un modèle ancien d'entreprise virtuelle : le secteur de l'édition scolaire

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UN MODÈLE ANCIEN D'ENTREPRISE VIRTUELLE : LE SECTEUR DE L'ÉDITION SCOLAIRE Guillaume Chanson ANDESE | Vie & sciences de l'entreprise 2009/1 - N° 181 pages 41 à 55 ISSN 0336-142X Article disponible en ligne à l'adresse: -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- http://www.cairn.info/revue-vie-et-sciences-de-l-entreprise-2009-1-page-41.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Pour citer cet article : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Chanson Guillaume, « Un modèle ancien d'entreprise virtuelle : le secteur de l'édition scolaire », Vie & sciences de l'entreprise, 2009/1 N° 181, p. 41-55. DOI : 10.3917/vse.181.0041 -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour ANDESE. © ANDESE. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit. 1 / 1 Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 93.180.53.211 - 20/11/2013 18h54. © ANDESE Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 93.180.53.211 - 20/11/2013 18h54. © ANDESE

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UN MODÈLE ANCIEN D'ENTREPRISE VIRTUELLE : LE SECTEUR DEL'ÉDITION SCOLAIRE Guillaume Chanson ANDESE | Vie & sciences de l'entreprise 2009/1 - N° 181pages 41 à 55

ISSN 0336-142X

Article disponible en ligne à l'adresse:

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------http://www.cairn.info/revue-vie-et-sciences-de-l-entreprise-2009-1-page-41.htm

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Pour citer cet article :

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Chanson Guillaume, « Un modèle ancien d'entreprise virtuelle : le secteur de l'édition scolaire »,

Vie & sciences de l'entreprise, 2009/1 N° 181, p. 41-55. DOI : 10.3917/vse.181.0041

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Distribution électronique Cairn.info pour ANDESE.

© ANDESE. Tous droits réservés pour tous pays.

La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites desconditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votreétablissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière quece soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur enFrance. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit.

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UN MODÈLE ANCIEN D'ENTREPRISE VIRTUELLE : LE SECTEUR DE L'ÉDITION SCOLAIRE

Par Guillaume CHANSONMaître de Conférences,

Université de Picardie Jules Verne, UPJV/PRISM

dentifiée par les premiers chercheurs comme une forme d’organisation pour le 21ème siècle rendue possible par les progrès dans l’informatique et les communications, les principes de l’entreprise virtuelle sont anciens comme le montre cette étude empirique réalisée sur les maisons d’édition scolaires

françaises. Grâce à une approche théorie enracinée, les entretiens menés auprès des principaux responsables de ces entreprises font émerger des systèmes d’alliance dynamiques au sein desquels les maisons d’édition jouent le rôle de pivot et de chef d’orchestre réunissant de nombreux spécialistes (auteurs, maquettistes, graphistes, imprimeurs, …) nécessaires à la réalisation d’un projet : la publication d’un manuel scolaire. Cette étude permet ensuite de faire apparaître deux observations empiriques sur le modèle de l’entreprise virtuelle (dans l’édition scolaire) : il n’est pas dû au développement de l’informatique (voire est freiné par celle-ci) et il n’a pas pour objectif de recourir aux meilleurs spécialistes du monde (mais plutôt de renouveler la créativité).

INTRODUCTION

En 1992, Davidow et Malone popularisent le concept d’entreprise virtuelle. Tout à leur projet de dessiner les contours de l’entreprise du 21ème siècle, ces deux auteurs mettent l’accent sur le recours aux nouvelles technologies de l’information et de la communication (TIC). Ces dernières feront désormais partie intégrante de la plupart des définitions utilisées pour ce concept, comme celle proposée par Byrne, un an plus tard :

« The virtual corporation is a temporary network of independent companies, suppliers, customers, even erstwhile rivals – linked by information technology to share skills, costs and access to one another’s markets. It will have neither central office nor organization chart. It will have no hierarchy, no vertical integration. » (Byrne, 1993 p. 99).

Cette forme organisationnelle, certainement facilitée par le développement des TIC, est-elle pour autant indissociablement liée à celui-ci ? Ne peut-on concevoir des réseaux temporaires d’entreprises indépendantes qui partageaient, avant le développement des TIC, des savoir-faire, des coûts et l’accès à un marché (sans hiérarchie et sans intégration verticale)? Est-ce que l’usage de ces technologies modifie suffisamment la forme organisationnelle pour que l’on considère que, sans leur présence, ces réseaux n’appartiennent pas au concept d’entreprise virtuelle (tel qu’il est aujourd’hui le plus souvent défini) ?

