une rencontre inattendue -...

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Une Rencontre Inattendue

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RésuméIls viennent de deux mondes différents et rien ne semblait

pouvoir les réunir.Lui, fils d’un mécanicien, dont la vie a forgé son image sur le

monde, n’aurait jamais dû poser les yeux sur elle.Elle, fille de sénateur, n’aurait jamais pensé qu’aimer pouvait

faire aussi mal.Aussi novice l’un que l’autre dans ce sentiment si profond

qu’est l’amour, Samantha et Nick vont devoir se battre contre lesautres mais surtout contre eux-mêmes.

Quand deux mondes différents se rencontrent…

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Titre 2Résumé 3

Tables des Matières 4Existentielle 6

Mentions Légales 7Dédicace 8Chapitre 1 9Chapitre 2 10Chapitre 3 12Chapitre 4 13Chapitre 5 16Chapitre 6 18Chapitre 7 21Chapitre 8 25Chapitre 9 26Chapitre 10 27Chapitre 11 29Chapitre 12 31Chapitre 13 32Chapitre 14 34Chapitre 15 36Chapitre 16 38Chapitre 17 40Chapitre 18 42Chapitre 19 44Chapitre 20 46Chapitre 21 48Chapitre 22 50Chapitre 23 52Chapitre 24 54Chapitre 25 56Chapitre 26 58Chapitre 27 60Chapitre 28 62Chapitre 29 63Chapitre 30 65Chapitre 31 66Chapitre 32 67

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Chapitre 33 69Chapitre 34 70Chapitre 35 72Chapitre 36 74Chapitre 37 76Chapitre 38 78Chapitre 39 80Chapitre 40 82Chapitre 41 84Chapitre 42 86Chapitre 43 87Chapitre 44 89Chapitre 45 91Chapitre 46 93Chapitre 47 95Chapitre 48 97Chapitre 49 98Épilogue 100Remerciements 102

Anyway Éditions 103

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Mentions Légales© 2016 Mallika R. / Anyway Éditions

Illustration : Feather WenlockÉdition : Anyway Éditions

http://www.anywayeditions.comISBN : 978-2-3748-005-1

Version PapierISBN : 978-2-37488-004-4

Dépôt légal : Mars 2016

« Le code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductionsdestinées à une utilisation collective. Toute représentation ou représentationintégrale ou partielle faite par quelques procédés que ce soit, sans leconsentement de l’auteur ou de ses ayants cause est illicite et constitue unecontrefaçon au sanctionnée par les articles L,122-4, L,122,-5 et L,335-2 etsuivants du code la propriété intellectuelle. »

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« Pour tous les amoureux »

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Chapitre 1NickJe regardais les bandes-annonces défiler. Elle m’avait posé un

lapin. Encore une fois ? Cela faisait deux semaines qu’on nefaisait que se croiser sans se toucher ni même se parler. Cettesituation commençait à me peser. Je jetais un dernier regard versla porte avant de me retourner vers l’écran quand toutes leslumières s’éteignirent.

Je me demandais combien de temps cette condition allaitencore durer. Je maudissais ce jour où j’avais posé mes yeux surSamantha Mitchell, que tout le monde appelait Sam, sauf moi.Mais je chérissais cette rencontre comme si c’était hier.

Un an et six mois plus tôt.Je courais pour me rendre à la bibliothèque qui se trouvait à

l’autre bout de la fac. Je devais absolument finir cettedissertation pour le cours de français, sinon adieu mon ététranquille. Qui avait bien pu créer cette langue ? Molière ?Heureusement pour lui qu’il était mort, je me serais donné pourmission de le tuer. Aussi pourquoi avais-je accepté de la prendreen option ? J’avais assez de cours, ainsi que des notessatisfaisantes, pour l’ajouter à mes points faibles. Bien sûr, jevoulais faire plaisir à ma mère qui avait de lointaines origines -elle ne sait même plus de quel côté - françaises.

Je poussais la porte et bousculais quelqu’un. Je criais unpardon, mais ce furent les feuilles qui volèrent partout qui mestoppèrent dans ma progression.

Une jeune femme rousse pestait sur le manque de galanterie etle fait que je sois aveugle. Cela m’amusa. Rares étaient ceux quime parlaient de la sorte. Je me baissais pour l’aider à récupérerses documents tout en essayant de me faire petit. Elle posa unemain chaude sur mon avant-bras.

— Merci, tu as fait assez de dégâts comme ça, dit-ellesèchement.

Je ne savais que dire. Il avait suffi que je plonge mes yeuxdans les siens pour perdre l’usage de la parole. Malgré leurcouleur émeraude, je distinguai parfaitement la colère brillerdedans, ils semblaient foncer de seconde en seconde.

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— Je suis désolé, je ne t’ai pas vu, dis-je en essayant de ladérider.

— C’est ce que j’ai dit, tu es aveugle !— Pas que je sache, dis-je avec un sourire en coin. J’ai vingt

centimètres de plus que toi et mes yeux ne t’ont pas vu, de leurhauteur.

Elle m’arracha la pile des mains et se leva sans manquer deme détailler de la tête au pied. Elle me gratifia d’un regardméprisant avant de s’en aller avec mon cœur.

Cela m’avait pris plus de six mois pour la retrouver. Quand onétudie sur un campus aussi grand qu’un continent, autant chercherune aiguille dans une botte de foin. Et pourtant, j’avais fini parapprendre que ses cours étaient à des heures différentes desmiennes.

L’été était arrivé et, là encore, j’avais dû patienter trois moisavant de la revoir. Ce fut quelques jours avant la rentrée que je lavis attablée à un café à deux rues du campus.

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Chapitre 2SamanthaJ’avais décidé de venir une semaine avant le début des cours.

J’en avais marre du même cycle avec ma mère. « Tu as tous tesaccessoires de maquillage ? Tu n’as pas oublié tes sous-vêtements Victoria Secret’s, tu sais les filles entre elles commentelles sont… » Comme ma génitrice était partie à Hawaï avec sesamies les plus intimes comme elle le disait si bien, j’avais profitéque mon père avait la tête ailleurs pour lui arracher son accord.

Être la fille unique d’un futur sénateur a de quoi rendre follen’importe quelle fille qui rêve de liberté. Il y avait trop de règleséthiques à suivre. « Fais attention à ce que tu vas porter. Tu nepeux pas mettre ça, si un ami de ton père te voit ! Surveille tonlangage. Ne marche pas de la sorte… » Et j’en passe. Personnedans cette famille ne s’intéressait à ce que je voulais de temps entemps ! Même si je n’avais jamais été contre le fait de suivre lamême carrière que mon père.

On ne pouvait vivre tranquille dans la famille Mitchell, où lapolitique allait de père en fils. Cela avait pris des années à mesparents pour m’avoir, alors mon père avait fini par perdre toutespoir d’avoir un fils. Il avait tout mis en œuvre pour que jereprenne le flambeau, afin que ma mère puisse le suivre commeson ombre. C’est comme cela dans ce milieu, les femmes doiventsourire et être la soi-disant carte de réussite des hommes. Ce quiétait faux en voyant ma mère, blonde, petite, seins refaits, onglesmanucurés, qu’est-ce qu’elle savait sur la prochaine loi qui allaitêtre votée au Congrès ? J’étais contente de ne pas ressembler àMadame Elizabeth Mitchell.

J’étais rousse avec des yeux verts qui pouvaient être autantfoncés que clairs - comme ceux de mon père - selon mon humeur,et je mesurais un mètre soixante-quinze. Certaines de mes amiesau lycée étaient jalouses de mes jambes, moi, elles me servaient àmarcher et à passer les vitesses, c’était tout ce qui comptait.

J’étais attablée au café avec un chocolat au lait et un mokaau café. Cela faisait longtemps que je rêvais de ce petit gâteau,mais entourée de filles qui calculaient à longueur de journée lenombre de calories qu’elles mangeaient, impossible de faire un

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sacrilège pareil devant elles. C’est alors qu’une ombre coupa lesrayons de soleil qui faisaient du bien à ma peau, ainsi qu’à monhumeur.

Je levais la tête et le vis. Non, en fait, mes yeux tombèrent surson torse. J’avais dû faire encore un petit effort pour voir sonvisage et la première chose que je remarquai fut la tempête deson regard, gris, très pâle.

— Tu me caches le soleil, dis-je, irritée par son apparition.Il me fit un sourire en coin comme si j’avais fait une blague.

J’aimais à croire que si j’étais intelligente tout le monde devaitl’être aussi, mais c’était avant de voir certains garçons desconfréries pour comprendre que c’était dû aux gènes de mon père.

— Je peux ?— Si cela me permet de profiter des vitamines D que me

procurent les rayons du soleil, je t’en prie.Je poussais la chaise près de moi et lui fis signe de s’asseoir.

J’avais l’impression de l’avoir déjà croisé quelque part. Mais où ?Ce n’était pas donné de croiser des géants partout, il devaitmesurer pratiquement deux mètres.

— Que lis-tu ?J’hésitais à lui monter mon livre une fraction de seconde avant

de le faire, Carrie de Stephen King. J’avais lu et relu ce livre, et vutoutes les versions cinématographiques des milliers de fois. Je nesaurais dire pourquoi cette histoire m’attirait autant, je n’avaispas eu les mêmes soucis qu’elle. J’avais été dans les meilleuresécoles, eu des amies qui me suivaient parce que j’étais la fille d’unhomme - influent et des petits amis qui rêvaient de m’ajouter à leurlongue liste de chasse et, pourtant, à la veille de mes vingt ans,j’étais encore vierge. Quelle honte ! Mais chut, n’en parlez surtoutpas aux blondes manucurées de ma confrérie, elles se feraientune joie de me pourrir la vie. Et les gars, n’en parlons pas, lachasse serait ouverte et sans règles.

— Oh ! Toi aussi, tu aimes King ?— Cela dépend de ses œuvres, mais oui, j’aime bien cet auteur.— Hum.Hum ? Je le regardais, perplexe, avant de soulever les épaules

et de manger une part de mon précieux gâteau.— Tu ne te souviens vraiment pas de moi ? me demanda-t-il

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après quelques minutes de silence.— Pourquoi ? Je devrais ? lui demandais-je tout en glissant

mon assiette vers lui. Tu en veux ?Il semblait épouvanté. Je pensais, pendant une seconde, qu’il

faisait attention à sa ligne avant de voir ses bras, très musclés,prendre appui sur la table.

— Ne me dis pas que tu es comme ces filles qui se font plaisiren mangeant plein de cochonneries avant d’aller vomir ?

— Mais… Non… Mais !J’étais scandalisée. J’osais lui proposer de partager mon

péché mignon avec lui et qu’est-ce qu’il faisait ? Il me critiquait !Je commençais à tirer l’assiette vers moi quand il me stoppa enposant sa main sur la mienne.

— Je ne voulais pas te blesser.— Tu t’en sors comme un grand.— Vraiment ? Je m’excuse.— Peu importe, t’en veux ou pas ? dis-je avec irritation.Il prit la fourchette et coupa un morceau. Je suivis la scène

avec fascination. La manière dont ses muscles se contractèrent.Son polo s’arrêtait bien avant son biceps, cela réveilla une partiede mon corps qui ne s’était pas manifestée depuis des mois, voiredes années.

— Nick, me dit-il en me rendant ma fourchette.— Samantha, mes amis m’appellent Sam.— Je ne veux pas être ton ami.— Je ne te l’ai pas proposé ! Qu’est-ce que tu peux être

désagréable !Non vraiment, il était magnifique, sa chevelure était noire

comme un corbeau ce qui faisait ressortir le gris de ses yeux. Ilavait une peau bronzée dûe plus à un métissage qu’à unbronzage. Mais dès qu’il ouvrait la bouche, sa beauté perdait despoints. Il tourna sa tête vers moi, plongea son regarda dans lemien, et les mots qui sortirent de sa bouche me troublèrent.

— Ce que je veux dire, c’est que je veux être plus que ton ami.Je le regardais un peu perdue, avant de rassembler mes

affaires, laissant la moitié de mon moka adoré sur la table et deme lever.

— Je te laisse à tes rêveries. Je ne fréquente pas les fous !

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— On se reverra, l’entendis-je répliquer pendant que je tournaisles talons.

Il n’aurait pas pu dire cela sur un autre ton ?! Cela sonnait tropcomme une menace ou était-ce moi qui l’avais interprété de lasorte ?

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Chapitre 3SamanthaCela faisait deux jours que j’étais enfermée dans ma chambre

à la confrérie. Ma mère avait fait son possible pour que j’intègre «Kappa Kappa Gamma », que tout le monde appelait Kappa. Elleavait voulu que j’en devienne la présidente, j’avais dû me battrepour refuser, mais cette année, je savais que j’allais avoir le posteet je ne pouvais pas le refuser, quelle plaie !

Le mur était d’une nuance de rose-crème. Mon père avait faitdon d’une fortune à l’université et il se vantait que sa très chèrefille avait intégré l’une des huit universités de la Ivy League. Je meretournais sur le ventre en soupirant. Encore quatre jours et toutce beau monde serait de retour. Mon téléphone sonna ce quicoupa court à ma déprime.

— Allo, dis-je sans avoir regardé le nom.— Tu es où, ma rousse adorée ?— Kate, grondais-je. Je t’ai déjà dit d’arrêter de m’appeler

comme ça.— OK, OK, madame ronchonne. Mais où es-tu ?— Dans ma chambre.— Sur le campus ?— Oui.— Oh super, cria-t-elle dans mes oreilles.Kate Sheridan et moi, nous nous étions rencontrées le premier

jour de notre entrée à Harvard. Elle semblait perdue et essayaitde demander son chemin, mais tout le monde courait vers sa salleet en gentille fille que j’étais, je lui avais demandé ce qu’ellecherchait, le hasard avait voulu qu’on ait le même cours pour lapremière heure. Depuis on était inséparables, son caractèrecomblait le mien. C’était une tête en l’air et moi, je suis unemaniaque de l’ordre. Elle voulait devenir juriste et moi sénatrice.On avait, au moins, la loi en commun.

— Tu peux venir me chercher, s’il te plaît ?— Où ?— Au garage près du campus. Tu sais celui dans lequel les

gars de la Delta passent leur temps à peindre leur carrosserie.— OK, j’arrive.

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Je poussais un long soupir. Tête en l’air et miss catastrophe,elle pouvait enchaîner les gaffes les unes à la suite des autressans que cela ne lui enlève le sourire, mais je l’aimais bien. Jerécupérais les clés de ma Mercedes classe E , j’allais conduire labête et cela me mettait en joie. Je sortis de ma chambre, au moinsune bonne chose dans cette journée ennuyeuse.

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Chapitre 4NickJe travaillais sur ma Mustang décapotable datant de 1965 que

mon père m’avait offert le jour où j’avais obtenu mon permis, deuxans plus tôt. J’y tenais comme à la prunelle de mes yeux. SoudainRico mon grand cousin siffla. Deux problèmes pouvaient se poserà lui. Soit il avait affaire à une voiture qui lui donnait du fil àretordre, soit un des élèves de la fac lui cherchait des noises.Comme je n’entendais pas de cris, il devait s’agir de la premièreoption.

J’essuyai mes mains sur mon bout de tissu et refermai le capotde ma belle avant de me diriger vers lui. Je le vis debout prèsd’une BMW Z2, gris métallisé, en train de sourire à une jeunefemme haute comme trois pommes. Je m’approchai en traînant lespieds.

— Que se passe-t-il, Rico ?— Le moteur de la BM semble avoir pris l’eau.— Pardon ? demandais-je perplexe.— Tu sais bien que moi et les luxueuses, nous ne sommes pas

amis alors regarde ce qu’elle a.Depuis le jour où Rico m’avait parlé de son projet et que mon

père m’avait dit de lui donner un coup de main, je savais quej’allais le regretter. Ce garçon n’avait rien dans la tête. Je luidonnais un coup de main au garage parce que j’avais besoin dusalaire pour pouvoir payer mon appartement en ville ; sinon je luiaurais dit le fond de mes pensées. Tout en soupirant je plongeaisma tête sous la voiture. Je me devais de tout vérifier, et grandbien m’en avait pris car l’amortisseur avant gauche avait lâché.Sa conductrice ne devait pas faire attention aux dos-d’âne.

— Tu vas devoir commander la pièce, on n’a pas ce modèle enstock, lui dis-je en me relevant.

Il regardait la jeune femme qui parlait au téléphone au lieu dem’écouter. J’avais une sérieuse envie de lui donner un coup de cléà molette sur la tête. Âgé seulement de 25 ans, on aurait dit qu’ilen avait encore 16. Je pouvais le comprendre ; sa mère - matante, la grande sœur de mon père - l’avait couvé après la mortde son grand frère Francisco, quatre ans auparavant. Mais moi,

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je n’étais pas sa mère !— Rico, tu m’entends ?— On parie 10 dollars qu’elle me donne son numéro ?Je poussai un profond soupir avant de me diriger vers le

bureau du fond pour commander la pièce. Le téléphone sonna aumoment où je m’apprêtai à retourner finir le nettoyage de mavoiture.

— Rico et Bolide, annonçais-je d’une voix ennuyée.— Nick ? Comment vas-tu mon fils ?— Ça va et toi, papa ?Marco Sanchez était mon héros, je l’aimais tellement que je

pourrai tuer pour lui ; j’avais manqué le faire, il y a quelquesannées, un moment pour lequel je n’étais pas fier de ma colère,mais ainsi, j’avais su jusqu’où j’étais prêt à aller pour ma famille.Sa voix rocailleuse sonnait comme une mélodie à mes oreilles,c’était ma berceuse préférée quand j’étais enfant.

— Je vais bien. Tu viens ce week-end ?— Oui, c’est l’anniversaire de maman, je ne peux pas le rater.— Elle est rentrée ce matin de mauvais poil, disant qu’elle avait

dû aller se réconcilier avec sa folle de mère et n’avait pas pu voirson fils pendant deux longs mois.

— Dis-lui d’arrêter de me couver de la sorte, on finira par sefaire de mauvaises idées à son sujet.

— Tu es mon seul et unique fils, j’ai le droit de faire ce que jeveux, entendis-je ma mère répliquer.

Jess Sanchez, Sullivan de son nom de jeune fille, avait épousémon père quand elle était enceinte de moi. Elle était venue àHarvard faire des études de management quand elle l’avaitrencontré dans un bar. Ce fut le coup de foudre, comme ilsaimaient me le dire l’un et l’autre. De fil en aiguille, ma mère futrépudiée par sa famille parce qu’elle avait osé fricoter avec laracaille alors que son père avait de grandes espérances pour elle.Bref, elle n’avait eu aucun regret à tout claquer pour suivre monpère, qui était sans un sou, dans les bas- fonds de Boston.

— OK, OK, ma princesse, on se voit samedi, d’accord ? Je doisaller rejoindre Rico avant qu’il ne se fasse embarquer pourharcèlement.

— Je suis désolé.

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— Ne t’en fais pas papa, c’est la famille et puis j’ai besoin decet argent.

— Si tu rentrais tous les soirs…— Tu sais bien que je voulais cette indépendance. Je vous aime

tous les deux, tu le sais ça, au moins ?— Je suis si fier de toi, dit-il d’une voix tout émue.Malgré que je sois le fruit d’un amour intense, ma mère n’avait

jamais pu faire d’autre enfant ; elle avait eu un placenta prævialors de sa grossesse et mon père avait tellement eu peur de laperdre qu’il avait dit au médecin de faire en sorte qu’elle ne puisseplus en avoir d’autres. Cela ne m’avait pas dérangé d’être enfantunique. Et puis, j’avais eu une tripotée de cousins avec lesquelsjouer.

— Je vous aime, prenez soin de vous, à samedi.Après avoir raccroché, je me rendis à l’atelier et c’est là que je

la vis. Appuyée contre sa Mercedes E V12, elle portait un minishort blanc qui mettait en valeur ses longues jambes bronzées,ses boucles partaient dans tous les sens à cause du vent. Elleavait mis une paire de Ray-Ban qui masquait son regard, mais jesus exactement à quel moment elle le posa sur moi. Mon corps setendit. Elle tira son amie près d’elle.

Je remerciai le ciel d’avoir envoyé mon soleil éclairer majournée.

Rico se retourna vers moi en me faisant son fameux sourire -que j’aimerais effacer d’un coup de poing de temps en temps. Bon,cette fille, soit elle lui avait donné un faux numéro, soit elle voulaits’amuser avant de trouver un fils à papa à épouser.

— Samantha, la saluai-je quand j’arrivai face à elle.Elle prit son temps pour retirer ses lunettes. Ce devait être ses

bonnes manières qui parlaient parce que je ne voyais pas tropl’utilité - pas que je m’en plaigne loin de là - qu’elle les retire.

— Nick, dit-elle d’une voix troublée.Elle regarda le garage, puis moi et encore le garage, avant de

se tourner vers son amie. Je fus déçu et le pincement de mon cœurme fit plus mal qu’autre chose, mais je ne laissais rien paraître.

— Tu as fini Kate ? demanda-t-elle à son acolyte.— Je n’ai pas réglé.— Vous devez régler la moitié de la commande et remplir cette

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feuille, comme ça, on vous contactera quand votre voiture seraprête.

— Bien sûr.Rico lui fit signe de le suivre ; cette partie, il voulait bien s’en

charger, pensai-je avec aigreur. Il l’avait dans la poche. Je lesregardai s’éloigner avant de faire de même vers ma voiture.Jentendis Samantha se racler la gorge, mais je fis comme si derien n’était.

J’ouvris ma portière pour sortir le tapis de sol. Au moment où jeme retournai pour le secouer, je me retrouvai nez à nez avec elle.Je me mis à la détailler de haut en bas ; possible que si je retiraisce qui m’avait attirée chez elle, j’arriverais à me dire que cen’était qu’une fille à papa comme toutes les autres qui peuplentcette université.

— Tu travailles ici ? me demanda-t-elle.La colère monta en moi. Pour quelle raison y avait-il autant de

préjugés dans ce monde ? J’avais des origines mexicaines, celavoulait dire que je devais faire tous les travaux que les « autres »trouvaient trop dégradants à faire ?

— Oui, répondis-je sèchement avant de m’éloigner.Je me mis à ranger les outils que j’avais utilisés pour faire la

révision de mon véhicule. J’avais refait la peinture de lacarrosserie il y a une semaine, en ce moment, elle était noire avecdes vagues blanches. Je la changeais à peu près tous les six mois.Je sentais son regard suivre le moindre de mes gestes. Je meretournai vers elle, le corps tendu à bloc.

— Quoi ?Elle se mit à se mordre les lèvres. Je me fis violence pour ne

pas suivre son geste.— Rien.Son amie l’appela au moment où je m’apprêtais à laisser libre

cours à ma colère. Elle sembla hésiter une seconde avant de fairedemi-tour pour s’en aller. Je suivis le balancement de ses hanches,après tout, je suis un mec, je ne pouvais pas faire l’indifférentjusqu’au bout.

Elle avait remis ses lunettes de soleil quand je la vis se mettrederrière le volant de son bolide. Un coup de clé et elle le fit rugir.Elle semblait le maîtriser, ce qui était une bonne chose. Je lui jetai

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un dernier regard avant de retourner à mes occupations. Quandelle quitta le garage, je me sentis vide.

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Chapitre 5NickLa rentrée fut éprouvante, j’étais content que cette journée

touche à sa fin. J’avais prévu de rentrer demain matin chez mesparents, mais tout compte fait, autant leur faire la surprise. Jevoyais déjà leur grand sourire.

Je venais d’ouvrir ma portière quand une tape sur l’épaule mefit sursauter. Je me retournai prêt à en découdre avant de voirque ce n’était que Matthew. Ce blond aux yeux marron-vert avaitle penchant pour me surprendre quand je m’y attendais le moins.

Je me rappelais encore le jour de notre rencontre, c’était à laséance de recrutement du club de basket. Je faisais rebondir laballe sur le sol en le regardant faire le même va-et-vient sansm’en lasser. J’avais été désigné capitaine, il faut dire qu’avec lepalmarès que j’avais à mon actif, cela ne m’avait pas surpris,mais c’était une première pour un nouveau d’avoir ce poste. Ilm’avait chipé la balle des mains sans que je m’en rende compte.

— Tu es notre nouveau capitaine ?Je l’avais regardé faire tourner le ballon sur son index, puis

son majeur, avant de le faire rouler sur ses épaules. Je continuaisà le fixer et lui affichait un sourire arrogeant, mais après avoirfixé ses yeux, j’avais vite compris qu’il essayait de communiquer àsa manière avec moi. Depuis, il est ce qui ressemble le plus à unmeilleur ami. Ah oui, il avait un an de plus que moi et il était dans lasection commerce. Il était l’héritier d’un promoteur immobilier. Maissinon, la vie était belle…

— Alors tu fais quoi ce week-end ? me demanda-t-il, mesortant de mes souvenirs.

— Je rentre. C’est l’anniversaire de ma mère.— Oh ! Dommage, la confrérie Delta fait sa première fête.— Non merci.— Oh ! Allez.— L’anniversaire de ma mère est plus important que ta fête.Matt faisait partie de la confrérie Delta Upsilon, il en était l’un

des piliers ; je me demandais comment il arrivait encore à avoir dutemps pour jouer au basket, avec toutes les activités qu’ilsavaient. J’avais été une fois à une de leur grande fiesta, j’avais

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passé une soirée désagréable, alors depuis, j’essayais d’esquivercomme je le pouvais.

— Bien, mais tu sais, ce n’est pas comme ça que tu vas tefaire des amis.

Je ne pris même pas la peine de lui répondre et montai dansma voiture. Je quittai le parking en songeant que, malgré nosdifférences, j’en étais venu à apprécier sa présence. Il faisait cequ’il avait à faire, il avait toujours du temps pour traîner avec moiet ne laissait jamais ses imbéciles de frères de confrériem’embêter. Pas que je n’étais pas capable me défendre, mais ilsavait que ça pouvait toujours finir mal pour l’un comme pourl’autre.

Je fis un saut à mon appartement, que je louais à une vieille etadorable grand-mère. Elle me préparait souvent des gâteaux, ouun plat fait au four, quand elle savait que c’était la période despartiels. J’avais appris à l’aimer comme un membre de ma famille.Il faut dire que pour nous, les Mexicains, tout le monde fait partiede notre famille dès qu’on est gentil avec nous. C’est ce que monpère répétait quand j’étais petit et ça m’était resté.

Elle m’attendait devant ma porte, un plat sur les bras. Je lagratifiai d’un sourire et le lui pris des mains.

— Ma très chère Georgette, que fais-tu ici ?— Tu crois que j’ai oublié l’anniversaire de ta mère ?— Elle sera contente de te voir.— Je ne pourrais pas venir cette fois-ci, j’ai promis à la vieille

folle du 35 de l’accompagner à son club de bridge.— D’où le plat. Tu essaies d’acheter ma mère ?Elle fit mine d’essayer de me tirer les oreilles et en bon garçon

que j’étais, je me baissais pour le lui permettre.— Petit malin que tu es. J’ai déjà prévenu ta mère, donc ne

garde pas les macaronis au fromage pour toi.— Hum, je vais me régaler. Profite de ton club.Elle marmonna quelque chose à propos de vieux pervers avant

de s’en aller. J’ouvris ma porte et posai mon sac près de celle-ci.L’appartement n’était pas grand, mais je me sentais chez moi. Ilétait composé d’une petite cuisine qui donnait sur le salon qui meservait aussi de salle à manger. La porte dans le fond donnait surles toilettes. Juste à côté, se trouvait la douche et la dernière

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pièce était ma chambre.Ma mère avait pris un week-end pour l’aménager comme elle le

voulait. Autant ne pas essayer de la dissuader quand elle est enmode fée du logis. Je posai le plat sur la table basse qui faisaitface à un écran plat, offert par ma tante, sa façon à elle dem’acheter pour la mission de surveillance de Rico.

Je me rendis dans ma chambre pour chercher le cadeau.J’avais économisé des mois pour leur offrir, à elle et à mon père,un voyage. J’avais toujours rêvé de faire quelque chose pour eux,il était temps que je m’y mette.

Je sortis l’enveloppe de dessous mes jeans et regardais lesbillets, à destination d’Hawaï. La femme de l’agence de voyagesm’avait fait tout un discours sur le climat et tout ce qui entourel’île. J’avais été séduit en deux secondes. Je pris deux jeans et t-shirts, ainsi que des sous-vêtements, avant de retourner dans lesalon vider mon sac de sport afin de les mettre dedans. Je pris leplat et m’en allai, direction la banlieue de Boston.

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Chapitre 6SamanthaL’avoir revu dans ce garage avait mis mes nerfs à vif, je ne

savais pas ce qui m’attirait chez ce garçon. J’avais l’impressionqu’un fil invisible me tirait vers lui, mais son attitude n’était pas lamême que celle du café. Je m’étais posé la question, avais-je faitquelque chose de travers ? À force d’y réfléchir, ça avait fini parm’énerver.

La rentrée était vite arrivée et j’y pensais moins.Kate avait fait une demande pour être dans la même chambre

que moi, sauf que ma nomination en tant que présidente desKappa Kappa Gamma avait mis ses projets à rude épreuve. Laseule chose que la doyenne accepta, c’est qu’elle soit dans unechambre près de la mienne.

Je posai mon sac sur mon bureau. J’avais un début de migraineet ça n’allait pas s’arranger. Je devais faire un discours, puisaccompagner les blondes manucurées à cette maudite fête chezles Delta. Ces garçons avaient la réputation la plus exécrable ducampus.

Kate déboula dans ma chambre en short rose pale, lescheveux à moitié mouillés, relevés en chignon et son odeur « Dior,J’adore ». Cela me faisait rire quand elle essayait de parlerfrançais. Je le parlais parce que ma grand-mère maternelle étaitfrançaise. Cette année, j’avais prévu de faire du tutorat enfrançais.

Elle se laissa tomber sur mon lit en soupirant.— Ce Rico est un vrai pot de colle. J’aurais dû lui donner un

faux numéro.J’essayais de me rappeler qui était ce Rico avant que le

visage de Nick ne s’impose à mon cerveau. Je secouai la tête touten me dirigeant vers ma penderie. Je l’ouvris et faillis faire unecrise cardiaque.

Ma mère avait encore fait des siennes, elle avait profité que jesois débordée toute la journée pour faire livrer un magasin entier.J’aurais dû m’en douter. Kate siffla à mon oreille.

— J’ai beau être la fille d’un Juge très renommé, ma garde derobe ne pourra jamais égaler la tienne.

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Parfois, j’aurais aimé être la fille d’une famille modeste. Toutecette richesse ne m’avait pas rendue arrogante comme certainesfilles que j’avais fréquentées, mais elle me pesait. Mon pèrem’avait appris la modestie, pendant que ma mère m’avait appris àprofiter de mon statut, mais ce sont les valeurs de mon père quisont restées et non celles de ma mère.

Je fis glisser chaque cintre, un à un, tout en essayant de nepas m’énerver contre ma génitrice. J’avais appris depuislongtemps à ne pas le faire. Chaque fois, je lui faisais part de monmécontentement, mais elle s’assurait de faire pire après, alors jefaisais ce qu’elle attendait, je lui téléphonais pour la remercier,mais pas cette fois.

Je poussai Kate pour prendre mon téléphone dans la poche demon sac quand celui-ci se mit à sonner.

— Tu tombes bien, dis-je en guise de salutation. J’aurais penséque maintenant que je suis la présidente, comme tu le désirais, tuaurais arrêté tout ce cirque.

— Mais Samantha, tu sais très bien que c’est pour cela que jel’ai fait. Je n’allais quand même pas te laisser mettre lesvêtements de la dernière collection, avec toutes sesresponsabilités qui sont les tiennes maintenant.

— Maman, j’en ai assez. Je suis assez grande pour m’habillertoute seule et sans te faire honte, dis-je entre les dents.

Ce fut le silence qui me répondit. Elle devait essayer de semaîtriser. Une femme de bonne famille ne haussait jamais la voixet Elizabeth Mitchell venait d’une très bonne famille, alors onpouvait compter sur elle pour qu’elle n’affiche jamais sessentiments. Pire iceberg qu’elle, on ne trouve nulle part.

— Samantha ! dit-elle d’une voix neutre.— Je n’ai pas le temps de me disputer avec toi, je dois faire

mon discours et aller à une fête. Embrasse papa pour moi, dis-jeavant de raccrocher.

Kate, qui était restée devant ma penderie, faisait semblant dene pas avoir écouté ma conversation. À Noël dernier, elle avaitrencontré ma mère, elles s’étaient bien entendues. Elle necomprenait pas pourquoi je n’y arrivais pas avec ma génitrice etje n’avais pas pris la peine de lui expliquer.

Brandissant une robe blanche avec une ceinture couleur or,

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elle se retourna vers moi.— Tiens, mets ça.Je n’avais même plus la force d’argumenter. Je la lui pris des

mains et me dirigeai vers ma salle de bain. Je réglai l’eau chaudeau maximum en faisant le vide dans ma tête, tout en medéshabillant. Je rentrai sous les jets et mes muscles crispés sedétendirent immédiatement. Je laissai l’eau laver ma mauvaisehumeur parce que si je restais comme ça, J’aurais pu tuerquelqu’un ce soir-là et vu le nombre d’arriérés que j’allais croiser,autant éviter. Je fis un shampoing pour démêler mes boucles,j’adorais ma chevelure, il n’y avait nul pareil, le vent, la pluie,qu’importe le temps, elle ne faisait jamais de nœud.

— Dépêche-toi, sinon on sera en retard. Et tu sais que ça seramal vu pour la présidente.

Je fis comme si je ne l’avais pas entendue et continuai madouche. Après m’être savonnée et rincée, je coupais l’eau. Jedécrochai mon peignoir et l’enfilai. Je fis face au miroir etregardai le visage de la jeune femme qu’il me montrait. Elle avaitdes yeux émeraude qui semblaient fatigués, son nez étaitparsemé de tâches de rousseur. Kate ouvrit la porte au momentoù j’allais le faire.

— Tu le fais exprès ?— Kate, s’il te plaît, pour une fois, sois juste spectatrice, je ne

suis pas d’humeur.N’importe qui se serait offusqué, mais avec Mademoiselle

Sheridan, on culpabilise dès que les mots franchissent nos lèvres.Elle me tendit ma robe avec un grand sourire. Je la pris et merendis devant ma coiffeuse. Je devais me sécher les cheveux etme maquiller avant d’endosser le rôle qu’on m’avait assigné.

