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N O 2 JUIN 2003 LE MAGAZINE DE LA DDC SUR LE DÉVELOPPEMENT ET LA COOPÉRATION Eine Welt Un solo mondo Un seul monde Genre : les disparités entre sexes entravent le développement L’Albanie met le cap sur l’Europe Les technologies de l’information dans un pays en développement comme le Mali www.ddc.admin.ch

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Page 1: Un seul monde 2/2003...Victoire de la «Belle de Guinée» (jls) En Guinée,la production de pommes de terre s’est longtemps heurtée à la concurrence de tubercules européens,surtout

NO 2JUIN 2003LE MAGAZINE DE LA DDCSUR LE DÉVELOPPEMENTET LA COOPÉRATION

Eine WeltUn solo mondoUn seul monde

Genre: les disparités entre sexes entravent le développementL’Albanie met le cap sur l’Europe

Les technologies de l’information dans un pays en développement comme le Mali

www.ddc.admin.ch

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Sommaire

DOSSIER

DDC

HORIZONS

FORUM

CULTURE

Un seul monde No 2 / Juin 20032

GENRE Des lunettes pour voir les inégalités Dans les pays du Sud et de l’Est, ce sont surtout lesfemmes qui portent le poids de la pauvreté, en raisonnotamment des inégalités fondées sur le sexe

6Jamais avec ma fille L’excision est un problème propre aux femmes, mais sasolution passe par un changement dans la société et dans la manière de penser des hommes

12«Sans les femmes, le Sud ne s’en sortira pas»Entretien avec Aster Zaoude, conseillère principale sur le genre au Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD)

14

ALBANIE Un pays oublié lorgne vers l’Europe L’Albanie entend intégrer rapidement le Vieux Continent,dont elle a été le parent pauvre durant plusieurs décennies

16Gentille, aimable, secourable et maternelle… Eglantina Gjermeni, de Tirana, décrit la situation desfemmes en Albanie

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Ce long voyage jusqu’à 0,4 pour cent Commentaire de Walter Fust, directeur de la DDC, sur levolume des dépenses publiques consacrées à la coopérationau développement

21Aide juridique aux paysans kirghizes Au Kirghizistan, un service de consultation juridique aide la population rurale à faire valoir ses droits

22

Des routes pour l’avenirLa DDC soutient la construction de routes régionalesau Népal, luttant ainsi contre l’isolement d’unemajorité de la population

24

Le salut du Mali passe-t-il par le cyberespace?Un coup d’œil sur le fossé numérique

26Une idée profondément destructrice La journaliste indienne Shoma Chaudhury évoque les conflits au sujet de l’eau dans son pays

29

J’existe, car tu existesRéflexions sur l’interaction fascinante entre culture et développement

30L’Afrique sur les bords du LémanUn quartier typiquement africain au Paléo Festivalde Nyon

32Éditorial 3Périscope 4DDC interne 25Au fait, qu’est-ce que la sécurité humaine globale? 25Service 33Impressum 35

Un seul monde est édité par la Direction du développement et de lacoopération (DDC), agence de coopération internationale intégrée auDépartement fédéral des affaires étrangères (DFAE). Cette revue n’estcependant pas une publication officielle au sens strict. D’autres opinionsy sont également exprimées. C’est pourquoi les articles ne reflètent pasobligatoirement le point de vue de la DDC et des autorités fédérales.

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L’égalité des sexes s’applique à tous les domaines de lavie et de la société. Elle est inscrite dans le droit inter-national. Certains États – dont de nombreux pays endéveloppement, mais également la Suisse – ont mêmefait figurer ce principe dans leur Constitution, s’enga-geant à traiter les hommes et les femmes sur un piedd’égalité.Et pourtant ! Que ce soit au Nord ou au Sud, dans lespays en développement ou les pays industrialisés, dansles grandes puissances ou les petits États, les dispari-tés entre hommes et femmes perdurent. Elles n’ont étéabolies par aucune culture, aucune société, quel quesoit son niveau de développement. Et elles ne s’arrêtenten tout cas pas aux frontières nationales. Le phénomènesévit partout dans le monde. Aster Zaoude, conseillèreprincipale sur le genre au Programme des Nations Uniespour le développement (PNUD), le dit tout net : «Aucunpays ne peut prétendre avoir atteint une égalité parfaite.»Et la Suisse ne fait pas exception: à travail égal, lesfemmes sont toujours moins bien payées que les hom-mes, comme le prouvent régulièrement leurs revendica-tions salariales dans divers secteurs; le pouvoir, qu’ilsoit politique ou économique, est toujours largementaux mains des hommes.En fait, on n’a commencé que récemment à accordertoute l’attention nécessaire au thème du genre, centrésur le déséquilibre entre les sexes. D’ailleurs, cet intérêtne signifie de loin pas que les choses sont en train dechanger, car il faudra beaucoup de temps pour que lesstructures sociales évoluent. Pour reprendre encore unecitation de l’Éthiopienne Aster Zaoude: « Il ne suffit pas

de reconnaître que les femmes sont les plus démunies.»Lisez donc à ce propos notre dossier qui commence àla page 6.La problématique de genre est ample et universelle,comme le prouve la lecture de ce numéro. Le thème dudossier se retrouve en effet dans presque toutes les au-tres rubriques. Ainsi, quand l’élite intellectuelle du Burundi– presque exclusivement masculine – fuit la guerre civile(Périscope, page 4), cela aggrave les lacunes en matiè-re d’éducation, dont souffrent surtout les filles. EnAlbanie, les jeunes femmes sont éduquées de telle sorte«qu’elles acceptent sans réagir la discrimination entreles sexes, voire les sévices sexuels» (Horizons, page20). Au Kirghizistan, des femmes doivent aller au tribu-nal pour récupérer des terres qui leur appartiennent(page 22). Quant aux Népalaises, elles sont parvenues àaméliorer leur position dans la société en participant acti-vement à la construction de routes (page 24).Un mot encore au sujet de notre nouvelle politique enmatière de genre, reformulée en 2002. Celle-ci vise àassurer «que toutes les interventions de la DDC don-nent aux hommes et aux femmes la possibilité d’exercerleurs droits et que les deux sexes bénéficient équitable-ment du développement».

Harry SivecChef médias et communication DDC

(De l’allemand)

Le phénomène

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Editorial

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Du riz incroyablement résistant (gn) Les paysans de l’Inde ontdéveloppé au cours des sièclesdes espèces de riz qui atteignentpresque deux mètres de hauteur.Ces anciennes variétés résistent à des inondations de deux se-maines, alors qu’un riz ordinairemeurt après deux ou trois jourspassés sous l’eau. Le riz résistantaux inondations figure parmi lesquelque 1500 variétés tradition-nelles que l’organisation nongouvernementale (ONG)Navdanya a répertoriées dans sonregistre des espèces locales.Depuis quinze ans, cette ONGcollabore avec des paysans in-diens en vue de perpétuer la bio-diversité de la riziculture. Elle a créé au cours de cette périodeplus de 20 banques de semencesdans neuf États du sous-conti-nent. Les variétés particulière-ment intéressantes sont cellesdont les caractéristiques leur per-mettent de prospérer dans desconditions hostiles.Ainsi, dans leseul État du Bengale occidental,Navdanya a dénombré 78 sortesde riz résistant à la sécheresse.Elle en a également recensé 54dans l’Uttaranchal, 40 au Keralaet même quelques-unes enOrissa, un État frappé par desfamines récurrentes. Par ailleurs,il existe au Bengale occidentaltrois espèces de riz qui se déve-loppent très bien sur des sols dontla salinité atteint 14 pour cent.

Petits ménages gaspilleurs(bf ) La croissance démogra-phique effrénée dans les payspauvres n’est pas la seule causedu gaspillage des ressources natu-relles. La réduction de la tailledes ménages y contribue égale-ment. La multiplication de loge-ments comprenant toujoursmoins d’individus a des inciden-ces directes sur la consommationd’énergie. C’est ce qu’ontdémontré des chercheurs del’Université du Michigan.En Chine, par exemple, la popu-lation de la réserve naturelle deWolong consomme plus de boisqu’auparavant pour la cuisine et le chauffage. Le phénomènede déforestation s’en est trouvéaggravé, ce qui réduit l’habitatnaturel du panda géant, menacéde disparition. Mais la Chinen’est qu’un cas parmi beaucoupd’autres, comme cela ressort également de l’étude américaine.C’est précisément dans les payscomptant beaucoup d’espècesanimales et végétales menacéesque le nombre de ménages esten train d’augmenter rapidement.Sur la base d’une rechercheeffectuée dans 76 pays, les scien-

tifiques prévoient par exemplequ’au cours des treize prochainesannées, il y aura entre 400 000 et 1,4 million de foyers supplé-mentaires rien qu’en Italie, auPortugal, en Espagne et en Grèce.

Le Burundi boudé par sa diaspora( jls) Fuyant la guerre civile quisévit au Burundi depuis dix ans,de nombreux intellectuels etprofessionnels très qualifiés sesont installés dans des pays occi-dentaux. Cet exode des cerveauxdéstabilise de nombreux secteurs,et en particulier l’enseignement.Selon Didace Nimpagaritse, rec-teur de l’Université du Burundi,certaines facultés ont déjà perdu40 pour cent de leurs professeurs.Pour combler le vide, le ministè-re de l’éducation nationale re-court à des professeurs visiteurs.En outre, il compte sur un projetdu Programme des Nations Uniespour le développement (PNUD),qui invite les expatriés à entre-prendre des missions de courtedurée dans leur pays d’origine,afin de contribuer à la formationde nouveaux cadres. Hélas, lesappels à la diaspora ont rencontré

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peu d’échos jusqu’ici. En 2002,une vingtaine de candidats seule-ment se sont dit prêts à mettretemporairement leurs compé-tences au service du Burundi.

Victoire de la «Belle deGuinée» ( jls) En Guinée, la production depommes de terre s’est longtempsheurtée à la concurrence detubercules européens, surtouthollandais, vendus à bas prix

sur les marchés locaux. De 1991 à 1998, les paysans du FoutaDjallon (Moyenne Guinée) fai-saient chaque année le siège dugouvernement pour obtenir leblocage des importations entrefévrier et juin, période durantlaquelle la «Belle de Guinée» est commercialisée.Aujourd’hui,les cultivateurs n’ont plus besoinde la protection de l’État. Grâceà des formations et à l’appui de techniciens, ils ont appris à

mieux maîtriser les méthodes de production et de conserva-tion, de manière à limiter aumaximum l’utilisation d’intrantschimiques. En quatre ans, leursrendements ont été multipliéspar six. Une filière de commer-cialisation s’est mise en place.Et les consommateurs préfèrentdésormais la pomme de terreguinéenne à ses rivales venues du Nord.

Prolifération de chacals( jls) Après avoir été dans lesannées 90 le théâtre de combatsentre les rebelles touaregs et l’armée gouvernementale, lazone montagneuse de Tabelot,au Niger, est aujourd’hui envahiepar des milliers de chacals.Ceux-ci ont proliféré durant larébellion, profitant notammentdu fait qu’aucune campagned’éradication n’était alors organi-sée. Du coup, le carnassier ne secontente plus de ses proies habi-tuelles telles que lièvres, écureuils

ou gazelles. Il décime les trou-peaux de moutons et de chèvres,qui sont le plus souvent gardéspar des fillettes de moins de dixans, voire laissés en divagation.L’an dernier, les éleveurs deTabelot ont déposé des appâtsempoisonnés à la strychnine,tuant plus de 600 chacals. Maisl’administration nigériennedésapprouve de telles opérations.Elle rappelle que la chasse de la faune sauvage est réglementéepar la loi et met en garde contreles risques liés à l’utilisation d’unpoison aussi dangereux: en sedécomposant, les cadavres peu-vent contaminer l’eau, les planteset tous les maillons de la chaînealimentaire; d’autre part, la strych-nine peut tuer des charognardsutiles, comme les corbeaux et les vautours.

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Trou noir

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Des lunettes pour voir

Malgré les progrès enregistrés ces dernières décennies, les femmes sont tou-jours victimes de profondes discriminations à travers le monde. Dans les paysdu Sud et de l’Est, ce sont surtout elles qui portent le poids de la pauvreté. Lesagences de coopération s’emploient à réduire les inégalités fondées sur le sexe,car celles-ci font obstacle au développement. De Jane-Lise Schneeberger.

Inde

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Genre

les inégalités

Dans les pays du Sud, et notamment dans les zonesrurales, les femmes se lèvent à l’aube et se couchenttard sans avoir eu un seul moment de répit dans lajournée. Elles parcourent de longues distancespour aller puiser de l’eau ou ramasser du bois, ellespréparent les repas, s’occupent des enfants, soignentles parents âgés… Outre ces tâches domestiques,certaines cultivent les champs de leur mari en plus

de leur propre champ destiné à la subsistance de lafamille. D’autres s’occupent du petit bétail ouexercent des activités dans le secteur informel.Enfin, la plupart fournissent un travail au servicede la communauté, se chargeant par exemple de lagestion collective de l’eau.En Europe de l’Est, dansune économie en crise, ce sont elles qui sedébrouillent pour assurer la survie de la famille.Dans presque tous les pays, les femmes ont unecharge de travail supérieure à celle des hommes.Mais c’est en Asie et en Afrique que l’écart est leplus marqué: leur semaine de labeur compte enmoyenne 13 heures de plus que celle des hommes.

Féminisation de la pauvretéL’apport des femmes au développement écono-mique et social est considérable. Pourtant, il nefigure pas dans les comptabilités nationales, du faitque les deux tiers au moins de ces activités ne sontpas rémunérées. Quant à la partie «visible» du tra-vail féminin, il n’est pas reconnu non plus à sa justevaleur, puisque les femmes gagnent moins qu’unhomme pour une prestation égale, et cela dans latotalité des pays.Selon des estimations, les femmes représentent 70pour cent du 1,2 milliard de personnes vivantaujourd’hui dans la pauvreté absolue. Outre lasous-évaluation de leur travail, d’autres formes dediscrimination concourent à cette pauvreté. Leuraccès aux ressources est souvent limité par desnormes sociales ou culturelles.Ainsi, dans bien despays, seuls les hommes ont le droit de posséder laterre. Les femmes ne peuvent ni l’acheter, ni enhériter. En cas de divorce ou de veuvage, ellessombrent dans la précarité. Dépourvues de titresde propriété qui pourraient servir de caution, ellesne peuvent pas non plus obtenir un crédit bancaire.

Scolariser les filles pour changer lasociétéLes inégalités entre sexes persistent également dansde nombreux autres domaines. Bien que des progrèsaient été enregistrés depuis 1960 au niveau de lascolarisation de base, deux tiers des 880 millionsd’analphabètes sont encore des femmes. Or, l’accèsdes filles à l’éducation peut être un véritable levierdu développement, remarque Chrystel Ferret, res-ponsable de l’unité «genre» à la DDC: «Il a étédémontré qu’en assurant aux filles un minimum de3 à 4 ans d’école primaire, on enclenche un cyclesusceptible de changer la vie d’une société. Unefemme éduquée saura donner à ses enfants unenourriture équilibrée, elle les fera vacciner, les enver-ra à l’école; elle-même sera plus autonome, plus respectée; elle osera prendre des décisions concer-nant sa sexualité ou la planification des naissances.»

