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Les cahiers d’Éducation & Devenir pdf 1 mai 07 7 € 50 L’aide individualisée Une recherche-action en seconde

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Les cahiers d’Éducation

& Devenir N° pdf 1 mai 07

7 € 50

L’aideindividualisée

Une recherche-actionen seconde

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L’aide individualisée

Une recherche-action

en seconde

Lycée François Mauriac-Forez Andrézieux-Bouthéon

Éducation & Devenir N° SIRET 38010107100047 Code APE/NAF 913E Secrétariat Général Martine Lecomte Collège du Val-d’Auge Rue de Bad Nenndorf 76560 DONDEVILLE Tél. 02 35 96 53 14 Fax 02 35 56 65 14

Trésorerie Jean-François Delporte Collège Jean Zay 1 rue du 11 novembre 76770 LE HOULME Site http://education.devenir.free.fr

Coordinatrice des Cahiers d’Éducation & Devenir Martine Tauszig Académie de Lyon Responsables du présent Cahier Françoise Clerc Claude Rebaud

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SOMMAIRE

Introduction 4 Claude Rebaud UNE POLITIQUE D’AIDE A L’APPRENTISSAGE

• L’effet d’aide et son contexte : le projet d’établissement 11 • Les dispositifs d’aide 14

L’EMERGENCE DE LA RECHERCHE-ACTION

• La problèmatisation de la Recherche-Action 31 • Le projet de recherche 36 • Le dispositif de recherche 41

REGARDS CROISES SUR L’AIDE A L’APPRENTISSAGE

• Une culture d’aide aux apprentissages : la centration sur les metho-des de travail 45

• Les aides pratiquées dans l’établissement 51 • Synthèse : une culture pédagogique partagée 83

LES RESULTATS DE L’ENQUETE

• La conception du questionnaire 84 • Les réponses au questionnaire des élèves 85 • Les réponses au questionnaire des professeurs 98 • Les réponses au questionnaire des parents 105 • La comparaison des trois questionnaires 111

ANALYSE A PLUSIEURS VOIX D’UNE POLITIQUE D’AIDE

• Une séance d’aide en français : description et analyse 116 QUATRE ANS APRES

• La préparation de la rentrée 2006-07 139 CONCLUSION 145

Annexe 156

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Introduction

Ce numéro des Cahiers est le produit d’une recherche-action conduite, à partir de la rentrée scolaire 2000, au ly-cée François Mauriac Forez à Andrézieux-Bouhéon (42) par une équipe du lycée compo-sée de professeurs de lettres, d’un professeur d’anglais, de sciences physiques, d’aides éducateurs, du proviseur, sous la conduite de Françoise CLERC, professeur en scien-ces de l’éducation à Lyon II et sous l’égide de l’INRP.

L’origine de l’initiative Les deux années précédant le début de ce travail, à partir de septembre 98, une équipe, constituée des seuls profes-seurs de lettres, avait conduit deux recherches-actions du même type sur le thème de « la presse », en coopération, la première année, avec le journal le Progrès et, la deuxième année, avec des journaux nationaux (le Mon-de de l’éducation et la Vie en particulier ). Parallèlement à ce travail, à la rentrée 99, les mêmes

professeurs se sont tous trou-vés impliqués dans la réforme des lycées lancée par Claude ALLEGRE caractérisée en par-ticulier par la mise en place de l’aide individualisée en classe de seconde générale et technologique.

En décembre 99, à l’initiative de l’équipe de direction du ly-cée, tous les acteurs impli-qués dans la mise en œuvre des nouveaux dispositifs d’en-seignement (ECJS, TPE, Aide Individualisée) ont été invités à produire chacun un premier bilan écrit de leur activité. Ces bilans individuels ont fait l’objet d’une diffusion interne au lycée, suivie de réunions pour chacun de ces disposi-tifs. Les enseignants ont trou-vé leur compte à ce bilan au-quel ils ont volontiers partici-pé.

En ce qui concerne l’aide in-dividualisée, ce travail a permis un échange sur les objectifs, les pratiques et l’a-morce de la constitution d’une banque de données d’exerci-ces, de méthodes de travail : mode de sélection des élèves,

Claude REBAUD Proviseur

du Lycée François Mauriac

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Introduction

durée des rotations des grou-pes, constitution de groupes (présence d’un leader, hétéro-généité), contenu des séances (exercices d’orthographe, de synthèse, de vocabulaire, tech-nique de l’argumentation, re-prise des corrigés des devoirs, utilisation de supports choisis dans la presse ou la littératu-re), découpage du temps à l’in-térieur de chaque séquence, définition des objectifs (recherche de la confiance par la relation individualisée à un adulte, prise de parole, amélio-ration des résultats aux évalua-tions…). Mais aussi, ce bilan a mis en évidence le désarroi et le risque de découragement des ensei-gnants lancés dans cette nou-velle pratique : comment moti-ver des élèves pour qu’ils ac-ceptent volontiers l’aide si leurs efforts ne sont pas récompen-sés par des progrès visibles dans la moyenne portée sur les bulletins trimestriels, quelle uti-lité à la multiplication d’exerci-ces jamais suivis d’un réinves-tissement ultérieur, comment éviter le sentiment de discrimi-nation, voire de punition à l’en-contre d’élèves déjà saturés par les obligations scolaires ? À la suite de ce premier bilan, la décision collective a été prise de demander une formation

collective négociée avec l’IUFM. Suite à l’accord donné à cette demande, l’établissement a pu lui-même choisir son forma-teur, en l’occurrence Françoise CLERC. Ainsi, de la conjonction de ces deux évènements (recherche-action sur la presse et forma-tion sur l’aide individualisée) est née l’idée de cette recher-che-action dont le thème « l’aide au travail des élèves » a permis l’ouverture à d’autres personnels que les professeurs de lettres : les aides éduca-teurs en charge de l’aide au travail dans un dispositif créé à l’intérieur de l’établissement depuis 1999 (le dispositif nom-mé ADESIO « Accompagne-ment aux Devoirs et Études Suivies Individuelles ou Occa-sionnelles »), un professeur de sciences physiques, un profes-seur d’anglais, le proviseur et aussi dans un premier temps à une CPE et à une documenta-liste.

L’aide dans l’établisse-ment : une pratique an-cienne Le souci d’aider les élèves, en particulier les élèves en diffi-culté, dans leur travail scolaire a toujours été une préoccupa-

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tion forte au lycée François Mauriac Forez à Andrézieux-Bouthéon depuis sa création en 1989. Ce lycée est implanté au centre du département de la Loire, à moins de 20 km de St Étienne, dans la seule zone du départe-ment qui connaît un développe-ment économique et démogra-phique, la Loire étant, au sud et au centre, particulièrement sinistrée à cause des déboires des industries houillères, sidé-rurgiques, métallurgiques et textiles.

Le centre du département est lui, très convoité (bords de Loi-re, proximité des monts du Lyonnais et des monts du Fo-rez) par une population nouvel-le en recherche d’un cadre de vie paisible. Le lycée François Mauriac a été implanté au cœur de cette zone, à Andrézieux-Bouthéon, en lisière du quartier de la Chapelle, quartier réputé alors très difficile. Il a donc fal-lu apaiser les craintes d’une population venue habiter dans un secteur calme et effrayée de voir ses enfants transportés quotidiennement dans une zo-ne urbaine réputée dangereu-se.

Afficher de très bons résultats au bac est devenu un élément majeur dans la stratégie de valorisation de l’établisse-

ment. Elle s’est caractérisée de deux façons : la volonté de fai-re réussir chacun des élèves, en n’abandonnant personne sur le bord du chemin. La montée en charge progressive des ef-fectifs (ouverture la première année pour le seul niveau de seconde) a facilité l’individuali-sation du suivi des élèves. Il se trouve que l’équipe éducative était tout à fait disposée à cette pratique pédagogique. Les en-seignants provenaient, pour la plupart, d’établissements diffi-ciles de St Etienne, lycées et collèges, en particulier du lycée Benoît Fourneyron et du collège de Montreynaud. Ils savaient donc ce qu’est un élève en dif-ficulté. Leur décision de de-mander une mutation au lycée François Mauriac Forez était toujours un choix positif, la plupart d’entre eux résidant dé-jà dans le secteur de recrute-ment du lycée. Leur attache-ment à la population et leur en-racinement dans le territoire ont ainsi favorisé cette volonté commune de faire réussir tous les élèves. Enfin, le premier proviseur, Michel Delay, arrivait lui aussi d’un collège en grande difficulté, à Vénissieux dans le quartier des Minguettes, avec la solide réputation d’avoir re-dressé, grâce à son charisme et à un investissement pédagogi-que fort, une situation jugée, à son arrivée, désespérée.

Introduction...

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Introduction

Deux documents rédigés à l’é-poque manifestent bien cette préoccupation d’aider les élè-ves : un guide des méthodes de travail mis à la disposition de chaque élève de seconde donnait, dans une première partie, des consignes de travail centrées sur l’organisation du travail personnel et sur les techniques d’appropriation des savoirs scolaires. La seconde partie devait être complétée dans chaque classe avec cha-que professeur, il s’agissait d’é-tablir, dans chaque discipline, « une liste » d’opérations in-dispensables pour réussir son travail scolaire.

Le deuxième document péda-gogique était proposé à tous les élèves doublants de se-conde. Ceux-ci étaient regrou-pés dans une classe à effectif allégé ; il leur était proposé da-vantage de travail en groupe et diverses formes de soutien, comme les « SOS matières ». Chaque élève était aussi « tutoré » par un membre de l’équipe pédagogique avec qui il avait, en début d’année, un entretien dont les objectifs et les méthodes avaient été défi-nis à l’issue d’une formation ac-tion conduite par la MAFPEN dans l’établissement. Mais, parallèlement à cette for-te obsession de faire réussir le lycée grâce à la qualité de la

pédagogie et au suivi individua-lisé des élèves, le manque d’expérience de travail en lycée de nombreux personnels d’en-seignement et d’éducation, la peur de devenir un lycée stig-matisé comme un lycée de banlieue sont à l’origine d’une sorte de manque de confiance en soi qui s'est traduite peu d’années après l’ouverture du lycée par une dérive dans les pratiques d’orientation : les taux d’échec en classe de se-conde (redoublement et ré-orientation en LP) ont rapide-ment augmenté pour se stabili-ser à 25 % ; de plus - bien que l’orientation à l’entrée en classe de première S ait été sélective (autour de 26 % des élèves de seconde) - de très nombreux redoublements (37 % à la fin de l’année scolaire 97/98) sont proposés aux familles par les conseils de classe de première S. Pourtant de nombreux dis-positifs de soutien étaient mis en place dans les disciplines scientifiques de la série S, sous la forme essentielle d’adjonc-tion d’heures à l’horaire régle-mentaire. Cette pratique n’était manifestement pas très effica-ce1 !

Cette démarche a abouti ce-pendant à l’excellence des ré-sultats obtenus au baccalauréat (8 à 10 points au-dessus de la moyenne académique)… Com-

(1) On peut aussi interpré-ter cette dérive (à partir de la 4ème année de fonction-nement de l’établissement) non pas par la peur de devenir un lycée stigmati-sé, mais par un change-ment de la politique de pilotage du lycée, suite au décès du premier provi-seur. A ce moment, les nouvelles orientations deviennent plus « classiques » . La réussite aux examens devient le critère essentiel de la per-formance de l’établisse-ment. Les pratiques sélec-tives à l’issue de la classe de 2nde et de 1ère s sont utilisées pour favoriser cette réussite.

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me les autres indicateurs (durée moyenne pour obtenir le bac à partir de la classe de seconde) sont rarement lus, l’établisse-ment a été vite considéré comme un « très bon lycée ». Le pari ini-tial était donc gagné.

Il faut enfin ajouter que ce souci d’aider les élèves dans leur tra-vail a été renforcé au lycée Fran-çois Mauriac Forez par deux causes d’ordre géographique et sociologique. Le lycée accueille une population « urbaine » dispersée dans un rayon de plus de 30 kms. Aussi l'immense majorité des élèves sont-ils transportés par car cha-que jour et vivent-ils des jour-nées très longues au lycée. Ce-lui-ci devient donc forcément un lieu de vie obligé et un lieu de travail personnel : quand on part de chez soi chaque semaine 6 jours sur 7, à 7 heures le matin et que l’on rentre à 19 heures, il faut avoir une volonté hors du commun pour s’atteler en soirée à 2 heures de travail personnel ! Le lycée est donc investi de la responsabilité du travail person-nel de chaque élève, qu’il le veuille ou non. Parallèlement, cette population « rurbaine » a aménagé dans le centre du département récem-ment, en provenance le plus sou-vent de St Etienne ou des deux vallées du sud de la Loire, les vallées de l’Ondaine et du Gier. Il ne s’agit pas d’une population

privilégiée en termes de « Catégories socio-profession-nelles ». Les catégories ouvrières et employées y sont même sur-représentées. En réalité, il ne s’agit pas d’une population diffi-cile pour l’institution scolaire : les familles ont construit un choix positif de lieu de vie ; si elles manquent parfois d’ambition en termes de poursuite d’études dans l’enseignement supérieur (orientation très importante vers l’enseignement supérieur court, faible vers les CPGE ), elles sont en attente forte par rapport à l’é-cole dont la fonction d’ascenseur social est encore très présente… Ainsi les parents répondent nom-breux quand on les convie à des réunions d’information. Et les va-leurs de travail et d’effort gar-dent leur importance dans ce dé-partement où le travail industriel a toujours été dur. En 1998, par son histoire, le ly-cée était donc prêt à s’investir dans les nouveaux dispositifs d’enseignements proposés par la réforme des lycées : aide indivi-dualisée en français et en maths en seconde, TPE, ECJS. En tant que proviseur récemment nom-mé dans cet établissement, j’ai alors trouvé un terrain très favo-rable à l’écriture d’un projet d’é-tablissement centré sur l’aide au travail des élèves sur la mise en place des dispositifs institution-nels nouveaux et sur la forma-

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tion des enseignants pour ac-compagner ces différentes inno-vations.

Des enjeux qui dépassent les problèmes de l’établis-sement L’idée d’une recherche-action consacrée à l’aide au travail des élèves est née, nous l’avons vu, de façon progressive, au gré d’une opportunité offerte par l’INRP, de la volonté de quel-ques individus de travailler en équipe sur un problème central dans l’établissement et dont les difficultés de résolution étaient amplifiées par l’obligation de ré-pondre à de nouvelles comman-des de l’institution. Elle s’inscrivait dans un contex-te local favorable : l’aide au tra-vail des élèves était une tradi-tion dans l’établissement, mais les dérives élitistes dans l’orien-tation en classes de 2nde et de 1ère S posaient problème. Cette recherche-action permettait aussi de tenter une réponse à la double-commande de l’Institution : mettre en pla-ce des dispositifs nouveaux comme l’aide individualisée en seconde, les TPE, l’ECJS et faire de l’école son propre recours. Cette expression a soulevé beaucoup d’émoi quand elle a été utilisée par le ministre de l’époque, alors contestée par

de nombreux enseignants, Claude ALLEGRE. Elle signifie pourtant simplement que cha-que établissement doit trouver, en fonction de la spécificité du public qu’il accueille et de ses potentialités, des solutions pour que chaque élève puisse cons-truire et réaliser son projet sco-laire personnel. Ces deux com-mandes institutionnelles ont donc le même objectif : la réus-site du plus grand nombre. Or les dispositifs d’aide mis en place soit à l’initiative de l’insti-tution, soit à celle de l’établisse-ment plongeaient les ensei-gnants dans le doute quant à leur efficacité. Cette recherche-action traduit donc la volonté d’une remise à plat de l’exis-tant, par une approche scien-tifique (sous la forme d’une enquête) de façon à mieux ap-préhender les attentes et les besoins de chacun, élèves, en-seignants et parents, et leur de-gré de satisfaction par rapport aux dispositifs en place. Cette démarche constitue une méthode active de formation des personnels enseignants et d’éducation, regroupés de façon pluridisciplinaire et inter catégorielle. Le fait que cette recherche-action soit conduite sur l’égide de l’INRP a permis qu’un professeur d’Université en sciences de l’éducation, Françoi-se CLERC dirige ce travail.

Introduction

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Introduction

On a pu nourrir l’ambition que ce travail en commun entre acteurs de terrain et universitaire contri-bue et devienne, pour le groupe, un référent scientifique ; qu’il per-mette aussi de façon certes très modeste, de nourrir la réflexion pédagogique d’autres établis-sements et qu’il apporte sa petite pierre à la volonté générale de ré-duire l’échec scolaire. Le travail de recherche peut présenter aussi un caractère exemplaire parce qu’il manifeste une conception de la re-cherche pédagogique dans laquel-le les chercheurs occasionnels cô-toient les « chercheurs profession-nels » et construisent avec eux l’édifice commun. Cette concep-tion était chère à Philippe MEI-RIEU, directeur de l’INRP au mo-ment du lancement de cette re-cherche-action. Il faut enfin souligner l’intérêt de ce travail au point de vue de la mise en œuvre de l’autonomie de l’établissement, de sa stratégie d’élaboration de son projet et de son mode de pilotage. Cette re-cherche-action constitue une ana-lyse de la situation de l’établisse-ment et une analyse du problème qu’il juge essentiel. Les établisse-ments scolaires peinent beaucoup à réaliser ce type d’analyse en adoptant une démarche scientifi-que. Il est une production commu-ne d’acteurs du terrain et d’ex-perts (Françoise Clerc et Guy Ge-

nevois, enseignants-chercheurs). Or les acteurs ont besoin de « regards extérieurs et compé-tents » pour analyser leur propre pratique. La construction des projets, à par-tir de cette analyse, ressort d’une démarche politique dont devrait se saisir l’établissement dans ses ins-tances diverses. Le travail produit ici était donc considéré comme une étape… Comment l’établisse-ment y donnera-t-il suite ? L’exa-men mériterait attention. J’ai, pour ma part, beaucoup ap-précié le fait que le proviseur que je suis puisse travailler dans le do-maine de la pédagogie avec l’équi-pe enseignante. La construction d’un projet d’établissement ne peut être le fait de son chef… L’implication du plus grand nom-bre de ses acteurs impose que soient inventées des méthodes, des procédures, des occasions de construire ensemble. Cette recher-che-action est un exemple de ces « inventions ».

Claude REBAUD Proviseur

du Lycée François Mauriac

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Une politique d’aide à l’apprentissage

L’offre d’aide dans un établisse-ment scolaire peut être plus ou moins complexe et plus ou moins variée. Elle résulte d’une applica-tion des textes, d’une analyse – parfois spontanée, parfois au contraire menée avec méthode - des besoins spécifiques de la popu-lation d’élèves mais aussi de possi-bilités conjoncturelles liées à l’en-gagement particulier d’un profes-seur ou d’un groupe de profes-seurs. Mais les stratégies d’ajuste-ments sont variables : tantôt elles sont possibles grâce à des évalua-tions de dispositifs prévues dans le projet d’établissement, tantôt elles se fondent sur des impressions subjectives. Dans les faits, ce sont souvent le degré de motivation, la fréquentation des élèves et les re-présentations que les professeurs ont de l’efficacité de l’action qui fournissent les principales raisons des ajustements. Le lycée François Mauriac se situe parmi les établis-sements qui mettent en œuvre une démarche réflexive, appuyée sur un véritable travail de recherche pour conduire sa politique d’aide

aux apprentissages. Le texte qui suit présente successivement la politique d’aide telle que la définit le projet d’établissement, le projet de recherche qui s’inscrit dans une perspective d’analyse réflexive des pratiques d’aide, et les regards portés par les professeurs sur quelques-unes de ces aides au cours de l’enquête.

le projet d’établissement Le projet d’établissement du Lycée François Mauriac présente une analyse de la population d’élèves. Celle-ci est principalement compo-sée d’enfants d’employés et d’ou-vriers. Ceux-ci sont sur-représentés par rapport au taux moyen de l’Académie avec 38,98 %. Toutefois 54,52 % des élèves sont enfants d’artisans, de com-merçants, de parents exerçant une profession libérale ou intermédiaire et de cadres. 2,89 % ont des pa-rents chômeurs. Mais la situation économique des familles ne sem-blait pas empirer au moment de la rédaction du projet d’établissement

L’offre d’aide et son contexte : le projet d’établissement

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Une politique d’aide à l’apprentissage

puisqu’il y est noté une diminution du nombre des boursiers. Sur le plan pédagogique, le nombre des élèves en retard d’un an ou deux diminue constamment (- 7,5 % en 4 ans). L’un des effets de ce rajeu-nissement mentionné dans le pro-jet d’établissement est que les classes de secondes sont considé-rées comme plus remuantes et moins autonomes que par le pas-sé. Enfin, les filles sont plus nom-breuses que les garçons, mais il est difficile d’évaluer les consé-quences de ce phénomène en de-hors des stéréotypes habituels. Le projet d’établissement décrit le ly-cée comme un « terrain favora-ble ». Cette représentation tient une pla-ce importante dans la culture de l’établissement : ni établissement d’excellence « offrant une structu-re de préparation aux performan-ces élevées », ni vrai lycée où « les familles savent par expérience ce que sont les études secondaires », ni lycée populaire à proprement parler, il ne rentre dans aucun des types purs, ni aucun des types se-condaires des lycées identifiés en 1993 par Robert Ballion1. Il s’ins-crit plutôt parmi les établissements représentatifs de la « mutation ré-ussie ». S’il est « moderniste », il n’est pas pour autant en crise et l’accompagnement des élèves n’y est pas vécu comme une dégrada-tion professionnelle par le person-nel éducatif. Les élèves sont connus, assez proches des ensei-gnants et des éducateurs qui peu-

vent tracer un portrait personnali-sé de nombre d’entre eux. L’at-mosphère est détendue entre les jeunes et les adultes. Les ressour-ces de l’architecture, assez convi-viale, sont exploitées à des fins culturelles et de communication : par exemple, la passerelle qui des-sert les salles au premier étage permet de réaliser des expositions. Les détails de la vie quotidienne sont pris en considération : la salle de restauration est claire et agréa-ble ; les repas sont très surveillés par une commission et sont de bonne qualité... François Mauriac est plutôt à clas-ser parmi les « bons » lycées2, de ceux où « Définir ce qu’il faut faire ne pose pas de problèmes. C’est enserrer l’élève dans un système de prise en charge »3. L’encadre-ment pédagogique se décline au-delà des dispositifs réglementaires prévus par les textes ; l’encadre-ment humain tente d’impliquer les élèves dans le fonctionnement de l’établissement. Le lycée présente, concernant les variables retenues par Robert Ballion dans son étude, les principales caractéristiques de la catégorie : des processus déci-sionnels explicites, une communi-cation qui vise à la transparence et s’efforce d’objectiver l’information, une délégation des responsabilités. Le « bon » lycée selon Robert Bal-lion se décrit ainsi :

« ...le modèle social d’éta-blissement accueillant des élèves en difficulté est rem-placé par un modèle instru-

(1) BALLION R., Le lycée une cité à construi-re, Partie 3 : Le difficile changement de modèle,

(2) Id. p. 161. (3) Id., p. 163

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Une politique d’aide à l’apprentissage

mental qui ne joue pas sur les structures mais sur le fonctionnement de l’orga-nisation. On postule que, si ce lycée arrive à se construi-re en acteur collectif, il en résultera une amélioration de la qualité du service pro-duit »4.

Ici la culture d’aide est ancienne et remonte au premier chef d’établis-sement, célèbre dans l’académie pour son action en faveur des élè-ves des classes populaires.

La genèse d’une politique éducative La politique de l’établissement pri-vilégie, non pas le charisme des individus - encore qu’il ne faille pas minimiser l’effet de la conjonction de personnalités engagées, impré-gnées de valeurs humanistes par-mi l’équipe de direction et les per-sonnels - mais plutôt l’organisation raisonnée de l’action éducative. On peut appliquer à cet établissement ce propos de Robert Ballion :

« Au-delà des qualités per-sonnelles de ce chef d’éta-blissement, personne qui porte au plus haut point ce modèle professionnel conju-guant dans la pratique de direction les compétences du politique, du manager et de l’expert cadrées dans une finalité éducative, ce qui nous paraît devoir être souli-gné est la stratégie suivie. Elle revient à poser le primat

de l’organisationnel, à postuler que, quels que soient les élèves, les person-nels, l’amélioration du servi-ce et des résultats sera ob-tenue si l’on peut faire en sorte que l’établissement passe de l’état naturel qui est le sien, celui d’une struc-ture segmentée, à celui d’u-ne organisation intégrée »5.

Le projet d’établissement mention-ne des nuances dans la politique suivie. Jusqu’en 1998, l’orientation en fin de seconde révèle « des pra-tiques plutôt sélectives » : par exemple, en 1997-98, 22 % de re-doublements ou de réorientations. Bien que le taux de redoublement ait considérablement baissé (taux de redoublement en juin 2001 : 9,34 % ; réorientation en LP : 4,36 %), situant le lycée très en des-sous des taux de la même zone géographique (redoublement : 13,13 % dans le bassin Loire Cen-tre et 16,90 % dans l’Académie ; réorientation en LP : 4,60 % dans la Loire Centre et 5,6 % dans l’A-cadémie), la réussite au baccalau-réat n’a pas été affectée. Elle est supérieure de 6 à 10 points à la moyenne académique. En revan-che, comme dans de nombreux établissements polyvalents, l’orien-tation dans la voie technologique a progressé de plus de 5 points (13,69 % STT et 8 % en STI). Dans la voie générale, la série L est la moins demandée (moins de 6 %) mais l’orientation en S est volontariste (35,06 % contre 28,3 dans l’Académie).

(4) Id., p. 164 (5) Id. P 166

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Une politique d’aide à l’apprentissage

Les dispositifs d’aide Concilier le recrutement d’une population d’élèves d’origine sociale mix-te, le maintien de l’hétérogénéité des classes, des orientations ambi-tieuses et un taux élevé de réussite ne va pas de soi. Une telle politique ne peut se concevoir sans un accompagnement fort des élèves, qu’ils soient ou non en difficulté.

« Aider les élèves à mieux travailler comporte donc différentes facettes qui tiennent à la mise en œuvre des dispositifs institu-tionnels ou spécifiques à l’établissement, à l’organisation des es-paces en fonction des besoins divers des élèves, à l’organisation des groupes ; ainsi, l’établissement a fait le choix de classes de seconde construites sur le principe de l’hétérogénéité de niveau et de la mixité. C’est pourquoi en 2002-2003, les élèves ayant choisi l’option ISI, majoritairement des garçons, sont mêlés à des élèves ayant choisi l’option ES, majoritairement des filles. L’hé-térogénéité nous semble - outre son intérêt sur le plan de la so-cialisation et du respect des valeurs républicaines - favoriser la dynamique du travail scolaire et l’amélioration des performances individuelles. Aider le travail des élèves, c’est aussi organiser des regroupements à géométrie variable en fonction des objectifs de travail et des disciplines enseignées. »6

Le projet d’établissement présente les aides dans un chapitre particulier dont on peut supposer qu’il constitue un des éléments forts de la politi-que éducative. Ce chapitre intitulé : « Aide au travail » regroupe les dis-positions prises pour la mise en œuvre de la réforme des lycées et les aides mises en place à l’initiative de l’établissement. L’ensemble consti-tue un éventail de mesures qui ne sont pas nécessairement coordon-nées entre elles mais qui, toutes, sont présentées en lien avec un pro-blème identifié.

• Les aides institutionnelles prévues par la réforme des lycées La réforme prévoit deux heures hebdomadaires inscrites à l’emploi du temps dans les classes de seconde, à destination de groupes de 8 élè-ves au maximum affectées à l’enseignement du français et des mathé-matiques

(6) Projet d’établissement 2002-2003, p 23

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Une politique d’aide à l’apprentissage

L’aide en français Elle est présentée de la manière suivante :

Objectifs7 Aider les élèves en difficulté :

à mieux comprendre les exigences de la seconde à résoudre leurs problèmes de méthode à prendre confiance en eux à mieux s’insérer dans le groupe

Les indicateurs de l’évaluation

maîtrise du « vocabulaire spécifique » aux devoirs type bac prise de notes plus rapide, meilleure gestion du temps de travail légère amélioration des notes, compte rendus des séances d’aide volontaires pour l’aide assez nombreux

Les moyens nécessaires

établissement d’un calendrier des séquences autour d’objectifs spécifiques (3 ou 4 semaines) bilans périodiques avec les autres collègues de l’aide (heure hebdo-madaire institutionnalisé très souhaitable).

Les professeurs de français se rencontrent régulièrement et confrontent leur travail. Nous verrons plus loin qu’ils hésitent sur la nature du travail à proposer aux élèves. Cette hésitation révèle à la fois un doute pédago-gique - quel impact réel l’aide a-t-elle sur les performances des élèves ? - et une interrogation plus idéologique - est-il raisonnable de vouloir fai-re réussir tous les élèves ? Aucun des ajustements successifs n’a réelle-ment satisfait les professeurs qui sont véritablement en recherche de solutions pratiques. Par ailleurs, les séances d’aide étant appréciées par les élèves, elles n’attirent pas seulement ceux qui sont en difficulté. Quelques élèves moyens désireux de progresser sont également deman-deurs. Quelle place leur accorder ? ne s’agit-il pas d’un détournement des finalités du dispositif de seconde ?

(7) Les textes sur fond coloré sont extraits du projet d’établissement.

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Une politique d’aide à l’apprentissage

L’aide individualisée en mathématiques Elle se fonde sur une tout autre philosophie. À cela plusieurs raisons, parmi lesquelles la culture de la discipline mathématique en général dans laquelle la perception des élèves est plus nettement sélective et a une influence décisive. On pourrait la résumer ainsi : il existe trois caté-gories d’élèves : ceux qui réussissent, ceux qui travaillent mais ne réus-sissent pas pour lesquels une aide peut parfois se révéler efficace, ceux qui ne réussissent pas et qui pour des raisons diverses ne bénéficient guère de l’aide. De façon pragmatique, les enseignants de mathémati-ques estiment qu’il faut soutenir ceux qui ont une chance de bénéficier réellement de l’aide et qui ont besoin des mathématiques pour réussir leur projet d’orientation. Localement, la pression que constitue le projet d’orienter de nombreux élèves de la voie générale en section S conduit les professeurs de l’établissement à privilégier les actions directement perçues comme efficaces. L’aide ne sera donc pas réservée aux élèves en difficulté, mais visera les élèves qui en ont besoin pour réussir leur orientation et qui sont prêts à s’y investir. Elle consistera en un soutien aux élèves en rapport avec la progression du cours.

Objectifs : Ils sont variables en cours d’année. L’aide peut s’adresser à deux types de publics. En début d’année, il s’agit de sélectionner les élèves ayant le moins ré-ussi l’évaluation d’entrée de seconde pour les prendre en aide après un entretien personnel. À la Toussaint, la sélection se fera ainsi : le professeur propose 8 élèves parmi les travailleurs en difficulté qui sont en plus volontaires. À partir de Noël, la sélection tiendra plus compte du choix d’orientation de l’élève et de ses possibilités. Contenu : Aide à court terme, travail sur le chapitre en cours d’étude.

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Une politique d’aide à l’apprentissage

Les Travaux Personnels Encadrés (TPE) Dans le projet d’établissement, les TPE figurent dans le chapitre « Aide au travail ». Au sens strict, ils ne correspondent pas à un dispositif d’ai-de. Mais on peut effectivement considérer qu’ils proposent une forme de travail qui complète l’offre pédagogique : par leur caractère interdisci-plinaire, par leur personnalisation, par la nécessité de mobiliser des compétences documentaires, de synthèse et de méthode de recherche. Au lycée François Mauriac, 67 % des élèves de terminale ont présenté l’épreuve au bac (moyenne 15,4 pour l’ensemble du lycée). Cette pro-portion ne peut être que le résultat d’un fort investissement de moyens (des aides-éducateurs sont à la disposition des élèves et des ensei-gnants par exemple) et d’une forte implication des professeurs qui en-cadrent le travail des élèves. Dans le projet d’établissement, la présen-tation des TPE est longue et détaillée.

L’organisation 2001-2002 est reconduite terminale : 1er semestre avec 2 heures/semaine encadré par le binôme

de professeurs + 2 heures de travail personnel hebdoma-daire en moyenne

première : 2d semestre avec 2 heures/semaine encadré par le binôme de professeurs + 2 heures de travail personnel hebdoma-daire en moyenne

terminale : en alternance avec l’ECJS première : en alternance avec l’ECJS et une initiation à l’informatique

et à Internet (voir chapitre TICE) Emploi du temps mêlant travail en présence des deux enseignants et travail en autonomie horaires : 72 heures élèves réparties en 36 heures encadrées par le

binôme de professeurs et 36 heures non encadrées 72 heures professeurs à raison de 2 heures hebdomadaires sur 18 semaines en binôme

aides éducateurs : un aide éducateur est affecté à l’encadrement des élèves

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Une politique d’aide à l’apprentissage

Outils pour les élèves : un contrat initial explicitant clairement les finalités,

les objectifs et les modalités des TPE (calendrier, or-ganisation matérielle, outils, utilisation des carnets de bord) ainsi que les modalités d’évaluation

pour les professeurs : formation des professeurs à la conduite des

modules informatiques préalables aux TPE de 1ère durant la prérentrée, vade-mecum, pour les profes-seurs élaboré sous le responsabilité de Éric Logier avec les apports des professeurs ayant précédem-ment participé aux TPE

Ce vade-mecum comportera :

un calendrier précis avec les différents phasages des outils méthodologiques (présentation TPE par les

professeurs aux élèves, choix des sujets, échéan-ciers, adresse CRDP, sites Internet)

des modèles de lettres d’introduction pour contact avec l’extérieur (entreprises, particuliers, profes-sions libérales...)

carnets de bord (modèles opérationnels) des exemples de production pour éviter les dossiers

« copié-collé » et les super exposés grilles d’évaluation bilan noms des responsables CDDP textes officiels items du livret scolaire

Synthèse et carnet de bord des TPE 2001-2002 exposés pendant la pre-mière période scolaire stockés pendant un an.

Cette description appelle plusieurs remarques. Elle manifeste : un souci très pratique de mise à disposition de moyens effi-cients : consignes très précises, mémoire du travail pédago-gique accompli par la constitution d’un vade-mecum... une conception réaliste de l’autonomie des élèves (contrat très opérationnel, encadrement par les aides-éducateurs) un réinvestissement de l’expérience antérieure par le passage de relais entre professeurs d’une année scolaire à l’autre et la réali-sation d’un bilan du fonctionnement du dispositif.

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Une politique d’aide à l’apprentissage

La mise à disposition d’un aide-éducateur est un sujet de satisfaction. Les professeurs, volontaires pour participer aux TPE, coopèrent réelle-ment. La salle informatique présente des problèmes de maintenance. Ce constat récurrent dans les établissements scolaires montre la nécessité impérieuse d’un suivi technique du matériel informatique par des profes-sionnels, éventuellement pour un groupe d’établissements. Le parc infor-matique des établissements s’est considérablement accru, les besoins pédagogiques également. Les nouveaux dispositifs qui font appel au tra-vail personnel des élèves y ont contribué dans une proportion importan-te : recherche documentaire, usage des traitements de textes pour la réalisation de documents divers, communication Internet, parfois confection de CD-ROM... En outre, les amateurs même avertis, aides éducateurs ou professeurs, ne sont pas toujours disponibles en cas d’in-cident. Les concertations permettent aux professeurs d’exprimer leurs inquiétu-des et de formuler des recommandations. La concertation de juin de 2002 fait un bilan de l’année dans lequel on trouve des considérations pédagogiques et didactiques et des propositions pratiques.

TPE : quelques recommandations, quelques problèmes

• Le terme « problématique » suscite encore quelques interrogations et semble sujet à des interprétations diverses. Comment faire comprendre à des élèves encore inexpérimentés ce qu’il signifie ? Le sujet doit-il né-cessairement prendre la d’une question ? On constate que la difficulté pour les enseignants réside dans l’équilibre à trouver entre le laisser-faire absolu (quitte à ce que les élèves s’engagent dans une voie sans issue) et le dirigisme qui les conduirait à faire le travail à la place des élèves. Les consignes lors de la première étape sont fondamentales et, de leur clarté, de leur précision dépend très largement la réussite de l’expérien-ce : le type de production, le calendrier, les modalités d’aide, la tenue du carnet de bord, le mode d’évaluation et la préparation à l’oral de soute-nance sont autant de rubriques qu’il convient de clarifier et d’expliciter dans les premières séances. • Le concept de « production » a également fait l’objet de commentaires et de questions (pour les néophytes) : sachons rester modestes et convaincre nos élèves de ces limites de faisabilité. Les projets trop ambi-tieux capotent souvent ; « original » ne veut dire ni délibérément et inu-tilement extravagant ni spectaculaire. Un site Internet ou un CD-ROM

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Une politique d’aide à l’apprentissage

peuvent être tout aussi insipides qu’un dossier classique. Privilégions la réflexion personnelle sur le sujet choisi. • N’écartons pas a priori les associations de matières apparemment éloignées les unes des autres ; l’expérience montre déjà que les élèves trouvent un grand plaisir à traiter ce genre de mixité et que les produc-tions sont parfaitement adéquates à l’esprit des TPE. • À propos de l’évaluation ... un rappel important : la production et l’o-ral ne constituent qu’une partie de l’évaluation. Ne perdons pas de vue la part d’investissement et le suivi du travail, appréciables à travers le carnet de bord individuel. • Les enseignants qui souhaitent encadrer un TPE en 2002-2003 sont informés de l’existence dans le lycée de personnes ressources dans dif-férents domaines (informatique, recherches, montage vidéo...) et d’ou-tils nécessaires à un bon accompagnement (sites consultables, modèles de fiches de sortie, de carnet de bord, de fiches d’évaluation...) • Enfin, les TPE étant obligatoires mais leur présentation à l’examen fa-cultative, se pose le problème de la gestion des groupes dilettantes dont l’investissement ne serait pas des plus satisfaisants : les profes-seurs feront de leur mieux pour convaincre ces élèves qu’ils ont tout à gagner (à court terme : points engrangés au bac mais préparation aux exercices de l’enseignement supérieur également). Le taux élevé de ter-minales ayant présenté leur TPE cette année nous incite à l’optimisme.

Ce texte qui participe à la fois du bilan et du transfert de compétence pour les futurs responsables des TPE, est intéressant à plusieurs égards. Sur le plan pédagogique, il soulève questions majeures pour l’aide à l’apprentissage. La question : « Qu’est-ce problématiser ? » qui appa-raît ici en tête des préoccupations des professeurs, est évidemment un problème important dans les études de second degré. Si on ne peut exi-ger qu’un élève de lycée sache à tout coup élaborer une problématique, on peut attendre qu’il ait eu l’expérience de problématisations réussies grâce à la guidance de ses professeurs, avant d’entrer à l’Université. Or, il n’existe pas d’accord sur la nature de la problématisation, ni sur la ma-nière de parvenir à en élaborer une. Pour une part, ce désaccord vient de ce que chacun parle d’une forme de problématisation liée à un do-maine du savoir particulier or, il existe de multiples formes de probléma-tiques selon les champs de connaissances concernées. D’autre part, les activités mentales nécessaires à la problématisation sont difficiles à

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Une politique d’aide à l’apprentissage

identifier et suffisamment variées pour que leur apprentissage pose un problème pédagogique majeur. L’interdisciplinarité a le mérite de relativiser les certitudes et d’amener les enseignants de ce lycée, sinon à traiter la question épistémologique sous-jacente, du moins à s’interroger sur le suivi pédagogique : laisser-faire ou dirigisme ? Leur réponse dépasse le choix d’un « équilibre » en-tre ces deux voies opposées. Ils préfèrent un pilotage méthodique du travail des élèves par la clarification et précision : - de la consigne concernant la production attendue, - les interventions des adultes, - les moyens à mobiliser - et l’évaluation. Ce choix peut être compris comme l’indice d’une position pédagogique particulière qui se centre sur les processus du travail d’apprentissage : organisation du cadre de l’apprentissage et des interactions adultes/adolescents par un guidage clair et explicite. Cette position est caracté-ristique des interventions d’aide qui proposent aux élèves des repères pour agir et dépassent l’exhortation ou l’imposition de procédés métho-diques. On peut toutefois craindre que faute de références théoriques pour analyser les effets de ce guidage, professeurs et élèves ne se heurtent à des difficultés pour interpréter les obstacles et, éventuelle-ment, ré-orienter l’aide. Le bilan soulève également la question de la production sur laquelle débouche le travail de deux façons : celle de l’ambition et de l’originalité d’une part (cf. le chef d’œuvre évoqué par les textes du Ministère) et celle de l’évaluation d’autre part. Le rappel de la possibilité d’une éva-luation formative ne s’accompagne pas de commentaire. On peut s’en étonner dans la mesure où, précisément, les indicateurs de la démarche intellectuelle et de l’organisation du travail, sont fort délicats à établir. Soit la culture professionnelle des enseignants leur fait considérer que la question est triviale, soit au contraire, la difficulté à faire fonctionner une réelle évaluation formative est sous-estimée parce que le traite-ment de l’évaluation reste classique c’est-à-dire, essentiellement som-matif et normatif. D’une manière générale, ce texte témoigne du primat de « l’organisationnel » y compris au niveau pédagogique. Mais, ce souci n’entraîne pas un désintérêt pour les personnes ni pour les finalités de l’action éducative. • Les élèves n’apparaissent pas comme les cibles inertes des visées pé-dagogiques des enseignants, mais comme les partenaires de processus

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Une politique d’aide à l’apprentissage

dans lesquels les enseignants s’efforcent d’anticiper les difficultés et de donner des conseils utiles : « convaincre nos élèves de ces limites de faisabilité », « les professeurs feront de leur mieux pour convaincre ces élèves qu’ils ont tout à gagner... ». • Les enseignants qui ne sont pas encore engagés dans les TPE sont avertis des principaux écueils du travail et informés (« les enseignants qui souhaitent encadrer un TPE en 2002-2003 sont informés de l’exis-tence dans le lycée de personnes ressources... ». • Des valeurs éducatives sont énoncées (« privilégions la réflexion per-sonnelle sur le sujet choisi », « ne perdons pas de vue la part d’investis-sement et le suivi du travail... »), des buts sont suggérés (« préparation aux exercices de l’enseignement supérieur »). Cet ensemble de considérations à propos des TPE témoigne d’une cultu-re d’établissement marquée par une forte mobilisation autour de la ré-ussite des apprentissages.

• Les aides non institutionnelles inscrites au projet d’établisse-ment Au titre des aides non directement reliées à la réforme des lycées, le projet d’établissement mentionne des mesures hétérogènes qui compo-sent un tableau diversifié de moyens :

des lieux d’accueil mis à disposition des élèves pour travailler en dehors des cours,

un accompagnement des devoirs, des entraînements aux épreuves du baccalauréat, des actions de soutien.

La diversification des lieux d’accueil La justification de cette diversification est reliée, dans le projet d’éta-blissement, aux changements intervenus dans les exigences concernant le travail personnel des élèves.

