un modèle de décision d'assolement en riziculture

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Un modèle de décision d'assolement en riziculture conventionnelle et biologique pour prédire les usages des sols sous différents scénarios : cas de la Camargue (Sud de la France) Résumé En Camargue, dans le delta du Rho ˆne au sud de la France, le riz irrigue ´ est la principale ce ´re ´ale cultive ´e. Il joue un ro ˆle cle ´ dans la constitution des syste `mes de culture et contribue a ` la mise en valeur des terres et a ` l’e ´quilibre hydrologique du delta. La pre ´sente e ´tude vise a ` formaliser sous forme d’un mode `le a ` base de re `gles de de ´cision les comportements des agriculteurs en matie `re d’assolement et a ` utiliser celui-ci pour e ´valuer les conse ´quences sur les surfaces rizicultive ´es de changements de contexte e ´conomique et de syste `mes techniques. Une analyse des assolements pratique ´s par les riziculteurs camarguais a permis d’identifier et de caracte ´riser les contraintes et facteurs influenc ¸ant les choix des cultures, leur surface et re ´partition dans le territoire de l’exploitation agricole. Quatre sce ´narios d’e ´volution des syste `mes rizicoles ont e ´te ´ de ´veloppe ´s en croisant deux situations socio-e ´conomiques (attractivite ´e ´conomique faible ou forte du riz) et deux contextes d’e ´volution des pratiques des agriculteurs : maintien en agriculture conventionnelle (AC) ou conversion a ` l’agriculture biologique (AB). La surface totale re ´gionale cultive ´e en riz irrigue ´ae ´te ´ calcule ´e pour chaque sce ´nario. Les re ´sultats indiquent qu’en cas de contexte e ´conomique de ´favorable au riz, une forte diminution (en comparaison a ` la situation de re ´fe ´rence de 2010) de la sole rizicole est probable avec des conse ´quences sur la fertilite ´ des sols, que ce soit en AB ou AC. En contexte e ´conomique favorable, la surface rizicole maximale estime ´e en AB est surtout limite ´e par les impasses techniques rencontre ´es pour le contro ˆle des adventices, et par la difficulte ´ de re ´aliser des rotations en zones basses sensibles aux remonte ´es de sel. Mots cle ´s : contrainte ; delta ; re ´gion me ´diterrane ´enne ; riz irrigue ´ ; syste `me de culture. The `mes : me ´thodes et outils ; productions ve ´ge ´tales ; sols ; syste `mes agraires. Abstract A cropping plan decision model in conventional and organic rice cropping systems to predict land use changes under various scenarios: The case of the Camargue Delta, Southern France. In the Rho ˆne River Delta of Camargue, Southern France, irrigated lowland rice is the main crop. It plays a key role in cropping systems and contributes to land use development and the hydrological balance of the delta. This study focuses on the implementation of a model based on decision rules, with the aim of representing farmers’ cropping plans and to use in assessing the consequences of changes in the economic context and in technical systems in terms of irrigated rice area. An analysis of current rice growers’ cropping plans in Camargue was carried out in order to identify the constraints and factors influencing the choice of crops, their surfaces and their Florine Mailly 1 Sylvestre Delmotte 1 No emie Schaller 2 Jean-Claude Mouret 1 Santiago Lopez-Ridaura 1 Jean-Marc Barbier 1 1 INRA UMR Innovation (951) 2 place P. Viala 34060 Montpellier cedex 2 France <[email protected]> <[email protected]> <[email protected]> <[email protected]> <[email protected]> 2 AgroParisTech UMR SADAPT (1048) F-78850 Thiverval-Grignon France <[email protected]> doi: 10.1684/agr.2013.0662 Pour citer cet article : Mailly F, Delmotte S, Schaller N, Mouret JC, Lopez-Ridaura S, Barbier JM, 2013. Un modèle de décision d'assolement en riziculture conventionnelle et biologique pour prédire les usages des sols sous différents scénarios : cas de la Camargue (Sud de la France). Cah Agric 22 : 424-31. doi : 10.1684/agr.2013.0662 Tirés à part : F. Mailly 424 Cah Agric, vol. 22, n8 5, septembre-octobre 2013 Étude originale

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Page 1: Un modèle de décision d'assolement en riziculture

Un modèle de décision d'assolement en rizicultureconventionnelle et biologique pour prédire

les usages des sols sous différents scénarios :cas de la Camargue (Sud de la France)