Après m’être préparée, on quitta ma chambre. Kate tenait monbloc-note, elle s’était autoproclamée secrétaire et je l’avaisgrandement remercié de l’avoir fait. On longea le couloir pour serendre dans la salle de bal.

— Je ne t’ai pas dit, dit subitement Kate.— Quoi ?— J’ai entendu dire que Lucia avait été se plaindre parce que

le poste aurait dû lui revenir.Cette fille me donnait des boutons déjà l’année dernière, Kate

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l’avait sauvée de mes griffes. Elle était tout ce que je détestaischez une fille. Blonde, yeux bleus, un rire qui donnait envie de secrever les tympans.

— Si elle le veut, je le lui donne avec joie.— Arrête un peu Sam, ce n’est pas si difficile que ça, il n’y a

pas grand-chose. J’ai regardé le programme. Tu dois juste fairequatre discours, ouvrir chaque fête, superviser chaque événement,comme le lever de fonds pour les enfants démunis de Boston.Après, ta vice-présidente fait les plus petits boulots.

— Et tu dis qu’il n’y a pas grand-chose ?Elle n’eut pas le temps de me répondre parce qu’on venait

d’arriver dans la salle de bal. Tout le monde était réuni etm’attendait. Ce n’était pas la première fois que je prenais laparole devant une foule. Il n’y avait qu’une centaine de jeunesfemmes, j’avais déjà fait un discours devant plus de millepersonnes, et ça, à l’âge de 13 ans seulement.

Je m’approchai près du micro, Kate à mes côtés. Elle souriaitpour nous deux et c’était déjà assez bien. Mes yeux tombèrentdans ceux de mon fléau personnel. Ma meilleure amie me fit ducoude en me tendant mon bloc-note. J’ignorais ce dernier etessayai de capter le regard de chacune des filles présentes.

— Bonjour à tous. Je m’appelle Samantha Mitchell, pour cellesqui ne me connaissent pas encore. J’ai été élue présidente cetteannée et je vous remercie de votre vote de confiance.

Je me tus quelques secondes pour que ma gratitude puissefaire son effet avant de les assommer.

— Les fraternités ont une fâcheuse tendance à faire desbizutages aux nouvelles arrivées. Je n’ai pas eu cette « chance »parce que la doyenne avait fait passer le mot juste avant, alorsl’une des raisons qui m’a poussée à accepter ce poste est que jevais abolir ce système.

Un brouhaha commença à s’élever et Lucia afficha un souriremoqueur, si elle pensait qu’elle allait arriver à me renverser, je luisouhaitais bonne chance.

— Les hauts dirigeants sont contre ce système, mais ils n’ontpas le temps de gérer cela, alors c’est à nous, président, d’avoirassez d’intelligence pour arrêter cela. Alors, si j’apprends ou jevois des bizutages dans notre confrérie à partir d’aujourd’hui, je

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ferais renvoyer le coupable.Je me tournais vers Kate et lui pris le bloc-note des mains. Elle

semblait troublée. Je ne lui avais pas parlé de mes projets pour labonne raison qu’elle aurait essayé de m’en dissuader.

— À partir de maintenant, et ce, jusqu’à nouvel ordre, on ferapasser des tests aux nouvelles, des petits défis qui se révèlerontêtre du bénévolat. Chaque chef de section choisira entre unebanque alimentaire, un dispensaire, une école, une église, unrefuge de personnes sans-abris ou une maison de retraite pourenvoyer leurs recrues. Cela se fera sur trois mois, deux fois parsemaine. Ils devront me retourner les noms ainsi que le lieu choisi.Je contrôlerai cela de très près.

Je restai silencieuse le temps que l’information fasse son petitbout de chemin.

— Ah oui, pour celles qui rêvent de lever une révolte ou d’allervoir la doyenne, je vous invite à lire le courrier qui vous a été livrédans vos chambres, au moment où je vous parle. À l’intérieur, setrouve le nouveau règlement de la fraternité et tout ce que vousavez besoin de savoir. Sur ce, je vous invite à vous préparer pourla fête que donne Delta Upsilon et je me ferais une joie derépondre à vos questions demain après-midi.

Je leur fis un sourire des plus sadiques avant de sortir de lasalle, Kate sur mes talons. Ma robe était parfaite pour la fête etmes sandales à lacets tout aussi bien, mais cette dernière, quin’était pas à son avantage, parce qu’elle ne s’était pas encorehabiller, me stoppa dans ma progression vers la sortie.

— Pourquoi as-tu fait ça ?— Tu me demandes pourquoi alors que tu veux être juriste ?— Sam, tu sais bien ce que je veux dire. Je n’ai jamais été pour

ce système. L’année dernière, j’ai dû filer droit pour échapper auxvautours, mais…

— Kate ouvre les yeux. L’année dernière, il y a eu deux mortschez les Sigma Chi, quatre qui ont essayé de se suicider chez lesPi Kappa Alpha et les pires de tous, les Delta Upsilon, ces fousdes sports extrêmes, en ont tué quatre et envoyé six en prison !

— Je sais tout ça, mais tu aurais dû m’en parler.— Et ça aurait changé quoi ?Elle me dévisagea un moment avant de soupirer.

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— Je sais que tu veux bien faire, mais ce n’est pas en faisantle kamikaze que ça passera bien.

— Au contraire, avec eux faut y aller franco.— Je pensais que tu ne voulais pas être présidente.Comment lui faire comprendre les choses sans la blesser ?— J’ai fait contre mauvaise fortune bon cœur. Je n’aime pas

quand ma mère me pousse à faire quelque chose que je ne veuxpas, mais mon père m’a appris à jouer de mon intelligence quandje me sens coincée. Comme ce sujet me tenait à cœur, j’en aiprofité, tout simplement.

— Je ne comprendrais jamais comment tu fonctionnes, mais jete suis.

Elle me regarda un moment avant de soupirer.— Je vais aller me préparer, on se voit à la fête ?Elle n’attendit pas ma réponse et fila vers les escaliers. Au

même moment, Lucia sortit de la salle de bal entouré de deux deses acolytes. Elles marchèrent vers moi, j’étais déjà fatiguée detout ce cinéma et fallait que je participe à un crêpage de chignonen plus ?

— Mitchell !— Fitzpatrick !— Je ne t’aime pas.— Et tu penses que moi je t’aime ? Je n’ai pas le temps pour

tes petites crises, OK ? Va chercher un mec avec qui coucher, çabaissera un peu tes chaleurs.

Je ne pris pas la peine d’écouter sa réponse et fit demi-tourpour me mettre en route pour le domaine des fous furieux, lesDelta.

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Chapitre 7NickJe me garai devant ma maison. Cette maison qui avait été mon

refuge pendant toute mon enfance. Malgré notre rang social, jen’avais jamais manqué de rien. Mon père travaillait pour qu’onpuisse toujours avoir quelque chose à manger. Il réparait desvoitures dans un garage dont le propriétaire détestait lesMexicains, il passait son temps à rabaisser mon père. Petit, je necomprenais pas ce qui se passait, mais en grandissant, la colèreet la haine avaient pris racine en moi. Et c’étaient, aussi, eux quiavaient détruit la vie de ma tante Carlotta.

Je secouai la tête pour ne pas penser à ce jour. J’ouvris maportière et remontai l’allée. J’entrai en faisant bien attention. Lapremière femme de ma vie dansait tout en pliant des vêtements,elle me tournait le dos. Quand elle fit un tour sur elle-même, elle mevit. Elle lâcha un cri perçant avant de venir vers moi. JessSanchez sauta dans mes bras et me sera très fort. Je fermai lesyeux et respirai son odeur. C’était bien d’être à la maison.

— Quelle bonne surprise, mon petit cœur.— Maman, je n’ai plus 6 ans.— Pour moi, tu seras toujours mon bébé.— Oui, oui.— Qu’est-ce qui se passe ?Elle plongea son regard dans le mien. Chaque fois que je la

regardais, j’avais l’impression de voir mes yeux. J’avais pris çad’elle, mais tout le reste était de mon père, taille, couleur de peau,cheveux… Elle me connaissait très bien. Je n’avais jamais eu desecret pour mes parents. Ils m’avaient aimé de tout leur cœur,m’avaient appris les bonnes valeurs de la vie, je n’avais pas étéexempt de tout reproche pendant mon adolescence, mais ilsavaient toujours été indulgents.

— Rien, juste un peu de fatigue.— Tu ne devais pas venir demain matin ?— Oui, mais je voulais quitter la ville.— Oh.Elle ne me demanda pas plus d’explications. Elle savait que je

lui dirais quand je serais prêt. Elle me fit un baiser sur la joue

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avant de retourner à ses tâches.— Ton père ne devrait pas tarder. Lave-toi et repose-toi un

peu. Je viendrais te chercher pour le dîner.— J’ai oublié le plat dans la voiture.— Ne t’inquiète pas, j’irais le prendre. Fais ce que je te dis mon

lapin.Je me dirigeais vers mon ancienne chambre. Elle n’avait pas

changé depuis mon départ. Mes posters de basketteurs préférésétaient encore accrochés, mon lit simple était dans un coin, enface de mon bureau. Je laissais tomber mon sac dessus avant dem’allonger sur le lit.

Quelqu’un me secoua légèrement. Je ne m’étais même pasrendu compte que je m’étais endormi. J’ouvris les yeux engrondant. Mon père me sourit tout en me donnant une petite tapesur le dos.

— Aller, debout marmotte.— Il est quelle heure ?— L’heure de dîner. Ta mère m’a chargé de te dire de filer à

la douche et tu as quinze minutes pour le faire.— Toujours aussi tyrannique.— Tu la connais.Nous nous sourîmes. Ma mère aimait dire à tout le monde qu’on

lui rendait la vie difficile, mais finissait par dire qu’on était touteson existence.

— OK, je file prendre ma douche, essaie de la retenir au moinscinq minutes de plus.

— Je vais voir ce que je peux faire.J’attrapai une serviette sur la pile qui était sur le bureau et

filai dans la salle de bains. Elle était un peu plus grande que cellede mon appartement, mais elle avait le même agencement. Mamère l’avait peint en bleu ciel, le miroir couvrait une bonne partiedu mur de gauche au-dessus du lavabo. Je mis ma serviettedessus avant d’ouvrir le robinet de la douche, j’entrepris de medéshabiller avant de me glisser sous les jets d’eau. Je devaistoujours faire attention avec mon mètre quatre-vingt-dix, jerisquais de me prendre le pommeau dans la tête.

Ma douche fut rapide, mais salvatrice. Je courus dans machambre pour m’habiller, avant de rejoindre mes parents pour

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dîner. Ma mère posa le plat de Georgette sur la table. Elle me fitun sourire.

— Cela fait du bien de te voir à la maison.— J’étais là pendant un mois avant que papa ne me dise de

partir.— Je n’ai pas dit ça.— « Fiston, tu n’as rien de prévu ? On est tous les deux et je

n’ai même pas un moment à te consacrer. »— Je pensais à toi.— Mouais.Mon père plia La Jornada - un journal mexicain - et leva ses

yeux marrons foncé vers moi.— Et moi qui pensais t’aider.— Marco, tu as osé mettre mon fils dehors ?— Maman, j’ai faim.Elle oublia mon père et entreprit de remplir mon assiette.

Parfois, j’avais l’impression qu’elle était tout aussi mexicaine quema tante. Il faut dire que cela faisait 22 ans qu’elle était entouréed’eux. Elle parlait Espagnol sans un brin d’accent et c’était la plusgrande fierté de mon père.

On mangea en silence. À la fin du repas, je commençais pardébarrasser la table et de faire la vaisselle après une lutte decinq minutes avec ma mère. En sortant de la cuisine, mes parentsétaient dans les bras de l’un et l’autre. Cela me faisait toujours dubien de voir qu’ils s’aimaient comme au premier jour.

Le lendemain, je me levais tôt pour préparer le petit-déjeuner.C’était la journée de ma mère, j’avais bien l’intention de la gâter.Quand elle arriva dans la cuisine, elle trouva la table déjà remplied’œufs brouillés, de bacon, pain perdu et toute une fiesta. Elle meregarda avec tendresse.

— Ses moments me manqueront quand tu te marieras.— Ne t’inquiète pas, tu seras toujours ma première princesse.— Je n’en doute pas, mais trouve une femme que tu aimeras de

toutes tes forces comme j’aime ton père et qui te rendra heureux,c’est tout ce que je veux.

Je la pris dans mes bras en pensant à Samantha. J’avais rêvéd’elle quelques soirs, avant d’abandonner l’idée que notrerencontre n’était pas dûe au destin, mais à la fatalité.

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— Ne me vole pas ma femme, dit mon père en rigolant.— Elle est à moi, répliquais-je avec nos plaisanteries de

toujours.— Non, je te l’ai prêté.— Maman, qui aimes-tu le plus de nous deux ?— Ne me mêlez pas à vos histoires. J’ai faim.Elle prit un pain perdu et le mit dans sa bouche. Je regardai

mon père en souriant. Il s’approcha de moi et me donna une petitetape sur l’épaule avant de s’attabler.

— Hum, c’est bon.À la fin du repas, mon père se leva pour aller se préparer pour

le travail et moi, j’aidai ma mère à ranger— Tu restes jusqu’à ce soir ?— Je partirais demain après-midi.— OK, tu vas m’accompagner pour faire les courses alors.— Comme tu voudras.Après les courses, j’aidais ma mère dans ses tâches, je

repeignis même la barrière, mon père étant trop fatigué pour lefaire après avoir passé une semaine à réparer des voitures. Aumoment où je m’apprêtais à rentrer, j’entendis quelqu’un crier monnom. Je me retournai et vis Sylvia qui venait vers moi.

J’aurais préféré plonger dans l’eau de l’antarctique et finir englaçon que de la revoir. Elle avait été ma première petite amiependant trois ans au lycée. C’est avec elle que j’avais eu monpremier baiser et mon premier tout. Avec ses cheveux noirs commele corbeau et son regard marron foncé, souligné d’eye-liner, elleavait été le fantasme de tous les mecs. Je ne sais pas ce quil’avait attiré chez moi pour qu’elle ne me lâche pas d’une semelle.J’avais dû embrasser une pom-pom girl pour qu’elle puisse seséparer de moi.

— Oh Nick, c’est bien toi ?Non, c’est mon frère jumeau. Elle en avait des bonnes parfois,

vraiment.— Oui.— Que fais-tu là ?— Aux dernières nouvelles, c’est là que vivent mes parents.— Tu sais bien ce que je veux dire, dit-elle en poussant un

soupir agacé.

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— C’est l’anniversaire de ma mère.— Ah OK.Elle me regarda de la tête aux pieds avant de faire un geste

vers moi. Je fis un pas en arrière, je n’avais aucune envie que nosépidermes ne se touchent.

— Tu sais que tu me manques ?— Ah bon ?Elle pensait que je ne savais pas qu’elle avait couché avec

Rico même pas deux jours après qu’elle m’ait largué. Pas que celame chagrine, mais elle aurait pu aller hors de ma famille. J’avaisdû entendre le récit de leurs ébats du début à la fin. C’était lacolère qui avait pris le dessus et j’avais traité mon cousin de tousles noms, c’était le dernier des derniers. Son excuse encore plusbidon « oh, je ne savais pas », mais oui, à d’autres !

— Oui, j’ai toujours regretté de t’avoir quitté. Ce n’était qu’unbaiser après tout.

— Sauf que ça faisait des mois que je ne ressentais plus rienpour toi. Alors pour moi, c’est zéro regret.

Son regard se durcit. Ah la voilà, la vraie Sylvia, lamanipulatrice, la menteuse.

— Tu te crois trop bien pour moi ?— Je n’ai jamais pensé ça. Sauf que tu ne pensais pas que

j’aurais su que tu avais couché avec la moitié des mecs de monéquipe pendant que tu faisais semblant de pleurer pour merécupérer ? Et en plus, tu as même couché avec Rico, mon cousin !

Elle fit un pas en arrière. Vraiment, elle était aussi bête que ça? Elle ne savait pas que les mecs racontaient leurs parties dejambes en l’air dans les vestiaires ? J’avais dû faire semblant quecela ne me touchait pas, qu’après tout, j’étais passé le premierdonc zéro souci. En fait, j’avais envie de leur casser la gueule àchaque fois.

— Tu…Tu savais ?— Oui et crois moi, je n’ai nulle envie de passer après eux !Après cette réplique, j’entrepris de rentrer chez moi. Ma mère

se tenait devant la porte. Je poussais un soupir.— Nick, tu as fini la peinture ?— Oui à l’instant.Elle se mit sur la pointe des pieds et me caressa la joue.

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— Ne te laisse pas miner par cette histoire. Elle n’étaitsimplement pas faite pour toi.

Je lui fis un pâle sourire avant de m’éloigner vers ma chambre.Ce qu’elle ne savait pas, c’était qu’après cette histoire, je n’avaispas posé les yeux sur une seule fille jusqu’à Samantha !

Le soir, ma mère avait fait un festin. On se régala, blagua etrit de bon cœur. Ma mère souffla ses bougies. Mon père lataquina en disant qu’elle avait franchi le cap de la quarantaine,elle lui rétorqua qu’il l’avait fait bien avant elle. Je me levai sansme faire remarquer et allai chercher l’enveloppe dans mon sac desport. De retour dans le salon, je la tendis à ma mère.

— Tu n’aurais pas dû mon poussin, t’avoir est déjà un énormecadeau.

Ses yeux se remplirent de larmes. Je me tournai vers mon pèrepour qu’il puisse intervenir. Il lui chipa l’enveloppe des mains.

— Eh ! C’est à moi.— Mais tu viens de lui dire qu’il n’aurait pas dû.— Marco Sanchez, si tu ne me donnes pas cette enveloppe

tout de suite, je ne réponds de rien.— Quelle tigresse ! dit-il en lui la rendant.Ma mère l’ouvrit et resta bouche bée.— Nick ?Elle me regarda, puis l’enveloppe, et ce, pendant une bonne

minute, avant de sauter dans mes bras. Elle sanglota et mon pèrese leva d’un coup pour savoir ce qui se passait. Je caressai le dosde ma mère pour la calmer.

— J’avais prévu de vous le donner pour votre anniversaire demariage, mais le temps n’aurait pas été au rendez-vous, alors j’aipréféré le faire pour cette période.

— Mais tu n’aurais pas dû.— Ne t’inquiète pas pour si peu, Mama. Fais-moi plaisir et

accepte mon cadeau.— Marco, notre fils a bien grandi.Elle lui tendit l’enveloppe, il regarda ce qu’elle contenait avant

de lever la tête vers moi.— Nick…— Je sais ce que tu penses, j’économise depuis un an pour

cela. J’avais prévu le coup et fais mes calculs, tu me connais.

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— Je sais fiston. Simplement…— Vous avez tout fait pour moi, alors rendez-moi ce service,

acceptez ce cadeau et prenez des vacances.Mon père cligna des yeux et sourit.— Merci.Après ses mots, la soirée fut remplie de rires et de petites

anecdotes. Le lendemain, j’embrassais mes parents et leur promisde venir les voir avant leur voyage qui aurait lieu dans un mois, cequi donnait largement le temps à mon père de gérer son fou depatron.

Arrivé à mon appartement, je me préparai pour une semaineintense de cours.

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Chapitre 8SamanthaLa fête fut un désastre, j’avais dû repousser je ne sais

combien de gars aussi bêtes les uns que les autres. Le pire fut undénommé Dean, le président de la fraternité. Je ne sais pas quiavait eu l’idée de voter pour lui. Ce mec ne savait même pascompter. J’avais perdu Kate de vue à peine entrées dans la sallede bal des Delta. Avant minuit, j’étais de retour dans ma chambre.

Je pris une douche pour retirer toute cette odeur de mescheveux, enfilais mon pyjama et pris ma liseuse. Mon passe-tempsfavori était la lecture. En ce moment, je lisais une romancecontemporaine. L’héroïne avait le don de mettre mes nerfs à flot,mais le héros, ah… ne parlons pas de lui, je risquais de mouiller maculotte.

Après avoir essayé de lire trois lignes, j’abandonnai et mecouchai. Au cours de la nuit, je sentis une chaleur près de moi, jeme levai d’un bon en allumant ma lampe de chevet. Kate étaitallongée sur mon lit, tout habillée. Je poussai un profond soupir.

Qu’avais-je fait pour mériter tout cela ? Je lui retirais seschaussures et la couvrais. Demain, elle aurait la gueule de bois,mais je pendrais un malin plaisir à en rajouter pour qu’ellecomprenne bien que ce n’était pas digne d’elle.

Après m’être couchée, je me tournais et retournais dans mon lità maintes reprises, je me mis à penser à ce garçon. J’espérais lerevoir. Je devais mettre des mots sur ce que je ressentais en saprésence. Possible que c’était le fait que je n’avais pas été dansles bras de quelqu’un depuis un moment, mais son regard. Quelregard !

Cette fois-ci, ce fut une plainte qui me réveilla et là, je n’étaispas de bonne humeur.

— Sérieux Kate, tu ne peux pas faire moins de bruit.— Soleil, lumière, mal à la tête. Arf.— Tu n’avais qu’à pas boire, répliquai-je sèchement.— Plus tard, Sam, je t’en prie. J’ai l’impression d’avoir un

chantier dans la tête.Je me levai pour tirer le rideau d’un coup sec en la fusillant du

regard. Elle me fit un sourire crispé.

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— Je peux savoir pourquoi tu es venue dormir dans machambre ?

— J’ai fui un mec de la fraternité. Il m’a suivie, alors j’ai dû lesemer en entrant dans ta chambre.

Je levai un sourcil dubitatif. À d’autres.— Mais bien sûr.— Je ne te mens pas, je n’ai pas bu autant.— Bref, dis-je en me rendant dans ma penderie.C’était dimanche, et bien que je n’eusse rien de prévu, je

pensais que courir un peu me ferait du bien. J’aurais le campuspour moi seule. La moitié des étudiants seraient en train de cuverleur alcool au fond de leur lit, ce qui n’était pas plus mal.

Après une bonne douche, j’enfilai ma tenue et je quittai lachambre en disant à Kate qu’elle avait intérêt à ne plus être làquand je serais de retour.

En arrivant dehors, je pris une bonne bouffée d’air avant dem’échauffer et de me lancer.

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Chapitre 9NickLa première semaine du semestre venait de commencer et

j’entamais avec le français. Je me laissai tomber sur ma chaise etretirai cahier et stylo de mon sac. J’avais déjà un début demigraine et celle-ci augmenta quand Monsieur De Savoie entradans l’amphithéâtre. Ce Français, qui avait décidé de venirenseigner sa langue maternelle aux USA, avait tout du françaisguindé.

Il avait un port royal, quand il prenait la parole, on avaitl’impression qu’il pesait ses mots et le pire, c’est qu’on avançait auralenti. Il vantait le mérite de sa très belle langue. Moi, j’avais justel’impression d’entendre des abeilles dans ma tête.

Il nous présenta son programme pour cette année ainsi que lesdevoirs qu’on allait devoir lui remettre et la fameuse dissertationpour la fin de l’année. Il nous prévint qu’une nouvelle élève venaitd’être nommée tuteur pour les cours de français et qu’il nousenverrait un mail avec ses coordonnées.

La suite de l’heure se passa dans un brouillard total. C’estquand je vis tout le monde se lever que je sus que c’était la fin ducours. Cette année allait encore être rude, mais bon, je comptaisbien relever le défi. Je devrais me rendre à la bibliothèque pourfaire son maudit devoir, mais je comptais bien tenir le coup.

Je me rendis à mon cours de droit. Cette année, on commençaitle droit pénal, la partie que j’aimais le plus. Je marchai dans lecouloir quand je sentis un bras me serrer le cou. Je lâchai unsoupir en repoussant Matt.

— Je pensais que tu serais encore au lit.— Impossible de rater mon premier cours de management, tu

veux que mon père me tue ?— Hum.— Comment a été ton week-end ?— Meilleur que le tien en tout cas.— Je ne crois pas, je me suis réveillé dimanche matin avec une

blonde et une brune dans mon lit. Je ne me souviens pas tropcomment elles sont arrivées là, mais le réveil a été trèsspectaculaire.

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Il continua de parler, mais je ne l’écoutai plus. L’alcool et lesfilles, j’avais abandonné après la mort de mon cousin. Il avaitperdu la vie sur ce même campus, par la faute d’un chauffeursaoul, le fils d’un homme d’affaires influent qui avait joué despieds et des mains pour enterrer l’affaire. Je serrais les dents. Jene dirais pas que c’était dû à cette histoire que j’avais vouludevenir procureur, mais ça avait renforcé ma conviction.

Matt se mit en face de moi et marcha en reculant. Vraiment,ce garçon, parfois, je me demandais quel âge il avait.

— Quoi ?— Tu ne m’écoutes pas.— Ce que tu me racontes n’a pas vraiment un grand intérêt

d’écoute…— Vraiment Nick, tu es irrécupérable.Je m’arrêtai devant ma porte quand l’alarme retentit.— Mince, j’ai cours à l’autre bout du couloir.Je le regardai se mettre à courir avant de rentrer dans ma

salle.

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Chapitre 10NickJeudi soir, c’était le jour où tout le monde allait regarder

l’équipe de football américain s’entraîner au stade. Je venais depousser la porte de la bibliothèque, j’avais carrément oublié mondevoir de français jusqu’à ce que je rencontre un élève du mêmecours que moi, qui me demanda si je m’en étais bien tiré. Au vu dema tête, il avait compris que je n’avais même pas regardé lepolycopié.

Vous vous demandez pourquoi j’allais là pour faire mon devoirau lieu de rester chez moi. C’était le seul moyen que j’avais trouvépour me concentrer. Si je restais à l’appartement, je trouveraistoujours quelque chose d’autre à faire.

Je cherchai un coin où il n’y avait personne, avant dem’installer à une table pour deux et de sortir mon dictionnairefrançais-anglais et mes cahier, stylo et polycopié. Après avoirlâché un gros soupir, je m’y collais.

Une heure plus tard, je n’avais pas fait 15% du devoir et jevoyais les lettres danser devant mes yeux. J’entendis desmurmures de l’autre côté, mais ne fis pas attention. Je m’apprêtaià écrire quand je sentis une présence derrière moi.

— Ce n’est pas le bon A ici.— Pardon, dis-je en me retournant pour me trouver nez à nez

avec celle que j’avais tout fait pour oublier.— Ici, c’est le A du verbe avoir et non le À de la préposition.Je mis une seconde à comprendre qu’elle me parlait de mon

devoir. Je corrigeai ce qu’elle m’avait dit. Pendant ce temps, elles’installa devant moi, sans même me demander la permission.Devrais-je être étonné ? Ces gens ne demandaient jamais, ilsprenaient.

— Je t’en prie, dis-je entre les dents.Elle me regarda fixement et je compris qu’elle ne s’était même

pas rendue compte de s’être assise devant moi.— Tu veux quelque chose ?Elle se mordit la lèvre, à croire qu’elle le faisait exprès. Je

retournai à mon devoir et décidai de l’ignorer, peut-être qu’ellecomprendrait que sa présence ne me faisait ni chaud ni froid.

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— Tu es étudiant ?— Tu as cru que je n’étais qu’un pauvre mécanicien ? répliquai-

je, mauvais.Je la fusillai du regard. Elle rougit d’embarras, mais cela ne

changeait rien à la situation.— C’est que… que… tu étais dans le garage.— Donc tu as fait une déduction digne d’un grand détective. Je

n’ai pas trop le temps pour combler ta curiosité, comme tu le vois,j’ai un devoir à finir.

— Si tu veux, je peux t’aider, me proposa-t-elle vivement.— Non merci !Elle poussa un soupir avant de se lever et de s’en aller. Une

partie de moi voulait la retenir, mais une autre partie, celle quiavait une grande fierté, lui disait bon débarras. Deux heures plustard, je bouclais mon devoir. Je m’étirai, j’avais mal partout et matête, n’en parlons pas. J’avais l’impression qu’on m’avait torturé.Je rangeai mes affaires et sortis de la bibliothèque, ce qui étaitbien, c’était qu’elle était ouverte toute la nuit, mais toujours vide.

Je sortis dans l’air chaud. Ce qui m’avait toujours fasciné avecCambridge, c’était qu’elle avait des étés très chauds et des hiverstrès froids. Pas de juste milieu avec cette ville. Je m’apprêtai àdescendre les marches quand j’entendis mon nom, je tournais latête et la vit accroupie près de la porte d’entrée. Je venais deremarquer qu’elle portait une mini-jupe et des sandales à lacetsqui remontaient jusqu’à ses mollets.

— Qu’est-ce que tu veux ?— Je voulais juste te parler.— Ça, je l’avais compris, figure-toi, râlai-je.Elle se releva et vint se placer en face de moi.— Pourquoi es-tu si désagréable ?— Je ne vois pas du tout de quoi tu parles, fis-je de mauvaise

foi.— Tu as été le premier à venir me parler à ce café et depuis,

tu te comportes comme un homme inaccessible.— Parce que je le suis.Elle croisa ses bras sous sa poitrine ce qui releva celle-ci et

combla son décolleté. Je dus me faire violence pour que mon corpsne puisse pas réagir.

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— Si tu n’as rien à me dire de plus, je dois rentrer chez moi.Je descendis les escaliers, Samantha sur mes talons. Je me

dirigeai vers ma voiture, jetai mon sac sur le siège passager,j’avais laissé la capote baissée, avec cette chaleur, autant nepas fermer la voiture. J’ouvris ma portière et m’installai derrière levolant. Elle mit sa main sur la mienne quand je voulus la fermer.

— Quoi encore ? fis-je, irrité. Je m’excuse de t’avoir ennuyé cejour-là, je pensais que tu te serais rappelé que je t’avais bousculé,il y a un an, dans cette bibliothèque. Mais je n’avais aucuneintention de rester dans les parages. Donc si tu veux bien melâcher, je t’en serais reconnaissant.

Je retirai sa main de la mienne et fermai ma portière avectoute la frustration que j’avais en moi, puis quittai ce mauditparking, avec cette sirène qui lançait ses chants de détresse àmes oreilles. Je la regardai dans le rétroviseur, elle n’avait pasquitté l’emplacement où je l’avais laissée. Je tournai au coin de larue et la perdis de vue.

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Chapitre 11SamanthaLes premiers cours furent fidèles à ce à quoi je m’attendais.

Ce que j’aimai le plus, ce fut le recrutement pour le tutorat deFrançais, lundi matin. Monsieur De Savoie maccueillis en meparlant français pour me déstabiliser, il fut ébahi par ma facilitéà lui répondre et à tenir une conversation tout du long avec lui.

Il me prit d’office et s’excusa auprès des autres quipatientaient pour l’entretien. Il nota mes coordonnées, me donnames mots de passe pour les corrigés des devoirs, ainsi que sonprogramme pour toutes les classes.

Le soir même, j’avais déjà quinze demandes d’aide. Je vis trèspeu Kate jusqu’au mercredi soir où elle rentra en larmes dans machambre pendant que je révisais mon cours de science-politique.Je lui demandai ce qu’elle avait, mais je me heurtais à un mur. Ladernière fois où c’était arrivé, c’était l’année dernière et, cettefois-là, je n’avais pas su ce qui avait bien pu causer ses pleurs.

Je la consolais toute la nuit et le jeudi matin, je me réveillais,toute seule, avec un mot collé sur le miroir de ma coiffeuse, medisant qu’elle m’aimait et qu’elle avait de la chance de m’avoir.Elle me promettait de venir me voir le vendredi soir.

Jeudi en fin de soirée, j’avais rendez-vous avec des élèves àla bibliothèque pour les aider à faire leur devoir de Français. Jevenais de sortir des toilettes quand je le vis monter l’allée, jen’avais pas repensé à lui, trop occupée avec mes obligations deprésidente et les cours.

Je le suivis de loin et le vit s’installer à une table isolée justederrière celle où j’étais installée. Je m’apprêtai à aller le voirquand l’un des étudiants me fit signe. J’étais à moitié concentréesur eux, mais quand ils réclamèrent une pause, je l’acceptai avecjoie.

Je m’approchai de sa table par-derrière. Sur le coup, je ne suspas pourquoi je réagissais de la sorte, mais son accueil fut siglacial que je dus m’asseoir pour reprendre mes esprits, et celal’avait énervé. Je fus désorientée, ne sachant pas ce qui m’avaitvalu cette réaction de sa part. Je le laissais seul comme il ledemandait.

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Je finis le cours dans un état second. Je restai encore uneheure avant de sortir de la bibliothèque. Mais arrivée dehors, je nepouvais me résoudre à m’en aller sans lui parler. Je me trouvai uncoin tranquille près de l’entrée et m’installais.

Quand il se décida enfin à sortir et que je l’abordais, cela futpire. Je ne savais pas trop quoi faire de cette situation. Après qu’ilm’eut laissé sur ce parking, je ressentis un grand vide. Au boutd’une dizaine de minutes, je me décidai à rentrer au dortoir.

J’évitai les filles qui s’étaient rassemblées dans la sallecommune et filais dans ma chambre. Je me laissai tomber sur monlit en soupirant. Mais aussi, pourquoi voulais-je lui parler ? Jen’avais pas eu de coup de foudre, loin de là, il m’intriguait, maiscela ne voulait pas dire que je devais supporter son attitude.

C’était décidé la prochaine fois que je le verrai, je lui dirais lefond de mes pensées.

Cela n’arriva qu’une semaine plus tard, un vendredi après-midi.Je le vis sortir du bâtiment de droit au moment où j’allais y entrer.Il bouscula une fille, s’excusa, mais ne s’arrêta pas pour l’aider.Celle-ci ne s’offusqua pas et c’était tant mieux. J’attendis qu’ilsoit près de moi avant de me mettre en travers de sa route.

Nous nous rentrâmes littéralement dedans. On allait basculer,mais il arriva à nous stabiliser in extremis. Il me garda contre sontorse quelques minutes, en essayant de reprendre son souffle. Jesentais son torse frotter sur ma poitrine, ce n’était pasdésagréable, mais pas du tout. Nick me repoussa lentementcomme si cela lui demandait un effort considérable.

— Mais tu es folle ou quoi ? me cria-t-il dessus.Je voyais son regard gris me lancer des éclairs. Je me noyais

dedans sans m’en rendre compte et tout ce qu’il disait, entraitsimplement d’une oreille pour ressortir de l’autre.

— Qu’est-ce que tu veux bon sang ?— Parler.Il me dévisagea de la tête aux pieds et j’eus la chair de poule.

