var, jean-françois - martinesisme et martinisme

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Martinesisme et MartinismePar Jean-Franois Var MARTINESISME & MARTINISMELe titre de louvrage de Papus, Martinsisme, Willermosisme, Martinisme et Franc-Maonnerie (1899), circonscrit assez exactement ce que lhistoriographie moderne dsigne sous le nom de martinisme , du moins pour la priode des origines et des premiers dveloppements (XVIIIe sicle, dbut du XIXe sicle) ; lappellation de second martinisme tant applique lhistoire de lOrdre martiniste rveill , aux dires du mme Papus, mais en ralit fond par lui, en 1887. Martinisme : cette dnomination rfre, non pas tant Louis-Claude de Saint-Martin (mais lui tout de mme) qu Martines de Pasqually, matre penser, matre agir, matre prier et matre officier de tous ceux dont lensemble, en apparence htrogne mais unifi en son fond, constitue le genre dsotrisme ainsi dsign, suffisamment typ pour trancher sur le reste des courants de pense du Sicle des Lumires, y compris lorsque ces courants de pense revtent des formes initiatiques - en loccurrence maonniques -, et pour susciter, aujourdhui comme alors, des ractions contrastes.La doctrineAu commencement, donc, tait Martines de Pasqually. Lhomme, et surtout sa doctrine : cest elle qui qualifie le martinisme .Cette doctrine est une gnose, cest--dire une science au sens traditionnel du terme : elle nest pas tant axe sur lacquisition dun savoir, de connaissances - encore que cet aspect ne soit pas absent, loin de l - que sur la transformation de ltre intime de celui qui sy adonne. Cest une science active et opratrice spirituellement, une science transformante, qui a en vue non les objets mais le sujet.Cette doctrine est totalisante. Cest une hirohistoire, une Histoire sainte, de lhomme et de lunivers dans leurs rapports rciproques et dans leurs rapports avec Dieu. Histoire qui nest pas seulement descriptive mais dynamique, faite des actions et des ractions, des contre-actions , comme dit Martines, la fois de lhomme et de Dieu. Cette histoire ne se borne en effet pas constater, dresser le tableau de lvolution des rapports entre Dieu, lhomme et lunivers , pour citer le titre dun ouvrage marquant de Saint-Martin, elle est toute ordonne vers la modification de ces rapports et, pour tout dire, vers leur restauration. Car ces rapports se sont dgrads et toute laffaire, cest de les rtablir dans leur intgrit premire.Elle est donc faite - et ce contenu typifie bien une Histoire sainte - des actes de rbellion de lhomme contre Dieu, puis de sa venue rsipiscence, comme des interventions de Dieu en vue de la punition de lhomme, puis de sa rconciliation - de sa punition en vue de sa rconciliation.La doctrine de Martines, et la pratique qui va avec, comporte donc une cosmologie, qui est une cosmogonie, dbouchant sur une cosmosophie. Une anthropologie, qui est une anthropogense et aussi une anthroposophie. Une thologie, qui est une thosophie. Une anglologie, qui est une anglodulie, un culte des anges et avec les anges, donc une liturgie. Toutes places sous le signe de la Sagesse ou Sophia. Tout cela va devoir tre explicit.A lorigine, origine du temps comme du monde, il y a la chute, que Martines appelle prvarication , terme dusage courant dans lcole spirituelle franaise de lge classique. Chute ou prvarication double : dabord des anges, puis de lhomme.Mais auparavant il y a une histoire avant lhistoire, un temps avant le temps. Dans ce temps anthistorique, pr-temporel, lEternel - dnomination qui souligne que Dieu Crateur est souverainement exempt de toute dtermination temporelle (les Pres grecs marquent cela plus nettement encore en parlant de Dieu Pr-ternel ) - lEternel, donc, mane des esprits au sein de ce que Martines appelle limmensit divine . Leur nombre est infini et cette infinit nest pas statique mais dynamique : la multitude des habitants de limmensit divine crot et crotra sans cesse et linfini sans jamais trouver de bornes , car la fcondit divine est ininterrompue : Dieu ne cesse jamais de crer.Au vrai, le terme crer est ici impropre car Martines le rserve la production des formes matrielles et temporelles ; pour les productions divines au plan spirituel, il emploie les vocables maner et manation . La distinction est capitale, parce quelle conduit envisager l essence divine - essence tant prendre, selon la prcieuse notation de Robert Amadou, non pas au sens philosophique, ni encore moins thologique, mais au sens chimique ou alchimique d espce ou de nature active - sous deux aspects diffrents : cette essence divine est triple relativement la cration, et elle est quatriple relativement lmanation, le quatriple tant dailleurs premier par rapport au triple. Il est hors de question dentrer dans le dtail complexe de ces considrations, sauf pour signaler quil en dcoule une numrologie et une arithmosophie que tous les disciples de Martines retiendront, et qui se retrouve par exemple telle quelle dans les grades du Rgime Ecossais Rectifi labors par Jean-Baptiste Willermoz.Autre remarque indispensable : les termes manation et maner ne renvoient nullement lhrsie gnostique de l manatisme qui est une forme de panthisme. La langue classique, dont Martines, en dpit de ses improprits de langage et de ses idiotismes, est pour lessentiel tributaire, nimpliquait nullement cela : dans son dictionnaire (paru en 1690), Furetire dfinit lmanation comme la dpendance dune cause, dune puissance suprieure , avec cet exemple remarquable : Lme raisonnable est une manation de la Divinit .De cette manation , Martines tire une signification forte quant lessence des esprits ainsi perptuellement mans : sils nappartiennent pas lessence divine, puisquils en manent, cependant - selon la distinction subtile de Robert Amadou - ils y participent, puisque ( Martines dixit ) ils ont en eux une partie de la domination divine . Et