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UNIVERSITÉ DU QUÉBEC EN OUTAOUAIS LES CENTRES DE GESTION DES DÉPLACEMENTS AU QUÉBEC: UN INSTRUMENT DE RENOUVELLEMENT DE LA PLANIFICATION DES TRANSPORTS? MÉMOIRE PRÉSENTÉ COMME EXIGENCE PARTIELLE DE LA MAÎTRISE EN SCIENCES SOCIALES DU DÉVELOPPEMENT TERRITORIAL PAR CAROLINE DESROCHERS AVRIL 2015

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UNIVERSITÉ DU QUÉBEC EN OUTAOUAIS

LES CENTRES DE GESTION DES DÉPLACEMENTS AU QUÉBEC: UN

INSTRUMENT DE RENOUVELLEMENT DE LA PLANIFICATION DES

TRANSPORTS?

MÉMOIRE PRÉSENTÉ

COMME EXIGENCE PARTIELLE

DE LA MAÎTRISE EN SCIENCES SOCIALES

DU DÉVELOPPEMENT TERRITORIAL

PAR

CAROLINE DESROCHERS

AVRIL 2015

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REMERCIEMENTS

Le dépôt de ce mémoire de maîtrise vient mettre un terme à une aventure entamée il y

a plus de deux ans et demi. Au cours de ce périple, j’ai eu la chance d’être encadrée

par un directeur de recherche exceptionnel, Mario Gauthier, qui m’a offert son appui

et ses précieux conseils tout au long de ce processus. Source intarissable (!) de

suggestions de lectures pertinentes à consulter, passionné par ses sujets de recherche,

dévoué envers ses étudiants, il m’a constamment amenée à me dépasser et m’a

accordé sa confiance dans la réalisation de mandats de recherche variés et plus

qu’enrichissants. Je l’en remercie énormément!

En deux ans et demi, il s’en passe des choses! Merci aux deux personnes les plus

inspirantes que je connaisse, mes parents, Nathalie et François. Votre soutien et vos

encouragements indéfectibles m’ont donné la force de passer à travers les moments

plus difficiles. À ma soeurette Marie-Pier et à mon frérot Francis, merci de votre

éternelle complicité et des nombreux éclats de rire partagés. Un grand merci aussi à

mes collègues de maîtrise à l’UQO, en particulier Lynda Gagnon, Magali Leblanc,

Maryse Proulx et Elsa St-Onge. Nos discussions inspirées, nos sessions de travail

dans les cafés et nos sorties pour se changer les idées ont rendu cette expérience

tellement plus agréable. Votre amitié vaut plus que tous les diplômes de ce monde!

Je tiens à témoigner ma reconnaissance à l’égard des CGD et de leurs partenaires qui

ont généreusement accepté de collaborer à ma collecte de données. Je me dois

finalement de souligner le soutien financier que m’ont offert le Conseil de recherches

en sciences humaines et le Fonds de recherche du Québec - Société et culture, qui

m’a permis de me dédier pleinement à la réalisation de ce mémoire de maîtrise.

Et maintenant, en route vers de nouveaux horizons!

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iii

TABLE DES MATIÈRES

LISTE DES FIGURES ET TABLEAUX ................................................................... vii

LISTE DES ABRÉVIATIONS, SIGLES ET ACRONYMES .................................. viii

RÉSUMÉ ...................................................................................................................... x

INTRODUCTION ........................................................................................................ 1

CHAPITRE I – À LA RECHERCHE DE NOUVELLES APPROCHES DE

PLANIFICATION DES TRANSPORTS ..................................................................... 4

1.1 Objet de recherche : planification urbaine et des transports ........................... 4

1.2 Planification urbaine et des transports : un lien à refaire ................................ 6

1.3 La planification des transports en crise ........................................................... 9

1.4 La mobilité durable : un nouveau paradigme pour la planification des

transports ....................................................................................................... 12

1.4.1 Les outils et stratégies de mobilité durable ............................................ 14

1.4.2 Les obstacles à la mise en œuvre de la mobilité durable ....................... 18

1.5 Questionnement général................................................................................ 20

1.6 La gestion de la demande en transport comme stratégie de mobilité durable

20

1.7 Question spécifique et objectifs de recherche ............................................... 22

CHAPITRE II – LA MOBILITÉ DURABLE ET LE RENOUVELLEMENT DE LA

PLANIFICATION ...................................................................................................... 24

2.1 La planification : bases théoriques ................................................................ 24

2.2 Un renouvellement procédural (1) : de la planification rationnelle globale à

la planification renouvelée ............................................................................ 27

2.2.1 L’émergence de la planification rationnelle globale et sa critique ........ 27

2.2.2 De nouvelles approches pour remplacer la PRG ................................... 29

2.3 Un renouvellement procédural (2) : la coordination de l’aménagement et des

transports ....................................................................................................... 33

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iv

2.3.1 Les différents niveaux de coordination organisationnelle ..................... 34

2.3.2 Les facteurs de coordination institutionnelle ......................................... 35

2.3.3 Les obstacles à la coordination aménagement-transport ....................... 38

2.4 Un renouvellement du contenu : de la planification traditionnelle à la

planification durable des transports .............................................................. 40

2.4.1 La mise en œuvre de la planification par les instruments ...................... 45

2.5 Hypothèses .................................................................................................... 46

CHAPITRE III – DÉMARCHE MÉTHODOLOGIQUE ........................................... 48

3.1 Une étude de cas multiples ........................................................................... 48

3.2 Méthodes de collecte de données .................................................................. 50

3.2.1 Revue de la littérature et étude documentaire ........................................ 50

3.2.2 Questionnaire court ................................................................................ 53

3.2.3 Entretiens semi-dirigés .......................................................................... 53

3.3 Cadre d’analyse ............................................................................................. 56

3.4 Considérations éthiques ................................................................................ 58

CHAPITRE IV – LA GDT : UNE STRATÉGIE DE MOBILITÉ DURABLE ......... 59

4.1 Définition et objectifs de la GDT.................................................................. 59

4.2 La mise en œuvre de la GDT ........................................................................ 61

4.2.1 Stratégies de GDT .................................................................................. 61

4.2.2 Mécanismes d’implantation ................................................................... 62

4.2.3 Évaluation des programmes de GDT ..................................................... 64

4.3 L’historique et l’évolution de la GDT dans le monde .................................. 66

4.3.1 L’expérience des États-Unis .................................................................. 66

4.3.2 L’expérience européenne ....................................................................... 70

4.3.3 L’expérience canadienne ....................................................................... 73

4.4 Le bilan de la GDT ....................................................................................... 74

4.4.1 Obstacles à la GDT ................................................................................ 75

4.4.2 Facteurs de réussite de la GDT .............................................................. 77

4.4.3 Enjeux futurs pour la GDT .................................................................... 80

4.5 La GDT et le renouvellement de la planification des transports .................. 81

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v

CHAPITRE V – LES CGD : UN MODÈLE QUÉBÉCOIS DE GDT ....................... 82

5.1 L’origine des premiers CGD québécois ........................................................ 82

5.1.1 Les projets-pilotes de l’AMT à Montréal .............................................. 82

5.1.2 La diffusion des CGD au Québec .......................................................... 83

5.2 Portrait des CGD québécois .......................................................................... 85

5.2.1 Voyagez Futé ......................................................................................... 85

5.2.2 CGD Saint-Laurent ................................................................................ 87

5.2.3 Mobili-T ................................................................................................. 89

5.2.4 Roulons Vert .......................................................................................... 92

5.2.5 CADUS .................................................................................................. 95

5.2.6 MOBI-O ................................................................................................. 97

5.2.7 D’autres initiatives de GDT au Québec : le Centre de mobilité durable

de Sherbrooke et STL Solution mobilité durable ................................ 100

5.3 Les CGD : un modèle semblable avec des particularités locales ................ 101

5.3.1 Un mandat commun, des origines diverses ......................................... 101

5.3.2 Des structures similaires ...................................................................... 102

5.3.3 Une offre de services diversifiée ......................................................... 105

5.3.4 Des partenaires communs .................................................................... 106

5.3.5 Des problématiques locales et des défis particuliers ........................... 110

5.4 Les CGD face aux expériences de GDT hors du Québec ........................... 114

5.4.1 Définition de la GDT, stratégies et évaluation .................................... 114

5.4.2 Un modèle proche des TMA et des conseils en mobilité .................... 119

CHAPITRE VI – LA CONTRIBUTION DES CGD À LA MISE EN ŒUVRE DE

LA MOBILITÉ DURABLE ..................................................................................... 123

6.1 Vers des pratiques « renouvelées » de la planification ............................... 123

6.1.1 Les CGD comme catalyseurs de la collaboration et d’une approche

durable ................................................................................................. 124

6.1.2 Vers une cohésion instrumentale et cognitive des acteurs en transport

131

6.1.3 Une influence limitée sur la coordination aménagement-transport ..... 140

6.2 Une contribution incertaine à la mise en œuvre du contenu de la mobilité

durable......................................................................................................... 143

6.2.1 Un contenu axé sur les principes de la mobilité durable ..................... 143

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6.2.2 Des obstacles à la mise en œuvre du contenu de la mobilité durable .. 149

6.3 Enjeux et perspectives pour les CGD ......................................................... 155

6.3.1 Une contribution notable, mais freinée par plusieurs obstacles ........... 155

6.3.2 Des mesures pour améliorer la contribution des CGD à la mise en œuvre

de la mobilité durable .......................................................................... 156

6.3.3 Une structure à repenser? ..................................................................... 160

6.3.4 Quel futur pour les CGD? .................................................................... 166

6.4 Constats sur le renouvellement de la planification ..................................... 168

CONCLUSION ......................................................................................................... 171

BIBLIOGRAPHIE .................................................................................................... 176

ANNEXE I – QUESTIONNAIRE COURT ADMINISTRÉ AUX CGD ................ 190

ANNEXE II – EXEMPLE DE GUIDE D’ENTRETIEN ......................................... 193

ANNEXE III – FORMULAIRE DE CONSENTEMENT ........................................ 196

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vii

LISTE DES FIGURES ET TABLEAUX

Figures Page

3.1 – Cadre d’analyse du renouvellement de la planification des transports 57

Tableaux Page

2.1 – Les dimensions procédurales de la PRG et de la planification

renouvelée

2.2 – Niveaux de cohésion organisationnelle entre les acteurs

2.3 – Facteurs influençant la coordination aménagement-transport

2.4 – Le renouvellement du contenu de la planification des transports

2.5 – Les différents types d’instruments

3.1 – Grille d’analyse de textes urbanistiques et environnementaux

3.2 – Liste des sujets rencontrés

4.1 – Stratégies de gestion de la demande en transport

4.2 – Le modèle des étapes de changement appliqué aux PGD

4.3 – Catégories de mesures d’évaluation des programmes GDT

4.4 – Caractéristiques générales des TMA

4.5 – Caractéristiques générales du conseil en mobilité

5.1 – Les Centres de gestion des déplacements créés au Québec

5.2. – Caractéristiques générales des CGD québécois

5.3 – Les grandes étapes d’un PGD

5.4 – Comparaison entre les modèles québécois, états-unien et français de

GDT

6.1 – Positionnement des CGD par rapport aux approches procédurales de la

planification des transports

6.2 – Positionnement des CGD par rapport aux approches substantives de la

planification des transports

6.3 – Exemples de stratégies de GDT mises en œuvre par des clients de

CGD

32

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LISTE DES ABRÉVIATIONS, SIGLES ET ACRONYMES

ACGD Association des centres de gestion des déplacements du Québec

ACT Association for Commuter Transportation

ADEME Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie

ALM Agence locale de mobilité

AMT Agence métropolitaine de transport

AOT Autorité organisatrice de transport

AOTU Autorité organisatrice de transport urbain

ARENE-IDF Agence régionale de l’environnement et des nouvelles énergies Île-de-

France

ASSS Agence de la santé et des services sociaux

BOMA Building Owners and Managers Association

CA Conseil d’administration

CADUS Centre alternatif de déplacement urbain du Saguenay

CGD Centre de gestion des déplacements

CMDS Centre de mobilité durable de Sherbrooke

CMED Commission mondiale sur l’environnement et le développement

CMQ Communauté métropolitaine de Québec

CRE Conseil régional de l’environnement

CREDDO Conseil régional de l’environnement et du développement durable de

l’Outaouais

CSSS Centre de santé et de services sociaux

CTR Commute Trip Reduction

DESTL Développement économique Saint-Laurent

DUD Développement urbain durable

FAQDD Fonds d’action québécois pour le développement durable

GDT Gestion de la demande en transport

GES Gaz à effet de serre

LAURE Loi sur l’air et l’utilisation rationnelle de l’énergie

LEED Leadership in Energy and Environmental Design

MAMOT Ministère des affaires municipales et de l’occupation du territoire

MAMROT Ministère des affaires municipales, des régions et de l’occupation du

territoire

MELCC Ministère de l’environnement et de la lutte aux changements

climatiques

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MRC Municipalité régionale de comté

MTQ Ministère des transports du Québec

OBNL Organisme à but non lucratif

ONG Organisation non gouvernementale

OSBL Organisme sans but lucratif

OBV Organisme de bassin versant

PAGASTC Programme d’aide gouvernementale à l’amélioration des services en

transport collectif

PAGMTAA Programme d’aide gouvernementale aux modes de transport alternatifs

à l’automobile

PDU Plan de déplacements urbains

PGD Plan de gestion des déplacements

PMD Plan de mobilité durable

PME Petites et moyennes entreprises

PQMD Politique québécoise de mobilité durable

PRG Planification rationnelle globale

RTC Réseau de transport de la Capitale

SNMD Stratégie nationale de mobilité durable

SODEC Société de développement économique

ST Société de transport

STCA Semaine des transports collectifs et actifs

STL Société de transport de Laval

STM Société de transport de Montréal

STO Société de transport de l’Outaouais

STS Société de transport du Saguenay

STTR Société de transport de Trois-Rivières

TIC Technologies d’information et de communications

TMA Transportation Management Association

TRO Trip Reduction Ordinance

TSM Transport System Management

TOD Transit-oriented Development

UQAC Université du Québec à Chicoutimi

UQO Université du Québec en Outaouais

VKM Véhicules-kilomètres

WBCSD World Business Council for Sustainable Development

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RÉSUMÉ

La planification des transports, de par ses liens étroits avec l’aménagement du

territoire ainsi que ses effets sur l’économie, l’environnement et la société, joue un

rôle majeur dans le développement des villes et des régions. Or, d’aucuns constatent

une crise de ce champ d’action, dont l’approche traditionnellement rationnelle et

technique fait l’objet de critiques depuis près d’une cinquantaine d’année. Dans ce

contexte, l’approche de la mobilité durable, caractérisée par des pratiques axées sur la

collaboration ainsi qu’un contenu tiré des principes du développement durable, est

parfois envisagée comme un nouveau paradigme visant le renouvellement de la

planification des transports. Comment se traduit l’émergence de cette approche dans

les pratiques planificatrices en transport? Implique-t-elle un réel renouvellement des

procédures et du contenu de la planification?

Ce mémoire tente d’apporter un éclairage sur ce questionnement à travers le

cas des centres de gestion des déplacements (CGD) au Québec, des acteurs

relativement récents dans le milieu des transports qui sont spécialisés dans la gestion

de la demande en transport (GDT) auprès des grands générateurs de déplacements.

Ainsi, nous cherchons à savoir comment ces organismes contribuent au

renouvellement des pratiques de planification en transport au Québec, via la mise en

œuvre des principes de la mobilité durable.

Ces nouveaux acteurs se déclarant de la mouvance de la mobilité durable,

nous émettons l’hypothèse que les CGD mettent de l’avant des procédures de

planification renouvelées et qu’ils font la promotion d’un contenu fidèle aux principes

de la mobilité durable. Toutefois, nous supposons aussi que les CGD peinent à

concrétiser la mise en œuvre de mesures reflétant un tel contenu, ces nouveaux

acteurs ayant à interagir avec les acteurs locaux et régionaux plus traditionnels de la

planification des transports, de même qu’avec des acteurs privés ou publics

habituellement peu impliqués dans ce secteur.

Afin de vérifier ces hypothèses, nous avons employé trois méthodes de

collecte de données (analyse documentaire, entretiens semi-dirigés et questionnaire)

afin de compléter une étude de cas multiples des six CGD québécois, entre octobre

2013 et mars 2014. Les résultats de cette analyse sont organisés en trois chapitres. Un

premier trace un portrait de la GDT et de son application à l’extérieur du Québec. En

s’appuyant sur les notions de GDT ainsi relevées, un deuxième chapitre fournit une

caractérisation des six CGD à l’étude. Enfin, un troisième chapitre s’attarde à dégager

les contributions des CGD au renouvellement des procédures et du contenu de la

planification des transports, en se basant sur les caractéristiques de ce renouvellement

présentées dans notre cadre théorique.

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Les résultats de notre étude tendent à confirmer l’hypothèse selon laquelle les

CGD sont porteurs de pratiques et de contenus s’inscrivant dans un renouvellement

de la planification des transports. En effet, autant dans leur mise sur pied que dans

leurs activités, ces organismes agissent en instruments de capacités d’action collective

en favorisent le rassemblement, l’échange d’informations et la collaboration entre les

différents acteurs concernés par les transports. De plus, la mission et les services

offerts par les CGD prônant la mise en œuvre d’un contenu attribué à la mobilité

durable, ceux-ci font office d’instruments de persuasion sociale pour la promotion de

cette approche.

Cependant, si les CGD, des organismes financés en grande partie par l’État,

peuvent être envisagés comme de possibles instruments de renouvellement des

pratiques de planification des transports, nos résultats montrent une certaine difficulté

dans la traduction du contenu véhiculé en actions concrètes. Ce problème du

implementation gap se retrouve dans d’autres domaines de la planification des

transports et du territoire en général et témoigne des limites du renouvellement des

pratiques planificatrices. Or, contrairement à notre hypothèse de départ, l’obstacle

principal à la mise en œuvre d’un contenu renouvelé de la planification par les CGD

ne semble pas principalement provenir d’un manque d’ouverture des acteurs locaux et

régionaux en transport, mais plutôt de l’insuffisance des ressources affectées à la

réalisation de leur mandat, possible reflet d’un désengagement de l’État en la matière.

Nous concluons d’ailleurs en énonçant certaines mesures qui pourraient être adoptées

par les autorités publiques afin d’optimiser le renouvellement des pratiques

planificatrices en transport.

Mots-clés : mobilité durable, gestion de la demande en transport, centres de gestion

des déplacements, planification des transports, Québec

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INTRODUCTION

Ce mémoire s’intéresse à la question de la planification en milieu urbain et plus

particulièrement à la planification des transports, un secteur important du

développement des villes et des régions métropolitaines en vertu de ses multiples

effets sur l’économie, le tissu social et l’environnement. Nous nous intéressons

particulièrement à l’approche de la mobilité durable, présentée par plusieurs comme

un nouveau paradigme qui, par son approche collaborative et intégrée, permettrait

d’apporter un nouveau souffle à une approche traditionnellement fondée sur la

rationalité et l’expertise des spécialistes.

Au Québec, cette vague associée à la mobilité durable a vu naître, au tournant

du 21e siècle, de nouveaux acteurs œuvrant dans le domaine des transports : les

centres de gestion des déplacements (CGD), spécialisés dans les stratégies de gestion

de la demande en transport (GDT) auprès des entreprises et des institutions

générateurs de déplacements. Les CGD s’inscrivant visiblement dans le courant de la

mobilité durable, ce travail cherche à déterminer leur contribution au renouvellement

des pratiques et du contenu de la planification des transports.

Dans le but de répondre à cette question, nous avons établi deux objectifs :

d’abord, tenter une première caractérisation de ces organismes, peu étudiés depuis

leur émergence; puis, mettre en lumière leurs interactions avec les générateurs de

déplacements et les autorités compétentes en transport. Un troisième objectif de ce

travail est de positionner les CGD par rapport aux autres expériences de GDT qui les

ont précédés à l’extérieur du Québec. Pour ce faire, nous avons adopté une démarche

hypothético-déductive basée sur une étude de cas multiples.

Le premier chapitre de ce mémoire de maîtrise aborde la problématique

associée à l’approche prédominante en planification des transports, allant de sa

dissociation de la planification urbaine à ses effets pervers sur le développement

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2

urbain. L’approche de la mobilité durable est ensuite présentée et nous permet de

poser la question de son potentiel pour le renouvellement de la planification des

transports. La GDT comme stratégie de mobilité durable est brièvement exposée, puis

une présentation des CGD comme acteurs spécialisés dans la GDT nous permet de

définir notre question et nos objectifs spécifiques de recherche.

Dans le second chapitre, nous approfondissons les concepts théoriques sous-

jacents à la planification, plus précisément pour le domaine des transports. Les

dimensions procédurales de la planification rationnelle globale sont exposées et mises

en opposition à celles d’une approche collaborative et durable, favorisant une plus

grande coordination des transports et de l’aménagement. Nous soulignons ensuite les

dimensions substantives respectives de l’approche traditionnelle en transport et de

l’approche de la mobilité durable, et nous abordons le concept d’instruments comme

outils de mise en œuvre de la planification. Une fois mises en lumière les

caractéristiques d’une approche traditionnelle et d’une approche renouvelée de la

planification des transports, nous émettons nos hypothèses quant à la contribution des

CGD au renouvellement des pratiques de transport.

Le troisième chapitre présente la démarche méthodologique qui a guidé notre

travail de recherche, c’est-à-dire l’étude de cas multiples. Les trois méthodes de

collecte de données employées – entretiens semi-dirigés, questionnaires courts et

analyse documentaire – sont explicitées et justifiées. À partir du cadre théorique

présenté au chapitre II, nous illustrons le cadre d’analyse qui nous permettra de situer

la contribution des CGD sur les axes procéduraux et substantifs d’un renouvellement

de la planification des transports.

Le quatrième chapitre consiste essentiellement en une revue de la littérature

sur la GDT, ses objectifs, ses stratégies et ses enjeux. Quelques expériences de GDT

en Europe, aux États-Unis ou ailleurs au Canada, sont aussi présentées. Cet exercice

vise avant tout à mettre en contexte l’apparition des CGD et à nous donner des pistes

pour leur caractérisation.

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3

Le chapitre V débute par un historique de l’apparition des CGD au Québec, et

se poursuit avec une description des six CGD sélectionnés pour notre étude de cas

multiples. En mettant en lien les points communs et divergences entre l’origine, le

mandat, les activités et le fonctionnement de ces organisations, de même que leurs

interactions avec leurs partenaires et clients, nous tentons une première

caractérisation plus générale du modèle de CGD et la comparons aux modèles états-

unien des Transportation Management Associations et français des conseils en

mobilité, présentés au chapitre IV.

Dans le sixième chapitre, nous tentons d’apporter une réponse à notre

questionnement de départ. D’abord, nous situons les pratiques des CGD selon les

dimensions de l’approche de planification rationnelle globale et des approches

collaborative et communicationnelle. Nous dégageons ensuite leur contribution à la

coordination des acteurs en transports ainsi qu’à la coordination aménagement-

transport, et poursuivons en positionnant les CGD au regard du contenu qu’ils

promeuvent et mettent en œuvre à travers leurs activités. Nous arrivons ainsi à mettre

en lumière la contribution des CGD au renouvellement des pratiques en transport et

ses limites. Puis, nous exposons des mesures qui pourraient améliorer cette

contribution et soulignons les enjeux actuels et futurs auxquels les CGD font face.

Nous terminons le chapitre en proposant une réflexion sur le renouvellement de la

planification des transports et, plus globalement, des territoires, à la lumière des

constats tirés de cette étude de cas.

En conclusion, nous revenons sur l’ensemble de notre démarche ainsi que sur

nos objectifs et hypothèses de départ, et effectuons une synthèse des éléments de

réponse que ce travail nous aura permis d’obtenir. Nous soulignons certaines limites

du présent mémoire de maîtrise et émettons des pistes de recherche pour approfondir

l’étude de la GDT en particulier et de la problématique du renouvellement des

transports en général.

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CHAPITRE I – À LA RECHERCHE DE NOUVELLES APPROCHES DE

PLANIFICATION DES TRANSPORTS

Ce mémoire s’intéresse à la planification en milieu urbain, et plus particulièrement

dans le secteur des transports, de par le rôle important que joue ce dernier dans le

développement des villes et des régions en général. Le milieu urbain fait

présentement face à plusieurs enjeux. Entre autres, la planification des transports

traverse actuellement une crise, déconnectée de l’urbanisme et de l’aménagement en

général et désuète dans son approche traditionnelle. Dans ce contexte, la mobilité

durable est vue par certains comme un nouveau paradigme de la planification des

transports permettant de pallier à ces problèmes. L’une des stratégies propres à la

mobilité durable est la gestion de la demande en transport (GDT). Au Québec, cette

stratégie est principalement portée par les Centre de gestion des déplacements (CGD),

de nouveaux acteurs dans le domaine des transports.

1.1 Objet de recherche : planification urbaine et des transports

La planification urbaine et la planification des transports sont intimement liées à

plusieurs enjeux du développement des villes et des régions en général. Dans un

monde de plus en plus urbain et modelé par les dynamiques de la globalisation, la

ville émerge comme un acteur social et économique de première importance. Lieux

de concentration du pouvoir, la ville et – de plus en plus – la métropole sont soumises

à une logique de concurrence interurbaine intensifiée par la perte de pouvoir et le

retrait de l’État, de même que par leur insertion dans un système de villes globales

(Bassand et al., 2001; Le Galès, 1995). Le développement économique des villes et

des métropoles devient ainsi dans bien des cas, à tort ou à raison, le pivot du

développement régional. Par ailleurs, le phénomène de métropolisation1 et

1 La métropolisation est un phénomène spatial originaire des années 1950, tributaire du passage de la

société industrielle vers une société postindustrielle, lequel implique des transformations techniques,

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l’étalement urbain qui en découle contraignent la planification urbaine à passer

progressivement d’une échelle locale à une échelle régionale2. Étant un lieu de

concentration d’activités, de biens et de personnes, le milieu urbain est aussi aux

prises avec des problèmes d’ordres social et environnemental tels que la pauvreté, la

dégradation des anciens quartiers, la ségrégation et la pollution de l’air (Jepson,

2001). La gestion de ces problématiques, qui finissent par affecter l’image et

l’attractivité des villes qui doivent se concurrencer sur le marché mondial, devient

alors un enjeu prioritaire de même qu’un véritable défi pour les administrations

publiques des villes (Le Galès, 1995). Ainsi, la planification urbaine fait face au défi

de concilier ces deux enjeux du développement régional, souvent contradictoires, que

sont la concurrence économique et la résolution de problématiques sociales et

environnementales (ibid., 1995).

En ce qui concerne le secteur des transports, ce dernier est souvent une pièce

maîtresse des politiques de développement. Ce secteur a d’ailleurs été fortement

associé au paradigme dominant de développement économique axé sur la croissance

(Bochet, 2005). En effet, l’accroissement de l’offre de transport permet d’augmenter

la mobilité des biens et des personnes, et réduit ainsi le coût de la distance, ce qui

favorise les échanges et, éventuellement, la croissance économique d’une région

(Bouni et al., 2009). Toutefois, au cours des années 1990, la popularisation du terme

de développement durable a provoqué une prise de conscience des impacts négatifs

liés aux transports (ibid., 2009). Du côté de l’environnement, la construction

d’infrastructures routières à grande échelle contribue au phénomène d’étalement

urbain, lequel exerce des pressions sur les terres en périphérie des villes (Emelianoff,

2010). De plus, l’automobile est une source linéaire d’émissions de gaz à effet de

serre importante, qui contribue au réchauffement climatique (Desjardins et al., 2011).

économiques et sociales (Mévellec, 2008). Il se traduit par un changement de la structure externe des

métropoles, qui s’insèrent dans un réseau de villes globales, de même que par un changement de la

structure interne des métropoles, qui adoptent une forme étalée et multipolaire (Bassand et al., 2001). 2 En témoigne entre autres la création des Communautés métropolitaines de Montréal et de Québec, au

début des années 2000, pour assurer la planification sur l’ensemble du territoire couvert par ces régions

urbaines.

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En ce qui concerne les impacts sociaux, l’utilisation massive de la voiture affecte la

qualité de l’air en ville et peut créer des problèmes de santé chez ses habitants (Bouni

et al., 2009; Gauthier, 2005). On s’interroge aussi de plus en plus sur les

conséquences éthiques du transport : certaines portions du territoire sont davantage

connectées que d’autres, ce qui peut favoriser la mobilité des personnes qui y

résident, alors que les endroits moins accessibles peuvent contribuer à l’exclusion de

leurs résidents, en particulier lorsque ces derniers n’ont pas les moyens de se procurer

un véhicule (Bouni et al., 2009). Ainsi, la multiplicité des impacts du transport sur le

développement d’une ville, ou plus globalement d’une région, justifie la pertinence de

s’attarder aux pratiques planificatrices qui influencent les infrastructures et les projets

de transport.

1.2 Planification urbaine et des transports : un lien à refaire

Il existe un lien très serré entre la planification urbaine et celle des transports. Ce lien

transparaît lorsque l’on s’attarde à l’évolution de la forme urbaine des villes du 19e

siècle à aujourd’hui. En effet, selon Newman et Kenworthy (1996), l’évolution du

territoire urbain a été guidée de façon assez constante par une contrainte au niveau du

temps de déplacement : les gens veulent atteindre leur destination dans un délai de

moins de 30 minutes.

Ainsi, la ville organique du 19e siècle, bâtie avant l’institutionnalisation de la

planification, est adaptée aux besoins des piétons, comme en témoignent son bâti à

haute densité, la mixité de ses fonctions et ses rues étroites; les gens s’y déplacent

généralement sur des distances de moins de 5 km (ibid., 1996). Cette période

d’urbanisation dite « haussmanienne » reflète l’idéalisation de la ville-cœur

(Kaufmann et al., 2003). Vers la fin du 19e siècle et jusqu’à la moitié du 20

e siècle, le

développement des systèmes de tramways et de trains permet d’atteindre des

distances plus longues que la marche pour un même laps de temps; la ville s’étend

alors sur une superficie de 20 à 30 km de long (Newman et Kenworthy, 1996). Des

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centres urbains secondaires et denses, propres à la marche, se forment autour des

stations ferroviaires, alors que les lignes de tramways forment des corridors de

développement le long desquels émergent des rues principales. C’est ce que

Kaufmann et al. (2003) appellent un développement en doigts de gant, typique de la

période de suburbanisation. Cette époque marque aussi le début d’une séparation des

fonctions urbaines, avec la concentration des activités économiques au centre de la

ville et la localisation des résidences le long des corridors de tramway ou autour des

stations ferroviaires (ibid., 2003).

La montée en popularité de l’automobile, plus particulièrement durant la

deuxième moitié du 20e siècle, permet d’allonger encore la distance pouvant être

parcourue en moins de 30 minutes. De plus, la flexibilité de l’automobile et de

l’autobus permettent le développement urbain dans toutes les directions (Newman et

Kenworthy, 1996). La ville, qui fait maintenant jusqu’à 50 km d’un bout à l’autre, se

développe selon un modèle à faible densité, décentralisé et dispersé : c’est la période

de périurbanisation (Kaufmann et al., 2003), dont le modèle de banlieue est l’icône3,

et qui se veut l’aboutissement du rêve de la ville conçue entièrement en fonction

l’automobile, formulé par Henry Ford dans les années 1930 (Beaudet et Wolff, 2012).

Le grand potentiel d’accessibilité que semble offrir la voiture justifie une séparation

encore plus poussée des différentes fonctions, grâce à l’utilisation du zonage

(Newman et Kenworthy, 1996). C’est l’ère de gloire de la pensée moderniste et

techniciste, qui favorise une gestion en silo : la planification des transports, menée par

les ingénieurs spécialistes de la voirie, est séparée de la planification du territoire, qui

est déléguée aux urbanistes (Beaudet et Wolff, 2012). La planification des transports

est réduite à la conception et à la construction d’infrastructures routières afin de

répondre à la demande du nombre croissant d’automobilistes; ces infrastructures sont

d’ailleurs perçues comme porteuses d’effets structurants sur le territoire, ce dernier

leur étant finalement subordonné (ibid., 2012).

3 Inspirée à la fois de la planification rationnelle et du modèle des cités-jardins, la banlieue émerge

dans les années 1960. Ce modèle d’aménagement est caractérisé par une séparation des fonctions, par

une hiérarchisation des rues avec de grands boulevards commerciaux et des rues résidentielles en

forme de promenades, de boucles ou de culs-de-sac, bordées de maisons unifamiliales (Grant, 2006).

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L’évolution de la forme urbaine des villes aux 19e et 20

e siècles montre les

liens serrés entre l’aménagement du territoire et les systèmes de transport. D’un côté,

les modes de transports utilisés façonnent la forme urbaine : plus ceux-ci sont rapides

et flexibles, plus la ville tend à s’étendre (Newman et Kenworthy, 1996). Cette vertu

« organisatrice » de la mobilité (Massot et Orfeuil, 2008) a contribué à l’étalement

urbain et à la ségrégation des différentes fonctions de la ville : la voiture permet non

seulement aux activités de se localiser plus loin du centre-ville, elle réduit aussi le

besoin de proximité entre les différentes fonctions, qui ont ainsi tendance à se

regrouper entre elles. Toutefois, la nouvelle forme urbaine étalée a aussi imposé des

contraintes sur la mobilité : les grandes distances de déplacements qu’elle implique et

la nécessité de liens rapides entre les différents pôles d’activités spécialisés ont rendu

les moyens de transports en commun ou non motorisés inefficaces et désuets, créant

ainsi une dépendance à l’automobile chez une population résidant de plus en plus loin

du centre-ville (Ascher, 2008; Bochet, 2005). Ainsi, il existe une relation cyclique

entre l’utilisation de la voiture et l’étalement urbain, la mobilité faisant à la fois figure

de produit et de catalyseur de la métropolisation (Roy-Baillargeon et Gauthier, 2013).

Le modèle de la ville étalée et dépendante de l’automobile, synonyme de

progrès dans les années 1950 (Beaudet et Wolff, 2012), est aujourd’hui remis en

question. Les impacts négatifs de l’utilisation de la voiture sur l’environnement, les

coûts économiques liés à la congestion routière, les problèmes d’équité causés par la

dépendance automobile et les problèmes d’accès à ce moyen de transport, de même

que la fragmentation physique et sociale du territoire causée par les grandes

infrastructures routières et l’étalement sont quelques exemples d’arguments utilisés

par les opposants au modèle de développement urbain axé sur la voiture (ibid., 2012;

Massot et Orfeuil, 2008). Alimentés par l’émergence des concepts de développement

durable et de collectivités viables, ceux-ci militent pour un nouveau modèle urbain

axé sur une réarticulation de l’aménagement du territoire et des transports, et offrant

une plus grande place aux modes de transport alternatifs à l’automobile.

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1.3 La planification des transports en crise

Alors que certains dénoncent la rupture du lien naturel entre l’aménagement et les

transports, la planification des transports, marquée par une approche rationnelle et

technique, est elle-même remise en question avec, entre autres, la prise en compte des

principes du développement durable.

Comme plusieurs autres secteurs d’activités, la planification des transports a

été fortement influencée par l’approche rationnelle4 qui a émergé après la 2

e Guerre

mondiale (Bourdages et Champagne, 2012; Szyliowicz, 2003). La définition donnée

par Merlin et Choay (2000) de la planification des transports reflète bien cette

approche technique et systématique :

Établissement de programmes, spatiaux et économiques, déterminant la

demande prévisible à l’horizon temporel étudié, les investissements à réaliser

pour la satisfaire, leur échelonnement dans le temps et leurs conséquences

prévisibles, en particulier sur le développement urbain et la localisation des

activités et équipements. (p. 617)

En effet, le modèle de planification des transports dit « traditionnel » est caractérisé

par l’utilisation de modèles précis, lesquels doivent s’appuyer sur des informations

complètes et exhaustives dans le but d’optimiser les avantages et de minimiser les

coûts; il s’agit d’une méthode très coûteuse en termes de temps et d’argent

(Szyliowicz, 2003). En vertu de cette approche, les déplacements sont envisagés

comme une demande dérivée, qui n’a aucune valeur en soi sinon que de permettre

d’accéder à un bien ou à un service (Banister, 2008). Les déplacements comportent

aussi un coût que l’on doit minimiser en améliorant la vitesse et en diminuant le

temps de déplacement. Les interventions en planification des transports visent ainsi

une gestion efficace du flux de circulation, principalement par l’augmentation de la

capacité routière (ibid., 2008; Bourdages et Champagne, 2012). Dans cette optique

traditionnelle de la planification des transports, la construction de grandes

infrastructures routières est synonyme de progrès et de développement économique,

4 L’approche rationnelle de la planification est présentée plus en détails au chapitre II.

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permettant la mobilité du capital humain et physique (Bochet, 2005; Desjardins,

2008). La planification traditionnelle emprunte aussi une approche modale, c’est-à-

dire que chaque mode de transport est traité de façon distincte, avec une préférence

pour l’automobile (Banister, 2008; Szyliowicz, 2003).

Au fur et à mesure que le réseau de transport est façonné par l’approche de la

planification rationnelle, certains inconvénients commencent à faire leur apparition.

D’abord, l’augmentation de l’utilisation de la voiture crée de la congestion routière,

phénomène que l’expansion du réseau routier ne semble réussir à contenir

(Szyliowicz, 2003). Au contraire, la construction de nouvelles infrastructures

routières semble créer un effet induit : l’offre supplémentaire en capacité, facilitant la

circulation, ne fait qu’encourager, et finalement augmenter, l’utilisation de

l’automobile (Desjardins, 2008). Outre la congestion routière, l’automobile engendre

une panoplie de nuisances : consommation importante d’énergie non renouvelable,

pollutions atmosphérique, sonore et aquatique, occupation importante d’espace,

étalement urbain, etc. (Szyliowicz, 2003). Or, l’impact de ces nuisances sur le milieu

urbain est proportionnel à l’utilisation de la voiture, qui connaît une croissance

continue (ibid., 2003). Plus récemment, les comportements de déplacements

connaissent aussi différentes transformations : selon Banister (2008), ils sont plus

flexibles, moins synchronisés et plus dispersés sur le territoire. Ils n’ont pas

nécessairement qu’une fonction d’accéder à une destination, mais peuvent aussi être

une activité valorisée en soi.

Face à ces conditions changeantes, les outils de la planification traditionnelle

des transports ne conviennent plus. D’ailleurs, l’approche rationnelle est remise en

question quant à sa capacité de remplir les conditions nécessaires à son efficacité,

comme l’obtention d’informations exhaustives; les modèles scientifiques ainsi créés

sont donc souvent imparfaits ou carrément erronés (Szyliowicz, 2003). De plus,

l’approche systématique de la planification traditionnelle des transports n’est pas

conçue pour faire face aux imprévus, pour corriger ou éviter les erreurs une fois le

processus de planification enclenché (ibid., 2003). Son approche sectorielle ne

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favorise pas une intégration des différents projets de transports, dans un contexte

institutionnel de plus en plus fragmenté (Gauthier, 2005). Elle n’arrive pas non plus à

concilier son approche technique avec l’exigence de démocratisation du processus de

planification, suite à une montée de l’opposition citoyenne face aux projets

d’infrastructures routières (Desjardins, 2008). Enfin, l’incapacité de l’approche

traditionnelle à gérer les conflits et à inclure des dispositifs participatifs permettant

d’engager un dialogue entre les parties prenantes pour arriver à un compromis mine la

crédibilité et l’acceptabilité sociale des projets de transports (Bouni et al., 2009;

Gauthier, 2005). Il en résulte une crise de la planification des transports, laquelle

perdure déjà depuis quelques années (Banister, 2008; Desjardins, 2008).

La crise de la planification traditionnelle des transports souligne la nécessité

d’une nouvelle approche plus adaptée au contexte actuel. Selon Szyliowicz (2003),

celle-ci devrait être plus stratégique, adaptative et flexible, et devrait prendre en

compte les trois types de rationalités tirées de la théorie de l’agir communicationnel

d’Habermas5. Or, encore aujourd’hui, l’approche rationnelle et techniciste de la

planification est tenace et peine à être renouvelée (Beaudet et Wolff, 2012). Durant

les années 1980, Bourdages et Champagne (2012) mentionnent qu’une approche de

transport durable a émergé dans le milieu de la planification, suite à la volonté d’y

intégrer des considérations environnementales. Cependant, ces considérations ne

devaient pas compromettre le développement économique, et le langage de cette soi-

disant nouvelle approche est demeuré technique et teinté des notions d’efficacité et de

performance, avec comme outil principal l’évaluation des impacts des projets de

transports. Finalement, cette approche, qui n’a jamais réussi à vraiment se démarquer

de la planification rationnelle des transports dans sa méthodologie et sa vision, s’est

soldée par un échec, puisque le nombre de véhicules ainsi que la fréquence et la

distance des déplacements ont continué à monter en flèche (ibid., 2012). Toutefois,

elle aura permis aux principes du développement durable de se tailler une première

5 La rationalité instrumentale, dont l’approche rationnelle est l’incarnation; la rationalité

communicationnelle, où les individus sont source de connaissances; et la rationalité émancipatrice, qui

renvoie à la réflexivité, à la liberté et à la participation individuelles (Szyliowicz, 2003).

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place dans le domaine de la planification des transports, et d’ouvrir la voie à une

approche alternative : la mobilité durable (Gauthier, 2005).

1.4 La mobilité durable : un nouveau paradigme pour la planification des

transports

La crise de la planification des transports tient à la fois de sa séparation de la

planification du territoire et de l’incapacité de l’approche traditionnelle à faire face

aux enjeux actuels des transports. Depuis les années 1990, une nouvelle approche, la

mobilité durable, a émergé avec l’ambition de remédier à cette crise (Banister, 2008;

Bourdages et Champagne, 2012). Certains auteurs y voient jusqu’à un changement de

paradigme, la mobilité durable étant perçue un « nouveau cadre de réflexion qui

s’impose graduellement dans le système des transports » (ibid., 2012, p. 5), ou encore

un « nouvel impératif de l’action publique locale » (Gauthier, 2005, p. 50).

Le terme de mobilité durable apparaît pour la première fois en 1992 dans le

Livre vert de la Commission européenne sur l’impact du transport et l’environnement

(Bourdages et Champagne, 2012). Ce concept insiste sur la nécessité d’une approche

transversale des questions de transport, capable d’intégrer des enjeux globaux, tels

que la biodiversité et les changements climatiques, et de tenir compte de l’ensemble

des impacts des politiques et projets de transport sur l’environnement physique et

humain (Bouni et al., 2009). D’ailleurs, tout comme le concept de développement

durable duquel elle découle, la mobilité durable n’a toujours pas, à ce jour, de

définition unique. Or, Bourdages et Champagne (2012) affirment que cette ambiguïté

fait là tout l’intérêt de ce concept, qui acquière ainsi un certain dynamisme et fait plus

facilement l’objet d’une mise en débat collectif. Une définition assez standard de la

mobilité durable est donnée par le World Business Council for Sustainable

Development : « the ability to meet the needs of society to move freely, gain access,

communicate, trade, and establish relationship without sacrificing other essential

human or ecological values today and in the future » (WBCSD, 2001 p. 1-2). Cette

définition emprunte à la fois à la définition de la mobilité – « l’habileté et la capacité

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d’un individu ou de toutes autres formes de vie à se mouvoir » (Bourdages et

Champagne, 2012, p. 6) – et à celle du développement durable avancée par la

Commission mondiale sur l’environnement et le développement – « un

développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des

générations futures de répondre aux leurs » (CMED, 1998, p. 51).

Le glissement sémantique du transport vers la mobilité n’est pas anodin : il

remet l’individu au centre des préoccupations des planificateurs du transport. La

mobilité est en effet un phénomène social caractéristique des sociétés occidentales

contemporaines (Bourdages et Champagne, 2012). Selon Ascher (2008), la mobilité –

voire l’hypermobilité – est à la fois un produit et un catalyseur de la société moderne;

elle est intimement liée aux autres tendances de la modernité, soient

l’individualisation, la marchandisation, la différenciation et la rationalisation des

pratiques sociales. D’après ce même auteur, la société actuelle, « hypermoderne »,

caractérisée par une accentuation de ces tendances, fait de la mobilité physique des

personnes une condition nécessaire à l’accès de biens, de services, de relations

sociales, d’un emploi, etc. Bourdages et Champagne (2012) soulignent d’ailleurs

qu’il existe différentes formes de mobilité (ex : mobilité sociale), mais que celles-ci

sont reliées entre elles, et que la perte d’une forme de mobilité affecte l’ensemble des

autres. Il va donc sans dire que les notions d’accessibilité à la mobilité et de

compétences de mobilité6 sont des questions fondamentales soulevées par l’approche

de la mobilité durable (ibid., 2012).

Si l’approche de la mobilité durable reconnaît les aspects positifs de la

mobilité, elle démontre aussi une préoccupation pour les effets négatifs qu’elle

engendre : ségrégation sociale, pollution, congestion, etc. (Bourdages et Champagne,

2012). L’enjeu est alors de garantir l’accessibilité de la mobilité à l’ensemble de la

6 L’accessibilité à la mobilité se traduit entre autres par l’existence d’une offre de transport adéquate et

abordable pour tous, alors que les compétences de mobilité sont acquises grâce à une information

adéquate sur les moyens de transport disponibles et sur la façon de les utiliser (Ascher, 2008).

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société, tout en réduisant les effets pervers de cette mobilité. Or, l’ensemble des

problèmes liés au transport semble pointer vers un coupable : l’automobile, en

particulier sa surutilisation. La réduction de l’emploi de la voiture et le transfert

modal vers d’autres alternatives de transports, collectives et actives, est donc un

objectif central des stratégies de mobilité durable (Wheeler, 2009). Le changement

des habitudes de consommation et l’implication des tous les acteurs concernés dans la

recherche de solution font aussi partie des ambitions du concept de mobilité durable

(Bourdages et Champagne, 2012).

Face à la planification traditionnelle, la mobilité durable incarne un

renouvellement à plusieurs égards. D’abord, elle implique de reconsidérer l’efficacité

des politiques de transport selon de nouveaux critères qui incluent les dimensions

environnementales, économiques et, surtout, sociales et éthiques de la mobilité

(Bouni et al., 2009). Ensuite, la mobilité durable remet en question l’autorité absolue

des ingénieurs ainsi que leurs savoir-faire et reconnaît la problématique du volume de

mouvement et de l’automobile (Bourdages et Champagne, 2012; Szyliowicz, 2003).

Enfin, de par sa nature procédurale qui favorise la participation, la mobilité durable

semble avoir le potentiel de répondre à la crise des transports (Gauthier, 2005;

Wheeler, 2009).

1.4.1 Les outils et stratégies de mobilité durable

Les actions à mettre en œuvre pour favoriser la mobilité durable sont déjà bien

connues et documentées. Celles-ci peuvent se subdiviser en six catégories : la

substitution des déplacements, les politiques de transports, les politiques

d’aménagement, les innovations technologiques, les solutions organisationnelles et la

participation publique. Lorsque l’on élabore une stratégie de mobilité durable, Deakin

(2001) remarque qu’aucune solution unique ne permet d’atteindre les objectifs désirés

et qu’il faut donc employer une combinaison de mesures tirées de l’ensemble de ces

catégories.

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La substitution des déplacements consiste à réduire le besoin de se déplacer en

remplaçant une activité nécessitant un déplacement par une activité n’impliquant pas

de déplacement ou en utilisant les technologies d’informations et de communications

(TIC), par exemple en achetant en ligne ou en faisant du télétravail (Banister, 2008).

Toutefois, Banister (2008) souligne que les TIC peuvent à la fois substituer des

déplacements, mais aussi en générer de nouveaux, l’accès à l’information pouvant

faire connaître de nouvelles destinations aux utilisateurs.

Les politiques de transport favorisant le report modal sont aussi des stratégies

importantes de mise en œuvre de la mobilité durable. Cette catégorie inclut toutes les

mesures de gestion de la demande en transport visant à restreindre l’accès à

l’automobile à l’aide de mesures incitatives ou dissuasives, telles que les règlements

ou la tarification (Banister, 2008; Deakin, 2011). La demande en transport concerne

les besoins et les désirs de déplacements des individus, et se distingue de l’offre de

transport, soient les infrastructures et les services planifiés par les autorités et offerts

aux individus (Transports Canada, 2011). Les mesures de gestion de la demande en

transport doivent toutefois être complétées par une amélioration de l’offre de

transports (Deakin, 2011), laquelle doit faciliter l’utilisation de modes de transports

alternatifs à la voiture en inversant la hiérarchie actuelle des transports urbains: la

priorité est donnée aux infrastructures piétonnes et cyclables, puis aux réseaux de

transport en commun, et, finalement, à la voiture (Wheeler, 2009). Selon Bouni et al.

(2009), cette inversion de la hiérarchie des transports peut être réalisée grâce à

l’internalisation des coûts sociaux et environnementaux des systèmes de transport. Il

s’agit ainsi d’augmenter le coût de la voiture, que ce soit par l’entremise de taxes sur

l’essence, par la mise en place de postes de péage sur certaines routes, ou encore par

l’élaboration de politiques de stationnement plus strictes (ibid., 2009). De même, les

politiques doivent diminuer le coût des transports collectifs en augmentant la

subvention aux réseaux de transport en commun (Wheeler, 2009).

