un pied dans l’entreprise, l’autre dehors, le trésorier ... · très attachés à une fonction...

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DOSSIER I Un pied dans l’entreprise, l’autre dehors, le trésorier est « accro » à son métier Rigoureux, compétents et experts quels que soient leur formation d’origine et les circuits par- fois sinueux qui les ont conduits à leur poste, les trésoriers affichent finalement un profil assez homogène. Très attachés à une fonction mal connue dans l’entreprise, ils lui sont généralement fidèles. L’exercice du portrait-robot est toujours périlleux. Appliqué aux trésoriers, il est pourtant éclairant : statistiques et entretiens mettent en évidence plus d’un point com- mun entre ceux qui ont choisi de devenir les « garants des engage- ments de l’entreprise dans les meil- leures conditions économiques et avec la plus grande sécurité pos- sible.» Autrement dit, ceux qui « gèrent les flux financiers, réduisent et optimisent les frais financiers et veillent à l’équilibre des différents comptes, tout en gérant les risques de change et de taux.» Le trésorier n’est pas spéciale- ment un joyeux drille. « Ce sont des gens très sages », juge un recruteur. « Dans l’entreprise, ce ne sont pas les plus drôles ou les plus créatifs. Mais ce n’est pas ce qu’on leur de- mande : on attend avant tout d’eux de la rigueur et un grand niveau de loyauté et de confiance. Ils sont en général très structurés, très carrés, avec un grand niveau de résistance au stress ; ils sont les garants de la bonne gestion et du cash », com- plète un autre spécialiste du re- crutement financier. « Les trésoriers sont les gardiens du temple financier La Lettre du trésorier - N°303 juin 2013 I 11 Dossier réalisé par Cécile Desjardins

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d o S S i E R I

Un pied dans l’entreprise, l’autre dehors, le trésorier est « accro » à son métier

Rigoureux, compétents et experts quels que soient leur formation d’origine et les circuits par-fois sinueux qui les ont conduits à leur poste, les trésoriers affichent finalement un profil assez homogène. Très attachés à une fonction mal connue dans l’entreprise, ils lui sont généralement fidèles.

L’exercice du portrait-robot est toujours périlleux. Appliqué aux trésoriers, il est pourtant éclairant : statistiques et entretiens mettent en évidence plus d’un point com-mun entre ceux qui ont choisi de devenir les « garants des engage-ments de l’entreprise dans les meil-leures conditions économiques et avec la plus grande sécurité pos-sible.» Autrement dit, ceux qui

« gèrent les flux financiers, réduisent et optimisent les frais financiers et veillent à l’équilibre des différents comptes, tout en gérant les risques de change et de taux.»

Le trésorier n’est pas spéciale-ment un joyeux drille. « Ce sont des gens très sages », juge un recruteur. « Dans l’entreprise, ce ne sont pas les plus drôles ou les plus créatifs.

Mais ce n’est pas ce qu’on leur de-mande : on attend avant tout d’eux de la rigueur et un grand niveau de loyauté et de confiance. Ils sont en général très structurés, très carrés, avec un grand niveau de résistance au stress ; ils sont les garants de la bonne gestion et du cash », com-plète un autre spécialiste du re-crutement financier. « Les trésoriers sont les gardiens du temple financier

La Lettre du trésorier - N°303 juin 2013 I 11

Dossier réalisé par Cécile Desjardins

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des entreprises, à différents niveaux : ils ont les clefs du coffre, ce qui veut dire qu’ils gèrent le trésor de guerre des entreprises riches, mais ils s’occupent aussi de la recherche de ressources dans les entreprises qui doivent financer leur croissance », ajoute Fabrice Coudray, direc- teur chez Robert Half International France, qui a participé au recrute-ment de nombreux professionnels de la trésorerie.

La plupart des observateurs s’inclinent devant la compétence des ces financiers. « C’est un métier de très haut niveau : ces profession-nels sont souvent pointus dans leur domaine », indique un expert du re-crutement. « Le trésorier est souvent passionné de technique et rigoureux, super discipliné. Beaucoup sont as-sez extraordinaires : disciplinés,

mais aussi habiles négociateurs », précise un autre homme de l’art. « Les trésoriers sont des gens curieux et impliqués, mais pragmatiques : on ne s’amuse pas avec la trésorerie », estime le premier. « Ce sont des gens complets. Autonomes et struc-turés », résume Ranya Saura, de Penna, une société spécialisée en ressources humaines.