Son regard me caressait le corps et j’en redemandais.— Je n’ai pas le temps pour jouer avec toi. Je dois me rendre à

mon entraînement et par ta faute, je suis en retard.Il me contourna, mais je l’arrêtai. Ses muscles se contractèrent

sous mes doigts.

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— Attends ! On ne pourrait pas se voir ?— Pour faire quoi ?— Quand on se verra, tu le sauras.— Et après ça, tu arrêteras de me courir après ?— Retrouve-moi demain à midi au même café où on s’est

rencontré la dernière fois.Je lui fis un sourire avant de me diriger vers mon cours de

droit. Comme ça, lui aussi étudiait le droit. Le dicton disait vrai, ilne faut pas se fier aux apparences.

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Chapitre 12NickJe ne savais pas si je devais rire ou simplement m’apitoyer sur

mon sort. Avais-je posé mes yeux sur une folle ?Après une semaine où je ne l’avais croisée nulle part, il avait

fallu qu’elle se mette en travers de mon chemin, littéralement, lacollision avait été brutale. Ses seins s’étaient appuyés sur montorse, on avait failli finir par terre et cela aurait étéembarrassant. J’avais eu une érection instantanée, je n’étais paspréparé à pareille situation. J’étais resté collé à elle jusqu’à ceque je retrouve visage humain. Je m’étais décollé d’elle lentement,mais j’avais l’impression que je tirais sur un élastique qui pouvaitse rompre à tout moment.

Je ne savais pas ce qu’elle me voulait, mais le lendemain,j’allais avoir la réponse.

L’entraînement fut une épreuve, même le coach Rendall me ditde m’asseoir une minute pour reprendre mes esprits. On avait unmatch important dans deux semaines, et je ne pensais qu’auxseins de Samantha. Après avoir fait le tour du terrain pour mevider la tête, je rejoignis les autres sur le terrain.

On fit un petit match entre nous et Matt fut mon adversaire, ilme fit un sourire ironique, j’eus l’impression qu’il avait deviné ce quise passait dans ma tête et c’était la dernière chose que jevoulais. Je n’aurais pas fini de l’entendre. À la fin de notre séance,je filai sans demander mon reste.

La nuit fut agitée, je rêvais de ses yeux émeraude, de seslèvres pulpeuses, de ses longues jambes et surtout de ses mauditsseins.

Je me réveillai avec une érection matinale d’enfer. Après unebonne douche froide, je m’habillai avec un jean noir taille basse etune chemise bleue ouverte sur un t-shirt blanc. Je regardai l’heureet filai. Le café était à une dizaine de minutes de monappartement, je fus accueilli par la chaleur estivale, je poussaisun soupir et me mis en route.

Elle se trouvait déjà assise à la même table que la dernièrefois où je l’avais vu. Elle leva la tête avant que je ne m’arrêtedevant elle, comme si elle savait que j’étais déjà là. Elle me fit un

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sourire hésitant. Ne me dites pas qu’après une poursuite siassidue, elle se sentait intimidée ?

— Tu veux boire quelque chose ?— Un latté glacé, dis-je en m’installant devant elle.Elle fit signe à la serveuse et commanda ma boisson. Pendant

ce temps, on se fixa en chiens de faïence.— Tenez votre boisson, dit la serveuse.Je lui fis un sourire sans couper notre échange visuel. Elle se

mit à mordiller sa lèvre inférieure.— Que voulais-tu me dire ?Elle but son moka. C’était une manière de se donner du

courage, alors je pris une gorgée de mon latté, sa fraîcheur me fitun bien fou.

— Je ne sais pas trop pourquoi je t’ai donné rendez-vous. Jet’avoue que je n’ai jamais fait le premier pas vers un garçon,mais…

Je fronçai les sourcils ne voyant pas trop où elle voulait envenir.

— Et ?Elle se mit à gigoter sur sa chaise. La situation devenait un peu

trop compliquée à mon goût.— Écoute, commençai-je. Je n’ai pas trop le temps pour tes

mystères. Si tu n’as rien de plus à dire, je vais rentrer chez moi.— Attends, dit-elle d’une voix haut perchée. Je sais que c’est

bizarre, mais tu m’intrigues. Cela ne te dirait pas qu’on sorteensemble ?

J’aurais carrément dit oui il y a quelque temps de ça, maisaprès avoir vu son regard dans le garage, qui continuait de mehanter, il n’y avait aucun moyen pour que je dise oui.

— Je ne suis pas intéressé, dis-je en me levant. Merci pour lecafé. Un jour, je t’en offrirais un. Je n’aime pas être redevable.

Je tournai les talons et m’en allai. J’avais la sensation que jevenais de faire la plus grosse erreur de ma vie.

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Chapitre 13SamanthaRester concentrée sur mon cours de droit me demanda plus

d’énergie que je n’en possédais, mais je ne devais pas me dissiper.Quand la cloche sonna, j’émis un grand soupir. C’était la fin de lasemaine et ce fut aussi à ce moment que je me rendis compte queje lui avais donné rendez-vous.

Moi ? Samantha Mitchell ? Celle qui n’avait jamais fait lepremier pas vers un garçon, qui les jugeait avant d’accepter neserait-ce que de marcher avec eux, main dans la main.

Je pensais à cela quand j’arrivais devant la fraternité. Unefoule de filles était devant la porte m’empêchant de passer, je visune tête blonde qui racontait une histoire. Pour quelle raison cesfilles étaient attirées par ce gars ? Rien qu’en voyant sa face,j’avais la chair de poule, quelque chose de malsain se dégageaitde lui.

J’essayais de me frayer un chemin dans cette mer depersonnes sans qu’il ne me remarque, mais je sus exactementquand il me vit, les petits cheveux derrière ma tête s’étaientdressés.

— Oh ce n’est pas Sam, notre présidente ?Je retins ma respiration, tout en fermant les yeux, pour ne pas

répliquer quelque chose de méchant. Je me retournai vers lui, unsourire hypocrite aux lèvres.

— Dean, quelle bonne surprise, je ne t’avais pas vu, mentis-jeavec aplomb.

Il me retourna un tout ironique. J’avais peut-être forcé un peutrop sur ce coup-là.

— Je suis venu m’entretenir avec toi.— À quel sujet ?— Et si on allait parler à ton bureau.Il regarda la foule. Puis moi. Je n’avais aucune envie de me

retrouver enfermée avec lui entre quatre murs.— Cela ne peut pas attendre ? J’ai des choses à faire et mes

horaires sont le matin et le début d’après-midi.— Je le sais, mais je n’ai pas pu avoir ta secrétaire et c’est

assez urgent.

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Qu’est-ce que faisait Kate ?! Par sa faute, j’allais devoirgérer cet énergumène sans m’être préparée à l’avance.

— OK, allons-y. Je te donne dix minutes, pas une de plus.Je fis signe aux filles de se pousser et me mis en chemin,

direction mon bureau. Celui-ci aussi avait vu passer ma mère. Jeme rappelais que la décoration de l’ancienne présidente avait unair de princesse Disney, pour une fois, je ne lui en voulais pas.

J’ouvris la porte et comme toujours, une odeur de senteurflorale s’en dégagea. Le mur était de couleur crème, un bureau enchaîne massif digne du PDG d’une multinationale. Elle avait mêmepoussé le vice en m’offrant une collection de stylos à plume or-noir. Chacun avait sa propre couleur et fonction.

Je m’assis sur ma chaise de cuir noir pour mettre une certainedistance entre Dean et moi. Il referma la porte derrière lui etregarda mes étagères qui étaient remplies de livres de droit detoute sorte et de livres que je lisais pendant les permanencesquand j’avais fini mes obligations.

— Alors si tu en venais au fait. Tu as dix minutes, tu t’enrappelles ?

Il se tourna vers moi le visage grave et je compris que j’avaiscommis une erreur en acceptant cet entretien.

— Sors avec moi.Je poussai un profond soupir tout en me laissant aller sur ma

chaise. Je sentais que j’aurais une migraine avant la fin du tempsimparti.

— L’offre ne m’intéresse pas. Tu as l’embarras du choix. Jesais que Lucia n’attend qu’un mot de ta part.

— Je ne veux personne d’autre que toi.— Eh bien désolée de te décevoir, mais non, merci. Si c’est tout

ce que tu avais à me dire, je t’invite à t’en aller.Je me levai et lui montrai la porte. Je n’avais pas l’intention

d’abandonner le refuge que le bureau m’offrait. J’avais pris descours d’autodéfense et j’avais même fait du krav-maga, mais jepréférai garder cela pour les grandes occasions. Il me fixapendant quelques secondes et je lus le message dans ses yeux,mais j’en avais cure. Il tourna les talons et quitta la pièce.

Je me laissais tomber sur ma chaise et attendis au moins uneheure avant de rejoindre ma chambre.

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La nuit fut agitée et le matin tout autant. J’avais pris deuxdouches et tant changé de vêtements qu’à la fin, une crise de fourire me pris pendant de longues minutes. Je me regardais dans lemiroir, mes yeux étaient soulignés par de l’eye-liner, du fard àpaupières bleu ciel qui se mariait avec mon habillement, j’avais misun gloss transparent. Ma tenue était composée d’une robe d’été etde sandales à talons que ma mère m’avait offert avant de partiren croisière, tout ça signé d’une grande marque française.

Il était onze heures quand je m’installais à la table du café. Laserveuse me demanda ce que je voulais, je lui commandais unverre d’eau ainsi qu’un moka qu’elle devrait me servir d’ici unecinquantaine de minutes. Elle ne devait pas être trop habituée à cegenre de situation parce qu’elle me regarda bizarrement avant deme dire « comme vous voudrez ».

Quand le moka arriva, je savais qu’il ne me restait quequelques minutes avant qu’il ne pointe le bout de son nez. J’avaissenti sa présence bien avant qu’il ne soit dans mon champ devision et je levai la tête. Il sembla surpris, mais ne dit rien.

La rencontre ne dura pas longtemps et quand il me quitta,j’étais à la fois blessée et secouée. Je ne savais toujours pas cequi avait bien pu changer entre notre première et notre seconderencontre. Mais je n’allais pas me laisser déprimer pour cela.J’avais bien l’intention de sortir avec Nick qu’il le veuille ou non.

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Chapitre 14NickLes deux semaines suivantes furent mouvementées, je n’eus

pas une seconde pour repenser à cette drôle de rencontre avecelle.

Le premier dimanche, mon père me téléphona pour me dire quema mère avait attrapé un rhume, je voulus faire l’aller-retour,mais il me dissuada donc j’essayais de travailler mon français cequi fut difficile parce que je ne voulais pas aller à la bibliothèque.

Dans la même soirée, Matt se pointa avec un paquet de bièresans alcool, deux DVD, une ancienne version de Dracula et ledernier sorti. Je le prévins, s’il osait mettre cela sur ma télé, je leferais passer par la fenêtre, alors nous passâmes la soirée àjouer à des jeux vidéo. Vers 23 heures, il partit parce qu’il avait unrencard avec une fille et moi, avec mon lit.

Le samedi qui suivit, je travaillais au garage. Rico avait laisséune pile de factures s’entasser au point que j’eus du mal à ne pasle frapper. Il me fit un sourire arrogant, et je me jurais qu’un jour,je lui dirais ce que je pensais réellement de sa personne.

On était vendredi, le jour de mon match. J’avais euentraînement du lundi au mercredi, on s’était reposés la veille. Jem’étais fait masser pour détendre mes muscles. J’étais dans lesvestiaires, les écouteurs dans mes oreilles, j’écoutais Eminem.J’étais un fan inconsidéré, on pouvait le critiquer de toutes parts,mais il restait fidèle à lui-même.

La chanson « Not Afraid » commençait et je fermais les yeuxpour me concentrer. J’effaçais les blagues de mes coéquipiers surle discours de motivation du coach.

Le couplet qui me parlait le plus arriva et le calme que jecherchais m’envahit.

And I just can’t keep living this wayEt je ne peux pas continuer à vivre ainsiSo starting today, I’m breaking out of this cageDonc à partir d’aujourd’hui, je vais quitter cette cageI’m standing up, Imma face my demonsJe me tiens debout face à mes démonsI’m manning up, Imma hold my ground

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Je ne lâche rien, j’y vais à fondI’ve had enough, now I’m so fed upJ’en ai eu assez, maintenant j’en ai tellement marreTime to put my life back together right nowIl est temps de remettre ma vie en ordreMatt me secoua pour me faire signe que c’était le moment d’y

aller. On allait gagner ce match. Cela ne serait pas facile parceque nos adversaires étaient parmi les favoris du championnat,mais j’avais confiance.

On fit notre entrée sous les applaudissements de nossupporters, nos pom-pom girls sautaient sur la ligne et criaient lenom de notre équipe. Je ne faisais pas trop attention à ce qui sedéroulait autour de moi, l’important était le ballon.

On prit position sur le terrain et le match commença. Il futintense, on me marquait de toute part, mais j’arrivais à feinter etMatt me suivait comme mon ombre. Avec lui, on inscrivit unevingtaine de points. À la mi-temps, l’entraîneur nous dit decontinuer comme cela.

Au retour sur le terrain, le capitaine de l’équipe adverseessaya de m’énerver, mais j’avais appris à ne pas faire attentionà ce genre de provocations. Quand il comprit que cela nefonctionnerait pas avec moi, il essaya de me blesser plusieursfois. Il me rentra notamment dedans lorsque j’essayais demarquer Si je n’avais pas fait attention, j’aurais pu me fouler lepoignet en tombant. Matt voulut intervenir, mais je le retins.

Après plusieurs temps morts, le sifflet final retentit, nousavions gagné 41 à 25. La salle s’enflamma. Nous restâmes sur leterrain encore quelques minutes pour saluer et remercier lessupporters de leur fidélité avant de retourner dans nos vestiaires.On se laissa tomber sur les bancs et le coach nous fit face.

— Je suis fier de vous les gars. Je n’ai jamais entraîné une sibonne équipe. Cette année, nous allons remporter le championnat.Je ne vais pas vous retenir, je sais que vous avez prévu d’allerfaire la fête, mais ne forcez pas et ne conduisez pas si vousavez bu. On se revoit à l’entraînement.

Quand il sortit des vestiaires, une partie de mes coéquipierspartit sous la douche pendant que Matt retirait son maillot enpoussant un grondement.

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— Nick, rien ne t’énerve ?Je me tournais vers lui pour le dévisager.— En un an que je te connais, je ne t’ai jamais vu te battre

contre qui que ce soit, pas même perdre ton calme.Si tu savais, avais-je envie de lui répondre, mais à quoi bon ?

J’avais eu ma période de violence au collège et au lycée, commen’importe quel adolescent en pleine crise. J’avais toujours eu de lachance de ne pas m’être fait arrêté. Je me rappelais de madernière bagarre, un petit malin m’avait traité de tacos. Je luiavais fait sa fête et l’avais menacé que si mon nom filtrait, ilvivrait un enfer.

Je m’étais fait percer l’oreille gauche malgré le désaccord demes parents, mais je n’avais jamais été tenté par les tatouagesjusqu’à la mort de mon cousin. Je m’étais fait un phénix entouré deflammes qui couvrait toute mon omoplate. J’étais en colère contrele monde entier, mais cela ne regardait que moi.

— Pourquoi je devrais m’énerver ?— Ce joueur te pousse, tu savais bien ce qu’il cherchait à faire

et ça ne t’a pas énervé ? Même pas une seconde ?— Je ne suis pas blessé, pas vrai ?— Laisse tomber mec !Il soupira et ouvrit son casier en marmonnant contre mon air de

Maître Yoda. Je souris, pris ma serviette et me rendis dans ladouche. Je me dirigeais vers l’une du fond. Je n’avais rien contreles testostérones qu’on dégageait, mais certains prenaient unplaisir à se mesurer et tenir des paris pour savoir lequel était leplus long en pleine érection. Quand l’adrénaline et la pressiondescendaient, le cerveau était carrément déconnecté.

L’eau fit du bien à mes muscles, je posais mon front sur lescarreaux en fermant les yeux. Après quelques minutes, je quittaisla douche. J’entendais encore le rire de quelques gars, l’un fit uneblague salace sur sa copine, je ne comprenais pas comment ilarrivait à parler de son intimité de la sorte. Je reconnus Marvin,celui qui sortait avec la capitaine des pom-pom girls.

Je m’habillai en vitesse et saluai tout le monde avant de mediriger vers le parking. Je cherchai mes clés dans mon sac quandje remarquai une silhouette près de ma voiture.

Je compris que c’était elle avant même de l’apercevoir. Elle

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était appuyée sur mon capot. Le vent me ramenait son parfum.Elle se releva en me voyant approcher et me fit un large sourire.Mon cœur manqua un battement et je sus que j’étais dans debeaux draps.

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Chapitre 15SamanthaDurant deux semaines, je ne fis que l’observer de loin. Grâce

au professeur de Français, je pus savoir qui il était, dans quellesection il étudiait et quel sport il pratiquait.

Nick Sanchez avait le même âge que moi, il était en droit dansle même département aussi. Il était le capitaine de l’équipe debasket. J’avais été sur leur site et su qu’il avait un match,j’achetai une place sans m’en rendre compte et les chosess’enchainèrent.

Je fis mes devoirs de présidente, programmai une fête aprèsles partiels et avant les vacances de Noël. Dean commença à meharceler, je tentai de le remettre à sa place, mais laissai tomber.Kate m’évitait, elle remplissait mon agenda de rendez-vous, melaissait des notes, mais à chaque fois que je passais dans sachambre, elle était vide.

Je me fis plusieurs scénarios et chacun était pire que l’autre.Alors je décidai de la laisser tranquille, quand elle serait prête àme voir et me raconter ce qui se passait, elle le ferait.

Le jour du match, j’enfilais un mini short noir, un top vert et desballerines de la même couleur que mes bas. Je mis un peu de fondde teint pour cacher mes taches de rousseur et un peu de gloss.Je fus légère sur le maquillage, décidée à être moi-même, justeavec le peu d’artifice qui passerait pour « naturel ».

Avant le match, je cherchai sa voiture sur le parking puisj’assistai pour la première fois à un match de basket et, en plus,toute seule. Je criai comme une folle à chaque fois que Nick avaitle ballon en main. Je sautai de joie avec les autres supportersquand ils gagnèrent et cela me mis en bonne condition pour la suitede mon plan.

Je m’installai sur le capot de sa voiture et surveillai la porte desortie qui donnait sur les vestiaires. Je regardais le ciel avec sesétoiles quand j’entendis des bruits de pas, je me redressai et le vismarcher vers moi.

Je lui fis un large sourire avant de me mettre debout. Ils’arrêta devant moi, ses cheveux étaient encore humides et sesyeux semblaient m’engloutir. Qu’importe le nom que cela porte,

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j’avais envie de plonger, de me noyer dedans, sans retenue.— Bravo pour votre victoire.Il continua à me fixer et cela ne me mit pas mal à l’aise, au

contraire, j’adorais son regard. Je compris enfin qu’il étaitexpressif et à l’heure actuelle, il était troublé.

— Cela te dirait de boire un verre avec moi ?— Je ne bois pas d’alcool.— Bien, moi non plus. Un soda ? Au mieux, une glace chez le

glacier du coin.— Et si je refuse ?— Je reviendrai te voir et referai la même proposition.Il pencha la tête comme s’il cherchait un moyen de fuir cette

situation, mais je l’entendis pousser un léger soupir.— Va pour la glace.Je me dirigeai vers le côté passager et ouvris la portière. Il me

regarda avec étonnement avant de partir côté conducteur. Ildémarra sa Mustang et mit le cap vers le glacier.

Je regardai le paysage en me demandant comment j’allaisamener le sujet qui me tenait à cœur sur le tapis. Il était assezréticent , je devais faire en sorte de ne pas le braquer. Mais cesoir, je n’avais pas l’intention de le laisser partir tant que jen’avais pas son accord.

Il se gara pile devant le magasin et coupa le contact. Je sortiset l’attendis. Nous nous dirigeâmes vers l’entrée d’un même pas. Ilouvrit la porte, me fit signe de passer devant lui. Nous prîmesplace dans le fond et regardâmes la carte.

La serveuse arriva vers nous, une étudiante, au vu de sa tête,qui regarda Nick en souriant. J’eus un pincement au cœur, mais jeconstatais qu’il ne l’avait même pas remarqué. Je fis un sourireavant de l’interpeller.

— Je pendrais une double gaufre vanille-fraise avec un peu decrème chantilly.

Elle nota ma commande et se tourna vers Nick.— Vous avez choisi ?— Pour moi, ça sera un Banana split.— Quelle crème ?Elle le faisait exprès ou quoi ?!— Chocolat.

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Elle s’éloigna. Je décidai d’attendre notre commande avant deparler. Il regarda le lieu en évitant de poser son regard sur moi. Jene m’offusquai pas pour le moment parce que j’avais besoin detemps, mais j’espérai qu’il bientôt d’attitude.

La serveuse apporta notre commande, mais ne resta paslongtemps parce qu’un autre couple arrivait, mais j’étais sûrequ’elle trouverait un moyen de laisser son numéro à Nick.

Je pris un bout de ma gaufre, c’était mon dessert favori. Ilcoupa un morceau de sa banane et le mit dans sa bouche. Je mefis violence pour ne pas suivre le mouvement du regard. Je profitaipour lancer l’offensive.

— Nick ? Et si on repartait de zéro ?Il leva un sourcil.— Je veux dire, on oublie qu’on s’est déjà rencontré et on

imagine que là, en ce moment, c’est notre première rencontre.— Pourquoi ?— Parce que je veux sortir avec toi. Je ne sais pas comment

faire ma demande, t’imagine bien que c’est plutôt au garçon defaire ça, mais voilà, si je ne le fais pas, je ne pense pas…

Il me fit un sourire en coin. Hum, c’était mal parti. Il coupaencore un bout de sa banane et je décidai de manger ma gaufre.

— Je ne comprenais pas pourquoi tu voudrais sortir avec moi,dit-il au bout d’un moment. Je ne suis pas riche, comme tu l’as vu,je travaille dans un garage alors je ne suis pas un bon parti.

— Je ne vois pas ce en quoi ton boulot pourrait avoir affaireavec le fait que je veuille sortir avec toi.

— Le moindre centime est précieux pour moi. Je ne jette pasl’argent par les fenêtres.

Il commençait à m’énerver avec ses insinuations.— Je ne te demande pas de m’offrir un château à ce que je

sache, mais de sortir avec moi ! Arrête tes préjugés.Je le vis serrer les dents et l’orage remplir ses yeux gris.— Non, mais tu auras honte de marcher auprès de moi. Rien

que le fait de m’avoir vu couvert de cambouis, ce jour-là augarage, t’a révulsé.

— N’importe quoi ! J’étais surprise, c’est tout. Peu m’importeque tu sois mécanicien ou banquier, l’important c’est la personneque tu es.

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Il allait répliquer, pourtant mes mots semblaient l’avoir atteint,une bonne chose, enfin ! Mais il n’avait pas tort sur un sujet,maintenant que j’y pensais. Pas parce que j’avais peur que tout lemonde sache, cela avait de l’importance pour lui.

— Une chose est sûre, c’est vrai, pour le moment, je voudraisqu’on se voie rien que pour nous, dans des endroits isolés et nonparce que j’aurais honte que mon petit ami soit d’une classesociale différente, mais j’ai des obligations. Je suis présidente dela fraternité Kappa Kappa Gamma. Je ne sais pas commentt’expliquer cela, tu as réagi avec violence, pensant que je t’avaisjugé, mais mon cercle le fera. On va se donner du temps, qu’enpenses-tu ? Faire mûrir notre relation et quand on sera assezforts, on fera notre coming out.

Je le vis réfléchir à ma proposition. Je ne savais pas qui jecherchais à le protéger lui ou moi. J’avais déjà assez d’ennemis àaffronter, je ne pensais pas que j’aurais assez d’énergie pouraffronter en plus leurs mauvais regards. Pour ce qui était de mesparents, mon père ferait tout pour moi puisqu’après tout, j’étaisson rêve, mais ma mère ferait une crise. qu’importe c’était ma vie,je ferais ce que je voudrais.

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Chapitre 16NickJe m’étais trompé sur son compte. Voilà ce que j’avais pensé

avant qu’elle ne me parle de cacher notre relation. Je m’apprêtaisà lui dire le fond de ma pensée quand je finis par comprendrequ’elle ne cherchait pas à se protéger elle, mais moi.

— Faisons ça, lui dis-je.— Au fait, je m’appelle Samantha Mitchell, dit-elle en souriant.De nos jours.Moi qui aimais bien les films de guerre, cette fois-ci, je n’avais

rien compris au film. Pourtant, j’attendais sa sortie avecimpatience, mais toute ma concentration était focalisée surl’absence de Samantha. Les lumières se rallumèrent, deux heuresde sombres pensées plus tard.

Je quittai le cinéma morose et me dirigeai vers monappartement. Je jetai mes clés sur la table basse avec montéléphone. Il n’y avait pas non plus de messages et elle nerépondait pas. Ma phase de colère laissa place à de l’inquiétude.

L’estomac noué, je pris une douche et me couchai.Au cours de la nuit, je sentis une chaleur dans mon dos et des

mains sur ma taille. Je me retournai et la vis qui dormaitpaisiblement. Non vraiment ? Je m’étais tant inquiété que j’enavais fait des cauchemars et la fatigue avait fini par avoir raisonde moi. Et la voilà, qui dormait comme si de rien était.

Elle dut sentir que j’avais bougé parce qu’elle ouvrit ses yeuxensommeillés pour les poser sur moi.

— Je t’ai réveillé ?— Où étais-tu et que faisais-tu ?— On en parle demain matin ? Je suis fatiguée.— Tu n’as pas pensé que je pouvais m’inquiéter ? Tu ne

répondais même pas à ton téléphone.— S’il te plaît.Je ne sais pas si c’est sa voix qui m’arrêta ou ses yeux qui se

remplirent de larmes. Je me rallongeai et la pris dans mes bras.Elle eut un frisson et moi avec. C’était de plus en plus compliqué dedormir de la sorte sans franchir le cap, mais parce que je l’aimais,j’avais décidé de l’attendre.

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Je regardai le plafond et me dis qu’un an était vite passé. Ons’était vu de temps en temps au début. On sortait manger aprèsmes matchs ou on faisait le trajet ensemble si on était endéplacement. L’entraîneur râlait un peu, mais comme elle memenaçait de s’y rendre toute seule, je ne pouvais décemment pasaccepter cela.

Pour nos quatre mois, on avait fait un petit road trip. Cettesemaine-là, je n’avais pas d’entraînement, on avait quitté lafaculté après ses cours. Elle avait décidé de la destination, nousnous étions rendus à Salem. J’avais calculé l’itinéraire, Samanthas’était occupé de réserver les chambres.

Nous avions pris des chambres séparées. Après nous êtrerafraîchis, on s’était retrouvés pour manger. Je l’avais retrouvéen train de regarder le guide touristique avec un bloc note prèsd’elle. J’avais compris que c’était une maniaque. Elle organisaittout, mais au moins, si un imprévu surgissait, elle ne stressait pas,elle ne faisait que rebondir sur la situation.

Nous avions dîné en parlant de tout et de rien. Elle m’avait ditque son père était un sénateur et qu’elle rêvait de le devenir aussi,et qu’elle ne s’entendait pas bien avec sa mère. Je lui avais ditque mes parents étaient tout pour moi, que je n’avais aucun souciavec eux.

Elle avait lancé sur en rigolant qu’elle aimerait bien lesrencontrer. J’avais prévu de le faire. Mais à ce moment-là, mesparents étaient en voyage et je n’avais pas repensé à cela.

Le lendemain, habillée d’un jean taille basse et d’une tunique,Samantha m’avait attendu devant la voiture, elle avait mis sesRay-Ban et m’vait gratifié d’un large sourire. Nous avions visitétous les lieux que le guide nous avait conseillé. À midi, nous avionsfait un pique-nique à Salem Willows, plusieurs couples et famillesétaient déjà sur place, on s’était trouvé de la place sous un arbreet nous nous étions installées.

Ce fut un bon week-end. Au retour sur le campus, je venais àregretter cette situation, mais je ne voulais pas lui mettre lapression alors j’avais gardé cela pour moi. Puis les partiels étaientarrivés et les vacances avec. On était resté en contact parmessage, on se téléphonait le soir, juste pour entendre la voix del’autre. C’était bizarre, mais plus le temps passait et plus je

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l’aimais. On ne s’était pas fait de grandes déclarations et j’avaisun peu peur de m’exprimer alors j’avais gardé le silence.

Encore une fois, c’était elle qui m’avait surpris. Je lui avaisdonné le double de mes clés à Noël parce que je voulais que ça aitune signification. Elle m’avait remercié d’un grand sourire et moi,c’était un moyen de me dire que notre relation prenait un cap enplus.

Le jour de la Saint-Valentin, elle m’avait envoyé un messageme disant qu’on ne pouvait pas se voir parce qu’un imprévu avaitsurgi. Notre toute première Saint-Valentin. Sauf qu’en ouvrant laporte de mon appartement, des bougies étaient allumées partoutdans la pièce et une musique douce sortait de ma chaîne hi-fi.Mais ce qui m’avait le plus ému fut le montage des photos quenous avions accumulé pendant ces mois-là qui était projeté sur lemur avec un message pour illustrer l’événement. Je restais jusqu’àla fin du film et le dernier mot fit battre mon cœur.

Elle avait rallumé la lumière et s’était approchée de moi. Jel’avais attrapée par les hanches et l’avais embrassée à enperdre le souffle. Elle s’était accrochée à mon cou, répondant àmon baiser ivre de passion autant que moi.

On s’était séparés à bout de souffle. J’avais posé mon frontsur le sien en essayant de reprendre ma respiration.

— C’est la plus belle déclaration que je n’ai jamais eue, lui dis-je, mais j’aimerais l’entendre.

— Je t’aime Nick Sanchez, tu es ce qui m’est arrivé de mieuxdans la vie. C’est peut-être prématuré de dire que tu es l’hommeque je cherchais parce que je ne sais pas ce que signifie vraimentl’amour, mais…

Je l’avais embrassé encore en la soulevant. Elle avait passéses jambes autour de mes hanches. On a l’habitude de voirl’homme se déclarer et voir la fille finir en larmes, mais les tempsont changé. Les filles aussi ont le cran de faire le premier pas.

— Samantha Mitchell, je t’aime et si ce n’est plus que toi. Tume remplis de bonheur. On est novices, mais on s’en sort très bien.

Elle m’avait fait un sourire avant de se détacher. Je l’avaisregardée se rendre dans la cuisine. Je venais de me rendrecompte qu’une bonne odeur se dégageait d’elle.

— Va te rafraîchir, on dîne dans un quart d’heure.

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Était-ce fou de ma part de me dire que j’aimerais l’avoir tousles jours près de moi ? Que chaque fois que je rentrerais, elleserait là à me demander comment avait été ma journée.De medire le programme de la soirée ? Je l’avais regardé goûter lasauce avant de me diriger vers ma chambre.

Mais malgré tous ses mots de tendresse, d’amour et sesgrandes déclarations, je n’avais pas l’impression qu’elle étaitprête à vivre notre histoire au grand jour.

Je m’endormis en pensant qu’il était temps que je fasse quelquechose pour qu’elle puisse comprendre que j’étais prêt, moi.

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Chapitre 17SamanthaJe me réveillai au son de l’eau qui coulait. Je me tournai sur le

lit de Nick. Je poussai un soupir, l’appréhension au ventre. Jesavais bien que je devrais lui expliquer ce qui s’était passé, maisj’avais peur qu’il réagisse mal alors je devais déformer la vérité.

Dean ne perdait rien pour attendre. Je commençais à ne plussupporter son attitude. Je pensais que comme il était avec Lucia,il me laisserait en paix, mais non, il avait une fascination malsainepour ma personne.

Je fermai les yeux pour ne pas repenser à ce qui m’était arrivéhier soir, mais les images revenaient par flash.

Je venais de quitter mon bureau de tutorat quand j’étaistombée sur lui dans le couloir. J’avais fait mine de ne pas le voir etavais continué mon chemin, mais il m’avait agrippé. Je lui avaisdemandé gentiment de me lâcher, mais il ne l’avait pas fait etm’avait traîné dans une salle vide dont il avait fermé la porte.J’avais rapidement compris qu’il avait bu.

— J’en ai assez de tes manières de bonne fille, m’avait-il lancél’haleine infecte.

J’avais mis ma main devant mon nez tout en reculant.— Je supporte Lucia avec son rire de dinde parce que tu

refuses de sortir avec moi, mais aujourd’hui, je t’aurai.Je m’étais mise à trembler de peur. Pendant mes

entraînements de krav-maga, on avait simulé cette situation,même pendant les cours d’auto défense, mais y être confrontéeen vrai était autre chose. J’avais beau me dire, calme-toi Sam,calme-toi, impossible. Il s’était rapproché de moi, je l’avaisrepoussé, mais l’alcool décuplait la force d’un homme, surtout lui,un joueur de football américain.

Il m’avait lancé un regard de pure haine et j’avais compris ques’il posait la main sur moi, c’était fini. Alors j’avais repris moncalme petit à petit et je l’avais affronté. Lorsqu’il faisait un pas àgauche et je l’avais suivi pour ne pas le perdre des yeux.

Quand il avait fait un pas vers moi, j’avais lancé le plat de mamain sous son menton. Il m’avait insulté de tous les noms etm’avait foncé dessus, j’en avais perdu l’équilibre. Le choc m’avait

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donné le tournis, il en avait profité pour me donner une gifle, jem’étais mordu la langue et ma bouche s’était emplie de sang.J’avais tourné la tête pour le recracher et en avais profité pour luidonner un coup de pied entre les jambes. Il avait roulé sur le côtépour reprendre son souffle et moi, je n’avais pas attendu, jem’étais relevée et avais couru comme si les chiens de l’enferavaient été à mes trousses. Je m’étais arrêtée seulement quand jefus enfermée à double tour dans ma chambre.

Je m’étais mise sous ma couette et avais pleuré pendant desheures. Quand j’étais revenue à moi, j’avais vu que le soleil s’étaitdéjà couché et qu’il était minuit. J’avais pensé à Nick puis avaischerché mon téléphone. Plusieurs messages, textes commevocaux, et tout autant d’appels manqués s’étaient affichés, maisje n’avais pas la force de lui parler. Il aurait su que quelque chosem’était arrivé.

J’avais pris une douche, m’étais massé la joue sous les jets etavais filé à son appartement. Il était mon tout. Je l’aimaistellement que je trouvais cela irréel, surtout que je n’avais toujourspas compris comment c’était arrivé.