Une autre manière d’agir en faveur de la mobilité durable consiste à adopter

des politiques d’aménagement favorisant la mixité des fonctions ainsi qu’un tissu

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urbain dense et connecté, permettant de réduire à la fois la distance et la fréquence

des déplacements tout en rendant attrayants les modes de transports alternatifs à la

voiture (Banister, 2008; Deakin, 2011). Cette stratégie est directement liée à la

nécessité de reconstruire le lien entre aménagement et transport. Un exemple

d’aménagement favorable aux transports alternatifs est le modèle du TOD (Transit-

oriented Development), qui prône le développement urbain le long de corridors de

transport en commun (Ouellet, 2006). Des stratégies d’aménagement peuvent aussi

être employées pour convertir les espaces dédiés à l’automobile en espaces publics

attrayants (Banister, 2008).

Ensuite, toute une gamme d’innovations technologiques ont pour but de

rendre la voiture actuelle plus éco-énergétique, d’équiper les véhicules de systèmes

de transport intelligents ou encore de trouver des alternatives aux combustibles

fossiles (ibid., 2008). Cette solution est souvent la plus populaire auprès des

décideurs et de la population en générale, car elle implique peu de changements au

niveau des habitudes de déplacements; toutefois, des auteurs suggèrent de ne pas

miser que sur les changements technologiques, qui pourraient ne pas arriver en temps

voulu et qui n’arrivent pas à solutionner les problèmes sociaux et spatiaux engendrés

par la voiture (ibid., 2008, Deakin, 2011).

Une autre condition essentielle à la mobilité durable passe par la révision des

structures institutionnelles qui gèrent la planification des transports (Bourdages et

Champagne, 2012; Roy-Baillergeon et Gauthier, 2013). Cette révision peut s’articuler

autour de diverses formes de coordination : entre les échelles de la planification

(coordination verticale), entre les secteurs de planification (coordination horizontale),

entre les secteurs publics et privés et entre les différents modes de transports. Alors

que les trois premières formes de coordination réfèrent particulièrement à la

coordination aménagement-transport, la coordination intermodale est un enjeu

spécifique au domaine des transports. Selon Szyliowicz (2003), l’intermodalité est

une approche qui implique la réalisation de liaisons intermodales efficaces et la

bonification de l’offre de transports alternatifs, grâce à la coordination entre les

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acteurs responsables de la planification et de la gestion de chaque mode. Cette

approche exploite les avantages techniques et commerciaux de chaque mode,

réduisant au minimum leurs impacts négatifs respectifs et améliorant ainsi la

productivité de l’ensemble du système de transport :

À l’instar d’un système écologique qui est d’autant plus harmonieux que

sa diversité et sa différenciation sont grandes, un système de transport est

d’autant plus harmonieux et solide que ceux qui transportent des

personnes ou des marchandises ont le choix entre divers modes. Un

système de transport qui est tributaire de seulement un ou deux modes est

beaucoup plus susceptible d’inefficience, de désorganisation et de

défaillance qu’un système qui combine de nombreux modes différents.

(Replogle, 1991, p. 2)

Malgré tous les avantages attribués à l’intermodalité, Szyliowicz (2003) soulève

plusieurs défis à surmonter pour mettre en œuvre cette approche. D’abord, il manque

de personnel compétent ayant une formation en intermodalité; ensuite, l’approche

modale reste avantageuse pour plusieurs acteurs (entre autres au niveau du

financement) et les rapports de force entre les différents modes sont inégaux.

Finalement, la conception de plateformes d’information intermodale est compliquée

par les difficultés au niveau de l’échange de données entre modes et l’absence de

normes communes (ibid., 2003).

La dernière catégorie de stratégies de mobilité durable concerne l’implication du

public. Selon Banister (2008), la participation publique au processus de planification

et de mise en œuvre de la mobilité durable est un élément essentiel au succès de

l’implantation des stratégies précédentes. Ainsi, elle permettrait aux citoyens de

mieux saisir les raisons qui motivent les choix de mobilité durable, de se les

approprier, et même, parfois, de se responsabiliser face à celles-ci (ibid., 2008;

Szyliowicz, 2003). Il importe toutefois de ne pas envisager la participation publique

comme une panacée, comme le souligne Paulhiac (2008), qui a montré comment le

référentiel techniciste propre à l’approche rationnelle persiste dans les propos des

participants à des consultations publiques sur l’amélioration de la mobilité dans la

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région montréalaise, bien qu’employé à une sauce « développement durable » prônant

la construction d’infrastructures de transport collectif.

1.4.2 Les obstacles à la mise en œuvre de la mobilité durable

La remise en question par la mobilité durable d’une approche traditionnelle des

transports ancrée dans les mentalités depuis plusieurs décennies comporte son lot de

tensions et de conflits, et la littérature identifie plusieurs obstacles à surmonter pour

que cette approche soit pleinement assumée et adoptée.

D’abord, les initiatives de mobilité durable peuvent être freinées par des

considérations d’ordre économique. En effet, l’automobile et les infrastructures

routières ont longtemps été perçues comme des moteurs de la croissance économique

(Deakin, 2001). L’inclusion de considérations environnementales ou sociales dans la

planification des transports et la remise en question de la prédominance des véhicules

motorisés suscitent ainsi des inquiétudes et peuvent être vues comme engendrant des

pertes économiques (ibid., 2001). Cependant, Deakin (2001) remarque qu’une prise

en compte de l’ensemble des impacts directs et indirects des projets de transports

pourrait mettre en lumière des coûts jusqu’alors ignorés d’une approche centrée sur

l’automobile (ex : santé, entretien des infrastructures, perte de temps, etc.), en plus de

souligner les avantages des modes de transport alternatifs. Le manque de confiance

envers l’approche de mobilité durable fait en sorte qu’il y a souvent un financement

insuffisant de ces initiatives, lequel, de surcroît, est souvent limité à de courtes

périodes de temps (ibid., 2001). Il en résulte une difficulté à étendre les approches

d’urbanisme et de mobilité durable au-delà de quelques projets ponctuels, ce qui pose

la question de la qualité versus la quantité : à quoi bon mettre en œuvre quelques

projets modèles si la majorité du tissu urbain est toujours sujette à la dépendance

automobile (Castel, 2008)?

Ensuite, la culture professionnelle du monde des transports est fondée sur

l’approche traditionnelle de la planification : elle met en scène des moyens

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techniques, d’ingénierie et de voirie, implique une gestion en silo des différents

dossiers et comporte une série de normes et de procédures (Desjardins, 2008). Ces

façons de faire ont pour résultat de rendre les projets de transports très inflexibles. Par

exemple, l’inscription de projets d’infrastructures dans des documents de

planification peut être utilisée comme moyen de légitimer ces projets et de contrer

l’opposition. Desjardins (2008) mentionne aussi l’impact du poids du réseau existant,

qui limite ou « verrouille » les options possibles pour l’améliorer ou le transformer.

Par ailleurs, les professionnels des transports, de par leur bagage technique et

spécialisé, ne sont pas toujours formés pour intégrer les enjeux environnementaux et

la dimension de participation publique mis de l’avant par la mobilité durable (ibid.,

2008).

Un dernier obstacle significatif à la mobilité durable, d’ordre culturel, est

l’importance accordée à l’automobile dans notre société. Selon Banister (2008), le

symbolisme de la voiture fait en sorte que la rationalité ne s’applique pas

nécessairement dans le choix de mode de transport des usagers; ceux-ci vont préférer

conserver le confort ou l’accessibilité que leur confère l’automobile plutôt que

d’opter pour un autre mode de transport qui pourrait leur procurer davantage de

bénéfices. Il s’en trouve ainsi difficile de favoriser l’utilisation de modes de transport

alternatifs face à un mode de transport dominant que Bourdages et Champagne

(2012) comparent à une « prescription de société », d’autant plus que les

constructeurs et concessionnaires automobiles possèdent souvent des moyens

financiers et de promotion beaucoup plus importants que les défenseurs de la mobilité

durable (Banister, 2008). Afin de contrer ce rapport de force, les moyens utilisés

doivent être beaucoup plus agressifs que de la simple publicité, ce qui est

actuellement rarement le cas. En effet, la volonté politique de mettre en œuvre les

principes de la mobilité durable est souvent manquante, reflet du soutien mitigé de la

population envers des stratégies – limitation ou tarification du stationnement, péage

routier, densification de l’habitat, etc. – parfois perçues comme indésirables ou

brimant la liberté individuelle (ibid., 2008). Sans soutien du public, le potentiel de

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controverse des stratégies de mobilité durable peut être élevé. Selon Banister (2008),

cette question de l’acceptabilité sociale de la mobilité durable pourrait être résolue

par l’implication de l’ensemble des acteurs de la société dans les processus de

planification des transports, alors que Massot et Orfeuil (2008) prônent une action

soutenue des pouvoirs publics en faveur de l’aménagement de milieux de vie conçus

en fonction des principes de l’urbanisme et de la mobilité durables, qui seraient plus

attrayants que la banlieue.

1.5 Questionnement général

À la lumière des informations présentées ci-haut, il semble que les problématiques

économiques, sociales et environnementales auxquelles les villes font face ne soient

pas étrangères aux défaillances de l’approche de planification rationnelle et technique

utilisée en transports, de même qu’à la rupture entre ce domaine et celui de

l’aménagement. En l’occurrence, l’approche de la mobilité durable se présente

comme une alternative à l’approche traditionnelle de la planification des transports,

tout en promouvant une meilleure articulation de la planification de l’urbanisme et

des transports. Dans quelle mesure et de quelle façon les principes mis de l’avant par

cette nouvelle approche arrivent-ils à renouveler les pratiques planificatrices en

transport? Afin d’explorer cette question, nous avons décidé de nous restreindre à

l’étude d’une stratégie propre à l’approche de la mobilité durable, soit la gestion de la

demande en transport, et à son application au Québec par l’entremise des centres de

gestion des déplacements.

1.6 La gestion de la demande en transport comme stratégie de mobilité durable

Tel que mentionné plus haut, la gestion de la demande en transport (GDT) est l’une

des stratégies visant à faire évoluer les pratiques planificatrices en transport vers une

plus grande durabilité. La GDT inclut des mesures visant à promouvoir des modes de

transports alternatifs à l’utilisation individuelle de la voiture (covoiturage, vélo,

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transport en commun, etc.), à diminuer le nombre de déplacements effectués ainsi

qu’à modifier l’horaire de ces déplacements. Cette stratégie mobilise des outils

éducatifs et informatifs qui visent à changer les mentalités concernant la voiture, un

symbole fort de l’identité occidentale, et à démontrer les avantages liés aux modes de

transport alternatifs (Wheeler, 2009). Puisque la majorité des trajets concerne les

mouvements pendulaires entre le domicile et le travail ou le lieu d’études, la GDT est

souvent mise en œuvre via les lieux générateurs de ces déplacements, principalement

les entreprises et les institutions publiques (ibid., 2009).

Au Québec, les centres de gestion des déplacements (CGD) sont les

principaux porteurs des stratégies de GDT. Inspirés du modèle états-unien des

Transportation Management Associations et de son alter ego européen, le conseil en

mobilité, les CGD québécois sont des organismes voués à l’avancement et à la

promotion du transport et de la mobilité durables auprès des entreprises et des

institutions sur un territoire donné, habituellement une ville ou un secteur d’une ville

(ACGD, 2012). Les CGD offrent à leurs clients plusieurs stratégies de GDT

regroupées dans un plan de gestion des déplacements personnalisé, comme

l’installation de supports à vélos, la mise sur pied d’incitatifs au transport en commun

et de programmes de covoiturage, ou encore la compression des horaires de travail

(Vivre en Ville et al., 2009). Les CGD peuvent aussi servir d’intermédiaires entre les

entreprises et les acteurs municipaux et régionaux du transport (ex : services

d’urbanisme ou sociétés de transports) afin de favoriser une meilleure accessibilité

des entreprises aux modes de transports alternatifs.

Alors que les CGD sont relativement nouveaux dans le paysage québécois de

la planification des transports, d’autres acteurs plus traditionnels et recouvrant de

multiples échelles œuvrent dans ce domaine depuis maintes années. De façon

générale, ces acteurs se situent davantage du côté de la gestion de l’offre en transport,

soit la construction d’infrastructures et l’offre de services tels que le transport en

commun (Transports Canada, 2011). Nommons entre autres le Ministère des

Transports du Québec, qui procède présentement à l’élaboration de plans territoriaux

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de mobilité durable à l’échelle régionale; les autorités organisatrices de transport à

l’échelle locale, supralocale ou régionale, qui produisent des plans stratégiques axés

sur le transport en commun; ainsi que les MRC et certaines villes de plus grande

taille, qui doivent inclure un volet sur le transport dans leurs schémas d’aménagement

et de développement et peuvent décider de se doter de plans de déplacements

durables (MAMROT, 2012). Il existe aussi à l’intérieur des villes nombre

d’organismes faisant la promotion de modes de transport alternatifs ou du

développement urbain durable (ex : Équiterre, Communauto, Vélo-Québec, Vivre en

Ville). Bref, les CGD s’insèrent dans un contexte de planification complexe, composé

de multiples acteurs avec lesquels ils doivent forcément interagir.

Il semblerait que ces organismes québécois n’aient peu ou pas été étudiés

jusqu’à présent; nous n’avons pas été en mesure de trouver des publications

académiques y étant directement liées. Entre autres, il semble qu’aucun article n’ait

spécifié comment ces organismes interagissent avec les acteurs traditionnels de la

planification des transports. L’étude des CGD présente donc une pertinence et un

intérêt scientifiques, à la fois par le caractère récent et apparemment novateur de ce

type d’acteur dans le paysage québécois de la planification des transports, de même

que par le manque d’études effectuées à ce sujet.

1.7 Question spécifique et objectifs de recherche

Pour faire suite à notre questionnement général quant à la portée du renouvellement

des pratiques planificatrices que représente la mobilité durable pour le domaine des

transports, voici la question de recherche spécifique vers laquelle notre angle

d’approche nous a menée : Comment les centres de gestion des déplacements (CGD)

contribuent-ils au renouvellement des pratiques de planification en transport et

particulièrement à la mise en œuvre de la mobilité durable au Québec?

Afin d’étayer notre réponse à cette question, nous avons établi les objectifs de

recherche suivants :

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Caractériser les différents CGD en approfondissant leurs origines, leur mission,

leurs activités et leur mode de gouvernance. Cet objectif est nécessaire étant

donnée l’absence de littérature sur les CGD québécois. Nous chercherons entre

autres à savoir si l’ensemble des CGD suivent un modèle similaire, ou s’ils

présentent des divergences importantes.

Comparer les CGD avec les initiatives de GDT ailleurs au Canada, aux É-U et en

France. Les initiatives québécoises de GDT sont relativement récentes; comment

ces initiatives se rapprochent-elles, ou encore, se démarquent-elles des

expériences réalisées à l’étranger? Font-elles face aux mêmes défis, aux mêmes

problématiques?

Mettre en lumière les interactions des CGD avec les autres acteurs de la

planification des transports, leurs partenaires et leurs clients. Est-ce que ces

interactions sont positives ou négatives? Les CGD sont-ils vus comme des

collaborateurs ou des compétiteurs? Ont-ils une influence sur les pratiques des

autres acteurs?

Expliciter la contribution des CGD au renouvellement des pratiques de

planification des transports et à la mise en œuvre de la mobilité durable au

Québec.

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CHAPITRE II – LA MOBILITÉ DURABLE ET LE RENOUVELLEMENT DE

LA PLANIFICATION

Dans ce chapitre, nous exposons comment le renouvellement de la planification des

transports, avec l’avènement d’un nouveau paradigme de mobilité durable, peut être

approché sous les angles procédural et substantif. D’abord, les procédures de

planification mises de l’avant par la mobilité durable s’inscrivent dans un mouvement

plus large de renouvellement des pratiques planificatrices en général. Au niveau des

transports, ce renouveau se traduit entre autres par la nécessité de mieux arrimer la

planification des transports et l’aménagement du territoire. En ce qui concerne la

substance ou le contenu de la planification, les priorités et les dimensions du transport

abordées par la mobilité durable diffèrent de celles considérées par l’approche

traditionnelle de planification des transports. Nous présentons ensuite différents types

d’instruments qui peuvent être utilisés pour atteindre des objectifs de planification.

Enfin, les dimensions procédurales et substantives propres au renouvellement de la

planification des transports nous permettent d’émettre des hypothèses quant à la

contribution des CGD à la mise en œuvre de la mobilité durable.

2.1 La planification : bases théoriques

Tel que mentionné plus haut, la mobilité durable est souvent présentée comme un

nouveau paradigme de la planification des transports. Afin de pouvoir évaluer le

potentiel de renouvellement de la planification que présentent les CGD, il importe

d’expliciter les théories de la planification sous-jacentes à l’approche de la mobilité

durable.

Au cours des 18e et 19

e siècles, avec le développement de la pensée scientifique

et de la rationalité technique, certains intellectuels, dont Auguste Comte et le comte

de Saint-Simon, ont avancé l’idée que la science permettait de développer des

connaissances sur la société contemporaine, mais aussi que ce savoir pourrait être

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appliquée pour bâtir une société meilleure (Friedmann, 1987). Ainsi, la planification

concerne l’utilisation des connaissances dans la prise de décisions collectives, ou,

dans sa plus simple expression, le lien entre le savoir et l’action (Proulx, 2008;

Friedmann, 1987). Une définition plus technique de la planification est donnée par

Lévy et Lussault qui l’envisagent comme « un dispositif politique ayant pour objectif

la prédiction du contexte et la mise en cohérence des actions, publiques et privées,

dans un domaine et/ou sur un espace, pour une durée et à une échéance déterminées »

(Lévy et Lussault, 2003, p. 720). De par sa dimension prospective (Merlin et Choay,

2000) et de par les plans et les décisions qui en résultent, la planification exerce

effectivement un pouvoir, ou à tout le moins une influence, sur de multiples aspects

du développement futur, qu’il s’agisse du développement économique, des ressources

naturelles, de la culture, de l’aménagement ou de toute autre dimension du territoire.

L’importance de la planification est d’autant plus grande dans une économie de

marché, selon la définition donnée par Wachter et al. (2000), car elle permet

d’ « opérer une allocation de ressources que le marché n’est pas en mesure

d’assurer » (p. 59). On peut alors supposer que le type d’approche utilisé, en agissant

sur l’allocation des ressources, entraîne des conséquences pour le développement

d’un territoire donné, d’où la pertinence de s’y intéresser.

Selon Friedmann (1987), la « théorie de la planification » s’est développée sous

l’influence d’un large spectre d’idéologies, allant des idéologies conservatrices aux

idéologies radicales, en passant par le pragmatisme. En fait, la planification ayant

existé comme profession avant même d’être considérée comme une pratique

scientifique en soi, elle ne dispose pas de bases théoriques propres, comme l’explique

Grant (1999) :

Planning has not developed as an intellectual discipline in its own right. It

has no original disciplinary foundation. It has no first principles of its own,

but rather draws upon certain foundation disciplines including law,

architecture, design, geography, sociology and economics. The balance

between these foundation disciplines is shifting all the time, so the

intellectual basis of planning is exceptionally flexible or fluid. This is an

important part of the richness of planning, but it means that there is less

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certainty than with other professions about what planning “owns” and what,

therefore, it should be developing (Grant, 1999 dans Allmendinger, 2009, p.

33-34).

Cette propriété de la planification viendrait d’une part du fait que ce domaine a

été légitimé comme une activité étatique par le gouvernement sans avoir eu à se

justifier de lui-même et d’autre part du manque d’intérêt des planificateurs pour la

théorisation de leur profession (Proulx, 2008; Reade, 1987). Selon Allmendinger

(2009), étant donnée l’évolution constante des pratiques planificatrices, on ne devrait

pas parler d’une théorie « générale » de la planification; il y aurait plutôt des théories

de la planification ou encore différentes typologies de planification, lesquelles varient

selon le contexte historique au sein duquel les planificateurs évoluent. Parmi celles-ci

se trouvent des typologies qu’Allmendinger (2009) qualifie d’ « indigènes »

(indigenous). Ce sont des approches qui, bien que puisant dans des théories d’autres

domaines, ont été développées spécifiquement à l’intérieur du champ de la

planification. Les approches de la planification rationnelle globale ainsi que la

planification collaborative, qui seront définies plus loin, sont présentées comme étant

des théories indigènes de la planification (ibid., 2009).

Les théories de la planification sont traditionnellement divisées en deux

catégories : les théories procédurales, traitant des méthodes et du processus de prise

de décision; et les théories substantives, s’intéressant au contenu et aux savoirs

employés dans la planification. Cette classification se voulait à la base une façon de

distinguer des théories plus subjectives de théories supposément universelles dans

une logique positiviste. Cependant, Allmendinger (2009) critique cette distinction

entre procédural et substantif, les deux types de théories ne pouvant prétendre

échapper à l’influence des normes culturelles propres au contexte historique dans

lequel elles émergent; ainsi, toute théorie contiendrait un mélange variable de

« procédure » et de « substance ». Dans le cadre de ce mémoire, nous avons tout de

même décidé de conserver cette distinction, puisque, alors que la mobilité durable

met de l’avant des procédures de planification communes à plusieurs domaines, le

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contenu de son approche est spécifique au domaine des transports et ne peut être

assimilé à des approches planificatrices plus génériques.

2.2 Un renouvellement procédural (1) : de la planification rationnelle globale à

la planification renouvelée

La dimension procédurale de la planification des transports portée par l’approche de

la mobilité durable reflète l’aboutissement plus général de l’évolution des pratiques

de planification urbaine au cours du siècle dernier.

2.2.1 L’émergence de la planification rationnelle globale et sa critique

Ayant émergé au cours du 18e siècle afin de répondre aux préoccupations d’hygiène

et d’assainissement des villes, la planification urbaine ne s’est institutionnalisée qu’au

début du 20e siècle (Grant, 2006). Cette époque correspond à celle de l’approche

classique de la planification, qui s’est étendue jusqu’aux années 1950. La

planification classique consistait à mettre en œuvre des projets d’embellissement

urbain élaborés par les urbanistes, portés par une certaine vision globale de la ville, ce

qui a donné lieu par exemple au mouvement City Beautiful de Chicago, de même

qu’aux cités-jardins britanniques (Berke, 2002). Déjà, les projets de la planification

classique montrent une préoccupation pour une trame urbaine efficace et

fonctionnelle; c’est d’ailleurs à cette époque qu’émerge le zonage7, qui deviendra un

outil central dans la planification urbaine, jusqu’à aujourd’hui (Grant, 2006).

L’approche classique de la planification accordait une grande importance au contenu

des plans, mais la procédure de planification elle-même n’était pas valorisée;

plusieurs dénoncent alors l’absence de justification des décisions prises, qui sont

imposées par le gouvernement local (Berke, 2002).

7 L’apparition du zonage dans les années 1920 est intimement liée aux intérêts des propriétaires

terriens, qui l’utilisaient pour protéger la valeur de leurs propriétés. Grant (2006) affirme que cet outil

a engendré un statu quo de la planification urbaine, favorisé par la crise économique des années 1930

et la crainte des autorités publiques de perturber la reprise économique en intervenant sur le territoire.

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Durant la deuxième moitié du XXe siècle, cette approche est remplacée par la

planification rationnelle globale (PRG), une approche jugée plus « scientifique » et

analytique, qui a pour effet de techniciser et de systématiser le processus décisionnel

(Grant, 2006). Cette approche met de l'avant une série d’étapes que l’expert en

planification doit suivre afin d’établir un portrait détaillé de la situation présente, de

tenir compte de toutes les options de développement possibles, de les comparer et

enfin de sélectionner celle qui présente les meilleurs avantages pour l’intérêt collectif

(Berke, 2002). L’approche de la PRG est légitimée par la rationalité des experts,

ceux-ci étant vus comme plus neutres et mieux à même de servir l’intérêt général que

les décideurs politiques, constamment soumis à des pressions politiques, ou encore la

société civile, qui ne détiendrait pas les connaissances nécessaires pour prendre des

décisions éclairées (Friedmann, 1987). Dans ce modèle de la planification, les

planificateurs suivent un modèle que Mermet et al. (2004) qualifient de « Décider,

Annoncer, Défendre » : les décisions sont prises par les experts et annoncées à la

population pour ensuite être défendues coûte que coûte.

S’inscrivant dans le courant de la modernisation et l’idéologie positiviste,

l’approche de la PRG découle d’un « paradigme du progrès, qui a tant fasciné et

influencé architectes, ingénieurs et urbanistes, [et qui] a réduit les questions de

mobilité à leurs dimensions techniques » (Beaudet et Wolff, 2012, p. 7). La société y

est pratiquement envisagée comme une machine complexe qui peut être améliorée,

voire reconstruite avec les mêmes processus de design que l’on emploierait pour un

pont ou un édifice, par exemple (Friedmann, 1987). Cette dimension technique de la

PRG favorise la montée du fonctionnalisme dans la planification et l’aménagement

du territoire : les fonctions de la ville sont détachées les unes des autres grâce au

zonage, et sont raccordées entre elles par des réseaux routiers à haut débit (Charvet et

Sivignon, 2011).

Dans les années 60 et 70, la confiance du public en la science en prend pour son

compte : on constate que les problèmes qu’elle devait éradiquer – la guerre, la faim,

la pauvreté – sont toujours présents, s’ils ne se sont pas simplement accentués

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(Friedmann, 1987). Sur le plan de l’aménagement est des transports, le

fonctionnalisme propre à la PRG est d’ailleurs associé à la fragmentation du tissu

urbain et à la marginalisation des populations n’ayant pas accès à la voiture (Ascher,

2008; Beaudet et Wolff, 2012). D’autre part, bien que la PRG puisse amener à une

compréhension détaillée de la situation actuelle, son évacuation de la dimension

politique fait en sorte que la mise en œuvre des recommandations effectuées par les

experts ne se réalise pas toujours (Proulx, 2008). Maintes critiques de la PRG

émergent, dont celle du courant postmoderne, qui remet en question la soi-disant

rationalité des planificateurs et la capacité de cette approche d’appréhender et de

répondre aux enjeux de plus en plus complexes de la société, qui impliquent souvent

une part d’incertitude – incertitude ignorée dans l’approche de la PRG (Berke, 2002;

Hamel, 1997). Une volonté d’adopter de nouvelles pratiques de planification faisant

place à la mixité sociale et fonctionnelle de même qu’à une plus grande participation

de l’ensemble des acteurs concernés par la planification urbaine émerge (Berke,

2002; Charvet et Sivignon, 2011).

2.2.2 De nouvelles approches pour remplacer la PRG

En réponse aux critiques associées à la PRG, différentes approches de

planification ont été développées. Parmi celles-ci, notons entre autres la planification

par petits pas éclatés, ou incrémentalisme (Proulx, 2008); il s’agit pratiquement de

l’antithèse de la PRG. L’incrémentalisme consiste en la prise de décisions successives

par essais et erreurs : chaque décision est ainsi basée sur les résultats de la décision

précédente. En révisant continuellement la prise de décision, cette méthode permet

une plus grande adaptabilité que la PRG. Par contre, le manque de réflexion globale

sur les objectifs et les buts à atteindre font de l’incrémentalisme une approche peu

innovatrice (ibid., 2008). À l’opposé, la planification stratégique, une autre approche

de la planification, consiste à élaborer un plan d’action visant la réalisation d’objectifs

et de buts précis, et implique donc un travail de projection dans l’avenir à l’aide de

différents scénarios (ibid., 2008). À mesure que le plan d’action est réalisé, une

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évaluation de l’atteinte des objectifs est effectuée, et les priorités sont ajustées de

façon continue. La planification stratégique implique ainsi une considération du long

terme par sa projection dans l’avenir, ainsi qu’une plus grande flexibilité que la PRG

par la continuité du processus décisionnel. Toutefois, Proulx (2008) note la difficulté

de bien cerner les impacts des différents scénarios possibles afin de déterminer la

meilleure option à suivre.

Outre ces deux approches, les critiques de la PRG ont entre autres donné

naissance au courant communicationnel en planification. Ce courant reconnaît la

subjectivité des planificateurs et des individus touchés par leurs interventions et

favorise l’interaction entre ceux-ci, entre autres par des démarches collaboratives et

coopératives : il s’agit d’une approche basée sur la démocratie participative, dans

laquelle le rôle du planificateur est davantage axé sur les communications et la

facilitation des échanges (Hamel, 1997). Le community planning et l’approche

collaborative convergent aussi avec le courant communicationnel (Bacqué et

Gauthier, 2011). Contrairement à l’universalité prônée par la PRG, cette forme de

planification tient compte des particularités du contexte local, que la connaissance des

acteurs non experts qui y résident permet d’ailleurs de mieux cerner (Hamel, 1997).

L’approche collaborative implique ainsi plusieurs acteurs et favorise leur

appropriation des politiques et projets (Healey, 1998). Elle mise sur la création de

réseaux afin de former des partenariats durables, et non basés sur des projets

circonscrits dans le temps, qui devraient éventuellement permettre d’établir des liens

de confiance entre les acteurs de la communauté (ibid., 1998). L’approche

collaborative emprunte un modèle moins top-down (« Décider, Annoncer,

Défendre ») et plus bottom-up (« Concerter, Analyser, Choisir »), dans lequel les

solutions découlent d’une négociation entre les différentes parties concernées

(Mermet et al., 2004). En mettant en confiance les différents acteurs et en favorisant

les échanges, la négociation et le consensus, l’approche collaborative éviterait les

interactions antagonistes, ou d’affrontement, qui ont souvent pour effet de freiner les

projets. Ainsi, la collaboration permettrait un apprentissage chez les participants, qui

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verraient évoluer leurs points de vue au fil des échanges, pour finalement en arriver à

un consensus (Healey, 1998).

L’émergence des approches collaboratives correspond au passage d’un modèle de

gouvernement des villes, à l’intérieur duquel les processus décisionnels étaient

contrôlés uniquement par les élus municipaux et leurs fonctionnaires, à un modèle

de gouvernance8 urbaine (Le Galès, 1995). Cette dernière implique maintenant une

multitude d’acteurs (élus, fonctionnaires, organismes, entreprises, citoyens, etc.) qui

interagissent à différentes échelles (quartier, municipalité, MRC, région, etc.) et

adoptent différentes formes de partenariats. La prise de décisions s’en trouve

grandement complexifiée et le rôle du planificateur fait de plus en plus appel à des

compétences communicationnelles (Bacqué et Gauthier, 2011).

Mises ensemble, ces approches critiques de la PRG, soient les approches

collaboratives et communicationnelles, de même que l’incrémentalisme et la

planification stratégique, ont pour visée de renouveler la planification urbaine. Pour

les besoins de ce travail, nous nommerons « planification renouvelée » l’approche

planificatrice regroupant des principes de l’ensemble de ces approches. Les

différentes dimensions de cette approche, comparativement à celle de la PRG, sont

détaillées dans le Tableau 2.1.

Malgré l’émergence de nouvelles approches de planification, Grant (2006) note

que l’approche de la PRG, guidée par des objectifs d’efficacité et de croissance, est

encore dominante aujourd’hui. Selon elle, cela s’expliquerait par le fait que le modèle

de planification urbaine mis de l’avant par la PRG, soit celui de la banlieue, est

fermement ancré dans les valeurs culturelles de la société. Or, la forme urbaine serait

subordonnée aux préférences sociétales : « Planification has become institutionalized

as a cultural apparatus for shaping change in the built environment, for imposing

cultural values and preferences on the landscape » (Grant, 2006, p. 330). Suivant ce

8 Selon Bourdin (2000), la gouvernance, en opposition au gouvernement, se concentre davantage sur

les relations entre dirigeants et dirigés que sur l’art de gouverner et aux techniques. La gouvernance

suppose une action publique polycentrique, impliquant une multitude d’acteurs publics et privés.

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raisonnement, sans changement culturel, le modèle urbain de la banlieue et

l’approche de la PRG qui le supporte pourraient perdurer encore longtemps. À cet

effet, Massot et Orfeuil (2008) notent un retour timide, mais réel et grandissant, d’un

désir d’urbanité chez la population, lequel pourrait faciliter l’adoption des approches

renouvelées de la planification.

Tableau 2.1 – Les dimensions procédurales de la PRG et de la planification

renouvelée

Approches de la

planification /

Dimensions

Planification rationnelle

globale

Planification

renouvelée

Références

Indicateurs

Approche Top-down, centralisation,

verticale, sectorielle

Bottom-up,

décentralisation,

horizontale, intégrée

Theys, 2000;

Wheeler, 2000

Niveau de

participation

publique

Information, consultation Implication,

concertation

Berke, 2002;

Jepson, 2001

Rôle du

planificateur

Élaboration de plans,

« Décider, Annoncer,

Défendre »

Facilitation, animation,

médiation, « Concerter,

Analyser, Choisir »

Farinos Dasi,

2009; Hamel,

1997; Mermet

et al., 2004

Prise de décision Décision finale, rationalité Décision en continu,

gestion des risques

Berke, 2002;

Theys, 2003

Échelle de temps Court terme Long terme Jepson, 2001;

Theys, 2000

Savoirs valorisés Expertise Savoirs multiples

(experts, locaux, etc.)

Berke, 2002

Type de

gouvernance

Gouvernement des villes :

acteurs municipaux ou

institutionnels dominants

Gouvernance urbaine :

multiplicité d’acteurs

(municipal, privés,

ONG, citoyens, etc.)

Bacqué et

Gauthier, 2011;

Le Galès, 1995

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2.3 Un renouvellement procédural (2) : la coordination de l’aménagement et des

transports

Les procédures mises de l’avant par la mobilité durable s’apparentent globalement à

celles prônées par les approches de la planification « renouvelée », dont les approches

collaboratives. Appliqué au domaine des transports, ce renouvellement procédural

soulève une question en particulier, celle de la coordination de l’aménagement et des

transports.

Selon Kaufmann et al. (2003), la mise en œuvre de la coordination aménagement-

transport nécessite avant tout une coordination des multiples acteurs impliqués dans

les domaines de l’aménagement et des transports. Puisque ces domaines sont d’abord

la responsabilité d’institutions publiques, la coordination aménagement-transport est

souvent assimilée à une coordination institutionnelle des politiques publiques et des

organisations responsables de leur élaboration (Stead, 2003). La coordination entre

des organisations est définie par Mulford et Rogers (1982) comme étant « un

processus où deux organisations au moins créent et/ou suivent des procédures de

décision préétablies en vue de gérer collectivement le domaine de leurs activités

communes » (dans Stead, 2003, p. 371), alors que Challis et al., (1988) définissent la

coordination des politiques comme « la recherche d’une cohérence, d’une

concordance et d’une exhaustivité, afin d’obtenir des résultats harmonieux » (dans

Stead, 2003, p. 371).

Généralement, dans leurs différents documents, les paliers et secteurs publics de

la planification adhèrent à la nécessité de coordonner transport et aménagement du

territoire; cependant, dans la réalité, la mise en œuvre de cette coordination s’avère

souvent difficile à atteindre (Roy-Baillargeon et Gauthier, 2013). En effet, les lois et

règlements exhortant à la coordination aménagement-transport précisent peu les

méthodes concrètes pour la mettre en œuvre; c’est aux acteurs locaux que revient la

tâche d’inventer des façons de faire, mais plusieurs recherches ont fait état de leur

échec à accomplir cette tâche, peu importe le contexte culturel ou politique (Paulhiac,

2008).

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Au-delà des acteurs publics, la coordination des transports et de l’aménagement

nécessite la contribution de tous les acteurs impliqués dans ces deux domaines, dont

les acteurs privés et communautaires; en effet, avec le passage du gouvernement à la

gouvernance, les acteurs publics ne sont plus les seuls à influer sur le transport et

l’aménagement du territoire (Kaufmann et al., 2003). La mise en réseau de tous les

acteurs concernés est nécessaire à une vision systémique du territoire, sans laquelle la

coordination risque d’être transformée en un éventail d’actions individuelles, non

harmonisées et possiblement contradictoires (Offner, 2006). Cette mise en réseau

repose sur certaines conditions : les acteurs doivent être convaincus de pouvoir tirer

des bénéfices de leur participation aux efforts de coordination; les gouvernements

supérieurs doivent offrir des incitatifs; et il faut qu’un leadership politique soit

présent afin de rassembler les acteurs autour d’une vision commune (ibid., 2006).

2.3.1 Les différents niveaux de coordination organisationnelle

Selon Offner (2006), une fois mis en réseau, les acteurs de l’aménagement et des

transports peuvent atteindre différents niveaux de cohésion. Le premier niveau, la

coordination relationnelle, consiste en l’existence de contacts et d’échanges formels

ou informels d’informations entre les acteurs. Le deuxième niveau de cohésion

consiste en l’articulation instrumentale, soit la mise en interdépendance de deux

éléments ou plus des systèmes d’actions de différents acteurs; ce niveau de cohésion

est essentiel pour stimuler le réseau d’acteurs et assurer l’harmonie des différentes

actions proposées en termes d’aménagement et de transports (ibid., 2006). Plusieurs

moyens peuvent être utilisés pour favoriser l’atteinte d’une articulation

instrumentale : l’utilisation d’une méthodologie d’étude nécessitant un diagnostic

transversal ou la mise en commun de données; la création d’organisations tels que des

comités ad hoc; l’entreprise d’un grand projet d’infrastructure9; ou encore,

9 Dans le cas des projets d’infrastructures, leur potentiel d’amélioration de la coordination

aménagement-transport réside non pas dans leur réalisation, mais dans la réflexion autour de leur

valorisation (ex : stratégies de densification, de mixité fonctionnelle, ou encore d’aménagement

paysager autour d’une ligne de transport en commun en site propre) (Offner, 2006).

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l’utilisation d’incitatifs financiers tels que des subventions (ibid., 2006). Le plus haut

niveau de cohésion est la cohérence cognitive; ce niveau est atteint lorsque les

valeurs, les problèmes, les solutions et les stratégies peuvent être articulées grâce au

partage d’un référentiel et de discours idéologiques communs entre l’ensemble des

acteurs (ibid., 2006). Le Tableau 2.2 synthétise ces différents niveaux de cohésion.

Tableau 2.2 – Niveaux de cohésion organisationnelle entre les acteurs

Niveau de cohésion Indicateurs

Relationnel Contacts et échanges formels ou informels entre les acteurs

Instrumental

Mise en interdépendance de deux éléments ou plus des

systèmes d’action des acteurs : création d’organisations, de

comités; méthodologie d’étude commune; demande de

subvention conjointe, etc.

Cognitif Référentiel et discours idéologiques partagés au niveau des

valeurs, problèmes, solutions et stratégies

(Source : Offner, 2006)

2.3.2 Les facteurs de coordination institutionnelle

Plusieurs facteurs peuvent influencer le succès de la coordination de l’aménagement

et des transports ainsi que le niveau de cohésion pouvant être atteint; ces facteurs

représentent des forces stimulatrices ou inhibitrices de la coordination (Stead, 2003).

Gallez et al. (2013) en identifient trois types : les idées, les institutions et les intérêts.

Les idées concernent les valeurs, croyances et normes propres aux différents

acteurs; un rapport de force peut s’établir entre les acteurs ayant des positions

idéologiques divergentes, et celui-ci peut influencer le niveau de cohésion ainsi que

les résultats de la coordination obtenus (ibid., 2013). La culture politique, soit le rôle

attribué à l’État en matière d’aménagement et de transport, est un type d’idée qui

exerce une influence sur la coordination de ces champs d’action. Kaufmann et al.,

(2003) identifient quatre rôles possibles de l’État : l’État interventionniste ou

planificateur, qui exerce pleinement son pouvoir par la mise en œuvre de politiques

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volontaristes; l’État incitateur, qui se contente d’animer ou de stimuler la

planification menée par des acteurs autres, locaux ou privés; l’État offreur, qui mise

avant tout sur la construction d’équipements ou d’infrastructures; et l’État inactif ou

absent, qui laisse les forces du marché façonner le développement territorial et le

système de transport. Kaufmann et al., (2003) identifient un autre type d’idées

pouvant influencer la coordination aménagement-transport : les différentes cultures

professionnelles en présence. Une culture professionnelle représente l’ « ensemble

des règles régissant une profession, ses références, son vocabulaire ou jargon, sa

manière de s’autodéfinir par rapport à d’autres professions, etc. » (Kaufmann et al.,

2003, p. 36). La présence de cultures professionnelles différentes peut être source

d’enrichissement, grâce à la complémentarité des compétences de chacune, ou encore

constituer un obstacle à la coordination, en rendant difficile la compréhension entre

les différents acteurs ou la construction d’un objectif commun (ibid., 2003). Cette

question de cultures professionnelles est particulièrement présente lorsque des acteurs

techniques et politiques, spécialisés dans la substance ou dans les procédures, sont

réunis autour d’une même table (ibid., 2003).

En ce qui concerne les institutions, celles-ci représentent un cadre d’action

formel, constitué de lois, de procédures, de règlements et de structures

organisationnelles, qui limitent le rôle des idées et influencent les ressources et les

capacités de négociation des différents acteurs (Gallez et al., 2013). Ainsi, la création

d’une agence intégrée de planification des transports et de l’aménagement du

territoire n’est pas suffisante à la coordination aménagement-transport; encore faut-il

que la structure permette un contact fréquent et une coopération véridique entre les

employés des différents secteurs (Stead, 2003).

En ce qui a trait aux intérêts, ceux-ci représentent la dimension stratégique des

différents acteurs impliqués dans la coordination aménagement-transport : ces acteurs

possèdent des ressources et des capacités de négociation souvent inégales et peuvent

être guidés par des logiques politiques ou économiques (Gallez et al., 2013). Malgré

l’influence des structures institutionnelles sur les ressources de certains acteurs, en

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particuliers les acteurs publics, Gallez et al. (2013) remarquent que la coordination de

l’aménagement et des transports a souvent lieu hors des cadres formels de l’action

publique, de sorte que les contraintes institutionnelles peuvent être dépassées; ils en

viennent ainsi à la conclusion que les changements de pratiques précèdent souvent les

changements organisationnels, plus lents à s’adapter. Les acteurs, de par les stratégies

qu’ils adoptent, peuvent d’ailleurs avoir un effet sur l’efficacité et le fonctionnement

des institutions (ibid., 2013).

Ces trois facteurs plus « internes » de la coordination peuvent être complétés par

un quatrième facteur « externe », soit le contexte dans lequel s’inscrit la coordination

(Gallez et al., 2013). Tout d’abord, la morphologie du territoire, incluant sa forme et

son étendue, la présence de différents types de réseaux de transport, la densité et la

dispersion des différentes activités dans l’espace peuvent faciliter ou entraver la

coordination de l’aménagement et des transports (Kaufmann et al., 2003). La

morphologie du territoire est tributaire de décisions du passé; le poids de ces

décisions peut créer un phénomène de dépendance au sentier, où les solutions prises

ultérieurement seront considérées avant toute autre solution, même si elles ne sont pas

nécessairement les plus efficaces (ibid., 2003). Un autre facteur contextuel concerne

le financement des initiatives de coordination; le montage financier propre à la

coordination, ou encore l’émergence d’opportunités de financement, sous formes de

lois incitatives ou d’aides au démarrage, peuvent influencer la coordination. Un

financement à court terme à l’opposé d’un financement à long terme, ou encore un

financement divisé par mode de transport, contrairement à un financement unique

attribué pour l’ensemble des modes de transport, peuvent contrer ou renforcer la

coordination aménagement-transport (ibid., 2003; Stead, 2003). Le Tableau 2.3

récapitule l’ensemble des facteurs de la coordination institutionnelle.

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Tableau 2.3 – Facteurs influençant la coordination aménagement-transport

Facteurs Dimensions

Idées Valeurs, croyances, normes, cultures politiques, cultures

professionnelles

Institutions Lois, procédures, règlements, structures organisationnelles

Intérêts Stratégies des acteurs, ressources et capacités de négociation

Contexte Morphologie du territoire, types de réseaux de transport déjà

présents, décisions passées, opportunités de financement

(Sources: Gallez et al., 2013; Kaufmann et al., 2003; Stead, 2003)

2.3.3 Les obstacles à la coordination aménagement-transport

L’échec assez généralisé de la coordination aménagement-transports (Paulhiac, 2008)

tient vraisemblablement de la prédominance des facteurs inhibiteurs sur les facteurs

stimulateurs de la coordination.

Parmi les obstacles les plus importants, mentionnons la difficulté de concilier les

styles d’opération des différentes organisations impliquées dans les secteurs de

l’aménagement et des transports : l’exemple de la région d’Ottawa-Gatineau, où les

responsabilités en la matière sont partagées par une multitude d’acteurs locaux,

régionaux et provinciaux ayant chacun leurs propres intérêts et leurs propres cultures,

montre bien la difficile coordination qui en résulte (Roy-Baillargeon et Gauthier,

2013). Le décalage entre la planification des transports et de l’aménagement ainsi

qu’entre leurs effets respectifs est aussi un défi important à leur coordination (Gallez

et al., 2013); ainsi, les politiques de transports sont contraintes par les décisions

passées en matière d’aménagement, ou vice versa (Stead, 2013).

La coordination de l’aménagement et des transports nécessite l’articulation à la

fois des échelles de prise de décision et des différents secteurs de politiques; or,

Offner (2006) souligne le phénomène de création destructrice qui accompagne les

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réformes successives visant à réintégrer les niveaux décisionnels, puis les secteurs

d’action. Une amélioration de la coordination verticale se ferait donc le plus souvent

au prix d’une diminution de la coordination horizontale (ibid., 2006; Stead, 2003).

D’ailleurs, la structure verticale traditionnelle propre à la majorité des administrations

publiques semble un élément d’entrave majeur à la coordination intersectorielle, de

par son incapacité à appréhender une vision ou des objectifs globaux, de par le

manque d’incitations à la collaboration entre les différentes sections, de par son

absence de mécanismes de gestion des initiatives de coordination, et de par sa

contribution à la formation de mentalités professionnelles différenciées (Stead, 2003).

Les logiques politiques et économiques qui guident les décideurs sont aussi

déterminantes dans l’échec de la coordination aménagement-transport. Ainsi, les élus

préconisent les décisions pouvant générer des bénéfices à court-terme, qui

favoriseront ainsi leur réélection (ibid., 2003). De plus, l’adoption d’une nouvelle

approche combinant transport et aménagement peut être perçue comme un risque

d’autant moins attrayant que la région concernée est en situation de précarité

financière et économique (ibid., 2003).

Enfin, alors que l’on favorise une meilleure coordination entre urbanisme et

transport, il importe de mentionner que la coordination entre les différents acteurs

responsables des transports n’est elle-même pas acquise. Selon Gauthier (2005), le

contexte institutionnel propre à la planification des transports est souvent fragmenté

et peu coordonné, ce qui entrave l’adoption d’une approche durable et d’une vision

intégrée du système de transport. Avec le phénomène de métropolisation, de

nouvelles institutions à l’échelle métropolitaine ou régionale sont mises sur pied avec

le mandat de concevoir des plans et des politiques de transport. Alors qu’elles

devraient à la base favoriser une perspective intégrée du transport (Wheeler, 2000),

ces institutions ne font souvent que s’ajouter à un système complexe qui fonctionne

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selon une logique sectorielle ou de « saucissonnage »10

(Gauthier, 2005, p. 55). Le

manque d’application systématique des orientations métropolitaines de transport aux

projets menés à des échelles inférieures soulève un problème de coordination

verticale de la planification des transports, qui s’accompagne d’un problème de

coordination horizontale entre les acteurs porteurs des différents modes de

transports11

(Szyliowicz, 2003).

Malgré les résultats peu concluants des tentatives de mise en cohérence de la

planification de l’aménagement du territoire et des transports, il ne faut pas oublier

que ces initiatives sont récentes et qu’elles nécessitent un certain délai afin de

permettre un apprentissage organisationnel (Offner, 2006). À force d’encourager la

coopération des acteurs concernés, ceux-ci devraient éventuellement développer des

compétences intersectorielles et interpersonnelles qui aideront à surmonter les

obstacles à la coordination (Stead, 2003).

2.4 Un renouvellement du contenu : de la planification traditionnelle à la

planification durable des transports

Comme l’indiquent Mermet et al. (2004), l’amélioration du contenu de la

planification est l’un des principaux objectifs du développement de nouvelles

procédures de planification. Ainsi, au-delà des changements procéduraux de la

planification des transports que favorise l’émergence de la mobilité durable, c’est

aussi toute la substance des politiques, plans et projets de transport qui est remise en

question par ce concept.

Au niveau des transports, la venue du nouveau « paradigme » de la mobilité

durable, tel qu’exposé au Chapitre I, est en lien direct avec la montée en popularité du

10

Gauthier (2005) évoque la logique de « saucissonnage » qui règne dans le cas d’un projet

d’autoroute qui, en étant évalué tronçon par tronçon, arrive à contourner les orientations énoncées dans

un plan métropolitain de transport. 11

Voir les défis de l’intermodalité au point 1.4.2. À noter que dans le cadre de ce mémoire, puisque ce

manque de coordination est perceptible à l’intérieur-même de la planification des transports, nous

avons décidé d’appliquer les facteurs de coordination institutionnelle à la coordination intermodale

(voir point 6.1).