Peu de coordinatrices La DDC ne se contentepas de promouvoir l’égalitédes sexes dans ses payspartenaires. Elle veille aussià intégrer ce principe dansses propres structures.Dès 1997, la représentationparitaire des hommes etdes femmes a été un deses objectifs fondamentaux.À fin 2002, cette paritéétait pratiquement acquise,avec 51% de collabora-teurs et 49% de collabora-trices. Ventilée par fonc-tions, la statistique deseffectifs montre toutefoisque les femmes sontencore sous-représentéesparmi les cadres. À la centrale, on compte 25%de femmes à la directionet 15% parmi les chefs de section. Sur le terrain, la fonction de coordina-teur/trice reste un bastionmasculin : sur 35 bureauxde coopération, 5 seule-ment sont dirigés par unefemme, ce qui représenteun taux de 14%. «Des progrès importantsont été réalisés sur le planstructurel, mais le proces-sus de la prise de cons-cience prend du temps»,commente Elisabeth vonCapeller, déléguée à l’éga-lité des chances de laDDC. «La culture interneest restée plutôt masculi-ne. N’oublions pas qu’àl’origine, la coopérationtechnique ne comprenaitpresque que des hommes.»

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Un demi-million de femmes meurent chaqueannée durant la grossesse ou l’accouchement. Etl’épidémie de sida touche une proportion crois-sante de femmes, du fait que dans la plupart dessociétés, elles n’ont pas le pouvoir de refuser desrelations sexuelles ou de négocier l’usage du pré-servatif.Les plus pauvres, qui dépendent économiquementde leur mari, sont en outre particulièrement exposéesaux mauvais traitements. Si la violence domestiqueest elle aussi un fléau planétaire, elle peut aller jusqu’au meurtre socialement toléré dans certainspays. En Inde, il arrive que des maris tuent leursjeunes épouses dont ils jugent la dot insuffisante;et quatorze pays connaissent la pratique des «crimes d’honneur», commis sur des femmessoupçonnées d’adultère ou d’une quelconquedésobéissance. La liste des brutalités ne s’arrête paslà. Dans sa Déclaration sur l’élimination de la violence à l’égard des femmes, adoptée en 1993,l’ONU ajoute le viol, les sévices sexuels, les muti-lations génitales, la traite des femmes, la prostitu-tion forcée, le harcèlement sexuel, l’intimidationau travail, la violence psychologique, etc.

Développement au masculinLes disparités ne nuisent pas seulement aux fem-mes. Elles ont un impact négatif sur la société

toute entière et entravent le développement. Pour-tant, il n’y a guère plus de 25 ans que les politiquesde développement se préoccupent des femmes.L’aide fournie par le Nord a longtemps ignoré ladivision sexuelle du travail, ce qui a conduit à denombreux échecs.

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Bilan de l’approcheintégréeLe gender mainstreaming,en français l’approcheintégrée de l’égalité, estmis en œuvre depuis plusd’une décennie. Pourdresser un bilan et tirer les leçons des expériencesréalisées au niveau suisseet international, la DDCorganise une conférencevendredi 20 juin à Berne,avec la participation de Micheline Calmy-Rey,cheffe du Départementfédéral des affaires étran-gères (DFAE). Les partici-pants entendront notam-ment Carolyn HannanAnderson, responsable de la Division de l’ONUpour la promotion de lafemme, et Patricia Schulz,directrice du Bureau fédéral de l’égalité entrefemmes et hommes.

Sénégal

Colombie

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Ce fut le cas notamment pour plusieurs projets demécanisation agricole, réalisés en Afrique occiden-tale à la fin des années 70. Dans le but d’augmenterles rendements et la productivité, il avait été décidéde doubler les surfaces agricoles et d’initier leshommes à l’utilisation de tracteurs fournis par lacoopération. Quelques années plus tard, le bilanétait catastrophique: les conditions de vie desfamilles s’étaient détériorées, la mortalité infantileet la malnutrition avaient augmenté, tandis que lesrendements stagnaient. À l’origine de ce gâchis, unoubli de taille : les planificateurs n’avaient pas tenucompte du fait que le sarclage et le désherbageétaient assumés par les femmes.Vu le doublementdes surfaces, ces dernières ont dû travailler davantagedans le champ de leur mari. Cela ne leur laissait

plus assez de temps pour s’occuper des enfants, destâches domestiques et pour cultiver leur champpersonnel.

Prise de conscience internationaleCette « invisibilité» des femmes dans le développe-ment a pris fin lorsque les mouvements féministessont parvenus à susciter un processus de prise deconscience au niveau international. En 1975,l’ONU a organisé à Mexico la première conférencemondiale sur les femmes et lancé la Décennie dela femme. C’est à cette époque que l’on a réaliséles premières études et statistiques ventilées parsexe. Elles ont montré que les conditions de vie desfemmes s’étaient globalement détériorées malgré lesefforts de développement.Différentes approches ont alors été élaborées dansle but d’intégrer les femmes au développement.Les agences de coopération ont mis sur pied desprojets spécifiquement destinés aux femmes. Ellesont notamment soutenu de très nombreuses «acti-vités génératrices de revenus », finançant parexemple des ateliers de couture ou de poterie, desmoulins à grains, des fumoirs à poisson… Un accentparticulier a été mis sur les établissements demicro-crédit, grâce auxquels les femmes ont puacquérir des équipements agricoles ou lancer unepetite entreprise.

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Ces projets, axés sur la productivité, ont toutefoissoulevé un certain nombre de critiques. En effet,s’ils ont contribué à améliorer le revenu familial, ilsont aussi alourdi considérablement la charge detravail des femmes, constate Chrystel Ferret. «Deplus, ces activités ne remettent pas en cause lasubordination des femmes, qui n’obtiennent paspour autant le droit de participer aux décisions.D’ailleurs, il n’est pas rare que le micro-créditobtenu par l’épouse soit contrôlé par le mari. »

Le sexe social Au début des années 90, une nouvelle stratégie estapparue. Elle se fonde sur l’égalité homme-femmeou égalité de «genre», selon une terminologie uti-lisée initialement par les chercheurs anglo-saxons.Contrairement au mot «sexe» qui définit des dif-férences biologiques, le terme anglais de gender seréfère aux rapports sociaux entre les sexes; il per-met de montrer que les inégalités ne sont pasimmuables, car les rôles attribués aux hommes etaux femmes dans la société changent sous l’in-fluence de facteurs économiques, culturels, so-ciaux, religieux ou politiques.Dans l’approche par le genre, il n’est plus questionde «promouvoir» la femme, mais de transformerles structures sociales qui perpétuent sa subordina-tion. Et cette tâche incombe tant aux hommesqu’aux femmes. Toute action de développementdoit être précédée par une analyse déterminéeselon le genre, ce qui revient à examiner les rôles,les responsabilités et les besoins propres à chacundes sexes.Le principe de gender mainstreaming est au cœur de

L’égalité stimule la croissanceLes pays qui défendent lesdroits de la femme sontlargement récompensés.De nombreuses études ontdéjà prouvé qu’ils voientbaisser les taux de fécondi-té, de malnutrition et demortalité infantile. Mais la réduction des inégalitésdans des domaines telsque l’éducation, l’emploi et les droits de propriétéprésente également d’au-tres avantages: prévalenceplus faible du sida, corrup-tion moins répandue, pro-ductivité accrue de l’éco-nomie et croissance plusrapide. C’est ce que mon-tre le rapport de la Banquemondiale EngenderingDevelopment (Stimuler ledéveloppement par l’égalitéentre hommes et femmes).En Afrique, par exemple, siles femmes rurales avaientplus facilement accès auxressources productives, ycompris à l’éducation, à laterre et aux engrais, l’aug-mentation de la productivitéagricole pourrait atteindrejusqu’à 20 pour cent. «Engendering Development– Through Gender Equalityin Rights, Resources, andVoice», World Bank andOxford University Press,2001

cette approche. Il suppose l’intégration systéma-tique de la dimension genre dans tous les pro-grammes et politiques. La quatrième conférencemondiale sur les femmes, en 1995 à Beijing, a faitde cette stratégie intégrée une de ses priorités.Depuis, la notion de mainstreaming s’est répanduedans les administrations du monde entier.Élisabeth Thioléron, du Comité d’aide au dévelop-pement de l’OCDE, souligne que la prise encompte du genre est un processus très complexepour les agences bilatérales et multilatérales decoopération: «Sous l’impulsion de sa hiérarchie,l’institution doit d’abord être convaincue du bien-fondé de cette approche, qui va souvent de pairavec une politique favorisant l’égalité des chancessur le plan interne. Elle doit aussi engager desexperts ou des consultants capables de réaliser lesanalyses nécessaires, et intégrer la dimension genredans sa politique de développement ainsi que dansses projets sur le terrain.Tout cela demande énor-mément de moyens financiers et humains. Denombreux progrès ont été réalisés par les agencesde coopération ces dernières années, mais il resteencore beaucoup à faire.»

Souplesse dans la mise en œuvreLa DDC a reformulé fin 2002 sa politique enmatière de genre, qui datait de 1993. Le but decette nouvelle stratégie est d’assurer «que toutes lesinterventions de la DDC donnent aux hommes etaux femmes la possibilité d’exercer leurs droits etque les deux sexes bénéficient équitablement dudéveloppement».Comme par le passé, la DDC se montre extrême-

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Genre

Petits pas après Beijing La quatrième conférencemondiale sur les femmes,qui s’est tenue à Beijing en 1995, a reconnu lanécessité de restructurerprofondément la sociétépour faire progresserl’égalité des sexes. Les189 pays membres desNations Unies ont adoptéun plan d’action qui fixedes objectifs dans douzedomaines critiques oùsubsistent encore desobstacles fondamentaux.Ils se sont engagés à éla-borer des stratégies natio-nales visant à éliminer lesdisparités entre hommeset femmes. Cinq ans après,le Fonds de développe-ment des Nations Uniespour la femme (UNIFEM) a mesuré les progrèsaccomplis dans ces do-maines. Seuls huit paysavaient alors réalisé simul-tanément trois des objec-tifs fixés à Beijing: égalitédes sexes dans l’ensei-gnement secondaire, aumoins 30 pour cent desièges parlementaires dé-tenus par des femmes etenviron 50 pour cent desemplois rémunérés occu-pés par des femmes dansl’industrie et les services.

ment pragmatique dans la mise en œuvre. ChrystelFerret explique ce choix: «Il faut rester dans le domaine du possible et s’adapter au contexte. Cer-taines sociétés traditionalistes ne comprennent pasnotre concept d’égalité. C’est pourquoi nous fai-sons comprendre à nos partenaires que l’égalité dessexes favorise le développement. Mais nous les lais-sons déterminer eux-mêmes la manière d’intégrercette notion dans les projets. » Un exemple, venu de Bolivie : dans le cadre duprocessus de décentralisation, les communautés ru-rales sont appelées à se réunir pour formuler leurspriorités budgétaires. Financé par la DDC, un pro-jet appuie cet exercice de démocratie municipale,qui requiert bien entendu la participation des deuxsexes. Or, les femmes n’osaient pas prendre la paro-le lors des réunions du syndicat paysan, à majoritémasculine. Elles ont donc proposé de tenir desassemblées séparées. Ainsi, elles ont la possibilitéd’exprimer leur point de vue, qui est ensuite trans-mis aux dirigeants du syndicat.

Qui fait quoi? Principe-clé de la nouvelle politique, l’analyse degenre est désormais obligatoire à la DDC: «Il n’ya aucun contexte dans lequel on ne puisse pasdemander quels sont les rôles et les besoins desdeux sexes au sein du ménage et de la commu-nauté», assure Mme Ferret. Cette lecture «avec deslunettes genre» permet de vérifier l’impact d’unprojet sur les hommes et les femmes, de déceler lesinégalités et d’identifier les moyens d’y remédier.Bien souvent, il s’avère nécessaire d’envisager desactions spécifiques dans le but de transformer les

relations de genre. De telles mesures s’adressentgénéralement aux femmes, mais pas exclusivement.À titre d’exemple, la DDC soutient un projet delutte contre la violence conjugale au Tadjikistan,qui implique les hommes auteurs de violences, lesservices sociaux, la police ainsi que les belles-mères, lesquelles cautionnent traditionnellement lecomportement de leur fils violent.On le voit, l’approche «genre» n’a pas sonné le glasdes projets destinés aux femmes. Elle admet au contraire que ceux-ci resteront indispensablesaussi longtemps que les femmes seront défavorisées.Et le combat est loin d’être gagné, à en croire Élisabeth Thioléron: «L’égalité de genre impliqueune révolution, un bouleversement de la sociétébasé sur de nouvelles relations entre hommes etfemmes. Cela pourrait bien prendre encore quel-ques décennies.» ■

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«Quand je demande aux femmes pourquoi ellesfont exciser leurs filles, elles me répondent qu’il ena toujours été ainsi, que nos mères sont passées parlà et qu’il ne peut en être autrement pour nos filles», raconte Rokia Sanogo, une pharmacologuede 39 ans, qui lutte contre l’excision au Mali.Environ 94 pour cent des femmes de son pays sontexcisées. Cette spécialiste des relations de genreajoute: «Il n’y a pas si longtemps que l’excision estremise en question dans la population. Peu à peu,on commence à la considérer comme une horribleagression, qu’il s’agit de combattre. Pour beaucoup,les mutilations génitales féminines relevaient jus-qu’ici tout simplement de la tradition.» La luttecontre l’excision à l’échelle mondiale ne date pasd’hier, mais son histoire est jalonnée d’échecs. Dansles années 20, les missionnaires blancs avaient déjàdénoncé cette pratique et tenté de la combattre.Perçu par nombre d’Africaines et d’Africains com-me une tentative de pression coloniale, leur combata toutefois engendré de telles réactions qu’il a indi-rectement contribué à amplifier le phénomène. Ilen fut de même dans les années 60, lorsque lesféministes blanches ont fait valoir leur point de vued’Occidentales pour condamner une pratiquevisant à empêcher les femmes de choisir leur sexua-lité. «C’est seulement lorsque des femmes africainesont commencé à s’organiser et à nouer des contacts

à l’étranger que nous avons enregistré les premierssuccès dans la lutte contre l’excision», expliqueMme Sanogo. L’expérience malienne montre bienque seules des initiatives locales, menées avec lespersonnes concernées, débouchent sur des résultatsprobants.

Pas de solution sans les hommesSelon l’Organisation mondiale de la santé (OMS),la planète compte environ 130 millions de femmesexcisées. Chaque année, 2 millions de jeunes fillesviennent grossir ce nombre. L’ablation du clitoris,et celle des petites lèvres selon les coutumes, estsurtout pratiquée en Afrique subsaharienne, maisaussi dans certaines minorités culturelles du Yémen,d’Indonésie et d’Inde.Les mutilations sexuelles peuvent avoir de terriblesconséquences physiques et psychologiques. Lescomplications vont de graves problèmes durantl’accouchement jusqu’à la mort, en passant par lastérilité et des douleurs lors des rapports sexuels(lire texte en marge, page 13).«L’excision est certes un problème propre auxfemmes. Cependant, nous ne pourrons pas le ré-soudre sans une transformation de la société, ce quisuppose également un changement de mentalitéchez les hommes», constate Rokia Sanogo, quitraite cette problématique depuis des années. C’est

Chaque jour, environ 6000 fillettes ou jeunes filles sont excisées. En Afrique, deplus en plus de femmes s’opposent à cette pratique ancestrale qui consiste àmutiler les organes génitaux féminins. Même si l’excision est un problème propreaux femmes, on ne le résoudra qu’à travers une transformation de la société.Cela suppose un changement de mentalité des hommes. De Maria Roselli.