Mais encore des professionnels à qui la gravité de leur mission ne monte pas à la tête. « La fonc-tion de trésorier est très importante. Mais, dans un pays où il est mal vu de parler d’argent, les trésoriers font peu parler d’eux ; cela reste un métier assez confidentiel, estime Fabrice Coudray. Une entreprise ne meurt pas de faire des pertes, mais de ne pas avoir de cash. Le trésorier est le gardien du temple. Son rôle est

vital et pourtant, c’est un métier de l’ombre. Il est exposé, tout en étant confidentiel : pas le moins du monde show-off. »

venus d’ailleurs

Mais si les profils sont plutôt ho-mogènes, les formations (lire ci-contre) et, surtout, les parcours, sont loin de l’être. Quelques-uns, comme Raffi Basmadjian, directeur du cash management et du SI de trésorerie à France Telecom, confes-sent une « vocation ». Mais nombre d’entre eux estiment être arrivés dans ce domaine « par hasard », directement après les études ou après s’être essayés à d’autres fonctions. « Jeune diplômé, je vou-lais d’abord avoir une expérience commerciale, mais mon objectif à terme était d’évoluer vers la finance, se souvient ainsi Louis Soudré, di-recteur des financements et de la trésorerie de Keolis. Après trois ou quatre ans de commercial, je me suis dirigé vers le contrôle de gestion. Puis vers la trésorerie, par hasard : il fallait quelqu’un de confiance et qui sache compter. » Un autre profes-sionnel reconstitue son parcours : « D’abord le business planning, puis la gestion de dette, avec un pro-longement naturel dans la trésorerie et les financements.»

De très nombreux trésoriers peu-vent capitaliser une expérience dans un autre champ : 29 % ont travaillé précédemment dans la comptabilité, 25 % dans le con-trôle de gestion, 16 % dans le cre- dit management, 15 % dans l’audit ou le conseil, 10 % dans la consoli-dation et autant dans les systèmes d’information, selon une étude de Robert Half (lire ci-contre). Didier Lo Nobile, à Gemalto, est passé par le credit management, Gilbert Labbé, directeur de la division trésorerie et financement intragoupe à EDF, par la comptabilité et le contrôle de gestion ; directeur de la trésore-

D’après une enquête réalisée en 2011(1) par le cabinet de recrute-ment Robert Half et l’AFTE (mais dont les résultats sont encore large-ment d’actualité), le trésorier est, à 73 %, un homme (72 % en 2006). « Assez étonnament, alors que beaucoup de professions, y compris fi-nancières, se féminisent, ce n’est pas le cas de la trésorerie, où la part d’hommes continue d’augmenter », relève Fabrice Coudray, directeur chez Robert Half International France. Agé en moyenne de quarante-deux ans (42,4 ans en 2011, 42 ans en 2006 et 41,2 ans en 2001), le trésorier dispose d’une expérience moyenne de dix ans et plus dans son métier (59,4 %) et a travaillé pour deux à cinq employeurs différents (80 % des cas). Il travaille dans 60 % des cas dans une entreprise qui réalise plus d’un milliard d’euros de chiffre d’affaires. L’entreprise est cotée en Bourse dans 42 % des cas et relève du secteur industriel dans 44 % des occur-rences. Les deux tiers des trésoriers sont basés à Paris ou en Ile-de-France (66 % en 2011, 65,4 % en 2006). Leur périmètre de gestion ? Supérieur à un milliard d’euros dans 51 % des cas.

(1) Enquête menée conjointement par Robert Half et l’Association française des trésoriers d’entreprise (AFTE) : troisième enquête, après celles menées en 2001 et 2006, adressée aux membres de l’AFTE et aux trésoriers d’entreprise référencés par Robert Half par l’intermédiaire d’une consultation web entre le 1er et le 17 juillet 2011. Quelque 200 questionnaires sont ressortis comme effectivement exploitables, constituant un échantillon ventilé de manière homogène sur l’ensemble des classes d’âge intermédiaires, mais comportant un nombre restreint de femmes (55) et marqué par une forte dimension « grand groupe ».