« Les nouveaux horaires des élèves, l’institution de nouvelles pra-tiques pédagogiques et éducatives comme l’ECJS ou les TPE, la nécessité d’utilisation de l’informatique, les diverses modalités de travail (personnel, en équipe) impliquent que des locaux diversi-fiés puissent accueillir les élèves en dehors des heures de cours. »8

Deux commentaires s’imposent. D’une part, le travail personnel n’est ni considéré comme strictement individuel (possibilité de travail en équi-

(8) Projet d’établissement p. 26

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pe), ni renvoyé à la sphère familiale. Laisser travailler les élèves en au-tonomie ne soulève pas de méfiance particulière (manque de contrôle, gaspillage de moyens etc.). Cela n’est possible que si les lieux sont adaptés et du personnel éducatif disponible en cas de besoin. Que le travail personnel ne soit pas assimilé systématiquement aux de-voirs à la maison, constitue un changement de perspective pédagogique majeur qui est loin d’être général dans les établissements du second degré. Préparé de longue date par les rapports sur les études au lycée et par certaines mesures des réformes successives, ce point de vue se heurte en général aux représentations traditionnelles du « métier d’élè-ve »9. Le rapport rédigé par François Gros et Pierre Bourdieu « Principes pour une réflexion sur les contenus de l’enseignement », a mis en évi-dence que la conception privée du travail d’assimilation des cours cons-titue une pierre d’achoppement de la pédagogie de l’aide. Le rapport souligne en effet que, bien plus que la maîtrise des savoirs scolaires par les familles, c’est la présence de références concernant le travail intel-lectuel qui est décisive dans la réussite scolaire. Les enfants des classes populaires sont plus souvent démunis pour accomplir les tâches liées à l’apprentissage des leçons et à la réalisation des devoirs parce qu’ils ne disposent pas de références culturelles pour concevoir les activités men-tales qui leur sont demandées, parce qu’ils manquent de ressources do-cumentaires de lieux et de temps dédiés à la réflexion. Or, la sélection scolaire repose en grande partie sur les effets de cette assimilation, complément indispensable du cours. Si bien que l’on peut considérer comme une mesure de démocratisation majeure, la reconnaissance du besoin des élèves à disposer de lieux spécifiques, de moyens et de temps dans l’établissement, pour accomplir leur travail personnel. Le projet détaille les lieux d’accueil qui constituent un ensemble où les différents aspects de la vie au lycée sont pris en compte : convivialité, détente, travail individuel ou en groupe, travail encadré ou autonome, recherche et lecture. Il n’est donc pas surprenant que le foyer figure dans la liste des lieux destinés à aider les élèves. Cette continuité indi-que que dans la culture de l’établissement, il n’existe pas de frontières entre les différentes activités car elles sont toutes régulées par la né-cessité de faciliter l’apprentissage.

Foyer : salle réservée à la détente, aux jeux, à la discussion Salle d’étude du bâtiment B : Étude surveillée par un surveillant

pour un travail individuel et silencieux.

(9) PERRENOUD P., Mé-tier d’élève et sens du travail scolaire, Paris, ESF, 1994.

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Une politique d’aide à l’apprentissage

Dans cette salle les élèves peuvent avoir à leur disposition des manuels scolaires

Salle d’étude du bâtiment 0 :

- rez-de-chaussée : salle réservée à ADESIO

- étage : deux petites salles destinées à recevoir les élève désirant travailler en groupe

Salle du bâtiment B, face au CDI : Salle réservée à des travaux

spécifiques, équipée de matériel infor-matique à disposition des élèves (TPE, traitement de textes...). Elle est prise en charge par un aide-éducateur.

CDI : Le lycée se fixe comme objectif d’inves-

tissement prioritaire l’achat d’un porti-que de contrôle d’accès au CDI afin de limiter le nombre de vols de livres et de dossiers documentaires.

L’aide diversifiée Ces aides sont à l’initiative du lycée. Elles sont présentées en complé-ment des aides institutionnelles. Elles diversifient les interlocuteurs des élèves et s’inscrivent donc dans une logique de différenciation pédagogi-que.

« Réussir sa scolarité au lycée, c’est acquérir la capacité à travail-ler de façon autonome, bien organisée et savoir utiliser au mieux les outils documentaires mis à sa disposition. L’action décrite ci-dessous correspond à ces objectifs. Elle consiste en une aide ponctuelle et met en relation les élèves avec d’autres adultes que les enseignants. Elle ne remplace pas les activités d’enseigne-ment. Elle est un simple complément. »

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Une politique d’aide à l’apprentissage

Objectifs : - identifier avec l’élève le type d’aide dont il a besoin. Mesurer la capacité d’ADESIO à répondre à ce besoin, - ne pas répondre à une demande consumériste mais amener l’élè-ve à acquérir des méthodes de réflexion, de travail, l’aider à s’organi-ser - motiver les élèves que l’on sent démissionnaires - donner la possibilité aux élèves de trouver une salle silencieuse propice à l’étude et aux révisions - apprendre à se servir de dictionnaires, de manuels scolaires et à s’aide de documents annexes - acquérir une démarche pour trouver des problématiques et des plans pour des dissertations, exercice profitable pour toutes matiè-res. Équipe éducative - aides éducateurs - professeurs principaux - CPE du proviseur et de chefs de travaux. Description de l’action a) Les élèves ayant besoin d’une aide disciplinaire qui peut être fournie par des logiciels. Ceux-ci sont : - soit orientés vers ADESIO par le professeur de la discipline concernée. Dans ce cas, un contrat est signé entre l’élève, l’aide édu-cateur et le professeur. - soit volontaires pour utiliser ces logiciels en vue de l’approfondis-sement dans la discipline ou de la résolution de problèmes ponctuels b) Les élèves de seconde ayant besoin d’un appui et d’un contrôle régulier pour mieux organiser leur travail scolaire. Ils sont désignés à l’issue du conseil de classe du deuxième trimestre. Ils signent un contrat à l’issue d’une rencontre élève/CPE/aide éducateur/professeur principal. L’assiduité définie dans ce contrat devient une obligation au même titre

L’accompagnement des devoirs et études suivies individuelles ou occa-sionnelles (ADESIO) ADESIO relève de l’aide au travail personnel visant à la fois à mettre l’é-lève dans une attitude réflexive par rapport à ses stratégies d’apprentis-sage, à accompagner une prise d’autonomie, à stimuler l’adhésion aux études et à redonner confiance, à apprendre des techniques de travail.

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que les autres enseignements. L’aide éducateur rend compte au profes-seur principal en fin de chaque demi-trimestre du travail fourni. c) Les élèves ayant besoin d’utiliser l’informatique par l’usage ex-clusif de traitements de texte et de tableurs. Un seul élève est admis par poste de travail. Les aides-éducateurs participent à la construc-tion des outils nécessaires à la mise en place de ces nouveaux dispo-sitifs. Moyens nécessaires à mettre en place en 2002-2003 Manuels : mise à disposition de manuels en usage dans l’établisse-ment Aménagement des locaux : construction d’un sas pour éviter les nuisances sonores. Encadrement des aides éducateurs L’organisation des services est confiée à la proviseur-adjointe. Ils sont encadrés sur le plan pédagogique par un professeur de l’éta-blissement. Évaluation envisagée - choix des indicateurs - plannings des présences et calendriers des rendez-vous - taux de fréquentation de la salle par les élèves « bénévoles » - analyse de l’évolution des écarts avec la moyenne de la classe.

En pratique, il semble qu’ADESIO serve surtout à préparer les devoirs. Les aides-éducateurs notent une forte participation des élèves avant les contrôles. Ils se déclarent satisfaits des relations qu’ils entretiennent avec ces derniers. Devoirs surveillés - Baccalauréats blancs - préparation aux épreuves orales de français Ces travaux de contrôle et d’entraînement sont très courants dans les lycées. Il est précisé qu’ils sont destinés aussi à apprendre à gérer son temps. « Un entraînement régulier dans les conditions de l’examen favorise la réussite... Il permet aux élèves de mieux gérer leur temps, en parti-culier de répartir dans l’année le travail de révision. »10

(10) Id., p. 27

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Les actions spécifiques de soutien Dans l’éventail des dispositifs d’aide, ils présentent la particularité d’être conçus et identifiés en fonction d’un public précis et de difficultés spécifi-ques liées à une orientation et/ou à une discipline. Ces actions sont ponctuelles. Le terme « soutien » qui est utilisé pour désigner ces ac-tions correspond à ce changement de perspective par rapport aux autres aides propres au lycée, permanentes, non spécifiquement liées à une difficulté et offertes à tous les élèves.

« Ces projets permettent soit de répondre à des besoins ponctuels des élèves, soit de les « réconcilier » avec une discipline dans la-quelle ils sont souvent en difficulté et qui, pourtant, est détermi-nante au point de vue de leur orientation »11.

Soutien en première S : « La classe de 1ère S apparaît comme la plus difficile du second cycle. Cette difficulté est accrue par la volonté de l’é-tablissement d’augmenter le nombre de passages de seconde en pre-mière de cette série et de limiter les redoublements en première S. Les actions de soutien deviennent donc déterminantes. Les modalités mises en place les années précédentes (création d’une division dite de soutien) posent problème à cause de l’impossibilité à cibler, lors des inscriptions, les élèves qui peuvent rencontrer des problèmes. Dans la mesure des moyens disponibles des heures hebdomadaires seront mises à disposi-tion de toutes les classes de premières S dans des plages communes à plusieurs d’entre elles, dans les trois disciplines scientifiques : SVT, maths, sciences physiques. »12 Soutien en terminale S : « Dans la mesure des moyens disponibles, une plage d’une heure sera mise en place à destination d’élèves en diffi-culté pour des regroupements de deux ou trois divisions. » Redémarrer l’anglais en sections STI et STT Objectifs généraux : développer l’autonomie en redonnant sa place à l’expression orale dans les séries technologiques. Développer les compétences de recher-che de documents et de discrimination des documents pertinents .../... Partant des constatations suivantes : 1 . Une maîtrise convenable de l’anglais est un atout, voire une né-cessité, pour un technicien supérieur en électronique et pour un technicien supérieur tertiaire. 2 . Une très forte majorité d’élèves de STI et STT poursuivent en

(11) Id., p. 28

(12) Id., p. 28

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BTS ou IUT, étudiant l’anglais avec un même objectif pendant un mini-mum de quatre ans à partir de la classe de première. 3 . Un nombre important d’élèves de ces sections ne maîtrise pas les structures de base de la langue et/ou se trouve démotivé par ses propres difficulté, le faible horaire et le faible coefficient de la matière aux examens. 4 . Une progression est réellement possible en considérant ces qua-tre ans comme un tout, en adaptant l’enseignement au profil des élè-ves, en ce qui concerne les professeurs, et en fournissant un effort me-suré mais régulier, en ce qui concerne les élèves. » .../... Pour les premières : a) reprise et renforcement des structures de base pendant le premier semestre b) constitution d’un dossier personnel au deuxième semestre, compor-tant le choix d’un thème, la recherche de documents (journaux spéciali-sés ou non, vidéo, Internet...), rédaction du dossier, mise en pages et présentation devant un jury en fin d’année N.B. : Le suivi et l’évaluation sur le plan linguistique se fera au moyen de devoirs communs. L’évaluation du projet se fera par un jury qui pourra (c’est souhai-table) comporter des enseignants autres que des enseignants d’anglais. Pour les terminales : a) travail sur des textes communs au premier trimestre et devoir com-mun en décembre b) présentation orale au deuxième trimestre à partir d’un document choisi par l’élève, l’interrogation se faisant par un autre enseignant que celui de l’élève. Remarques : ce projet vise non seulement à renforcer les compétences linguistiques des élèves mais à les entraîner à la recherche et l’exploita-tion de documents, la présentation d’une réalisation écrite et le travail sur l’aisance à l’oral. SOS matière Anglais : un professeur d’anglais accueille les élèves en grande difficulté au laboratoire informatique 1 heure par semaine Philo : une permanence est organisée 2 heures par semaine pendant les deux premiers trimestres pour aider les élèves dans la construction de leurs devoirs.

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Une politique d’aide à l’apprentissage

Une politique d’aide pour impulser la réussite : une équation périlleuse Le projet est l’instrument d’une politique :

« Le projet d’établissement est un dispositif (ensemble organisé de structures et de procédures) qui vise à introduire dans le fonc-tionnement des établissements des ruptures par rapport au fonc-tionnement antérieur à donner à ceux-ci des capacités de nouvel-les cohérence, afin d’impulser, de coordonner et de maîtriser un processus d’évolution. »14

La première rupture est celle de la politique d’orientation. Jean-Pierre Obin constatait en 1993 :

« Les lycées pourraient, en excluant moins et en faisant moins re-doubler, mener un plus grand nombre d’élèves à obtenir le bacca-lauréat et à un moindre coût pour la collectivité. »15

Il semble que François Mauriac ait faite sienne cette constatation. Une population mixte du point de vue des CSP mais perçue comme « un ter-rain favorable », une volonté de promouvoir le plus grand nombre d’élè-ves, une limitation des redoublements constituent un contexte qui fait évoluer le lycée sur une voie étroite. L’établissement développe un ensemble de pratiques éducatives et pé-dagogiques et s’organise pour répondre à cette équation particulière-ment contraignante. Le développement d’une offre d’aide diversifiée ap-paraît comme une des solutions possibles. On reconnaît dans les inten-tions affichées du projet d’établissement, certaines caractéristiques de l’un des modèles de la performance scolaire décrits par Robert Ballion : - un bon encadrement des élèves, - des enseignants exigeants, - qui privilégient le travail personnel et obtiennent qu’il soit fait, - qui préparent les devoirs et assistent dans l’apprentissage des le-çons, - une orientation plus soucieuse de promouvoir que de sélectionner. Mais la diversification de l’aide comporte un inconvénient : la faible lisi-bilité du contenu de l’aide. Lors du démarrage de la recherche, cette question sera soulevée et orientera les premières investigations. Que faut-il inclure dans l’aide ? Finalement, ne faudrait-il pas inclure toute forme de travail pédagogique ? N’y a-t-il pas une connotation « compassionnelle » dans la notion qui empêche les enseignants de bien cibler leur action et les élèves (et leur famille) de bien se représenter ce qu’ils peuvent en attendre ? En outre, la culture déjà ancienne de l’aide, tend à en banaliser les pratiques avec le risque de lasser les enseignants et de placer les élèves en demandeurs passifs. La question de l’efficacité

(14) Id., p. 89

(15) OBIN J-P., La crise de l’organisation scolaire, Paris, Hachette, 1993, p 75.

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Une politique d’aide à l’apprentissage

de l’aide devient alors une question majeure : les efforts consentis conduisent-ils vraiment à améliorer la réussite des élèves ? Existe-t-il des effets induits mal connus sur le climat général de l’établissement ou concernant la construction de compétences collectives des personnels ? Le contexte de l’établissement est caractérisé par d’autres critères qu’il n’est pas possible de mettre en évidence à partir de la seule lecture du projet d’établissement : - un climat chaleureux et paisible, - une discipline ni trop sévère ni trop lâche, - un chef d’établissement impliqué, - des enseignants en rapports amicaux avec les élèves et contacts avec les familles, Il reste à savoir si les intentions de l’action pédagogique et éducative et si les conditions relationnelles sont bien réalisées. Seule une observation directe ou une enquête dans l’établissement lui-même peuvent apporter des éléments de réponse. 2006-2007 : Une politique qui s’affirme encore résolument dans une perspective d’aide aux élèves en seconde Quatre ans plus tard, le paysage de l’établissement a évolué : certains personnels sont partis, de nouveaux sont arrivés. Pour l’essentiel, le pro-jet d’établissement confirme, avec des aménagements, les grandes orientations de la politique éducative. L’équipe très active des profes-seurs de français continue à s’impliquer dans l’aide mais de façon plus individualiste. L’espagnol s’associe au travail sur l’enseignement des lan-gues. L’aide en seconde fait l’objet de la réunion de juin 2006. Tous les professeurs sont invités à y réfléchir collectivement en équipe de classe et en équipes de discipline. Cette réunion sera, pour la recherche, l’occa-sion de faire le point sur l’évolution des représentations sur le sujet.

* * *

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L’émergence de la recherche-action

Si le projet d’établissement pré-sente une conception de l’action éducative et pédagogique forte-ment structurée autour de l’aide aux élèves, la mise en œuvre com-porte sa part d’incertitude, de dou-tes et d’hésitations. Les différentes catégories de professionnels impli-qués dans l’aide définie par le pro-jet expriment des préoccupations qui trouvent leur origine dans une série de constats tantôt positifs (ex. : la prise en charge des élèves semble globalement satisfaisante) tantôt plus nuancés (ex. : l’aide n’a pas les effets attendus en ma-tière de réussite scolaire). Ce questionnement a conduit les en-seignants et l’équipe de direction à souhaiter conduire une réflexion approfondie sur le fonctionnement de l’aide aux élèves, sous forme d’état des lieux et d’évaluation de cette pratique.

De l’expression de préoccupa-tions professionnelles à la problématisation d’une re-cherche Au cours de réunions regroupant les principaux acteurs des disposi-tifs d’aide, un certain nombre de préoccupations ont été exprimées, à partir desquelles a été construite la démarche de recherche. La diversification des formes d’aide

entraîne une faible lisibilité de l’offre. Lors d’un premier contact, avant le démarrage de la recher-che, deux préoccupations sont ap-parues : d’une part, la notion d’ai-de pédagogique est floue, d’autre part, l’offre de l’établissement est complexe. Deux circonstances qui posent un problème pour les diffé-rents acteurs de l’établissement. Les textes de référence sont mul-tiples et comportent des glisse-ments sémantiques qui contribuent à rendre la notion encore plus diffi-cile à cerner. En tant que concept, l’aide est dif-ficile à définir et à différencier d’autres actions éducatives et pé-dagogiques. Il s’avère impossible de la caractériser par la spécificité d’une intervention : pas plus les conceptions que les pratiques ne sont homogènes en raison des dif-férences culturelles entre les disci-plines et de la variété des options pédagogiques des professeurs. La première aide n’est-elle pas dans la conception même des cours et la conduite de la classe ? Faut-il ré-server la notion à des pratiques spécifiques, hors du temps habi-tuellement dévolu à l’enseigne-ment d’un programme disciplinai-re ? Comment, alors établir un lien, voire une cohérence, entre la pédagogie de la classe et les aides, notamment quand elles sont prati-quées par d’autres que le profes-

La problématisation de la recherche-action

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L’émergence de la recherche-action

seur chargé de l’enseignement ? L’identification d’un public d’élèves bénéficiaires, sujette à interpré-tation, n’est pas non plus suffisan-te pour clarifier la notion : faut-il réserver l’aide aux élèves « en dif-ficulté » en retenant une connota-tion de remédiation ou au contraire l’étendre à tout élève demandeur et considérer que l’aide fait partie de l’accompagnement normal de l’apprentissage ? L’aide ne semble pas relever d’une profession bien définie. De nom-breux personnels sont susceptibles d’aider les élèves, sous des formes diverses : faut-il inclure toutes les interventions de tous les profes-sionnels susceptibles d’avoir une action auprès des élèves (conseillers d’éducation, aides-éducateurs, documentaliste, assis-tante sociale, conseiller d’orienta-tion psychologue, personnel de di-rection et, pourquoi pas, personnel de service et personnel administra-tif) ? L’expérience montre en effet, que les élèves, s’ils sont sensibles au statut professionnel des person-nes qui les entourent, sont égale-ment susceptibles d’être touchés par une personnalité ou une rela-tion directe établie en dehors des cadres institués. Qui fait quoi ? Avec quels moyens ? Dans quels buts ? La question est posée de la connaissance et de la maîtrise par la collectivité des pratiques mises en place.

La demande d’aide : des at-tentes ambiguës La difficulté à cerner le concept rend la complexité de l’offre propo-

sée aux élèves d’autant moins lisi-ble : la surabondance ne risque-t-elle pas, à terme, d’induire des at-titudes consuméristes dommagea-bles pour l’apprentissage ? Les en-seignants sont inquiets des possi-bles chevauchements, des redon-dances ou du manque de cohéren-ce, non seulement de l’offre mais aussi des pratiques. Il est donc im-portant de savoir comment les élè-ves et les parents sont informés, quelle représentation ils se font de l’aide, ce qu’ils en attendent et comment ils l’utilisent. Le premier constat, déstabilisant pour les personnels d’éducation et d’enseignement, porte sur le fait que certains élèves ne paraissent pas souhaiter être aidés. Alors que l’établissement accueille des élèves d’origines diverses et affiche des résultats en termes d’orientation et de réussite au baccalauréat assez satisfaisants, il semble difficile de mobiliser les élèves autour de l’ai-de. Plusieurs hypothèses sont avancées :

l’origine sociale des élèves les dispose inégalement à lutter contre les diffi-cultés qu’ils rencontrent à l’école,

les élèves en difficulté ont intériorisé leur échec,

les effets de l’aide sur les performances scolaires sont peu sensibles à court et moyen et terme.

Tout en préservant son principe, certains professeurs se démobili-sent dans la mesure où leurs ef-forts ne semblent pas déboucher sur une amélioration des notes. Plusieurs attitudes s’opposent qui

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L’émergence de la recherche-action

ont été successivement adoptées par certains professeurs ou certai-nes équipes : au-delà du débat, ces oscillations sont l’indice de di-lemmes profonds. Nous les résu-merons de façon simplifiée. Dilemme 1 : désigner les élèves en difficulté pour participer aux séan-ces d’aide ou accepter les élèves demandeurs qui ne sont pas né-cessairement en difficulté. Les équipes de discipline n’ont pas les mêmes options : si les profes-seurs de français par exemple, es-timent que l’aide doit s’adresser en priorité aux élèves les plus en diffi-culté, les professeurs de mathéma-tiques choisissent au contraire de « donner un coup de pouce » aux élèves qui aimeraient faire des études scientifiques mais dont le niveau en mathématiques est un obstacle à cette orientation. Coexistent ainsi deux politiques d’aide dans deux disciplines consi-dérées comme fondamentales. Il est nécessaire de savoir si cette différence est vécue comme une contradiction par les élèves, ou si elle est perçue comme la consé-quence d’une orientation volonta-riste en S. Dilemme 1 bis : désigner ou accep-ter le volontariat. Les points de vue sont partagés. L’avantage de la désignation par les professeurs réside dans la cer-titude que les élèves les plus en difficulté ne sont pas abandonnés à leurs seules forces. Mais, tous re-connaissent que si les élèves n’ad-hèrent pas un minimum au projet

d’aide, il y a peu de chances que celle-ci soit efficace. La contractua-lisation prévue au projet d’établis-sement reste un procédé assez lourd. En revanche, certains élèves sont volontaires parce qu’ils appré-cient les modalités de travail et le type de relation qui s’établit avec le professeur. Faut-il les priver alors qu’ils manifestent une bonne volonté stimulante ? Dilemme 2 : mettre en œuvre des activités d’apprentissage directe-ment « utiles » pour l’amélioration de la moyenne ou réaliser des ap-prentissages de fond qui n’ont pas un effet immédiat sur celle-ci. Ce dilemme a un lien direct avec le choix des activités dans les dispo-sitifs d’aide et avec les formes d’é-valuation pratiquées dans les cours. Concernant les activités ré-servées à l’aide, il s’agit de savoir si l’on privilégie la préparation des contrôles, la reprise des devoirs ou les entraînements aux épreuves traditionnelles du lycée qui se ré-vèlent assez rapidement « rentables » en termes de notes, ou si l’on choisit de faire porter l’effort sur des compétences peu ou mal maîtrisées, qui demandent un investissement à long terme et que l’urgence des programmes ou le nombre des élèves en classe ne permet pas de travailler convena-blement pendant les cours. Certai-nes compétences acquises dans les séances d’aide sont difficiles à éva-luer. Les progrès réalisés, même s’ils sont importants pour un élève donné, ne suffisent pas à le faire progresser de façon sensible par apport à la moyenne de la classe.

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L’émergence de la recherche-action

Tout se passe comme si l’évalua-tion traditionnelle n’était pas un instrument de mesure suffisam-ment sensible pour permettre de déceler les effets de l’aide. Dilemme 3 : valoriser la continuité avec le cours en faisant assurer l’aide par le professeur chargé de la classe ou au contraire privilégier la diversité des styles pédagogi-ques et des personnes en faisant appel à un autre professeur. Certains professeurs souhaitent organiser l’aide en continuité direc-te avec leur cours considérant qu’ils sont mieux à même de déce-ler les besoins de leurs élèves. D’autres pensent que la diversifica-tion des interventions présente un intérêt tel qu’ils renoncent à cette commodité. Enfin, certains ensei-gnants, pour des raisons variées, ne souhaitent pas s’impliquer dans l’aide et/ou estiment que celle qu’ils apportent pendant leur cours est suffisante. Dilemme 4 : choisir l’intervention d’un professionnel compétent dans la discipline mais aussi plus distant des élèves par son statut même ou, au contraire, choisir un aide-éducateur plus proche quoique moins bien formé sur les contenus et la pédagogie ou encore privilé-gier une intervention dans le do-maine relationnel pour restaurer la motivation à apprendre. La personnalité et le statut de la personne chargée de l’aide jouent un rôle important. Chacun est convaincu qu’une part non négli-geable de l’efficacité de l’aide tient

à la relation qui s’établit dans les séances. Étant donné la diversité de l’offre d’aide, il a été possible de recueillir des impressions contrastées aussi bien chez les élè-ves que chez les enseignants. Cha-que option semble comporter des avantages et des inconvénients.

Des effets incertains Nous l’avons vu : les évaluations telles qu’elles sont pratiquées met-tent assez mal en évidence un lien éventuel entre les progrès réalisés et l’aide reçue. La question est de savoir quelle en est la raison. Doit-on l’attribuer aux formes mêmes des évaluations traditionnelles ? Celles-ci sont, en effet, plus adap-tées à la mesure instantanée des connaissances qu’à la mesure des progrès surtout s’ils se manifestent dans des domaines qui ne sont pas directement en lien avec des sa-voirs académiques. Doit-on remet-tre en cause les aides elles-mêmes si le rapport entre l’effort consenti par les professeurs et par les élè-ves n’est pas à la mesure des ef-fets produits ? Doit-on modifier le contenu et les objectifs des aides ? Se pose alors la question de l’a-daptation du travail pédagogique aux besoins des élèves. Or, les be-soins réels des élèves sont à la fois évidents (la plupart des profes-seurs d’une discipline donnée tom-bent en général d’accord sur leur identification) mais leur traduction en objectifs d’apprentissage est loin de faire l’unanimité. Quant aux moyens à mettre en œuvre, ils sont l’objet d’un profond scepticis-me qui se manifeste à travers des expressions souvent reprises dans

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L’émergence de la recherche-action

les réunions : « Tout a été es-sayé », « Il ne faut pas rêver », « Il faut y croire malgré tout » etc. De façon plus indirecte, la question des effets sur les représentations des différents acteurs est égale-ment posée : les élèves bénéficiai-res de l’aide sont-ils stigmatisés ou au contraire sont-ils considérés comme surprotégés ? Les parents sont-ils satisfaits ou inquiets de voir leurs enfants intégrés dans des dispositifs d’aide ? S’investis-sent-ils plus dans le suivi scolaire de leurs enfants ? Une réponse à ces questions permettrait éven-tuellement d’interpréter la faible motivation apparente des élèves les plus en difficulté pour cette for-me de travail. Certains professeurs estiment que le travail pédagogique accompli lors des séances d’aide leur a per-mis de voir certains élèves sous un autre jour ce qui semble avoir eu un impact sur les conseils de clas-

se. D’autres considèrent qu’ils ont modifié, sur certains points du pro-gramme, leur conception du cours. Il resterait à préciser dans quelle mesure l’expérience acquise a eu un impact réel sur les pratiques d’enseignement. La manière dont les élèves intè-grent l’aide dans leur mode de fonctionnement est perçue de fa-çon différente par les participants à la recherche. Il semble que les élèves aient des stratégies diffé-renciées selon les disciplines et se-lon les interlocuteurs (aides éduca-teurs, enseignant, documentalis-te). Comment décrire et compren-dre ces différences ? Quels ensei-gnements doit-on en tirait dans la conception du travail avec les élè-ves ? Existe-t-il un lien entre les représentations du savoir qu’ont les élèves et les attentes à l’égard de l’aide ? Cette connaissance per-mettrait de préciser les objectifs et de mieux choisir les contenus.

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L’émergence de la recherche-action

À partir de cet ensemble de ques-tions, quatre axes majeurs ont été retenus pour la recherche. Définir précisément ce que l’on entend par « aide » ; il ne s’agit pas seulement de donner une définition mais bien d’en préci-ser les objectifs et les contenus pédagogiques. Identifier le décalage entre ce qui existe et ce qui devrait exis-ter. Il s’agit là de donner des appuis pour penser le projet d’é-tablissement : identifier les be-soins, les motivations et propo-ser des buts, nommer des effets observables. Analyser les articulations entre les différentes formes d’aide et les autres enseignements, les mettre en relation avec les connaissances disponibles sur l’apprentissage. Réexaminer les pratiques d’éva-luation en lien avec les nouvel-les représentations de l’appren-tissage et harmoniser les critè-res en vigueur dans les séances d’aide et dans l’enseignement en classe.

Les fondements de la recher-che Le projet de recherche doit être considéré comme un élément de la politique de l’établissement : il s’a-

git de dont de penser la cohérence de l’action collective.

« Une intervention externe ethnologique peut aider les acteurs à dépasser ces anta-gonismes et à penser la co-hérence de leur action col-lective. En effet, un système est rarement en mesure de saisir seul ni la nature com-plexe de toutes ses interac-tions internes, ni la grande variété de ses liens avec son éco-système et encore plus difficilement les potentialités de développement.16 ».

La recherche est donc un des moyens mis en œuvre pour le pilo-tage de l’établissement, mais elle n’a pour vocation ni de fournir des objectifs ni de préconiser des ac-tions de régulation. Ceux-ci relè-vent de la conception ordinaire de la politique éducative de l’établis-sement. Tout au plus, la recherche peut produire des informations susceptibles d’aider à la prise de décision. Son intérêt est d’abord de prendre conscience des diffé-rents aspects pratiques de la politi-que d’aide dans l’établissement et d’en comprendre le(s) sens. Il s’a-git plutôt d’un gain dans le domai-ne de la métacognition et de la maîtrise des actions professionnel-les.

Le projet de recherche

(16) BOUVIER A., (1994), Management et projet, Paris, Ha-chette

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L’émergence de la recherche-action

Le but est de retrouver ce que Do-nald A. Schön nomme « le savoir caché dans l’agir professionnel17 ». Plus exactement, la recherche en-treprise représente un moment consacré à la réflexion « en cours d’action », à l’identification des sa-voirs qui sont mobilisés pour me-ner à bien le travail pédagogique, mais aussi, et peut-être surtout, à l’identification des « savoirs sur l’action » constitués au cours de l’expérience professionnelle. L’é-noncé par les participants des pro-blèmes et des préoccupations à l’origine de la recherche doit déjà être considéré comme un moment où s’est exprimée cette pensée ta-cite. Donald A. Schön utilise la mé-taphore de l’improvisation des mu-siciens de jazz pour expliquer ce qui est en jeu dans l’analyse ré-flexive. On peut considérer que l’enjeu de la recherche relève de la même image.

« En s’écoutant eux-mêmes et en écoutant les autres, ils sentent où va la musique et ajustent leur exécution en conséquence... À mesure que leurs instruments se ré-pondent, les musiciens sen-tent la direction prise par la musique, ils en tirent une signification nouvelle et adaptent leur jeu à cette nouvelle direction. Ils réflé-chissent en cours d’action sur une musique qu’ils in-ventent collectivement et sur leur contribution respec-tive, pensant à ce qu’ils sont en train de faire tout en dé-veloppant leur façon de fai-re.18 »

Nature de la démarche Du point de vue de la forme, la re-cherche entreprise relève du mo-dèle de la recherche-action tel que le définissent à la suite de René Barbier, Francis Tilman et Nouria Ouali : « démarche intellectuelle qui vise à la fois à comprendre et à expliquer l’action et à modifier le comportement des personnes im-pliquées.19 » Cette référence à la recherche-action est justifiée par un certain nombre de caractéristi-ques de la démarche. Le groupe des professionnels impliqués a varié au cours du temps, mais, un noyau stable a assumé l’essentiel de l’enquête. La présence et l’implication active du proviseur et, dans une moindre mesure, de son adjointe a consti-tué un signe fort pour l’ensemble des personnes associées à la re-cherche. Il est à signaler égale-ment que les aides-éducatrices ont participé à la réflexion collective. Le « modèle » de l’aide qui pi-lote l’action des enseignants et des aides-éducatrices n’est pas to-talement implicite. Nous l’avons vu, le projet d’établissement prend explicitement position sur certains aspects de l’aide et sur des modali-tés organisationnelles qui rédui-sent la variabilité des pratiques. Il existe à François Mauriac une théorie spontanée de l’aide déjà élaborée et pénétrée de savoirs savants que la recherche ne peut méconnaître. Celle-ci va donc contribuer à formaliser la « pédagogie populaire » au sens

(17) SCHÖN D. A., (1994), Le praticien réflexif. À la recherche du savoir caché dans l’agir professionnel, Canada, Éditions Logiques

(18) Ibid. p. 83

(19) TILMAN F., OUALI N., (2001), Piloter un établis-sement scolaire, Bruxelles, De Boeck, p. 21.

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L’émergence de la recherche-action

que Bruner attribue à ce terme qui sert de référence commune pour concevoir l’aide et communiquer à son propos. Cet ensemble organisé de représentations est constitué de connaissances et d’éléments de théorisation parfaitement explicites et verbalisés, de savoirs implicites, de procédés automatisés et de si-gnifications cachées qui ne peu-vent émerger qu’avec un effort d’analyse particulier et la média-tion d’un intervenant extérieur. En ce sens les résultats de la recher-che concernent bien au-delà du seul lycée François Mauriac, les établissements engagés dans une politique d’aide volontariste. Ils y reconnaîtront des façons de poser les problèmes professionnels et des stratégies de résolution de problème en écho avec leur propre expérience. À l’origine, le référent de la recher-che à l’INRP20 a permis de cadrer avec une grande précision le tra-vail, aussi bien sur le plan institu-tionnel et organisationnel que sur le plan scientifique, par le choix du type d’intervention. L’organisa-tion du travail après son départ, a souffert d’une discontinuité liée à la difficulté à faire coïncider les ca-lendriers des différents partici-pants. Pour l’ensemble de la re-cherche, le rôle des chercheurs s’est borné à suggérer les moyens de recueil d’information et à met-tre en texte les résultats. Le texte final contient des élé-ments rédigés par les participants. L’observation et l’analyse ponctuel-les d’une séance d’aide a été conduite par les seuls chercheurs

en dialogue avec le professeur concerné. L’horizon du dialogue entre les chercheurs et les prati-ciens ne se borne pas à la formali-sation des résultats. La seconde partie du livre propose des réfé-rences pour un nouveau dévelop-pement du processus de recherche qui ne se limite pas aux personnels de l’établissement mais, potentiel-lement, peut concerner tout ensei-gnant de lycée dont l’expérience présente une parenté avec celles qui ont été mises en jeu lors de notre travail. La question des savoirs produits par la recherche pose un problème particulier. La recherche-action est souvent définie comme un système de travail sur la pratique qui pro-duit des changements dans les re-présentations et les actions des professionnels impliquées. « La recherche-action produit un savoir, un double savoir. Tout d’a-bord, elle amène les participants du terrain impliqués dans la re-cherche à se construire un nou-veau système de représentations, plus réfléchi, plus complexe, plus critique. Ensuite, elle permet au chercheur professionnel de cons-truire un savoir communicable et discutable qui enrichit le patrimoi-ne des connaissances en sciences sociales, au-delà du groupe de re-cherche.21 » Cette assertion, classique à propos de la recherche-action, appelle plusieurs remarques. Il n’est pas sûr que le savoir des profession-nels à l’issue de la recherche ait changé de nature. En revanche, il est à peu près certain qu’il a existé

(20) Nadia Belkis a contri-bué à cadrer le travail de recherche. Sa mutation, l’absence de remplaçant et le retrait, pour des raisons personnelles, d’un des « chercheurs » chargé de l’analyse des questionnai-res ont posé un problème de continuité. De tels évé-nements font partie des problèmes habituels posés par les recherches-actions et ne doivent pas être passés sous silence car une part de la démarche méthodologique consiste à s’ajuster aux nouvelles conditions ainsi crées. (21) Ibid p. 23

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une prise de conscience du carac-tère critique pour le projet d’éta-blissement des questions soule-vées et une mise en mots de la pensée pédagogique spontanée. Le but n’était pas de « former » les participants sur le plan pédagogi-que ni de les initier à la recherche. De plus, il paraît difficile de sépa-rer les savoirs du chercheur et ceux des praticiens, en tant que produits d’une démarche commu-ne. S’il est certain que les moyens investis par les uns et les autres diffèrent, il est non moins certain que les savoirs construits résultent d’une « co-construction » : le cher-cheur travaille sur le matériel que donnent à voir les praticiens et ce-lui-ci est dévoilé en fonction des représentations que les praticiens se font du (des) problème(s). La différence des intérêts, en revan-che, est sensible : l’intérêt du chercheur est de mener la recher-che à son terme selon ses propres critères de sa profession, à la pu-blication d’un texte ; pour les pra-ticiens, la construction d’une forme d’intelligibilité des actions pédago-giques ou de la conduite de la poli-tique de l’établissement peut être suffisante. À proprement parler le chercheur n’invente rien. Le savoir « communicable » du chercheur est directement tributaire de la ca-pacité des praticiens à élucider leurs propres savoirs et à donner un support verbal à « leur réflexion en cours d’action » et à participer à la formalisation des résultats. C’est en particulier le cas dans les dialogues entre les chercheurs et les praticiens concernant la vision

que les uns et les autres ont des pratiques d’aide. Les moyens théo-riques du chercheur lui permettent de nommer, identifier et relier les informations produites par la re-cherche. Mais, dans ce travail il est guidé par la problématisation opé-rée par les professionnels. C’est la fidélité à cette problématisation qui est le garant que la recherche concerne bien la réalité des prati-ques et ne constitue pas une cons-truction illusoire. Les praticiens à leur tour, bénéficient de l’identifi-cation ainsi opérée. Cette dialecti-que a été particulièrement à l’œu-vre lors des réunions de travail. Au terme de certaines d’entre elles, les participants s’étonnaient du ré-sultat auquel ils étaient parvenus. Le travail du chercheur, pourtant, se bornait à un travail classique de reformulation et de synthèse, in-troduisant au besoin, après vérifi-cation de sa propre compréhen-sion, les termes académiques en usage dans la littérature des scien-ces de l’éducation. Cette simple mise en forme constitue un réel progrès dans la maîtrise et la re-connaissance sociale des savoirs professionnels.

Les principaux résultats concerneront trois domaines • Sur les représentations de l’aide par les différents acteurs questionnés, nous avons mis à jour des significations partagées et des sortes de « nœuds sémanti-ques » autour desquels les repré-sentations se construisent. Par exemple, la notion de « volontariat » apparaît comme

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une pseudo évidence, élèves et adultes, ne lui attribuant pas tout à fait le même sens. • Sur les pratiques d’aide, nous avons essentiellement montré qu’elle ne peut être comprise que comme une « action située », tou-te approche qui ne tiendrait pas compte des conditions précises des actions, de temps et d’espace, des cultures professionnelles et des stratégies des élèves a peu de chance d’approcher une forme suf-fisante d’intelligibilité. L’approche par les seules représentations pri-ve de clés essentielles dans la compréhension des problèmes po-sés par l’aide. Au-delà de l’analyse d’une situation particulière, se po-sent un problème théorique des modèles de référence pour penser la pratique professionnelle et un

problème épistémologique concer-nant la nature des savoirs pédago-giques. • Sur la dynamique d’un éta-blissement scolaire, nous n’a-vons fait que mentionner à travers l’étude du projet d’établissement et à propos de l’intégration d’une recherche dans le pilotage d’un établissement, quelques pistes qui mériteraient un approfondisse-ment. La conduite d’une recher-che-action apparaît en effet com-me un élément de gestion des res-sources humaines et un moyen possible de professionnalisation. Il resterait à clarifier les conditions de possibilité et les limites d’une telle politique de développement des compétences.

* * *

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L’émergence de la recherche-action

Le projet de recherche comportait à l’origine quatre volets. 1. L’analyse des représentations des acteurs impliqués dans l’aide • Comment les différents acteurs se représentent-ils l’aide aux élè-ves ? Les buts qu’elle poursuit ? • Personnes concernées : élèves, parents, enseignants, d’une ma-nière générale les personnels de l’établissement. • Modalités de recueil : entretiens exploratoires, construction et vali-dation d’un questionnaire d’enquê-te, administration et analyse des résultats. 2. L’analyse du fonctionnement des dispositifs d’aide • Caractérisation des différentes formes d’aide employées dans l’é-tablissement. • Modalités : observation d’une séance d’aide. 3. L’évaluation des dispositifs d’ai-de • Détermination des critères d’éva-luation des différentes formes d’ai-de. • Intégration de ces critères dans une stratégie cohérente avec la politique de l’établissement. 4. L’analyse des caractéristiques des élèves bénéficiaires de l’aide • Recherche de critères d’évalua-

tion pour identifier les élèves effec-tivement bénéficiaires de l’aide. • Comparaisons avec les élèves en difficulté mais non bénéficiaires. • Analyse des modalités d’évalua-tion des élèves en difficulté. • Analyse de quelques cursus sco-laires. Suite à des entretiens préalables dont le but était de préciser les axes du recueil d’information, trois questionnaires ont été conçus s’a-dressant aux élèves, aux profes-seurs et aux parents. La structure de ces questionnaires était identi-que pour permettre des comparai-sons, mais certains items ont été adaptés aux caractéristiques de la population visée. Les items étaient répartis de la manière suivante : - items portant sur la repré-sentation de l’aide, - items sur l’information concernant l’aide,

- items visant à élucider l’expérience d’aide, son éva-luation et les propositions pour son amélioration.

607 retours ont été enregistrés pour le questionnaire élèves. 41 réponses pour les professeurs. Le quatrième volet de la recherche n’a pas été mené à bien. Les rai-sons les plus apparentes en sont à la fois circonstancielles et de fond mais, les unes et les autres sont suffisamment significatives et mé-

Le dispositif de recherche

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ritent d’être rapportées. Finale-ment, la recherche a comporté trois parties : • une enquête sur la culture d’aide au lycée,

• un recueil des représentation des différents acteurs impliqués dans l’aide à partir d’un questionnaire,

• l’observation d’une séance d’aide en français et son analyse.

• L’enquête sur la culture d’aide au lycée

L’enquête a consisté en un recueil de documents produits dans l’éta-blissement en relation avec l’aide (comptes rendus de concertation, outils pédagogiques et documents distribués en formation) et en une série d’entretiens avec des person-nes impliquées à des titres divers dans les dispositifs. À travers les documents produits par les ensei-gnants, se dessine l’histoire d’une réflexion collective et les strates d’une culture professionnelle en lien avec les formations, notam-ment celles qui ont été proposées par la MAFPEN de Lyon. Des textes ont été rédigés par les professeurs les plus anciens dans l’établisse-ment, porteurs d’une partie de la mémoire collective. Ces textes sont transcrits dans la troisième partie tels qu’ils ont été écrits par les auteurs.

• Le recueil des représenta-tions des acteurs impliqués dans l’aide Les entretiens, menés par les pro-fesseurs de l’établissement, étaient destinés à recueillir les points de

vue d’acteurs concernés par la po-litique d’aide, mais qui n’avaient pas forcément participé à son éla-boration ni, directement , à sa conduite. Le recueil des représen-tations a été fait à plusieurs ni-veaux : • des entretiens non-directifs col-lectifs et individuels ont été réali-sés,

• des textes ont été rédigés par les professeurs responsables des dis-positifs d’aide,

• des questionnaires ont été distri-bués aux élèves, aux enseignants et aux parents.