Jamais avec ma fille

Interventions le plussouvent sans anesthésieLa notion de «mutilationgénitale féminine» (circon-cision des femmes)recouvre toutes les inter-ventions incluant l’ablationpartielle ou totale desorganes génitaux externesde la femme. L’excision estpratiquée le plus souventsans anesthésie, au moyende couteaux, de morceauxde verre ou de lames derasoir. L’Organisation mon-diale de la santé (OMS) en distingue quatre types différents :• excision du prépuce,avec ou sans excision par-tielle ou totale du clitoris ;• excision du clitoris, avecexcision partielle ou totaledes petites lèvres externes;• excision du clitoris et des petites lèvres internes; l’orifice vaginal est ensuitesuturé pour ne laisser passer que les urines et le sang menstruel (infibu-lation) ;• diverses interventions denature mal définie dans lazone génitale et le périnée.

Taux d’excision dans les pays partenaires dela DDCÉrythrée 95%Mali 94%Sierra Leone 90%Soudan 89%Éthiopie 85%Burkina Faso 72%Tchad 60%Liberia 60%Bénin 50%Tanzanie 18%Nigeria 5%L’excision ne se pratiquepas au Mozambique, àMadagascar, au Rwanda,en Afrique du Sud et enAngola.

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pourquoi il faut non seulement travailler avec lesfemmes concernées, mais également rechercher lesdifférents moyens de toucher l’ensemble de la com-munauté.Les campagnes d’information doivent viser spécifi-quement les filles. Mais il importe de s’adresser aussià leurs mères, à leurs pères et à tout le village. Si unejeune fille refuse l’excision à titre individuel, ellerisque l’exclusion sociale. Pour amener les hommesà revoir leur manière de penser, des actions de sen-sibilisation et d’information doivent être menéesauprès des politiciens et des chefs religieux. La sen-sibilisation des femmes, en revanche, passe par lebiais de l’éducation à la santé.Rokia Sanogo travaille depuis plus d’une annéeavec un groupe de sages-femmes et d’exciseuses dela région de Kadiolo, dans le sud du Mali. Elle leurexplique les problèmes dont peuvent souffrir lesfemmes excisées au moment de l’accouchement etleur apprend à utiliser les méthodes traditionnellesafricaines pour soulager les parturientes. «Nousvoulons montrer aux exciseuses les conséquencesdésastreuses que peuvent avoir leurs interventionset les convaincre ainsi de choisir un autre métier»,explique Mme Sanogo. Cette approche n’est tou-tefois pas suffisante. En effet, tant que la demandeexistera, les exciseuses se sentiront confortées dans

leur rôle social et continueront de pratiquer desinterventions.

Les risques de l’illégalitéLa DDC lutte contre l’excision depuis le milieu desannées 90. Maya Tissafi, chargée des questions degenre, explique les raisons de cet engagement: «Lamutilation des organes sexuels féminins constitueune atteinte évidente aux droits humains, notam-ment le droit à l’intégrité physique et à l’autodé-termination. De plus, elle a de graves conséquencespour la santé.» Rokia Sanogo,qui collabore à un projet de la DDCdans la région de Kadiolo, constate déjà des chan-gements encourageants. Les informations relatives àla santé ont eu un effet dissuasif sur les mères. À sesyeux, il est cependant trop tôt pour que le Maliinterdise officiellement l’excision.Tant que le phé-nomène demeure aussi répandu, une interdictionne ferait que le repousser dans l’illégalité. Et lasituation deviendrait incontrôlable. «Nous voulonsd’abord faire évoluer les mentalités, susciter unchangement. La loi pourra se révéler utile par lasuite, lorsqu’elle correspondra à notre nouvelle réa-lité», conclut la Malienne avec pragmatisme. ■

(De l’allemand)

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De l’état de choc à lastérilitéL’âge auquel les filles sontsoumises à l’excision varied’un pays à l’autre. Au Mali,il arrive de plus en plussouvent que cette interven-tion soit effectuée sur desnourrissons avant leur qua-rantième jour. Mais généra-lement, elle se pratiqueentre la quatrième et ladouzième année. L’excisionentraîne très fréquemmentdes complications. À courtterme, celles-ci compren-nent: fortes douleurs, étatde choc, hémorragie, réten-tion urinaire et suppurationsdans la zone génitale.Hémorragie et infectionspeuvent être mortelles. À long terme, les séquellessont plus pernicieusesencore: kystes, abcès, pro-lifération de tissus cicatri-ciels, lésions de l’urètre,rapports sexuels extrême-ment douloureux, infectiondes voies urinaires, stérilitéet problèmes graves lors de l’accouchement.

Des actions de sensibilisation visent à changer le regard que la société porte sur l’excision. Elles se déroulentnotamment sous la forme de campagnes d’information comme en Gambie (page 12) ou de théâtres de rue commeau Soudan (ci-dessus).

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Un seul monde: Au Nord, certains droits desfemmes sont toujours bafoués, mais c’est au Sud qu’on rencontre les discriminationssexistes les plus profondes. Y a-t-il un lienentre pauvreté et inégalités?

Aster Zaoude: L’inégalité entre hommes et fem-mes est un phénomène commun au Nord et auSud. Aucun pays ne peut prétendre avoir atteintune égalité parfaite, bien que certains aient faitd’énormes progrès en termes de droits écono-miques, politiques et sociaux des femmes. La pau-vreté limite l’accès des femmes aux ressources, àl’éducation, à la santé et au pouvoir de décision. Lacombinaison des discriminations entre les sexes, lesclasses sociales et les races fait que les femmes sont

confrontées à plusieurs formes d’exclusion.C’est lecas en particulier dans les pays pauvres.

Dans quelle mesure les stratégies de luttecontre la pauvreté tiennent-elles compte dunombre disproportionné de femmes parmiles pauvres?La féminisation de la pauvreté est de plus en plusreconnue par la communauté internationale. Lesfemmes possèdent très peu de terres, de revenus etde connaissances. Elles sont très faiblement repré-sentées dans les parlements et instances de décision.Leurs choix sont limités. Les stratégies de luttecontre la pauvreté ont nettement évolué dans cedomaine. Mais il reste encore beaucoup à fairepour que la paupérisation des femmes soit docu-

Le droit international garantit l’égalité entre les sexes danstous les domaines. Mais les lois et coutumes nationales sontencore loin d’avoir intégré ce principe. Aster Zaoude, con-seillère principale sur le genre au Programme des NationsUnies pour le développement (PNUD), évoque la situation desfemmes, en particulier dans les pays du Sud. Entretien avecJane-Lise Schneeberger.

«Sans les femmes, le Sud ne s’en sortira pas»

Aster Zaoude, de natio-nalité éthiopienne, a étudiéle droit international à laSorbonne, à Paris. Dansson pays, elle a dirigé ladivision chargée des orga-nisations féminines auministère du développe-ment urbain. En 1982, laCommission des NationsUnies pour l’Afrique lui a confié la responsabilitéd’un programme de déve-loppement Sud-Sud. PuisAster Zaoude a été enga-gée par le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), à New York, pour gérer lesprogrammes de dévelop-pement dans les pays dela région soudano-sahé-lienne, affectés par la sé-cheresse. À partir de1985, elle a passé quinzeans au service du Fondsde développement desNations Unies pour lafemme (UNIFEM), occu-pant différentes fonctions,dont celle de directricedes programmes pourl’ouest, le centre et le nordde l’Afrique. De retour auPNUD en 2000, elle assu-me la fonction de conseil-lère principale sur lesquestions de genre.

Bangladesh

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mentée et intégrée dans les diagnostics de la pau-vreté. Il ne suffit pas de reconnaître que les femmessont les plus démunies, ni même d’admirer leuraptitude à trouver des solutions de survie. Il estnécessaire de développer des actions concrètes leurpermettant d’assurer pleinement leur potentiel.Sans la contribution des femmes à l’économie desurvie et, bien au-delà, à l’agriculture, à l’industrie,aux services et au secteur informel, les pays pauvresne sortiront pas de leur situation.

Les nombreux instruments de l’ONU sur lesdroits des femmes ont été approuvés par laquasi-totalité des pays. Or, de graves dispa-rités subsistent. À quoi tient ce décalage?La Convention sur l’élimination de toutes lesformes de discrimination à l’égard des femmes(CEDF) est le texte qui a enregistré le plus grandnombre de signatures. Les États-Unis et la Somaliefont partie de ceux qui n’y ont pas encore adhéré.D’autres instruments internationaux contiennentégalement des clauses visant un traitement égalentre les sexes.Aussi longtemps que l’adhésion despays membres ne s’est pas traduite par un alignementdes législations nationales sur tous les éléments dudroit international, l’entrée en vigueur de ces textesn’est toutefois pas acquise.De nombreux pays signa-taires ont émis des réserves et d’autres opèrent surla base de systèmes dont les plus traditionnels nerespectent pas le principe d’égalité. C’est le cas desdroits islamiques, qui favorisent les garçons enmatière d’héritage, ou des droits coutumiers qui neprévoient pas l’accès des femmes à la terre.

Un des Objectifs de développement pour lemillénaire (ODM) porte sur l’égalité entreles sexes, mais il se limite à l’éducation et àla représentation parlementaire. Qu’en est-ildes autres disparités? Il est évident que ces deux cibles spécifiques nedonneront pas à elles seules une vue complète dela situation des femmes dans le monde. Elles sont

importantes, mais largement insuffisantes, d’autantqu’elles dépendent étroitement d’autres conditionsqui marginalisent les femmes, comme la pauvreté.Une famille qui n’a pas les moyens d’éduquer tousses enfants choisira de garder les filles à la maisonpour les travaux ménagers. Par contre, il faut noterque les données concernant tous les autres ODMseront ventilées par sexe, ce qui permettra demettre en évidence les disparités. Les premiers rap-ports nationaux ont montré, par exemple, quemême si des progrès sont enregistrés dans la luttecontre le sida, les filles représentent une large majo-rité des nouvelles infections.

Les organismes de coopération qui soutien-nent une plus grande égalité sont souventaccusés de vouloir imposer des idées occiden-tales, contraires aux traditions locales. Quepensez-vous de ces critiques?Les traditions ont une grande valeur pour la cohé-sion sociale et chacun doit les respecter. Cepen-dant, certaines d’entre elles nuisent à l’être humain.C’est le cas de l’excision des filles, du mariage pré-coce, des violences conjugales ou de l’avortementdes fœtus féminins dans certaines sociétés asiatiques.L’Occident a ses propres valeurs qu’il ne convientpas d’imposer à d’autres sociétés. Mais les tradi-tions sont sujettes à changement et il est encoura-geant de voir que les femmes sont à l’avant-gardequand il s’agit de combattre des pratiques tradi-tionnelles néfastes à leur santé. Dans des pays for-tement islamisés comme le Sénégal, elles ont réussià convaincre les chefs religieux et traditionnels quel’islam n’a jamais exigé l’excision des filles, que lesfilles du prophète Mahomet n’ont elles-mêmes pasété excisées et que c’était une tradition à aban-donner. ■

Genre

Le rêve de 2015Réunis en septembre 2000 à New York pour le Sommet du Millénaire,les dirigeants des 189États membres desNations Unies ont établi un agenda ambitieuxvisant à améliorer le sortde l’humanité. Ils ontadopté huit Objectifs dedéveloppement pour lemillénaire (ODM), qui doivent être atteints d’ici2015:1) Réduire de moitié l’ex-trême pauvreté et la faim.2) Assurer l’éducation primaire pour tous. 3) Promouvoir l’égalité dessexes et l’autonomisationdes femmes.4) Réduire de deux tiers la mortalité infantile.5) Améliorer la santématernelle.6) Combattre le sida, le paludisme et d’autresmaladies.7) Assurer un environne-ment durable. 8) Mettre en place un partenariat mondial pour le développement.Chacun de ces ODM estassorti de cibles chiffréeset de plusieurs indicateursqui permettront de mesu-rer les progrès accomplis.Les niveaux enregistrés en1990 serviront de point de comparaison. www.un.org/milleniumgoals

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La capitale albanaise prend des airs de métropole etse pare d’une urbanité de bon aloi. Sa splendeurrécente rayonne bien au-delà des frontières natio-nales. L’écho en est parvenu jusqu’à Kofi Annan,secrétaire général des Nations Unies, qui a récem-ment décerné un prix à Edi Rama,maire de Tirana.Cet homme de 37 ans a effectivement accompli làquelque chose de remarquable.Mais reprenons dans l’ordre. À l’effondrement durégime communiste, il y a onze ans,Tirana devientun vaste bazar, dominé par un foisonnement confusde gros immeubles ostentatoires, de kiosques illégauxet de baraques à hot-dogs. Le parc de la ville res-semble à un terrain vague brunâtre. De mèche avecdes politiciens corrompus, des hommes d’affairesvéreux bâtissent tant et plus – sans permis de cons-truire, bien entendu. La rivière Lana, située en plein

Longtemps parent pauvre du Vieux Continent et incarnation dela brutale domination communiste, l’Albanie entend désormaisintégrer rapidement l’Europe. Les fronts politiques se sont assou-plis, la capitale Tirana s’épanouit, de nouveaux projets routiersdoivent catapulter le pays dans l’ère moderne. D’Enver Robelli*.

Un pays oublié lorgne vers l’Europe

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centre, menace de se transformer en fosse à purin.Plus de 100000 véhicules enregistrés dans la capita-le, pour la plupart des tas de ferraille importés del’Ouest, engendrent des embouteillages chaotiques.À cela s’ajoute l’exode rural: des centaines de mil-liers de personnes quittent les régions pauvres dunord et déferlent sur Tirana, dont la populationtriple au cours des années 90 pour dépasser les600000 habitants.Pas étonnant dans ces conditions qu’aux électionscommunales d’il y a deux ans, les politiciens inté-ressés par le poste de maire se comptaient sur lesdoigts d’une main. Edi Rama, sans appartenancepolitique, s’est porté candidat pour les socialistes aupouvoir. Et il a gagné contre le maire sortant, mem-bre du Parti démocratique, une formation conser-vatrice.M.Rama n’avait pas grand-chose à voir avec

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la politique, étant artiste peintre et sculpteur. Lenouveau maire a commencé par bouleverser l’ad-ministration municipale, il a engagé de jeunes diplô-més de l’Université de Tirana et s’est immédiate-ment mis au travail. Appliquant le mot d’ordre «rendre la ville aux citoyens», il a fait raser des lotissements entiers de bâtiments construits illégale-ment. Des salons de jeux, des snack-bars, des hôtels

bon marché, des bars ont été démolis, et les mon-ceaux d’ordures systématiquement évacués.Grâce à cette politique radicale, Edi Rama a gagnéla confiance des citoyens. Dans le cadre du projet «Clean & Green», les autorités ont fait disparaîtretoutes les baraques construites dans les parcs. Lesespaces verts s’harmonisent parfaitement avec lesministères du centre, colorés en jaune et en rougebordeaux. Et les façades des maisons qui bordent lavaste avenue menant à la ville portuaire de Durresont été repeintes dans des tons vifs. Souvent, la cou-leur est différente d’un étage à l’autre… Hundert-wasser à Tirana? «Non, c’est une idée du maire»,répond un jeune architecte des autorités municipales.

