un poeme latin contemporain sur...

12
UN POÈME LATIN CONTEMPORAIN SUR SALÂDIN Le manuscrit qui , porte aujourd'hui à la Bibliothèque natio- nale le n° 8960 du fonds latin contient l'Historia tripartita de Càssiodbro. Il a té exécuté à l'abbaye d'Epterùacli l)P l'ôrcfré de l'abbé Reginb&rt, ainsi qu'il fôsulté deWihèéription pli se lit en marge de la première page: Dbn2.nuRe9i?ï be r- tus; auctor Ubri Ilujus, et Volicerus scøiptoY vivant in eter- num.. Amen. Reginhert fut abbé d'Épternach peidfit trefite ans, sous les régnes d'Henri III et d'Henri IV, donc dans la seconde moitié du xi° siècle, comme nous l'apprend une liste des abbés d'Eptei'nach, écrite an verso du dernier feuillet en re- gard d'une liste des empereurs, et qui a été dressée sous l'abbé Godefroi, contemporain d'Henri VI (11914197). Le manuscrit était certainement à Epternach qunnd a été transcrit, sur le recto blanc du premier feuillet (le texte commence au verso),' d'une main contemporaine, c'est'à-dire de la fin du xIIe siècle, le poème, malheureusement inachevé, qui nous occupe. Ce poème a' été signalé, mais sans autre indication, dans l'Inven- taire sommaire des documents relatifs à l'histoire des croisades publié dans le tome Ii clos Archives de l'Orient latin.; je ne sache pas qu'il ait jusqu'à présent attiré l'atten- tion de personne'. Ii n'en existe nulle part d'autre copie, au moins d'après les recherches que jai faites et les réponses qu'ont' bien voulu donner & mes demandes les savants les plus conipéteits. 1. M. Léopolil:Delftlè dàhs son'hj vwire t'znnsc,-its 8823-11503 du fonds latin, remarque en - rnenl.iouinant notre manuscrit cc On y a ajoùté un poème sur salaclin. » Q$) F Document Il II Il Il Il III DhlIIll 11M 1111 0000005548088

Upload: others

Post on 31-Jan-2021

0 views

Category:

Documents


0 download

TRANSCRIPT

  • UN POÈME LATIN CONTEMPORAIN SUR SALÂDIN

    Le manuscrit qui , porte aujourd'hui à la Bibliothèque natio-nale le n° 8960 du fonds latin contient l'Historia tripartitade Càssiodbro. Il a té exécuté à l'abbaye d'Epterùacli l)Pl'ôrcfré de l'abbé Reginb&rt, ainsi qu'il fôsulté deWihèériptionpli se lit en marge de la première page: Dbn2.nuRe9i?ï be r-tus; auctor Ubri Ilujus, et Volicerus scøiptoY vivant in eter-num.. Amen. Reginhert fut abbé d'Épternach peidfit trefiteans, sous les régnes d'Henri III et d'Henri IV, donc dans laseconde moitié du xi° siècle, comme nous l'apprend une listedes abbés d'Eptei'nach, écrite an verso du dernier feuillet en re-gard d'une liste des empereurs, et qui a été dressée sous l'abbéGodefroi, contemporain d'Henri VI (11914197). Le manuscritétait certainement à Epternach qunnd a été transcrit, sur lerecto blanc du premier feuillet (le texte commence au verso),'d'une main contemporaine, c'est'à-dire de la fin du xIIe siècle,le poème, malheureusement inachevé, qui nous occupe. Cepoème a' été signalé, mais sans autre indication, dans l'Inven-taire sommaire des documents relatifs à l'histoire descroisades publié dans le tome Ii clos Archives de l'Orientlatin.; je ne sache pas qu'il ait jusqu'à présent attiré l'atten-tion de personne'. Ii n'en existe nulle part d'autre copie, aumoins d'après les recherches que jai faites et les réponsesqu'ont' bien voulu donner & mes demandes les savants lesplus conipéteits.

