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Unit dapprentissage 11

La doctrine et la pratique du roman chez Gustave Flaubert

Unit dapprentissage 9

LA DOCTRINE ET LA PRATIQUE DU ROMAN CHEZ GUSTAVE FLAUBERT

________________________________________________________Sommairepage

Les objectifs de lunit dapprentissage 9114

9.1La Correspondance flaubertienne, laboratoire de lcrivain115

9.2La thorie de limpersonnalit116

9.3Lartiste vu par Flaubert dans sa Correspondance et le rle de la critique119

Test dautovaluation121

9.4La potique dans la vision de Flaubert122

Les cls du test dautovaluation124

Test de contrle 9124

Rfrences bibliographiques125

Les objectifs de lunit dapprentissage 9

Quand vous aurez parcouru cette unit dapprentissage et effectu les tests qui y sont proposs, vous serez capables de:

reprer les principes fondamentaux de lesthtique flaubertienne, travers sa Correspondance (la thorie de limpersonnalit);

mettre en vidence la nouveaut de la vision de Flaubert sur lartiste, sur le rle de la critique;

recenser les figures de style prfres par lcrivain.

9.1 La Correspondance flaubertienne, laboratoire de lcrivain

Gustave Flaubert (1821-1880) a men plutt une vie dascte, vivant isolment dans sa rsidence de Croisset, aprs avoir subi des crises nerveuses (une attaque pileptique). N dans la famille dun chirurgien de Rouen, le jeune Gustave a vcu lpoque de son enfance dans latmosphre de lhpital, ce qui va donner son uvre plus tard un coup mdical de la vie. Clibataire convaincu, lcrivain a eu auprs de soi les plus importantes femmes de son existence: sa mre et sa nice, Caroline, la fille de sa sur, morte aprs avoir accouch de cet enfant. Vivant en ermite, Flaubert va se sentir li au monde par ses sjours parisiens, mais surtout par sa correspondance.

Loin daccompagner tout simplement son uvre, la Correspondance de Gustave Flaubert (fig.9.1) devient, travers le temps, luvre de luvre, le miroir multiple de toute sa cration, selon les apprciations de Raymonde Debray Genette et Jacques Neefs, les auteurs dun recueil dtudes, consacr ce problme. (Avant-propos de Raymonde Debray Genette et Jacques Neefs au recueil de textes Luvre de luvre (tudes sur la correspondance de Flaubert), Saint-Denis, Presses Universitaires de Vincennes, 1993, p.7)

Jean Bruneau, auquel nous sommes redevables pour la dernire dition de la Correspondance flaubertienne dans la Pliade, dition en cours dachvement, montre que celle-ci a t une leon comprise bien diffremment par ceux qui lont lue. (Prface du premier tome de la Correspondance, p.XXX) Miguel de Unamuno crivait, lui aussi, dans le mme esprit: Lisez la correspondance de Flaubert, et vous verrez lhomme dont la religion tait celle du dsespoir. Andr Gide, au contraire, observe Jean Bruneau, y voyait un encouragement: Jai tant aim Flaubert!// Sa Correspondance a durant plus de cinq ans, mon chevet, remplac la Bible: Ctait mon rservoir dnergie: Elle proposait ma ferveur une sorte de saintet nouvelle. partir de ces deux opinions contraires, Bruneau conclut sur la survie des lettres de Flaubert, en suggrant galement une certaine influence de Montaigne. Dailleurs, lauteur des Essais tait pour lermite de Croisset un vrai matre: dans une lettre Louise Colet, Flaubert avoue qu lge de 18 ans ce livre a t, pour une anne entire, son unique lecture. Cet ouvrage serein lui aurait inspir le plaisir indicible de dialoguer avec ses amis; en outre, Flaubert y trouvait les mmes gots, les mmes opinions, les mmes manies, mais aussi les mmes manires de vivre. (Lettre Louise Colet, Croisset, 28 octobre 1853; p.460/2e tome)

Bref, les Essais de Montaigne lui ont offert un premier modle, auquel sajoutait le dsir de se connatre davantage, de chasser la solitude qui lcrasait quelquefois. En effet, Flaubert crivait une lettre comme on allume sa lampe de nuit quand on a peur: la correspondance tait pour lui le pont qui le liait du monde de ses semblables. En tout cas, soit quil crive une lettre pour chercher lamiti, le dialogue, la consolation, soit quil veuille accder simplement la communion dides avec ses confrres (chose qui lui arrive assez rarement, pourtant), Flaubert aurait t constern de voir les critiques considrer sa correspondance une uvre dart (comme le sont les Essais de Montaigne), et mme son chef-doeuvre. Il est vrai que la postrit exalte la sincrit tmoigne par Flaubert dans ses lettres, o le libre emploi de la premire personne du singulier est la prmisse dune vritable (auto)connaissance de son usager.

