieurdu Niger

Dans le cadre de notre étude, nous avonschoisi les images qui correspondent à desétats différents du milieu, à échelle saison-nière d’une part (juin et décembre), àéchelle interannuelle d’autre part (1992-1996) (tableau 2). Le décalage temporelentre la saison des pluies (de juillet à sep-tembre) et les hautes eaux (d’octobre àfévrier) fait que la période la plus sèche,dans les sols, la végétation et les coursd’eau, se situe entre mars et juin.Les deux enregistrements de l’année 1992correspondent chacun à une « année cli-matique » différente, celle de juin gouver-née par la saison des pluies de juillet-septembre 1991, celle de décembre gou-vernée par la saison des pluies de juillet-septembre 1992, toutes deux très déficitai-res. L’enregistrement de 1996 correspondà l’année climatique 1995-1996, excé-dentaire par rapport aux précédentes etnotamment par rapport à la décennie1983-1993.

Les scènes étudiées sont situées dans la par-tie médiane du delta, entre les latitudes 14°30 et 14° 50 Nord (figures 11 et 12) et14° 30’ et 15° 30’Nord (figures 13 à 16),où la pluviométrie moyenne annuelle sesitue entre 200 et 600 mm environ.Le réseau hydrographique principal (leNiger et son important défluent, le MayoDembé) et deux lacs sont aisément repéra-bles par leur morphologie et leur position.La structure dunaire est également visiblesur le coin nord-ouest des (figures 13 à 16).Sur les figures 11 et 12 d’autres structuresmorphologiques sont repérables, notam-ment les mares subcirculaires et des tron-çons de routes et pistes de chaque côté destroncs hydrographiques principaux.La mise en évidence des transitions entre lesétats « inondé » et « exondé » s’est faite aumoyen d’une série de traitements dont lesrésultats sont présentés sur les figures 11 à 16.

Traitements des images ERS

Le chatoiement présent sur les images SARdemeure l’un des obstacles principaux à

l’efficacité des traitements numériquesvisant à identifier les états de surface etleurs changements à partir des images bru-tes. En effet, en raison du speckle1 qui lescaractérise, il est pratiquement impossiblede mettre en évidence des entités homo-gènes par les méthodes classiques. En par-ticulier, les méthodes d’extraction derégions ou de contours appliquées auximages SAR n’ont pas la même efficacitéque lorsqu’elles sont appliquées aux ima-ges optiques. Pour pouvoir améliorer laqualité des résultats à partir de cette caté-gorie d’images, nous avons réduit l’effetde speckle par un filtrage préalable.

Filtres

Les filtres de réduction du speckle sur lesimages SAR procèdent en général par unlissage des niveaux de gris qui vise à éli-

Encadré 2

La rétrodiffusion du sol et de la végétationLes sources de la rétrodiffusion des ondes hyperfréquentes par la végétation ligneuse ou herbeuse sont extrêmement variées. Les élé-ments du coefficient de rétrodiffusion (σ°) résultent de :– la réflexion par les troncs des arbres (σ°t), par la canopée (σ°c), par le sol (σ°s), par l’effet de coin entre le sol et les troncs desarbres (σ°d) et par le sol et la canopée (σ°m) (figure 7A) ;– de la réflexion par le volume herbeux et par le sol (figure 7B).Par ailleurs, il existe une relation de type logarithmique entre la variabilité du coefficient de rétrodiffusion (σ°) et la teneur volumé-trique en eau de la végétation (mv) ([11], figure 8). La valeur de ce coefficient dépend de la variation de la teneur en eau de lastrate supérieure du sol (environ 5 cm) et du pourcentage de la couverture végétale du sol (figure 9). Dans le cas du capteur ERS-SAR la valeur du coefficient de rétrodiffusion (σ°) varie en fonction de la teneur en eau du sol et en fonction de la biomasse sèchede la couverture végétale. À condition que la rugosité de surface de l’eau soit inférieure à 2 cm1, et en cas d’absence de végéta-tion, les terrains inondés ne réfléchissent pas les signaux micro-ondes en direction du satellite.À l’inverse, en raison de l’influence de la constante diélectrique de l’eau sur l’amplitude du signal radar rétrodiffusé, le coefficientde rétrodiffusion par le sol nu augmente en fonction directe de sa teneur en eau (figure 10).1D’après le critère de Rayleigh appliqué à λ = 5,6 cm, bande C du ERS-SAR.