RésuméEn Camargue, dans le delta du Rhone au sud de la France, le riz irrigue est la principalecereale cultivee. Il joue un role cle dans la constitution des systemes de culture etcontribue a la mise en valeur des terres et a l’equilibre hydrologique du delta. Lapresente etude vise a formaliser sous forme d’un modele a base de regles de decision lescomportements des agriculteurs en matiere d’assolement et a utiliser celui-ci pourevaluer les consequences sur les surfaces rizicultivees de changements de contexteeconomique et de systemes techniques. Une analyse des assolements pratiques par lesriziculteurs camarguais a permis d’identifier et de caracteriser les contraintes et facteursinfluencant les choix des cultures, leur surface et repartition dans le territoire del’exploitation agricole. Quatre scenarios d’evolution des systemes rizicoles ont etedeveloppes en croisant deux situations socio-economiques (attractivite economiquefaible ou forte du riz) et deux contextes d’evolution des pratiques des agriculteurs :maintien en agriculture conventionnelle (AC) ou conversion a l’agriculture biologique(AB). La surface totale regionale cultivee en riz irrigue a ete calculee pour chaquescenario. Les resultats indiquent qu’en cas de contexte economique defavorable auriz, une forte diminution (en comparaison a la situation de reference de 2010) de lasole rizicole est probable avec des consequences sur la fertilite des sols, que ce soit enAB ou AC. En contexte economique favorable, la surface rizicole maximale estimeeen AB est surtout limitee par les impasses techniques rencontrees pour le controle desadventices, et par la difficulte de realiser des rotations en zones basses sensibles auxremontees de sel.

Mots cles : contrainte ; delta ; region mediterraneenne ; riz irrigue ; systeme de culture.

Themes : methodes et outils ; productions vegetales ; sols ; systemes agraires.

AbstractA cropping plan decision model in conventional and organic rice cropping systems topredict land use changes under various scenarios: The case of the Camargue Delta,Southern France.

In the Rhone River Delta of Camargue, Southern France, irrigated lowland rice is themain crop. It plays a key role in cropping systems and contributes to land usedevelopment and the hydrological balance of the delta. This study focuses on theimplementation of a model based on decision rules, with the aim of representingfarmers’ cropping plans and to use in assessing the consequences of changes in theeconomic context and in technical systems in terms of irrigated rice area. An analysis ofcurrent rice growers’ cropping plans in Camargue was carried out in order to identifythe constraints and factors influencing the choice of crops, their surfaces and their

Florine Mailly1

Sylvestre Delmotte1

No�emie Schaller2

Jean-Claude Mouret1

Santiago Lopez-Ridaura1

Jean-Marc Barbier1

1 INRAUMR Innovation (951)2 place P. Viala34060 Montpellier cedex 2France<[email protected]><[email protected]><[email protected]><[email protected]><[email protected]>2 AgroParisTechUMR SADAPT (1048)F-78850 Thiverval-GrignonFrance<[email protected]>

doi: 10.1684/agr.2013.0662

Pour citer cet article : Mailly F, Delmotte S, Schaller N, Mouret JC, Lopez-Ridaura S, Barbier JM,2013. Un modèle de décision d'assolement en riziculture conventionnelle et biologique pourprédire les usages des sols sous différents scénarios : cas de la Camargue (Sud de la France).CahAgric 22 : 424-31. doi : 10.1684/agr.2013.0662

Tirés à part : F. Mailly

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Étude originale

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Introduction

Les deltas des grands fleuves sontdes ecosystemes ou l’agriculture doits’adapter a de nombreuses contraintes,telles que la salinite des terres. Lariziculture inondee est souvent unmoyendemettre en valeur ces espaces,notamment par les eaux douces qu’elleintroduit dans le systeme. EnCamargue(delta du Rhone, France), l’usageagricole des sols varie essentiellementen fonction du contexte economique(prix des produits et subventions auxexploitations agricoles) et reglemen-taire, notamment a travers les formesd’agriculture que les pouvoirs publicssoutiennent (agriculture raisonnee,biologique. . .). Ces dernieres annees,l’agriculture biologique (AB) s’estconsiderablement etendue et couvreaujourd’hui 7 % des surfaces rizicoles1

D’ou l’interet d’etudier les consequen-ces possibles de differents scenariosd’evolutiondesprix etd’extensionde lasurface en AB, sur les changementsd’usage des sols et notamment sur lasurface rizicultivee. Cet article proposeune methode permettant d’estimer lessurfaces rizicultivees sous differentsscenarios socio-economiques, puis ilpresente et discute les resultats obtenus.

La Camargue terre rizicoleD’une superficie de 160 000 hectares,la Camargue est composee d’espaces

naturels et de terres agricoles, dont32 000 hectares cultives en cereales.Du fait d’un climat mediterraneen, tresvente, chaud et sec en ete, le deficithydrique (pluies – evapotranspirationpotentielle [ETP]) est tres eleve (500 a800 mm/an). Cela favorise la remon-tee par capillarite de l’eau des nappesphreatiques salees, provoquant unesalinisation des sols. Le riz irrigue,principale culture en Camargue, per-met de lutter contre cette salinisationpar la submersion. Il rend ainsipossible, s’il est cultive pendant unnombre suffisant d’annees successi-ves, la desalinisation du sol et l’inser-tion dans la rotation de culturespluviales sensibles au sel (le ble duressentiellement). Cependant, apres uncertain nombre d’annees de pratiquede ces cultures non inondees, lasalinite des sols atteint a nouveau unniveau critique. Traditionnellement,en Camargue, trois annees de rizsuccedent a trois annees de ble dur.L’eau douce d’inondation des rizieresest egalement utile pour alimenter lesmilieux naturels constitues de maraiset d’etangs (Chauvelon et Mathevet,2002).Les acteurs des filieres agricoles et lesgestionnaires des milieux naturels crai-gnent que la superficie rizicole nediminue dans l’avenir, du fait : i) dela reforme de la Politique agricolecommune (PAC) en 2013, qui pourraitoccasionnerunediminutiondes aides ala production rizicole ; ii) de l’irregu-larite des prix de vente du riz ; et iii) dela diminution du nombre de matieresactives autorisees pour desherber lesrizieres. Une chute des surfaces rizi-

