varenne 2012 phr 1

4
La Gazette n° 1226 - Du 15 au 21 décembre 2011 lenquête Plan Cabanes : la fin du quartier arabe ? L e quartier arabe de Montpellier va-t-il dis- paraître ? Avec l’arrivée du tram 3 sur Gambetta, le Plan Cabanes vit une mutation radicale. Cernée par la “boboïsation” des Arceaux ou de Figuerolles, la “médina” du centre-ville et ses nombreux kebabs, bou- cheries, coiffeurs ou épiceries pourrait suivre le même chemin. “Plan Cabanes est la nou- velle cible des promoteurs et d’une clientèle d’en- seignants, d’artistes, de fonctionnaires ou d’étu- diants”, confirme David D’Eramo, cofonda- teur de l’agence immobilière du Courreau. Il identifie ici “le même processus de boboïsation que les Beaux-Arts, dans les années 90” . Avec un élément en plus : “Une identité qui plaît, avec son marché, ses souks, ses boucheries…” Une identité qui plaît visiblement beaucoup moins aux élus. Leur mot d’ordre : faire de Plan Cabanes un quartier moins “communautaire”. Mixité sociale “Il ne s’agit plus de faire une médina”, annonce ainsi Christian Bouillé, adjoint au maire en charge de la rénovation urbaine. “Il faut une certaine mixité sociale, poursuit Michaël Dela- fosse, adjoint à l’urbanisme. Je veux des hommes mais aussi des femmes aux terrasses des cafés.” Patrick Bonnin, directeur de la mission Grand Cœur, chargée de la rénovation du quartier, ironise en souhaitant “plus de biodiversité (!) dans la population”. Longtemps, Figuerolles s’est accommodé de passe-droits : garages transformés en commerce, ouvertures sau- vages le dimanche et la nuit, stationnement anarchique, marchands de sommeil… “Res- taurer la mixité, c’est une obligation, sinon on perd la partie sur la ville”, dit carrément Robert Subra, élu délégué aux transports. L’arrivée du tramway fait déjà flamber les prix de l’immobilier. “On va rattraper le reste de Montpellier, avec des prix de 3000 à 4500 euros du mètre carré.” Soit moitié plus cher qu’avant le tram sur Gambetta. Conséquence : les nou- veaux arrivants ne sont plus des Arabes ou des étrangers peu fortunés. Bachir Dahak, tra- ducteur franco-arabe de la rue du Courreau, affirme même que des locataires aux revenus modestes voient leur bail de quinze ans dénoncé, pour augmenter le prix du loyer. Ce changement de population est accéléré par le droit de préemption de la Ville sur les loge- ments. Elle est ainsi par- tie à la chasse aux mar- chands de sommeil – qui louent des taudis aux plus pauvres et aux clandestins – et autres logements insa- lubres. “Il y a des endroits où l’on ne tient pas debout dans les pièces, dénonce Patrick Bonnin, directeur de la mission Grand Cœur. La Serm les rachète, pour les rendre plus décents, et les revendre, ou pour faire du loge- ment social.” Mise en jachère Officiellement, les locataires ou propriétaires sont “relogés selon leurs désirs”. Mais nombre de locataires évoquent des propositions de relo- gement à l’autre bout de la ville, à Ovalie, près du stade Yves-du-Manoir, à la Mosson, voire dans le lointain village d’Aniane. Pour l’heure, la Serm a déjà mis la main sur quelque deux cents logements. La population change, et avec elle les com- merces. Un enrichissement anticipé par les grands groupes de distribution : le tout nou- veau Casino Shopping, en bas du cours Gam- betta, et son rayon dédié au halal, a obtenu son implantation au prix d’une longue bataille contre ses concur- rents. Ce changement d’en- seignes est, là en - core, encouragé par la Mairie. La Ville a fixé un périmètre de préemption (voir sché - ma en page ci-contre) des commerces limité à l’axe Figuerolles- Courreau. Autrement dit, le cœur du quartier arabe. Le principe : la Mairie peut reprendre un bail, si un futur commerce ne correspond pas à ses attentes. “Un quartier ne peut être peuplé que de kebabs ou de coiffeurs, dit un chef de projet de la Serm. Il faut des fleuristes, du prêt-à-porter…” Un avis partagé par une cin- quantaine de commerçants “traditionnels” (non arabes). Ils viennent même de créer leur asso- ciation, Via Gambetta. Selon leur président, L’âme de Plan Cabanes, sa population cosmopolite et ses boutiques maghrébines, est menacée. L’arrivée prochaine du tramway fait flamber les loyers. Et au nom de la “mixité sociale”, la Ville préempte logements et commerces. Pris en tenaille entre un quartier Figuerolles envahi par les “bobos” et un cours Gambetta qui s’enrichit, ce quartier populaire va-t-il survivre ? 8REPÈRES 42 000 : c’est le nombre de piétons qui fréquentent la rue du Faubourg- du-Courreau chaque semaine. Autant que la rue de l’Argenterie, et beaucoup plus que le Jeu-de-Paume (30 000) ou le boulevard Louis-Blanc (22 000). 14 000 habitants ont été recensés sur le cours Gambetta et ses environs, lors de l’étude de marché du Casino Shopping. 33 % des ménages vivant dans le quartier Gambetta touchent moins de 845 euros par mois. C’est deux fois plus que la moyenne montpelliéraine (17,5 %). LONGTEMPS, FIGUEROLLES S’EST ACCOMMODÉ DE PASSE-DROITS : GARAGES TRANSFORMÉS EN COMMERCE, OUVERTURES SAUVAGES LE DIMANCHE ET LA NUIT, MARCHANDS DE SOMMEIL… 24