Encadré 1

Les satellites ERSGrâce au lancement d’ERS-1, premier satellite de télédétection européen équipé d’un ensemble de capteurs actifs à hyperfréquence,le 17 juillet 1991, plus de 1,5 million d’images SAR ont été réalisées sur une période de presque 10 ans. La continuité de la sur-veillance de l’environnement a été garantie par le lancement d’un second satellite, ERS-2, le 20 avril 1995, et l’utilisation des don-nées satellitaires radar s’est généralisée. L’altitude de l’orbite est de 785 km, inclinée de 98,5° sur l’est de façon à assurer uneheure de passage invariable au nœud de chaque parallèle spécifique.Le capteur actif à hyperfréquence AMI (Advanced Microwave Instrument) en mode SAR fournit des données brutes en haute résolu-tion. L’instrument est constitué d’une antenne plane de 10 mètres sur 1 mètre. La longueur des ondes émises est de 5,6 cm selonune fréquence de 5,3 GHz (bande C), avec une polarisation en mode vertical (VV). L’antenne est inclinée de 23° par rapport à laverticale. Le champ total d’observation est de 100 km de largeur avec le centre à 300 km du nadir du satellite. La taille du pixelest 12,5 mètres en distance et en azimut.Projetée à l’origine comme un programme océanographique, la mission ERS (suivie par la mission ENVISAT-ASAR en 2003) adémontré l’efficacité des données SAR dans les applications environnementales terrestres comme l’agriculture, la foresterie, la pédo-logie et l’utilisation du sol en général.

1 Le speckle, appelé aussi en français granula-rité ou chatoiement, est un phénomène engen-dré par l’interférence, à leur réception par lecapteur, des ondes diffractées par les détailsde la texture des objets observés.

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miner les minima et maxima locaux quisont dus au speckle. Les méthodes propo-sées dans la littérature diffèrent par lemode de lissage. Nous utilisons ici un filtremorphologique qui préserve au mieux laconnexité des plages de gris.Pour réduire le speckle, il faut choisir unfiltre autodual, c’est-à-dire un filtre quiopère aussi bien sur les minima (teintes som-bres) que sur les maxima (teintes claires).Nous avons adopté ici le principe de cons-truction d’un filtre autodual et idempotent[14] en utilsant des ouvertures et fermetu-res connexes : elles ont pour propriété delisser les images en créant des régions deniveaux de gris homogènes appelées« zones plates » [15].On définit un filtre centre connexe βc entreles transformations fc et gc de la façon sui-vante [16] :

βc= (I ∧ fc)∨ gc

Où :– ∧ correspond au calcul de la fonction« inf arithmétique » entre deux images ;– ∨ correspond au calcul de la fonction« sup arithmétique » entre deux images ;– I est la fonction identité.γ c et φ c étant respectivement une ouver-ture et une fermeture par reconstructionavec un élément structurant convexe detaille 1, on a :

fc ¼ φ c γ c φ c

etgc ¼ γ c φ c γ c

Le filtre centre connexe βc est appliqué icià l’extrait de l’image ERS-1 sur le deltamalien datée de décembre 1992, centréesur le déversement du Mayo Dembé(figure 11). Sur l’image résultante(figure 12), on constate que le chatoiement

dû au speckle a été sensiblement réduitet que les contours du réseau hydro-graphique ont été préservés.