cultivees s’est deja produite en Camar-gue de 1962 a 1981, ou la surfacerizicole est passee d’environ 32 000hectares a moins de 5 000 hectares(Mouret et al., 2004). Cette diminutionbrutale entraına un desequilibrehydraulique entre quantites d’eauxdouces et d’eaux salees entrant dansle territoire et une salinisation des sols.Face a une nouvelle conjonctureeconomique, les avis divergent surl’evolution des systemes agricoles etsur le developpement de l’agriculturebiologique (AB). Certains acteurs sou-haiteraient que l’ensemble du terri-toire soit converti en AB, alors qued’autres s’interrogent sur des effetsnegatifs potentiels d’une conversionintegrale, notamment sur la surfacerizicultivee et les equilibres hydrolo-giques. En effet, la riziculture biolo-gique est contrainte par la pression desadventices. Sans herbicide, l’allonge-ment des rotations (plusieurs anneesde cultures sans submersion avant leretour du riz) est l’unique solution,mais cela entraıne une proportion desurfaces rizicultivees plus faible qu’enagriculture conventionnelle (AC)(Mouret et al., 2004).

Évolutions d'usage des solset décisions d'assolement :choix du modèle d'analyseLes etudes portant sur les change-ments d’usage des sols mobilisentdifferents types d’approches. Certainsauteurs utilisent des donnees spatiali-sees d’usage des sols (Pontius et al.,2001 ; Stephenne et Lambin, 2001) a

spatial distribution. Four scenarios of evolution of rice cropping systems weredeveloped by combining changes in the socio-economic context (weak or strongeconomic attractiveness of rice) and evolution of farmers’ practices (organic orconventional agriculture). The area under rice cultivation was estimated for eachscenario. Results indicate that in an unfavourable economic situation for rice, asignificant reduction of the rice area (in comparison to the 2010 area) could occur, notwithout consequences on soil fertility, in either conventional or organic agriculture. In afavourable economic context, the estimated maximum rice area in organic agricultureappears to be mainly limited by technical problems experienced in weed control, andby the difficulties of implementing rotations in lowlands which are sensitive tosalinization.

Key words: constraints; cropping systems; deltas; irrigated rice; Mediterranean region.

Subjects: farming systems; soils; tools and methods; vegetal productions.

1 Source : Syndicat des riziculteurs de France etfiliere, donnees 2012.

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l’echelle d’un territoire pour identifierles changements probables via l’ana-lyse statistique des determinants deschangements passes et une projectionde ceux-ci dans le futur. Cette appro-che ne prend que rarement en comptel’exploitation agricole (Verburg et al.,2006) ; or les agriculteurs sont lesdecideurs majeurs de l’usage desterres agricoles. D’autres approchesutilisent des outils de modelisationpour simuler les decisions d’usage dusol par les agriculteurs ; elles prennentexplicitement en compte l’echelle del’exploitation, et tentent de represen-ter avec differents formalismes leschoix et decisions des agriculteurs(Janssen et van Ittersum, 2007) sou-vent via l’optimisation d’une fonctionobjectif (par exemple la maximisationde la marge brute). Une autre maniered’aborder les decisions des agricul-teurs est de les representer sous formed’un modele compose d’un ensemblede regles de decision (RDD) de typeconditionnel (« si. . . telle condition. . .alors. . . j’agis de telle maniere. . . »).La construction d’un tel modelenecessite de comprendre les choixd’assolement des agriculteurs et doncd’identifier les facteurs pris en comptepar ceux-ci pour operer le choixdes cultures, des modes de conduiteet la repartition de ceux-ci dans leterritoire de l’exploitation (Maximeet al., 1995 ; Aubry et al., 1998). C’estcette derniere approche que nousmobilisons ici, car elle se base sur lescompromis realises par les agriculteurssans prejuger d’une quelconque fonc-tion d’optimisation.

Matériel et méthode

Cette etude s’est deroulee en deuxphases. Dans un premier temps, uneanalyse des assolements mis en placechaque annee par les agriculteurs a eterealisee pour : i) identifier les facteurset contraintes influencant le choixdes cultures et leur repartition dansle territoire de l’exploitation ; et ii)adapter et informer le modele derepresentation des decisions d’assole-ment. Dans un second temps, cesinformations ont ete utilisees pourevaluer les consequences de quatrescenarios d’evolution du contextesocio-economique et technique surla superficie rizicole en Camargue.

