un exemple d’utilisation de l’ayous triplochiton ... · œuvre et informe le lecteur de la...

9
Michel Vernay Cirad département Forêts Unité de recherche production et valorisation des bois tropicaux TA 10/16 73, rue Jean-François Breton 34398 Montpellier Cedex 5 France Un exemple d’utilisation de l’ayous (Triplochiton scleroxylon) dans la construction BOIS ET FORÊTS DES TROPIQUES, 2005, N° 284 (2) 35 CONSTRUCTION / VALORISATION DU BOIS DOSSIER Plafond composé de lattes d’ayous au niveau de l’isthme (passage en douane des voyageurs). Les poteaux plongent dans le bois du plafond. Ceiling in obeche laths in the passage through customs. The posts are fitted into the ceiling wood. Photo M. Vernay. L’ayous, matériau fiable et esthétique, a séduit les concepteurs de l’aéroport de Roissy (France) en tant que parement intérieur de deux zones du terminal 2E : le corps central, avec les halls d’embarquement et de débarquement, et l’isthme. Le sinistre, survenu le 23 mai 2004, concernait une autre partie, le tunnel ou jetée, composée de béton et de verre mais pas de bois. En revanche, dans les zones du terminal qu’il habille, le bois permet d’alléger la structure porteuse. À la place d’un plafond en béton de 12 cm d’épaisseur, c’est un revêtement de bois de 25 mm qui est posé.

Upload: ngonhan

Post on 20-Sep-2018

215 views

Category:

Documents


0 download

TRANSCRIPT

Michel Vernay Cirad département ForêtsUnité de recherche production et valorisation des bois tropicauxTA 10/1673, rue Jean-François Breton34398 Montpellier Cedex 5France

Un exemple d’utilisation de l’ayous

(Triplochiton scleroxylon)dans la construction

B O I S E T F O R Ê T S D E S T R O P I Q U E S , 2 0 0 5 , N ° 2 8 4 ( 2 ) 35CONSTRUCTION / VALORISATION DU BOIS

DOSSIER

Plafond composé de lattes d’ayous au niveau de l’isthme (passage en douane des voyageurs). Les poteaux plongent dans le bois du plafond. Ceiling in obeche laths in the passage through customs. The posts are fitted into the ceiling wood. Photo M. Vernay.

L’ayous, matériau fiableet esthétique, a séduit lesconcepteurs de l’aéroport de Roissy(France) en tant que parement intérieurde deux zones du terminal 2E : le corpscentral, avec les halls d’embarquementet de débarquement, et l’isthme. Le sinistre, survenu le 23 mai 2004,concernait une autre partie, le tunnel ou jetée, composée de béton et de verremais pas de bois. En revanche, dans leszones du terminal qu’il habille, le boispermet d’alléger la structure porteuse. À la place d’un plafond en béton de12 cm d’épaisseur, c’est un revêtementde bois de 25 mm qui est posé.

RÉSUMÉ

UN EXEMPLE D’UTILISATION DE L’AYOUS (TRIPLOCHITONSCLEROXYLON) DANS LA CONSTRUCTION

L’ayous, également appelé samba ouwawa selon les provenances, corres-pond à la dénomination commercialed’obeche d’après la nomenclatureAtibt. Cette essence, typique desforêts semi-décidues, est l’une desplus abondantes dans l’Afrique tropi-cale de l’Ouest. L’ayous représente cequ’il est convenu d’appeler commer-cialement les « bois blancs ». C’estune essence tendre et légère aux pro-priétés mécaniques faibles. Les utili-sations de l’ayous se limitent donc àdivers emplois « non travaillants »pour la menuiserie intérieure de bâti-ment. Il est également employé dansl’emballage et en déroulage pour lecontreplaqué et les panneaux. Il estpossible de lui conférer des proprié-tés nouvelles grâce à son imprégnabi-lité. C’est justement son aptitude àl’imprégnation qui a permis de luioffrir un rôle, et une réputation, dansl’aménagement intérieur de l’aéro-gare 2E de l’aéroport Charles-de-Gaulle à Roissy (France). L’ayoushabille les plafonds et une bonne par-tie des parois verticales du hall princi-pal. L’auteur décrit le site de mise enœuvre et informe le lecteur de ladémarche retenue par les concep-teurs du projet pour introduire le boisdans cet ouvrage public. Le bois, uti-lisé sous forme de lattes à plafond,couvre une surface à l’intérieur deslocaux de 4,5 ha.