La vrit est mi-chemin, peut-tre, car les chefs-duvre de Flaubert sont ses romans, mais ses lettres, si perspicaces, si vivantes, si mouvantes dans leur ton si naturel et si vari, forment un pidestal aux statues des hros quil a crs. (prface de Jean Bruneau, premier tome de la Correspondance, p.XXX)

9.2 La thorie de limpersonnalitCe qui me semble beau, ce que je voudrais faire, cest un livre sur rien, un livre sans attache extrieure, qui se tiendrait de lui-mme par la force interne de son style, comme la terre sans tre soutenue se tient en lair, un livre qui naurait presque pas de sujet ou du moins le sujet serait presque invisible, si cela se peut. Les oeuvres les plus belles sont celles o il y a le moins de matire; plus lexpression se rapproche de la pense, plus cest beau. Je crois que lavenir de lArt est dans ces voies. (Lettre Louise Colet, Croisset, 16 janvier 1852; p.31/2e tome)

Dans la phrase ci-dessus, on peut percer dj lidal mallarmen du Livre Absolu, cest--dire indpendant, sans sujet, un livre issu du plaisir gratuit dcrire, car le style cest la vie! cest le sang mme de la pense! (Lettre L. Colet, septembre 1853; p.427, 2e tome). Flaubert met laccent sur les affres du style, parce que, selon lui, le talent dcrire ne consiste aprs tout que dans le choix des mots. Cest pareil la musique: ce quil y a de plus beau et de plus rare cest la puret du son. La suggestion musicale du style rappelle dj lart potique de Verlaine, o lon instaure la primaut des harmonies sonores. Plus une ide est belle, plus une phrase est sonore. (Lettre Mademoiselle Leroyer de Chantepie, Croisset, 12 dcembre 1857; p.785/2etome) En affirmant cela, Flaubert se situe galement dans le sillage de Paul Valry, qui disait que les belles uvres sont filles de leur forme, qui nat avec elle.

Aussi, dans la conception flaubertienne, lart devient-il une chance de svader de la grisaille quotidienne, une prmisse du bonheur exquis, celui des ides. Selon lui, lArt est au-dessus de toute doctrine: il ne doit pas conclure, mais faire rver, il ne doit pas tre un dversoir passion. La Posie, dit Flaubert, ne signifie pas lcume du coeur: Cela nest ni srieux, ni bien.// Il faut faire saimer les arbres et tressaillir les granits. On peut mettre un immense amour dans lhistoire dun brin dherbe. (Lettre L. Colet, Croisset, 22 avril 1854; p.557/2e tome)

En outre, le crateur apparat Gustave Flaubert comme Dieu dans la cration, invisible et tout-puissant: quon le sente partout, mais quon ne le voie pas. (Lettre Melle Leroyer de Chantepie, Paris, 18 mars 1857; p.691/2e tome) Cette ide ritre le mythe du Matre Manole, cest--dire la croyance que le crateur sefface ncessairement pour que luvre brille en toute sa splendeur, pour quelle ait un caractre illimit symboliquement.

cette disparition obligatoire, selon sa propre conviction, Flaubert arrive difficilement, car il est conscient de sa dualit: Il y a quelque chose de faux dans ma personne et dans ma vocation. Je suis n lyrique, et je ncris pas de vers.( Lettre L. Colet, Croisset, 25 octobre 1853; p.457/2e tome)

Cest pourquoi le romancier est du lorsquil relit ses crits de jeunesse, car il sent y avoir trop mis de lui-mme, et lge mr il dteste toute implication dans le tissu de luvre. Il veut sacrifier, en crivant, lternelle personnalit dclamatoire. Se tenir lcart, si possible, pour laisser le cerveau semparer de lme: voil le rve de Flaubert, qui se montre conscient, en maintes occasions travers sa correspondance, que le manque dordre est la pire des choses qui puissent arriver lcrivain. Cest la ficelle qui fait le collier, et non les perles, croyait le romancier. Ctait dailleurs la raison pour laquelle il napprciat pas Lamartine: il le mprisait pour son lyrisme poitrinaire.