•L’observation d’une séance d’ai-de et son analyse Un professeur de français a accepté que deux chercheurs observent une séance d’aide en seconde. Avant la séance, les observateurs ont été infor-més des conditions de réalisation de la séance, des objectifs poursuivis et de son articulation avec le travail de la classe. Ils se sont réparti les tâches d’observation (comportements verbaux et non-verbaux). En raison de l’exiguïté du local, il n’était pas possible de réali-ser un enregistrement vidéo. Les cher-cheurs n’ont pas voulu changer de salle car les conditions effectives du travail pédagogique nous semblaient suffisam-ment déterminantes pour que nous sou-haitions ne pas les changer. Au terme de la séance, le professeur a communi-qué ses impressions. Les chercheurs ont mis en forme le recueil de données et ont produit une analyse qui a été sou-mise au professeur concerné. Il a intro-duit des commentaires dans le texte d’analyse et a produit sa propre inter-prétation de la situation. Ces deux ana-lyses sont reproduites dans la suite de ce document.

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L’émergence de la recherche-action

• Retour sur les conditions de la recherche Les évolutions de la conjoncture ont, sans aucun doute, eu un effet sur la conduite de la recherche. Les dispositifs d’aide au lycée ont été mis en place en lien avec une politique éducative orientée vers la démocratisation des études de ly-cée. Cette politique dès lors qu’elle n’est plus portée de façon volonta-riste, aussi bien au niveau national qu’au niveau régional, apparaît moins urgente et moins mobilisa-trice, quelles que soient par ail-leurs les convictions des acteurs dans l’établissement. Si sur le long terme, des cohérences se déga-gent dans la politique éducative en France, en particulier en ce qui concerne l’aide aux élèves et la né-cessité d’assurer la réussite scolai-re du plus grand nombre, à l’échel-le de l’expérience d’un profession-nel, les fluctuations sont très sen-sibles. La succession des réformes, qui ne sont pas toujours menées à leur terme, a pour effet de démo-biliser les établissements. L’unité de temps d’un établissement est l’année scolaire et la rupture mar-quée par la nouvelle rentrée (nouvelles classes, nouveaux ser-vices, parfois nouveau personnel, nouvelle circulaire de rentrée et nouvelles priorités) est une ponc-tuation forte du temps : de façon tout à fait légitime, la perception de la discontinuité l’emporte sur celle de la continuité. Or, la ré-flexion sur une pratique éducative est nécessairement une entreprise à moyen ou à long terme. Plus profondément, les questions

soulevées par cette recherche tou-chent à la définition des profes-sions de l’enseignement, de l’édu-cation et de la direction d’établis-sement. L’introduction d’un dispo-sitif de recherche dans la vie quoti-dienne d’un établissement n’est pas anodine. Le travail des person-nels n’est pas organisé en fonction de cette activité nouvelle pour eux la plupart du temps et très problé-matique. Même lorsque, comme dans le cas présent, des facilités sont accordées aux participants et l’adhésion au projet est importan-te, il reste difficile de trouver des temps de travail commun. L’inven-tion d’un langage partagé, l’élabo-ration d’une culture de recherche demandent du temps, un investis-sement qui n’est pas toujours compatible avec les charges du travail quotidien. La faible disponi-bilité des chercheurs pour travailler sur le terrain pose aussi des pro-blèmes. Une telle recherche suppo-serait une présence constante sur le terrain et une participation à la vie collective pendant un laps de temps important. Or, l’activité de recherche doit s’inscrire dans les interstices laissés par l’enseigne-ment et les tâches administratives. Il manque un cadre institutionnel et des moyens (temps, secrétariat et édition) favorisant pour ce gen-re d’expérience et la diffusion des résultats. Un projet de recherche dans un établissement scolaire constitue une forme d’accompagnement pro-fessionnel. En tant que pratique de gestion des ressources humaines, elle pose des problèmes qui ne sont pas entièrement solubles au

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L’émergence de la recherche-action

niveau du seul établissement. À l’occasion de cette recherche est apparue, au-delà des conditions locales, la nécessité d’une véritable politique académique et/ou natio-nale qui intègre la recherche com-me un des moyens possibles de créer de la compétence. Cette poli-tique doit s’accompagner d’un mo-de d’organisation du travail com-patible avec les buts qu’elle pour-suit. En effet, la réflexivité sur les com-pétences mises en œuvre dans le fil quotidien du travail ne fait pas partie de la culture professionnelle des acteurs du système scolaire. Elle doit bénéficier, pour devenir effective, de conditions facilitantes particulières. À cela diverses rai-sons : on peut être un excellent praticien, construire une forme d’intelligibilité de ses actions sans avoir l’envie ni la formation intel-lectuelle nécessaire à la construc-tion plus formelle des savoirs pro-

fessionnels. Par ailleurs, le contex-te actuel des débats autour de l’é-cole, exerce une pression sur les enseignants et les éducateurs. Il faut un certain courage pour pas-ser ses pratiques au crible de l’a-nalyse : chaque praticien pressent les limites de la maîtrise qu’il exer-ce sur sa propre action mais n’est pas forcément en état de l’argu-menter. Enfin, les pratiques d’aide sont un révélateur puissant de la professionnalité : elles cristallisent les représentations sur la profes-sion et sur les élèves, elles mobili-sent les capacités d’innovation aussi bien que des savoir-faire plus triviaux. En ce sens, elles jouent le rôle de révélateur. Elles peuvent aussi dévoiler des divergences concernant la fonction sociale et les finalités des lycées qu’il faut se donner les moyens de gérer.

* * *

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Regards croisés sur l’aide à l’apprentissage

La recherche a été l’occasion de tenter un retour aux sources de la culture pédagogique de l’établissement. Nous avons pu reconstituer un moment fort de l’histoire des pratiques d’aide, grâce aux archives per-sonnelles et à la mémoire de quelques professeurs parmi les plus an-ciennement nommés dans le lycée. Si l’impact des expériences relatées ci-dessus est difficile à évaluer, notamment parce que les nouveaux nommés n’en ont pas toujours connaissance, nous considérerons les élé-ments recueillis comme significatifs de la constitution d’un savoir collectif susceptible d’influencer encore actuellement les pratiques d’aide. L’expérience d’une classe de redoublants a été tentée à partir de 1990. Un professeur qui a participé à l’expérience la décrit dans le texte qui suit.23

Historique de la classe de redoublants 24 La classe de seconde redoublants a été mise en place dès l’année 1990-1991 à la suite d’une réflexion sur les élèves en difficulté : comment mettre ces élèves en situation de réussite ? L’expérience a duré cinq ans jusqu’en 1996 avec des professeurs tous volontaires. La participation des élèves à cette classe se faisait à la fois sur la base du volontariat des élèves et de leur famille et sur la base de la désigna-tion par les conseils de classe de fin d’année. Un profil avait été défini : élève travailleur ayant des difficultés, travaillant souvent assez lente-ment et dont la moyenne générale se situait autour de 9/20. L’effectif de la classe était limité à 24. Des heures supplémentaires à l’horaire en vigueur étaient attribuées. Un guide de méthode de travail (G.M.T.) avait été élaboré et distribué à chaque élève en début d’année. En réalité, peu de professeurs y ont fait référence car il aurait fallu un travail d’équipe pour définir les modalités d’utilisation. Les élèves appartenant à cette classe éprouvaient les mêmes difficultés, ce qui était pour eux sécurisant mais sûrement peu stimulant. On n’a jamais prouvé que les redoublants admis dans cette classe réussissaient mieux au baccalauréat que les autres redoublants davantage confrontés à la concurrence des nouveaux arrivants et donc moins encadrés et moins protégés.

Une culture de l’aide aux apprentissages : la centration sur les méthodes de travail 22

(22) Les textes ci-dessous ont tous été rédigés par des professeurs participant à la recherche. Leurs noms sont mentionnés au fur et à mesure de l’apparition de leurs textes

(23) Consulter les docu-ments de l’Annexe 1

(24) Texte de Monsieur F. Martin, professeur de sciences physiques.

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Regards croisés sur l’aide à l’apprentissage

Au cours de deux années (94-95 et 95-96) un tutorat avait été instau-ré : chaque professeur enseignant dans cette classe avait deux élèves en charge pour une rencontre hebdomadaire. Le point était fait sur le travail à effectuer et à programmer dans l’emploi du temps du travail personnel. Les problèmes rencontrés étaient alors évoqués afin de trou-ver des solutions pour les résoudre. Il était très difficile pour ces élèves de traduire par des mots les difficultés rencontrées. Les relations professeurs-élèves ont été améliorées (pas d’agressivité - confiance et sérénité dans la classe...) Si les résultats n’ont pas progres-sé de façon significative, on peut se demander comment auraient réagi ces élèves face aux difficultés si un tel dispositif n’avait pas été mis en place.

Analyse des supports Les supports méthodologiques ont été peu utilisés, mais ils sont révéla-teurs d’un état d’esprit et méritent qu’on s’attarde sur leur analyse. Un premier ensemble se présente sous la forme de plusieurs documents : un questionnaire intitulé « Examen des méthodes de travail » accompa-gné d’un bilan, un guide des méthodes de travail dont nous avons re-trouvé 2 versions assez différentes par l’esprit général25. • Le questionnaire est introduit de la façon suivante.

« Prendre des notes, s’organiser, travailler seul... La seconde, une classe où l’on découvre de nouvelles disciplines et des méthodes de travail qui serviront jusqu’au bac... » La consigne suit immédiatement : « Je teste ma méthode de travail. Ré-ponds à toutes les questions. Ne donne qu’une seule réponse à chaque question. » Le bilan qui permet le dépouillement des réponses au questionnaire est introduit par : « Le questionnaire Examen des méthodes de travail te permet de voir tes points faibles. Tu recevras bientôt un petit livret G.M.T. (Guide des méthodes de travail) qui te permettra de changer ton comportement. Ce sont des conseils utiles que tu peux adapter à ta per-sonnalité. L’ensemble porte sur des activités et des attitudes face au tra-vail scolaire : - organisation du travail et planning - méthode de travail, - concentration, - motivation. »

(25) Se reporter à l’an-nexe 1.

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Regards croisés sur l’aide à l’apprentissage

Pour chaque rubrique, le bilan renvoie à des chapitres particuliers du guide ou à des interlocuteurs (conseiller d’orientation professeur princi-pal) ou encore à une auto-documentation. Les 37 items du questionnaire visent essentiellement à mettre en évi-dence les difficultés ou les problèmes que rencontre l’élève. Aucun item n’est véritablement orienté vers la détection de ressources. D’une ma-nière générale, cet auto-questionnaire est destiné à enclencher une ré-flexion personnelle sur les procédés utilisés par l’élève et à lui proposer une guidance individualisée. • Le Guide des méthodes de travail adopte un ton plus solennel (on passe du « tu » au « vous »). Il se présente sous une forme très prati-que. Il propose tout d’abord une liste d’interlocuteurs à consulter en cas de difficultés ou pour construire un projet professionnel. Il décrit un mo-dèle de référence « Qu’est-ce que bien travailler ? » où figure une esti-mation du temps de travail personnel (entre 10 et 15 heures par semai-ne). Le guide est constitué de 5 rubriques : 1. Comment utiliser son temps. Plan de travail. 2. Comment apprendre efficacement ? 3. Exploiter ses erreurs. 4. Les listes de contrôle ou check-lists. 5. Apprendre à s’évaluer pour mieux décider. Le document est conçu pour proposer des orientations de travail : • une orientation réflexive qui invite l’élève à mieux se connaître, • une orientation prescriptive qui expose des méthodes de travail très opérationnalisées,

• des éléments de théorie de l’apprentissage présenté sous forme d’affir-mations ponctuelles. L’apprentissage d’une leçon, présenté sous forme de 7 étapes, est caractéristique de cette triple orientation.

Voici un exemple d’apprentissage d’une leçon : MOYENS : • un gros cahier de 200 pages intitulé « CAHIER DE LEÇONS » • un dictionnaire • des feutres de plusieurs couleurs 1 - Replacer la leçon dans son cadre. Où se situe-t-elle dans le program-me ? 2 - La lire une 1ère fois en repérant les difficultés de vocabulaire qu’on recherchera dans le dictionnaire.

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3 - Dans le cahier de leçons écrire le plan de la leçon, les idées principa-les. Prévoir une petite place en bas de page pour écrire la définition des mots recherchés dans le dictionnaire. 4 - Écrire ensuite les idées qui vous paraissent moins importantes d’une autre couleur. 5 - Fermer le livre et essayer de retrouver le plan de la leçon par écrit puis les idées secondaires. 6 - Vérifier en retournant le livre. 7 - Réciter votre leçon oralement à un partenaire imaginaire. Il n’est pas interdit de parler à haute voix. Ces opérations peuvent être adaptées à votre personnalité. Il n’y a pas de recette infaillible. A vous de réfléchir à la plus efficace. Sachez qu’une nuit de sommeil permet à votre cerveau d’assimiler vos connaissances. Reprenez le matin très rapidement les leçons que vous avez apprises la veille.

« L’exemple », dans la mesure où il est unique, prend une valeur pres-criptive. Il est en effet peu probable qu’un élève livré à lui-même invente une autre façon de faire. Les éléments de théorie sont présentés de fa-çon très simplifiée et sont orientés ver l’action. On reconnaît au passage une référence à la gestion mentale dont n’est mentionné qu’un aspect, le plus connu du grand public, l’opposition entre les profils « auditif » et « visuel ». Les autres paramètres ne sont pas présentés.

APPRENDRE, c’est chercher à comprendre, ce n’est pas promener ses yeux sur une page de livre. APPRENDRE, c’est mettre de l’ordre dans les informations que l’on re-çoit, c’est-à-dire les relier à des connaissances déjà acquises. Chacun a sa façon d’assimiler les connaissances. Certains sont visuels et comprennent mieux avec des schémas ou des dessins, d’autres sont plutôt auditifs et donc plus sensibles aux mots, aux phrases. Et vous avez-vous réfléchi à votre façon d’apprendre ? Quand vous voulez trouver une rue, comment faites-vous ? Quand un professeur explique quelque chose, préférez-vous un dessin au tableau ou une explication orale ? L’idéal, c’est d’utiliser les deux méthodes ...

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Regards croisés sur l’aide à l’apprentissage

La cinquième rubrique du guide propose un outil pour mieux maîtriser une stratégie de réussite. Il s’agit, dans un premier temps, d’évaluer les chances de réussite dans les différentes filières en appliquant les coeffi-cients de chacune des disciplines aux notes obtenues en seconde. Dans un second temps, les élèves sont invités à effectuer un classement en fonction des notes ainsi obtenues, de leurs préférences, et de leurs pos-sibilités de progrès. Le tableau est assorti d’une recommandation : « Attention, ceci n’est qu’une indication et ne vous donne absolument pas vos chances de passage en classe supérieure où toutes les matières doivent être travaillées. » L’ensemble constitué par l’examen des méthodes et le Guide des métho-des de travail est imprégné de la culture « pédagogie différenciée » qui fait une large place aux différences interpersonnelles et se préoccupe d’opérationnaliser et de justifier les conseils. On y trouve, fait rare dans la littérature grise des pédagogues, un outil qui reconnaît implicitement la légitimité des stratégies de réussite déployées par les élèves et se présente comme une aide à l’orientation. Sur le plan pédagogique, ces documents sont proches de certains textes pédagogiques parus dans les années 1990 et qui insistent sur l’importance des apprentissages métho-dologiques26. Il existe une autre version du Guide des méthodes de travail. Celle-ci est difficile à dater. Plus traditionnelle et nettement moins orientée vers la réflexivité, cette version donne une série de prescriptions, matière par matière, en distinguant différents aspects du travail (écrit, oral ou leçon, exercices, ou encore apprendre, faire un devoir etc.). La rédaction est différente d’une discipline à l’autre. La page consacrée aux sciences phy-siques, par exemple, utilise la première personne du singulier : « Je lis les notes prises en classes », « J’améliore la présentation matérielle ». En français alternent des ordres : « Respecter la date fixée », et les af-firmations : « Importance de l’analyse de l’énoncé... ». Le texte consa-cré aux mathématiques comporte essentiellement des prescriptions : « Il faut apprendre le cours par écrit, au jour le jour » ou encore « Combattre les mauvais réflexes (théorèmes-élèves) ». En langues vi-vantes et en histoire géographie dominent les conseils. En sciences éco-nomiques et sociales sont précisées quelques règles du jeu : « Plus on participe activement au cours, moins on doit faire d’effort pour le com-prendre et pour l’apprendre ». La différence essentielle entre les deux approches réside dans le fait que l’un pose le problème des apprentissa-ges d’une manière générale d’abord et propose un outil d’auto-observation discipline par discipline, tandis que la seconde est d’emblée disciplinaire. En outre, l’une invoque des références théoriques, l’autre requiert un bon sens scolaire.

(26) Le plus représentatif de ce courant est proba-blement celui de René LA BORDERIE R., (1991), Le métier d’élève, Paris, Ha-chette

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L’impact réel de ces documents a été probablement assez faible. Outre la raison invoquée par l’auteur de l’historique, on peut penser qu’ils n’é-taient pas en phase avec la culture pédagogique des enseignants. La se-conde version du guide montre que les professeurs sont plus proches d’une approche strictement disciplinaire et n’utilise pas de références théoriques inspirées des savoirs scientifiques pour comprendre les phé-nomènes d’apprentissage. Ils leur préfèrent leurs théorisations sponta-nées qui sont d’ailleurs probablement plus susceptibles d’être comprises par les élèves eux-mêmes. Le premier guide élaboré en relation avec le Centre d’information et d’orientation de Saint-Étienne développe une ap-proche originale en liant l’orientation et l’aide à l’apprentissage. Le tra-vail sur « le métier d’élève »27 ne fait pas non plus des habitudes profes-sionnelles des enseignants. Une approche normative leur est plus fami-lière. Ces documents témoignent cependant d’une même préoccupa-tion : aider les élèves à apprendre et à travailler par eux-mêmes. L’évaluation des effets de la classe de redoublants a semble-t-il été de nature intuitive. Mais, les conclusions rapportées par le professeur au-teur de l’historique corroborent des évaluations pratiquées de façon plus systématique : • l’attention portée aux difficultés des élèves, la diminution des effectifs et l’homogénéisation des niveaux ont un effet positif sur les relations entre les professeurs et les élèves et sur l’ambiance générale de la classe,

• on constate peu de stimulation et peu ou pas d’amélioration significati-ve des performances,

• les élèves ne disposent pas spontanément des ressources nécessaires pour analyser leurs difficultés d’apprentissage (on pourrait même dire que la caractéristique essentielle des élèves en difficulté est ce défaut d’analyse).

(27) Le concept est ambi-gu. On peut l’entendre à la manière de René la Borde-rie comme un concept désignant un objet d’ap-prentissage (apprendre à réussir scolairement) ou à la manière de Philippe Perrenoud comme un concept destiné à rendre compte de stratégies effec-tives des élèves. Le pre-mier Guide oscille entre les deux conceptions, il vise à la fois à décrire les démar-ches effectives et à les améliorer à travers des apprentissages spécifi-ques.

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Regards croisés sur l’aide à l’apprentissage

1. Une aide non disciplinaire : l’aide à l’orientation28 Le texte qui suit est la transcription d’un entretien réalisé par Madame Berlier, professeur d’anglais, auprès de Monsieur Farnier, conseiller d’o-rientation psychologue.

« Les interventions du Conseiller d’orientation psychologue sont de trois types : - des réunions d’information pour les élèves et les parents,

- la mise à disposition de ressources variées concernant les mé-tiers et les formations qui y conduisent,

- des entretiens individuels à la demande des élèves, - des entretiens individuels à l’initiative des professeurs principaux pour des élèves qui ne sont pas nécessairement demandeurs mais qui se trouvent en difficulté lourde. J’estime que les réunions d’information ne peuvent être qualifiées d’aide dans la mesure où elles ne peuvent être ciblées en fonction des caracté-ristiques individuelles des élèves. Elles contribuent, en lien avec les res-sources documentaires, à alimenter la réflexion des élèves, mais ne peu-vent résoudre des problèmes personnels. Le programme de ces réunions est chargé puisqu’il s’agit de prendre en charge environ 1400 élèves (répartis en 14 secondes, 14 premières et 16 terminales) alors que le conseiller ne dispose que de deux jours par semaine pour le Lycée Fran-çois Mauriac. Pour 4 réunions par an avec les parents, il faudrait être 2 conseillers d’orientation pour 1400 élèves. Mais, il ne faut pas multiplier les séances collectives au détriment des interventions plus individuali-sées Il n’existe pas vraiment d’aide sous forme collective mais plutôt une in-formation. Individuellement il s’agit d’entretiens. Les autres interven-tions qui relèvent plus de l’aide, à mes yeux, sont donc conquises sur un temps très contraint. Les élèves qui désirent un entretien s’inscrivent sur un cahier à disposition au CDI. Ces entretiens ne semblent pas poser de problèmes particuliers : en général ces élèves ont, sinon des projets, du moins des intentions et souhaitent trouver des confirmations de leurs

Les aides pratiquées dans l’établissement

(28) D’après un entretien conduit par entre Madame Berlier, professeur d’an-glais

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Regards croisés sur l’aide à l’apprentissage

choix ou des informations plus personnalisées en fonction de leurs pré-occupations. Ces entretiens sont les plus nombreux et démarrent dès le mois de septembre. Ces élèves se prennent souvent en charge au ni-veau de l’information (recherche sur les documents mis à leur disposi-tion au CDI et sur Internet). Les élèves qui sont en difficulté ne prennent que rarement l’initiative d’une démarche. Il faut aller les chercher. 25 % ne sont pas venus au premier trimestre. Ils arrivent plutôt au troisième trimestre, mais je juge cette période trop tardive, notamment en seconde, où des réorientations pourraient être envisagées plus tôt. L’obstacle est probablement cultu-rel. Aussi, mois de janvier, les professeurs principaux signalent eux-mêmes les élèves qui ont du retard scolaire et ils sont quasiment convo-qués. Sont considérés comme étant « en difficulté » les élèves qui ont des notes très basses au premier trimestre ou ont subi un retard scolaire récent. Ceux qui ont redoublé à l’école élémentaire sans autre retard par la suite ne sont pas considérés comme fragiles du point de vue de l’o-rientation. Les parents de ces élèves sont relativement absents. Avec les élèves déjà marginalisés, il est difficile d’accrocher. Il faudrait presque un travail social qui demanderait énormément de temps. Pourtant, en lycée, les cas sont déjà filtrés. Ils ont déjà réussi à passer en seconde, mais ils se font avoir par le système. Pendant le rendez-vous, on fait le point sur le passé scolaire, les notes, les échecs voir ce qu’on peut faire l’année prochaine. Les redoublements sont plus fréquents en seconde. Quel type de métier veulent-ils faire ? quel type de BEP y conduit ? Leur projet professionnel n’est en général pas très au point. Il faut compléter leur information. Par ailleurs, ils ne sont pas très mobiles, notamment les élèves d’origine turque. Il faut donc trouver des formations pas trop éloignées de la maison. Quand les élèves n’ont pas redoublé en seconde les familles tentent une deuxième chance. Lorsqu’il y a conflit entre les élèves et leur famille, il faut appeler les parents pour leur expliquer qu’il faut suivre le goût de l’élève. Ils ne se rendent pas toujours compte que si leur enfant a 5 de moyenne, un redoublement ne va pas arranger les choses. Quand un élève sature de l’école, il ne faut pas insister. En seconde, le cas n’est pas fréquent : sur 500 élèves, il existe 5 ou 6 cas de ce type. Le lycée professionnel peut donner le goût de l’étude et l’espoir de redevenir un bon élève. L’ennemi, ce sont plutôt les parents qui répètent ce qu’ils ont entendu un peu partout sur la région et le chômage. Ils l’ont souvent su-bi et conservent sur des idées qui sont devenues fausses du fait de l’é-volution économique

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Regards croisés sur l’aide à l’apprentissage

Tout le monde n’a pas besoin d’aide. Il existe une information à partir de logiciels à disposition au CDI : Internet, des CDrom, des fiches métiers. Il est important qu’ils apprennent à se débrouiller. Par la suite, ils seront seuls. Quand l’élève a des idées la difficulté commence à disparaître : projet et moyens finissent par converger. Mais, l’ordinateur ne peut ai-der que des élèves bien dans leur peau bien aidés à la maison. Il existe des refus : je ne peux pas et je ne veux pas. Pendant l’heure de vie de classe, certains professeurs font une sensibili-sation aux métiers et emmènent leurs élèves à des forums. Il faut dé-multiplier ses possibilités se décharger des aspects les plus informatifs. Je garde pour moi la partie plus psychologique. On est des briseurs de rêve, mais si on brise pour une réalité, cela devient acceptable. Para-doxalement, ce sont les élèves qui n’ont pas de difficulté qui demandent le plus d’aide. Les jeunes des classes aisées sont bien informés. Ils font perdre du temps. Plus ils sont autonomes, plus ils demandent de l’aide précocement. Ils ont moins d’angoisse vis-à-vis de l’avenir et entendent moins le discours sur le chômage. On se sent plus libre d’envisager un peu tout. C’est le désir qui prime. La plupart des élèves veulent faire quelque chose qui leur plaît. Mais les familles modestes recherchent une orientation « efficace ». Je reçois environ 40 % des élèves de seconde et 50 % des élèves de première et terminale mais je pense qu’il y a un certain nombre de jeu-nes que je ne peux pas recevoir tout de suite et qui se débrouillent tout seuls. C’est un atout. Quand on est contraint de les convoquer, ils pren-nent une attitude passive : qu’allez-vous faire de moi ? Le conseil perd de son efficacité. Certains élèves ne veulent pas voir le conseiller. Il faut être diplomate. Je mets le nez dans le bulletin. Il faut le faire habile-ment. Un peu de psychologie, beaucoup de persuasion mais surtout de la clarification : montrer les enjeux de chaque piste possible, ouvrir des perspectives. Le problème d’un élève donné n’est pas le même que celui du voisin. L’aide peut comporter une éducation au choix comme cela se fait au Canada. Ce sont des exercices psychosociologiques qui permet-tent de mieux se connaître : « du sur mesure » mais qui coûtent du temps. »

2. L’aide à l’élève en anglais Les textes qui suivent ont été rédigés par les professeurs d’anglais de l’établissement.

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Regards croisés sur l’aide à l’apprentissage

Que faire pour aider des élèves peu travailleurs voire complètement dé-motivés ? Comment aider ceux qui font preuve d’une bonne volonté cer-taine mais qui s’avouent tout à fait perdus face à une montagne de lacu-nes remontant assez loin dans leur scolarité ? Comment rendre les élèves actifs pour comprendre leurs propres problè-mes et essayer de les résoudre ? Re-motiver et donner confiance font partie du travail de l’enseignant au même titre que la transmission de savoirs et de méthodes de travail, mais nous pouvons nous demander comment réussir cette tâche complexe et difficile, devant un public de plus en plus hétérogène et la plupart du temps trop nombreux ? Deux expériences menées au Lycée François Mauriac à Andrézieux –Bouthéon dans la Loire :

• SOS anglais29

Une fois par semaine, un professeur d’anglais est disponible pendant une heure pour répondre aux questions d’élèves volontaires. Ils restent le temps qu’ils souhaitent. L’aide se passe dans une salle informatique où l’élève peut, soit travailler en autonomie sur un logiciel de grammaire où scores et réponses apparaissent clairement, soit poser des questions au professeur sur un devoir ou sur un point plus précis.

Les problèmes constatés Le premier problème est l’information, souvent affichée sur des pan-neaux ou sur des écrans que les élèves sont supposés regarder réguliè-rement. Certaines informations cependant (absences de professeurs) sont plus recherchées que d’autres… Les élèves démotivés ne réagissent pas à l’information sur l’aide. Les obliger s’est avéré tout à fait négatif par le passé , ces élèves venant alors déranger les autres. Les élèves faibles, souhaitant travailler, ont souvent besoin d’encouragement pour venir et dans ce cas, l’information passe par le professeur de la classe ou le professeur principal, parfois par ses camarades de classe. L’aide en anglais est restée très marginale cette année. Beaucoup avouent ne pas la connaître dans le questionnaire-élève et ceux qui en ont bénéficié ont dit avoir vu l’information « par hasard ». L’autre problème important est la rapidité nécessaire du diagnostic des problèmes de l’élève et donc de savoir fixer rapidement des priorités, après avoir écouté l’élève parler de ses difficultés ou après avoir consulté l’un de ses derniers devoirs. On se rend alors très vite

(29) Texte de Louise Ber-lier, professeur d’anglais

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Regards croisés sur l’aide à l’apprentissage

compte que la demande est toujours plus importante que ce que l’on peut faire en une heure. Le manque de temps et le nombre d’élèves demandeurs peuvent donc être difficiles à gérer. Il n’est pas aisé d’aider efficacement au-delà de quatre élèves ayant des demandes différentes. La solution pourrait être d’en faire patienter un ou deux grâce aux exercices sur ordinateur, mais cela est rarement possible tant la demande d’attention personnelle est grande.

Très vite, les élèves se sont d’ailleurs détournés de l’ordinateur pour po-ser des questions précises sur leurs devoirs, réclamant des aide-mémoire pour l’expression écrite.

Si un élève est en train de poser des questions sur un devoir, les autres ont tendance à se démotiver pour les exercices personnels sur ordina-teur. Ils partent après un ou deux exercices, disant qu’ils reviendront la prochaine fois, voyant le professeur trop occupé.

Ce qui est apparu clairement cette année, c’est le besoin d’attention réclamé par les élèves, le besoin d’encouragement. Ils acceptent de faire et refaire les exercices en présence du professeur. Ils sont aussi plus attentifs au cours quand ils sont venus en aide, par le lien personnel établi avec le professeur. Que faire ? Comment faire ? Lorsqu’un élève arrive au soutien en affirmant qu’il est « nul en an-glais », il est certain que malgré toute notre bonne volonté, nous n’al-lons pas résoudre tous les problèmes en quelques minutes…, mais nous pouvons l’encourager à revoir un point précis, suivi d’une courte auto-évaluation pour qu’il se rende compte s’il a compris. « Peu, mais bien » devra être notre devise à ce moment là. Cela implique que l’on soit prêt à présenter à l’élève une série de fiches d’exercices différents en gardant à l’esprit un objectif précis. Les exerci-ces doivent être assez courts et très ciblés car les élèves se lassent faci-lement. L’accueil, l’écoute de l’élève, les encouragements restent naturelle-ment primordiaux à tout moment pendant le soutien, de la même façon qu’une classe fonctionne mieux si l’ambiance est bonne.

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L’apprentissage des langues implique la maîtrise des quatre compéten-ces : compréhension orale, compréhension écrite, production orale et production écrite. En soutien, nous sommes obligés de donner la priori-té à la production écrite qui représente une partie importante pour le baccalauréat, les autres compétences étant travaillées en cours ou avec l’assistante quand il y en a une. En cas de demande d’aide plus impor-tante, il serait bon d’envisager la présence d’un deuxième professeur, l’un d’entre eux pouvant les encourager à utiliser davantage l’ordinateur de façon autonome, mais toujours avec la possibilité de poser des ques-tions au professeur.

3. Projet STI - STT30 Projet : Redémarrer en anglais en STI. L’anglais : un atout en STI. Partant des constatations suivantes : Une maîtrise convenable de l’anglais est un atout, voire une nécessi-

té, pour un technicien supérieur en électronique. Une très forte majorité d’élèves de STI poursuivent en BTS ou IUT, étu-

diant l’anglais avec un même objectif pendant un minimum de qua-tre ans à partir de la classe de première.

Un nombre important d’élèves de ces sections ne maîtrise pas les struc-tures de base de la langue ou /et se trouve totalement démotivé par ses propres difficultés, le faible horaire et le très faible coefficient de la matière aux examens.

Une progression est réellement possible en considérant ces quatre ans comme un tout, en adaptant l’enseignement au profil des élèves en ce qui concerne les professeurs , et en fournissant un effort mesu-ré mais régulier en ce qui concerne les élèves.

Les professeurs d’anglais des deux divisions de 1ère STI proposent aux élèves de ces classes un projet comportant deux volets : Reprise et renforcement des structures de base pendant le premier

semestre. Constitution d’un dossier personnel au deuxième semestre, compor-

tant le choix d’un thème, la recherche de documents (journaux spé-cialisés ou non, vidéos, Internet,…), rédaction du dossier, mise en page et présentation devant un jury en fin d’année.

Le suivi et l’évaluation sur le plan linguistique se feront au moyen de de-voirs communs .

(30) Texte de Claire Lio-gier, professeur d’anglais

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L’évaluation du projet se fera par un jury qui pourra (c’est souhaita-ble) comporter des enseignants autres que des enseignants d’an-glais . Remarques : Ce projet vise non seulement à renforcer les compétences linguisti-ques des élèves mais à les entraîner à la recherche et l’exploitation de documents, la présentation d’une réalisation écrite et le travail sur l’aisance à l’oral .

Rappel des objectifs : Re-motiver des élèves qui n’ont pas toujours de goût pour les langues ou d’acquis dans ce domaine, sachant qu’ils ont un minimum de 4 ans d’anglais à partir de la première sti et que si le système scolaire leur dit implicitement, par le jeu des coefficients et les horaires réduits, que cet-te matière a très peu d’importance, ce sera très différent dans leur vie professionnelle. Méthodes : Remise à niveau au premier trimestre avec des objectifs grammaticaux précis, présentés avec des textes, réutilisés dans des exercices classi-ques et évalués une première fois dans la classe, et une deuxième fois en fin de premier trimestre sous forme de devoir commun aux deux classes avec échange des copies. Constitution d’un dossier sur un thème choisi par l’élève, suivi d’une pré-sentation orale de ce dossier devant le professeur de l’autre classe. L’o-ral et l’écrit donne chacun lieu à une note sur 20. Bilan : positif, d’après les élèves et les professeurs d’anglais. Un questionnaire anonyme a été distribué aux élèves en fin d’année et donne les résultats suivants en première STI2 : • 7 élèves considèrent qu’ils étaient en grande difficulté au début de l’an-née. 2 seulement se rangent dans cette catégorie en fin d’année (faciles à reconnaître malgré l’anonymat). Ce sont en effet des élèves extrêmement faibles, dont les lacunes et le rejet de la langues sont an-ciens. Les parents ont été vus, nous avons réfléchi à des solutions, leur mise en œuvre n’est pas facile. Nous en reparlerons plus loin ;

• sur les six élèves qui se considéraient en difficulté au début de l’année, deux se sentent maintenant « assez à l’aise » ;

• le tiers de la classe (7 sur 21) a donc un réel sentiment de progrès ; on ne remarque pas le passage de « assez à l’aise » à « très à l’aise » peut-être à cause des exigences des élèves vis-à-vis d’eux-mêmes.

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Ces progrès sont massivement attribués par les élèves d’abord à l’am-biance du groupe (12 sur 21), puis au nombre réduit des élèves (8 sur 21). Les exercices proposés et les efforts personnels ne recueillent que 3 voix sur 21. C’est en apparence peu flatteur pour l’enseignant, mais nos efforts sont récompensés tout de même ! Pourquoi si peu d’é-lèves reconnaissent-ils avoir travaillé, ou l’utilité de leur travail ? Sont-ils plus exigeants vis-à-vis d’eux-mêmes que nous pourrions le penser ou ont-ils l’impression, le sentiment que l’ambiance du groupe est un fac-teur beaucoup plus déterminant, ce qui en dit long sur l’importance des facteurs psychologiques en classe de langue. C’était en effet un groupe extrêmement agréable, le groupe le plus posi-tif que j’aie connu en première STI, sur 15 ans d’enseignement dans ces sections. Or au départ, certains de ces élèves avaient été perçus comme peu coopératifs en seconde. Il semble qu’une dynamique très positive se soit installée, que j’analyse de la manière suivante : la classe était com-posée de 5 élèves venant de BEP , de 15 venant de seconde , et d’un venant de première S. Rapidement, l’élève venant de 1ère S et un élève venant de BEP se sont imposés comme « leaders ». La classe les a d’ail-leurs élus délégués. Ces deux élèves étaient des élèves ouverts, vifs, dy-namiques ; l’un était excellent en anglais, particulièrement à l’oral, l’au-tre de niveau assez faible, mais désireux d’apprendre et de communi-quer. La classe leur a emboîté le pas. Il est à noter aussi qu’aucun de ces élèves n’avait apparemment de gros problème personnel (familial, social, de santé). Il est aussi remarquable que les élèves sont très sensibles à la taille du groupe. Il est vrai qu’il est réellement possible de connaître assez bien chacun des élèves d’un groupe de 21, d’autant plus qu’au lycée François Mauriac-Forez les premières STI bénéficient d’une demi-heure de modu-le, du fait de leur statut de première d’adaptation. Il est possible de connaître les points forts et les points faibles de chacun d’eux et de les valoriser dans ce qu’ils réussissent (expression orale, compréhension orale, compréhension écrite, expression écrite), il est même possible d’arriver à connaître leurs intérêts extra scolaires (musique, sport, etc.) et d’orienter ainsi les thèmes du cours. Il est enfin possible de leur faire sentir que personne ne sera laissé sur le bord de la route (souci totale-ment vain dans les classes de seconde, même dans les groupes à 30). Bilan de la remise à niveau grammaticale. Nous avions choisi en priorité, à cause des erreurs les plus fréquentes et les plus « choquantes » :

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• les possessifs, adjectifs et pronoms, et les pronoms personnels, • le questionnement • le temps du récit (prétérit) • les présents • quelques mots de liaison • quelques modaux (can, could, must d’obligation et de supposition, should de conseil, may de supposition)

• les prépositions les plus courantes Le devoir commun de décembre a montré une acquisition partielle. Des exercices plus tard dans l’année ont montré que ces structures n’étaient pas mobilisables sans révision, notamment le questionnement. Mais après correction et rappels, la structure semblait plus familière qu’en dé-but d’année. Nous n’avions pas choisi une remise à niveau par grande compétence (lecture, compréhension d’un message parlé, etc. ou par classement no-tionnel/fonctionnel) par souci de simplicité, pour qu’à la fois les élèves puissent facilement cerner ce qui était à acquérir et ce qui était acquis. Cette méthode sera peut-être à revoir, notamment en fonction de ce que nous avons observé dans le travail sur le dossier. Le manque de so-lidité des acquis vient sûrement d’un manque de travail ou de motivation pour l’apprentissage (dans le questionnaire sur le dossier, un élève a ré-pondu que c’était bien parce qu’il n’y avait rien à apprendre), mais aussi peut être du caractère un peu mécanique du travail sur les structures. Une réflexion serait à mener sur l’importance relative de l’erreur gram-maticale. Réflexion de plusieurs élèves de Terminale STI : « on nous comprendra bien toujours. » On ne peut pas motiver la plupart des élè-ves de ces sections par la fierté ou le désir de s’exprimer correctement, encore moins par les notes dont l’importance est infime. Il faut donc rapprocher au maximum notre enseignement de leurs intérêts et de ce qu’ils perçoivent comme « utile ». D’où notre travail sur dossier. En ce qui concerne les acquisitions lexicales, les « bons » élèves appre-naient régulièrement, les élèves faibles n’apprenaient souvent pas, mê-me quand le parcours était balisé (ils savaient exactement ce qu’ils avaient à apprendre). Pour un élève faible, apprendre, même quelque chose de simple (pour nous ?), ne va pas de soi. Ou faut-il penser qu’ils sont faibles parce qu’ils n’apprennent pas ? Le seul lexique qui semble échapper à cette règle est celui des verbes irréguliers. Pourquoi cet ef-fort de mémoire-là est-il plus facile ? En revanche, le vocabulaire nouveau, parfois très complexe, appris pen-dant l’étude du dossier, est en général bien récité sous forme de lexique,

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mais aussi réutilisé tout à fait à propos à l’oral dans les explications. Là encore, nous avons une piste de réflexion intéressante. Il reste que ces acquisitions lexicales sont extrêmement nécessaires, puisque la difficulté la plus citée dans le questionnaire sur le dossier est : trouver les mots, non seulement à l’oral où l’émotion et la nécessaire vitesse de réaction jouent un rôle, mais à l’écrit. Rappel de ce qui était demandé : Choix d’un thème personnel. Certains ont des passions, ou des préoccu-pations fortes. Pour eux, le choix était facile. Pour les autres, un éventail de thèmes a été proposé. Dans l’ensemble, c’est véritablement un choix personnel qui a été fait. Trois élèves ont mentionné l’intérêt qu’ils avaient trouvé à ce choix personnel. D’autres l’auraient peut-être fait, mais le questionnaire ne proposait pas de réponse toute faite à cocher, il fallait avoir soi même l’idée. Recherche d’une problématique. Il ne s’agissait pas d’accumuler les in-formations sur un thème, ce qui est un travail sans fin et finalement peu formateur, mais de trouver une question qui résumait l’intérêt de l’élève pour le thème et lui permettait de prendre position ; les questions fer-mées sont celles qui permettent le travail le plus structuré. Exemple : plutôt que « les mangas japonaises », « les mangas sont-elles trop violentes ? » Ce qui amène l’élève à présenter les mangas de toute façon, mais aussi à se poser des questions sur ce qu’elles représentent, leur public, les dif-férences culturelles entre le Japon et la France, etc. et de défendre et justifier son intérêt pour cet art. Ce travail de recherche de problématique a été jugé difficile par la moitié des élèves, ce qui n’est pas étonnant, car il fait appel à des compétences de synthèse, à l’esprit de décision et à un retour sur soi (qu’est-ce qui m’intéresse vraiment ?). Recherche de documents Il s’agissait ensuite de trouver des documents. (quelquefois ce sont les documents qui ont amené la problématique). Le minimum demandé était 4 documents, dont un en français si l’élève le souhaitait, le maxi-mum 6 avec 2 en français. La recherche s’est faite au CDI avec l’aide de la documentaliste et du personnel du CDI. La documentaliste a renforcé le travail fait en classe sur la problématique et a montré aux élèves comment était constitué un dossier ( couverture, sommaire, documents, commentaires, bibliographie). Certains élèves ont trouvé des articles dans des journaux auxquels le CDI est abonné (Speakeasy, Today in En-glish). Mais la plupart ont cherché sur Internet. Pour certains, c’était une initiation qu’ils ont beaucoup appréciée. Dans les réponses libres sur l’intérêt du dossier, 8 sur 21 en 1sti2 ont mentionné cette recherche sur

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Internet, bien que ce travail n’ait pas toujours été très fructueux en ter-mes de nombre de documents pertinents (parfois aussi surabondance). Les élèves ont là aussi vu qu’un travail de synthèse était nécessaire car il fallait trouver les bons mots clés sous peine de se retrouver dans un dédale de sites sans intérêt. Exploitation des documents Une fois les documents sélectionnés, il fallait les exploiter. On avait de-mandé un résumé de l’information pertinente présentée dans le docu-ment ainsi qu’un rattachement permanent à la problématique. La répon-se à la question posée au début devait se trouver dans la conclusion. Le minimum était 400 mots pour ce travail de rédaction. Les élèves ont trouvé ce travail difficile (13 sur 21 pour « interpréter les documents » et 14 sur 21 pour « trouver les mots pour écrire »). Pour des élèves de ces sections, ce n’est pas étonnant. Ce qui est étonnant, c’est qu’ils soient effectivement arrivés à le faire, dans un temps relativement court, et de façon tout à fait honorable. Ce que nous essayons de faire régulièrement dans nos cours : comprendre un document et en rendre compte de façon intelligible et pertinente, avec un succès quelquefois très relatif, s’est trouvé fait avec peu d’aide directe de notre part ; nous avions consacré des modules à la lecture sélective (skimming : parcourir un document pour ne relever que ce qui nous intéresse), et la simplifica-tion de la formulation pour pouvoir s’exprimer en anglais : partant du principe que ces élèves (la très grande majorité des élèves) pensent en français d’abord, puis traduisent ce qu’ils veulent dire et arrivent ainsi ou à l’incohérence ou au blocage total (« je ne sais pas le dire »), nous leur avons montré d’une part que le niveau de complexité de ce qu’ils disent en français est élevé par rapport à leur compétences en anglais, ce qui est tout à fait normal puisqu’il s’agit d’une langue étrangère, et d’autre part que ce qu’ils cherchent à dire peut dans la plupart des cas se sim-plifier pour correspondre à ce qu’ils savent dire (ce qui déjà en français constitue un exercice intéressant). On cherche alors dans le dictionnaire ce qui est incontournable (mots techniques, termes précis indispensa-bles sous peine de perdre l’essentiel du message) et on revoit ce qui est de l’anglais de base, courant. Les choix de thèmes ont été variés, voire très originaux : •Les graffiti sont-ils un art ou du vandalisme ? •Le hard rock est-il si agressif ? •Le phénomène El niño est-il naturel ou causé par l’activité humaine ? •Les questions de santé : drogue, alcool, tabac, sida, et les questions plus générales de sécurité, morts sur la route, violence à l’école, ont été abordées. Les questions de sport et argent sont beaucoup revenues.