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Nous ne le pensons pas, et c’est pourquoi nous allons vous présenter dans cette recherche une forme d’organisation qui préexistait aux TIC12. Elle correspond tout à fait à « un réseau d’entreprises indépendantes réparties qui coopèrent le temps de la réalisation d’un projet ou d’un produit, […] rapidement adaptable aux changements des marchés et des environnements » (Cf. l’article de N. Ravidat dans ce numéro).

Dans cet article, nous allons nous pencher sur l’organisation des maisons d’édition scolaire françaises. De nombreux utilisateurs des manuels scolaires seraient surpris par la proportion de l’ouvrage réalisée par des salariés de l’entreprise dont la marque figure sur la couverture (Hachette, Nathan, Belin, etc.).

En effet, il faut savoir que l’éditeur de manuel scolaire ne rédige pas les ouvrages, puisqu’il confie cette tâche à des auteurs (souvent personnels de l’Education nationale), dans le cadre d’une collaboration ponctuelle limitée à un projet d’ouvrage. Si pour un thème et un niveau scolaire, les éditeurs ont souvent tendance à confier plusieurs ouvrages successifs à un même auteur, il n’est pas rare de voir des auteurs changer de maison d’édition ou des maisons renouveler leurs auteurs. La plupart des éditeurs de manuel scolaire ne conçoivent ni les couvertures, ni les maquettes et n’assurent pas non plus la mise en page des ouvrages et confient ces tâches à des studios de création graphique. Ici encore, la coopération porte sur un ouvrage et les éditeurs changent souvent de partenaires.L’éditeur de manuel scolaire n’imprime pas non plus les ouvrages. Après la vente en 1998 par Hachette de son imprimerie Brodard et Taupin, plus aucun éditeur scolaire français ne possède sa propre imprimerie.

En somme, le rôle de l’éditeur (terme, qui désigne en français la maison d’édition, comme l’employé qui prend la responsabilité de la conception d’un ouvrage) consiste essentiellement à identifier une opportunité pour un manuel scolaire, puis à sélectionner et coordonner le travail de ces différents spécialistes (auteurs, graphistes, imprimeur). A ce titre, nous considérerons pour l’entreprise virtuelle la définition suivante : une alliance dynamique entre des organisations (ou des individus) qui apportent des ressources pour fournir collectivement un produit sur un marché, coordonnés par une organisation qui ne participe pas significativement à la production de celui-ci.

Dans une telle conception de l’entreprise virtuelle, les technologies de l’information et de la communication ne sont qu’un moyen, possible, de réaliser cette coordination. Affranchis de cette caractéristique, il nous devient alors possible d’identifier des formes plus anciennes d’organisation, dont l’étude sous l’angle de l’entreprise virtuelle n’avait pu être entreprise.

12 Même s’il n’adhère pas à cette conception qu’il jugerait par trop extensive du concept d’entreprise virtuelle, le lecteur pourra considérer la forme organisationnelle ici décrite comme les prémices de l’entreprise virtuelle et pourra juger de l’apport des TIC à son organisation.

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Que peut nous apprendre l’étude d’un modèle ancien d’entreprise virtuelle (ici l’organisation adoptée par les éditeurs scolaires) ?

Nous présenterons dans un premier temps les méthodes adoptées pour cette recherche. Nous présenterons ensuite des propositions issues de cette recherche de terrain, les premières conformes aux résultats identifiés par la littérature, les secondes s’en démarquant.

1. MÉTHODE DE RECHERCHE ET PRÉSENTATION DU TERRAIN

1.1. CHOIX DE LA METHODE DE RECHERCHE

Parce qu’il est difficile de trouver des formes pures d’organisations virtuelles (DeSanctis et Monge 1999), la littérature sur les entreprises virtuelles manque d’une solide assise empirique. Pour proposer une théorisation empiriquement fondée, il nous a semblé utile de recourir à une démarche inductive de théorie enracinée (Glaser et Strauss 1967, Strauss et Corbin et 1990), permettant de reconstruire les concepts à partir de cas concrets.

«La théorie enracinée ou grounded theory »

Bien que son nom puisse le laisser penser, la théorie enracinée n’est pas une théorie. Il s’agit d’une « méthodologie générale pour développer une théorie qui est enracinée dans des données rassemblées et analysées de façon systématique » (Strauss et Corbin 1994, p. 270).