    1. M. Léopolil:Delftlè dàhs son'hjvwire t'znnsc,-its 8823-11503 dufonds latin, remarque en - rnenl.iouinant notre manuscrit cc On y a ajoùté unpoème sur salaclin. »

    Q$)

    FDocument

    Il II Il Il Il III DhlIIll 11M 11110000005548088

  • 2 -G. PARIS

    Il est assurément curieux et mérite de voirie jour. Il meï paraît avoir été écrit en 1187, peu après que la nouvelle de

    la bataille de Tabarie était parvenue eu Occident et avantqu'on y connût la prise de Jérusalem du moins l'auteur nementionne pas, dans les lamentations par lesquelles s'ouvreson poème, cet événement qui aurait dû y occuper la placeprincipale. Il est vrai que nous n'avons pas le poème entier,et on pourrait supposer que la prise de la ville sainte étaitracontée dans la partie manquante; mais c'est peu probableen considération du Y. 107, où le poète s'ècrie, après le récitde la défaite des chrétiens à Tabarie

    Non ferat ista Deus, licef est iratus, inulta t

    Il partt croire là que le succès de Saladin ne saurait manquerd'être bientôt suivi d'une éclatante punition divine, et, il auraitréservé cette prévision pour la suite, s'il avait dû parler encorede la prise de Jérusalem, qui fit dans tout l'Occident une siprofonde impression. Lev. 8,

    Et sine fine crucis et Templi damna dôleho,

    ne doit pas s'entendre du Templum Dornini k Jérusalem,mais de l'ordre du Temple, auquel l'auteur portait un intérêtparticulieL

    Nous avons donc là nu document tout à fait contemporain,qui ne saurait évidemment avoir beaucoup de valeur pourl'histoire réelle des faits, mais qui est intéressant en ce qu'ilnous montre la première impression produite sur les chrétiensd'Orient, dont le poète reproduit certainement les récits, parl'apparition, sur la scène de la lutte entre l'Islam et l'Église,du successeur de Noradin. Cette impression est faite de ter-reur et de haine. Nous sommes loin des récits postérieurs oùsont célébrées les vertus de Saladin et où l'on cherche même,pour les expliquer et rendre moins dangereuse l'admira-lion qu'elles inspirent, à faire de Saladin unesorte dechrétien du dehors. La partie narrative de notre poème rentredans le groupe auquel appartiennent le récit de la Chroniqued'Ernoui sur les débuts du sultan-et le morceau relatif aumême sujet inséré par Richard de la Sainte-Trinité dans le

    /

  • ËàM

    POÈME LATIN SUR 5ALADIN 3

    livre I de l'Itinerariurn Ricardi . Tous trois 12 sont cm-preints de malveillance à l'égard de cet homme de rien,arrivé par la ruse et les crimes au faîte tic la grandeur bu-inaine ; le nôtre, écho de bruits populaires, est de beau-coup le plus hostile et n'apporte aucune mesure dans sesaccusations. Non seulement il reproche à Saladin d'avoir•tué le calife d'Égypte, ce qui n'est probablement pas unecalomnie,- et il prétend, comme Ernoul et Richajd, qu'ilépousa la veuve de Noradin, ce qui, malgré' le silence deshistoriens arabes, est peut-être vrai; mais il l'accuse, et ilest seul , â l'accuser, d'avoir été lamant de cette femme duvivant de son mari et d'avoir ainsi capté la faveur de Noradin,d'avoir fait empoisonner Noradin lui-même et d'avoir misson fils â mort. Nous sommes très bien renseignés sur la mortde Noradin et celle de son fils, et nous savons que l'une etl'autre furent naturelles mais on comprend que l'opportu-nité avec laquelle elles se produisirent toutes deux au pointde vue des intèrôts de Saladin ait fait naître des bruits tIc cegenre, avidement accueillis pàr les chrétiens de Syrie et rap-portés en Europe par les pèlerins. C'est sans doute , sur lesdires de quelqu'un de ces pèlerins que notre poète écrivit sonoeuvre, dans laquelle U a réuni tout ce qu'il a pu trouver deplus défavorable k l'ennemi que la foudroyante victoire deTabarie venait de rendre plus odieux que jamais k tous leschrétiens. Sur la bataille elle-même 'et ses suites, il n'a quedes renseignements assez vagues; il ne parle ni de la con-duite si diversement jugée de Raimond de Triple, ni de l'exé-cution de Renaud de Châtillon U sait seulement que le roide Jérusalem, les maîtres du Temple et de l'Hôpital furentfaits prisonniers et qu'il y eut un effroyable massacre dechrétiens- Il enregistre cependant un détail qui, si je neme trompe, ne se trouve dans aucune histoire c'est un