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Une note sur 20 a été attribuée au dossier par le professeur de l’autre classe avec les critères suivants. Nous avons choisi de ne pas annoter les dossiers pour ne pas dénaturer le produit fini de l’élève. Il nous aurait également semblé peu pertinent de corriger les erreurs d’expression une à une. Notre façon de noter l’ex-pression écrite a été différente de la notation d’un devoir surveillé. Il fal-lait que le message passe, que le cheminement de l’élève soit percepti-ble, et que le vocabulaire soit approprié au sujet. Nous nous servirons des textes produits par les élèves cette année pour recenser les difficultés d’expression les plus handicapantes et travailler à les réduire l’année prochaine. Ayant terminé son dossier écrit, l’élève le présentait donc à l’oral, au professeur de l’autre classe, qui ne savait rien du travail fait, le dossier écrit étant corrigé après. Modalité : 10 minutes de relecture et préparation, 15 minutes de passa-ge avec une présentation en autonomie de la problématique, des docu-ments trouvés et de la conclusion. Suivait un court dialogue sur les rai-sons du choix de l’élève et ses difficultés éventuelles, voire une conver-sation sur le sujet choisi. Les élèves ont reconnu avoir eu un trac très fort, (6 sur 21 en 1 sti2) et surtout avoir du mal à trouver leurs mots (16 sur 21). Cependant, nous avons constaté qu’à de rares exceptions près, tous les élèves arrivaient à communiquer, qu’ils réutilisaient correctement les mots appris pendant leur recherche et parvenaient souvent à conduire l’entretien. La différence d’efficacité entre un élève « faible » ayant bien préparé son oral avec un « bon » élève (très bonnes notes pendant l’an-née, y compris à l’oral), n’ayant rien préparé pour des raisons que nous ne développerons pas ici, était frappante et très encourageante pour tous ceux qui s’estiment « mauvais » mais sont prêts à faire un petit ef-fort pour ce qui les intéresse. L’oral qui les terrorise est pour beaucoup d’entre eux aussi valorisant : « J’arrive à dire ce que je veux dire, et je ne l’aurais jamais cru ». 4 sur 21 l’ont mentionné comme un plus. L’un d’entre eux pensait d’ailleurs qu’ils s’agissait d’un entraînement pour le bac (l’épreuve est écrite uni-quement en STI): les élèves perçoivent donc bien ce qui est important ! Remarques : Ceci peut ressembler à un TPE, mais n’est pas un TPE. 1. Le travail est disciplinaire. Les langues sont marginalisées au lycée. Les associer à une discipline « dominante » ne les renforce pas, mais les affaiblit encore (longue et frustrante expérience en BTS industriel). Par

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l’organisation de devoirs communs, de travail en équipe, d’oraux en équipe, en mettant en place des exigences plus élevées et plus ambi-tieuses que l’institution ne le fait, on crédibilise la matière. 2. Le travail fait donne lieu à l’attribution d’une note au coefficient élevé dans le trimestre. Le travail de l’élève ne correspond pas forcément aux consignes de départ étant donné la variété des motivations, des sujets, des compétences de chacun. Mais tout le monde doit remettre un pro-duit fini et se soumettre à un oral évalué d’après des critères précis et relativement exigeants. Les élèves ne travaillent pas que pour la gloire. Les professeurs non plus d’ailleurs. Dernier bilan du projet « Redémarrer l’anglais en STI et STT 31 Le projet est maintenant dans sa troisième année et le premier groupe d’élèves a passé le bac en juin 2001. Résultats : compétence linguistique : Les résultats au bac ont été sensiblement les mêmes que ceux obtenus les années précédentes. Mais, cette épreuve qui consiste essentiellement à cocher des cases est non significative. Dans les devoirs en classe et les oraux, on constate une persistance des erreurs les plus communes. Un réel progrès en maîtrise de la langue est un travail de très longue halei-ne. motivation. C’est là que le progrès est vraiment significatif. En langues vivantes, la motivation et la confiance en soi représentent plus de 80 % des chan-ces de progrès. À partir d’un questionnaire proposé aux élèves en fin de première STI donnait les résultats suivants : un tiers des élèves considé-raient être passés de « en grande difficulté » en début d’année à « en difficulté » à la fin. Les quelques élèves qui se sentaient encore en gran-de difficulté étaient des élèves dont les lacunes, le rejet de l’anglais, des langues, voire de l’école étaient anciens et très ancrés. Cette frange d’é-lèves se retrouve dans l’enseignement supérieur et nous nous ne savons pas encore comment les aider. Poursuite d’études Nous n’avons bien sûr pas toutes les données mais, parmi les élèves qui ont démarré le projet en 1999, trois sont actuellement en BTS technico-commercial à Montbrison, et sept en BTS électronique chez nous.

(31) Texte de Fabrice Asfaux, Claire Liogier, Hamid Makhlouf, Christiane Rivière

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La collègue d’anglais qui enseigne à Montbrison a remarqué que les élè-ves venant de François Mauriac avaient un niveau assez nettement su-périeur à ceux venant d’autres établissements et surtout étaient les seuls à ne pas rejeter leurs échecs en langues sur l’enseigne-ment reçu dans le secondaire, ce qui ne signifie pas du tout que l’en-seignement reçu ailleurs était de moindre qualité, mais que le projet mis en place à François Mauriac a peut-être réussi à réconcilier ces élèves avec leurs capacités et leurs aspirations en langues vivantes.

Mme Berlier qui enseigne en BTS électronique première année à François Mauriac a remarqué un progrès considérable dans l’attitude vis-à-vis de la langue vivante. Sept élèves, sur les 20 de la section, ont participé au projet en première et terminale. Aucun d’entre eux n’est brillant, mais presque tous ont une attitude très positive qui favorise nettement l’apprentissage. Analyse des résultats Sur l’ensemble des classes participant au projet plusieurs remarques sont à faire : • les élèves sont sécurisés et stimulés par le fait de participer à un projet qui implique plusieurs classes et se déroule sur deux ans. Le projet les rend « plus anxieux et plus actifs » à la fois.

• ils s’impliquent individuellement et reçoivent une attention indivi-duelle.

• ils sont valorisés par l’ampleur de ce qu’on leur demande (recherche, expression écrite, expression orale).

• Ils sont encouragés par leur performance orale. Pour certains, c’est la première fois qu’ils peuvent tester leur capacité à faire partager leur intérêt pour un sujet, à expliquer et à convaincre (l’examinateur ne sait rien au départ du sujet choisi) en langue étrangère. Quelques-uns d’entre eux s’en tirent remarquablement, d’autres parviennent à communiquer véritablement malgré l’utilisation d’une langue très incor-recte et découvrent que le travail et les ressources non linguistiques (savoir être) sont facteurs de progrès.

Ce travail ressemble à un TPE, mais n’en est pas un : • les sujets sont interdisciplinaires (sport, art, phénomènes de socié-té, technologies) et ce sont les élèves eux-mêmes qui sont compé-tents dans ce domaine, mais l’équipe est mono disciplinaire, ce qui permet de renforcer la rigueur des méthodes, et de valoriser la discipli-ne qui est par ailleurs très malmenée par l’horaire (deux heures hebdo-madaires) et le coefficient 2.

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• il est individuel : chacun doit être mis en face de ses propres capaci-tés à comprendre, écrire et parler et prendre conscience de ses mé-thodes personnelles pour les améliorer.

4. L’aide en sciences physiques Le texte qui suit a été rédigé par Monsieur F. Martin, professeur de sciences physiques. Il utilise des fiches de travail pour aider les élèves de terminale S. Ces fiches sont distribuées à tous les élèves.

• Deux exemples de fiches Ces fiches sont distribuées au début de chaque module étudié. Elles per-mettent aux élèves de prendre du recul par rapport aux apprentissages et de répondre à la question récurrente « qu’est-ce qu’il faut savoir ? ». Une relecture collective en fin de module permet de faire une synthèse des notions apprises mais aussi de montrer la cohérence et de donner un sens aux apprentissages. J’ai remarqué que les élèves la demandent lorsqu’elle n’est pas distri-buée ce qui me semble un point positif. J’ai, par contre, beaucoup de dif-ficultés à faire partager cette expérience à mes collègues qui trouvent cette démarche inutile.

PHYSIQUE CONNAISSANCES ET SAVOIR FAIRE EXIGIBLES

B - TRANSFORMATIONS NUCLÉAIRES 1 - Décroissance radioactive • Connaître la signification du symbole x et donner la composition du noyau correspondant. • Définir l’isotopie et reconnaître les isotopes. • Reconnaître les domaines de stabilité et d’instabilité des noyaux dans le diagramme (N, Z). • Définir un noyau radioactif. • Connaître et utiliser les lois de conservation. • Définir la radioactivité ß -, ß +, l’émission et écrire l’équation d’une réaction nucléaire pour une émission , ß -, ß +, en appliquant les lois de conservation.

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• À partir de l’équation d’une réaction nucléaire, reconnaître le type de radioactivité. • Connaître l’expression de la courbe de décroissance et exploiter cette courbe. • Savoir que 1 Bq correspond à une désintégration par seconde. • Expliquer la signification et l’importance de l’activité dans le cadre des effets biologiques. • Connaître la définition de la constante de temps et du temps de demi-vie. • Utiliser les relations entre t 1/2. • Déterminer l’unité de ou de par analyse dimensionnelle. • Expliquer le principe de la datation et expliquer le choix du radioélé-ment pour dater un événement. Savoir faire expérimentaux • Réaliser une série de comptages relatifs à une désintégration radioacti-ve. • À partir d’une série de mesures, utiliser un tableur ou une calculatrice pour calculer la moyenne, la variance et l’écart-type du nombre de dé-sintégrations enregistrées pendant un intervalle de temps donné. 2 - Noyaux, masse, énergie

• Définir et calculer un défaut de masse et une énergie de liaison. • Définir et calculer l’énergie de liaison par nucléon. • Savoir convertir des J en eV et réciproquement. • Connaître l’équivalence masse énergie et calculer une énergie de masse. • Commenter la courbe d’Aston pour dégager l’intérêt énergétique des fissions et des fusions. • Définir la fission et la fusion et écrire les équations des réactions nucléaires en appliquant les lois de conservation. • À partir de l’équation d’une réaction nucléaire, reconnaître le type de réaction. • Faire le bilan énergétique d’une réaction nucléaire en comparant les énergies de masse.

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CHIMIE

CONNAISSANCES ET SAVOIR FAIRE EXIGIBLES

A - LA TRANSFORMATION D’UN SYSTÈME CHIMIQUE, EST-ELLE TOUJOURS RAPIDE ?

1 - Transformations lentes et rapides

• Écrire l’équation de la réaction associée à une transformation d’oxydoréduction et identifier dans cette réaction les deux couples mis en jeu. • Définir un oxydant et un réducteur. • Montrer, à partir de résultats expérimentaux, l’influence des fac-teurs cinétiques sur la vitesse de la réaction.

2 - Suivi temporel d’une transformation

• Justifier les différentes opérations de suivi de l’évolution tempo-relle d’un système : exploiter les résultats expérimentaux. • Définir l’équivalence lors d’un titrage et en déduire la quantité de matière réactif titré. • À partir de mesures expérimentales et du tableau descriptif de l’évolution du système, représenter en fonction du temps, la varia-tion des quantités de matière ou des concentrations d’un réactif ou d’un produit et de l’avancement de réaction. • Savoir que la vitesse de réaction augmente en général avec la concentration des réactifs et de la température. • Interpréter qualitativement la variation de la vitesse de réaction à l’aide de courbes d’évolution tracées. • Connaître la définition du temps de demi-réaction t 1/2. • Déterminer le temps de demi-réaction à l’aide de données expéri-mentales ou en exploitant des résultats expérimentaux. • Savoir utiliser, à une longueur d’onde donnée, la relation entre la concentration d’une espèce colorée en solution et l’absorbance.

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L’aide individualisée en français

Ce texte est de Maryse Jaboulay, professeur de français.

1. Présentation Inscrite dans l’emploi du temps de toutes les classes de seconde depuis la rentrée 1999, cette heure hebdomadaire (qui existe aussi en mathé-matiques) est, d’après les textes, réservée à un groupe de 8 élèves au maximum, choisi par le professeur (les modalités de la « désignation » étant laissées à son appréciation), et doit permettre aux élèves qui ren-contrent une difficulté particulière de travailler un objectif très précis. La notion d’individualisation de l’aide apportée par le professeur est fonda-mentale : adaptée à chacun selon les difficultés constatées dans ses ac-quis ou ses compétences, elle doit permettre de compenser l’hétérogé-néité des classes de seconde : ainsi (et cela sera à souligner comme fac-teur essentiel au moment de la présentation de l’aide individualisée à la classe entière, au moment de la rentrée), tout élève peut avoir besoin de cette aide « ponctuelle », à un moment ou à un autre de l’année. La notion d’individualisation de l’aide nous paraît donc répondre à un double objectif : - rassurer chaque élève sur ses difficultés présentes et potentielles par une « remédiation » personnalisée, - éviter que cette heure supplémentaire soit considérée comme un sou-tien réservé aux mauvais élèves (d’où la nécessité de faire « tourner » la composition des groupes d’aide et d’y faire participer des élèves « moyens » par le biais d’autres contenus que la remédiation tradition-nelle, des séquences consacrées à l’oral par exemple…). La manière de présenter l’heure d’aide (et, globalement, le discours que chaque « acteur » peut avoir à ce propos) paraît également déterminan-te dans la représentation que l’élève en aura : le professeur doit essayer d’éviter qu’elle soit perçue comme une corvée (pendant le reste de la classe n’a pas cours) ou, au contraire, comme un privilège permettant à certains d’améliorer leur note… D’où la nécessité d’être vigilant sur les modalités pratiques de mise en œuvre de l’aide institutionnalisée. 2. Description du fonctionnement du système d’AI/français au lycée François Mauriac

• Les modalités pratiques L’heure d’AI la plus favorable semble être celle qui est située en début ou en fin de matinée de manière à pénaliser le moins possible le reste de

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la classe, tout en ménageant une disponibilité convenable des partici-pants. Pour ces petits effectifs, afin de faciliter la proximité professeur-élève, le cadre le mieux adapté est celui des petites salles permettant aussi une disposition des tables plus intime et conviviale. La durée des « séquences » (chaque séquence s’entendant comme un ensemble d’ac-tivités autour d’un même objectif), déterminée en commun par l’équipe des professeurs de Lettres dès la rentrée (pour éviter les inégalités de traitement entre les 13 classes de seconde du lycée) est en général de 4 ou 5 semaines (d’une période de vacances à la suivante), l’objectif étant notamment d’aboutir, sur une certaine durée, à une évaluation (et si possible, une auto-évaluation) significative des résultats de chacun des participants. • La désignation des participants À l’époque de l’instauration de l’AI (en 1999-2000), la plupart des ensei-gnants de Lettres du lycée ont désigné les élèves relevant de l’AI sur la base d’abord des difficultés repérées à l’évaluation d’entrée en seconde, puis au fil des lacunes constatées tout au long de l’année scolaire, en s’efforçant néanmoins de varier groupes et objectifs. Cette expérience ayant montré une certaine lassitude des élèves, voire une démotivation de certains (car la remédiation « traditionnelle ne don-ne pas toujours, surtout à court terme, l’efficacité escomptée par les élè-ves, à savoir une amélioration de leur note), la plupart des enseignants de notre établissement a varié, voire modifié totalement le mode de dé-signation des participants. L’AI, présentée comme « un programme à la carte » ponctuel (ex. : séances de préparation aux devoirs, séances d’ai-de à la lecture de l’œuvre intégrale, analyse d’un dossier de presse, tra-vaux d’écriture personnelle…), ouvre désormais la porte aux volontaires (voir à ce sujet les résultats de l’enquête). Certains collègues, en AI/Français, n’ont d’ailleurs travaillé en 2001-2002 que sur la base du vo-lontariat-élèves et ont parfois dû ouvrir les groupe à 12 participants pour satisfaire la demande (notamment lorsque l’activité proposée consistait à préparer le prochain devoir). Il semble donc important de présenter l’AI comme quelque chose de souple, que l’élève choisit de suivre (pour un certain nombre de séances) mais dont il peut sortir facilement. • L’entretien préalable avec chaque participant S’il s’est avéré nécessaire dans les premiers mois de la mise en place du dispositif puisqu’il correspondait à la fois à un « contrat » entre l’élève et l’enseignants à propos de leurs attentes sur l’aide apportée et à la logi-que du système (comment remédier à une difficulté si celle-ci n’a pas été clairement identifiée, analysée ?), il l’est beaucoup moins lorsque, le dispositif ayant été clairement expliqué en classe entière, chaque élève est amené à se déterminer en fonction de ses besoins personnels et des

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Séquences directement liées au travail de préparation aux exerci-ces de type Bac, en relation avec le travail effectué en classe en-tière (argumentation, commentaire littéraire, voire dissertation, sujet d’invention, travail sur l’utilisation du brouillon) : exercices qui semblent souvent perçus par les élèves comme le rappel du cours et les intéressent guère, exception faite apparemment, des séances consacrées à la « production » personnelle (imagination, écriture d’invention) qui semblent les motiver davantage.

Séquences d’aide à la lecture cursive (dossier de presse, roman, nouvelle) : la participation des groupes a été active, la possibilité d’échanger à « bâton rompus » leur a plu.

Séquences de lecture « interactive » : un texte est présenté au groupe, la construction du sens se fait collectivement et progressi-vement, chacun expliquant à son tour ce qu’il a compris du texte. L’exercice est révélateur des difficultés de compréhension des élè-ves et demande à l’enseignant de s’interdire tout démarche direc-tive avant de revenir sur les sens proposés.

Séquences d’entraînement à l’oral (à partir de courts sujets de dé-bats, de portraits…) : elles ont permis de faire participer à l’AI des élèves d’un bon niveau mais généralement trop discrets en classe entière (ce qui revalorise l’AI aux yeux de tous).

Séquences de préparation au prochain devoir : ce sont celles (et pour cause !) qui suscitent le plus d’intérêt de la part des élèves et permettent, en outre, à l’occasion des questions posées, de ré-expliquer certaines notions fondamentales dans un autre contexte et pour d’autres objectifs que lors du cours en classe entière (formule à retenir ???) Faut-il pour autant en faire le contenu ex-clusif des séances d’AI ?

La coordination de l’équipe Sous l’impulsion du chef d’établissement, un professeur a été chargé de coordonner les activités menées dans le cadre de l’aide individualisée an français, de façon à permettre à tous une collaboration efficace et des échanges fructueux. Dans cet objectif, chaque enseignant chargé d’AI/français devait périodiquement communiquer au coordinateur les activi-tés menées dans ses séquences et le bilan qu’il pouvait en dresser : à charge au coordinateur d’établir un classeur servant de « banque d’acti-vités et d’expériences ». l’initiative, fort constructive, devait permettre à l’équipe de se constituer une sorte de guide des contenus utilisables en aide, ce qui est précieux. Mais l’expérience semble prouver qu’en matiè-re d’aide, la pédagogie d’équipe est difficilement applicable. En effet, malgré tout la bonne volonté de chacun des enseignants, le travail de préparation des séances d’aide se fait souvent dans l’urgence, « au coup

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par coup ». Il est difficile de prendre la distance suffisante pour lancer l’activité et, simultanément ou presque, la transcrire pour les collègues et l’évaluer. L’aide ne serait-elle pas un domaine dans lequel, plus enco-re qu’ailleurs, chaque enseignant a son mode de fonctionnement, ses certitudes, ses intuitions ? Sans rester lettre morte, puisque le classeur existe bel et bien, l’initiative de travail d’équipe n’a pas eu l’efficacité es-comptée. Évaluation de l’aide individualisée (observation de quelques effets) • Sur le comportement des élèves : l’évaluation en termes de résultats chif-frés étant aléatoire, certains résultats sont néanmoins intéressants.

Au terme de chaque séquence, lorsqu’une auto-évaluation est propo-sée au groupe, on se rend vite compte de la pertinence du juge-ment que l’élève en difficulté porte sur lui-même.

Au fil des mois, on a pu constater, surtout dans les séquences consa-crées à la préparation des devoirs, un intérêt accru de l’ensemble de la classe pour ce qui se faisait en aide. Dans d’autres cadres, certains élèves volontaires qui avaient déjà suivi une ou plusieurs séquences d’aide (même si les résultats aux devoirs en classe en-tière ne s’étaient pas améliorés de façon significative) deman-daient à y revenir (en dépit, parfois, des conseils du professeur), preuve de l’effet rassurant de la participation à l’AI.

Pourtant, ces effets plutôt positifs ne sont pas forcément la règle gé-nérale : les réactions varient d’une classe à l’autre, voire d’un groupe à l’autre et certains groupes très passifs ne s’intéressent guère aux activités proposées, quelles qu’elles soient.

• Sur la pratique des enseignants : comme pour toutes les activités à effectifs réduits, les enseignants notent la proximité de la relation prof-élève pendant les heures d’aide et l’occasion qui leur est ainsi donnée de mieux cerner, voire de mieux comprendre les problèmes des élèves en difficulté. Mais, quels moyens pour y remédier efficacement et durable-ment ? La tâche paraît insurmontable puisqu’il s’agit, le plus souvent, de combler des lacunes très anciennes ou des incapacités réelles de com-préhension ou d’expression. L’aide apprend donc à l’enseignant à se montrer modeste dans ses objectifs, à s’efforcer de rassurer, d’encoura-ger, d’être à l’écoute, bref à dédramatiser la situation de l’élève en diffi-culté. . Quelques suggestions • Concernant la fréquence et la durée de l’aide individualisée : certains collègues, soucieux notamment de pratiquer l’aide aux devoirs, suggè-rent, pour plus d’efficacité, des séances de quinzaine regroupant 2 heu-res consécutives.

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activités qu’on lui propose. Le côté volontaire de sa démarche semble inaugurer une autre relation de l’élève avec les contenus proposés (mais dans la mesure seulement où il y trouve un intérêt consumériste, c’est-à-dire encore et toujours, la note). • Les acteurs concernés par l’AI Au-delà des élèves eux-mêmes et du professeur concerné, le rôle des professeurs de Lettres des autres classes de seconde est à noter : il arri-ve d’ailleurs, dans l’établissement, que l’AI dans une section soit assurée par le professeur d’une autre section en coordination avec celui qui est chargé de la classe. Les élèves placés dans ce cas de figure ont souvent, lors des bilans, apprécié que cet accompagnement ait été le fait d’un en-seignant ayant d’autres méthodes, une autre façon d’expliquer, un autre regard que le professeur attitré… Le rôle des parents, notamment leur encouragement, est aussi très im-portant : les réponses à l’enquête en disent long de l’influence sur l’ado-lescent, de la représentation (positive ou négative) que ses parents ont de l’aide à laquelle leur enfant va participer. Enfin, tous les membres de la communauté scolaire, du CPE au provi-seur en passant par les surveillants et le professeur principal, ont leur rôle à jouer dans l’efficacité de l’aide individualisée, notamment dans la teneur du discours qu’ils sont parfois amenés à avoir sur ce sujet : sur une attitude positive de chaque acteur peut se fonder la motivation de l’élève de venir en aide et d’y progresser. 3. Les contenus : ce qui s’y fait • Les activités proposées aux élèves Pour éviter une liste exhaustive des diverses activités proposées dans les séquences d’aide individualisée à François Mauriac, cette synthèse retiendra seulement les principales catégories d’activité et leur « cote » d’intérêt auprès des élèves (telle qu’elle apparaît dans divers bilans et témoignages recueillis).

Séquences sur la prise de notes, le déchiffrage d’énoncés divers ou d’instructions, la rédaction de textes télégraphiques pour apprendre à retenir l’essentiel… : souvent présentées sous une forme ludique, elles « marchent » bien mais ne peuvent être que très ponctuelles.

Séquences sur la correction de l’expression (orthographe, voca-bulaire, syntaxe…) : perçues de façon très négative par les élèves comme le sempiternel soutien en français, elles ont vite été aban-données en tant qu’activités systématiques (mais continuent de se pratiquer à l’occasion des préparations ou corrections de de-voirs et autres travaux d’écriture).

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• Concernant la valorisation des travaux effectués par les participants à l’aide : chaque fois qu’il a été possible de restituer, devant la classe en-tière, ce qui s’était fait pendant les séquences d’aide (sous forme de pré-sentation d’un texte, d’un exposé, d’un exercice oral ou d’explication d’un exercice…), la motivation des participants et la perception des au-

Aide individualisée Français : 2ème bilan • Pour le premier bilan (mi-parcours du premier trimestre), 6 d’entre vous avaient répondu au petit sondage proposé. Voici une brève synthèse des réponses. • Le nombre participants (élèves) était de 8 à 12. • Les critères de recrutement étaient les résultats des premières évalua-tions (pour 4) ou le volontariat en vue de la préparation des devoirs (pour 4).

• Pas d’entretien individuel préalable mais une explication globale des objectifs de l’aide.

• La motivation des désignés semble faire peu de différence avec celle des volontaires puisque nous sommes 3 à remarquer que certains, dans les classes « à désignation », se portent volontaires et demandent à participer à l’aide.

• Le contenu des séquences a été varié : analyse d’un dossier de presse, lecture cursive, exercices à partir du manuel de bac pro, travaux com-plémentaires sur les séances en classe entière (ex. : sur le récit, sur les techniques de l’argumentation), utilisation des anciens cahiers d’éva-luation, utilisation du dictionnaire, travail sur le brouillon individuel, production personnelle…

Dans l’ensemble, le bilan vous semble plutôt positif, même si vous cons-tatez que les notes des « aidés » ne s’améliorent pas forcément ; pour l’aide consacrée à la préparation des devoirs, l’intérêt des élèves est fort. On constate aussi que la production personnelle « libre » suscite plus d’intérêt que le rappel du cours qui n’engendre que l’indifférence. • En ce début de 2ème trimestre, il serait intéressant de voir com-ment les objectifs et les activités, en aide individualisée, ont évo-lué depuis ces séances car les remarques et expériences de cha-cun sont utiles à tous… Faites-moi part de vos trouvailles ( ?) afin que je sous-traite pour redistribuer… Quelle évolution constatez-vous dans :

• la constitution du groupe ? • la perception de l’aide ? • les contenus proposés ? • l’intérêt , la motivation des participants ? • suggestions diverses.

Merci de votre… aide !

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Un exemple de séance d’aide individualisée en Français : étude d'un texte argumentatif Cet exemple de séance a été travaillé lors d’une session de formation des professeurs de français avec Françoise Clerc.

Fiche descriptive de la séance Objectifs: Au cours du 1er trimestre, dans cette classe de 2de, une séquence en classe entière a été consacrée à l'ARGUMENTATION, dans la perspective des exercices de type Bac impliquant les savoir-faire suivants: savoir analyser un texte argumentatif savoir produire une argumentation structurée. Quelques élèves (7 en l'occurrence) ont manifesté lors des tests et de-voirs des difficultés pour comprendre le fonctionnement du schéma ar-gumentatif, difficultés se révélant notamment par des contresens entre la thèse soutenue par l'auteur et la thèse adverse : ce sont ces élèves qui ont été "conviés" en Aide pour une série de 4 séances portant sur cet objectif précis : " comment distinguer la thèse adverse de la thèse sou-tenue." Le texte-support est un article du Monde, de Bruno Frappat, de 1991, sans titre (un des objectifs de l'exercice sera d'en découvrir le thème), choisi pour son schéma argumentatif propice à mettre en valeur la thèse adverse ("la famille est en crise") et la thèse soutenue (" cette crise n'est qu'une apparence"). L'objectif est annoncé aux élèves dès le début de la séance d'aide. Démarche: Lecture à haute voix par un élève du texte et explicitation des termes ou expressions difficiles (ex. : restaurer, contestation, subsistance…) Travail sur les questions : lecture puis recherche individuelle silencieuse de chaque question puis mise en commun « interactive » (1 question par élève):

• Quelle est sa réponse à la question ? • Comment y est-il parvenu ? • Quels indices du texte peuvent appuyer sa réponse ? • Peut-on critiquer ( voire contredire) sa réponse ? Pourquoi ?

Puis on note au tableau ce à quoi on est arrivé pour formaliser l'analyse. Si un élève bloque manifestement dans sa compréhension de la réponse, on lui demande de formuler le plus clairement possible ce qu'il ne com-prend pas ; un de ses camarades est invité à lui expliquer ( en justifiant) les éléments de la réponse collectivement sélectionnée.

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L'aide a donc pour objectif d'accompagner l'élève en difficulté dans son apprentissage personnel sur le texte, sans lui proposer de réponse toute prête mais en valorisant toutes les remarques, pour les confronter avec le sens du passage, en faisant le plus possible appel à une démarche « interactive », qu'il devrait donc ressentir comme moins directive que la séance en classe entière. Conçue ici comme une remédiation, la séance d'aide doit permettre à l'élève de mieux affronter le prochain test sur l'argumentation et, partant, d'améliorer sa note…(ce qui constitue, sem-ble-t-il, sa principale motivation). Prolongements: La séance suivante sera consacrée à un exercice d'écriture argu-mentative ayant pour thème la consigne suivante : « Vous écrivez une lettre au journaliste Bruno Frappat pour étayer sa thèse avec des arguments et exemples nouveaux réfu-tant la disparition de la famille et prouvant, au contraire, son uti-lité au XXIème Siècle. » Texte-support:

« La famille en danger, la famille en question, il faut restaurer le rôle de la famille, il faut faire écla-ter la cellule familiale… Telles sont quelques-unes des réflexions souvent entendues aujourd'hui sur un sujet universel, aussi ancien que l'homme et que la femme. La contestation dont la famille est l'objet ne da-te pas d'aujourd'hui. La nouveauté paraît surtout résider dans le fait qu'on en parle plus librement que jadis et que l'irruption de la vie sociale dans la vie familiale - notamment par le canal des mass me-dia - a rendu les conflits plus aigus. Sans cesse annoncée pour demain, la fin de la famille paraît encore, aujourd'hui, fort hypothétique. Les mentalités évoluent, certes, mais moins vite qu'on ne le dit parfois. Il apparaît d'autre part un décalage entre les mentalités ou les opinions – affi-chées par exemple à l'occasion d'un sondage - et la réalité des conduites individuelles. La pression so-ciale, d'une part, les nécessités affectives, d'autre part, expliquent en grande partie que la famille res-te la cellule de base de la société, même si certaines de ses fonctions ont changé.

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Que la famille ait changé, nul ne le conteste. La famille élargie de jadis, où les fonctions de subsis-tance économiques étaient essentielles dans un monde rural, s'est restreinte. C'est ce rétrécisse-ment qui est aujourd'hui le plus contesté. Destinée à être davantage un milieu de vie où s'établissent de multiples relations interpersonnelles, la famille doit éviter d'être seulement un lieu de consomma-tion. Tout, pourtant, la pousse à être la cellule de base d'une société de consommation . Et c'est préci-sément ce que refusent ces jeunes - encore minori-taires et peu nombreux - qui ont crée, ici et là, des communautés(…)

Bruno Frappat ( Le Monde, 1991) Questions: Quel est le thème précis du texte ? Qui s'exprime dans le 1er § ? Quels indices le prouvent ? Sur quelle opposition temporelle l'argumentation est-elle fondée ? Rele-

vez les indices de temps qui expriment cette opposition. Soulignez dans le texte la phrase qui contient la thèse adverse puis celle

qui contient la thèse soutenue par l'auteur, reformulez-les ensuite. Analyse de la conduite de cette séance réalisée en formation32 Maryse Jaboulay relate la séance d’aide qu’elle a réalisée à partir des suggestions de la précédente rencontre. Puis nous avons analysé les dif-ficultés d’apprentissage rencontrées par les élèves dans l’étude d’un tex-te de Bruno Frappat. A propos du travail effectué par Maryse Jaboulay et dont elle est satisfai-te, quelques pistes de travail... 1 . La construction collective et progressive de la compréhension d’un texte (remarques générales) But de ce type de travail : Faire découvrir aux élèves les activités intellectuelles impliquées par la construction du sens d’un texte écrit. Modalités : 1. Le professeur se situe en animateur de la parole du groupe et n’intervient pas pour communiquer des connaissances mais pour aider les élèves à exprimer leurs idées.

(32) Séance de travail du 11 janvier 2000. Compte rendu rédigé par Françoise Clerc, professeur en sciences de l’éducation et animatrice de la séance

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2. Il analyse le contenu des propositions des élèves. 3. Il renvoie au groupe d’élèves une image de l’état de la pensée à l’aide du tableau, il aide à organiser et classer les idées, il reformule les propositions importantes.

4. Il guide un retour réflexif sur les raisonnements, les démarches utilisées, facilite l’élaboration de critères pour juger des méthodes et du résultat du travail.

Références théoriques sur lesquelles s’appuie ce type de travail en classe : • la non-directivité (cf. travaux de Carl Rogers) • les interactions de tutelle (cf. travaux de Jerome Bruner) • la métacognition (cf. travaux de Bernadette Noël). Bibliographie BRUNER,J., (1988), Savoir faire, savoir dire. Le développement de l’en-fant, Paris, P.U.F. NOEL B., (1997), La métacognition, Bruxelles, De Boeck. ROGERS C., (1976), Liberté pour apprendre, Paris, Dunod. Bilan

Avantages/intérêt

Inconvénients/difficultés/précautions

sur le plan cognitif • les représentations des élèves sont efficace-ment remaniées à l’issue de cette activité, car la démarche prend appui sur ce qu’ils savent ou croient savoir • ils construisent ensemble des processus intel-lectuels qu’ils peuvent intérioriser alors qu’habi-tuellement ils ne savent pas en quoi consiste l’activité « comprendre un texte » • même s’ils n’interviennent pas toujours facile-ment, ils s’habituent à « travailler mentale-ment », ce qu’ils n’ont pas coutume de faire pen-dant les cours (ils se représentent les processus attentionnels comme des attitudes passives) sur le plan de la motivation • les élèves aiment en général ce type de travail qui leur permet de s’exprimer et prend en consi-dération leurs points de vue • cette activité permet de varier les activités de remédiation sur le plan du rapport au savoir • permet une réassurance des élèves très en dif-ficulté (« je suis capable...) • facilite l’établissement d’un rapport au savoir plus actif

pour la classe • il est difficile de faire ce type de travail avec un groupe « classe entière » sauf si les élèves sont entraînés à pratiquer la démarche • la démarche n’est efficace que si le professeur prend le temps de faire analyser aux élèves, en fin de séance (métacognition), le travail qui vient d’ê-tre exécuté et s’il accepte d’intervenir pour éva-luer les productions des élèves seulement en fin de démarche (attitude d’écoute) pour le professeur • il abandonne son statut de « transmetteur » de savoir pour adopter celui de « facilitateur » • il faut animer les échanges tout en analysant le contenu des idées des élèves

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Suggestion d’activité sur la compréhension d’un texte (qui peut com-pléter la précédente) Faire construire des images mentales à partir de questions préparées à l’avance telles que celles qui sont énoncées dans le texte joint (Oakhill et Patel). Le but est que l’élève intériorise le type de questionnement et puisse se passer de la stimulation du professeur. L’exemple porte plutôt sur des textes descriptifs ou narratifs mais on peut transposer pour guider une recherche d’inférences. (sur ce point consulter : GOLDER C., GAONAC’H D., Lire et comprendre, psychologie de la lecture, Paris, Hachette, 1998.). La notion clé actuellement pour interpréter les difficultés de compréhension est la mémoire de travail. Autres références sur la lecture et la compréhension des textes : FAYOL, M. et coll., (1992), Psychologie cognitive de la lecture, Paris, P.U.F. FAYOL, M., (1997), Des idées au texte : psychologie cognitive de la pro-duction verbale, orale et écrite, Paris, P.U.F. FOUCAMBERT, J., (1980), La manière d’être lecteur, Paris, Éditions M. D.I.. JAMET, E., (1997), Lecture et réussite scolaire, Paris, Dunod. SPRENGLER-CHAROLLES, L., CASALIS, S., (1996), Lire. Lecture et écri-ture : acquisition et troubles du développement, Paris, P.U.F. 2 . La formulation d’hypothèses sur les obstacles à l’apprentissage Nous avons formulé des hypothèses concernant les obstacles rencontrés pour comprendre le texte. Pour chaque hypothèse, nous avons cherché le médiateur pédagogique qui permettrait de surmonter l’obstacle ou au moins de le traiter avec les élèves. 1er obstacle : la difficulté à repérer les différents arguments rapportés par le journaliste et à identifier leurs auteurs. Le médiateur pédagogique doit permettre aux élèves d’identifier les ar-guments et de les classer. On peut imaginer un tableau à remplir par les élèves du type suivant :

les opinions géné-ralement admises

les commentaires de l’auteur sur ces opinions

les opinions de l’auteur

les savoirs scienti-fiques

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Le traitement de ce tableau peut déboucher soit sur une analyse des procédés stylistiques utilisés pour rapporter des opinions émanant de personnes différentes, soit sur l’analyse des différences entre savoir et croire. 2ème obstacle : la non-maîtrise du sens des mots. Apprendre à chercher sur le dictionnaire ne semble pas être la solution car les élèves ne le font pas. Il semblerait plus efficace, au moins dans l’immédiat, de développer des stratégies de compréhension d’un texte telles que celles qui sont utilisées en français langue étrangère . 3ème obstacle : les élèves ne se représentent pas en quoi consiste la compréhension d’un texte. 4ème obstacle : ils ne sont pas motivés ou même simplement intéres-sés. Il n’existe pas de solution unique : le caractère ludique d’une activité peut plaire momentanément puis lasser, séduire les uns et rebuter les autres qui croient qu’on les infantilise etc. Dans la relation d’aide, il est possible de diversifier les activités, de modifier le rapport au savoir et la relation avec le professeur, de rendre les réussites, même partielles, gratifiantes. La question des effets des progrès accomplis sur les notes mériterait un travail plus approfondi sur les stratégies d’évaluation. Toutes ces hypothèses sont probablement justes à des degrés divers. Comme il n’est pas possible de les traiter simultanément, il est nécessai-re de les hiérarchiser. La motivation est ce sur quoi il est le plus difficile d’agir. C’est un facteur trop inconstant. Par ailleurs, on sait qu’il n’est pas nécessaire d’être motivé pour apprendre et que ce qui nous motive peut, hélas, résister à nos tentatives d’apprentissage. La motivation doit plus être considérée comme la résultante d’un apprentissage réussi et gratifiant que comme sa condition. Les séances d’aide devraient donc permettre de renouer avec (ou de découvrir ?) le plaisir d’apprendre. Références théoriques : ASTOLFI, J-P, L’important c’est l’obstacle, in Cahiers pédagogiques, n° spécial Apprendre, janvier 1998, p 33-36. CLERC, F., (1998), Débuter dans l’enseignement, Paris, Hachette, La fonction d’interprétation, p. 67-69.

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ADESIO (Aide aux devoirs et étude suivies individuelles ou occasion-nelles)

Ce texte présente la mise en œuvre du projet d’établissement à propos de l’aide aux devoirs et trace le bilan du fonctionnement effectif d’ADE-SIO jusqu’en 2003.

Objectifs : Préalable : refus de répondre à la demande consumériste de l’élève. Pri-vilégier au contraire une démarche réflexive et constructive. • Objectifs généraux : Donner aux élèves la possibilité de travailler individuellement et/ou de bénéficier d’accompagnement ponctuel ou durable dans leurs tâches scolaires. Les aider à évaluer leurs points forts et leurs points faibles, et pour cela apporter l’aide : méthodologique globale : savoir répondre de façon appropriée à « la commande scolaire » réflexive : adopter une démarche consciente et constructive dans le tra-vail ponctuel : devoirs, exercices, leçons psychologique : (re)motivation des élèves en difficulté et/ou démission-naires. • Objectifs opérationnels : Apprendre

à organiser son travail, à lire les énoncés et les consignes à trouver une problématique à concevoir un plan.

Destinataires : • Tous les élèves de tous les niveaux sur la base du volontariat. • Spécifiquement les élèves de seconde désignés par le conseil de clas-se. • Tout élève désigné ponctuellement par les professeurs. Moyens : • Personnel : aides éducatrices, un professeur-référent assurant la liai-son entre le dispositif et les enseignants, professeurs principaux, conseil-lers principaux d’éducation, proviseurs, chefs de travaux. • Matériel : lieu spécifique silencieux, ressources en manuels, équipe-ment informatique (postes et logiciels)

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Regards croisés sur l’aide à l’apprentissage

Fonctionnement du dispositif : • L’organisation du service est confiée à la proviseure adjointe. • Horaire : le dispositif ADESIO est ouvert aux élèves sans interruption de 8 heures à 11 heures 30 et de 12 heures 15 à 18 heures. • Déroulement de la séance Après avoir formulé le but de leur venue, les élèves sont orientés vers des postes de travail où ils seront, selon les cas, rejoints individuelle-ment par les aides éducatrices pour la phase opératoire du travail, ou laissés seuls s’ils le désirent. • Contrat/contrôle/sanctions/bilan des présences et du travail Une fiche de suivi et de profil est prévue pour l’accompagnement des élèves réguliers. Ce système ne peut fonctionner qu’avec l’appui du pro-fesseur référent. Le contrôle des absences permet de « relancer » les élèves normalement inscrits mais « défaillants ». À la convention écrite et pluripartite (élève/professeur/aide-éducatrice/CPE) instituée aux origines du dispositif, s’est désormais substitué un contrat moral d’assiduité. Évaluation : • Indicateurs : Pour les élèves convoqués

• progression des résultats scolaires • permanence et augmentation de l’assiduité aux séances d’aide ADESIO

• prise de conscience de l’importance du travail personnel Pour les élèves volontaires

• satisfaction liée à la maîtrise des techniques et au progrès des ré-sultats

• Fréquentation :

Chiffres en 2002-2003 le taux de fréquentation est allé croissant au fil de l’année. On a ainsi pu observer une moyenne de 3 à 8 élèves présents chaque heure et, suite aux conseils de classe, ce sont élè-ves qui sont venus régulièrement au moins deux heures par semai-ne. Nombreux sont les élèves qui viennent pour trouver un lieu propice au travail en raison de son calme et de son silence. Beaucoup d’élèves viennent en groupe (démarche plus rassurante que la visite individuelle) ; en conséquence la demande d’aide est plus diluée et le gain sans doute moins important. En revanche, les élèves seuls (ou en binôme) gagnent plus rapide-ment en motivation, en confiance en eux ; leur progression est plus

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Regards croisés sur l’aide à l’apprentissage

nette. Ces élèves reviennent alors même qu’ils ne sont pas convo-qués. Les élèves non convoqués sont au nombre d’une trentaine.