Proposée par Glaser et Strauss en 1967, elle présente les caractéristiques suivantes :

- elle est conçue pour générer des théories empiriquement fondées (« fit and work »),

- elle fait abstraction des explications théoriques traditionnelles (« tabula rasa »),

- les catégories émergent des entretiens menés sur le terrain,

- le chercheur mène des entretiens jusqu’à atteindre une saturation théorique.

Comme la plupart des études récentes en sciences de gestion qui recourent à cette démarche de recherche, nous avons mis en œuvre une théorie enracinée, aménagée par rapport aux principes fondateurs de 1967.

Sans aller jusqu’à la « tabula rasa », nous avons donc été sur le terrain pour étudier ce qui nous paraissait être des formes d’entreprise virtuelle, en faisant abstraction des définitions et des cadres théoriques de ce champ de recherche.

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Nous avons procédé à des entretiens avec les principaux responsables de toutes les maisons d’édition scolaire nationales (Cf. tableau 1)13.

Les entretiens ont été enregistrés et retranscrits. Chaque retranscription d’entretien a été envoyée à la personne interrogée pour qu’elle puisse y porter des corrections. Certains entretiens nous sont revenus très minutieusement corrigés, d’autres n’ont pas souhaité retourner de corrections, ce que nous interprétons comme une approbation tacite.

Ces retranscriptions sont la source des verbatims qui sont présentés dans cette recherche. Ces derniers sont destinés à fournir au lecteur à la fois une justification des propositions formulées, mais aussi un accès direct au vocabulaire des acteurs de terrain et des circonstances dans lesquelles ils ont fait l’expérience de ces situations.

Nous avons complété ce recueil de données primaires par des sources secondaires, dont l’une mérite d’être brièvement présentée : la décision de la Commission Européenne du 7 janvier 2004 sur l’opération de concentration entre Hachette et Vivendi Universal Publishing, qui repose sur une analyse extrêmement détaillée du secteur de l’édition.

13 Toutes les maisons d’édition scolaire nationales ont accepté de répondre, à l’exception d’une, sous condition d’anonymiser les réponses publiées.

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Tableau 1 :

Personnes interrogées

Nombre Statut

2 Directeurs de groupe1 Directeur adjoint de la gestion (groupe)1 Directeur du contrôle de gestion (groupe)G

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1 Directeur de Département (groupe)

11 Directeurs de maison1 Directeur général délégué3 Directeurs administratifs et financiers1 Directeur technique1 Ex-directeur commercial2 Responsables éditoriaux1 Directeur de promotion1 Directeur marketing1 Assistante de direction1 SyndicalisteM

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1 Ex-cartographe

1 Chargé de mission du Syndicat National de l’Edition1 Délégué adjoint, Institut Esprit Service

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1 Associé responsable de l’externalisation d’un des principaux prestataires français

1.2. PRESENTATION DU TERRAIN

Les manuels scolaires sont tous « les ouvrages prescrits qui correspondent aux programmes établis par le ministère de l'Education nationale et qui sont obligatoirement utilisés par les élèves en classe » (Syndicat National de l'Edition 2003).

Le marché de l’édition scolaire est « de dimension géographique nationale » (Commission des communautés européennes 2004 ; p. 87). Grâce aux

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informations du Syndicat National de l'Edition, nous avons pu recenser quatorze éditeurs (nationaux) de manuels scolaires : Belin, Bertrand-Lacoste, Bordas, Bréal, Casteilla, Delagrave, Didier, Foucher, Hachette, Hatier, Magnard, Nathan, Retz, SED.

Une moitié de ces maisons d'édition est constituée d'entreprises indépendantes (Belin, Bertrand-Lacoste, Bréal, Casteilla, Delagrave, SED). Une autre moitié appartient à l'un des deux grands groupes (Hachette et Editis) qui dominent l’édition française (Bordas, Didier, Foucher, Hachette, Hatier, Nathan, Retz), chaque maison d'édition est alors organisée (souvent selon des raisons historiques) comme une société juridique autonome ou comme un département du groupe.

Parmi les éditeurs scolaires, on retrouve différents profils : certains sont des acteurs historiques qui se sont progressivement diversifiés vers d'autres secteurs éditoriaux (exemple : Belin), d'autres sont restés concentrés presque exclusivement sur le scolaire (exemple : Foucher), d'autres enfin sont des éditeurs venus d'autres secteurs (exemple : Bréal). Pour l'édition scolaire, certaines de ces maisons sont généralistes et couvrent tout le secteur scolaire du primaire jusqu'au lycée (par exemple Nathan), d'autres sont à l'inverse spécialisées sur un segment (par exemple l'enseignement technique en lycée pour Casteilla).