leur ensemble constitue limmensit divine - laquelle nest pas Dieu : pour suivre l encore Robert Amadou, aux esprits mans la pleine divinit, mais non pas la Dit . Cette similitude dessence qui nest pas lidentit se concrtisera dans le Rgime Ecossais Rectifi, enfant en cela de Martines comme des Pres de lEglise, dans le thme porteur et dynamique de l image et ressemblance .L immensit divine est encore dnomme par Martines cour divine . Et, comme toute cour, elle est hirarchise. Les esprits sont donc diffrencis en classes ou cercles , qui sont distingus entre eux par leurs vertus, leurs puissances et leurs noms , selon leurs facults doprations divines spirituelles . Et, en dpit de lavertissement de Martines selon quoi cette fameuse immensit divine (est) incomprhensible non seulement aux mortels mais mme tout esprit man ; cette connaissance nappartient quau Crateur , lui-mme nous livre cependant des aperus sur les hirarchies angliques telles quil les contemple.Ces cercles sont, selon un rsum de Willermoz, au nombre de quatre : 10. Cercle des esprits suprieurs dnaires : comme tant les agents et ministres spciaux de la puissance universelle dnaire du Pre crateur de toutes choses. 8. Cercle des esprits majeurs huitnaires : comme agents et ministres immdiats du Verbe de Dieu, qui est ltre de double puissance quaternaire. 7. Cercle des esprits infrieurs septnaires : comme agents et ministres directs de lAction divine oprante de puissance quaternaire divine et oprant la triple essence cratrice. 3. Cercle des esprits mineurs ternaires : comme tant les agents de manifestation de la quatriple essence divine.Comme on voit, la hirarchie des esprits est une hirarchie de fonctions, lesquelles rfrent aux trois Personnes de la Divine Trinit.Personnes ? Cest beaucoup dire. Martines refuse explicitement la distinction hypostatique qui fonde la thologie chrtienne depuis les formulations dogmatiques du concile de Nice en 325. Il est radicalement unitarien , lextrme rigueur modaliste : la distinction, symbolique, entre les trois Personnes en Dieu rfre chez lui aux trois facults divines qui sont la Pense, la Volont et lAction, ou, dans un autre sens (...), lIntention, le Verbe et lOpration . Ces trois facults sont typifies par le Pre, le Fils et le Saint-Esprit, comme elles sont symbolises par Abraham, Isaac et Jacob, constamment prsents pour cette raison dans les prires et dans les grades de lOrdre des Elus Coens.Cette thologie trinitaire, non pas tant htrodoxe quarchasante, pr-nicenne , comme dit Robert Amadou, ntait pas tenable lgard des disciples de Martines, tous de foi, et pour la plupart de pratique, chrtiennes. Le paradoxe tait que Martines imposait, comme condition ladmission dans son Ordre, lappartenance une Eglise : lEglise catholique romaine, dont il npousait pas vraiment un des deux dogmes fondamentaux, celui de la Sainte Trinit ; lautre tant le dogme de la double nature du Christ, quil pousait au contraire fond. Ntant pas tenable, elle ne fut pas tenue. Et lon voit trs vite ses disciples revenir, par exemple dans les Leons de Lyon (1774-1776), une thologie trinitaire dogmatiquement orthodoxe, dont la rsonance avec lhritage martinsien tait dailleurs, et est toujours, bien plus riche et vivifiante du point de vue de la theoria comme de la praxis . Comment en effet vivre une vie de prire, non seulement personnelle mais aussi liturgique, comme lOrdre des Elus Coens limpose ses membres, au sein dune Eglise tout en tant en dphasage avec le premier de ses articles de foi ? Cet t les condamner une schizophrnie spirituelle mortifre !Mais revenons lHistoire sainte. Limmensit divine, quoiquen expansion dynamique, tait parfaite, donc autosuffisante. Survint alors un premier accident, avec la prvarication des esprits pervers qui, voulant sgaler lEternel, voulurent devenir comme Lui causes premires, de causes secondes quils taient, voulurent comme Lui oprer , cest--dire maner. Cela choua, bien videmment, et provoqua une catastrophe cosmique au sens littral de lexpression. En effet, lEternel cra, ou plutt ordonna aux esprits mineurs demeurs fidles de crer - et ici il ne sagit plus dmanation mais bien de cration - lunivers matriel temporel afin dy contenir et assujettir les esprits mauvais dans un tat de privation , autrement dit dy emprisonner les esprits prvaricateurs . - Notons l au passage un relent des gnosticismes historiques : la matire a une connotation relative au mal ; mais il y a pourtant une diffrence capitale : la matire nest pas mauvaise en soi, puisquau contraire elle est destine contenir le mal et lempcher de contaminer tout. Nanmoins son origine entrane deux consquences : le mal nayant pas de dfinition affirmative, mais au contraire ngative, et nayant donc pas de ralit subsistante, la matire nen a pas non plus ; et, comme lui, elle est destine disparatre la fin, se dsintgrer. Martines rpte lenvi que la matire est nulle, vaine, quelle nest quapparence, et quil ny a de ralit vraie que spirituelle - les Pres de lEglise ne pensaient pas autrement. Cest encore l un legs de la doctrine martinsienne au Rgime rectifi, quon retrouve en particulier au grade de Matre.Cette matire cre par les oprations des esprits mineurs ternaires lest par la mise en jeu de toute une srie de ternaires ou de triades issues, par combinaisons simultanes et successives, partir du ternaire premier, celui des essences spiritueuses ( spiritueuses au sens de la chimie ou de lalchimie, ne pas confondre avec spirituelles ), elles-mmes provenues de limagination divine . Les tres spirituels, au contraire - et la diffrence est essentielle - prexistent en Dieu, comme on la vu, par un rapprochement coup sr fortuit avec la conception quOrigne se faisait de la prexistence des mes en Dieu. Des essences spiritueuses primitives, philosophiquement dnommes Sel, Soufre et Mercure, comme dans lalchimie traditionnelle, proviennent