Flaubert insiste donc pour quon crive froidement, comme les scientifiques (il tait convaincu que la littrature de lavenir prendra les allures de la science): Soyons des miroirs grossissants de la vrit externe. La difficult est de trouver la note juste et cela sobtient par une condensation excessive de lide // (Lettre Ernest Feydeau, Croisset, fin novembre 1857; p.782/2e tome)

Certes, lordre des ides reprsente pour lauteur de Madame Bovary une inquitude premanente; nous connaissons le fait quil avait lhabitude de dresser le plan dun livre jusquau moindre dtail, en esquissant mme une phrase! Il faut savoir viter les rptitions, car il sagit de varier la sauce continuellement et avec les mmes ingrdients. (Lettre Ernest Feydeau, Croisset, fin novembre 1857; p.782/2e tome)

Dans une communication de George Pistorius sur la structure des comparaisons dans Madame Bovary il y a la statistique suivante: dans les 322 pages du roman (dans ldition Garnier) se trouvent 318 comparaisons, ce qui donne presque exactement une moyenne dune comparaison pour une page. (G. Pistorius, La structure des comparaisons dans Madame Bovary in Cahiers de lAssociation internationale des tudes franaises, mai 1971, numro 23, Paris, Les Belles Lettrres; p.228)

Lauteur insiste sur le fait que dans Madame Bovary Flaubert cre un univers qui est conu danalogies. Le penchant dcouvrir des rciprocits, des relations des objets et des sentiments atteint chez le romancier les proportions dune vritable passion. Mais, en mme temps, le dmon de lanalogie le pousse renouveler constamment la structure de limage. En effet, Gustave Flaubert utilise un grand nombre de moyens stylistiques et parcourt une srie tendue de structures stylistiques. Chez lui, les deux objets de la comparaison se rapprochent ou sopposent; ils se ressemblent, mais jamais en tout. Il y a toujours dans la manire dont Flaubert construit son image quelque chose qui les empche de se fondre en un seul tout. Par consquent, on constate dans le roman de Flaubert une distinction entre la comparaison et la mtaphore.

Dans ce roman, la comparaison qui montre une tendance lallongement, se justifie souvent en dehors de lobjet quelle doit clairer. Sa structure dborde et dvie lide de lauteur, et la forme nat avant le fond. George Pistorius voque aussi la thorie de Brunetire signalant que la comparaison flaubertienne, dans la mesure o elle est la transposition directe du sentiment la sensation des personnages, devient en quelque sorte un instrument dexprimentation psychologique (Ibid., p.242) tout cela, lauteur de la communication sur la structure des comparaisons dans Madame Bovary, ajoute son point de vue, cest--dire que la comparaison flaubertienne est avant tout "un instrument complexe et labor dexprimentation stylistique.

Nous ajoutons aussi que cette sobrit du style, ce dpouillement volontaire, dans les conditions dune absence complte de lauteur, rapproche Flaubert de Stendhal et on remarque chez tous les deux un ddoublement de la conscience cratrice, un effort de lutter contre leurs modles fascinants. Le texte se ralise dsormais par lcriture elle-mme, il possde ses propres lois.

9.3 Lartiste vu par Flaubert dans sa Correspondance et le rle de la critiqueLe miracle de la cration est incommensurable, indicible, et son mystre remonte la Gense elle-mme. Ce processus ineffable fascinait tellement Flaubert, quil jugeait vraiment maladroite linclusion de toute opinion personnelle de lcrivain: Je trouve mme quun romancier na pas le droit dexprimer son opinion sur quoi que ce soit. Est-ce que le bon Dieu la jamais dite, son opinion? (Lettre George Sand, Croisset, 5 dcembre 1866; p.575/3e tome)

La tche de lartiste devient dautant plus difficile que son esprit est comme une argile intrieure: il repousse du dedans la forme et la faonne selon lui. Par ailleurs, Flaubert semble conscient de la vulnrabilit de lartiste, et il sait bien que cest par le sacrifice assum quil va accomplir sa destine. Vers le crpuscule de sa cration, lermite de Croisset offre par son uvre inacheve Bouvard et Pcuchet limage de lcrivain heureux. En se rapportant cette image, Claudine Gothot-Mersch finit son tude sur la Correspondance flaubertienne par cette phrase:

Et pour la premire fois de sa vie, le 3 septembre 1879, huit mois avant sa mort, ayant relu trois chapitres de Bouvard, il se dclare compltement satisfait: (Claudine Gothot-Mersch, La Correspondance de Flaubert: une mthode au fil du temps, in Luvre de luvre (tudes sur la correspondance de Flaubert), op. cit., p.57)

Si les lettres de Flaubert Louise Colet composent un manuel du style, elles dsignent galement, avec celles destines George Sand, Baudelaire, Taine, Sainte-Beuve, une critique pistolaire. Gustave Flaubert na jamais crit de critique, mais il a eu lintention de le faire, vers la fin de sa vie, comme il affirme une fois dans une lettre G. Sand: Quand je serai vieux, je ferai de la critique; a me soulagera. Car souvent jtouffe dopinions rentres. (Lettre G. Sand, Croisset, 5 juillet 1868; p.771/3e tome)

En principe, la critique, telle quelle tait faite par la plupart de ses contemporains, lui rpugne, parce que les opinions rentres ltouffent. coup sr, le mpris que Flaubert porte la critique de son poque est quasi-constant, travers sa correspondance. lexception de Sainte-Beuve, quil croyait attach la bande (cest--dire aux esprits estims par lermite de Croisset), les autres critiques taient des malins et des gaillards jugeant de tout, sans comprendre rien de ce que lcrivain a voulu faire, ignorant compltement le got et le talent de celui-ci. Une fbrile mdiocrit des critiques journalistes semble pousser ceux-ci reprocher toujours un crivain de navoir pas fait blanc quand il a fait noir, et a voulu faire noir. (Claude Mouchard, Flaubert critique, in LOeuvre de loeuvre, op. cit., p.106)

Cette incapacit des critiques de distinguer clairement la conception (comme dirait Goethe), est la base du scepticisme foncier de Flaubert, observe Claude Mouchard: Le critique est la voix douteuse, mais invitable de lextriorit.(ibid.,p.90) Les critiques contemporains Flaubert manquent, selon celui-ci, dune thique intrinsque, dun instinct ncessaire, que seuls les crivains de talent puissent possder do la critique dcrivain crivain, entre voisins, comme dit le romancier. Ne pas ressembler au voisin, tout est l. (Lettre Charles de La Rounat, Paris, fvrier-mars 1857; p.688/2e tome)

Cest pourquoi lauteur de Bouvard et Pcuchet - cette encyclopdie critique en farce - considrait la critique le dernier chelon de la littrature, comme forme, presque toujours, et comme valeur morale, incontestablement. (Lettre L. Colet, Croisset, 28 juin 1853; p.368/2e tome)

Et la rage de Gustave Flaubert savre norme, quand il voit les soi-disant critiques mettre sur le mme rang un chef-doeuvre et une turpitude. On exalte les petits et on rabaisse les grands. Rien nest plus bte ni plus immoral. (Lettre G. Sand, le 2 fvrier 1869, cite par Claude Mouchard, op..cit., p.144)

Comment voir les cimes azures des oeuvres faire, si la contemplation des grandes choses est une dmarche voue lchec? Les grandes choses, dans la vision de Gustave Flaubert, sont les uvres qui incarnent la Beaut, lIdal, lArt en soi. Un livre clair par la lumire quil fournit lui-mme. Et celle rayonnant des romans flaubertiens est toujours une autre, trange et blouissante

La qute de la Beaut est pour lcrivain dautant plus douloureuse quil se dcouvre anim par les idaux contradictoires, parmi lesquels celui du style qui le fait haleter sans trve. Et les potes, les artistes, toute la race humaine seraient bien malheureux, si lIdal, cette absurdit, cette impossibilit tait trouve, comme affirmait Baudelaire au Salon de 1846 (De lidal et du monde). Telle tait aussi la conception de Flaubert, voire son credo de toute sa vie.

Essayant dexpliquer les mcanismes secrets de la cration, Gustave Flaubert avait lintention de dire, dans la prface du R[onsard] // lhistoire du sentiment potique en France // (Lettre L. Colet, Croisset, 27 mars 1853, p.285/2e tome). Il voulait tout dabord faire voir pourquoi la critique esthtique est reste si en retard de la critique historique et scientifique // (Lettre L. Colet, 7 septembre 1853; p.427/2e tome). Il tait sr quil ny avait point de base. Conformment aux principes de Flaubert, chaque uvre faire a sa potique en soi, quil faut trouver.