Commentaires : • Des aides éducatrices

L’observation du bilan du suivi montre que pour les élèves « volontaires » les comportements sont très largement jugés posi-tifs. En revanche, pour les élèves « convoqués », les attitudes sont plu-tôt négativement appréciées (réserve faites de nombreuses excep-tions) et elles sont généralement homogènes au niveau des clas-ses : telle classe de seconde sera marquée négativement (assiduité défaillante, travail personnel insuffisant), telle autre au contraire, se signalera par une attitude globalement positive (assiduité régu-lière, travail positif…). Il y a là un phénomène de groupe dont les tenants et les aboutissants restent à étudier. Le travail d’aide est considérablement plus efficace lorsque le pro-fesseur peut donner aux aides éducatrices des consignes précises, des directions de travail, voire des documents ou même peut ac-compagner les élèves pour lancer la procédure d’aide. La présence du professeur-référent est indispensable pour assurer la liaison entre les aides éducatrices et les professeurs.

• Des élèves

Il a été constaté que la spécialisation disciplinaire des aides éduca-trices ne pouvait pas toujours répondre à la diversité des demandes des élèves. Nécessité d’une information plus soutenue en direction des élèves (beaucoup ignorent l’existence même du dispositif). Aller en ADESIO est considéré comme « humiliant » ; les élèves de-mandent plus de souplesse dans le dispositif (confidentialité, sou-plesse du contrôle des présences…). L’implantation serait plus judicieuse à proximité du CDI pour pou-voir disposer du fonds documentaire.

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Regards croisés sur l’aide à l’apprentissage

Synthèse : une culture pédagogique partagée ?

La culture pédagogique manifeste de l’établissement est caractérisée par des strates successives :

• l’approche transdisciplinaire par l’apprentissage des méthodes de travail, largement influencée par les conceptions de l’apprentissa-ge diffusées par les MAFPEN dans les années 90,

• l’approche disciplinaire (anglais, physique et français notamment) dont le contenu est défini en relation avec les programmes et les difficultés classiques des élèves, mais dont les méthodes pédago-giques conservent certains traits des pratiques transdisciplinaires (écoute, auto analyse par les élèves de leurs difficultés, centration sur les démarches, mise en situation de production de dossiers, mise en relation avec d’autres disciplines, par exemple).

Il est significatif que l’orientation des élèves soit pensée en lien avec les pratiques d’aide. Les professeurs d’anglais, par exemple, incluent dans leur bilan, non seulement les effets immédiats de l’aide sur les appren-tissages, mais aussi les effets à plus long terme sur la poursuite des étu-des. En français et en anglais, les projets sont soit collectifs, soit partagés par un groupe de professeurs. Ils sont coordonnés et font l’objet de produc-tions échangeables. Des bilans sont effectués qui permettent de tirer des enseignements de l’expérience. Les échanges, s’ils permettent d’alléger relativement le travail de préparation, l’alourdissent au contraire en rai-son des concertations nécessaires. La recherche ne permet pas de décider jusqu’à quel point la culture ma-nifestée dans l’enquête est partagée. Ce sont les enseignants les plus engagés dans un travail réflexif et de production collective qui se sont exprimés. Il resterait à mener une enquête plus approfondie auprès des enseignants qui, pour des raisons diverses, ne se sont pas engagés dans la recherche et qui, par ailleurs, peuvent cependant avoir une pratique de l’aide à l’apprentissage.

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Les résultats de l’enquête

La conception des questionnaires Le but de l’enquête était non seulement de savoir comment les différents acteurs concernés par l’aide en seconde se représen-taient l’aide et ses effets, mais aussi de connaître par quels ca-naux les dispositifs d’aide étaient connus. Les auteurs de l’enquê-te en attendaient des informations assez fiables pour servir de point d’appui pour réorganiser éventuellement certaines formes d’aide ou pour mettre l’accent sur celles qui se révéleraient les plus productives au regard des apprentissages : - renforcer l’information si nécessaire et rendre l’offre plus lisi-ble, - ajuster les dispositifs et notamment les contenus en fonction des besoins repérés, - construire une représentation plus raisonnée des pratiques d’aide. Cette démarche reposant sur la participation des élèves et des parents était également destinée à les sensibiliser en leur posant des questions provoquant l’analyse (par ex. : question sur les cri-tères d’évaluation de l’aide). Les résultats ont été exploités en partie au cours d’un travail collectif, en partie par les chercheurs (dont un étudiant de l’ISPEF ) qui ont suivi l’expérience. Les questionnaires ont été conçus sur une trame semblable avec quelques adaptations selon le public, afin de permettre des com-paraisons. Nous présentons en annexe la trame de chaque ques-tionnaire.

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Les résultats de l’enquête

Q 1 : les finalités de l’aide 64 % des réponses vont à la compréhension des cours 21,5 % à l’efficacité et à la rapidité du travail

Ces pourcentages indiquent que l’aide est clairement perçue par les élèves comme devant permettre de mieux comprendre les cours ceux-ci restant la ré-férence pour l’organisation des situations d’apprentis-sage.

Q 2 : le mode de recrutement des élèves 92,6 % des réponses en faveur du volontariat

Cette quasi unanimité appelle des commentaires : les élèves accordent-ils tous la même signification au mot « volontaire » ? Les entretiens particuliers ont mis en évidence une divergence entre les adultes et les élèves. Parents et professeurs estiment que, pour apprendre, il faut faire preuve de volonté. Tandis que les élèves insistent plutôt sur le fait qu’ils préfè-rent choisir librement d’aller en aide.

Q 3 : les critères d’accession à l’aide 51,4 % des réponses pour ceux qui ont des lacu-nes 32,7 % des réponses pour ceux qui sont en grande difficulté

Les réponses au questionnaire des élèves La synthèse repose sur le dépouillement de 743 questionnaires rendus par les élèves. Nous présentons la synthèse des réponses, question par question, afin de faire apparaître le plus de nuances possibles dans les résultats. Il eût été intéressant de faire des analyses longitudinales de chaque questionnaire mais la faible personnalisation des réponses ne permettait pas de faire apparaître des postures singulières en rapport avec l’aide.

1—Être aidé, dans le cadre scolaire doit te permettre : • de rejoindre ou d’égaler les meilleurs

de ta classe • de comprendre les cours • d’avoir confiance en toi • de travailler plus vite et plus effica-

cement • de faire plaisir à tes parents

3— D’après toi, pour être aidé, un élè-ve doit être : • Volontaire • désigné par un adulte • c’est indifférent

2—D’après toi, pour être aidé, un élè-ve doit être :

• Volontaire • désigné par un adulte • c’est indifférent

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Les résultats de l’enquête

Même si l’on remarque une majorité en faveur d’une aide plutôt destinée aux élèves en difficulté passagè-re, deux publics aux besoins différents sont re-connus comme bénéficiaires potentiels de l’aide. On retrouve cette double indication dans les réponses des professeurs et dans les politiques des disciplines dans l’organisation de l’aide. En ce qui concerne les deux autres réponses (insuffisance du travail et possibilité de mieux faire) qui comportent un jugement de valeur sur le travail de l’élève, elles ne semblent pas reconnues comme des critères pertinents (le manque de travail n’est pas du ressort d’un dispositif d’aide mais de la volonté de l’élève).

Q 4 : les représentations de l’aide par les élè-ves Le grand éventail de réponses et le pourcentage des non-réponses important (12,3 %) semble montrer que :

• les élèves ont bien repéré le ton humoristique de la question,

• les représentations sont partagées (avec toute-fois peu de réponses en faveur des 2 proposi-tions qui sous-entendent une intention particu-lière du professeur, positive ou négative).

Q 5 : les jugements à propos de l’aide 64 % des réponses pour l’aide perçue comme une chance 26 % des réponses pour l’aide qui ne peut pas faire de mal

Ces résultats traduisent une confiance marquée, un juge-ment plutôt positif (ou éventuellement « opportuniste sceptique ») sur l’aide. Il faut toutefois rapporter ces ré-ponses à d’autres fournies dans les entretiens qui tradui-sent une réserve plus nette, ou expriment même parfois une impuissance devant l’échec. Il semble qu’il existe une double polarisation de l’opinion des élèves autour d’une demande d’aide assez confiante d’une part et d’un profond scepticisme quant à la possibilité de faire progresser réelle-ment les élèves en difficulté (voir les réponses à Q 11 et Q 13). Cette double polarisation se retrouve dans une partie des réponses des adultes (professeurs et parents).

5—Pour toi, un élève à qui l’on offre un dispositif d’aide est un élève : • à qui on donne une chance • que l’on sanctionne • dont le parcours scolaire est compro-

mis • à qui ça ne peut pas faire de mal • qui risque d’être stigmatisé plutôt

que de tirer un bénéfice

4—Quand un adulte désigne un autre élève pour qu’il participe à l’aide, tu penses : • C’est son chouchou ! • Il veut le casser ! • C’est qu’il est nul ! • Il a du pot ! • Pourquoi ça tombe sur lui (elle) ? • C’est pas le problème du prof !

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Les résultats de l’enquête

Q 6 : la connaissance des dispositifs d’aide Pour cette question, il n’est pas possible de comptabi-liser le nombre de réponses item par item certains élèves ayant coché « j’ai entendu parler » quand ils cochaient « j’en connais le fonctionnement » considé-rant que la première proposition était vraie à minima. D’autres en revanche, ont coché soit « j’ai entendu parler », soit « j’en connais le fonctionnement » considérant que cocher la seconde proposition incluait de fait l’acceptation à la première. Le nombre des réponses permet pourtant de penser que les dispositifs d’aide les plus pratiqués sont bien connus et repérés des élèves. Seulement 2,4 % des élèves déclarent connaître le fonctionnement des « bornes interactives ».

Q 7 : les sources d’information 41,7 % des élèves ont entendu parler de l’aide par leur professeur qui sont, de ce fait, la source d’in-formation principale.

Q 8 : le mode d’engagement de l’élève dans un dispositif d’aide Selon les élèves, le mode d’engagement le plus favo-rable dans les différents types d’aide reste le volonta-riat, sauf curieusement, en français. Cela signifie-t-il

6— J’ai entendu parler J’en connais des possibilités d’aide le fonctionnement

a. ADESIO � �

b. SOS matières � �

c. Aide individualisée français � �

d. Aide individualisée maths � �

e. Bornes interactives M. Delay � �

f. Études surveillées � �

g. Aide recherche documentaire � �

h. Service assistante sociale � �

7—Comment en as-tu entendu par-ler ?

8—Lesquelles as-tu, personnellement, utilisées

• Volontairement ? • parce que tu étais désigné ?

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Les résultats de l’enquête

que les élèves estiment avoir moins conscience de leurs difficultés en français ? ou encore qu’ils espèrent les surmonter par leurs propres forces tout en ayant conscience de la fragilité de cet espoir ?

• 100 % volontaire pour le service de l’assistante sociale

• 98,5 % volontaire / 1,5 % désigné pour les études surveillées

• 98,2 % volontaire / 1,8 % désigné pour l’aide recherche documentaire

• 88,6 % volontaire / 11,4 % désigné pour l’A-DESIO

• 66,7 % volontaire / 33,3 % désigné pour SOS matières

• 53,5 % volontaire / 46,5 % désigné pour l’aide en maths

• 30,4 % volontaire / 69,6 % désigné pour l’aide en français

Q 9 et Q 10 : l’évaluation de la satisfaction La description des activités conduites lors des séances d’aide reste assez floue et utilise un vocabulaire convenu dont il n’est pas sûr que tous les élèves maî-trisent la portée. Comme on le voit sur le tableau ci-après, pour tous les types d’aide proposés, le nombre d’élèves qui se déclarent satisfaits est plus important que le nombre d’élèves qui se déclarent insatisfaits. Une hypothèse est formulée, selon laquelle deux grands types d’aide peuvent être identifiés :

• une aide portant sur les carences dans les connaissances qui demande l’intervention d’un spécialiste de la discipline,

• une aide plus personnalisée portant essentielle-ment sur les modalités du travail et la valorisa-tion de l’image de l’élève, aide qui demande une disponibilité et une écoute bienveillante.

La satisfaction ou l’insatisfaction viennent alors de l’a-déquation entre les besoins réels des élèves et la na-ture de l’aide apportée.

9—Parmi celles-ci, laquelle a été la plus positive ?

Décris-en les activités spécifiques Pourquoi la considères-tu comme positive ?

10—Parmi celles-ci, laquelle a été la plus négative ?

Décris-en les activités spécifiques Pourquoi la considères-tu comme négative ?

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Les résultats de l’enquête

Pour expliquer les variations du niveau de satisfaction à propos des différents types d’aide, une autre hypo-thèse peut être avancée : il existe, au sein de la poli-tique d’établissement, des sous-politiques propres aux disciplines, notamment en français. Ces différen-ces entre disciplines entraîneraient des modes de re-crutement variés. Par exemple, l’aide en mathémati-ques serait plutôt proposée aux élèves ayant des diffi-cultés passagères et ayant besoin d’un « coup de pouce » temporaire. Les élèves en grande difficulté en seraient écartés. En revanche, en français, les élè-ves en grande difficulté sont admis. Dans certains cas même, des élèves demandeurs mais ne présentant pas de grandes difficultés, peuvent se joindre au groupe.

Q 11 : les raisons du refus d’être aidé 46,5 % des réponses qui expliquent le refus par la nature contraignante de l’aide, 25,3 % des réponses l’expliquent par le manque de confiance dans l’aide.

Q 12 : les suggestions sur les modalités de l’ai-de

37,6 % des réponses placent les professeurs comme meilleure source d’information (37,3 % de non-réponses), 55,8 % des réponses placent les professeurs comme personne-ressource privilégiée (13,7 % de non-réponses), 48 élèves estiment que les autres élèves, s’ils

Études sur-veillées

Aide docu-mentaire

Aide en maths

ADESIO Aide en fran-çais

Pourcentage qui estime l’ai-

de positive

28,1

27,3

50,3

35

32,7

Pourcentage qui estime l’ai-de inefficace

3,7

9,1

11

18,8

21

11—Lorsqu’un élève refuse d’être ai-dé, c’est parce que : • il ne croit pas à l’efficacité de l’aide • il n’a pas confiance en ses capacités • il juge que c’est une contrainte sup-

plémentaire • il pense que ça ne regarde que lui • autre raison

12—Quelle devrait être la meilleure source d’information en matière d’ai-de ?

Qui devrait, en priorité, aider un élève ?

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Les résultats de l’enquête

sont de bons élèves ou simplement des amis, devraient assurer l’aide.

Du point de vue des élèves, l’aide semble donc être prioritairement de la responsabilité des profes-seurs. Plusieurs commentaires un peu plus détaillés ont fait également apparaître, lors des entretiens, le point de vue selon lequel l’aide est une occasion pour découvrir une autre image du professeur que celle que les élèves ont habituellement en cours.

Q 13 : l’estimation des effets de l’aide sur le travail personnel Il est ici impossible d’exprimer les réponses sous for-me de pourcentage, car on ne peut distinguer les non-réponses dues à des élèves qui n’ont jamais par-ticipé à l’aide des non-réponses dues à des élèves qui ont choisi de ne pas répondre à la question. Environ la moitié des élèves estime que l’aide a des effets, l’autre moitié qu’elle n’a aucun effet. En revanche, 67,3 % des réponses qui font état d’une modification et la caractérisent comme un change-ment dans la méthode de travail.

Q 14 : les indicateurs de l’efficacité de l’aide Une réponse arrive largement en tête à égalité avec les non-réponses : 35 % des réponses en faveur des notes 34 % de non-réponses La réponse la plus fréquemment choisie ensuite (confiance en soi) ne totalise que 4,6 % des répon-ses. L’amélioration des notes semble donc largement perçue comme l’indicateur le plus pertinent. L’hypo-thèse selon laquelle les progrès seraient plus ou moins tangibles selon la discipline considérée a été formulée (cas des élèves en STI ou différence entre les mathématiques et le français). Les réponses des élèves sont à comparer à la constatation des profes-seurs d’anglais dans le dispositif STI-STT : bien que les résultats au baccalauréat n’aient pas été modifiés par la mise en œuvre de l’aide, ils ont estimé que les progrès des élèves sont sensibles.

13—Si tu as utilisé l’aide est-ce que cela a modifié ton travail personnel ? si oui, en quoi ?

14—À quoi reconnais-tu que l’aide a été efficace ?

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Les résultats de l’enquête

Ce constat a une portée considérable : les évalua-tions telles qu’elles sont pratiquées sont-elles à mê-me de mesurer la réalité des progrès effectués par les élèves ? Dès lors, le désenchantement à l’égard des dispositifs d’aide ne peut-il être aussi interprété comme résultant de la relative inadéquation des pra-tiques d’évaluation qui ne porteraient que sur cer-tains aspects des compétences à construire et ne tiendraient pas suffisamment compte de la trajectoi-re des élèves?

Suggestions et remarques faites par les élèves Peu nombreux sont les élèves qui font des suggestions concernant l’aide ou, de façon plus générale, les modalités d’enseignement. Deux remar-ques très critiques sont faites sur le questionnaire lui-même pour mettre en doute son intérêt ou sa conception. Nous reproduisons les sugges-tions telles qu’elles ont été formulées par leurs auteurs. Certaines for-mulations sont provocatrices mais reflètent un état d’esprit qu’il nous a paru important de transcrire.

Approbation Seuls deux élèves expriment leur approbation sans réserve. Si l’on re-coupe les réponses aux autres questions avec ces suggestions, on peut estimer que cette position est assez partagée. Dans cette première re-marque l’élève prend son propre cas en exemple pour approuver le dis-positif qui semble relativement le plus contesté.

Je trouve que ces aides sont bien tombées pour certains élèves. Ils devraient en profiter. D’ailleurs cette année, j’en ai eu besoin et j’irai de nouveau à l’ADESIO. Ca sera des révisions en plus, ça ne me fera pas de mal.

Dans une seconde remarque, un autre élève dépasse le point de vue in-dividuel – chose assez rare - pour prendre en considération l’intérêt gé-néral. L’approbation concerne en fin de compte la politique du lycée.

Il est bien que le lycée propose différentes aides et moyens de travailler. Beaucoup de moyens sont donnés pour que les élèves réussissent, c’est bien.

D’autres approbations se nuancent d’une suggestion d’amélioration. • Je trouve que ces aides doivent continuer tout en spécialisant les personnes qui s’en occupent, surtout pour les matières scientifi-ques.

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Les résultats de l’enquête

•L’aide individualisée en seconde était une très bonne chose, de plus, le nombre maximum d’élèves était de 8 ce qui permettait de mieux travailler, de mieux aider chacun. Cette aide serait, je pen-se, une bonne chose en première aussi. Pourquoi que les secondes ?

Doute concernant l’efficacité du lycée et importance de l’aide des parents Deux remarques lient la réussite scolaire à l’attitude du milieu familial. Sur ce point, les élèves rejoignent l’opinion de quelques parents : le ly-cée ne peut rien seul. Mais il existe des opinions contraires : certaines réponses soulignent que le lycée est l’endroit le plus adapté pour fournir une aide.

•L’aide la plus importante est celle des parents. • L’aide ne peut fonctionner que si l’élève est volontaire et qu’il fait des efforts pour essayer de s’en sortir. On peut difficilement aider un élève qui est difficulté et qui s’en fout de travailler. Dans ce cas-là, il faudrait que l’élève change de mentalité. Pour réussir, il est surtout question de bonne volonté. L’aide doit se faire avec l’appui de l’entourage de l’élève. Les parents doivent donc y être impliqués.

Demande d’extension de l’aide Plusieurs demandes concernent l’extension de l’aide. À d’autres classes que la seconde ou à d’autres disciplines :

• Qu’il y ait une aide en première. • L’aide individualisée en seconde était une très bonne chose, de plus, le nombre maximum d’élèves était de 8 ce qui per-mettait de mieux travailler, de mieux aider chacun. Cette aide serait, je pense, une bonne chose en première aussi. Pourquoi que les secondes ? • L’aide individualisée devrait exister pour la classe de premiè-re et de terminale selon l’orientation :

1S : maths-physique-SVT ou SA 1L : langues+français 1ES : économie-histoire.

Plus particulièrement aux matières scientifiques et aux mathématiques : • Il faudrait des aides pour les matières scientifiques. • Il faudrait envisager qu’il y ait des aides-éducateurs en matières

scientifiques. • Il faudrait créer une heure de soutien facultative dans l’emploi du temps pour les matières scientifiques avec un prof différent du nôtre qui pourrait reprendre tout ce que l’on n’a pas compris. Une heure où l’on pourrait aller quand on a besoin donc irrégulière-

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Les résultats de l’enquête

ment pour retravailler cours et exercices. Est-ce qu’il pourrait y avoir des manuels d’exercices corrigés en maths et en physique ? • Avoir de l’aide en mathématiques car il n’y en a pas dans tout le lycée. C’est urgent car l’année a bien commencé et les difficultés augmentent.

Aux sections technologiques : • Il faudrait de l’aide spécialisée pour les séries technologiques. • Il faudrait de l’aide spécialisée pour les séries technologiques. • J’aime bien l’ADESIO, mais étant en STI, j’aurais plus besoin d’aide dans des matières spécifiques comme l’électronique mais le problème c’est que les aides-éducateurs sont uniquement capa-bles de nous aider dans les matières générales et ça c’est domma-ge.

Dans ces deux derniers cas, l’extension réclamée est liée à une spéciali-sation du personnel intervenant. On peut estimer que, pour ces élèves, les matières citées sont considérées comme des enjeux pour la réussite dans leur série.

Besoin d’écoute Un élève évoque la permanence du professeur de philosophie en quali-fiant son intervention « d’écoute des élèves ». On peut interpréter le choix du terme diversement, néanmoins, s’il est vraiment significatif, il faut le différencier du terme « aide » habituellement employé. Il pourrait alors s’agir d’une forme de relation plus empathique correspondant à un besoin moins scolaire.

Tous les jeudis, un prof de philosophie est à l’écoute des élèves. Il faudrait qu’un prof de chaque matière en fasse autant.

Attitude consumériste Certaines suggestions sont critiques des pratiques pédagogiques en vi-gueur. En l’absence de données factuelles, l’interprétation de ces criti-ques n’est pas aisée : soit elles se réfèrent à des réalités vécues ou à des malentendus entre les professeurs et les élèves, soit elles dénotent une attitude consumériste ou individualiste à l’égard des études.

• Les profs devraient faire des cours plus intéressants ce qui nous motiverait et nous donnerait envie de travailler. • Si certains profs prenaient plus en compte les difficultés des élè-ves ou bien s’ils avaient de meilleures méthodes pour faire ap-prendre, je pense que l’aide serait moins utile. L’apprentissage vient, d’après moi, de la méthode des profs qui arrivent à nous intéresser à leurs cours.

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Les résultats de l’enquête

Critique des conditions de travail Deux remarques concernent les conditions dans lesquelles les élèves sont amenés à travailler au lycée et tout particulièrement le silence diffi-cile à obtenir. Cette remarque est à rapprocher du point de vue de cer-tains parents qui, au contraire, estiment que le lycée est un lieu bien adapté pour le travail personnel (en tout cas, mieux adapté que le logis familial).

• Je trouve que cette année le CDI est beaucoup moins silencieux que l’année dernière. • L’ADESIO et l’étude surveillée devraient être dans deux salles différentes. En effet, elles sont actuellement dans la même salle, et un élève qui a besoin d’un silence total pour travailler peut être dérangé par le chuchotement d’un aide-éducateur en train d’aider un autre élève.

Le manque d’information Alors que l’enquête montre que, dans l’ensemble, les élèves sont bien informés sur l’aide, deux réponses mentionnent un manque d’informa-tion. Étourderie ? Expérience négative ? Il est difficile d’interpréter ces remarques en dehors d’autres données plus précises.

• Je trouve qu’on n’est pas assez informés sur comment bénéficier de l’aide.

• Les aides ne sont pas assez exposées aux élèves.

Critique de l’aide ou de son mode d’organisation Le mode d’organisation des dispositifs d’aide fait l’objet de plusieurs suggestions. Le choix des professeurs – un professeur de la classe ou un autre professeur – ne fait pas l’unanimité.

Les aides en français et en maths devraient être faites par les mê-mes professeurs qu’en cours.

L’aide ne serait pas assez individualisée.

Les aides ne sont pas assez exposées aux élèves. Les aides ne sont pas dans le but de vaincre nos lacunes puisqu’il y a plusieurs élèves et les sujets sont trop divers. L’aide individualisée ne sert à rien quasiment puisque l’on cerne nos problèmes et qu’on est plu-sieurs, il est difficile de s’occuper de tous les élèves.

Les salles ne semblent pas appropriées.

L’ADESIO et l’étude surveillée devraient être dans deux salles dif-férentes. En effet, elles sont actuellement dans la même salle, et un élève qui a besoin d’un silence total pour travailler peut être dérangé par le chuchotement d’un aide-éducateur en train d’aider un autre élève.

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Les résultats de l’enquête

Critique de la compétence des intervenants Les intervenants ne peuvent pas assurer toute l’aide nécessaire du fait de leur domaine de compétence ou de leur spécialisation insuffisante. Les critiques émanant des élèves de STI se font à peu près dans les mê-mes termes (« employer du personnel qualifié ») ce qui laisse supposer qu’il y a eu, sinon concertation, au moins échange entre eux.

• J’aime bien l’ADESIO, mais étant en STI, j’aurais plus besoin d’aide dans des matières spécifiques comme l’électronique mais le problème c’est que les aides-éducateurs sont uniquement capa-bles de nous aider dans les matières générales et ça c’est domma-ge. • Employer des personnes qualifiées dans les matières techniques

(élec.). • Personnel non qualifié dans le domaine technologique/scientifique (pour les matières électronique, mécanique, physique appliquée). • Employer du personnel qualifié dans pour les sections techni-ques (électronique, physique appliquée).

Un élève (déjà cité) laisse entendre que si les professeurs étaient plus attentifs en cours aux difficultés des élèves, alors il n’y aurait peut-être pas besoin d’aide à l’apprentissage : l’aide la plus efficace serait celle qui s’exerce en cours avec un changement des pratiques pédagogiques. Cet-te question est aussi débattue au sein du corps professoral.

Si certains profs prenaient plus en compte les difficultés des élè-ves ou bien s’ils avaient de meilleures méthodes pour faire ap-prendre, je pense que l’aide serait moins utile. L’apprentissage vient, d’après moi, de la méthode des profs qui arrivent à nous intéresser à leurs cours.

Critique de la compétence des aides-éducateurs Seul un élève met en doute ouvertement les compétences des aides éducateurs concernant les contenus d’enseignement. Cependant, dans les entretiens, ils ont été plusieurs fois mis en cause. Les élèves ne sem-blent pas leur accorder une confiance totale. Ils rejoignent sur ce point, un doute des aides-éducateurs eux-mêmes qui disent être souvent em-barrassés d’avoir à aider les élèves dans des domaines qu’ils ne maîtri-sent pas vraiment. La finalité d’ADESIO – un accompagnement réflexif de la démarche de travail - n’est pas forcément claire aux yeux des dif-férents acteurs.

Les questions 13 et 14 sont les mêmes. L’ADESIO n’est pas une bonne aide car bien souvent, leurs résultats sont faux. Pourquoi ? Car ils ne sont pas compétents pour aider les élèves.

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Les résultats de l’enquête

La spécialisation des personnels affectés à l’aide La question de la spécialisation se pose à un double titre : être spécialisé dans la discipline ou être spécialisé dans l’aide à l’apprentissage. Si la première hypothèse, énoncée dans les deux remarques qui suivent, ren-contre un écho assez fort chez les enseignants, en revanche, la seconde est très majoritairement rejetée.

• Je pense que ces aides doivent continuer tout en spécialisant les personnes qui s’en occupent, surtout pour les matières scientifi-ques. • Avoir des personnes plus spécialisées en ce qui concerne par exemple les matières scientifiques.

Critique du questionnaire Deux remarques, au ton quelque peu provocateur, critiquent le ques-tionnaire. Au regard du nombre de réponses, la proportion est ici négli-geable.

• Pourquoi ces questionnaires débiles ? À quoi ça sert ? • Il y a des questions assez stupides.

Le volontariat des élèves Une dualité de sens apparaît clairement dans les réponses à propos du « volontariat ». Tantôt, il est entendu comme : l’élève doit avoir le choix (il faudrait que ce soit un choix pour des élèves). Tantôt comme : l’élève doit faire preuve de volonté (si l’élève est volontaire et qu’il fait des ef-forts). Une troisième possibilité est évoquée, plus compatible avec une revendication d’autonomie : que l’élève soit responsable de la détection de ses propres besoins. Nous verrons que sur ce point, les adultes ne sont pas forcément d’accord. Il s’agit probablement là d’un des points délicats de l’organisation de l’aide au lycée : comment associer les élè-ves à une réflexion sur leurs propres itinéraires d’apprentissage ?

• Pour les aides, il faudrait que ce soit un choix pour des élèves et pas pour d’autres car un élève peut être en difficulté mais moyen et un autre peut être vraiment en difficulté. C’est inégal mais le bourrage de crâne n’a jamais servi. Dans mon cas, j’ai été en aide en maths, mais comme je n’aime pas les maths, ça ne m’a servi à rien. Je n’ai pas été en difficulté, mais on m’a « obligé ». Avec d’autres élèves de ma classe de seconde, nous avons été « testés » car c’est la première année où l’aide a été mise en pla-ce. • L’aide ne peut fonctionner que si l’élève est volontaire et qu’il fait des efforts pour essayer de s’en sortir. On peut difficilement

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Les résultats de l’enquête

aider un élève qui est difficulté et qui s’en fout de travailler. Dans ce cas-là, il faudrait que l’élève change de mentalité. Pour réussir, il est surtout question de bonne volonté. L’aide doit se faire avec l’appui de l’entourage de l’élève. Les parents doivent donc y être impliqués. • Il faudrait créer une heure de soutien facultative dans l’emploi du temps pour les matières scientifiques avec un prof différent du nôtre qui pourrait reprendre tout ce que l’on n’a pas compris. Une heure où l’on pourrait aller quand on a besoin donc irrégulière-ment pour retravailler cours et exercices. Est-ce qu’il pourrait y avoir des manuels d’exercices corrigés en maths et en physique ?

* * *

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Les résultats de l’enquête

Q 1 : les conditions de l’aide 29 professeurs estiment qu’il est préférable que l’élè-ve soit volontaire pour bénéficier au maximum de l’ai-de.

Q 2 : les bénéficiaires de l’aide Selon les deux tiers des professeurs, l’aide doit s’a-dresser aux élèves qui ont des lacunes. Selon un tiers, elle doit s’adresser aux élèves en grande diffi-culté. Le traitement de la grande difficulté semble hors d’atteinte pour de nombreux professeurs – no-tamment pour les professeurs de mathématiques qui en font explicitement un argument dans leur choix de politiques d’aide. Il reste que cette notion est confuse et que la limite entre la difficulté « ordinaire » et la « grande » difficulté mériterait d’être précisée.

Q 3 : les critères d’accession à l’aide Les trois quarts des professeurs considèrent comme une chance le fait qu’un élève soit désigné pour l’ai-de. Cette réponse confirme l’opinion des élèves et des parents. Les professeurs qui ont répondu semblent avoir admis que l’aide est un système bénéfique. On peut se demander si la grande proportion de non ré-ponses au questionnaire ne doit pas être interprétée comme un jugement tacitement négatif sur l’efficacité de l’aide.

Les réponses au questionnaire des professeurs Le questionnaire a été diffusé auprès de 120 professeurs et il a recueilli 41 réponses, dont un certain nombre provenant de professeurs déjà im-pliqués dans l’aide.

1—Pour être aidé, un élève doit être : • volontaire • désigné par un adulte • c’est indifférent

2—L’aide doit s’adresser à des élèves : • en grande difficulté • qui ont des lacunes • dont le travail est insuffisant • qui pourraient faire mieux

3—Pour vous, un élève à qui l’on offre un dispositif d’aide est un élève : • à qui on donne une chance • que l’on sanctionne • dont le parcours scolaire est compro-

mis • à qui ça ne peut pas faire de mal • qui risque d’être stigmatisé plutôt

que de tirer un bénéfice

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Les résultats de l’enquête

Q 4 : la connaissance de l’aide par les profes-seurs Les systèmes d’aide les plus connus relèvent de l’aide institutionnalisée (AI français et mathématiques, ser-vice de l’assistante sociale). Les dispositifs propres à l’établissement (ADESIO, études surveillées) viennent ensuite. Les professeurs qui ont répondu semblent avoir une bonne connaissance de l’offre d’aide dans le lycée ce qui semble être le moins que l’on puisse at-tendre. Mais nous ne savons pas ce qu’il en est des professeurs qui n’ont pas répondu.

Q 5 : les jugements à propos de l’aide Selon les professeurs, les aspects positifs concernent le faible effectif et la qualité de l’écoute que ces effec-tifs rendent possible. Les insuffisances de l’aide pa-raissent mal cernées, sans doute parce qu’il n’existe pas de réelle évaluation des effets des différents dis-positifs.

Q 6 : la représentation des refus Le refus de certains élèves d’aller en aide est perçu comme lié aux contraintes horaires (travail supplé-mentaire) et aux effets induits sur l’image de soi par rapport aux autres élèves. Pourtant les élèves, en majorité, ne semblent ni gênés par les horaires, ni très sensibles à une éventuelle stigmatisation. Cette représentation apparaît donc comme une interpréta-tion des adultes qui ne semble pas vérifiée.

4— J’ai entendu parler J’en connais des possibilités d’aide le fonctionnement

a. ADESIO � �

b. SOS matières � �

c. Aide individualisée français � �

d. Aide individualisée maths � �

e. Bornes interactives M. Delay � �

f. Études surveillées � �

g. Aide recherche documentaire � �

h. Service assistante sociale � �

5—Dans lesquels intervenez-vous ? Quelles y sont les activités spécifiques mises en œuvre ? Quels en sont les points positifs ? Quelles en sont les insuffisances ?

6—Lorsqu’un élève refuse d’être aidé, c’est parce que : • il ne croit pas à l’efficacité de l’aide • il n’a pas confiance en ses capacités • il juge que c’est une contrainte sup-

plémentaire • il pense que ça ne regarde que lui • autre raison

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Les résultats de l’enquête

Q 7 : l’information des élèves sur l’aide Les professeurs qui ont répondu considèrent que ce sont les enseignants qui sont la meilleure source d’in-formation. En cela, ils rejoignent l’opinion des élèves.

Q 8 : le recrutement des intervenants Les professeurs se reconnaissent très majoritairement comme les intervenants privilégiés pour aider les élè-ves.

Q 9 : les critères d’efficacité Les professeurs s’accordent pour considérer qu’il exis-te deux critères d’efficacité des dispositifs d’aide : l’a-mélioration des notes et la confiance retrouvée des élèves. Si sur le premier point, les professeurs sont en accord avec les élèves, sur le second, il existe un décalage (cette réponse venant très loin derrière les notes et les non-réponses, chez les élèves).

7—Quelle devrait être la meilleure source d’information en matière d’ai-de ?

8—Qui devrait, en priorité, aider un élève ?

9—À quoi reconnaissez-vous que l’aide a été efficace ?

Les suggestions et les remarques faites par les profes-seurs

La responsabilité pédagogique de l’établissement Aider les élèves à apprendre s’inscrit pour ce professeur dans ce que nous pourrions appeler une mission de service public, mais cette mission est laissée à la bonne volonté des professeurs et l’auteur de la remarque ne va pas jusqu’à l’intégrer dans le travail normal de l’enseignant. La li-berté du pédagogue, même si elle n’est pas explicitement évoquée, sous-tend cette réponse.

Les élèves en difficulté devraient pouvoir trouver l’aide nécessaire au lycée pour éviter aux familles de payer des cours particuliers. Des professeurs volontaires devraient assurer un soutien aux élè-ves qui en ont besoin.

Remaniement global des pratiques pédagogiques Un professeur suggère que l’aide s’intègre dans un ensemble de prati-ques pédagogiques destinées à faciliter le repérage des difficultés, à or-ganiser un suivi plus précis des apprentissages et à mieux coordonner les remédiations. Cette suggestion semble montrer que ce professeur a

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Les résultats de l’enquête

une vision globale de l’aide aux apprentissages qui ne se réduit pas aux horaires officiels de l’aide individualisée.

Au niveau des cours : de nombreuses auto-évaluations devraient exister pour que les

élèves se rendent compte s’ils ont compris ou assez appris leurs cours ;

en anglais, des questions écrites pourraient être remises à l’ensei-gnant après les cours (pour les élèves timides, quand le cours a un rythme soutenu…) ;

des fiches navettes pourraient être rédigées par les élèves com-portant les erreurs faites à chaque devoir (avec l’indication de la date) ; avant un nouveau devoir, chaque élève révise ses points faibles pour rester vigilant ; le professeur ramasserait les fiches de temps en temps (surtout celles des élèves en dif-ficulté) pour vérifier comment l’élève s’y prend, donner des conseils et fourni une aide-mémoire…

un travail supplémentaire donné à un élève sur un point précis, non pour le punir mais pour le faire progresser ;

un travail en module qui permettrait des répétitions plus fréquen-tes, une différenciation pédagogique, plus d’attention et de dis-ponibilité pour chaque élève.

Dans tous les cas, une bonne ambiance de classe reste primordia-le (encouragements, écoute etc.).

L’affirmation de la liberté pédagogique et de l’individualisme professionnel Un professeur profite du questionnaire pour faire le point sur sa pratique et pour affirmer l’autonomie du pédagogique par rapport à l’organisation collective de l’établissement vécue comme un ensemble de mesures ad-ministratives et éventuellement contraignantes, opposant ainsi – de fa-çon très classique - la sphère de la pédagogie et celle de l’administra-tion. En outre, il souligne que, pour lui, les choix pédagogiques sont per-sonnels et circonstanciels.

Le fonctionnement que j’ai adopté cette année me donne satisfac-tion : j’établis une (pré)liste d’élèves en difficulté, désignés par un adulte, je retiens dans cette liste ceux qui sont volontaires, en cas de refus, je peux compléter cette liste par d’autres volontaires qui ont toujours été très (trop) nombreux. Sur un plan affectif, rela-tionnel (qu’il ne faut pas sous-estimer), de nombreuses personnes peuvent intervenir : encouragements de la famille… Le remplissage de ce questionnaire a été pour moi une tâ-che administrative, un bilan du travail à un instant donné. J’espère que ces questionnaires ne serviront pas à ériger une idéologie. La pédagogie la plus efficace, selon moi, étant celle qui est vécue par l’enseignant et adaptée à son groupe-classe.

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Les résultats de l’enquête

L’aide doit être placée à un moment opportun dans la jour-née Cette suggestion est faite en relation avec la motivation des élèves. La question des horaires a été peu abordée par les élèves dans leurs sug-gestions. Ils semblent plus sensibles aux conditions de travail. La préoc-cupation de l’horaire semble être celle des professeurs.

Placer l’heure d’aide de 11 à 12 ou de 2 à 3. Sinon, maintenir de 8 à 9 ou de 5 à 6 en sachant qu’elle est perçue par l’élève comme une sanction, acceptée de toute façon et pas trop mal vécue fina-lement quand l’élève est en situation. Maintenir le principe : on ne vient pas 2 séquences de suite (sauf demande de l’élève et si pla-ce !).

Les mathématiques revendiquent une spécificité La politique d’aide du groupe des professeurs de mathématiques est rap-pelée dans la remarque qui suit : l’aide, à partir du mois de février se transforme en soutien du projet d’orientation des élèves se destinant à un cycle terminal scientifique. Les arguments mis en avant sont intéres-sants en ce qu’ils semblent assez représentatifs de l’opinion générale des professeurs de mathématiques. Les processus d’apprentissage des mathématiques seraient tels qu’un retard important ne saurait être rat-trapé. Ce professeur considère que les mathématiques jouent un rôle déterminant dans l’orientation, traçant une frontière entre les élèves susceptibles d’être orientés dans des filières scientifiques et les autres. Le remplacement par des séances de types SOS matière renvoie la res-ponsabilité et l’initiative de la demande d’aide à l’élève lui-même. Enfin, le professeur pose comme condition générale la préservation de l’horaire de mathématique, position quasi unanime des enseignants de mathéma-tiques, réaffirmée quatre ans plus tard, lors de la réunion de préparation de la rentrée 2006-2007. Il est à noter que cette philosophie de l’aide, réaffirmée quatre ans plus tard, n’est pas partagée par l’IA-IPR de ma-thématiques.

En seconde, l’aide individualisée de maths s’adresse (jusqu’en fé-vrier) aux élèves en grande difficulté : ce n’est pas en quelques heures que l’on peut combler les lacunes accumulées depuis plu-sieurs années d’autant plus qu’on avance aussi dans le program-me de seconde. Les quelques progrès (à court terme) réalisés ne sont pas significatifs. La plupart vont s’orienter en 1ère L ou STT où les mathématiques n’auront que très peu de place. Ces heures d’aide représentent, à mon avis, beaucoup d’énergie et de moyens gaspillés. Je serais beaucoup plus favorable à un système de SOS matière pour tous les niveaux (2nde, 1ère, T) accompagné d’heures de soutien en 1ère et terminale S et ES pour les élèves volontaires et en difficulté (ces heures de soutien, n’étant pas prises sur l’ho-raire préexistant dans les classes concernées).

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Les résultats de l’enquête

Méfiance à l’égard du questionnaire Bien qu’un court texte de présentation précède le questionnaire et en décrive les buts, un professeur, comme plusieurs élèves mais pour d’au-tres raisons, manifeste sa méfiance. Cette remarque est probablement à rapporter au faible taux de retour des questionnaires des professeurs. Les raisons de cette sensibilité à l’observation ne sont pas explicites mais plusieurs hypothèses sont possibles : crainte d’un changement dans l’organisation de l’aide, critique implicite des modes de prise de dé-cision à l’intérieur de l’établissement, représentation peu favorable de la recherche. En l’absence d’indication claire, il n’est pas possible de tran-cher.

Serait-il possible de connaître la finalité/les objectifs de cette re-cherche ? Est-ce qu’elle aboutira à la mise en place de nouveaux dispositifs d’aide ? à la modification des dispositifs en place ?

Les caractéristiques personnelles de l’élève sont considérées comme déterminantes Un professeur exprime clairement ce que de nombreuses réponses sug-gèrent sans toutefois être aussi précises. Il dresse tout d’abord le por-trait du « bon élève », concentré, attentif, motivé travailleur. Le sous-entendu semble aller de soi : si un élève a besoin d’aide, c’est qu’il n’est ni attentif, ni motivé, ni travailleur. Quatre ans après cette position sera ouvertement défendue par des groupes d’enseignants lors de la réunion de préparation de la rentrée 2006-2007 et constituera le socle d’une ar-gumentation qui revient à mettre en cause le gaspillage de moyens que représenterait l’aide à leurs yeux.

Parmi les critères de réussite, deux sont fondamentaux et ils sont inséparables :

la capacité d’attention, de concentration, la motivation : savoir pourquoi on est là, dans quel but ? À ces deux critères s’ajoute bien sûr la quantité de travail fournie par l’élève. Un très bon élève est forcément attentif, motivé, tra-vailleur. L’aide aux élèves en difficulté doit prendre en compte ces 2 éléments.

Une remarque fait état d’une dégradation de la situation concernant le travail personnel des élèves.

Mon souci majeur est de faire en sorte que les élèves effectuent un travail personnel minimum, ce qui est de plus en plus difficile à obtenir. Sans ce minimum qui, dans certains cas, est à revoir à la hausse, l’aide me paraît stérile.

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Les résultats de l’enquête

La diversité des cas d’élèves devrait entraîner une différen-ciation de l’aide. Un professeur analyse la diversité des besoins des élèves en conclut que la multiplication des types d’aide et la différenciation des rôles des pro-fesseurs est inévitable. Il esquisse les grandes lignes d’une politique d’aide : une offre riche et diversifiée, une information variée, une incita-tion forte. C’est, avec la première remarque citée ci-dessus, les deux seules visions globales de l’établissement proposées par les professeurs.