    1. Je ne range pas ici le récit de Guillaume de Tyr, qui ne parait pas s'éloi-gner de la' stricte vérité historique (sauf peut-âtre sur un point de détail, lafaçon dont Saladin aurait tué le calife Aded) -

    2. J'ai réuni dans une étude, dent la première partie vient d'ètre publiée parle .Tourna? des Savants (mai 1893, toutes les légendes chrétiennes sur Saladindontj'ai pu avoir connaissance,

    3, Voyez sur tout cela Reinaud, dans les Extraits des historiens arabes rela-tifs aux croisades (éd. de 1829),

  • 4 G. PARIS

    nommé Salin, parent de Saladin, qui se Serait emparé dê lacroix; le fait, qui est d'ailleurs de mince importance, peutêtre exact et avoir été connu au moment de la bataille, pourêtre bientôt oublié. il est probable que le poème finissait peuaprès le dernier dps vers qu'en- a transcrits le moine d'Epter-nach à qui nous le devons: à part quelques prières et quelquesinvectives, on 'ne voit plus ce que le poète avait à dire.

    Il n'y -a pas de raison, naturellement, de croire que ce poètefùt lui-même d'Epternach; je n'oserais même pas deviner àquelle nationalité il appartenait. La Plupart des textes écritsen Franco à cette époque et longtemps encore après, latins oufrançais, appellent Salah-Eddii Saia/tadinç'us,,l ou Saielta-dinÇus et non Salacl'in('us); la forme contractée me paraîtayoir été plus anciennement usitée en Italie; mais ce n'est làqifun bien faible indice', et k la facture des vers et au style jejugerais plutôt l'auteur français ou allemand qu'italien. Celtefacture est, .à notre gont, détestable; d'après le goût du temps,

    - elle ne manque pas d'habileté. L'hexamètre est construitd'après les règles ordinaires do la versification du moyen 4e:il comporte en outre nécessairement la rime, mais elle estappliquée de deux façons différentes, qui se succèdent sansrégularité : tantôt le vers est léonin, c'est-à-dire que le pre-mier et le second hémistiches riment sur deux syllabestantôt le vers n'apas de rime intérieure, mais rime avec lesdeux suivants (une fois, y . 88-90, un vers léonin rime avec lesdeux vers suivants). Cet ornement ne peut manquer, ce quinous prouve et l'omission du vers qui devrait être le 1020,et l'état incomplet du poème, dont le dernier vers transcritn'a pas de rime intérieure et appelle par conséquent un verspour rimer avec lui. La langue et le style ont la recherche,l'impropriété et la bizarrerie de heaucostp de poèmes dutemps; mais l'auteur est en général clair, ce qui n'est pas lecas de tons ses contemporains. li paraît, d'après les vers dudébut, avoir composé des poésies d'un autre genre, peut-être d'un caractère tout mondain.

    Le moine d'Epternach qui a écrit ces ver sur la page

    1. Cilles de Paris, dans un passage dc son Icrapigra iie j'ai imprimé dansFrlicIe cité du Journal des Saoa-nts,l'appelle Saladùsu. et il écrivait vers1220: Cette (orme contractée se prêtait beaucoup mieux au vers.

  • Dr,Sa,,gui-'io, Noradinoot Sladiuo.regibu, liai,-

    POÈME LATIN SUR SALADIN 5

    resue blanche en tête du Cassiodore n'a pas toujours pu lirel'original qu'il copiait; il a laissé quelques mots en blanc,qu'on ne restitue pas tous avec certitude. Il s'est servi d'uneécriture très serrée, avec pas mal d'abréviations, dont lalecture n'offre en général de difficultés que parce qu'elle estrencognée à l'extrême bord de gauche de la feuille et que ledébut du vers se trouve ainsi un peu couvert par la reliure;en outre, le parchemin a souffert au haut de la page destrous ou des éraflures ont emporté quelques lettres '. Lesindications, placées en marge, du contenu de chaque para-graphe sont généralement mises un vers ou deux trop hitt;il est facile de les ramener à leur place (ce que j'ai fait), lecommencement de chacun de ces paragraphes étant marquépar la place réservée à une initiale capitale, qui n'a pas étéexécutée. -

    Je donne ici les 110 vers (moins un oublié par le copiste)qui forment le texte du poème, et je les fais suivre dequelques notes, qui n'ont d'autre prétention que d'apporter àce texte l'éclaircissement strictement nécessaire 2

    [O]ecurrunt 11odic menti fletus iheremieNil milu ,jodunduin per totum sencio inunclum;Plectrum mutabit mea Musa nuque sonabit,Ut contra morem gemat ingemieetque dolorem;

    oOrgana suspendam nec oh hoc plangore] vacabo

    Grammatamembrane lacrimoso fonte rigabo;Vox erit in gemitu, tiens omnes flere inonelo,Et sine fine crucis et Templi damna dolebo.