Detection du changement

De nombreuses méthodes ont été propo-sées pour détecter les changements dessurfaces entre plusieurs dates à partird’images SAR. La plus classique consisteà produire une composition colorée à par-tir de deux ou plusieurs images où l’onaffecte le rouge et le bleu à l’image de lapremière date et le vert à celle de laseconde date. Cette technique est utiliséepour mettre en évidence l’augmentation oula diminution du coefficient de rétrodiffu-sion entre les deux dates considérées : lessurfaces affectées par une forte augmenta-tion de la rétrodiffusion vont apparaître envert et celles où ce coefficient a fortementdiminué apparaîtront en magenta surl’image résultante.La seconde méthode, qui est appliquée ici,est l’analyse en composantes principales(ACP). Cette méthode renforce les contras-tes radiométriques entre les images. Ici, onl’utilise pour renforcer le contraste entre lesvaleurs des coefficients de rétrodiffusiondes images SAR de la série temporelleconsidérée. On a utilisé cette méthode dedétection de changement entre deux datesaprès avoir préalablement traité les ima-ges par le filtre centre connexe décrit plushaut.On a ainsi effectué une composition colo-rée à partir des deux premières composan-tes principales obtenues à partir des ima-ges de juin et décembre 1992 (figure 13)pour identifier les changements intersaison-niers durant cette année qui connaissait unimportant déficit pluviométrique et hydrolo-gique. Dans ce cas particulier, nous avonsinversé le rôle des couleurs magenta et vertpar rapport à l’usage qui en est faitconventionnellement pour la détection dechangement, car il nous a semblé que lemagenta était plus immédiatement associéà l’humidité que le vert vif. Ainsi avons-nous attribué le rouge et le bleu à l’imagequi correspondait à la saison la plushumide des deux (humidité hydrologique),c’est-à-dire celle de décembre.Les parties de l’image qui apparaissent enmagenta sur la composition colorée corres-pondent à une forte augmentation, entreles deux dates, de la rétrodiffusion des sur-faces considérées. Il s’agit, outre les surfa-ces d’eau libre affectées par le vent, desurfaces qui ont été inondées, qui sontencore partiellement inondées ou dont lessols sont encore fortement saturés.Les parties de l’image qui apparaissent envert vif correspondent aux surfaces dont lecoefficient de rétrodiffusion a diminué

σ°i σ°g

σ°g

σ°d σ°m σ°c

σ°c

σ°m

σ°m

A

B

Figure 7. Sources de la rétrodiffusion dans le domaine micro-ondes pour la végétation ligneuseet la végétation herbeuse (d’après [10]).A) végétation ligneuse ; B) végétation herbeuse.

6 Sécheresse vol. 1E, n° 4, octobre-novembre-décembre 2007

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entre les deux dates : il s’agit sans doutede surfaces totalement inondées en saisonsèche et qui ne sont affectées à cette dateni par le vent ni par la pluie.

Des traitements identiques ont été appli-qués pour identifier les changements inter-venus entre deux saisons sèches 1992 et1996. L’interprétation de l’image résul-

tante (figure 14) se fait suivant les mêmesprincipes que précédemment. On constateque les parties situées à l’est du bassin ontune plus forte rétrodiffusion en février 1996qu’en juin 1992, ce qui pourrait s’expli-quer par le fait que les sols ne sont pasentièrement ressuyés en février alors qu’ilsle sont en juin, à la fin de la saison sèche etjuste avant que les pluies ne commencent.Afin de localiser les changements mis enévidence sur les images des figures 13et 14, nous avons procédé à une classifi-cation par la méthode des « nuées dynami-ques » des images correspondant auxdeux premières composantes principalespour chaque couple d’images. Sur l’imageproduite à partir des deux dates de 1992(figure 15), les surfaces à sols saturés ouhumides en décembre apparaissent enmagenta et en cyan alors que les partiesen rouge et en blanc sur l’image correspon-dent à des surfaces qui n’auraient pasbeaucoup varié entre les deux dates.De façon analogue, on observe qu’àl’ouest du fleuve Niger, les parties hautesde la cuvette ont des sols plus humides ouplus saturés en février 1996 qu’enjuin 1992 (figure 16).L’interprétation thématique des imagesradar est moins directement aisée quecelle des images provenant de capteurspassifs, mais certaines formes présentes àtoutes les dates permettent de repérer desthèmes tels que l’eau libre qui servent depoints d’appui. C’est le cas des chenaux etdes lacs, qui sont reconnaissables surtoutes les images, qu’elles soient origi-nelles ou issues de traitements. C’est aussile cas des dunes de la zone nord-ouest,qui correspondent à des sols nus ou trèspeu couverts en toutes saisons, sauf pen-dant la courte saison des pluies (juillet àseptembre).

Elements d’interpretation thematiquedes images

L’interprétation thématique (tableaux 3et 4) s’appuie sur la connaissance desdynamiques paysagères (tableau 1) et surl’état du milieu correspondant aux datesd’enregistrement (tableau 2).C’est dans cette dynamique que se remar-quent des effets de bordure particulière-ment nets dans le bassin du Mayo Dembéet dans la zone dunaire du nord-ouest,deux secteurs où les pentes des faiblesreliefs sont courtes et souvent dissymétri-ques (figure 17).En milieu inondable, toute pente, mêmefaible et courte, s’inscrit dans le paysagevisible par sa végétation et, tout spéciale-ment sur les images SAR, par son angle etsa direction.