Mots-clés : ayous, revêtement,construction.

ABSTRACT

USING OBECHE WOOD(TRIPLOCHITON SCLEROXYLON)IN CONSTRUCTION: AN EXAMPLE

Obeche, depending on its origin, isalso called samba or arere, but iscommercially known as obeche in theATIBT nomenclature. The species istypical of semi-deciduous forests andis one of the most abundant in tropi-cal West Africa. It is one of the timbervarieties commercially known as“white wood”. The wood is tenderand lightweight, with low mechanicalstrength, so that it can only be usedfor various “non load-bearing” pur-poses such as interior fittings. It isalso used for packaging and for ply-wood or panels. However, as shownby the example given here, its capac-ity for impregnation adds new proper-ties to obeche timber, which broughtit a new role and reputation in theinterior decoration of Terminal 2E atCharles de Gaulle airport in Roissy(France), where the ceilings and alarge portion of the vertical surfacesin the main hall are finished inobeche. This article describes the sitewhere it was used and provides infor-mation for readers on the projectdesigners’ approach to the use of thistimber species in a public building.The wood, in the form of ceiling laths,covers a total interior area of 4.5 ha.

Keywords: obeche, casing, construc-tion.

RESUMEN

UN EJEMPLO DE EMPLEO DEL OBECHE (TRIPLOCHITONSCLEROXYLON) EN LA CONSTRUCCIÓN

El obeche, también llamado samba,ayus o wawa según su proveniencia,corresponde a la denominacióncomercial de obeche según la nomen-clatura Atibt. Esta especie forestal,típica de los bosques semicaducifo-lios es una de las más abundantes enÁfrica occidental tropical. El obecherepresenta lo que se ha dado en lla-mar comercialmente como “maderasblancas”. Es una especie blanda yliviana con bajas propiedades mecá-nicas. Las utilizaciones del obeche selimitan, pues, a diferentes usos nosometidos a esfuerzos como la car-pintería interior de edificios. Seemplea también en embalajes y enchapas para contrachapado y table-ros. Es posible, como muestra elsiguiente ejemplo, conferirle nuevaspropiedades gracias a su impregnabi-lidad. Precisamente debido a dichacapacidad de impregnación logró unpapel de protagonista en el acondi-cionamiento de los interiores del 2Eterminal del aeropuerto Charles deGaulle en Roissy (Francia). La maderade obeche recubre los techos ymuchas de las paredes del vestíbuloprincipal. El autor describe el lugar deaplicación e informa al lector delplanteamiento elegido por los dise-ñadores del proyecto para introducirla madera en esta obra pública. Lamadera, en listones de cielo raso,recubre una superficie de 4,5 ha en elinterior de los locales.

Palabras clave: obeche, revesti-miento, construcción.

36 B O I S E T F O R Ê T S D E S T R O P I Q U E S , 2 0 0 5 , N ° 2 8 4 ( 2 )

ADDING VALUE TO TIMBER PRODUCTS / CONSTRUCTIONDOSSIER

Michel Vernay

Introduction

Le terminal 2E de l’aéroportRoissy-Charles-de-Gaulle est triste-ment célèbre en raison de l’effondre-ment d’une partie de la voûte de lasalle d’embarquement, survenu le23 mai 2004. Le sinistre concerne cetimmense tunnel de 650 m de longcomposé de verre et de béton, qui estégalement appelé la jetée. Certainsmédias n’ont pas hésité à faire l’amal-game entre cet effondrement et laprésence importante de bois dans laréalisation de l’aérogare. En réalité,la zone sinistrée ne comporte pas debois. Ce dernier est mis en œuvredans les deux autres zones de l’aéro-port, à savoir le corps central où setrouvent les halls principaux d’embar-quement et de débarquement etl’isthme qui constitue le bâtiment deliaison avec la jetée. Le bois a juste-ment permis, dans cet ouvrage, d’al-léger la structure porteuse, puisqueles 12 cm de plafond qui étaient pré-vus initialement en béton (comme surle précédent terminal 2F) ont été rem-placés par 25 mm de bois léger.