    [V]ixit eum Sanguin, fusus per milia sanguis,10 Qui venas hominum dura vixit suxit jit anguis.

    Neradin, immo Nero, successor dieit.ur ejus111e maium fecit, vir sanguinis, is Neto pejus.In formam salions [Saladinusj atrox viciorum,'I'ercius est hostis, malus lierus, pessimus horum.

    I. Les lettres hod sont douteuses; , on lirait plutôt /iob/'; la fin du mot esteffacée, de môme que quelques lettres au vers suivant. — 1). Je supplée p'an-qore. - 18. Satadinus laissé en blanc. -

    1. 3e (lois à la perspicacité de M. Léopold Delisle la lecture de plus d'unmot que, dans cos conditions, je n'étais pas arrivé à déchiffrer.

    2.-J'enferme dans des crochets les lettres des mets que le copiste n laisséen blanc; je mets en italique les quelques lettres qui ont été enlevées.

    I

  • G. PARIS

    QiodIupu 15[N]il (le vicino grege tollitur ore LapineNon ont mdc motus ubieunque fovct lupa Mus;

    TItIS. ]bit ad externos, igret ad partus boa predain:.Ista vins praxis sunt exemplania quedam,Ut parcant cunctis sihi ecu lupus et lupa junctis.

    20In sibi conjunctos convertit gens ;nala dentes,Ut ledat primes juxta sua castra manentes.

    [M]ulta sue sorti Saladinus regna subegit;

    •Is hisi quando nocet in corde site male degit.ges .eerviro. Rex est qui fuerat serviEs condicionis.

    25Eheu I multa modo sont regna sue dielonis.Natus ab oblique de stirpe fuit Noradini;Forsan adhuc servat servilia dehita fini.

    Quod lin-[Q]uando sihi fuerat regi servire necesse,I j fll1m Non fuit ipso Joseph, nec Josepb dehuit esse

    30Regis in accuhitu muliebni crimine clausus,Corrupit loininam vin ad u ter, fur nirnis ausus.Stulta solet ternere mulieri vita placereCustos auto gregis modo fedat federaregis.Sic regina sumo serve subdit dorninatum;

    35Ilium zelotipus nescit rex ilie reatum.-Conimendavit coin regi regina dolose,Ut sic liberius prosternat adulterio se.Surgit in excessum tali casu SaladinusPlus amat hune servum quam primates Noradinus;

    40Flic thalanium regis liberrimus intrat et exit,In thalamo remanet coin quolibet al loca rex il.Priinns primatum fit ah edieto generali;

    t Fit quasi par regi Saladinus crimine tau.

    Qaod occi- [1]n Bahilone fuit judex suD vate statutSfit

    uebilo.^ et 45Percutit in gladio, locus est l'oc judice tutus;An,etlarntrn. - I Uius in inensa Satadinus fraude sedebat

    Fraude perenit eum pila viventem metucbat.O cor inhurnauum! jam perdere voit Amulanum,Ingrediturque doio, quia vi nequit, intera ilion,

    50innoctum periniit cmiii inanus obvia juri'I'hesauros adimit fur ac homicida nefastus,Jainque suo creseit 1mo sub cnimile ibstus,Confuresque suos divisa pecunia ditat.Post inala trina malus jam mille nefaria citat,

    55Poulutique tenons fortissinia Inenia faniPossidet txtcrius omnes fcditus Amulaiii,

  • POÈME LATIN SUR SALADIN

    [l]nde scelus scelerum pertractat homo seclerosus,Nain rr±x fuerat uxoris ambre perosusMime faeit interimi conducta fraude veneni;

    60Hiuc sibi fortunant viiltus facit esse sereni.