donc, par mixage, les trois lments de lEau, du Feu et de la Terre, puis, toujours par mixage, les trois principes corporels dnomms aquatique , ign et solide . Martines assigne donc symboliquement la terre une forme triangulaire , en prcisant quelle na que trois horizons remarquables : nord, sud et ouest . De cela aussi les Loges rectifies ont hrit.Cette catastrophe cosmique ne fut pas sans contre-coups sur la cour divine . Les esprits mineurs ternaires durent la quitter, dlgus quils taient par lEternel la cration puis la conservation, on verra comment, de lunivers matriel temporel. Et si, au sommet de la hirarchie anglique, les esprits dnaires divins ne sont jamais sortis de la place quils occupent dans limmensit divine , dautres esprits furent leur tour assujettis au temporel quoiquils ne soient point sujets au temps par leur nature propre, tant eux aussi dlgus hors de cette immensit afin d oprer (...) des actions spirituelles temporelles , autrement dit d actionner et oprer dans le surcleste, le cleste et le terrestre - qui sont les trois divisions de lunivers cr, sur lesquelles nous reviendrons - tant destins accomplir la manifestation temporelle de la justice et de la gloire du Crateur .Cette dlgation hors de limmensit divine, Martines la dsigne du nom d mancipation , quil ne faut surtout pas confondre avec l manation . Il y a eu, il y a, il y aura toujours manation dans lternit, ou du moins dans la sempiternit ; il ny a eu mancipation que dans le temps, pour des raisons circonstancielles.Sont donc mancips tous les esprits ternaires pour vaquer aux choses matrielles de lunivers, ainsi quun nombre suffisant desprits septnaires pour oprer dans le surcleste des actions spirituelles temporelles , certains dentre eux tant dailleurs, pour ce faire, revtus dune puissance dnaire , puisque les esprits dnaires taient demeurs en leur lieu.Restait donc, dans limmensit divine, la place laisse vacante par le dpart des esprits ternaires : chose impossible de soi car il ne peut y avoir de vide auprs du Crateur ni dans son immensit . Aussi fut-elle occupe par une nouvelle production, particulirement minente et glorieuse, le mineur spirituel quaternaire - quaternaire limage de la Divinit -, savoir lHomme.Aprs son manation directe par lEternel Lui-mme, sans coopration aucune - comme prcdemment pour les autres tres spirituels et la diffrence de la cration temporelle, confie aux esprits ternaires - lHomme fait lobjet dune double mancipation : est dabord mancip dans le surcleste lensemble des tres spirituels constituant sa classe ; puis est mancipe dans le cleste une portion de cette classe, dsigne sous le nom d Adam ou Rau , nom collectif ou individuel, ou plus vraisemblablement appliqu un tre unique contenant potentiellement en lui-mme toute sa postrit spirituelle ; nom dont il nous est dit aussi que cest un pseudonyme, lequel rfre la nature ou ltat de celui qui le porte. Car cet homme-Dieu, dans son tat de gloire, avait son nom propre attach directement son tre spirituel . Selon toutes les traditions avres, tout nom est puissance. Or la puissance comme la gloire dAdam taient surminentes. Il reut (du Crateur) le nom auguste dhomme-Dieu de la terre universelle , il fut lu dieu de la terre . Lui, dernier venu des tres spirituels mans, il fut tabli au-dessus deux tous, et deux fins qui au vrai nen font quune : contenir en privation les esprits pervers, les molester , manifester la gloire et la justice divines contre les esprits prvaricateurs ; mais, au bout du compte, les rconcilier. Le chtiment nest pas pour la punition, il est pour la rsipiscence. En cela, Martines est - encore comme Origne - un tenant rsolu de lapocatastase.Adam, donc, fait limage et la ressemblance divines, et plac en aspect de la Divinit , dans son premier tat de gloire tait le vritable mule du Crateur. Comme pur esprit, il lisait dcouvert les penses et oprations divines . Le Crateur lui fit excuter trois oprations par lesquelles il reut la Loi, puis le Prcepte, et enfin le Commandement. Ensuite Il labandonna son libre arbitre. Et voil quAdam prvarique, son tour ! Sduit par les esprits pervers qui lui soufflent doprer la puissance de cration divine qui est inne en lui, puisquil est crateur. Et il se retrouve, son tour, captif de la prison matrielle dont il devait tre le gelier ; ou plutt, lui qui devait travailler rconcilier, il doit maintenant peiner se rconcilier. Moyennant les secours dont Dieu, linlassable misricorde, le pourvoit : lascse et le culte. Et sa place, vacante au centre du surcleste, attend quil revienne y trner : cest dans ce saint lieu quil faut que la postrit mineure spirituelle dAdam soit rintgre .Reste le sort rserv une autre catgorie desprits : les esprits huitnaires ou octnaires . Cette classe - deuxime dans la hirarchie anglique - ni ne demeure dans limmensit divine, ni nest mancipe dans une rgion dtermine. Il leur est assign d aller oprer la justice et la gloire (du Crateur) dans les diffrentes immensits sans distinction . Ce sont en quelque sorte des missi dominici chargs de porter secours qui le mrite : lesprit doublement fort est chez toi lorsque tu le mrites et il sloigne de toi lorsque tu te rends indigne de son action doublement puissante . Cette action est la rconciliation : cette classe desprits aura ternellement oprer ses facults puissantes dans les diffrentes classes o sont placs les premiers et les derniers rconcilis .Il est donc temps de parcourir, comme eux, ces trois immensits . Prcieuse, indispensable carte du voyageur - cette carte routire des Elus Coens (R. Amadou) - est la fameuse figure universelle , autrement dnomme tableau universel , dont il existe plusieurs reprsentations, les seules conformes aux sources ayant t publies par Robert Amadou (en 1974, 1995, puis 1999) : la figure universelle, dans laquelle toute la nature spirituelle, majeure, mineure