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Le profil-type

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rie et du financement chez Pernod- Ricard, Olivier Guélaud a, lui, prati-qué le contrôle de gestion et la di-rection administrative et financière de filiales à l’étranger. Finalement, ils ne sont que 15 % à n’avoir pas exploré d’autres domaines, notam-ment la comptabilité, le contrôle

de gestion ou la banque, « les plus répendus avant l’accès à la trésore-rie », selon Robert Half.

ouvert sur le monde

Pour ceux qui l’ont embrassée sur le tard, la trésorerie constitue une

bonne surprise, voire une « révéla-tion ». « Cela a été pour moi une vraie découverte de la relation avec l’extérieur de l’entreprise : le trésorier est en rapport avec les marchés finan-ciers, les banques, etc », se souvient Louis Soudré. Le métier va jusqu’à susciter l’enthousiasme. Notamment

Selon l’étude menée par Robert Half, la plupart des trésoriers ont été formés à l’université au niveau Bac + 5 (44 %) et 38,1 % en école de commerce. Quelque 5 % disposent d’un MBA ou d’un diplôme étranger, souvent une formation complémentaire. « On a de plus en plus souvent affaire à des formations du type école de commerce majorées par un DESS de trésorerie et de finance », indique un recruteur. « Un diplôme de Bac + 4 à Bac + 5 en finance, commerce et gestion ou un master en administration des affaires, master en économie et gestion (IAE) ou un diplôme de l’Institut d’études politiques section économique et fi-nancière est nécessaire pour occuper la fonction », lit-on sur le site de Robert Walters. On trouve en effet de nombreux profils de ce type : des maîtrises de finance à Paris 1 Panthéon-Sorbonne ou à Dauphine, des maî-trises de gestion, spécialité « finance d’entreprise », des DEA en monnaie-finance-banque ou encore Sciences Po, mais plutôt la section « écofi » qu’ « ad-ministration ». On déniche pourtant des profils atypiques, à l’image de Marc Leconte, trésorier de Carrefour, qui a suivi une formation universitaire dans le domaine de la bio- logie et de la géologie avant de se réorienter après quelques années d’enseignement. « Je suis devenu trésorier un peu par hasard. Par la suite, j’ai suivi en cours du soir à l’IAE une formation financière abou- tissant à un diplôme de troisième cycle, indique-t-il, en précisant : je ne pense pas qu’un tel parcours serait possible maintenant car les filières sont désormais très cloisonnées.» Il y a aussi les matheux purs et durs. « Certains ar-rivent à la trésorerie après un parcours en salle de marchés de banque ou de grande entreprise. Et l’on retrouve là beaucoup d’ingénieurs, parfois de très haut niveau », explique un autre professionnel du re-crutement. C’est ce cursus qu’a emprunté le trésorier d’un groupe automobile, diplômé de Centrale Paris

et devenu trésorier d’entreprise « par intérêt pour les marchés financiers, en commençant d’abord dans le secteur bancaire, par les instruments financiers les plus mathématiques : futures, options, puis produits de dérivés au sens large, puis les marchés de capitaux, la gestion de fonds et enfin la trésorerie. » Les ingénieurs représenteraient environ 5 % des trésoriers. Certains praticiens, souvent parmi les plus âgés, se revendiquent « autodidactes », à l’image de Jean-Claude Courtois, le trésorier d’Altran, embauché par Saint-Gobain alors qu’il affichait un niveau Bac plus « brevet de banque et une première année ITB à la So-ciété Générale ». Ces profils sont toutefois de plus en plus rares : en 2011, seuls 6 % des professionnels déclaraient ne pas avoir fait d’études supérieures, au lieu de 19,7 % en 2006. « On peut estimer qu’aujourd’hui, autour de 2 ou 3 % des trésoriers sont autodidactes. Ce sont souvent les plus pointilleux, car ils compensent la carence académique par une grande capacité de travail et une importante formation con-tinue », indique un recruteur. Mais la tendance est aux formations de plus en plus spécialisées. « Des troisièmes cycles spécifiques se sont créés, par exemple à Rennes(1), qui permettent de former directement des experts en trésorerie, alors que dans le passé c’était simplement un débouché parmi d’autres pour les formations financières », indique Vincent Coderc, chez Robert Walters. Est-ce à dire qu’il faudra sortir d’un troisième cycle de trésorerie ? Pas forcément car les contraintes budgétaires actu-elles dans les entreprises imposent souvent aux tré-soriers des « replacements internes ». « Pas toujours souhaitables, mais on ne nous laisse pas le choix », confie un professionnel.