L’eau s’arrêta, je me préparai à la confrontation. Il entra dansla chambre une serviette autour des hanches, les cheveux encorehumides. Il me tourna le dos pour prendre ses vêtements. Jeregardai son tatouage et me demandai encore une fois qu’elleétait sa signification. Qui sait un jour, il se sentira assez enconfiance pour me raconter son histoire.

— Bon, tu me racontes ce qui se passe ?Il me fixa durement. Je me demandai s’il savait quelque chose

et je me rassurai en me disant que non.— Ce n’est rien de grave…— Avant que tu ne me racontes un bobard, me coupa-t-il d’une

voix sèche, et que je fasse semblant de te croire, sache que laconfiance est la base d’un couple.

Je le fixai pendant de longues minutes avant de fermer lesyeux.

— Tu peux me faire confiance sur ce coup ?— Comment le faire ? me hurla-t-il presque dessus. J’ai

accepté qu’on se voie en cachette parce que oui, au début, jen’étais pas prêt à le faire au grand jour, mais ça fait un an déjà

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et l’idée ne t’est pas venue que c’est bon, on est assez fort ?— J’y pense et j’y travaille, Nick. Bientôt.Il quitta la pièce et quelque temps plus tard, la machine à café

se mit en marche. Je me levai et allai le rejoindre.— Je suis désolée, lui dis-je.— Je le suis aussi figure-toi. J’aurais dû insister quand j’ai

pensé que c’était le bon moment, mais encore une fois, tu as étéélue Présidente de ta fraternité alors j’ai laissé tomber pour nepas ajouter à ton stress.

Il me servit une tasse de café avec un sucre comme je l’aimais.Il retourna dans la chambre pour s’habiller. Je ne savais que faire.Lui dire ? Ça risquait de mal finir. Ne pas lui dire ? C’est notrecouple qui en souffrirait.

Il revint habillé d’un jean bleu et d’un pull blanc. L’hivers’accrochait encore un peu, mais le soleil perçait de temps entemps. Je devais rentrer avant le début des cours.

— Tu fais quoi ce week-end ? me demanda-t-il, tout d’un coup.— Rien normalement, pourquoi ?— Vendredi soir, on va quelque part, prépare ton sac pour le

week-end.Je mourrais d’envie de lui demander où on allait, mais je décidai

de ne pas le faire pour le remercier de ne pas avoir posé dequestions sur l’incident d’hier.

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Chapitre 18NickQuand je me réveillai, je constatai qu’elle avait un bleu sur la

joue. Mon sang ne fit qu’un tour. Je ne savais pas ce qui lui étaitarrivé, mais le fait qu’elle ne me fasse pas assez confiance pourme le dire, me fit mal. C’était mon rôle de la protéger, celapourrait être sexiste, mais on m’avait élevé de la sorte, l’hommeétait le protecteur de la maison.

Je pris ma décision, j’allais la présenter à mes parents !On quitta mon appartement ensemble, mais chacun pris sa

voiture pour se diriger vers l’université. Moi devant. Elle me fit unappel de phares quand elle tourna vers sa fraternité et jecontinuai vers le parking de mon premier cours.

Le français était ma bête noire, mais aujourd’hui, ce fut pire,la voix du professeur m’était insupportable. Il lisait un poème d’uncertain Victor Hugo, une histoire « Aimons toujours ! Aimonsencore… ». Avant la sonnerie, il nous demanda de faire uneanalyse de ce texte, de lui dire ce que l’auteur essayait de noustranscrire, de nous faire ressentir et son message.

Je quittai le bâtiment avec une migraine et cela ne se calmapas quand je me rendis à mon cours de droit. J’essayai dedécouvrir ce qu’elle me cachait, mais n’ayant aucune piste, celan’était pas évident.

Comme j’avais un trou de 3h aujourd’hui, je décidai d’aller augarage de mon cousin. Arrivé sur place, il était sous le capot d’uneveille Ford. Du rap à fond, d’un chanteur que je n’aimais pas. Jeme dirigeai vers le bureau et coupai la musique.

— ¿ Quién hijo de su madre el que sacò mi mùsica ?— Attention, je dirais à mon père que tu as insulté sa femme,

dis-je en me plantant près de lui.Il sortit de sous la voiture et sauta sur ses jambes. Il fit mine de

me serrer dans ses bras, mais je l’esquivai.— Nick, c’est toi ? Oh mon frère, tu avais disparu où ?— L’université, tu connais ?Il s’essuya les mains et me détailla de la tête aux pieds.— C’est quoi cette mine ? Tu viens me donner un coup de main

?

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— Non, je vais bientôt avoir mes partiels, mais je te verrai leweek-end prochain.

— Pourquoi pas ce week-end ?— Je rentre à la maison.Il me fixa et je me demandai si c’était une bonne idée d’être

venu le voir.— Qu’est-ce que tu veux ?— Tu as encore le numéro de cette Kate ?— Kate ?— BMW grise, étudiante, petite brune.— À celle-là. Je ne sais pas, faut que j’aille voir.Il l’avait tellement harcelé qu’ils ne s’étaient même pas vu pour

un café. Elle avait bloqué son numéro, ce n’est pas peu dire que jene l’avais pas prévenu. Il chercha dans son portable pendant unbon moment. Il gardait le numéro de toutes les filles qu’il avait ounon fréquenté. Docteur est-ce normal ?

— Le voici. Pourquoi tu en as besoin ?— J’en ai besoin. Donne.Je lui pris son téléphone des mains et notai le numéro sur le

mien. Je le lui rendis et m’en allai. Je rentrai à l’appartement, leparfum de Samantha embaumait encore les pièces.

Je me laissai tomber sur le canapé, la tête retournée.Reprends-toi Nick, personne ne sait pour vous, comment vas-tu teprésenter ? « Bonjour, tu ne me connais pas, mais j’ai entenduparler de toi. Je suis le petit-ami caché de Samantha… » Ouaisbien sûr.

Je me passai les doigts dans les cheveux avec un sentiment defrustration. Je quittai la maison, je n’en avais même pas pour 20minutes pour arriver chez mes parents. J’entrai et trouvai mamère assise devant la télé. Elle leva la tête surprise.

— Nick ? Tout va bien ?Je me dirigeai vers elle, me laissai tomber sur le canapé à ses

côtés et posai ma tête sur ses genoux. Elle se mit à caresser mescheveux. Cela calma un peu la tempête qui faisait rage en moi.

— Qu’est-ce qui se passe mon bébé ?Je poussai un soupir avant de me lancer.— Tu m’as toujours que dit dans un couple que s’il n’y a pas de

confiance cela ne fonctionnait pas, non ? Que l’homme est celui

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qui doit protéger son foyer aussi.— Oui.— Que faire quand l’autre ne nous dit rien ?— Possible qu’elle cherche à te protéger.— Mais cela n’a pas de sens !— Tu sais, il y a plein de choses que ton père ne sait pas. Au

début de notre histoire, sa famille ne m’a pas accepté, surtout tatante. Elle pensait que je jouais avec lui. Vous êtes les protecteurs,mais vous puisez votre force en nous. La femme est le cœur dufoyer. On gère le plus gros du conflit et vous venez le finir.

Elle me releva la tête et me regarda dans les yeux.— Nick de qui parles-tu ?Je rougis. Je n’étais pas fier de moi sur ce coup. Même si les

autres ne le savaient pas, j’aurais pu, au moins, en parler à mamère.

— Avant tout, pardon de ne pas te l’avoir dit avant.— Ce n’est pas grave Nick, les enfants ont toujours des

secrets pour leurs parents. Je ne t’en veux pas. Tu as tes raisons,je ne te juge pas. Maintenant, dis-moi ce qui te bouleverse tant.

— Tu sais, depuis le meurtre de Francisco, je n’aime pas lesenfants de riches. Pourtant, je suis tombé amoureux d’une d’entreeux, mais elle a su rester modeste. Elle n’étale pas sa richesse.C’est une fille merveilleuse, elle me comprend, dis-je en soupirant.Elle m’a proposé de vivre notre relation en secret pendant untemps, un an est déjà passé, je me sens assez fort pour affronterle regard de tous, mais je sens qu’il y a quelque chose qu’elle neme dit pas.

Ma mère me regarda avec tendresse en souriant.— Tu souffres de cette situation ? Tu veux la protéger, mais tu

es pieds et poings liés parce que vous n’êtes un couple qu’à vosyeux et pas à ceux des autres.

— Au début, on se voyait de temps en temps pour apprendre àse connaître. Je ne lui faisais pas confiance, puis six mois plustard et j’ai commencé à m’attacher à elle. Les vacances sontarrivées. À la rentrée, les huit mois et dans quelques jours, cela vafaire un an. J’ai prévu de vous la présenter ce week-end. J’ai peurde sa réaction, parce que je ne lui ai pas dit que j’allais le faire.

— Je ne la connais pas, et le peu que tu m’as dit ne m’aide

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pas. Si tu penses que c’est le bon moment, fais-le. Mais sachequ’une femme a droit à ses secrets, cela ne veut pas dire quevotre relation n’est pas solide pour autant.

— Merci maman, je me sens mieux.— Donne-lui le temps de faire les choses, quand tout sera

normal, elle t’en parlera. Et ramène-moi ma future belle-fille.Nous nous sourîmes. Elle insista pour que je déjeune avec elle,

je le fis avec plaisir, ses moments rien qu’à nous, cela faisait unmoment qu’on n’en avait pas eu. Je rentrai à l’appartement et pusassister à mes derniers cours l’esprit et le cœur plus légers.

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Chapitre 19SamanthaArrivée devant la fraternité, je regardai dans toutes les

directions pour être sûre que Dean ne me tendait pas un guet-apens. Rassurée, je me rendis dans ma chambre et tombai surKate. Elle était assise sur mon lit et regardait dans tous les sens.

— Tu n’as pas dormi dans ta chambre ? me demanda-t-ellequand elle me vit.

— Tu étais passée où ?— Ici et là.— Tu as un petit-ami ?Je ne l’avais pas dit à Kate, entre son absence et le peu de

moments où on se voyait, mais sans mentir, même elle, je ne savaispas ce qu’elle en aurait pensé. Elle avait bloqué le numéro ducousin de Nick disant qu’il l’avait harcelée. J’avais un doute sur cesujet alors je ne lui avais rien dit et je ne comptais pas le lui direaujourd’hui.

— Non.— Alors tu sors d’où, habillée comme ça ?Je portais un jogging en laine, celui que je mettais pour rester

dans ma chambre quand je ne voulais rien faire.— Parlons de toi plutôt. Tu étais où ? Qu’est-ce qui se passe,

Kate ?Elle tourna la tête et encore une fois, je sus qu’elle ne me dirait

rien. Je poussai un soupir et me dirigeai vers ma douche. C’est àce moment-là que je vis le bleu qui ornait ma joue. Je comprispourquoi Nick avait été si en colère. Je ne savais plus quoi faire.

Dans une demi-heure, je devais faire la médiatrice entre deuxsous-chefs. J’avais l’impression d’être la directrice d’unematernelle. Je pris une douche rapide et enfilai les premiersvêtements qui me tombèrent sous la main et tentai de masquer cebleu du mieux que je pouvais.

Kate n’avait pas bougé de mon lit et je n’allais pas lui arracherles mots de la bouche si elle ne voulait pas parler. Au moment où jem’apprêtais à quitter la chambre, ses paroles me glacèrent.

— J’ai été violée.Je me retournai vers elle lentement. Elle avait les yeux rouges.

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Cette fille qui souriait toujours, qui avait une gaîté contagieuse,était tout simplement anéantie. Pourquoi ne l’avais-je pas vu enentrant ? J’aurais dû le remarquer ! Quelle piètre amie je faisais !

— Oh Kate, fis-je en courant pour la prendre dans mes bras.Pourquoi tu ne m’en as pas parlé ?

Elle sanglota dans mes bras en silence pendant de longuesminutes.

— Au début, je n’ai pas cru que cela m’était arrivé. Je suisallée à la fête que les Delta avaient organisée pour Noël, tu étaisrentrée, mes parents avaient prévu une croisière. Je n’ai pas butant que ça pour être saoule, j’en suis sûre. On m’a donné un verrede soda, j’ai bu quelques gorgées et je ne sais pas ce qui estarrivé. Je me suis réveillée dans une chambre vide, nue. Je suisrestée pendant des heures le regard dans le vide. Une fille quiavait été payée pour nettoyer est arrivée et m’a trouvé. Elle m’aconduite à l’hôpital où ils m’ont gardée en observation. Oh Sam,j’ai eu si honte. Je repensais à ce que tu me disais sur l’alcool et jem’en suis voulu. Si je n’avais pas été à l’hôpital, je n’aurais pas suce qui était arrivé. En rentrant, j’ai donné une ordonnance à ladoyenne, j’ai suivi mes cours dans une chambre loin de lafraternité. Je venais quand j’étais sûre de ne croiser personnepour te laisser tes rendez-vous. Je n’avais pas la force de te voir.Ma thérapeute m’a dit que j’étais en phase de guérison et que jedevais te raconter tout ça.

Je pleurais de rage et d’impuissance. J’avais été dans ma bulleet je n’avais pas vu ce qui se passait autour de moi. Ma mèretenait tant à ses dîners de Noël et Kate n’aimait pas ses repasalors je ne lui avais pas proposé de m’accompagner.

— Tu n’as vraiment aucune idée de qui a fait ça ?— Non, il a utilisé un préservatif.— Il doit y avoir des cas similaires, on doit pouvoir retrouver le

coupable.— A quoi bon ?— On ne doit pas laisser ton agresseur s’en prendre à d’autres

filles. Et puis, pour quelqu’un qui étudie le droit, tu n’as pas les bonsmots.

Elle me regarda et fronça les sourcils.— Tu t’es bagarré ?

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— On parle de toi là !— J’en ai assez de parler de moi depuis des mois. Qui t’a fait

ça ?— Dean.— Dean ? Le président des Delta ?— Lui en personne.— Pourquoi ? Lucia l’a quitté ?— Non, pas à ma connaissance. Il a voulu prendre ce que je ne

voulais pas lui donner.— Mais ils ont quoi, ces gars des Delta ?!Ses joues rougirent de colère, je la préférais comme ça.— On doit agir. Je ne sais pas encore comment on va

procéder. Donne-moi quelques jours, mais on va trouver lecoupable, celui qui s’amuse à droguer les filles pour son plaisir.

Elle me fit un petit sourire. J’espérais qu’un jour, elleretrouverait sa joie de vivre, c’était tout ce que j’espérais. J’avaisdes choses à faire. Entre gérer comment révéler mon histoireavec Nick, Dean et maintenant, Kate. Je devais faire mon possiblepour que tous les gens qui comptent pour moi soient heureux.

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Chapitre 20NickSamantha m’envoya un message pour me dire qu’elle n’aurait

pas de temps libre cette semaine, mais qu’elle ferait son possiblepour qu’on fasse ce que j’avais prévu ce week-end. Avec mamère, on s’était mis d’accord pour qu’elle fasse un dîner vendredisoir, mais rien de grandiose. Elle m’avait ri au nez, me disant quej’agissais déjà comme un époux et je lui avais rétorqué d’arrêterde rêver à mon mariage.

J’arrivai à l’appartement et pris une douche pour retirer lasueur de l’entraînement. En sortant de la salle de bain, je visSamantha ouvrir la porte d’entrée.

— Salut beau gosse.Elle me fit un sourire, je regardai sa joue et remarquai que son

bleu avait disparu. Elle se dirigea vers moi et me fit un baiser surla joue.

— Salut, dis-je en la retenant pour l’embrasser.Elle m’avait manqué. C’était ce qui me dérangeait le plus dans

notre relation, de ne pas se voir quand on le voulait, dans un coinde la bibliothèque, dans le couloir ou sur le parking. Je la lâchai etpartis m’habiller, elle m’attendait dans le salon. J’envoyai unmessage à ma mère pour la prévenir qu’on était en chemin, elle merépondit qu’elle essayait de préparer mon père. Je ne me faisaispas de souci de ce côté. Je la rejoignis et nous nous mîmes enchemin. Elle ne me posa pas de question jusqu’à ce qu’on entredans Boston.

— Boston ?Je continuai jusqu’à la banlieue et m’arrêtai devant ma maison.

Je la laissai regarder le quartier éclairé par les poteauxélectriques. Elle ne fit aucun commentaire et sortit de la voiture. Jerécupérai nos sacs et remontai l’allée. J’ouvris la porte et lui fissigner d’entrer. Elle me regarda avec appréhension.

— Entre.— Nick ?— Fais-moi confiance.Elle entra et s’arrêta quand elle les vit. Mes parents étaient

assis sur le canapé, mon père se leva d’un bond pendant que ma

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mère me sourit.— Mi niño, me dit mon père.Il devait vraiment être surpris pour m’appeler par mon petit

surnom affectueux.— Samantha, je te présente mes parents, Jess et Marco

Sanchez. Papa, maman, je vous présente Samantha Mitchell, mapetite amie.

Ma mère prit Samantha dans ses bras. Cette dernière meregarda par-dessus ses épaules. Je sais, c’était un petit coupbas. Mon père s’avança vers moi et mit une main sur mon épauleme regardant droit dans les yeux. On allait avoir une conversationque seuls les hommes peuvent comprendre.

Il me demanda pourquoi je ne lui avais rien dit. Mon regardrépliqua que je n’avais pas eu le temps d’y penser. Mais il mereprocha que ma mère le savait. Je lui fis un sourire et il me lerendit. C’est ce que j’aimais chez lui.

Samantha revint près de moi et me prit la main, celle-citremblait légèrement. Ma mère me prit dans ses bras etm’embrassa sur les deux joues.

— Samantha, bienvenue chez nous. Tu fais partie de la famillealors n’aie pas peur de nous traiter comme tel.

— Oui, madame Sanchez.— Appelle-moi Jess, voyons.Mon père se dirigea vers elle et lui prit les deux mains.— Bienvenidos nuera.— Arrêtez ! Vous allez lui faire peur.— Merci, Monsieur Sanchez.— Marco.— Jess et Marco, merci de votre accueil, répondit-elle d’une

voix tout émue. Vous pouvez m’appeler Sam.Mes parents lui sourirent avant de nous laisser seuls. Ma mère

se dirigea vers la cuisine pendant que mon père s’installait devantla télé. Je pris la main de Samantha et la guidai vers ma chambre.Je refermai la porte derrière nous. Elle se mit à détailler la pièceavant de se retourner vers moi.

— Je ne sais pas si je dois être en colère ou ravie.— Je ne vais pas m’excuser. Quand je me suis levé et ai vu ce

bleu, j’ai eu envie de détruire quelque chose et le pire, c’est que tu

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refuses de me dire ce qui s’est passé.Je levai la main pour l’empêcher de m’interrompre et je

m’avançai vers elle tout en la regardant droit dans les yeux.— Bien que j’aie envie de savoir, j’ai décidé de te faire

confiance, mais en échange promets-moi de ne pas attendre ladernière minute pour me dire les choses si ça devient tropdangereux.

Elle m’enlaça et je la serrai contre moi. Je ne le savais pasencore, mais elle venait d’être ajoutée à la liste des personnespour lesquelles je pouvais tuer.

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Chapitre 21SamanthaJe fermai les yeux et me laissai emporter par la situation. Je

ne dirais pas que je ne lui en voulais pas de m’avoir mise au pieddu mur, mais je compris qu’il voulait me dire à sa manière qu’il étaitprêt à ce qu’on vivre notre amour au grand jour.

Sa mère nous appela pour dîner. L’ambiance était différentede chez moi. Ici, les plats étaient des plus appétissants, on n’avaitpas l’impression de faire une grève de la faim, on avait desgrosses portions dans nos assiettes. On s’intéressait à l’un et àl’autre. Ses parents firent en sorte de m’intégrer à leurconversation. Au bout de quelques minutes, je me sentis vraiment àl’aise. Nick le remarqua parce qu’il me fit un grand sourire.

J’avais promis à Kate de veiller sur elle maintenant et c’est ceque j’avais fait toute la semaine, cela avait été dur de ne pas levoir, mais je me sentais un peu coupable envers Kate. Elle étaitvenue au seul cours qu’on avait en commun puis était restée dansmon bureau à la fraternité pendant que je m’occupais du tutorat.

Le repas toucha à sa fin, on s’installa dans le salon pour lecafé, Nick me prit sur ses genoux. J’étais gênée de faire celadevant ses parents, mais mes scrupules furent vite oubliés parceque ses parents étaient dans les bras l’un de l’autre. Sa mère mefit un clin d’œil. Chacune de nous aimait l’un de ses Sanchez.

Bien que Nick ressemblât à son père physiquement, hormis sesyeux, il avait les mêmes gestes que sa mère. On regarda le film dusoir, je me mis à somnoler et finis par m’endormir.

Je me réveillai quand je me sentis bouger. Nick me posa sur sonlit.

— Rendors-toi.— Je suis désolée, je n’ai même pas souhaité bonne nuit à tes

parents.— Ne t’inquiète pas, demain tu auras tout le temps de faire

plus ample connaissance avec eux.Je lui souris et retirai mes chaussures. Il disparut quelques

minutes et revint avec des couvertures qu’il étala sur le sol.— Que fais-tu ?— Je te laisse le lit.

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— Pourquoi ? Il n’y a pas assez de place ?Il me fit un sourire énigmatique et continua sa préparation. On

dormait sur le même lit depuis quelque temps. C’est vrai que j’avaispensé à plusieurs reprises à lui confier ce que j’avais de plus cher,mais il ne faisait jamais un geste dans ce sens, alors je ne savaispas quoi faire.

— Nick ?— Oui ?— Tu n’as pas envie de moi ? lui demandé-je avant de me

défiler.Il me contemplait comme si une seconde tête m’avait poussé.

Je m’allongeai et fixait le plafond. Je n’avais pas la force de leregarder dans les yeux.

— Tu n’as jamais essayé de me toucher ou quoi que ce soit. Jesais qu’on avait décidé d’y aller doucement, cela va bientôt faireun an. Ce n’est pas que je veuille le faire maintenant, mais je meposais la question.

Je sentis le matelas bouger et vis sa tête dans mon champ devision. Il me caressa la joue et continua jusqu’à mon décolleté.

— Samantha, tu ne sais pas à quel point j’ai envie de toi. Tu nete souviens pas lors de notre voyage à Salem ? Tu m’as dit que tuétais vierge.

Je me mordis la lèvre. Je ne voulais pas qu’il me prenne pourune fille facile. Cela m’avait coûté de faire cet aveu, mais ilm’avait assuré qu’on le ferait uniquement si je le voulais.

— Oui, je m’en souviens.— Tu n’as pas non plus fait un signe quelconque. Ce n’est pas

facile pour la fille la première fois, tu risques d’être anxieuse,stressée. Il ne faut pas se précipiter.

— Je sais bien, mais on pourrait au moins se caresser detemps en temps ?

— C’est tenter le diable. Je me fais violence chaque fois qu’ondort ensemble.

Il avait une mine dépitée. Je me relevai et l’embrassai. Jesavais que c’était le bon, mais ce n’était pas ce soir qu’on allait lefaire. Surtout pas chez ses parents.

— Restons sages ce week-end d’accord ? dit-il à bout desouffle.

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Je lui fis un sourire avant de m’allonger et de me rendormir.Le lendemain, c’est l’odeur des œufs et du bacon qui me

réveilla. Je regardai la couchette de Nick, elle était vide.J’entendis un rire. Je me levai et suivis les voix. Je découvris Nicken train de retourner un pancake dans une poêle dans la cuisine etsa mère, qui lui disait quelque chose, avait la tête dans le frigo.

La scène me fit monter les larmes aux yeux. Avec ma mère,nous n’avions jamais eu de moment de complicité. Elle voulaitdonner un enfant à mon père surtout pour garder son titre deMadame Mitchell et non par instinct maternel. Jess me remarquaet me fit un sourire.

— Bonjour Samantha. Joins-toi à nous.— Les toilettes ? dis-je piteusement.Elle regarda Nick puis moi. Ce dernier donna sa spatule à sa

mère et se dirigea vers moi. Il mit un doigt sur mon menton pour meforcer à le regarder dans les yeux.

— Qu’est-ce qui se passe ?— Rien, rien. La salle de bains s’il te plaît.— Viens, je te montre.Il me guida en silence en serrant ma main pour me faire

comprendre qu’il était avec moi. Je lui fus reconnaissante de nepas insister. Après une toilette, on s’attabla pour le petit-déjeuner.Son père manquait à l’appel.

— Mon père est parti aider ma tante pour monter un meuble. Jevais devoir le rejoindre. Cela ne te dérange pas de rester avec mamère ?

— Voyons, je ne vais pas la manger. Je ne te fais pas peur,j’espère.

— Non, non, Jess.Je leur fis un sourire pour les rassurer. Nick mangea tout en

racontant à sa mère les dernières bêtises de Rico et comment iln’arrivait toujours pas à supporter les cours de français. Cettedernière rigola et lui dit qu’il était un fils adorable. Je me mordis lalèvre. Je ne me rappelai même pas la dernière fois que ma mèrem’avait fait un compliment. Mon père le faisait quand j’avaisatteint un objectif qu’il m’avait fixé, il me motivait, mais celas’arrêtait là. J’avais appris à ne plus attendre de signed’affection de leur part.

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Quand Nick partit, j’aidai sa mère à ranger la cuisine. Audébut, le silence était un bien, mais au bout d’un moment, il me mitmal à l’aise.

— Nick ne nous a jamais présenté ses petites amies, me dit-elle au bout d’un moment. Je devinais de temps en temps avec quiil sortait, mais je ne lui posais jamais de question.

Je la regardai, troublée, ne voyant pas où elle voulait en venir.— Cela n’a pas été facile de l’avoir, c’est pour cela que son

père et moi le protégeons tant. Tant qu’il est heureux, je le suis.Elle me fixa droit dans les yeux. Je lus un avertissement que

seule une mère était capable de faire.— Nous, les femmes, nous avons notre jardin secret, ce qui est

très bien, mais il faut faire attention qu’il ne soit pas visible, d’où lemot « secret ». Si tu veux protéger Nick, il ne faut pas qu’ils’inquiète. Si aujourd’hui, tu es ici, c’est parce que tu comptes àses yeux. Il a souffert par le passé, je ne voudrais pas que cela luiarrive à nouveau, je n’ai que lui.

— Je comprends.— Bien. Je t’aime bien. Tu as su prendre ta place au sein de

cette famille facilement. La porte te sera toujours ouverte àn’importe quelle heure. N’hésite pas à me téléphoner aussi. Dis-toique je suis ta seconde mère.

Je me retins de courir dans ses bras, ce n’était pas l’envie quim’en manquait. Les seules personnes qui avaient cet accès surmoi étaient Kate et Nick. Après cela, on passa un bon moment àdiscuter de tout et de rien. Elle me raconta comment elle avaitconnu le père de Nick et su à quel moment il était l’homme de savie. C’était digne d’un conte de fées, bien qu’il ait été seméd’embûches avec sa famille et la sœur de son mari.

Le temps passa sans qu’on ne le remarque, je l’aidai même àpréparer le dîner, je ne lui fus pas d’une grande aide, maisj’épluchai les oignons. Sur le moment, je ne compris pas à quelpoint cette femme allait être un pilier dans notre relation, à Nick etmoi.

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Chapitre 22NickJe ne m’inquiétai pas pour Samantha, ma mère saurait la

mettre à l’aise. Bon, j’imaginais qu’elle lui donnerait quelquesavertissements. Je connaissais Jess Sanchez comme ma pocheet j’avais hâte d’entendre ce qu’elles s’étaient racontées.

J’arrivai chez ma tante et fus accueilli par un chantier. Monpère hurlait des injures en espagnol et ma tante lui répliqua d’êtrepoli dans sa maison, il rétorqua qu’il faisait ce qu’il voulait sinonelle n’avait qu’à appeler son fils.

— Oh Nick, tu es là ?Mère et fils avaient la même phrase chaque fois qu’ils me

voyaient. Si j’étais là. Parfois, je me retenais de leur dire non,j’étais ailleurs.

— Je suis venu voir si je ne pouvais pas aider.— Tu tombes bien, ton père n’arrive pas à lire une notice.— Je t’ai dit qu’il manquait une pièce.— Laisse la place à ton intelligent de fils au lieu de râler.Je m’installai près de mon père et regardai la notice ainsi que

les pièces. Il attendit que j’inspecte tout.— Il manque en effet une pièce, dis-je à ma tante.— Tu vois, chica ! Tu aimes avoir raison, mais cette fois-ci, tu

as perdu.Ils continuèrent à se chamailler, je me levai et me dirigeai vers

une des chambres du fond. Je posai ma main sur la porte etfermai les yeux. Cela me faisait toujours aussi mal de savoir qu’ilne serait pas là quand je l’ouvrirais. Il avait été mon meilleur amimalgré nos années de différence. Je sursautai en sentant unemain sur mon épaule.

— Il te manque toujours autant ?— Je rêve encore de son sourire. Dans quelques années, ça

sera moins douloureux, qui sait ?— Sobrino, le temps guérit les blessures.— Pas si sûr, lui dis-je sombrement.Je me détournai et allai rejoindre mon père. Pendant les heures

qui passèrent, nous montâmes les nouveaux meubles de ma tante.Elle nous fit ses fameux gâteaux. Avant la tombée de la nuit, nous

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mîmes la touche finale.Sur le chemin du retour, mon père sifflota avant de s’arrêter à

deux pâtés de la maison.— J’aime bien Sam. Elle me fait penser à ta mère, à notre

rencontre. Tu l’aimes ? Te donne-t-elle le sentiment d’être complet?

— Je l’aime oui, pour ça, je l’aime. Quand elle est près de moi,je sens qu’elle comble un vide. Mais papá…

— Pas de mais, mon niño. Tu as la réponse à toutes tesquestions. Je ne suis pas doué pour donner des conseils. Ta mèrea toujours été la plus forte de nous deux. Comme tu le sais, ça n’apas été facile pour t’avoir, mais quand elle a réussi à meconvaincre que tout irait bien, je lui ai fait confiance et c’est ceque je continue à faire 22 ans plus tard. Ce n’est pas facile decomprendre les femmes. Je ne dirais pas que tout ira pour lemieux, mais apprends à l’écouter avant de t’énerver. Ne vouscouchez jamais fâchés, qu’importe la raison qui vous a poussé àvous quereller, cela ne fera que creuser des fossés entre vous.

Il me serra l’épaule et nous nous remîmes en chemin. Enarrivant devant la maison, nous entendîmes le rire de ma mèreainsi que celui de Samantha.

— Elles sont devenues meilleures amies à ce que je vois. Tamère l’aime bien, tu le sais ?

— Oui.Nous entrâmes et les trouvâmes en train de danser dans la

cuisine sur une chanson de Shakira « Whenever Wherever ». Elless’étaient mises à chanter le refrain.

Whenever, whereverN’importe quand, n’importe oùWe’re meant to be togetherNous sommes faits pour être ensembleI’ll be there and you’ll be nearJe serai là et tu seras à mes côtésAnd that’s the deal my dearEt ce sera notre marché mon chériEt elles éclatèrent de rire. Je regardai mon père, celui-ci

haussa les épaules en souriant. Nous nous grattâmes la gorgepour leur faire savoir qu’on était là. Ma mère se retourna

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naturellement, mais Samantha sursauta.— Deux magnifiques femmes dans ma cuisine, que demander

au peuple ?— Mes deux amours sont rentrés ! Aller vous nettoyer, on

passe à table dans une demi-heure.— Bien chef, répondit mon père avant de s’en aller.Moi, je restai un moment à regarder la scène que formait ma

mère et Samantha avant de me diriger vers ma chambre.Samantha vint me rejoindre quelques minutes plus tard. Elle sautadans mes bras.

— J’adore ta mère. J’ai pu faire tout ce que je n’ai pas pueffectuer avec la mienne.

Je la serrai fort contre moi.— Je suis content que les deux femmes les plus importantes de

ma vie s’entendent.— Ta mère est une perle. Je te laisse aller te laver, je retourne

la voir.Elle sortit comme elle était entrée, en mode tempête. Je souris

et me préparai pour le repas.Le lendemain, ma mère se retint de pleurer quand l’heure fut

venue pour nous de s’en aller. Elle répéta sans cesse à Samanthade passer la voir avec ou sans moi, mais surtout sans moi. Elle luiarracha la promesse de l’appeler au moins une fois par semaine.Elle m’embrassa et me dit de bien m’occuper d’elle. Quand je vousdisais que ma mère était devenue une vraie mamá mexicaine.

Le retour se fit aussi vite que l’aller. Mais je remarquai queplus on approchait de mon appartement, plus elle semblaitpréoccupée. J’arrêtai la voiture en face de l’immeuble et metournai vers elle.

— Tu dors avec moi ce soir.Elle se mordilla la lèvre, ennuyée. J’étais bien décidé à mettre

en pratique les petits conseils de mon père.— Si tu as quelque chose à faire, on a qu’à s’envoyer des

messages. Après tout, je t’ai gardé tout le week-end pour moi.— Non, ce n’est pas ça.— Ah non ?— Kate a des problèmes, je lui ai envoyé un message avant

qu’on s’en aille. Elle ne va pas bien.

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— Si elle a besoin de toi, va la rejoindre.Elle me fit un petit sourire. Nous sortîmes de ma voiture et je la

raccompagnai à la sienne. Je lui fis un baiser avant qu’elle nedémarre. Plus je regardais ses phares s’éloigner, plus le vide enmoi grandissait.

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Chapitre 23SamanthaCe week-end fut une bulle de pur bonheur. Plus j’avançais vers

la fraternité, plus mon envie de faire demi-tour était grande, maisKate avait besoin de moi. J’accélérai, il n’y avait que la vitesse quipouvait me vider la tête. Je pris un virage serré, pas trèsresponsable pour une future Sénatrice, mais j’avais besoin d’unpeu d’adrénaline. Je me garai sur le parking et descendis de lavoiture.

Tout était calme, ce qui était normal pour un dimanche. Lesfêtards décuvaient, les intellectuels faisaient leurs dernièresrévisions à la bibliothèque ou dans leur chambre. Je montai dansla mienne et trouvai une enveloppe scotchée à ma porte. Jel’arrachai et eus un mauvais pressentiment.

Quelques minutes après que je me sois laissée tomber sur monlit, Kate entra.