et infrieure opre , au dire de Martines. Prcieuse galement la description raisonne quen donne Willermoz (et que le mme Amadou publie en Prface aux Leons de Lyon , pp. 43-45). En voici un compendium :L immensit divine y figure pour mmoire, ce lieu o les tres spirituels les plus parfaits ne sauraient pntrer, si ce nest Dieu lui-mme - et, ajoutons, les tres spirituels quil mane en permanence ; pour citer Robert Amadou : Les penses de Dieu sont des actes volontaires qui sont des tres .Vient ensuite la cration universelle - le cosmos -, compose des trois immensits, ou mondes, dj cites : surcleste, cleste et terrestre.Le surcleste, qui jouxte et tangente limmensit divine, bien que born au lieu que celle-ci est infinie, pourtant en est la ressemblance : les mmes facults de puissance spirituelle se retrouvent dans lune et lautre immensit . Do - limage de limmensit divine - galement quatre cercles :Au sommet, celui des esprits suprieurs dnaires (en fait, on la vu, des esprits majeurs [...] revtus dune puissance dnaire ) ; son centre tant le type et la figure de la Divinit do proviennent toute manation et toute cration ;De part et dautre :Le cercle des esprits suprieurs septnaires gardiens de la Loi divine ;Le cercle des esprits infrieurs ternaires gardiens du Prcepte spirituel divin ;Enfin, en bas :le cercle des esprits mineurs quaternaires, o lHomme fut en premier lieu mancip en aspect de Dieu et o il sera, terme, rintgr lorsque sa rconciliation sera parfaite.Viennent ensuite les deux mondes ou immensits qui composent la cration universelle stricto sensu , cration matrielle et temporelle, constitue de matire et soumise au temps, matire et temps qui ont dbut ensemble lors de la premire prvarication, celle des esprits pervers.La cration universelle est circonscrite par une ralit mystrieuse dnomme laxe feu central , qui est tout la fois lenveloppe, le soutien et le centre de la cration . Il est le principe de la vie matrielle : il lanime ; la vivifie. On se souvient que la matire rsulte de la combinaison des trois essences spiritueuses : de mme que les trois essences spiritueuses sont le principe de toute corporisation, de mme laxe feu central est celui de toute animation (R. Amadou). Il est le principe dindividuation et de vie de tous les corps crs : sans (lui) aucun tre ne peut avoir vie et mouvement . Et comment ? Parce quil est lorgane des esprits infrieurs qui lhabitent et qui oprent en lui sur le principe de la matire corporelle apparente . Ces esprits infrieurs sont, on se le rappellera, les esprits ternaires, mancips pour ce faire, qui procurent chaque tre corporel un vhicule de feu central ; notion prcieuse et riche qui aura son rpondant dans le thme du temple : tout est temple , crit Martines. Ainsi, il ne peut exister aucun corps sans quil y ait en lui un vhicule de feu central, sur lequel vhicule les habitants de cet axe actionnent, comme tant provenu deux-mmes . Il doit tre bien clair que ces vhicules ne sont point des tres spirituels. Ce sont des tres de vie passive, destins simplement lentretien des formes. Les productions ou manations des esprits de laxe ne peuvent tre que temporelles et momentanes .La cration universelle, ainsi enveloppe de laxe feu central vivifiant, est quant elle compose de deux immensits ou mondes : cleste et terrestre.Le cleste - symbolis par le mont Sina - est susceptible de deux divisions entre lesquelles se rpartissent les sept cieux : lune ternaire, lautre septnaire.La division ternaire se compose :Du cercle rationnel , qui est adhrent au surcleste via laxe feu central, sous le signe de Saturne ;Du cercle visuel , sous le signe du Soleil ;Du cercle sensible , sous les signes conjoints de Mercure, de Mars, de Jupiter, de Vnus et de la Lune.La division septnaire, qui se superpose la prcdente, est celles des sept cercles plantaires qui renferment les sept principaux agents de la nature universelle , qui oprent pour la conservation et le soutien de cet univers . Ils sont galement chargs de rprimer les tres spirituels malins , emprisonns, on sen souvient, dans lunivers matriel, lesquels combattent les facults des actions influtiques bonnes que les tres plantaires spirituels bons sont chargs de rpandre dans le monde entier . Ballott entre les uns et les autres, le mineur-homme doit choisir. - On voit comment les donnes de lastrologie traditionnelle sont incorpores dans une anglologie active qui est, si lon peut dire, une anglomachie - combats des anges bons et mauvais - elle-mme ordonne dans la perspective eschatologique dune Histoire sainte.Enfin, de mme que les quatre cercles surclestes refltent lordonnancement de limmensit divine, de mme les quatre cercles majeurs clestes, de Saturne, du Soleil, de Mercure et de Mars, refltent le mme ordonnancement ; cependant que les trois autres cercles, de Jupiter, de Vnus et de la Lune, ou plutt les esprits qui y sont attachs, servent substancier le corps gnral terrestre , ou encore cration gnrale ; de cette dernire manent tous les aliments ncessaires substancier le particulier , ou cration particulire , savoir tous les habitants des corps clestes et terrestres . Lune et lautre, la cration gnrale et la cration particulire sont, on la vu, de constitution triangulaire ou ternaire , comme par consquent le corps de matire de lhomme actuel, bien diffrent de son corps de gloire primitif.Mais le plus important est ailleurs. Martines invite instamment ne pas considrer ces trois cercles - sensible, visuel et rationnel - que matriellement . Car en vrit ils symbolisent, par lascension que leur traverse reprsente, les tapes successives de la rconciliation des mineurs-hommes, au terme de laquelle ceux-ci seront rintgrs dans le cercle surcleste quaternaire qui attend quils en reprennent possession : cest dans ce saint lieu quil faut que la postrit mineure spirituelle dAdam soit rintgre .Car la grande, la