Les pyramides de la colèreIl y a six ans encore, l’Europe occidentale recevaitde l’Albanie de tout autres images, terrifiantes. Auprintemps 1997, l’écroulement de pyramides finan-cières frauduleuses a mené le pays au bord dugouffre. Cette crise a débouché sur de graves désor-dres, des dizaines de milliers de petits épargnantsréclamant leur argent au gouvernement. L’ordrepublic a volé en éclats, des dépôts militaires ont étépris d’assaut et des pillards ont emporté des tonnesde munitions, des explosifs ainsi que 700000 armes.Plus de 2000 personnes ont perdu la vie durant cesévénements qui s’apparentaient à une guerre civile.L’autocrate Sali Berisha, chef de l’État, a été con-traint de démissionner. Le pouvoir est passé à un

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L’objet de tous lesjoursL’huile d’olive«Les oliviers sont aussivieux que notre pays»,disent souvent lesAlbanais. Il paraît mêmeque Skanderbeg, hérosnational entouré de légen-des, aurait planté des oli-viers au Moyen Âge. Jadis,les jeunes époux devaientégalement planter un oli-vier avant que les autoritésn’enregistrent le mariage.Et au cours de la secondemoitié du 20e siècle, alorsque l’Albanie subissait lerégime stalinien d’EnverHoxha, les magasins nevendaient que de l’huiled’olive. La soupe aux hari-cots est très répanduedans les Balkans; dans saversion albanaise, on laremet brièvement sur lefeu avec quelques cuil-lerées d’huile d’olive avantde la servir. Cela lui donneun goût particulier et c’esttrès sain : des études ontmontré que les habitantsdu sud de l’Albanie, où setrouvent les grandes oli-veraies, ne connaissentpratiquement pas de pro-blèmes cardio-vasculaireset jouissent de la plusgrande longévité de tout lepourtour méditerranéen.

gouvernement de gauche, dominé par d’ancienscommunistes.Les années suivantes ont été marquéespar de violentes luttes pour le pouvoir, une tentativede putsch et des attentats contre les opposants poli-tiques. Puis sont venues, au printemps 1999, lesrépercussions de la guerre du Kosovo (plus d’undemi-million d’Albanais originaires de la provincedétruite ont trouvé refuge en Albanie). Le fier «paysdes Aigles» semblait incapable de décoller et nedonnait lieu qu’à des titres négatifs: misère généra-lisée, structures étatiques faibles ou quasi inexis-tantes, policiers, douaniers et fonctionnaires corrom-pus, prostitution, contrebande, criminalité. Selon desexperts albanais, un demi-million de personnes ontquitté le pays entre 1990 et 1998, ce qui est consi-dérable pour une population de 3,2 millions d’âmes.

Pressions européennes Après que l’Union européenne (UE) et les États-Unis eurent mis fin aux conflits sanglants de l’ex-Yougoslavie, la pression s’est également accentuéesur l’Albanie, afin qu’elle remplisse enfin les condi-tions liées à l’intégration européenne. L’année der-nière, Bruxelles a contraint Sali Berisha et le leadersocialiste Fatos Nano à un compromis historique.Les deux adversaires irréductibles de la politiquealbanaise ont enterré la hache de guerre et un can-didat indépendant,Alfred Moisiu, a été élu à la têtede l’État.L’UE a considéré cette élection comme un témoi-gnage de «maturité politique» de la part de l’Albanie.Sali Berisha a accepté la nomination de Fatos Nanoau poste de premier ministre. L’Albanie vit depuislors une période de trêve politique.Les deux anciensennemis se partagent le gâteau, ce qui n’est pas pré-cisément pour renforcer la démocratie. Mais cetteforme de stabilité politique a momentanément sesavantages.La corruption, plaie ancienne, n’est plus minimiséemais combattue, avec toutefois un succès limité.Desmesures énergiques ont été prises contre les réfugiésillégaux. Peu après son entrée en fonction, FatosNano a fait détruire plusieurs vedettes rapides aucours d’une opération très médiatisée. L’UE – sur-

tout l’Italie et la Grèce voisines – soutient les auto-rités albanaises dans leur lutte contre l’immigrationillégale en Italie, qui passe par le port de Vlora.

Nouvelles routesLe gouvernement lance de nouveaux projets deconstruction routière, afin que des autoroutes per-formantes relient ce petits pays balkanique auxrégions avoisinantes.Un de ces axes, appelé Corridor8, suit le tracé de la célèbre Via Egnatia, voie romai-ne destinée au trafic militaire et commercial. Il rac-cordera la ville portuaire bulgare de Varna au portalbanais de Durres, en passant par Sofia et Skopje(Macédoine). Les travaux ont déjà commencé. Lanouvelle artère pourrait stimuler l’économie alba-naise et améliorer les échanges avec la Grèce.Autre projet caressé par le gouvernement albanais:une autoroute allant de Durres à Pristina (Kosovo)via Kukes, ville-frontière au nord de l’Albanie. Legouvernement de Tirana a décidé de prélever unimpôt spécial pour financer cette voie rapide. LesAlbanais rejettent avec véhémence l’accusationémise par certains politiciens de Belgrade et deSkopje, selon lesquels ce projet serait le premier pasvers la réalisation d’une «Grande Albanie».L’UE vient de récompenser les modestes progrèsaccomplis par l’Albanie. Romano Prodi, présidentde la Commission européenne, s’est rendu fin jan-vier à Tirana pour signer avec le gouvernementalbanais une convention instituant des négociationsen vue d’un accord de stabilisation et d’association.À cette occasion, M. Prodi a tenu à rencontrer EdiRama, le maire de Tirana. En découvrant le centrerénové, l’illustre visiteur venu de Bruxelles s’estmontré visiblement charmé: «Tirana est devenumagnifique!», s’est-il exclamé. Pour Edi Rama,pareil éloge est une raison supplémentaire de bri-guer un nouveau mandat cet automne. ■

* Enver Robelli est journaliste à la rubrique étrangère du «TagesAnzeiger» et voyage régulièrement dans lesBalkans

(De l’allemand)

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(bf ) La Suisse réalise des projets en Albanie depuis1991, soit depuis le début de sa coopération avec despays de l’Est. L’Albanie est devenue un pays priori-taire de la DDC en 1995, en même temps que laBulgarie, la Roumanie et la Macédoine. Depuis1997, la DDC et le Secrétariat d’État à l’économie(seco) financent conjointement un bureau decoopération et d’aide humanitaire à Tirana.Celui-ciest doté d’un budget annuel d’environ 6 millions defrancs et son programme actuel comprend unevingtaine de projets, petits ou moyens, dans lesdomaines suivants:

Amélioration de la justice sociale: Ce volet seconcentre sur l’éducation des déshérités et sur desprojets de santé publique. Il comprend un program-me visant à l’intégration d’enfants et d’adolescentsmarginalisés, ainsi que la formation d’enseignantsspécialisés, de sages-femmes et d’infirmières.

Promotion des revenus et de l’emploi: Uneécole professionnelle forme des mécaniciens auto,des électroniciens d’entretien, des mécaniciens agri-coles, des électroniciens de réseau, etc. Des coursofferts à diverses professions ont pour but d’amélio-rer les chances de trouver un emploi. On encouraged’autre part la production et la commercialisation de

produits agricoles indigènes. Enfin, un système decrédit et d’épargne est mis en place dans le cadred’un projet de la Banque mondiale.

Bonne gestion des affaires publiques: La Suisseappuie notamment la création d’un Parlement desjeunes, la formation de professionnels des médias, lamodernisation des archives albanaises et la promotionde la recherche scientifique.

Prévention et résolution des conflits: Cesactivités, réalisées par l’Aide humanitaire, compren-nent un programme de déminage, la réintégrationdes réfugiés qui reviennent de Suisse, ainsi que larénovation et le financement de dispensaires et debâtiments scolaires.

L’engagement financier du seco est comparable àcelui de la DDC. Il vise à soutenir des activités dansles domaines suivants: électricité, approvisionnementen eau, promotion des petites et moyennes entrepri-ses (PME), aide à la balance des paiements, ainsi quedivers projets relevant du Pacte de stabilité.

Faits et chiffres

NomRépublique d’Albanie

CapitaleTirana, environ 600 000 habitants

Superficie28748 km2

Unité monétaireLek

Population3,4 millions d’habitants,dont : Albanais : 95%Grecs: 3%Macédoniens slaves et Sinti :groupes minoritaires

LanguesAlbanaisItalien, anglais et françaissont très répandus

ReligionMusulmans: 70% Chrétiens orthodoxes: 20%Catholiques: 10%

Principaux produits d’exportationTextiles, cuir et articles encuir, minerais

L’Albanie et la Suisse De la formation professionnelle au déminage

Albanie

Repères historiques

11e s. Première mention des habitants de Durres et des envi-

rons en tant que «Albanoi».

1389 Bataille du Champ des Merles contre le sultan Mourad

1er. Les Albanais sont dans le camp chrétien.

1501 Les Turcs conquièrent l’ensemble des territoires habités

par les Albanais. Au cours de la domination ottomane qui

dure plus de quatre siècles, beaucoup d’Albanais émigrent

vers d’autres pays méditerranéens (la Toscane, par exemple,

doit son nom au groupe ethnique des Tosques, originaires du

sud de l’Albanie).

1908-1912 Au Kosovo, premiers soulèvements contre les

Turcs, qui finissent par accorder l’autonomie aux Albanais.

1913 Les puissances européennes reconnaissent l’indépen-

dance de l’Albanie.

1914 Le prince Guillaume de Wied est désigné comme sou-

verain du pays, mais il quitte l’Albanie peu après le début de

la Première Guerre mondiale.

1914-1918 L’Albanie est occupée par la Grèce, l’Italie, la

Serbie, le Monténégro et l’Autriche.

1920 Un gouvernement est constitué au congrès de

Lushnja.Tirana devient la capitale et l’Albanie est admise au

sein de la Société des Nations.

1928 Le président Ahmed Zogu instaure un régime monar-

chique et se donne le titre de Zog 1er, roi des Albanais.

1941 Les Italiens créent une Grande Albanie qui englobe

tous les territoires habités par des Albanais, dont le Kosovo

(Kosova en albanais), la Macédoine occidentale et une par-

tie du nord de la Grèce.

1943 L’Italie capitule. Des troupes allemandes occupent

l’Albanie pour des raisons exclusivement stratégiques.

1946 Enver Hoxha, staliniste convaincu, proclame la

République populaire d’Albanie.

1967 Plus de 2000 églises et mosquées sont fermées dans le

premier État athée du monde.

1978 Après un différend avec la Chine, sa dernière alliée,

l’Albanie se trouve entièrement isolée du reste du monde.

1985 Enver Hoxha meurt. Ramiz Alia lui succède.

1991 L’anarchie règne en Albanie. Le système multipartite

est autorisé et les prisonniers politiques sont libérés.

1992 Le Parti démocratique remporte les élections. Sali

Berisha devient président.

1997 La faillite des sociétés d’épargne en forme de pyrami-

de provoque un scandale financier. Des victimes descendent

dans la rue, exigeant la démission du président Berisha. Les

troubles plongent le pays dans une situation de quasi-guerre

civile. L’armée se dissout.

2001 Le Parti socialiste au pouvoir remporte les élections

législatives contre le Parti démocratique.

2002 Le candidat de l’opposition Alfred Moisiu est élu à la

présidence. Fatos Nano devient premier ministre.

Italie

MerAdriatique

SerbieCroatie

Bosnie-Herzégovine

Monténégro

Grèce

Tirana Macédoine

Albanie

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Un seul monde No 2 / Juin 200320

Gentille, aimable, secourable et maternelle…

Albanie

L’Albanie est confrontée à d’énormes problèmessociaux, qui comprennent la pauvreté, le chômage,la violence domestique, mais aussi la traite des fem-mes et des filles. Une des causes de cette situationréside dans l’inégalité entre les sexes, qui commen-ce peu après la conception: si une femme estenceinte, elle désire un fils. Par le passé, les femmesqui ne donnaient naissance qu’à des filles étaientméprisées ou punies, voire maltraitées, par les mem-bres de leur famille.Aujourd’hui encore, on entend des expressions tellesque «Ma femme m’a fait cadeau d’un garçon» ou«Ma femme a mis au monde un fils pour moi».Maintenant que l’on dispose des instruments néces-saires pour connaître le sexe de l’enfant avant sanaissance, les hommes des campagnes sont les pre-miers à vouloir y recourir. Et il arrive assez souventque la femme soit obligée d’avorter quand sonmari apprend qu’elle porte un fœtus de sexe fémi-nin. Il n’est d’ailleurs pas rare que les petites fillessoient négligées dans les maternités des hôpitauxalbanais, uniquement à cause de leur sexe.Cette discrimination se poursuit à l’intérieur desfamilles, où elle est malheureusement perpétuée engrande partie par les mères : celles-ci n’enseignentles tâches ménagères qu’à leurs filles, tandis qu’ellesencensent leurs fils et leur répètent qu’ils n’ont pasà accomplir des «travaux de femme».Les jeunes fillescomprennent très vite qu’elles n’ont guère devaleur sans mari. Cela ressort notamment des vœuxqui leur sont adressés: «J’espère que tu épouseras unhomme gentil qui te rendra heureuse» ou «Je te

souhaite d’avoir la chance d’épouser un hommebon».Les clichés et les attentes de la famille et de lasociété font bien sentir aux jeunes femmes qu’ellesdoivent se montrer gentilles, aimables, secourableset maternelles. Ces exigences influent bien enten-du largement sur la structure de leur personnalitéet sur leur tempérament, à tel point qu’elles accep-tent sans réagir la discrimination entre les sexes,voire les sévices sexuels. Il n’est pas rare d’entendreles femmes prononcer de telles phrases : «C’estmon destin, je ne peux pas le changer», «On m’amariée à cet homme, il peut faire de moi ce qu’ilveut» ou «Je ne supporterais pas d’être stigmatiséepar la société en tant que femme divorcée».L’idée que les jeunes filles appartiennent, dès leurnaissance, à leur père et, dès leur mariage, à leurépoux engendre une telle soumission que les fem-mes et les filles se plient à toutes les exigences desproxénètes. Cela même lorsqu’elles sont dégradéesau rang d’objets sexuels et victimes d’abus. Dansun livre consacré à la condition des femmes dansson pays, l’écrivaine albanaise Diana Culi écrit ensubstance ceci : «Ce qui figure dans le Kanun (droitcoutumier albanais), à savoir que les femmes sontégales aux bêtes de somme, est toujours valableaujourd’hui. En effet, la mentalité des souteneurs,ces animaux à visage humain, n’a pas évolué: ils nese contentent pas d’exploiter les femmes et les jeunesfilles, ils vont jusqu’à tuer leurs victimes lorsqu’ellestentent de s’enfuir.»L’émigration, un phénomène récent en Albanie, nefait qu’aggraver la situation. L’absence des hommesfacilite grandement la tâche des proxénètes albanais.Pour recruter leurs victimes, ils recourent à dif-férents stratagèmes: certaines femmes sont attiréespar des promesses de mariage ou la perspectived’emplois, d’autres sont emmenées de force, parfoismême enlevées.Aujourd’hui, un nombre croissant de femmes alba-naises veulent rompre avec les tabous et les mythesqui les ont empêchées pendant des siècles de jouirde leurs droits d’êtres humains. Des organisationsnon gouvernementales féministes ont largementcontribué à améliorer leur statut juridique et à ou-vrir le débat sur des thèmes tels que la promotionde l’égalité entre les sexes sur le plan économique, leplanning familial, la violence domestique, la traitedes femmes et des filles, etc. ■

(De l’anglais)

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Eglantina Gjermeni, 35 ans, est directrice duCentre des femmes deTirana et professeure à la Faculté des sciencessociales de l’Université deTirana. Après ses étudesaux États-Unis, elle estretournée dans son paysafin de combattre les iné-galités dont sont victimesles Albanaises. Elle a notamment travaillé dansun centre de consultationpour femmes et jeunes filles victimes d’abus. Elles’est spécialisée dans letraitement des traumatis-mes et dans les questionsd’égalité entre les sexes.Aujourd’hui, Mme Gjermenidonne des conférences etanime des séminaires surles questions de genre oud’autres thèmes liés au tra-vail social.