— Tu as, tu as…Elle était agitée et j’avais la sensation que c’était dû à la

même enveloppe que celle que j’avais trouvée.— Sam, je vais faire quoi ?— Calme-toi, explique-moi ce qui se passe ?— Des photos de moi circulent sur le net.— Comment l’as-tu su ?— J’ai reçu un lien par message. Le numéro m’était inconnu,

quand j’ai essayé de le rappeler, il était indisponible.Que pouvais-je faire ? Je n’étais pas détective !! J’étais

frustrée qu’on jouait avec nous de la sorte.— On doit se rendre à la police.— Mais que vont-ils faire ?— Tracer l’IP de celui qui a posté les photos, que sais-je ?!— Tu penses vraiment qu’on va le retrouver ?— Faut qu’on essaye.On se rendit au poste et fit notre déposition. L’inspecteur ne

voulait pas nous écouter pensant que c’était encore une mauvaiseblague d’un ex. Quand il tapa le nom de Kate et vit qu’elle avaitdéposé une plainte pour viol, il nous écouta. Il nous promit de noustéléphoner quand il aurait du nouveau.

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La semaine démarrait fort, j’avais eu plusieurs requêtes desfilles qui demandaient le renvoi de Kate de la confrérie. Je dus lesécouter parler pendant des heures, le matin, le midi et le soir.J’envoyai des messages à Nick pour lui expliquer la situation, ilavait eu le même message et ça l’avait inquiété, pensant que monbleu était lié à cet incident.

Je n’avais pas revu Dean depuis notre tête-à-tête muscléalors je commençai à relâcher mon attention. Le vendredi quand jesortis, une belle surprise m’attendait sur le parking. Ma MercedesEV12, que mon père avait payé une fortune, était détruite. Monpare-brise avait volé en éclats, des graffitis avec des gentilsmots étaient écrits sur toutes les surfaces visibles. Je grinçai desdents, celui ou celle qui avait fait ça ne perdait rien pour attendre.

Je composai le numéro de Nick, il répondit à la premièresonnerie.

— Salut toi.— Tu es au garage de ton cousin ? lui demandais-je en oubliant

mes bonnes manières.— Oui, que se passe-t-il ? Ta voiture te donne des soucis ?— Tu peux venir avec la remorque, s’il te plaît.— Où ?— Sur le parking en face de la fraternité.— OK, je serais là dans cinq minutes.Je raccrochai et me mis à faire des photos du chef d’œuvre

qu’était devenu mon bolide. Chaque mot me rendait folle de rage.Lucia Fitzpatrick, je n’allais pas te rater, sache-le !

Nick arriva quelques minutes plus tard et resta abasourdi,j’aurais aimé qu’il me prenne dans ses bras le temps de quelquessecondes. Je fis un pas vers lui, mais il secoua imperceptiblementsa tête.

— Je vais remorquer ta voiture. Tu m’accompagnes au garage?

À l’heure actuelle, je devais déjà être à mon cours de sciencepolitique. Pour une fois dans ma vie, j’allais sécher les cours.

— Oui.— Monte dans la voiture.Le temps qui suivit passa dans un brouillard. C’est quand Nick

posa sa main sur ma cuisse que je remarquai qu’on était arrivés

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au garage. Je tournai ma tête vers lui, son regard était orageux. Ilétait en colère, mais elle n’était pas dirigée vers moi,heureusement.

— Attends-moi dans ma voiture. Je déchaîne ta voiture et onva à mon appartement.

Je fis ce qu’il me dit et puis nous nous mîmes en route.

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Chapitre 24NickChaque mot qui couvrait la carrosserie de sa voiture fit bouillir

mon sang. Je ne savais pas ce qui se passait parce qu’elle ne medisait rien. Je me montrais patient, mais je voulais aussi desréponses. On rentra à mon appartement après un court trajet ensilence.

— Je vais me nettoyer, j’arrive.J’étais couvert de cambouis. Je pris une douche sommaire et

fis mon possible pour retirer tout ce noir sous mes ongles. Ensortant, je trouvai le salon vide, je me dirigeai vers ma chambre etla vis allongée sur mon lit.

— Samantha ?— Viens t’allonger. Je n’ai pas la force de me lever.Je fis ce qu’elle me demandait et me couchai près d’elle. Elle

posa sa tête sur mon torse et je refermai mes bras autour d’elle.— Que se passe-t-il ?— Je ne suis pas sûre de savoir qui a fait ça à ma voiture, si

c’est ce que tu veux savoir.— C’est bien ça.— J’ai un petit doute. Je n’ai qu’une personne en tête. Tu te

souviens de Lucia ?— Hum.— Je trouvais qu’elle était trop calme dernièrement.Je me mis à lui caresser le dos en réfléchissant. Il fallait une

certaine force pour casser un pare-brise surtout en frappant aumilieu. Une fille, surtout cette blonde, n’en avait pas assez pourcela. Mais je ne lui fis pas la remarque de peur de l’inquiéter.

— Je pense qu’il serait temps qu’on sorte ouvertement. Je nepeux pas te protéger de la sorte.

— OK.Je l’allongeai sur le dos et me mis à l’embrasser. Elle passa

ses bras autour de mon cou. Je voulais lui faire oublier ce mauvaissouvenir. Je la regardai et touchai son pull. Elle comprit maquestion muette et le retira, ainsi que les autres vêtements, nelaissant que sa culotte et son soutien-gorge.

C’était la première fois que je voyais autant de peau de

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Samantha Mitchell et ce qui se trouvait sous mes yeux était la8ème merveille du monde. Je fis glisser mon doigt de son cou à sonnombril. Elle eut un frisson et cela me grisa.

— On ne va rien faire aujourd’hui, si ce n’est découvrir le corpsde l’autre. Ça te va ?

Elle hocha la tête, le visage tout rouge. Je ne saurais dire sic’était d’excitation ou de timidité, possible les deux à la fois. Jereculai pour retirer mon t-shirt ainsi que mon jean. Je portai unboxer noir et elle pouvait constater l’étendue de mon désir pourelle. Je me rallongeai et me mis à caresser son buste avant dem’arrêter en haut de ses seins.

— Ta peau est si douce. As-tu déjà fait cela avec un autre ?Elle se mordit la lèvre inférieure. Je ne voulais pas connaitre la

réponse, mais c’était plus fort que moi.— Oui, à ma deuxième année de lycée. Une très mauvaise

expérience si tu veux mon avis.— Je vais te la faire oublier.Elle me fit un petit sourire. Je me penchai et me mis à

l’embrasser sur le front, sur chaque œil, sur son nez, sur sabouche, avant de parsemer des baisers de son cou à ses seins, jedescendis les deux bonnets et fit de même sur leur bout avec lapointe de ma langue avant de souffler dessus. Ils pointèrent, cespetits boutons tout roses me faisaient des appels de phares, maisje devais me retenir. Pendant ce temps, avec ma main droite, jecaressais chacune de ses cuisses. L’odeur de sa peau m’enivrait,je n’avais qu’une envie, ne pas décoller ma bouche d’elle.

Elle posa une main sur mon dos et me caressa au début avechésitation puis avec affirmation. Je continuai à faire le contour dela pointe de ses seins avec ma langue. J’avais décidé de meconcentrer sur le haut de son corps. Si j’avais le malheur de merisquer en bas, cela serait plus difficile de s’arrêter.

La température avait grimpé dans la pièce, on haletait l’un etl’autre. Mais ce moment de tendresse rien d’à nous, nous fit dubien. Bien sûr, les problèmes étaient toujours là, mais ils pouvaientencore attendre, je n’étais pas pressé de les voir.

On mangea en tête à tête, parla de tout et de rien, maissurtout du comment on allait commencer à s’afficher devant toutle monde. S’il fallait attendre un soir de match et qu’elle me

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rejoindrait sur le terrain, ou plutôt à mon entraînement ou encoremieux devant sa classe et que je l’embrasserais devant tout lemonde. Aucune de ses propositions ne nous allait alors on décidaque quand le bon moment arriverait, on saisirait l’occasion.

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Chapitre 25SamanthaQuand Nick posa ses mains sur moi, c’était comme si un volcan

avait fait une éruption en moi. La chaleur grimpa d’un coup.J’avais eu une expérience similaire, je pensais que pour être une «fille cool », il fallait absolument perdre sa virginité au lycée, alorsle petit copain du moment semblait être le bon choix. Simplement, ilétait aussi sensible qu’un cobra. Peut-être qu’il n’avait pasd’expérience, mais mon sens du sacrifice n’était pas aussi grandpour que je supporte cela longtemps. On s’était quitté avec gêne,mais c’était le mieux pour nous.

Les années avaient filé et j’avais appris à chérir ce que lesautres filles perdaient pour être « tendance ». Mais ce soir, lamanière dont Nick me caressa me mis en confiance. Si c’étaitpour moi, on aurait pu aller au bout, mais je le respectais encoreplus pour m’avoir dit les limites du jour.

Je posai mes mains sur son dos et l’emprisonnai entre mesbras. Je sentais chacun de ses muscles danser sur ma peau. Ilnous fit tourner à un moment donné et me permit de caresser sontorse. Je ne me risquai pas plus bas. Je pouvais largement lesentir appuyer sur mon ventre. Au bout d’un moment, il m’arrêta etm’embrassa sensuellement, je compris que le cours du jour avaitpris fin.

Il fit son possible pour que les heures qui suivirent me fassentoublier ma voiture et les soucis de Kate. Mais je savais que cetteméthode ne fonctionnerait pas éternellement. À la tombée de lanuit, il me proposa de me raccompagner. Il faisait sombre,personne ne nous remarquerait, alors j’acceptai.

Arrivés sur le campus, il regarda de tous les côtés, guettant undanger. Il descendit et attendit du côté conducteur que je viennevers lui.

— Rentre directement, si tu as le moindre souci appelle-moi.D’accord ?

Au moment où je m’apprêtais à lui répondre, j’entendis monnom. Je me retournai vers l’entrée de la fraternité et restaipétrifiée.

Mon père, Phillip Mitchell, venait à ma rencontre, il semblait

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inquiet, ce qui était assez rare de sa part. On ne lisaitpratiquement jamais ses émotions sur son visage, peut-être qu’ilavait eu vent de quelque chose.

Il s’arrêta à quelques pas de moi, je m’avançai vers lui, touteraide. J’évitai de regarder Nick, je ne sais pas pourquoi, mais surle moment, j’étais juste abasourdie que mon père ait pu venir sansme prévenir.

— Samantha.— Papa ! Que fais-tu là ?— J’étais dans le coin, j’ai décidé de te faire une surprise. Mais

où étais-tu ?— J’étais au garage, mentis-je sans trop réfléchir. Ma voiture

a eu quelques petits problèmes.Il me regarda un moment avant de lever les yeux vers Nick.— C’est un étudiant qui travaille dans le garage, il a remorqué

la Mercedes et a proposé de me raccompagner.Je n’avais pas besoin de me retourner pour savoir qu’il n’avait

pas aimé ma réponse. Dire que j’avais rencontré ses parents etqu’il n’y a même pas quelques heures, on avait décidé de sortiraux vues de tous et voilà ce que je faisais. Comprenez-moi, j’étaissurprise. Jurez que vous n’auriez pas fait la même chose ?!

— Merci d’avoir raccompagné ma fille, jeune homme.— Ce n’est rien Monsieur. Si vous voulez bien m’excuser.Je me retournai pour le regarder monter dans sa voiture, au

moment où il mit le contact et me regarda, ce que j’y vis n’étaitpas de l’amour. Il avait la mâchoire serrée et j’avais bienl’impression que les jours à venir n’allaient pas être de tout repos.

Après avoir regardé sa voiture ainsi que lui s’éloigner, je meretournai vers mon père.

— Qu’est-ce qui t’amène vraiment papa ?— Et si on allait dans ta chambre ?Nous nous mîmes en route. J’avais juste l’impression que les

problèmes ne voulaient pas me laisser tranquille une minute et ilfallait que mon père vienne ce soir ! Quand je refermai la portederrière nous et que je me laissai tomber sur l’une des chaisesprésentes dans la pièce, il regarda autour de lui avant de prendrecelle en face de moi.

— Comment se passent tes cours ?

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Je soupirai. Je n’avais pas eu de ses nouvelles depuis Noël eton avait eu la même conversation dans son bureau, me répétantencore et encore le même discours.

— Bien. Je pense que tu reçois mes notes par mail, non ?— Oui.— Et si tu me disais ce qui se passe ?!— J’ai vu que tu faisais du tutorat de français.— Oui, et ?— Je pensais t’avoir dit d’arrêter.— Mes notes n’en souffrent pas, je ne vois pas pourquoi

j’arrêterais !Je me retenais de m’énerver contre lui. Pour lui, le seul moyen

que je me rappelle l’objectif qu’il avait fixé pour moi était d’êtresur mon dos la plupart du temps.

— Tu vas bientôt entamer une phase importante dans tescours, tu n’auras plus le temps pour cela !

— Je suis à même de savoir ça, non ? Et pourquoi ne medemandes-tu pas de quitter le poste de présidente de lafraternité, cela prend plus mon temps qu’autre chose. Donner descours de temps en temps à des élèves qui ne comprennent pas estlargement plus important que de supporter des filles pourriesgâtées qui râlent pour des bricoles.

Bien que mes parents affichent une indifférence devant moi etfassent le couple soudé devant les autres, mon père necontredisait jamais sa femme. Lui comme moi, savions pourquoi,ma mère avait des tendances bipolaires.

— Samantha ! me réprimanda mon père.— Je ne sais pas pourquoi tu as fait tout ce trajet ! Tu aurais

pu m’envoyer un mail, cela aurait eu le même effet ! Mince alorspapa. Je t’ai dit que je voulais autant que toi être Sénatrice. Je net’ai jamais déçue, je pensais que tu me ferais un peu plusconfiance.

Et je me retrouvais encore devant ce visage sans expression.Je me demandai si je le piquai, si son sang était aussi rouge que lemien. Je poussai un long soupir.

— On s’était mis d’accord non ? Je suivrais toutes les étapesque tu voulais, mais il faudrait que tu lâches la bride. Et puis papa,j’ai quelque chose à t’avouer.

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— Quoi donc ?— Le garçon de tout à l’heure n’est pas simplement un étudiant

travaillant dans un garage.— Mais encore ?Je ne savais pas quelle réaction aurait mon père et cela me

mettait mal à l’aise. J’étais prête à me battre pour notre relationmême si je ne l’avais pas démontré tout à l’heure devant Nick.

— C’est aussi mon petit ami.Mon père leva un sourcil comme il aimait le faire de temps en

temps quand les mots avaient du mal à faire un schéma dans satête.

— C’est un chouette garçon. J’ai rencontré ses parents. Ilssont modestes certes, mais je l’aime.

— Moi tout ce qui m’intéresse, ce sont tes études. Je suis tonpère, c’est mon devoir de m’inquiéter pour tes fréquentations. Tues encore jeune, tu dois vivre certaines expériences, mais faisattention à toi.

Et la palme d’or revenait à Phillip Mitchell. Il pouvait être rude,froid, manipulateur, mais s’il y avait bien une chose que j’aimais enlui, c’était qu’il savait m’écouter et me laisser le bénéfice du doutede temps en temps, au contraire de ma génitrice.

Il se leva et je fis de même. Il s’approcha de moi et posa unemain sur ma tête.

— Je sais que je peux être invivable, mais comme tu le sais, tues mon seul enfant.

— Oui papa, dis-je, la gorge nouée.Il s’en alla sur ses mots et moi, je venais réellement de me

rendre compte que j’avais fait une grosse boulette. Qu’allais-jefaire maintenant pour me rattraper ? J’allais laisser passerquelques jours, le temps de trouver une solution.

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Chapitre 26NickElle avait de grands mots. Même pas une heure qu’on s’était

décidés à vivre notre soi-disant amour au grand jour et ellen’avait pas eu le courage de me présenter à son père.

Je donnai un coup de pied à la poubelle qui se trouvait près demon bureau. La colère chantait dans mes veines. J’avais envie detout casser. Vraiment ! Non, mais vraiment ! Elle avait rencontrémes parents, peut-être que pour elle, c’était facile d’entrer dansma modeste famille, mais je n’étais pas assez bien pour la sienne!

Je donnai un coup de poing sur mon meuble. Cela faisait mal,très mal. J’étais prêt à tout. On avait vécu cette relation - oui, jel’avais approuvé - cachée pendant 1 an et pourquoi ? Pour meréveiller et constater que c’était un mauvais rêve ?!

Je ne fermai pas les yeux de la nuit, la journée allait êtrelongue. Je travaillai toute la journée au garage et sur sa voitureen plus. Arrivé au garage, Rico discutait avec une jeune femme, jefis comme si je ne l’avais pas vu et me dirigeai vers les vestiaires.Le temps de revenir, il m’attendait près de la Mercedes deSamantha.

— À qui est cette bagnole ? Hier après l’avoir déposé, tu esparti. Tu ne l’as pas volé au moins.

Je fis comme si je ne l’avais pas entendu, et pris un bloc noteafin de noter les pièces que je devrais commander. La peinturedevait être une spéciale, il me faudrait pas mal de couches pourcacher ses graffitis. Je me dirigeai vers le bureau pour voir surleur site les dimensions du pare-brise.

— Nick ! Tu ne me réponds pas ?— Tu n’as pas une femme à aller draguer ? Je ne suis pas

d’humeur, ça ne se voit pas ? Et puis, tu as des questions idiotes,tu penses que je suis assez bête pour gâcher mon avenir à volerune voiture ?

— Je… Tu…— Arrête de penser, ça ne te va pas.Je me remis au travail sur la vieille Cadillac de Madame

Navarro, sur laquelle elle passait son temps à tuer les plaquettes

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de frein. Cette fois-ci, elle avait même trouvé le moyen de tuer labatterie. Je me mis au travail comme si ma vie en dépendait. Je nefis aucune pause jusqu’au coucher du soleil.

Quand je me rendis au vestiaire pour me changer, Ricom’attendait. J’avais envie de frapper sa tête contre le casier.J’avais appris à contrôler ma colère, cela n’avait pas été facile,mais je savais ce que je devenais quand elle prenait le dessus.

— Nick, on doit parler.— Va trouver quelqu’un d’autre à qui faire la conversation.Je me nettoyai comme je pus dans le petit lavabo et retirai mon

bleu de travail. Je récupérai mes effets personnels et regardaimon téléphone. Pas d’appel ni de message. Je ne sais pas ce quime retint de le lancer contre le mur, peut-être que cela aurait étéune dépense que j’aurais regretté plus tard.

Au moment où je m’apprêtais à sortir de la pièce, Ricom’attrapa le bras. Je réagis sans m’en rendre compte et leplaquai contre le mur, le choc fut brutal, vu sa grimace.

— Non, c’est non. Même ça, tu n’es pas capable de lecomprendre ? Le monde ne tourne pas autour de ce que tuvoudrais bon sang !

Je le repoussai encore une fois. Tout ce que je gardais pourmoi depuis des années, fit surface.

— Tu vois ce garage ? Si je n’étais pas là, il aurait déjà coulé.Tu penses que je vais rester éternellement ici ? Je le fais parceque j’ai besoin d’argent, mais rien ne m’empêche d’aller chercherdu travail autre part ! Ne la ramène pas et continue de draguertout ce qui passe. Le jour où l’une de ses femmes prendra tesdragues de travers ne vient pas pleurer auprès de mon père pourqu’il te sauve. Parce que je lui dirais de ne pas le faire !

Il me fixa bouche bée. Je le lâchai et quittai la pièce. Je me misà errer dans la ville comme une âme en peine. Pourquoi n’avait-elle pas appelé pour au moins me dire ce qu’elle avait dans la tête? Je ne dis pas que je lui aurais pardonné tout de suite, mais monpère ne m’avait pas dit d’apprendre à écouter ?

Je rentrai chez moi au bout de deux heures d’errance et melaissai tomber sur mon lit. Je ne savais pas ce que les jours àvenir me réservaient, mais si j’avais cru avoir mal quand elle nem’avait pas reconnu comme étant son petit-ami, la scène que

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j’allais bientôt voir allait me détruire plus qu’autre chose.

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Chapitre 27SamanthaDeux semaines avaient passé et je n’avais toujours pas trouvé

le courage de l’appeler. Appelez-moi lâche si vous le voulez, je nevous dirai rien. Chaque fois que je composais son numéro, jem’arrêtais avant d’appuyer sur « appeler ».

J’aurai aimé avoir quelqu’un à qui demander conseil, maispersonne ne pouvait m’aider. Kate avait ses problèmes à gérer, jen’allais quand même pas lui ajouter les miens. Et voilà que c’était ànotre tour d’organiser une fête. Les filles étaient surexcitées. Jedevais superviser le moindre détail comme si c’était le bal ducouronnement d’un roi.

J’avais reçu un appel de Rico me disant que ma voiture étaitprête et que je pouvais venir la récupérer. Comme une lâche,j’avais demandé quand Nick ne travaillait pas. Il ne me posa pasde questions, mais j’étais sûre qu’il ferait passer le message et çam’avait encore poussé à ne pas entrer en contact avec lui.

Lâcheté quand tu nous tiens.On était vendredi soir, la fête allait bientôt commencer et moi,

j’étais terrée dans ma chambre. Sur conseil de sa psy, Kate allaitparticiper, j’avais promis de ne pas la lâcher d’une semelle. Ellem’avait dit qu’elle prendrait une bouteille d’eau du distributeur etque je pouvais m’amuser si je le voulais. J’avais failli lui dire, si tusavais.

Vêtue d’une robe noire comme mon humeur ainsi que desandales à talons, je quittai ma chambre pour ma séance detorture. Je m’arrêtai à l’entrée de la salle de bal. La décorationétait digne d’une boîte de nuit. Le DJ était sur l’estrade, il passaitune musique qui agressait mes oreilles, c’était le seul sujet pourlequel je n’avais pas eu mon mot à dire. Je fis un tour de la sallepour être sûre que tout allait pour le mieux. Kate était debout dansle fond. Elle me fit un petit signe et me montra sa bouteille. Je luifis un sourire.

Je ne me sentais pas bien dans ma peau. Je n’avais jamaisaimé ses fêtes et la musique me donnait la migraine. Je medirigeai vers mon bureau - parce que je devais rester dans lesparages en cas de problème - quand on me tira le bras. Je me

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retournai d’un coup et tombai nez à nez avec mon cauchemarvivant. Je pensais vraiment qu’il avait abandonné, mais il faut direque chaque fois que l’alcool entrait en scène, il devenait plus bêtequ’il ne l’était déjà. Et dire qu’il n’était que vingt-deux heures.

— Lâche-moi, dis-je entre les dents.Il fit un pas vers moi, je reculai, mais butai contre le mur, j’étais

coincée encore une fois. Mon bureau était au fond du couloir ettoutes les autres portes étaient verrouillées. Quelles étaient meschances aujourd’hui ?

— Tu m’as manqué, souffla-t-il à mes oreilles.Son odeur souleva mon cœur. Un mélange de sueur, d’eau de

Cologne, d’after-shave et d’alcool. Ne prenait-il pas de douche ?— Lâche-moi, tu es sourd ou quoi ?J’essayai de le repousser, mais dans notre lutte, il se déplaça

et m’embrassa. Le temps d’une seconde, je restai pétrifiée avantde le repousser de toutes mes forces. Je m’apprêtai à le frapperquand mes yeux tombèrent dans ceux que je rêvais de revoirdepuis des jours, mais à l’heure actuelle, ils affichaient tristesse etcolère.

Cet imbécile de Dean profita encore de sa chance etm’embrassa, je le repoussai cette fois au point qu’il perditl’équilibre et tomba. Je fis un pas vers Nick, mais il recula etregarda le fléau de ma vie par terre puis me regarda avant deme lancer un regard rempli de haine ? De colère ? De tristesse ?Un regard chargé de sentiments avant de tourner les talons.

À chaque pas qu’il faisait, c’était une part de mon cœur qu’ilprenait. Voilà ce qui arrivait quand on cachait quelque chose àl’être qu’on disait aimer. À la personne qui avait le plus confianceen vous.

Dans ce couloir vide, je perdis une partie de moi.

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Chapitre 28NickMatt, je le maudissais pour tout cela. C’était sa faute ! Il

m’avait convaincu de le suivre à cette maudite fête. Je ne voulaispas, mais l’idée de la voir, même de loin, m’avait traversé l’esprit,alors je m’étais retrouvé dans ce bâtiment sans m’en rendrecompte.

Au moment où elle avait quitté la salle d’où sortait ce que cesjeunes riches appelaient musique, je m’apprêtais à l’appeler, maisun mec était sorti de la salle. Je le regardai prendre le mêmechemin. Je ne m’attendais vraiment pas à cette scène. Mon cœur,mon esprit, mon être, et surtout mes yeux, ne croyaient pas à cequ’ils voyaient. Une tristesse profonde prit place en moi avant quela colère ne la remplace quand elle afficha son air coupable.

Je regardai cette merde par terre et il me rappela celui quipassait son temps à venir au garage pour des brouilles et faisaitun cinéma pour ne pas payer. Dean quelque chose.

Je ne voulais plus la voir, plus respirer le même air qu’elle.J’avais cru qu’elle était celle que tout homme cherche un momentdans sa vie - ma moitié, celle qui comblait le vide qui était en moi.Je m’étais trompé !

Je me dirigeai sans m’en rendre compte vers la salle de sport.Trouvant ce que je cherchai, je me remis en route vers le parkingdes Delta. Le 4X4 refait de ce Dean me faisait face. Il en étaittellement fier. Au premier coup de batte de base-ball, un plaisirimmense me prit. Je détruisis sa voiture et pourtant, ma colère nese calmait pas.

Je rentrai chez moi, je ne passais jamais autant de tempsdans mon appartement que depuis ces derniers jours. L’impressionque les quatre murs se refermaient sur moi se faisait de plus enplus sentir.

Je fis mon possible pour ne pas penser à elle, mais être sur cecampus, passer devant la bibliothèque, tout cela ne faisaitqu’augmenter ma colère, autant que ma peine. On disait qu’ilvallait mieux ressentir les émotions que pas du tout, mais moi,j’aurais préféré ne rien éprouver. Je savais que j’étais sur le boutdu fil et celui qui allait tomber sous ma main n’allait pas bien s’en

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sortir.Il fallut qu’il débarque dans notre garage pour faire l’arrogant,

le vendredi. J’entendis Rico lui dire qu’il devait payer d’avance etlui, répliquer qu’il n’était qu’un parasite, qu’il lui faisait une fleur envenant dans son taudis. Mon sang ne fis qu’un tour, je me dirigeaivers eux et lui mis un coup de poing. Il recula de quelques pasavant de foncer sur moi.

La colère avait décuplé ma force. Il avait osé poser ses mainssur Samantha, juste pour ce fait, je le haïssais. Je l’esquivai et luifauchai les pieds. Il tomba tête la première, j’en profitai pour leretourner et me mettre à califourchon sur lui. Je le frappai encoreet encore. Ce fut Rico qui me fit une prise à la gorge et m’éloignadu corps de Dean.

— Arrête-toi Nick ! Tu fous quoi, bon sang ?!— Lâche-moi !— Il n’en vaut pas la peine. D’habitude, c’est toi qui me retiens.— Lâche-moi, je te dis ou je te fais passer par-dessus.Il desserra sa prise, et me traîna loin de Dean. Celui-ci se

releva et pointa un doigt sur moi.— Je ne risque pas d’oublier ce qui s’est passé. Nick, tu

t’appelles ? Je vais m’en souvenir.Je fis un pas vers lui, mais Rico me ceintura.— Sors d’ici avant que je ne t’amoche plus que tu ne l’es déjà

et ne mets plus un pied ici.— Tu me le payeras, cria-t-il avant de filer.Je repoussai Rico et me dirigeai vers les vestiaires. Et dire que

dans quelques heures, j’avais un match ! Mon entraîneur allait metuer, mais je n’en avais cure. Je pris mes clés et rentrai chez moipour me mettre de la glace sur la main.

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Chapitre 29SamanthaEncore une fois, je ne savais pas comment aller vers lui. Alors

je proposai à Kate de venir avec moi assister à son match. Elle nem’avait pas posé de questions sur ma nouvelle lubie, mais jesavais que ça l’avait surprise.

Lundi matin, il y avait eu une foule sur le parking des Delta, lavoiture de Dean avait été détruite et je n’avais pas eu besoin desavoir qui en était la cause. J’avais essayé de l’appeler, maisencore une fois, le courage m’avait fait défaut. Ne vous inquiétezpas, moi-même, je commençais à ne pas me supporter.

On prit place sur les gradins. Les pom-pom girls dansaient,mais j’attendais le moment où il rentrerait sur le terrain. Jebougeai sur ma chaise et Kate finit par me lancer un drôle deregard.

— Sam, tu ne me caches rien ?— Je ne vois pas de quoi tu parles.— Je ne te savais pas fan de basket.— J’ai assisté à un match par hasard et j’ai bien aimé. Rien de

plus.Je n’étais pas fière de mentir, mais tant que je n’aurais pas

parlé à Nick, je ne pouvais pas lui avouer.Les joueurs entrèrent sur le terrain, je le cherchai du regard et

le vis à côté de Matt, son meilleur ami. Celui-ci semblait lui direquelque chose, mais il ne l’écoutait pas. De là où j’étais, je pouvaissentir la tension qui se dégageait de son corps. Je me mordis lalèvre, je n’aurais pas dû laisser autant de temps sans lui parler.

L’arbitre siffla le début de la rencontre, celle-ci se passa bienpendant le premier quart-temps, mais un joueur de l’équipeadverse bouscula Nick au point de le faire tomber. Celui-ci sereleva en colère et fonça sur lui. Je fermai les yeux pour ne pasvoir la suite. Toute cette autodestruction était de ma faute. Jen’avais plus la force d’assister à cette scène. L’arbitre siffla cequi mit fin à la partie.

Je vis Matt tirer Nick vers les vestiaires. Je me levai et pris lamain de Kate.

— Rentrons.

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— Il se passe quoi ?— Le match est arrêté, ça ne sert à rien de rester.On sortit de la salle, l’avancée fut difficile, les spectateurs

étaient en colère, leur joueur vedette qui se battait, une grandepremière. Cela allait faire le tour du campus. On remonta lesentier jusqu’à la fraternité. Je voulais aller le voir, mais jepréférai qu’il se calme.

J’abandonnai Kate devant sa chambre et lui souhaitai bonnenuit, j’entrai dans la mienne et fermai la porte. Je me laissaitomber sur mon lit avec un grand soupir. Je regardai l’heurepasser et en attendis trois bonnes avant de lui téléphoner. Lessonneries se succédèrent les unes après les autres sans aucuneréponse. Je m’endormis le cœur serré.

Le lendemain, la première chose que je fis fut de lui téléphoner,cette fois-ci, c’était la messagerie. Je pris une douche et medirigeai vers son appartement. Je me servis de mes clés et entrai.Ce fut le silence qui m’accueillit. Mais où pouvait-il être ?

Je rentrai au campus étant encore plus perturbée.Une semaine, un mois, je continuai de le supplier de me

téléphoner, mais il ne le fit pas. Un soir, je surfai sur YouTube, jeme rappelai ce samedi où j’étais avec Jess, la mère de Nick. Ellem’avait fait écouter quelques musiques de l’Amérique latine bienqu’elle soit une fan inconsidérée de Shakira. Je tombai sur unchanteur portoricain du nom de Tito, « El Bambino », sa chansonTe pido perdon où il demande pardon. Je me mis à pleurer alors jela laissai sur son répondeur, espérant qu’il comprenne monmessage.

El amor se ase fuerte cuando uno perdonaL’amour devient fort quand on pardonnePorque ama y quiere ven favor te lo pidoPar amour; je t’en prie, je te le demandePues me muero por regresar contigoCar je meurs d’envie de revenir à tes côtésLa soledad me tormenta en las nochesLa solitude me tourmente toutes les nuitsLa vida sin ti no es igualLa vie sans toi n’est pas pareilleDe mi que sera hoy te estiendo yo mis manos pidiendote una

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oportunidadQue deviendrai-je ? Aujourd’hui je te tends la main et te

demande une chance.Un mois en avait ramené deux et nous étions au quatrième

mois. Je ne savais pas comment interpréter ce silence.

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Chapitre 30NickJ’avais touché le fond. J’avais écopé de quatre matches de

suspension et un plâtre à la main droite. Le soir même de labagarre, mon père m’attendait à l’appartement. J’appris que Ricoavait cafté auprès de sa mère qui l’avait répété à mon père.

Je m’installais à ses côtés sur le canapé. Il me prit la maindroite et me regarda. Ce que j’y vis me fit culpabiliser. Il était monhéros, mon pilier, s’il était mal, je ne serais pas mieux.

— Nick, pourquoi ne m’as-tu pas appelé ? Ou ta mère ? Tusais qu’on sera toujours là pour toi.

Je le pris dans mes bras et pleurai. La dernière fois que jel’avais fait, c’était à la mort de Francisco.

— Pardon papa. Pardon.— Le temps guérit les blessures, Niño. Allons à l’hôpital te faire

une radio. C’est bizarre que ton coach ne t’ait pas accompagné.— Je lui ai faussé compagnie.— On rentre à la maison après. Tu pourras toujours reprendre

les cours après.Je fis tout ce qu’il me demanda. Lors de la radio on découvrit

que je m’étais foulé le poignet. Une attelle et une immobilisationcomplète étaient nécessaires pour la guérir. En arrivant à lamaison, mon père prit ma mère à part pour que je puisse mereposer. Les médicaments firent effet instantanément.

Le lendemain, je découvris des appels de Samantha, de Mattet de mon coach. Jéteignis mon téléphone et restais couché.

Une semaine, puis deux, puis un mois passèrent jusqu’à ce quele médecin me dise que tout allait bien pour ma main. Je neretournai pas au campus pour la peine. Je risquai de refaire monannée si je ratai encore les cours, mais je pouvais me rattraper.

Ses appels passaient directement sur ma messagerie. Audébut, c’était trop difficile d’entendre sa voix alors je lesarchivais, puis un soir, j’étais tombé sur la chanson qu’elle avaitlaissée. Je ne savais pas pourquoi elle était désolée et pourl’instant, cela ne m’intéressait pas.

À mon retour en cours, je dus bosser deux fois plus pour ne pasavoir à faire des rattrapages pendant les vacances d’été, ce fut

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dur. Le retour à l’entraînement fut le plus difficile. Le capitaine,celui qui était censé montrer l’exemple, avait été sanctionné. J’eusdroit à un savon de mon coach, mais il me demanda de gagner lechampionnat si je rêvais de continuer dans l’équipe.

Matt me suivait partout en silence de peur que je ne perdeencore mon calme, il ne me taquinait plus avec les sujets où j’étaisun maître Yoda et ça m’allait très bien.