    {P]arvnIii unicus est post interitum patris lierasHune, Saladine, ueeas; ut opes paIns ejus baberos.Rex ihi tachas habes dominatus gaudia pleniPlus en dant auri quam pristiva tempora fetii.

    65Suscipis uxoreni, regni redites et honorent;Grume multiplici nunc est geminata coronaSunt Sathane dantis hec exicialia doua.Nunc finis in eunctis afiinibus et tihi junctis,Nunc preter mordu funs exercesque fiinorem

    7€)Hegihus expulsis dominaris in omnibus bons,Begna tenes septein, nnllumque fuit genitonis.

    [Q]uando videt quod nemo sihi de gente resistit,Non ubi eonsuevit gens raclas sistele sist.itVuit magis algue mugis nostnis aeeedere pagis,

    75Proceditque panum prius ad Ioca C]inisticolaiumHortos atque casas et pastoralia parvaOccupat, bine vites, inox fruges, protinus arvaFortin castra dolo statim conquinit et ore,

    - Pauper inopsqùe priits nunc omnia gestit babere.80Box illnm bis ter superat Templique magister

    Nilia Maurorum secat et necat ensis corum,Sepeque congressi certamine postea fortiP1.unima miserunt lune illinc tailla moiti.Ista recens pestis cunotis audita modestis

    85Castra Dei stratt et Christi mcinbra necavit,Nostraque victorem Saadinum culpa vocavit:Sex vicibus victus vice septena superavit.

    fDluxit'barbanieln contra Cliristos peregrinam,Tum nostram Domino non clefendente ruinant.

    00Julius ingreditur est quarta dies male faustaIn venam;vena quoque sanguinis hausta.Invasere feros rex et Templarius heros,Hospicii primas acies agit ad boa primas;Dulce cruels lignum portant ]inulines venerandi,

    05Ut caderentbostes cruels in v.irtute nefandi.

    Quo'!iliiliinan,jl. voue,,,,.

    ceilenejuin ejus 'lit-it i-ociu,n,

    ijuolI colas au...

    I)e jiugliap,. ail e o liii nciiilagûhiis

    89. Le tas. porte Io avec une abréviation. —91. Mot laissé en blanc; voyez lanote plus loin.

  • G. PARIS

    Uisanetat [S]et quia sunt ipsi culpa quacunque nocentes,P . Suect,buere erucem culpa faciente ferentes

    Crux capitur Domi.ni dextra sordente Salini,Cul genus atque scelus commune fuit Saladini;

    100lIex capitur Solimus statim capta cruce primus,Xeixodocus capitur, capitur Templarius heros.

    Dissimili signo portant insignia ChristiMartyrii rubor est in Templari eruce testis,

    105Mundiciam signaL cruels ardor et hospita vestis.Cum tribus lis captis capiuntur iniTia mulla.Non ferai ista Deus, licet est iratus, inulta IMe" mihil tota dat,,,' Saladino gloria belli,Nec poterant ah eo fugientia terga revelli.

    110Enecat aut vivos capit atque ligat fugientes.....

    NOTES

    V. 3. Je ne comprends pas ce que veut dire vau (qu'il fautprononcer va-u pour le vers); j'y soupçonne une allusionaux pièces « alphabétiques» qui composent les lamentationsde Jérémie; mais les strophes intitulées Eau n'y présententaucun caractère particulier.

    V. il. Quoique le ms. donne partout ailleurs Noraciinus.,je pense que la forme ieraciin a été ieixoulue par le poète,pour rendre moins forcé le. .rapprochement avec Nero. Demême Sanguin est rapproché de sanguis, et Saladinus (sima conjecture pour le y . 13 est bonne) de saUre; seulement,avec cette conjecture, le vers 1.3 reste bien obscdr.

    V. 17. Partus est au génitif.V. 26. Le poète paraît dire que Saladin était de la famille de

    Noradin mais bâtard; nous ne trouvons rien de pareil dansles textes. L'Jtinerariurn Ricardi (h ni) s'exprime singu-lièrement Fuit de genere Mirmuroeni (var. .Mairrnurœni),parentum non inqenuorlon proies, nec tanzen obseuri san-

    102. 1l manque ici certainement un vers, exigé par la rime du y . 103, et qui seterminait sans doute par isU.