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développement durable. Ce concept, popularisé vers le début des années 90 avec le

rapport Bruntland et le Sommet de la Terre à Rio, est de plus en plus intégré dans les

pratiques de planification via une nouvelle approche, le développement urbain

durable (DUD). Aux dires de Gariépy et Gauthier (2009), « le développement durable

des villes et des métropoles est devenu un principe d’action pour l’aménagement du

territoire et l’urbanisme » (p.1), la planification figurant parmi les domaines s’étant le

plus approprié ce nouveau concept (Larrue, 2010; Lascoumes, 2008). En effet, bien

que le développement durable ait d’abord été pensé en réponse à des enjeux

planétaires, plusieurs sont d’avis que la municipalité et la région constituent l’échelle

la plus efficace pour sa mise en œuvre, d’où le fameux « Penser global, agir local »

(Theys, 2002). Le DUD est présenté par certains comme un nouveau paradigme de la

planification qui viendrait encadrer les interventions publiques en favorisant la prise

en compte de façon équilibrée des enjeux environnementaux, sociaux et

économiques, de même que l’équité intergénérationnelle et entre les territoires

(Berke, 2002; Gariépy et Gauthier, 2009). Selon Jepson (2001), la planification serait

le domaine d’application privilégié pour équilibrer ces différents enjeux de façon à

garantir un développement durable, que ce soit en établissant une distribution spatiale

plus efficace des usages du sol ou en orientant les nouveaux développements et la

construction des infrastructures.

Le DUD hérite de la nébulosité propre au développement durable, puisqu’il

n’existe aucune définition ou série de critères fixes pour le décrire. De plus, une

panoplie de nouveaux concepts en planification s’insèrent sous le chapeau du DUD,

dont l’approche du nouvel urbanisme12

, et le Smart Growth13

(Berke, 2002; Ouellet

2006). Ainsi, le DUD traduit un souci de restreindre l’étalement urbain par le

12

Le nouvel urbanisme est un mouvement de planification lié à l’architecture et au design urbain, et

prend souvent la forme d’une liste de critères esthétiques, liés à l’environnement bâti et à la forme

urbaine : ville compacte, favorisant la marche et les transports en commun de même que la mixité des

fonctions urbaines (Berke, 2002; Ouellet, 2006). Cette approche s’adresse avant tout aux développeurs

du secteur privé désirant concevoir de nouveaux quartiers (ibid., 2006). 13

L’approche du Smart Growth vise essentiellement à contenir l’étalement urbain via la gestion de

l’urbanisation suivant différents principes d’aménagement et de développement. Elle vise davantage

les décideurs publics et peut s’appliquer à toutes les échelles, mais plus particulièrement à l’échelle

d’une ville ou d’une région métropolitaine (Ouellet, 2006).

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redéveloppement, favorise la promotion des modes de transport alternatifs à la voiture

et de la mixité – fonctionnelle et sociale –, et vise l’élaboration d’un projet de

développement commun (Berke, 2002; Ouellet, 2006). Toutefois, le DUD rajoute à

ces approches la prise en compte des interactions du local avec l’échelle globale et

des trois piliers du développement durable : l’environnement, la société et l’économie

(Berke, 2002; Wheeler, 2000). Des exemples d’initiatives de DUD incluent la

construction d’éco-quartiers; l’approche du TOD (Transit-oriented Development)

préconisant le développement et la densification le long des axes de transport; ou

encore le redéveloppement urbain (ou réhabilitation), soit la reconstruction ou la

densification de quartiers déjà existants (Vivre en Ville, 2001).

Appliqué à la planification des transports, le DUD suppose le passage d’une

approche traditionnelle à une approche de mobilité durable de la planification des

transports, lequel a déjà été exposé dans le Chapitre I. Voici une synthèse des

principaux éléments substantifs de chacune de ces approches.

Tout d’abord, l’approche traditionnelle de la planification des transports est

guidée par une approche technique, rationnelle, et fonctionnaliste, qui favorise une

perspective d’ingénierie des transports (Wheeler, 2009). L’objectif de cette approche

est de favoriser la circulation automobile en augmentant la capacité du système

routier, en accélérant le flux de trafic et en minimisant la durée des déplacements.

Pour ce faire, différentes méthodes de prévision et de modélisation de la circulation

sont employées afin de prévoir la demande future des automobilistes, et les

« meilleures » décisions sont prises en considérant des critères économiques et

physiques (Banister, 2008; Wheeler, 2009). Pour les ingénieurs de l’approche

traditionnelle, les déplacements ont une fonction strictement utilitaire et la rue est

envisagée comme une artère pour le trafic (Baniser, 2008). Tel que discuté

précédemment, cette approche centrée sur l’automobile et la provision d’une offre

d’infrastructures routières est à la source de maints problèmes, autant économiques,

sociaux, qu’environnementaux.

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La mobilité durable apporte une autre vision et un autre contenu, plus holistiques,

à la planification des transports (Wheeler, 2009). L’objet d’intérêt des planificateurs

n’est plus le trafic ou la circulation, mais plutôt l’usager et son besoin d’accessibilité

(ibid., 2009). Les déplacements sont perçus comme ayant une fonction utilitaire, mais

peuvent aussi être vus comme des activités valorisées en soi, d’où l’importance

accordée à l’expérience de transport dans l’approche de la mobilité durable (Banister,

2008). La rue, elle aussi, n’a plus qu’une seule fonction, il s’agit plutôt d’un espace

public pouvant servir plusieurs usages. Des critères sociaux et économiques sont pris

en compte pour choisir les meilleures options de transport possibles, ce qui fait en

sorte que la voiture n’est plus nécessairement la priorité des planificateurs, qui

s’attardent davantage aux modes de transports collectifs et actifs et qui visent une

meilleure intégration de l’ensemble de ces modes (Wheeler, 2009). Il ne s’agit plus de

les planifier séparément, mais de façon intégrée dans une perspective d’intermodalité

(Szyliowicz., 2003). Dans une optique de mobilité durable, le transport n’est pas

détaché des autres secteurs de la planification, il est intégré dans une vision d’avenir

des villes inspirée des approches du nouvel urbanisme et du Smart Growth.

Bref, la dimension substantielle de l’approche de la mobilité durable diverge de

façon importante de celle de la planification traditionnelle des transports. Le Tableau

2.4 synthétise les principaux éléments de contenu de ces deux approches.

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Tableau 2.4 – Le renouvellement du contenu de la planification des transports

Approches de la

planification /

Dimensions

Approche traditionnelle des transports Approche de la mobilité durable Références

Indicateurs

Perspective Perspective d’ingénieur Perspective plus holistique Wheeler, 2009

Orientation Orientée vers le trafic et la circulation Orientée vers les gens Banister, 2008;

Wheeler, 2009

Objectifs de la

planification

Cherche à faciliter ou à accélérer le flux de trafic

Favorise la mobilité

Chercher à minimiser la durée des déplacements

Cherche à réduire ou à ralentir le trafic

Favorise l’accessibilité

Cherche à assurer des durées de déplacements

fiables et raisonnables

Banister, 2008;

Wheeler, 2009

Échelle Centrée sur les mouvements à grande échelle,

ignore souvent les déplacements locaux

Centrée sur les trajets locaux et l’accessibilité à

petite échelle

Banister, 2008;

Wheeler, 2009

Hiérarchie des

modes de

transport

Priorité à l’automobile Priorité aux piétons, aux vélos et au transport en

commun; automobiles en dernier

Banister, 2008;

Wheeler, 2009

Combinaison

des modes de

transport

Ségrégation des piétons et des véhicules Intègre les piétons et les véhicules dans un

espace commun

Intermodalité

Banister, 2008;

Szyliowicz, 2003;

Wheeler, 2009

Statut de la rue La rue est une artère pour le trafic La rue est un espace public aux multiples

usages

Banister, 2008;

Wheeler, 2009

Stratégies de

gestion du trafic

Augmente la capacité du système routier pour

supporter la demande projetée

Utilisation de la gestion de la demande en

transport pour réduire la demande

Banister, 2008;

Wheeler, 2009

Critères de

décision

Critères de décision économiques et physiques Ajout des critères sociaux et environnementaux

(analyses multicritères)

Banister, 2008;

Wheeler, 2009

Outils d’aide à la

décision

Modélisation

Prévisions de la circulation

Scénarios et modélisation

Visions quant à l’avenir des villes

Banister, 2008

Calcul des coûts

du transport

Considère les coûts et bénéfices des utilisateurs du

système routier

Considère les autres coûts et bénéfices Wheeler, 2009

Approche du

déplacement

Déplacement en tant que demande dérivée Déplacement en tant que demande dérivée et

activité valorisée

Banister, 2008

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2.4.1 La mise en œuvre de la planification par les instruments

Maintenant que nous avons clarifié le contenu mis de l’avant par une planification

renouvelée des transports, sous l’égide de la mobilité durable, nous abordons

brièvement le sujet de la mise en œuvre de ce contenu. Pour concrétiser le contenu de

leurs plans, politiques ou programmes, les planificateurs ont à leur disposition un

coffre à outils constitué d’instruments. Le choix des instruments à utiliser n’est pas

anodin : il doit tenir compte du contexte, ou du « système d’action collective »

(Padioleau, 2000) dans lequel il s’insère. Ce choix se fait non seulement en fonction

des objectifs à atteindre, mais aussi dans le but d’instaurer certains rapports sociaux

entre l’utilisateur de l’instrument et ses destinataires, comme l’indiquent Lascoumes

et Le Galès (2004, p. 13) : « Un instrument d’action publique constitue un dispositif à

la fois technique et social qui organise des rapports sociaux spécifiques entre la

puissance publique et ses destinataires ». En effet, les instruments contraignent les

capacités d’action des acteurs sociaux et politiques qu’ils affectent, permettant de

rendre leurs actions plus prévisibles (ibid., 2004). Dans cette optique, Lascoumes et

Le Galès (2004) soulèvent l’importance d’analyser les intérêts qui se cachent derrière

le choix d’un instrument, ainsi que les effets politiques de ces derniers, qui peuvent

ne présenter aucun lien avec les buts que l’instrument poursuit officiellement : un

instrument peut donc être utilisé dans le but de contourner des débats et des résister à

des pressions extérieures, en déviant les discussions sur le choix de l’instrument

plutôt que le fond d’un enjeu. Il peut aussi imposer un certain cadrage de l’enjeu à

traiter.

Padioleau (2000) propose une catégorisation des différents types

d’instruments, présentée au Tableau 2.5. Généralement, un planificateur va mobiliser

une combinaison de différents outils pour atteindre un objectif : on parle alors

d’hybridation des instruments (ibid., 2000). Avec le passage du gouvernement à la

gouvernance, que nous avons abordé au point 2.2, Lascoumes et Le Galès (2004)

notent un glissement de l’utilisation des instruments réglementaires et économiques

vers les instruments de capacités d’action collective et de persuasion sociale. Ils

avancent aussi que la multiplication des instances décisionnelles propre à la

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gouvernance, de même que le passage du temps, a eu pour effet de créer une

accumulation d’instruments portés par différents acteurs, certains devenant désuets,

ou encore contradictoires (ibid., 2004). Dans le cadre de cette recherche, nous

porterons attention aux instruments mobilisés par les CGD dans l’atteinte de leurs

objectifs; puisqu’ils sont en grande partie subventionnés par des fonds publics, nous

envisagerons aussi ces derniers comme de potentiels instruments d’action publique.

Tableau 2.5 – Les différents types d’instruments

Catégorie Description/exemples

Instruments réglementaires Utilisation de la contrainte et de l’autorité (ex : règlement de

zonage)

Instruments d’incitation

économique

Mise en place de subventions ou d’incitations fiscales (ex :

taxes, déductions d’impôts)

Activités de persuasion

sociale

Promotion de représentations collectives dynamisantes (ex :

élaboration de scénarios, maquettes, campagnes publicitaires)

Instruments de capacités

d’action collective

Instauration de mécanismes de participation, de consultation

ou de concertation (ex : table de concertation, forums,

assemblée de consultation publique)

(Source: Padioleau, 2000)

2.5 Hypothèses

À la lumière des dimensions procédurales et substantives de l’approche de mobilité

durable de la planification des transports exposées ci-dessus, et compte tenu des

premières informations que nous avons obtenues quant à la nature des CGD, nous

avançons les hypothèses suivantes quant à la contribution de ces acteurs au

renouvellement de la planification des transports :

Premièrement, le processus de mise sur pied à la base des CGD étant fondé sur

l’établissement de partenariats et d’interactions entre différents acteurs locaux,

reflèterait l’adoption d’une approche collaborative de la planification.

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Deuxièmement, les valeurs de développement durable et d’accessibilité énoncées

dans la mission de ces organismes témoigneraient d’une reconnaissance de la

subjectivité et de l’éthique des planificateurs propres au courant communicationnel,

de même qu’une adhésion aux principes de la mobilité durable.

Troisièmement, le fonctionnement et les activités des CGD seraient encadrés par

les principes de la mobilité durable et impliqueraient diverses formes de partenariats

propres à l’approche collaborative. Cependant, l’influence des acteurs traditionnels

des transports, de même que l’articulation nécessaire des pratiques des CGD avec les

autres dispositifs de planification des transports, pourraient constituer un frein au

renouvellement des pratiques planificatrices porté par les CGD.

L’ensemble de ces hypothèses nous conduit à l’hypothèse globale que voici : Les

CGD mettent de l’avant des procédures de planification renouvelées, axées sur la

collaboration, mais, du fait de leurs interactions avec leurs partenaires et clients, ils

peinent à mettre en œuvre des mesures dont le contenu respecte les principes de la

mobilité durable, bien qu’ils fassent la promotion d’un tel contenu.

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CHAPITRE III – DÉMARCHE MÉTHODOLOGIQUE

Afin d’étudier la contribution des CGD au renouvellement de la planification des

transports, nous avons opté pour une approche qualitative, soit une étude de cas

multiples. Nos données ont été recueillies par l’entremise d’une revue de la

littérature, d’une étude documentaire, d’un court questionnaire ainsi que d’entretiens

semi-dirigés. Ces données ont ensuite été traitées grâce à des grilles d’analyse

synthétisant les dimensions procédurales et substantives de la mobilité durable en

tant que nouvelle approche de la planification des transports.

3.1 Une étude de cas multiples

Cette recherche emprunte une approche qualitative, puisque celle-ci permet de décrire

en profondeur le fonctionnement et les interactions des CGD; en effet, le

renouvellement de la planification, particulièrement au niveau procédural, peut

difficilement être quantifié. Il s’agit d’une recherche principalement hypothético-

déductive, étant donnée la présence d’une littérature abondante sur la planification

urbaine et des transports.

Afin de répondre à notre question de recherche, nous avons choisi d’employer

l’étude de cas multiples. L’étude de cas permet d’étudier en détail une situation grâce

à l’utilisation de plusieurs techniques de collecte de données et est donc idéale pour

explorer un sujet peu étudié, ce qui est le cas des CGD au Québec (Roy, 2009). Ayant

d’abord voulu effectuer une étude de cas approfondie d’un seul CGD, celui de

Gatineau, nous nous sommes aperçu que la relative nouveauté de cet organisme lancé

en 2012 limitait la possibilité d’une étude de cas unique, étant donné le peu

d’expérience acquise et de réalisations concrètes de celui-ci. Nous avons donc opté

pour une étude de cas multiples, qui, bien que ne nous permettant pas d’obtenir un

portrait aussi approfondi de chaque CGD qu’une étude de cas unique, nous

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permettait, en joignant les renseignements recueillis pour chacun, d’obtenir un

portrait de l’étendue des expériences vécues par les CGD, avec la possibilité de

soulever des similitudes entre les CGD ainsi que des spécificités propres à chacun

(Yin, 2009). Cette approche nous semble pertinente pour atteindre l’un de nos

objectifs, soit la caractérisation des CGD, qui aurait été difficile à accomplir avec une

étude de cas unique.

Selon Yin (2009), les études de cas ne se prêtent pas à la constitution d’un

échantillon statistique, mais plutôt à un échantillon par réplication, où des cas

similaires sont délibérément sélectionnés. Toutefois, les CGD au Québec étant peu

nombreux, nous avons décidé d’étudier l’ensemble de ces organismes plutôt que de

constituer un échantillon. Nous avons donc sélectionné la totalité des six14

CGD

membres de l’Association des CGD du Québec (ACGD) comme autant de cas pour

notre étude. Le Centre de mobilité durable de Sherbrooke, qui siège à l’ACGD à titre

de membre observateur, n’a pas été sélectionné, car n’offrant pas de services

spécifiques pour les institutions et les entreprises, sa mission principale étant la mise

en œuvre du plan de mobilité durable de Sherbrooke. Par ailleurs, nous avons appris

plus tard au courant de notre enquête de terrain l’existence d’un service aux

employeurs, STL Solution mobilité durable, offert par la Société de transport de Laval

et s’apparentant aux services offerts par les CGD. Ce programme n’a cependant pas

été ciblé dans le cadre de cette étude, d’abord pour la simple raison qu’il ne s’agit pas

d’un CGD à proprement parler, mais aussi faute de temps, puisqu’il aurait tout de

même pu constituer un contre-exemple intéressant. Les expériences de Sherbrooke et

de Laval sont toutefois brièvement décrites au chapitre IV.

14

Lorsque nous avons commencé notre étude, les CGD étaient au nombre de sept. Toutefois, ce

nombre est descendu à six lorsque deux CGD de Montréal ont été fusionnés, à l’automne 2013, tout

juste avant notre enquête de terrain.

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50

3.2 Méthodes de collecte de données

Les méthodes de collecte de données utilisées pour cette étude de cas incluent une

revue de la littérature scientifique, l’étude documentaire, l’observation directe ainsi

que des entretiens semi-dirigés. Cet ensemble d’outils a permis d’effectuer une

triangulation des données, laquelle a pour avantage de réduire les biais que pourraient

contenir chacune des méthodes et donc d’augmenter la validité du résultat final (Roy,

2009). À noter que tout au long de notre collecte de données, qui s’est déroulée de

septembre 2013 à mars 2014, nos observations et réflexions ont été inscrites dans un

journal de bord, afin, entre autres, de prendre conscience de nos biais personnels et de

nous aider à relier entre eux certains éléments observés (Laperrière, 2009).

3.2.1 Revue de la littérature et étude documentaire

Afin de pouvoir caractériser les CGD québécois, nous devions tout d’abord

approfondir nos connaissances sur le renouvellement de la planification des transports

et sur la GDT en particulier. Nous avons donc effectué des recherches dans des bases

de données scientifiques en approfondissant les thèmes de la mobilité durable, de la

planification urbaine et des transports, de la gestion de la demande en transport et de

son synonyme, la gestion des déplacements. Pour les sujets faisant l’objet de moins

d’études scientifiques, des documents de la littérature grise (ex : sites internet ou

publications d’agences gouvernementales) ont aussi été consultés. Les résultats de la

revue de la littérature sur la gestion des déplacements et la GDT, présentés dans le

Chapitre IV, ont permis d’identifier différentes dimensions permettant d’aider à la

caractérisation des CGD et à leur comparaison avec d’autres initiatives de GDT,

principalement en Amérique du Nord et en Europe, le but de cette recherche n’étant

pas de dresser un portrait exhaustif de l’ensemble des initiatives de GDT dans le

monde. Le reste des informations recueillies ont mené à l’élaboration de la

problématique, du cadre théorique de même que des grilles d’analyse du

renouvellement de la planification des transports (voir point 3.3).

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51

Nous avons ensuite procédé à une étude documentaire des publications des six

CGD étudiés (ex : fiches d’informations, guides, sites internet, vidéos corporatifs,

rapports d’activités, documents de planification, revue de presse, etc.), afin d’obtenir

des informations sur les différentes dimensions identifiées grâce à la revue de la

littérature, en plus de mieux nous préparer pour le terrain, c’est-à-dire

l’administration d’un questionnaire court et la réalisation d’entretiens semi-dirigés.

La plupart des documents analysés étaient publics, bien que certains CGD aient aussi

accepté de nous fournir des documents internes, tels que des rapports d’activités ou

des plans stratégiques. Des publications d’autres acteurs des transports, tels que le

MTQ, les sociétés de transports et les villes d’attache des CGD, ont aussi été

sélectionnées lorsqu’elles étaient en lien avec l’objet d’étude, soit les CGD et la

gestion de la demande en transport. Ces documents incluent différents plans et

politiques liés à la mobilité durable. À noter qu’étant donnés les activités et l’âge

variables des CGD, il n’a pas été possible de recueillir le même nombre et les mêmes

types de document pour chacun d’entre eux.

L’ensemble des documents visés par l’étude documentaire ont fait l’objet d’une

analyse de contenu guidée par le cadre d’analyse présenté plus loin, mais aussi par

une grille proposée par Fijalkow (2002), conçue expressément pour analyser les

documents portant sur l’urbanisme et l’environnement (voir Tableau 3.1). Selon ce

dernier, « ces documents constituent une base documentaire permettant de cerner les

acteurs, les enjeux, les positions » (ibid., 2002, p. 101). En bref, cette grille,

composée de sept questions, nous a permis d’approfondir notre compréhension du

fonctionnement des CGD en relation avec les autres acteurs de la planification des

transports.

L’étude documentaire, ou analyse de contenu, possède plusieurs avantages, tels

qu’une compréhension approfondie et détaillée des discours écrits, notamment des

éléments plus implicites, de même que la standardisation des informations recueillies,

qui facilite l’analyse ultérieure (Quivy et Van Campenhoudt, 2006). Un autre

avantage réside dans le fait que les auteurs des documents n’étaient pas au courant

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que leur production serait analysée; le contenu de ces documents est donc

possiblement plus fidèle aux vraies « pensées » de leurs auteurs (Bryman, 2012). De

plus, l’utilisation de la grille d’analyse peut accroître l’objectivité du chercheur

(Quivy et Van Campenhoudt, 2006). À noter que certains sont en désaccord avec

cette dernière observation, arguant qu’au contraire, la subjectivité de celui qui

effectue l’analyse influence la sélection des extraits, de même que l’interprétation des

données (Sabourin, 2009).

Tableau 3.1 – Grille d’analyse documentaire

1- Quelles sont les informations factuelles données par le document?

2- Sous quelle forme les informations sont-elles données : chiffres, courbes, schémas,

photos, témoignages? Pourquoi cette forme est-elle privilégiée? En quoi cette forme

est-elle indispensable à la démonstration?

3- Quelle est l’opinion de l’auteur sur l’événement? Trouve-t-on dans son article des

faits qui contredisent son opinion?

4- Qui a produit le document (un journaliste spécialisé? dans quel domaine?)? Qui a

collaboré au document et est donc qualifié d’ « expert » (personnes interrogées :

chercheur, homme politique, responsable culturel, architecte, institution,

administration, État, organisation dont le but est…)?

5- À qui et pour qui le document est-il destiné? À des scientifiques, à des politiques, à

des militants, à des fidèles, aux contribuables, aux électeurs, aux habitants d’un lieu,

au grand public, etc.?

6- Dans quel but le document a-t-il été produit (pour aider à comprendre, pour aider à

agir, pour faire croire, faire penser, promouvoir, dénigrer – idéologie, propagande,

polémique)?

7- Dans quel contexte idéologique, politique, ce document – cet article – a-t-il été écrit?

(Tiré de Fijalkow, 2002, p. 102)

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3.2.2 Questionnaire court

À l’aide des éléments tirés de la revue de la littérature sur la GDT, nous avons conçu

un court questionnaire destiné aux CGD afin de faciliter leur caractérisation et leur

comparaison avec les initiatives de GDT ailleurs dans le monde. À l’aide de questions

à choix multiple ou à réponses courtes, ce questionnaire nous a permis de valider des

informations publiques obtenues grâce à l’étude documentaire (ex : année de

constitution, partenaires, type de clientèle, services offerts, nombre d’employés, etc.)

et d’obtenir des informations précises ou à caractère confidentiel (ex : budget annuel),

qui auraient été plus difficiles à obtenir par l’entremise des entretiens semi-dirigés, ne

serait-ce que parce que l’interviewé n’a pas nécessairement ces informations sous la

main lors de l’entretien15

. Les questionnaires (voir Annexe I) ont été envoyés aux

membres du personnel des CGD qui participaient aux entretiens avant la rencontre et

ont le plus souvent été recueillis après les entretiens, en main propre ou par courriel,

de sorte que les réponses au questionnaire n’ont pas affecté le déroulement des

entretiens.

3.2.3 Entretiens semi-dirigés

Le troisième outil de collecte de données que nous avons employé est l’entretien

semi-dirigé. Les entretiens nous ont permis d’approfondir davantage le

fonctionnement des CGD (sans exclure pour autant des questions portant sur la

mission et sur la mise en place de l’organisme) en examinant entre autres leurs

relations avec les autres acteurs de la planification des transports ainsi que les enjeux

auxquels ils sont confrontés : « Un des buts de l’entrevue semi-dirigée est de rendre

explicite l’univers de l’autre […] de révéler ce que l’autre pense et qui ne peut être

15

Le contenu du questionnaire était identique pour l’ensemble des CGD, sauf pour la catégorie du

budget annuel, qui a été modifiée après nous être aperçu que les étendues données n’étaient pas

appropriées : les CGD qui ont répondu à la première version, qui présentait des tranches de 50 000$,

choisissaient tous un budget de 150 000$ et plus, ce qui nous a mené à modifier la question en mettant

des tranches de 100 000$, avec une catégorie maximale de 300 000$ et plus. Pour des raisons de

clarification, le mot « Forme » a aussi été substitué par le mot « Statut » dans la deuxième version du

questionnaire, ainsi que la catégorie de services « Plaidoyer/lobbying auprès des instances publiques »,

qui a été remplacée par « Lobbying/représentation des intérêts auprès des instances publiques ».

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observé » (Savoie-Zajc, 2009, p. 299). Afin d’obtenir une vision à la fois interne et

externe des CGD, nous avons ciblé une diversité de sujets pour les entretiens.

D’abord, nous avons rencontré un membre du personnel de chacun des CGD, si

possible de la direction, et parfois un de leurs administrateurs. Ensuite, nous avons

demandé aux CGD de nous référer à des clients ou à des partenaires afin d’obtenir un

point de vue externe. En tout, nous avons rencontré 15 sujets, dont des employés de

CGD (6), des fonctionnaires municipaux (2), des représentants de sociétés de

transport (3), de même que des clients des milieux public (2) et privé (2). Le Tableau

3.2 présente un aperçu des répondants rencontrés. Il importe de préciser que certains

sujets assumaient à la fois plusieurs rôles, étant à la fois administrateurs, clients et

partenaires d’un même CGD, ce qui vient brouiller la limite entre un point de vue

externe ou interne du CGD. Dépendamment des références données par les CGD,

nous avons effectué de 1 à 5 entretiens d’une durée moyenne d’une heure et demie

chacune pour chaque CGD; ainsi, comme pour les publications analysées, nous

n’avons pas le même type, ni le même nombre de sujets pour chaque CGD.

Tableau 3.2 – Liste des sujets rencontrés

CGD Code Fonction

CADUS C1 Employé

CADUS C2 Partenaire/administrateur

CADUS C3 Client/administrateur

CGD Saint-Laurent S1 Employé

Mobili-T M1 Employé

Mobili-T M2 Client/partenaire

Mobili-T M3 Client/administrateur

Mobili-T M4 Ancien client/administrateur/ancien employé

Mobili-T M5 Client/ancien employé

MOBI-O O1 Employé

MOBI-O O2 Partenaire/administrateur

Roulons Vert R1 Partenaire/client

Roulons Vert R2 Employé

Roulons Vert R3 Partenaire/client

Voyagez Futé V1 Employé

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55

Les entrevues ont été menées à l’aide d’un guide d’entretien, élaboré grâce aux

éléments identifiés lors de la revue de la littérature et l’étude documentaire. Ce guide

a ensuite été adapté selon la personne rencontrée et au fil des entretiens, lorsque de

nouvelles pistes d’intérêt ou un manque d’information pour un sujet en particulier

étaient identifiés. Un exemple d’une grille d’entretien utilisée est montré à l’Annexe

II. De façon générale, les entrevues étaient composées de 3 sections : une première

concernant l’historique professionnel et les fonctions du sujet rencontré; une

deuxième portant sur la mobilité durable et la gestion de la demande en transport; et

une troisième, plus longue, portant sur les CGD. Cette dernière était divisée en sous-

sections portant sur l’origine du CGD, son fonctionnement et sa gouvernance, ses

relations avec partenaires et clients, son bilan et son rôle potentiel dans le futur. Une

quatrième section était ajoutée pour les clients ou partenaires des CGD afin

d’expliciter l’intérêt et l’expérience de leur entreprise ou institution en lien avec la

mobilité durable.

Les entretiens ont été enregistrés, puis retranscrits mot à mot. Nos réflexions ou

interrogations spontanées à la suite des entretiens et de la retranscription ont été

notées dans un journal de bord pour référence ultérieure. La technique d’entretien

semi-dirigé, bien qu’utile pour l’obtention d’informations riches et détaillées,

présente certaines limites, particulièrement quant à la crédibilité des données

obtenues; l’interviewé pouvant être tenté de moduler ses propos afin de donner une

« bonne » impression (Savoie-Zajc, 2009). Le fait qu’il s’agissait de notre première

expérience comme intervieweur pourrait avoir affecté la communication avec les

sujets et la qualité de l’expérience d’entretien (ibid., 2009). Encore une fois, la

triangulation avec les données des autres méthodes de collecte permet de réduire

partiellement ces biais (Roy, 2009).

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3.3 Cadre d’analyse

Le but de l’étude de cas n’est pas nécessairement de faire des généralisations.

Cependant, Roy (2009) mentionne qu’ « il est possible et souhaitable de faire des

généralisations sur le plan analytique ou conceptuel » (p. 220), précisant cependant

que, pour ce faire, le chercheur devra « redoubler d’effort pour analyser ses résultats

de terrain de façon systématique » (p. 220). Afin de systématiser notre analyse de

données, nous avons suivi les trois étapes d’analyse énoncées par Quivy et

Campenhoudt (2006) : la préparation des données, l’analyse des relations entre les

variables et la comparaison des résultats observés avec les résultats attendus.

La première étape, soit la préparation des données, est particulièrement

importante pour notre recherche, étant donnée l’utilisation de plusieurs outils de

collecte de données. Le but de cette étape est d’uniformiser les données obtenues de

différentes sources, afin de pouvoir d’abord les synthétiser, puis passer à la prochaine

étape, soit la comparaison (Roy, 2009). Pour ce faire, nous avons appliqué les mêmes

grilles d’analyse pour traiter les données obtenues de chaque instrument : une grille

afin d’identifier les éléments de caractérisation des CGD (voir les catégories du

questionnaire court et des entretiens semi-dirigés, aux Annexes I et II); la grille du

renouvellement procédural de la planification (Tableau 2.1) et celles de la

coordination institutionnelle (Tableau 2.2 et 2.3); et finalement, la grille du

renouvellement substantiel de la planification des transports (Tableau 2.4). Cette

méthode nous a permis d’obtenir des données uniformes, c’est-à-dire des extraits

correspondants à l’un ou l’autre des indicateurs de nos grilles, que nous avons réunis

à l’intérieur d’un même tableau : « […] il s’agi[t] en quelque sorte de construire une

base de données qualitatives qui renferm[e] les résultats de toutes les sources » (Roy,

2009, p. 220). Cette méthode permet aussi de répondre à une critique répandue des

études de cas, qui donneraient une image déformée de la réalité à cause de la

subjectivité et de la sélectivité du chercheur (ibid., 2009).

La deuxième étape de l’analyse consiste à vérifier les relations entre les

variables. Selon notre cadre d’analyse, un renouvellement de la planification des

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transports doit se faire sur deux axes (ou « variables ») : dans l’axe procédural de la

planification, par l’adoption de pratiques de la planification, tout en favorisant une

plus grande coordination institutionnelle; et dans l’axe substantif de la planification,

en respectant les éléments de contenu de l’approche de la mobilité durable (voir

Figure 3.1). En comparant les relations entre les indicateurs pour chacune des

variables (dimensions procédurales et substantives du renouvellement de la

planification), nous avons cherché à situer les pratiques de CGD sur chacun de ces

deux axes et à dégager des tendances ou des contradictions dans les données (ibid.,

2009). Les résultats obtenus à la deuxième étape ont finalement été comparés aux

hypothèses de départ afin de les corroborer ou de les infirmer. Les écarts observés

entre les hypothèses et les résultats observés ont dû être interprétés à l’aide des

données recueillies tout au long de notre recherche (Quivy et Campenhoudt, 2006).

Figure 3.1 – Cadre d’analyse du renouvellement de la planification des transports

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3.4 Considérations éthiques

Un certificat éthique a été émis pour cette recherche le 26 juin 2013 par le

Comité d’éthique de la recherche de l’UQO. Suite à des modifications quant à la

nature du projet (le passage d’une étude de cas unique à une étude de cas multiples),

une demande de renouvellement du certificat éthique a été soumise au comité,

laquelle a été acceptée le 4 octobre 2013. Le thème de notre recherche, soit la

planification des transports, n’est pas reconnu pour être particulièrement controversé.

Malgré tout, puisque nos outils de collecte de données comprennent des interactions

avec des humains, certaines précautions de base ont été prises. Ainsi, les sujets ont dû

signer un formulaire de consentement avant le début des entretiens semi-dirigés afin

de nous assurer qu’ils aient bien saisi les objectifs de notre recherche (voir Annexe

III). Les détails quant à l’utilisation des données recueillies et leur conservation y

étaient spécifiés, de même que les précautions pour garantir l’anonymat des

participants. Il était aussi possible pour les sujets de se retirer de la recherche en tout

temps.

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CHAPITRE IV – LA GDT : UNE STRATÉGIE DE MOBILITÉ DURABLE

Nous avons vu que la gestion de la demande en transport (GDT) est l’une des

stratégies mises de l’avant par l’approche de la mobilité durable pour la planification

des transports. À partir d’une revue de la littérature scientifique et grise sur le sujet,

ce chapitre définit plus en détails ce qu’est la GDT, en plus d’expliciter ses stratégies

et mécanismes d’implantation. Un bref historique de la GDT est ensuite effectué,

ainsi qu’un portrait d’expériences de GDT réalisées en occident. Puis, les obstacles et

facteurs de réussite pour la mise en œuvre de la GDT relevés dans la littérature

consultée sont exposés, de même que les enjeux futurs de cette approche. Nous

terminons ce chapitre en positionnant succinctement la GDT par rapport au

renouvellement de la planification des transports.

4.1 Définition et objectifs de la GDT

Une définition simple de la GDT est proposée par Berman et Radow (1997), selon

lesquels il s’agit à la fois des alternatives à l’auto-solo – l’utilisation individuelle de la

voiture – et des stratégies ou techniques permettant d’encourager ces alternatives.

Pour Ferguson (1997), la GDT englobe les techniques orientées vers le changement

des comportements de déplacement, incluant des stratégies de promotion de modes et

d’horaires alternatifs de transport. Une définition similaire et un peu plus détaillée est

donnée par Hendricks (2008 : 30): « TDM can be defined as specific strategies to

influence travel behavior by mode, time of day and day of week, frequency, trip

length, route, cost, or regulation. » D’autres termes sont parfois utilisés pour désigner

la GDT, tels que « mobility management », gestion de la mobilité ou encore gestion

des déplacements.

En ce qui concerne les objectifs spécifiques de la GDT, ils visent avant tout la

réduction de l’utilisation de l’automobile et un report modal vers des alternatives de

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transports plus durables, tels que le transport en commun et les modes de transport

actifs (marche, vélo, jogging, patins à roulettes, etc.), grâce à une offre plus variée

d’options de mobilité aux usagers (Faivre d’Arcier, 2008). Plusieurs programmes de

GDT visent aussi la diminution de la congestion routière (Meyer, 1999), tandis

qu’une gamme d’objectifs plus globaux est souvent mise de l’avant dans les

initiatives de GDT : amélioration de la santé grâce à la résorption de la pollution de

l’air et à la diminution du stress, bénéfices environnementaux dus à la diminution de

la consommation d’énergie et des émissions de GES, avantages économiques grâce à

une utilisation plus efficace des infrastructures et à une optimisation de la mobilité,

etc. (Litman, 2006). Des objectifs d’équité sont parfois mis en exergue par des

organismes de défense des droits, pour lesquels la GDT doit fournir des services de

transport accessibles, multimodaux et abordables à tous les individus d’une

communauté, incluant les personnes âgées, les personnes à mobilité réduite et les

personnes à faible revenu (Majumdar et al., 2012). Dans un contexte de ressources

financières limitées, la GDT peut être envisagée comme une solution avantageuse,

permettant d’atteindre une variété d’objectifs à l’aide de mesures peu coûteuses et

efficaces (ibid., 2012; Litman, 2006).

D’une certaine façon, la GDT s’apparente au marketing: elle nécessite une

connaissance détaillée de la façon dont les gens se déplacent et des motifs qui

justifient leurs choix de déplacements (Faivre d’Arcier, 2008; Lim, 1997). En effet,

certains avancent que le choix d’utiliser l’automobile serait en fait un choix non

rationnel des usagers causé par leur mauvaise interprétation des coûts et du temps de

déplacement liés à la voiture, ce qui créerait une fausse demande de transport et

pousserait à une offre supplémentaire d’infrastructures routières (Lim, 1997). La

GDT viserait alors à faire réaliser aux usagers l’ensemble des conséquences de

l’utilisation de la voiture ainsi que les bénéfices des transports alternatifs, afin qu’ils

effectuent un choix plus rationnel. Cette vision est cependant contestée par d’autres,

qui avancent que la voiture est bel et bien un choix rationnel pour les usagers en

fonction des conditions actuelles du marché du transport, tout en reconnaissant que ce

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marché comporte des distorsions en faveur de l’automobile – coût de l’essence,

investissements en transports favorisant les infrastructures routières, développements

résidentiels et commerciaux pensés en fonction de l’accès automobile, etc. (Litman,

2006; Zaman et Nurul Habib, 2011). Les liens entre la GDT et le marketing sont

malgré tout visibles, puisque la GDT utilise une approche centrée sur l’usager en

tentant d’établir une correspondance entre ses besoins et le marché de l’offre de

transports alternatifs (Majumdar et al., 2012). La mise en œuvre de la GDT implique

ainsi une bonne part d’activités de promotion des changements de comportement,

bien qu’elle n’en reste pas là; elle implique aussi des programmes concrets et des

infrastructures physiques pour appuyer ces changements (Lim, 1997).

4.2 La mise en œuvre de la GDT

La mise en œuvre de la GTD implique différentes stratégies qui peuvent être

appliquées en utilisant des mécanismes variés. Cette section en brosse un portrait.

4.2.1 Stratégies de GDT

Plusieurs stratégies de GDT peuvent être employées pour favoriser le report modal de

l’auto-solo vers les modes de transport collectifs et actifs. Celles-ci peuvent se diviser

en trois groupes : des mesures incitatives favorisant les modes alternatifs, des

mesures pour dissuader l’utilisation de la voiture, ainsi que des mesures temporelles

pour reporter ou éliminer le besoin de se déplacer (voir Tableau 4.1). Ensemble, ces

mesures affectent la génération des déplacements, leur distribution spatiale et

temporelle, de même que le mode de transport utilisé (Ferguson, 1990). Bien entendu,

l’offre de transport peut aussi affecter ces paramètres, d’où l’importance d’utiliser les

approches de gestion de la demande et de gestion de l’offre de manière

complémentaire (ibid., 1990). Selon Litman (2006), les stratégies de GDT sont

beaucoup moins coûteuses que celles d’offre de transport, mais leurs effets sont aussi

plus localisés et individuellement moins importants.

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Tableau 4.1 – Stratégies de gestion de la demande en transport

Mesures incitatives Mesures dissuasives Mesures temporelles

Promotion et sensibilisation :

foires de transport, publicités,

site internet, conférences,

infolettres, tirages, etc.

Information multimodale en

ligne et sur les lieux de travail

Stationnement préférentiel

Voies réservées

Programme de covoiturage

Programme de minivan /

navettes

Autopartage

Infrastructures pour les

cyclistes : douches, vestiaire,

stationnement, pistes cyclables

Prêt / partage de vélo

Infrastructures piétonnes :

lampadaires, trottoirs,

traverses, rues piétonnes, etc.

Rabais sur les passes de

transport en commun

Amélioration des

infrastructures et du service de

transport en commun

Stationnement incitatif / parc-

o-bus

Parking cash out

Retour d’urgence à la maison

garanti (taxi)

Péage des ponts et des

routes

Augmentation du prix

du stationnement

Diminution de l’espace

de stationnement

Coûts variables de

l’automobile (à la

distance)

Taxe sur l’essence

Horaire de travail flexible

Semaine de travail comprimée

Télétravail

Vidéoconférences

Achats en ligne

(Synthèse de Lim, 1997; Meyer, 1999; Rye, 2002)

4.2.2 Mécanismes d’implantation

Les stratégies de GDT peuvent être mises en œuvre de différentes manières. D’abord,

celles-ci peuvent être appliquées à diverses échelles : régionale, municipale, corridor,

centre-ville, parc industriel, projet de développement résidentiel ou commercial, lieu

de travail individuel, etc. Les initiateurs d’actions de GDT peuvent être publics,

privés, ou encore provenir d’organisations environnementales ou de défense des

droits (Meyer, 1999). Il existe aussi plusieurs mécanismes d’implantation de la GDT :

lois, formation de centres de gestion des déplacements, accords négociés, plans et

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stratégies de gestion de la croissance ou de transport durable, conseil en mobilité,

initiatives volontaires, etc. (Faivre d’Arcier, 2008; Ferguson, 1990; Meyer, 1999).

Elles peuvent viser différents types de déplacements : tourisme, achats, loisirs ou

encore travail (Meyer, 1999).

Ce dernier type de déplacement, domicile-travail, est souvent le plus ciblé par la

GDT, puisqu’il est responsable de la génération d’une grande partie des déplacements

quotidiens et de la congestion routière (Lim, 1997). Ainsi, l’une des mesures de GDT

les plus utilisées à ce jour est l’élaboration d’un plan de gestion des déplacements

(PGD) pour un lieu ou un ensemble de lieux de travail. Un PGD est une stratégie

employée par une organisation pour réduire ses impacts sur le transport et influencer

le comportement de déplacement de ses employés, de ses fournisseurs, de ses

visiteurs et de ses clients (Rye, 2002). Plusieurs raisons peuvent motiver un

employeur à adopter un PGD. Celui-ci peut faire face à des problèmes d’accessibilité

ou de transport spécifiques (ex : stationnement insuffisant). De plus, la loi peut exiger

qu’il soumette un PGD pour l’obtention d’un permis d’affaires ou de construction.

Dans le cas de grandes compagnies soucieuses de leurs responsabilités sociales,

l’adoption d’un PGD peut être vue comme un moyen d’améliorer leur image. Enfin,

pour les compagnies œuvrant dans le domaine de l’environnement, un PGD peut être

une occasion de développer de nouveaux produits (ibid., 2002).

Peu importent les raisons qui la motivent, l’adoption d’un PGD par une

organisation est vue par Rye (2002) comme un changement impliquant plusieurs

étapes, présentées au Tableau 4.2.

Tableau 4.2 – Le modèle des étapes de changement appliqué aux PGD

Étape Description

Pré-considération L’organisation possède une connaissance de base des PGD et une forte

culture automobile.

Considération L’organisation comprend les objectifs et le potentiel d’un PGD; elle

possède souvent un problème de transport spécifique.

Préparation

L’organisation alloue des ressources pour développer un PGD.

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Action

L’organisation met en œuvre des éléments du PGD, incluant des

mesures d’information ainsi que des mesures incitatives et dissuasives.

Maintien

L’organisation surveille les impacts et gère le processus de mise en

œuvre. Cette étape demande beaucoup de temps et un employé en

assume généralement la responsabilité.

Rechute

L’organisation régresse. Cette phase peut arriver n’importe quand et

pour diverses raisons (restructuration organisationnelle, départ d’un

membre-clé, disparition du problème de transport…).

(Inspiré de Rye, 2002)

4.2.3 Évaluation des programmes de GDT

Selon Thompson et Suter (2012), l’évaluation est une étape essentielle de tout projet,

programme ou politique, qu’il s’agisse d’initiatives de GDT ou non. En effet,

l’évaluation permet de documenter les résultats et les progrès des initiatives de

certains objectifs ou certaines cibles prédéterminés. Elle oblige une organisation à se

poser des questions stratégiques, telles que ce qu’un programme doit réaliser,

comment il doit être mesuré, ou encore comment mettre en place des systèmes pour

en effectuer la mesure (ibid., 2012). L’évaluation permet aussi de rendre des comptes

aux personnes desservies par un programme, ou encore à celles qui le subventionnent

et donc, de démontrer la rentabilité d’un investissement. Selon Ferguson (1990), ce

dernier point est particulièrement important, puisque le peu de ressources accordées

aux initiatives de GDT est en partie lié au manque de données sur l’efficacité des

programmes; une évaluation positive permettrait d’augmenter la crédibilité de la

GDT et favoriserait des investissements subséquents plus importants, tout en

permettant de convaincre des clients potentiels des bénéfices de la GDT. Or, le faible

budget accordé aux initiatives de GDT fait aussi en sorte que l’étape de l’évaluation

est souvent négligée, et donc que les initiatives ne produisent pas les données qui

pourraient leur permettre d’accroître leur financement. Finalement, l’évaluation

présente des bénéfices indirects, en favorisant l’amélioration de la communication

entre les parties prenantes responsables de la mise en œuvre d’un programme, et en

les dotant d’un cadre de travail commun (Thompson et Suter, 2012).

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Actuellement, il n’existe aucun standard d’évaluation pour les initiatives de

GDT; chaque programme possède ses propres indicateurs, ce qui rend difficile la

comparaison des résultats des différentes initiatives. Toutefois, selon Thompson et

Suter (2012), l’ensemble des mesures d’évaluation des programmes de GDT

possibles peut se diviser en quatre catégories, soit les intrants, les extrants, les

impacts ainsi que la rentabilité ou coût-efficacité (voir Tableau 4.3).

Tableau 4.3 – Catégories de mesures d’évaluation des programmes GDT

Catégorie de

mesure

Description

Intrants Nombre d’activités ou d’efforts de sensibilisation initiés par le

programme. ex : nombre de foires, conférences, ateliers, publicité, etc.

Extrants/

Effets directs

Participation de la clientèle cible en réponse aux activités du programme

et report modal réalisé. ex : taux de participation à un programme de covoiturage, nombre de personnes

ayant substitué la voiture par le transport en commun ou le vélo, etc.

Impacts Quantification des résultats des extrants. ex : nombre de VKM réduits, réduction des émissions de gaz à effet de serre,

économie de coût ou de temps, etc.

Rentabilité/

Coût-efficacité

Coût total du programme réparti par intrant, par extrant ou par résultat. ex : montant dépensé par participant à un programme, montant dépensé par tonne

de CO2 réduite, etc.

(Données tirées de Thompson et Suter, 2012)

D’après les études de Thompson et Suter (2012), la plupart des évaluations de

GDT réalisées utilisent des évaluations d’extrants et d’impacts, alors que les mesures

de rentabilité, plus difficiles à calculer, commencent seulement à être utilisées

davantage. Selon ces auteurs, un bon programme d’évaluation devrait statuer le

nombre de déplacements en auto-solo réduit, les VKM16 réduits, les économies de

carburants et la réduction de GES réalisés, de même que le coût par déplacement en

auto-solo et par VKM réduits. Les programmes de GDT doivent aussi s’assurer de

mettre en place un protocole d’évaluation explicitant les données à collecter et la

manière de les collecter, les calculs à effectuer et la répartition des responsabilités

16

Véhicules-kilomètres, ou nombre de véhicules utilisés multiplié par le nombre moyen de kilomètres

parcourus par véhicule. Il s’agit d’un indicateur de circulation couramment utilisé.

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parmi les employés (ibid., 2012). De cette manière, l’évaluation est intégrée dans les

opérations quotidiennes et est prise en compte de façon continue. Enfin, il est

recommandé que le programme d’évaluation soit adopté par l’ensemble des

initiatives de GDT d’une région, afin qu’elles puissent comparer leurs résultats et

partager leurs expériences (ibid., 2012).

4.3 L’historique et l’évolution de la GDT dans le monde

Le concept de GDT est aujourd’hui employé dans des programmes, des politiques et

autres initiatives liées au transport de plusieurs pays du monde. Toutefois, ces

concepts trouvent leur origine aux États-Unis ainsi que dans les pays européens.

4.3.1 L’expérience des États-Unis

Selon Giuliano (1992), les premières démarches similaires à de la GDT aux États-

Unis remontent à la Seconde Guerre mondiale, lorsque les compagnies organisaient

des services d’autobus et autres navettes nolisées pour emmener les travailleurs vers

les usine. Par la suite, le déménagement des quartiers généraux de plusieurs grandes

compagnies vers les périphéries urbaines, au tournant des années 1970, a donné

naissance aux initiatives de covoiturage (Berman et Radow, 1997). Ces initiatives se

sont consolidées en programmes de covoiturage subventionnés par le fédéral dans le

contexte de la crise énergétique des années 1970, puis dans le cadre de programmes

d’amélioration de la qualité de l’air découlant du Clean Air Act. Bien que ce dernier

motif soit toujours un prétexte important pour la mise en œuvre de mesures de GDT,

la principale justification de ces programmes est aujourd’hui la congestion routière,

qui s’est aggravée au fur et à mesure que l’utilisation de l’automobile se généralisait

(ibid., 1997).