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Un seul monde No 2 / Juin 2003 21

«Si le navigateur ne sait pas vers quel port il se diri-ge, aucun vent ne lui sera favorable», aurait déclaréle philosophe Sénèque. Le succès d’Alinghi a lar-gement prouvé la justesse de sa pensée. Pour réussir,il faut avoir des objectifs.Au début des années 90,le Conseil fédéral en a fixé un pour le financementdu développement: le volume des dépenses publi-ques consacrées à la coopération devait passer à 0,4pour cent du produit national brut jusqu’en l’an2000. Cet objectif n’a pas été atteint. Les «ventspolitiques» n’étaient pas assez favorables.En novem-bre 2000, le gouvernement a réaffirmé cet objectifen repoussant le délai à 2010.Les vents actuels, qu’ilssoient politiques ou fiscaux, ne laissent pas présagerune arrivée au port en temps voulu. Le voyage, quiaura déjà duré 18 ans, risque bien d’être prolongéà nouveau, car la mauvaise conjoncture économiqueaura pour effet de réduire les recettes de laConfédération. Cette hypothèse devient de plusen plus réelle. Mais il importe de ne pas perdrel’objectif de vue. Pour faire un long voyage, il estnécessaire d’emporter suffisamment de provisions,mais aussi beaucoup d’espoir, voire de foi. De plus,la persévérance est vitale tant pour les voyageursque pour ceux qui attendent.Au sein de la communauté internationale, la Suisseest jugée à ses actions, non pas à ses promesses. Dufait qu’elle réalise presque la moitié de son revenunational à l’étranger, elle se trouve placée dans lavitrine mondiale.Dès lors, les autres pays observentcomment nous appliquons la solidarité que nousprônons et comment nous assumons nos respon-sabilités. Certes, les regards extérieurs, à eux seuls,ne sont guère blessants. Et si d’aucuns secouent latête en silence, on ne les entend pas depuis cheznous. Cependant, il est extrêmement pénible depenser au nombre de gens que nous pourrionssecourir si nous nous donnions les moyens d’at-teindre l’objectif fixé.De par le monde, 300 millions d’enfants ne man-gent pas à leur faim. Le Programme alimentairemondial de l’ONU assure l’alimentation de 15millions d’enfants scolarisés. Il suffit d’environ 30centimes par jour pour nourrir un enfant et luidonner ainsi les moyens d’accomplir son apprentis-sage scolaire. On sait que l’éducation et la formation

sont le meilleur investissement pour l’avenir desenfants. Nul ne pourra leur voler ce qu’ils portentdans leur tête et dans leur cœur. L’éducation, c’esten quelque sorte l’espoir de meilleures perspectivesd’avenir, une aide à l’autopromotion. Imaginons ceque chaque million de francs supplémentaire pour-rait changer dans ce seul domaine: l’alimentationde 10000 enfants de plus serait garantie pendant uneannée!Pour économiser, il faut renoncer à certaines dé-penses. Nous ne pouvons bien sûr pas dépenserplus que ce que nous avons, mais faisons-nousvraiment tout notre possible pour économiser làoù il le faut? D’autres ne nous poussent-ils pas àregarder notre propre image dans un miroir, afinque le cri sourd des plus démunis ne nous par-vienne plus? Mon travail m’amène à rencontrer denombreuses personnes vivant dans la pauvreté etdans la misère. C’est à chaque fois un coup aucœur. Je ne puis m’habituer à cette douleur etn’occulterai jamais le message qu’elle porte en elle.Il m’arrive souvent de serrer la main de pauvresgens : ils s’agrippent rarement, ils communiquentde la force et de la chaleur. Et une grande dignitése lit dans leurs yeux, malgré la faim. Nous ne pou-vons admettre que des peuples entiers soientréduits à la mendicité. Des millions d’êtres hu-mains réclament une chance de prendre leur destinen main.Cette demande doit être entendue.Certes,nous ne pouvons pas tous les aider, mais nousdevons utiliser toutes nos possibilités pour leurdonner cette chance. Il est sans doute plus faciled’économiser sur le dos des plus pauvres que dansd’autres secteurs. Mais est-ce juste? Ces gens peu-vent-il s’exprimer? Sont-ils en mesure de défendreleurs intérêts? Ne devrions-nous pas être plusattentifs à leur sort? Ils nous en seront reconnais-sants. L’espoir ne doit pas être leur seule et uniquechance. ■

Walter FustDirecteur de la DDC

(De l’allemand)

Ce long voyage jusqu’à0,4 pour cent

Opinion DDC

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Les prestations du LARCLe service de consultationjuridique propose ses servi-ces à des individus et à desgroupes de personnes. Il convie régulièrement lespaysans, les responsablespolitiques ou les avocats àdes séances d’informationqui portent sur des thèmesspécifiques, comme lesquestions de propriété, decoopération (notammentdans le domaine de l’utilisa-tion de l’eau) et la fiscalité.Son aide peut comprendrela préparation de docu-ments ou une médiation en cas de litige. Lorsqu’ilsassument une représenta-tion juridique, les avocatsdu LARC défendent lesintérêts de leurs clientsauprès d’autres citoyens,auprès d’institutions, etcela aussi bien devant lestribunaux qu’en dehors ducadre judiciaire.

Aravan, à trois quarts d’heure de route d’Osh, sesitue dans la partie kirghize du Ferghana, cette valléefertile au cœur de l’Asie centrale où se rejoignent leKirghizistan, l’Ouzbékistan et le Tadjikistan.Venuesdes «montagnes célestes», les eaux du fleuve SyrDaria alimentent un vaste réseau d’irrigation.Partoutoù celui-ci permet une agriculture intensive, la terreproduit du coton, des grenades, des abricots, du blé,etc. À la rue Karl-Marx, une vingtaine de paysansdes environs d’Aravan attendent leur tour dans leslocaux du LARC, le service de consultation juri-dique soutenu par la DDC et par l’agence desÉtats-Unis pour le développement international(USAID). Ils racontent leurs expériences.

Un demi-hectare enfin récupéréAtantaj Ajtijev, 70 ans, porte le chapeau de feutredes Kirghizes. Ce chef de famille évoque avec fiertéses neuf enfants et 21 petits-enfants. Au bénéficed’une modeste rente, il possède deux vaches, 50chèvres et 2,5 hectares de terres sur lesquelles ilcultive du blé, des tournesols et du maïs. Son bétailpeut paître dans des prés appartenant à l’État.Avantle bouleversement de 1996, M. Ajtijev travaillait

dans un grand kolkhoze nommé Congrès du parti.«Lors de la distribution des terres, ma famille n’apas reçu tout ce qui lui revenait. Pendant cinq ans,j’ai tenté de résoudre ce problème moi-même,réclamant mon dû auprès de tous les services offi-ciels. Je suis même allé trouver les fonctionnairesdans leurs bureaux.» Lassé de ces vaines démarches,il a fini par s’adresser au Service d’assistance juri-dique pour la population rurale, en abrégé LARC(Legal Assistance to Rural Citizens). JanargulIsakbaeva, avocate au LARC, a négocié avec le pay-san qui s’était approprié le terrain concerné et l’amenacé d’un procès. Atantaj Ajtijev a enfin purécupérer un demi-hectare de terre et son rival doitlui fournir des engrais en guise d’intérêts à titrerétroactif.Lamar Cravens, chef de ce projet dont la régie estconfiée à Helvetas, en explique la raison d’être: «LeLARC a pour objectif de fournir des informationset des conseils juridiques, il doit représenter lapopulation rurale à l’intérieur et à l’extérieur dusystème judiciaire.Certains paysans connaissent malles nouveaux droits issus de la privatisation etd’autres ne font pas confiance aux tribunaux.» À

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La réforme agraire de 1996 a institué la propriété foncière pri-vée au Kirghizistan, conférant de nouveaux droits aux paysansqui travaillaient jadis dans les kolkhozes. Pour que ces droitsn’existent pas uniquement sur le papier, un service de consul-tation juridique, soutenu par la DDC et l’USAID, propose sonaide à la population rurale. De Claudia Kock*.

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kirghizessentations juridiques, dont deux seulement devantun tribunal.Tadjibaj Djorojev, 64 ans, a neuf enfants et 28 petits-enfants. Jusqu’en 1996, il était conducteur de trac-teur dans le kolkhoze Lénine, où un millier defamilles cultivaient 500 hectares de coton.Aujour-d’hui, il reçoit une petite rente et possède un peude terres. Sa fille de 26 ans, divorcée et mère d’un

enfant, est revenue vivre chez lui il y a deux ans.En se séparant de son mari, elle avait été privée de la parcelle qui lui revenait, soit 0,08 hectare.M. Djorojev résume ce litige: «L’ex-mari restaitpropriétaire de l’ensemble du terrain. Mais ma fillene voulait ni lui donner ni lui vendre sa part. Ellevoulait récupérer cette terre pour la cultiver elle-même, car elle n’a pas de travail.» Là encore, l’in-tervention du LARC a suffi. Janargul Isakbaeva aétabli les droits de la femme et négocié avec l’ex-mari, qui a fini par rendre le terrain. «Un géo-mètre-arpenteur est venu faire des mesures, il adélimité le terrain, puis la parcelle de ma fille a étéinscrite au registre foncier. Maintenant, elle amême un document qui atteste son droit de pro-priété», se réjouit le père. ■

* Claudia Kock Marti est rédactrice au quotidien «Südostschweiz» et déléguée régionale de DialogueNord-Sud dans le canton de Glaris

(De l’allemand)

Réforme agraire et bonne gouvernanceSelon le chef de projetLamar Cravens, beaucoupd’erreurs ont été commi-ses lors de la privatisationdes terres au Kirghizistan.Certaines des parcellesattribuées n’ont aucun ac-cès à l’eau, des titres depropriété ont été distribuésà double ; dans d’autrescas, des gens sont restésles mains vides alors qu’ilsétaient parfaitement endroit de recevoir un lopinde terre. Jusqu’ici, les per-sonnes s’estimant léséespar la répartition consti-tuaient un cinquième de la clientèle du LARC. Maisle statut juridique desassociations de paysansoccupe une place crois-sante dans ses activités.Le LARC favorise la réfor-me agraire et la bonnegouvernance: il se définitcomme un projet qui fournit un appui juridiqueobjectif et de bonne qua-lité à la population rurale,tout en veillant à faireappliquer le droit demanière juste, cohérenteet impartiale par les res-ponsables et par les avocats.

l’époque de l’URSS, ceux-ci étaient réputés pourleur corruption. Il fallait payer pour obtenir justice.Le LARC s’est donné pour tâche d’aider les petitspaysans à faire respecter leurs droits de manièrepacifique.Doté d’un budget de 503000 dollars, le projet a étélancé en 2000. Aujourd’hui, il compte déjà 14 ser-vices de consultation juridique dans quatre pro-

vinces kirghizes et leur nombre devrait passer à 21.Contrairement aux États voisins, le Kirghizistan adécidé dès 1996 de privatiser les terres possédéespar les kolkhozes et les sovkhozes à l’époque sovié-tique. Depuis lors, 75 pour cent des terres ont étédistribuées à la population tandis que l’État en aconservé 25 pour cent en réserve.

Dépossédée par le divorceLe moratoire de cinq ans imposé à la vente destitres fonciers a expiré à la fin de 2001. Désormais,les terrains se négocient donc sur le marché libre.Et comme ils ne sont nulle part aussi rares et aussiprécieux que dans la vallée de Ferghana, densémentpeuplée, des luttes pour la terre et pour l’eau sontinévitables. Janargul Isakbaeva, qui travaille auLARC d’Aravan, remarque que 74 pour cent de laclientèle sont recommandés par d’anciens clientssatisfaits. «Les paysans sont heureux de disposerd’un service où leurs droits sont reconnus.» Lajuriste centre ses efforts sur trois groupes cibles:paysans, responsables politiques et avocats. Elle livreavec fierté le bilan de ses huit premiers mois d’ac-tivité : 500 clients, 400 consultations et 37 repré-

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(bf ) Lorsque Sangeeta Shrestha quitte la capitale,Katmandou, pour se rendre à son travail, elle pré-pare ses bagages pour plusieurs jours. La «clientèle»de cette politologue et travailleuse sociale de 41ans se trouve en effet là où vit la majeure partie dela population népalaise: dans les vallées de l’arrière-pays, qui ne sont souvent accessibles qu’à pied, pardes chemins empruntant de vertigineux ponts sus-pendus. Cette région connaît la croissance démo-graphique la plus rapide du Népal. C’est aussi làque la pauvreté est la plus répandue.Étant donné l’inexistence de voies de communica-tion dignes de ce nom, les habitants n’ont guèreaccès aux marchés, à la formation et aux centres desanté. Ils ne disposent pas d’infrastructures fiablesen matière de transport et de communication.Leurs possibilités d’emploi et de revenus sont trèslimitées. Cette situation entrave le développementéconomique et social.

Participation de la populationSangeeta Shrestha travaille pour le programmed’appui aux routes régionales (District Roads Sup-port Programme, DRSP), cofinancé par la DDC.Elle ne se rend pas sur place uniquement pour

intéresser la population locale à la construction deroutes, mais aussi pour l’inciter à participer direc-tement au projet et pour en présenter les bienfaitssociaux dans les communes. Selon elle, ces bienfaitsvont «de la création d’institutions locales à la pré-vention du sida, en passant par la promotion de l’é-galité entre hommes, femmes et enfants ou encorel’entretien des routes». Pour la DDC, il était d’em-blée extrêmement important que ce projet répondeen priorité aux besoins de la population locale.«Les moyens sont limités et doivent être investis làoù la population fait preuve d’un maximum d’ini-tiative», explique Werner Wirz, responsable de laDDC pour le secteur du transport au Népal.Engagée depuis des années dans le DRSP, SangeetaShrestha en perçoit déjà les premiers effets : «Outrele développement réjouissant des communes, desprogrès notables ont été enregistrés au niveau del’alphabétisation, surtout celle des filles. De plus, laposition des femmes dans la société s’est nettementaméliorée, essentiellement en raison de leur parti-cipation aux travaux de construction.» ■

(De l’allemand)

Quota de travailleusesLe programme népalaisDistrict Roads SupportProgramme (DRSP) a étélancé en 1997. Au coursd’une première étape, quia pris fin en été 2002, il apermis de construire 170km de routes régionales.La deuxième étape portesur 300 km et doit durerjusqu’en 2006. Elle bénéfi-cie d’un budget de 9,5millions de francs, dont2,3 millions sont pris encharge par le gouverne-ment népalais. Les travauxdoivent impérativementprendre en compte lescouches les plus démuniesde la population. D’autrepart, au moins 30 pourcent de la main-d’œuvredoit être féminine. Lesconditions d’engagementsont identiques pour leshommes et pour les femmes.

Atténuer les tensionssocialesLe passé récent du Népalest marqué par une grandeinstabilité politique et unactivisme croissant desrebelles maoïstes. Toutefois,ce contexte difficile nuitrelativement peu au dérou-lement du projet. Le pro-gramme de la DDC et surtout le DRSP devraientd’ailleurs contribuer àapaiser le conflit : les ten-sions sociales peuvent êtreatténuées par un travailactif mené à la base, ainsique par les possibilitésd’emplois et de revenusqu’engendre la construc-tion de nouvelles infra-structures.