Chaque uvre est accompagne de sa potique, et pour trouver la quintessence de chacune, une critique toute neuve devient absolument ncessaire, direction qui leffraie et vers laquelle il se dirige, pourtant.

Test dautovaluation

Vous avez parcouru une unit dapprentissage sur la doctrine et la pratique du roman chez Flaubert. Vrifiez si vous avez retenu certains dtails significatifs, en consultant la rubrique Les cls du test dautovaluation.

1. Quest-ce que signifie la thorie de limpersonnalit de Flaubert?

2. Quel est le rle de lart, selon Flaubert?

3. Quelle tait la conception de Flaubert sur la critique?

9.4 La potique dans la vision de Flaubert Dans une lettre, adresse Louise Colet, Gustave Flaubert avoue, encore une fois, lmerveillement quil ressent envers le simple mot, tant pleinement convaincu de lexistence du Beau dans le dtail plus souvent que dans lensemble. Il aimait par-dessus tout les uvres qui sentent la sueur, celles o lon voit les muscles travers le linge et qui marchent pieds nus, ce qui est plus difficile que de porter des bottes.

Tout comme Paul Valry, Flaubert croyait que le vrai crivain est celui qui ne trouve pas facilement ses mots. Alors, il les cherche et, en les cherchant, il trouve quelque chose de meilleur. Ainsi, fait-il voir ce que les autres nont pas vu; Valry modifie mme laxiome cartsien, en disant quil y a une partie de lhomme qui ne se sent vivante que pendant la cration: jinvente, donc jexiste. Mais linvention nest quune manire de voir, et Flaubert insiste sur lide quun livre a t pour lui une manire spciale de vivre, un moyen de se mettre dans un certain milieu.( Lettre Madame Jules Sandeau, Croisset, 7 aot 1859; p.34/3e tome)

En anticipant la conception de Jean Moras, lauteur de Madame Bovary croit que le monde nexiste que pour servir de prtexte son uvre, ou bien comme Mallarm, Flaubert suggre que le monde attend le vers, le mot-mtaphore, pour aboutir un livre. Le monde devient finalement posie, se potise.

Chez Gustave Flaubert, la potique devient explicite dans la Correspondance, assurment. Selon Mircea Martin, la conscience potique nest pas autre chose que leffort toujours renouvel du pote dentrevoir, provoquer et conserver sa propre vocation. (Cf. M. Martin, Lucian Blaga: Entre la potique explicite et la potique implicite in Cahiers roumains dtudes littraires, 2/1982, Bucureti, Univers, p.47)

Cette vrit sapplique aussi Flaubert, mais lcrivain connat des inquitudes supplmentaires: il est n lyrique et prfre quand mme la prose! Lauteur de Madame Bovary sassume les difficults (tout comme le sujet et le style du roman voqu ci-dessus), et semble conscient de ses performances:

Quelle chienne de chose que la prose! a nest jamais fini; il y a toujours refaire. Je crois pourtant quon peut lui donner la consistance du vers. Une bonne phrase de prose doit tre comme un bon vers, inchangeable, aussi rythm, aussi sonore. Voil du moins mon ambition (il y a une chose dont je suis sr, cest que personne na jamais eu en tte un type de prose plus parfait que moi; mais quant lexcution, que de faiblesses, que de faiblesses mon Dieu!) (Lettre L. Colet, Croisset, 22 juillet 1852; p.135-136/2e tome)

En effet, le but de la cration est dblouir le crateur lui-mme; crire signifie par-dessus tout se connatre. Flaubert savre trs exigeant avec lui-mme et presque toujours mcontent de son travail, quil trouve fragmentaire, incomplet. La voie de lavenir serait dans ces mots:

Il faudrait tout connatre pour crire. Tous tant que nous sommes, crivassiers, nous avons une ignorance monstrueuse, et pourtant comme tout cela fournirait des ides, des comparaisons! La moelle nous manque gnralement! Les livres do ont dcoul les littratures entires, comme Homre, Rabelais, sont des encyclopdies de leur poque. Ils savaient tout, ces bonnes gens-l; et nous, nous ne savons rien. Il y a dans la potique de Ronsard un curieux prcepte: il recommande au pote de sinstruire dans les arts et les mtiers, forgerons, orfvres, serruriers, etc., pour y puiser des mtaphores. Cest l ce qui vous fait, en effet, une langue riche et varie. Il faut que les phrases sagitent dans un livre comme les feuilles dans une fort, toutes dissemblables en leur ressemblance. (Lettre L. Colet, Croisset, 7 avril 1854; p.544-545/2e tome).