(1) Master finance trésorerie de l’IAE de Rennes, mais aussi le mas-ter 2 trésorerie d’entreprise de Paris 1 Panthéon-Sorbonne en partenariat avec l’AFTE.

des formations de plus en plus pointues

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Derrière l’abord sérieux, voire austère des trésoriers, se dissimulent bien des surprises. « Ce sont des gens passionnés et qui se donnent sans réserve. Ils vont au bout des choses. Cela se voit dans leur métier, qui demande une grande implication et exige de rentrer à fond dans les sujets, mais aussi dans leur temps libre », note Vincent Coderc chez Robert Walters. Comme ce responsable de la trésorerie d’un groupe coté, qui occupe son temps libre à « donner des cours de… trésorerie », et demande non sans humour : « c’est grave, non ? » La fonction permet aussi de s’impliquer dans le monde associatif, à l’image de ce cadre dans un groupe de mode, qui allie ainsi métier et passion, comme trésorier d’une structure qui produit une cinquantaine de spec-tacles musicaux par an.Le directeur de la trésorerie d’un groupe du Cac 40 a, lui, pour dérivatif la course au large, un hobby qui ne serait pas sans rapport avec son travail, puisqu’il faut « agir en équipe, gérer des risques, et parfois affron- ter des tempêtes, mais toujours arriver à bon port et de préférence en tête.» Son homologue dans une entre-prise présente dans quarante pays, juge international de patinage artistique depuis 1986, a officié aux Jeux olympiques de Nagano en 1998 et est trésorier de la Fédération française des sports de glace. Les vacances ? Pour l’un des trésoriers du Cac 40, c’est depuis vingt-sept ans l’occasion de franchir l’Atlantique à la découverte de différentes régions des Etats-Unis. « Tous les étés là-bas ! C’est une passion, de même que l’architecture américaine : nous partons tous les ans en famille sur les traces de Franck Lloyd Wright », confie-t-il avec enthousiasme, volontiers prêt à donner quelques bonnes adresses. Mais il y a aussi le spécialiste de l’ornithologie, impatient de voir ses enfants grandir pour pouvoir refaire quelques voyages lointains à la découverte d’oiseaux rares à observer en Ecosse, en Asie et ailleurs. Le trésorier d’un autre très grand groupe français se révèle quant à lui passionné par la pêche à la mouche et profite de ses vacances pour découvrir les meilleures rivières en la matière, en Normandie, dans l’Aude ou le Limousin.

Autant de passions que de trésoriers

advise.ai 1 17.04.2012 21:13:37

S’ils constituent un microsec- teur sous tension, pour repren-dre le jargon des ressources hu-maines, les spécialistes de la trésorerie ne sont pas à l’abri des conséquences de la lan-gueur économique de l’Europe, qui se manifeste par exemple par des contractions de budget. « Dans les cinq prochaines années, il faudra faire mieux à moyens cons- tants », disait François Masque-lier, le président de l’Association des trésoriers d’entreprise à Lu- xembourg, dans le dossier de la Lettre du trésorier de janvier, dos-sier où la « réorganisation du ser-vice » figurait au cinquième rang des chantiers prioritaires à cinq ans des responsables de service.La contrainte budgétaire ne faci-lite pas la tâche quand il s’agit de recruter, surtout qu’elle s’ajoute à deux autres difficultés : la rotation imposée par les ressources hu-maines à certains postes, difficile à réaliser en raison de la technici-té des tâches ; la compétition avec le secteur de la finance (banques, compagnies d’assurance, ges-tionnaire d’actifs…) qui, quoique éprouvé, continue de proposer des rémunérations élevées. Pas toujours aisé, enfin, de recruter dans l’entreprise (au mieux, dans un autre service de la direction financière, mais ce n’est pas tou-jours le cas), au moment où le métier, de plus en plus expert, connaît une évolution accélérée par une avalanche législative tous azimuts (communication bancaire, moyens de paiement, produits dérivés, fonds moné-taires, comptabilité…).

A.B.