Analyse des assolementsdes agriculteurs, adaptationet information du modèle

Le cadre conceptuel propose parSchaller et al. (2012) considere qu’ilest possible de rendre compte desassolements mis en place par lesagriculteurs a partir de trois ensemblesd’elements : des regles de decision(RDD), des variables de decision,et des determinants. Appliquant cecadre a la Camargue, nous avons eteamenes a distinguer sept variablesde decision (encadre 1) dont lesvaleurs specifiques pour une exploita-tion agricole donnee s’expliquent pardes determinants de differente nature(economique, climatique, edaphique,eloignement. . .). La variable G resultede la specificite de la culture du rizirrigue par submersion. Cette variableest appelee « duree d’un type deculture » (DTC), le type de culture etantsoit une culture pluviale (ou irrigueesans submersion longue), soit uneculture irriguee par submersion avecpresence d’une lame d’eau la plupartdu temps.

L’identification et la formalisation desRDD de choix d’assolement ont eterealisees en deux etapes successives.Dans une premiere etape explora-toire, sept riziculteurs ont ete choisispour le contraste de leur systeme deproduction-conduite des cultures ettypes de sol. L’objectif etait de verifierla pertinence du modele retenu et deconstruire la methode d’investigationpour approcher les variables dites dedecision.Dans un second temps, nous avonscherche a approfondir les caracteris-tiques biophysiques qui delimitent lesmarges de manœuvre des agriculteursen termes de choix d’assolement et apreciser les valeurs effectivement pri-ses par les variables de decision. Pource faire, nous avons organise troisseances de simulation interactive ou14 exploitants volontaires represen-tant une diversite de systemes deproduction, devaient decider de leurassolement pour sept annees conse-cutives, dans un contexte de change-ment d’aides de la PAC (Delmotteet al., 2013). Ils pouvaient ainsi,virtuellement, modifier les choix decultures, les assolements et les modes

Encadré 1Définition des variables de décision identifiées dans l'étude

A. Hi�erarchisation : liste ordonn�ee de cultures faite par l'agriculteur et quid�epend de la fonction de chaque culture dans le fonctionnement del'exploitation.B. Zone cultivable : ensemble des parcelles de l'exploitation sur laquelle uneculture est jug�ee apte à être cultiv�ee en raison du type de sol de la parcelle, dela distance de la parcelle au siège de l'exploitation, de la surface de la parcelle,etc.C. Couples pr�ec�edent-suivant : couples de cultures qui se succèdent dans letemps sur une même parcelle. On distingue les couples favorables, tol�erableset interdits, en fonction d'effets pr�ec�edents et suivants à favoriser, à �eviter ouinterdits (Aubry et al., 1998).D. Nombre de cycles successifs d'une culture : nombre de fois successive-ment où une culture peut être cultiv�ee sur unemême parcelle (sem�ee, r�ecolt�ee,ressem�ee). Pour les cultures annuelles, le nombre de cycles successifs deculture peut aller de 1 (= la culture ne peut pas être cultiv�ee deux fois de suitesur la même parcelle) à l'infini (= monoculture possible sur une dur�eeind�etermin�ee).E. D�elai de retour : nombre d'ann�ees au bout duquel une culture peut être ànouveau cultiv�ee sur unemême parcelle, après une p�eriode d'interruption qui avu la parcelle être occup�ee par une autre culture.F. Dur�ee d'une culture : variable sp�ecifique des cultures pluriannuelles (laluzerne, par exemple). Il s'agit de la dur�ee du cycle d'exploitation de la culture,sur plusieurs ann�ees (du semis, à la destruction de la culture). Cette dur�ee peutêtre d�eclin�ee en une dur�ee minimale et une dur�ee maximale.G. Dur�ee du type de culture (DTC) : nombre d'ann�ees successives où unmême type de culture, inond�e ou non, est cultiv�e. La contrainte de salinit�e est àl'origine de cette variable.

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de conduite, et ce pour plusieursannees consecutives et dans differentscontextes economiques. L’observationde leurs choix au cours de ces seancesde simulation et la conduite a posteriorid’entretiens de debriefing aupres deces 14 agriculteurs ont permis de faireexpliciter les raisonnements mobilisespar les participants. Lors de ces entre-tiens, il a ete demande aux agriculteursd’operer la distinction entre (i) ce qu’ilsdecidaient pour eux, dans leur propreexploitation, et (ii) ce qui etait techni-quement faisable, hors contraintessocio-economiques. Ce sont donc lesavis des agriculteurs sur ce qui estpossible ou impossible en termes desuccessions culturales, de nombre decycles successifs de culture, de delai deretour, etc.A l’issue de cette premiere phase, nousetions en mesure d’attribuer a chaquevariable de decision des valeurs justi-fiees par des determinants biophysi-ques, et ce par type de sol, culture etmode de production (AC ou AB).