Déjà, dans les années 1970, les planificateurs du transport commençaient à

s’inquiéter de l’augmentation du trafic sur les routes. Ceux-ci ont tenté de mettre en

œuvre des mesures de gestion du système de transport (TSM ou transport system

management) afin d’encourager les alternatives à l’automobile (Ferguson, 1990). Ces

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mesures concernaient à la fois l’offre et la demande de transport, mais leur

implantation a échoué en raison de l’absence de collaboration entre les autorités

publiques et le secteur privé, ce dernier étant un générateur important de

déplacements.

Au tournant des années 1990, trois types d’initiatives de GDT impliquant à la fois

les différents paliers de gouvernement et le secteur privé ont commencé à être

appliquées. La première initiative consiste en la formation de TMA (Transportation

Management Associations), des organisations le plus souvent incorporées en OBNL,

dirigées par un conseil généralement formé de représentants d’agences publiques et

de représentants du privé (employeurs, développeurs, propriétaires terriens, etc.), bien

que dans certains cas des TMA puissent être uniquement publiques ou privées

(Ferguson, 1990). Selon Giuliano (1992), il est difficile de définir un modèle unique à

partir de l’ensemble des TMA, étant données la flexibilité organisationnelle et la

diversité de leurs opérations, malgré des objectifs similaires. Selon Ferguson (2007),

cette diversité s’explique de par les circonstances individuelles qui ont mené à la

création de chacun des TMA.

Les services de GDT des TMA regroupent généralement l’offre de transport

alternatif pour les employés ainsi que de la représentation des intérêts des entreprises

membres auprès des agences de transport, avec parfois l’opération d’un service de

transport alternatif, tel que des navettes (ibid., 2007). Les TMA desservent

généralement un marché correspondant à une ville ou à une région métropolitaine

importante et sa région (ibid., 2007). Ces organisations ont l’avantage de répondre à

la fois aux intérêts des développeurs (gérer les problèmes de croissance et

d’aménagement), des employeurs (gérer le stationnement) et du gouvernement (gérer

la congestion routière et améliorer la qualité de l’air) (Ferguson, 1997). Le

financement des TMA est généralement constitué de subventions gouvernementales,

de même que des cotisations des membres. Dans les années 1990, les TMA étaient

majoritairement financés par le programme Employer Trip Reduction découlant du

Clean Air Act du gouvernement fédéral; malgré l’abandon de ce programme en 1996,

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les TMA ont réussi à survivre en élargissant leur mandat, ou en diversifiant leurs

sources de revenus (Loveless et Welch, 1999; Ferguson, 2007; Rye, 2002).

Le modèle de TMA s’est répandu dans plusieurs pays à l’extérieur des Etats-

Unis, incluant le Canada, l’Australie, les Pays-Bas et le Royaume-Uni (UrbanTrans et

ACT, 2010). Ainsi, en 1989, on comptait 53 TMA (Ferguson, 1990), alors qu’en

2003, le nombre total de TMA montait à 140 (Hendricks, 2004) et en 2007, à près de

180 (UrbanTrans et ACT, 2010). Selon Ferguson (1997), les TMA représentent une

innovation institutionnelle puisqu’ils constituent une forme de contrôle privé et/ou

local sur des services de transports normalement fournis par des agences publiques;

en ce sens, les TMA participeraient à la privatisation du transport. Environ à tous les

cinq ans, un sondage est réalisé par l’Association for Commuter Transportation

(ACT) auprès de l’ensemble des TMA afin d’en obtenir un portrait global (Urban

Trans et ACT, 2010). Les caractéristiques générales des TMA, tirées en grande partie

du dernier sondage datant de 2009, sont présentées au Tableau 4.4.

Tableau 4.4 – Caractéristiques générales des TMA

TMA

Forme OBNL

Territoire de desserte Région métropolitaine ou une ville et ses environs

Origines Partenariat entre des acteurs économiques, environnementaux et

municipaux

Programmes d’aide financière nationaux ou étatiques

Partenaires

Entreprises

Municipalités

Gouvernement d’État

Organismes

Autorités organisatrices de transport

Budget annuel De 250 à 500 000 $US

Sources de revenus

Subventions gouvernementales

Cotisation des membres

Revenus sur les services

Employés

Moyenne de 2 employés temps plein,

1 employé temps partiel

Formation des directeurs:

transports, marketing, administration, gestion, aménagement,

environnement et communications

CA Moyenne de 30 membres votants

Provenance des administrateurs :

Entreprises, institutions, élus, organismes, gouvernement étatique,

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autorités municipales, autorités organisatrices de transport

Clientèle

Entreprises

Institutions

Promoteurs immobiliers

Services offerts

Plans de gestion des déplacements

Service-conseil en mobilité durable

Promotion et sensibilisation

Opération de services de transport (ex : navette)

(Sources : Ferguson, 2007; UrbanTrans et ACT, 2010)

Une deuxième initiative de GDT est l’adoption de lois ou de règlements, dont les

décrets de réduction des déplacements (TRO ou Trip Reduction Ordinance). Les

TRO consistent en un règlement municipal, de comté, régional ou étatique obligeant

les développeurs ou les employeurs à participer à l’implantation de mesures de GDT

(Ferguson, 1990). Ces règlements s’appliquent autant aux nouveaux développements

qu’aux développements actuels et utilisent un critère de taille (nombre d’employés)

ou de dimension (superficie, espaces de stationnements) pour déterminer

l’applicabilité du TRO à une activité précise. Les obligations varient, mais la plupart

des TRO exigent l’élaboration d’un plan de gestion des déplacements (PGD) de la

part des développeurs ou employeurs visés par le règlement, qui seront ensuite gérés

par un coordonnateur du transport des employés. Les PGD doivent comporter une

liste d’incitatifs et d’équipements offerts aux clients ou aux employés, un échéancier

de l’implantation et des cibles de performance à atteindre. Puisqu’un TRO est un

règlement, le non-respect de celui-ci constitue une violation directe du code civil.

Toutefois, la plupart des TRO se contentent d’encourager la participation au lieu de

punir les fautifs (Ferguson, 1990). D’autres législations, en particulier en lien avec les

programmes de qualité de l’air, peuvent exiger des mesures de GDT de la part

d’employeurs ou développeurs (Giuliano, 1992). Un exemple est la loi de réduction

des déplacements CTR (Commute Trip Reduction) adoptée par l’État de Washington

de 1991 à 1996 afin d’atteindre les cibles de qualité de l’air établies par le Clean Air

Act de 1990 (Kadesh et Roach, 1997).

La troisième et dernière initiative de GDT retrouvée aux États-Unis est l’accord

négocié entre les développeurs et les planificateurs. Lorsque les promoteurs d’un

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projet nécessitent un permis de développement, les planificateurs peuvent inclure des

mesures d’atténuation du trafic dans les conditions liées au permis. Souvent, les

développeurs doivent atténuer tous les impacts anticipés de leur projet sur le trafic, et

fournir un dépôt garantissant le financement du plan de GDT pour une durée

minimale de 10 ans. Cette mesure inclut plusieurs avantages, dont la flexibilité ainsi

que la possibilité d’innover et de personnaliser les mesures de GDT requises.

Toutefois, elle laisse aussi la place à des cas possibles d’abus de pouvoir ou à un

manque de contrôle et de surveillance des résultats (Ferguson, 1990).

4.3.2 L’expérience européenne

Plusieurs pays d’Europe ont adopté des initiatives de GDT. À l’échelle de la

Commission Européenne, l’initiative CIVITAS mise sur pied au cours des dernières

années a comme objectif de co-financer des projets de mobilité durable, dont ceux

axés sur la GDT (Faivre d’Arcier, 2008). Toutefois, plusieurs pays, dont la France et

le Royaume-Uni, avaient préalablement mis en place des programmes de GDT.

4.3.2.1 La France

Dans les régions urbaines de la France, depuis 1982, les Autorités organisatrices des

transports urbains (AOTU) peuvent effectuer un Plan de déplacements urbains (PDU)

couvrant l’ensemble des modes de transport locaux (ibid., 2008). En 1996, la Loi sur

l’Air et l’Utilisation Rationnelle de l’Énergie (LAURE) a renforcé les PDU en les

rendant obligatoires pour les agglomérations de plus de 100 000 habitants et en

exigeant que ces dernières créent un service de « conseil en mobilité » pour les

employeurs et autres grands générateurs de déplacements. Ce service aurait comme

mandat d’inciter les entreprises à adopter un plan de déplacement d’entreprise

(l’équivalent du PGD aux États-Unis) et les administrations communales ou

d’agglomération à développer des plans de déplacement d’administration (Faivre

d’Arcier, 2008). De plus, les agglomérations doivent mettre en place des plateformes

d’information multimodale pour faire connaître aux usagers l’offre de transport en

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commun et l’offre de transports actifs, les informations de circulation, de

stationnement et de temps de parcours (ibid., 2008).

Malgré cette obligation légale pour les grandes villes, aucune spécification sur un

modèle de GDT n’est inscrite dans la loi, ce qui fait que le conseil en mobilité adopte

différentes formes d’une ville à l’autre : la ville en collaboration avec son AOTU peut

nommer un conseiller en mobilité à l’intérieur de l’un de ses services ou encore, elle

peut confier le mandat de conseil en mobilité à une boîte de consultants privée ou à

un organisme à but non lucratif (ARENE-IDF, 2013). D’autres acteurs, tels que des

entrepreneurs, des organismes environnementaux et les directions régionales de

l’Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Énergie, peuvent aussi contribuer

à l’élaboration de la stratégie de conseil en mobilité (ADEME, 2013). Les agences

locales de mobilité (ALM) sont l’une des formes que peut adopter le conseil en

mobilité et sont un peu l’équivalent des TMA aux États-Unis, bien qu’il ne s’agisse

pas toujours d’organismes à but non lucratif. D’après une enquête de l’ARENE-IDF

(2008), en 2008, la France comptait 18 ALM actives ou en voie de l’être.

Selon les informations trouvées, l’État n’accorde pas de subventions aux ALM ou

aux villes pour la mise sur pied du conseil en mobilité, bien que l’Agence de

l’Environnement et de la Maîtrise de l’Énergie puisse subventionner en partie les

entreprises ayant recours à certains de leurs services (ADEME, 2013). Puisque

l’AOTU est le principal responsable de la mise en place du conseil en mobilité, les

services de gestion de la demande en transport couvrent généralement son aire de

desserte, c’est-à-dire le territoire d’une commune ou de plusieurs communes selon la

présence ou non d’une entente intercommunale (ibid., 2013). La clientèle visée par le

conseil en mobilité n’est pas limitée aux entreprises et aux institutions; les citoyens

individuels et les collectivités peuvent aussi en bénéficier. Ainsi, la gamme de

services offerts inclut l’élaboration de plusieurs types de plans de gestion des

déplacements : plans de déplacements d’entreprises, plans de déplacements scolaires,

etc. (ibid., 2013). D’autres services de sensibilisation, de service-conseil et de

planification stratégique sont aussi offerts par les pourvoyeurs de conseil en mobilité,

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bien que la gamme de services varie d’une ville à l’autre (ARENE-IDF, 2008). Le

Tableau 4.5 résume les principales caractéristiques du conseil en mobilité.

Tableau 4.5 – Caractéristiques générales du conseil en mobilité

Conseil en mobilité

Forme

Variée :

Service d’une ville

OBNL (Agence locale de mobilité)

Entreprise privée / firme de consultants

Territoire de desserte Territoire d’une autorité organisatrice de transport urbain (une ou

plusieurs communes)

Origines Obligation légale pour les villes de plus de 100 000 habitants d’instaurer

un service de conseil en mobilité

Partenaires

Gouvernement national

Autorités organisatrices de transport urbain

Communes

Entreprises

Organismes environnementaux

Budget annuel N/D

Sources de revenus Subventions gouvernementales pour les PGD

Employés N/D

CA N/D

Clientèle

Entreprises privées

Institutions

Communes

Citoyens

Services offerts Plans de gestion des déplacements

Service-conseil en mobilité durable

Promotion et sensibilisation

(Sources : ADEME, 2013; ARENE-IDF, 2008, 2013; Faivre d’Arcier, 2008)

4.3.2.2 Le Royaume-Uni

Au Royaume-Uni, depuis 1998, le gouvernement a émis une politique de transport

visant la réduction de la dépendance envers l’automobile par l’adoption volontaire de

PGD par les entreprises, de même que par l’adoption obligatoire de PGD pour les

départements gouvernementaux (Enoch et Potter, 2003). Des mesures d’information

et de sensibilisation ont été mises en place pour souligner les avantages des PGD pour

les employeurs, des guides ont été produits pour faciliter la conception et l’adoption

de PGD et, en 2000, des subventions ont été mises à la disposition des gouvernements

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locaux pour l’embauche de coordonnateurs des déplacements fournissant des conseils

gratuits aux entreprises. De plus, depuis 1990, le Town and County Planning Act

accorde aux autorités locales la possibilité d’émettre des permis pour les nouveaux

développements en incluant la condition pour les promoteurs de soumettre un PGD

(Rye, 2002). Malgré ces efforts, le caractère volontaire de la politique de GDT a fait

en sorte que peu d’entreprises ont adopté un PGD, n’y voyant pas de bénéfices clairs.

4.3.3 L’expérience canadienne

De façon générale, le Canada semble accuser un certain retard en matière de GDT

comparativement à ses homologues américain et européens. Selon Robinson (1997),

le manque d’intérêt des gouvernements canadiens envers la GDT serait dû à l’absence

de problèmes urgents liés au transport, tels qu’un problème de qualité de l’air, un

manque d’espace, ou encore des ressources énergétiques limitées. De plus, le partage

des responsabilités en transport entre les différents paliers de gouvernement pourrait

contrer des initiatives de GDT.

Un bilan des tentatives de GDT à Toronto réalisé par Stewart et Pringle (1997)

relevait d’autres facteurs non favorables à la GDT, comme les rôles psychologique et

économique de l’automobile, le faible coût de l’essence, ainsi que le manque de loi

habilitant spécifiquement les municipalités à mettre en place des mesures de GDT et

les dotant de ressources financières appropriées. De plus, selon les mêmes auteurs,

dans le cas de Toronto, la prise en compte historique du transport et de

l’aménagement aurait favorisé un système de transport en commun efficace, lié aux

noyaux urbains et déjà très utilisé, de même qu’un centre-ville compact et mixte, ce

qui a longtemps réduit l’urgence d’adopter des mesures de GDT supplémentaires

(ibid., 1997). Toutefois, un déclin dans l’utilisation du transport en commun en 1995

a donné lieu à l’implantation de quelques stratégies de GDT (rabais sur les passes

d’autobus, hausse des prix du stationnement, etc.) pour regagner la clientèle perdue;

les nouveaux développements commerciaux de plus de 75 espaces de stationnement

doivent également inclure un PGD pour atténuer la congestion routière (ibid., 1997).

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En Colombie-Britannique, le district régional du Grand Vancouver (Great

Vancouver Regional District) a élaboré, vers la fin des années 1990, une stratégie

régionale de GDT basée sur quatre mesures : un service de réduction des

déplacements (promotion, information et conseil), une politique de gestion des

stationnements, la conversion des coûts fixes de l’automobile à des coûts variables

selon l’utilisation, ainsi qu’une politique de péage pour les routes ou les ponts (Lim,

1997). Enfin, quelques villes se sont inspirées de l’exemple des États-Unis pour

mettre sur pied leurs propres TMA. En 2004, Hendricks (2004) recensait 8 TMA

canadiens, dont trois à Vancouver, trois à Montréal (les CGD), 1 à Toronto et 1 à

Halifax, le plus vieux datant de 1995. La plupart de ces TMA étaient dirigés par des

agences de transport gouvernementales en partenariat avec des employeurs et des

développeurs, et plusieurs étaient opérés à l’intérieur d’un organisme parrain. En

moyenne, les TMA disposaient d’un budget annuel de 50 000 $ à 150 000$, d’un

employé à temps plein et d’un employé à temps partiel, et étaient financés

majoritairement par des fonds publics (Hendricks, 2004).

4.4 Le bilan de la GDT

Bien que les initiatives de GDT soient encore relativement récentes et que plusieurs

d’entre elles ne soient pas évaluées au niveau de leurs retombées, les quelques

résultats disponibles sont plutôt positifs. Ainsi, selon Kadesh et Roach (1997), la loi

Commute Trip Reduction dans l’État de Washington aurait permis de libérer des

espaces de stationnements ayant une valeur totale annuelle de 4 millions de dollars.

Berman et Radow (1997) notent aussi que les programmes de GDT les plus efficaces

arrivent à diminuer les déplacements en auto-solo de 30 à 40% sur des lieux de travail

individuels; évidemment, à l’échelle métropolitaine ou régionale, cet effet est

beaucoup moindre, soit de 4 à 8%, selon Meyer (1999). À une échelle intermédiaire,

celle des TMA, Ferguson (1997) note qu’un délai de 4 à 5 ans peut être nécessaire

avant qu’un programme de GDT atteigne son efficacité maximale, soit une réduction

d’environ 10% des déplacements en auto-solo. Selon Hendricks (2008), c’est non

seulement le temps mais aussi le degré d’engagement investi dans un TMA qui

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détermine l’efficacité de ses programmes. Une multitude d’autres facteurs peuvent

influencer l’efficacité des programmes de GDT : le taux de participation des

entreprises aux programmes de GDT et l’efficacité individuelle de leurs programmes,

le type et l’ampleur des stratégies individuelles employées dans les PGD, l’adoption

simultanée de stratégies de soutien au niveau de l’offre de transport et de

l’aménagement, les caractéristiques physiques et socioéconomiques des régions

visées, etc. (Litman, 2006; Rye, 2002; Ungemah et Dusza, 2009). Pour conclure ce

chapitre, voici quelques obstacles et facteurs de réussites relevés dans la littérature

consultée, de même qu’un aperçu des enjeux futurs en GDT.

4.4.1 Obstacles à la GDT

Plusieurs motifs peuvent nuire à l’application de la GDT et viennent souligner les

limites de cette approche. D’abord, la plupart des initiatives de GDT sont timides et

n’emploient que des stratégies peu coûteuses, mais aux impacts limités, telles que la

sensibilisation (Enoch et Potter, 2003). Or, cette approche n’arrive pas à convaincre le

secteur privé des bienfaits de la GDT, celui-ci ayant pour principal objectif de réaliser

des profits; s’il ne perçoit pas de problème urgent de transport, il aura tendance à

considérer la GDT davantage comme un coût que comme un investissement rentable

(Giuliano, 1992). L’utilisation de la législation peut forcer les entreprises à adopter la

GDT, mais dans ce cas, elles continueront à la voir comme un coût.

Dans le cas des PGD appliqués aux projets de développement, la nature

spéculative des projets et le manque d’expérience des promoteurs en GDT fait en

sorte qu’il est difficile d’évaluer a priori les impacts des développements sur le

transport et de fixer des mesures d’atténuation appropriées (Enoch et Potter, 2003).

Les développeurs n’ont souvent pas les connaissances et la formation pour élaborer

des PGD, ce qui donne comme résultat des plans de mauvaise qualité, longs à

élaborer et dont la mise en œuvre laisse à désirer (Rye, 2002). De plus, les mesures de

GDT sont souvent prises en compte après la réalisation des projets et le choix de

localisation ne tient pas compte des questions d’accessibilité et de proximité, ce qui

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complique grandement la mise en œuvre de stratégies et augmente les coûts qui y

sont associés (Ferguson, 1990; Hendricks, 2008).

Au niveau des usagers, il reste difficile, même avec des mesures de GDT, de

rivaliser avec les temps de trajet et le confort offerts par l’automobile, surtout lorsque

aucune mesure ne vient entraver la libre circulation et le stationnement des véhicules

(Faivre d’Arcier, 2008). Stewart et Pringle (1997) soulignent que la GDT doit

d’ailleurs s’attaquer à un changement culturel important, d’où la difficulté d’obtenir

des résultats très significatifs, surtout à courte échéance.

De façon générale, Enoch et Potter (2003) constatent que la volonté politique de

mettre en œuvre des mesures de GDT importantes n’est pas présente. Cette sensibilité

politique n’est pas étrangère à l’acceptabilité sociale des mesures de GDT; de façon

générale, le public s’oppose aux mesures coercitives et les individus défendent leur

droit à l’utilisation de l’automobile (Giuliano, 1992). Par ailleurs, la mise en place de

législation restrictive pour les employeurs et les développeurs est plus délicate dans

les régions ou municipalités où l’activité économique est moins dynamiques; celles-ci

pourraient craindre le départ des investisseurs vers une région voisine concurrente

n’ayant pas appliqué de législation, mais bénéficiant des avantages de la GDT (Rye,

2002). La relative nouveauté du concept ainsi que la difficulté de montrer les liens

directs entre la GDT et les impacts sur le transport rendent aussi cette approche peu

attrayante aux yeux des décideurs, qui hésitent à lui accorder un financement

significatif (Stewart et Pringle, 1997). De plus, les sources de financement pour les

initiatives de transport en général sont souvent peu élevées et les programmes de

GDT doivent concurrencer les programmes des autres acteurs plus traditionnels du

transport (Ferguson, 1997). Ferguson (2007) soulève d’ailleurs le peu de moyens dont

disposent les TMA pour arriver à concrétiser un transfert modal important, avec un

budget annuel moyen de 6 à 18$ pour chacun des employés qu’elles desservent.

Par ailleurs, le potentiel de la GDT est limité dans les endroits mal desservis par

les modes de transport alternatifs; elle est mieux adaptée aux les endroits où les

systèmes de transport en commun sont bien développés (Berman et Radow, 1997;

Kadesh et Roach, 1997; Rye, 2002). Or, Hendricks (2008) remarque que la

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planification traditionnelle des transports est fortement biaisée en faveur du système

autoroutier aux dépens des systèmes de transport alternatifs. De plus, certaines

stratégies de GDT adoptées simultanément peuvent être contreproductives : par

exemple, l’adoption d’heures de travail flexibles ou d’horaires de travail comprimés

nuit au fonctionnement du covoiturage (ibid., 2012). Certaines stratégies peuvent

nuire aux usagers dont la routine quotidienne comporte plusieurs contraintes et qui

n’ont pas beaucoup de ressources, en particuliers les populations démunies et les

familles (Giuliano, 1992). Par ailleurs, la GDT a tendance à se concentrer sur des

marchés de déplacements spécifiques, avec des impacts qui s’en trouvent limités; par

exemple, seul le quart des déplacements serait lié au travail (ibid., 1992; Faivre

d’Arcier, 2008). Enfin, les résultats et les impacts spécifiques de la GDT restent à

démontrer; il n’est pas impossible que les réductions d’auto-solo induites par la GDT

soient annulées par la demande latente, qui est pratiquement impossible à prévoir17

(Giuliano, 1992; Rye, 2002).

4.4.2 Facteurs de réussite de la GDT

Face à un nombre important de limites, l’expérience accumulée des initiatives de

GDT a permis de faire ressortir plusieurs pistes pour surmonter, en partie du moins,

les obstacles énoncés ci-haut.

Tout d’abord, Berman et Radow (1997) soulignent l’importance de combiner

plusieurs stratégies de GDT à l’intérieur d’un même programme, l’effet synergistique

et cumulatif de ces stratégies permettant d’augmenter l’impact total sur les

déplacements (Litman, 2006). Il importerait ainsi de fournir des alternatives de

transport aux usagers et de mettre en place des mesures incitatives et dissuasives

agissant sur le temps et le coût de déplacement afin de les appuyer (Berman et

Radow, 1997). En ce qui concerne les stratégies spécifiques de GDT, le prix et la

disponibilité du stationnement, de même que le péage des routes ressortent comme

des éléments cruciaux et déterminants pour la réussite des initiatives de GDT (ibid.,

17

La demande latente représente les déplacements non entrepris ou détournés vers d’autres routes,

destinations ou périodes de temps en raison de la congestion routière (Giuliano, 1992).

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1997). Quant au covoiturage, celui-ci favoriserait la participation des usagers plus

dépendants envers l’automobile et moins ouverts à opter pour des modes de transport

alternatifs (ibid., 1997). De façon globale, une étude préalable des besoins et des

comportements de déplacements des populations visées facilite la sélection des

mesures de GDT les plus appropriées (Faivre d’Arcier, 2008).

En général, il semblerait que les programmes de GDT obligatoires, avec des

cibles spécifiques à atteindre, la provision de conseil et des mesures de surveillance,

soient plus efficaces que des programmes volontaires (3,5 fois plus efficaces, selon

Kadesh et Roach, 1997); ils donnent un motif aux entreprises privées d’adhérer à la

GDT (Berman et Radow, 1997). Toutefois, ces mesures nécessitent une volonté et un

engagement significatifs de la part des autorités politiques et de la direction des

entreprises (ibid., 1997). Les mesures fiscales encourageant la GDT sont une

alternative à l’approche législative ou réglementaire; selon Enoch et Potter (2003),

elles sont perçues de manière plus positive par les employeurs, qui y voient une

occasion de faire des économies en réduisant leurs impacts sur les déplacements, et

ce, de façon continue et non seulement jusqu’à l’atteinte d’une cible précise. En fait,

ces mêmes auteurs prônent l’emploi d’un mélange d’instruments à la fois

réglementaires, fiscaux et persuasifs pour l’application de la GDT (ibid., 2003) : selon

eux, l’approche employée devrait idéalement ne pas être trop contraignante pour les

usagers en leur offrant des choix et de la flexibilité. La stratégie du parking cash out,

qui donne aux usagers une allocation équivalente au prix du stationnement en leur

laissant la liberté de l’utiliser selon leur bon vouloir, en est un exemple intéressant, de

même que l’établissement d’un système de péage différencié et avantageux pour les

covoitureurs (Giuliano, 1992; Meyer, 1999).

La coordination demeure un élément essentiel à l’implantation de toute initiative

de GDT. Selon Berman et Radow (1997), cette coordination aurait avantage à inclure

les fournisseurs de transport (ex : agences de transport en commun) et les

responsables de la génération de déplacements (développeurs, employeurs, etc.). Pour

ce faire, la GDT doit être soutenue par une organisation flexible et possédant une

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marge de manœuvre financière suffisante (Faivre d’Arcier, 2008; Ferguson, 1990).

Selon Ferguson (1990), les stratégies de GDT devraient idéalement être mises en

œuvre par un coordonnateur des transports professionnel travaillant le plus près

possible de la région touchée par son initiative de GDT. De plus, une évaluation

régulière des programmes permet de fournir des données pour convaincre les usagers,

les employeurs et les décideurs des bienfaits de la GDT (Hendricks, 2004).

Enfin, plusieurs auteurs recommandent que les initiatives de GDT soient menées

de façon intégrée avec la planification des transports et de l’aménagement afin

d’atteindre une efficacité maximale et de permettre la prise en compte de l’ensemble

des coûts et bénéfices qu’elles génèrent (Faivre d’Arcier, 2008; Litman, 2006; Meyer,

1999). Ainsi, la complémentarité des mesures de GDT avec la planification de l’offre

de transport est mise de l’avant; pour Hendricks (2008), afin d’être attrayants, les

modes de transport alternatifs doivent pouvoir compter sur des systèmes de transport

complets, à l’image du système de transport autoroutier. Par ailleurs, certains auteurs

avancent que des objectifs de GDT devraient être intégrés dans la planification locale

et régionale, qui se traduire par l’adoption d’une stratégie régionale de GDT

(Ferguson, 1990; Lim, 1997; Meyer, 1999). Au niveau de l’aménagement, le modèle

Transit-oriented Development (TOD) et les politiques de gestion de la croissance,

incluant la délimitation d’un périmètre urbain, sont des exemples de mesures qui

pourraient favoriser le succès des initiatives de GDT et, inversement, être renforcées

par la GDT (Hendricks, 2008). Au niveau des développements résidentiels ou

commerciaux, on suggère que la GDT soit prise en compte dès l’étape initiale de

planification pour minimiser les caractéristiques génératrices de déplacements et être

mise en œuvre avant la complétion des projets, afin d’influencer les habitudes de

transport des usagers (Ferguson, 1990; Hendricks, 2008). Ces projets de

développements pourraient aussi faire l’objet d’une taxe pour l’amélioration du

transport en commun (ibid., 2008). De façon générale, Lim (1997) avance que

l’inclusion de la GDT dans la planification des transports et de l’aménagement

nécessite la mise en place d’une gouvernance permettant de clarifier le partage des

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responsabilités; celle-ci pourrait nécessiter des changements structurels aux niveaux

des institutions de transport.

4.4.3 Enjeux futurs pour la GDT

Concept relativement récent, la GDT s’attaque directement à une cause importante

des problèmes de transports actuels, soit la demande de déplacements. Le portrait

général de la GDT qui a été dressé ci-haut a permis de souligner la multitude

d’objectifs, de stratégies, de mécanismes d’implantation et d’évaluation qu’englobe

cette approche, qui est actuellement adoptée dans un nombre grandissant de pays. La

flexibilité, le faible coût et les premiers résultats positifs des initiatives de GDT

explique probablement une partie de sa popularité croissante. Toutefois, les autorités

publiques de même que les intérêts privés témoignent jusqu’à maintenant d’une

relative timidité dans leur choix de stratégies de GDT, que ce soit pour des raisons de

profitabilité ou d’acceptabilité sociale. Pour Rye (2002), cette hésitation est normale

et probablement temporaire, le temps que les mesures de GDT fassent leurs preuves

et s’intègrent aux pratiques régulières de transport et d’aménagement.

D’ailleurs, plusieurs auteurs prédisent un rôle futur accru de la GDT dans la

planification des transports. Pour Berman et Radow (1997), ce futur repose dans

l’adoption des systèmes de transport intelligents et dans l’utilisation de la GDT pour

favoriser l’accès à l’emploi aux populations défavorisées. De leur côté, Loveless et

Welch (1999) prédisent un élargissement de la clientèle cible des initiatives de GDT,

incluant le transport de marchandises, ainsi qu’un plus grand rôle des organisations

responsables de la GDT dans la planification des transports et l’aménagement, de par

leur position d’acteurs de terrain et leur connaissance approfondie des besoins et des

comportements de déplacements locaux. Plus récemment, Ferguson (2007) prédit

quant à lui un rôle futur stable ou même accru des organisations impliquées dans la

GDT, particulièrement les TMA en tant que fournisseurs de niche en services de

GDT, étant donnée la hausse du prix de l’essence et la poursuite du phénomène de

métropolisation.

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4.5 La GDT et le renouvellement de la planification des transports

Dans le chapitre II, l’emploi de la GDT est présenté comme l’un des principes de

l’approche de mobilité durable (voir Tableau 2.4), s’inscrivant donc, en théorie, dans

une perspective renouvelée de la planification des transports. Le présent chapitre a

permis d’étayer cette affirmation : au niveau de ses objectifs et de ses stratégies, la

GDT partage le contenu promu par l’approche de la mobilité durable (plus grande

accessibilité au transport, diminution de l’utilisation de la voiture au profit des modes

de transport collectifs et actifs, etc.). Afin de mettre en œuvre ce contenu, la GDT

prône l’emploi d’instruments provenant de l’ensemble des catégories citées au

Tableau 2.5 : des instruments réglementaires (ex : politiques de stationnement, lois),

économiques (ex : péage routier), de persuasion sociale (ex : promotion des modes de

transport alternatifs à l’automobile) et de capacités d’action collectives (ex :

formation de TMA). Le choix de ces instruments et leur combinaison, par exemple à

l’intérieur d’un PGD, tient compte de ses destinataires : il est guidé par une analyse

des besoins et comportements de déplacement des individus. Nous notons d’ailleurs

des similarités entre le processus d’élaboration d’un PGD et les étapes d’analyse

prônées par l’approche de la planification rationnelle globale. Toutefois, il nous

semble que la mise en œuvre de la GDT, particulièrement à travers les mécanismes

tels que les TMA, les accords négociés ou les conseils en mobilité, emprunte aussi à

l’approche collaborative de la planification en mettant en relation une multitude

d’acteurs.

Ces premiers constats effectués, les deux prochains chapitres permettront

d’explorer davantage la contribution de la GDT au renouvellement de la planification

des transports, en s’attardant à son application au Québec par les CGD. Le chapitre V

s’appuiera entre autres sur les modèles des TMA américains et du conseil en mobilité

français pour dresser un portrait principalement descriptif des CGD et de leurs

activités, alors que le chapitre VI mettra en lumière la contribution de ces organismes

au renouvellement de la planification des transports en tissant certains liens avec les

notions de GDT présentées ci-haut.

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CHAPITRE V – LES CGD : UN MODÈLE QUÉBÉCOIS DE GDT

Au Québec, les Centres de gestion des déplacements (CGD) sont les principaux

acteurs de la gestion de la demande en transport (GDT) auprès des grands générateurs

de déplacements. Au nombre de sept, ceux-ci sont situés dans les régions de

Gatineau, Montréal, Trois-Rivières, Sherbrooke, Québec et Saguenay18

. Bien que

poursuivant une mission semblable, les CGD ont chacun une origine et des

caractéristiques qui leurs sont propres. À l’aide des données tirées de nos entretiens,

des questionnaires remplis par les CGD et de la documentation consultée, nous

dresserons d’abord un bref historique de leur apparition, suivi d’un portrait de chacun

des CGD, en ordre chronologique de leur création. Nous tenterons ensuite de dégager

les similitudes et les divergences entre ces organisations, puis nous effectuerons une

comparaison avec les expériences de GDT ailleurs dans le monde et présentées au

chapitre IV.

5.1 L’origine des premiers CGD québécois

5.1.1 Les projets-pilotes de l’AMT à Montréal

La création des premiers CGD remonte à une initiative de l’Agence métropolitaine de

transport (AMT) et du Ministère des transports du Québec (MTQ). Selon les propos

recueillis, à la fin des années 1990, le MTQ a mis sur pied une table de concertation

sur les transports dans le cadre du plan de lutte contre les GES, à laquelle participait

l’AMT. Des membres de la table, dont l’AMT et le MTQ, se sont alors intéressés à la

GDT. Par la suite, une ancienne chargée de projet du MTQ qui s’intéressait aux

18

Bien que le Centre de mobilité durable de Sherbrooke soit reconnu comme tel par le MTQ, celui-ci

diffère de façon notable des autres CGD de par sa structure et son mandat. Dans le cadre de ce

mémoire, nous avons décidé d’exclure ce CGD de notre analyse. Nous l’intégrons cependant à

l’historique des CGD au point 5.1 et en faisons une brève description au point 5.7.

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initiatives de GDT, et en particulier aux TMA des États-Unis, est allée travailler à

l’AMT pour développer le premier programme de GDT à l’intention des employeurs,

Allégo. Ce programme a été mis en place pour la première fois chez l’entreprise

d’aéronautique Bombardier, en 1999, permettant entre autres la création de 646

équipes de covoiturage formées de 1419 employés, de même que la planification d’un

service d’autobus lors des changements de quarts de travail. Au cours des années

suivantes, d’autres entreprises participent au programme. Le succès de l’initiative

pousse l’AMT à créer, en 2001, trois CGD qui font office de projets-pilote et qui sont

chargés du déploiement du programme Allégo auprès des employeurs. Ces CGD sont

initialement parrainés par des organismes du milieu, soit le service aux entreprises de

l’arrondissement Saint-Laurent au nord, la Société de développement économique

(SODEC) de Rivière-des-Prairies/Point-aux-Trembles à l’est, et le parc immobilier

Cité Multimédia au centre-ville. Ils sont financés par leur organisme parrain de même

que par des subventions provinciales et fédérales. De ces trois CGD, deux sont encore

présents aujourd’hui : Voyagez Futé au centre-ville et le CGD de Saint-Laurent.

5.1.2 La diffusion des CGD au Québec

En 2004, un CGD, MobiliT, est créé à Québec, puis en 2006, un quatrième CGD

montréalais, Mobiligo, voit le jour dans Côte-des-Neiges, peu après la fin des

activités du CGD de l’Est parrainé par la SODEC. Afin d’assurer la pérennité des

CGD et de favoriser leur émergence dans les autres régions du Québec, le MTQ

instaure, en janvier 2008, un volet destiné au financement du fonctionnement des

CGD dans son Programme d’aide gouvernementale aux modes de transports

alternatifs à l’automobile (PAGMTAA). Ce volet, développé avec l’aide des CGD de

Montréal et de Québec, permet de financer 75% de leurs frais de fonctionnement

jusqu’à concurrence de 100 000 $ pendant trois ans, puis 60% de leurs frais de

fonctionnement jusqu’à concurrence de 100 000 $ pour les trois années suivantes. Le

PAGMTAA comprend aussi une aide financière pour les employeurs ayant recours

aux services des CGD (50% des dépenses admissibles jusqu’à concurrence de

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35 000$). En plus d’assurer la continuité des CGD existants, le PAGMTAA donnera

lieu à la création de quatre nouveaux CGD à Trois-Rivières, Saguenay, Sherbrooke et

Gatineau.

Tableau 5.1 – Les Centres de gestion des déplacements créés au Québec

Année de

fondation

Nom Aire de desserte Organisme parrain

2001

CGD de Saint-

Laurent Montréal – Nord

Arrondissement Saint-Laurent,

puis Développement

économique Saint-Laurent

Voyagez Futé Montréal –Centre-

ville

Cité Multimédia, puis OBNL

indépendant

CGD de l’Est *

Montréal – Est

SODEC Rivières-des-

Prairies/Pointe-aux-Trembles

2004 Mobili-T Québec OBNL indépendant

2006 Mobiligo **

Montréal – Côte-

des-Neiges OBNL indépendant

2009 Roulons Vert Trois-Rivières OBNL indépendant

CADUS Saguenay OBNL indépendant

2010

Centre de mobilité

durable de

Sherbrooke

Sherbrooke Ville de Sherbrooke et Société

de Transport de Sherbrooke

2012 MOBI-O Gatineau OBNL indépendant

* CGD cesse ses activités en 2005-2006

** CGD a fusionné avec Voyagez Futé en 2013

En 2011, l’aide financière aux employeurs du PAGMTAA est suspendue et

l’argent est réaffecté au développement de services supplémentaires pour le transport

collectif. Devant se terminer en 2012, le volet du PAGMTAA pour le fonctionnement

des CGD est prolongé une première fois jusqu’en décembre 2013, en attendant la

sortie de la nouvelle Politique québécoise de mobilité durable (PQMD). Celle-ci ne

sera finalement dévoilée qu’à l’hiver 2014, sous le nom de Stratégie nationale de

mobilité durable (SNMD). Sous la nouvelle SNMD, le volet de fonctionnement des

CGD est prévu dans le Programme d’aide gouvernementale à l’amélioration des

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services en transport collectif (PAGASTC) jusqu’au 31 décembre 2014, alors qu’un

chantier entre Québec et les municipalités doit mener à l’élaboration d’un cadre

financier pour 2015-2020. Le Tableau 5.1 détaille les neuf CGD ayant vu le jour au

Québec de 2001 à 2009. La section suivante présente un portrait de chacun des CGD

toujours en place actuellement.

5.2 Portrait des CGD québécois

5.2.1 Voyagez Futé

Le premier CGD québécois, Voyagez Futé, a été fondé en 2001 et fait partie des trois

initiatives pilotes lancées par l’AMT et financées par le MTQ. D’abord parrainé par

le développeur immobilier Cité Multimédia, le CGD devient un OBNL à part entière

en 2002. Selon le site internet de Voyagez Futé, la mission de ce CGD est de

« favoriser le développement et la promotion des alternatives viables à l’automobile

solo dans l’objectif d’améliorer la mobilité et l’environnement. » (Voyagez Futé,

2014). Depuis 2001, le CGD a fait affaire avec plus de 120 clients, majoritairement

en provenance du privé et incluant des entreprises, des institutions publiques et

parapubliques, des gestionnaires immobiliers de même que des promoteurs

immobiliers. Voyagez Futé dessert actuellement le centre-ville et l’est de Montréal,

de même que la Rive-Sud. Il est financé par une subvention de l’AMT, de même que

par les revenus engendrés par la fourniture de services.

Les services offerts par Voyagez Futé comprennent la réalisation de plans de

gestion des déplacements (PGD), la promotion et la vente de programmes de

transport alternatifs (titres de transports en commun, abonnements au vélo-partage ou

à l’auto-partage, plateforme de covoiturage, etc.), de même que la tenue d’ateliers, de

formations et de kiosques de sensibilisation et d’information, tels que des ateliers de

mécanique vélo. Un service-conseil est aussi offert pour des études ou expertises en

mobilité durable, incluant la réalisation de sondages sur les habitues de déplacement

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ou de profils d’accessibilités, la représentation de besoins en transports auprès des

acteurs locaux de transport, l’aide à la relocalisation ou encore l’aide au pointage

pour le volet transport de certifications environnementales (LEED, BOMA Best,

Campus durable, Entreprise en Santé, etc.). Outre ses services offerts aux

employeurs, Voyagez Futé organise des événements de sensibilisation aux modes de

transport alternatifs tels que le Défi sans auto, un concours qui incite les employés

des entreprises et institutions inscrites à utiliser un mode de transport autre que

l’auto-solo pour se rendre au travail. Un petit-déjeuner pour les entreprises et

institutions de Montréal est aussi organisé annuellement, en collaboration avec le

CGD de Saint-Laurent, pour remettre le prix Leaders en transport durable aux

employeurs de la région métropolitaine s’étant le plus démarqués dans la mise en

œuvre de mesures de mobilité durable. Enfin, au printemps 2014, Voyagez Futé a

lancé un nouveau produit pour les promoteurs immobiliers, le Passeport mobilité. Il

s’agit d’un abonnement d’un an au transport en commun, au vélo-partage et à l’auto-

partage que les promoteurs immobiliers peuvent offrir aux nouveaux acheteurs d’une

copropriété.

Actuellement, l’équipe de Voyagez Futé est dirigée par une directrice à temps

plein épaulée par quatre agents ou chargés de projet à temps plein et un consultant-

expert à temps partiel, complétés à l’occasion par un ou deux stagiaires. L’équipe est

chapeautée par un conseil d’administration (CA) composé de 13 membres élus en

provenance des milieux entrepreneurial, communautaire, universitaire, municipal et

des transports. De ces 13 membres, 12 sont des administrateurs, alors que l’un d’eux,

qui représente la Ville, est membre non votant. En plus de fixer les objectifs et les

enjeux propres au CGD, le CA crée des comités de travail sur des questions

particulières (ex : planification stratégique, produits et services) et permet au CGD

d’obtenir des ressources intéressantes, telles qu’un espace de travail à coût réduit.

Parmi les principaux partenaires de Voyagez Futé, il y a d’abord l’AMT, qui,

depuis l’automne 2013, a remplacé le MTQ comme principal bailleur de fonds de

Voyagez Futé. Ce changement date de la fusion d’un autre CGD montréalais,

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Mobiligo, avec Voyagez Futé. Selon les informations recueillies, il semblerait que les

deux CGD éprouvaient alors des difficultés financières, et que l’AMT leur a alors

promis un financement à condition que ceux-ci fusionnent, dans le but d’éviter un

dédoublement de ressources, mais aussi à cause du nombre moins important de

clients potentiels présents sur le territoire anciennement couvert par Mobiligo. En

plus du financement, le partenariat entre Voyagez Futé et l’AMT permet au CGD de

bénéficier d’un prêt de services au niveau des communications, du graphisme et des

finances. Voyagez Futé fait aussi la promotion du logiciel de covoiturage de l’AMT

auprès des entreprises. Outre l’AMT, Voyagez Futé entre en collaboration avec

différentes organisations liées au transport, telles que la STM, Vélo-Québec, BIXI et

Communauto. Cette collaboration se résume principalement à la promotion

qu’effectue le CGD pour les programmes ou services de ces organismes, avec parfois

une redevance sur les ventes. À quelques reprises, le CGD a représenté les besoins de

ses clients auprès de la STM, avec comme résultat des changements dans la desserte

de transport en commun. Finalement, Voyagez Futé a contribué aux plans locaux de

déplacements des arrondissements de Rosemont-La Petite Patrie, de Montréal-Nord

et de Saint-Léonard, en menant des sondages auprès des employeurs et des résidents

des secteurs concernant leurs habitudes de déplacements. Le rôle du CGD dans la

promotion des modes de transport alternatifs et d’accompagnement des employeurs

pour la mise en œuvre de mesures de transport durable est d’ailleurs mis de l’avant

dans le plan local de déplacement de Rosemont-La Petite Patrie, dévoilé en 2014.

5.2.2 CGD Saint-Laurent

Le CGD Saint-Laurent est mis sur pied en 2001 par l’AMT, en collaboration avec le

MTQ et un comité d’entreprises. Il fait alors partie des services aux entreprises offerts

par l’arrondissement de Saint-Laurent, jusqu’à ce que ces services soient intégrés

dans un OBNL créé en 2004, Développement économique Saint-Laurent (DESTL).

Depuis 2004, le CGD Saint-Laurent est donc l’un des services de DESTL, ce qui

explique que sa mission soit orientée vers la réponse aux besoins des entreprises. Le

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CGD Saint-Laurent a desservi près d’une soixantaine de clients depuis sa création,

incluant des entreprises et des regroupements d’entreprises (ex : parcs

technologiques), des institutions scolaires et de santé, des ministères et des

arrondissements. La majorité des clients proviennent de l’arrondissement Saint-

Laurent, bien que les services de CGD Saint-Laurent soient offerts pour l’ouest de

Montréal ainsi que les Laurentides. Le CGD est financé par le PAGMTAA du MTQ

et par la tarification de ses services, mais aussi par une subvention de

l’arrondissement Saint-Laurent, laquelle se traduit par une baisse de la tarification des

services du CGD pour les entreprises de ce secteur. Fait intéressant, le CGD Saint-

Laurent a obtenu en 2003 le prix du meilleur TMA en Amérique du Nord lors du 5th

International TMA Summit, à Montréal.

Les services offerts par le CGD Saint-Laurent incluent la réalisation de PGD

et la promotion des modes de transport collectifs et actifs par le biais de kiosques et

d’ateliers, de même que des services personnalisés incluant la gestion du

stationnement, la tenue de comités de réflexion sur la mobilité durable,

l’accompagnement à l’implantation ou à la délocalisation et la représentation des

besoins des clients auprès des organismes en transports collectifs, du gouvernement et

des municipalités. Le CGD opère aussi un service de prêt de vélos pour les

déplacements de travail des entreprises de Saint-Laurent et organise annuellement des

activités de sensibilisation telles que le PARK(ing) Day, le Défi sans auto, de même

que le petit-déjeuner des Leaders en transport durable en collaboration avec Voyagez

Futé.

L’équipe du CGD Saint-Laurent est formé d’une coordonnatrice, qui s’occupe

de la recherche de financement et de contrats et de la promotion de l’organisation,

puis de quatre chargés de projet en transport durable qui livrent les différents services

offerts par le CGD. Le CGD Saint-Laurent étant intégré dans DESTL, il est chapeauté

par le CA de ce dernier, lequel est composé de 11 administrateurs, incluant une

majorité de représentants d’entreprises ainsi que des représentants de

l’arrondissement Saint-Laurent. L’insertion du CGD dans DESTL lui permet aussi de

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bénéficier d’un partage de ressources au niveau de l’administration et des

communications, entre autres.

Dans le cadre de ses activités, le CGD Saint-Laurent est en lien avec différents

partenaires. D’abord, l’arrondissement Saint-Laurent, qui en plus de sa contribution

financière au CGD, l’a convié à participer à une table de concertation sur les

transports regroupant entre autres la STM et le service d’urbanisme de

l’arrondissement. Le CGD Saint-Laurent a aussi contribué à la réalisation du plan

local de déplacement de Saint-Laurent, où son rôle pour la promotion des modes de

transports alternatifs à la voiture et la réalisation des PGD est souligné. Ensuite, le

CGD collabore avec la STM en échangeant des données sur les déplacements des

entreprises, en faisant la promotion du programme de titres de transport en commun

de la STM pour les employeurs et en représentant les besoins de desserte en

transports collectifs de ses clients. Le CGD Saint-Laurent fait aussi la promotion du

logiciel de covoiturage de l’AMT et des services d’autres acteurs des transports

collectifs et actifs, tels que BIXI, Communauto et Vélo-Québec. Vélo-Québec, qui

offre un programme Vélo-Boulot pour les employeurs, avise d’ailleurs le CGD

lorsqu’une entreprise s’inscrit à son programme et offre des tarifs préférentiels aux

entreprises qui lui sont référées par le CGD Saint-Laurent. Parmi les autres

partenaires occasionnels du CGD se trouvent des organismes environnementaux tels

que Équiterre, le Conseil régional de l’environnement (CRE) de Montréal et le Jour

de la Terre, de même que des organismes de développement économique.