0

- 2

- 4

- 6

- 8

- 10

- 12

- 14

2,4 2,6 2,8 3,0 3,2

log mv

σº (dB)

3,4 3,6 3,8 4,0

Figure 8. Variation du coefficient de rétrodiffusion en fonction de la teneur en eau volumétriquede la végétation [11].

0

10

5

0

- 5

- 10

- 15

- 2025

φEc

φEs

50 75

mf (%)

100 125 150

Figure 9. Variation du coefficient de rétrodiffusion σ° en fonction de la teneur en eau du sol nu(σ°s) et du sol couvert de végétation (σ°c) [12].

Sécheresse vol. 1E, n° 4, octobre-novembre-décembre 2007 7

Page 8: Variations d’humidite´ en zone humide tropicale

Interpretation des imagesdes figures 13 et 14

Sur la figure 13, qui transcrit la dynamiquesaisonnière (juin, décembre) d’une année

déficitaire dans son ensemble (1992), leréseau hydrographique semi-permanent etpermanent s’inscrit en vert : vert pâle deschenaux et vert foncé des lacs. Les hypothè-ses sont les suivantes : dans les chenaux,

les eaux ont baissé vite, avec apparitionde bancs de sable et de pelouses dedécrue ; les lacs, peu profonds cetteannée-là, ont perdu leur végétation. Onpeut formuler la même hypothèse pour lesrégions orientales de l’image qui présen-tent la même teinte, avec des effets de bor-dure en magenta qui s’interprètent commedes recrus végétaux en bas de pentes etdes rizières non encore récoltées.La figure 14 transcrit la comparaison entredeux années, les deux images correspon-dant à deux situations « sèches » : le deltaétait moins ressuyé en février 1996 (milieude saison sèche et de décrue d’une année« normale » sur les plans pluviométrique ethydrologique) qu’en juin 1992 (fin de sai-son sèche et de décrue d’une année pluvio-métriquement et hydrologiquement défici-taire). Les activités agricoles et pastorales,néanmoins, n’étaient pas les mêmes auxdeux dates, quel qu’ait été l’état hydriquedu milieu : cela peut induire des change-ments importants dans les états de surface,notamment les surfaces dénudées ou labou-rées des champs de riz en juin 1992, deve-nues pâtures en février 1996. Certains sec-teurs (à l’ouest et au sud du lac Débo, toutparticulièrement) présentent une augmenta-tion de rétrodiffusion par augmentation dessurfaces magenta ; les pâturages de bour-gou y avaient, en février 1996, une abon-dance et une densité très remarquables : lacrue avait été bonne et, à cette date, lagrande saison de pâture n’avait pasencore commencé. Le centre sud del’image est difficile à interpréter : moins« humide » que sur la figure 13, semble-t-il, ce qui peut témoigner d’un ressuyagedéjà bien avancé, situation normale enfévrier. C’est le cas inverse pour le secteurnord-est de l’image, qui reçoit la crue flu-viale plus tard que les aires méridionales,et conserve donc encore beaucoup d’humi-dité en février 1996.

Interpretation des imagesdes figures 15 et 16

Les espaces « humides en permanence »sur les deux images se situent plutôt dansles zones qui encadrent les lacs Débo etKorientzé au sud et à l’est (basses plainesdu Niger et Ouroubé-Doudé). Ces espacescorrespondent à des secteurs de hautevégétation herbacée flottante ou couchéeau sol après retrait de l’eau. L’eau libre

0

- 5

- 10

- 15

- 20

0 1 2

Biomasse sèche (kg/m2)

Sol inondé

0,10

0,20

0,40

Teneur en eau du sol (cm3/cm3)

3 4

Figure 10. Variations du coefficient de rétrodiffusion du sol nu par ERS-SAR en fonction de lateneur en eau du sol, de biomasse sèche (d’après [13]).

Tableau II. Correspondance entre les dates d’enregistrement et les saisons hydriques.

Saison climatique Saison hydrologique Evapotranspiration Situation generale

16 juin 1992 Chaude et seche Etiage Maximale Tres seche

8 decembre 1992 Froide et seche Hautes eaux Faible Moyennement seche (humidite pluviale residuelle)

29 fevrier 1996 Froide et seche Decrue Faible Moyennement seche a seche

8 Sécheresse vol. 1E, n° 4, octobre-novembre-décembre 2007

Page 9: Variations d’humidite´ en zone humide tropicale

Figure 11. Sous-scène ERS-1 du delta, centrée sur le point de défluenceentre le Niger et le Mayo Dembé (image non traitée, décembre 1992).