En France les éditeurs scolaires sont nécessairement contraints, pour le contenu de leurs manuels, de suivre fidèlement les programmes. Le niveau de leurs ventes est donc très étroitement dépendant des renouvellements de programmes scolaires, décidés par le ministère de l'Education nationale. Les éditeurs scolaires français présentent probablement des spécificités par rapport à leurs homologues étrangers, comme le montrent les études de cas réalisées sur ce secteur dans d’autres pays :

« Dans l’entreprise représentative de l’édition scolaire du moment, le développement de produits était une activité conjointe menée par l’entreprise et des auteurs indépendants alors que la conception, l’impression, et d’autres fonctions étaient réalisées soit en interne soit par des prestataires externes. Ainsi ce qu’une entreprise décidait de faire - ou de ne pas faire - était clairement un choix stratégiques» (Miles et Snow, 2007, p. 460)

2. L’ORGANISATION DE L’ÉDITION SCOLAIRE CONFIRME CERTAINES CARACTÉRISTIQUES DE L’ENTREPRISE

VIRTUELLE

« Les éditeurs chez nous sont des gens à la fois polyvalents, comme je vous l'ai dit, mais aussi un peu chefs d'orchestre, chefs de projet. Et ils vont travailler avec les auteurs, les illustrateurs, les maquettistes, les infographistes, les iconographes, etc. pour monter et suivre le projet, le mener à bien dans une direction éditoriale et artistique qui est notre patte à nous » (Directeur général d'une maison d’édition).

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2.1. L’ENTREPRISE VIRTUELLE FONCTIONNE EN MODE PROJET

L’activité d’édition est caractérisée par un flux continuel de création de nouveaux ouvrages. Chacun de ces ouvrages représente un projet éditorial caractérisé par son résultat final, un calendrier précis avec une date de démarrage et une date de fin fixées a priori, une dotation de ressources et un mode de pilotage spécifique (Demeestère et al. 2006). Dans l’édition scolaire, les contraintes pesant sur l’élaboration d’un nouveau manuel sont plus fortes que dans d’autres secteurs éditoriaux (littérature, essais, jeunesse, etc.). En effet, les éditeurs ne disposent que d’un délai extrêmement serré entre la publication des programmes et les réunions organisées par les enseignants pour choisir les ouvrages l’année suivante. Si un éditeur ne parvient pas à sortir dans les temps, il ne peut vendre son ouvrage pour la première année de la réforme. Sachant que les ouvrages sont renouvelés au minimum tous les quatre ans, il est quasiment évincé de ce marché (cette discipline pour ce niveau scolaire) jusqu’à la prochaine réforme des programmes.

« Les réformes des programmes sont en général le facteur qui entraîne la décision d'éditer un nouveau livre scolaire. (Il arrive aussi qu'un éditeur décide de lancer un nouveau manuel sans réforme de programme, par exemple si un manuel existant est devenu obsolescent ou peut être amélioré et si les délégués pédagogiques font remonter l'information de l'existence d'une attente de la part des enseignants.) Les plus gros éditeurs généralistes publient quasi-systématiquement un nouveau manuel à chaque réforme. » (Commission des communautés européennes 2004 ; p. 198).« Dans le cas général, on [le ministère de l’Education] vous sort un programme en mai, maximum juin et puis quatorze mois plus tard, il entre en application. Donc vous avez un calendrier très serré pour produire. Si vous ratez cette rentrée-là, vous attendez un an, et si c'est un autre qui a pris la place, vous allez avoir du mal à le déloger. […] » (Chargé de mission du Syndicat National de l’Edition).« L'objectif est de convaincre l'enseignant de prendre le manuel d'histoire de [notre maison d’édition] plutôt que celui de [notre concurrent]. Notre objectif est qu'il ait ses spécimens le jour J dans sa case dans la salle des profs de Guéret dans la Creuse. Ca c'est l'objectif. » (Directeur général d’un groupe d’édition).