vraie cause, la seule qui vaille, cest la rintgration des tres dans leurs primitives proprits, vertus et puissances spirituelles divines - pour reprendre le titre du Trait. Rintgration qui exige la dsintgration du corps de matire de lhomme, sa prison, afin de laisser reparatre dans tout son clat son corps premier de gloire. Et la grande, la vritable affaire, la seule qui compte, qui est laffaire de la misricorde du Pre divin envers sa crature , cest la rconciliation universelle, ralisation opre chaque fois davantage au long de lHistoire sainte, par le moyen des oprations que le Rconciliateur universel (...), le Christ - prsent et agissant durant toute cette Histoire sous lapparence de types - avait faire chez les hommes pour la manifestation de la gloire divine, pour le salut des hommes et pour la molestation des dmons. Ces trois oprations sont : la premire, celle qui sest faite pour la rconciliation dAdam ; la seconde, pour la rconciliation du genre humain, lan du monde 4000 - cest--dire, selon la chronologie traditionnelle, aprs le dluge, avec No ; et la troisime, celle qui doit paratre la fin des temps et qui rpte la premire rconciliation dAdam, en rconciliant toute sa postrit avec le Crateur .Le culteCette doctrine qui, on la not, forme un tout et englobe tout, de Dieu jusqu lhomme et lunivers matriel, nest pas seulement, nest pas principalement pour la theoria , elle est pour la praxis . Il sagit, pour chaque mineur-homme, entr en possession de tous les arguments de la cause, doprer, dabord pour son propre compte, mais aussi pour le compte de la cration universelle, cette rconciliation et cette rintgration, laquelle, conformment ltymologie, sera le retour lintgrit premire, lunit premire.Telle est la finalit que Martines assigne son Ordre, dabord intitul Ordre des Elus Coens de Josu , puis Ordre des Chevaliers Maons Elus Coens de lUnivers . Ordre maonnique ? Ordre chevaleresque ? De pure apparence. Assurment pour des raisons dopportunit : pour se mnager des accs dans ce monde en bullition de chercheurs insatisfaits - du moins ceux qui cherchent autre chose que des amusements pour une curiosit frivole, et ils ne sont pas lgion ; et pour prsenter leur qute un but spirituel vrai et qui leur procure, comme devait lcrire Willermoz quand ce but lui fut rvl, cette paix intrieure de lme, le plus prcieux avantage de lhumanit, relativement son tre et son principe . Mais cette tentative dimplantation sur le champ maonnique franais fut, on le sait, un chec, tant le fond diffrait des apparences.La finalit de lOrdre, Martines lexposait ainsi Willermoz : Je ne suis quun faible instrument dont Dieu veut bien, indigne que je suis, se servir de moi pour rappeler les hommes mes semblables leur premier tat de maon, qui veut dire spirituellement homme ou me, afin de leur faire voir vritablement quils sont rellement homme-Dieu, tant crs limage et ressemblance de cet Etre tout-puissant . - On est bien loin de laimable sociabilit dans laquelle communiaient les loges de lpoque !Dans le titre de lOrdre, deux termes sont retenir : lus et coens . Elu ne rappelle que superficiellement les innombrables grades d lus invents foison alors et plus tard ; ce quoi il rfre, cest au phnomne spirituel de l lection divine , par laquelle lEternel choisit et met part quelquun - homme ou peuple - en vue dune mission que Lui-mme lui assigne. Ce choix est souverain, gratuit, et souvent incomprhensible aux hommes, mais Dieu na de compte rendre personne. Si lon scrute lHistoire sainte, on constate quIl agit toujours ainsi : il y a un peuple lu , Isral ; et il y a, au cours des temps, des lus, depuis No, en passant par les patriarches : Abraham, Isaac et Jacob ; Mose ; les prophtes, dont Elie, et saint Jean Baptiste le Prcurseur ; laptre Paul, et tant dautres. Ce nest pas un hasard si ces noms figurent tous dans les crmonies de lOrdre. En vrit, Martines revendique pour celui-ci une origine aussi ancienne que lunivers, donc bien antrieure la Maonnerie : Souviens-Toi, Seigneur, de cette Socit que Tu as forme et possde ds le commencement , dit une invocation.Lautre terme essentiel est coen , qui veut dire prtre. De quel culte ? Certes le mot est hbreu ; mais un Coen nest pas un Cohen , les Coens ne sont pas des Cohanim, ces prtres du culte mosaque clbr au Temple de Jrusalem et qui a disparu en mme temps que le Temple pour tre remplac par les crmonies synagogales. Or, si lon en croit lEvangile - et les Coens croient lEvangile - cette disparition est dfinitive. Le culte que clbrent les Coens est tout autre : cest le culte primitif confi par lEternel Adam et perptu par les mineurs lus jusqu nos jours dans lOrdre des Coens, qui sidentifie avec lOrdre des Elus de lEternel ou au Haut et Saint Ordre dont parle Jean-Baptiste Willermoz dans les Instructions qui nont plus de secrtes que le nom (Laurent Morlet) : le vrai culte crmonial a t enseign Adam aprs sa chute par lAnge rconciliateur, il a t opr saintement par son fils Abel en sa prsence, rtabli par Enoch qui forma de nouveaux disciples, oubli ensuite par toute la terre et restaur par No et ses enfants, renouvel ensuite par Mose, David, Salomon et Zorobabel, et enfin perfectionn par le Christ au milieu de ses douze aptres dans la Cne (99e leon de Lyon). - Comme on voit, Salomon et Zorobabel, figures bien connues des Maons, sont insrs l dans une perspective radicalement autre.En vrit, lOrdre est sacerdotal (R. Amadou). Sa raison dtre est doprer ce culte primitivement confi lHomme, et qui ne lui a pas t retir ; simplement, ses modalits, notamment crmonielles, ont chang. Ce culte actuellement est quatriple ou quadruple : de sanctification, correspondant la Pense divine, ou au Pre ; de rconciliation, correspondant la Volont divine, ou au Verbe ; de purification, correspondant lAction divine, ou au Saint-Esprit ; dexpiation, correspondant lOpration divine, ou lHomme. Mais