Simulation des surfacesrizicoles à l'échelledu territoire pour quatrescénarios contrastésNous avons defini quatre scenariosd’evolution possible des systemesagricoles, nommes A, B, C et D, encroisant deux types de situation :- une situation economique qui ren-drait le riz moins rentable que lesautres cultures, que nous comparons a

la situation actuelle ou le riz est le plusavantageux economiquement ;- une alternative technique de modede production, ou la totalite dessurfaces agricoles serait en AB, encomparaison a une situation ou toutle territoire serait en AC (mobilisantdes intrants de synthese).Nous avons en outre construit uneclassification des sols camarguais(tableau 1) reposant sur les contraintesbiophysiques identifiees dans l’analysedes pratiques d’assolement des exploi-tants. Quatre categories, coherentesavec les distinctions de sols faites parles agriculteurs, ont ete retenues :- les sols limono-argileux et argilo-limoneux hauts (ALH) ;- les sols sableux hauts (SH) ;- les sols argilo-limoneux bas (ALB) ;- et les sols sodiques et hydromorphes(SB).La figure 1 presente une carte de laCamargue avec les differents types desols.Nous avons ensuite calcule les sur-faces rizicultivees pour chaque scena-rio en mobilisant les valeurs de lavariable DTC (encadre 1) precedem-ment identifiees pour les culturesavec et sans submersion. En effet, lavariable DTC, qui se decline en valeursminimum et maximum, appelees parla suite DTCminimum et DTCmaxi-mum, permet de prendre en compteles caracteristiques biophysiques (sali-nite, pression phytosanitaire) influen-cant la surface rizicole minimale etmaximale dans chaque type de sol etpour chaque mode de conduite. Lescalculs ont ete effectues par type de

sol puis sommes pour obtenir lasurface rizicultivee (Sriz) a l’echelledu territoire, selon la formule :

Sriz ¼Xn

i¼0

Xi

ðXi þ YiÞ � Si

Ou :- Si = surface du type de sol i ;- Xi = DTC inondee (minimum oumaximum) pour le type de sol i ;- Yi = DTC non inondee (minimumou maximum) pour le type de sol i.Pour chaque scenario, nous avonsestime la valeur de la surface riziculti-vee en utilisant une valeur moyenneainsi que les valeurs extremes deDTCminimum et DTCmaximum (vari-abilite des reponses des agriculteurs),pour les cultures non submergees etpour le riz inonde (tableau 2). Dansles scenarios A et C, ou le riz est moinsrentable que les autres cultures, onconsidere que l’agriculteur cherche aminimiser sa part dans l’assolement ; ils’agit donc de calculer la proportionde riz necessaire pour le maintien de laqualite agronomique des sols (via ladesalinisation). La surface correspon-dante est calculee en prenant pour Xi,la duree minimale du cycle de rizi-culture et pour Yi, la duree maximaledu cycle de cultures non inondees. Al’inverse, dans les scenarios B et D, leriz est tres rentable et donc l’agricul-teur cherche a maximiser la taille dela sole de riz. Pour calculer une partde riz maximale, on utilise pour Xila DTCmaximum culture inondee etpour Yi la DTCminimum cultures noninondees.

Tableau 1. Caractérisation des types de sol camarguais.Table 1. Characterization of the soil types of Camargue.

Type de solCaractéristiques Surface en Camargue

Altitude (m) Salinité Taux d'argile (ha) (%)

SH > + 1,5 Faible Faible 1 711 5

ALH > + 1,5 Faible Moyen à �elev�e 9 834 31

ALB [0 ;+ 1,5] Moyenne Élev�e 14 403 45

SB [- 0,5 ; + 0,5] Forte Variable 6 181 19

Forte sensibilit�e à l'hydromorphie

TOTAL 32 129 100

ALH : sols limono-argileux et argilo-limoneux hauts ; SH : sols sableux hauts ; ALB : sols argilo-limoneux bas , SB : sols sodiques et hydromorphes.Source : Inra ; Réserve nationale de Camargue ; Parc naturel régional de Camargue et Syndicat mixte de la Camargue gardoise.

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RésultatsIdentification et formalisationdes contraintes agronomiquesMalgre la diversite des structuresd’exploitation agricole et les diffe-

rentes strategies des agriculteurs, nousavons pu verifier la pertinence denotre modele pour rendre compte desassolements des agriculteurs. Nousavons constate que, parmi les deter-minants (facteurs influencant la valeurdes variables du modele) specifies par

les agriculteurs (tableau 3), certainsetaient communs et relativement sta-bles dans le temps (independantsdes evolutions, parfois rapides, ducontexte socio-economique). Il s’agitdes determinants de nature biophy-sique, comme par exemple la sensi-bilite des especes cultivees a lasalinite. De plus, pour chaque variablede decision, nous avons constate qu’ilexistait, pour tous les agriculteurs, desvaleurs « interdites », delimitant ce quiest acceptable et ce qui est jugeimpossible. Nous avons alors attribuea chaque variable une valeur minimaleou maximale, selon la nature de lavariable. Par exemple, en agricultureconventionnelle, si un ble sur un sollimoneux argileux ne peut pas etrecultive plus de quatre annees succes-sives, a cause des maladies et cemalgre l’usage de produits phytosani-taires, alors le nombre de cyclessuccessifs maximum est egal a 4.Toutefois, pour une meme variablede decision, tous les agriculteursn’apprecient pas de la mememaniere les contraintes biophysiques.Cela a conduit a proposer, pourchaque variable etudiee, une valeurmoyenne et un intervalle defini parles valeurs extremes rencontreesparmi les agriculteurs.Les enquetes ont permis de preciser lasignification de la variable DTC. Pourles riziculteurs, le riz doit revenir dansla rotation a une vitesse qui differe