5.2.3 Mobili-T

En 2003, lors d’un colloque organisé par l’organisme de promotion des collectivités

viables Vivre en Ville et le CRE de la Capitale-Nationale, ces derniers prennent

connaissance de l’existence des CGD de Montréal. En collaboration avec Accès

transports viables, un organisme de défense des droits des usagers des transports

collectifs et actifs, ils décident d’enregistrer l’OBNL Mobili-T en 2004. Celui-ci ne

sera cependant véritablement actif qu’à partir des années 2007 et 2008, grâce au

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financement du PAGMTAA. Selon le site internet de Mobili-T, sa mission est de

« concrétiser le concept de développement durable en matière de transport : il propose

ainsi une gamme de mesures adaptées aux besoins et au contexte d’une entreprise ou

d’une institution désirant améliorer l’accessibilité de son (ses) édifice(s) » (Mobili-T,

2014). La clientèle visée par le CGD de Québec couvre les employeurs privés et

publics, mais aussi d’autres générateurs de déplacements tels que les arrondissements,

les centres d’achats, ou encore les établissements scolaires. Depuis ses débuts,

Mobili-T a desservi plus d’une trentaine de clients, principalement des ministères

provinciaux et des institutions publiques et parapubliques, de même que quelques

entreprises ou regroupements d’entreprises privées. L’aire de desserte de Mobili-T

inclut les régions de la Capitale-Nationale (à l’exception de la MRC Charlevoix), de

Chaudière-Appalaches et du Bas-Saint-Laurent, bien que la majorité de ses activités

se concentrent à l’intérieur de la Communauté métropolitaine de Québec (CMQ), soit

dans les villes de Québec et de Lévis. Comme tous les autres CGD, Mobili-T est

financé par la subvention du MTQ et par la tarification de ses services. Il a aussi reçu

une aide financière de la CMQ pendant quelques années, mais ce financement a été

coupé en 2013.

Les services offerts par Mobili-T comprennent des Stratégies Mobili-T, qui

sont en fait des PGD, ainsi que des activités de sensibilisation incluant des

conférences, formations ou ateliers théoriques ou techniques (ex : ateliers de

mécanique vélo). Le CGD réalise aussi des plans individuels de déplacements

personnalisés en fonction des trajets réalisés par les employés d’un générateur de

déplacement, qui détaillent la durée, les économies réalisées et la quantité de gaz à

effet de serre épargnée pour chaque mode de transport. Un des premiers services

offerts par Mobili-T, Vélo-Ville permet aux employeurs et institutions participants

d’avoir accès à une flotte de vélos pour leurs déplacements de travail. Le CGD offre

par ailleurs de prêter temporairement des vélos à des employés pour qu’ils essaient ce

mode de transport dans leurs déplacements domicile-travail. Mobili-T fait aussi la

promotion et la vente de logiciels de covoiturage de même que des programmes de

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fidélisation des sociétés de transport de la CMQ. De plus, se présentant comme expert

en mobilité durable, Mobili-T peut réaliser des études et des mandats personnalisés

tels que de la gestion de stationnement, des sondages et des analyses cartographiques,

ainsi que la mise sur pied de tables de concertation. Enfin, le CGD contribue au volet

employeur de la Semaine des transports collectifs et actifs (STCA) organisée par

Accès transports viables et s’occupe du Défi sans auto. Mobili-T invite les entreprises

à participer à différentes activités de réseautage sur le thème de la mobilité durable

(déjeuners-conférences, cocktails, etc.).

Au niveau des ressources humaines, Mobili-T est dirigé par une directrice à

temps partiel, qui occupe aussi la direction de l’organisme Éco Bâtiments et la

direction adjointe de Vivre en Ville. Elle est appuyée par une coordonnatrice et deux

chargés de projets à temps plein et par d’autres ressources partagées avec Vivre en

Ville et Accès transports viables, entre autres pour l’administration. Le CA de

Mobili-T est formé de cinq administrateurs, avec trois sièges réservés pour les

fondateurs du CGD (Vivre en Ville, Accès transports viables et le CRE de la

Capitale-Nationale) et deux sièges non réservés actuellement occupés par un

représentant d’une institution et un représentant d’un regroupement d’entreprises.

Trois autres membres non votants siègent actuellement sur le CA, soit des

représentants de la CMQ et des sociétés de transport de Québec et de Lévis.

Parmi les partenaires de Mobili-T se trouvent ses organismes fondateurs,

Accès transports viables et Vivre en Ville; ensemble, ces trois organismes, en plus de

se partager des ressources et d’être tous trois situés au Centre culture et

environnement Frédéric Back, collaborent à différents niveaux. Le premier travaille

avec le CGD pour faire la promotion des modes de transport collectifs et actifs;

cependant, il œuvre davantage auprès du grand public, alors que Mobili-T se

concentre sur les grands générateurs de déplacements. Le deuxième, Vivre en Ville,

qui se préoccupe de l’aménagement durable du territoire, va par exemple souligner le

rôle du CGD lorsqu’il est question de la localisation des activités sur le territoire; par

ailleurs, le directeur de Vivre en Ville est aussi le président de Mobili-T. Au niveau

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des autorités du transport, le CGD entretient des liens avec les deux principales

sociétés de transport de la CMQ, soient le RTC et la ST de Lévis : Mobili-T va

parfois échanger des données sur les habitudes de déplacements de ses clients avec

ces dernières et faire de la représentation de leurs besoins, ou encore convier une

société de transport à participer à un comité de mobilité mis en place pour un

générateur de déplacements important. Le CGD peut aussi promouvoir les

programmes de fidélisation des sociétés de transport auprès des employeurs. Ensuite,

Mobili-T est en lien avec des transporteurs régionaux et ruraux situés à l’extérieur de

la région métropolitaine; la directrice de Mobili-T préside d’ailleurs l’Association des

transports collectifs ruraux du Québec. En ce qui concerne les autorités municipales,

Mobili-T travaille particulièrement avec la Ville de Québec, qui en plus d’être un

client du CGD, peut aussi participer aux comités de mobilité des générateurs de

déplacements afin d’aider à la mise en œuvre des mesures prévues dans les PGD.

Dans son plan de mobilité durable (PMD) de 2011, la Ville de Québec encourage les

entreprises et institutions de 100 employés et plus à se doter d’un PGD. Dans cet

esprit, en décembre 2013, la Ville a convié les employeurs de son territoire à une

rencontre d’information et de sensibilisation où Mobili-T a présenté le processus d’un

PGD; une rencontre de suivi à ce sujet était prévue à l’automne 2014. Finalement,

Mobili-T collabore occasionnellement avec d’autre organismes liés à

l’environnement, la santé et la mobilité durable, tels que Vélo-Québec, dont elle est le

mandataire à Québec pour le programme Vélo-Boulot, le CRE de la Capitale-

Nationale, Groupe Entreprises en santé et Communauto.

5.2.4 Roulons Vert

En 2008, Vire-Vert, un OBNL de tourisme durable mis sur pied dans la foulée du

mouvement de revitalisation Démarche des premiers quartiers de Trois-Rivières et

visant à fonder un « hôtel-école », en vient à s’intéresser à la question du transport en

raison des impacts environnementaux causés par les déplacements touristiques. Vire-

Vert met donc en place un centre de transport durable dans ses bureaux et forme un

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comité de travail en transport durable regroupant plusieurs professionnels et acteurs-

clés du secteur des transports à Trois-Rivières. Avec l’aide financière du PAGMTAA

pour la création de CGD, le centre de transport durable est incorporé en 2009 pour

devenir un OBNL à part entière, Roulons Vert. Le site web de Roulons Vert énonce

sa mission ainsi : « Notre mission est de développer des solutions alternatives à

l’auto-solo et de promouvoir la mobilité des individus dans un souci de

développement durable » (Roulons Vert, 2012). Couvrant les territoires de la

Mauricie et du Centre-du-Québec, le CGD compte près d’une quinzaine de clients,

principalement des institutions scolaires, de santé ainsi que des ministères

provinciaux, bien que ses services visent aussi les entreprises privées. Roulons Vert

tire ses revenus du PAGMTAA de même que du Fonds d’action québécois pour le

développement durable (FAQDD), en plus de la tarification de ses services.

Les services offerts par Roulons Vert incluent, comme ailleurs, la réalisation

de PGD et de plans de déplacement personnalisés, la représentation des clients auprès

des acteurs de transport locaux, de même que du service-conseil en mobilité durable,

incluant la gestion de stationnement et de flotte, l’aide à la localisation, l’animation

de tables de concertation en transport ou tout autre mandat lié à la mobilité durable.

De plus, le CGD de Trois-Rivières a un important volet « éco-événementiel » destiné

à la sensibilisation des employeurs, mais aussi du grand public, aux modes de

transports collectifs et actifs. En effet, Roulons Vert est le coordonnateur provincial

du Défi sans auto, une initiative originaire de Trois-Rivières qui, depuis 2010, est

aussi organisée par chaque CGD québécois dans leur propre région. Roulons Vert

organise aussi plusieurs autres activités d’information et de sensibilisation, dont la

programmation de la Semaine en ville sans ma voiture et une promenade thématique à

vélo durant l’été.

L’équipe de Roulons Vert est constituée d’un directeur, d’une adjointe

administrative et de cinq chargés de projet en communications/design, mobilité

durable et éco-événementiel, auxquels s’ajoutent occasionnellement des étudiants ou

des stagiaires. Le CA de Roulons Vert est formé de 6 administrateurs en provenance

d’organismes environnementaux, d’employeurs privés et publics, ainsi que de la

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Société de transport de Trois-Rivières (STTR). La Ville de Trois-Rivières y est aussi

présente à titre d’observateur.

Les principaux partenaires de Roulons Vert incluent d’abord la STTR, dont le

directeur préside le CGD, qui participe à la table de concertation en transport durable

du Carrefour du savoir. Cette table, animée par le CGD et découlant du comité de

travail en transport durable de 2008, regroupe le CSSS de Trois-Rivières, une

université, un cégep, un collège privé et une commission scolaire qui forment un

pôle, le « Carrefour du savoir », générateur de plusieurs déplacements à Trois-

Rivières. La STTR participe aussi au Défi sans auto organisé par le CGD en offrant le

service de transport en commun gratuitement lors de cette journée; elle fournit des

panneaux d’affichage pour des publicités du CGD et lui donne accès à ses données

pour la réalisation des PGD, dont les résultats lui sont ensuite envoyés par Roulons

Vert. La STTR a aussi recours aux services du CGD pour quelques mandats, comme

du géo-référencement, des études de faisabilité ou encore l’enregistrement vocal des

noms d’arrêts. La Ville de Trois-Rivières collabore également avec le CGD en

participant à la table de concertation du Carrefour du savoir et en nommant un

membre observateur sur le CA de Roulons Vert, lequel participe aux discussions et au

développement de stratégies. Roulons Vert transmet aussi à la Ville les résultats de

ses PGD. Ensuite, le CGD bénéficie parfois de services d’étudiants et de professeurs

l’Université du Québec à Trois-Rivières, que ce soit au niveau du tourisme ou du

marketing, pour la réalisation d’études et pour de la sensibilisation. Afin d’élargir ses

activités à l’extérieur de Trois-Rivières, Roulons Vert a commencé à établir des

partenariats avec les corporations de transport régional, en assurant entre autres

l’animation d’une table de concertation des transporteurs régionaux. Finalement, le

CGD tente de rester en contact avec les autres organismes communautaires de Trois-

Rivières, particulièrement ceux en économie sociale.

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5.2.5 CADUS

Le CGD de Saguenay doit sa création à une initiative de la Société de transport du

Saguenay (STS) avec les institutions d’éducation post-secondaire à Saguenay. En

2008, une table de concertation regroupant la STS, les cégeps de Chicoutimi et de

Jonquière, de même que l’Université du Québec à Chicoutimi (UQAC) est mise sur

pied afin d’étudier la possibilité de développer une passe de transport en commun

pour les étudiants, de même qu’une initiative de covoiturage. L’annonce du

PAGMTAA la même année est vue par la STS comme une opportunité de mettre en

place un CGD qui permettra de coordonner la concertation et les projets en transport

avec les institutions d’éducation, mais aussi de les élargir à d’autres enjeux de

transport locaux. En 2009, suite aux démarches de la STS, le Centre alternatif de

déplacement urbain du Saguenay (CADUS) est créé, avec pour mission de « favoriser

l’utilisation des modes de transport alternatif à l’auto-solo dans une perspective de

développement durable et ce, en ayant à cœur le bien commun dans notre contexte

régional » (CADUS, 2010). En plus de la STS, des deux cégeps et de l’université, les

deux commissions scolaires et les deux CSSS de Saguenay, de même que la Ville de

Saguenay et une entreprise d’informatique se rajoutent pour former le CA du

CADUS. Chacun des membres du CADUS paie une cotisation annuelle en échange

d’un siège au conseil d’administration. Les cotisations assurent un revenu récurrent

au CGD, qui s’ajoute à l’aide reçue du PAGMTAA et aux revenus des services

effectués. Le CADUS dessert l’ensemble des régions du Saguenay-Lac-Saint-Jean, de

la Côte-Nord, du Bas-Saint-Laurent et de la Gaspésie – Îles-de-la-Madeleine, bien

que la majorité de ses activités se concentrent dans la Ville de Saguenay et ses

environs. La clientèle visée par le CADUS inclut les entreprises, commerces et

institutions, la majorité de ses clients actuels provenant de ce dernier groupe,

particulièrement les institutions membres du CA du CGD.

Le principal service offert par le CADUS est le programme ICI sans auto, une

démarche pour la réalisation d’un PGD destinée aux grands générateurs de

déplacements. Le CGD offre aussi un programme Au boulot sans auto-solo. Mis sur

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pied avec un appui financier de l’Agence de santé et de services sociaux (ASSS) de la

région, ce programme est destiné aux institutions, commerces et industries (les

« ICI ») de 25 à 100 employés afin d’encourager les modes de transport actifs auprès

de ces derniers. Il s’agit d’une plateforme web à laquelle les employés peuvent

s’inscrire et obtenir des données à propos de leurs déplacements quotidiens, telles que

les calories brûlées, les GES ou les litres d’essence épargnés, en fonction du mode de

transport utilisé. Outre ces programmes, le CADUS réalise aussi différents mandats

d’expertise-conseil en mobilité durable, qu’il s’agisse de portions de PGD, d’études

de faisabilité ou encore de plans de déplacements. Le CADUS a d’ailleurs contribué à

la réalisation du diagnostic pour les plans territoriaux de mobilité durable de

Saguenay-Lac-Saint-Jean et de Côte-Nord. Il a aussi déjà offert différents services

orientés vers les personnes âgées, tels que des plans personnalisés de déplacements

pour cette clientèle et des PGD pour les résidences. Finalement, le CADUS offre des

conférences, ateliers et kiosques sur la mobilité durable et organise des activités de

sensibilisation telles que le Défi sans auto pour les entreprises, et la Journée en ville

sans ma voiture pour le grand public.

Au quotidien, les activités du CADUS sont réalisées par une équipe formée

d’un coordonnateur et de trois chargés de projet, avec parfois des stagiaires ou des

employés occasionnels. Les directives sont données par le CA, composé de neuf des

dix membres fondateurs du CGD, l’entreprise d’informatique s’étant retirée à la fin

de la première année du CADUS. Le CA comporte un comité exécutif formé de cinq

administrateurs, qui est assez impliqué dans les activités du CGD, surtout au niveau

de la planification annuelle et stratégique. Le CGD s’est d’ailleurs réorganisé en

2012-2013, suite au départ de l’ancien directeur, dont le poste a été changé pour celui

d’un coordonnateur. Durant la période de réorganisation, c’est l’actuel président du

CGD qui a assuré l’intérim à la tête des employés.

La STS, étant à l’origine de la fondation du CADUS, est aussi l’un de ses

principaux partenaires. La STS loue des locaux au CGD à faible coût, en plus de

contribuer à faire connaître ses services. En échange, le CGD fait la promotion des

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programmes de la STS, par exemple en tenant des kiosques lors des rentrées

scolaires. Le CADUS a occasionnellement réalisé des mandats pour la STS, tels que

des études pour le développement de nouvelles clientèles. Le CGD entretient aussi

des liens étroits avec l’UQAC; un comité sur les transports durables y a été instauré

par l’éco-conseiller de l’université, qui est aussi le président du CADUS, pour la mise

en œuvre du PGD. D’ailleurs, plusieurs des employés du CADUS sont des éco-

conseillers formés à l’UQAC, détentrice de la Chaire en éco-conseil. La Ville de

Saguenay collabore avec le CGD en lui fournissant des données pour la réalisation

des PGD, entre autres au niveau de la cartographie, et Promotion Saguenay, un

organisme de développement économique et touristique, peut parfois commanditer ou

promouvoir les événements de sensibilisation du CADUS. Le CGD interagit aussi

avec l’ASSS du Saguenay-Lac-Saint-Jean pour mettre sur pied des initiatives

régionales de promotion des transports actifs, de même qu’avec les directions

régionales du MTQ de Saguenay-Lac-Saint-Jean et de Côte-Nord pour la réalisation

de plans territoriaux de mobilité durable. Finalement, le CADUS entretient des liens

avec différents organismes environnementaux ou de transport, tels que Vélo-Québec,

Équiterre, Amigo Express ainsi que des fournisseurs de transport régionaux,

principalement dans le but de diffuser des informations sur les programmes et

services offerts par ces derniers.

5.2.6 MOBI-O

À Gatineau, la création du CGD a été précédée d’une étude, la Stratégie de

déplacements pour Gatineau et sa région, réalisée entre 2008 et 2010 à la demande

de la Ville de Gatineau, en partenariat avec l’organisme Vivre en Ville, la Société de

transport de l’Outaouais (STO), ainsi qu’une firme de consultants. Cette étude

comprend deux volets : d’abord, une étude de faisabilité et de marché pour un CGD à

Gatineau, qui souligne la présence d’une demande pour un tel organisme; puis, la

stratégie de gestion des déplacements à proprement parler, qui prévoit la mise sur

pied d’un OBNL tenant lieu de CGD et planifie la répartition des responsabilités entre

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le CGD, la Ville et la STO. Entre le dépôt de l’étude finale et le lancement officiel du

CGD, Vivre en Ville est mandaté pour commencer à offrir des services en GDT à

Gatineau, sous la supervision d’un comité paritaire entre la STO et la Ville. Le CGD

de Gatineau est incorporé en 2011, sous le nom de MOBI-O; toutefois, suite à des

délais dans l’arrivée du financement, le CGD ne sera lancé officiellement qu’en

septembre 2012. La mission de MOBI-O, telle que rapportée sur son site web,

consiste à « favoriser le développement de solutions novatrices en matière de gestion

des déplacements et de transport durable » (MOBI-O, 2014). Le CGD, financé par le

MTQ, la Ville de Gatineau et la STO, de même que par les revenus sur les services

offerts, est surtout actif à Gatineau, mais dessert l’ensemble de l’Outaouais. Ses

services visent les générateurs de déplacements tels que les employeurs privés et

publics, les gestionnaires immobiliers, les centres d’achat et les institutions

d’enseignement post-secondaire. Depuis 2009, MOBI-O a traité avec une dizaine de

clients, la majorité étant des employeurs publics.

L’offre de services de MOBI-O inclut les Stratégies MOBI-O, soit la

réalisation d’un PGD, de même qu’un Service à la carte qui correspond à la

réalisation de portions d’un PGD. Le CGD offre aussi une expertise-conseil en

mobilité durable pour des mandats spécifiques incluant la réalisation d’analyses

coûts-bénéfices entre différents modes de transport, de la représentation des besoins

en transport auprès des acteurs-clés, de même que l’animation de comités et tables de

concertation en transport. Enfin, MOBI-O offre des conférences et kiosques de

sensibilisation, et est gestionnaire d’une plateforme de covoiturage pour l’Outaouais.

Par ailleurs, MOBI-O organise aussi différentes activités et campagnes de

sensibilisation des modes de transport collectifs et actifs destinées aux entreprises et

institutions; le CGD organise ainsi le Défi sans auto et un déjeuner-conférence sur la

gestion des déplacements dans le cadre de la STCA à Gatineau, qui est coordonnée

par Vivre en Ville.

L’équipe de MOBI-O est composée d’une directrice à temps partiel, qui

consacre l’autre partie de son temps à la direction de Vivre en Ville pour l’ouest du

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Québec, de même que d’une coordonnatrice et de deux chargés de projet à temps

plein. Le CA du CGD comporte sept sièges, dont deux sièges réservés à la Ville de

Gatineau et deux sièges réservés à la STO, les trois autres sièges « libres » étant

occupés par des représentants du milieu des affaires et du milieu institutionnel, de

même que d’autres bailleurs de fonds du CGD (ex : le MTQ).

À l’instar des autres CGD, MOBI-O collabore avec plusieurs acteurs locaux et

régionaux au niveau des transports et du développement durable. Chaque fois qu’un

PGD est réalisé, le CGD envoie les résultats du diagnostic à la STO pour information;

celle-ci fournit aussi des données cartographiques à MOBI-O, de même que des titres

d’essai pour le transport en commun dans le cadre du Défi sans auto. La Ville de

Gatineau fournit elle aussi des données géomatiques au CGD. Elle lui fait aussi une

place dans les plans d’action de sa Stratégie de gestion des stationnements de

Gatineau et de son Plan de déplacements durables, dans lesquels le CGD est appelé à

faire de la promotion des modes de transports alternatifs à l’auto-solo et à réaliser des

PGD pour les générateurs de déplacements de Gatineau. Par ailleurs, MOBI-O est lié

à l’organisme Vivre en Ville, avec lequel le CGD partage non seulement sa directrice,

mais aussi ses locaux de Gatineau, en plus de bénéficier d’un prêt de services au

niveau de l’administration et des communications et de collaborer au volet employeur

de la STCA à Gatineau coordonnée par Vivre en Ville. Au niveau régional, MOBI-O

a siégé au comité consultatif régional en transport de la Conférence régionale des élus

de l’Outaouais, et a mis sur pied une plateforme de covoiturage en collaboration avec

le Regroupement des transports collectifs et adaptés ruraux de l’Outaouais, la Table

Jeunesse Outaouais et la Table Éducation Outaouais. Gatineau faisant partie de la

région métropolitaine de Gatineau-Ottawa, le CGD entretient des liens avec

l’Envirocentre d’Ottawa, dans l’objectif d’étendre la GDT du côté ontarien de la

frontière. Par ailleurs, MOBI-O collabore occasionnellement avec d’autres

organisations œuvrant dans des domaines connexes au transport, tels que la

Corporation de Transport Collectif des Collines, Action Vélo Outaouais, Vélo-

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Québec, le Réseau Vélo-Boulot, le CREDDO, Enviro Éduc-action, Loisir Sport

Outaouais, l’ASSS de l’Outaouais et BIXI.

5.2.7 D’autres initiatives de GDT au Québec : le Centre de mobilité durable de

Sherbrooke et STL Solution mobilité durable

Les six CGD présentés précédemment représentent le modèle le plus répandu de

GDT au Québec à l’intention des générateurs de déplacements. Il existe au moins

deux autres initiatives en la matière au Québec, sur lesquelles nous ne nous

attarderons pas dans le cadre de ce mémoire, mais que nous vous présentons

brièvement.

Le Centre de mobilité durable de Sherbrooke (CMDS) a vu le jour en 2009

grâce au volet de fonctionnement des CGD du PAGMTAA. Contrairement aux autres

CGD, le CMDS est un comité paritaire entre la Ville de Sherbrooke et la Société de

Transport de Sherbrooke, dont les activités sont réalisées par un employé municipal à

temps partiel. Le mandat principal du CMDS a été de voir à la réalisation d’un PMD

pour Sherbrooke, adopté en 2012 et développé en concertation avec un comité de

pilotage composé d’une quarantaine d’organismes locaux provenant de différents

secteurs d’activités. Le PMD de Sherbrooke prévoit la réalisation de PGD dans les

entreprises avec l’accompagnement du CMDS, mais il ne semble pas y avoir eu

beaucoup d’activités en ce sens depuis son lancement; en effet, durant la dernière

année, des articles de journaux notent un ralentissement des activités du CMDS

depuis le lancement du PMD. Par ailleurs, le CMDS organise annuellement des

activités de sensibilisation grand public aux modes de transports collectifs et actifs,

tels que la Journée en ville sans ma voiture.

Une autre initiative de GDT à destination des générateurs de déplacements qui

diffère des CGD est le service STL Solution mobilité durable lancé en 2012 par la

Société de Transport de Laval (STL). Ce service offre gratuitement un

accompagnement aux employeurs publics et privés de Laval dans la réalisation d’un

PGD. Il ne s’agit pas de la première expérience de la STL en gestion de la demande

en transport : en 2004, la STL avait lancé, en partenariat avec la Chambre de

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commerce et d’industrie de Laval et l’AMT, le programme Allégo Laval, destiné à la

fois aux employeurs et au grand public. Ce programme offrait des rabais dans

différents commerces aux individus s’engageant à utiliser des modes de transports

alternatifs à l’auto-solo, ainsi qu’un accompagnement aux entreprises désirant réaliser

un PGD. Allégo Laval avait cessé ses activités vers 2006-2007 face au peu

d’engouement suscité par le projet, et la desserte de Laval avait alors été assurée par

le CGD Saint-Laurent jusqu’au lancement de STL Solution mobilité durable.

5.3 Les CGD : un modèle semblable avec des particularités locales

Globalement, un modèle général semble ressortir à partir des portraits individuels de

chacun des CGD, bien que ceux-ci conservent des particularités locales. Voici un

aperçu des similitudes et des divergences observées entre les six CGD à l’étude.

5.3.1 Un mandat commun, des origines diverses

En général, la mission des CGD se ressemble d’un endroit à l’autre; celle-ci réfère

souvent à la promotion des modes de transport actifs et collectifs et à l’avancement de

la mobilité durable, particulièrement chez les grands générateurs de déplacements.

Cette ressemblance tient probablement au fait que les CGD doivent pouvoir cadrer à

l’intérieur de la définition que le PAGMTAA donne des CGD afin de bénéficier de

cette subvention : « Un CGD est un organisme sans but lucratif dont la mission

principale est d’agir à la gestion des déplacements auprès des entreprises et des

établissements publics et parapublics » (MTQ, 2007). Bien que l’existence des CGD

soit en grande partie permise grâce au PAGMTAA, nous constatons que la mise sur

pied des CGD n’est pas étrangère aux dynamiques locales. En effet, alors que les

CGD de Montréal ont émergé d’une initiative de l’autorité organisatrice de transport

de la région métropolitaine – l’AMT – en partenariat avec des organisations de

développement économique, celui de Trois-Rivières est lié à une démarche de

revitalisation socioéconomique, tandis que celui de Saguenay est le fruit d’une

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concertation préalable entre la société de transport et les institutions du centre-ville,

aux prises avec des problèmes de stationnement. À Québec, le CGD a émergé d’une

collaboration entre des organismes en développement durable que plusieurs

répondants ont qualifié de « tissés serrés », alors qu’à Gatineau, c’est d’abord une

étude entreprise par la Ville, en partenariat avec un organisme environnemental et la

société de transport, qui a mené à la création du CGD. Si les acteurs et les motifs à

l’origine des CGD diffèrent, nous notons toutefois que, dans tous les cas, c’est

d’abord un travail de collaboration entre deux partenaires ou plus qui a précédé leur

arrivée.

5.3.2 Des structures similaires

Bien que la définition d’un CGD donnée par le PAGMTAA sous-entende qu’il doit

s’agir d’un OBNL, l’aide financière peut tout de même être accordée à des sociétés de

transport, des MRC ou des municipalités à l’extérieur des régions métropolitaines de

Montréal et de Québec. Malgré tout, la majorité des CGD sont des OBNL à part

entière, à l’exception du CGD de Saint-Laurent, qui est en fait l’un des services

offerts par un OBNL de développement économique. Certains participants aux

entretiens ont tenu à préciser que les CGD étaient des entreprises d’économie sociale,

puisqu’une partie de leurs revenus provient de la vente de services, même si

l’organisme n’a pas comme vocation de générer des profits. Cette façon d’envisager

les CGD comme une entreprise est essentielle afin d’assurer le financement de ces

organismes, qui contrairement à d’autres, ne sont pas entièrement financés par des

subventions et doivent donc se soucier de leur développement d’affaires :

Tu sais, je pense que c’est important de développer… je fais partie de plusieurs

CA d’autres entreprises d’économie sociale ou bien d’autres organismes

communautaires, puis des fois on prend des bons intervenants communautaires

pour les mettre directeurs d’entreprises, puis, je ne pense pas que ce soit une

bonne idée. Ça prend des développeurs en entreprise, ça te prend des… je

pense que le monde qui sont en direction d’une entreprise comme un CGD […]

faut que ce soit des gens qui sont capables de vendre les services, qui aient des

idées pour développer la chose, faut que tu sois capable de consolider aussi

[…]. Mais, faut que ton profil de directeur soit beaucoup plus quelqu’un, un

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businessman, que quelqu’un qui est d’un profil social. Mais, ça prend quand

même quelqu’un qui ait une fibre sociale, sinon t’es pas à ta place en économie

sociale. (R2)

Pour un autre répondant, le titre d’entreprise en économie sociale est aussi plus

approprié pour un organisme qui interagit avec une clientèle d’affaires, qui assimile

les OBNL davantage à « des équipes de hockey amateur » (M1) qu’à une entité qui

offre des services professionnels.

Étant donné leur statut d’OBNL, les CGD sont chapeautés par un CA, lequel

compte entre cinq et treize administrateurs, avec parfois des membres observateurs

qui s’ajoutent. Les administrateurs sont généralement des représentants d’organismes

communautaires ou environnementaux, d’institutions ou d’entreprises, de même que

des autorités municipales et de transport. Il est intéressant de noter que dans certains

endroits, les villes et les sociétés de transports ont des représentants qui sont

administrateurs du CGD, alors que dans d’autres cas, ces institutions participent à

titre d’observateurs seulement, en raison de politiques internes ou afin d’éviter des

situations de conflits d’intérêts. Comme dans tout autre OBNL, le CA est chargé

d’adopter les orientations, le budget et les documents de planification des CGD, alors

que la gestion des affaires courantes revient au directeur ou au coordonnateur et à son

équipe de chargés de projet, laquelle varie de deux à six employés à temps plein, avec

parfois des stagiaires ou employés occasionnels. Les employés des CGD ont

généralement une formation dans l’un ou plusieurs des domaines suivants :

environnement, géographie, urbanisme, aménagement, administration, gestion,

communication et marketing. Ceux des quatre premiers groupes de provenance

travaillent généralement sur le contenu des PGD et des études réalisés par le CGD, les

deux groupes suivants à la direction et à la gestion du CGD, et les deux derniers à la

promotion des services, au recrutement de la clientèle et à l’organisation des activités

de sensibilisation.

En termes de planification, les CGD sont tenus de produire un plan d’affaires

avec des objectifs annuels sur trois ans pour le MTQ afin d’obtenir l’aide du

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PAGMTAA. Ils doivent aussi déposer un rapport d’activités, des états financiers et

des prévisions budgétaires annuellement, ce qui permet d’effectuer le suivi du plan

d’affaires. Certains CGD adoptent aussi des planifications trimestrielles. En général,

les documents de planification sont d’abord réalisés par la direction du CGD, pour

ensuite être modifiés au besoin et adoptés par le CA, bien que certains CA

s’impliquent davantage que d’autres dans le processus de planification. Actuellement,

les CGD qui doivent renouveler leur plan d’affaires triennal soulignent la difficulté de

planifier à long terme, alors que les programmes de subventions provinciales au-delà

du 31 décembre 2014 ne sont pas connus : « […] tant que ce n’est pas sorti, on ne sait

pas où est-ce qu’on s’en va » (R2).

Le budget annuel d’un CGD oscille entre 150 000$ et 450 000$. Les

subventions provinciales, telles que le volet de fonctionnement des CGD du

PAGMTAA et d’autres fonds tels que le FAQDD, représentent la source de

financement la plus répandue parmi les CGD, suivie de la tarification des services. En

général, le taux horaire des services rendus par les CGD se situe entre 60$ et 75$ de

l’heure. Certains CGD ont d’autres sources de revenus, tels que le CADUS qui

bénéficie d’une cotisation annuelle des membres de son CA, alors que les CGD de

Gatineau, Québec et Saint-Laurent reçoivent une aide financière du milieu municipal.

Voyagez Futé fait bande à part, puisqu’il est le seul à ne pas avoir recours au

PAGMTAA, qu’il a substitué par une contribution de l’AMT depuis l’automne 2013.

À noter que les CGD qui organisent plusieurs activités de sensibilisation grand

public, tels que le CADUS et Roulons Vert, ont généralement un budget plus élevé

puisqu’ils bénéficient de subventions associées à l’organisation de tels événements.

Ainsi, à quelques exceptions près, les CGD ont une forme et une structure

semblables. Cependant, l’existence d’autres initiatives telles que STL Mobilité

durable et le CMDS n’est pas sans créer de débat parmi les différents acteurs qui font

partie ou qui interagissent avec les CGD. Ce débat sur la forme ou la structure idéales

d’un CGD sera abordé au chapitre VI.

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5.3.3 Une offre de services diversifiée

Le territoire desservi par un CGD inclut généralement une ville ou une région

métropolitaine d’importance, où ses activités sont concentrées, de même qu’une ou

plusieurs régions moins peuplées et plus vastes. Les exceptions sont les CGD de

Montréal, qui doivent se répartir le territoire d’une seule région métropolitaine – qui

est toutefois beaucoup plus peuplée que les régions urbaines couvertes par les autres

CGD –, de même que le CGD de Gatineau, qui couvre seulement la partie québécoise

de la région métropolitaine de Gatineau-Ottawa.

Les générateurs de déplacements constituent la clientèle visée par l’ensemble

des CGD. Cette catégorie inclut les employeurs, les institutions publiques et

parapubliques et leurs regroupements, alors que certains CGD y incluent aussi les

centres d’achats de même que les gestionnaires et les promoteurs immobiliers. Parmi

les services qui sont offerts aux générateurs de déplacements, on retrouve la

réalisation de PGD ou de portions d’un PGD (sondage, diagnostic transport, etc.) de

même que des services d’expertise-conseil en mobilité durable, qui incluent la

représentation des besoins auprès des acteurs de transport, des études de faisabilité,

de la cartographie, de même que l’animation de tables ou de comités de mobilité

durable. L’ensemble des CGD offrent aussi la tenue de kiosques ou d’ateliers

d’information et de sensibilisation en entreprise. Certains services sont offerts par

quelques CGD seulement : la réalisation de plans de déplacements personnalisés pour

les employés, la gestion d’un système de vélos en libre-service et celle d’une

plateforme de covoiturage ou encore de transports actifs.

En plus de desservir les générateurs de déplacement, plusieurs CGD œuvrent

auprès d’instances telles que les sociétés de transport, les MRC, les villes, les

arrondissements, ou même les directions régionales du MTQ, pour lesquelles ils

contribuent à la réalisation de diagnostics territoriaux de transport, de plans locaux de

déplacements ou autres mandats liés à la mobilité durable. Enfin, les CGD de Trois-

Rivières et de Saguenay ont aussi un volet grand public, en vertu duquel ils

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organisent des activités de sensibilisation telles que la Journée en ville sans ma

voiture.

Bref, les CGD offrent une gamme assez variée de services, qui se ressemblent

d’une région à l’autre, à quelques exceptions près. La clientèle et le territoire

desservis, qui se ressemblent aussi globalement, de même que les services offerts,

font toutefois l’objet de débats qui seront explicités dans le prochain chapitre.

5.3.4 Des partenaires communs

Dans le cadre de leurs activités, les CGD ont à collaborer avec différents types

d’acteurs, qui sont généralement les mêmes d’une région à l’autre : les autorités

organisatrices de transport (AOT) – telles que les sociétés de transport et l’AMT –,

les instances municipales, les OBNL en transport et en environnement, de même que

les autres CGD.

La collaboration des deux premiers groupes d’acteurs, les AOT et les

instances municipales, est vue comme cruciale par plusieurs répondants, étant donné

le pouvoir qu’ils ont sur le système de transport, comme le montrent ces deux

témoignages :

Parce que si tu regardes la loi, la compétence transport sur le territoire de la

ville […] est partagée entre deux : entre la ville et la [société de transport], et

puis le MTQ pour l’autre partie. (O2)

Quand on arrive à des constats, bien on va aller voir les personnes en

conséquence, qui ont une influence là-dessus […]. Si tu es un CGD puis que tu

ne travailles pas et avec la ville, et avec ta société de transport, je pense que

t’es dans le champ. (R2)

En effet, cette collaboration est essentielle à la mise en œuvre de certaines mesures

recommandées dans les PGD et qui sont sous l’autorité des municipalités ou des

sociétés de transport, telles que l’ajout ou la modification d’infrastructures piétonnes

et cyclistes, ou encore de lignes ou d’arrêts d’autobus. Dans ces cas, le CGD doit

faire de la représentation des besoins de ses clients auprès des municipalités ou des

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sociétés de transport, ce qui nécessite d’entretenir une bonne relation avec ces

instances. Souvent, les instances municipales et les AOT fournissent gratuitement des

données géomatiques aux CGD pour la réalisation de leurs mandats; en échange, il

arrive que les CGD leur acheminent les résultats de leurs études. Il arrive aussi

fréquemment que les CGD fassent la promotion des programmes de transport en

commun des AOT pour les étudiants ou les employés. Généralement, les autorités

municipales et de transports sont impliquées de près ou de loin dans les activités du

CGD : elles peuvent avoir participé à leur mise sur pied, leur verser une contribution

financière, participer à leur CA à titre d’administrateur ou d’observateur ou même

être un client du CGD. La reconnaissance du rôle des CGD par ces acteurs,

notamment dans leurs documents de planification, est importante puisqu’elle

contribue à leur notoriété et à leur crédibilité auprès de la clientèle.

[…] le réseau de contact qu’on [avait], on pouvait asseoir du monde de la

[société de transport], de la Ville, en dedans d’une semaine, à une table par

exemple au parc techno, puis faire une rencontre sur un projet, d’avoir toutes

les bonnes personnes autour de la table. Ça, les entreprises se sentent pas…

bien sentent qu’il se passe de quoi, puis que tu les prends en charge, puis que tu

réponds à leurs besoins. Puis ça, en termes de crédibilité, c’est important. (M5)

En plus de ces deux partenaires majeurs, les CGD entretiennent des liens

d’importance variable avec des organisations locales ou provinciales dont les sphères

d’activités gravitent principalement autour des domaines du transport actif et

collectif, de l’environnement et de la santé.

La collaboration entre les CGD et les organisations de transports collectifs et

actifs telles que BIXI, Communauto ou encore Vélo-Québec va pratiquement de soi,

puisque les services offerts par ces acteurs sont souvent mobilisés dans le cadre des

actions recommandées par les CGD dans les PGD. Il s’agit essentiellement d’une

collaboration à sens unique, le CGD faisant la promotion de ces organismes, bien

qu’ils puissent parfois recevoir des tarifs préférentiels ou des redevances de la part de

ces derniers en échange, ou encore des commandites dans le cadre d’événements de

sensibilisation.

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D’autres partenaires « naturels » des CGD sont les organismes

environnementaux et de développement durable. Dans la plupart des régions, les

CGD sont en contact avec les CRE et Équiterre, de même qu’avec d’autres

organismes plus locaux, dont ils peuvent emprunter des outils de sensibilisation ou

avec lesquels ils peuvent s’associer pour organiser des campagnes de promotion des

modes de transport alternatifs à l’auto-solo. Les CGD de Gatineau et de Québec ont

une collaboration encore plus grande avec Vivre en Ville, leurs directrices respectives

étant aussi impliquées dans la direction de cet organisme. À Québec, en particulier, le

CGD entretient des liens étroits avec plusieurs organismes environnementaux

regroupés dans le Centre culture et environnement Frédéric Back, dont Vivre en Ville

et Accès transports viables. Ces organismes partagent des ressources humaines, mais

aussi des administrateurs : il n’est pas rare qu’un membre du CA d’un de ces

organismes soit aussi à l’emploi d’un autre.

Outre les organismes environnementaux et de transport, plusieurs CGD

collaborent avec des entités liées à la santé, notamment les Agences de santé et de

services sociaux (ASSS), en raison du lien entre les saines habitudes de vie et les

transports actifs. Ainsi, l’ASSS peut, comme c’est le cas à Saguenay dans le cadre du

programme Au boulot sans auto-solo, financer des initiatives du CGD pour

promouvoir l’utilisation du vélo ou de la marche auprès des employeurs :

Y’a beaucoup de leurs actions qui sont portées par le CGD, beaucoup

d’actions régionales qui sont… qui sont servies par le CGD. Puis ça, ça nous

aide aussi dans le financement, puis ça nous aide aussi à se faire connaître.

Puis ça serait aussi à ces organismes-là, ces institutions-là, à faire la

promotion de leurs saines habitudes de vie, parce qu’ils ont des responsabilités

là-dessus aussi. (C2)

D’autres organismes, comme Groupe Entreprises en santé, collaborent aussi avec les

CGD dans le cadre des activités de promotion des modes de transport actifs dans les

entreprises.

Finalement, un autre groupe de collaborateurs d’importance pour un CGD

consiste en l’ensemble des autres CGD. Depuis 2010, l’Association des Centres de

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gestion des déplacements du Québec (ACGD) permet de rassembler les CGD des

différentes régions. Née d’une initiative de la directrice de Mobili-T, il s’agit avant

tout d’une table de concertation où se réunissent des représentants des CGD de

Montréal, Québec, Saguenay, Trois-Rivières et Gatineau, de même qu’un

représentant du CMDS, qui est présent à titre d’observateur. L’ACGD tient entre trois

et cinq rencontres par année, permettant aux CGD de partager leurs projets et leurs

expériences, ou encore de suivre des formations communes. Ainsi, les CGD plus

récents bénéficient de l’expérience et d’outils développés par les CGD plus anciens,

ce qui n’était pas nécessairement le cas avant la mise sur pied de l’ACGD, comme en

témoigne un répondant : « On a tellement gagné là-dessus, tu sais, combien de fois

est-ce que les CGD ont réinventé la roue, qu’ils ont développé un service qui avait

déjà été fait par un autre CGD? » (R2). L’ACGD sert aussi de véhicule pour

représenter et défendre les intérêts des CGD auprès du gouvernement provincial et

leur permettre de parler d’une seule voix, via leur présidente, qui est actuellement la

directrice de Mobili-T. Par exemple, lors des consultations du MTQ pour

l’élaboration de la PQMD en 2013, l’ACGD a déposé un mémoire dans lequel elle

effectue différentes demandes quant au financement et au mandat que devraient avoir

les CGD. Enfin, cette association facilite la coordination de projets à l’échelle

provinciale, tels que le Défi sans auto, qui est présentement coordonné par Roulons

Vert, mais qui pourrait éventuellement l’être par l’ACGD. Une des demandes faite

dans le mémoire pour la PQMD traite d’ailleurs de la volonté de l’ACGD d’être

reconnue comme l’organisation mandatée pour coordonner les efforts du MTQ en

matière de mobilité durable sur le territoire québécois.

De façon générale, nous constatons donc que l’ensemble des CGD entretient

un réseau de partenaires œuvrant dans des champs d’activités similaires, bien que

l’importance de ces partenariats varie d’un CGD à l’autre. L’impact de la

collaboration et des partenariats dans le travail des CGD sera approfondi dans le

chapitre VI.

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5.3.5 Des problématiques locales et des défis particuliers

Les CGD partagent plusieurs défis que nous expliciterons dans le prochain chapitre. Il

y a cependant des problématiques locales qui sont vécues par certains CGD

seulement et qui viennent influencer leur travail.

Par exemple, le centre-ville de Montréal étant déjà bien desservi en termes

d’infrastructures de transports collectifs et actifs, il peut être plus ardu pour Voyagez

Futé de recruter des clients en misant sur une amélioration de l’accessibilité à leur

site. Cette difficulté est toutefois compensée par la grande concentration d’entreprises

et donc de clients potentiels pour le CGD au centre-ville, de même que par l’intérêt

des entreprises à attirer et à retenir la main-d’œuvre jeune et branchée, comme en

témoigne ce client de Voyagez Futé :

On veut aussi nous positionner un peu plus clairement en termes d'attraction,

rétention de la main-d’œuvre. Parce qu'on pense... en tout cas, moi je pense

qu'à Montréal, notamment, surtout chez les jeunes, on le voit dans les

sondages, les jeunes se motorisent de moins en moins, c'est moins attractif

d'avoir un permis de conduire, ils veulent du temps utile, donc... c'est

intéressant pour eux d'avoir une ligne internet wi-fi dans l'autobus, puis de

travailler en mettant le pied dans le bus. (M5)

L’autre CGD de Montréal, à Saint-Laurent, compte aussi plusieurs entreprises, mais

contrairement au centre-ville, l’accessibilité en transport collectif et actif des secteurs

qu’il dessert, notamment l’arrondissement Saint-Laurent qui est très industriel, est

beaucoup moindre, ce qui représente une problématique d’attractivité et de rétention

de la main-d’œuvre pour les employeurs. Ainsi, les actions du CGD sont

particulièrement tournées vers la représentation des besoins en desserte de transport

en commun auprès de la STM, ou encore des initiatives de covoiturage. En général, la

forte congestion observée dans la région de Montréal est vue, du moins par plusieurs

répondants des autres régions du Québec, comme un autre facteur qui vient faciliter le

travail de promotion des modes de transport alternatifs des CGD montréalais.

À Québec, les répondants ont mentionné la présence d’une mentalité plus

conservatrice chez la population, jumelée à une forte culture automobile et une

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absence de problèmes de congestion très importants, ce qui entrave en partie le travail

de sensibilisation des CGD aux modes de transports durables. Plusieurs ont

mentionné avoir observé une augmentation des problèmes de congestion routière au

cours des dernières années. Alors que pour certains il s’agit d’un facteur qui pourrait

changer la perception de la population face aux transports collectifs et actifs, d’autres,

comme ce répondant, sont plus sceptiques :

Mais ça, moi, je trouve que c’est au niveau culture, au niveau… c’est drôle,

tous les problèmes d’engorgements qu’on a, ça ne change rien dans la culture,

en disant : « ah bien, je vais prendre l’autobus ». Pas du tout. Même, on sent

plutôt que les gens, si on pouvait faire voler les autobus, ce serait l’idéal. (M2)

Cette problématique d’une mentalité conservatrice et du « tout à l’auto » est aussi

relevée par des répondants à Trois-Rivières ainsi qu’à Saguenay :

Les gens, très attachés à leur véhicule, très conservateurs… très peu enclins

naturellement à changer leurs habitudes, on n’est pas une contrée de

novateurs… (R1)

Dans la mentalité d’ici, c’est plus facile de vendre un projet de 10 millions de

dollars en stationnement qu’un projet de 1 million de dollars en transport en

commun. (C2)

Dans ces deux endroits, les CGD font face à un manque d’intérêt pour les transports

collectifs et actifs, mais aussi à des réseaux de transports collectifs et actifs moins

développés et peu compétitifs, de même qu’à l’absence de problèmes de congestion

ou de stationnements. À Saguenay, en particulier, la faible densité et l’étalement

urbain compliquent grandement la desserte en transport en commun. Dans ces deux

régions, le fait qu’il y ait encore beaucoup de travail pour l’amélioration de

l’accessibilité en transports collectifs et actifs peut cependant jouer en leur faveur.

Étant donné le nombre moins important d’organismes environnementaux présents

comparativement à Québec et Montréal, les CGD de Saguenay et de Trois-Rivières

peuvent élargir leur champ d’action, par exemple en organisant des activités de

sensibilisation grand public. L’élargissement du mandat des CGD permet de

compenser pour le nombre moins important de grands générateurs de déplacements

sur leurs territoires de desserte. D’ailleurs, à Saguenay, la faible présence de grands

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employeurs a poussé le CADUS à développer son programme Au boulot sans auto-

solo pour les PME. Le travail de ce CGD, en évaluant individuellement la demande

des générateurs de déplacements, permet aussi de pallier à l’absence d’enquêtes

Origine-Destination dans la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean, comme en témoigne

ce répondant :

Une des particularités que l'on a régionalement, c'est qu'on est la seule région

administrative où il n'y a pas d'enquête origine-destination, même vieille. Y'a

certaines régions administratives, comme les régions de Sherbrooke, Trois-

Rivières, qui en sont à leur 2 ou 3e enquête Origine-Destination. Chez nous, on

n'a pas ça dans la région, donc c'est une faiblesse importante, que ce soit au

niveau régional ou municipal, on a de la misère justement à faire le lien entre

les besoins des gens et la concentration des déplacements. Donc la gestion de la

demande, pour nous, localement, elle est difficile à faire. La seule façon d'en

arriver à avoir une idée de la gestion de la demande, c'est justement en allant

dans les générateurs d'achalandage pour faire des études internes à l'intérieur

d’un bloc, pour être capable de voir, un petit peu, les besoins, et de mixer, si on

veut, les besoins au sein des différentes institutions. (C2)

Finalement, une problématique particulière à laquelle le CGD de Gatineau

doit faire face est la présence de la frontière provinciale qui sépare la région

métropolitaine de Gatineau-Ottawa. Celle-ci confine les actions de MOBI-O, qui est

principalement subventionné par le gouvernement provincial, du côté québécois de la

région, alors que plusieurs Gatinois doivent traverser du côté d’Ottawa pour

travailler, et vice-versa. Bien que la région compte sur la présence d’un très grand

employeur et générateur de déplacements, le gouvernement fédéral, ce dernier est

difficilement accessible à MOBI-O. En effet, les PGD sont commandés séparément

par ministères; or, un même ministère peut avoir des bureaux dans différents édifices,

ou, au contraire, peut occuper un édifice avec d’autres ministères, alors qu’il est plus

simple de réaliser un PGD pour un seul site dans son ensemble. Le contexte

transfrontalier de la région de Gatineau-Ottawa et le fait qu’il s’agisse de la Région

de la capitale nationale rend aussi plus ardue la concertation en transport, les acteurs

concernés étant nombreux : « C’est déjà compliqué, ici en région, le nombre

d’acteurs. On est… c’est un club sandwich à bien des étages, tu sais » (O2).