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So far so good : les perspectives sont plutôt favorables pour les tréso- riers d’entreprise comme, d’ailleurs, pour une grande partie des profes-sions financières. Avec les auditeurs internes et les spécialistes de la consolidation, les trésoriers font actuellement partie des financiers les plus recherchés. Les recrutements sont réguliers et, selon la dernière étude de Robert Half, 62 % des trésoriers avaient étoffé leur équipe de collaborateurs en procédant à une ou plusieurs embauches au cours des douze derniers mois.Pourtant, les rémunérations ont stagné en 2012, dans un contexte globalement très tendu pour les entreprises. Ainsi, la grille de Robert Walters (Etude de rémunération 2013, publiée en mars) fait état de rémunérations comprises entre 45 et 80 000 euros pour des trésoriers ayant entre trois et six ans d’expérience (stabilité par rapport à l’année précédente), des rémunérations comprises entre 70 et 100 000 euros pour une expérience de six à dix ans (stabilité), et de 90 000 à 130 000 euros pour les plus expérimentés (plus de dix ans d’expérience), avec une forte progression pour les salaires les plus élevés. « Il y a certes une stagnation des rémunérations, mais c’est une profession qui se porte bien. Contrairement à d’autres, le marché de l’emploi des trésoriers n’est pas sinistré », indique Fabrice Coudray, chez Robert Half. Concrètement ? Un acteur majeur du web recherche actuellement un responsable de sa trésorerie en Ile-de-France. « Autonome sur tous les aspects de trésorerie dans un contexte de fort développement », le fu-tur recruté sera chargé de valider les flux quotidiens de liquidités, de gérer le change, de suivre le cash pooling, de garantir le respect des normes et des « process » mais aussi de faire évoluer les systèmes d’information. Avec une expérience « minimum de deux ans dans la tré-sorerie », il parle couramment l’Anglais et se voit proposer une rému-nération de 45 000 à 55 000 euros par an. Comment faire, ensuite, pour revaloriser son salaire ? La mobilité s’impose. « Seules la mobilité externe et l’expertise pointue ont pu gé-nérer des hausses de rémunération d’environ 10 % », précise le spécia- liste du recrutement. Pour les trésoriers expérimentés, un changement d’entreprise peut se révéler intéressant. « La trésorerie est l’un des métiers où l’on constate les plus grandes augmentations de salaire au changement d’entreprise : cela peut représenter 10 à 20 % de la rému-nération », complète Vincent Coderc chez Robert Walters. Que peut-on attendre de 2013 ? « Les volumes de recrutement sur les postes en finance continueront d’être portés par la recherche d’experts. Cette situation sera soutenue par une pyramide des âges vieillissante, par une plus forte mobilité des candidats à haut potentiel - interne et externe - et par la nécessité de s’entourer, en période d’incertitude, de profils financiers rassurants et capables de participer pleinement aux prises de décision.» Attention toutefois : les professionnels notent tous un allongement des procédures de recrutement, cela dans tous les mé-tiers financiers.

bouger pour gagner plus Faire mieux à moyens constants

en raison de l’ouverture d’esprit qu’il nécessite. « Le trésorier va sur les marchés, il est en relation avec les banques et les analystes : il a de l’entreprise une vision globale, beau-coup plus large que celle des spé-cialistes du contrôle de gestion par exemple », note un professionnel.

«C’est un métier passionnant car on y voit tout. Les trésoriers sont au cœur des flux financiers, mais aussi en contact avec l’extérieur. Ils sont au fait de tout, y compris des sys-tèmes d’information, qui ont beau-coup évolué ces dernières années », souligne Fabrice Coudray.

Probablement aussi parce qu’on peut y évaluer rapidement les ef-fets de ses actes. « Une situation unique pour mêler théorie et pra-tique, avec la possibilité de mesurer ses résultats tous les jours », indique un professionnel. « Il y a une obli-gation de résultats quotidiens. On

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Après une formation à l’origine juridique, Gilbert Canameras a suivi un DEA d’études politiques en relations in-ternationales. Il débute sa carrière en 1974 comme chargé des assurances à l’ORTF. Il rejoint la finance en 1980 comme responsable des financements des grands projets de la division « génie civil » de Spie Batignolles. Il de- vient directeur financier du groupe en 1990, puis, en 1996, directeur de la trésorerie et des financements commer-ciaux de Schneider Electric. En 2001, il accède à la direction de la trésorerie, des financements et des assurances d’Eramet puis, en 2010, à la direction des risques.

comment s’est faite la transition de la trésorerie à la direction des risques ? Assez facilement. La notion de risque est inhérente à la fonction de trésorier. La moitié du travail d’un financier repose déjà sur la notion de gestion et de couverture des risques. Dans les négociations avec les banquiers, par exemple, tout est dans l’équilibre à trouver entre les conditions financières obtenues et les garanties à fournir. C’est encore plus vrai aujourd’hui : dans les années 1970, le trésorier s’occupait avant tout d’obtenir de bonnes conditions de financement, dont il négociait âprement le moindre point de base. Puis, on a réalisé dans les années 1990 que les risques représentés par certains instruments de couverture pouvaient être considérables. Les entre-prises ont alors mis en place des mesures de sécurité, de contrôle, des middle et des back-offices, etc. Finalement, l’ensemble de la profession financière s’est mise à la gestion des risques. A titre personnel, j’ai été un peu plus loin en élargissant le spectre à tous les risques de l’entreprise en devenant risk manager.