lHomme dans son premier tat navait oprer pour lui quun culte de sanctification et de louange. Il tait lagent par lequel les esprits quil devait ramener - les esprits pervers, prvaricateurs - devaient oprer les trois autres. Etant tomb, il faut quil les opre pour lui-mme .LOrdre tant sacerdotal, les rceptions ses divers grades ne sont pas des initiations , la diffrence de ce qui se trouve dans les Systmes maonniques, mais des ordinations . Chacune de ces ordinations imprime, nous explique Serge Caillet, sur celui qui la reoit, un sceau spirituel, marque caractristique de llection divine, qui fait du Coen un prtre de ce culte originel . Et ce sont les esprits qui, selon leur classe - esprits dnaires, huitnaires, septnaires, en correspondance respectivement, on sen souvient, au Pre, au Fils et au Saint-Esprit - qui confrent au rcipiendaire la ralit de son ordination. Par eux, celui-ci est mis en jonction, on peut mme dire en communion, avec lElu de lEternel, patriarche ou prophte, qui prside la classe o lui-mme est admis, cest de cet Elu quil reoit le nom, linflux spirituel, le sceau de son lection propre (Laurent Morlet). Les lections successivement reues au sein de lOrdre sont places chacune sous le patronage actif et efficace dun de ces Elus de lEternel : Adam, Abraham, Mose, Zorobabel, Jsus-Christ... Cet Elu avec qui lElu Coen est conjoint cooprera dsormais sympathiquement avec lui dans ses oprations crmonielles, ds lors que celles-ci remplissent les conditions exigeantes auxquelles elles sont soumises ; mais toujours par lintermdiaire ou lintercession des esprits - des anges - vhicules des influx ou nergies divines.Do les passes , aussi fameuses quincomprises. Ces glyphes lumineux ne sont en rien le but des crmonies coens, contrairement ce que lignorance a cru et propag. La vise de ces crmonies transperce le plan phnomnal, elle porte bien au del : le plan de ltre mme de lhomme. Les passes sont des manifestations sensibles qui vrifient que cet homme de dsir dsire justement, en esprit et en vrit, et cela en lui tmoignant des marques de la faveur divine. Cette faveur divine est une manifestation de la grce divine ; elle est donc gratuite et inconditionne, comme toute grce.La ralit divine agissante et bienfaisante qui spiphanise ainsi, Martines, et ses disciples aprs lui, lappellent mystrieusement la Chose . Quest-ce que la Chose ? On a beaucoup glos l-dessus, et beaucoup err. Selon Robert Amadou, interprte autoris, la Chose nest pas la personne de Jsus-Christ (...), la Chose nest pas Jsus-Christ, cest la prsence de Jsus-Christ , comme la Shekinah tait la prsence de Dieu dans le Saint des Saints. Ce que lon na gure remarqu, et que signale Laurent Morlet, cest que le terme hbreu pour dire chose est DaBaR, lequel signifie premirement parole ou verbe , secondement chose , et troisimement cause . Il appert donc que la Chose nest autre que le Verbe Crateur, ce Verbe que les Instructions coens qualifient par ailleurs de Mdiateur, bref le Christ Jsus. Ce nest certes pas pour rien que lOrdre tait primitivement lOrdre des Elus Coens de Josu : en hbreu, Josu et Jsus, cest tout un.Pour un lecteur de saint Paul, le Christ est force de Dieu et sagesse de Dieu (1 Corinthiens 1 ; 24) ; pour un lecteur de saint Irne, cest le Saint-Esprit qui est sagesse de Dieu ( cf. Adversus Haereses, en particulier au livre IV). Mais il ny a l nulle contradiction : le Fils et lEsprit sont du Pre et ont en partage tout ce qui est au Pre et du Pre. Ce qui est en cause , ce qui entre en jeu, cest la Sophia, cette Sagesse incre qui rvle dElle-mme : Jai t tablie ds lternit et ds le commencement, avant que la terre ft cre ; ajoutant : lorsque lEternel posa les fondements de labme et forma le monde, la terre, les cieux, les fleuves... jtais avec Lui et je rglais tout, jtais chaque jour dans les dlices, me jouant sans cesse devant Lui, me jouant dans le monde : et mes dlices sont dtre avec les enfants des hommes (Proverbes 8 ; 23 31, traduction Lemaistre de Sacy). Cette mme Sagesse qui est la vapeur de la vertu de Dieu et leffusion toute pure de la clart du Tout-Puissant, (...) lclat de la lumire ternelle, le miroir sans tache de la majest de Dieu et limage de sa bont , Elle qui forme les amis de Dieu et les prophtes (Sagesse 7 ;25 27, mme traduction). Cette Sagesse, enfin, que chante la Grande Antienne du premier Nom divin , la semaine prcdant Nol, en combinant un verset de lEcclsiastique (24 ; 3) et un verset du Livre de la Sagesse (8 ; 1) : O Sagesse, Toi qui es sortie de la bouche du Trs-Haut, qui atteins avec force depuis une extrmit jusqu lautre et qui disposes tout avec douceur .Aussi le Coen est-il un partisan de la vritable Sagesse , comme le proclame Martines, qui affirme sans ambages que cette mme Sagesse lui a dict la science (quil) professe . La Sophia prside lOrdre et toutes ses uvres, raison pourquoi elles sont, comme on la dit, thosophie, anthroposophie, cosmosophie, chronosophie et liturgie sophianique.Pour en revenir aux passes , elles ont une autre utilit : ce sont des signaux, et mme des signatures, des esprits qui actionnent en coopration avec le clbrant. Celui-ci est muni dun recueil de 2400 tracs et dautant de noms (en hbreu) danges - mis au jour par Robert Amadou et publi par lui sous le titre judicieusement choisi d Angliques - tracs permettant didentifier quels anges sont luvre. Bref, le crmonial coen est, sous le signe de la Sophia, une vritable liturgie conclbre par des anges et des hommes.Comme la liturgie ecclsiale ? Oui et non. Oui pour la conclbration (affirme dans le Canon eucharistique de tous les rites chrtiens), non pour la nature du sacerdoce qui opre. Dans la liturgie de lEglise chrtienne - de toute Eglise chrtienne apostolique - agit le sacerdoce de Celui qui est prtre pour lternit selon lordre de Melchisdech : le Christ ; dans la liturgie con, agit le