    L

  • POÈME LATIN SUR SALADIN 9

    guinis kumilitate plehescens que peut-il y avoir de plushumble que d'être fils de parents non libres? La .cjie de cechapitre de 1'Itine2ctriurn qui se trouve à Dublin (vôy. Jour-nal des Savants, 1893, p. 286, n. .2) donne un texte différentFuit de genere Mirrnuranei, parentum enim ingenuo-.rum proies, nec tamcn obscuri San quinis /tumilitate pie-bescens,mais lamez?. ne s'explique .pas et semble devoir faireregrder enim comme une mauvaise leçon. Quenteid icil'auteur. par Mirmurctneus ou Minnuroenus? M. .Stubbs,l'éditeur de I'Itinerariu,m, identifie ce mot bien à toyt kMolanus et Muleina (oy. ci-dessous); il est peut-être plusfondé à y reconnaître un •représentant du titre arabe Ern?'ai-Murnenit/i. « Commandeur des Croyants »; ce titre/ 2Zdésignerait ici Noradin, et 1'Itinerariu9ù se trouverait ainsid'accord nec notre poème. Je ne sais toutefois si Noradinet Saladin ont jamais porté ce titre, et ce n'est pas par Mir-muraneus ou Mirrnui'cenu qu'on le rend généralement ciilatin (voy. Du Cange, Arnirmumnes, 1iramorneiinus).

    V. 29. 11 y :a peut-être je-i une allusion au nom de Josephou Youssouf, qui était le vrai -nom de Saladin. Cette histoiredes amours de Saladin avec la femme (il faudrait une desfemmes) de Noradin n'est, comme je l'ai remarque, racontéenulle part ailleurs. -

    V. so. Ce vers n'est pas clairS Il signifie peut-être queSala Øin, par la complicité d'une des femmes du harem, futenferrné dans ce harem (que Je poète désignerait par accubi-tus, ce qui n'est pas impossible), et, une fois là, séduisit laprincipale sultane. Ce serait tout un petit roman dont nousaurions le résumé; d'après le y . 33, Saladin, au moment del'aventure, aurait été un simple gardien de troupeau.

    V. 35. Zeiotypus au moyen âge, par une suite d'altérationsdans le sens du mot, signifie souvent, comme ici, « maritrompé. )

    V. 43. Toute cette histoire est absolument dénuée de vrai-semblance on sait que Saladin dut sa fortune à son, oncleChirkou, qui l'emmena dans son expédition d'Égypte,.et qui,lui, possédait toute la faveur de Noradin.

    V 44-47. Ces vers contiennent sans doute un souyenir trèsaltéré de la mise .à mort de Chaver, le vizir (judex) 0u

  • 10 G. PARIS

    calife (votes) d'Égypte. Saladin, qui n'était alors qu'un desémirs placés sous les ordres de Chirkou, paraît bien avoir tuéChaver de sa propre main, sur l'ordre d'ailleurs du calife Aded(voy. Reinaud, Extraits des historiens arabes, p. 135).

    V. 48-56. 11 sagit ici de la mort d'Aded, le dernier califefatimite d'Égypte. D'après les récits, certainement authen-tiques, des historiens arabes, Saladin était devenu le vizird'Aded, après la mort de son oncle Chirkou, lequel avait rem-placé Chaver. il commença par faire substituer dans les prièrespubliques le nom du calife de Bagdad à celui du calife fati-mite, et peu de jours après Aded mourut. Les auteurs chré-tiens disent tous que Saladin le tua de sa main, s'étant appro-ché de lui comme pour lui faire une humble révérence : telleest la version de Guillaume de Tyr (XX, xi), qui sait d'ail-leurs que Saladin était le vizir (ou sultan) du calife.. D'aprèsun récit plus altéré, qui se retrouve dans.la Chronique d'Er-noul et dans une suite de la chanson de Jérusalem (ms. fr.12659, voy. Journal des savants, 1893, P. 285), Saladin auraitfait alors le siège du Caire et se serait introduit auprès du ca-life en feignant de venir lui demander grâce et se mettre à sadiscrétion. C'est, d'après le y. 49 , ce récit que notre poèterésume. -- Il donne au calife le nom d'amulanus; l'Iline-rarium l'appelle molanus, Eriloul la mulane, la chansonl'amulaine. Ce mot, comme le remarque M. de Slane dansune note fournie à l'éditeur de la Chronique d'Ernoul (p. 18,n. 6), est l'arabe moula-na, qui' signifie o notre maître »(moula-i, « mon maître o, est devenu le titre des souverainsdu Maroc, muiey). Mais c'est à tort que M. de Slane fait demoula-na le titre de Chaver: c'était celui du calife son maître,comme il résulte clairement a du texte même d'Ernoul(il fautlire, p. 18, 1. dern., seignor avec la plupart des mss. au lieude siergant), et de notre poème, et de l'Jtinerarium (où on ditavec raison: Sawarius sub Molano, quempatria lingua Do-minum dicunt). La finale - féminine en apparence - de mou-ana a fait dire en français la mulane ou la mulaïne (cf. la