Camargue Gardoise

Grande Camargue Plan du Bourg

Mer Méditerranée

Sols limono-argileux et argilo-limoneux hauts (ALH)

Sols sableux hauts (SH)

Sols argilo-limoneux bas (ALB)

Sols sodiques et hydromorphes (SB)

Limites de la réservede Biosphère

Rhône

Figure 1. Carte des types de sols camarguais.

Figure 1. Map of Camargue type of soils.Source : Inra ; Réserve nationale de Camargue ; Parc naturel régional de Camargue et Syndicat mixte de la Camarguegardoise.

Tableau 2. Durée de type de culture (DTC) minimum et maximum (en années) des cultures inondées(riz) et non inondées visée par les agriculteurs de Camargue, en agriculture biologique et en agricultureconventionnelle.Table 2. Length of crop type (number of years) intended by rice growers in Camargue for dry and irrigated crops, in organicand conventional agriculture.

Types de cultures Type de solAgriculture biologique Agriculture conventionnelle

DTCminimum DTCmaximum DTCminimum DTCmaximum

Cultures non inond�ees

SH 3 [2 ; 3] 8 [7 ; 9] 2 8 [7 ; 9]ALH 3 [2 ; 3] 8 [7 ; 9] 2 8 [7 ; 9]ALB 3 [2 ; 3] 3 [3 ; 5] 2 3 [3 ; 5]SB - - 2 2

Riz inond�e

SH 1 2 [1 ; 2] 1 1ALH 1 2 [1 ; 2] 1 1ALB 1 2 [1 ; 2] 1 [1 ; 2] 1SB - - 1 [1 ; 2] 1

- : culture impossible ; 1 : monoculture de riz autorisée ; ALH : sols limono-argileux et argilo-limoneux hauts ; SH : sols sableux hauts ; ALB : sols argilo-limoneuxbas, SB : sols sodiques et hydromorphes.Valeurs entre crochets : extrêmes rencontrés chez les agriculteurs.

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Tableau 3. Variables de décision et déterminants des choix d'assolement en Camargue.Table 3. Decisional variables and determinants of the cropping plan in Camargue.

Catégorie de variable Variables de décision Déterminants principaux identifiés

Choixdes cultures Hi�erarchisation

Rentabilit�e (marge brute, primes, contrat, r�eglementation PAC)S�ecurit�e : �economique (biologique, climatique)Adaptabilit�e des ressources productives de l'exploitation (charge de travail, main-d'œuvre,mat�eriel, connaissances techniques)Besoin en eau et coûts eau (irrigation n�ecessaire, facultative)Adaptabilit�e terrain (type de sol, hydromorphie, salinit�e)

Localisationet organisationspatialedes cultures

Zone cultivabled'une culture

Milieu physique type de sol (texture, fertilité, hydromorphie)salinité

État biologique de la parcelle (pression phytosanitaire)Distance/accessibilit�e de la parcelleForme/taille de la parcelleVoisinage parcelle et localisation par rapport au siège de l'exploitationFacilit�e d'irrigation (r�eseau d'irrigation, vent)Contrat (�eligibilit�e à l'agriculture biologique, Indication g�eographique prot�eg�ee [IGP], etc.)

Regroupementde parcelles

Taille de la soleDistance/accessibilit�e de la parcelleVoisinage de la parcelleR�eseau d'irrigationMode de conduite (simplifi�e/intensif)

Organisationtemporelledes cultures

D�elai de retourd'une culture

amélioration de la structure du soldiminution des risques phytosanitairesdiminution du risque de remontée de seldiminution du coût de l’itinéraire technique

Effet précédentà valoriser

Effet suivantà éviter

augmentation des risques phytosanitairesaugmentation du risque de remontée de selaugmentation du coût de l’itinéraire technique

Contrat

Couple de culturespr�ec�edent-suivant

amélioration de la structure du soldiminution du risque de remontée de seldiminution des risques phytosanitairesdiminution du coût de l’itinéraire technique

Effet précédent

à valoriser

Effet suivantà éviter

diminution du rendementaugmentation du coût de l’itinéraire techniqueaugmentation des risques phytosanitaires

Adaptabilit�e au calendrier de travail (activit�e exploitant, concordance date r�ecolte-semis. . .)Contrat-r�eglementation

Nombre de cyclessuccessifsd'une culture

Risques phytosanitairesVitesse de remont�ee de selDiminution du rendementContrat-r�eglementation

Dur�ee d'implantationd'une culture

Risques phytosanitairesVitesse de remont�ee de selDiminution du rendementContrat-r�eglementation

Dur�ee d'un typede culture

Risques phytosanitairesVitesse de remont�ee de selDiminution du rendement

Construit d'après les travaux de Maxime et al. (1995) et de Aubry et al. (1998).En italique, les déterminants biophysiques.PAC : politique agricole commune.