Après quatre mois les choses s’étaient tassées. Mais un jour, jetombai sur une enveloppe. À l’intérieur se trouvait une coupure dejournal sur la mort de Francisco, je sentis la terre sous mes piedss’ouvrir et je sus que les ennuis allaient vraiment commencer.

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Chapitre 31SamanthaJe perdais mon calme facilement ce qui n’était pas dans mes

habitudes. La diplomatie, c’était le mot clé pour toute dispute.Mais il fallut que deux bimbos de la fraternité viennent me voirpour des broutilles. Je les mis à la porte avec un avertissementdes plus sévères, c’était injuste, mais je n’avais plus la force defaire semblant.

Kate assista à la scène sans rien dire. Ce qui me faisaitencore plus mal, c’était que j’avais appris que non seulement Nickne s’était pas contenté de se battre lors du match ce soir-là, maisavant cela, il avait battu Dean qui avait dû être hospitalisé quatrejours.

J’entendais par-ci par-là que Dean n’était pas près d’oubliercet affront et cela me faisait peur. Je savais que c’était de mafaute. Si j’avais parlé du premier incident à Nick, il aurait comprisque ce baiser n’était pas partagé, mais forcé.

Je poussai un soupir et regardai Kate. Elle allait mieux etj’étais contente pour elle. Je la voyais sortir toute seule de plus enplus. Bien sûr, elle n’allait plus dans les fêtes des fraternités et jene lui donnais pas tort.

— Cela te dit de sortir ce soir ? me demanda-t-elle.— Tu sais, l’alcool et moi…— On a tout prévu, il y aura un taxi mis à notre disposition et

l’une d’entre nous veillera qu’on rentre tous dans notre chambresans croiser un violeur.

Je regrettai que l’enquête sur l’adresse IP n’ait rien donné.J’aurais fait un cas à ce type, mais ce n’est pas toujours notrejour de chance.

Je me laissai tomber sur ma chaise en gémissant.— Pourquoi pas, après tout, ça me fera du bien de sortir un

peu. C’est quand ?— Vendredi soir.Je me mordis la lèvre, il avait son match retour. Cela me ferait

plus de mal de le voir de loin en sachant que je ne pourrais mêmepas le voir après.

— OK.

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Elle me sourit et retourna à son livre de droit. Et moi dans mespensées. Je me rappelai ma conversation avec la mère de Nick.Elle n’était pas fière de moi, mais elle avait décidé de m’écouter.

— Sam, je ne sais même pas si je dois t’écouter, m’avait-elledit. Je sais que tu aimes Nick, si je n’avais pas vu cet amour danstes yeux, je lui aurais déjà dit de t’oublier.

Elle avait poussé un soupir et je m’étais mise à pleurer commesi on m’avait dit que j’avais perdu quelqu’un de cher, mais c’était lecas, non ?

— Tu peux encore te rattraper, mais ne soit pas lâche ! Plus letemps passera et plus les blessures seront plus difficiles àrefermer. Je ne peux pas te dire qu’il va bien et c’est ce qui merend si fâchée contre toi. Je t’avais prévenu et tu m’as déçue.

— Je ne voulais pas.— Je sais qu’à cet âge-là ce n’est pas facile de tout gérer et

surtout quand on sait que c’est le bon, c’est encore pire.— Le véritable amour ? avais-je répliqué surprise.— Oui. C’était pareil pour son père et moi sauf que je n’ai pas

attendu pour aller me traîner à ses pieds. La peur de le perdrem’avait tétanisé. Je ne sais pas ce qui se passe dans ta tête,mais il faut te ressaisir et vite. Je ne serai pas très patiente, c’estmon fils unique, je ne peux pas le regarder détruire sa vie pour unefille qui n’a pas le courage d’affronter ses erreurs.

Je n’avais pas eu le temps de lui répondre qu’elle avaitraccroché. Ses paroles m’avaient rendu plus misérable que je neme sentais déjà et pourtant, je n’avais rien encore fait.

J’irais le voir samedi soir. D’ici-là, j’aurais trouvé un moyen deremettre toutes mes peurs dans un coffre et de me gonfler encourage.

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Chapitre 32NickJe ne savais pas qui s’amusait à m’envoyer des coupures,

mais chaque semaine j’avais droit à une nouvelle. Ma colère nefaisait qu’augmenter de savoir que ce lâche se cachait quelquepart près de moi et de ne pas connaitre de qui il s’agissait.

J’avais décidé de les entasser sans les ouvrir, mais je n’aimaispas ce jeu du chat et de la souris. J’étais au garage avec Rico quiétait devenu un petit ange ses derniers mois, même sa mère,après m’avoir grondé, m’avait remercié.

En ce moment, il sortait avec une fille que sa mère lui avaitprésentée, une Mexicaine prénommée Marta, elle était si petite detaille que chaque fois que je la voyais, j’avais peur de marcher surelle. Rico avait râlé pendant quelque temps, mais le charme de lajeune femme avait su dompter ses réticences. Elle s’occupait de lapaperasse que je faisais avant alors je l’appréciais encore plusquand elle hurlait sur Rico pour son manque d’attention.

Le garage allait pour le mieux et même un nouveau membrenous avait rejoint. Je ne l’appréciais pas trop, alors tant qu’il neme parlait pas, ça m’allait parfaitement.

Je me battais contre un boulon d’un vieux tacot. Je serrai lesdents pour m’empêcher de dire des gros mots quand une ombre mecacha la lumière. Je me retournai et tombai nez à nez avec mamère. Je lui souris avant de lui faire un baiser sur les deux joues.

— Que fait la femme de ma vie ici ?— J’étais dans les parages, j’ai décidé de venir te faire un

petit coucou.Je lui jetai un regard dubitatif. Je ne la croyais pas, mais je fis

comme si.— Donne-moi une minute, le temps que je me nettoie et on va au

café du coin.— Prends ton temps, je vais aller m’installer.Elle tourna les talons et je me mis à la regarder pensivement.

Quelque chose la tracassait et je savais que j’y étais lié. Je latrouvai attablée à une table du fond avec un cappuccino devantelle et une tasse de café posée en face, pour moi.

— Mama, qu’est-ce qui se passe ?

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Elle me caressa la joue en souriant.— Comment vas-tu ?— Je vais bien merci et toi ?— J’ai connu mieux.Pour qu’elle réponde pour elle et non pour mon père et elle, me

mit la puce à l’oreille et mon inquiétude grimpa en flèche.— Maman ? Tu es malade ? C’est papa ?— Non, non. Nous sommes en bonne santé.— Alors qu’est-ce que tu as ?— As-tu parlé avec Samantha ?Je tournai la tête pour qu’elle ne puisse pas lire dans mes yeux.

Elle prit mes mains dans les siennes et les serra doucement.— Je ne sais pas ce qui s’est passé entre vous. Mais si aucun

de vous ne décide de faire le premier pas…— Maman, la coupai-je. Je ne veux pas en parler. J’ai cru à un

moment qu’elle était ce qu’on aime dire quand on voit le monde enrose, « la femme de ma vie », mais je me suis trompé.

— Non, tu ne t’es pas trompé, Nick ! Je t’ai vu avec elle, je saisdistinguer un amour de passage de ce qu’on appelle le « véritableamour ». C’est ton soleil et toi, tu es le tournesol qui a besoin de luipour qu’il puisse éclore.

— Maman je ne te savais pas si fleur bleue.— Cesse un peu de faire l’enfant.— Je ne fais pas l’enfant, voyons. Je suis content de te voir,

mais laisse-nous gérer cela, veux-tu ?!Je regrettai le ton que j’avais employé. Je savais qu’elle voulait

mon bonheur et moi, je voulais qu’elle soit heureuse, mais c’étaitjuste un mauvais essai. Qui sait la prochaine sera la bonne, s’il y aune prochaine.

— Je viendrai ce week-end à la maison, d’accord ?— D’accord, mon bébé.Je lui fis un sourire et l’embrassai sur les deux joues avant de

m’en aller. J’espérai qu’un jour, je n’aurais plus jamais à la rendreaussi triste. Mes parents étaient mes piliers et sans eux, je mesentais perdu et en ce moment, je l’étais complètement.

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Chapitre 33SamanthaJe me demandai pourquoi j’avais décidé de suivre ces folles.

Kate m’avait prévenue qu’elles pouvaient faire des scènesmémorables quand elles avaient un coup dans le nez. J’avais dûen empêcher une de faire un striptease sur la table, et une autrede se battre contre une femme qui avait eu le malheur de lui direde baisser le ton.

Après les avoir mises dans un taxi, je me retrouvai avec Katedevant une tequila orange. J’avais besoin de décompresser et quoide mieux qu’un peu d’alcool pour vous faire oublier ? Je ne tienspas bien l’alcool alors ce petit verre suffit à faire tourner ma tête.Je me remis donc à l’eau et écoutai Kate parler.

— J’ai rencontré un garçon gentil pendant ma thérapie.— Ah bon ?— Oui, il étudie au MIT¹dans la section biotechnologie.— Intéressant, lui dis-je en souriant.Elle continuait à parler, mais je ne l’écoutai plus. Il faut dire que

mon cerveau était dirigé vers un jeune homme dont les yeux mefaisaient penser au ciel avant l’orage. Je repensai au peu detemps que j’avais passé avec lui et les larmes remplirent mesyeux. Je regardai Kate avec une mine piteuse.

— Tu sais, je peux être très lâche quand je m’y mets ?Elle me regarda bizarrement. Je dois avouer que peu de

personnes savaient que je me contrôlais pour que mon caractèrede rousse ne prenne pas le dessus. Je pouvais être une vraiegarce à mes heures perdues. La lâcheté, ce ne fut que cetteannée que je découvris qu’elle était dans mes gênes.

— Sam ? Tu es sûre que ça va ?— Je te promets de tout te raconter… un jour.Je me levai et lui fis un baiser sur la joue.— J’ai quelque chose d’important à faire. Désolée de

t’abandonner.Je me dirigeai vers la porte et m’arrêtai pour la regarder.— Si cet homme remplit le vide qui est en toi, bats-toi pour lui

jusqu’au bout.Elle me gratifia d’un sourire, je pense qu’elle m’avait comprise

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et ne me jugeait pas. C’est ce qui m’avait toujours plu en elle.J’arrêtai le premier taxi que je croisai et lui donnai l’adresse de

Nick. J’aurais dû faire cela depuis des mois déjà et j’espérai justene pas le regretter.

Je descendis de la voiture en disant au chauffeur de garder lamonnaie et me dirigeai vers son immeuble. La montée fut difficile,mais frapper fut pire.

1 : Massachusetts Institute of Technology

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Chapitre 34NickLes coups à ma porte me réveillèrent en sursaut. Je regardai

mon réveil et vis qu’il était deux heures du matin. Qui pouvait biendébarquer chez moi à cette heure-ci ? Je me traînai vers la porteet l’ouvris. Je restai figé et la regardai. La voir me fit mal. Et lemanque que j’avais essayé à tout prix d’oublier, refit surface.

— Qu’est-ce…Elle ne me laissa pas le temps de finir ma phrase et me sauta

au cou tout en me repoussant dans l’appartement. Je ne savaispas si on avait refermé la porte, mais une chose était sûre, c’étaitqu’on ne pouvait plus me séparer d’elle à ce moment-là. Je laserrai dans mes bras et lui rendis son baiser. On se sépara letemps de mieux reprendre notre souffle avant de recommencer oùon s’était arrêté. Je portai un t-shirt sur un boxer, elle tira dessus.Je ne m’étais même pas demandé pourquoi je sentais le goût del’alcool dans ma bouche ?

— Samantha, lui dis-je en la repoussant un peu. Tu es saoule ?— Non, j’ai bu qu’un verre pour me donner du courage alors, s’il

te plaît, ne me repousse pas.Je caressai sa joue en soupirant.— Tu me tues, tu sais ça ?Je retirai son gilet avant de m’attaquer à la fermeture éclair

de sa robe, tout ça en la regardant dans les yeux.— Tu es sûre de toi ? lui demandais-je.— S’il y a bien quelque chose dont je suis sûre depuis le début,

c’est que tu es le bon.Je n’eus pas besoin de plus d’encouragement et la pris dans

mes bras pour nous diriger vers la chambre. Je la posai au pied dulit et lui dégrafai son soutien-gorge. Elle posa sa main sur montorse et je fus parcouru de frissons.

— Tu m’as tant manqué, me dit-elle les yeux emplis de larmes.Elles se mirent à couler le long de ses joues, je les embrassai.

Je la pris dans mes bras et la serrai fort contre moi.— Je vois, j’aurais dû te stopper, ce n’est pas le bon moyen de

se réconcilier, mais je ne veux pas me moquer de ton couragealors on ferra comme tu voudras.

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Elle se dégagea de mes bras pour s’allonger sur le lit. Elleportait un string noir, sur sa peau couleur lait. J’avais la gorgesèche, les mains qui tremblaient comme si c’était la première foisque j’allais faire ça. En tout cas, c’était la première fois où çacomptait vraiment.

Je m’allongeai près d’elle et fis glisser mes doigts de son cou àses seins avant de m’arrêter au-dessus de sa féminité.

— Que tu es belle !J’embrassai son ventre et la sentis frissonner sous mes lèvres.

Je me mis à descendre son sous-vêtement tout en surveillant sanervosité. Son calme me perturbait, mais je pensais que c’étaitplutôt à moi de me calmer. Après l’avoir retiré, je la regardai de latête aux pieds. Ses cheveux roux me faisaient penser à desflammes qui couvraient son dos, ses yeux un puits remplid’émeraudes, ses lèvres pulpeuses, gonflées par nos baisers, m’enréclamaient d’autres. Son long cou, je rêvais d’y poser masignature avec un ou deux suçons. Ses seins, j’allais me faire unplaisir de les honorer, son ventre plat… mais le plus important, cetendroit où personne n’avait posé sa marque allait être à moi àpartir d’aujourd’hui.

— Nick, me dit-elle en ouvrant les bras.Je remontai son corps en me frottant à elle. Elle les referma

sur moi et m’embrassa avec douceur.— Cela risque de te faire mal.— Je sais, je suis préparée.Je regardai la pointe de ses seins qui m’appelait. Il n’y avait

pas à dire, elle était vraiment prête. Je pris celui de gauche dansma bouche pendant que je caressai celui de droite. Je l’entendishaleter et cela me grisa. Les dix minutes qui suivirent, je vénéraisa poitrine. Ce fut elle qui finit par crier grâce.

— Je t’en prie, Nick.Elle souleva ses hanches pour me faire comprendre ce qu’elle

voulait réellement. J’ouvris ses jambes et passai un doigt sur sonintimité et constatai qu’elle était bien mouillée. Je fis entrer un demes doigts en elle, entamant un lent va-et-vient. Je levai la têtepour la regarder et remarquai qu’elle avait les yeux fermés etqu’elle se mordait la lèvre inférieure.

Je me relevai et me positionnai au-dessus d’elle.

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— Regarde-moi, Samantha.Elle ouvrit lentement les yeux, ses joues étaient rouges de

plaisir et cela fit battre mon cœur. Je me positionnai entre sesjambes.

— Je vais y aller doucement, n’hésite pas à me dire si tu asmal.

Je glissai ma main entre nous et mis mon sexe à l’entrée dusien. Je me penchai pour l’embrasser et poussai millimètre parmillimètre. Elle s’agrippa à moi et serra ses muscles vaginaux.

— Détends-toi, lui dis-je à la fin de notre baiser. Regarde-moidans les yeux.

Je progressai lentement, la sueur me coulait dans les yeux. Jebutai contre son hymen puis poussai un coup avant dem’immobiliser.

— La douleur va se calmer dans quelques secondes, dis-je lesdents serrées. Le temps que tu t’y habitues, embrasse-moi.

Ce n’était pas agréable pour la fille, mais pour l’homme nonplus. Bien qu’elle souffrait plus que moi. Je devais lui occuperl’esprit pour qu’elle ne puisse plus y penser. Elle passa ses brasautour de mon cou et me serra contre elle tout en m’embrassant.Quelques secondes passèrent avant que j’amorce un mouvement.Je me retirai doucement pour revenir tout aussi lentement. Ellegémissait et c’était tout ce qu’il me fallait. Je savais que demain,elle aurait mal partout, mais qu’elle serait comblée.

Nos soupirs remplirent la chambre et la température grimpatrès vite. Je lançai mes hanches dans une danse sensuelle pournous amener tous les deux au paradis. Mon plaisir remonta le longde ma colonne vertébrale avant que je jouisse. Je grondai avantde m’immobiliser, déposai un baiser sur son front et sortislentement d’elle. Je m’allongeai derrière elle et la pris dans mesbras.

— Dors, ma belle Samantha.Elle se retourna dans mes bras et me fit un baiser timide avant

de nicher sa tête sous mon cou. J’attendis que sa respiration soitrégulière pour prendre pleinement conscience de ce qui venait dese passer. Je m’endormis le sourire aux lèvres.

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Chapitre 35SamanthaJe me retournai sur le lit de Nick avant qu’une douleur entre

mes jambes ne me fasse gémir. La nuit avait été plus queparfaite. Si j’avais dû rêver de ce moment, je ne pense pas quej’aurais pu faire mieux.

J’ouvris les yeux et trouvai la place à mes côtés vide. Je tendisles oreilles et entendis l’eau de la douche couler. Je poussai unsoupir. C’était beau tout ça, mais il fallait qu’on parle maintenant.La passion, c’était une chose, mais la suite s’en était une autre.

Quelques minutes plus tard, Nick entra dans la pièce. Je merelevai doucement et lui fis un petit sourire.

— Tu ferais mieux d’aller prendre une douche.Je n’arrivai pas à interpréter son ton.— OK.Je me levai lentement, cherchai ma robe et la vit nulle part

alors je m’enroulai dans les draps et me rendis sous la douche.L’eau fit du bien à mon corps, mais mon esprit était encore toutflou. Je pris la serviette qu’il avait mise à ma disposition et sortis.

Il était dans la cuisine, j’en profitai pour retourner dans lachambre afin de trouver quelque chose à me mettre sur le dos.Sur le lit se trouvaient un t-shirt et un caleçon, je les enfilais etallai le rejoindre. Il avait posé ma tasse sur la table basse etm’attendait. Il me fit signe de prendre place près de lui et me latendit. On but en silence, mais je savais qu’on ne faisait quereculer pour mieux sauter.

— Samantha.— Je sais. Je suis désolée, lui dis-je.— Tu sais que tu m’as fait du mal ?— Oui.— Oui ? C’est tout ? Tu n’as rien de mieux à me dire ? On

prévoit de sortir ensemble devant tout le monde et le soir même, tun’es pas capable de me présenter à ton père ?

— Mais…— Quoi mais ? Je t’ai présentée à mes parents. Je voulais

qu’on vive comme un couple normal.— J’ai dit à mon père qui tu étais après que tu sois parti.

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— Mais toi, tu… Qu’as-tu dit ?— Mon père sait pour nous. Il ne m’a rien dit. Il m’a juste

demandé de ne pas oublier mon objectif.Il me dévisagea un moment avant de soupirer.— Ce n’est pas tout, dit-il au bout d’un moment.— Dean ! Ce n’est pas ce que tu crois. Il me court après depuis

des mois. Le soir où j’avais le bleu sur la joue, c’était de sa faute.Il serra la mâchoire.— Je vais le détruire.— Non ! Il n’en vaut pas la peine. Je sais ce que tu as fait,

mais Nick, tu ne le connais pas…— Je n’ai pas peur de lui. J’en ai vu des pires.Je pris sa main dans les miennes et la serrai.— Promets-moi de ne pas répondre à ses provocations. En

retour, je te promets de tout te raconter, mais laisse-moi gérer ça.— S’il pose ne serait-ce que le petit doigt sur toi, je le tuerais,

sache-le !Il me prit dans ses bras, je posai ma tête sur son torse en

fermant les yeux.— Je veux que lundi, tu viennes me rejoindre à la fin de mon

cours, ça sera la meilleure solution pour que tout le monde sachequ’on est ensemble.

— Si tu savais depuis combien de temps j’attends ce moment.— Moi aussi, on a mis trop de temps, par peur, par lâcheté.

Mais on va y arriver, lui dis-je.Il me caressa le dos.— Samantha ?— Hum ?— Prends-tu la pilule ?— Non, pourquoi ?— Hier, j’ai oublié de mettre un préservatif.Je relevai la tête d’un coup et le dévisageai.— Je n’ai pas de maladie, je te jure, je suis clean, mais ce

n’était pas trop prudent de l’avoir fait sans.— Je ne pense pas que ce soit ma période.— Je n’en ai pas à la maison parce que je n’ai pas eu de petite

amie depuis longtemps.— Je pense que ça ira.

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J’essayai de le rassurer autant que moi. Sur le coup, si j’avaissu ce qui allait arriver, j’aurais fait une prière pour que tout aillepour le mieux pour nous deux.

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Chapitre 36NickLe lendemain de notre belle nuit d’amour fut un pur bonheur

avant que je ne remarque qu’on ne s’était pas protégés. Jen’avais rien contre les enfants, mais je n’étais pas prêt pour m’enoccuper et puis, j’avais un rêve et Samantha aussi. Je ne voulaispas qu’elle se sacrifie pour moi. Malgré le fait qu’elle m’ait dit dene pas m’inquiéter, même si je ne doutais pas de ses paroles, jevoulais la protéger. Je rêvais de voir son ventre s’arrondir au fildes mois, mais ce rêve pouvait encore attendre.

Je fus soulagé quand elle proposa qu’on se rencontre lundi à lafin de son cours. Ce qu’elle m’avait dit sur Dean avait failli merendre fou. Ce garçon, s’il retombait sous mes mains, qu’il priepour finir en un seul morceau.

On passa le week-end dans les bras l’un de l’autre. Onregarda des films, cuisina ensemble. J’aimais la voir comme ça,près de moi, dans la même pièce. Elle se déplaçait comme sic’était notre chez nous et je faillis lui demander d’emménageravec moi. On dormit sagement, elle avait encore mal et n’était pastrès excitée pour tester la douleur et je n’en avais pas trop envienon plus.

Le lundi matin, elle prit un taxi pour la ramener à la fraternitétrès tôt pour qu’on ne remarque pas qu’elle avait découché etrentrait avec ses vêtements de samedi. Elle m’avait rappelé notrerendez-vous de ce midi. J’étais plus que prêt, mais avant tout,quelqu’un d’autre méritait de le savoir avant tout le monde. Lestonalités résonnaient dans le vide, je réessayai avant qu’une voixessoufflée ne me réponde. Je préférai ne pas savoir à quoi c’étaitdû.

— Allo ?— Je te rappelle plus tard, maman.— Nick ?— Tu ne reconnais pas ma voix, fis-je, amusé. Et moi qui

pensais que j’étais ton amour.— Oh mon poussin, maman était occupée.— Je peux le deviner, oui.Je pensais que les vieux couples ne le faisaient que la nuit, il

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faut dire que mes parents n’étaient pas comme tout le monde.— Je t’appelai pour t’informer que Samantha et moi, nous nous

sommes remis ensemble.— Oh, je suis super contente pour vous. Amène-la à la maison

ce week-end.— OK, je te laisse retourner à ce que tu faisais.Elle fit un petit rire et me dit qu’elle m’aimait avant de

raccrocher.Arrivé sur le campus, je ne m’étais jamais senti aussi heureux,

même le cours de français ne m’était plus aussi désagréable.J’attendis midi avec impatience à la bibliothèque. Quand l’heureapprocha, je quittai les lieux, courus vers son département etattendis devant la porte de sa classe. Les battements de moncœur résonnaient dans mes oreilles, ce fut pire quand la clocheretentit. La porte s’ouvrit. Je remarquai aussitôt Samantha grâceà sa chevelure. Elle se dirigea lentement vers moi. Elle passa lesbras autour de mon cou et m’embrassa. Le message étaitamplement clair. Je fermai les yeux pour approfondir notre baiser.

— Tu m’as manqué, me souffla-t-elle sur les lèvres.— Toi aussi.Je caressai sa joue et lui pris la main. Elle nous tourna vers son

amie.— Kate, je te présente Nick. Nick voici ma meilleure amie, Kate.— Enchanté Kate, lui dis-je en souriant.Elle nous regarda l’un et l’autre pendant un moment avant de

sourire.— Enchantée. Désolée, j’étais un peu surprise, voire choquée.

Bon, je vous laisse les tourtereaux, j’ai un rendez-vous.Elle nous fit un petit signe et s’en alla. Samantha me regarda

avec un large sourire.— Ce n’est pas si compliqué que ça tout compte fait, me dit-

elle les yeux brillants.— Non pas du tout. Aller, on va manger ?— Oui.On sortit main dans la main, heureux de pouvoir enfin vivre

notre amour au grand jour. Ce qu’on ne savait pas, c’était qu’unepersonne avait vu cette scène et ne l’avait pas du tout aimée.

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Chapitre 37SamanthaL’embrasser devant tout le monde m’avait retiré un énorme

poids des épaules. Maintenant, rien ni personne ne pourrait nousséparer. C’était ce que je pensais sur le moment, mais le destinavait d’autres projets pour nous.

Nous marchions main dans la main, le sourire aux lèvres. Aubout d’un moment, Nick passa son bras autour de mes épaules etme serra contre lui et tout naturellement, je l’enlaçai. Nouscontinuâmes jusqu’au restaurant de l’autre côté du campus.

— Samantha Mitchell, me dit-il les yeux brillants, n’aie jamais lemalheur de me quitter, je ne pense pas être en mesure de telaisser faire.

Je ne savais pas ce qu’était l’amour avant de le connaître etje n’étais pas sûre de le savoir aujourd’hui non plus. Mais lessensations, les sentiments et tout ce que je ressentais nelaissaient aucun doute, je l’aimais plus que tout.

— Je ne compte pas partir. Tu vas devoir me supporter encoretrès longtemps…

Il ne me laissa pas finir ce que j’allais lui dire avant dem’attirer à lui et de m’embrasser à en perdre notre souffle. Unfrisson prit naissance du bout de mes orteils pour remonter le longde ma colonne vertébrale et dressait mes cheveux sur ma tête.Mon sang était du liquide en fusion. Ma première expériencem’avait ouvert le chemin vers ce que je recherchais depuis silongtemps. Avec Nick, j’avais trouvé la pièce qui me manquait.Cela semblait niais, mais n’avez-vous jamais aimé comme jel’aimais en ce moment ?

Nous commandâmes et mangeâmes en silence, mais nosregards disaient ce qu’on voulait réellement. Nous devions restersages, les partiels allaient bientôt commencer, la déprime m’avaitfait perdre quelques pointscet mon père m’avait fait un sermon,mais cela ne changeait pas ma moyenne globale.

— Que vas-tu faire cet été ? me demanda-t-il.— Je ne sais pas encore. Je pense rester près de toi si tu le

veux bien.— Trois mois non-stop, je ne vais jamais refuser ça.

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Mon téléphone coupa ma réponse. Je vis le numéro de ma mères’afficher. Je n’avais aucune envie de répondre, mais laconnaissant, elle ne laisserait pas les choses se faire comme je levoulais. Madame Mitchell était parfois pire qu’un harceleur.

— Désolée, c’est ma mère, je dois répondre.— Je t’en prie.Il me sourit. Je décrochai avant la dernière sonnerie.— Allô.— Samantha, je nous ai préparé des vacances d’été rien qu’à

nous.Je fermai les yeux et me mis à compter jusqu’à 10 pour ne pas

lui raccrocher au nez.— C’est bien, mais je ne compte pas rentrer…— Nous allons aller à New York. Madame Richardson m’a

parlé d’un nouveau salon qui a ouvert ses portes. Une seconde,qu’as-tu dit ?

Elle n’écoutait jamais ce que je disais. Quand je vous disaisqu’elle n’avait aucune fibre maternelle, je ne mentais pas. Lecomportement de mes parents aurait pu me rendre difficile, maismon père, malgré le fait qu’il ne savait pas trop comment secomporter avec moi, savait me dire qu’il m’aimait dans les bonsmoments. Je ne me rappelais pas quand ma mère m’avait dit sesmots et je ne les attendais plus. J’avais fini par me faire à l’idéeque ma mère n’avait fait que combler le désir d’enfant de monpère.

— J’ai dit que je ne rentrai pas cet été.— Et je peux savoir pourquoi.— Parce que je l’ai décidé ainsi !— Samantha Mitchell, parle-moi sur un autre ton. Tu rentres à

la maison, point final.Je poussai un long soupir.— Je te rappelle plus tard, je dois me dépêcher de finir de

manger pour aller à mes cours.C’était la seule chose qui faisait effet sur elle parce que

j’avais un objectif à atteindre et si mon père savait que c’était parsa faute que j’avais raté… Même la reine des neiges savait avoirpeur.

— J’attends ton appel alors.

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— Au revoir, maman.Je posai mon téléphone avec une certaine force, j’eus peur

d’avoir abîmé l’écran, mais ma colère avait atteint des sommets.— Tout va bien ? me demanda Nick.— Non, dis-je les dents serrées. Ma mère fait encore des

siennes.— Que se passe-t-il ?— Je pense que cet été, je ne pourrais pas rester ici parce

qu’elle l’aura décidé ainsi.— Quel mal y a-t-il à cela ?— Tu ne connais pas ma mère. C’est un fléau vivant.Il me regarda bizarrement. Oui, tout le monde ne comprenait

pas pourquoi j’étais aussi hostile envers ma génitrice, mais ellejouait toujours un rôle. La parfaire épouse et la parfaite mère. Ceque personne ne savait, c’est qu’elle le faisait juste pour le qu’en-dira-t-on.

— Je ne sais rien de tes parents, mis à part que ton père estsénateur. Cela me fait bizarre de découvrir au bout d’un an que tune t’entends pas avec ta mère.

Je me mordis la lèvre inférieure en poussant un soupir. C’étaitbizarre en effet, mais parler de chez moi, c’était commem’arracher une dent à vif. Parce que tout le monde enviait mafamille, mais il fallait y vivre pour savoir ce que le dessous detable cachait.

— Ma mère, c’est un nid de serpents à sonnettes.— Tu n’es pas un peu dure ?— Non Nick, non, dis-je la gorge serrée. Ma mère m’a fait vivre

un enfer pour les apparences envers les autres. « Regardecomment la fille de Clarkson est gracieuse. Regarde ses cheveux.Les tiens me désespèrent » « Ne porte pas ce genre de choses,que penseront les amis de ton père ? » Et j’en passe. Mon père estroux comme tu l’as vu, mais moins que moi. Est-ce ma faute si j’aihérité de ses gênes ? En quoi porter un jean avec un t-shirt simplefait que je ne suis pas présentable ?

Il prit mes mains dans les siennes et les serra.— Mes parents sont aussi les tiens maintenant. Si tu veux

savoir ce qu’est la chaleur d’une mère, appelle Jess. Si tu asbesoin de l’épaule d’un homme costaud qui sait écouter, j’aimerais

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que tu utilises la mienne, mais si c’est trop dur à me dire, parle-enavec Marco.

J’avais les larmes aux yeux. Jess et Marco Sanchez étaientdes personnes en or qui avaient fait un diamant pur. Le reste durepas se passa doucement, on se sépara devant le restaurant.On se promit de se voir comme on pouvait pendant les révisions.

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Chapitre 38NickLa voir si malheureuse parce que sa mère n’était pas proche

d’elle me fit mal. Ce mal était resté avec moi tout l’après-midi. Jevoulais qu’elle soit heureuse, qu’aucune ombre ne puisse voiler sesmagnifiques yeux. Avions-nous la main sur notre vie ? Le destindécidait de qui allait souffrir plus que l’autre, c’était ainsi et ça leserait toujours.

Les semaines de révision débutèrent, le match final duchampionnat avec. On avait tout pour gagner cette finale, mais ilfallut qu’un soir d’entraînement, en ouvrant la porte de mon casier,je tombai sur une enveloppe blanche. Je la retournai dans tous lessens et un mauvais pressentiment me saisit.

Je l’ouvris et trouvai la même coupure de journal« Justice. Luc Moore jugé non coupable.Le verdict est tombé aujourd’hui. Luc Moore, cet étudiant de

Harvard accusé d’avoir renversé un autre étudiant sur le parkingde l’Université, a été jugé non coupable des charges retenuescontre lui. Les faits s’étaient déroulés il y a deux ans, et lavictime, Francisco Sanchez était décédée sur le coup. L’accuséavait été contrôlé positif à l’alcool, à un taux supérieur à deuxgrammes. C’est pourtant libre qu’il est ressorti du tribunal, lesjuges ayant estimé que son état mental était contraire à uneincarcération. La mère de la victime a fait un malaise à l’énoncédu verdict et a été évacuée vers l’hôpital. Aucune des parties n’asouhaité s’exprimer. »

Je froissai le papier dans mon poing. Quand j’aurai trouvé celuiqui s’amusait à ce jeu, il allait regretter d’être venu sur Terre. Jerentrai chez moi la rage au ventre. La mort de Francisco avaitété une grande perte pour notre famille. Tout le monde avait placéses espoirs en lui. Ce n’était pas facile d’être un enfant d’immigrésparmi tous ses natifs. Je me laissai tomber sur mon canapé, tropagité pour reprendre mes révisions. Je ne voulais pas me rappelerde ce jour où le policer était venu frapper à notre porte. Ni mesouvenir de tous ces allers-retours au tribunal et voir ce quel’argent permettait à certains de faire. La colère s’étaittransformée en rage, mais mon père, avec tous ses bons conseils,

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était parvenu à me faire comprendre les choses. J’avais un but etje comptais bien l’atteindre, il était peut-être trop tard pour punirle coupable de la mort de mon cousin, mais je m’étais fait leserment que plus aucune famille n’aurait à souffrir comme onavait souffert.

Mon téléphone bipa. Un message de Samantha qui mesouhaitait bon courage pour les révisions. Je ne voulais pasl’inquiéter, alors je lui répondis, mais le cœur n’y était pas.

Qui ? Qui pouvait bien être derrière tout ça ? Je devais trouvercette personne et le plus vite serait le mieux. J’ouvris monordinateur et lançai une recherche sur le meurtrier, Luc Moore. Jene pourrais jamais oublier ce nom. Une idée me frappa et jecomposai le numéro de Samantha.

— Hello mon cœur.— Samantha, tu connais le nom de famille de Dean ?— Non, pourquoi ?— Tu pourrais le rechercher pour moi, s’il te plaît ?— Que ce passe-t-il, Nick ?— Je t’expliquerai après, rends-moi juste ce service, je te prie.Je l’entendis prendre une inspiration. Elle devait se mordre la

lèvre inférieure et se battre avec son envie de me poser desquestions.