    pape), que nous trouvons dans Ernoul et dans l'Estoire de laguerresainte d'Ambroise (sous presse, v.'1149; la traductionlatine dit muleina) De la mulaine on fit naturellement l'amu-laine, sur le modèle de l'amiral, l'amustant, l'amurafle, etc.;

  • pQiMs LATIN SUR SALADIN 11

    notre poème prouve que cette forme, que nous trouvons dansla chanson de Jérusalem et, avec un sens vague, dans despoèmes postérieurs (voy. Godefroy s. y . Arnulaine), étaitusitée de très bonne heure.

    V. 57-60. Comme je l'ai remarqué, l'accusation portée icicontre Saladin n'a aucun fondement, non plus que celle quiconcerne le meurtre du fils de Noradin. Saladin réduisit seu-lement cet, enfant à la possession d'Alep, où il mourut sanspostérité en 1181 (Reinaud, p. 183).

    V. 65. Le mariage de Saladin avec la veuve de Noradin estrapporté par l'Itinercirium Ricardi et par la Chroniqued'Ernoui (p. 49). Les historiens arabes n'en parlent pas, maisMarin (Hist; de Saladin, t. I, p. 254) a déjà remarqué qu'ilssemblent à cet endroit de leur récit pleins de réticences (cf.Reinaud, p. 176).

    V. 71. Les sept royaumes qu'aurait possédés Saladin nesont pas faciles à déterminer, à cause du vague de cette dési-gnation on peut en constituer six avec l'Égypte, la Nubie,l'Arabie heureuse, Damas, Alep et Mossoul.

    V. 72.87. Ce résumé des premières tentatives de Saladincontre les chrétiens est peu exact, et on aurait peine à retrou-ver dans l'histoire les six batailles qu'il aurait perduescontre eux. -

    V. 9091. La bataille de Tabarie eut lieu, en effet. le 4juil-let 1187. Il paraît que le 4juillet était un des jours considéréscomme mauvaispour la saignée, suivant une superstition fortancienne et très répandue au moyen âge. C'est là-dessus quejoue le poète, en disant que \la bataille a été, en effet, , une saiSgnée excessive pour les chrétiens. Le point qui dans lems.suit vena empêche de suppléér un mot qui s'y rapporte; peut-être y 'avait-il nocuit? Je n'ai trouvé d'ailleurs le 4 juilletmentionné parmi les jours contraires à la saignée ni dans leformulaire mnémotechnique de Durand de Saint.Pourç-àin(Du Cange, s. y . hies aegyptiaci), ni dans les listes anglonormandes qu'a imprimées M. Paul 'Meyer (Jahrbuc/t farrom. und engi. Literatur, t. VII, p. 47-51);

    V. 94. C'étaient l'évêque d'Acre et le chantre du Saint-Sépulcre (Biner. Rie., p. 15).

    V. 98. Voyez ci-dessus.- -

    I 4 J

  • 12 G. PARIS

    V. lot. Xenddocu, le Maître de l'Hôpital. Je n3 ai psrencontré ailkurs Cette maniére de dire 11m pitalarius.

    V. 103 ss. Cotte • interprtaiion symbolique de la croitrouge du Temple et de la croix blanche de ]'Hôpitaï (ûrdovest un bien mauvais synonyme de candor, amené par lebesoin dI vers) e retrouve ailleurs, si-je ne me trompe, maisje ne puis dire où je l'ai déjà rencontrée. Que le rouge soitpi'fs en général comme symbole , dirmartyre, W ]51anc commesymbole de la pureté, c'est c& cpie tout W mondb sait-

    I.e 1',i-. - ln,priwerie MA,cHessoo fils bouIeva,l Saini-lirni-ent, 23.