Upload: erwann-gaucher

Post on 22-Mar-2016

214 views

Category:

Documents


0 download

DESCRIPTION

Varenne 2012 PHR 1

TRANSCRIPT

Page 1: Varenne 2012 PHR 1

La Gazette n° 1226 - Du 15 au 21 décembre 2011

l�’enquête

Plan Cabanes : la findu quartier arabe?

Le quartier arabe de Montpellier va-t-il dis-paraître? Avec l’arrivée du tram 3 surGambetta, le Plan Cabanes vit une mutationradicale. Cernée par la “boboïsation” desArceaux ou de Figuerolles, la “médina”

du centre-ville et ses nombreux kebabs, bou-cheries, coiffeurs ou épiceries pourrait suivrele même chemin. “Plan Cabanes est la nou-velle cible des promoteurs et d’une clientèle d’en-seignants, d’artistes, de fonctionnaires ou d’étu-diants”, confirme David D’Eramo, cofonda-teur de l’agence immobilière du Courreau. Ilidentifie ici “le même processus de boboïsationque les Beaux-Arts, dans les années 90”. Avec unélément en plus : “Une identité qui plaît, avecson marché, ses souks, ses boucheries…” Uneidentité qui plaît visiblement beaucoup moinsaux élus. Leur mot d’ordre : faire de PlanCabanes un quartier moins “communautaire”.

Mixité sociale“Il ne s’agit plus de faire une médina”, annonceainsi Christian Bouillé, adjoint au maire encharge de la rénovation urbaine. “Il faut unecertaine mixité sociale, poursuit Michaël Dela-fosse, adjoint à l’urbanisme. Je veux des hommesmais aussi des femmes aux terrasses des cafés.”Patrick Bonnin, directeur de la mission GrandCœur, chargée de la rénovation du quartier,ironise en souhaitant “plus de biodiversité (!)dans la population”. Longtemps, Figuerolless’est accommodé de passe-droits : garagestransformés en commerce, ouvertures sau-vages le dimanche et la nuit, stationnementanarchique, marchands de sommeil… “Res-taurer la mixité, c’est une obligation, sinon onperd la partie sur la ville”, dit carrément RobertSubra, élu délégué aux transports.L’arrivée du tramway fait déjà flamber les prixde l’immobilier. “On va rattraper le reste deMontpellier, avec des prix de 3000 à 4500 eurosdu mètre carré.” Soit moitié plus cher qu’avant

le tram sur Gambetta. Conséquence: les nou-veaux arrivants ne sont plus des Arabes ou desétrangers peu fortunés. Bachir Dahak, tra-ducteur franco-arabe de la rue du Courreau,affirme même que des locataires aux revenusmodestes voient leur bail de quinze ans dénoncé,pour augmenter le prix du loyer.Ce changement de population est accéléré parle droit de préemption de la Ville sur les loge-ments. Elle est ainsi par-tie à la chasse aux mar-chands de sommeil – quilouent des taudis aux pluspauvres et aux clandestins– et autres logements insa-lubres. “Il y a des endroitsoù l’on ne tient pas deboutdans les pièces, dénoncePatrick Bonnin, directeur de la mission GrandCœur. La Serm les rachète, pour les rendre plusdécents, et les revendre, ou pour faire du loge-ment social.”