Chaque ouvrage fait l’objet d’une gestion de projet tout à fait traditionnelle. La maison d’édition va commencer par sélectionner certains projets (étude de faisabilité, évaluation financière, …) et pour les projets retenus, elle va désigner un de ses employés, l’éditeur, comme responsable de ce projet. Ce dernier va planifier le projet, choisir les ressources externes impliquées (auteur(s), graphistes, etc.). Il va ensuite suivre le projet pour que celui-ci ne dépasse pas le calendrier initialement fixé :

« On a un fil conducteur au niveau de [notre maison d’édition] qui est le plan d’édition qui permet de suivre les objectifs de remise (par exemple)

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des manuscrits (ou de chaque chapitre) par les éditeurs pour que chaque maquettiste (ou maquettiste extérieur) puisse piloter son emploi du temps sur la durée. On sait là où on va être très occupé, etc. […] Et après le problème que l’on peut avoir, c’est le retard du manuscrit. Là cela peut vraiment créer un embouteillage dans l’emploi du temps. C’est le problème majeur que l’on peut avoir. » (Directeur du contrôle de gestion d’un groupe d’édition).

Cette organisation de l’entreprise virtuelle par projet est conforme aux propositions formulées dans la littérature (Kasper-Fuehrer et Ashkanasy 2001, Gallivan 2001, Clases et al. 2004).

C’est donc dans le cadre de ce projet, que va se créer cette alliance dynamique entre des organisations (ou des individus) qui apportent des ressources pour fournir collectivement un produit sur un marché. Chaque projet représente une alliance différente (avec des auteurs et des graphistes différents), mais d’un projet à l’autre, beaucoup de partenaires restent, c’est en ce sens que l’alliance est dynamique.

2.2. L’ENTREPRISE VIRTUELLE A UN ROLE DE CHEF D’ORCHESTREET DE PIVOT

Au-delà du rôle de chef de projet éditorial, la maison d’édition, et plus particulièrement l’éditeur responsable du manuel scolaire à paraître, assume aussi un rôle de chef d’orchestre coordonnant les efforts de différents spécialistes.

« Les ouvrages scolaires impliquent généralement un nombre d’intervenants très élevé et mobilisent une véritable équipe d’auteurs (de trois à dix), de documentalistes et d’illustrateurs. Les manuels scolaires nécessitent une présentation pédagogique adéquate, des illustrations, des reproductions, de photos, cartes et tableaux. Le processus de fabrication est donc plus complexe et nécessite des investissements plus importants que toutes les autres catégories de livres (mis à part les ouvrages de référence). » (Commission des communautés européennes 2004, p.197).

La technologie de production d’un manuel scolaire est complexe, même s’il s’agit d’un des derniers secteurs envisagés pour illustrer la haute technologie. L’éditeur, de, même que les autres salariés de la maison d’édition, n’aurait pas les compétences pour réaliser par lui-même un manuel. La rédaction de l’ouvrage nécessite non seulement des connaissances académiques, mais aussi une expérience pédagogique qu’il n’a pas. L’infographie, la cartographie, la conception de maquette ou de couverture sont autant de domaines dont il ne maîtrise pas les compétences techniques. En outre, même formé, il ne pourrait les acquérir en totalité. Enfin, la valeur des actifs nécessaires à l’impression des ouvrages dissuade toutes les maisons d’édition de posséder leur propre imprimerie. Il leur serait en effet extrêmement difficile d’équilibrer sur l’année une activité extrêmement saisonnalisée.

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« Un éditeur gère des auteurs, donc des contenus intellectuels, gère des fournisseurs, donc des aspects techniques, gère du marketing, donc du commerce et la communication. Et un éditeur qui finit par comprendre tout ça, en général en étant plus spécialiste d'un niveau ou d'une discipline, si c'est un bon, on a vraiment envie de le garder. Le temps de formation est assez long. » (DG d'une maison d’édition).« L'internalisation n'est pas une valeur en l'occurrence. Ce qui est au cœur de notre métier, c'est la qualité de la création. Elle est aussi externalisée quand elle est chez les auteurs. On est habitué à ça. Puisque la qualité de création de nos produits, elle vient en premier lieu de la qualité de nos auteurs. Or, on est habitué à ne pas les mettre sous cloche, à vivre avec, et à ce que ce soit une qualité de dialogue avec eux qui fasse la qualité des produits. » (DG d'une autre maison d’édition).

L’éditeur est donc amené à coopérer avec ces différents spécialistes. Il joue un rôle pivot d’intermédiation (broker) dans le réseau (Jarillo 1988), c’est-à-dire qu’il conçoit et gère l’entreprise virtuelle et facilite les relations entre ses acteurs (Snow et al. 1992). Ces relations ne sont pas hiérarchiques (Byrne 1993), les relations contractuelles s’orientent toutes vers la maison d’édition, mais prennent des formes différentes selon les acteurs : contrat d’auteur, bon de commande, etc.