Les besoins des élèves sont très différents les uns des autres et leurs demandes aussi. On se situe, au départ de la démarche, dans une problématique de type « consommateur » (temps dispo-nible de l’élève, pression des besoins, information sur l’offre…) mais les motivations, besoins et demandes sont sans doute beau-coup plus profonds et extrêmement complexes. Face à cela, peut-on faire autre chose que : multiplier les types d’aides et la part de la personne avec différents rôles : professeurs de l’équipe par discipline, mais pas celui que les élè-

ves ont en cours, autres personnes, aides-éducateurs, professeurs, documentaliste… On ne gagne rien à confondre les rôles et à « écraser » différents rôles dans une même personne, notamment les professeurs. Multiplier bien sûr les sources d’information. Parfois, la désignation aide à la décision ; si l’élève peut décider lui-même, c’est bien sûr plus efficace.

* * *

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Les résultats de l’enquête

Q 1 : le mode de désignation Le volontariat est choisi majoritairement. Il est consi-déré comme indispensable.

Q 2 : les destinataires de l’aide La priorité est accordée aux élèves qui ont des lacu-nes et qui sont en grande difficulté. En rapprochant ces réponses avec celles qui ont été faites à Q 1, on peut en déduire que les parents qui ont répondu esti-ment dans leur ensemble que l’aide s’adresse aux élèves qui font preuve de bonne volonté et qui tra-vaillent. Peu de choix se sont portés sur les élèves qui travaillent insuffisamment. On remarque ici une com-munauté de valeurs avec les professeurs et, en gran-de partie, avec les élèves : l’école réserve son aide à ceux qui la méritent.

Q 3 : la représentation des élèves aidés Les parents ont choisi les items induisant une repré-sentation plutôt positive de l’aide. Mais, parmi ceux-ci ils ont privilégié « ça ne peut pas faire de mal », ce qui laisse supposer qu’ils sont tout de même assez dubitatifs quant à son efficacité.

Les réponses au questionnaire des parents

L’analyse ci-dessous a été faite à partir d’un nombre trop restreint de réponses pour qu’elles soient considérées comme significatives. Seuls des parents effectivement impliqués dans la vie de l’établisse-ment ont répondu. Toutefois, la comparaison avec les réponses aux autres questionnaires et les contenus des entretiens menés avec des délégués de parents nous a semblé suffisamment intéressante.

1—Pour être aidé, un élève doit être : • volontaire • désigné par un adulte • c’est indifférent

2—L’aide doit s’adresser à des élèves : • en grande difficulté • qui ont des lacunes • dont le travail est insuffisant • qui pourraient faire mieux

3—Pour vous, un élève à qui l’on offre un dispositif d’aide est un élève : • à qui on donne une chance • que l’on sanctionne • dont le parcours scolaire est compro-

mis • à qui ça ne peut pas faire de mal • qui risque d’être stigmatisé plutôt

que de tirer un bénéfice

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Les résultats de l’enquête

Q 4 : la connaissance de l’aide par les parents Les parents semblent connaître (dans l’ordre) l’aide en mathématiques, ADESIO, l’aide en français, les études surveillées. Il faut remarquer que SOS matiè-res n’intervient que peu en classe de seconde. Il est donc logique que les parents des élèves de seconde connaissent peu ce dispositif. Le fonctionnement des aides institutionnalisées est connu dans l’ensemble car il est présenté en début d’année dans les réunions des équipes pédagogiques avec les parents. En re-vanche, le fonctionnement des dispositifs propres au lycée semble moins bien connu. Les parents qui ont répondu sont probablement aussi ceux qui participent aux réunions avec les professeurs. Il n’est pas possi-ble d’inférer, à partir de ces résultats, une bonne connaissance générale des dispositifs d’aide.

Q 5 : qui aide l’élève ? L’aide, en dehors du lycée, est le plus souvent fournie par un parent, parfois par un membre de la famille il est rare que l’élève ne soit aidé par personne ou qu’il se débrouille avec Internet. Là encore, il faut se gar-der de généraliser les réponses obtenues. Au lycée, les parents pensent que ce sont surtout les élèves qui s’aident entre eux, puis viennent les pro-fesseurs (dont le professeur principal). Peu pensent que les élèves ne sont aidés par personne ou par un aide-éducateur. Cet ordre de fréquence est probable-ment lié à la connaissance qu’ont les parents de ce qui se passe au lycée à travers les informations four-nies par leurs enfants. Il n’est pas sûr que ce soit le reflet exact de la réalité.

Q 6 : les jugements sur l’efficacité Les parents ont peu répondu à cette question. Il sem-ble qu’ils ne disposent pas de critères de jugement, ou bien qu’ils n’osent pas s’avancer dans un domaine où ils ne sont pas (ou peu) compétents. Lorsqu’une réponse a été fournie, c’est le plus souvent l’aide d’un autre élève qui est perçue comme positive.

4—Voir p. 99

5—Qui a aidé votre enfant, occasion-nellement ou régulièrement : Hors du lycée :

vous-même un membre de la famille cours particuliers un centre social/une associa-tion un site Internet ou Minitel stage vacances personne je ne sais pas

Au lycée son professeur principal un autre professeur une documentaliste un aide-éducateur un surveillant un membre de l’administration un membre du personnel médi-co-social le conseiller d’orientation un autre élève personne

je ne sais pas

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Les résultats de l’enquête

Q 7 : l’interprétation du refus d’être aidé Les parents estiment le plus souvent que c’est le manque de confiance en ses capacités qui incite un élève à refuser l’aide.

Q 8 : l’incitation à bénéficier de l’aide Peu de réponses à cette question. Si on rapproche ces non-réponses de celles concernant l’information sur les dispositifs d’aide, il est possible de s’interroger sur le sens de la faible incitation à participer à l’aide : manque de confiance dans son efficacité ? crainte d’un surcroît de travail pour l’élève ? non-intervention dans les choix de leur enfant ? attente d’une autre pédagogie ? recours à des cours particuliers ?

7—Lorsqu’un enfant refuse d’être aidé, c’est parce que : • il ne croit pas à l’efficacité de l’aide • il n’a pas confiance en ses capacités • il juge que c’est une contrainte sup-

plémentaire • il pense que ça ne regarde que lui • autre raison

8—Avez-vous incité votre enfant à de-mander de l’aide au lycée ? Si oui, à qui lui avez-vous dit de s’a-dresser ?

Les suggestions faites par les parents

Plus d’attention de la part des professeurs, plus de disponibili-té Les remarques les plus fréquentes portent sur la nécessité d’être attentif à chaque élève en particulier. L’individualisation et les encouragements semblent être les modalités pédagogiques préférées des parents. Quant aux mesures envisagées, elles sont très classiques et très éloignées de l’esprit de l’aide pédagogique : plus de travail, cours particuliers, le re-doublement…Certains réclament (mais assez peu finalement) d’être as-sociés ou au moins informés des difficultés rencontrées par leurs en-fants.

• Je pense que les professeurs devraient être disponibles dans les établissements en dehors des heures de cours afin de discuter, aider et connaître les élèves. Donc plus de disponibilité, de sou-plesse et donc de communication.

• Dès qu’un élève est en difficulté, les parents doivent être préve-nus et le prof ou les profs concernés doivent expliquer aux parents et à l’élève comment remédier à la situation (plus de travail, prise de cours particuliers, orientation dans les devoirs) et surtout, ne pas hésiter à parler redoublement (même si les statistiques en pâ-tissent).

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Les résultats de l’enquête

• Chaque élève devrait être aidé à trouver sa personnalité, ses points forts et les valoriser. • Apporter beaucoup d’attention aux élèves en difficulté qui sont volontaires, valoriser leur travail, encouragements.

Le programme comme obstacle à l’aide Une remarque se fait l’écho d’une plainte récurrente chez les ensei-gnants qui définit une sorte de dilemme : ou suivre le programme ou ai-der les élèves à apprendre. Cette connivence culturelle entre une famille et les professeurs repose sur une sorte d’accord tacite : la pédagogie est impuissante puisque le professeur est étroitement déterminé dans ses choix par le programme. Le programme est déjà tellement chargé, quand trouvez-vous le temps d’aider ceux qui sont en difficulté ?

Satisfaction d’être interrogé, satisfaction concernant l’aide Deux remarques affirment l’adhésion à la politique de l’établissement soit en termes de communication avec les familles soit en matière d’ai-de. La suggestion qui accompagne l’un de ces remarques va dans le sens d’une plus grande individualisation qui ne concernerait pas néces-sairement les seuls apprentissages scolaires.

• Nous trouvons que cette enquête est une très bonne initiative. • Continuez, c’est très bien. Mais les élèves en difficulté familiale (ou autre) devraient se voir proposer un adulte « tuteur » au ly-cée pour qu’ils ne se sentent pas abandonnés.

Critique directe ou indirecte de la pratique pédagogique ou de la politique de l’établissement Implicitement, cette remarque suggère que si l’aide est nécessaire, c’est parce qu’il existe une carence dans la pratique pédagogique. Cette idée, nous l’avons vu, a aussi été émise par les élèves.

L’aide doit être faite par une personne autre que celle qui fait le cours (professeurs, élèves d’autres classes). Les professeurs de-vraient prendre le temps de fournir des explications afin d’éviter que l’élève sorte des cours en ayant l’impression de n’avoir rien compris ! Au CDI, pourrait-il y avoir des exercices avec les corri-gés ?

L’aide devrait être appuyée sur un diagnostic et proposer un véritable choix. Les parents devraient être associés.

Les difficultés sont diverses. Le professeur principal devrait connaître suffisamment les élèves pour orienter ceux qui ont des difficultés vers l’aide la plus appropriée après consultation des pa-rents.

Très classiquement, la motivation est considérée comme une condition

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Les résultats de l’enquête

nécessaire. Il revient aux enseignants de faire en sorte que les élèves soient demandeurs d’aide.

Essayer de motiver les élèves se trouvant en difficulté à être ai-dés.

Dans la remarque qui suit, les critiques sont très précises et personnali-sées. On devine que ces parents sont très mobilisés sur la réussite de leur enfant mais ne disposent pas eux-mêmes de moyens de l’aider dans son travail scolaire. Ici, le manque de motivation n’est pas reproché aux élèves mais dans un retournement intéressant, est attribué aux ensei-gnants. Cette remarque tranche sur le ton plus feutré des autres contri-butions des parents.

Les élèves en difficulté ont besoin de l’aide de professeur vraiment motivé pour la réussite de chacun de leur élève (sic) même les moins bons ; quant aux parents revient le rôle de motivation et de soutien lorsqu’ils ne peuvent pas aider dans la scolarité. L’aide apportée à mon enfant a été la signalisation des difficultés par le professeur principal. C’est tout. Le reste a été fait dans la famille. Le lycée ne propose rien. Les études surveillées c’est la frime ! Les surveillants n’aident jamais les élèves. Il est important de répondre aux questions d’un élève, que ce soit en cours au lycée ou à la maison.

Les suggestions organisationnelles Malgré son laconisme, la suggestion suivante laisse entendre que les élèves en difficulté pourraient s’exprimer sur leurs difficultés. L’avis des élèves sur les problèmes qu’ils rencontrent et sur l’aide qu’ils reçoivent est le grand absent du discours des adultes.

Il faudrait qu’environ une fois par mois, tous les élèves en diffi-culté soient réunis et qu’il y ait un débat avec un professeur dési-gné par l’établissement.

Les rôles respectifs de la famille et de l’école Plusieurs remarques montrent que la répartition des rôles entre la famil-le et l’école est précise pour certains parents. Ceux qui s’expriment sur ce point demandent à être, au minimum, informés, au plus associés à la décision concernant leur enfant.

• L’aide au lycée est plus efficace qu’à la maison car l’enfant se trouve en milieu scolaire et il n’a pas les distractions de la maison. • Dès qu’un élève est en difficulté, les parents doivent être préve-nus et le prof ou les profs concernés doivent expliquer aux parents et à l’élève comment remédier à la situation (plus de travail, prise de cours particuliers, orientation dans les devoirs) et surtout, ne pas hésiter à parler redoublement (même si les statistiques en pâ-tissent).

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Les résultats de l’enquête

Le manque d’information Deux remarques portent sur le manque d’information. Elles font écho à celles des élèves. Mais de façon assez surprenante, l’une d’elle préconise justement une mesure qui figure au projet d’établissement et demande au conseiller d’orientation psychologue de jouer un rôle qu’il reconnaît devoir assumer … mais avec difficulté vu l’ampleur de la tâche. Pour quelle raison cette famille n’a pas eu connaissance de l’aide ? N’a-t-elle pas participé aux réunions d’information ? cet élève a-t-il profité de son rôle de « go-between35 » pour faire écran entre le lycée et sa famille ?

Je ne suis pas sûre que tous les parents connaissent les possibili-tés des aides pour leurs enfants, ni les jeunes eux-mêmes. Il se-rait, peut-être, intéressant de présenter un document aux lycéens et à leurs parents leur expliquant que faire en cas de difficulté. Le rôle du Conseiller d’Orientation me semble aussi à définir auprès des jeunes dès la seconde car lui aussi peut apporter des solutions aux difficultés.

Dans cette remarque, il est difficile de savoir exactement ce que signifie « certaines années » : s’agit-il d’une inconstance dans la politique d’aide dans un même niveau d’enseignement ? s’agit-il d’une incohérence dans la politique d’aide d’un cycle à l’autre ? La seconde interprétation semble la plus probable si l’on considère que les parents s’informent de l’offre d’aide en fonction de la progression de leur enfant dans la scolarité. Dans ce cas, la remarque devrait être entendue comme un appel à offrir le même type d’aide dans le cycle terminal qu’en seconde.

Nous manquons d’informations en ce qui concerne l’aide pour les élèves en difficulté. Certaines années, ces aides existent d’autres non, cela semble assez fluctuant.

* * *

(35) Terme utilisé par Philippe Perrenoud pour désigner un des aspects de ce qu’il nomme « le métier d’élève ».

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Les résultats de l’enquête

De la comparaison entre les trois enquêtes surgissent quelques axes pour la réflexion sur l’aide. Nous les avons regroupés autour de quatre idées forces se dégagent de l’analyse. • L’impact de l’aide sur l’image de l’établissement et des ensei-gnants est très largement positi-ve même si l’ensemble des per-sonnes enquêtées est dubitatif quant aux effets obtenus sur l’ap-prentissage.

• Le choix des bénéficiaires et la définition d’une politique repose sur une représentation morale de l’apprentissage. Même si les élè-ves sont plus réticents à l’admet-tre, ils semblent cependant avoir largement intériorisé le discours adulte sur ce point.

• Le rapport entre les représenta-tions de l’apprentissage et les ju-gements sur l’aide, la mesure des effets et l’expression de la satis-faction.

L’information sur les disposi-tifs et l’appréciation globale de l’aide D’une manière générale, les per-sonnes qui ont répondu semblent avoir connaissance des aides offer-

tes dans l’établissement. Il faut re-marquer que le groupe concepteur de l’enquête avait retenu une défi-nition volontairement extensive de l’aide, incluant par exemple, l’in-tervention de l’assistante sociale. Les entretiens individuels ont per-mis de préciser les caractéristiques de cette connaissance. Le haut ni-veau de l’offre d’aide est perçu po-sitivement comme un signe d’en-couragement aux élèves et la ma-nifestation d’une compétence par-ticulière mise au service des élèves et de leur famille. Mais on devine, au-delà de cette perception positi-ve, une réserve quant à l’efficacité attendue. Cette réserve est expri-mée différemment selon les pu-blics. Pour les élèves, elle prend la forme d’une sorte de résignation, pour les parents celle d’un « réalisme » dubitatif, pour les en-seignants, celle d’un aveu de rela-tive impuissance. L’aide pédagogi-que est considérée comme rele-vant de la responsabilité des pro-fesseurs, même si celle qui est ap-portée par les aides éducatrices est appréciée par certains élèves parce qu’elle repose sur une rela-tion plus symétrique. De manière générale, la confiance va aux spé-cialistes et, de façon plus précise, dans le cadre de leur discipline.

La comparaison entre les trois questionnaires

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Les résultats de l’enquête

Mais la confiance en un dispositif ne signifie qu’on cherche à en bé-néficier. Enfin, il faut noter que l’aide est liée pour tout le monde à la compréhension du cours (situation transmissive), même si l’aide aux devoirs (situation active) est particulièrement appréciée par les élèves (en raison probablement de ses effets plus démonstratifs en termes de note). Malgré quelques critiques, l’aide semble contribuer à une image globalement positive du lycée.

La perception des bénéficiai-res Les réponses, quels que soient leurs auteurs, retiennent deux ty-pes d’élèves comme devant être les principaux bénéficiaires de l’ai-de : les élèves en grande difficulté, les élèves qui ont besoin d’un sou-tien ponctuel. Si les réponses ne tranchent pas sur ce point, en re-vanche, « les élèves qui ne travail-lent pas assez » ne sont pas rete-nus comme des bénéficiaires po-tentiels. L’apprentissage reste lié à l’effort. Il est affaire de morale. On retrouve la même dichotomie dans les politiques d’aide du projet d’é-tablissement : nous avons vu que les professeurs de français et de mathématiques ne font pas le mê-me choix. Au-delà des stratégies visant à développer des filières co-hérentes en cycle terminal, on peut aussi remarquer l’influence des cultures de discipline. Le choix des professeurs de ma-thématiques de François Mauriac

est généralement partagé par les professeurs de mathématiques hors de l’établissement. Faut-il y voir un effet de la spécificité de la discipline dont on sait que les échecs les plus graves qu’elle pro-voque relèvent souvent du rapport au savoir mathématique – y com-pris du rapport affectif - plus que de tout autre facteur ? On peut en effet toujours espérer que le man-que de mémorisation, les négligen-ces ou l’étourderie pourront être surmontés par un supplément de travail. En revanche, « le bloca-ge », l’incompréhension ou le rejet qui caractérisent souvent les élè-ves les plus en grande difficulté sont difficiles à surmonter dans les cadres scolaires habituels. En fran-çais, au contraire, il est fréquent de considérer que tout le monde doit manifester un minimum de compétences. Mais c’est aussi pro-bablement dans cette discipline où les progrès sont les plus lents en raison du rôle central des compé-tences langagières et de leur dé-pendance plus grande à l’égard des pratiques sociales. La question de la stigmatisation des élèves par la participation à un dispositif d’aide est appréciée dif-féremment selon les publics concernés. Les élèves considèrent majoritairement qu’elle est à la fois une chance et une contrainte. Les parents estiment qu’elle est une chance à saisir. Ce sont les professeurs qui semblent les plus sensibles au risque de stigmatisa-tion. Faut-il y voir un scrupule, une défense contre un reproche possi-

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Les résultats de l’enquête

ble ? La perception largement posi-tive de l’aide devrait permettre de dépasser cette crainte. Le discours des familles manifeste plus de compassion à l’égard des élèves en difficulté et évoque plus souvent – comme on pouvait s’y attendre – la responsabilité des professeurs dans ce phénomène.

La question du mérite et du volontariat Nous l’avons vu, la question du « volontariat » est diversement in-terprétée selon les auteurs des ré-ponses. Rapprochées d’autres ré-ponses – l’aide ne s’adresserait pas aux élèves qui ne travaillent pas, le relatif scepticisme quant à la possibilité de progresser réelle-ment – ces réponses laissent pen-ser que les représentations de l’ai-de et des apprentissages qu’elle permet sont marquées par des considérations plus morales et re-lationnelles que strictement cogni-tives. L’aide, pour les adultes, re-pose sur une sorte de contrat im-plicite fondé sur la morale (il faut travailler, montrer de la bonne vo-lonté) et sur la croyance intuitive en une justice immanente (le tra-vail est récompensé). Du côté des élèves, les représentations se com-pliquent du fait qu’ils expérimen-tent quotidiennement l’injustice de la répartition des aptitudes et le caractère a-moral de l’apprentissa-ge : les élèves qui réussissent le mieux ne sont que rarement ceux qui travaillent objectivement le plus. Ce sont eux qui semblent le plus mettre en doute la méritocra-

tie scolaire. Mais cette expérience n’a pas droit de cité car le discours pédagogique est massivement un discours moral. L’aide est traver-sée par ces contradictions qui se surmontent, d’un commun accord, par des considérations sur le ca-ractère positif des relations qui s’y nouent : le professeur est plus proche, les élèves mieux disposés, la communication plus simple… Le mode désignation des élèves semble constituer un vrai problè-me. Il évoqué par tous (élèves, pa-rents et professeurs) mais avec des nuances importantes : être vo-lontaire peut signifier tour à tour « avoir la volonté » et « être libre de choisir ». L’expression partagée repose donc sur un malentendu. Le chaînon manquant est très certai-nement la participation des élèves au diagnostic et du besoin d’aide qui reste semble-t-il du seul res-sort des adultes. De même, les élèves semblent peu associés au choix des activités proposées et à leur organisation. D’une manière générale, l’offre d’aide leur assigne plutôt une posture de consomma-teur qu’une posture de contribu-teur actif. Pourtant, les opinions qu’ils expriment ne semblent guère mettre en péril l’autorité pédagogi-que. Le dialogue envisagé par cer-tains parents passe au-dessus de la tête des élèves qui restent le tiers absent de cet échange.

Les effets produits et le degré de satisfaction Il faut noter tout d’abord l’embar-ras de tous les destinataires de no-tre questionnaire concernant l’éva-

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Les résultats de l’enquête

luation des effets. Cet embarras se traduit par une dispersion des ré-sultats très caractéristique. Seule se dégage la réponse portant sur la méthode de travail chez les élè-ves. Pour les autres publics, il est difficile de dégager une tendance dominante. En revanche, l’indica-teur retenu est massivement la no-te, dont les entretiens nous ont appris par ailleurs, qu’elle apparaît à de nombreux interviewés comme très insuffisante pour déceler les progrès réels accomplis par les élèves. Si l’on rapproche ces résultats de ceux qui concernent le degré de satisfaction, l’interprétation de-vient très périlleuse. Pour les élè-ves, la satisfaction est élevée pour tous les dispositifs d’aide (de 27 % à 50 %)36. Mais si l’on examine les taux d’insatisfaction, l’écart de-vient un élément significatif : ADE-SIO et l’aide en français qui re-cueillent des jugements assez po-sitifs (respectivement 35 % et 32 %) recueillent également un nom-bre élevé de jugements négatifs comparativement aux autres for-mes d’aide (respectivement 18 % et 21 %). Plusieurs hypothèses interprétati-ves sont possibles. • Les modes d’évaluation (sommatifs et normatifs) et l’ex-pression des résultats sous forme de notes ne permettent pas de faire apparaître les compéten-ces acquises dans le cadre de l’aide, soit que les épreuves ne

sont pas faites pour les mesurer directement (c’est le cas des mé-thodes de travail), soit que le tra-vail dans les dispositifs d’aide in-duise des progrès à plus long ter-me (en termes d’autonomie par exemple).

• La forte satisfaction relevée en mathématiques peut être liée au choix de la politique d’aide dans cette discipline. En privilégiant les élèves n’ayant besoin que d’un soutien ponctuel, les professeurs de mathématiques ont plus de chance de produire rapidement des effets positifs repérables.

• La modification des relations entre les élèves et les professeurs et des représentations qu’ils ont les uns des autres est certaine-ment l’un des traits marquants des réponses à l’enquête : élèves perçus sous un jour plus positif, plus grande attention à leurs be-soins d’une part, professeurs re-connus dans leur compétence professionnelle, considérés com-me plus proches d’autre part.

Dans cet établissement, où nous l’avons vu, la culture de l’aide est ancienne et solidement implantée dans le projet d’établissement, on peut être surpris de ce que peu parmi les professeurs qui ont ré-pondu manifestent dans leurs re-marques une vision globale d’une politique d’aide dans l’établisse-ment. Dans l’ensemble, les remar-ques faites par les professeurs té-moignent plutôt d’une vision indivi-

(36) Il n’a pas été possible de savoir si les élèves auteurs des réponses avaient individuellement bénéficié d’une aide. Les réponses doivent être rapportées au nombre de bénéficiaires effectivement présents dans les disposi-tifs.

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Les résultats de l’enquête

duelle, voire d’une méfiance à l’é-gard d’une ingérence dans leurs choix pédagogiques. Mais surtout, elles n’indiquent pas que les pro-fesseurs ont une connaissance des opinions des élèves ou en tiennent compte. L’évocation des élèves par les pa-rents et les professeurs porte sur leur comportement considéré du point de vue l’adulte. Les élèves, de leur côté, ne mentionnent pas d’échange avec les professeurs. L’interprétation de cette absence n’est pas simple : n’y a-t-il aucun échange, aucune évaluation croi-

sée élèves-professeurs des disposi-tifs d’aide ? s’ils ont lieu, passent-ils inaperçus ? si oui, pourquoi : conduisent-ils à des conclusions qui ne sont pas suivies d’effet, les partenaires de l’échange n’en at-tendent-ils rien ? L’enquête ne per-met pas de trancher, mais le contenu des entretiens et des ré-unions laisse supposer, qu’en ma-tière d’aide, les adultes décident de ce qui leur semble bon pour les élèves, ceux-ci n’ayant d’autre choix que de s’approprier ou non l’existant.

* * *

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Analyse à plusieurs voix d’une pratique d’aide

Les neuf élèves et le professeur (plus les deux observateurs) emplissent l’espace. La salle est exiguë et les déplacements du professeur sont en-través par les chaises. Il doit se glisser derrière les rangs, entre les élè-ves. En entrant, ceux-ci ont commencé par se masser à l’opposé de la porte comme s’il s’agissait de laisser un espace libre pour les observa-teurs. Ces derniers ayant choisi de s’asseoir hors des rangées de tables, les élèves se redéploient dans l’espace, après un court flottement. Bien qu’une place soit encore disponible au deuxième rang, Édouard qui a tenté de se glisser entre le bureau et le tableau, après une hésitation et un encouragement du professeur, s’installe au bureau, face au groupe. Il se révélera qu’Édouard est le plus à l’aise vis-à-vis de l’exercice et n’est pas vraiment en difficulté en français. Il fait partie des élèves deman-deurs d’une aide, mais qui ne sont pas a priori visés par le dispositif. Da-vid, Marc et Marjorie, les sportifs, qui vont quitter la séance, se placent tous les trois près de la porte. Derrière eux, Dineka, considérée comme l’élève la plus faible, assise à bonne distance, n’entre pas en interaction avec les autres élèves et ne sollicite pas le professeur. À sa gauche, Benjamin se manifeste également peu. Nathalie, s’est placée au fond près de la fenêtre. Derrière elle, Mireille et Céline s’installent pour tra-vailler le plus commodément possible à deux. Le tableau, inaccessible du fait de la présence d’Édouard au bureau, ne sera pas utilisé lors de la séance. Les élèves disposent d’une feuille de consigne et de la photoco-pie d’une page de Télérama dont ont été tirées les critiques de films qui servent de référence pour le travail. Chaque élève a apporté sa prépara-tion et de quoi travailler.

La consigne La séance observée est la suite d’un travail déjà commencé et qui a pris sa source lors de la semaine du cinéma au lycée au cours de laquelle les élèves ont visionné le film de Stanley Donen Chantons sous la pluie à propos duquel le professeur leur demande de produire une critique. Il s’agit de préparer un devoir. La question de savoir si l’aide peut donner lieu à la préparation d’un devoir a été débattue antérieurement, entre professeurs de français, au cours de séances de travail collectives. De-vant la difficulté à surmonter la contradiction entre les attentes des élè-ves (améliorer leur moyenne) et la lenteur des progrès enregistrés par l’évaluation, les professeurs ont finalement admis que les séances d’aide

Une séance d’aide en français : description et analyse37

(37) Étude réalisée par Françoise Clerc, professeur en sciences de l’éducation, Université Lyon 2, Guy Genevois, maître de confé-rence en sciences de l’édu-cation, Université Lyon 2

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Analyse à plusieurs voix d’une pratique d’aide

pouvaient donner lieu à de telles préparations, pourvu qu’un véritable apprentissage soit réalisé et qu’il ne s’agisse pas d’un simple « bachotage ». La consigne se présente comme suit. Classe de 2de ... Devoir n°7 Pour le : 28 mars 2002-11-14 Objets d’étude : démontrer, convaincre, persuader ; éloge et blâme.

QUESTION : (4 PTS) Montrez comment chacun des deux articles fait à la fois l’éloge* et le blâme* du film dont il propose la critique, mais dans des proportions dif-férentes. Pour éviter la paraphrase (« le 1er article dit que »... « puis il dit que »... « etc. ») vous vous interdirez la citation directe du texte et vous vous obligerez à reformuler ce dernier. * vocabulaire à vérifier dans le dictionnaire. ÉCRITURE : (16 PTS) Rédigez, selon l’appréciation que vous en aurez faite, un article critique personnel du film de Stanley Donen Chantons sous la pluie. Votre article prendra comme modèle l’un des deux documents étudiés dans la page du magazine Télérama (voir notes prises en module). On devra donc retrouver :

• Un titre. • Un sous-titre. • Un symbole permettant d’indiquer le jugement. • Une photographie et sa légende. • La signature de l’auteur de l’article. • La rubrique « générique ». • Le corps de l’article lui-même. Ce dernier reproduira la même composition que l’article modèle (= plan) et le même principe de répartition entre critique positive et critique négative. • L’ensemble fera une trentaine de lignes.

Il n’est pas interdit de reprendre certains procédés d’écriture des arti-cles. Traitement de texte autorisé.

Type : Question d’analyse + écriture d’invention.

La qualité de la langue, du vocabulaire et de l’orthographe sera prise en compte dans la note.

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Analyse à plusieurs voix d’une pratique d’aide

Le démarrage Il est 11 heures 20 quand le groupe a fini de s’installer. Le professeur debout à côté d’Édouard et face aux autres élèves, après avoir discuté avec les observateurs de la meilleure place pour eux comp-te tenu de l’exiguïté de la salle, lance brièvement la séance.

Vous prenez vos brouillons. David tu prends les clés et tu vas chercher les dictionnaires (David sort accompagné de Marc). Avez-vous des problèmes particuliers, des questions urgentes ? Toi tu en es où ? Il faudrait laisser de la place pour que je passe.

Comme il tente de se faufiler, il ajoute pour lui-même, Je vais y arriver Puis à la cantonade, Est-ce qu’il y a des questions, des urgences ? Les élèves sont calmes. Après quelques échanges de paroles et de souri-res qui semblent manifester que les participants sont contents d’être là, ils se mettent au travail. Le professeur s’approche d’Édouard.

Qu’est-ce que tu as trouvé ? - Je trouve mon texte un peu mou...

Le début de la séance est marqué par la hâte de commencer manifestée par le professeur, probablement inquiet de ne pas disposer du temps né-cessaire et par l’impression que l’espace est insuffisant. La présence des observateurs accentue encore ces ressentis.

L’organisation du groupe Après les hésitations du démarrage du travail, deux « couples » d’élèves se sont constitués : David et Marc (ils sont sortis ensemble chercher les dictionnaires) et Mireille et Céline. Bien qu’aucun reproche ne soit formulé ouvertement, le comportement du professeur laisse entendre qu’il désapprouve le travail en duo : il ten-te de se placer entre les élèves et, de façon plus claire pour le duo de filles, manifeste un léger agacement

Vous travaillez à deux. Je n’ai pas de place. Attends, je suis obligé de passer là.

Les attitudes des élèves évoluent au cours de la séance. Après un court flottement (un retrait d’un élève qui semble penser à autre chose, un

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Analyse à plusieurs voix d’une pratique d’aide

élève qui semble s’ennuyer, des échanges à mi-voix), le groupe se stabi-lise pendant l’entretien avec Marjorie. Les élèves travaillent, échangent des documents. Après vingt-cinq minutes, un incident vient rompre le climat studieux : trois élèves se lèvent.

Vous faites quoi ? Ils doivent partir pour l’entraînement sportif. On va jouer un match. Il faut qu’on aille manger. Le professeur manifeste de l’embarras : peut-être avait-il oublié ? Ah. Vous allez jouer. Je vous crois.

Il se rassure. Heureusement que j’ai commencé par vous.

Et rassure les élèves (mais en ont-ils besoin ?). Allez-y, j’ai vu votre brouillon.

Puis le travail reprend dans le calme.

Étude de la communication non verbale La séance donne lieu à une série de courts face à face entre le profes-seur et chaque élève dont la durée varie entre 9 minutes pour Édouard et Céline et 3 minutes pour Dineka, avec une moyenne autour de 5 mi-nutes. À huit reprises, le professeur interpelle tout ou partie du groupe. L’exiguïté de la salle oblige le professeur à se glisser entre les tables. Dans l’ensemble, il ne semble pas gêné par cette promiscuité qui lui per-met d’avoir avec les élèves des échanges plutôt chaleureux, voire com-plices à certains moments, à l’aide d’une gestuelle riche : coude à coude avec Édouard, petite tape d’encouragement sur l’épaule et humour avec Marc, sourires et même rires par moments, échanges d’égal à égal avec Céline, mimes, tapotements sur les tables, attitudes décontractées. Il suscite ainsi des réponses positives lors des face à face créant un climat de connivence et studieux. Mais l’intimité des entretiens met les autres élèves en position d’attente et de curiosité. En revanche, on observe qu’il se tient plus à distance de Nathalie, de Benjamin et Dineka sem-blant signifier par la distance physique, une véritable distance relation-nelle. L’entretien avec Édouard se déroule au bureau, dos au tableau, face au groupe. Le professeur est penché au-dessus d’Édouard puis il se place à côté de lui, coude contre coude. Lorsque l’entretien se termine, Édouard semble méditatif, il suit le professeur des yeux. Il sort son stylo de sa trousse, relit sa feuille. Il regarde à nouveau le professeur puis se met à écrire. Pendant ce face à face, un élève semble se retirer du groupe alors que d’autres parlent à voix basse. Benjamin semble s’ennuyer.

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Analyse à plusieurs voix d’une pratique d’aide

Au début du face à face avec Marc, le professeur semble prendre cons-cience que le groupe n’est pas suffisamment centré sur la tâche et l’in-terpelle à la cantonade :

Si vous avez des questions... Dans les deux entretiens suivants, après avoir tenté de s’intercaler entre Marc et David, il utilise de nombreux gestes : tapotements sur la table, onomatopées, mimes. Avec Marjorie, l’échange est animé, proximal et humoristique. À la fin de l’entretien, il se retourne face à Édouard qui lui demande : On peut garder l’ordre ?

- Vous avez le choix. Vis-à-vis de Nathalie, la distance est soulignée par le contenu des échanges et la manière dont ils se déroulent. Nathalie, qui semble mani-festement gênée, interpose une sorte de barrière entre le professeur et elle : bras vertical, joue dans la main, accompagnée d’une mimique de doute et d’inquiétude. Au court du bref entretien, le professeur interpelle le groupe entier en parlant d’elle à la troisième personne, sans la regar-der. Je vois que Nathalie a un petit peu ... (s’est trompée). Quand il la quitte, il s’excuse en levant les bras dans un geste d’impuis-sance. Je suis obligé de passer à d’autres.

Il s’installe à gauche de Mireille, comme s’il n’osait pas se placer entre elle et Céline. Il hésite tout au long de l’entretien à choisir son interlocu-trice ou à s’adresser aux deux ensemble. Pendant qu’il s’adresse à Mi-reille, Céline attend, en apparence un peu absente mais assurée que son tour va venir. En revanche, au cours de l’entretien avec Céline qui com-mence plus précisément, lorsque le professeur se déplace à la droite de cette dernière, Mireille se lève et intervient par deux fois. Pendant tout l’échange, Céline est souriante, mais elle ne regarde pas le professeur. L’entretien se déroule dans un climat de complicité. Le professeur est assis à côté de Céline, droit, la tête tournée vers elle, dans une position académique comme s’il s’adressait à un pair. Son ton est plus intellec-tuel et plus professoral. Édouard et Benjamin écoutent l’entretien. Le professeur demande : Comment on dit une fin heureuse en anglais ? Comme Céline hésite à lui répondre, il remarque avec une pointe d’amu-sement

Je ne vais pas te donner la réponse.

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Analyse à plusieurs voix d’une pratique d’aide

Puis il interpelle Édouard : Qu’est-ce qui t’arrive Édouard ?(rires).

Céline attend tranquille que l’entretien se recentre sur elle. Elle ne sem-ble pas éprouver de gêne de n’avoir pu répondre. L’entretien s’achève sur une réponse de Céline. C’est une fin qui finit bien ! Peut-on penser que c’est aussi la fin la plus agréable de la séance d’aide qui s’achève ? Alors qu’un échange chaleureux vient de se produire avec Céline, juste avant d’aborder Benjamin, le professeur constate en jetant un regard circulaire sur le groupe. Mon Dieu. Combien m’en reste-t-il ? Il s’installe à bonne distance de Benjamin. Il semble pressé et plus ten-du : gêne de ne pouvoir lui consacrer suffisamment de temps ? attentes négatives à propos de son travail ? Il prend la feuille de Benjamin pour la lire. Face à la mine défaite de Benjamin, il assure Non, non c’est bien. La sonnerie retentit au milieu de l’entretien et oblige le professeur à s’a-dresser à l’ensemble du groupe pour organiser la sortie. Pendant que tout le monde se lève sauf Benjamin et Dineka, Vous rassemblez les dicos sur la table. Quand il aborde Dineka, celle-ci est en train de ranger ses affaires avec une mine résignée. Il s’enquiert de sa disponibilité. Tu vas manger à la cantine ? Il s’assied près d’elle de façon à la voir de profil. Établissant un curieux parallèle entre le retard avec lequel il commence l’entretien et le travail de l’élève, il remarque : Tu es en retard Dineka par son silence même, semble acquiescer. Elle garde pendant tout l’entretien, un visage neutre.

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Discussion et interprétation Pendant toute la séance, règne un climat de bien-être et de travail. Le professeur manifeste une attention constante et un effort soutenu pour aider les élèves. À chaque entretien, s’ouvre un moment de connivence fondé sur une disponibilité instantanée des deux partenaires, professeur et élève. Mais cette intimité met les autres élèves en état d’attente et même en position de « voyeurisme », l’entretien avec le professeur étant l’élément structurant dominant l’ensemble des relations non verba-les. Le professeur, pour mener à terme les entretiens avec un maximum d’interactions efficaces sur le plan pédagogique (soutenir l’attention, ti-rer de chaque entretien une forme d’exemplarité et des possibilités de généralisation), se met en scène produisant une forme de déséquilibre entre le travail personnel supposé se poursuivre et chaque entretien gui-dé qui, tour à tour, focalise de fait l’attention du groupe. Lorsque le pro-fesseur manifeste une gêne – quelle qu’en soit l’origine – il se dégage en relançant le groupe. Les manifestations affectives sont riches, mais aussi lourdes d’une sorte de tension entre le groupe qui attend et le couple professeur/élève concerné. Un autre déséquilibre apparaît clairement entre les sept premiers entretiens et les deux derniers : attitudes plus contraintes du professeur et des deux élèves, moindre richesse des inte-ractions, tension due à la pression exercée par le manque de temps et la fin imminente de la séance (remarque du professeur, sonnerie, brouha-ha causé par le départ des autres élèves).

Étude des interactions verbales Les interactions verbales ont été repérées de deux façons : par leur fré-quence et par leur contenu. Le relevé quantifié des interactions verbales entre le professeur et les élèves d’une part et entre les élèves d’autre part, montre une disparité. Céline et Édouard sont ceux qui entrent le plus souvent en interaction verbale avec le professeur avec 16 et 15 échanges. À celles-ci il faut ajouter, pour Édouard 3 interactions en de-hors de son propre entretien. Puis vient Mireille avec 14 interactions (plus 3 interactions en dehors de son entretien), Nathalie et Marjorie (10 interactions), David et Marc qui semblent considérés comme un ensem-ble (9 interactions), Dineka (9 interactions) et Benjamin (7 interactions). Édouard et Mireille sont les seuls à interférer avec les autres entretiens en s’adressant au professeur en dehors du temps qui leur est officielle-ment consacré. Quant à Nathalie, elle répond à une question destinée à l’ensemble du groupe et elle est l’objet d’un commentaire à la cantona-de. Des échanges verbaux se produisent entre Mireille et Céline surtout, mais aussi à un moindre degré entre Marc, David et Marjorie. Édouard d’une part et Benjamin et Dineka d’autre part ne semblent pas interagir avec le reste du groupe. Cependant, alors qu’Édouard semble très pré-

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sent dans le groupe, les deux autres élèves sont tellement silencieux et discrets qu’il est parfaitement possible de les oublier. Pour approximative que soit l’analyse du contenu du fait de la polysémie de certains échanges verbaux et de leur possible dissonance avec les manifestations non verbales, elle donne néanmoins quelques repères qui permettent de qualifier la relation pédagogique qui s’établit avec chaque élève. Les contenus ont été classés comme suit.

• Analyse du problème : identification de la nature de la difficulté. • Régulation et contrôle de la situation : ajustement du travail des élèves aux exigences de la tâche.

• Explicitation : émergence d’un élément du problème ou de la tâ-che non encore identifié.

• Reformulation : reprise d’un élément de l’échange en vue de véri-fier ou de relancer l’échange.

• Question : investigation, incitation à aller plus loin, recueil d’infor-mation.

• Encouragement : incitation, stimulation positive. • Jugement : évaluation positive ou négative soit du travail, soit de l’attitude générale.

• Conseil : proposition à orientation pratique. • Injonction : ordre. • Information : énoncé d’une donnée complémentaire, nécessaire à l’avancée du travail portant sur le contenu, la consigne ou l’orga-nisation.

La communication verbale du professeur se structure autour de deux axes :

- tantôt il s’adresse à un élève directement : « tu en es où ?, » - tantôt il relance l’attention du groupe : « avez-vous des problèmes

particuliers des questions urgentes ? » ou « est-ce qu’il y a des questions, des urgences ? ». ou donne une information complé-mentaire : «- marrant -, c’est familier, je ne veux pas le voir » par une intervention à la cantonade.

Par deux fois, il formule un commentaire sur la situation : « je vais y ar-river » énoncé à mi-voix qui peut passer pour une sorte d’encourage-ment à lui-même, nécessaire non seulement parce que les déplacements sont difficiles, mais aussi parce que la séance va constituer une sorte de course contre la montre. « Combien m’en reste-t-il ? » traduit son in-quiétude et aussi, probablement, un changement d’attitude lié au fait que les deux élèves qui restent sont précisément ceux qui ont le plus de difficultés. D’une manière générale, seul le professeur a l’initiative des interactions verbales. Les élèves se contentent de répondre à ses sollicitations, le plus souvent brièvement, sauf Nathalie qui pose une question au cours de l’entretien avec Mireille, à laquelle elle n’obtient pas de réponse. C’est

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pendant l’entretien avec Céline que les relances verbales individualisées du professeur à d’autres élèves sont les plus nombreuses. Il faut cepen-dant noter que par leur comportement, Édouard et Mireille laissent en-tendre qu’ils aimeraient prendre l’initiative d’un échange avec le profes-seur. Celui-ci saisit l’occasion de les interpeller : Mireille qui se lève « là je m’adresse à Mireille » et qui posera une question sans l’adresser di-rectement au professeur « N. c’est une chanteuse ou une danseuse ? » et Édouard alors qu’il suit avec attention l’échange avec Mireille et Céli-ne : « qu’est-ce qui t’arrive Édouard ? ». Seul Édouard s’autorise à cou-per la parole du professeur quand celui-ci au cours de l’entretien avec Nathalie recentre longuement l’attention du groupe. Le professeur opère un recentrage au moins une fois au cours de chaque entretien, manifestant par là un souci constant du groupe et une volonté de tirer des enseignements plus généraux de chaque entretien.