Mise en jachèreOfficiellement, les locataires ou propriétairessont “relogés selon leurs désirs”. Mais nombrede locataires évoquent des propositions de relo-gement à l’autre bout de la ville, à Ovalie, prèsdu stade Yves-du-Manoir, à la Mosson, voire

dans le lointain village d’Aniane. Pour l’heure,la Serm a déjà mis la main sur quelque deuxcents logements.La population change, et avec elle les com-merces. Un enrichissement anticipé par lesgrands groupes de distribution: le tout nou-veau Casino Shopping, en bas du cours Gam-betta, et son rayon dédié au halal, a obtenu sonimplantation au prix d’une longue bataille

contre ses concur-rents.Ce changement d’en-seignes est, là en - core, encouragé parla Mairie. La Ville afixé un périmètre depréemption (voir sché -ma en page ci-contre)

des commerces limité à l’axe Figuerolles-Courreau. Autrement dit, le cœur du quartierarabe. Le principe: la Mairie peut reprendreun bail, si un futur commerce ne correspondpas à ses attentes. “Un quartier ne peut êtrepeuplé que de kebabs ou de coiffeurs, dit un chefde projet de la Serm. Il faut des fleuristes, duprêt-à-porter…” Un avis partagé par une cin-quantaine de commerçants “traditionnels” (nonarabes). Ils viennent même de créer leur asso-ciation, Via Gambetta. Selon leur président,

L’âme de Plan Cabanes, sapopulation cosmopolite et ses

boutiques maghrébines, estmenacée. L’arrivée prochainedu tramway fait flamber les

loyers. Et au nom de la “mixitésociale”, la Ville préempte

logements et commerces. Prisen tenaille entre un quartier

Figuerolles envahi par les“bobos” et un cours Gambetta

qui s’enrichit, ce quartierpopulaire va-t-il survivre?

8REPÈRES42000 :

c’est le nombre de piétons quifréquentent la rue du Faubourg-

du-Courreau chaque semaine.Autant que la rue de

l’Argenterie, et beaucoup plusque le Jeu-de-Paume (30 000)

ou le boulevard Louis-Blanc(22 000).14000

habitants ont été recensés sur lecours Gambetta et ses environs,

lors de l’étude de marché duCasino Shopping.

33 % des ménages vivant dans le

quartier Gambetta touchentmoins de 845 euros par mois.

C’est deux fois plus que lamoyenne montpelliéraine

(17,5 %).

LONGTEMPS, FIGUEROLLES S’ESTACCOMMODÉ DE PASSE-DROITS :GARAGES TRANSFORMÉS ENCOMMERCE, OUVERTURESSAUVAGES LE DIMANCHE ET LANUIT, MARCHANDS DE SOMMEIL…

24

Page 2: Varenne 2012 PHR 1

La Gazette n° 1226 - Du 15 au 21 décembre 2011

25

Patrick Baudon, propriétaire de la quincaille-rie Broussous & Calmels, qui se dit “soutenupar la Ville et l’Agglo”, il s’agit de “reconquérirle cours Gambetta”. Et d’expliciter: “Une bou-cherie halal tous les dix mètres, cela fait un peughetto.” Une vingtaine de commerces arabesont déjà été repris par la Serm. Et laissés vide.Une “mise en jachère” qui, selon plusieurs com-merçants, fragilise ceux qui sont encore là…