L’essence retenue, l’ayous duCameroun, a su convaincre lesconcepteurs du projet et s’avère êtreun matériau fiable et esthétique pourun emploi en parement intérieur.L’ayous devient dans un ouvrage decette importance (4 millions de pas-sagers par an) une excellente vitrinepour les bois tropicaux.

Figure 1. Plan général de l’aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle : (a) aérogare 2 avec positionnement duterminal 2E ; (b) terminal 2E niveau + 1. Source : Aéroports de Paris. Overall plan of Roissy-Charles de Gaulle airport: (a) Terminal 2 with the position of Terminal 2E ; (b) Terminal 2E level +1. Source: Aéroports de Paris.

Corps central arrondi habillé de lattes de bois.The rounded central aerea is finished in wooden laths.Photo M. Vernay.

B O I S E T F O R Ê T S D E S T R O P I Q U E S , 2 0 0 5 , N ° 2 8 4 ( 2 ) 37DOSSIERCONSTRUCTION / VALORISATION DU BOIS

a

b Corps central

Isthme

Tunnel ou jetée

Rappel descaractér istiques

de l’ayous

L’ayous est le nom donné àTriplochiton scleroxylon au Cameroun,au Gabon et au Congo. Il est en prin-cipe commercialisé sous le nomd’obeche (selon la nomenclature desbois tropicaux de l’Atibt). Il porte éga-lement de nom de wawa ou de samba,selon son origine et sa provenance.Cette essence se classe parmi les« bois blancs ».

De nombreux bois blancs sontconsidérés commercialement commedes « essences secondaires » en raisonde leurs faibles propriétés physiques,mécaniques et de durabilité. L’ayousfait sans doute exception en raison,principalement, de sa large répartitiongéographique et de sa grande disponi-bilité. Il faut considérer également lataille importante des arbres et le fortdiamètre des grumes qui le rendentéconomiquement exploitable.

Sa couleur varie de blanc à blanccrème. Il présente, selon la prove-nance, des couleurs variées d’originenaturelle ou pathologique, son boisest tendre, voire très tendre, et defaible dureté vis-à-vis du poinçonne-ment et des chocs. Ses rétractabilitéslinéaires tangentielle et radiale sontfaibles, son grain est grossier.

Il présente de faibles résis-tances en cohésion transversale etaxiale. L’ayous résiste donc mal auxdifférentes contraintes, mais soncomportement rapporté à sa massevolumique est assez bon. Il est essen-tiellement destiné à des emplois oùles sollicitations mécaniques sontfaibles : menuiserie intérieure, mou-lures, agencement. C’est égalementune bonne essence de déroulage.

L’exploitation de l’ayous enforêt nécessite des précautions parti-culières en matière de conservationdes grumes car il est très exposé auxattaques d’insectes de bois vert etsensible aux dégradations par leschampignons. La vidange des grumesen forêt doit être réalisée le plus rapi-dement possible après l’abattage, le

stockage doit être fait dans debonnes conditions. L’application d’untraitement de protection fongicide etinsecticide doit être prévu pour limi-ter les risques.

L’ayous compte parmi les boisles plus aptes à l’imprégnation, mêmesi son imprégnabilité montre unegrande variabilité. La coloration dubois semble avoir un rapport avec l’ap-titude à l’imprégnation des produitsde préservation, les bois les plus fon-cés (ou gris) étant les plus réfractaires.