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selon les types de sols, lesquelsconditionnent la vitesse des remon-tees salines. Cette vitesse de retourest inversement correlee au nombred’annees pendant lesquelles se succe-dent des cultures non inondees surune parcelle donnee, c’est-a-dire a lavariable DTC non inondee. Par ail-leurs, un nombre de cycles successifsminimum de riz (DTCminimum inon-dee) est necessaire pour dessalersuffisamment les sols. Un autre interetde l’alternance de cultures inondeeset non inondees est de contribuer alimiter les risques phytosanitaires etl’enherbement propres a chaque typede culture en modifiant les conditionsdu milieu (aerobie ou anoxique).Les sols hauts (ALH et SH), moinssensibles aux problemes d’hydromor-phie et de salinite, peuvent supporterplusieurs annees consecutives decultures non inondees (jusqu’a dixans selon certains agriculteurs). Al’inverse, les sols bas (ALB et SB)doivent revenir plus frequemment enriz. Les sols tres argileux (ALB) sontmoins favorables a l’implantation descultures non inondees (notamment lescultures d’hiver comme le ble dur),mais conviennent a la culture du riz.Ainsi, les parcelles doivent revenir enriz au minimum tous les quatre a sixans sur les terres ALB et plus frequem-ment encore sur sols SB, afin de gererla salinisation.Le mode de conduite influe sur lavaleur prise par la DTCminimum. Eneffet, l’etat d’enherbement d’une par-celle est un determinant majeur durendement potentiel d’une culture enAB, ou les desherbants chimiques sont

bannis. En consequence, le delai deretour du riz est plus long en AB, ou ilconvient de faire auminimum deux outrois ans de cultures non inondeesavant de refaire du riz, alors que le rizpeut etre cultive de facon continue enagriculture conventionnelle. De plus,les sols SB sont plus difficiles a cultiveren AB du fait de la necessite de cultiverdu riz frequemment (pour dessaler),alors que la pression des adventicesimpose un delai de retour. Certainsagriculteurs estiment que cultiverdu riz en AB est impossible sursol SB alors que d’autres considerentque la riziculture y est possible, enalternance avec des jacheres ou desprairies. Pour la suite de l’analyse,nous avons considere la culturebiologique du riz comme impossiblesur les sols SB.

Évaluation de la surfacerizicultivée en Camarguepour quatre scénariosLe scenario A considere toute lariziculture en mode biologique dansune situation ou la culture du rizserait peu rentable. Dans ce cas, etcompte tenu de la variabilite desreponses des riziculteurs, la rizicul-ture occuperait entre 3 555 et 5 044hectares (tableau 4).Dans le cas du scenario C qui differedu scenario A par le mode de conduiteconventionnel, la surface rizicolevarierait entre 5 615 et 7 104 hectares.La non-culture des sols bas sales (19 %du territoire etudie) en AB expliqueles differences de valeurs entre ces

deux scenarios. La variabilite desreponses des riziculteurs se traduitpar une difference de l’ordre de2 000 hectares entre le minimum et lemaximum de surface rizicole pour cesdeux scenarios.Le scenario D considere la situation oule riz est plus rentable que les autrescultures, et ou l’ensemble des surfacesen Camargue sont en AC. La mono-culture de riz etant possible sur tous lestypes de sol, l’ensemble de la surfacecultivee de la regionpourrait etre en riz,soit une surface maximale de 32 129hectares.En AB (scenario B), la surface maxi-male en riz varierait entre 6 487 et12 974 hectares, selon que des solu-tions techniques seraient identifiees ounonpour cultiverdu riz deuxanneesdesuite. Meme dans ce cas, la surface enriz n’excederait pas 40 % de la surfacecultivee totale. La necessite d’allongerla rotation en integrant une ou plu-sieurs annees de cultures non inondeesafin de rompre le cycle des adventicesdu riz est le facteur limitant la surfaceenriz biologique.

Discussion-Conclusion

La surface maximale en riz estimeedans le scenario D est tres proche decelle qui est effectivement observeeau maximum de la production rizicolecamarguaise dans les annees 1960,environ 33 000 hectares (Agreste,1990). A cette epoque, le riz etaitentierement en AC, avec des prix devente attractifs, caracteristiques quisont a la base du scenario D. Cela

Tableau 4. Résultats des scénarios évalués (A, B, C et D).Table 4. Results of scenarios (A, B, C, and D).

Scénarios économiques

Faible attractivitééconomique du riz

Forte attractivitééconomique du riz

Sc�enarios techniques

Modèle agriculturebiologique

A4 884 hectares [3 555-5 044]

15 % [11-16 %]

B10 379 hectares [6 487-12 974]

32 % [20-40 %]

Modèle agricultureconventionnelle

C6 944 hectares [5 615-7 104]

21 % [17 %-22 %]

D32 129 hectares

100 %

Surface totale en riz cultivé (en hectares) et pourcentage par rapport à la surface agricole utile (SAU) régionale pour différents scénarios (valeur moyenne et variabilitétenant compte de la diversité des réponses).