Dans la liste des arguments, il est important de hiérarchiser. Par exemple... (Entretien avec Édouard ; information et conseil). Si vous avez des questions à poser qui intéressent tout le monde, vous levez le doigt. (Début de l’entretien avec David ; régulation du travail). Je ne veux pas voir une faute. (Fin de l’entretien avec David ; in-jonction). Qui a dit 1926 ? Vous voyez Nathalie a un petit peu... Attention, il ne faut pas... (Entretien avec Marjorie ; question recueil d’informa-tion, pour la forme explicitation en réalité évaluation négative, in-jonction). Écoutez-moi tous. Si vous êtes gênés par le si ....

Puis Vous pouvez mettre un titre. C’est une facilité. Ça donnera un bon article tout de même. Je vois que Nathalie... (Entretien avec Natha-lie, la plus longue intervention ; ensemble complexe d’analyse du problème, de conseil, de jugement de valeur positif avec réserve et de régulation par laquelle l’attention est à nouveau centrée sur Na-thalie). « Marrant », c’est familier. Je ne veux pas le voir. (Entretien avec Mireille ; injonction). Vous mettez les dicos sur la table. (Entretien avec Benjamin ; in-jonction).

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Au total, sauf pendant l’entretien avec Céline (et pendant l’entretien avec Dineka puisque les autres sont partis), tous les faces-à-faces ont donné lieu à une interpellation collective. Celles-ci ont des fonctions dif-férentes sur les plans cognitif et relationnel. Il s’agit :

• de rappeler des exigences générales, • de donner des conseils valables pour tous, • d’organiser le travail collectif, • de mettre en exergue une erreur.

Mais il est remarquable que si les injonctions sont réservées aux inter-pellations collectives, les fins d’entretien donnent plutôt lieu à des conseils : J’aimerais que tu commences à écrire. Ou Oui, c’est bon, garde cet ordre-là. Ou Tu vois ce que tu pourrais faire ? Ou En revanche, il faudra expliquer pourquoi la fin est attendue. Si l’on examine chaque entretien, on peut remarquer que les entrées en matière sont systématiquement : soit une recherche d’information, soit un jugement positif. Mais des variations dans la formulation semblent significatives. Les dominantes des échanges semblent indiquer égale-ment des différences sensibles notamment sur les finalités cognitives de chaque entretien. On remarquera que les explicitations sont les plus nombreuses avec Édouard et Céline et les analyses du problème le sont avec Édouard et Mireille. C’est probablement avec ces trois élèves que l’on s’approche le plus d’une relation d’aide. Presque tous les élèves (sauf Dineka) bénéficient sous une forme ou une autre, au moins d’un jugement positif ou d’un encouragement. Enfin, la gêne manifeste sur le plan non verbal dans l’entretien avec Nathalie se traduit sur le plan ver-bal par des régulations plus nombreuses soit à l’égard de Nathalie, soit à l’égard du groupe. Enfin, Dineka avance une interprétation du film (« il y a un film dans le film ») qui n’est pas relevée par le professeur.

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Démarrage Dominantes Fin

Édouard Qu’est-ce que tu as trouvé ?

Explicitations : 5 Analyse du pro-blème : 3 Conseils : 2

J’aimerais que tu commences à écrire

David C’est sympa com-me logo

Jugement : 1 (+) Conseil : 1

Il ne faut pas que ce soit trop loin du logo

Marc Tu as fait tes ar-guments ?

Questions : 2 Explicitation : 1

Ça va. Ça, par contre ...

Marjorie Qu’est-ce que tu voulais dire ?

Explicitations : 3 Jugements : 2 (+) Injonctions : 2

Oui, c’est bon. Garde cet ordre-là.

Nathalie Alors... Pourquoi ? Ce que je ne com-prends pas ...

Régulations : 4 dont deux faites à la cantonade à l’a-dresse du groupe Questions : 3

Qu’est-ce que tu peux mettre à la pla-ce de si ? Oui, mal-gré, bien que, quoi-que... Je suis obligé de passer à d’autres

Mireille Vous travaillez à deux. Je n’ai pas de place... Tu travailles sur... l’argumentation

Analyse du pro-blème : 3 Explicitations : 3 Jugements : 2 (-) 1 (+) Régulations : 2

Tu vois ce que tu pourrais faire ? Non, tu ne vois pas.

Céline Oui, c’est bon ; çà me paraît bien. Alors...

Explicitations : 5 Encouragements : 3 Jugements : 2 (+) 1 (-)

Ça peut être amu-sant. Pourquoi pas ? En revanche, il faudra nous expli-quer pourquoi la fin est attendue.

Benjamin Non, non, c’est bien

Questions : 3 Encouragements : 2

Tu les as trouvés.

Dineka Tu vas manger à la cantine ? Alors ça va ? on peut y aller ? Alors... Qu’est-ce que tu veux dire ?

Questions : 6 Explicitations : 3 Injonctions : 3

Écoute, là mainte-nant il faut rédiger. J’aimerais voir ton texte jeudi. Là tu es en retard.

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Conclusion Peut-on qualifier d’aide les relations instaurées ? D’une manière généra-le, les relations successivement établies au cours des entretiens ne cor-respondent pas à la définition de l’aide38. Le temps de parole est fortement déséquilibré en faveur du professeur. On identifie peu d’interventions caractéristiques de l’analyse de contenu (reformulations, synthèses, échos, relances etc.). Les attitudes, si elles sont le plus souvent positives (jugements positifs, conseils, encouragements...,), ne correspondent pas à l’empathie. Sauf pour Édouard et Mireille, on n’observe que peu de recherches d’explicita-tion. Mais les conditions spatiales (pas de possibilité de s’isoler pour les entre-tiens), temporelles (la durée de chaque face-à-face ne permet pas de dépasser le nécessaire ajustement des deux partenaires au face à face) et d’organisation du groupe (polarisation successive sur chaque entre-tien), ne peuvent laisser espérer l’installation d’une dynamique d’aide véritable. Les relations qui s’établissent apparaissent pour une part com-me le résultat d’une adaptation aux conditions particulières de la situa-tion, mais aussi pour une autre part très significative, représentent un mode d’action sur la situation elle-même pour la transformer et se l’ap-proprier. Les moyens mis en œuvre ne sont pas uniquement déterminés par l’environnement pédagogique. Ils révèlent tout autant les représen-tations des enjeux et des buts de la situation et des personnes impli-quées. Alors que les entretiens se déroulent dans une atmosphère détendue et quasi familière, pendant les interpellations collectives, le professeur ré-cupère son statut et son autorité en organisant le travail collectif et en énonçant des injonctions. Ces deux aspects de la communication verbale sont nettement caractérisés et produisent d’une part un climat de bien-veillance générale, et d’autre part le sentiment que la séance est cadrée par une autorité et des compétences disciplinaires manifestes.

Analyse pédagogique Plusieurs niveaux d’interprétation sont possibles parmi lesquels nous en avons choisi quatre. Interprétation 1 : La situation reproduit un ordre scolaire connu. Une hiérarchie entre les élèves apparaît clairement, aussi bien à travers leur positionnement spatial que dans l’ordre dans lequel le professeur les aborde, l’un déterminant partiellement l’autre. Cette hiérarchie semble

(38) ROGERS, C., (1942), Couselling and psychotherapy. Traduction française : (2002), La relation d’aide et la psy-chothérapie, Paris, ESF.

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résulter de micro ajustements ponctuels auxquels les différents partici-pants à la situation contribuent plus ou moins : accord tacite du profes-seur pour qu’Édouard s’installe au bureau, sérénité de Céline, initiatives tolérées de Mireille, position ambiguë de Nathalie, retrait désabusé de Benjamin et Dineka assis au fond de la classe et décalés par rapport au groupe, participation limitée des sportifs assis près de la porte et que le professeur tente de ramener mais dont il admet rapidement qu’ils peu-vent partir... Un consensus subtil s’établit tel que les élèves les mieux placés par le statut scolaire sont aussi les mieux placés dans l’espace et dans le temps pour tirer le meilleur parti de la situation. Interprétation 2 : Au-delà de la structure pédagogique de base, en apparence individualisée, le professeur continue à polariser fortement la communication (réseau de communication centré sur le professeur). La relation pédagogique est essentiellement dissymétrique. Il n’existe pas de travail de groupe à proprement parler, les duos ne semblant pas voulus par le professeur et fonctionnant comme malgré lui. Enfin si les échanges sont bienveillants, nous avons montré qu’il n’y a pas de vérita-ble « écoute » ne serait-ce que parce que la brièveté des échanges ne permet pas l’installation d’une dynamique appropriée. Deux élèves en particulier (Nathalie et Dineka), ne seront pas entendues quand elles fe-ront une suggestion. Celle de Dineka : « Il y a un film dans le film » pourrait, si la fin de la séance n’était pas si bousculée, donner lieu à un approfondissement. Ce sont ces deux élèves qui semblent poser le plus de problèmes au professeur. Nous apprendrons par la suite qu’un inci-dent a opposé Nathalie au professeur. Quant à Dineka, elle semble rési-gnée à être en échec : elle adopte une attitude soumise qui semble culpabiliser le professeur qui désespère de l’aider. Par ailleurs, l’écoute bute sur l’autorité pédagogique que le professeur conserve tout au long de la séance, autorité qui paraît d’ailleurs parfaitement admise (sauf peut-être par Nathalie) car il semble perçu comme bienveillant. Interprétation 3 : Les interactions d’étayage ne sont pas toutes discer-nables Enrôlement : L’ensemble du travail d’enrôlement qui consiste à susciter l’intérêt et l’adhésion de l’élève est fait en amont (vision du film, présen-tation des objectifs etc.) Dans la séance même, on assiste plutôt à un travail sur « la confiance en soi » et sur « un savoir faire général affec-tif » : interactions assez longues, approbations, félicitations. Verbale-ment, le professeur encourage plusieurs fois les élèves à s’engager dans l’écriture, mais cette invite comporte des nuances depuis la confiance (Édouard) jusqu’à la mise en garde contre un retard (Dineka). Les inte-ractions du professeur sont clairement influencées par la représentation qu’il se fait de la capacité de l’élève à accomplir la tâche.

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Réduction des degrés de liberté : cet élément du soutien tutoral n’est pas observable dans la communication non verbale, mais d’une manière générale le professeur n’intervient pas pour « réduire l’ampleur de la tâche jusqu’au niveau où celui qui apprend peut reconnaître s’il a réussi ou non à « coller aux exigences de la tâche39 ». On peut faire l’hy-pothèse que dans le cas de Dineka et, dans une moindre mesure Benja-min, la complexité et l’ampleur de la tâche, l’impossibilité de se repré-senter les activités qui correspondent à sa réalisation sont des obstacles majeurs et expliquent en partie le retard qu’ils ont pris sur les autres élèves. Maintien de l’orientation : Type 1 : (motivation) : Aussi bien sur le plan verbal que sur le plan non-verbal, les interactions de ce type sont riches et variées : gestes expres-sifs, intonations riches, proximité affective, recentrage constant et sti-mulation. Type 2 (aller plus loin) : Le professeur a en tête une planification des étapes du travail et communique aux élèves leur positionnement par rapport à ses prévisions tout en les incitant à passer à la phase suivante. Le temps apparaît même une de ses préoccupations majeures ce qui peut, a contrario, avoir un effet inhibant sur des élèves anxieux. Signalisation de caractéristiques déterminantes : Sur ce point, les interactions portent se essentiellement sur l’organisation de l’écrit : conformité avec les règles d’orthographe et les caractéristiques du lan-gage soutenu, organisation d’un texte d’argumentation. On peut y voir l’effet d’une lecture didactique des objectifs de la séance. Les difficultés à écrire des élèves tiennent probablement aussi à des raisons culturelles (peu de familiarité avec la critique qu’elle soit cinématographique ou lit-téraire) et au raisonnement (argumenter pour convaincre/argumenter pour prouver). Peu d’indications sont données sur les moyens à mobili-ser, en amont, pour parvenir à l’écriture même si implicitement par exemple, la présence des dictionnaires peut constituer une signalisation de moyen. Les élèves se comportent comme si, seules les indications explicites avaient de l’importance sans toutefois montrer beaucoup d’au-tonomie. Contrôle des frustrations : Type 1 (sauver la face) : Le professeur répond aux interpellations (avec Édouard), aide le groupe quand il « dérape » (inattention, bruits), ré-pond à une question implicite quand il ressent un malaise dans le grou-pe. On observe peu d’éléments de dédramatisation. Type 2 (reconnaître le souhait de faire plaisir de celui qui apprend) : ce critère complexe ne pourrait s’observer que par l’analyse fine des mimi-ques des partenaires enregistrées sur vidéo, encore qu’il serait difficile

(39) BRUNER J. S., Le développement de l’en-fant. Savoir faire, savoir dire, Paris, P.U.F.,1987, p. 277.

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de différencier un véritable souhait de faire plaisir, d’un comportement plus conventionnel. Dans les échanges verbaux, on remarque peu d’in-terventions permettant de penser qu’il existe une intention de faire plai-sir au professeur. Celui-ci tente de gérer le temps de façon équitable, mais les conditions de la situation sont telles que sa tentative ne peut aboutir. Certaines interventions du professeur (à l’égard de Nathalie et Dineka) et certaines réponses des élèves (Nathalie) laissent entendre que l’expérience relationnelle antérieure n’est pas exempte de frustra-tions. On ne peut relever aucun signe de dépendance affective à l’égard du professeur. Démonstration : Elle occupe sans doute une grande place dans l’inte-raction en tant que finalité générale de la situation (montrer en quoi consiste une critique), mais n’est pas repérable dans les interactions. L’impression est que la situation d’aide engendre ses propres difficultés relationnelles qui doivent être gérées aux dépens des éléments cognitifs. L’exemple le plus net concerne le contrôle des frustrations : dans ce do-maine, les interventions du professeur régulent surtout la frustration créée par la situation d’aide elle-même (relation de couple professeur/élève isolée par rapport au reste du groupe). Dans cette situation, le professeur ne se met jamais dans la position de « montrer » un modèle de processus d’écriture. En revanche, il a prévu un « modèle » de résul-tat (texte emprunté à Télérama). Interprétation 4 : Du point de vue de la médiation cognitive, le pro-fesseur crée une « situation éthologique40 » dont il impose la significa-tion aux élèves et qui sélectionne de fait certains critères. Intentionnalité et réciprocité : L’intention de changer doit être trans-mise et partagée par l’apprenant. C’est un point de départ important dans la médiation. Si les intentions sont repérables dans les comporte-ments du professeur, en particulier dans son désir de partager la com-munication avec chacun, elles ne sont pas formulées explicitement et la réciprocité est peu présente, les élèves restant dans des attitudes assez conventionnelles et scolaires et faisant peu de demandes. L’objectif de la séance n’est pas rappelé, ni sa fonction d’aide à l’apprentissage, tout se passe comme si la connivence était suffisante pour porter la séance. Transcendance : Elle consiste à donner l’idée à l’apprenant d’aller au-delà des buts immédiats du travail à accomplir. Ce critère, qui touche à la transférabilité et à la métacognition n’est pas saisissable par la com-munication non verbale. Aucune interaction verbale ne se situe dans ce critère. Signification : Il s’agit de donner du sens aux comportements d’ap-

(40) Pour une présenta-tion des travaux de R. FEUERSTEIN, on se repor-tera au livre de DEBRAY, R., (1989), Apprendre à penser. Le programme de R. Feuerstein : une issue à l’échec scolaire, Paris, ESHEL et l’article de MEU-NIER, J-C., Théorie de la médiation et didactique du PEI, in Éducation perma-nente, , Apprendre peut-il s’apprendre ?, 88/89, 165-174.

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prentissage ainsi qu’aux contenus appris. Ce critère cognitif ne peut être révélé par l’interaction, mais plutôt par le cadre situationnel mis en place par le professeur. On est donc ici dans le « contexte » de la communica-tion non verbale. Avec le cadre, le professeur impose un sens qui joue sans doute favorablement pour les apprentissages mais dans lequel les élèves se reconnaissent à des degrés différents : apprentissage scolaire mais dans un contexte de relation privilégiée avec le professeur. Mais du fait des conditions spatiales et temporelles et de la conception pédagogi-que de la séance, il faut saisir sa chance. La confiance en soi, liée au statut scolaire et aux expériences antérieures de réussite ou d’échec, mais aussi aux relations déjà nouées avec le professeur en dehors de la situation observée, joue un rôle déterminant dans la capacité manifestée par chaque élève à prendre sa place dans le dispositif. Mais il est vrai aussi que la signification que se réapproprie l’apprenant survient souvent après-coup. Sentiment de compétence : La place centrale occupée par le profes-seur, la maîtrise des interactions affectives, l’aspect « évaluation » de ses passages auprès des élèves ne montrent pas vraiment le développe-ment d’un sentiment de compétence chez ses élèves. Seul peut-être Édouard, lorsqu’il s’autorise à évaluer son propre travail semble mani-fester suffisamment de confiance dans ses capacités pour prendre du recul. Régulation et contrôle du comportement : Il permet quand il est ac-quis de savoir quand et comment agir (maîtrise de l’impulsivité, capacité d’initiation d’un acte ou de l’accélération dans l’exécution d’une tâche). La situation de « semi-liberté » semble faciliter le contrôle du comporte-ment : on voit des élèves hésiter puis choisir entre l’écoute du profes-seur qui parle à un autre, le travail à deux, le repli, voir la discussion hors scolaire. La variété des situations oblige de faire un choix quant au contrôle. Comportement de partage (coopération) : Le partage et la prise en compte du point de vue de l’autre se manifestent par l’importance de la gestualité phatique et expressive, par le « partage des destinatai-res » (ce qui est bon pour l’un est bon pour tous : s’adresse au groupe à propos d’un cas, à partir d’un entretien individuel). Les interactions ver-bales manifestent un véritable souci de coopération entre le professeur et les élèves. Le professeur n’encourage pas la coopération entre élève et les échanges horizontaux. Individualisation et différenciation psychologique : Le fait même de passer du temps pour chacun favorise la prise de conscience de sa différence et de son originalité. L’interaction mimo-gestuelle est adaptée à chacun, mais cette différenciation semble plutôt confirmer des attitu-

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des habituelles plutôt que d’amener à une prise de conscience d’une ori-ginalité positive. Malgré cette réserve, ce critère n’est pas absent. Au-delà d’un certain stéréotype du schéma d’entretien (prise de contact, commentaire de la lecture, conclusion), on peut remarquer une person-nalisation des échanges : usage des prénoms, remarques personnelles, prise en considération des spécificités du comportement de chaque élè-ve. Médiation du comportement de recherche (but, planification et réalisation) : Proche de la métacognition, il n’y a guère de comporte-ments verbaux et non verbaux liés à ce critère. Médiation du comportement de défi : ce critère de recherche de la nouveauté et de la complexité n’est pas exclu mais non enregistré ici. Il aurait fallu un enregistrement vidéo pour analyser les items propres à ce type de comportement (tels les illustratifs ou gestes auto-centrés en plus grand nombre). Les échanges verbaux ne semblent pas comporter d’éléments relevant de ce critère. Médiation du changement : Les élèves sont-ils conduits à avoir cons-cience de leurs changements au cours de la séance ? S’agissant là enco-re d’un critère métacognitif, il ne transparaît pas dans la communication. La médiation de l’alternative positive : C’est le choix d’une orienta-tion optimiste qui enclenche une dynamique de recherche. Elle se mani-feste sans conteste de la part du professeur, qui maintient un niveau de communication non verbale riche avec chacun, ce qui laisse au moins supposer un « plaisir à communiquer » qui se traduit par de nombreux expressifs « ouverts » (satisfaction, sourires, concentration). Par contre du côté des élèves, les comportements non verbaux semblent rester liés à leur statut scolaire ou groupal. Aucun échange verbale ne relève expli-citement de ce critère pourtant, les variations du ton adopté par les élè-ves sont sensibles. Pour des raisons opposées, Céline et Dineka laissent entendre qu’elles se situent plutôt dans l’ordre de la reproduction, l’une parce qu’elle semble bien installée dans son statut, l’autre parce qu’elle semble ne pas attendre de grands changements. Seul Édouard mention-ne la possibilité d’une amélioration. Interprétation 5 : Les effets concernant la métacognition ne semblent pas recherchés au premier chef par le professeur. La situation est probablement porteuse de métacognition en ce qu’elle opère, par son positionnement même dans l’ensemble du travail scolai-re, une centration implicite sur les processus d’apprentissage. Mais les interventions du professeur se situent rarement de façon délibérée et explicite dans ce champ.

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Identification du problème : l’objectif de la séance reste implicite et les apprentissages à réaliser ne sont pas mentionnés. Les analyses du problème portent sur le produit fini (le texte figurant sur les brouillons contenant les arguments) et non pas sur les processus mis en œuvre. Identification des ressources : aucun travail spécifique dans ce do-maine n’a été observé au cours de la séance. Il a peut-être eu lieu aupa-ravant, mais comme aucun rappel n’est fait sur ce point, les observa-teurs l’ignorent. Identification des moyens et évaluation de leur pertinence : la plupart des échanges visent à constater l’effet des moyens. Celui-ci est évalué dans trois domaines :

- l’argumentation (hiérarchie des arguments), - le niveau de langue (marrant), - l’orthographe (qui peut être considérée à la fois comme un

moyen et un résultat). Le prétexte de ces observations est puisé dans les entretiens individuels, mais elles sont formulées pour tout le groupe. Il ne semble pas que le professeur ait comme intention délibérée de faire travailler les élèves en termes d’évaluation formatrice. Régulation, anticipation et réinvestissement : rien ne permet de juger si l’anticipation sur d’autres situations, analogues du point de vue des apprentissages, oriente le travail. La brièveté de la séance et son organisation ne permettent pas, comme pour ce qui concerne l’identifi-cation des ressources, d’intégrer un temps de travail significatif sur ce point. L’entretien qui a suivi avec le professeur n’a pas permis de savoir s’il en aurait eu l’intention au cas où la séance aurait bénéficié de condi-tions plus adaptées. Au total, la conception de la situation et son organisation matérielle et temporelle ne semblent guère favorables à un travail de type métacogni-tion. Il est difficile de démêler si cet état de fait est la cause ou le résul-tat des choix pédagogiques opérés par le professeur.

Conclusion générale Cette séance peut être considérée sous un triple aspect : les relations établies, l’effet sur les apprentissages, les compétences professionnelles mobilisées par l’enseignant. Sur le plan relationnel, le climat est très largement positif et aussi bien les interactions verbales que non verbales, riches et personnalisées dé-notent une relation chaleureuse avec le professeur. Il faut toutefois re-marquer que le maintien de ce climat a un coût. Le professeur est sans

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cesse sur le qui-vive, à la fois attentif à chaque élève et au groupe, obli-gé de se rendre instantanément disponible, veillant à la fois à la qualité affective des échanges et à leur contenu cognitif. Malgré (ou à cause) d’une conception très individualisée du travail des élèves et de la rela-tion pédagogique, les effets sur le groupe reproduisent très largement les effets des autres situations scolaires, de la classe notamment : hié-rarchie entre les élèves très perceptible, autorité et pouvoir du maître renforcés par un réseau de communication centré sur lui qui se sur im-prime aux face à face ponctuels. La pression sur le professeur est impor-tante et pour faire face il doit développer une « mise en scène » autour de sa personne qui dramatise ses interventions mais qui, en assignant des rôles aux élèves, provoque chez eux toute une gamme contrastée d’attitudes : l’acceptation qui se manifeste à travers la sérénité (Céline), ou la résignation (Dineka), une attente (participation active mais proba-blement vécue comme insuffisante d’Édouard), une relative méfiance (participation très conditionnelle de Nathalie) etc. Très exposé, parce que très impliqué, le professeur doit tour à tour se protéger de l’hostilité latente qu’il perçoit chez Nathalie, encourager les attitudes positives à son égard pour impliquer plus les élèves dont il estime les ressources suffisantes, encourager les élèves qu’il considère comme étant les plus en difficulté, sans entretenir des illusions. Au total, la séance d’aide ne bouleverse pas les représentations que le professeur a des élèves. Bien au contraire, l’entretien qui suivra montre qu’elle les confirme. Il tente plutôt de mettre à profit le caractère restreint de l’effectif pour person-naliser la relation. L’hypothèse implicite sur laquelle semble reposer l’ensemble est que cet-te personnalisation est un facteur d’amélioration des performances des élèves. Mais le contenu cognitif des échanges reste conventionnel : • les explicitations portent rarement sur les processus intellectuels mis en œuvre par chaque élève mais plutôt sur le contenu de la tâche (énoncer des arguments, les hiérarchiser, énoncer des jugements, les justifier, exposer...) ;

• peu ou pas de retour métacognitif (quelle est la difficulté ? L’ai-je déjà rencontrée ? Quels moyens sont appropriés ? A quoi puis-je reconnaître que ma façon de faire est adéquate ? Le produit de mon travail est-il correct ?...). Sauf ponctuellement (Édouard : je trouve mon texte un peu mou), c’est le professeur qui assure cette fonction d’analyse cogni-tive. Ce retour supposerait une décentration de la communication, un accompagnement long de la tâche (étayage) et des échanges latéraux entre élèves (conflit socio-cognitif) ;

• au cours de la séance, on n’observe pas d’élaboration des critères d’é-valuation (référent) avec les élèves, ni de repérage des indicateurs ca-ractéristiques de la performance attendue (référé) ; l’intention ne sem-ble pas être de travailler sur l’autonomisation des élèves à travers des formes d’évaluation formatrice mais de perfectionner leur capacité à mettre en œuvre la consigne.

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Analyse à plusieurs voix d’une pratique d’aide

La finalité de la séance apparaît comme le perfectionnement de compé-tences techniques caractéristiques de la discipline, la situation étant un entraînement à la réalisation d’un exercice scolaire. Les moyens mobili-sés sont à la fois ceux des situations pédagogiques plus conventionnelles et, dans une mesure très importante des ressources relationnelles per-sonnelles du professeur. Cette conclusion semble cohérente avec d’au-tres analyses concernant les effets des dispositifs d’aide : • confort général accru du fait de la dimension du groupe, • contenu affectif fort et probablement difficile à gérer à la fois par le professeur et les élèves,

• effets d’apprentissage contrastés sur les élèves et peu marqué sur ceux qui sont les plus en difficulté et donc confirmation plus ou moins expli-cite des statuts scolaires,

• pression importante sur l’expertise du professeur supposé entièrement et instantanément disponible, homme-orchestre d’une situation com-plexe.

L’entretien qui a suivi avec le professeur montre qu’il possède une cons-cience précise de certaines limites du travail effectué tout en investis-sant fortement dans l’aide par conviction pédagogique et pour des rai-sons plus théoriques liées à la didactique de sa discipline. Mais il bute sur l’impossibilité de perfectionner encore le mode de prise en charge du dispositif d’aide. L’observation confirme en effet une sorte d’excellence dans l’hypothèse pédagogique qui sous-tend l’aide ainsi conçue. C’est donc la conception même des séances d’aide qui semble mise en ques-tion. Les ajustements seraient plutôt à chercher dans le mode d’organi-sation de l’aide. L’individualisation choisie ne paraît pas compatible avec des objectifs d’autonomisation des élèves par rapport à la tâche, ni avec la mise en œuvre d’interactions de tutelle ou entre pairs. Si l’intention pédagogique est la construction de compétences durables et mobilisables dans des situations variées, elle ne peut être menée à son terme du fait du dispo-sitif lui-même, les paramètres organisationnels pesant d’un poids impor-tant : • la dimension de la salle qui ne permet pas de faire coexister harmo-nieusement le travail personnel et les entretiens,

• le fait qu’il n’existe pas de ressources documentaires autres que les dictionnaires qui d’ailleurs ne sont pas utilisés pas par les élèves,

• la durée très courte qui ne permet pas une analyse approfondie des problèmes rencontrés par les élèves eux-mêmes (métacognition) et l’installation d’une dynamique d’écoute,

• le va-et-vient entre les entretiens individualisés et le groupe qui corres-pond à des tentatives de focalisation de l’attention (facilitation de la mémorisation) et de généralisation mais qui hache le travail individuel

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et qui fait entrer en conflit deux réseaux de communication (l’un latéra-lisé, l’autre centré sur le professeur).

On peut penser que la séance observée représente un compromis vrai-semblable entre les finalités annoncées de l’aide, les conditions dans les-quelles elle se déroule et les représentations pédagogiques des diffé-rents partenaires. C’est donc sur l’ensemble des éléments du compromis qu’une solution viable doit agir : ré-élaboration des attentes à l’égard de l’aide, plages horaires plus longues qui ne soient pas subordonnées à la concurrence avec d’autres activités, espace approprié aux échanges en-tre élèves, ressources documentaires variées, articulation précise avec les autres formes de travail scolaire (entre les objectifs et les évaluations en particulier).

Le point de vue du professeur41 De la massification à l’aide individualisée … et de l’aide individualisée à la personnalisation de l’aide À propos d’une séance d’aide individualisée en classe de se-conde La séance d’aide décrite et commentée ici n’a été à mes yeux ni meil-leure ni pire que les dizaines d’autres effectuées depuis la mise en place de la commande ministérielle (BO n° 25-1999). Après de nombreuses tentatives de toutes sortes quant au contenu, j’a-vais fini par opter en cette période de l’année pour une formule a priori plus séduisante pour les élèves : l’aide à la correction d’un devoir. Sé-duisante, on le devine, parce que susceptible d’apporter le coup de pou-ce de quelques points bienvenus dans la moyenne. De fait, l’appel à vo-lontaires pour ce type de séance recueille généralement un franc suc-cès… On se doute également qu’une telle aide ne peut que rallier les suf-frages des parents puisque le professeur dispense ainsi ce qui ressemble fort à un cours particulier. L’observation proposée ici met bien évidence les contraintes particulière-ment lourdes auxquelles il faut faire face. Si la gêne apportée par l’exiguïté des locaux n’est que circonstancielle, en revanche, l’étroitesse des 50 minutes de la séance est une constante ô combien cruciale.

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Et l’on s’aperçoit bien vite que le nombre de 8 élèves prescrit par les Instructions n’est absolument pas la garantie d’une disponibilité suffisan-te auprès de chaque élève (si telle est bien la façon de comprendre le terme « individualisée »…) ; et de quelque façon que l’on calcule, 50 mi-nutes divisées par 8, cela fait au mieux entre 6 et 7 minutes par élève ; sauf à considérer qu’il est acceptable que parfois certains élèves convo-qués en séance d’aide ne soient pas accompagnés faute de temps. Le commentaire de la séance revient à juste titre sur cette perpétuelle course contre la montre qui constitue à mes yeux l’un des obstacles im-portants pour que le professeur soit à la fois serein et efficace. Plus lourd encore est le problème soulevé par la conduite même de la séance. Et cela quel qu’en soit le contenu. Il est évident, le commentaire le montre avec beaucoup de justesse, qu’au cours de ce type de séance, je suis sans cesse confronté à des contraintes irréductibles. Persuadé, peut-être naïvement, que l’efficacité de l’aide passe par une modification du rapport traditionnel, j’essaie de transformer les condi-tions de l’échange : particulièrement en voulant effacer la distance entre l’élève et moi pour la remplacer par quelque chose que l’on appellera ra-pidement connivence. L’élève considéré 5 heures par semaine comme élément fondu dans un groupe, devrait (re)devenir une personne le temps de la séance d’aide. Dès lors, le comportement observable est ce mélange de familiarité, de retour à la parole professorale (distribuée à la cantonade), de contact physique esquissé mais tant redouté, de marque de sympathie ou d’antipathie… Mais le prix à payer – et ce n’est pas le moins inquiétant – est que le contenu didactique est presque évacué de la séance ! Il me semble que c’est bien l’idée même de l’aide individualisée qui est en cause : la description et l’analyse de la séance d’aujourd’hui montrent que les efforts pour individualiser (l’institution a-t-elle seulement défini ce terme ?) le travail avec l’élève sont enrayés par la personnalisation des rapports qui s’établissent en même temps : et déjà les premières craintes et les premiers doutes surgissent à l’énoncé même de ce ter-me.` Je ne crois pas qu’il s’agisse d’un jeu vain sur les mots : on est, à mon avis, face à un obstacle essentiel. On le retrouvera dans nos lycées cha-que fois que l’on tentera de mettre en place des dispositifs d’aide (celui-là ou d’autres) dont la finalité est bien, qu’on le veuille ou non, de trou-ver des réponses à la massification. Au sortir de cette séance d’aide, je n’étais pas totalement satisfait de ce qui s’était passé : ni plus ni moins que les autres fois cependant. Depuis d’autres séances ont eu lieu, d’autres formules ont été essayées ; parmi

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Analyse à plusieurs voix d’une pratique d’aide

elles une récente session d’aide de 6 semaines centrée sur la rédaction collective d’une nouvelle à la manière de … : et comme pour apporter une réponse (une confirmation ? un démenti ?) à ce qui vient d’être dit, le constat est que le travail collectif autour d’une table de ce petit grou-pe d’élèves et de leur professeur avait été chaleureux, suivi avec intérêt et probablement efficace42. Peu enthousiaste devant la maigreur des contenus, mais espérant au fond de moi que ces minutes de proximité sont de quelque soutien (lequel ?) pour les élèves présents, je sais aujourd’hui que l’aide indivi-dualisée telle que la prescrit l’institution n’est pas à la hauteur de ses ambitions. Mais aussi que la personnalisation de l’aide est une sirène au chant de laquelle il ne faut pas céder.

(42) L’efficacité de l’aide individualisée ne saurait sortir du champ du pro-bable, tant l’évaluation en ce domaine est une entreprise encore en chantier.

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Quatre ans après

Quatre ans après, l’enquête se clôt à la fin de l’année scolaire 2006, sur l’observation d’une réunion de l’ensemble des professeurs pour préparer la rentrée 2006-2007. Le thème de la journée est l’aide en seconde. Après une introduction du proviseur, le matin des groupes se constituent réunissant les professeurs de chaque classe de seconde autour du pro-fesseur principal. L’après-midi des ateliers regroupant les professeurs d’une même discipline sont prévus. À l’atmosphère détendue de la ré-union générale, vont succéder des ambiances contrastées selon les groupes et les moments de la journée. L’observatrice a suivi les travaux d’une équipe de seconde le matin et ceux des professeurs de mathéma-tiques l’après-midi.

La réunion d’une équipe de seconde

Le groupe des professeurs d’une classe seconde observé par l’auteur de ces lignes a travaillé dans un climat très tendu, marqué par le dé-sarroi d’une partie des enseignants présents face aux attaques très vi-ves menées par l’un d’entre eux, à la fois contre l’école, les élèves et le laxisme des parents. Si le dialogue n’a pas été rompu lors de cette ré-union, il a semblé évident qu’aucun changement dans les opinions sou-tenues ce matin-là ne pouvait résulter de cet échange.

La discussion a vite été polarisée autour des positions extrêmes dévelop-pées par le professeur de sciences physiques. Les divergences qui se sont exprimées étaient telles que le dialogue, sur la forme et sur le fond, est devenu rapidement impossible. La mauvaise foi affichée de façon dé-sarmante, de pseudo-faits assénés comme des évidences, l’agressivité verbale de ce professeur ont eu rapidement raison de l’échange amorcé et n’ont pas permis, malgré la mesure des autres interlocuteurs de faire progresser le débat. Si deux professeurs ont tenté de ramener la discus-sion sur la question à l’ordre du jour, d’autres sont intervenus sur un mode plus ambigu, soutenant parfois des positions contradictoires sur l’aide et sur la pédagogie en général. Mais c’est surtout le silence résolu de certains participants, attentifs et dont l’attitude générale laissait entendre qu’ils avaient une opinion dé-terminée sur les questions débattues, qui pose question. S’il est impossi-

La préparation de la rentrée 2006-2007

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Quatre ans après

ble en l’état de l’observation de faire des conjectures sur les raisons de ce silence, en revanche les effets étaient clairement perceptibles. Plus encore que l’agressivité de certains propos, c’est cette attitude qui, pour l’observatrice, a contribué à l’impression de malaise laissée par la ré-union. Les traits principaux de ce malaise peuvent être décrits de la ma-nière suivante. • L’affrontement qui a eu lieu était probablement prévisible par les parti-cipants, sinon dans sa forme du moins dans l’expression des positions respectives. Aucun n’a semblé très surpris de ce qui se passait. C’est plutôt le désarroi devant l’impossibilité de dialoguer qui dominait, no-tamment chez le professeur principal chargé de l’animation.

• L’enjeu des discussions dépassait clairement le problème de l’aide aux élèves et concernait à la fois la mission de l’école, la représentation de la jeunesse et, secondairement mais de façon explicite, le fonctionne-ment social dans son ensemble.

• La violence des propos du professeur considéré ne peut être totalement interprétée comme une prise de position idéologique. Elle est probable-ment aussi l’expression d’une souffrance au travail qui ne peut s’expri-mer sous des modalités plus acceptables. C’est d’ailleurs cette interpré-tation qui a été choisie spontanément par les autres professeurs pour tenter d’expliquer à l’observatrice l’explosion verbale à laquelle elle ve-nait d’assister.

Certaines restitutions se sont caractérisées par :

•une mise en cause ouverte de la politique d’aide au nom du retour à la rigueur et à l’autorité des professeurs en matière d’orientation, •le souhait de voir mieux utiliser des moyens au bénéfice d’actions plus « culturelles » en particulier dans le cycle terminal L, •un clin d’œil aux propos d’un ministre comme caution pour de-mander la restauration de l’autorité, (clin d’œil qui a déclenché les applaudissements d’une partie de la salle), •un résumé prudent (estimé non représentatif par le rapporteur lui-même) des propos d’un participant ayant monopolisé la parole, •une analyse des problèmes rencontrés par les élèves à l’entrée en seconde à l’aide d’outils pédagogiques conventionnels (ex. : profils pédagogiques) et justification des mesures d’aide proposées par l’équipe, •…/…

Les discours considérés comme pédagogiquement novateurs quatre ans auparavant ont perdu de leur force d’innovation tandis que les discours prônant le retour aux anciennes pratiques ou aux anciennes valeurs ap-paraissent comme le résultat de la libération de l’expression d’une oppo-sition qui avait dû différer ses manifestations ou comme une sorte de revanche contre la domination du « pédagogisme ». Il n’y eu pas de dé-

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bats – l’organisation des restitutions ne s’y prêtait pas - mais une suc-cession de postures plus ou moins plébiscitées par les applaudissements de la salle. L’impression générale était que se jouait une mise en scène d’opinions déjà bien connues de tous, fort peu susceptibles d’être désta-bilisées par les discussions de la matinée. La personnalité du proviseur, son mode de présence respectueux des opinions qui s’expriment tout en étant ferme sur la politique de l’établissement, a eu visiblement un im-pact sur le déroulement de la matinée : la qualité globale des restitu-tions a montré que tous les groupes se sont impliqués dans le travail, même si l’avancement de la réflexion y a été manifestement très varia-ble. Devant l’assemblée, l’opposition à la politique d’aide a emprunté des formes d’expression plus populistes qu’agressives.

Le groupe disciplinaire des professeurs de mathématiques de l’après-midi Ce groupe réuni l’après-midi sous la présidence de l’IA-IPR de mathéma-tiques est le second groupe observé. Il a semblé nettement plus consen-suel en raison d’une culture commune assez fortement structurée. L’un des professeurs – très critique sur l’aide et pourtant semble-t-il très in-vesti dans ses dispositifs - a semblé s’exprimer au nom du groupe et, même si ce n’était pas le cas, aucune opposition formelle ne s’est expri-mée. C’est l’IA-IPR qui a porté la contradiction en contestant le bien-fondé du choix d’une politique d’aide en mathématiques qui privilégie en seconde, dès le mois de février, une aide ciblée sur les élèves qui sou-haitent une orientation en filière S ou ES dans le cycle terminal. Cette politique réaffirmée de façon constante par les professeurs de mathéma-tiques lors de l’enquête, n’est en effet pas compatible avec l’esprit de la circulaire. Néanmoins, cette interprétation du texte semble fréquente dans la discipline. Les justifications avancées sont de plusieurs sortes. Peut-on rattraper un retard en mathématiques ? Selon les professeurs, les élèves très en difficulté ne peuvent véritable-ment pas être aidés efficacement : trop tard, pas assez de temps dispo-nible. Une dichotomie entre les élèves qui peuvent réussir en mathéma-tiques et les autres, semble organiser fortement la perception que les professeurs ont de leur public. Le temps manque pour enseigner le programme. Les professeurs considèrent qu’ils sont pris dans une situation contradic-toire : les horaires des dispositifs d’aide auraient été pris, selon eux, sur le temps d’enseignement, pourtant ils auraient besoin de beaucoup plus de temps pour enseigner le programme. Aider les élèves en difficulté ou développer l’excellence ? Pour les professeurs présents, il semble évident que ces deux projets sont incompatibles dans l’état actuel des choses. Ils considèrent que l’enjeu de leurs choix est la défense des formations scientifiques. Cette

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position est à rapprocher de celle qui a été exprimée le matin par un des rapporteurs des sous-groupes : les moyens utilisés pour l’aide, seraient plus efficacement investis dans des options à « vocation culturelle ». L’aide semble considérée par certains professeurs, comme le maillon fai-ble de la pédagogie de la seconde, qui pourrait constituer une réserve de moyens disponibles pour le développement de formes d’excellences.

Essai d’analyse : l’aide comme révélateur d’une profes-sionnalité déchirée entre des tendances contradictoires L’aide aux élèves agit comme un révélateur photographique : les repré-sentations latentes des élèves et de l’éducation, les désaccords ou les accords tacites concernant les pratiques pédagogiques prennent forme dès qu’il est question de l’aide. À l’évidence, et malgré un consensus de surface fondé sur la convergence des représentations concernant les élè-ves pris individuellement, il n’existe pas d’accord sur les critères de ré-ussite ni sur les représentations de l’apprentissage. Il n’existe pas non plus d’accord suffisant sur les priorités de l’éducation et des finalités des politiques publiques dans ce domaine pour fédérer le personnel d’un éta-blissement. Si l’on ajoute que les sous-cultures disciplinaires ont un effet largement centrifuge, l’équilibre d’une politique d’établissement est né-cessairement précaire. L’équipe de direction joue donc un rôle important dans le maintien des orientations. De même, elle a certainement un ef-fet déterminant dans le maintien des critiques et de l’opposition dans des formes et une ampleur acceptables au regard de la cohésion de l’é-tablissement. Il semble qu’il existe un statu quo sur les convictions pédagogiques des enseignants de l’établissement. Celles-ci sont plus corrélées avec des positions idéologiques et politiques qu’avec des savoirs professionnels (un seul groupe de travail du matin y a fait clairement allusion en lien avec une demande de formation). Pendant les quatre années qui vien-nent de s’écouler depuis le début de l’enquête, il semble que les refus de la politique d’aide se soient exacerbés tandis que ses défenseurs sem-blent avoir progressivement renoncé à débattre : lassitude, manque d’arguments, impression d’être protégé par l’équipe de direction ou au contraire lâchés par le système ? Les innovateurs conservent leurs convictions et cherchent à améliorer leurs pratiques mais ils restent peu nombreux. Minorité agissante, impliquée dans la marche de l’établissement et dans la forma-tion, ils disposent d’arguments fondés sur une culture professionnelle réfléchie et structurée. Cependant ils peinent à placer le débat sur le re-gistre des savoirs professionnels, comme si au fond, l’important était ail-leurs, dans les idéologies éducatives.