Des routes pour l’avenir

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Le royaume du Népal, dans l’Himalaya, est le pays le plus pauvred’Asie du Sud. La majorité de la population vit isolée dans lesmontagnes de l’arrière-pays, où les voies de communicationsont rares. La DDC soutient la construction de routes qui per-mettront aux habitants d’accéder plus facilement aux marchés,à la formation, aux centres de santé, à l’emploi et aux revenus.

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Nouvelle cheffe du personnel(bf ) Depuis le 1er février, SybilleSuter Tejada dirige la division dupersonnel de la DDC. Elle estégalement devenue membre dela direction.Avant d’entrer en1991 au service juridique de laDDC, où elle a été collaboratricescientifique puis suppléante duchef de section, cette juriste avaittravaillé au service des recoursdu Département fédéral de justiceet police. Elle avait égalementoccupé un poste d’assistante auséminaire de droit public del’Université de Berne. Sa carrièreau sein de la DDC a conduitMme Suter, 45 ans et mère dedeux enfants, à passer quatre ansau bureau de coopération deLima, en tant que coordinatricesuppléante. De retour en Suisse,elle a été chargée de programmeet cheffe adjointe de la sectionAmérique latine. Il y a deux ans,elle a repris la direction du pro-jet visant à élaborer une nouvelle

stratégie du personnel pour laDDC, puis à la mettre en œuvre.Ce projet constitue d’ailleursl’une des priorités de la nouvellecheffe du personnel : « J’entendsappliquer les instruments de laplanification et du développe-ment stratégiques concernant le personnel, afin que les bonnespersonnes se trouvent au bonendroit et au bon moment.»

Une semaine d’août dédiée à l’eau( ll ) Depuis des années, la capitalesuédoise accueille en août laSemaine mondiale de l’eau.Organisée par l’Institut interna-tional de l’eau de Stockholm(SIWI), elle est fixée cette annéedu 10 au 16 août et aura pourthème la sécurité dans les bassinsversants, plus précisément l’équi-libre entre production, commer-ce et utilisation de l’eau. Diversateliers se pencheront sur desaspects spécifiques d’une gestion

durable de l’eau. La DDC parti-cipe régulièrement à la Semainemondiale de l’eau. Cette manifes-tation est l’occasion d’approfon-dir les connaissances dans cedomaine et de participer aux dé-bats sur des thèmes essentiels.D’autre part, elle permet de par-tager des expériences avec desspécialistes du monde entier.Pour plus de détails sur la Semainemondiale de l’eau: www.siwi.org

Partenaires réunis à Stockholm( ll ) Le Partenariat mondial pourl’eau (GWP) organise sa huitièmerencontre annuelle du 14 au 16août à Stockholm, dans le cadrede la Semaine mondiale de l’eau.Ce partenariat encouragel’échange de connaissances et lepartage d’expériences en ce quiconcerne la gestion intégrée desressources en eau (IWRM –Integrated Water RessourceManagement). Dès le début des

années 90, on a réalisé que lapénurie d’eau était imminente:la pollution chimique et organi-que diminue les réserves, tandisque la population mondiale necesse d’augmenter. L’approchefondée sur l’IWRM correspondà la stratégie de la DDC dans le domaine de l’eau. Les diverstypes d’utilisation de l’eau (pourla population, pour la productionvivrière, pour l’environnement et les écosystèmes) doivent êtreintégrés dans la planification et la réalisation de programmes etde projets. La DDC, qui compteparmi les membres fondateursdu GWP, soutient financièrementses activités et elle participera à la rencontre des partenaires.Pour des informations supplémentai-res : www.gwpforum.org

DDC interne

(abb) Depuis le début des années 90, on tend à utiliser le conceptde sécurité pour parler non seulement de la sécurité des Étatsmais aussi de celle des individus. C’est ainsi qu’est apparue lanotion de «sécurité humaine globale». Aujourd’hui, on en dis-tingue une interprétation étroite, limitée à la sécurité physique(freedom from fear), et une perception plus large, qui englobe ledéveloppement humain (freedom from want).Le secrétaire général de l’ONU Kofi Annan est l’un des principauxpromoteurs de cette nouvelle conception de la sécurité. Pour lui,vivre en sécurité, c’est «vivre dans un monde libéré de la peur, àl’abri du besoin et en harmonie avec les besoins des générationsfutures». Cette approche se fonde sur la dignité et le bien-êtrematériel, auxquels sont associés la longévité, la santé, l’applicationdu droit, l’absence de violence ainsi que l’accès à la formation etaux ressources.La lutte contre la pauvreté et l’atténuation de la misère, qui sontau centre des préoccupations de la coopération au développementet de l’aide humanitaire, représentent donc des tâches primordiales,car elles contribuent à accroître la sécurité des individus dans lespays partenaires de la coopération internationale. Willy Brandt,ancien chancelier allemand et prix Nobel de la Paix, ne s’était pastrompé sur ce point: «La politique de développement est la poli-tique de sécurité du 21e siècle.»

Au fait, qu’est-ce que la sécurité humaine globale?

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L’hôpital du Luxembourg se trouve dans le quartierHamdallaye, à l’est de la capitale Bamako. On l’at-teint par les habituelles ruelles cahotantes et pous-siéreuses. Le déplacement en taxi secoue encoreplus que d’habitude car la Renault 12, vieille detrente ans, vient de perdre le dessous de son tableaude bord et depuis, l’accélérateur ne réagit plus quepar intermittence… Le chauffeur reste décontractéet évite avec adresse groupes d’écoliers, moutonserrant en liberté, nids de poules et tas d’orduresencombrant le chemin.Passés le portail en fer et un gardien assoupi, on setrouve dans la cour, et déjà à moitié dans l’hôpital.Aucune porte, aucune odeur médicale. Juste au

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coin du mur peint en vert, un simple rideau noussépare de la salle d’opération.Assis sur un banc, troisfemmes et un homme en habits colorés attendentavec des visages soucieux. En face, un homme en-turbanné prie sur son tapis. Une vieille chaise rou-lante semble abandonnée dans le couloir.

Cours et consultations à distanceRien ne laisse supposer que l’on va trouver là lecœur technique du projet de télémédecine KeneyaBlown. On arrive pourtant dans une petite pièceclimatisée où clignotent, derrière des rideaux blancs,les lampes témoins d’un serveur high-tech. À côté,les yeux brillants du jeune médecin Cheik Oumar

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Le salut du Mali passe-t-il

Le Mali – un des pays les plus pauvres du monde – a beaucoupde retard à rattraper s’il veut profiter des technologies de l’in-formation, au même titre que les pays industrialisés. Mais ena-t-il vraiment besoin et pour quoi faire? Coup d’œil sur lefossé numérique. De Claudio Zemp*.

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sente comme des baguettes magiques contre lapauvreté. Les bénéfices réalisés sur la vente d’ap-pareils et de services prennent le chemin du Nord,remarque-t-elle. Le Mali est perdant sur toute laligne, il y laisse même une part de son identité etde son indépendance. Mme Traoré se montre trèssceptique à l’égard du Sommet mondial sur lasociété de l’information, organisé par l’ONU endécembre 2003 à Genève: «Avec le sida, l’analpha-bétisme et la faim qui sévissent dans notre pays, onpeut se demander si ce sommet est vraiment unepriorité.» D’autres signes du progrès, comme lavoiture, la radio ou l’électricité, n’ont pas eu besoind’une telle conférence pour se répandre.On va créerartificiellement une demande d’ordinateurs.

Le rêve de BenjaminBenjamin Poudiougo se moque bien de savoir d’oùvient ce besoin: ce qu’il désire par-dessus tout, c’estun téléphone mobile. Cet étudiant en droit gagnesa vie comme guide touristique dans son villagenatal de Sangha, en pays dogon. Sur la place, il y aune antenne et une cabine téléphonique. C’est leseul téléphone pour 52 villages et plus de 20000habitants. La grande majorité des Dogons s’enaccommodent très bien.Avec ou sans téléphone, ilsdoivent arroser tous les jours leur champ d’oignons,en transportant l’eau du puits jusqu’au champ. Etquand elles vont au marché, les femmes ont l’habi-tude de marcher trois heures sur des chemins cail-louteux et abrupts, une cruche de bière de mil sur la tête.Pour Benjamin Poudiougo et ses collègues, les cho-ses se présentent un peu autrement: pendant lesheures d’ouverture de la cabine (le gardien est ab-sent la nuit, à midi et le week-end), les guides font

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Bagayoko, qui présente ses appareils : une caméranumérique, une caméra documentaire et un ordi-nateur avec un écran plat, sur lequel apparaît la paged’accueil : www.keneya.org.ml. Ce site Internet estune salle de cours virtuelle, qui permet aussi defaire des consultations à distance. Ainsi, la petiteFanta de Bamako,qui est hydrocéphale, a pu se faireausculter par un neurochirurgien de Genève. Unefois par mois, les étudiants en médecine peuventsuivre un cours à distance, donné en alternance pardes experts de Genève et du Mali. Cet échangenumérique profite aussi aux étudiants suisses: celaleur donne l’occasion d’examiner des syndromesqui ont disparu de longue date dans leur région.«La télémédecine est la médecine des pauvres»,s’enthousiasme Cheik Oumar Bagayoko, coordina-teur exécutif suppléant. Pour lui, le but est d’ouvrirl’immense potentiel de ce dictionnaire virtuel de lasanté à tous les hôpitaux, dispensaires et pharmaciesdu Mali. Il suffit pour cela d’un raccordement àInternet. «Et les coûts de la santé diminueraient»,ajoute M. Bagayoko, qui travaille bénévolementcomme tous les collaborateurs impliqués dans ceprojet.

Des problèmes plus urgents«La télémédecine?» Le ton d’Aminata Traoré estmanifestement sarcastique. L’ancienne ministre dela culture du Mali me reçoit au Djenné, centre cul-turel et maison d’hôtes à Bamako. «Combien d’étu-diants en médecine n’ont ni bourse, ni manuels, niinstruments de travail? Combien de malades ontaccès à des soins élémentaires et aux médicamentsde base?» Les technologies de l’information sont l’un dessujets favoris de cette opposante énergique à lamondialisation. Internet pour tous? «Les Maliensont des problèmes bien plus urgents à affronter»,estime Aminata Traoré. Elle préfère envisager dessolutions simples, maîtrisables également par lamajorité de la population, non alphabétisée. Au-teure très sollicitée et souvent en voyage, elle appré-cie les avantages du courrier électronique et dutéléphone mobile, mais se rebiffe lorsqu’on les pré-

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la queue pour établir des contacts avec clients,agences de voyages et hôtels.Les habitants de Sanghasont eux-mêmes difficilement atteignables par télé-phone. En effet, il ne suffit pas que la communica-tion passe; encore faut-il que le correspondantdemandé se trouve dans les parages et que la lignesoit encore libre une fois qu’on l’a trouvé. Un télé-phone mobile faciliterait énormément la vie deBenjamin Poudiougo, quoiqu’il n’ait pas les moy-ens de s’en acheter un. D’ailleurs, tous les numérosdisponibles pour le Mali ont été attribués depuislongtemps. Beaucoup de gens attendent à Bamakodepuis des mois un second opérateur dont l’arrivéesur le marché est constamment reportée. La filialede France Télécom ne donne aucune informationet le bruit court qu’elle a des difficultés avec la miseen place de son réseau. Sa concession, obtenue auprix fort, l’oblige à couvrir les cinq principales villesdu Mali en l’espace d’une année.

Flirter sur Internet et piler le milMême Tombouctou, la cité du désert dans le nord

du Mali, autrefois inaccessible aux Européens, estreliée au réseau mondial depuis 2001. Le Télécentrecommunautaire polyvalent (TCP) se trouve sur laseule route goudronnée de la ville. Sur cet axe quirelie le port fluvial et l’aéroport, on voit davantagede chameaux et d’ânes lourdement chargés que devoitures. Juste en face de l’entrée du TCP, unefemme pile du mil dans son mortier, entre les mursnus d’une maison inachevée.Pour les touristes à Tombouctou, le TCP est unsimple cybercafé, comme il en existe déjà des dizai-nes à Bamako. Et peut-être une oasis de repos quiprotège contre les petits mendiants, l’insistance desvendeurs de bijoux et la chaleur du désert. Mais leTCP offre aussi des cours d’informatique aux au-tochtones et produit un petit magazine bimensuel encouleurs. Car les journaux n’arrivent guère jusqu’àTombouctou.Les jeunes Maliens qui peuvent se l’offrir ne secontentent pas d’utiliser Internet pour les affaires.Ils aiment aussi les sites de rencontres, commewww.amour.fr. Un plaisir onéreux: une heure desurf coûte 1000 francs CFA (environ 2,50 francssuisses). La majorité des Maliens vivent plusieursjours avec cette somme. C’est aussi le prix d’uneconsultation médicale au dispensaire local. ■

* Claudio Zemp, journaliste, a travaillé deux mois aujournal malien «L’Essor»

(De l’allemand)

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Le fossé numériqueL’accès aux nouvellestechnologies de l’informa-tion et de la communica-tion est très inégalementréparti entre nations in-dustrialisées et pays endéveloppement. Et lefossé n’a fait que se creuser davantage avecInternet. Environ 513 mil-lions de personnes (8,3%de la population mondiale)utilisaient la Toile en 2001.Les deux tiers d’entre ellesvivaient en Amérique duNord et en Europe occi-dentale, un quart enAustralie ainsi qu’en Asiede l’Est et du Sud-Est.Loin derrière, l’Amériquelatine et l’Afrique représen-taient respectivement5,2% et 1% des internau-tes. Par ailleurs, si l’onconsidère la proportion dela population qui disposed’un accès à Internet, elleest de 59,1% en Amérique du Nord, de 30,5% enEurope occidentale, de4,7% en Europe de l’Estet de 0,6% en Afrique.