L’imprégnabilité est une caracté-risation qui concerne à l’origine lespossibilités de traitements fongicideset insecticides du bois. Elle doit êtreconsidérée comme une propriété quioffre au bois de nouvelles possibilitésd’emploi. C’est justement cette apti-tude à l’imprégnation qui a permis àl’ayous d’être retenu pour l’habillagedes plafonds du terminal de l’aéroportCharles-de-Gaulle à Roissy, chantierdont nous évoquons le montage et latechnique de mise en œuvre ci-après.

Stockage, après séchage, des plots d’ayous débités dans l’épaisseur finale des lattes à plafond. Boules of obeche cut into the final thickness of ceiling laths and stacked after drying. Photo M. Vernay.

38 B O I S E T F O R Ê T S D E S T R O P I Q U E S , 2 0 0 5 , N ° 2 8 4 ( 2 )

ADDING VALUE TO TIMBER PRODUCTS / CONSTRUCTIONDOSSIER

Les plafonds enbois du terminal 2E

de l’aéroportCharles-de-Gaulle

Les plafonds sont situés dansune zone recevant du public et doiventdonc impérativement répondre à uneexigence de réaction au feu correspon-dant à un matériau « non inflam-mable ». Plusieurs traitements sontenvisageables pour protéger unouvrage en bois du risque incendie : letraitement de surface du bois parapplication d’un produit ou d’une pein-ture intumescente ou l’imprégnationde sels ignifugeants, lorsque l’essencede bois le permet. C’est justement lecas de l’ayous qui, grâce à sa bonneimprégnabilité, a permis d’obtenir leprocès-verbal de classement de réac-tion à la propagation au feu (M1).

La réalisation totale du chantiera nécessité la production de 58 000 m2

de lattes en bois pour les habillagesintérieurs et extérieurs ; 45 000 m2

(4,5 ha) constituent à eux seuls l’ha-billage des plafonds de l’aérogare.

Cette réalisation doit être consi-dérée comme un excellent exempled’utilisation de bois imprégnabledans la construction. D’autresessences, en particulier certains boisblancs d’Afrique, peuvent prétendre àdes emplois de cette nature.

Le choix du boiscomme matériau

Le plafond principal du corpscentral constitue le plus gros volumede bois posé (760 m3 qui représen-tent 31 500 m2 de lattes).

La consommation de boisd’ayous pour l’ensemble des pla-fonds représente 1 093 m3, soit plusde 750 000 mètres linéaires de lattespour une surface couverte totale de4,5 ha.

Les autres essences employées,en particulier le peuplier, représen-tent un volume de 415 m3, correspon-dant à une surface d’habillage boisde 13 550 m2.

Le choix du bois pour cette partieimposante de l’ouvrage est simple : lepremier élément ayant joué en safaveur concerne les exigences de plan-ning, qui imposaient un délai trèscourt d’un an avant réception de lapremière tranche.

Le remplacement de 12 cm debéton par 25 mm de bois a considéra-blement simplifié l’avancement destravaux et raccourci les délais de miseen œuvre.

La mise en place d’un plafondconstitué d’une épaisseur de bétonde 12 cm à 12 m de hauteur imposedes contraintes exceptionnelles àplusieurs titres : temps de coulage etde séchage importants, mise en

œuvre du béton avec des moyenslourds comme des coffrages, deséchafaudages et plates-formes, quiconstituent une véritable gêne pourl’avancement des autres travaux, enparticulier au sol.

Le bois a donc naturellementtrouvé sa place et a été posé à l’aidede nacelles (plates-formes automo-trices et auto-élévatrices) qui consti-tuent de véritables ateliers mobilespermettant de travailler à 12 m dehauteur, au niveau des plafonds. Auplus fort des travaux, 70 personnesont assuré la pose des lattes à pla-fond avec une dizaine de nacelles.