Finalement, comme à Saguenay, Gatineau a un territoire très étendu, faisant en sorte

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que le développement d’infrastructures piétonnes, cyclistes et de transport en

commun efficaces s’avère particulièrement dispendieux.

Globalement, les informations ci-dessus nous montrent que les CGD ne sont pas

insensibles aux dynamiques locales dans lesquelles ils s’insèrent, celles-ci se reflétant

à la fois dans leur mise sur pied, leurs services, leurs partenariats et leurs défis

respectifs. Toutefois, dans leur ensemble, nous constatons qu’à ces particularités près,

les CGD présentent un mandat, une structure et des activités similaires qui permettent

d’en tracer un modèle général, présenté au Tableau 5.2. Dans la section suivante,

nous comparons ce modèle à des expériences de GDT ailleurs dans le monde décrites

au chapitre IV.

Tableau 5.2. – Caractéristiques générales des CGD québécois

Caractéristiques partagées par l’ensemble ou

la majorité des CGD

Exceptions

Forme

OBNL Service d’un OBNL de

développement

économique

Territoire

de desserte

Une région métropolitaine ou une ville

importante et sa région

Partie d’une région

métropolitaine

Origines

Partenariat entre des acteurs municipaux, des

transports, économiques, environnementaux et

sociaux

Programme d’aide financière du gouvernement

provincial

Partenaires

Gouvernement provincial

Autorités organisatrices de transport

Communautés métropolitaines et municipalités

Organismes en transport, environnement et santé

Autres CGD

Budget

annuel

De 150 à 450 K$

Sources de

revenus

PAGMTAA (60-75% du fonctionnement des

CGD)

Contribution des municipalités ou des sociétés

de transport

Revenus sur les services

Subvention de l’AMT

Cotisation des membres

Autres subventions

provinciales

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Personnel

Directeur ou coordonnateur

2 à 6 chargés de projet

Stagiaires ou employés occasionnels

Formation du personnel : aménagement,

urbanisme, géographie, administration, gestion,

communications, marketing

CA

5 à 13 administrateurs

Provenance des administrateurs : municipalités,

autorités organisatrices de transport, organismes

environnementaux ou communautaires,

entreprises, institutions

Clientèle

Générateurs de déplacements, incluant :

Entreprises privées

Institutions publiques ou parapubliques

Promoteurs et gestionnaires immobiliers

Grand public

Services

offerts

Plans de gestion des déplacements

Service-conseil en mobilité durable (études,

représentation des besoins en mobilité,

animation de tables de concertation, etc.)

Promotion et sensibilisation aux modes de

transports collectifs et actifs

Plans de déplacement

personnalisés

Gestion de vélos libre-

service, de plateformes de

covoiturage ou de

transports actifs

5.4 Les CGD face aux expériences de GDT hors du Québec

Le chapitre IV présentait la définition de la GDT et ses stratégies, de même que des

manières de l’évaluer, ainsi que des expériences concrètes de GDT en Amérique du

Nord et en Europe. Somme toute, les informations recueillies montrent que les CGD

québécois s’inscrivent dans la foulée de ces expériences, en particulier celles des

TMA aux États-Unis et du conseil en mobilité en France.

5.4.1 Définition de la GDT, stratégies et évaluation

Les définitions de la GDT énoncées dans la documentation consultée sont assez

semblables à celles retrouvées dans la littérature, qui désignent un ensemble de

stratégies ou de techniques visant à influencer les comportements de déplacements.

Ainsi, dans son mémoire déposé dans le cadre des consultations pour la PQMD,

l’ACGD définit la GDT comme suit :

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Tout comme la lutte contre le tabagisme, les stratégies de gestion de la

demande en transport sont une combinaison essentielle d’incitatifs, de

campagnes de sensibilisation et de politiques qui vont permettre aux personnes

de changer leurs habitudes de déplacement. (ACGD, 2013)

Dans l’une des vidéos réalisées par le CGD de Québec, on indique que la GDT

correspond à « influencer le moment, le moyen et l’endroit où les gens se déplacent ».

Lorsque nous leur avons demandé de définir la GDT, plusieurs participants aux

entretiens ont souligné le fait que la GDT visait à influencer les comportements des

individus, mais aussi, en amont, à connaître la demande en transport et les raisons

sous-jacentes à celle-ci. Ils soulignent que c’est cette analyse de la demande qui

permet de trouver les stratégies à utiliser pour ensuite l’influencer : « La demande est

super importante, c’est important de connaître les intentions des gens, savoir

comment ils se déplacent, qu’est-ce qui ferait qu’ils pourraient changer de mode de

transport » (M4). Plusieurs participants ont soulevé que l’objectif principal des

mesures de GDT était de favoriser l’utilisation de modes de transport alternatifs à

l’auto-solo et qu’il s’agissait d’ailleurs du mandat principal des CGD, que ce soit par

de la sensibilisation ou par la mise en œuvre de stratégies concrètes. D’aucuns ont

aussi mis en évidence le lien, parfois confondant, entre la demande et l’offre en

transport. Un répondant aux entretiens fait cependant une distinction claire entre

gestion de la demande et gestion de l’offre en transport :

[La GDT] c’est tout… l’autre côté de la médaille, c’est-à-dire la raison pour

laquelle tu te déplaces, le quand, le pourquoi, le comment tu te déplaces, donc

la gestion de la demande, on va aller jouer justement sur toutes ces questions-là

pour essayer de changer la façon dont les gens se déplacent au final. (O1)

Pour un autre participant, la GDT permet d’optimiser l’utilisation de l’offre actuelle

de transport :

Bien en fait, la gestion de la demande ou des déplacements, la nuance par

rapport aux gens qui travaillent globalement en mobilité durable, c’est qu’on

essaie d’optimiser les possibilités de déplacement actuelles avant d’essayer

d’améliorer ou d’augmenter les infrastructures, donc avant d’augmenter la

fréquence des autobus, de rajouter des voies sur les autoroutes, c’est d’essayer

d’optimiser ce qui existe déjà. (M1)

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Un participant confondait sans s’en rendre compte le concept de GDT avec celui de

gestion de l’offre, avançant, par exemple, que la GDT permet de connaître la

demande, et donc d’adapter l’offre en transport collectif ou actif en conséquence

plutôt que d’agir directement sur la demande pour l’adapter à l’offre actuelle.

D’autres participants montraient cependant clairement l’interdépendance entre offre

et demande en transport soulevée entre autres par Ferguson (1990) :

[…] parce qu’on peut parler de gérer la demande, mais tu finis toujours par

toucher à l’offre un peu, ils sont intimement liés. Tu peux toucher la demande,

ça va influencer l’offre, tu peux toucher l’offre, ça va influencer la demande.

Fait que bien souvent, tu peux implanter une mesure, ça va être de l’offre, ça va

directement changer ta demande. Un parcours d’autobus, il n’y en a pas, tu en

mets un, tu joues sur l’offre, mais la demande va apparaître. (M4)

La gestion de la demande, où elle est primordiale, c’est que oui, tu as beau faire

de l’offre, bien si la demande ne suit pas, tu es fait. Puis ça, il y a deux écoles

de pensée. Il y en a qui disent : « Mettons plus d’autobus, puis on les remplira

après. » Puis il y en a d’autres qui disent : « Bien mettons une pression sur la

demande, puis... ». Moi je pense que si tu veux développer des affaires comme

il faut, il faut que tu répondes à un besoin aussi, ça fait que je pense que les

deux doivent se faire en parallèle. (R2)

Outre le lien entre offre et demande en transport, des participants ont soulevé le fait

que la GDT était un petit créneau pas nécessairement très connu à l’intérieur de la

mobilité durable, et que sa mise en œuvre impliquait plusieurs partenaires au-delà des

seuls CGD.

Les CGD mettent de l’avant plusieurs stratégies de GDT à travers leurs

activités. Ces stratégies concernent généralement l’échelle locale et visent avant tout

les déplacements domicile-travail, étant donné que les CGD travaillent surtout avec

des employeurs individuels ou des regroupements d’employeurs sur un territoire

restreint, tels qu’un parc technologique ou industriel. Les PGD sont les principaux

mécanismes d’implantation de stratégies de GDT utilisés par les CGD. Le processus

d’élaboration d’un PGD est sensiblement le même d’un CGD à l’autre et peut être

divisé en quatre grandes étapes détaillées au Tableau 5.3. La plupart des stratégies de

GDT détaillées dans le chapitre précédent (Tableau 4.1) peuvent être recommandées

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dans le plan que le CGD présente à son client, en particulier les incitatifs et les

mesures temporelles. Les stratégies présentes dans le plan peuvent avoir été choisies

uniquement par le CGD ou en collaboration avec son client.

Tableau 5.3 – Les grandes étapes d’un PGD

Étape Description

Diagnostic

Analyse de la demande et de l’offre en transport par la réalisation d’un

sondage sur les habitudes de déplacement des employés et d’un profil

d’accessibilité de l’employeur en fonction des différents modes de

transport

Plan Présentation d’une série de stratégies de GDT recommandées en

fonction des résultats du diagnostic

Mise en œuvre Accompagnement de l’entreprise dans la mise en œuvre des stratégies

de GDT

Bilan

Réalisation d’un deuxième sondage sur les habitudes de déplacement

des employés et évaluation des résultats des stratégies de GDT. Peut

mener à la réalisation d’un nouveau PGD.

La dernière étape du PGD est l’évaluation des résultats une fois les stratégies de

GDT mises en œuvre. Celle-ci se fait normalement en mesurant des indicateurs tels

que le changement dans les parts modales avant et après la mise en place du PGD, le

taux moyen d’employés ou d’occupation par véhicule, les VKM, etc. Toutefois, peu

de clients des CGD, à l’exception de quelques entreprises « modèles » devant

répondre à des normes environnementales, réalisent cette dernière étape, que ce soit

par manque d’intérêt ou de moyens. Souvent, les résultats recueillis se limitent à des

données sur le nombre d’activités réalisées (les intrants) ou la participation des

employés à différentes mesures (les extrants), sans qu’un calcul des impacts sur la

quantité de GES ou de litres d’essence épargnées ne soit effectué. Ce constat

converge avec le celui effectué au chapitre IV quant à la relative absence de résultats

montrant les impacts concrets des mesures de GDT. Le manque d’intérêt de la part

des entreprises à effectuer une évaluation du PGD peut s’expliquer du fait que celles-

ci, lorsque le volet employeurs du PAGMTAA était encore en place, ne pouvaient

demander du financement pour une évaluation. De plus, l’évaluation ayant lieu un an

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après le début du processus de PGD, il est peu probable que des changements très

marqués se soient produits tout juste après l’implantation de mesures de GDT.

C’est très difficile, parce qu’en plus, c’est pas comme dans peut-être d’autres

domaines où, au bout d’un an, on peut revenir et voir c’est quoi l’évolution.

Les gens, le comportement, ça prend énormément de temps, il faudrait être

payé à chaque année pour retourner refaire des sondages, voir l’évolution, etc.

Or, l’employeur ne veut pas défrayer ces coûts-là. (M1)

Ainsi, comme le résume un client d’un CGD, les entreprises préfèrent investir dans la

mise en œuvre des stratégies de GDT plutôt que dans leur évaluation : « On l’a pas

refait [l’évaluation] parce qu’on a d’autres projet, puis on s’attend pas mal aux

mêmes résultats dans le fond » (M3). L’évaluation des stratégies de GDT est aussi

compliquée par le fait qu’il est difficile de départager l’effet de ces stratégies de

facteurs externes, tels qu’une amélioration d’un service de transport en commun, sur

le changement de comportement d’un individu. Un répondant compare ainsi les

stratégies de GDT à « des gouttes d’eau » (R2) parmi tant d’autres qui influencent

aussi les choix de déplacement individuels. Malgré tout, la plupart des participants en

provenance des CGD s’entendent pour dire qu’une évaluation à long terme des

stratégies de GDT mises en œuvre chez leurs clients serait nécessaire, et c’est en ce

sens que l’ACGD a recommandé, dans son mémoire pour la PQMD, qu’un

financement pour l’évaluation des PGD soit accordé par le MTQ.

Ainsi, nous constatons que les CGD basent leur action sur une définition de la

GDT qui correspond à celle relevée dans la littérature et que leurs actions et les

stratégies qu’ils mettent de l’avant s’inscrivent bel et bien dans une approche de

GDT. Nous terminons ce chapitre en comparant les CGD aux deux mécanismes

d’implantation de la GDT relevés au chapitre IV qui s’en rapprochent le plus : les

TMA et le conseil en mobilité.

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5.4.2 Un modèle proche des TMA et des conseils en mobilité

Plusieurs participants aux entretiens ont mentionné que les CGD étaient inspirés des

modèles européens et états-uniens de GDT, en particulier les Transportation

Management Associations (TMA) originaires des États-Unis, ainsi que les conseils en

mobilité et les plans de déplacements en France. Le Tableau 5.4 reprend les

caractéristiques générales des CGD présentées au Tableau 5.2 et les compare à celles

des TMA et du conseil en mobilité, présentées au Chapitre IV.

Tableau 5.4 – Comparaison entre les modèles québécois, états-unien et français de

GDT

CGD

(Québec)

TMA

(États-Unis/ Canada)

Conseil en mobilité

(France)

Forme

OBNL OBNL Variée :

Service d’une ville

OBNL (Agence locale de

mobilité)

Entreprise privée / firme

de consultants

Territoire de

desserte

Région métropolitaine ou

une ville importante et sa

région

Région métropolitaine ou

une ville et ses environs

Territoire d’une autorité

organisatrice de transport

urbain (une ou plusieurs

communes)

Origines

Partenariat entre des

acteurs municipaux, des

transports, économiques,

environnementaux et

sociaux

Programme d’aide

financière du

gouvernement provincial

Partenariat entre des

acteurs économiques,

environnementaux et

municipaux

Programmes d’aide

financière nationaux ou

étatiques

Obligation légale pour les

villes de plus de 100 000

habitants d’instaurer un

service de conseil en

mobilité

Partenaires

Gouvernement provincial

Autorités organisatrices

de transport

Municipalités

Organismes en transport,

environnement et santé

Autres CGD

Entreprises

Municipalités

Gouvernement d’État

Organismes

Autorités organisatrices

de transport

Gouvernement national

Autorités organisatrices

de transport urbain

Communes

Entreprises

Organismes

environnementaux

Budget

annuel

De 150 à 450 000 $ De 250 à 500 000 $US N/D

Sources de

revenus

Subventions

gouvernementales

Contribution des

municipalités ou des

sociétés de transport

Revenus sur les services

Subventions

gouvernementales

Cotisation des membres

Revenus sur les services

Subventions

gouvernementales pour

les PGD

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120

Employés

3 à 7 employés à temps

plein

Formation du personnel :

aménagement, urbanisme,

géographie,

administration, gestion,

communications,

marketing

Moyennes de 2 employés

temps plein,

1 employé temps partiel

Formation des directeurs:

transports, marketing,

administration, gestion,

aménagement,

environnement et

communications

N/D

CA

5 à 13 administrateurs

Provenance des

administrateurs :

municipalités, autorités

organisatrices de

transport, organismes,

entreprises, institutions

Moyenne de 30 membres

votants

Provenance des

administrateurs :

Entreprises, institutions,

élus, organismes,

gouvernement étatique,

autorités municipales,

autorités organisatrices de

transport

N/D

Clientèle

Entreprises

Institutions

Promoteurs et

gestionnaires immobiliers

Entreprises

Institutions

Promoteurs immobiliers

Entreprises privées

Institutions

Communes

Citoyens

Services

offerts

Plans de gestion des

déplacements

Service-conseil en

mobilité durable

Promotion et

sensibilisation

Plans de gestion des

déplacements

Service-conseil en

mobilité durable

Promotion et

sensibilisation

Opération de services de

transport (ex : navette)

Plans de gestion des

déplacements

Service-conseil en

mobilité durable

Promotion et

sensibilisation

N/D : information non disponible

Ce tableau permet d’abord de constater plusieurs similitudes entre le modèle

des CGD et celui des TMA. Tous deux sont généralement des organismes

indépendants qui desservent une ville ou région métropolitaine importante et ses

environs, et qui mettent en lien des acteurs institutionnels, privés et communautaires.

Le budget moyen des TMA est semblable quoique légèrement supérieur à celui des

CGD, et les subventions gouvernementales forment une partie importante de leurs

revenus, avec la tarification des services. Toutefois, les TMA bénéficient

généralement d’un revenu important tiré de la cotisation annuelle de leurs membres,

qui sont souvent plus d’une cinquantaine. Il s’agit d’une différence importante par

rapport aux CGD, qui n’ont généralement pas de système de membership et encore

moins de cotisations importantes, à l’exception du CADUS, bien que les CGD

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121

puissent bénéficier de subventions de municipalités et autorités organisatrices de

transport. Le nombre important de membres des TMA se reflète dans leurs CA, qui

peuvent compter une trentaine de membres votants, alors que les CA des CGD

comptent rarement plus de dix administrateurs. Les CGD comptent toutefois sur une

plus grande équipe d’employés que la plupart des TMA. Au niveau du type de

clientèle et des services offerts, les CGD et les TMA se ressemblent, bien que les

TMA offrent parfois en plus l’opération de services de transport tels que des navettes.

En ce qui concerne le modèle français du conseil en mobilité, celui-ci

s’éloigne davantage des CGD. D’abord, bien qu’il puisse adopter la forme d’un

OBNL, le conseil en mobilité peut aussi bien être offert par un service d’une ville ou

une firme de consultants; il présente donc des modèles beaucoup plus hétérogènes

que les CGD, même s’il interagit généralement avec le même type d’acteurs

(institutionnels, privés et communautaires). Le territoire desservi est cependant

similaire à celui d’un CGD, soit une ou plusieurs municipalités ou communes, bien

que dans le cas du conseil en mobilité l’aire de desserte soit déterminée par le

territoire de l’autorité organisatrice de transport correspondante. Faute de données sur

le budget, le conseil d’administration et les employés des conseils en mobilité, il nous

est impossible de comparer avec les CGD; toutefois, la grande diversité de formes

que peuvent adopter les conseils en mobilité nous porte à croire que ces

caractéristiques varient sensiblement d’un endroit à l’autre. Nous savons cependant

que, contrairement aux CGD, les conseils en mobilité ne sont pas financés par le

gouvernement pour leur fonctionnement, bien que des subventions pour la réalisation

d’un PGD employeur existent. Finalement, la clientèle desservie par les conseils en

mobilité s’étend au-delà des générateurs de déplacements privés et publics pour

s’adresser aux citoyens et aux communes, ce qui n’est pas le cas pour la majorité des

CGD.

La comparaison des CGD avec d’autres modèles de GDT hors du Québec

nous permet de constater plusieurs similitudes avec ces derniers, entre autres au

niveau des services offerts, des partenariats entretenus avec une multitude d’acteurs et

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du territoire desservi. Les CGD se rapprochent particulièrement du modèle états-

unien des TMA, qui existent maintenant depuis plus d’une vingtaine d’années. Cela

n’est pas surprenant, plusieurs répondants ayant mentionné que les CGD ne tentaient

pas de « réinventer la roue » (M1; O2; R2), mais plutôt de construire sur les

expériences passées.

En définitive, ce chapitre aura permis de répondre aux deux premiers objectifs de

notre recherche, soit de tracer un portrait détaillé des six CGD québécois tout en

mettant en lumière leurs caractéristiques distinctives, puis de les replacer dans le

contexte plus global de la GDT et des expériences précédentes effectuées à l’extérieur

du Québec. De plus, cet exercice nous a permis de cerner les relations qu’ils

entretiennent avec les autres acteurs des transports et de relever certaines dimensions

substantives et procédurales de la planification renouvelée portées par les CGD, telles

que l’identification aux principes et aux objectifs de la mobilité durable et

l’importance qu’ils confèrent aux partenariats avec des acteurs à la fois publics et

privés. Maintenant que le modèle des CGD a été démystifié, nous nous attarderons

davantage, au prochain chapitre, à définir la contribution de ces acteurs au

renouvellement de la planification en transport et à la mise en œuvre de la mobilité

durable.

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123

CHAPITRE VI – LA CONTRIBUTION DES CGD À LA MISE EN ŒUVRE

DE LA MOBILITÉ DURABLE

La mobilité durable en tant qu’approche de planification des transports suppose

l’adoption de procédures et d’un contenu spécifiques. Au chapitre II, nous avons vu

les différentes dimensions procédurales et substantives d’une approche de mobilité

durable en opposition à une approche plus traditionnelle de la planification des

transports. Grâce aux données recueillies par le biais des entretiens semi-dirigés et de

la documentation consultée, nous tentons ici de situer les CGD par rapport à ces deux

approches. Nous serons ainsi en mesure de dégager leur contribution à la mise en

œuvre de la mobilité durable ainsi que les défis limitant cette contribution. Nous

poursuivons en présentant les enjeux actuels et à venir pour les CGD, puis nous

terminons le chapitre avec une réflexion sur les constats vers lesquels nous mènent

nos résultats en lien avec le renouvellement de la planification des transports et, plus

globalement, de la planification territoriale.

6.1 Vers des pratiques « renouvelées » de la planification

Nous avons vu qu’au niveau procédural, la mobilité durable peut être assimilée à une

approche de planification « renouvelée », inspirée des approches collaboratives, dont

les dimensions sont explicitées au Tableau 2.1. Cette approche mise aussi sur une

plus grande coordination des acteurs des transports entre eux de même qu’avec les

acteurs de l’aménagement; les niveaux de cohésion que cette coordination peut

atteindre de même que les facteurs l’influençant sont présentés aux Tableaux 2.2 et

2.3. À la lumière de ces trois grilles d’analyse, voici comment les CGD se

positionnent quant aux procédures qu’ils mettent de l’avant.

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124

6.1.1 Les CGD comme catalyseurs de la collaboration et d’une approche durable

De façon générale, la plupart des actions des CGD s’inscrivent dans une approche

renouvelée de la planification des transports, qui s’appuie entre autres sur la

collaboration avec une multitude d’acteurs. Tout d’abord, contrairement aux

approches plus classiques, centralisées, top-down et sectorielles, les CGD adoptent

une approche plutôt bottom-up, décentralisée et intégrée. En effet, les PGD qu’ils

réalisent sont d’abord alimentés par les besoins et la demande des employés ainsi que

de leurs employeurs. De plus, bien que la phase d’élaboration d’un PGD soit surtout

effectuée par le CGD, sa mise en œuvre implique avant tout le générateur de

déplacement concerné, de sorte que l’implantation des mesures proposées par les

CGD dans leurs plans se fait de manière assez décentralisée. En considérant des

stratégies de GDT pour l’ensemble des modes de transport, nous pouvons aussi

avancer que les CGD adoptent une approche intégrée au niveau des solutions

proposées. Toutefois, une certaine sectorialité persiste dans le fait que les PGD se

réalisent auprès de clients individuels; un participant soulignait d’ailleurs la volonté

d’un CGD d’intégrer l’ensemble des PGD de plusieurs générateurs de déplacements

d’un même quartier et l’utilité d’un tel exercice pour faire valoir les besoins d’un

secteur auprès des autorités en transport :

On en a fait des constats [à travers les PGD] : il manque de traverses de

piétons, les lumières sont synchronisées… Oui, mais qu’est-ce qu’on fait avec

ça? Alors c’est pour ça que je veux unir nos diagnostics, avoir un mandat clair

via les enjeux dont on s’est dotés ici, pour qu’on s’en aille faire une

présentation à la ville de ce qu’on aurait de besoin. (C3)

Certains PGD sont faits pour un ensemble de générateurs de déplacements, comme un

parc technologique, mais il s’agit d’une minorité de cas, qui comportent aussi leur lot

de difficultés.

Une fois on l’a fait dans un secteur qui regroupait beaucoup de grosses

entreprises, puis là on a fait une offre de services divisée par entreprise, donc

ça a réduit les coûts. Puis là je me suis dit : « wow, ça y est », j’étais en train de

réaliser un rêve […] on a fait un comité d’entreprises dans un secteur pour

améliorer ce secteur-là, puis chacun avait payé, on a fait un comité, puis on a

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125

échangé les codes postaux… On a pété des scores en termes d’heures, mais on

est allés jusqu’au bout, et finalement ça a été plus de temps passé sur

l’administratif à aller chercher la signature de l’offre de services en même

temps de chacune, et que chacune paye les factures qu’on avait faites… ça a

été tellement de temps d’administratif par rapport aux résultats qui en sont

sortis, je me suis dit : « c’est pas rentable ». (S1)

D’ailleurs, lorsque le volet employeurs du PAGMTAA était encore actif, le

financement pour couvrir les frais des CGD était limité à certains types de

regroupements d’entreprises seulement, ne facilitant pas ce type d’initiatives.

Dans le cadre de leurs activités et de leur fonctionnement, les CGD s’appuient

régulièrement sur la concertation entre différents types d’acteurs, que ce soit au sein

du CA ou des tables de concertation mises en place et animées par les CGD, ou

encore dans la réalisation des PGD, qui nécessite la collaboration des générateurs de

déplacements pour l’identification des stratégies de GDT nécessaires, puis des

autorités responsables des réseaux de transport pour leur mise en œuvre. L’inclusion

des générateurs de déplacements dans la concertation entre les acteurs du transport est

d’ailleurs l’une des contributions notables des CGD, selon plusieurs répondants.

Je pense qu’on est le seul organisme qui fait le lien entre toute la mobilité

durable et là où se trouvent les besoins, et tous les partenaires. […] Donc c’est

ça, c’est de faire le lien entre tout ça, et aussi, […] de faire le lien des

entreprises vers les partenaires, mais également des partenaires vers les

entreprises […]. (S1)

La grande différence, c’est que nous on travaille directement avec les

entreprises. [Les AOT], ils vont viser l’utilisateur, l’usager du transport

collectif, l’individu. Nous on vise les entreprises, on passe par les entreprises

pour arriver chez l’individu. […] Puis on est vraiment l’intermédiaire de choix

entre l’AOT […] et l’entreprise aussi. (V1)

La place importante de la concertation dans les activités des CGD n’est pas tellement

surprenante, considérant que les CGD sont eux-mêmes le fruit de la concertation et de

partenariats entre différents acteurs. Toutefois, bien que les CGD favorisent un niveau

élevé de participation, celle-ci concerne surtout les acteurs représentants

d’organisations et rarement les citoyens individuels.

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126

Par ailleurs, le rôle du CGD en tant que planificateur est surtout celui d’un

facilitateur ou d’un médiateur entre les différents acteurs des transports. Bien que la

conception de plans, en particulier les PGD, fasse partie des activités des CGD, ceux-

ci sont souvent élaborés en collaboration avec les clients et sont plutôt des documents

de travail que des plans définitifs, d’autant plus que leur mise en œuvre est laissée à la

discrétion des générateurs de déplacement. De plus, ce qui distingue les CGD des

autres acteurs de la planification des transports est, de l’avis de plusieurs répondants,

leur capacité à mettre en lien les générateurs de déplacements et les autorités

responsables des transports, notamment via la représentation des besoins des premiers

auprès de ces derniers, ainsi qu’en conciliant les intérêts et points de vue divergents

des acteurs présents autour des tables de concertation en transport que les CGD

animent.

C’est d’amener ça ici, c’est d’amener ce jeu-là, entre des intérêts divergents de

la ville, d’un donneur de services et des utilisateurs de services, qui souvent,

d’un côté comme de l’autre, vont avoir tendance à dire : « Ouais, on le sait

bien, tu me critiques, mais c’est comme ça, moi j’ai des budgets. » Puis

l’autre : « Oui, mais c’est comme ça, vous pourriez faire autrement, ça prend

plus de bus le soir, la fin de semaine.. » […] Mais, c’est d’asseoir à la même

table des gens avec des idées, puis des missions et des visions différentes.

Puis, de concerter ça. Ça, juste, ne serait-ce que de pouvoir avoir un dialogue

en permanence, qui va permettre d’un coup, si j’ai un développement, de parler

à la bonne personne à la ville, via peut-être la [société de transport] […]. (C3)

Les CGD n’échappent pas à une certaine logique rationnelle, l’élaboration de

leurs plans suivant un processus prédéfini, avec des étapes précises et des indicateurs

spécifiques à mesurer. Toutefois, les CGD font preuve d’une certaine flexibilité dans

l’élaboration de ces plans, adaptant la démarche en fonction des besoins de leurs

clients. Ainsi, plusieurs CGD ont mentionné vouloir raccourcir la démarche de

réalisation des PGD, pour l’adapter aux moyens financiers ainsi qu’au rythme de

fonctionnement des entreprises, qui préfèrent obtenir des résultats rapidement.

[…] présentement on est en train de simplifier la chose, parce que pour une

institution, que ça prenne deux ans pour faire le processus, ça va très bien, mais

pour l’entreprise privée, c’est bien trop long. […] Présentement, en fait, on

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127

avait tendance à… les rapports étaient très très volumineux, puis c’était lourd.

(R2)

[…] tu sais on a une association puis on s’en parle entre les CGD, on est de

plus en plus en train d’aller vers du ponctuel, des services plus petits, ou des

stratégies, mais plus courtes. Des plans de gestion un petit peu plus restreints,

pour être capable d’aller chercher ces clients-là parce que sinon ils… ils font

juste rien, ils veulent pas embarquer, ils décrochent avant la fin. […] On est

toujours en train de… notre force aussi c’est d’offrir des services et des

produits qui sont adaptés à chaque client. […] Donc on est toujours dans ce

type de processus-là d’essayer d’améliorer. (O1)

Pour ce dernier répondant, cette réduction du processus d’élaboration de PGD n’est

cependant pas sans présenter de désavantages, la flexibilité et la rapidité étant

priorisées au détriment d’une approche à plus long terme : « […] en faisant des

solutions plus à la carte comme on fait, parce que le client est moins prêt à faire du

processus sur le long terme, on se coupe cette opportunité-là de continuer avec eux »

(O1). Ainsi, bien que la réalisation d’un PGD devrait idéalement être un processus

continu, avec un renouvellement régulier du plan, il est rare que ceux-ci s’étendent

au-delà d’une année, par manque de volonté ou de moyens financiers des générateurs

de déplacement.

Bien en fait, le PGD, à l’interne, dans les entreprises, il y a une vision qui est

un peu décevante. Parce que en général, bon bien c’est adopté, on a un plan

d’action, [mais] quand on va avoir coché après toutes les actions, bien c’est

fini, on n’a plus à en faire. […] en fait, c’est pas juste de [dire] : « C’est fait,

puis c’est fini ». Non, ça demande un suivi, il y a une gestion quotidienne : le

service de prêt de vélos, ça prend quelqu’un qui s’en occupe. On a une

plateforme de covoiturage, [ça prend] quelqu’un qui s’en occupe. Ça ne

disparaît pas. (M4)

[…] c’est un travail de longue haleine, tu ne peux pas dire : « Je fais un PGD,

puis ok, c’est mis en place, c’est correct ». Non, il y a un besoin, pour que les

employés adhèrent à ça, de rappel, de communication, de sensibilisation, et ça

c’est en continu. Tu ne peux pas t’arrêter du jour au lendemain : si tu arrêtes, ça

tombe. […] C’est ça qu’il faut réussir à faire, c’est pas toujours évident, mais

ça dépend des employeurs. (O1)

D’ailleurs, le volet pour les employeurs du PAGMTAA, ne permettant de financer

qu’une année de services aux employeurs, n’a pas favorisé la mise en œuvre de

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128

stratégies de GDT à long terme. Enfin, les CGD étant eux-mêmes fréquemment

menacés au niveau de leur financement et devant souvent faire face à un haut taux de

roulement de leur personnel, il leur est difficile de planifier des actions ou encore

d’en assurer le suivi à long terme :

On est en développement durable, et on n’est même pas capables de prévoir à

plus de 9 mois, ça n’a juste pas de bon sens à mon avis. Comment voulez-

vous… on nous demande de gérer sainement nos affaires, et en même temps,

les paramètres qu’on nous offre sont complètement… ne sont pas sains, en fait,

on ne peut pas gérer sainement une organisation en ayant une vue à long terme,

si on nous donne du financement à 9 mois en nous disant : « Bien, je ne sais

pas quand est-ce que l’autre va arriver »… (O1)

À travers leurs activités, les CGD mobilisent de multiples savoirs, à

commencer par les connaissances des professionnels qui y travaillent, que nous

pouvons supposer comme variées étant donné la diversité de domaines d’études dont

ils proviennent. À ce savoir « expert » se rajoutent aussi l’expertise des autorités en

transport telles que les municipalités et les sociétés de transport, avec lesquelles les

CGD collaborent, de même qu’un savoir plus « local », celui des générateurs de

déplacements et de leurs employés ou clients. Ces derniers, de par leurs expériences

quotidiennes de déplacements, sont les principaux pourvoyeurs d’informations pour

l’identification des mesures de GDT à inclure dans les PGD.

Enfin, les CGD représentent bien le passage d’un « gouvernement des villes »

à une « gouvernance urbaine » mis en évidence par Le Galès (1995). En plus d’être

eux-mêmes des acteurs non institutionnels impliqués dans la planification des

transports, les CGD favorisent la participation d’une multitude d’acteurs privés et

communautaires dans la recherche de solutions pour diminuer l’utilisation de l’auto-

solo. Évidemment, les autorités officielles de la planification des transports, telles que

le gouvernement provincial, les municipalités et les autorités organisatrices de

transport, demeurent les principaux acteurs concernés et ayant les moyens et les

compétences légales pour agir au niveau des transports. Toutefois, plusieurs des

représentants de ces institutions que nous avons rencontrés ont soulevé l’apport

bénéfique ou encore l’influence des CGD et, indirectement, des générateurs de

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129

déplacement, dans la réalisation de leur mandat, que ce soit par la concertation

facilitée par le CGD entre ces différents acteurs ou par les données des PGD que leur

transmettent les CGD. Parlant d’une société de transport, un répondant avance ainsi

que :

Le service de la planification trouve ça assez fantastique, parce que c’est

difficile pour eux d’avoir des informations si complètes sur un lieu restreint.

Eux font beaucoup d’enquêtes, mais c’est souvent des enquêtes téléphoniques,

avec des usagers, etc. Mais nous on va quand même prendre le portrait très

précis de tous les gens qui se déplacent vers tel édifice, et ça, ça les intéresse

beaucoup. Donc cet échange de données-là est très précieux pour eux. (M1)

Un autre répondant illustre ainsi l’influence du CGD sur la planification des

transports :

[…] on peut donner des conseils, puis, surtout, représenter nos clients auprès

de la [société de transport] sur ce qu’ils ont de besoin. Fait que [un client] qui

dit : « On a besoin de stationnement, de stationnement alternatif, etc. », on va

regarder où c’est mieux de le placer. Puis là, tu travailles avec la ville, tu

travailles avec la [société de transport], puis tu mets tout le monde en place, tu

les assis toute la gang pour qu’ils se parlent, puis des fois, rien que ça, c’est un

miracle […]. (R2)

Deux représentants de sociétés de transport renchérissent aussi en mettant l’accent sur

le rôle rassembleur des CGD :

Moi je vois le CGD comme étant quelqu’un qui va favoriser en fait la réunion

d’acteurs… et les acteurs, c’est nous qui faisons une partie de la mobilité. Il y a

des entreprises aussi qui doivent se conscientiser sur l’importance de

développer de bonnes habitudes de déplacements. […] Sa tasse de thé (du

CGD) c’est de faire de la consultation, de parler de mobilité, puis de

rassembler les intervenants, puis eux, dans leurs champs d’activités, pourront

changer les choses. (R3)

[…] c’est la seule table où toutes les institutions sont à la même table (sic),

parlent de la même chose, puis il n’y en a pas d’autres, au niveau [régional].

Donc déjà là, je pense que c’est quelque chose, c’est un exploit en soi. (C2)

Ainsi, nous pouvons conclure qu’au niveau des procédures qu’ils adoptent, les

CGD s’approchent davantage de l’approche de planification « renouvelée » et donc

de mobilité durable, même si elles conservent quelques caractéristiques propres à la

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130

planification rationnelle globale (PRG), en partie à cause d’éléments hors de leur

portée. Le Tableau 6.1 permet de visualiser cette affirmation.

Tableau 6.1 – Positionnement des CGD par rapport aux approches procédurales de la

planification des transports

Dimensions Éléments des CGD propres à la

planification rationnelle globale

Éléments des CGD propres à

la planification renouvelée

Approche La réalisation des PGD se fait de

façon sectorielle, par générateur

de déplacement. Des liens ne sont

pas nécessairement faits entre

ceux-ci.

Les PGD sont conçus à partir des

besoins des individus concernés

et sont mis en œuvre de façon

décentralisée. L’ensemble des

modes de transport y est intégré.

Niveau de

participation

publique

Peu de participation de citoyens

individuels.

Concertation de plusieurs acteurs

représentant d’institutions,

entreprises et organismes.

Rôle du planificateur L’élaboration des PGD tient

compte des besoins des

générateurs de déplacement.

Facilitation et médiation entre

les générateurs de déplacements

et les autorités en transport.

Prise de décision La réalisation d’un PGD suit des

étapes précises.

Flexibilité du processus

d’élaboration d’un PGD.

Les PGD devraient idéalement

être un processus continu, avec

une réévaluation périodique des

besoins en matière de PGD.

Échelle de temps Les PGD sont rarement

renouvelés par les clients.

Difficulté de planifier les activités

du CGD à long terme à cause de

l’incertitude du financement.

Les CGD favorisent la mise en

œuvre d’actions à long terme.

Savoirs valorisés Savoirs experts des employés

des CGD et des autorités en

transport et savoirs locaux des

générateurs de déplacements et

de leurs employés ou clients.

Type de

gouvernance

Gouvernance urbaine :

participation des acteurs non

institutionnels (CGD, entreprises

privées et organismes) à la

planification des transports.

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131

6.1.2 Vers une cohésion instrumentale et cognitive des acteurs en transport

Les quatre types de facteurs influençant la coordination de différents acteurs ont été

présentés au chapitre II : les idées portées par les acteurs, le fonctionnement de leurs

organisations (les institutions), leurs intérêts respectifs et le contexte territorial, social

et économique dans lequel ils évoluent. En combinant ces facteurs, la coordination

entre ces acteurs peut atteindre différents niveaux de cohésion, allant d’une cohésion

relationnelle, où ils échangent des contacts informels ou peu structurés, à une

cohésion cognitive, où ils partagent les mêmes référentiels.

Au niveau des idées concernant les transports, les CGD et leurs employés sont

orientés en fonction des principes de la mobilité durable (cette affirmation sera étayée

au point 6.2.1). Or, les générateurs de déplacements avec lesquels ils interagissent,

qu’il s’agisse d’entreprises ou d’institutions, ne sont pas toujours familiers avec cette

approche :

C’est une vision de gestionnaire, puis c’est ça qu’on se rend compte, les

principes de développement durable, nous autres [les CGD], quand on travaille,

les valeurs on sait c’est quoi. La direction [d’un générateur de déplacement],

non, ils ne comprennent pas. (M4)

En effet, plusieurs participants à nos entretiens soulignent que les CGD se posent en

porte-à-faux d’une idéologie ou d’une culture généralement axée sur l’automobile,

alimentée par un coût d’essence peu élevé et une relative absence de contraintes à son

utilisation, dans laquelle les individus sont conditionnés à utiliser leur voiture et à

délaisser le transport en commun et les transports actifs, les premiers étant associés à

une image négative – « on est jeunes, pauvres ou déficients quand on prend le

transport en commun » (M1) – et les seconds, aux sports d’élite et à la récréation

plutôt qu’aux déplacements utilitaires :

On a des clients où 60% des gens restent à l’intérieur de deux kilomètres du

lieu de travail ou d’étude, et qui prennent leur voiture pour y aller. Deux

kilomètres. Puis on demande aux enfants du primaire de marcher 1,6

kilomètres pour se rendre à l’école, ils n’ont pas le droit de prendre le

transport. Fait que tu sais, comme adultes, on oublie des fois ce bout-là. (R2)

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Malgré ce fossé initial entre les principes de mobilité durable mis de l’avant par les

CGD et une culture le plus souvent axée sur l’auto-solo chez leurs clients, les

entretiens semi-dirigés nous ont permis de relever différentes situations où les CGD

contribuaient à changer ces mentalités, que ce soit par la promotion constante qu’ils

font des modes de transports alternatifs à la voiture, ou encore par l’opportunité qu’ils

donnent aux entreprises et institutions présentes sur leurs CA de s’approprier le

concept de mobilité durable :

Donc, quand les membres [du CA] prennent [le CGD] en main et disent : « on

est sensibilisés par rapport aux enjeux, on voit qu’il y a des opportunités

intéressantes, on est prêts à prendre ça en main puis on veut… », je ne sais pas

si c’est le bon terme, mais continuer à faire évoluer ça dans leur cercle

commun, tranquillement, une transformation de culture générale va être mise

en place. Donc, c’est une bonne nouvelle dans un sens, parce que le [CGD] est

en train de faire connaître, de passer le message un peu partout. (C1)

Par ailleurs, plusieurs participants ont relevé le fait que souvent, les employés des

CGD étaient recrutés soit par des acteurs des transports (sociétés de transport,

gouvernement, municipalités, etc.), ou encore par des entreprises ou institutions pour

la mise en œuvre de leurs PGD. Or, pour un participant, cette situation pourrait aussi

contribuer à changer de l’intérieur les idées de ces acteurs, grâce à la mentalité que

ces anciens employés des CGD emmènent avec eux :

C’est beaucoup des jeunes qui travaillent dans les organisations. Si on prend le

modèle de la gestion de l’eau, les OBV [organismes de bassins versants] sont

devenus un peu une pépinière à jeunes talents pour… tu sais, les gens vont

faire trois, quatre, cinq ans dans un OBV, puis après ils travaillent au

gouvernement ou dans une ville ou dans une entreprise. Mais la vision qu’ils

ont acquise durant leur passage dans un OSBL comme un OBV, ou le CGD, ça

va les suivre puis ça va rester avec eux. (R1)

Ainsi, bien que les idéologies initiales en matière de transport des CGD et des autres

acteurs avec lesquels ils interagissent puissent diverger, le travail des CGD semble

favoriser à tout le moins une certaine conscientisation et possiblement une

appropriation des idées de la mobilité durable par les acteurs privés et publics avec

lesquels ils interagissent.

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En ce qui concerne les institutions ou les structures organisationnelles,

certains participants ont soulevé l’existence de conflits entre les structures privée des

entreprises, institutionnelle de certains générateurs de déplacements et des acteurs

traditionnels en transport, et la forme « organisme communautaire » qui serait portée

par les CGD. En effet, certains voient chez les CGD un côté plus activiste ou

revendicateur qui serait défavorable à leur collaboration avec les autres acteurs des

transports et les entreprises : « En prenant une position plus militante, ou négative,

[…] une démarche de culpabilisation, ça crée des barrières, ça crée des murs. » (C1).

D’autres soulignent les préjugés négatifs attribués aux OBNL, comparativement aux

entreprises privées :

Ça reste un organisme sans but lucratif, qui n’a pas la même… prestance

qu’une firme de génie-conseil, par exemple, pour toutes sortes de raisons. […]

C’est dommage parce que les services qu’ils rendent sont d’une qualité qui ne

reflète pas cette réalité-là, mais on vit dans un monde où le média est le

message de façon générale, puis l’apparence… ce sont toutes des affaires qui

sont beaucoup plus importantes qu’elles devraient l’être, donc ça fait partie de

la réalité. (R1)

Bien que certains CGD reconnaissent avoir déjà eu une approche plus revendicatrice

dans le passé, la plupart affirment qu’ils se voient avant tout comme des consultants

en mobilité durable et soulignent la nécessité de conserver ou de retrouver une image

professionnelle afin de dépasser ces préjugés associés aux OBNL :

Puis ça, ça sort un petit peu de l’espèce de cynisme : « Ah, c’est public, ou bien

c’est OBNL, ça a l’air d’une gang de granos… ». Non, faut pas! C’est pour ça

entre autres, le discours écolo… tu sais, des journées je travaillais en jeans,

mais il y a des journées, faut que tu te mettes un veston, puis peut-être pas une

cravate, mais il faut que tu travailles avec les entreprises, c’est ça ton marché,

puis faut… Il y a des compromis à faire, mais le compromis à faire pour le gain

que tu peux aller chercher, je pense que pour moi il est facile. (M5)

Un répondant soulevait d’ailleurs la nécessité pour les CGD d’adopter un langage

compréhensible par leurs clients; à cet effet, le processus de PGD était pour lui un

exemple de mécanisme permettant de traduire la mise en œuvre de la mobilité durable

dans un langage accessible aux administrateurs des entreprises ou des institutions :

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Ça permet de donner de la crédibilité au transport, […], puis ça permet d’avoir

le même langage que [l’institution], c’est-à-dire : engagement de la direction,

planification, mise en œuvre, évaluation, reddition de compte, puis on ferme la

boucle d’amélioration continue. Ça, c’est le langage de ces administrateurs-là

[…]. (C3)

Les CGD peuvent aussi ajuster leurs services en fonction de la nature de leurs clients

ou de leurs partenaires. Ainsi, d’après les participants interrogés, les entreprises

auraient un rythme de fonctionnement plus rapide, ce qui exigerait de la part des

CGD de leur fournir des résultats dans des délais assez brefs afin de montrer les

bénéfices des investissements effectués dans les mesures de GDT. Quant aux

institutions, parfois tenues par la loi d’avoir un PGD, elles seraient moins pressées

d’obtenir le plan, et même moins enclines à le mettre en œuvre, comme en témoigne

ce répondant :

[Les entreprises privées], quand ils commencent quelque chose, ils y croient.

Ils le font avancer puis ils remettent du budget année après année. Le public, il

y en a certains, […] mais c’est pas tout le monde qui est convaincu, puis qui est

capable de débloquer ces budgets-là, c’est surtout ça en fait. (O1)

En effet, la complexité des procédures et des règles organisationnelles dans les

institutions est un défi auquel les CGD doivent faire face et sur lequel nous

reviendrons au point 6.2.2. Malgré la volonté des CGD de s’adapter aux structures et

modes de fonctionnement de leurs clients et partenaires, il reste que pour plusieurs

acteurs rencontrés, une dualité entre leur rôle de service-conseil et celui de

revendicateur persiste et peut créer certains malaises, en particulier dans les cas où les

CGD partagent des ressources avec d’autres organismes environnementaux.

Les CGD ayant comme intérêt de promouvoir les principes de la mobilité

durable, ils doivent convaincre leurs clients d’adopter des mesures de GDT. Or, le

transport étant rarement une priorité des entreprises ou des institutions, les CGD

utilisent différents arguments pour lier les problématiques vécues par les générateurs

de déplacements aux enjeux de la mobilité :

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Donc quand tu vas rencontrer une entreprise, tu ne parles pas de mobilité

durable, jamais. Tu lui dis : « C’est quoi ton problème? » […] C’est toujours

d’aller vers l’intérêt de l’entreprise pour mettre la mobilité durable en lien. (S1)

Ainsi, lorsqu’ils approchent des clients potentiels, les CGD misent sur les bienfaits

des transports collectifs et actifs sur la santé et la productivité des employés, sur

l’attraction et la rétention des employés que favorise une meilleure accessibilité d’un

lieu, sur les économies en gestion du stationnement qui peuvent être réalisée, ou

encore sur l’image responsable reflétée par une entreprise qui montre un intérêt pour

les questions de développement durable. Ce sont donc avant tout des arguments

économiques et rarement environnementaux qui sont mobilisés par les CGD pour

intéresser les générateurs de déplacements à la mobilité durable. Une fois que les

CGD ont établi un lien avec une entreprise, ils doivent ensuite montrer l’intérêt des

transports collectifs et actifs pour les employés afin de les inciter à effectuer un

changement dans leurs habitudes de déplacements. Ici, ce sont des arguments

économiques ou sociaux tels que l’impact des moyens de transport alternatifs sur la

santé et les stress, sur l’économie d’essence, le temps, l’utilité et la sécurité des

déplacements qui sont utilisés pour convaincre les individus. Des répondants

rencontrés mentionnent aussi que les efforts de sensibilisation des CGD doivent se

faire progressivement, un pas à la fois, en tenant compte des phases d’un modèle de

gestion du changement similaire à celui de Rye (2002), que nous avons présenté dans

le chapitre IV (Tableau 4.2). Les efforts doivent donc être concentrés sur les individus

qui sont à quelques incitatifs près d’effectuer un report modal :

Il y a bien du monde qui ne changeront pas de comportement, puis si on se

mettait à calculer ça on braillerait probablement, […] mais en réalité, il faut

travailler avec ceux qui sont sur le bord. Si tu calcules sur la masse totale, tu ne

fais pas grand changement, mais c’est à la personne, c’est aux petits pas que tu

vas réussir à y arriver. (R2)

Bref, les CGD semblent avoir développé différentes stratégies pour intéresser les

générateurs de déplacements et leurs employés à la mobilité durable. Toutefois, ils

sont limités dans ce travail par leurs ressources financières et humaines, ainsi que leur

notoriété. En effet, les CGD doivent jongler avec un financement limité, lequel n’est

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136

souvent garanti qu’à court terme. Cette situation a des répercussions sur les

ressources humaines des CGD, qui peinent à offrir des salaires et avantages

compétitifs de même que des postes à long terme, ce qui se traduit par un taux de

roulement souvent élevé des employés :

C’est excessivement dur de garder du staff compétent longtemps… quand tu

recrutes un jeune compétent, tu le gardes un an, deux ans, trois ans max. Le

taux de roulement est assez grand dans ces organismes-là, puis [le CGD]

n’échappe pas à ça. » (M5)

Le manque de financement des CGD fait aussi en sorte que les générateurs de

déplacements doivent payer pour bénéficier de leurs services; la subvention du

PAGMTAA permettant d’offrir une aide aux entreprises ayant été abolie en 2011,

tous les intervenants rencontrés s’entendent pour dire que le recrutement de nouveaux

clients est depuis beaucoup plus difficile :

[…] moi je pense que où ça a perdu du souffle, c’est quand le financement pour

les diagnostics a arrêté. Parce que l’employeur qui n’a pas de problème ne

paiera pas. L’employeur qui a un gros problème va peut-être payer, mais les

employeurs qui ont un gros problème ne sont pas si nombreux que ça, fait que

ça donnait vraiment beaucoup de souffle, puis [une entreprise] en a profité de

ce programme-là, ça a paru. (M5)

Un autre problème soulevé par les participants est le manque de notoriété et de

visibilité des CGD, particulièrement chez les plus récentes de ces organisations, qui

rend aussi plus difficile le démarchage auprès des générateurs de déplacements,

lesquels ne comprennent parfois pas bien leur rôle. Cette problématique est aussi liée

au manque de financement des CGD, qui ne peuvent se permettre d’investir

massivement dans des campagnes de marketing. Ainsi, la plupart des CGD vont

surtout miser sur les réseaux d’anciens clients et de partenaires afin de recruter de

nouveaux clients.