sacerdoce cosmique primitif dont fut dot lHomme premier en tant que roi, prtre et prophte de lunivers. Cest au culte primitif tendant la rconciliation de lhomme et de la cration - de lhomme avec Dieu, de lhomme avec la cration, et de la cration avec Dieu - quest vou le Coen. Et, pour ce faire, le Rau-Croix, identifi la fois au premier Adam, dchu, et au Christ, nouvel Adam, Rdempteur et Rparateur universel, rcapitule en lui-mme et travers lui-mme ltape de la chute et de la privation , celle du repentir et de la pnitence, celle enfin de la rconciliation et de la rintgration. Le culte coen ne concurrence donc pas le culte ecclsial, il ne se substitue pas lui, il ne le surpasse pas : il le suppose et il concorde avec lui. Raison pourquoi les Coens doivent, dobligation, pratiquer les crmonies et recevoir les sacrements de lEglise.Ils doivent plus. De mme que les prtres de lEglise, outre les crmonies du culte, doivent ncessairement sadonner la prire personnelle, spontane mais aussi rgulire au sens propre, cest--dire rythme par une rgle (offices des heures monastiques ou canoniales, lecture du brviaire et des Saintes Ecritures), de mme ces prtres dune nature particulire que sont les Coens sont astreints des prires de six heures en six heures calques sur ces mmes offices (moyennant adaptations), sans compter diffrents autres offices clbrer en fonction du calendrier (jours de la semaine, phases de la lune, saisons...) Ils sont en outre astreints des prescriptions alimentaires (jenes) et une vritable ascse morale et mentale.En rsum, le Coen est un prtre et la rgle de vie coen une ascse. Et la doctrine coen, quon peut sans abus nommer une thosophie et une anthroposophie, est ordonne cela : mettre le Coen, dans son tat accompli qui est celui de Rau-Croix, en pleine capacit doprer la rconciliation universelle. On est bien au-del, bien au-dessus de la Maonnerie ordinaire, que Martines qualifiait, on saisit pourquoi, d apocryphe : rassembler ce qui est pars , cest runir ce que la chute a bris, runifier ce quelle a dispers, rconcilier tout, rintgrer dans le Tout. Immense et exigeant programme, qui tenta peu dadeptes, mais de quelle qualit !LhritageLes destines, apparemment peu fructueuses, de lOrdre des Elus Coens sont dcrites ailleurs : peu de membres, une sorte dostracisme officiel ; et pourtant il ne cessa dintriguer et dexciter la curiosit, comme loccasion du Convent des Philalthes (1785 et 1787). Significatif aussi est lintrt que lui porta durablement, quoique par clipses, Bacon de la Chevalerie, Maon pourtant plus intrigant que mystique, que Martines avait nomm son Substitut universel mais qui avait une me de tratre (Robert Amadou dixit ). Willermoz qui, de lavis unanime, tait le vritable conservateur de lOrdre, tait assailli de demandes indiscrtes, sans pouvoir les carter toutes.Cest quen vrit Willermoz parvint prserver pour un temps lhritage du matre quil stait donn et auquel il resta fidle jusqu sa mort, mme si ce fut dune manire toute diffrente de celle de Martines et que ce dernier et srement dsapprouve. Convaincu juste titre que son Systme, dire vrai crypto-maonnique plutt que maonnique, tait, tel quel, vou lchec, il le mit labri au sein et au cur du Systme mixte, la fois maonnique et chevaleresque, que lui-mme labora : le Rgime Ecossais Rectifi. LOrdre des Elus Coens de lUnivers nest pas lintrieur du Rgime Ecossais Rectifi, il nen fait pas partie ; mais il est en son cur, et mme il en est le cur (Robert Amadou). Le Rgime le protge comme un conservatoire (R. Amadou) ou un reposoir. Il enseigne la mme doctrine, la mme science de lhomme , sans du tout pratiquer de crmonial liturgique, ni mme en parler, sauf, mots couverts, aux Grands Profs. Comme lcrit Robert Amadou : Le Rgime Ecossais Rectifi ne vit que par la doctrine de la rintgration et pour la rintgration, comme lOrdre des Elus Coens. Ici et l, diffre le modus operandi . Et encore : La doctrine de ce Rgime est la rintgration coen lacise, je veux dire rduite, et les membres du Rgime rduits, ltat lac . Autrement dit : dans le Rgime, des Maons et des Chevaliers, mais pas de prtres autres que ceux de lEglise. Si de ces prtres du sacerdoce primitif que sont les Coens sont prsents dans le Rgime, ils ny sont pas s-qualits, ils sont inconnus.On ne dira jamais assez limportance de cette cration de Willermoz, sous-estime gravement par les autres disciples marquants de Martines, savoir Louis-Claude de Saint-Martin et Jean-Jacques du Roy dHauterive, les deux rptiteurs, avec Willermoz lui-mme, des indispensables Leons de Lyon (cf. lentre Martines) . Tous deux se replient sur eux-mmes : Hauterive sur son petit groupe de Toulouse, qui d-maonnise les crmonies coens pour les dsencombrer et les rduire lalchimie spirituelle la plus pure ; Saint-Martin sur son for intrieur, dune richesse il est vrai exceptionnelle, et o la prire prend le pas, comme mthode de ralisation spirituelle, sur toutes les formes crmonielles. Dj, alors quil ctoyait Martines, il avait contre elles une certaine prvention. On connat sa fameuse interrogation au matre : Faut-il vraiment tant de formes pour prier Dieu ? ; on connat moins la rponse, faite pour donner penser : Il faut se contenter de ce quon a . Nanmoins Saint-Martin demeura toute sa vie convaincu de la vrit de la doctrine martinsienne, quil ne cessa dapprofondir de son chef, mme aprs sa dcouverte, partir de 1788, de Jacob Boehme, qui lui en apprit tant sur la Sophia : son travail fut alors de marier , comme il disait, ses deux matres. Cette doctrine, il sen fit le propagateur efficace, non seulement comme co-rdacteur, en tant que secrtaire, du Trait sur la Rintgration , ainsi que de quantit de documents, rituels et instructions, ncessaires la vie de lOrdre ; non seulement comme didascale autoris, en priv loccasion des Leons de Lyon (1774-1776), et en public comme auteur, voil sous lappellation