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indique une bonne predictibilite dumodele developpe. Il faut noter qu’acette epoque, la surface rizicultiveedepassait celle qui est necessaire poureviter la salinisation des sols.La surface agricole utile de laCamargueest d’environ 45 000 hectares. Si l’onconsidere, a partir des donnees de suivide la salinite (Mouret et al., 2004), qu’enmoyenne, il ne faut pas depasser 3 a4 ans de cultures non inondees poureviter des remontees salines penalisan-tes, cela signifie que la surface rizicul-tivee devrait etre comprise entre19 000 et 22 000 hectares. La superfi-cie en riz en 2013 est de 21 000 hecta-res, dans un contexte ou le riz esteconomiquement attractif (primescompensatoires de la PAC). Cependantles difficultes techniques rencontreespour le controle des adventices (du faitde la reduction des matieres activesautorisees), ainsi que les pressionset contraintes environnementales, nepermettent pas d’aller au-dela.Les simulations des surfaces rizicolesminimales, dans le cas d’une agricul-ture conventionnelle (scenarios C) sontproches du minimum historique de1981, lorsque le riz etait peu rentable(environ 5 000 hectares), montrantencore la pertinence du modele. Or,a cette epoque, des problemes desalinisation des sols avaient ete obser-ves (Heurteaux, 1990).Pour le scenario maximisant la surfacerizicole d’une agriculture totalementbiologique (scenario B) on obtient unesurface en riz comprise entre 6 500 et13 000 hectares. Dans les conditionsde maıtrise technique actuelle dessystemes en AB, la surface serait plusproche de la valeur minimum calculee,ce qui aurait de nombreuses conse-quences sur les sols, commedans le casdes scenarios A et C. Cependant, si desprogres techniques etaient realises etqu’il etait possible de cultiver du rizdeux ans de suite, la surface rizicultiveepourrait atteindre 13 000 hectares. Ilexiste donc un enjeu fort pour ledeveloppementde techniques rizicolesbiologiques permettant la culture du rizdeux annees de suite. A partir desdiscussions menees avec les agricul-teurs, et en considerant la variabilitedes types de sol, il apparaıt que cettesuperficie de 13 000 hectares seraitsuffisante pour maintenir les sols dansdes conditions satisfaisantes de fertiliteet cela pour deux raisons : i) certains

sols sont peu ou pas sales et sur ceux-ciil est possible de pratiquer des culturessans submersion pendant 7 a 9 ans ; etii) les riziculteurs en AB sont capablesd’adapter leur systeme de productionpour minimiser les problemes desalinite (mise en place de prairies,cultures fourrageres, jacheres. . .), voires’en affranchir. Cependant, une tellediminution des surfaces en riz ne seraitpas sans consequences sur la filiere(volumede rizmoindrepouvantmettreen peril les cooperatives specialisees)ni peut-etre sur le fonctionnementhydrologique et environnemental dudelta, compte tenu de l’interdepen-dance entre espaces cultives et espacesnaturels et de l’impact des eaux dedrainage des rizieres sur la hauteur et lasalinite des etangs centraux du delta(Heurteaux, 1990).Le cadre conceptuel propose pourrepresenter les decisions techniquesdes agriculteurs etait jusqu’ici utilisepour accompagner des agriculteursdans leur prise de decision indivi-duelle. En Camargue, ce cadre s’estrevele pertinent pour representer lamaniere dont chaque agriculteur orga-nise ses propres assolements et pour enreperer les determinants, mais il aaussi permis d’evaluer les consequen-ces regionales de scenarios contrastesd’evolution du systeme agraire. Du faitde la diversite des exploitations agri-coles, et de la difficulte de predirecomment elles adapteraient leurs pra-tiques agricoles en cas de changementde contexte economique ou reglemen-taire, les scenarios evalues doivent etretres contrastes. Evaluer des scenariosplus fins (comme une diminution duprix du riz) necessiterait des methodesplus economiques. On peut toutefoissouligner l’interet de l’approche quenous avons developpee pour fairereflechir collectivement les agriculteurset leurs responsables sur les conse-quences de certains grands choixd’orientation agricole. Les scenariosa evaluermeriteraient cependant d’etreelabores avec les acteurs locaux. Lessoumettre a d’autres acteurs du terri-toire (cooperatives, vendeurs d’intrants,gestionnaires des milieux naturels,collectivites territoriales. . .) ayant despoints de vue et interets possiblementdivergents quant a la place de l‘agri-culture, amenerait d’autres sourcesde connaissances pour evaluer cesscenarios. &

Remerciements

Ces travaux ont beneficie du soutienfinancier de l’Agence nationale de larecherche ([ANR], programme SYSTERRA :projet PERFCOM ANR-08-STRA-11).

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