La principale contrainte architec-turale induite par le choix du bois enremplacement du béton concerne lerespect strict d’un aspect de surfacequalifié de « brut de décoffrage » pourle béton et que l’on ne peut retrouverque par un aspect « brut de sciage »sur la partie visible des lattes (pare-ment). Le bois doit impérativementconserver son aspect brut pour don-ner l’impression de béton coulé. Pourcela, le sciage est réalisé uniquementavec une scie à ruban, de façon à pro-duire l’aspect de surface rugueuxrecherché. La technique retenue estcelle du sciage des grumes en pla-teaux à l’aide de lames mal avoyéespour obtenir le marquage de l’em-preinte des dents du ruban sur la sur-face du bois, selon une orientationperpendiculaire aux arêtes des lattes.

B O I S E T F O R Ê T S D E S T R O P I Q U E S , 2 0 0 5 , N ° 2 8 4 ( 2 ) 39DOSSIERCONSTRUCTION / VALORISATION DU BOIS

La fabrication des lattes à plafond en ayous et leconditionnement en colis parfaitement calibrés. Manufacture of ceiling laths in obeche wood and packagingin well-fitting crates. Photo M. Vernay.

Traitement en autoclave « vide et pression » des colis de lattesd’ayous pour obtenir le classement résistance au feu M1. “Vacuum and pressure” cylinder treatment of packagedobeche laths to the required fire-resistance standard M1. Photo M. Vernay.

Contraintes liéesaux conditionsd’exploitation

Ces contraintes concernent lemilieu ambiant, les risques biologiqueset la réaction au feu du matériau.

Les différents éléments en boissont soumis à des expositions diffé-rentes en fonction de leur situationdans l’ouvrage. On distingue les boissitués en milieu fermé, où l’atmo-sphère est régulée (chauffage et cli-matisation), et ceux en milieu exté-rieur abrité et en extérieur exposéaux intempéries.

L’équilibre hygroscopique dubois s’établit en fonction de l’humi-dité relative de l’air ambiant. Les don-nées nécessaires à la définition ducomportement du matériau en ser-vice ont été fournies dans les docu-ments du marché, afin de permettreau titulaire du lot bois de mieux préci-ser le taux d’humidité des produits àmettre en œuvre. Les exigences ensiccité des bois sont donc différentesselon le lieu de pose.

Pour les bois situés à l’intérieurdu bâtiment, le traitement appliquépermet de couvrir la classe de risquebiologique 2 (selon Nf En 335), d’êtreefficace contre les termites, lesinsectes à larves et les champignonsde pourriture superficielle et à viru-lence faible. Le classement de réactionau feu imposé est M1 (combustible-non inflammable) à durée non limitée.

Pour les bois situés à l’extérieur,sans exposition directe aux intempéries,la classe de risque biologique 3A estrequise pour répondre aux exigences detraitement de la norme Nf B 105-3.

Il en est de même pour les boissitués en extérieur et exposés direc-tement aux intempéries, où la classede risque biologique 3B est requise.

Aucune spécification de réac-tion au feu n’est exigée pour le boissitué à l’extérieur des bâtiments.

40 B O I S E T F O R Ê T S D E S T R O P I Q U E S , 2 0 0 5 , N ° 2 8 4 ( 2 )

ADDING VALUE TO TIMBER PRODUCTS / CONSTRUCTIONDOSSIER

Structure métallique du plafond qui va recevoir les lattes d’ayous. The metallic structure of the ceiling to be finished in obeche ceiling laths. Photo M. Vernay.

Exemple de nacelle avec plate-forme auto-élévatrice utilisée pour la mise en place des plafonds. Self-climbing work platform used to place the ceilings. Photo M. Vernay.

Le choix des essences

Les architectes du projet ontretenu plusieurs essences aux carac-téristiques proches de celles exigéesdans le cahier des charges du projet.

Le bois proposé doit être relati-vement léger, de couleur claire ougrise, présenter une bonne aptitude àl’imprégnation et une bonne compati-bilité avec les finitions. Les caractéris-tiques mécaniques du bois et le sys-tème de fixation mis en place doiventrépondre à deux exigences essen-tielles : la résistance à l’arrachementdes fixations et la résistance à la rup-ture du bois sous une charge dyna-mique de 100 daN en milieu de por-tée. Les plafonds du corps centralhabillent un plénum dans lequel setrouvent des voies de circulation per-

mettant l’accès pour la maintenancedes équipements, tels que gaines dedésenfumage, câblages divers etautres conduits techniques et canali-sations. Le plafond doit donc résisterà la chute accidentelle d’une per-sonne au niveau de ce plénum.