— OK, mais jure-moi que tu ne vas pas le frapper ou autre.Comment promettre une chose pareille ?— Samantha…— Nick, je t’aime, tu le sais, n’est-ce pas ?— Oui, mon amour, je le sais.— Donc je ne veux pas qu’il t’arrive quelque chose.— Rien ne va m’arriver, je te le promets. Trouve-moi son nom.— OK, je vais me débrouiller pour l’avoir, ça ne sera pas

compliqué vu que je suis présidente de ma fraternité et lui aussi.— Bien. Désolé de t’avoir dérangé.— Tu ne me déranges pas. Je voulais t’appeler, mais j’ai

préféré t’envoyer un message.Je souris, mon cœur qui était serré se relâcha un peu. Il n’y

avait qu’elle, ainsi que mes parents pour avoir un effet positif surmon moral.

— A demain mon amour.

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Je raccrochai et allai prendre une douche.

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Chapitre 39SamanthaLes révisions prenaient tout mon temps et le peu qui me restait,

je le consacrais aux réunions à la fraternité et au tutorat. Deuxsemaines venaient de s’écouler et je n’avais vu Nick que deux outrois fois et à chaque fois, au détour d’un couloir.

Les partiels avaient lieu dans moins de trois semaines et lapression montait déjà dans toute la fac.

Je venais de refermer mon cahier d’économie quand monportable se mit à vibrer.

Numéro inconnu. Cela faisait maintenant une semaine que jerecevais des appels anonymes. Je poussai un soupir et pris moncahier de droit commercial. Pour celui-ci, je devais tout reprendre.Quelle idée d’avoir raté les deux cours les plus importants ?

Mon téléphone se remit à vibrer, je le pris dans l’intention del’éteindre quand je vis le nom de celui qui ne quittait jamais mespensées.

— Coucou.— Comment va ma rousse adorée ?Je n’aimais pas quand Kate m’appelait comme ça, mais quand

cela sortait de la bouche de Nick, cela me donnait des frissons.— Comment va mon beau brun ?— Pas si bien que ça.Le son de sa voix m’inquiéta. Je refermai mon cahier, pris mes

clés de voiture et courus dans le couloir.— Je serais là dans cinq minutes, lui dis-je avant de

raccrocher.Le trajet se fit rapidement. Trouver une place fut un jeu

d’enfant. Je claquai la portière et appuyai sur le bouton defermeture automatique avant de courir à son immeuble. Je grimpailes marches deux par deux et frappai à sa porte le souffle court.Dès qu’il l’ouvrit, je me jetai dans ses bras. Il me serra très fortcontre lui. Je refermai la porte du pied et me laissai entraîner parlui. Où ? Je ne savais pas vu qu’il avait pris mes lèvres d’assaut.Je m’accrochai à son cou, il me souleva et j’entourai sa taille demes jambes. Je voulais revivre ces sensations depuis déjà unmoment, mais entre la première fois et les révisions, le temps nous

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manquait. Je ne sais pas ce qui l’avait rendu mélancolique, mais sije pouvais l’aider de n’importe qu’elle manière, j’étais prête à lefaire corps et âme. Il nous fit basculer doucement sur son lit, noslèvres toujours soudées. Nous nous mîmes à retirer nos vêtementsavec une impatience commune. Je mis fin à notre baiser pourreprendre mon souffle. Je plongeai mon regard dans le sien, ceque j’y vis me serra le cœur, mais j’avais peur d’ouvrir la boucheet de gâcher ce moment, alors je guidai, sans aucune pudeur, satête vers mes seins. Il ne se priva pas, prenant les bouts dans sabouche l’un après l’autre, les mordillant, soufflant dessus jusqu’àce qu’ils pointent. Je fermai les yeux et me laissai plonger dans ledésir. Il fit descendre l’une de ses mains sur mon ventre, lentement,avant d’écarter doucement mes jambes. Je les ouvris aussi grandque je pus en lui laissant champ libre. Il fit glisser l’un de ses doigtsà l’intérieur de moi et le courba légèrement. J’avais lu un article unjour sur le point G et l’homme de ma vie savait ce qu’il faisaitparce que ma température grimpa en flèche et j’en voulais plus.J’attrapai sa tête et l’embrassai au point où j’avais peur de nouscouper les lèvres, mais qu’importe, je le voulais tout entier.

— Doucement, ma belle, me dit-il après avoir ralenti notrebaiser. On a toute la nuit devant nous.

Je n’avais pas le souffle ou même la force de lui répondre. Jetremblai de partout. Il me caressa la joue tout en gardant sondoigt en moi. Il en ajouta un et me fit un sourire plus que charmant.

— Nick, soufflais-je.Il devait être aussi impatient que moi parce qu’il retira ses

doigts et vint se positionner au-dessus de moi. Il frotta sa verge àmon entrée. Au moment où j’allais me plaindre, il commença à seglisser lentement en moi. Je gémis. Je ne saurais dire où jecommençais et où il finissait. Je l’agrippai de toutes mes forces, legriffai tellement les sensations étaient fortes. Il grogna dans mabouche et accéléra le rythme. Nos corps étaient couverts detranspiration. Je ne savais pas combien de temps s’était écoulé,mais ni lui ni moi ne voulions que cela prenne fin. Je ne regrettaipas de l’avoir attendu. Nick était mon âme sœur, je n’en doutaispas une seconde. Je le mordis à l’épaule au moment où mesmuscles intérieurs se contractèrent et que mon orgasme meterrassa. Quelques secondes après, je l’entendis gronder, mais

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pour ma part, j’étais coupée en deux.

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Chapitre 40NickJe restai en elle quelques secondes avant de me laisser tomber

à côté et de la prendre dans mes bras. Nous essayions dereprendre notre souffle lentement. Je gémis quand j’essayai debouger. Elle m’avait griffée jusqu’au sang. Je souris. Cela allaitfaire parler les garçons dans les vestiaires.

— Ça va ? me demanda-t-elle au bout d’un moment.Je lui frottai le dos en regardant le mur.— Et toi, ça va ?— Je ne pense pas pouvoir marcher avant quelques jours, mais

ça va.Je souris. Je n’étais pas quelqu’un qui faisait le paon, mais

entendre dans la bouche de la personne qu’on aime qu’on ait pu lasatisfaire, il n’y avait rien de mieux pour l’ego d’un homme.

— Tant mieux, je vais pouvoir te garder près de moi alors.— Je ne crois pas non. Montre-moi ton dos.Je la serrai plus dans mes bras ne voulant pas qu’elle

culpabilise pour si peu.— Je vais bien.— Nick !Je ne pensais pas gagner la bataille alors je m’allongeai sur le

ventre et le lui montrai.— Désolée Nick, je ne voulais pas.Elle essaya de se lever du lit, mais je la retins et la fis se

recoucher.— Laisse-moi aller chercher une serviette pour nettoyer tes

plaies.— Je vais prendre une douche, ça ira.— Nick…Je l’embrassai pour couper court à la discussion. Chaque fois

que je la regardais dans les yeux, j’avais l’impression d’être enapesanteur, de ne faire que monter encore et encore. Elle étaitdevenue la 3ème personne la plus importante pour moi, après mesparents. Je donnerai ma vie pour elle, mais ce n’était pas lemoment de le lui dire. Sachant que j’avais absolument besoin de cenom.

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— Tu m’as trouvé le nom de Dean ?— Oui, ça n’a pas été facile, à croire qu’ils le font exprès.Je m’en doutais un peu. Et cela ne faisait que renforcer mes

doutes.— Alors ?— Moore. Dean Moore. C’est le neveu du maire de la ville. Son

père est le magnat du pétrole. Ils ont des sociétés un peu partout.Je ne l’écoutai plus. La colère commençait à prendre vie en

moi.— Nick ? Qu’est-ce qui se passe ? Pourquoi me serres-tu

autant ?Je la relâchai et m’assis. Elle se plaça devant moi et me prit la

main.— Dis-moi, s’il te plaît. Je vais finir par me tuer à force de

m’inquiéter.Devais-je lui dire ? Ce n’était pas un si grand secret, mais en

parler me ferait mal et ma colère ne se calmerait pas d’aussitôt.— Nick ?Je plongeai mes yeux dans les siens et lui racontai.Quatre ans plus tôt.La terminale était un fléau. Des révisions par-ci, par-là. Mais

je voulais faire quelque chose de ma vie et surtout, je ne craignaisde décevoir mes parents. Je refermais mon livre de maths quandj’entendis ma mère crier. Je me levai en vitesse et me rendis ausalon. Deux policiers étaient debout devant la porte. Ils parlaient àmon père qui tenait ma mère dans ses bras. Que se passait-il ? Jem’avançai et entendis la fin.

— … Il est mort sur le coup.Mort ? De qui parlait-il ?— Papa qui est mort ?— Mon bébé, fit ma mère en venant me prendre dans ses bras.Je la repoussai doucement et regardai mon père.— Qui papa ?— Francisco.— Qui ?J’avais l’impression d’avoir un nid d’abeilles qui s’amusait à

voler près de mes oreilles. Je regardais les lèvres de mon pèrebouger, mais je n’entendais rien. Francisco ? Mon cousin qui

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n’avait jamais tué une mouche de sa vie, mort ?— Comment papa ? Comment ?— Un chauffeur ivre l’a renversé sur le parking du campus.— Vous l’avez arrêté ?Je me tournai vers les policiers qui nous regardaient sans

aucune compassion dans les yeux. À croire que la vie les blasait.— Oui. Il est à l’hôpital, il a une légère commotion.— Légère ? Il sera arrêté et jugé ?— Oui, notre rôle s’arrête à là, gamin. On prendra contact

avec vous pour la suite. Monsieur Sanchez, encore une fois,toutes nos condoléances.

Ils s’en allèrent en laissant une famille brisée derrière eux.Ma tante qui était partie au Mexique rentra aussi vite qu’elle le

pût. Nous enterrâmes Francisco quelques jours plus tard. Et l’enfercommença à ce moment-là. Le meurtrier était le fils d’un hommeinfluent, il passa six mois à l’hôpital, parce que sa commotionavait soi-disant empiré, puis il déprimait et je ne sais encorequelles excuses. Puis vint le début du procès. Le médecin déclaraque cet homme ne pouvait être emprisonné parce qu’il avait unecertaine phobie de l’enfermement. On lui ordonna de ne pas quitterla villeet de rester chez lui. Mais dans quel monde vivions-nous ?La rage faisait des ravages en moi. Voir tout ce monde corrompu.On demanda à rencontrer le procureur. Il attendit plus de deuxsemaines avant de nous recevoir et pour finalement nous dire qu’ilne pouvait rien faire. Après tant de souffrances, ma tante dutentendre que Luc Moore n’était pas reconnu coupable pour lesfaits retenus contre lui. Ce jour-là, j’allais détruire une voiture depolice, mais mon père me fit comprendre que cela ne servait àrien. Il me conseilla d’utiliser ma colère et mon intelligence pourcombattre l’injustice. Moi qui voulais devenir basketteurprofessionnel, j’avais fini par noter sur ma feuille de souhaitdevenir « procureur ». L’argent ne pourrait jamais me corrompre.Ayant vécu l’injustice, je ne l’accepterais pour personne.

De nos jours— C’est en son hommage que j’ai fait le tatouage dans mon

dos.Samantha me regarda, les yeux remplis de larmes. Pendant

que la blessure de mon cœur se rouvrait.

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Chapitre 41SamanthaJe comprenais mieux pourquoi il avait réagi de la sorte quand

je l’avais regardé dans le garage. Il devait vraiment m’aimer pourne pas penser à tout l’argent que mon compte en banquepossédait. Je le pris dans mes bras et lui frottai le dos en évitantmes marques de griffure. Il pleura en silence. Je ne pensais pasque c’était de tristesse, mais plus de colère. Maintenant que j’ypensais, le nom de famille du meurtrier de son cousin était le mêmeque Dean, mais je ne comprenais pas pourquoi il en avait besoin.

— Pourquoi voulais-tu savoir pour Dean ?Il me repoussa doucement en essuyant ses yeux. On pouvait

dire ce qu’on voulait, personne n’est jamais beau après avoirpleuré, mais je m’égarais.

— Je reçois des copies de journaux de l’affaire. Au début, je necomprenais pas pourquoi et surtout, qui pouvait bien s’amuser à lefaire ? Et puis, je me suis dit, il n’y a qu’une personne qu’on connaîtqui avait une haine contre moi.

— Dean. Mais Nick, ne fais rien, je t’en prie. Ils sont bêtescomme leurs pieds, les Delta.

— Mon meilleur ami est dans leur groupe, cela ne change pasque je m’entends bien avec lui.

— Je le sais, mais Dean…Je secouai la tête.— Ne fais rien.Il ne me répondit pas et j’avais un très mauvais pressentiment.

Lucia qui avait détruit ma voiture, Dean qui harcelait Nick. Cen’était pas bon, mais pas du tout. Il se leva et alla dans lestoilettes. Je me recouchai en me recouvrant tout en réfléchissantà un moyen de faire que Dean arrête ses bêtises. Rien ne me vintà l’esprit, mais la nuit porte conseil. Je trouverai une solution d’unemanière ou d’une autre. J’entendis la douche couler, je me levai etallai le rejoindre. Nous prîmes notre douche ensemble avant denous coucher pour dormir.

Le lendemain matin, je me levai courbaturée. Le sexe, c’étaitbien, mais mon corps ne semblait pas aimer ça. Nick était deboutsur le pas de la porte et me regardait. Je rougis de la tête aux

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pieds en pensant au spectacle que je venais de lui donner. Moi,m’étirant la poitrine à l’air.

— Le rouge te va très bien, me dit-il avec un grand sourire.Je lui lançais l’oreiller à la tête. Il le rattrapa sans peine et

avança vers moi lentement. Le gris de ses yeux fonça et je savaisce qu’il avait en tête.

— Nick, on n’a pas le temps et j’ai mal partout.Il ne m’écouta pas. J’essayai de me lever, mais il fut sur moi en

deux secondes. Je ne portai rien alors il n’y avait aucun obstacleentre nous.

— On fera vite, je te le promets.Comment refuser une telle promesse ? Je passai mes bras

autour de son cou et le laissai faire.Deux heures plus tard, je courrais comme une folle dans le

couloir de la fraternité pour rejoindre ma chambre. Je ferais vite ?Mon œil, oui ! Si je ne l’avais pas repoussé, je serais encore dansson lit. Mes jambes tremblaient et je me demandais si j’allais tenirla journée. J’arrivai en retard à mon premier cours. Le professeurme regarda, mais étant la première et toujours à l’heure, il melaissa prendre place. Me concentrer fut une épreuve. Midi sonna,Kate m’informa qu’elle ne pouvait pas déjeuner avec moi, elledevait voir sa psy. Je lui répondis que je comprenais. Je medirigeai vers le département de Nick. Je connaissais son emploi dutemps par cœur. Si je me dépêchais, je parviendrais à le rattraperavant qu’il ne s’en aille. Au moment où j’allais tourner, quelqu’un mecoupa le chemin. Je m’apprêtai à lui dire le fond de mes penséesquand je reconnus Dean. Il me fit un sourire et mon sang se glaça.Je me rappelais encore ce jour où il avait failli me violer. J’essayaide le contourner, mais il me bloqua encore le chemin.

— Où veux-tu aller ma belle ?— Laisse-moi passer, dis-je les dents serrées. Je ne suis pas

d’humeur à jouer avec toi.— Qui a dit que je voulais jouer ?— Pousse-toi, je te dis.Il prit une mèche de mes cheveux entre ses doigts et la frotta.

De la bile monta dans ma gorge. J’avais besoin d’une douche.J’essayai de la reprendre, mais il la maintint dans son poing. Soitje la coupais, soit je me l’arrachais. Je n’eus pas le temps de

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prendre ma décision qu’il le fit tout seul. Au même moment, je visNick derrière lui. Au vu de l’angle, il devait tenir le bras de Deandans son dos.

— Qui est-ce ? Lâche-moi !— Ton pire cauchemar, dit Nick en remontant un peu le bras de

Dean dans son dos. Celui-ci grimaça et se mit sur la pointe despieds. Oh non, mon Dieu, tout sauf ça.

— Nick, lâche-le, s’il te plaît.Il me regarda et me fit signe de reculer. Je secouai la tête,

mais il insista. Que faire ? Il ne devait surtout pas le frapperparce que ça n’en finirait jamais. Je me mis de côté et il poussaDean sur le sol. Il le retourna du pied et le posa sur sa gorge puisplongea son regard dans le sien.

— Cela t’amuse de m’envoyer des lettres ? Tu ne penses pasque j’aurais fini par savoir que c’était toi ? Je te conseilled’arrêter. Aujourd’hui, il y a Samantha pour te sauver, mais elle nesera pas toujours là.

Il appuya sur son pied plus fort et le visage de Deancommença à devenir rouge. Je lui agrippai le bras et il finit par lelâcher.

— Je vais passer l’éponge pour cette fois. Juste cette fois.Il me prit la main et on s’éloigna. On n’avait pas fait quatre

pas que Dean commença son cirque.— Nick Sanchez, je vais te détruire. Je ne risque pas d’oublier

ce que tu viens de faire sache-le !— Ignore-le, s’il te plaît Nick.Il me regarda, je voyais ses veines battre à son cou, mais je

voulais surtout le protéger. Il finit par reprendre sa marche. On sedirigea vers sa voiture.

— Où va-t-on ?— Chez mes parents.— On a cours cet après-midi.— On aura le temps de revenir.— Ce matin tu m’as dit, on fera vite et je suis arrivée en

retard.Il me fit un sourire en coin. Et cela me suffit.Le repas chez ses parents se passa vite, mais bien. Sa mère

était contente de me voir. Elle voulait qu’on aille faire les magasins

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un jour, je lui promis de lui téléphoner pour fixer un rendez-vous.J’aimais Jess comme si c’était la mienne. Elle avait toujours lesbons mots, au bon moment. Elle avait compris que son fils n’allaitpas bien à la seconde où elle l’avait vu. Les miens ne savaientmême pas distinguer quand j’étais de bonne ou mauvaise humeur.Au retour sur le campus, Nick m’embrassa sur le parking et quelbaiser ! Tout le reste de la journée, j’eus son goût dans la boucheet la sensation que ses lèvres étaient encore sur les miennes. Moncorps vibrait encore de plaisir.

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Chapitre 42NickNe pas frapper Dean fut un supplice, mais je ne voulais pas

montrer mon côté violent à Samantha. Je voulais la protéger decette part de moi. J’avais besoin de forces, alors manger avecma mère fut la meilleure idée que j’avais eue. Les deux femmes dema vie près de moi dans la même pièce, que demander de plus ?Après les cours, l’entraînement m’aida à me calmer. Et lesgarçons ne me ratèrent pas pour mon dos. La transpirationn’avait pas aidé, mais cela m’était égal. Samantha avait laisséses marques sur moi, il n’y avait rien de mieux pour mettre moncœur en joie.

Le match final aurait lieu dans une semaine. Les partielscommenceraient juste après. Les entraînements allaient sesuccéder, je n’aurais pas le temps pour la voir, mais elle l’avaitcompris. C’est ce que j’aimais chez elle. Simple et belle. Je n’avaisplus reçu de lettre et c’était tant mieux, je n’avais pas le tempspour cela. Révision, cours, entraînement, etc., j’avais à peine letemps de manger, mais qu’importe, j’avais un but à atteindre.

Le soir de la finale, je trouvai Samantha habillée aux couleursde l’équipe qui m’attendait devant la porte des vestiaires. Je nesais pas comment elle était arrivée là, mais je remerciai le cielpour son apparition.

— Mon cœur.Je la soulevai dans mes bras et l’embrassai à pleine bouche. Il

y eut des bruits dégoûtants derrière moi, mais j’étais connecté surcette magnifique rousse.

— Je suis venue te souhaiter bonne chance.— Merci. J’en ai besoin.— Si tu gagnes, j’aurai une récompense pour toi.— Samantha.Elle rit doucement avant de me donner un bisou sur la joue et

de me pousser vers mes camarades.— À plus tard, champion.Je la regardai s’en aller. Un de mes coéquipiers siffla, je me

retournai et lui donnai une tape derrière la tête.— On ne regarde pas. C’est chasse gardée.

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— Oui, oui, dit Matt avant de m’entraîner vers le terrain.Comme on l’avait prévu, ça ne fut pas facile de gagner, mais

j’avais encore les mots de Samantha aux oreilles, impossible deperdre. Cela faisait une semaine que je ne l’avais pas touchée, cesoir, j’en avais bien l’intention. En plus, c’était le week-end rien demieux que de le passer au lit. Je pris mon envol vers le panier etmarquai les derniers points qui nous accordèrent la victoire. Lescris fusèrent de partout, mes coéquipiers me sautèrent dessus,mais moi, je cherchai ma pierre précieuse dans la foule. Je latrouvai en train de sauter et parler à son voisin. Je pense qu’elledevait dire que j’étais son copain et j’étais fier de l’être.

Après avoir serré la main de nos adversaires et des arbitres,je brandis la coupe. Notre entraîneur avait les larmes aux yeux,depuis le temps qu’il l’attendait. Il me donna une grosse accoladepuis me dit que je pouvais m’en aller. Je le remerciai et filai dansles vestiaires. Je pris une douche éclair et courus pour aller larejoindre. Samantha m’attendait déjà sur le capot de ma voiture.De la voir toute souriante, les joues rouges, ma températuregrimpa en flèche. Elle sauta dans mes bras quand j’arrivai prèsd’elle. Elle faillit nous faire tomber.

— Je suis si fière de toi, dit-elle avant de m’embrasser.Dépêche-toi de nous amener en un seul morceau à tonappartement.

— C’est comme si c’était fait, mademoiselle.Nous montâmes en voiture et je mis le cap vers mon

appartement. Je sentais son regard sur moi. J’avais de plus enplus de mal à me retenir. Je trouvai une place devant la porte del’immeuble. Je me garai et coupai le moteur. Samantha sortitcomme une flèche. Je la regardais courir vers la porte l’ouvrir etentrer. Je me demandais bien ce qu’elle avait en tête. Je verrouillailes portières et me mis à la suivre. Elle était déjà entrée. Je ne latrouvai ni dans le salon ni dans la cuisine. Elle ne pouvait être quedans la chambre. J’avançais quand je remarquai son minishort surle sol. Je souris. Je sentais que ma surprise allait dépasser mesespérances.

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Chapitre 43SamanthaVraiment, quelle idée avais-je eu ? Je voulais lui faire un

cadeau, mais j’aurais dû rester dans ce que je pouvais faire. Mesjoues me brûlaient et pas qu’un peu. Je l’entendis marcher vers lachambre et j’étais prête à aller me cacher sous les draps, mais jelui avais promis une surprise, alors je devais le faire. Il ouvrit laporte lentement. Il entra et la referma dernière lui. J’avais alluméla lampe de chevet. Il s’arrêta subitement quand il me vit. Je dusme faire violence pour ne pas croiser mes mains sur ma poitrine.Hier, en regardant le magazine Cosmo de Kate, j’avais vu unmannequin qui portait de la lingerie fine. J’avais quitté la chambreet filé chez Victoria Secret. C’était une grande première, alorsj’avais laissé la vendeuse me guider pour trouver l’ensembleparfait. Celui-ci était rouge écarlate. La vendeuse l’avait aiméavant même que je ne me regarde dans le miroir. Ma peau étaitd’un blanc laiteux alors je ne vous dis pas le résultat. Mais rien quele regard de Nick me fit comprendre que j’avais fait le bon choix.

— Tu aimes ce que tu vois ?Mon Dieu, ma voix était rauque. J’avais la gorge sèche et le

souffle court.— Si j’aime ? Il n’y a pas de mot pour décrire ce que je ressens

actuellement, ma belle. Retourne-toi lentement pour que je puisseprofiter du spectacle.

Je tournais sur moi, pas par pas, avec l’impression qu’àchaque endroit où ses yeux se posaient, j’étais marquée au fer.Quand je lui montrai mon dos, je l’entendis prendre une viveinspiration avant qu’il ne me prenne dans ses bras.

— Samantha Mitchell, tu veux ma mort ?Il me retourna d’un coup et captura mes lèvres avec une telle

force que j’eus peur qu’il nous casse une dent. Ses mains nesavaient où me toucher, mes fesses, mes seins, mon dos, ma taille.Il les posait partout à la fois.

— Que je t’aime.Je souris en lui caressant la joue. Nick était vraiment tout pour

moi. Je ne pouvais voir mon futur sans lui. On disait qu’on avaitune âme sœur quelque part sur terre et que les chances de le

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trouver étaient proches de zéro, je venais de faire mentir lesstatiques à moi toute seule.

La soirée fut chaude. Il me montra le monde du plaisir. Àchaque fois, il me fit découvrir de nouvelles choses, de nouveauxhorizons et il était fier de lui. On s’endormit tard dans la nuit.J’avais les jambes qui tremblaient au point qu’il dut me porter à ladouche, le lendemain matin. Comme on n’allait pas se voir pendantune semaine, il nous avait donné une bonne dose pour patienter. Jelui avais fait remarquer que c’était une dose d’un mois pour mapart. Le retour à la réalité fut dur. J’avais plein de choses à faireet il y avait ma mère qui continuait à me harceler pour lesvacances. J’avais envie de lui dire d’aller voir ailleurs si j’y étais.Mais sachant que je passerais encore et toujours pour la filledésobéissante, j’avais accepté à contrecœur ce voyage entrefilles. Kate sortait un peu plus de sa chambre, elle poussa un criau milieu du couloir pendant que les autres révisaient. Cela fut labagarre, mais j’étais contente de la retrouver. Un viol, celamarque, mais elle avait toujours été une battante et je savais quesa nouvelle rencontre y était pour quelque chose. On ne sauraitpeut-être jamais qui lui avait fait cela, mais cette blessure l’avaitrendue plus forte.

La dernière semaine de révision, je dormis peu. Je mangeai surle pouce. J’avais beau avoir des points d’avance, cela ne voulaitpas dire que je ne devais pas travailler d’arrache-pied. Je devaisavoir les éloges à la fin de mon cursus. Deux jours avant lesexamens, mon père m’envoya un mail me souhaitant bonne chanceet me demandant si je voulais quelque chose pour merécompenser. J’eus envie de lui dire de prendre maman avec luipour les vacances, mais elle aurait tout fait pour que je les suivealors je lui dis que je lui demanderais en temps voulu.

Le matin des premiers examens, je me réveillais groggy. Unenausée me pris aux tripes. Je dus passer une bonne demi-heure àvénérer la déesse de la porcelaine. L’heure tournait et j’avaispeur d’arriver en retard. Je pris une douche en serrant les dentset me rendis à mes épreuves. Je ne savais pas ce qui m’arrivait eten y repensant, une part de moi avait un doute, mais refusait demettre des mots dessus. La première journée fut éreintante, maismalgré cela, je réussis à passer au-delà de la fatigue, vertige,

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nausée et compagnie. Nick m’envoya un messaged’encouragement, je fis de même. J’ignorai son appel de peur qu’ilentende à ma voix ma fatigue et qu’il ne débarque à la fraternité.Je voulais qu’il reste concentré sur ses dernières révisions.

Quelle que soit la nourriture que je prenais, elle restait uneminute dans mon estomac avant de faire demi-tour. J’étais tentéed’aller voir l’infirmière, mais je ne voulais surtout pas qu’elle medonne une ordonnance de dispense. Je voulais être en vacancesen même temps que tout le monde. J’avais testé toute sorte denourriture pour voir laquelle mon estomac acceptait et les biscuitssalés semblaient passer avec du jus de pamplemousse. Même lesnausées étaient moins fortes. Je reprenais un peu de couleurs etles derniers jours furent gérables.

La dernière épreuve de l’année arriva et après elle enfin lesvacances. Nick m’avait donné rendez-vous au café. J’étaisarrivée en avance, cela m’avait permis de demander à laserveuse si elle avait du jus aux agrumes, si ce n’était pas le cas,je n’aurais rien bu et il se serait inquiété. Il arriva trente minutesaprès moi, tout essoufflé.

— Désolé, me dit-il en déposant un baiser sur mon front.Il fronça les sourcils en me regardant. Je savais à quoi je

ressemblais. J’étais rousse avec la peau blanche. Être malade mefaisait ressembler à un zombie à condition qu’on sache à quoi ilsressemblaient bien sûr. Il prit place devant moi et je poussai unsoupir.

— Tu es malade ?— Je dois couver quelque chose. Comme les examens sont finis

et que demain, je prends l’avion, j’irai voir le médecin de la famille.— Tu aurais dû m’appeler.— Je ne voulais pas te déranger.Il me lança un regard irrité et je fis signe à la serveuse, je

n’avais pas la force de me disputer avec lui. Je commandai maboisson et Nick fit de même. Il relança le sujet, mais je lui dis que jelui avouerais ce que le médecin conclurait. Pour le moment, j’allaismieux. Il laissa tomber de mauvaise grâce, mais il me donna toutune liste de recommandations. Je ne savais pas qu’il étaitmédecin.

— Que vas-tu faire de ton été ? lui demandai-je.

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— Je vais travailler au garage. Passer du temps avec mesparents. Que sais-je d’autre ?

J’aurais tellement voulu être avec lui, mais à quoi bonressasser ma colère contre ma mère ?

— Je vais essayer de venir pour le mois prochain.— Ne te bats pas avec ta mère, on se verra toute l’année

après. Profite de voir tes parents.— J’ai envie de passer du temps avec toi, sans les cours.— OK, OK, ma belle. Si tu peux revenir plus tôt, j’en serai ravi.Il me fit un sourire et me dit qu’il viendrait me chercher demain

pour m’amener à l’aéroport. Je voulais passer la nuit avec lui,mais je n’avais pas fait mes bagages et, malade comme j’étais, jedevais demander de l’aide à Kate qui partait demain aussi. Il meraccompagna à la fraternité en allant doucement, comme sij’étais en sucre. Je lui fis la remarque, il sourit avec indulgence enme disant que j’étais du cristal très précieux donc il se devait defaire très attention.

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Chapitre 44NickSavoir que Samantha était malade et qu’elle ne m’avait rien

dit m’avait un peu énervé. Je voulais être l’épaule solide surlaquelle elle pouvait s’appuyer à tout moment, mais comme il étaitimpossible de se battre avec elle, avec ses idées logiques, j’avaisfini par lui faire promettre de faire attention à elle.

Les partiels étaient finis, on était enfin en vacances. Je jouaisl’homme fort en lui disant que si elle ne pouvait pas revenir le moisprochain, ce n’était pas grave sauf qu’à l’intérieur de moi, je criaisnon reste avec moi. La nuit fut agitée, je me réveillai en sursautsuite à vilain cauchemar. Je préférais ne pas y penser. Je pris unedouche froide pour me rafraîchir les idées. Dans moins de sixheures, elle allait me quitter. J’aurais tout donné pour qu’elle ne lefasse pas, même pour une seconde. J’attendis son message pourme dire à quelle heure je devais venir la chercher. J’avais déjà budeux cafés. Mon subconscient s’amusait à me rappeler mon rêveet j’avais de plus en plus de mal à ne pas céder à mon caprice. Àdix heures, je l’attendais sur le parking de sa fraternité. J’étais autéléphone avec Rico quand elle me héla. Impossible de mettre fin àmon appel, je lui fis signe d’attendre. Je comptai ses valises etmalgré tous les dires de ma belle, elle restait une femme.

J’eus l’impression de voir un film au ralenti. Je lâchai montéléphone, mais c’était déjà trop tard. Un 4X4 tout noir qui venaitde l’allée fonça sur elle à pleine vitesse. Ne m’ayant pas écouté,elle traversait en traînant son plus petit bagage derrière elle. Lecôté droit de la voiture la frappa avec force, elle fit un tour surelle-même avant d’être projetée sur le côté. Le bruit du chocrésonna en moi comme un verre qui se brisait en mille morceaux.J’arrivai près d’elle quand la voiture prit le virage avec uncrissement de pneus. Je regardai Samantha le cœur battant, jen’osais la toucher. Je me mis à crier à l’aide. Mon cerveau necomprenait plus rien, un grand froid m’avait envahi. Kate fut lapremière à arriver près de moi. Elle me regarda les larmes pleinles yeux.

— L’ambulance arrive dans deux minutes.Ce fut les deux plus longues minutes de ma vie. Du sang, il y en

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avait partout. Je ne savais pas où elle était blessée. Je touchaison visage, une simple caresse, elle papillonna des yeux et soufflaun nom. J’étais partagé entre la rage et l’impuissance. La batailleavec l’ambulancier fut terrible. Il ne voulait pas que je monte aveceux, mais un regard de ma part lui fit comprendre que ce n’étaitpas négociable. À peine arrivés aux urgences, on me dit depatienter. Je me mis à tourner en rond. Kate arriva quelquesminutes plus tard. Elle posa une main sur mon épaule. Je laregardai, certes, elle connaissait Samantha depuis longtemps,mais cette femme, enfermée derrière ses portes battantes, c’étaitma vie, mon repère, mon âme, la pièce manquante de mon être.

— J’ai prévenu ses parents, ils ne devraient pas tarder.Je hochai la tête et cherchai mon téléphone et ne le trouvai

nulle part. Elle me tendit le sien. Mes doigts tremblaient tellementque je dus m’y reprendre à plusieurs fois pour faire le numéro dechez moi.

— Maman.Ma voix se brisa. Je ne devais pas craquer. Je me devais

d’être fort pour nous deux.— Mon bébé, que se passe-t-il ?— Samantha a eu un accident.Ma mère eut un hochet. Elle me promit d’arriver aussi vite

qu’elle le pouvait. Kate me frottait le dos. Elle pleurait en silence,j’aurai aimé lui rendre la pareille, mais tout ce que j’avais, je leréservai pour Samantha.

Deux heures passèrent durant lesquelles mes parentsarrivèrent. On n’avait toujours pas de nouvelles de ce qui sepassait. Mon père me prit dans ses bras et me dit d’êtrecourageux, qu’il comprenait mon impuissance, l’ayant vécu, onavait l’impression qu’on perdait des années de vies, mais que toutirait bien si on ne se laissait pas guider par la peur. Le bruit de laporte qui s’ouvrit m’empêcha de lui répondre. Un médecin s’avançavers nous.