Quant loption de Flaubert pour la prose, elle est issue de son intuition du nouveau: en effet, lcrivain croyait que le vers est la forme par excellence des littratures anciennes. Toutes les combinaisons prosodiques tant faites, la prose est ne dhier dans sa vision.

Paul Valry a vu la posie comme la danse et la prose comme la marche quotidienne; sil dfinit la posie comme une hsitation prolonge entre le son et le sens, Flaubert avait dit, avant lui, que le roman est une longue hsitation entre la forme et le contenu. Mais tous les deux, mme si spars par le temps, ont insist sur llaboration consciente, voire scientifique, du texte, sur leffort lucide et soutenu, jusquau point o celui-ci devient une fte de lIntellect, pour reprendre le fameux syntagme de Valry.

Les cls du test dautovaluation

Rponses et commentaires:

1. La thorie de limpersonnalit signifie la manire dcrire de Flaubert o lcrivain ne doit jamais donner son opinion, mais tout au contraire faire et se taire (tre comme Dieu: invisible, mais tout puissant).

2. Le rle de lart est pareil a celui de la religion,: rien ne compte plus que lexercice de la littrature; le principe de lesthtique est prioritaire: plus une phrase est belle, plus elle est vraie.

3. Flaubert napprciait pas la critique; pour lui, ce travail tait un mal ncesaire, mais si elle est faite par des professonnels, la critique peut engendrer la mode dans la littrature.

Test de contrle 9

Ce test est administr lissue de lunit dapprentissage 9. Pour raliser ce test, il vous est conseill de relire lunit et de faire des annotations. Ne manquez pas de transmettre ce test votre tuteur. A cet effet, il convient de marquer votre nom, votre prnom et votre adresse personnelle sur la premire page de votre copie. Noubliez pas dinscrire aussi le numro du test. Vous tes supposs le recevoir, aprs correction, avec les commentaires de votre tuteur. Bon travail!

1. Montrez quelle est la thorie de limpersonnalit dans lart chez Gustave Flaubert.

(12-15 lignes; 4 points)

2. Dcrivez brivement le style ncessaire selon Flaubert (les figures de style quil prfrait).

(8-10 lignes; 3 points)

3. Mettez en vidence le point de vue de lcrivain sur le rle de la critique.

(8-10 lignes; 3 points)

Rfrences bibliographiques:

BALOT, Nicolae, Literatura francez de la Villon la zilele noastr, Cluj-Napoca, Editura Dacia, 2001.Cahiers de lAssociation internationale des tudes franaises, mai 1971, numro 23 (volume publi avec le concours du C.N.R.S., de la Direction des Arts et Lettres et de lU.N.E.S.C.O., loccasion du XXIIe Congrs de lAssociation, le 24 juillet 1970); Paris, Socit ddition Les Belles Lettres, 1971.

DEBRAY-GENETTE, Raymonde, NEEFS, Jacques, Luvre de luvre (tudes sur la correspondance de Flaubert), Saint-Denis, Presses Universitaires de Vincennes, 1993.

FLAUBERT, Gustave, Correspondance, Paris, Gallimard, Bibliothque de la Pliade, 4 vol., 1973-1998.

THIBAUDET, Albert, Gustave Flaubert, Paris, Gallimard, coll, Tel, 1992; (chap. Le style de Flaubert), pp.221-286.

Figure 9.1

Limportance de la Correspondance

La Correspondance aux yeux de lcrivain

Le principe esthtique: premire priorit

La mission de lart

Lauteur dans sa cration

Ecrire comme un scientifique

Le rle des comparaisons

Flaubert, comme Stendhal, est ladepte du style dpouill dornements

La tche de lartiste

Le rle de la critique

LIdal de la Beaut

La rflexion sur le travail de lcrivain

Lcrivain et sa besogne

Lavnement de lart, selon Flaubert

Conception de Paul Valry sur la posie/prose

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Proiect pentru nvmntul Rural

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