beaucoup de trésoriers ne souhaitent pas évoluer vers d’autres fonctions… Le trésorier a une logique naturelle à évoluer vers le financement, mais beaucoup de professionnels sont extrême-ment heureux dans leur métier de trésorier, qui est très concret au jour le jour. Le métier de trésorier est un peu stressant, mais il apporte beaucoup d’adrénaline. On peut le comparer à un 110 mètres haies : tous les jours, il faut franchir son obstacle, terminer en équilibre zéro, en ayant soldé ses positions, et il faut recommencer le len-demain. Les financements demandent davantage de recul, une stratégie de long terme et des prévisions : ce n’est pas tout à fait la même philosophie. Le risk manager a, lui aussi, une vision à long terme, même s’il peut y avoir des moments de stress intense lorsqu’il y a un sinistre.

Y a-t-il des points communs entre le métier de trésorier et celui de directeur de risques ? Le premier est que, contrairement aux autres fonctions d’une direction administrative et financière, ce sont des fonctions qui peuvent avoir un impact direct sur le compte de résultat : en cela, ce sont des métiers « opéra-tionnels », parmi les fonctionnels. Par ailleurs, les deux métiers ont pour objectif d’accompagner le développe-ment de l’entreprise : le management des risques doit permettre à l’entreprise de saisir des occasions, le trésorier doit fournir les ressources nécessaires au développement de l’entreprise. Enfin, ce sont deux métiers où il convient toujours de rester pragmatique. En trésorerie, ce qui compte c’est d’arriver, chaque jour, à quelque chose de con-cret. Cet aspect m’a toujours beaucoup plu. J’aime bien la philosophie mais, dans l’entreprise, il faut déboucher sur quelque chose de simple, de compréhensible et, donc, d’efficace. En la matière, la trésorerie est une bonne école de formation.

Gilbert Canameras,

directeur des risques d’Eramet, président de l’Association des directeurs des risques et assurance des entreprises

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ne peut pas s’endormir sur des dos-siers trop longs, cela bouge tous les jours », souligne Gilbert Labbé. Et, pourquoi pas ? goûter les poussées d’adrénaline que procure la gestion du risque. « Si l’on se trompe, on peut faire de grosses bêtises. Le trésorier est seul ; très peu de personnes com-prennent son métier. Quand il s’agit d’opérations de couverture réalisées au téléphone, dont les montants peu-vent être colossaux, on jongle avec des bombes atomiques», explique un directeur dans un groupe de pre-mier plan.

Assuétude

En résumé ? « Le métier allie une grande richesse de contacts : opéra-tionnels, filiales, pairs, banquiers. Il contraint à penser l’immédiat aussi bien que le moyen terme. Il constitue

un challenge intellectuel permanent du fait de la multiplicité des champs - financement, système, flux, fisca- lité, comptabilité, consolidation - et donne l’occasion d’être global, aussi bien au contact des marchés que de l’ensemble des filiales », juge le tré-sorier d’Essilor International, Fran-çois d’Alverny. Face à tant d’enthousiasme, on com-prend que beaucoup ne souhai- tent pas changer de domaine. Ainsi, le responsable de l’activité d’un groupe du Cac 40 avoue sans dé-tour être « victime du côté addictif du métier. » Un autre confie ne pas vouloir évoluer vers « le contrôle de gestion : c’est beaucoup moins pal-pitant, du moins vu de ma fenêtre.» « Comme beaucoup sont très épa- nouis, ils ne souhaitent pas évoluer vers une autre spécialité. Le métier permet de faire une carrière com-

plète », indique le chasseur de tête Fabrice Coudray. « On peut faire une très belle carrière en restant toute sa vie en trésorerie. Et ce n’est pas un choix par défaut », confirme son ho-mologue Vincent Coderc.

Pourtant, la montée en puissance du financement dans les entreprises ouvre des possibilités. « La fonc-tion trésorerie a beaucoup gagné en importance et en visibilité depuis la crise, de quoi susciter de nouvelles ambitions », explique un praticien. Et en effet, les passerelles ne sont pas rares vers la direction financière, la direction des risques (à l’image de Gilbert Canameras, lire ci-contre), la direction générale, mais aussi vers un élargissement du périmètre de prérogatives (assurances, épargne salariale, credit management, fu-sions-acquisitions…).

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