Sites Internet intéressants www.keneya.org.mlle projet de télémédecineKeneya Blown au Mali

www.geneva2003.orgle Sommet mondial sur la société de l’information,en décembre 2003

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Il y a quelques mois, Rajnikant,un acteur très populaire dans le sud de l’Inde, a annoncé qu’ilverserait 10 millions de roupies(environ 285000 francs suisses) à un projet fluvial titanesque de6000 milliards de roupies (171milliards de francs), présenté au Parlement par le premierministre. Les applaudissementsque son geste a suscités mettenten lumière le populisme et lamyopie politique avec lesquelson entreprend la plupart desprojets de développement dansce pays.L’eau est très convoitée en Inde.Chaque année, des paysansdésespérés se suicident danstoutes les régions du pays. Desémeutes éclatent. À cause del’eau, des politiciens gagnent ou perdent des élections. Dans le sud de l’Inde, l’État du TamilNadu, patrie de Rajnikant, sedispute depuis trois décenniesavec l’État voisin victime desécheresse au sujet des eaux dufleuve Cauvery. Plus à l’ouest,les États du Madhya Pradesh et du Gujarat ont abouti à uneimpasse dans leur controverseconcernant les eaux du fleuveNarmada: des avantages pourl’un entraînent automatiquementdes désastres pour l’autre.Ces conflits tragiques ont unetelle portée que Shekhar Kapur,cinéaste de renommée interna-tionale, situe son prochain filmPani (eau en hindi) dans un

avenir apocalyptique où l’eau fait l’objet de guerres à grandeéchelle. Dans ce contexte, ontente de faire croire aux gensque le grand projet de réseaufluvial est un trait de génie quigarantira une distribution équi-table de l’eau parmi le milliardd’Indiens. En fait, c’est l’idée laplus profondément destructricequi ait été émise dans toute l’histoire du pays. Il s’agirait derelier dix fleuves entre eux par la construction de 40000 km de canaux à travers 25 États !Outre son coût astronomique et les querelles politiques qu’il va susciter, le projet mélangerales eaux glaciales de l’Himalayaavec celles des plaines de lapéninsule, il changera la géogra-phie du pays, bouleversera l’hydroécologie et inondera des terres cultivées. Ce désastreannoncé défie l’imagination.En Inde, le développementdemeure une notion étrange-ment vague. Dans un pays où des intérêts inconciliables secôtoient, son impact et sa signifi-cation varient à chaque kilo-mètre. Le Mahatma Gandhi – dont l’intuition concernant lefonctionnement de son pays étaitinfaillible – a été le premier àcomprendre que le développe-ment devait commencer par lebas, qu’il devait être local pourêtre efficace.Le hic, c’est que les planificateursofficiels indiens rejettent ce

raisonnement. Malgré la faillitedes grands barrages et des vastessystèmes de canaux, qui ont pro-voqué engorgement, salinisationet déplacements de population,ils continuent de privilégier desprojets pharaoniques.Heureusement, le véritable tra-vail se poursuit ailleurs. Il y adeux ans, Rajender Singh, unpionnier en matière de gestionde l’eau, a reçu le prix Mag-saysay. Utilisant des moyens traditionnels pour récolter l’eau(réservoirs, étangs, puits, arbres,etc.), M. Singh et sa petite équi-pe sont parvenus, en l’espace dequinze ans, à transformer 6500km2 de terres stériles et arides au Rajasthan en des champsdurablement verts et luxuriants.Et il y en a d’autres comme lui :au Madhya Pradesh, la militanteAnna Hazare a lancé un vastemouvement populaire fondé surla conservation de l’eau grâce à des méthodes traditionnelles.Aucune de ces initiatives nebénéficie de l’appui ou de l’ar-gent du gouvernement. Le véri-table défi que l’Inde doit doncrelever en matière de développe-ment est de faire un immenseeffort d’imagination, pour passerd’un projet national démesuré et irréaliste à des projets locaux,beaucoup plus petits, mais plusefficaces. ■

(De l’anglais)

Une idée profondément destructrice

Carte blanche

Shoma Chaudhury, 31 ans,vit à New Delhi. Elle est critique littéraire pour unmagazine indien diffusé surInternet. Auparavant, elle atourné des films documentai-res pour une chaîne de télévision et a travaillé commejournaliste, notamment pourOutlook et India Today, deuxdes journaux les plus réputésde l’Inde.

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J’existe, car tu existesSi certains sont persuadés que la culture n’influe guère sur le développementd’un pays, d’autres pensent au contraire qu’elle peut en être le moteur. Pre-nant l’exemple de l’Afrique, Anita Theorell* livre quelques réflexions sur uneinteraction fascinante.

«Lorsqu’un tronc meurt,les branches en font autant.»Selon ce vieux proverbed’Afrique subsaharienne, laprospérité des branches, desfeuilles et des fruits dépendde la communication entre le tronc, les racines et le solnourricier. Un arbre creux ne donne pas de fruits.Une culture riche et pluralis-te est à la base d’un dévelop-pement prospère. La cultureest le sol dont la société se nourrit et sur lequel ellefonde son système de valeurs,ses traditions et ses compor-

tements. Elle contient lesprincipes moraux et éthiquesde la communauté, elle inspirela conception que la société ade son propre avenir et déter-mine les moyens d’y parvenir.En tant qu’êtres humains,nous modelons notre culture,qui nous façonne à son touren nous imposant ses codes.L’art, la littérature, la musi-que, le cinéma et le théâtrenous sont nécessaires, car ilsstimulent notre imaginationet alimentent nos rêves.Cela vaut pour les habitantsdu monde entier, hommes

Estime de soi, identité etdignité sont des étapes im-portantes vers une culturefondée sur la tolérance et sur la compréhension.Au début des années 90,des rivalités ethniques menaçaient la stabilité de laTanzanie. Pour les conjurer,le Village Museum de Dar es-Salaam s’est mis à organi-ser des « Journées ethniques».Depuis, différents groupesethniques du pays (qui encompte plus de 120) vien-nent y présenter à tour derôle différents aspects de

ou femmes, de tous âges etde toutes classes sociales. Carseuls nos rêves peuvent deve-nir réalité. Le terme ubuntu,commun à plusieurs languesbantoues, recouvre la notionsuivante: « J’existe parce quetu existes» ou «Mon identitédépend de la tienne». Si notrepropre identité est floue, nousaurons de la peine à établirune relation avec autrui.Cela a des implications sur le règlement de conflits et lerespect des droits de l’homme,mais aussi sur les solutions aux problèmes quotidiens.

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leur culture (architecture,artisanat, nourriture, danse etmusique, médecine tradition-nelle, etc.).Tout en suscitantde la fierté, de la curiosité etbeaucoup de compréhension,ces journées ont égalementrapproché les gens des villeset de la campagne.

Culture et progrès socialDe courageux musiciens,acteurs ou auteurs ont sou-vent été le fer de lance desluttes pour la liberté et contrel’injustice sociale. Ces artistesparlent au nom de la majoritésilencieuse, ils dévoilent lesrouages du pouvoir, prouvantque des changements sontpossibles. Ils incitent à laréflexion et mettent le doigtsur l’injustice, l’inégalité et les problèmes quotidiens.C’est pour cela que les

puissants s’en méfient.Dans les pays en développe-ment, les troupes de théâtreengagées dans des processusparticipatifs se multiplient.Elles répondent à la réparti-tion inégale des services etdes richesses entre villes etcampagnes, à l’absence dedialogue entre le centre et la périphérie. Une pièce dethéâtre, une chanson ou unspectacle de danse permettenten effet d’évoquer des sujetstabous. L’objectif commun de ces troupes est de sortir les gens de leur indifférence,

de les placer face à des ques-tions cruciales, de trouver dessolutions ou des moyens pouropérer des changements. Lesdomaines abordés sont nom-breux: violence à l’égard desfemmes, délinquance juvénile,drogues, sida, menaces éco-logiques et justice.Le Market Theatre Lab, uneécole d’art dramatique deJohannesburg, a lancé un pro-gramme qui vise à présenterdes spectacles dans les town-ships, les camps de squatters,les hôpitaux et les écoles.Il s’agit de diffuser des infor-mations sur le plus granddanger pour l’Afrique duSud, le sida: son origine dansles abus sexuels d’enfants ausein de la famille, ses liensavec la prostitution des ado-lescents et finalement l’isole-ment, l’ostracisme imposé

par les amis.Dans quelques écoles secon-daires de Tanzanie, les fillesont fondé des clubs, appelésTuseme, pour tenter de chan-ger leur situation. Elles utili-sent la création – pièces dethéâtre, chansons ou œuvresd’art – pour communiquerleur point de vue sur diversproblèmes. De cette façon,elles sont parvenues à fairecesser le harcèlement sexuelpratiqué par des enseignantset des garçons plus âgés.Elles ont gagné le respect des professeurs et obtenu

une révision des programmesd’études. Le fait de s’êtreexprimées et d’avoir étéécoutées leur a fait prendreconfiance en elles. Et leursrésultats scolaires se sontaméliorés.

Culture et développementéconomiqueLa culture contribue souventà atténuer la pauvreté demanière indirecte, car enfavorisant la prise de cons-cience et l’émancipation, elledonne aux gens les moyensde modifier leurs conditionsde vie. Mais elle le fait aussidirectement, puisque la pro-duction de biens culturelsgénère des revenus. L’édition,la production de musique, defilms et de vidéos, le tourismeculturel, etc. représentent uncapital croissant dans nombre

de pays. Il faut renforcer lesinstitutions et les écoles quidéveloppement les capacitésprofessionnelles.Milohro est le nom d’ungroupe de jeunes danseursprofessionnels de Maputo,qui placent l’égalité et ladémocratie au centre de leurspréoccupations. Ils gagnentleur vie en se produisant dans de grands hôtels, prou-vant ainsi à la société et àleurs pairs que l’art peutengendrer un revenu. Mais ils tiennent surtout à utiliserla danse pour faire passer

des messages importants.Leur spectacle intitulé L’eau,une goutte de vie a été présenté dans tout le pays.Milohro recourt aux langueslocales pour parler des pro-blèmes locaux.L’École des arts visuels deMaputo propose un cours de dessin graphique d’unedurée de cinq ans. Cette formation est suivie de troismois de stage et de trois moisde préparation aux examens.Tous les étudiants trouventun emploi immédiatementaprès avoir obtenu leur diplôme et les entrepriseslocales réclament davantaged’étudiants. L’école va com-pléter son offre par desmodules sur la conception et l’animation de sitesInternet. ■

* Anita Theorell vit à Stockholmet travaille comme consultante sur la place de la culture dans le développement, tant au niveaupolitique que pratique. Elle estspécialisée sur l’Afrique, un con-tinent qu’elle a beaucoup visitépendant les années où elle diri-geait le service Culture et Médiasde l’agence suédoise de coopéra-tion au développement (SIDA).

(De l’anglais)

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L’Afrique sur les bords du Léman

Cet été, les visiteurs du Paléo Festival découvriront la vie d’un quartier typique-ment africain, mis sur pied en collaboration avec la DDC. Divers stands, desconteurs et des nuits afro-disco animeront cette nouvelle place. De Beni Güntert*.

Chaque quartier de n’importequelle ville africaine a sonpropre centre. À l’heurefraîche du matin, de petitsgroupes d’enfants en unifor-me prennent le chemin del’école. D’autres enfants, queles parents n’ont pas les moyens d’envoyer en classe,mènent paître le petit bétailde maman, souvent à traversla cohue du trafic urbain.Dès neuf heures, le centre setransforme en cantine, où les

habitants viennent prendreleur premier vrai repas:petits gâteaux de fèves fritsavec de l’igname, bananesrôties avec des cacahuètes,bouillie de maïs ou de milavec une sauce piquante à l’huile de palme, patates douces et cuisses de poulet.Tant d’odeurs qui ouvrentsolidement l’appétit. Puis les stands s’animent progres-sivement.Textiles, ustensiles,riz, oignons, bibles, cassettesou carottes: on peut toutacheter et tout marchander.Dans la touffeur de l’après-

midi, beaucoup se reposent en prenant un verre, tandisque de jeunes beautés passentnonchalamment. L’heure depointe, en fin de journée, estle moment privilégié despetits marchands ambulantsqui vendent des rafraîchisse-ments aux pendulaires prisdans l’embouteillage. Quandla nuit tombe, la musique desbistrots, des artistes de rue et des discothèques couvre le bruit du trafic. En général,

le silence est de courte durée.C’est cette ambiance urbainequi sera bientôt recréée àNyon (mais sans le trafic!).En collaboration avec laDDC, le Paléo Festival pro-pose cette année un nouveauquartier appelé «Village dumonde», qui sera largementouvert sur l’Afrique. Du 22au 27 juillet, la nouvelle placesera parsemée de stands diverset animée par des spectaclesafricains.Au Carrefour de lacoopération, la DDC accueil-lera le public sous une tenteoù l’on dira des contes pen-

dant la journée, et qui setransformera le soir en templede l’afro-disco. Juste à côté,sous la tente du Dôme, onentendra les concerts donnéspar des groupes célèbres etjeunes venus d’Afrique, dontle légendaire Bembeya Jazz de Guinée, le DuOud ma-ghrébin, Daara J du Sénégal ou Mabulu du Mozambique.Les amateurs ont donc encoreplus de bonnes raisons qued’habitude de venir au Paléo.

Et, bien qu’il y ait chaquejour 30000 places disponibles,ils ont intérêt à prendre leursbillets sans tarder (renseigne-ments et réservations:www.paleo.ch). ■

* Beni Güntert, collaborateur dela DDC, est chargé de promou-voir les cultures du Sud en Suisse

(De l’allemand)

Un autre regard sur le SudPour la DDC, le partena-riat avec le Paléo Festivalreprésente une partie desa mission. Elle entend eneffet garantir à l’art et aucinéma du Sud une placeéquitable en Suisse, afinde façonner un autreregard sur la culture despays en développement.Dans la même perspec-tive, la DDC travaille éga-lement depuis plusieursannées en partenariat avecle festival Afro-Pfingsten, à

Winterthour. Cette année,la manifestation se déroule du 26 mai au 11 juin. Lecélèbre marché haut encouleurs du centre-ville etle programme de concertsafricains dans les hallesSulzer sont complétés parun volet «Urban AfricaNow» particulièrementdestiné à un public jeune,qui se tient du 3 au 10juin. Un moyen simple de se procurer des billetspour cette Pentecôte particulière : www.afro-pfingsten.ch

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Archives photographiques(bf ) La Mission de Bâle possèdeune collection unique en songenre de 50 000 photos réaliséesentre 1860 et 1945. La plupartont été prises dans les régions oùla mission était active à l’époque:Ghana,Togo, Cameroun, Indeméridionale, Bornéo, Chineméridionale.Afin que ces origi-naux fragiles ne restent pas untrésor réservé à quelques spécia-listes – et grâce au soutien de laFondation Christoph Merian –,ils ont été microfilmés, invento-riés, décrits avec soin et rendusaccessibles sur Internet. La basede données se trouve à l’adressewww.bmpix.org. On y découvredes photos remarquablementnettes, accompagnées pour cer-taines de descriptions détaillées,qui constituent un bien culturelmondial, désormais à la libre disposition de tout un chacun.Une aubaine pour celles et ceuxqui souhaitent se laisser empor-ter vers des époques et des terreslointaines.www.bmpix.org

Développement durable à l’université(bf ) Quels sont les principesfondamentaux du développementdurable? Comment les appliqueret quels doivent être les critèresd’un tel développement? En col-laboration avec des institutionspartenaires, le Centre interfacul-taire d’écologie générale (IKAÖ)et le Centre pour le développe-ment et l’environnement (CDE)de l’Université de Berne offrentun programme de formationcontinue visant à approfondircette problématique et les ques-tions qui s’y rapportent. Cescours (en allemand et en anglais)se réfèrent aux derniers acquisde la recherche scientifique ets’adressent à des professionnelsau bénéfice d’une formationdans le secteur tertiaire.Milieux concernés : administra-tion, politique, associations

professionnelles, organisations decoopération, bureaux d’études,organismes de protection del’environnement, enseignantsd’écoles secondaires et profes-sionnelles.Renseignements et inscriptions :IKAÖ, Université de Berne,tél. 031 631 39 51,www.ikaoe.unibe.ch/weiterbildung

Une mine d’informationspour les écoles(gnt) Le site Internet de la DDCoffre désormais une riche palettede services destinés aux ensei-gnants, aux étudiants et aux éco-liers. À l’adresse www.ddc.admin.ch/ecole, il met à leurdisposition des documents, desliens intéressants, des informa-tions diverses et les adresses d’or-ganismes suisses spécialisés. Cetaccès à des ressources éducativesconcernant la politique de déve-loppement vient combler unelacune dans l’espace virtuel.Entièrement restructuré l’auto-mne dernier, le site de la DDCest également enrichi et mis àjour en permanence dans d’autresdomaines.Vous trouverez àchaque visite de nouveauxaspects des activités menées par laSuisse en matière de coopérationau développement, d’aide huma-nitaire et de coopération avec lespays de l’Est.www.ddc.admin.ch/ecole