“Opération de nettoyage”Les anciens du quartier, eux, s’inquiètent. “Ona l’impression que le problème, ce sont lesArabes”, tonne Mounir Letaief, épicier emblé-matique de la place Salengro. On n’est pascontre la rénovation, si on y participe. Mais cen’est pas ce qui se prépare. C’est une opération denettoyage!” La Mairie, la Serm réfutent touteidée de “racisme” ou de “stigmatisation d’uneculture”. Ce qui n’empêche pas Khalid Akroui,patron de McKhalid, le plus ancien kebab duquartier, d’avoir l’impression de “se faire avoir”.Pour le traducteur Bachir Dahak, un quartierarabe n’est pourtant pas un problème en soi.“Ici, la population maghrébine est bien intégrée.Elle respecte les règles. C’est un quartier vivant,tranquille et mixte. Regardez la terrasse de LaPleine Lune. C’est comme les Beaux-Arts, maisen plein quartier arabe.”Pour Amal Chantir, 45 ans, auteur d’une thèserécente sur la dynamique commerciale de PlanCabanes, “si l’on fait disparaître ce quartier arabe, cela va avoir un impact sur tout le centre-ville”. Car beaucoup de clients, attirés par lesprix bas du quartier, circulent ensuite danstout l’écusson pour faire leurs courses.David D’Eramo, l’agent immobilier, tientmême à prévenir: “si le côté ethnique, avec cetteambiance, ces commerces, disparaît, les ache-teurs revendront, et iront ailleurs”. Paradoxe: siles Arabes et leurs commerces se dispersentau nom de la “mixité sociale”, les “bobos” pour-raient fuir ce quartier qui perd son âme. Enquête d’oasis, vont-ils se retrouver en pleindésert arabe? Gwenaël Cadoret

La Gazette. Qui vient faire sescourses dans le quartier Figue -rolles et pourquoi ?

Amal Chantir.Quelle quesoit l’origine,les gens vien-nent ici pourl’alimentaire,à 85 % : lesfruits et légu -mes du mar-

ché, la viande, les épices… Laclientèle est variée. Le matin,ce sont les personnes âgées.Dans la journée, la clientèlevient de toute l’agglomération,en voiture. Le soir, il y a beau-coup de jeunes et d’étudiants.Les gens viennent cherchercette identité, cette ambiance.Et une notion de proximitétrès importante. C’est ce quiest le plus plébiscité par laclientèle. C’est un lieu de pas-sage extraordinaire. Le quar-tier a un vrai avantage concur-rentiel. Il est le seul à propo-ser autant de produits debouche et ethnique à des prixmodiques. Comme le turn-over de marchandises est trèsimportant, les produits sonttrès frais. On s’adapte à lademande en temps réel. C’estun véritable laboratoire mar-keting à ciel ouvert!

En quoi les commerçants sont-ilsdynamiques ?Malgré la crise, les gens conti-nuent à venir massivement àPlan Cabanes. Même s’il y a

plusieurs boucheries, coif-feurs ou kebabs dans les rues,les commerçants sont peu tou-chés par la concurrence. Celaveut dire qu’il y en a pour toutle monde. Les commerçantsont un vrai esprit entrepre-neurial. Ils développent desidées, parlent de chiffre d’af-faires, de performance.

Vous préconisez une rénovationdu quartier mais en gardant lesmêmes commerces, c’est faisable?Les élus ne doivent pas oublierque le quartier fait vivre desgens. Il faut profiter de la réno-vation urbaine et de l’arrivéedu tram pour raccorder PlanCabanes au centre-ville. Lequartier a toujours vécu com-

C O U R S G A M B E T TA

AV DE LODÈVE

PlaceSalengro

RUE

PELL

ICIE

R

RUE DU COURREAU

BD LEDRU-ROLLIN

FAUBOURG

FIGUEROLLES

RUE DU

Auteur d’une thèse sur la dynamique commerciale du quartier,Amal Chantir estime qu’il faut le moderniser mais le préserver.

Entretien “Plan Cabanes équilibrele commerce du centre-ville”

me un faubourg. C’est trèsbien, la rénovation. Le pro-blème, ce sont les commercesqui sont moches, mal rénovés.Il faut tirer vers le haut lesentreprises existantes, plutôtque de les remplacer. Biensûr, un peu plus de variété, àla marge, peut être bénéfique. Par contre, il faut régler le pro-blème du stationnement. Jepréconise le développementde stationnements gratuitscourts, afin de permettre auxclients de faire leurs courses.Ce n’est pas une solution quede multiplier les PV. Si les gensne peuvent plus se garer, ilsne viendront plus au cœur deville. Ils iront dans les centrescommerciaux.