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Une contre-culture, fondée sur la revendication d’une « liberté pédagogi-que », s’affiche désormais sans complexe. L’individualisme foncier de certains enseignants qui peinent à s’inscrire dans un projet collectif. Les postures affichées dans le débat ne sont pas toujours en accord avec les pratiques. Les critiques adressées à l’aide ne reflètent pas nécessai-rement les choix pédagogiques effectifs des professeurs. Tel qui considè-re qu’elle est superflue peut au contraire y consacrer beaucoup d’énergie mais dans un cadre qu’il maîtrise et non dans un dispositif collectif dont il perçoit l’organisation comme contraignante. La différence essentielle résidant alors dans le fait que ces aides sont à son initiative et sont indé-pendantes de la politique de l’établissement. « Aider oui, mais à ma fa-çon » pourrait être le slogan de cette attitude. La recherche de l’excellence est considérée comme incompatible avec une aide s’adressant aux élèves les plus en difficulté. La demande de recentrage des moyens sur des formes d’enseignement de distinction (compléments de culture) ou la réservation de l’aide aux élèves méritants sont présentés comme la réponse à un dilemme. L’in-compatibilité des buts (faire réussir les élèves en difficulté ou développer l’excellence) semble aller de soi. L’idée que la hausse du niveau des élè-ves les plus faibles pourrait bénéficier à l’ensemble de l’établissement ne semble pas pouvoir être évoquée. Le discours sur le mérite est prison-nier d’une conception individualiste et concurrentielle de l’apprentissage, d’une sorte de transposition à un phénomène social de la « sélection na-turelle ». Le mal-être de certains enseignants ne trouve pas d’autre moyen d’ex-pression que de s’opposer à toute mesure perçue comme favorable aux élèves.

Une animosité plus ou moins vive contre les élèves est perceptible chez plusieurs professeurs. Pourtant l’établissement ne semble pas connaître de gros problèmes de discipline. Dans l’ensemble les élèves qui ont ré-pondu à l’enquête ont exprimé des opinions « raisonnables ». L’enquête a fait apparaître une confiance des élèves à l’égard des professeurs qui ne sont pas remis en cause globalement dans leur pratique et leurs com-pétences professionnelles. Si des critiques s’expriment, elles semblent liées à des faits précis, peut-être à des malentendus particuliers mais nous n’avons pas trouvé d’expression d’agressivité générale. L’origine de cette animosité est donc difficile à déterminer en dehors d’un rapport personnel de quelques enseignants à leur métier.

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Il ne semble pas exister de réponse efficace au malaise des professeurs les plus en difficulté ni de régulateur dans la carrière des enseignants susceptible d’aider un enseignant qui perd pied : il faut maintenir la face vis-à-vis des collègues ; il faut vivre au quotidien avec des élèves peu enclins à relativiser les problèmes relationnels. Il est donc impossible d’avouer (de s’avouer) ses problèmes. L’issue la plus vraisemblable est la construction d’une argumentation idéologique susceptible d’expliquer la situation sans remettre en cause sa propre image. Une telle situation ne peut être traitée au seul niveau de l’établissement et relève probable-ment en cas de grande difficulté, d’une gestion des carrières plus souple, avec la possibilité pour un enseignant, pour un temps de sa carrière, d’assurer des tâches autres que la présence face aux élèves. Mais, il semble aussi que la culture individualiste dominante chez les profes-seurs, ne permet pas l’émergence de formes de solidarité et d’entraide qui rendraient possible l’aveu sans fard d’un problème professionnel gra-ve.

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Conclusion

On ne saurait tirer une généralisation à partir du cas particulier du lycée François Mauriac Forez. L’établissement étudié est un cas singulier du-quel on ne peut tirer aucune généralisation. Mais, dans sa singularité même, et parce que la vie scolaire n’y est pas conflictuelle, il permet de mieux comprendre, au-delà des évènements qui font la une des jour-naux, la logique des phénomènes auxquels sont confrontés les lycées en France43. Les pratiques d’aide qui s’y développent sont significatives à la fois par ce qu’elles révèlent des difficultés de l’enseignement et de ce qu’elles manifestent des conditions sociales et cognitives de l’innovation pédagogique. Le cas de François Mauriac Forez contribue à poser une série de questions fondamentales pour qui veut comprendre comment s’articulent les logiques d’apprentissage et les logiques professionnelles des enseignants dans un contexte où le poids des représentations de l’o-pinion publique est loin d’être négligeable.

La motivation, explication « à tout faire »44 L’idée que, pour apprendre, il faut être motivé ou volontaire fait partie des représentations largement partagées. Pour les élèves, elle sert à fonder des attitudes qui vont du consumérisme (« Intéressez-nous »), à l’évitement (« Si je voulais, je pourrais, mais çà ne m’intéresse pas »), au misérabilisme (« J’essaie, je suis motivé, je travaille mais je ne réus-sis pas »). Pour les professeurs, la motivation, ou plutôt son manque, contribue à l’argumentation selon laquelle la responsabilité de l’échec de l’apprentissage est à chercher plutôt chez les élèves. Personne d’ailleurs, ne semble s’aviser explicitement que l’injonction « sois motivé » est paradoxale. C’est pourtant sur ce paradoxe que re-pose toute la force du recours systématique à la motivation comme ex-plication de la réussite ou de l’échec qui justifie par avance à la fois l’im-puissance de l’apprenant et celle de l’enseignant. Rien n’est remis en cause sauf peut-être la possibilité d’apprendre. Elle déplace également les problèmes du domaine cognitif au domaine relationnel et psycho-affectif. Elle tend à confondre le confort de la relation avec les conditions cognitives favorables à l’apprentissage. Le professeur devient un ges-tionnaire de relation alors qu’il croit gérer du savoir et le revendique (cf. L’observation d’une séance d’aide). Il n’est bien sûr pas question de nier que l’apprentissage mobilise des ressources affectives et provoque des

Motivation, évaluation, savoirs, autorité...

(43) D’un point de vue méthodologique, les situa-tions de crise ne sont pas toujours les plus riches d’enseignement dans la mesure où elles obligent à opérer un changement de registre dans le traitement des problèmes ce qui a pour effet de masquer la pratique quotidienne. (44) Voir sur ce point CLERC, F., L’illusion de la motivation, in Cahiers pé-dagogiques, n° 429-430

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Conclusion

émotions. Il s’agit plutôt de montrer comment le déplacement s’opère à partir d’un accord tacite : l’apprentissage est affaire de volonté. Comme l’idéologie du don et la malédiction de l’héritage culturel (retournement étrange et paradoxal de la théorie de Bourdieu), la théo-rie de la motivation présente l’avantage « d’externaliser » les obstacles à l’apprentissage. Ils sont situés dans un ailleurs, en l’occurrence un ail-leurs affectif, sur lequel personne n’a véritablement prise. D’une manière générale, les conditions et les processus d’un engagement dans un ap-prentissage n’étant pas explicités, l’action pédagogique ne trouve pas les points d’appuis nécessaires. Plus que la motivation, c’est « le désir » - au sens de la psychanalyse45 – qui semble manquer dans l’école. À tou-jours mettre en avant le besoin de connaissances, la rationalité écono-mique de la formation, à mettre en scène le savoir comme un produit qui se distribue ou se transmet, notre société réduit la connaissance à n’être plus qu’un objet de consommation (ou un héritage). La compéti-tion et l’individualisation ont fait perdre de vue que la satisfaction du dé-sir de savoir passe nécessairement par la rencontre avec autrui. En revanche, on devine chez les élèves, un décalage entre le discours moral convenu sur la réussite aux études et une expérience toute diffé-rente, mais qui ne peut s’exprimer ouvertement. Dans ce contexte, les élèves qui éprouvent des difficultés importantes se sentent, non seule-ment impuissants, mais disqualifiés d’avance. Le mal-être peut dès lors prendre des formes plus agressives, notamment dans le face-à-face avec un professeur. De même, les professeurs les plus en difficulté dans leur enseignement ne trouvent pas d’autre issue que de radicaliser leur discours et lui donner une cohérence idéologique en généralisant les rai-sons de leur malaise. Les élèves qui pourraient être des alliés d’une politique d’aide ne contri-buent activement ni au diagnostic de leurs besoins d’apprentissage ni à la conception des réponses pédagogiques. Les professeurs, même les plus disponibles et les plus compétents, restent les uniques décideurs de ce qui est bon pour leurs élèves. Ainsi que l’observation de la situation d’aide l’a montré, la faible explicitation du fonctionnement de l’appren-tissage exacerbe les différences entre élèves. Dans le meilleur des cas, un élève ayant décrypté et intériorisé les règles pédagogiques, adhère a priori aux décisions du professeur et peut éventuellement les faire sien-nes. Ceux qui n’ont pas su – pas pu – le faire n’ont d’autre choix que d’adopter une attitude de soumission ou de se rebeller ouvertement. Il est vrai qu’associer les élèves au diagnostic ne manquerait pas de poser des problèmes et d’exiger du temps : explicitation par le professeur, ar-gumentation, dialogue, éventuellement négociation sur les formes du travail etc. toutes choses auxquelles ni les uns ni les autres ne sont réel-

(45) Freud lie très étroite-ment le désir à des souve-nirs de satisfaction. Pour lui, le désir naît d’un écart entre le besoin (qui relève d’une relation à un objet réel) et la demande (qui est de l’ordre du langage). Le désir est de l’ordre du signe et s’accomplit dans la relation à l’autre.

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lement préparés. Mais on peut considérer que l’apprentissage de l’auto-nomie, si vivement souhaitée par tous les acteurs sociaux, commence avec ce genre de pratiques. Le discours sur la motivation masque mal une méconnaissance générale des modalités de l’apprentissage scolaire. Les représentations dominan-tes du savoir ne sont que très peu perméables aux recherches des scien-ces de l’homme. À cela, plusieurs raisons :

• la faible valorisation par les instances universitaires des recher-ches dites « praxéologiques » - qui, en répondant à une demande des professionnels de l’enseignement, sont à même de fournir des références pour penser les problèmes pratiques - n’incite pas les chercheurs à investir dans ce domaine des sciences de l’éduca-tion46,

• la permanence d’un discours prescriptif sur la pédagogie, vécu comme une culpabilisation par les enseignants,

• une défense corporatiste des professionnels de l’éducation, qui po-se « la liberté pédagogique » comme condition de possibilité de leur travail,

• la manière souvent brouillonne et maladroite dont la formation et les responsables de l’institution invoquent les résultats de la re-cherche pour justifier l’imposition de manières de faire sans tou-jours tenir compte des conditions effectives du travail pédagogi-que.

La question de l’évaluation L’évaluation, pourtant sujet de nombreuses analyses, constitue l’un des problèmes centraux du lycée. Les enseignants qui pratiquent l’aide indi-vidualisée en sont bien conscients. À François Mauriac, les professeurs d’anglais le posent clairement : des progrès certains en langue n’entraî-nent pas forcément une meilleure réussite au baccalauréat. Mais la dis-cordance entre ce qu’ils perçoivent des progrès effectifs des élèves et les résultats des évaluations n’est pas analysée. Le poids des représenta-tions traditionnelles des apprentissages scolaires et des formes canoni-ques de l’évaluation l’emporte sur tout autre prise de conscience. Il faut d’ailleurs avoir bien conscience que les élèves (et probablement les pa-rents) ne sont pas nécessairement demandeurs d’un changement dans les pratiques d’évaluation. Les discours plus moraux que pédagogiques sur l’apprentissage se cristallisent autour de la nécessité d’encourager ou au contraire d’être rigoureux et « objectif », de donner confiance ou d’être réaliste, de comprendre ou de sanctionner. Or, le problème et tout autre : il s’agit simplement de tenir compte du fait que les productions d’élèves donnent une image de leur compétence

(46) Sur ce point et sur la marginalisation des psy-chologues dans le champ des sciences de l’éduca-tion voir : MEIRIEU, P., Propos recueillis par Étien-nette Vellas, document interne FASPE Université de Genève.

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en réponse à la tâche qui leur a été demandée. Autrement dit, si la tâ-che n’est pas réellement en rapport avec la compétence attendue, l’élè-ve ne fait que répondre, bien ou mal, à ce qui lui a été demandé. Il n’est pas étonnant que ce soit les professeurs de langues qui se montrent les plus sensibles au décalage : une langue étrangère parlée à l’école est une construction typiquement scolaire dont le rapport avec les pratiques langagières et culturelles des pays concernés mérite d’être interrogé. Un bon élève en langue n’est pas nécessairement un bon locuteur en situa-tion non scolaire. L’image de la compétence donnée par l’évaluation est liée aux choix de construction de l’épreuve par le professeur. Les évaluations scolaires font souvent appel à des formes de mémoire difficiles à mobiliser (par exemple : le rappel en usage dans les interrogations écrites et orales donne systématiquement de plus mauvais résultats que la reconnaissan-ce), imposent des conditions où la constitution des souvenirs est la plus difficile (ex. : la prise de notes sature la mémoire de travail). Les élèves ont une représentation souvent inadéquate des activités mentales les plus appropriées pour mémoriser (ex. : ils ne savent pas exactement quelles sont les lacunes de leurs stratégies de mémorisation). De nom-breuses études de la psychosociologie montrent, en outre, que les expé-riences passées - selon qu’on a déjà réussi des évaluations ou au contraire échoué – ont un impact important sur les performances, de même que la position dans le groupe, l’estime de soi et la confiance en soi. Le surinvestissement de l’évaluation dans les lycées, avec en ligne de mire le baccalauréat, finit par occulter les processus d’apprentissage eux-mêmes dans le cours de l’action pédagogique. Philippe Perrenoud remarque à juste titre qu’une part considérable du métier d’élève consis-te justement à négocier avec les contraintes de l’évaluation bien plus qu’à chercher à apprendre. Quoi de plus normal ? Le rythme des appren-tissages, leurs conditions de possibilité ne coïncident pas avec le rythme des évaluations et avec leurs pré requis. Les croyances qui inspirent les pratiques d’évaluation prennent insuffisamment en compte que le savoir ne modifie pas nécessairement le comportement et donc ne produit pas des effets immédiatement perceptibles dans les évaluations : il exis-te différentes formes de savoir et différents niveaux d’intégration dans les structures mentales. Il est également nécessaire d’identifier, nommer ce que l’on sait et les contextes d’usage pour pouvoir mobiliser ses sa-voirs. L’organisation des enseignements autour d’une forme pédagogi-que unique (la classe) essentiellement transmissive n’est guère propice à la réalisation de ces opérations mentales.

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Conclusion

Il est donc permis de se demander ce que testent les évaluations. En particulier, les exercices du baccalauréat organisent des articulations ar-tificielles entre les savoirs formels (contenus de connaissance) et les sa-voirs opératoires (méthodes, manières de faire). Cette conception artifi-cielle des tâches prive les élèves les plus éloignés de la culture scolaire de la possibilité de « donner du sens », c’est-à-dire de se représenter clairement les enjeux de l’apprentissage et d’orienter leur activité de fa-çon pertinente. On peut déplorer que les Travaux Personnels Encadrés, qui sont de véritables occasions de réaliser des articulations plus « naturelles » ou plus familières entre les différents savoirs, occupent une place marginale dans les programmes d’études. Pour pouvoir apprendre, il faut être libre de se tromper, au moins pen-dant que se réorganisent les connaissances. La réalisation d’une tâche peut se faire de différentes façons et la pertinence de ces façons de faire dépend des conditions imposées par le professeur. Les évaluations tradi-tionnelles, bien qu’elles paraissent « évidentes », ne permettent pas toujours de sélectionner les stratégies efficaces. Par exemple, si l’impo-sition d’un temps limité permet de sélectionner des stratégies faisant ap-pel à l’abstraction, elles conduisent rarement les élèves à prendre cons-cience de la nécessité de construire et de mettre en œuvre des moyens de contrôle de leur propre activité (se relire, contrôler le report d’un nombre, vérifier un calcul…), simplement parce que la vérification prend du temps. Comment s’étonner que les élèves croient qu’il faut se lancer rapidement dans la réalisation d’un devoir avant d’avoir construit et contrôlé une représentation fiable de la tâche ? Comment s’étonner qu’ils croient qu’il faut « boucler » son devoir dans le temps imparti, ce « bouclage » ne comprenant pas nécessairement la relecture critique, la correction de la forme (et notamment de l’orthographe), l’évaluation de la vraisemblance des résultats… ? Ce temps, cette possibilité d’errer sont au contraire pris en compte dans les séances d’aide. Les élèves et les professeurs en sont soulagés. L’ar-gument habituellement avancé - on se connaît mieux, les relations s’a-méliorent - n’est pas la seule raison du soulagement. Il est enfin possi-ble de se concentrer sur l’apprentissage. Mais, apparaissent alors des problèmes que les situations de cours dissimulent habituellement : com-ment analyser le problème particulier d’un élève ? comment le conseil-ler ? Le soulagement se teinte de perplexité. Lorsque les évaluations tra-ditionnelles s’imposent à nouveau dans la progression ordinaire du cours, la perplexité devient scepticisme car le temps consacré à com-prendre comment un élève s’y prend, à confronter les façons de faire, à construire des référents pour contrôler le travail etc. n’est pas le temps de la progression dans le programme.

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L’aide s’inscrit donc dans un cadre étroitement contraint qui sélectionne de façon drastique les méthodes de travail dont la valeur est intimement liée aux conditions scolaires mais qui ne sont pas nécessairement les plus adaptées en contexte non scolaire.

Certains élèves utilisent mieux la compétence du pro-fesseur La comparaison entre les comportements des élèves lors d’une séance montre de façon évidente que le profit tiré par les élèves dépend essen-tiellement de leur capacité à entrer dans une interaction positive avec le professeur dans le domaine cognitif : être capable de commenter son travail et donc de s’en distancier, d’intéresser le professeur à son problè-me, utiliser les règles implicites de fonctionnement du groupe à son pro-fit… c’est-à-dire être « un utilisateur pertinent de la compétence profes-sionnelle de l’enseignant ». Ce phénomène ne remet pas en cause la compétence du professeur, bien au contraire. Plus les interactions sont nombreuses et riches, plus le professeur compétent a de quoi nourrir ses interventions. Le savoir-faire de l’élève :

• met le professeur sur la piste de ses préoccupations et de ses pro-blèmes,

• sort du constat d’échec (souvent démobilisateur) pour entrer dans la description de sa pensée (ou de son activité),

• rend le professeur attentif à l’élève qui se détache le groupe (il ne se perd pas dans la masse, il ne s’y cache pas),

• gratifie le professeur en lui retournant un message positif d’intérêt partagé.

L’élève qui sait entrer dans une interaction positive sur le plan pédagogi-que manifeste qu’il est actif dans la situation, d’une véritable activité centrée sur la discipline. Il ne se contente pas d’exécuter. Cet aspect de la relation entre le professeur et les élèves est peu analysé. Les interac-tions positives sont interprétées comme le signe et le résultat de la réus-site des apprentissages. Elles sont rarement considérées comme la sour-ce de la réussite. Soucieux de stimuler l’activité des élèves, le professeur privilégie spontanément, quand le climat s’y prête, les encouragements, les signes positifs de bienveillance à l’égard des élèves. La communica-tion se trouve ainsi décentrée sur la périphérie des apprentissages, dans une zone difficile à maîtriser par le professeur et décevante pour l’élève. Le confort gagné dans la relation n’est donc absolument pas une garan-tie de réussite des apprentissages. Ce sont les considérations stricte-ment cognitives sur le contenu d’enseignement ou les méthodes de tra-vail qui sont en fait les plus déterminantes.

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Mais ce langage est difficile à parler : les élèves ne le possè-dent pas, ceux qui sont en difficulté n’ont pas spontanément l’envie d’entrer dans une forme de réflexivité contraignante et peu familière sur leurs activités mentales. Les attitudes efficaces ne peuvent s’installer que dans la durée, par un travail entre élèves et une analyse réflexive des échanges lors des séances d’aide.

Entre compassion et stigmatisation, la pédagogie peine à trouver un re-gistre réellement « professionnel ». Au lycée, le problème résulte en grande partie de la déresponsabilisation des élèves dans les processus d’enseignement et, en retour, a une influence majeure sur la profession-nalité des enseignants, en particulier parce qu’il leur faut faire face à des comportements nouveaux pour lesquels les réponses ne sont pas prédé-terminées par la culture professionnelle. Une double réponse s’est pro-gressivement structurée par le développement symétrique • d’une compassion (fortement induite par la polysémie du terme « aide ») chez certains enseignants conscients de la réalité de l’influen-ce des facteurs sociaux sur l’échec scolaire,

• d’une stigmatisation des comportements jugés déviants chez les pro-fesseurs irrités par ce qu’ils jugent comme une recherche de facilité et par la mise en cause implicite de leur autorité à travers la mise en cau-se de la légitimité de leurs pratiques pédagogiques.

En réponse à la transformation de la demande sociale à l’égard du lycée, on assiste à une polarisation des attitudes des enseignants qui ne recou-vre pas exactement les clivages idéologiques traditionnels ni même les différences dans les pratiques effectives. Une configuration inédite du champ social est en train de se constituer dans le lycée.

La jeunesse est perçue comme dangereuse47 ; les va-leurs traditionnelles (savoir, autorité) sont remises en cause Comme les classes pauvres sont souvent assimilées à des classes dan-gereuses, la jeunesse est de plus en plus perçue comme dangereuse. De nombreux discours laissent entendre qu’il n’y a pas d’intermédiaire entre le rejet d’école et la délinquance. Le thème de la jeunesse dangereuse n’est pas nouveau (Debarbieux, 199648). Mais il prend une acuité nou-velle en raison de la place ambiguë de la jeunesse à la fois dans nos re-

(47) CLERC, F., (2002), Pédagogie et éducation : le retour de Laïos ? in PIC-QUENOT, A., (coord.), Il fait moins noir quand quel-qu’un parle, CRDP de Bourgogne. (48) DEBARBIEUX, E., (1996), La violence à l’école, Paris, ESF

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présentations (surestimation des valeurs de jeunesse mais refus des comportements des jeunes), dans l’économie (précarisation croissante y compris des diplômés, mais cibles constantes pour la consommation de masse), et dans la politique (classe d’âge particulièrement sollicitée par les partis politiques désireux de renouveler leur électorat vieillissant mais peu représentée dans leurs appareils). Les mouvements de la jeu-nesse (crise des banlieues, grève contre le CPE) suscitent des mouve-ments contradictoires dans l’opinion, de la compréhension à l’hostilité en passant par la solidarité. Les enseignants, en première ligne dans les rapports avec la jeunesse, n’échappent donc pas à l’ambivalence ambiante à l’égard des jeunes. Certains professeurs, manifestement en souffrance, expriment une hos-tilité déterminée et globale, revendiquant à la fois un tri des élèves sus-ceptibles d’entrer au lycée en raison d’une dégradation supposée des sa-voirs, une aggravation des sanctions et un retour de l’autorité. Les pré-ventions liées à la conduite des jeunes et les jugements sur leurs aptitu-des s’amalgament dans un rejet global. Plutôt que de remettre en cause une politique d’aide aux élèves, les difficultés qu’éprouvent quelques en-seignants devraient nous conduire à nous poser deux questions : faut-il maintenir des professeurs en souffrance devant les élèves ? Faut-il continuer à recruter des enseignants sans tenir compte de leur capacité et de leur envie d’éduquer ? Il faut également replacer cette méfiance dans un contexte plus général où les adultes semblent considérer que la jeunesse présente une concur-rence objective contre laquelle il faut se prémunir en renforçant les ma-nifestations d’autorité et le contrôle des comportements. Le retour « aux vraies valeurs » trouve aussi, de façon assez inattendue, sa justification dans la dénonciation de la confusion des générations (l’enfant comme partenaire sexuel) et son instrumentalisation (droit à avoir un enfant, enfant enjeu dans les familles en conflit, enfant alibi social…). L’école est à la fois le lieu privilégié où se développe un discours ambigu de retour à l’autorité en même temps que de protection de la jeunesse contre les dérives de la société, le second discours servant d’alibi au premier. D’une façon générale, nous assistons à une modification importante des comportements sociaux. La multiplication des relations « virtuelles », l’individualisation grandissante accompagnée d’un accroissement consi-dérable de la dépendance, les modes d’investissement de l’espace pu-blic, contribuent à effacer progressivement la perception de la différence entre les comportements publics et privés, entre le licite et l’illicite. La banalisation des lieux scolaires accroît les risques de voir se prolonger les conflits nés hors de l’école à l’intérieur même des établissements. Le sentiment d’être exposé, de ne pas pouvoir se protéger (fondé ou non)

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contribue au malaise des adultes. Malaise rapidement identifié par quel-ques groupes de jeunes qui savent tirer parti de cette situation pour inti-mider. Ces tentatives d’intimidation sont facilement récupérées par ce que Jerome Bruner49 désigne par le terme de contre-cultures qui s’instal-lent d’autant plus aisément que l’école ne permet pas à de nombreux jeunes de construire une image positive d’eux-mêmes. On peut cepen-dant penser que leur besoin de marquer leur territoire est né également d’un malaise : à l’école pas d’espace protégé, pas d’espace intime. Faute de pouvoir investir l’espace scolaire très contraint, il faut donc recréer, par l’intimidation si nécessaire, une appropriation symbolique des lieux (tags, dégradations sont autant de traces). Une part des agressions contre les adultes peut être interprétée comme le signe d’une tentative de marquer un territoire réservé, tentative d’autant plus violente que l’espace est plus rigide et plus soumis à surveillance. On peut donc craindre que les appels au regain d’autorité et de contrôle n’aboutissent précisément au contraire de ce qu’ils visent. En même temps que s’affirment volontiers des corporatismes et des re-lations fusionnelles à l’intérieur de groupes sociaux plus ou moins éten-dus (les fameuses communautés), de même les relations à l’autorité émanant des institutions légitimes se modifient considérablement. L’au-torité due à la position sociale ou à la possession du savoir ne va plus de soi. Les relations sociales ont perdu de leur naïveté : l’autorité ne se dé-crète de moins en moins, elle doit se justifier. Les jeunes du XXIème siè-cle sont plus prompts que leurs aînés à s’interroger sur la légitimité des postures d’autorité. Malheureusement, de nombreux adultes tentent de ruser avec cette exigence : fais ce que je te dis, ne fais pas ce que je fais. Or, Jerome Bruner le rappelle, l’entrée dans la culture se fait par l’assimilation des pratiques. Le monde enseignant s’est crispé sur une culture de moins en moins partagée, dont le sens échappe à la majorité de la population. La défen-se des disciplines académiques dans un monde qui remet en cause leurs frontières jusque dans les universités, la sacralisation du Savoir, l’adhé-sion à une épistémologie vieillotte ne favorise pas le dialogue avec des jeunes pour qui savoir et information se confondent. Le savoir scolaire s’est progressivement constitué comme un ensemble autonome, inter-médiaire entre les savoirs en usage et les savoirs savants – dont ils pré-sentent une image certes, mais une image très modifiée - ayant leur propre découpage, leurs propres règles, leurs propres critères. Dans le même temps, Internet, vaste fourre-tout indifférencié, devient la réfé-rence. L’accès rapide à l’information engage plus à entrer dans le savoir par « la description » que par « la problématisation », la navigation sur la toile supplante la recherche.

(49) BRUNER, J., (1996), L’éducation, entrée dans la culture, Paris, Retz

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Par conséquent, le rapport à l’école se modifie profondément. L’obliga-tion scolaire et la massification de l’enseignement ont des effets para-doxaux. La scolarisation massive dans le second degré a entraîné une banalisation du lycée qui a produit une profonde modification du « métier d’élève » (Perrenoud, 1994) : dans l’opinion publique, la scola-risation a cessé progressivement d’être considérée comme une conquête pour devenir une « obligation ». Le corrélat de l’obligation est vite appa-ru comme le « droit » à la réussite des études (pas des apprentissages, plus difficiles à mettre en évidence). Les dispositifs d’aide se trouvent ainsi placés au cœur des contradictions du système : ils représentent un effort considérable (du point de vue des compétences requises, et des moyens mobilisés) mais, paradoxalement, leur valeur spécifique peut difficilement être reconnue. Tantôt, ils semblent aller de soi, tantôt au contraire, ils sont considérés comme une perte de temps et d’argent. Cette évolution ainsi que la faible responsabilisation des lycéens dans les choix d’apprentissage, ont encouragé chez de nombreux élèves, l’émer-gence d’attitudes caractéristiques d’un processus de « victimisation » : il est devenu possible de se poser en victime de l’injustice sociale et éco-nomique, du racisme, ou de l’inadaptation du système éducatif… Cette posture présente le double avantage de dédouaner l’élève qui l’adopte de la charge d’assumer son rôle « d’apprenant », tout en ne remettant pas fondamentalement en cause la nouvelle relation instaurée avec l’é-cole. L’attitude de demandeur insatisfait n’est d’ailleurs pas exclusive-ment réservée à l’école. Elle concerne, avec toutefois des variantes, de plus en plus les grandes institutions de santé ou les entreprises investies de missions de service public (transports, fournisseurs d’énergie etc.).

L’aide aux élèves s’inscrit dans le processus de sécularisation de l’école comme un recours pour les professeurs. Le pro-cessus de sécularisation de l’école (Baubérot, 2004)50 projet-te le monde enseignants dans un environnement non proté-gé. Comme dans les institutions de santé, « les usagers » demandent de plus en plus de comptes - même si ce phéno-mène reste le fait d’une minorité – y compris devant la justi-ce. Il apparaît de plus en normal d’exprimer au sein de l’éco-le ses choix idéologiques et d’y apporter ses codes compor-tementaux. Bien plus, l’école utilisée par les politiques, prise à parti par les idéologues est entraînée dans des débats qui la dépassent mais surtout qui contribuent à la dévaloriser.

(50) BAUBÉROT, J., (2004), Laïcité 19905-2005, entre passion et raison, Paris, Seuil

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On peut s’interroger par exemple sur le sens de la mission pour la refonte des programmes, confiée par le ministre de l’Éducation nationale à Marc Le Bris, membre de l’association Sauver les lettres et grand pourfendeur de « la faillite de l’É-ducation nationale ». Certains commentaires de l’enquête PISA tendent à faire croire que l’école française serait en dé-clin et que ce déclin serait la manifestation de celui de la France. Or, notre enquête montre qu’il existe des établisse-ments où les élèves et les parents font globalement confian-ce à l’école, où les professeurs sont dans leur ensemble conscients de leurs responsabilités même si leurs réponses restent massivement individualistes. Mais, ces critiques sont intériorisées par le corps enseignant qui exprime là, semble-t-il, le désamour qu’ils vouent à une institution marâtre. Elle est devenue, pour certains professeurs, « le mauvais objet » impossible à investir.

Faute d’une véritable gestion des parcours professionnels, faute d’une véritable politique des compétences qui permettraient aux personnels de l’éducation de d’occuper des fonctions éducatives variées au cours de leur carrière, c’est par un investissement personnel dans la relation avec les élèves, que se « sauvent » de nombreux professeurs. Lorsque cette relation devient impossible, il existe peu d’issues favorables. La pratique des différentes formes d’aide contribue à la restauration ou au maintien d’une identité professionnelle positive. C’est pourquoi il n’est pas possi-ble d’évaluer l’impact de l’aide aux élèves sous le seul critère de l’effica-cité des apprentissages mesurée par les évaluations traditionnelles. Il faut dépasser d’urgence la contradiction entre les finalités de l’école : trier ou éduquer. Les réformes, empêtrées dans des combats idéologi-ques, ont malmené les enseignants sans prouver leur efficacité pour les élèves. L’école a été surchargée de missions et instrumentalisée dans des politiques au service de projets étrangers aux finalités éducatives. Si la mise en évidence des liens entre l’éducation, la formation et l’écono-mie a pu paraître après la deuxième guerre mondiale, comme une né-cessité, la tendance à subordonner l’éducation à l’économie s’est pro-gressivement affirmée provoquant des rejets chez les enseignants les plus conscients de ses enjeux humains. Aider les élèves à apprendre n’est pas un supplément d’âme et ne peut plus se faire dans des disposi-tifs marginaux. Ce doit devenir le projet commun qui doit guider les ajustements au plus près du quotidien du travail scolaire.

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Annexe

Activités scientifiques

Dispositifs d'aide individualisée et réussite scolaire au lycée

OBJECTIFS : En quoi les dispositifs d'aide individualisée et les différents intervenants au lycée contri-buent-ils à favoriser la réussite des élèves ? DESCRIPTEURS : Lycée / Soutien pédagogique / Interdisciplinarité RESPONSABLES : RIVIERE Marie-Claude , Collège L. PERGAUD 25200 MONTBELIARD / INRP CLERC Françoise , UNIVERSITÉ LYON 2 MEMBRES DE L'ÉQUIPE : BERLIER Louise , LP F. MAURIAC-FOREZ 42166 ANDREZIEUX-BOUTHEON CEDEX BRUNON LEHERISSIER Eliane , LP F. MAURIAC-FOREZ 42166 ANDREZIEUX-BOUTHEON CEDEX BUROC Dominique , LP F. MAURIAC-FOREZ 42166 ANDREZIEUX-BOUTHEON CEDEX DENIS Christian , LP F. MAURIAC-FOREZ 42166 ANDREZIEUX-BOUTHEON CEDEX JABOULAY Maryse , LP F. MAURIAC-FOREZ 42166 ANDREZIEUX-BOUTHEON CEDEX MARTIN François , LP F. MAURIAC-FOREZ 42166 ANDREZIEUX-BOUTHEON CEDEX SIMON René , LP F. MAURIAC-FOREZ 42166 ANDREZIEUX-BOUTHEON CEDEX STURBAUT Françoise , LP F. MAURIAC-FOREZ 42166 ANDREZIEUX-BOUTHEON CEDEX DURÉE : Septembre 2000 - juillet 2002 TYPOLOGIE : Accompagnement d'équipe

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On peut se procurer les cahiers auprès du

Secrétariat général Éducation & devenir

Collège du VAL D'AUGE rue de Bad Nenndorf 76560 DONDEVILLE

Tél 02 35 96 53 14 _ Fax 02 35 56 65 14 15 € le n° - (12 € 50 jsqu'au n° 3, nouvelle série)

19 €50 le n° double

CAHIERS

8 66 Les pratiques artistiques à l'école

7 65 Le handicap à l'école

6 64 Enseigner : autonomie et responsabilité des acteurs Colloque 2005 n° double

5 63 L'école et le service public Colloque 2004

462 Les TIC et l'école : mirage ou miracle ? n° double

3 (ns) 61 Pour une politique d'orientation en établissements

2 (ns) 60 Éthique et déontologie dans les métiers de l'éducation Colloque 2003

1 (ns) 59 Le lycée professionnel : lycée entièrement à part ou à part entière ? ns=nouvelle série

58 La classe en questions Colloque 2002

57 Vers une écologie de l'enseignement

56 Mais que font les élèves à l'école ? Colloque 2001

55 Le Pré-rentrées

54 Le droit à la parole des élèves

53 L'Établissement scolaire face à la diversité culturelle Colloque 2000

52 Les techniques de formation

51 Les chantiers du ministère

50 L'Élève, l'École et la Politique Colloque 1999

49 Les établissements scolaires : nouveaux besoins, nouveaux métiers Colloque 1998

48 Racisme et xénophobie format *.pdf (7€50)

47 Les établissements déstabilisés

46 L'année des rapports : quel projet pour l'école ?

45 École et médias

44 Enseigner : à la recherche du sens Colloque 1997

43 La loi et l'École Colloque 1996

42 Le rapport au savoir

41 L'accompagnement scolaire

40 Les femmes et l'école

39 L'École des Maîtres Colloque 1995

38 L'Évaluation

37 L'École et l'Entreprise

36 Éduquer en Europe (2)

35 Le collège en questions Colloque 1994

34 Éduquer en Europe (1)

33 La déontologie dans l'Éducation Nationale

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CAHIERS

32 Les modules

31 Les valeurs dans l'école Colloque 1993

30 L'enseignement technique, mode d'emploi

29 L'école et les parents

27/28 Les nouveaux publics des lycées et des collèges Colloque 1992

26 L'autorité format *.pdf 7€50

25 Action éducative et vie scolaire

24 Apprendre et vivre la démocratie à l'école Colloque 1991

23 L'École et la Culture

22 Établissement 90

21 L'élève, acteur et partenaire dans l'école (épuisé)

20 Enseigner, un nouveau métier Colloque 1990

19 Pédagogie, Vie scolaire et Innovations

18 Positions 89

17 Formation des personnels : bilan, critiques et propositions

16 Formation des personnels : techniques et méthodes

15 Stratégie pour un défi : 80 % d'une classe Colloque 1989

14 Pédagogies 88

13 Inégalités et exclusions dans le système éducatif

12 L'École, les jeunes et la Culture Colloque 1988

11 80 % d'une classe d'âge au niveau Bac Enquête nationale

10 Pédagogies 1987 (épuisé)

9 La vie relationnelle (épuisé)

8 Le savoir en question, questions sur le savoir Colloque 1987

7 Le conseil de classe (épuisé)

6 Éducation 1986

5 Responsabiliser Colloque 1986

4 C.D.I. et Documentalistes (épuisé)

3 Le projet d'établissement

2 L'enseignement de masse Colloque 1985

1 Les conservatismes dans le système éducatif téléchargeable

En complément Souillac... ou le projet d'établissement

Éléments de la rénovation des collèges

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Education & Devenir

Groupes de liaison, de réflexion et de propositionS

É D U C A T I O N & D E V E N I R Président : José FOUQUE – Té l : 06 11 19 60 17 - Mèle : jose.fouque@ac-a ix-marse i l le . f r - Secréta ire Général : Yves ROLLIN - Lycée Didero t - 13003 Marse i l le Tél : 04 91 61 22 62- - Fax : 04 91 10 07 34 - Mèle : yro l l in@yahoo. f r Trésorier : Jean-François DELPORTE – Collège Jean Zay – Rue du 11 Novembre - 76770 LE HOULME

Merci d’écrire en lettres d’imprimerie

ADHÉSION INDIVIDUELLE 2006 Renouvellement OUI NON

1 ère adhésion en : 19…. ou 20…

Mme Mlle M NOM :………………………… Académie de :………………... .......

Prénom :……………………………………………… Fonction :……………………….

Établissement :……………………………………….. Téléphone :…………………... ...... Ligne directe :…………………

Adresse :……………………………………………. ………………………………………………………..…

Code & Ville :…………………………………………

Fax ...................................................... Mèle : ……………..…………

Je souhaite recevoir le « courrier » bimensuel par courrier électronique* : oui /_/ non/_/

Adresse personnelle :. ...................................................... ..................................................................................................... .....................................................................................................

Code & Ville :........................................................................

Téléphone :…………………..

Fax : …………………………

Mèle : …………………………

Date et signature : .............................. Cocher l’adresse souhaitée pour l'expédition des courriers et des cahiers.

Montant de l’adhésion : 60 Єuros - soutien 75 € - bienfaiteur 90 € et plus

Envoyer la fiche d’adhésion accompagnée du chèque correspondant au trésorier à l’ordre de « ÉDUCATION & DEVENIR »

N.B. Toute adhésion individuelle entraîne le service de 4 "CAHIERS" et de 6 COURRIERS bimensuels. Vous trouverez la liste des numéros parus dans les CAHIERS ou sur http://education.devenir.free.fr/cahier.hLes CAHIERS sont en vente au prix de 12,5 Єuros n° simple, 19,5 € n° double 7,5 € n° numérisé. * L’envoi du « Courrier bimensuel par Courriel donne droit à une Lettre d’E&D sur la vie de l’association, lesnouveautés du site http://education.devenir.free.fr, l’actualité éducative, les documents et parutions, etc. Ccourriels (Courrier bimensuel et Lettre d’E&D) seront envoyés à l’adresse électronique personnelle.

ÉDUCATION & DEVENIR COLLÈGE JEAN ZAY

Rue du 11 novembre 76770 LE HOULME

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Merci d’écrire en lettres d’imprimerie

Abonnement collectivité 2005 Renouvellement OUI NON

Établissement :………………………………………..

Académie de :………………... ......

Adresse :…………………………………………….

………………………………………………………..…

Code & Ville :…………………………………………

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Montant de l’abonnement : 60 Єuros

Envoyer la fiche d’abonnement accompagnée du chèque correspondant au trésorier à l’ordre de « ÉDUCATION & DEVENIR »

N.B. Toute adhésion individuelle entraîne le service de 4 "CAHIERS" et de 6 COURRIERS bimensuels. Vous trouverez la liste des numéros parus dans les CAHIERS ou sur http://education.devenir.free.fr/cahier.hLes CAHIERS sont en vente au prix de 12, 5 Єuros à l’unité (19,5 €uros le n° double.)

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Rue du 11 novembre 76770 LE HOULME

Education & Devenir

Groupes de liaison, de réflexion et de propositionS

É D U C A T I O N & D E V E N I R Président : José FOUQUE – Té l : 06 11 19 60 17 - Mèle : jose .fouque@ac-a ix-marse i l le . f r - Secréta ire Général : Yves ROLLIN - Lycée Didero t - 13003 Marse i l le Tél : 04 91 61 22 62- - Fax : 04 91 10 07 34 - Mèle : yro l l in@yahoo. f r Trésorier : Jean-François DELPORTE – Collège Jean Zay – Rue du 11 Novembre - 76770 LE HOULME

2006

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Cahier n° 4 (nouvelle série)

Les TIC et l’école : mirage ou miracle ?

Actes du Sénat 2007

Quelle légitimité de l’é-cole dans une société en crise ?

Cahier n° 8

Les pratiques artistiques à l’école

On peut se procurer ces ouvrages auprès du Secrétariat général « Education & Devenir » _ Collège du VAL D'AUGE rue de Bad Nenndorf

76560 DONDEVILLE Liste des Actes du Sénat : http://education.devenir.free.fr/senat.htm

Sommaires des cahiers disponibles : http://education.devenir.free.fr/cahier.htm

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É D U C A T I O N E T D E V E N I R Président : José FOUQUE – Té l : 06 11 19 60 17 - Courr ie l : jose . fouque@ac-a ix-marse i l le . f r - Secrétai re Généra l : Yves ROLLIN - Lycée Diderot - 13003 Marse i l le Tél : 04 91 61 22 62 - Fax : 04 91 10 07 34 - Cour r ie l : y ro l l in@yahoo. f r Trésorier : Jean-François DELPORTE – Collège Jean Zay – Rue du 11 Novembre - 76770 LE HOULME

http://education.devenir.free.fr

Auteur(s) : José Fouque, avec la collaboration de Florence Castincaud et d’I-sabelle Klepal Pour les collèges et les lycées qui s'engagent résolument dans la démarche de projet, une situation nouvelle apparaît : les struc-tures et les modes d'organisation des établissements ne corres-pondent plus aux nouveaux besoins. La volonté de faire progresser l'établissement induit dé-sormais l'exigence de nouveaux aménagements, de nou-velles méthodes, de nouvelles compétences et de nouvel-les fonctions. Mettant en évidence ces nouveaux savoir-faire, l'auteur s'at-tache à montrer comment exploiter, ici et maintenant, les mar-ges de manoeuvre, utiliser les leviers, explorer les possibles avec audace et pragmatisme. http://education.devenir.free.fr/fouquelivre.htm

L’établissement scolaire : un jeu col-lectif

Jean-Yves Langanay Claude Rebaud

HACHETTE éducation Nouvelles approches

La démocratisation de l’enseignement est aujourd’hui le nouveau défi de l’école. Il sera gagné grâce à la prise en compte de la diver-sité des publics endue possible par l’autonomie des échelons locaux (donc essentiellement les établissements scolaires) et grâce à l’ini-tiative des acteurs : lycéens, enseignants, personnels de direction et d’éducation, parents d’élèves, décideurs, chacun s’emparant plei-nement de ses champs de compétence. Mais pour des raisons di-verses, ceux-ci agissent en retrait des pouvoirs que la loi leur confè-re.