Les CGD entretiennent des partenariats avec différents acteurs des transports

qui permettent de faire avancer son mandat de promotion et de mise en œuvre de la

mobilité durable, en compensant partiellement pour leur manque de ressources ou

d’influence. Au chapitre V, nous avons mentionné l’importance du partenariat entre

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137

les CGD et les acteurs institutionnels des transports tels que les municipalités et les

sociétés de transports. En effet, le CGD a intérêt à maintenir une collaboration avec

ces derniers afin de faciliter l’implantation de mesures de GDT chez les générateurs

de déplacements, en particulier lorsque celles-ci sont liées à l’offre de transport

collectif ou actif. Les sociétés de transport ont aussi un intérêt à collaborer avec les

CGD, qui font souvent la promotion de leurs titres de transport et peuvent leur

partager des informations sur les habitudes de déplacements des employés d’un site

en particulier. Toutefois, dans certains cas, des répondants affirment avoir noté une

certaine méfiance chez des sociétés de transport à l’égard des CGD, celles-ci

craignant que les CGD énoncent des critiques à l’égard de leurs services dans les

diagnostics des PGD, ou encore qu’ils incitent des entreprises ou institutions à faire

des revendications en matière de transport en commun. Le financement, dans un

contexte budgétaire serré, d’un OBNL n’étant pas habilité par la loi à agir sur l’offre

de transport est un autre irritant relevé par un représentant de société de transport à

l’égard des CGD. Toutefois, la majorité des participants notent que cette méfiance

s’est progressivement résorbée à mesure que les sociétés de transport assimilaient le

rôle des CGD et identifiaient les avantages qu’ils pouvaient en tirer :

C’est pas évident tout le temps, mais on est quand même de plus en plus

connus et on fait participer [la société de transport] au maximum. Nous, par

exemple, avec [un] comité d’entreprises qu’on a créé, ça a permis aussi un lien

direct de l’entreprise par rapport à la [société de transport], donc c’était génial

pour les entreprises, mais en même temps je pense que ça a fait comprendre à

la [société de transport] quel était notre rôle aussi, qu’on n’était pas là pour les

lyncher ou quoi que ce soit, c’était juste comment trouver des solutions

ensemble. (S1)

En ce qui concerne les municipalités, l’importance de leur collaboration avec les

CGD semble varier d’un endroit à l’autre, en fonction de la volonté politique des élus

en place; alors que certains représentants de CGD affirment avoir une très bonne

relation avec leur ville d’attache, d’autres indiquent le manque d’intérêt ou de volonté

politique des élus municipaux en lien avec leurs initiatives, ou encore une fois des

appréhensions liées à une perception des CGD comme étant des activistes :

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[…] le fait qu’on était perçus comme des activistes, ça fermait des portes aussi,

entre autres avec [le service d’]aménagement de la ville. Le monde nous voyait

arriver, puis disait : « Ah non, on va se faire critiquer sur tout ce qu’il y a! »

C’est pas ça, là. Faut avoir une approche plus neutre, c’est ça la clé du succès.

(R2)

Ainsi, certains CGD mentionnent vouloir se rapprocher de leur municipalité, ou

encore de leur autorité métropolitaine, dans les années à venir. Par ailleurs, pour leur

fonctionnement ou pour leurs activités de sensibilisation, les CGD s’appuient aussi

sur les ressources ou services offerts par d’autres organismes environnementaux ou

de transport. Cette relation entre les CGD et les autres organismes présente des

avantages, mais peut potentiellement être un inconvénient lorsqu’elle entraîne un

certain repli de ces organismes sur eux-mêmes, comme le résume ce participant :

Parce que la force que tu as, quand tu es tissé serré, c’est que quand tu as besoin

d’agir, là ça va bien, puis ça s’enligne sur la même place. Par contre, des fois tu

as besoin d’aller un peu plus… d’avoir des sons de cloche externes. […] Puis là

tu comprends que la réalité est pas pareille du tout, du tout, du tout […], la

réalité, le vrai monde, ce n’est pas… ils ne sont pas tous au même point. Mais

c’est parce qu’un moment donné quand tu proposes des choses, faut que tu les

valides, puis quand… Tu ne peux pas les valider nécessairement avec des gens à

l’interne qui pensent la même chose que toi. Il faut que tu sortes. (M5)

Deux autres types d’acteurs œuvrant en transport entretiennent peu de liens avec les

CGD. D’abord, il y a les firmes de génie-conseil, qui, pour la plupart des participants

rencontrés, n’œuvrent tout simplement pas dans le même créneau que les CGD, bien

que quelques-uns les voient comme des compétiteurs potentiels des CGD pour la

réalisation d’études en mobilité durable. Le deuxième acteur en transport qui

entretient peu de liens avec les CGD est le gouvernement provincial, lequel, bien

qu’étant son bailleur de fonds principal, intervient rarement dans les activités

régulières du CGD, à l’exception du CGD de Gatineau, MOBI-O où la direction

régionale du MTQ siège sur son CA. Dans son mémoire déposé pour la nouvelle

PQMD, l’ACGD mentionnait d’ailleurs vouloir tisser plus de liens avec le MTQ et

d’autres ministères tels que le MAMOT ou le MELCC, en obtenant par exemple des

mandats de concertation régionale en transport ou en participant aux plans territoriaux

de mobilité durable. En effet, plusieurs répondants interrogés voient en le

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139

gouvernement provincial un acteur crucial pour inciter l’ensemble des acteurs en

transport à se concerter et à favoriser la mise en œuvre de stratégies de GDT, que ce

soit par l’entremise de subventions, de réglementations ou de mesures fiscales. Or, les

participants notent un manque de volonté politique à cet égard.

Outre les intérêts des différents acteurs impliqués, des facteurs externes

peuvent faciliter ou entraver la coordination en transport. Un facteur maintes fois

relevé par des participants est l’aménagement des territoires couverts par les CGD,

souvent denses et étalés, organisés en fonction des déplacements en voiture. Un

second est le manque de financement pour la construction d’infrastructures de

transport collectif, couplé aux énormes budgets de marketing des fabricants et

concessionnaires automobiles. Dans ce contexte, la promotion des alternatives à

l’auto-solo est comparée par un répondant à un combat de type « David contre

Goliath » (C1).

Globalement, les CGD mettent en lien des acteurs aux idées, intérêts et

organisations assez variés, dans un contexte territorial et économique déjà peu

favorable à la mobilité durable. Malgré tout, par l’entremise de leurs interactions, de

leurs activités et de leurs stratégies, les CGD s’ajustent au fonctionnement de leurs

partenaires et clients et tentent de faire converger leurs idées et leurs intérêts vers une

approche de mobilité durable. Par leur promotion des alternatives de transport et leur

mise en interdépendance d’une multitude d’acteurs concernés par la mobilité, que ce

soit par l’entremise de son CA, de tables de concertation en transport ou de comités

de mise en œuvre de PGD – des espaces hors des cadres formels, propices aux

changements de pratiques (Gallez et al., 2013) – , les CGD participent certainement à

l’établissement d’un niveau de cohésion instrumental de coordination entre les

acteurs en transport. Pour reprendre la terminologie de Padioleau (2000), ils

constituent à la fois des « instruments de persuasion sociale », au service de la

promotion des principes de la mobilité durable auprès d’organisations et d’individus,

mais aussi des « instruments de capacités d’action collective », qui visent l’atteinte

d’objectifs de planification par le biais de la négociation, de la concertation et de la

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140

coordination. Ainsi, les acteurs rassemblés par les CGD participent à un apprentissage

collectif les poussant à s’approprier le concept de mobilité durable, à développer des

compétences interpersonnelles et à se responsabiliser quant à sa mise en œuvre :

En fait, [la mobilité durable] c’est le rôle de tous les partenaires. On ne veut

pas que ce soit le rôle du [CGD] exclusivement; chacun des représentants des

institutions qui siègent au [CA du CGD] […] commencent quand même à avoir

leur entrée dans leur propre établissement, puis c’est toujours ce qu’on s’est

dit : ce n’est pas juste la responsabilité du [CGD], ce n’est pas juste la

responsabilité de la société de transport, ni de la municipalité, c’est la

responsabilité de tout le monde d’être capable d’en arriver à changer les

choses. (C2)

Ainsi, il nous apparaît plausible que la coordination mise en place par les CGD, en

changeant graduellement les mentalités et en sensibilisant les acteurs à la mobilité

durable, puisse éventuellement tendre vers un niveau de cohésion cognitive, c’est-à-

dire une représentation commune des problèmes et des solutions.

6.1.3 Une influence limitée sur la coordination aménagement-transport

Si l’activité des CGD favorise la coordination entre les acteurs des transports, il en est

moins certain pour la coordination entre les domaines du transport et de

l’aménagement.

A priori, les participants rencontrés durant les entretiens s’entendent sur

l’importance du lien aménagement-transport et de la prise en compte de

l’aménagement au sein d’une approche de mobilité durable :

Moi j’aime dire que je travaille dans la mobilité durable, justement parce que

ça englobe beaucoup de choses, ça englobe de l’aménagement, des moyens [de

transport]… (M1)

Mais ce qu’on voit, c’est que [la mobilité] touche beaucoup plus que

simplement le déplacement, parce que la mobilité, c’est la vie de l’être

humain : c’est son travail, ses déplacements personnels, c’est la société, c’est

l’historique d’une société aussi, la façon d’implanter les quartiers et les zones

industrielles, donc on est comme victime d’un passé malheureusement où cela

n’a tellement pas été pris en compte. En fait, oui, ça a été vraiment pris en

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compte, dans le sens où on voulait que l’accessibilité à l’automobile soit

parfait, mais ça, c’est pas durable! (S1)

Certains participants ont relevé le manque d’inclusion des différents acteurs dans la

planification de l’aménagement sur leur territoire de desserte, alors que d’autres ont

noté le manque de liens entre les services responsables de l’aménagement et ceux des

transports, malgré des tentatives de rapprochement :

Ça s’est amélioré, cependant, même si dans le service d’urbanisme il y a le

design urbain, l’aménagement du territoire et le transport, on pense encore en

silo. On pense beaucoup en silo encore. […] il y a quand même une

amélioration pour briser les silos, mais il reste que, quand on a un dossier

transport, on va faire venir les gens de transport. Ce réflexe-là est toujours fort.

(M4)

Malgré la reconnaissance d’un problème de coordination entre l’aménagement et les

transports, la plupart des personnes rencontrées soutiennent que le CGD a un rôle

assez limité dans la résolution de cette problématique, son mandat étant restreint à la

gestion de la demande en transport. Ainsi, la seule contribution d’un CGD ayant un

lien avec l’aménagement concernerait le choix de localisation d’une institution ou

d’une entreprise, afin d’assurer que celle-ci soit la plus accessible possible en

fonction des modes de transport collectifs ou actifs :

Bien en fait, on va rarement aussi loin que [de proposer des mesures

d’aménagement] quand on travaille avec un générateur de déplacements […].

C’est sûr qu’on s’est déjà fait appeler pour du service-conseil sur un

questionnement entre deux lieux d’implantation d’un nouveau siège social

d’une entreprise, mais c’était vraiment au niveau de l’accessibilité du transport

qu’on réfléchissait à ça. (M1)

C’est pas son rôle [au CGD]. C’est son rôle de dire à une entreprise, quand tu

construis un édifice, assure-toi donc que la porte est proche du trottoir, ou qu’il

y a un abribus proche, ou de mettre un édifice au bon endroit. Ça, ça peut être

un rôle [du CGD]. (M5)

Un participant rappelle d’ailleurs que le rôle des CGD est avant tout d’optimiser

l’utilisation des modes de transports alternatifs à l’auto-solo en fonction de

l’aménagement et des infrastructures de transports actuels, et non d’influencer ces

derniers :

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Pour moi, les CGD, on est plus en résolution de la situation actuelle, c’est-à-

dire on essaie de pallier à quelque chose qui n’est pas près de disparaître.

Même si demain on commence à arranger les villes, c’est pas vrai que ça va se

faire du jour au lendemain et que tout va être bien localisé. Fait qu’on est là

pour répondre à un besoin, aider les gens à se déplacer, dans le milieu actuel.

[…] la solution, ce serait que nos villes soient plus compactes, plus efficaces.

Le jour où les villes seront conçues plus intelligemment, que la densité est aux

bons endroits, que la localisation des entreprises, des emplois, est aux bons

endroits, on aura peut-être plus besoin de nous. (O1)

Bien que leurs actions ne soient que rarement liées à l’aménagement, certains CGD

contribuent tout de même à la réflexion sur le lien aménagement-transport en

déposant des mémoires lors de consultations sur l’élaboration de schémas

d’aménagement, ou en participant à l’élaboration de plans de déplacements durables.

Par ailleurs, certains participants soutiennent que les CGD pourraient éventuellement

contribuer à assurer l’accessibilité d’un projet de quartier aux modes de transports

durables avant sa réalisation, en effectuant des PGD résidentiels. Toutefois, la

majorité convient que les responsabilités en matière de coordination aménagement-

transport reviennent avant tout aux autorités qui ont la compétence dans ces

domaines, ou encore aux organismes spécialisés en aménagement :

C’est difficile parce que [les CGD] ne sont pas… ils sont en quelque part des

consultants. J’essaie de voir comment un CGD peut influencer la décision

qu’une ville a d’aménager son territoire. Dans le fond, [le CGD], c’est une

organisation, mais la ville a aussi des responsabilités d’aménagement, mais…

on n’est pas, on n’a pas les juridictions pour être capable de les sensibiliser.

(R3)

C’est certain qu’on travaille tous ensemble, donc, les idées de Vivre en Ville

sur l’aménagement du territoire durable c’est les mêmes qu’on va prôner de

notre côté, mais si ça nécessite une intervention ou une analyse précise en

termes d’aménagement du territoire, on va plutôt reporter cette demande-là au

niveau des spécialistes de l’aménagement du territoire. (M1)

Bref, bien que les CGD souscrivent, du côté des idées, à une approche de mobilité

durable qui promeut un plus grand dialogue entre l’aménagement et les transports, ils

n’ont ni le mandat, ni les ressources nécessaire pour y contribuer activement. Tout au

plus, nous pourrions avancer qu’ils permettent un niveau de cohésion relationnel en

favorisant les échanges entre les responsables de l’aménagement et ceux du transport,

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143

ceux-ci étant souvent présents au niveau des CA des CGD, ou encore dans les tables

de concertation animées par ces derniers. Enfin, nous avons vu que les CGD

favorisaient le développement de compétences interpersonnelles permettant une

meilleure coordination entre les acteurs responsables des transports. Ces acteurs

pourraient éventuellement appliquer ces acquis à la coordination aménagement-

transport, par exemple en créant des tables de concertation à cet effet, qui pourraient

elles aussi inclure les entreprises et institutions du territoire.

6.2 Une contribution incertaine à la mise en œuvre du contenu de la mobilité

durable

Dans le chapitre II, le Tableau 2.4 présente les dimensions d’un renouvellement du

contenu de la planification des transports, en opposant l’approche traditionnelle à

l’approche de la mobilité durable. Les résultats de notre étude nous permettent

d’avancer que les CGD favorisent cette dernière approche, mais que sa mise en

œuvre, reposant sur la participation d’autres acteurs, est plus difficile à concrétiser.

6.2.1 Un contenu axé sur les principes de la mobilité durable

Les CGD préconisent une perspective plutôt holistique de la planification des

transports, d’abord par leur prise en compte de l’ensemble des modes de transports

dans leurs activités :

L’expertise d’un CGD est peut-être un peu plus complète qu’une expertise de

société de transport, parce qu’ils ont une vision transport durable large. Ce

n’est pas juste du transport collectif, ils ont du transport actif, covoiturage,

Communauto, autopartage… (M5)

Certains participants envisagent d’ailleurs le CGD comme un « guichet unique » (C1,

C2) permettant de faire la promotion de l’ensemble des modes de transport.

L’approche holistique des CGD transparaît aussi dans leur recours à des expertises

variées, tel que mentionné au point 6.1.1. D’ailleurs, aucun des CGD rencontrés

n’employait d’ingénieurs comme directeurs ou chargés de projet, ce qui les éloigne de

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l’approche traditionnelle. En effet, bien que des compétences en urbanisme,

aménagement ou environnement soient nécessaire pour la réalisation des PGD ou des

études, une bonne partie du travail du CGD nécessite aussi des compétences en

marketing ou en communications, davantage qu’en ingénierie, comme en témoigne

un participant :

Les CGD ont souvent embauché des urbanistes, ce qui est très bien, parce que

ça prend des urbanistes, [pour travailler sur] l’accessibilité, tout ça. C’est sûr

que ça ne prend pas des ingénieurs en transport, ça c’est sûr que non, mais c’est

beaucoup de marketing aussi […], ça prend des vendeurs aussi. (V1)

La majorité des répondants semblaient d’accord avec cette affirmation, un seul

participant aux entretiens ayant déploré qu’il n’y ait pas davantage d’experts en

transport travaillant dans les CGD.

Puisqu’ils œuvrent en gestion de la demande en transport, les CGD sont

naturellement plus axés sur les individus que sur le trafic ou la circulation. Un

participant des CGD met ainsi de l’avant le côté social de la mobilité durable :

La mobilité, c’est quand tu prends aussi conscience des besoins individuels, oui

des besoins de la société, mais de chaque individu. […] Ça fait que quand tu

veux régler les problèmes de mobilité quelque part, ça ne veut pas dire que tu

passes nécessairement que par le transport pour le faire. C’est toute

l’accessibilité au transport, c’est la sécurité, c’est toutes ces sphères-là au-delà

que rien que les transports en tant que tels. (R2)

Les PGD sont ainsi conçus en fonction des besoins de déplacements des employés ou

de la clientèle d’un générateur de déplacements, lesquels sont déterminés par un

sondage. Cette orientation des activités des CGD vers les gens plutôt que la

circulation va de pair avec les objectifs de leurs plans, qui visent davantage à

augmenter l’accessibilité d’un site aux individus, via les modes de transport collectifs

et actifs, que d’accélérer la circulation. D’ailleurs, les plans personnalisés de

déplacement effectués par certains CGD ainsi que leurs mesures de promotion des

modes de transport alternatifs à la voiture favorisent l’amélioration des compétences

de mobilité (Ascher, 2008) des usagers en leur fournissant les informations

pertinentes sur les modes de transport disponibles et sur la façon de les utiliser. Les

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CGD visent aussi, de par leurs actions, à réduire le trafic en diminuant l’utilisation

individuelle de la voiture. Selon un répondant aux entretiens, la réduction de l’auto-

solo, et donc du trafic, serait d’ailleurs l’une des principales motivations du

gouvernement derrière le financement des CGD :

[…] oui on est un CGD, on travaille sur la mobilité durable, mais en réalité,

notre mission, ce que le MTQ nous demande, c’est qu’il y ait moins d’autos sur

les routes. […] Fait que toutes nos actions qu’on fait, que ce soit en

sensibilisation, ou quand on remet nos rapports, notre objectif c’est tout le

temps qu’il y ait moins d’autos sur les routes […]. (R2)

Les actions ou les plans des CGD sont généralement très localisés, à l’échelle

d’un générateur de déplacement ou d’un regroupement de ces derniers. Ce travail à

très petite échelle, permis grâce aux liens que les CGD développent avec les

entreprises et institutions de leurs régions, est probablement l’un des points qui

distingue le plus ces organismes des autres acteurs plus traditionnels de la

planification des transports qui ont une perspective plutôt macro du transport sur leur

territoire.

En ce qui concerne la hiérarchie des transports, les CGD favorisent les modes

de transport alternatifs à la voiture, la promotion de ces modes étant clairement

inscrite dans la mission de la plupart des CGD. Plusieurs répondants rencontrés ont

aussi mentionné l’importance de l’intermodalité, ou encore du « cocktail transport »

(M1), lequel peut inclure l’auto-solo, en combinaison avec d’autres modes de

transport. Toutefois, les actions des CGD, bien qu’ils visent tous les modes de

transports, ne visent pas spécifiquement l’articulation entre l’ensemble de ces modes,

puisque celle-ci dépend souvent d’infrastructures (ex : stationnements incitatifs,

installations de supports à vélos sur les autobus, etc.) qui sont sous l’autorité des

acteurs traditionnels de la planification des transports et qui ne sont généralement pas

mises en place sur le site d’un générateur de déplacements. À cet effet, la plupart des

représentants de sociétés de transport semblent reconnaître l’importance de tenir

compte de l’intermodalité.

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Tout le monde comprend que… faut faire l’intermodalité, faut faire de

l’intégration des modes, et si on est capables, faire de l’intégration tarifaire

aussi. C’est la voie de l’intégration, on ne peut parler d’un seul mode. Donc, ça

je pense que c’est assimilé, là, un peu partout. (O2)

[La mobilité durable], c’est d’être capable de se déplacer sur le territoire,

d’avoir accès, si on veut, aux infrastructures de toute nature, que ce soit

municipale, collégiale, universitaire, du milieu de la santé, avec différents

moyens, entre autres les transports en communs, les moyens plus verts comme

la marche et le vélo, et être capable de faire des associations de transport, de

façon à se déplacer de façon la plus efficace possible. (C2)

Les CGD n’ayant pas d’emprise sur la construction de routes, ils n’ont pas

énormément d’activités visant le statut de la rue. Cependant, nous pourrions avancer

qu’ils prônent davantage une diversification de l’usage des routes, certains CGD

participant à l’organisation d’événements de sensibilisation tels que le Park(ING)

Day, durant lequel des espaces de stationnements sont utilisés à des fins récréatives

ou autres, le temps d’une journée. À l’opposé, la stratégie de gestion du trafic mise de

l’avant par le CGD est claire : il s’agit de la gestion de la demande en transport,

laquelle est, pour plusieurs participants aux entretiens, une expertise propre aux CGD,

ceux-ci n’ayant pas le pouvoir ni le mandat d’agir sur l’offre de transport :

Notre contribution particulière c’est vraiment d’être capable d’analyser les

comportements en transport, précisément, d’un générateur de déplacements, et

de pouvoir se baser là-dessus pour leur offrir les mesures adaptées à ce portrait-

là. (M1)

[…] les CGD ont leur place pour le maintien puis le renouvellement d’une

expertise en mobilité durable, puis en transports autre que la gestion pure et

simple des ressources en transport. (R1)

En général, les CGD favorisent l’emploi de critères de décision économiques,

sociaux et environnementaux dans la décision d’utiliser un mode de transport en

particulier. Par exemple, les CGD qui réalisent des plans personnalisés de

déplacements pour des individus vont indiquer non seulement le coût de chaque

option de transport, mais aussi ses impacts sur la santé, ou encore sur la quantité de

GES économisée. De plus, tel que mentionné plus haut, afin de recruter des clients,

les CGD vont souvent miser sur des arguments non seulement environnementaux,

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mais aussi sociaux et économiques, tels que l’effet des modes de transports alternatifs

à l’auto-solo sur la santé des employés, leur productivité, l’image d’une entreprise,

etc.

Faut avoir les trois sphères [du développement durable] en tête, puis quand tu

veux convaincre quelqu’un à changer ses comportements, faut que tu utilises

les trois sphères pour convaincre aussi la personne. Parce qu’il y en a que ça va

être la fibre sociale, de dire : « ah bien là, tu vas être plus en forme si tu

marches au lieu de prendre ton auto » […]. D’autres ça va être au niveau

environnemental : « Tu fais moins de GES si tu ne prends pas ta voiture, ça fait

que tu sauves la planète, c’est merveilleux. » Puis pour d’autres, bien : « Si tu

prends ta voiture, ça te coûte 8000$ par année, puis si tu prends l’autobus, ça

t’en coûte 720$ ». Tout le monde va être convaincu de différentes façons. (R2)

Les CGD portent aussi une attention aux coûts et bénéfices du système de

transport pour l’ensemble des individus et non seulement les automobilistes. Par

exemple, l’une des mesures que les CGD peuvent recommander dans leurs PGD est

l’attribution d’une allocation de transport (parking cash-out), qui reconnaît et

« corrige » les privilèges accordés aux automobilistes qui bénéficient d’un

stationnement gratuit subventionné par leur employeur. Ainsi, au lieu d’offrir le

stationnement gratuitement, l’employeur donne à chaque employé une allocation de

transport qu’il peut choisir d’utiliser pour défrayer son stationnement, mais aussi pour

acheter une passe d’autobus ou pour entretenir son vélo, par exemple.

En ce qui concerne les outils d’aide à la décision qu’emploient les CGD pour

sélectionner des mesures de GDT à appliquer, ceux-ci consistent généralement en des

diagnostics ou des études de faisabilité, mais il est difficile de déterminer, avec les

résultats que nous avons, s’ils s’inscrivent dans une approche traditionnelle ou de

mobilité durable. En effet, le type de planification très localisé qu’effectuent les CGD

ne comprend généralement pas de prévisions de la circulation, ni d’élaboration de

scénarios ou de visions, en particulier à l’échelle d’une ville, bien que nous pourrions

avancer que les actions des CGD soient motivées par une vision d’une ville ou d’une

région où la majorité des individus se déplacent à l’aide de modes de transports

collectifs ou actifs.

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Enfin, les arguments utilisés par les CGD pour promouvoir les modes de

déplacements alternatifs à l’auto-solo montrent qu’ils attribuent une certaine valeur à

l’activité de se déplacer, qui n’est pas envisagée simplement comme une demande

dérivée avec pour seul objectif ou avantage d’accéder à sa destination : par exemple,

le vélo et la marche sont bons pour la forme, ou encore le transport en commun

permet de prendre du temps pour se détendre, pour lire, ou même pour travailler.

Le Tableau 6.2 montre que l’approche utilisée par les CGD à travers leurs

plans et activités favorise presque toujours un contenu basé sur les principes de la

mobilité durable. Nous avons d’ailleurs vu au point 6.1.2 que les CGD, en

promouvant ces principes auprès de leurs clients et partenaires, agissent en

instruments de persuasion sociale au service de la mobilité durable. Toutefois, il est

important de noter que même si cette approche est favorisée par les CGD dans les

recommandations qu’ils font aux générateurs de déplacements, leur mise en œuvre

comporte des défis qui limitent la contribution réelle des CGD à la concrétisation des

principes de la mobilité durable.

Tableau 6.2 - Positionnement des CGD par rapport aux approches substantives de la

planification des transports

Dimensions

Éléments des CGD propres

à l’approche traditionnelle

en transport

Éléments des CGD propres à

l’approche de la mobilité durable

Perspective Perspective holistique : l’ensemble des

modes de transport sont pris en compte

et plusieurs expertises sont mobilisées.

Orientation Les plans et actions des CGD sont

orientés en fonction des besoins de

déplacement des gens.

Objectifs de la

planification

Les PGD visent à améliorer

l’accessibilité des sites générateurs de

déplacements.

La diminution du nombre de véhicules

sur les routes fait partie de la mission

des CGD.

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Échelle Les PGD visent à améliorer

l’accessibilité à des sites à très petite

échelle.

Hiérarchie des

modes de transport

Les CGD priorisent l’utilisation des

modes de transport actifs et collectifs.

Combinaison des

modes de transport

L’ensemble des modes sont pris en

compte par les CGD qui promeuvent

l’utilisation de « cocktails transport ».

Statut de la rue Les CGD organisent des événements

favorisant l’appropriation de la rue

comme espace public (ex : Park(ING)

Day).

Stratégies de

gestion du trafic

Les CGD sont spécialisés dans la

gestion de la demande en transport.

Critères de

décision

Les CGD tiennent compte des critères

sociaux, économiques et

environnementaux dans le choix d’un

mode de transport.

Outils d’aide à la

décision

Peu applicable / manque d’informations pour positionner les CGD.

Calcul des coûts

du transport

Les CGD favorisent la prise en compte

des bénéfices et des coûts pour les

usagers de tous les modes de transport

(ex : mesure du parking cash-out).

Approche du

déplacement

Les CGD mettent de l’avant les

avantages propres aux différents modes

de transport.

6.2.2 Des obstacles à la mise en œuvre du contenu de la mobilité durable

Bien que l’approche promue par les CGD respecte les principes de la mobilité

durable, ces organismes n’ont généralement pas de pouvoir concret sur leur mise en

œuvre, celle-ci relevant d’autres acteurs, soient les générateurs de déplacement et les

autorités en transport. Ce manque de pouvoir des CGD est une problématique qui a

souvent été relevée par les participants à nos entretiens :

Mais la forme actuelle [du CGD] elle n’a aucun pouvoir. Mais pas

nécessairement des pouvoirs, mais aucune influence. Dans le sens que, on

propose un plan d’action : ça ne donne pas grand-chose. (M4)

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150

En effet, une fois qu’un PGD ou une étude est réalisé par le CGD, c’est au

générateur de déplacements de veiller à la réalisation des mesures de GDT

recommandées; le rôle du CGD se limite alors à accompagner l’institution ou

l’entreprise dans la mise en œuvre et, parfois, à réaliser des activités de

sensibilisation, n’ayant pas d’emprise sur les décisions internes. Or, plusieurs

répondants notent que c’est souvent à cette étape d’implantation des mesures que le

processus de PGD stagne. Cette situation découle de plusieurs facteurs. D’abord,

jusqu’en 2011, plusieurs des clients des CGD ont pu profiter d’une subvention du

PAGMTAA pour réaliser leur PGD, alors que la mise en œuvre des actions prévues

au plan n’était pas admissible à une aide gouvernementale. Dans ce contexte,

l’allocation de ressources financières à l’implantation de mesures de GDT est

rarement la priorité des clients des CGD, qui vont alors choisir d’en rester là :

Parce qu’il y en a d’autres, des clients, que je ne nommerai pas, que je le sais

qu’ils vont tabletter les choses après ça. Malgré le fait qu’ils ont fait le travail,

c’est malheureusement pas dans leurs priorités. […] Ceux qui mettent ça en

avant, beaucoup, c’est soit par choix d’orientation, de direction […]. Puis les

autres, c’est ceux qui n’ont pas le choix. (R2)

Souvent ils ne continuent pas, c’est arrivé dans le cas des entreprises qui

avaient eu une subvention, par exemple, du MTQ, qui n’ont pas terminé, parce

que souvent ils ont changé de direction, ils ont changé des gens, alors la

nouvelle personne des fois ne voulait pas, alors on a eu 2-3 programmes

comme ça, qui ont resté là, qu’il a fallu les relancer et tout. (V1)

Tout le monde a des beaux plans. C’est comme si y’a une obligation de voir le

plan, d’avoir ça, mais dans l’exécution du plan… c’est fragile parce que c’est

là qu’on rentre dans l’argent. (O2)

Cette situation ne s’est pas améliorée avec l’élimination du volet du PAGMTAA aux

entreprises, ces dernières se trouvant alors à payer à la fois pour le PGD et pour la

mise en œuvre des actions recommandées :

Puis une fois que le plan est fait, ça prend des sous pour le mettre en

application. Ça fait qu’il y a autant des sous qui sont requis pour les plans, mais

aussi pour la suite, l’application. […] [Les CGD] nous proposent des choses,

mais il faut qu’on soit capables de soutenir ce qu’ils nous proposent, sinon ça

donne moins de résultats. (M3)

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151

Ainsi, au lieu d’être guidées par des critères respectant les trois sphères du

développement durable, les décisions à l’étape de la mise en œuvre sont avant tout

motivées par des critères économiques. Et lorsque les générateurs de déplacements

décident tout de même d’implanter certaines mesures, ils vont généralement choisir

celles qui sont les moins coûteuses, ou encore les plus faciles ou rapides à réaliser.

En plus de devoir débourser pour les mesures de GDT, les générateurs de

déplacements qui veulent réussir la mise en œuvre d’un PGD doivent idéalement y

assigner un employé. Il s’agit d’un facteur déterminant, qui assure que les mesures

soient bien intégrées au fonctionnement de l’organisation :

Fait que les CGD peuvent aussi donner un coup de main à ce niveau-là, puis

nous comme entreprise, bien on… en ayant une personne qui est là presque à

temps plein, bien on est capable de surveiller un petit peu les actions puis

d’intégrer ça dans nos pratiques le plus possible. (M5)

Or, ce ne sont pas tous les clients des CGD qui décident ou qui peuvent se permettre

d’embaucher une ressource à temps plein :

La première recommandation de tous nos PGD en entreprise, c’est une

ressource dédiée. C’est la première recommandation. Certains le font, […]

mais d’autres ont des ressources qui… ça se rajoute sur le coin de leur bureau,

puis ils changent dix fois de ressource pendant l’année de toute façon, donc le

suivi est extrêmement difficile pour ça. (M1)

Par ailleurs, même lorsqu’une entreprise choisit d’investir dans la mise en œuvre d’un

PGD et d’y affecter une ressource, d’autres difficultés organisationnelles, surtout

dans le cas des grandes institutions ou entreprises, peuvent venir décourager

l’implantation de mesures de GDT :

[Un CGD] est une petite OBNL, puis […] les employés qui travaillent là, ils

n’ont pas conscience de comment ça marche dans une grande entreprise, dans

une grande organisation. […] une affaire qui paraît niaiseuse, comme peinturer

les cases des stationnements pour covoitureurs, bien en le disant j’ai déjà cinq

choses qui pourraient être difficiles à faire. (M4)

Mais là, ça ne paraît pas, mais dans une boîte comme la nôtre, rajouter un

élément architectural extérieur, avant que ça s’entende… écoutez, c’est pas une

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petite boîte, ils ne s’entendent même pas sur la couleur, sur les nouveaux

meubles. […] Finalement, la résistance au changement est immense. (C3)

De plus, alors que les générateurs de déplacements jouent un rôle important

dans l’implantation de plusieurs mesures de GDT, certaines d’entre elles nécessitent

aussi la collaboration des autorités en transport telles qu’une municipalité ou une

société de transport, ce qui rajoute une couche de complexité à leur mise en œuvre :

En fait, le nerf de la guerre, c’est beaucoup l’argent, puis qui est responsable de

quoi. Puis nous on ne peut pas faire construire un trottoir, ça fait partie du

mandat de la ville, fait que, faut que la ville ait les sous pour le faire. […] nous

on est allés dire : « on a besoin de ça », mais on n’est pas maîtres de la plupart

des choses dont on a besoin, on peut juste faire des représentations. (M3)

Bref, les obstacles sont nombreux pour passer de la vision de mobilité durable d’un

PGD à la réalité. Pour certains, l’accès à des subventions gouvernementales pour la

mise en place d’un PGD pourrait contribuer à augmenter le nombre de générateurs de

déplacements prêts à passer à l’acte. Le CGD pourrait même offrir de prêter un de ses

employés pour coordonner l’implantation des mesures de GDT à l’intérieur des

entreprises, bien que les participants à nos entretiens soulignent les difficultés que

cela pourrait engendrer, ne serait-ce que parce que l’organisation interne de chaque

entreprise ou institution n’est pas familière aux employés des CGD.

De plus, même lorsque certaines mesures sont mises en œuvre, il s’avère

difficile de déterminer leur impact réel, comme nous l’avons soulevé au chapitre V :

peu d’évaluations des résultats des PGD sont effectuées, dû au manque d’intérêt ou

de moyens des clients, et il est difficile d’isoler les effets du PGD des effets de

facteurs externes sur les habitudes de déplacements des individus. Aussi, la plupart

des personnes interrogées s’entendent sur le fait que les impacts des mesures de GDT

se font ressentir à long terme et qu’il est donc difficile d’observer des résultats

rapidement. Un participant souligne d’ailleurs les limites de l’approche très localisée

et ponctuelle des CGD, qui ne permet pas de changements significatifs à l’échelle

d’une ville ou d’une région :

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153

Puis faire des ateliers vélo, ici et là, c’est beau, mais ça ne change pas

beaucoup la donne au niveau de la part modale. C’est… c’est pas là qu’est le

gros [du potentiel de faire changer les habitudes de transport]. Ça ne va pas

empêcher de faire une route demain matin, ou de construire un pont. (O2)

Les CGD semblent être conscients des limites de leurs actions, du moins à court

terme, sur les habitudes de déplacement chez leurs clients. Ainsi, dans son rapport

d’activités, un CGD soulignait qu’il visait une réduction de 1% des déplacements en

auto-solo chez ses clients, une fois le PGD réalisé. Malgré tout, les participants

rencontrés semblent optimistes, la mise en œuvre de la mobilité durable étant, selon

eux, un processus à très long terme :

On n’est qu’au départ d’un changement qui va prendre plusieurs années, donc

c’est important aussi, ça c’est la partie qui pourrait être la plus frustrante des

fois, mais… c’est normal, c’est tout-à-fait normal. (C3)

Hey, on est dans le changement de mentalité. Le changement de mentalité

c’est… c’est long… c’est du travail… c’est de l’énergie, c’est un peu

missionnaire! Ça demande… une vocation! (O1)

Bien qu’il y ait peu de données disponibles sur les impacts du travail des CGD, une

étude réalisée en 2012 par une firme de génie-conseil, basée sur les résultats de huit

PGD réalisés par quatre CGD québécois, évaluait les retombées de leurs activités à

neuf dollars d’avantages économique pour chaque dollar investi (SNC-Lavalin,

2012).19

Somme toute, la réalisation d’un PGD implique de nombreux défis. Malgré

tout, sur les quelques centaines de clients, regroupant plusieurs dizaines de milliers

d’employés ou étudiants, qui ont fait appel à l’expertise des CGD depuis 2001,

plusieurs ont réussi à surmonter ces obstacles et à mettre en place une série de

mesures de GDT concrètes. Le Tableau 6.3 montre quelques exemples d’entreprises,

institutions ou regroupements d’entreprises « modèles » qui ont mis en place une

stratégie de GDT dans leur établissement.

19

Les avantages pris en compte dans le calcul de l’étude incluaient les impacts des PGD sur l’émission

de GES et de pollution atmosphérique, le coût du carburant, le nombre d’accidents de la route et le

coût d’utilisation d’un véhicule.

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154

Tableau 6.3 – Exemples de stratégies de GDT mises en œuvre par des clients de CGD

Client Mesures mises en place

Mouvement

Desjardins

(principalement Lévis,

Québec, Montréal et

Toronto)

20 000 employés

Rabais sur les abonnements annuels de transport en commun

Abonnement à un service d’autopartage pour les déplacements

corporatifs pour les employés utilisant le transport en commun

Navette quotidienne Lévis-Montréal

Plateforme de covoiturage (entre 300 et 350 covoitureurs à

Lévis)

Stationnements réservés au covoiturage (Lévis)

Programme de retour garanti à domicile en cas d’urgence pour

les employés utilisant le covoiturage ou le transport en

commun

Rabais sur l’abonnement à un service de vélo libre-service

(Montréal)

Installation de douches et vestiaires (475 utilisateurs à

Montréal)

Stationnement couvert et sécuritaire pour les vélos (Lévis)

Portail « transport alternatif » en ligne pour les employés

Activités de sensibilisation : Défi sans auto, conférences,

kiosques, concours, vidéos, etc.

Parc technologique

du Québec

métropolitain

(Québec)

5200 employés

Mise en place d’un comité de concertation regroupant

l’arrondissement, la ville et la société de transport

Amélioration de la desserte en transport en commun

Amélioration d’infrastructures piétonnes et cyclables

Plateforme de covoiturage

Plans de déplacements personnalisés pour les employés

Installation de douches et vestiaires (à venir)

Université du

Québec à Chicoutimi

(Saguenay)

7500 étudiants

600 employés

Mise en place d’un comité de concertation regroupant

différents service de l’université

Plateforme de covoiturage

Amélioration des infrastructures cyclables, piétonnes et de

transport en commun

Rabais étudiant sur les passes de transport en commun

Technoparc

Montréal

(Montréal)

6000 employés

Mise en place d’un comité de concertation regroupant les

entreprises du parc

Amélioration de la desserte en transport en commun

(prolongement d’une ligne d’autobus et augmentation de la

fréquence de desserte)

Taxi collectif vers la gare de train

Plateforme de covoiturage

Stationnements réservés au covoiturage

Amélioration des infrastructures piétonnes

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Université Laval

(Québec)

40 000 étudiants

10 000 employés

Rabais sur les abonnements annuels de transport en commun

Service de prêt de vélo gratuit

Amélioration des infrastructures cyclables

Programme de retour garanti à domicile en cas d’urgence pour

les employés qui se déplacent autrement qu’en voiture

Plateforme de covoiturage

Stationnements réservés au covoiturage (à venir)

6.3 Enjeux et perspectives pour les CGD

Dans cette section, nous présentons une synthèse de la contribution des CGD à la

mise en œuvre de la mobilité durable à partir de l’analyse effectuée dans les sections

précédentes, nous soulevons certaines mesures qui pourraient augmenter cette

contribution et nous mettons en lumière certains débats et enjeux quant à l’avenir des

CGD.

6.3.1 Une contribution notable, mais freinée par plusieurs obstacles

De façon générale, nous pouvons avancer que les CGD contribuent au

renouvellement des pratiques et du contenu de la planification des transports de par

leur approche préconisant la mobilité durable. Avec une approche intégrée qui tient

compte de l’ensemble des modes de transport, les CGD favorisent des procédures

basées sur la collaboration, la concertation et le partenariat, en réunissant différents

acteurs impliqués dans les transports au sein d’un CA, d’une table de concertation, ou

encore d’un processus de PGD. Ce faisant, les CGD contribuent à l’établissement

d’un niveau de coordination instrumental entre les acteurs des transports. Par ailleurs,

de par les activités de sensibilisation qu’ils réalisent, leur mission, de même que leur

expertise en GDT, les CGD sont de réels ambassadeurs d’un contenu axé sur les

principes de la mobilité durable; ils contribuent même à la mise en œuvre de ces

principes chez certains de leurs clients qui s’engagent dans des stratégies de GDT.

Toutefois, certains défis ou limites des CGD tendent à freiner leur apport à un

renouvellement de la planification des transports. L’obstacle le plus important est

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sans doute le financement limité et incertain des CGD et de leurs services auprès des

générateurs de déplacement, lequel se reflète au niveau de l’attraction et de la

rétention de ressources humaines. Leur existence étant presque constamment

menacée, il est difficile pour les CGD d’avoir une approche à long terme, tandis que

les générateurs de déplacement hésitent à s’engager dans des stratégies continues de

GDT faute de moyens. De par leur mandat et leur statut, les CGD n’ont pas d’emprise

sur l’implantation des mesures de GDT chez leurs clients; ils n’ont pas non plus de

pouvoir direct sur l’offre en transports alternatifs ou sur l’aménagement du territoire

et doivent donc tenter d’influencer la demande en fonction des paramètres actuels.

Ces paramètres sont d’ailleurs fortement teintés d’une culture automobile qui

constitue une autre barrière importante à l’action des CGD, se traduisant par un

manque d’intérêt de leurs clients envers la mobilité durable en l’absence de

problèmes de transport importants ainsi que par une faible volonté politique des

décideurs de changer les choses. Or, sans évaluation des résultats suite aux mesures

mises en place grâce au CGD, il s’avère encore plus difficile d’influencer les

décideurs. Enfin, l’échelle d’action des CGD, soit les générateurs de déplacement, le

plus souvent individuels, les limite aussi à des actions localisées qui ont donc peu

d’impact au niveau d’une ville, par exemple. La plupart de ces barrières ont été

relevées au chapitre IV comme étant des limites de la GDT en général ou des modèles

TMA, et non du modèle de CGD en tant que tel. Nous avons cependant noté des défis

propres aux CGD, soit un manque de notoriété ou de visibilité auprès de leur

clientèle, de même que l’étiquette d’activistes que leur attribuent certains partenaires

ou clients.

6.3.2 Des mesures pour améliorer la contribution des CGD à la mise en œuvre de

la mobilité durable

L’une des mesures fréquemment citées par les participants aux entretiens pour

faciliter le travail des CGD concerne le financement, principal défi des CGD. Dans

son mémoire déposé dans le cadre des consultations pour la PQMD, l’ACGD

demandait ainsi au gouvernement provincial l’octroi d’un financement stable pour

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une durée de cinq ans couvrant 75% du fonctionnement des CGD jusqu’à

concurrence de 100 000 $, avec possibilité d’obtenir des montants supplémentaires en

fonction du territoire desservi par chaque CGD. La garantie d’un financement à long

terme est particulièrement cruciale pour les CGD, comme en témoigne ce participant :

[…] faut les rendre pérennes, les CGD. Faut arrêter de les reconduire un an,

trois mois, sept mois, neuf mois, un autre gouvernement… là tout d’un coup,

moi pour stabiliser une équipe comme celle que j’ai ici, qui est très bonne, c’est

sûr que ça me prend des choses sur 5 ans, sur 10 ans, ça me prend des plans sur

10 ans. Faut dépasser le politique à court terme, oui, faut absolument que ça

reste. (C3)

Selon certains participants, les municipalités devraient également participer au

financement des CGD desservant leur territoire. Une autre alternative pour le

financement des CGD consisterait à mettre sur pied un système de membership,

comme c’est le cas dans plusieurs TMA; d’ailleurs, le seul CGD ayant un tel système

semblait relativement moins préoccupé par sa situation financière. Par ailleurs, dans

son mémoire, l’ACGD demandait aussi au gouvernement de remettre en place l’aide

financière aux générateurs de déplacements ayant recours aux services de CGD,

d’augmenter la proportion des dépenses couvertes par cette mesure et d’élargir les

organismes admissibles aux regroupements d’entreprises et aux gestionnaires

immobiliers.