Les essences retenues sontl’ayous, disponible dans des lon-gueurs facilitant le travail de pose, etle peuplier pour l’habillage des zonesoù des longueurs ne dépassant pasdeux mètres peuvent être admises.

Le plafond bois est un ouvrageréalisé sur plusieurs bâtiments. Il estdonc soumis, selon les configura-tions, à des expositions différentesen matière de risque biologique oude risque incendie. L’habillage desplafonds du corps central représentela plus grande surface du projet. Ils’agit de l’habillage des « coques ».

Lesapprovisionnements

en bois et la fabrication

des lattes à plafond

Le cahier des charges impose lafourniture de lattes quasiment sansdéfaut. Les grumes utilisées sontdonc de bonne provenance et présen-tent peu de défauts de type « tachesminérales » ou « mulotage ».

L’ayous est importé sous formede grumes correctement traitées surle plan préventif pour éviter le bleuis-sement et les insectes de bois secs.Ces grumes sont ensuite débitéessous forme de plots réguliers oùchaque plateau a une épaisseur de26 mm à l’état vert. Les liteaux inter-calaires sont réalisés de la mêmeépaisseur que les plateaux et dans lemême bois, de façon à ne pas provo-quer une coloration anormale aucontact (tanin ou champignon de dis-coloration).

La transformation en plots esteffectuée par une scie de tête clas-sique à ruban vertical, de façon àfournir l’empreinte demandée sur lasurface du bois. Les plots sontensuite directement conduits enséchoir afin d’obtenir une siccitémaximale de 18 %. Le séchage s’ef-fectue dans des cellules de grandecapacité (400 à 450 m3) ne recevantqu’une seule essence pour simplifierla technique et la conduite duséchage. Le taux d’humidité de 18 %est suffisant, compte tenu de l’opéra-tion de traitement par autoclave quisuit cette production.

Les lattes à plafond sont réali-sées sur une chaîne de fabricationperformante qui permet une optimi-sation quantitative et qualitative desdébits. La déligneuse multilame avecpositionnement des traits de scie àl’aide d’un faisceau laser permetd’obtenir des lattes de largeur

B O I S E T F O R Ê T S D E S T R O P I Q U E S , 2 0 0 5 , N ° 2 8 4 ( 2 ) 41DOSSIERCONSTRUCTION / VALORISATION DU BOIS

Habillage en bois des « fûts » dissimulant les portes d’entrée à tourniquet. Wood finishing on the casings masking the revolving entrance doors. Photo M. Vernay.

constante et régulière. Le principe decalage des lames sur un arbre avecmanchons intercalaires fixes ne per-met pas d’erreurs de calibrage en lar-geur. Le sciage est donc effectué dansla largeur de 58 mm au taux d’humi-dité du marché.

Les longueurs mentionnées surles colis correspondent aux lon-gueurs exactes des pièces de bois.Compte tenu de l’équipement utilisé,l’optimisation des débits permetd’obtenir des coupes parfaitementd’équerre et propres.

Les colis sont correctement réa-lisés avec une baguette en résineuxde 10 mm x 5 mm espacée au plus de60 cm. Les colis sont tous identiquesdans leur largeur et hauteur pour res-ter au-dessous des dimensions impo-sées par l’autoclave de traitement.Chaque colis est constitué de 37 ran-gées de 16 lattes, soit 592 lattes.

Les lattes sont ensuite traitéespar une entreprise spécialisée pourobtenir un classement de réaction aufeu. Le traitement est effectué enautoclave « vide et pression » à l’aidede sels de bore.