Figure 12. Filtre centre connexe appliqué à l’image de la figure 11.

61

4

5

B

C

1

3

A

2

1D E

FARIMAKÉ

MÉMA

MACINA

KOTIA KOUNARI

Bassin d'accumulationdu Dialloubé

Plaines bassesdu Diaka-Walado

OUROUBÉDOUDÉ

MoyenDiaka

Figure 13. Composition colorée à partir des deux premières composan-tes principales d’après les deux scènes ERS-1 de juin 1992 et décem-bre 1992.1) fleuve Niger ; 2) déversement du Mayo Dembé ; 3) Mayo Dembé ; 4) Lac Débo ; 5)Lac Korientzé ; A) photo de la figure 2 ; B) photo de la figure 3 ; C) photo de la figure 4 ;D) photo de la figure 5 ; E) photo de la figure 6.

Figure 14. Composition colorée à partir des deux premières composan-tes principales d’après les deux scènes ERS de saison sèche 1992 et sai-son sèche 1996 (juin 1992, février 1996).

Sécheresse vol. 1E, n° 4, octobre-novembre-décembre 2007 9

Page 10: Variations d’humidite´ en zone humide tropicale

permanente ne s’y inscrit de façon netteque sur le cours du Niger, les lacs eux-mêmes présentent des états de surfacevariés : végétation ou eau libre, vaguesou eau calme.La situation traduite par la figure 15 mon-tre une différence nette entre l’est et l’ouestdu delta : à l’ouest, de vastes surfaces

inondées ou humides en masses compac-tes ; à l’est, des secteurs dissociés en peti-tes unités. La comparaison entre les figu-res 15 et 16 montre que la plupart desunités en magenta et en cyan ont disparuou se sont redistribuées : cela peut êtreinterprété comme un ressuyage rapideentre la situation de décembre (1992) et

celle de février (1996), ce qui correspond,« toutes choses non égales par ailleurs »(les années 1992 et 1996 ont été différen-tes en quantités d’apports pluviaux et flu-viaux), à ce qu’on connaît du cycle généralde l’humidité dans le delta. Les détailslocaux seraient à comparer avec les micro-reliefs et les chroniques des débits flu-

Figure 15. Principaux changements (enmagenta et en cyan) entre saisonsèche (juin) et saison humide (décembre) en 1992.

Figure 16. Principaux changements (en magenta et en cyan) entre lessaisons sèches de 1992 et 1996 (juin 1992 et février 1996).

Tableau III. Interpretation des images des figures 13 et 14 : comparaisons juin 1992-decembre 1992 et juin 1992-fevrier 1996.

Couleur Interpretation theorique Interpretation dans le delta, issue des observations de terrain

Gris, du sombre au clair :peu ou pas de changement

Eau libre permanenteVegetation stableSols nus secs en permanence

Comparaison entre juin 1992et decembre 1992 (figure 13)

Eau libre permanenteSols nus secs (sables nus, argiles nues)Vegetation flottante permanente (nenuphars)

Comparaison entre juin 1992et fevrier 1996 (figure 14)

Eau libre permanentePas de changements du couvert vegetal inonde

Magenta :augmentationde la retrodiffusion

Augmentation de l’humiditedans les sols nus, augmentationde la vegetation herbacee

Comparaison entre juin 1992et decembre 1992 (figure 13)

Augmentation de l’humidite dans les sols nus (decembre = fin de la crue fluviale)Augmentation de la vegetation inondee et flottante des secteurs profonds :rizieres, nenuphars, bourgouVent sur l’eau libre et la vegetation flottante (lac Debo)

Comparaison entre juin 1992et fevrier 1996 (figure 14)

Augmentation de l’humidite dans les sols nusForte augmentation de la vegetation inondee et flottante des secteurs profonds :rizieres, nenuphars, bourgouRecrus herbaces dans les secteurs ressuyes

Vert :diminution de la retrodiffusion

Diminution de l’humidite dans les sols nusApparition des vegetations correspondantesApparition de sols nus et secs et diminutionde certaines vegetations