Chansons transorientales(er) La Marocaine Sapho estpeintre, romancière, mais surtoutchanteuse, poétesse et composi-trice. Et la musique de cetteJuive séfarade, qui vit aujour-d’hui entre Paris et Marrakech,

reste reconnaissable entre toutes.Elle survole les styles conven-tionnels, elle efface les frontièresentre Orient et Occident, entretradition et modernité. Son dernier disque Orients, conçu à Bagdad, Nazareth et Paris,continue sur cette lancée: exer-cice d’équilibre tout en finesseentre acoustique et électronique,il associe la virtuosité harmo-nieuse et orientale de musiciensjuifs, musulmans et chrétiens – l’Orchestre de Nazareth – aux pulsions entraînantes dues à la composante occidentale du groupe. Plages sonores fasci-nantes et rythmes denses semarient avec bonheur. Il enémane une tristesse infinie mê-lée de feu flamenco, de libertérock, d’attaques rap, de soulR’n’B et de douceur reggae.Sapho: «Orients» (Indépendancerecords - Virgin/Disques Office)

Mélodies des îles(er) La magie lumineuse de l’île,dans son écrin liquide, stimuledepuis la nuit des temps l’imagi-nation et la créativité humaines.Elle vient également d’inspirerles responsables du label Net-work. Leur anthologie est unnavire en forme de double CDqui conduit notre spleen sur 23îles du vaste monde. On yentend en tout 34 morceauxchantés : ballades voluptueuses dupourtour de l’Afrique, musiquedes paysans latino-américains,âcreté du son montuno, chantsafros lancinants et zouk desCaraïbes, mélodies enchante-resses et groove sambasunda desîles indonésiennes, harmoniesenvoûtantes et paysages sonoresde plusieurs îles des mers duSud. Sans oublier l’Europe, avecla poésie des bardes crétois, lespolyphonies sardes et corses, ouencore l’ardeur des violons irlan-dais sur fond de cornemuse.C’est avec un blues aux réso-nances africaines, venu de l’ar-chipel des Hébrides près de

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l’Écosse, que s’achève ce périplesonore auquel invitent des starstelles que Régis Gizavo,Simentera,Altan et le SeptetoNacional, entourés de nouveauxvenus que les amateurs de worldmusic auront plaisir à découvrir.«Entre mer et ciel – Island Blues»(Network/Musikvertrieb)

Déclarations transnationales(er) Cela commence par desaccords subtilement planants d’ac-cordéon balkanique, auxquels sejoint une clarinette langoureuseaux accents de musique klezmer.La pulsion vitale s’installe tandisque la «Family Lela Dé Permet»trouve ses marques. Les membresde cette dynastie musicale, légen-daire en Albanie, sont complétéspar un percussionniste marocainet un trio de jazz allemand.Enfin, une douce voix féminineet sensuelle achève d’envoûterl’auditeur : elle appartient à EdaZari, 32 ans, chanteuse d’opéraconfirmée, parolière et composi-trice qui se réclame sans ambi-guïté de l’esthétique propre à la culture musicale séculaire del’Albanie. Cette profession de foi se reflète dans le titre de sondeuxième album, Statement(déclaration). D’ailleurs, ce re-cours à l’anglais convient bien àla fonction officielle d’Eda Zari,qui porte le titre d’ambassadriceculturelle de l’Albanie. Mais sesdéclarations, elle les fait dans salangue nationale aux sons étran-ges et mélodieux.Eda Zari : «Statement» (Intuition/Phonag)

Un bout de terre sur le fleuve(dg) Au milieu du fleuve Tetulia,au Bangladesh, l’accumulationd’alluvions a formé des îles, ap-pelées chars. Des paysannes sansterres ont occupé 22 de ces chars,où elles vivent aujourd’hui avecleurs familles dans des conditionstrès modestes. Elles se sontorganisées au sein du mouve-ment Kisani Sabha.Tel est égale-

ment le titre d’un film qui nousfait découvrir avec poésie et sen-sibilité ces femmes pleines d’hu-mour et d’assurance, de mêmeque leur pays. Les habitantes deschars parlent avec aisance, ouver-ture et clarté de leur vie quoti-dienne, des problèmes particu-liers rencontrés par les femmespauvres au Bangladesh. Ellesévoquent le combat qu’elles ontmené avec succès pour obtenirun morceau de terre.Ulrike Schaz: «Kisani Sabha»,Allemagne 2001, documentaire,60 minutes (version courte),VObengalie, sous-titrée en français, dès16 ans. Distribution/vente :Éducation et Développement,tél. 021 612 00 81,[email protected];Cinédia, tél. 026 426 34 30,[email protected]. Informations:Films pour un seul monde,tél. 031 398 20 88,www.filmeeinewelt.ch

Sens unique vers la mondialisation(bf ) Longue de 1300 kilomètres,la Karakorum Highway (KKH)relie Islamabad à Kachgar, enChine, en passant par le col deKhunjerab qui culmine à plus de 5000 mètres. La constructionde cette route a permis dedécloisonner toute une régionmontagneuse jusque-là très iso-lée, en la reliant directement à la plaine. Dans un documentaireriche à la fois d’informations et de thèmes de réflexion,Gabriela Neuhaus et AngeloScudeletti montrent les boule-versements économiques etsociaux que la KKH a engendréspour les populations des terri-toires qu’elle traverse.

Cette artère vitale a ouvert denouvelles possibilités : arrivée de touristes et de farine bonmarché, cybercafés ou idéescommerciales. Mais elle a aussicréé de nouvelles dépendances.Le principe de l’autarcie a prati-quement disparu, les autochtonessont tributaires des produits ali-mentaires en provenance de laplaine. Pas moyen cependant defaire marche arrière, car la routevers la mondialisation est à sensunique. Ce film raconte avecsensibilité comment les riverainss’accommodent de cette situa-tion, il dévoile les espoirs et lescraintes que suscite la KKH.«Die Karakorum-Strasse : Highwayins 21. Jahrhundert», en allemand et en anglais, peut être obtenu aumoyen du coupon ci-joint

Un investissement pourl’avenir(vuc) La coopération basée sur lepartenariat avec les pays du Sudet de l’Est crée le cadre indis-pensable d’un développementdurable ; elle est un investisse-ment pour l’avenir. La DDC s’yemploie. Une brochure intituléeDDC – Partenariats pour l’avenirdécrit les activités et les principesde la DDC. Elle explique pour-quoi l’engagement de la Suisseest plus sollicité que jamais.On peut la commander auprès de :DDC, Médias et communication,tél. 031 322 44 12,[email protected], ou au moyendu bulletin de commande ci-joint.La brochure existe en versionfrançaise, allemande, italienne,anglaise et espagnole.

Destins d’enfants(bf ) L’écrivain ivoirienAhmadou Kourouma, né en1927, est devenu dès son premierroman Les Soleils des indépen-dances (1968) une des grandesvoix de la littérature africaine.Son dernier ouvrage, Allah n’estpas obligé, raconte la vie d’en-fants-soldats en Afrique. Selon

les estimations de l’Unicef, undemi-million de mineurs sontaujourd’hui utilisés par des forcesmilitaires surtout en Afrique,mais également en Asie et enAmérique latine.AhmadouKourouma, qui s’est toujoursconsidéré comme un écrivainpolitiquement engagé, a eu de nombreux entretiens avec des enfants-soldats africains –souvent à l’aide d’interprètes etde psychologues – pour com-prendre leur monde. À traversleurs mots, il décrit de manièreimpressionnante et sans détoursces destins sacrifiés.Ahmadou Kourouma: «Allah n’estpas obligé», Seuil, Paris, 2000

Le pouvoir par l’or bleu(bf ) L’eau devient toujours plusun instrument de pouvoir. Dansun ouvrage intitulé La Guerre del’eau, la physicienne et écologisteindienne Vandana Shiva examineles causes et les conséquences dela raréfaction de l’or bleu. Elleaborde cette problématique sousdes angles très divers, comme lapropriété de l’eau, les change-ments climatiques et les catas-trophes écologiques, ou encoreles liens avec la religion,à l’exemple du Gange, fleuvesacré. La question du pouvoirdonné par l’eau est illustrée parla construction de barrages et les déplacements de populations.Ce livre éclaire le rôle joué parla Banque mondiale et l’OMCdans le domaine de l’eau. L’au-teure expose cette vision d’ave-nir : transformer la rareté en richesse grâce à une politique de l’eau axée sur la durée.Vandana Shiva: «La Guerre del’eau», Éditions Parangon, Lyon, 2003

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Page 35: Un seul monde 2/2003...Victoire de la «Belle de Guinée» (jls) En Guinée,la production de pommes de terre s’est longtemps heurtée à la concurrence de tubercules européens,surtout

Un seul monde No 2 / Juin 2003 35

Service

MigrationLa Suisse et le monde, revuepubliée par le Départementfédéral des affaires étrangères(DFAE), présente des thèmesactuels de la politique extérieurede la Suisse. Elle paraît quatre fois par an, en trois langues(français, allemand et italien).Le dossier du n° 3, qui serapublié fin juin, aborde le thèmede la migration. Qui sont lesmigrants? Pourquoi prennent-ilsle chemin de l’exil ? À qui profite la migration? Quels pro-blèmes ce phénomène pose-t-il ?Quelles solutions peuvent êtreenvisagées? Dans son derniernuméro paru en avril, La Suisseet le monde a fait une large placeau thème de la société civile.Souscription gratuite d’un abonne-ment : «La Suisse et le monde»,c/o Schaer Thun AG, Industriestr. 12,3661 Uetendorf ou [email protected]

Abondance de pierres(bf ) La légende veut que Dieu,au moment de répartir les terresentre les peuples, ait oublié lesArméniens. Quand ceux-ci sesont plaints, l’Éternel a secouéavec regret le sac qui avait conte-nu de la bonne terre. Et il n’en est tombé que des cailloux, quisont devenus la patrie aride des Arméniens. Ils l’appellent Hayastan, un mot qui rime avec Karastan: le pays des pierres.Cette abondance de cailloux estune malédiction pour les paysanset une bénédiction pour les tra-vailleurs du bâtiment. Dans unlivre intitulé Armenien – Stein um

Stein, l’historienne et sociologueallemande Tessa Hofmann racontele passé et le présent de ce petitpays au cœur d’une région demontagnes. L’ouvrage est illustrépar le photographe AndreasWolfensberger.Tessa Hofmann et AndreasWolfensberger: «Armenien – Steinum Stein», en allemand seulement,Édition Temmen, Brême

Genre et mondialisation ( jls ) La libéralisation de l’éco-nomie mondiale transforme les rapports sociaux de genre.Les effets qu’elle produit sont-ilspositifs ou négatifs pour lesfemmes des pays en développe-ment? Cette question a été largement débattue lors d’uncolloque international organiséen janvier 2002 à Genève parl’Institut universitaire d’études du développement (iuéd). Lesdébats ont montré que la réponsedevait être nuancée. Selon lessituations et les époques, certainesfemmes sont victimes de la mon-dialisation et d’autres en profi-tent. L’iuéd a publié, avec le soutien de la DDC, un ouvrage

qui regroupe les interventionsdes conférenciers dans leur lan-gue originale. D’autre part, lesréflexions de ce colloque ont ali-menté un nouveau numéro de lacollection francophone «Cahiersgenre et développement».«Économie mondialisée et identitésde genre», textes réunis par FennekeReysoo. Disponible gratuitementau Service des publications de l’iuéd,tél. 022 906 59 50,fax 022 906 59 53,mail : [email protected] actes du colloque se trouventégalement sur Internet :www.unige.ch/iued/new/information/publications/pub_col_preiswerk.html «Genre, mondialisation et pauvreté»,dirigé par Christine Verschuur avecFenneke Reysoo, Cahiers genre etdéveloppement n° 3, L’Harmattan,Paris, 2002. Prix: 23 euros

Message en abrégé( jls) Le Conseil fédéral a ap-prouvé le 20 novembre 2002 unmessage sur « la continuation du financement des mesures depolitique économique et com-merciale au titre de la coopéra-tion au développement». Il pro-pose au Parlement l’ouvertured’un crédit de programme de970 millions de francs, qui per-mettra de souscrire à de nou-veaux engagements pendant unepériode de cinq ans au moins.Un abrégé du message a étépublié par le Secrétariat d’État à l’économie (seco), chargé demettre en œuvre ces mesures.La coopération économique etcommerciale représente 15 pour

cent de l’aide publique suisse au développement.L’abrégé est disponible en allemand,français et italien. Il peut être obtenugratuitement auprès du seco,Développement et transition,tél. 031 322 56 56,mail : [email protected]

Les échecs du néolibéralisme (bf ) Pourquoi la plupart des pays africains figurent-ils parmiles plus pauvres de la planète?Pourquoi l’Argentine est-elle en faillite? Pourquoi l’ouverturede la Chine est-elle une réussiteéconomique alors qu’un capita-lisme sauvage sévit en Russie? La mondialisation néolibérale estun échec parce que truffée derègles iniques et vecteur de dis-parités : telle est la réponse deJoseph Stiglitz, prix Nobeld’économie en 2001, ancienconseiller économique du prési-dent Clinton, puis économiste en chef de la Banque mondiale,actuellement professeur àl’Université Columbia de NewYork et virulent critique de lamondialisation néolibérale. Dansson ouvrage La grande désillusion,écrit dans un langage simple etclair, Joseph Stiglitz montre àtravers de nombreux exemplesvenus du monde entier que lesthéories en vogue sur la libérali-sation ne sont pas applicablesdans la pratique.Joseph Stiglitz : «La grande désillu-sion», Éditions Fayard, Paris, 2002

Impressum«Un seul monde» paraît quatre fois parannée, en français, en allemand et en italien.

Editeur :Direction du développement et de lacoopération (DDC) du Département fédéraldes affaires étrangères (DFAE)

Comité de rédaction :Harry Sivec (responsable) Catherine Vuffray (vuc) Barbara Affolter (abb)Joachim Ahrens (ahj) Fabrice Fretz (frf)

Sarah Grosjean (gjs)Barbara Hofmann (hba)Beat Felber (bf)

Collaboration rédactionnelle :Beat Felber (bf–production)Gabriela Neuhaus (gn) Maria Roselli (mr)Jane-Lise Schneeberger (jls) Ernst Rieben (er)

Graphisme : Laurent Cocchi, Lausanne

Photolitho : Mermod SA, Lausanne

Impression : Vogt-Schild / Habegger AG,Soleure

Reproduction :Les articles peuvent être reproduits, avecmention de la source, à condition que larédaction ait donné son accord. L’envoi d’unexemplaire à l’éditeur est souhaité.

Abonnements :Le magazine peut être obtenu gratuitementauprès de: DDC, Médias et communication,3003 Berne,Tél. 031322 44 12Fax 031324 13 48E-mail : [email protected]

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Imprimé sur papier blanchi sans chlore pourprotéger l’environnement

Tirage total : 59000

Couverture : Jörg Böthling / agenda

Page 36: Un seul monde 2/2003...Victoire de la «Belle de Guinée» (jls) En Guinée,la production de pommes de terre s’est longtemps heurtée à la concurrence de tubercules européens,surtout

Dans le prochain numéro:

Pleins feux sur la région du Mékong: la tran-sition délicate vers l’économie de marché auViêt-nam, au Laos et au Cambodge, la luttecontre la pauvreté, l’engagement de la Suisseet un regard vers l’avenir

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