intrigante de Philosophe Inconnu , de ces exposs doctrinaux que furent Des erreurs et de la vrit (1775) et le Tableau naturel des rapports qui existent entre Dieu, lhomme et lunivers (1782), mais aussi et surtout parce que sa pense est, dans son fond, le reflet de celle de Martines, reflet fidle mais diffract par sa personnalit propre, et par consquent empreint dun mysticisme actif et lyrique o la part de la thurgie tend grandement se rduire. Et la profondeur, la richesse et la beaut de cette pense sont telles, sans parler de la ductilit de sa langue qui la rend apte russir dans tous les registres : traits et exposs synthtiques, sentences morales, stances lyriques ou piques, introspection, analyses politico-religieuses, que son uvre vibrante et vivante est un des meilleurs vhicules qui soient pour la perptuation de la doctrine.Cest donc par Willermoz, ou par Saint-Martin, ou par leur influence conjointe, que se sont perptues jusqu nos jours, et la doctrine de la rintgration, et les pratiques qui ont en vue cette dernire. Cest par exemple par rfrence Saint-Martin quen Russie - o Novikov le traduisit - furent qualifies martinistes les loges rectifies conformment aux dcisions du Convent de Wilhelmsbad prises linstigation de Willermoz ; et ce ntait pas un non-sens, puisque sur ces loges taient souchs des chapitres martinistes .Cest par le truchement de Saint-Martin que les conceptions martinsiennes rencontrrent un cho certain auprs des crivains romantiques franais : Chateaubriand (sur qui, vrai dire, elles firent peu dimpression), surtout Ballanche, mais aussi Balzac (qui maria Saint-Martin Swedenborg), Nerval... ; et allemands : Schelling, Werner, les frres Schlegel...A citer en marge Mercier, auteur, dans les Tableaux de Paris (1783), du premier reportage sur les martinistes , Mme de Stal avec son De lAllemagne (1813), puis - plutt pour leffet de mode littraire - Cazotte, Nodier, George Sand, Alexandre Dumas. Et, tout fait part, Joseph de Maistre qui, tout catholique romain et papiste quil tait, prsenta dans ses Soires de Saint-Ptersbourg (1821), sous couvert dune controverse pour et contre l illuminisme , une assez belle dfense et illustration des ides martinsiennes, quil nabjura jamais, au point mme que, Jean-Marc Vivenza vient de le prouver rcemment, en pleine tourmente rvolutionnaire, il procdait rgulirement aux oprations de lOrdre aux moments calendaires propices.Cest enfin par la redcouverte, au bout dune assez longue clipse, des uvres de Saint-Martin par Papus que ces mmes ides - passablement contamines par loccultisme du XIXe sicle, surtout celui dEliphas Lvi - reparurent au jour sur la scne initiatique avec lOrdre martiniste fond par lui.Et cest enfin par laction de quelques Chevaliers de la Cit Sainte qui taient en mme temps martinistes, entre autres Georges Bog de Lagrze et Robert Ambelain, que fut opre la rsurgence , en ralit recration ex nihilo , de lactuel Ordre des Elus Cohens de lUnivers ; do une diffusion internationale, par lentremise des divers Ordres martinistes issus directement ou indirectement de Papus.Quoi quil en soi de ces drivations plus ou moins fidles la source originelle, il est certain que ce quon appelle globalement le martinisme , sil a perdu laura littraire qui tait la sienne au XIXe sicle, intresse toujours, et mme de plus en plus, le monde initiatique, et cela bien au-del des cercles ou Ordres officiellement estampills martinistes . En particulier, la Franc-Maonnerie souvre de plus en plus largement, y compris dans les milieux rputs peu enclins au spiritualisme, aux ides de Saint-Martin et de Martines de Pasqually, au point de contre-balancer les thories de Ren Gunon, celles-ci ressenties comme desschantes car exclusivement mtaphysiques, au contraire de celles-l dont le mysticisme parat rpondre davantage lattente des hommes de maintenant. Les pratiques crmonielles coens elles-mmes semblent connatre un regain de faveur dans un nombre non ngligeable de cercles discrets.Tant il est vrai que lhomme, plus que jamais inquiet de ses destines, et ne trouvant plus dans la croyance un progrs constamment dmenti par les faits de quoi apaiser son insatisfaction, porte plus loin ses regards, en avant comme en arrire. La doctrine de la rintgration qui lui est prsente par les hritiers de Martines de Pasqually nest pas seulement consolante , comme le notait dj en son temps Willermoz, elle est de nature exalter chez cet homme, si cest un homme de dsir , la vertu - virtus - qui est ce qui fait de lhomme un homme - vir - si du moins il en a la ferme volont et ensuite quil passe lacte ; car on n est pas vritablement homme, on le devient , ou plutt on le redevient . Et elle le rend alors capable de tous les efforts pour cooprer, par tous ses moyens et par tous ceux qui lui sont donns par surcrot, sa rconciliation et celle de la cration, sa rintgration et celle de lunivers, la restauration de lunit avec et en Dieu.N.B. Les citations sont, sauf mention contraire, extraites du Trait sur la Rintgration. Bibliographie sommaireSe reporter pour la bibliographie larticle Martines de Pasquallypour les textes fondamentaux :le Trait sur ( ou de) la Rintgrationles Leons de Lyonles Instructions secrtes aux Grands Profs ;pour les tudes, il convient dajouter celles mentionnes :Martinisme par Robert Amadou (dans la srie Documents martinistes, 2e d. Les Auberts, Institut Elazar, 1993).Introduction Martines de Pasqually (Institut Elazar), par Robert Amadou (runion dune suite darticles parus dans la revue LInitiation en 1969).Cours de Martinisme, Introduction au Martinsisme (Institut Elazar, 1990- 1992, 13 tomes parus) par Serge Caillet.Accs de lEsotrisme occidental par Antoine Faivre (2e dition revue et augmente, Paris, NRF Gallimard, 1996), tome I, pp. 178-198 : Le Temple de Jrusalem dans la thosophie maonnique au XVIIIe sicle . Franc-Maonnerie Franaise - fm-fr.org