Les compétences clefs de la maison d’édition résident donc dans le « pure brokering » (Snow et al. 1992).

3. L’ORGANISATION DE L’ÉDITION SCOLAIRE REPRÉSENTE CERTAINES ORIGINALITÉS PAR RAPPORT AUX

REPRÉSENTATIONS TRADITIONNELLES DE L’ENTREPRISE VIRTUELLE

3.1. LA VIRTUALISATION N’EST PAS DUE A L’INFORMATIQUE,AU CONTRAIRE …

Le mode d’organisation des éditeurs scolaires préexistait très largement au développement de l’informatique et des nouveaux moyens de communication. Le développement de ces technologies a eu deux effets opposés.

Il a bien évidemment permis de faciliter la communication et les interactions entre les protagonistes de l’entreprise virtuelle. Il n’a toutefois pas modifié la position centrale de l’éditeur, point de passage obligé de toute communication, tant il est rare qu’un auteur communique directement avec un maquettiste ou un imprimeur.

Mais l’effet le plus intéressant concerne l’évolution des possibilités offertes par l’informatique. Avant le développement de la P.A.O. (Publication assistée par ordinateur), toutes les tâches graphiques et de mise en page étaient beaucoup plus complexes et étaient réalisées par des photocompositeurs. Il aurait été impossible aux maisons d’édition de gérer elles-mêmes ces différentes activités :

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« Jusqu'aux années quatre-vingt-dix, quatre-vingt-quinze même, ces fonctions-là étaient assumées par des photocompositeurs. Donc c'était encore plus professionnel. Il fut un temps où c'était impossible d'internaliser ça. Il aurait fallu une usine à côté de la maison d'édition. Donc personne ne le faisait. » (DG d’une maison d’édition).

Avec le développement de solutions informatique légères, les maisons d’édition réintègrent une partie de ces activités. Soit elles embauchent des spécialistes en interne, soit elles continuent à travailler avec des studios indépendants (de plus petite taille), mais interviennent plus directement dans la production.

« Auparavant, tout était externalisé. On ne faisait pratiquement pas de maquette. Maintenant, on a des maquettistes qui assurent ça. Et ça, c'est dû aussi à l'évolution technique des Mac, parce que maintenant on peut le réaliser, on peut traiter tout ça de façon beaucoup plus souple et simple et en liaison avec les éditeurs qui eux sont intra-muros. » (Directeur technique d’une maison d’édition).« Il y a une évolution du métier d'éditeur. Le prépresse était autrefois réalisée par les techniciens de fabrication, aujourd'hui c'est l'éditeur qui prend en charge. » (DG d’une maison d’édition).« Mon prédécesseur a été là pendant de très très nombreuses années qui avaient été les années de l'émergence de la P.A.O. Donc, il considérait que le métier de l'éditeur était une espèce de métier de chef d'orchestre de la réalisation du livre en externalisant. Et que ce métier de chef d'orchestre s'arrêtait à une coordination des différentes actions, mais sans jamais toucher à la maquette. Et il avait donc fait le choix que l'artistique, la maquette seraient externalisés. Donc l'éditeur touchait au texte, revoyait le texte, mais ne rentrait pas dans la technique. Et moi quand je suis arrivée, j'ai confirmé l'externalisation de la maquette et de l'artistique mais avec une énorme nuance, qui était de dire "mais maintenant fissa, fissa, parce qu'on est très en retard, on va former tout le monde à la P.A.O.". Non pas pour qu'ils fassent leurs maquettes, mais pour qu'ils puissent recevoir la maquette du maquettiste (ça paraît bête, mais ...), l'afficher sur leur écran, la regarder, porter une ou deux corrections, etc., la renvoyer et que les échanges soient facilités. Et que lorsqu’ils ont une correction et demie, au lieu de la renvoyer chez le maquettiste, avec du papier rouge pour qu'il le fasse, ils rentrent dedans. (DG d’une maison d’édition).

Dans ce premier cas, le développement d’outils informatiques qui simplifient des tâches extrêmement complexes amène les maisons d’édition à faire elle-même ce qu’avant elles étaient amenées à confier à des professionnels. Cette évolution technique a donc eu tendance à dévirtualiser l’entreprise virtuelle. Ce résultat va à l’encontre d’une conception de l’entreprise virtuelle permise par le développement des technologies de l’information et de la communication (Davidow et Malone 1992, Byrne 1993, Chesbrough et Teece 1996, DeSanctis et Monge 1999, Grabowski et Roberts 1999, Jarvenpaa et Leidner 1999, Kasper-Fuehrer et Ashkanasy 2001).