— Vous êtes de la famille ?— Oui, répondis-je, la gorge serrée. Ses parents ne devraient

pas tarder.— Elle va bien. Nous l’avons transféré en salle de réveil.Je n’écoutai pas la suite de ses recommandations, juste le « va

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bien » m’avait retiré la grosse boule que j’avais dans la gorge. Jeme mis à trembler, pleurer de soulagement avant de demander aumédecin de la voir. Il n’était pas d’accord, mais après millesupplications, il me fit promettre de rester calme près deSamantha. Je lui promis tout ce qu’il voulait, j’avais besoin de lavoir pour constater qu’elle était en vie.

Je pris une grande inspiration devant la porte avant d’entrer.La voir allongée sur ce lit d’hôpital me fit mal. Les couleursavaient déserté son visage. Je pris place près d’elle et caressaisa joue.

— Hey, ma beauté, ce n’était pas le programme qu’on avaitprévu.

J’essuyai mes larmes. Elle ne devait surtout pas me voir entrain de pleurer alors qu’elle souffrait. Je la fixai depuis unmoment quand elle lâcha un gémissement. Je me levai etm’approchai d’elle.

— Ma belle ?Elle papillonna des yeux avant de les ouvrir. Ses yeux verts

étaient ternes. La souffrance déformait ses traits.— De l’eau.Je ne m’attardai pas sur sa voix qui n’était qu’un murmure

avant de lui présenter le verre avec une paille. Elle but par petitesgorgées avant de soupirer.

— Tu veux que j’appelle une infirmière ?Je n’avais pas encore fini ma phrase que le médecin entra

dans la chambre. Il nous regarda une seconde avant de s’avancervers le lit.

— Mademoiselle Mitchell, comment vous vous sentez ?— Comme quelqu’un qui s’est fait renverser par une voiture.Au moins, je n’avais pas à m’inquiéter pour sa répartie. Le

médecin vérifia ses pupilles avant de me regarder.— Si vous voulez bien nous laisser.— Il reste. C’est mon fiancé, vous pouvez dire ce que vous

avez à dire devant lui.Fiancé ? Ce n’était pas le moment de s’arrêter sur des détails.— Vous avez deux côtes cassées. Avec du repos, elles vont se

ressouder, mais malheureusement, on n’a pas pu sauver votreenfant.

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— Enfant ?— Oui, vous étiez enceinte de six semaines.Samantha tourna la tête vers moi. Elle avait les larmes aux

yeux en posant ses mains sur son ventre. Notre première fois. Elledisait qu’elle n’était pas dans sa période. Le destin jouait un drôlede jeu avec nous. Je ne savais que dire, que faire pour allégernotre souffrance. On ne savait même pas qu’un petit êtrepoussait en elle qu’on l’avait déjà perdu.

— Nick ?— Ne dis rien. Repose-toi.— Je vais envoyer une infirmière pour qu’elle puisse vous

administrer des calmants.Il sortit de la salle, mais ni Samantha ni moi ne l’avions écouté.

Que dire à la femme de sa vie dans un moment pareil ? Je nepensais pas que des mots pourraient effacer notre peine. Je prissa main dans la mienne. Les larmes refusaient de s’arrêter.

— J’aurais dû le savoir. Les symptômes étaient pourtant clairs.— Ne te reproche rien. Ce n’est pas ta faute.— J’aurais dû… Nick, notre bébé, dit-elle dans un hochet. Dean

nous a volé notre bébé.Je la pris dans mes bras et la berçai du mieux que je pus avant

qu’une infirmière ne vienne lui administrer des calmants. Je quittaila chambre après l’avoir regardé une dernière fois. J’avaisquelque chose à régler et si tout se passait bien, ça seraitdéfinitif.

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Chapitre 45SamanthaJe me réveillais aux sons des voix de mes parents qui se

disputaient dans un coin de ma chambre.— Tu t’en rends compte ? Enceinte ? Philip, enceinte ?

Qu’auraient dit nos amis si la nouvelle avait éclaté ?— Elizabeth, il n’y a vraiment que ça qui t’intéresse ? On a failli

perdre notre fille.— Maman sort de ma chambre, criai-je. Je ne veux pas te voir.Je me disais qu’il était possible qu’elle tienne à moi à sa

manière, mais ça serait toujours les apparences qui passeraientavant toute chose. Mon père arriva dans mon champ de vision,elle n’avait pas quitté la pièce et je ne changerais pas d’avis.

— Fais-la sortir papa. Je ne veux pas la voir. Cela fait troplongtemps que j’essaie de la satisfaire. Je n’ai plus la force.

— Samantha, dit-elle.— Pour moi, tu es comme morte ! Sors, hurlai-je.Mon père la regarda, elle poussa un soupir et sortit. Je fermai

les yeux. J’avais mal aux côtes, respirer me demandait desefforts. Je cherchai Nick du regard. Où avait-il bien pu passer ?

— Papa ?— Ne parle pas autant. Le médecin a dit que tu devais te

ménager.— Où est Nick ?— Le garçon de la dernière fois ?— Oui.— Je ne l’ai pas vu dans la salle d’attente. Il y avait Kate et

ses parents. Il ne doit pas être loin.Un mauvais pressentiment me saisit. J’agrippai la main de mon

père.— Trouve-le papa, je t’en prie.— Samantha, calme-toi, voyons. Il ne doit pas être loin.— Non, tu n’as pas compris. Celui qui m’a renversée fait partie

de l’université et a une dent contre Nick. Je suis sûre qu’il est partile rejoindre. Cela va mal finir. Va voir Kate, demande-lui detéléphoner à quelqu’un de Delta.

Il me regardait comme-ci une deuxième tête m’avait poussée.

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J’avais envie de le secouer, mais l’effort que je faisais était malimite.

— Papa. Tu m’aimes ?— Quelle question !— Alors trouve Nick, je t’en prie. Si quelque chose lui arrivait, je

ne pense pas que je pourrais m’en sortir.Je posai une main sur mon ventre, il suivit mon geste. Ma gorge

se serra.— Tu m’as toujours dit de trouver quelqu’un sur qui m’appuyer,

je l’ai trouvé papa. Nick est cette personne. Je ne…Il posa un baiser sur mon front et sortit de la chambre. Je

fermai les yeux en essayant de me calmer. Je revoyais encore le4X4 de Dean foncer sur moi. Si je n’avais pas vu sa tête aumoment où il m’avait foncé dessus, qui sait si on aurait pu prouversa culpabilité.

Enceinte ? Je le savais. Une part de moi le savait, maisrefusait d’y croire. Je ne savais pas ce que j’aurais fait si jel’avais su avant, mais je lui aurais donné la vie. C’était une part deNick.

Nick. Je me demandais ce qu’il vivait à ce moment-là.J’aimerais tant qu’il soit près de moi. J’avais dû m’assoupir, cefurent les chuchotements dans la pièce qui me réveillèrent ensursaut.

— Nick ?Je regardai mon père refermer la porte derrière lui et me

contempler. Je secouai la tête. Je n’avais plus la force pour lesmauvaises nouvelles.

— Où est-il papa ?Il s’avança vers moi doucement comme s’il avait peur que je

craque à tous moment. J’essayai de refouler mes larmes.— Papa, je t’en prie dis-moi qu’il va bien.Il pinça les lèvres. Je m’agrippai au drap avec force.— Il va bien, mais je ne dirais pas la même chose de sa victime.Je fermai les yeux. C’était un mauvais rêve, un cauchemar.— Raconte-moi.— Kate l’a trouvé avant moi. Un dénommé Matt l’a eu au

téléphone et lui a expliqué qu’il s’est fait arrêter. À ce que j’aicompris, il a frappé celui qui t’a renversé.

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Je me mordis la lèvre inférieure avec force, je sentis le goût dusang dans ma bouche et lâchai un gémissement.

— Papa, fais quelque chose.— Que veux-tu que je fasse, Samantha ? Ce n’est pas juste

une petite bagarre. Il a failli le tuer.— On peut plaider la légitime défense, que sais-je. Dean l’a

menacé devant tout notre département de lui faire payer. Il aessayé de me violer, j’ai des photos pour attester qu’il m’a frappé.

— Qu’est-ce que tu racontes ?— Tu m’as promis quelque chose parce que j’avais validé mon

année. C’est ce que je te demande, papa, ramène-moi Nick.— Je vais voir ce que je peux faire. Si ce jeune homme qui t’a

renversé a vraiment fait ce que tu as dit, le jour où il ouvrira lesyeux, il ne sera pas content de se sentir en vie.

Je regardai mon père sortir de ma chambre. Je savais qu’ilferait ce qu’il avait à faire. Mais combien de temps n’allais-je pasvoir Nick ? Allait-il bien ?

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Chapitre 46NickTrouver Dean ne fut pas compliqué. Il rangeait quelque chose

dans sa voiture, il s’apprêtait à monter quand je l’agrippai parl’épaule et le retournai. La première chose qu’il vit fut mon poing.Du sang gicla. Toute la colère, l’impuissance qui bouillonnaient enmoi, remontaient par grandes vagues. Il tenta de bloquer mon coupsuivant, mais je ne le laissai pas faire. Mon poing le frappa encoreet encore. Je ne saurais dire depuis combien de temps jem’acharnais sur lui quand on me ceintura.

— Lâche-le, Nick, tu vas le tuer.Je retenais Dean de toutes mes forces. Un policier cria :— Plus un geste !Ce qui me décida à le lâcher. Matt poussa un soupir de

soulagement. Mes yeux restaient sur Dean qui s’effondra à mespieds. J’aurais aimé lui donner un coup de pied, mais Matt mefaisait reculer.

— Mais qu’est-ce qui t’a pris bon sang ? Tu aurais pu le tuer.— Et alors ?Mon meilleur ami me regardait comme si j’avais perdu la tête. Il

regarda Dean puis moi.— Il s’est passé quelque chose ?— Il méritait une leçon.— Jeune homme, vous allez devoir nous suivre au poste de

police.Je regardai le policier puis Matt.— Matt cherche une dénommée Kate dans la fraternité de

Kappa, c’est la meilleure amie de Samantha, explique-lui lasituation, qu’elle dise à mes parents de ne pas s’inquiéter.

— Mais qu’est-ce que tu racontes, bon sang ?— Rends-moi ce service, veux-tu ?Je laissai le policier m’amener à sa voiture pendant que des

ambulanciers conduisait « la victime » à l’hôpital. Ma colèrecommençait à se calmer. Je me sentais coupable pour mesparents qui allaient voir leur fils unique derrière les barreaux, maisrien ne pourrait me faire regretter ce que j’avais fait.

Arrivé au poste, on m’enferma dans une pièce en attendant

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qu’on m’interroge. Je fermai les yeux et revis la scène del’accident puis Samantha allongée, toute blanche, sur son litd’hôpital et les mots du médecin nous disant qu’on avait perdunotre enfant. Y avait-il un moyen de remonter le temps ? Lesminutes puis les heures passèrent avant qu’on ne vienne mechercher. Le policier me fit asseoir dans une pièce comme on envoit dans les séries télé. Il me détailla avant de pousser un soupir.

— Pourquoi avez-vous fait cela ?— Que feriez-vous à la personne qui s’en prend à votre famille

?— La justice…— Quelle justice ? le coupai-je sèchement. Cette justice qui

promet de nous protéger, mais que l’argent peut acheterfacilement ? Je ne lui fais plus confiance.

— Bizarre pour quelqu’un qui suit des cours de droit.— C’est aussi cette raison qui me pousse à le faire. Il faut

bien, de temps en temps, des gens intègres dans la fosse auxserpents.

Il se laissa aller sur sa chaise et me regarda. Il ne semblaitpas me juger.

— Votre victime est dans un état critique. S’il porte plainte, çafinira mal pour vous.

— Je compte bien porter plainte, moi aussi. Il m’a harcelé. Il afailli violer ma fiancée. Il m’a même menacé.

Il poussa un soupir. On frappa à la porte. Il se leva et quitta lapièce. Je voulais savoir comment allait Samantha. Mes parentsdevaient aussi s’inquiéter, mais j’avais juste l’impression d’êtreanesthésié. Quelques minutes plus tard, le policier revint dans lapièce.

— Vous pouvez sortir.Je le regardai sans comprendre.— L’argent peut acheter la justice. Je ne sais pas qui vous

connaissez, mais cette personne a su faire ce qu’il fallait pourvous sortir de là.

— Je ne pense pas que l’argent ait quelque chose à voir aveccela. Quel est votre nom ?

— Inspecteur Ramirez.— Mexicain ?

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— Oui. Et ton père l’est aussi. Ils t’attendent, ne les fais paspatienter trop longtemps. Mais la prochaine fois, quels que soientles ressentiments que tu as contre la justice, ne la fait pas seul.

— Je saurai garder ça en tête.Je sortis de la pièce et longeai le couloir. Mes parents

m’attendaient de l’autre côté. Ma mère avait la tête sur lesépaules de mon père, celui-ci la serrait contre lui. Je leur avaisfait de la peine. J’aurai du mal à les regarder dans les yeuxpendant quelque temps, mais ils me pardonnent toujours. Jem’arrêtai devant eux.

— Niño.— Mon bébé.Ma mère me prit dans ses bras et pleura. Je frottai son dos et

regardai mon père. Il me fit un faible sourire avant de tirer mamère vers lui.

— J’ai entendu les policiers parler de ce Dean.— Désolé papa.— Ce n’est pas grave Niño, je comprends ta réaction. Monsieur

Mitchell a fait ce qu’il a pu pour te sortir de là. Peut-être quecette fois-ci, une personne de cette famille aura la peine qu’ilmérite.

Je l’espérai moi aussi de tout cœur. Ils ne devaient pas s’ensortir facilement.

— Va à l’hôpital, elle t’attend, dit mon père au bout d’unmoment.

— Vous ne venez pas ?— Le temps que ta mère se calme, on te rejoint.— OK.Je sortis du commissariat et hélai un taxi. Pendant le trajet

jusqu’à Samantha, je regardai les immeubles défiler. Malgré le faitque je ne culpabilisais pas, j’avais quand même fait une belleconnerie, j’aurais pu tout perdre. Je comprenais pourquoi mon pèreme disait souvent de ne pas laisser parler la colère. Mais quefaire quand on se sentait si impuissant devant l’injustice ?

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Chapitre 47SamanthaJe refusai le repas que l’infirmière m’avait amené. Qui pouvait

bien manger quand l’homme de sa vie était en danger ? Mon pèreessaya de me calmer en me disant qu’il avait fait ce qu’il fallait,mais moi, je voulais le voir. Quand il franchit la porte, j’éclatai ensanglots. Je le voyais avancer vers moi à travers mes larmes.Mon père se poussa pour lui laisser la place. Il me prit dans sesbras. Je le serrai avec autant de force que je le pouvais.

— Je suis là. Tout ira bien.J’entendis la porte se fermer. Il n’y avait personne qui me

connaissait mieux que mon géniteur. Il nous laissa le temps de nousretrouver avant de dire ce qu’il avait à dire.

— Pourquoi ? dis-je entre deux sanglots. Nick, je n’aurais passurvécu s’il t’était arrivé quelque chose.

— C’est fini.Il prit place près de moi en faisant attention à mes côtes. Il me

raconta ce qui s’était passé au commissariat. Je lui expliquai quemon père avait fait pression sur ses avocats pour que Dean soitmis en état d’arrestation pour tentative de meurtre. Nous nesavions pas encore comment la suite allait se passer, mais onessayerait de ne pas laisser de traces sur le dossier de Nick.

— Kate et ta mère attendent pour te voir. Je vais rentrerprendre une douche, manger quelque chose et revenir.

— Tu peux dire à Kate de rentrer, mais pas ma mère.— Tu dois manger, toi aussi. Reprendre des forces.Je trouvais bizarre qu’il ne dise rien sur ma mère, mais j’appris

plus tard qu’il avait entendu une dispute entre mes parents sur lefait que j’avais dit à ma génitrice de ne pas s’approcher de moi.Après un baiser sur le front, il s’en alla.

Kate resta avec moi le temps que je mange la nourritureinfecte de l’hôpital. Mon père passa me voir et sortit quand lesparents de Nick entrèrent. Jess avait les yeux gonflés.

— Jess, je vais bien.— Ma fille.Elle prit ma main dans les siennes. Je ne saurais dire si

c’étaient les calmants qui me rendaient si émotive, mais malgré

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toutes les larmes que j’avais déjà versées, j’en avais encore. « Mafille », un simple mot et pourtant.

— Le temps guérit les blessures. Je sais que ça sera dur. Maisvous avez la vie devant vous, me dit-elle au bout d’un moment.

— Oui, je sais, mais c’était notre enfant.— Il y en aura d’autres.Elle regarda son mari qui avait posé une main sur son épaule.

Nick m’avait expliqué pour la maladie de sa mère, ce qui l’avaitcontraint à être fils unique. J’espérais lui donner autant de petitsenfants que je pourrais.

— Tout ira bien, dit le père de Nick.Il me fit un petit sourire et aida sa femme à se lever.— Dis à Nick qu’on l’appellera. Ma femme a besoin de se

reposer. Et toi aussi, prends soin de toi. Pour lui.Jess m’avait dit qu’on devait être la force des hommes

Sanchez. Je serais celle de Nick. Nous serions leur pilier.Qu’importaient les épreuves qu’on aurait, nous ne baisserionsjamais les bras. Après leur départ, je me rendormis en attendantson retour. Une main se posa sur la mienne, je me réveillai pensantque c’était lui, mais c’était ma mère.

— Que fais-tu là ?— Samantha…— Je ne veux pas te parler. Je suis fatiguée, attends que j’aille

mieux pour dire ce que tu as à dire.— Je voulais m’excuser.— Vraiment ? Papa a menacé de divorcer ?— Non.— Alors je ne vois pas ce que tu fais là.— Écoute ta mère, dit mon père entrant dans la chambre. Elle

se sent coupable.Je lui lançai un regard irrité.— Coupable ? Après toutes ces années, c’est maintenant

qu’elle se rend compte de son comportement.— C’est un peu de ma faute aussi, me dit-il. J’aurais dû voir et

comprendre la situation. Je n’ai jamais compris que tu souffraisautant.

Je n’avais plus de force pour argumenter. Je fermaisimplement les yeux.

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— Dis ce que tu as à dire. Je ne pense pas pouvoir tepardonner, mais je pourrais te laisser encore une place dans mavie.

— Je ne demande pas plus, plaida-t-elle. Je demanderai tonavis à partir de maintenant. Je ne laisserais plus le regard desautres obscurcir mon jugement.

— Si tu penses réellement ça, on arrivera peut-être à quelquechose.

— Je peux entrer ? dit la voix de Nick.— Entre, lui dis-je.Je le regardai avancer vers nous et prendre place à ma

gauche.— Madame et Monsieur Mitchell, désolé que notre rencontre se

fasse de cette façon.— J’aurai en effet préféré la faire dans un restaurant, mais il

n’est jamais trop tard, fit son père.— Maman, papa, je vous présente Nick Sanchez, l’homme de

ma vie.Mon père serra la main que Nick lui présenta. Ma mère fit de

même. Je la regardai pour voir si elle allait faire une remarquequelconque, mais elle ne fit que serrer sa main avec un faiblesourire. Madame Mitchell, pas de commentaire ? Je devais bien lereconnaître, elle faisait son possible pour se racheter. Ilsquittèrent la pièce et nous laissèrent. Nick prit place sur la chaise.On se regarda un moment. Des malentendus, des larmes, du sanget une perte, tout cela n’avait fait que nous rendre plus forts, j’enétais sûre. Qu’importaient les obstacles, Nick Sanchez seraittoujours celui qui serait à mes côtés.

158

Chapitre 48Nick - deux ans plus tard.Cela ne fut pas facile après l’accident de Samantha. Elle

resta hospitalisée un mois puis emménagea chez moi avec l’ordredu médecin de ne pas forcer. Bien entendu, Samantha Mitchell neserait pas la femme que j’aimais si elle ne s’amusait pas à sebalader dans l’appartement simplement vêtue d’un de mes t-shirtsou d’un minishort. Les douches froides, j’ai pu les compter et cettediablesse riait de mon malheur. On eut des soucis avec lesparents de Dean, même son oncle mis son nez dans l’histoire cequi fit que le dossier sur la mort de mon cousin fut ré-ouvert. Tousles deux furent condamnés. J’eus de la chance que le juge futclément avec moi quand je lui expliquai mon histoire. Bien entendu,il n’y aurait pas de traces sur mon dossier. Ainsi, je pus reprendremes cours de droit à la rentrée, mais avec des cours de contrôlede soi en prime. Samantha démissionna du poste de présidente,abandonna même la fraternité et ne quitta plus mon appartement.

On vivait ensemble, on se voyait tous les jours comme un vraicouple. Cela nous semblait tout naturel. Le jour où je récupéraismon diplôme, je souris à la foule où ma mère était en larmes. JessSanchez, cette femme qui était le pilier de notre famille. Elle noussoutint pendant la convalescence de Samantha, passantpratiquement tous les jours pour nous amener de quoi manger.Après le discours de fin d’année, on lança tous notre toque en l’air.Samantha sauta dans mes bras et m’embrassa en même temps.

— Enfin diplômée. Je vais prendre une année sabbatique avantde reprendre. Mais toi, mon cœur, tu vas continuer.

Je ne comprenais pas trop ce qu’elle voulait dire. Avant que jene puisse la questionner, nos parents arrivèrent vers nous.

— Félicitations, nous dirent mes parents.— J’ai faim, dit Samantha.— J’ai réservé le restaurant, on a qu’à y aller maintenant, dit

sa mère.Elles se regardèrent. Leur relation avait évolué dans le temps.

Elizabeth demandait plus qu’elle n’exigeait ce qui permit à ma belled’oublier le passé. On monta dans ma voiture pour se rendre aurestaurant. Je commençais à avoir les mains moites. J’avais prévu

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de lui faire une surprise. Cela n’avait pas été facile de convaincreson père, mais à force d’arguments, il avait fini par dire oui. Je nedoutais pas de sa réponse à ELLE, mais faite-le comprendre àmon cerveau.

Je me garai sur le parking vide. Un sénateur ne pouvait dînerdans un lieu trop public. Au moins, cela avait du bien, on étaitprotégés. Nous entrâmes et les félicitations fusèrent. Ma familleétait au complet, ma tante, Rico et sa femme ainsi que Matt quiavait préféré venir avec nous plutôt que de rester avec sesparents. L’ambiance était parfaite. Mon père me fit signe et jefrappai mon couteau sur ma flûte de champagne. Tout le mondese tut et mon trac augmenta. Je me tournai vers la lumière de monâme et posai un genou par terre. Elle ouvrit grand les yeux, maissourit.

— Samantha Mitchell, j’ai eu l’accord de ton père, qui m’amenacé de me faire enfermer à Guantanamo si je te rendaismalheureuse. Tu sais que tu es la plus belle chose qui me soitarrivée dans la vie ? Mon père m’a toujours dit qu’un jour, jetrouverai celle qui me complétera comme ma mère le complète. Jem’étais dit ça risque d’être compliqué et puis j’ai croisé ton chemin.Cela n’a pas été facile. Ma rousse préférée avec son caractèrede feu a laissé sa marque au fer rouge sur moi. Je pourrai diretoutes tes qualités, tout ce que je ressens, qu’il n’y aurait plusassez de mots pour tout te dire. Voudrais-tu me faire l’honneurd’être la femme de ma vie ? Devenir Samantha Mitchell Sanchez?

— Oui, Nick. Oui.Je glissai la bague que j’avais mis deux ans à payer. Je l’avais

récupéré une semaine avant la remise des diplômes. C’était unsimple solitaire, mais je savais qu’elle l’aimerait autant que moi.

Je me relevai et la pris dans mes bras. Elle m’embrassa sousles applaudissements et félicitations de nos familles et amis. Quepouvais-je demander de plus ? J’avais celle que j’aimais près demoi.

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Chapitre 49SamanthaCela ne fut pas facile après l’accident, mais Nick fut plus que

parfait. Chaque jour qui passait, je l’aimais un peu plus. Je nepensais pas que c’était possible et pourtant.

Ma mère, après toutes ces années, eut le comportement quej’attendais d’elle. Cela ne fut pas facile d’oublier tout ce temps desouffrance, mais je pus lui pardonner. Deux années avaient passéet nous voilà diplômés. Je ne vis rien venir. Je m’étais dit qu’un jourou l’autre, il me ferait sa demande, mais quand ? C’était laquestion à un milliard.

Après avoir remercié nos parents et amis pour leursfélicitations, je lui pris la main et l’entraînai loin d’eux. Je longeai uncouloir et entrai dans la pièce du gérant. Nick me regarda avecsurprise.

— Ma belle, ne me dit pas que ?— Gros pervers.— J’avoue que quand il s’agit de toi, je ne réfléchis pas comme

tout le monde.Je me mis à rigoler tout en le poussant vers le bureau. Celui-ci

était vide et heureusement. Il m’agrippa les hanches et mesouleva. J’entourai sa taille de mes jambes et l’embrassai. Latempérature monta. J’avais mis une robe noire assez évasée. Iltrouva le chemin très vite. Il nous changea de position etm’allongea sur le bois. Il parsema mon cou de baisers et fitdescendre mon string.

— Tu vas me rendre folle.— Je saurai te guérir.Il détacha sa ceinture, fit descendre sa fermeture éclair et son

pantalon. J’ouvris les jambes pour le recevoir. Nous gémîmesensemble avant qu’il ne se fige.

— Mince, je n’ai pas de préservatif.— Pas besoin, dis-je en le serrant contre moi.Je ne lui laissai pas le temps de répliquer et le forçai à

m’embrasser. Il laissa tomber la bataille et me fit l’amour.L’orgasme nous terrassa, il avala mon cri dans un long baiser.J’aurais dû avoir honte, nos familles et amis n’étaient pas loin,

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mais que faire ? Nick me faisait toujours cet effet. Quelquesminutes plus tard, il m’aida à arranger mes cheveux et mesvêtements.

— Tu sais que tu es folle ?— Et cette folle, tu vas l’épouser.Il me sourit et m’embrassa. Je le repoussai gentiment. Une fois

ça passe, mais deux fois ? Je ne pense pas que ça aurait étéraisonnable.

— J’ai quelque chose pour toi.Je pris la boite que j’avais posée près de nous avant que le

plaisir ne nous submerge. Il la regarda, intrigué, avant de l’ouvrir.J’avais appris la nouvelle encore avant les examens finaux. Cettefois-ci, je n’avais pas attendu d’être malade pour courir chez lemédecin. J’avais sauté de joie. Je voulus le lui dire de suite, maisaprès réflexion j’avais préféré attendre aujourd’hui.

— Mais, mais…Il me regarda puis mon ventre ensuite la boite dans sa main.

Nous nous étions toujours protégés. Mais un soir trop perdus dansl’action, il l’avait oublié. J’avais fait un calcul, normalement, jen’aurais pas dû ovuler, mais mon corps faisait ce qu’il voulait.

— Nous allons avoir un bébé ?— Oui, mon cœur. Un mariage, un bébé.Il me sourit avant de me prendre dans ses bras. Je l’entendis

renifler. On avait évité de parler de celui qu’on avait perdu. Onn’avait pas vraiment fait sa connaissance, mais c’était quandmême une perte. Je retirai l’image que je cachais dans monsoutien-gorge et lui tendis.

— Il ressemble encore à un petit pois, mais c’est notre enfant.Sa main tremblait quand il me la prit. Je souris. Je me rappelai

avoir pleuré au point que la gynécologue avait dû vider sa boite demouchoirs.

— C’est pour cela que tu disais que tu prenais une annéesabbatique ?

— Oui, je vais en discuter avec mon père, qui sait, il trouveraune solution pour que je fasse au moins six mois parcorrespondance.

— Il va me tuer.— Pourquoi ?

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— Je lui ai promis de ne pas te faire interrompre tes études, defaire mon possible pour te soutenir.

— Je m’occupe de mon père. On va attendre les trois mois pouren parler à tout le monde.

Il posa une main sur mon ventre et sourit.— Tu fais de moi l’homme le plus heureux du monde. J’aimerai

le crier partout, mais profitons de cet instant à nous avant que jecommence à me cacher de ton père.

Je ris doucement. Nous quittâmes la pièce le cœur léger. Onn’était pas du même monde, mais cela n’avait pas empêché qu’onse rencontre.

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ÉpilogueNick - dix ans plus tardLes années ont défilé à toute vitesse. J’ai encore l’impression

d’être à mes 24 ans. Je regarde Samantha aider notre fils à finirses devoirs d’algèbre. Cela n’a pas été facile avec son père àl’annonce de sa grossesse, mais ma femme a su prouver qu’unefemme peut tout faire, se marier, porter notre enfant à terme,suivre des cours par correspondance, tenir la maison, s’occuperde notre fils pendant que je continuais les miens. À ses deux ans,elle accepta de retourner au campus et passa les deux dernièresannées de droit à la fac avec moi.

Nous avons emménagé dans un appartement plus grand à lanaissance de Francisco. Encore une fois, elle n’a cessé dem’étonner. Elle a décidé de donner à notre fils le prénom de moncousin décédé, en hommage. Notre fils me ressemble, elle en esttout contente parce qu’elle ne voulait pas qu’il soit roux. Cela mefait sourire en tournant ma tête vers Rita, notre petite dernière de5 ans qui elle est le portrait de sa mère. Les gênes ne l’ont pasépargnée, mais étonnamment, après avoir vu notre fille, elle avaitri, disant que c’était une malédiction chez les filles Mitchell.

Elle se tourne vers moi en souriant. Elle a pris des vacancespour être avec moi. Je viens de finir de boucler un procès, ledossier a été lourd. Être l’assistant du procureur de Washington aété la meilleure chose qui me soit arrivée, mais aussi la plus dure.On voit défiler des familles détruites et toutes ces personnesperdues ne sachant que faire après un drame. Chaque jour a uncas spécial.

Je me retourne pour me diriger vers mon bureau. Je suiscontent de ce que j’ai. Je ne finirai jamais de remercier les cieux.Mais à 35 ans, je sens déjà l’usure du temps. Samantha merattrape au moment où je referme la porte.

— Tout va bien, mon amour ?— Oui, parce que vous êtes là.Elle me sourit et m’embrasse. On prend place sur le canapé qui

se trouve dans la pièce. Elle se blottit dans mes bras.— Ta mère m’a téléphoné pour nous inviter, les petits et nous,

pour Noël. Je me disais qu’on pourrait fêter nos 10 ans de mariage

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avec eux.— Et tes parents ?— Mon père sera à un séminaire. J’ai dû me disputer avec lui

pour ne pas l’accompagner. J’aurai dû partir travailler chez leconcurrent.

Je ris doucement. Après son diplôme, son père l’a embauché.Comme tout le monde, elle a commencé en bas de l’échelle avantde grimper en flèche. Je suis si fier d’elle.

— Tu l’aimes trop pour ça.— Heureusement. Parce qu’en ce moment, va savoir pourquoi, il

est de pire en pire.— Peut-être la crise de la soixantaine.— Possible.Elle se mure dans le silence. Je me mets à regarder les cadres

photo qui décorent les murs de mon bureau. J’ai les mêmes à montravail, le sourire de Samantha et ceux de nos enfants.

— Nick ?— Oui ?— Je t’aime.— Moi aussi.— Tu penses qu’on a encore de la force pour un troisième

enfant ?Je la regarde bizarrement quand elle lève la tête. Pour

chacune de ses grossesses, elle m’a sorti une phrase symbolique.La première, « je prends une année sabbatique », la seconde, «j’ai besoin d’un petit congé, mais ne t’inquiète pas mon cœur, jepeux tout faire les jambes en l’air » et cette fois-ci, « si on a de laforce » ?

— Tu es enceinte ?— Oui, de dix semaines. Le surmenage ne m’a pas fait

remarquer que j’avais du retard. Il faut croire que même la pilulene fonctionne pas avec moi.

Je ris doucement avant de l’embrasser.— Trois, quatre, tant que tu as de la force mon amour, je veux.

Ce sont nos enfants, une part de toi, une part de moi.— Je t’avoue que j’aurais aimé m’arrêter à Rita, mais quand

j’ai vu encore une fois le petit pois j’ai craquée.Je pose ma main sur son ventre et la regarde dans les yeux.

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— C’est toi qui vois, mon cœur. Je suivrai ta décision.— C’est parti pour un troisième alors.La vie peut être compliquée, semée d’embûches et d’épreuves,

mais tout arrive à point à qui sait attendre. J’ai su être patient,j’ai su pardonner, j’ai su avancer et la vie a mis Samantha surmon chemin et cela a suffi à faire mon monde.

FIN

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RemerciementsCe roman a vu le jour, mais comme plusieurs de mes

manuscrits, il n’était nullement certain qu’il ait son point final. Jetiens à remercier spécialement ma « moitié », Sylvie. Je ne sauraisdire depuis combien d’années on se connaît parce que le tempsest devenu illimité pour nous deux.

Un petit pari parce qu’elle sait que je ne peux pas y résister etvoilà, vous avez entre vos mains mon tout premier livre.

Sylvie merci, vraiment. Au point final, j’ai eu l’impression d’avoiraccompli quelque chose. Qui sait, c’est vraiment le cas ?

Merci à toutes mes bêta-lectrices qui ont lu mes chapitresremplis de fautes et qui n’ont pas lâché l’affaire en route.

Et merci à vous, lecteurs, d’avoir acheté mon livre. J’espèreque Samantha et Nick auront su vous faire rêver.

Mallika R.

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Anyway ÉditionsSi vous souhaitez être informé de nos parutions et tout savoir

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Chapitre 27Chapitre 28Chapitre 29Chapitre 30Chapitre 31Chapitre 32Chapitre 33Chapitre 34Chapitre 35Chapitre 36Chapitre 37Chapitre 38Chapitre 39Chapitre 40Chapitre 41Chapitre 42Chapitre 43Chapitre 44Chapitre 45Chapitre 46Chapitre 47Chapitre 48Chapitre 49Chapitre 50 - ÉpilogueRemerciementAnyway Éditions

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Table des Matières

Couverture 2Titre 3Résumé 4Table des Matières 5Existentielle 7Mentions Légales 8Dédicace 9Chapitre 1 10Chapitre 2 12Chapitre 3 16Chapitre 4 18Chapitre 5 23Chapitre 6 26Chapitre 7 32Chapitre 8 39Chapitre 9 41Chapitre 10 43Chapitre 11 46Chapitre 12 49Chapitre 13 51Chapitre 14 54Chapitre 15 58Chapitre 16 62Chapitre 17 66Chapitre 18 69Chapitre 19 73Chapitre 20 76

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Chapitre 50 - Épilogue 164Remerciement 167Anyway Éditions 168

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