Comparaison entre juin 1992et decembre 1992 (figure 13)

Ressuyage rapide sur certains sols et sur haut des reliefs (dunes, talus de berges)Changements de vegetation dus a la decrue et au debut de saison seche,notamment dans les zones a inondation courte et peu profonde (recolte du riz,recrus ligneux, croissance herbacee)

Comparaison entre juin 1992et fevrier 1996 (figure 14)

Ressuyage de certains sols et du haut des reliefs (dunes, talus de berges)Changements de vegetation dus a la decrue et au debut de saison seche,et aux activites humainesChaumes du riz, recrus ligneux, croissance de certaines especes herbacees,diminution du couvert herbace par paturage

10 Sécheresse vol. 1E, n° 4, octobre-novembre-décembre 2007

Page 11: Variations d’humidite´ en zone humide tropicale

viaux : les vastes plaines inondables duKotia, situées entre le Diaka et le Niger,en magenta principalement (humides endécembre 1992), sont sèches dèsfévrier 1996 (année pourtant « humide »),ce qui semble indiquer une vidange et unressuyage plus rapides que dans d’autresplaines du delta.C’est la figure 16, combinaison d’états desaison sèche (1992 et 1996) qui proposeles informations les plus intéressantes sur lapermanence de l’humidité :– sa concentration sur le sud des lacs Déboet Walado (plaines du Niger et Ouroubé-Doudé), milieu constitué de plaines d’inon-dation basses qui reçoivent l’inondation unpeu plus tard que les autres régions ;– l’existence de secteurs où l’humidité semaintient durablement, sur les borduresde l’aire inondable à l’est et à l’ouest :ces secteurs reçoivent à la fois les eauxde pluie des bassins de bordure et, unpeu plus tard, les eaux des crues fluvialesvenues du sud par le Niger et par sondéfluent principal, le Diaka ;

– le bassin du Dialloubé apparaît nette-ment comme moins durablement humide,peut-être à cause des alluvionnementsimportants et récents – leurs digitationssont bien visibles en blanc sur la figure 16 –qui ont surhaussé les cours divagants et lesberges et comblé les bas-fonds ;– le secteur du moyen Diaka semble pré-senter le même caractère.

Conclusion

Les six images des figures 11 à 16 consti-tuent des « cartes radiométriques » remar-quablement similaires en dépit de différen-ces des dates d’enregistrement, c’est-à-direde la situation hydrique du milieu. Les repè-res morphologiques courants que sont lesgrandes mares circulaires, les lacs et lescours d’eau y sont visibles, même dans lagrande complication de tracé de ces der-niers (larges divagations, effluents secon-daires et méandres), et cela quelles quesoient les dynamiques qui les transcrivent.

Il en est de même pour la structure dunairedu nord-ouest.Les images SAR font aussi apparaître unestructuration inattendue par l’organisationen quatre grands secteurs qui présententdes caractères d’humidité différents :– au nord et à l’ouest, la zone dunaire duFarimaké et la bordure du Méma, situéesen dehors de la zone inondable et souventsèches ;– une « diagonale humide » qui va duMacina à l’entre-deux lacs (Débo etWalado) en passant par le Diaka-Walado, qui correspond à des plainesbasses, tôt inondées et tard ressuyées ;– les secteurs variables que sontl’Ouroubé-Doudé au nord-est et le Kotiaau sud, plaines basses tôt inondées etplus ou moins rapidement ressuyées ;– le bassin d’accumulation alluvionnairedu Dialloubé et la bordure du Kounari,humides moins longtemps et plus vite res-suyés que les plaines les plus basses.Notre hypothèse est que cette structurationcorrespond à des organisations différentesde traits géomorphologiques locaux :

Haut de relief : ressuyage rapide, végétation herbacée permanente

Pente : humidité ou immersion variable, végétationchangeante

Bas de pente : accumulation durable de l’humidité

Bas-fond ou plaine inondable : immersion durable, végétation durable

Figure 17. Profil topographique des reliefs des bordures fluviales et des dunes.

Tableau IV. Interpretation des images des figures 15 et 16 : comparaisons juin 1992-decembre 1992 et juin 1992-fevrier 1996.