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3.2. LA VIRTUALISATION N’A PAS POUR OBJECTIF DE RECOURIR AUX MEILLEURS SPECIALISTES DU MONDE, MAIS DE

RENOUVELER LA CREATIVITE …

Une des justifications théoriques du recours à l’organisation virtuelle repose sur la théorie des compétences-clefs (Chesbrough et Teece 1996, Venkatraman et Henderson 1998, Fitzpatrick et Burke 2000, Kasper-Fuehrer et Ashkanasy 2001, Tatsiopoulos et al. 2002). Cette théorie permet d’expliquer pourquoi une firme pivot va opter pour un fonctionnement en entreprise virtuelle plutôt que de réaliser tout par elle-même :

« La plupart des entreprises peuvent valoriser substantiellement leurs ressources au moyen d’une politique d’externalisation en : (1) développant quelques compétences clés d’importance pour leurs clients et pour lesquelles l’entreprise est de classe mondiale; (2) concentrant l’investissement et l’attention de la direction sur ces compétences; (3) en externalisant de manière stratégique beaucoup d’autres activités où elle ne peut ni n’a besoin d’être la meilleure » (Quinn et Hilmer 1994, p.54).

Un éditeur pourrait considérer qu’il devrait préférer se concentrer sur son activité éditoriale et travailler, pour le reste, en partenariat avec des spécialistes (auteurs, graphistes, imprimeurs, etc.) qui seront plus efficaces que lui. Il est pourtant difficile de retrouver cette logique dans l’organisation des éditeurs scolaires. Les maisons d’édition ne réalisent pas d’impression, du fait des économies d’échelle dues à des investissements particulièrement élevés pour cette activité. Pour la réalisation du contenu du manuel scolaire (auteurs, maquettistes, graphistes, etc.), les maisons d’édition font en majorité appel à des partenaires extérieurs. Pourquoi ?Une première cause est l’importante saisonnalité de la production d’ouvrage, qui conjuguée avec des délais courts amène à avoir besoin de chaque catégorie de spécialistes à la même période de l’année :

« Du fait de la très forte saisonnalité de notre activité, il faut que toutes les maquettes soient faites en même temps pendant un temps très court et puis ensuite, limite ils n’ont rien à faire. » (DG d’une maison d’édition).

Cependant, comme la plupart des maisons d’édition scolaires produisent aussi d’autres types d’ouvrages, sans saisonnalité ou avec des saisonnalités différentes, il est souvent possible de trouver des solutions :

« Ce qui devient compliqué à gérer, c’est ce qu’un maquettiste va faire toute l’année. Eventuellement, il va aller voir son patron en disant j’ai deux semaines de sous-occupation début septembre. Et puis là, avec tous les fonds que l’on a, on a largement de quoi occuper tout le monde. » (Directeur du contrôle de gestion d’un groupe d’édition).

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Comme le disait Miles et Snow (2007), cette décision de conserver en interne ces fonctions ou au contraire de collaborer avec des studios indépendants à travers une entreprise virtuelle, est un choix stratégique. Les partisans de l’organisation interne mettent en avant les compétences de leurs services internes et l’importance de conserver un "esprit maison" pour leurs productions :

« Notre position d'éditeur indépendant fait qu'on a des spécificités et que le fait de tenir d'un bout à l'autre notre chaîne est pour nous quelque chose d'important et qui peut nous servir justement de point fort. » (Directeur général adjoint d’une maison d’édition).« Nous cherchons avant tout à garder un esprit très maison de toute notre production, une homogénéité dans notre production. » (DAF d’une maison d’édition).« On sait que notre service de graphistes nous coûte plus cher que des prestataires extérieurs. C’est sûr et certain. On ne revient pas en arrière sur ce service parce que nous avons une compétence que n’ont pas nos prestataires extérieurs. C’est un gain de temps formidable pour les éditrices. On a un vrai service plus (on va dire) en interne. Donc c’est cela qui justifie de conserver ce type d’organisation. On sait que c’est moins cher à l’extérieur, mais on a plus de sécurité en ayant cet arsenal interne. »(Directeur du contrôle de gestion d’un groupe d’édition).