Un autre type de moyens qui pourraient faciliter l’action des CGD est la mise

en place de mesures incitatives ou dissuasives afin de pousser les générateurs de

déplacements à mettre en place des stratégies de GDT. Plusieurs participants ont

mentionné la possibilité pour des municipalités d’adopter une réglementation

obligeant les grands générateurs de déplacement à implanter la mesure du parking

cash-out, ou encore à réaliser un PGD, se référant aux expériences similaires déjà

réalisées en Europe ou aux États-Unis. À Montréal, le plan de transport oblige déjà

les grands projets à adopter un PGD et incite les entreprises et institutions existantes

de plus de 100 employés à faire de même, une mesure reprise dans le PMD de

Québec; d’autres villes québécoises seraient aussi en train de considérer

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l’implantation de telles mesures, selon les informations recueillies. Pour l’un des

participants interrogés, il serait préférable que l’adoption d’un tel règlement soit

imposée par le gouvernement à l’ensemble des municipalités, afin de ne pas pénaliser

les plus proactives d’entre elles :

Puis même à la limite, ce que les villes souhaiteraient, j’imagine, c’est que ce

soit coast-to-coast, c’est-à-dire que le gouvernement demande aux villes, ou

exige aux villes ce genre d’exercice-là, parce que les villes, je comprends

qu’elles sont toutes en compétition, donc elles ne veulent pas [repousser] des

promoteurs, ou quoi que ce soit, donc faudrait que tout le monde soit sur le

même [pied d’égalité]. […] Je pense que si on veut aligner les choses, ça prend

des décisions courageuses. (R3)

D’autres participants soulèvent l’effet bénéfique que pourrait avoir une politique de

stationnement, en restreignant sa disponibilité et en y associant un coût, ce qui

pousserait les entreprises, leurs employés et leurs clients à se tourner vers des modes

de transport alternatifs : « Le premier levier : stationnement. Partout, ça c’est

unanime. […] C’est le coût du stationnement, et la disponibilité du stationnement »

(O2). Toutefois, la majorité des répondants s’entendent sur l’importance de doser

l’utilisation d’une réglementation restrictive et d’autres mesures dissuasives, qui

peuvent rebuter la population et pénaliser indûment des générateurs de déplacement

aux moyens limités. Dans son mémoire, l’ACGD mentionne qu’il serait préférable

d’utiliser une approche progressive, combinant d’abord une stratégie de

communication et de sensibilisation à l’utilisation d’incitatifs, pour ensuite implanter

des mesures dissuasives. Une répondante compare ce processus à celui d’autres

campagnes visant à changer les comportements, notamment celles sur la cigarette, le

recyclage ou encore la ceinture de sécurité :

[…] c’est pareil, toutes les grandes campagnes sociétales qu’on a pu faire sur

des questions, de santé, de sécurité, peu importe, ça a toujours été de la même

manière. Tu commences par l’incitatif, puis après ça tu le rends obligatoire. Et

comme ça fait tellement longtemps que les gens en entendent parler,

l’obligatoire passe beaucoup mieux. (O1)

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L’un des plus grands incitatifs à l’adoption de modes de transport alternatifs à l’auto-

solo passe par la provision d’une offre en transports collectifs et actifs qui soit

pratique, sécuritaire et confortable :

Si on veut être compétitif avec l’auto, faut offrir le meilleur service qui soit,

dans tous les aspects en fait de l’offre. Et l’aspect client, c’est ce que j’appelle

la chaîne de déplacement, c’est-à-dire du moment où tu fais la planification de

ton déplacement jusqu’à ta destination, il faut que cette expérience-là soit

extraordinaire. (R3)

Ainsi, selon plusieurs participants, le gouvernement devrait investir davantage dans

les infrastructures piétonnes, cyclables et de transport en commun, bien qu’ils

reconnaissent que la volonté politique favorise encore la construction de rues et

d’autoroutes.

Justement, la possession d’informations précises et à jour sur l’impact des

activités des CGD pourrait contribuer à influencer les décideurs. Afin de pallier aux

lacunes actuelles dans l’évaluation du travail des CGD, l’ACGD a recommandé dans

son mémoire que le suivi annuel des PGD soit obligatoire pour une période minimale

de deux ans et qu’il puisse être financé par l’aide gouvernementale aux générateurs de

déplacements. En s’entendant sur les indicateurs à mesurer, les CGD seraient ainsi en

mesure de recueillir des données comparables sur de longues périodes de temps qui

leur permettraient de surveiller l’évolution des comportements de mobilité chez les

générateurs de déplacements.

En ce qui concerne la notoriété des CGD, une reconnaissance de leur rôle au

niveau de la GDT et de la mobilité durable par les autres acteurs des transports tels

que le gouvernement, les municipalités et les AOT est cruciale. Par exemple,

plusieurs AOT vont référer directement les générateurs de déplacements qui les

contactent aux CGD, alors que les municipalités peuvent faciliter le réseautage entre

les CGD et les entreprises sur leur territoire, comme l’a fait la Ville de Québec en

organisant un atelier sur la GDT, ou encore mentionner leur rôle dans la réalisation de

PGD à l’intérieur de leurs plans de déplacements durables, comme c’est le cas dans

l’arrondissement de Saint-Laurent et à Gatineau. L’établissement de la notoriété des

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CGD est par ailleurs un travail en continu et de longue haleine, qui peut entre autres

s’effectuer via des campagnes de marketing soulignant les réalisations de leurs clients

ou des événements médiatisés tels que le Défi sans auto.

Finalement, nous avons vu précédemment l’importance des partenariats

comme stratégie des CGD pour surmonter certaines limites au niveau de leur

financement ou de leurs ressources humaines et matérielles. Pour plusieurs

participants, il importe ainsi pour les CGD de consolider leurs partenariats actuels et

de continuer à en développer de nouveaux.

6.3.3 Une structure à repenser?

Alors que les mesures proposées précédemment visent à optimiser l’efficacité des

CGD dans leur forme actuelle, certains participants proposent plutôt de revoir la

structure-même des CGD, qu’il s’agisse de leur statut, de leur aire de desserte, de leur

tarification ou encore de leur mandat.

Plusieurs répondants, en particulier les représentants des CGD, défendent le

statut d’OBNL comme étant la meilleure forme à adopter, lui procurant à la fois

neutralité, indépendance, flexibilité, efficacité et dynamisme. Pour les défenseurs du

modèle OBNL, il est important que le CGD soit dissocié des acteurs de l’offre en

transport, afin d’assurer une neutralité dans l’analyse de la demande et dans les

mesures de GDT recommandées, comme en témoigne ce passage du mémoire de

l’ACGD:

Cette indépendance est cruciale afin de garantir une analyse impartiale des

meilleures solutions de mobilité durable, indépendamment des priorités de

développement de certains réseaux de transport actifs ou collectifs par les

municipalités ou les autorités organisatrices de transport. (ACGD, 2013)

De plus, certains participants mettent de l’avant la flexibilité et la rapidité d’action

permises par une structure d’OBNL, comparativement aux institutions publiques ou

parapubliques, ce qui permettrait de mieux répondre à une clientèle constituée en

partie d’entreprises privées : « Mais la flexibilité d’un OBNL, tu te tournes sur des

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dix cents, puis t’as pas 56 procédures de validation à demander, ce qui est le cas

d’une parapublique, puis t’es moins dans le politique, même si t’es toujours pas loin

du politique » (M5). Pour d’autres, un OBNL a l’avantage de pouvoir faire plus avec

moins, ses coûts de fonctionnement étant souvent moins élevés que ceux

d’institutions publiques, en plus d’avoir accès à certaines subventions non accessibles

aux AOT ou aux municipalités, par exemple. Finalement, pour un participant, la

présence d’un OBNL œuvrant en transport contribuerait à maintenir une certaine

vitalité de même qu’une multiplicité d’approches sur un territoire. D’un autre côté,

certains mettent de l’avant l’instabilité qui caractérise souvent les OBNL au niveau

des ressources financières et humaines et menace ainsi leur pérennité, tout en les

obligeant à tarifer leurs services. Un participant y voit cependant un côté positif :

« C’est bête à dire, mais il y a des avantages à l’instabilité, qui est de rester très

inventif, toujours à la page, toujours à l’affût de ce qui pourrait être développé » (O1).

Une autre critique du modèle OBNL, tel que mentionné précédemment, est son

association à un rôle de revendication qui peut rebuter certains partenaires ou clients

potentiels.

Parmi les alternatives proposées, plusieurs répondants avancent la possibilité

pour les CGD de se rattacher à un organisme municipal, ou encore à un AOT. Pour

certains, cela permettrait de gonfler la notoriété et la crédibilité des CGD, de leur

assurer une plus grande stabilité financière ainsi qu’une pérennité.

Mais, ça devrait être un organisme qui est rattaché dans une entité

administrative, qui lui donnerait du poids. […] Ça serait un acquis. Ça serait un

passage obligé, maintenant. Ça serait tout le monde doit y adhérer, puis ça

devient comme une équipe qui gère ça, pour qu’une région, une communauté

métropolitaine, aille dans le même sens. […] on toucherait un plus grand

territoire, ce serait plus cohérent. (M2)

De plus, pour les répondants soutenant cette option, cela permettrait de rapprocher les

CGD des acteurs possédant un pouvoir décisionnel au niveau des transports et de

faciliter leur coordination : « Faudrait quasiment que [le CGD] soit financé par la

ville, faut que ce soit un service de la ville. […] C’est la ville qui va mettre les

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infrastructures qui vont venir soutenir les idées que [le CGD] a » (M3). Par ailleurs,

un CGD intégré à une AOT ou un organisme municipal pourrait offrir de meilleures

conditions de travail à ses employés et profiter à la fois de l’expertise et des

ressources technologiques de l’institution en question :

[…] peut-être que si la gestion des déplacements dans la nouvelle SNMD est

intégrée dans les sociétés de transport, bien ils vont pouvoir garder leur staff,

puis se spécialiser encore plus, puis avoir des bons, des meilleurs outils pour

faire des diagnostics, puis du géoréférencement. (M5)

Les partisans de la structure OBNL s’opposent cependant au rattachement des CGD

aux organismes municipaux et AOT, principalement pour des motifs concernant la

neutralité et l’indépendance des CGD. Ils craignent entre autres que le rôle d’un CGD

se réduise à faire la promotion d’un seul mode de transport en fonction des intérêts de

leur organisme parrain et rappellent que le mandat de GDT des CGD se distingue de

celui des fournisseurs de transport, comme le montre ce passage de la Stratégie de

gestion des déplacements de Gatineau :

La GDT a ceci de particulier qu’elle ne vise pas tant à fournir des services de

transports qu’à maximiser leur efficacité en modifiant les besoins. En ce sens,

il peut être délicat pour les acteurs de la mobilité de jouer un rôle de conseil

auprès des entreprises et institutions, qui risquent de les considérer plutôt

comme prestataires. Une organisation distincte bénéficierait d’une neutralité et

d’une légitimité favorables au développement de partenariats avec les

entreprises et les institutions. Elle pourrait ainsi jouer un rôle d’intermédiaire

entre les entreprises et les partenaires publics. (Vivre en Ville et al., 2009)

Certains avancent ainsi que des générateurs de déplacements pourraient être moins à

l’aise de faire affaire avec une ville ou une société de transport : « […] le privé ou

même l’institution publique a peur de la ville, a peur de la [société de transport].

Parce qu’ils disent : "Si je suis là-dedans, si je suis à la même table, c’est comme si

j’acquiesçais à ce qu’ils faisaient". » (C3) Cet argument est réfuté par d’autres, un

client d’un CGD affirmant ne pas avoir d’objection à ce que le rôle de CGD soit

assumé par une société de transport, par exemple, alors qu’un représentant d’une

société de transport affirme que l’absence d’intérêt pécuniaire de son institution lui

garantit une neutralité. Un autre représentant d’une société de transport verrait les

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CGD s’insérer dans des AOT, mais à condition que la mission des AOT soit élargie à

l’ensemble des modes de transport alternatifs à l’auto-solo. Par ailleurs, les

détracteurs de ce type de structure mettent de l’avant le fait qu’il serait impossible

pour un CGD à l’intérieur d’un AOT de tarifer ses services, ce qui pourrait favoriser

le recrutement de clients, mais aussi priver le CGD d’une source de financement

importante. De plus, les salaires étant plus élevés dans les institutions publiques, il

serait difficile pour les CGD, avec le montant de la subvention gouvernementale

actuelle, d’embaucher plusieurs ressources. Finalement, certains avancent que

l’insertion d’un CGD dans un organisme public aurait un impact négatif sur sa

rapidité d’action, primordiale pour une clientèle constituée en partie d’entreprises

privées : « Une société de transport ou une ville, ça va prendre beaucoup plus de

temps, puis c’est normal, c’est une organisation publique, il faut qu’elle justifie tous

ses mouvements » (O1).

Une dernière alternative au modèle actuel du CGD, soit son insertion dans un

organisme de développement économique, est relevée par un participant, qui fait

référence au modèle du CGD de Saint-Laurent et aux TMA, qui sont habituellement

constituées ainsi : « Parce que les TMA, c’est vraiment de s’associer, justement, avec

un acteur économique du milieu, comme à Saint-Laurent. C’était ça, et Saint-Laurent

fonctionne quand même bien aujourd’hui, fonctionne assez bien. Le modèle a fait ses

preuves » (V1). En effet, on peut supposer que la présence du CGD à l’intérieur d’un

organisme de développement économique, qu’il s’agisse d’un CLD, d’une chambre

de commerce ou autre, permettrait au CGD de mieux rejoindre les entreprises en plus

de lui donner une certaine crédibilité auprès de cette clientèle. Toutefois, il se pourrait

qu’un tel modèle restreigne la clientèle du CGD aux entreprises privées, excluant

alors les générateurs de déplacement institutionnels, ou encore du grand public, bien

que ce ne soit apparemment pas le cas pour le CGD de Saint-Laurent.

Bref, les points de vue sont assez partagés sur la forme idéale que devraient

adopter les CGD, chaque structure présentant ses avantages et ses inconvénients.

Deux répondants ont soulevé une piste de compromis intéressante en citant le modèle

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des conseils régionaux de l’environnement (CRE) comme un exemple qui pourrait

être appliqué aux CGD, dans le but de leur garantir une certaine notoriété et une plus

grande stabilité, tout en leur permettant de conserver les avantages du modèle

d’OBNL :

[…] le réseau des CRE, qui sont reconnus comme les intervenants sur le

territoire au niveau développement durable par le ministère, et qui ont un RN,

le regroupement national, qui est dessous, qui eux chapeautent un peu tous les

CRE. Je verrais un peu ça pour les CGD. Parce que je pense qu’on a besoin de

cette assurance-là, puis, quand même, les CRE restent quand même des gens

qui sont très… parce qu’on reste des OBNL, très libres, très flexibles, capables

de bouger sur plusieurs fronts, de se réorienter facilement, on n’est pas des

grosses organisations. (O1)

Outre le statut d’un CGD, son aire de desserte fait aussi l’objet de débats et

même parfois de tensions entre les CGD. Ainsi, un certain partage des territoires de

desserte a été effectué entre les CGD actuels, comme l’explique ce répondant :

[…] notre objectif ce n’était pas qu’il y ait de la compétition; justement, une

fois que les territoires sont établis, il y a une entreprise qui m’appelle mais qui

n’est pas sur mon territoire, j’appelle l’autre CGD puis je lui dis de s’en

charger. On trouvait ça plus facile à gérer, puis plus cohérent auprès des

entreprises. (S1)

Toutefois, ces « frontières » entre les territoires de desserte comportent certaines

zones grises qui peuvent être sources de frictions entre des CGD, ceux-ci n’étant pas

insensibles aux sources de revenus potentielles que représentent des territoires – et

donc des clients – supplémentaires. Cette situation a été particulièrement présente à

Montréal avant la fusion de Mobiligo et de Voyagez Futé, alors que le territoire de la

région métropolitaine était partagé entre trois CGD. Par ailleurs, bien que ce

découpage entre les CGD inclue des territoires assez importants, nous avons vu que

leur action se concentre habituellement dans leur ville ou leur région métropolitaine

d’attache. Cette situation est exacerbée lorsque le CGD reçoit du financement de

partenaires locaux, les services du CGD étant alors concentrés sur le territoire ou chez

les organismes couverts par ses bailleurs de fonds. Or, pour certains participants

interrogés, les CGD devraient assumer davantage leur rôle à l’échelle régionale,

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arguant entre autres que de restreindre leur territoire d’action équivaut à « fermer des

portes » (O2). Dans cette optique, l’ACGD a recommandé au gouvernement, dans son

mémoire pour la PQMD, de ne pas accorder de subvention à la création de nouveaux

CGD, mais plutôt d’accorder une aide financière supplémentaire aux CGD desservant

de grands territoires. Malgré cela, un participant ne voit pas nécessairement d’un bon

œil l’élargissement de l’aire de desserte d’un CGD, celui-ci étant moins en contact et

donc moins avisé quant à la réalité des territoires situés plus loin de son port

d’attache.

Sur un autre point, plusieurs répondants verraient le mandat des CGD

s’élargir, que ce soit en rejoignant une plus grande diversité de générateurs de

déplacements tels que les quartiers, les centres commerciaux ou les projets

immobiliers, en couvrant des types de déplacements autres que les déplacements

pendulaires, en desservant une clientèle grand public, ou encore en développant de

nouveaux services (coordination de services de navettes, accompagnement de

clientèles vulnérables dans leurs déplacement, analyse de l’offre en transport, etc.).

Cette orientation semble être motivée par une volonté de diversifier les sources de

revenus des CGD, en particulier dans les régions plus éloignées où la clientèle

traditionnelle des CGD est moins nombreuse et où l’existence d’autres organismes

offrant des services en transport n’est pas un problème:

[…] Montréal, il y a encore de la marge de manœuvre parce qu’il y a

énormément d’entreprises. Mais dans les régions plus petites, elle n’est pas

grande la marge de manœuvre, le jour où on va arriver au bout de notre X

nombre d’employeurs, qu’est-ce qu’on fait? (O1)

Un participant redoute cependant que cette stratégie nuise au CGD, en contribuant au

manque de compréhension du rôle des CGD et en affectant la qualité de ses services :

[…] les CGD doivent aussi faire des efforts pour développer leur capacité

organisationnelle, de la définir, puis de l’exprimer […], quand tu cours tout le

temps après l’argent, tu ne laisses pas passer d’opportunité, puis des fois t’en

prends une que t’aurais pas dû, puis tu payes le prix par après. (R1)

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Finalement, les participants que nous avons rencontrés présentent des points

de vue divergents concernant la tarification des services offerts par le CGD. Pour

certains, il s’agit d’une limite importante à l’adoption de stratégies de GDT par les

générateurs de déplacements; pour eux, les services du CGD devraient être offerts

gratuitement et la perte de cette source de revenus pourrait être compensée par un

plus grand financement public ou par les revenus que générerait la mise en place

d’une politique de stationnement. Pour d’autres, une contribution financière minimale

des générateurs de déplacements est importante afin de les responsabiliser et de les

impliquer dans la résolution des enjeux de transport, bien que tous soient d’accord sur

le fait que ces derniers ne devraient pas assumer le coût entier de leur PGD, comme

c’est le cas depuis l’abolition du volet employeurs du PAGMTAA. Enfin, quelques

participants mentionnent que des tarifs élevés contribuent à projeter une image plus

professionnelle des CGD et à contrer la perception négative attribuée par certains aux

OBNL en les rapprochant davantage des firmes de consultants; cependant, il s’agit

d’un risque, puisque les CGD doivent alors s’assurer d’offrir des services à la mesure

de ces tarifs.

6.3.4 Quel futur pour les CGD?

Les débats soulevés ci-haut dévoilent plusieurs avenues possibles pour les CGD.

Parmi les services qui pourraient être développés, mentionnons la réalisation de PGD

pour des quartiers ou des secteurs géographiques, le développement d’une

certification de mobilité durable en milieu de travail, la mise en ligne d’une

plateforme d’information multimodale permettant à la fois de répondre aux besoins

des utilisateurs et d’analyser la demande en transport, ainsi que la conception d’une

offre de services adaptée aux besoins en mobilité des personnes âgées.

La majorité des participants rencontrés affirment que les CGD ont leur place

dans le domaine des transports, en particulier de par leur expertise en GDT. Avec

l’aggravation des problèmes de congestion et l’augmentation du prix de l’essence,

certains participants croient que de plus en plus de générateurs de déplacements vont

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se tourner vers les CGD pour les aider à solutionner leurs problématiques de

transport. Alors que des répondants prévoient la mort éventuelle des CGD sous leur

forme actuelle, d’autres soutiennent que le modèle actuel peut perdurer, à condition

d’être ouvert à se renouveler. Peu importe la forme qu’il doit adopter, les participants

semblent d’accord sur le fait que le travail du CGD doit être maintenu, comme le

résume bien ce témoignage :

Je trouve que l’effort vaut la peine, mais c’est des efforts. Puis les gens qui sont

[dans les CGD], c’est des gens motivés, passionnés, puis qui croient à la cause.

Puis ça, tant que ça va rester, je pense que ça va continuer d’avancer dans le

bon sens, que ce soit externe ou interne à une société de transport, ça prend du

monde motivé, ça prend du monde réaliste, mais optimiste en disant : « Non,

non, on va les changer les choses. » Quand bien même que ce soit juste 10-15

personnes dans une entreprise de 150-200 personnes, bien c’est déjà beaucoup.

Puis ça, ça va servir à aller chercher d’autre monde, ou aller chercher une autre

entreprise, puis avoir un autre gain. (M5)

Toutefois, en bout de ligne, il semble que le sort des CGD dépende avant tout de la

volonté politique au niveau municipal, mais surtout provincial :

[…] moi je suis très optimiste par rapport à ça, sauf si le MTQ nous dit :

« Regarde, la nouvelle PQMD, on vous coupe les subventions ». Là, on est

morts… ou bien il va falloir qu’on fasse comme des consultants […] en tout

cas, on ne sera plus à 75$ de l’heure, c’est sûr, puis il va falloir ramer un peu

plus fort. (S1)

En ce sens, certains participants ont soulevé une inquiétude quant au changement de

nom qui s’est produit entre l’annonce d’une PQMD et la sortie d’une SNMD, une

stratégie étant vue comme moins concrète qu’une politique. En vertu de cette

dernière, le financement des CGD est renouvelé pour l’année 2014 en attendant la

sortie de nouveaux programmes devant découler d’un chantier sur le financement des

projets en transports collectifs en collaboration avec les municipalités. Or, ce chantier

semble avoir été mis sur la glace depuis l’élection d’un nouveau gouvernement au

printemps 2014, qui a de surcroît annoncé la venue de coupures importantes dans ses

programmes. Bref, l’avenir s’annonce bien incertain pour les CGD.

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6.4 Constats sur le renouvellement de la planification

La section précédente nous a permis de répondre à notre questionnement spécifique

portant sur la contribution particulière des CGD au renouvellement de la planification

des transports. Toutefois, l’étude de cas que nous avons réalisée nous amène aussi à

tirer certains constats quant au renouvellement plus général de la planification des

transports, à travers ses différents acteurs. Sur le plan du contenu de la planification,

la majorité des acteurs rencontrés dans le cadre de cette étude semblent avoir intégré,

du moins dans leur discours, le concept de mobilité durable et la notion de prise en

compte des dimensions économique, sociale et environnementale propres au

développement durable. À cet effet, l’importance de faire changer les mentalités en

transport par la sensibilisation et la conscientisation a été soulevée à maintes reprises.

Bien que notre étude de cas ait été centrée sur les CGD, l’examen de leurs

relations avec les autres acteurs impliqués dans la planification des transports nous a

aussi permis d’observer une influence des approches communicationnelles et

collaboratives dans leurs pratiques. Ces acteurs, principalement publics et

parapublics, participent volontairement à la création ou au maintien de mécanismes

de concertation et de collaboration en transport; ils se disent ouverts au dialogue et à

l’échange. Certains d’entre eux, dont les CGD, sont ainsi appelés à exercer un rôle de

facilitation, de médiation et de conciliation des intérêts des différentes parties

impliquées. Leur collaboration aux activités des CGD montre une ouverture à une

approche plus intégrée et intermodale; pour plusieurs des acteurs que nous avons

interrogés, notamment les représentants des sociétés de transport, l’intermodalité

semble être la voie du futur en transport alternatif. Cette ouverture à la collaboration

et à l’implication d’une diversité d’acteurs n’est toutefois pas exempte de tensions.

Dans un contexte de ressources limitées, la multiplication des acteurs en transport,

avec des intérêts et des cultures professionnelles différents, peut créer certains

antagonismes, et la compétition peut prendre le pas sur la collaboration. Ainsi, des

acteurs ont noté la persistance d’interventions menées en silo malgré la présence de

progrès au niveau de la concertation et de la coordination des actions, ce qui rejoint le

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constat d’Offner (2006) à savoir que l’apprentissage organisationnel essentiel à la

collaboration des acteurs de la planification n’est pas soudain et nécessite un certain

délai.

L’augmentation du nombre d’acteurs impliqués dans la planification des

transports reflète bien le passage du gouvernement à la gouvernance soulevé par Le

Galès (1995). C’est de par ce modèle de gouvernance qu’un CGD – un OBNL –, en

arrive à contribuer à un domaine – les transports – qui, sous le modèle du

gouvernement, aurait été de compétence strictement publique. Cette transition marque

aussi celle d’un État planificateur, interventionniste, vers un État incitateur

(Kaufmann et al., 2003), qui se contente plutôt d’inciter des acteurs locaux ou privés

à s’approprier la planification. Dans le cas présent, la prise en charge de la GDT par

un OBNL comporte certes maints avantages, qui ont été soulevés plus haut : grande

flexibilité, capacité d’adaptation aux besoins locaux et rapidité d’action. Toutefois, du

moins dans le cas des CGD, un OBNL ne possède pas la légitimité, ou encore les

ressources humaines et financières d’un organisme public. C’est ainsi que, malgré

leur apport notable à la diffusion des pratiques et du contenu d’une planification

renouvelée des transports, les CGD peinent à mettre en œuvre ces principes, par

exemple en assurant la concrétisation des actions prévues dans leurs plans de gestion

des déplacements. Ce problème est connu sous le terme de implementation gap et se

retrouve dans plusieurs domaines de la planification territoriale, allant du tourisme à

la préservation des espaces naturels (Knight et al., 2008; Lai et al., 2006). Le concept

de implementation gap traduit l’absence de passage du savoir à l’action; or, la

planification concerne justement ce lien entre la connaissance et la mise en œuvre de

décisions (Friedmann, 1987).

À la lumière de notre recherche, force est de constater les limites du

renouvellement des pratiques planificatrices. Dans le cas des CGD, plusieurs

participants rencontrés viennent appuyer la littérature sur la GDT en avançant qu’une

combinaison de différents types d’instruments est nécessaire pour assurer la mise en

œuvre de stratégies de GDT. Nous avons vu que les CGD jouent un rôle

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d’instruments de capacités d’action collective et de persuasion sociale, toutefois, seul

l’État est en mesure de mobiliser les autres types d’instruments identifiés par

Padioleau (2000), soient les instruments réglementaires et les instruments d’incitation

économique. Or, plusieurs des acteurs rencontrés soulignent un manque de volonté du

gouvernement provincial à user de ces types d’instruments en appui à la réalisation de

stratégies efficaces de GDT. Dans cette optique, si nous envisageons le CGD, qui est

financé par le gouvernement, comme un instrument d’action publique tel que défini

par Lascoumes et Le Galès (2004), nous pourrions voir le choix de financer ces

organismes comme une stratégie de désengagement de l’État. En effet, si le but

officiel de cet instrument est de favoriser la mobilité durable, il permet aussi à l’État,

en déléguant la mise en œuvre de la mobilité durable à d’autres acteurs aux

ressources plus limitées, tels que les CGD – de la même manière, par exemple, qu’il

délègue la gestion de l’eau aux organismes de bassin versant (Balleux, 2010) –,

d’éviter un débat de fond sur son rôle dans la promotion des modes de transport

alternatifs à l’automobile. En choisissant les CGD comme instruments de mise en

œuvre de la mobilité durable, le gouvernement se garde alors d’utiliser des

instruments réglementaires ou économiques qui auraient le potentiel, en combinaison

avec les CGD, d’achever un réel renouvellement de l’approche en transports, mais

qui présenteraient aussi un plus grand risque politique.

Ainsi, si le renouvellement de la planification passe par la participation et la

coordination – horizontale – entre un nombre grandissant d’acteurs au niveau local ou

régional, le besoin d’une coordination verticale, entre ces acteurs locaux et régionaux

et l’État, de par la capacité de ce dernier à mobiliser et à combiner plusieurs types

d’instruments, reste présent.

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171

CONCLUSION

Ce mémoire de maîtrise s’intéressait à la question de la planification en milieu urbain

et visait plus particulièrement à contribuer à l’étude de la problématique de la

planification des transports et de son renouvellement. Pour ce faire, nous avons

réalisé une étude de cas multiples de six CGD québécois, des acteurs spécialisés dans

la GDT et s’inscrivant dans une approche de la mobilité durable, et avons cherché à

préciser leur contribution au renouvellement des pratiques et du contenu de la

planification des transports. Afin de dégager des éléments de réponse à cette question,

nous avions comme objectifs d’effectuer une première caractérisation des CGD, de

mettre en lumière leurs interactions avec les autres acteurs des transports et de les

comparer à d’autres expériences de GDT dans le monde.

À partir de données tirées d’entretiens semi-dirigés avec une quinzaine de

sujets travaillant dans des CGD ou chez certains de leurs partenaires et clients, d’une

étude documentaire des publications liées aux CGD et de questionnaires courts sur les

caractéristiques des CGD, nous avons d’abord été en mesure de dresser un portrait de

l’origines, des activités, de la mission et de la structure de ces organismes. Cet

exercice nous a permis de constater que les CGD doivent leur création à des

partenariats entre différents types d’acteurs publics, communautaires ou privés et

qu’ils présentent une mission, des activités et une structure semblables, avec quelques

dissemblances influencées par le contexte local dans lequel ils s’inscrivent. Dans le

cadre de leurs activités, les CGD établissent des liens avec différents acteurs

impliqués dans le domaine des transports, soient les générateurs de déplacements, les

autorités municipales et les AOT, ainsi que d’autres organismes publics ou

communautaires du domaine de la santé, de l’environnement et des transports.

Globalement, les CGD semblent suivre les traces d’expériences précédentes en GDT

ailleurs dans le monde, partageant plusieurs traits avec le modèle nord-américain des

TMA et, dans une moindre mesure, le modèle français du conseil en mobilité.

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Afin d’évaluer la contribution des CGD au renouvellement de la planification

des transports, nous avons déterminé que cette dernière s’effectuait sur deux niveaux,

l’un procédural et l’autre, substantiel. En ce qui concerne les procédures mises de

l’avant par les CGD, celles-ci s’inscrivent définitivement dans une approche

renouvelée de la planification combinant des pratiques collaboratives et des principes

axés sur la durabilité. Que ce soit à travers leur mise sur pied, leurs activités ou leur

fonctionnement, les CGD favorisent la concertation et la collaboration entre

l’ensemble des acteurs de l’offre et de la demande en transport, ceux-ci se côtoyant

sur les CA des CGD, lors de la mise en œuvre de PGD ou encore au sein de tables de

concertation en transport animées par les CGD. En ce sens, les CGD font office

d’instruments de capacités d’action collective favorisant un apprentissage collectif

chez les acteurs qu’il réunit, les poussant à développer des compétences

interpersonnelles, à s’approprier le concept de mobilité durable et à se responsabiliser

quant à sa mise en œuvre. En outre, l’établissement de partenariats apparaît comme

une stratégie particulièrement importante pour les CGD, leur permettant d’acquérir

des ressources ainsi qu’une influence nécessaires à l’accomplissement de leur

mandat. En général, les CGD semblent maintenir de bonnes relations avec leurs

clients et leurs partenaires, malgré des idéologies ou des intérêts qui peuvent diverger

ainsi qu’un contexte territorial et financier souvent peu favorables. Si l’action des

CGD semble contribuer à la coordination entre les différents modes de transports et

les multiples acteurs impliqués dans le domaine, leur apport à la coordination

aménagement-transport est plutôt limité, leur mandat et leur échelle d’action se

prêtant peu à cette réconciliation.

En ce qui concerne le contenu de la planification, nos résultats montrent que

les CGD agissent aussi en instruments de persuasion sociale via leur travail de

promotion de l’approche de la mobilité durable. Cette approche est intrinsèquement

liée à leur mission et se traduit dans leurs activités de sensibilisation ainsi que dans

les études et plans qu’ils réalisent, lesquels prônent la prise en compte de l’ensemble

des modes de transport, la priorisation des alternatives à l’auto-solo et la satisfaction

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des besoins en mobilité des individus. Aux dires de plusieurs sujets interrogés, les

CGD ont développé une expertise importante sur les principes de la mobilité durable.

Toutefois, la traduction de ce savoir en actions concrètes est un défi important pour

les CGD, ceux-ci n’ayant souvent pas un pouvoir ou des ressources suffisantes pour

assurer la mise en œuvre de leurs recommandations. L’instabilité et le manque de

financement des CGD, le manque de données sur les impacts de leur travail faute

d’évaluations, la présence d’une forte culture automobile chez la société en général et

son influence sur l’aménagement des milieux de vie, de même que l’échelle d’action

très localisée des CGD et leur sphère d’action limitée au volet de la demande en

transport participent à ce résultat mitigé sur leur contribution à la concrétisation des

principes de la mobilité durable. Or, nous constatons qu’il s’agit de défis relativement

semblables à ceux relevés ailleurs dans d’autres expériences de GDT.

Ainsi, si nous revenons à nos hypothèses de départ, il semble effectivement

que le processus de création des CGD favorise des pratiques collaboratives en

impliquant différents acteurs locaux. Tel que prévu, la mission des CGD et ses

activités promeuvent un contenu axé sur les principes de la mobilité durable, et leur

fonctionnement dépend fortement de l’établissement de partenariats entre différents

acteurs en transport. Enfin, dans la réalisation de leur mission, il est vrai que les CGD

se heurtent à un manque de ressources ou encore de volonté politique de leurs

partenaires et clients, ce qui tend à minimiser la portée de leur contribution au

renouvellement des pratiques et du contenu de la planification des transports. Il

importe toutefois de nuancer cette affirmation; plusieurs des partenaires et clients des

CGD rencontrés soutiennent eux aussi les principes d’une approche de mobilité

durable, mais doivent se plier à différents obstacles organisationnels ou financiers les

empêchant d’appuyer davantage le travail des CGD. De plus, il serait incorrect de

désigner les partenaires et clients des CGD comme seuls facteurs limitant leur

contribution à la mise en œuvre de la mobilité durable; tel que nous l’avons vu au

chapitre VI, le mandat et la structure-mêmes des CGD les limitent dans leur action, ce

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qui amène plusieurs personnes interrogées à considérer des formes alternatives ou de

nouveaux mandats pour les CGD.

Par ailleurs, cette recherche nous a permis de relever différentes mesures,

présentées au chapitre VI, qui ont le potentiel d’optimiser la contribution des CGD à

la mise en œuvre de la mobilité durable, peu importe la forme qu’ils adopteront dans

le futur. Le point le plus important est sans doute d’assurer la stabilité financière des

CGD, afin qu’ils puissent planifier et développer leurs capacités organisationnelles

sans avoir à se soucier constamment de leur pérennité. Un autre serait de mettre en

place, dans les principaux centres urbains, une réglementation contraignant les grands

générateurs de déplacements à réaliser et à mettre en œuvre un PGD, le tout

accompagné de mesures incitatives telles qu’une aide financière ou des avantages

fiscaux. Des mesures pourraient aussi être adoptées pour rendre obligatoire

l’évaluation continue des résultats de la mise en œuvre de PGD ou d’autres stratégies

de GDT, afin de documenter les impacts réels de la contribution des CGD sur la

concrétisation des principes de la mobilité durable, en particulier sur le transfert

modal vers les alternatives à l’auto-solo. Enfin, plusieurs participants rencontrés ont

soulevé le lien de complémentarité entre l’offre et la demande en transport; les efforts

des CGD sur ce dernier volet devraient donc idéalement être accompagnés d’un plus

grand investissement dans l’offre en transports collectifs et actifs.

L’ensemble de ces mesures dépend fortement de la volonté et des orientations

municipales, mais surtout gouvernementales, au niveau des transports. Or, si notre

recherche nous a permis de constater une ouverture des acteurs locaux et régionaux

en transport envers des pratiques plus intégrées et collaboratives, elle a aussi mis en

lumière un manque coordination verticale entre ces acteurs et l’État. Bien que le

gouvernement provincial ait participé à la mise sur pied des CGD et qu’il continue à

assurer leur maintien via un programme d’aide financière, nous nous questionnons

sur la volonté d’engagement réelle de cet acteur dans le renouvellement des pratiques

en transport. En effet, en attribuant un minimum de ressources et en mandatant des

acteurs externes tels que les CGD, l’État se désengage face à la mise en œuvre de la

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mobilité durable et évite les discussions de fond sur le rôle qu’il devrait jouer en la

matière, par exemple via la mobilisation d’instruments complémentaires tels que des

incitatifs économique ou de la réglementation. Ainsi, si le renouvellement de la

planification semble se placer sous l’égide de la diversification des acteurs impliqués

et de la collaboration, de même que sous le passage du gouvernement vers la

gouvernance, l’État demeure un acteur central pour la concrétisation des savoirs de

l’ensemble de ces acteurs en actions.

Pour terminer, il nous semble important de pointer certaines limites de cette

étude, de même que des pistes de recherche visant à y répondre. D’abord, ayant

appris tardivement qu’il existait d’autres modèles de CGD québécois, notamment

ceux de Laval et de Sherbrooke, et en raisons de contraintes au niveau du temps

disponible, nous n’avons pas été en mesure d’inclure ces cas dans notre analyse. Or, il

aurait été intéressant de comparer les avantages et inconvénients de ces modèles par

rapport à ceux des six CGD étudiés ici. De plus, le nombre de cas étudiés étant assez

nombreux et la quantité d’informations recueillies ayant varié d’un cas à l’autre, il

est possible que certaines nuances propres aux différents CGD n’aient pas été saisies.

Finalement, la méthode de recherche qualitative que nous avons employée, bien

qu’appropriée à l’étude des pratiques des CGD et de leurs interactions avec leurs

partenaires et clients, était moins appropriée à l’étude de la mise en œuvre des PGD et

autres stratégies de GDT. Nous n’étions donc pas en mesure, par exemple, de

quantifier les impacts de ces activités sur différents indicateurs liés à la mobilité

durable, tels que le report modal ou encore la réduction de GES. Toutefois, étant

donné le faible nombre, voire l’absence d’autres études disponibles sur les CGD,

nous considérons ce mémoire de maîtrise comme une première brique à laquelle de

nouvelles analyses utilisant une variété d’approches méthodologiques pourront

éventuellement se greffer afin d’en dresser un portrait plus complet.

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190

ANNEXE I – QUESTIONNAIRE COURT ADMINISTRÉ AUX CGD

Questionnaire – portrait général des CGD20

Nom du CGD

Aire de desserte

Année de fondation

Statut/constitution

(ex : OBNL, sous-division d’un organisme parrain, etc.)

Instigateurs - personnes ou organismes à l’origine de la mise sur pied du CGD

(ex : association de résidents, groupes environnementaux, municipalité, etc.)

20

NOTE : Ce questionnaire a pour but d’établir un portrait global des CGD au Québec. Les informations individuelles de chaque CGD ne seront donc pas diffusées. Ce questionnaire est facultatif et vous n’êtes pas tenu(e) d’en remplir toutes les sections.

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191

Partenaires

- Majeurs :

-Mineurs/occasionnels :

Budget annuel moyen (cocher ou surligner)

0 – 100 000 $

100 000$ - 200 000 $

200 000 $ - 300 000 $

300 000 $ et plus

Nombre d’employés

- Temps plein :

- Temps partiel :

Composition du CA

- Nombre d’administrateurs :

- Appartenance des administrateurs (cocher ou surligner) :

Entreprises

Promoteurs immobiliers

Gouvernement provincial

Agence de transport en commun

Services municipaux

Organismes communautaires

Citoyens

Autres (spécifier) :

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192

Sources de revenus

Sources (cocher ou surligner):

Subventions fédérales

Subventions provinciales

Subventions municipales

Cotisations/membership

Dons privés

Tarification des services

Autres (spécifier)

Ordre d’importance (1 = plus important)

______

______

______

______

______

______

______

Clientèle/ marché de transport ciblé (travail, achats, loisirs, tourisme…)

(cocher ou surligner)

Entreprises

Promoteurs immobiliers

Institutions publiques

Grand public

Autres (spécifier) :

Services offerts

Activités de sensibilisation et d’information

Plans de gestion des déplacements (incluant diagnostic, conseil, mise en œuvre, évaluation, etc.)

Opération d’un service de transport collectif (ex : navettes, caravanes nolisées, etc.)

Opération d’un service de transport actif (ex : prêt de vélos)

Opération d’une plateforme de covoiturage

Lobbying/représentation des intérêts auprès des instances publiques

Autres (spécifier) :

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193

ANNEXE II – EXEMPLE DE GUIDE D’ENTRETIEN

Guide d’entretien - CGD

Avant l’entrevue

Rappel des objectifs de la recherche et des buts de l’entretien

Explication des mesures assurant la confidentialité des propos recueillis

Signature du formulaire de consentement

Questions ouvertes 1. RÔLE, FONCTIONS, HISTORIQUE PERSONNELLE

1.1 Quelle est votre formation, parcours professionnel? Postes occupés précédemment? 1.2 Qu’est-ce qui vous a amené à travailler pour un CGD? 1.3 Quelles sont les principales fonctions et activités liées à votre travail actuel?

2. MOBILITÉ DURABLE ET GDT

2.1 Comment définissez-vous la mobilité durable?

Quelle est votre opinion sur ce concept?

De quelle façon le concept de mobilité durable est-il intégré dans la planification des transports au Québec?

2.2 Comment définissez-vous la gestion de la demande en transport?

En quoi la GDT contribue à la mobilité durable? 3. CENTRES DE GESTION DES DÉPLACEMENTS

Origine, processus de formation 3.1 Pouvez-vous m’expliquer le processus de mise sur pied de votre CGD?

Qui était impliqué?

Pour quels motifs le CGD a-t-il été mis sur pied?

Quelles ont été les principales étapes de mise sur pied?

Sur combien de temps s’est échelonnée la mise sur pied?

Est-ce que le processus s’est déroulé facilement?

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194

Fonctionnement actuel 3.2 Quelle est la mission de votre CGD?

Ses objectifs?

Rôle de militantisme/activisme ou service-conseil? 3.3 Quels sont les services offerts par votre CGD?

Quelle est votre clientèle cible?

Quels types de services avez-vous offert jusqu’à maintenant?

Pouvez-vous me donnez un exemple?

3.4 Comment est administré votre CGD?

Composition du CA

Responsabilités respectives CA vs personnel

Quels sont les différents postes présents?

Avez-vous un plan d’action? Un plan stratégique? 3.5 Avez-vous déjà procédé à une évaluation des programmes offerts par votre CGD?

Si oui, qu’avez-vous mesuré (intrants, extrants, impacts, rentabilité)?

Quels ont été les résultats de cette évaluation?

Si plus d’une évaluation, à quelle fréquence?

Relations avec partenaires 3.6 Quels sont les partenaires de votre CGD?

Quels types d’interactions entretenez-vous avec ces différents partenaires? (positives/négatives, compétition/collaboration, fréquence…)

Comment le CGD interagit-il avec les acteurs traditionnels de la planification des transports (ST, municipalités, MTQ)?

Croyez-vous que le CGD affecte les façons de faire de ces acteurs? Si oui, en quoi? 3.7 Quels types d’interactions votre CGD entretient-il avec les autres CGD? (collaboration, concurrence?, fréquence) 3.8 Comment fonctionne l’ACGDQ?

Comment a-t-elle été mise sur pied? Dans quel but?

Quelles sont les principales activités?

Quels en sont les bénéfices? Relations avec clientèle 3.9 Comment qualifieriez-vous vos relations avec votre clientèle cible?

Fait-elle preuve d’ouverture/fermeture? Les mesures proposées par votre CGD sont-elles bien reçues?

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195

Avez-vous pu noter un changement dans la perception de vos clients face à la mobilité durable?

Bilan 3.10 Depuis la mise sur pied de votre CGD, quels ont été les principaux défis/obstacles rencontrés? 3.11 Quelles leçons avez-vous apprises?

Quelle a été votre plus grand succès? Exemple 3.12 D’après vous, les CGD devraient-ils être considérés comme des acteurs importants de la mobilité durable? Pourquoi?

Avantages, caractéristiques uniques des CGD

Contribution par rapport aux autres acteurs

Influence du statut d’OBNL (positif ou négatif?) 3.13 L’action des CGD contribue-t-elle à établir un lien entre la planification des transports et l’aménagement du territoire? 3.14 Quelle est l’influence du contexte local ou territorial sur votre CGD?

Rôle futur, conditions de succès 3.15 Quels éléments devraient être changés ou améliorés en ce qui concerne le fonctionnement du CGD? Quels éléments doivent être conservés? 3.16 Quelles mesures pourraient être adoptées pour améliorer l’impact des CGD sur la mobilité durable? 3.17 D’après vous, quel rôle les CGD sont-ils appelés à jouer dans le futur en regard à la mise en œuvre de la mobilité durable?

Les CGD ont-ils un avenir?

Quel rôle devraient-ils jouer parmi l’ensemble des acteurs impliqués dans la planification des transports?

Autre choses à ajouter?

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196

ANNEXE III – FORMULAIRE DE CONSENTEMENT

FORMULAIRE DE CONSENTEMENT

Participation à l’étude : Les centres de gestion des déplacements : acteurs de

la mobilité durable au Québec

Recherche réalisée par Caroline Desrochers, étudiante à la maîtrise en

sciences sociales du développement territorial – Département des sciences

sociales

Directeur de recherche : Mario Gauthier

Nous sollicitons par la présente votre participation à la recherche en titre, qui vise à

mieux comprendre la contribution des Centres de gestion des déplacements au

renouvellement des pratiques de planification des transports. Les objectifs de ce

projet de recherche sont :

d'expliciter le processus de mise sur pied, la mission ainsi que le fonctionnement des Centres de gestion des déplacements;

de mettre en lumière les interactions des Centres de gestion des déplacements avec les autres acteurs de la planification des transports ainsi que leurs clients;

d’examiner comment les Centres de gestion des déplacements contribuent à renouveler les pratiques de planification des transports au Québec

de comparer les initiatives de gestion de la demande en transports au Québec avec des exemples similaires ailleurs dans le monde.

Votre contribution à ce projet de recherche consiste à participer à un entretien

individuel d’une durée d’environ 90 minutes, qui se déroulera au moment et dans un

lieu de votre choix. Cet entretien portera sur la nature de vos fonctions en lien avec

la planification des transports et sur votre expérience avec les centres de gestion

des déplacements. Cet entretien sera enregistré afin de faciliter la retranscription

des données recueillies.

Les données recueillies par cette étude sont entièrement confidentielles et ne

pourront en aucun cas mener à votre identification. La transcription informatique de

l’entrevue sera codée (votre nom et autres coordonnées n’y apparaîtront pas) afin

d’assurer votre confidentialité. Les résultats de la recherche ne permettront pas de

Université du Québec en Outaouais Case postale 1250, succursale B, Hull (Québec), Canada J8X 3X7

Téléphone (819) 595-3900

www.uqo.ca

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197

vous identifier. Ces résultats seront diffusés dans un mémoire de recherche, lequel

pourra vous être acheminé sur demande une fois terminé.

Les données recueillies seront conservées dans un ordinateur au bureau de

l’étudiante à l’Université du Québec en Outaouais; l’accès aux données

informatisées sera protégé par un mot de passe et les seules personnes qui y auront

accès sont l’étudiante ainsi que son directeur de recherche. Elles seront détruites

après le dépôt du mémoire de recherche et ne seront pas utilisées à d’autres fins

que celles décrites dans le présent document, sauf si vous consentez à une

utilisation secondaire telle que décrite plus loin.

Votre participation à cette étude se fait sur une base volontaire. Vous êtes

entièrement libre de participer ou non, et de vous retirer en tout temps sans

préjudice. Les risques associés à votre participation sont minimaux et le chercheur

s’engage à mettre en œuvre les moyens nécessaires pour les réduire ou les pallier.

Le seul inconvénient est le temps passé à participer au projet, soit environ 90

minutes. La contribution à l’avancement des connaissances au sujet du

renouvellement des pratiques de planification des transports est le bénéfice direct

anticipé. Aucune compensation d’ordre monétaire n’est accordée.

Si vous avez des questions concernant ce projet de recherche, communiquez avec

Caroline Desrochers, au 819-790-3789 ou par courriel à l’adresse suivante:

[email protected]. Si vous avez des questions concernant les aspects éthiques de ce

projet, communiquez avec André Durivage, président du Comité d’éthique de la

recherche de l’Université du Québec en Outaouais, au 819-595-3900, poste 1781.

Votre signature atteste que vous avez clairement compris les renseignements

concernant votre participation au projet de recherche et indique que vous acceptez

d’y participer. Elle ne signifie pas que vous acceptez d’aliéner vos droits et de libérer

les chercheurs ou les responsables de leurs responsabilités juridiques ou

professionnelles. Vous êtes libre de vous retirer en tout temps de l’étude sans

préjudice. Votre participation devant être aussi éclairée que votre décision initiale de

participer au projet, vous devez en connaître tous les tenants et aboutissants au

cours du déroulement de la recherche. En conséquence, vous ne devrez jamais

hésiter à demander des éclaircissements ou de nouveaux renseignements au cours

du projet.

Avec votre permission, nous aimerions pouvoir conserver les données recueillies à

la fin du présent projet pour d’autres activités de recherche dans le même domaine

pour lequel vous êtes aujourd’hui invités à participer. Afin de préserver vos données

personnelles et votre identité, les données seront anonymisées, c’est-à-dire qu’il ne

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sera plus possible à quiconque de pouvoir les relier à votre identité. Nous nous

engageons à respecter les mêmes règles d’éthique que pour le présent projet.

Il n’est pas nécessaire de consentir à ce volet pour participer à la présente

recherche. Si vous refusez, vos données seront détruites à la fin du présent projet.

Si vous acceptez, vos données seront conservées pour une période minimale de 5

ans après la fin du présent projet et seront ensuite détruites.

□ J’accepte une utilisation secondaire des données que je vais fournir.

□ Je refuse une utilisation secondaire des données que je vais fournir.

Après avoir pris connaissance des renseignements concernant ma participation à ce

projet de recherche, j’appose ma signature signifiant que j’accepte librement d’y

participer. Le formulaire est signé en deux exemplaires et j’en conserve une copie.

Nom du participant : ______________________

Signature du participant : ______________________ Date : __________

Nom du chercheur : ______________________

Signature du chercheur : ______________________ Date : __________