Couleur Interpretation dans le delta, issue des observations de terrain

Rouge :milieux humides aux deux dates

Comparaison entre juin 1992 et decembre 1992(figure 15)

Secteurs durablement humides, en plages petites et dispersees : bas-fonds locaux sousinondation residuelle et non ressuyes, grands bas-fonds du fleuve Niger a humiditepermanente, linearite des cours d’eau permanents

Comparaison entre juin 1992 et fevrier 1996(figure 16)

Secteurs humides retrecis par rapport a la figure precedente, organisation en plagesplus compactes : plaines et lacs a inondation tardive, sans doute plus abondante en 1996

Magenta :milieux humides a une seule date

Comparaison entre juin 1992 et decembre 1992(figure 15)

Milieux secs en juin, humides en decembre (humidite pluviale et fluviale).Les parties les plus basses du delta sont inondees ou humides

Comparaison entre juin 1992 et fevrier 1996(figure 16)

Milieux secs en juin 1992, humides en fevrier 1996 (humidite fluviale) : la partieoccidentale du delta, non encore ressuyee, a recu ou conserve davantage d’eauque la partie orientale

Cyan :milieux secs a une seule date

Comparaison entre juin 1992 et decembre 1992(figure 15)

Milieux secs en juin 1992, deja en cours de ressuyage en decembre de cette anneeglobalement seche : plages petites et dispersees a l’est, bordures des aires plus humidesa l’ouest

Comparaison entre juin 1992 et fevrier 1996(figure 16)

Milieux secs en juin 1992, en cours de ressuyage en fevrier 1996 : secteurs plus vasteset plus compacts a l’est qu’a l’ouest, traduisant la dissymetrie du delta

Blanc :milieux secs aux deux dates(pas d’humidite pluviale, pas d’humidite fluviale)

Comparaison entre juin 1992 et decembre 1992(figure 15)

Parties hautes exondees en permanence ou ayant recu peu d’inondation fluviale,rapidement ressuyees en decembre 1992 (annee seche)

Comparaison entre juin 1992 et fevrier 1996(figure 16)

Idem. La difference entre les secteurs blancs des figures 15 et 16 montre les airestardivement ressuyees (schematiquement : entre decembre et mars)

Les deux figures mettent l’humidite en evidence, soit par sa variation (elle a donc ete presente a une date au moins) en magenta et cyan, soit par sa permanence,en rouge. Le blanc transcrit l’absence ou la permanence d’humidite aux deux dates.

Sécheresse vol. 1E, n° 4, octobre-novembre-décembre 2007 11

Page 12: Variations d’humidite´ en zone humide tropicale

l’organisation des microreliefs issus dupassé hydrologique induit à la fois desdurées d’inondation et de ressuyage dessols, et des organisations végétales dedétail, dont la résultante radiométrique setranscrit ici en grandes unités dans lesquel-les le comportement hydrique est, sinonhomogène, du moins similaire.Certains détails restent cependant difficile-ment interprétables, dans la mesure oùl’éventail des hypothèses reste très largeet parfois contradictoire. En zone saison-nièrement inondable tout particulièrement,il serait utile de faire des études de spec-troradiométrie sur le terrain afin de dresserun catalogue des signatures spectrales dessurfaces naturelles dans le domaine micro-ondes, en relation avec la grande variabi-lité du milieu.La comparaison d’images multidates permetde faire des hypothèses sur l’organisationspatiale de l’évolution de l’inondation et del’humidité, et sur les gradients temporels deressuyage (vitesses et moments de l’année).D’autres comparaisons de dates pourrontapporter des informations utiles sur lessecteurs qui reçoivent plutôt une humiditéd’origine pluvio-fluviale et ceux qui reçoiventplutôt une humidité d’origine fluviale uni-quement, et permettront d’affiner l’analysespatio-temporelle de l’inondation.Enfin, les traitements et interprétationsexploratoires proposés ici montrent qu’ilserait utile de traiter une série d’imagesenregistrées aux mêmes moments décisifsde l’année (juin et décembre) sur unensemble de dix années successives.Les comparaisons bi-saisonnières sur dixans et les comparaisons interannuellespour les mêmes saisons, réalisables à

l’aide des séries d’images ERS enregistréessur le delta (1992-2002) permettraient dedresser des cartes cinétiques de l’humiditéet du ressuyage (eau de surface et dessols), de mieux comprendre l’organisationspatiale et temporelle de l’inondation et duressuyage et de mesurer indirectement lesvariations hydroclimatiques de cettedécennie.■

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12 Sécheresse vol. 1E, n° 4, octobre-novembre-décembre 2007