La Ville a néanmoins préemptéune vingtaine de commerces aunom de la mixité sociale…Si on enlève les commerçants,elle sera où, la mixité? L’Étata tout intérêt à encourager lecommerce, notamment viades incubateurs, et un soutienaux projets d’entreprise. S’iln’y a plus cette dynamiquecommerciale ici, les gens vien-dront moins au centre-ville.Plan Cabanes est un facteurd’équilibre du commerce detout le cœur de ville. La clien-tèle qui vient ici circule le plussouvent à pied, et fait aussi desachats dans l’Écusson. Si lesélus tuent le quartier, ce sera enconnaissance de cause. Et celaaura un coût social important.

Certainspetitspropriétairesdénoncentles méthodesmusclées dela Serm,chargée de la

rénovation du quartier Plan Cabanes. C’est lecas d’Antoinette Martinez, retraitée officiantcomme traductrice auprès du tribunal et de lapolice, et qui détient deux appartements, rueGuillaume-Pellicier. Après avoir été avertied’une visite de la Serm, pour “estimer son bien”,elle raconte avoir reçu, avant l’été, deux agents.“Ils sont entrés, et m’ont directement dit : “celane va pas, ce n’est pas conforme”. On m’areproché de ne pas avoir fait les travaux. Mais

quand j’ai demandé quels travaux je devais faire,on m’a répondu que j’étais censée être aucourant.” Depuis, elle a refait l’électricité de sonlogement. Ce qui ne l’a pas empêchée derecevoir une lettre de la Serm, lui annonçantson expropriation. “Si on m’avait demandé destravaux précis, je les aurais faits directement !”Au final, la Serm lui propose 60 000 euros pourson T3, soit 40 % du prix du marché. “Avec cetargent, je ne peux même pas acheter unstudio !” Pourtant, son appartement n’a riend’une ruine. Plutôt sensibilisée aux questionsjudiciaires, la dame a donc pris un avocat. Et aidentifié “des dizaines d’autres cas”, dans sonimmeuble ou les environs. Révoltée, la dameaccuse la Serm “de vouloir spolier les petitspropriétaires pour faire des plus-values, endétournant la procédure d’expropriation”.

ANTOINETTE, EN GUERRE CONTRE LA SERM

“On a l’impression que le problème, ce sontles Arabes, tonne Mounir Letaief, épicier

emblématique de la place Salengro. On n’estpas contre une rénovation si on y participe.

Mais ce n’est pas ce qui se prépare…”

l�’enquête

> La Ville préempte lescommerces arabesComme le montre cettecarte, ce sont surtout lescommerces arabes – la zonede préemption est représen-tée en rouge – qui sont reprispar la Ville. Actuellement,une vingtaine d’entre euxont été rachetés et, pourl’instant, laissés vides.

LaVILLEenPARLE

PHOT

O CÉ

LINE E

SCOL

ANO

PHOT

O CÉ

LINE E

SCOL

ANO

CART

E AN

DRÉ Y

ANEL

LE

PHOT

O EM

IE VI

LAR

Page 3: Varenne 2012 PHR 1

La Gazette n° 1226 - Du 15 au 21 décembre 2011

26

Plan Cabanes : la fin du quartier arabe ?

l�’enquête

Gambetta:une rénovatioPour Khalid, le vendeur de kebabs et de hamburgers, la Ville veut

chasser les Arabes. Cyril Comont, le patron de Tati, y voit l’occasionde gagner une nouvelle clientèle. La rénovation du quartier fait

balancer les commerçants entre espoir et crainte.

Khalid Akraoui, patron du snack McKhalid“Il y a une forme de harcèlement. On nous demande des travaux impossibles à réaliser. Je pense que c’est exprès, pour nousfaire partir. C’est bien de rénover le quartier. Mais ils font n’importe quoi. Ils veulent casser le commerce. Selon moi,l’objectif, c’est de disperser les Arabes, qu’ils ne restent pas dans le même quartier.”