A l’inverse, les partisans du recours à des partenaires extérieurs considèrent qu’ils ne bénéficient pas de meilleurs spécialistes, mais que le fait de travailler enentreprise virtuelle par projet leur permet de régénérer la créativité :

« Comme [mon prédécesseur] voyait que les livres qui sortaient ne lui paraissaient pas les plus beaux du marché, il réfléchissait. Il n'avait pas pris la décision, mais il se disait : "Peut-être qu'en prenant un expert, je pourrais améliorer : c'est peut-être ça la solution !". Et moi qui ne viens pas de l'éducation, quand je suis arrivée, j'ai dit : "Attends, surtout pas. Si on fait ça, les trois premières années, on va avoir des trucs très beaux et après on aura les mêmes pendant vingt ans" ». (DG d’une maison d’édition).« Il y avait la capacité créative et l'épuisement qu'éprouve une équipe à générer de la création dans un seul environnement. Alors que quand vous avez des gens à l'extérieur, ils travaillent un coup pour le pratique, un coup pour la presse, etc. Ca régénère leurs idées, donc ça vous fait profiter des apports d'autres secteurs. » (DG d’une maison d’édition).

« En effet, en travaillant toujours avec les mêmes équipes en interne, on a tendance à tourner en rond. » (DG d’une maison d’édition).

A travers une organisation en entreprise virtuelle, les maisons d’édition scolaire ne recherchent donc pas des coopérations avec des partenaires dispersés aux quatre coins de la planète sélectionnés pour leurs compétences de niveau mondial. Elles recherchent des alliances dynamiques, c’est-à-dire qu’un éditeur se constitue un pool de partenaires, avec lesquels il va nouer des alliances autour d’un projet

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consistant à fournir collectivement un produit sur un marché. Ces alliances peuvent varier d’un projet à un autre, selon les compétences requises et pour insuffler de la créativité.

CONCLUSION

Cette recherche, menée à travers une démarche de théorie enracinée permet de proposer trois prolongements à la littérature sur les entreprises virtuelles. Tout d’abord, cette dernière étant faiblement empiriquement assise, cette recherche documente et permet de donner de la chair à des formes (impures ?) d’organisation virtuelle. Ensuite, en restreignant, par définition, les organisations virtuelles à celles qui recourent aux technologies de l’information et de la communication, les chercheurs n’ont pu effectuer un examen rigoureux des conséquences des révolutions techniques de l’informatique et de la communication sur les modèles d’organisation virtuelle. Pourtant cette recherche, parce qu’elle a adopté une démarche de théorie enracinée, a permis de mettre en évidence que les TIC pouvaient amener à limiter le recours à l’entreprise virtuelle.Enfin, elle met en évidence trois résultats obtenus fortement cohérents entre eux : c’est parce qu’elle fonctionne en mode projet que l’entreprise virtuelle peut renouveler ses partenaires (au sein d’alliances dynamiques) et ainsi maintenir une haute créativité, à condition que l’entreprise pivot ne participe pas directement à la production et se contente d’investir dans ses capacités de gestion du réseau.

Ceci fonde un modèle de l’entreprise virtuelle cohérent avec notre définition et que l’on peut s’attendre à retrouver dans des secteurs présentant certaines des spécificités du secteur de l’édition scolaire : une activité de création caractérisée par des flux importants de projets de nouveaux produits et pour lesquels il existe une offre abondante de spécialistes (individus ou petites entreprises) qui travaillent en parallèle pour d’autres industries. Ce modèle de l’entreprise virtuelle semble présent dans de nombreux secteurs de la production de biens culturels. A titre d’exemple, les réseaux d’alliances dynamiques constitués par un producteur de films de cinéma sont très similaires des entreprises virtuelles mises en évidence dans le secteur de l’édition.

ABSTRACT

First researchers have described virtual corporation as a new organization for the 21st Century enabled by the Information and Communication Technologies improvements. But this empirical research based on French educational publishers establishes that the principles of virtual corporation are ancient. In a grounded theory approach, many interviews with executives of virtual corporation draw a representation of dynamic alliances systems, in which publishers are orchestra conductor and broker of a network of numerous specialists (authors, printer, artistic professionals,) designed to realize a project: a schoolbook publishing. This study exhibits two other empirical observations about the virtual corporation (in educational publishing industry). First, it is not due to ICT development. Second, it’s goal is not to use the services of best-in-the-world providers (but rather to regenerate creativity).

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MOTS CLÉS : ENTREPRISE VIRTUELLE, ORGANISATION VIRTUELLE, FORME ORGANISATIONNELLE, CREATIVITE, EDITION SCOLAIRE

KEYWORDS : VIRTUAL CORPORATION, VIRTUAL ORGANIZATION, EDUCATIONAL PUBLISHERS

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