David D’Eramo, cofondateur de l’agence immobilière du Courreau“La mairie a raison de prendre les choses en mains. Il y avait vraiment des logements insa-lubres. Beaucoup de bobos veulent acheter ici. Le quartier va se moderniser de plus en plus.Il a tout pour réussir, pour devenir un quartier chic, avec une âme en plus.La Mairie veut créer une mixité commerciale. Moi, j’y crois. Mais si l’on veuttrop le changer, il perdra son côté populaire. Il ne faut pas que cela disparaisse. On aimel’âme du quartier. Le jour où il n’y a plus cette mixité, Plan Cabanes est mort.”

Ibtissam El Hachem,responsable du restaurantLes Saveurs du Liban“Depuis huit ans, je suis trèsheureuse dans ce quartier trèsconvivial. Pour moi, il n’y apas de problème. Même sion est nombreux, on atous nos clients. Les gensne viennent pas chez moi parhasard. Ils reviennent si c’estbon. Je ne pense pas qu’il y aittrop de kebabs. Il y a de laplace pour tout le monde. Onest à côté du centre. Si on peutaméliorer la ville, les rues, lescommerces, je trouve que c’estbien.”

PHOT

O CÉ

LINE E

SCOL

ANO

PHOT

O EM

IE VI

LAR

PHOT

O EM

IE VI

LAR

PHOT

O EM

IE VI

LAR

Page 4: Varenne 2012 PHR 1

LaVILLEenPARLE

La Gazette n° 1226 - Du 15 au 21 décembre 2011

27l�’enquête

on qui fait débatPatrick Baudon,responsable de la quincaillerieBroussous & Calmels“Le quartier va changer. Rap-pelons-nous que Geor gesFrêche voulait faire de Gam-betta les Champs-Élysées deMontpellier. La Serm pré-empte beaucoup de com-merces. Cela va permettre unvrai changement, avec unaspect plus qualitatif. Il fautplus de variété. À PlanCabanes, il y a un pro-blème de concentration,cela fait un peu ghetto.Cela ne veut pas dire qu’on nepeut pas se mélanger. Il fautque les commerces s’interca-lent, qu’une diversité intéres-sante se crée. Les prix desloyers, et des commercesrisquent d’augmenter. Maisc’est le prix à payer pour unmeilleur quartier.”

Béatrice et Thierry Boissier, gérants du nouveau Casino Shopping“Cela fait onze ans qu’on est dans ce quartier trèssympa. Avec la rénovation et l’arrivée du tram, il vareprendre vie. Depuis notre ouverture, les gensadhèrent. Forcément, on va faire un peu de mal auxcommerçants de Plan Cabanes. L’objectif, c’estque tout le monde réussisse, même ceuxqui sont déjà là. À eux d’être bons, d’être pluspros. Le magasin va créer un passage qui va êtrebénéfique pour le quartier. D’autres projets vontprendre vie.”

Bachir Dahar, traducteur franco-arabe“Plan Cabanes doit bénéficier du réaménagement urbain de la ville. Mais il faut le faire avec lesgens d’ici. Au niveau commercial, cela peut amener plus de qualité, de rigueur sur l’hygiène, leshoraires. Le problème, ce ne sont pas les Arabes. Il faut améliorer, et non enlever le commercemaghrébin. C’est le dernier quartier vivant de Montpellier. La mixité sociale, elle est déjà là.”

Cyril Comont, responsable de Tati“On attend énormément de ces travaux de rénovation. Il faut que le quartier se trans-forme en mieux. Que la fréquentation des commerces change. On aimerait que cestravaux nous permettent de récupérer une clientèle du centre-ville. Descommerces comme le nouveau Casino vont nous aider à changer. Pour fidéliser, on abesoin d’une clientèle éclectique, plus diverse. L’arrivée du tram ne peut être que béné-fique. En plus, cela va nous apporter encore plus de monde, qui arrivera directementdu nord de Montpellier. Avec l’évolution du quartier, le marché sauvage, on s’est vrai-ment demandé si on allait partir. Cela drainait un public malhonnête. Plan Cabanesva devenir un quartier bobo, et c’est très bien!”

PHOT

O CÉ

LINE E

SCOL

ANO

PHOT

O EM

IE VI

LAR

PHOT

O EM

IE VI

LAR