Le traitement est réalisé en res-pectant le protocole mis au pointpour l ’ayous. Le produit injectécontient 26 % de matière active(diammonium hydrogéno-phos-phate) et le traitement permet d’ob-tenir 300 à 350 g de matière activepar mètre carré de surface traitée.Cela correspond, dans le cas del’ayous, à une injection de 140 l d’unproduit de densité 1,15 par mètrecube de bois. Le protocole appliquéen autoclave correspond à un videde 1 bar pendant 15 min, une miseen pression à 3 bars pendant 45 minet un vide de ressuyage à 1 bar pen-dant 15 min.

Les lattes ainsi traitées ont faitl’objet d’essais auprès du Laboratoirenational d’essais pour l’obtention d’unprocès-verbal de classement de réactionà la propagation au feu (M1). L’efficacitédu traitement est considérée comme« non limitée dans le temps », suite àdes essais de vieillissement accéléré enchambre climatique. Les lattes sontensuite séchées à nouveau pour êtrestabilisées à une humidité correspon-dant à celle de la mise en œuvre. Cettephase est particulièrement délicate àréaliser car le comportement hygrosco-pique du matériau est modifié par la pré-sence des sels ignifugeants dans le bois.Cette modification du point de satura-tion de la fibre entraîne des incompatibi-lités avec les produits de finition. Cela setraduit par une modification des cou-leurs appliquées au bois. La lasure decouleur grise au moment de son applica-tion a tendance à virer au rouge.

42 B O I S E T F O R Ê T S D E S T R O P I Q U E S , 2 0 0 5 , N ° 2 8 4 ( 2 )

ADDING VALUE TO TIMBER PRODUCTS / CONSTRUCTIONDOSSIER

Les différents habillages en bois à l’intérieur du corps central de l’aérogare, dont le plafond à vagues du terminal à bagages. Different wood finishes for the interior of the airport’s central area, including a wave-effect ceiling in the baggage terminal. Photo M. Vernay.

La mise en œuvredes plafonds bois

Le bois a été teinté en surfaceavec une finition se rapprochant aumieux de la couleur gris blanc du béton.

Le plafond est suspendu à unecharpente métallique réalisée en Uap130 (poutrelle métallique en forme deU dont les ailes sont d’épaisseurconstante) espacées de 1 m. L’ossa-ture secondaire recevant les lattes àplafond est fixée tous les 0,80 m surcette charpente.

Les lattes sont débitées à vivesarêtes dans une section très précisede 58 mm de largeur pour 25 mmd’épaisseur. La pose est réalisée avecun joint creux entre les lames de2 mm. Ce joint est obtenu à la posepar la mise en place d’une cale tem-poraire de la même épaisseur.

Les lattes sont posées à l’avan-cement en alternant les différenteslongueurs, de façon à obtenir unemise bout à bout la plus aléatoirepossible. Les lames fournies corres-pondent à des quantitatifs relative-ment précis par catégorie de lon-gueurs : ▪ lattes comprises entre 0,80 m et1,10 m = 3,0 % ;▪ lattes de 1,10 m à 1,50 m = 9,0 % ; ▪ lattes de 1,50 m à 2,30 m = 7,0 % ; ▪ lattes de 2,30 m à 4,00 m = 68,0 % ;▪ lattes supérieures à 4,00 m =13,0 %.

Un total de 1 090 m3 d’ayousconstitue les 750 000 mètres linéaires(750 km) de lattes qui habillent lacoque principale, auxquels il convientd’ajouter 36 m3 d’ayous sous formede sciage, utilisés pour la fabricationdes trémies destinées à laisser passerla lumière au plafond.

Présentation de l’ouvrage

Le terminal 2E de l’aérogareCharles-de-Gaulle représente unesurface totale de 210 000 m2. Situé enface de l’aérogare 2F, il est composéde trois bâtiments principaux surquatre niveaux : le corps central,l’isthme et la jetée.

Le corps central constitue lebâtiment d’accès principal pour lesusagers. On y trouve différentsbureaux et locaux techniques, maissurtout le hall principal d’enregistre-ment au niveau 2 « départ » et le hallde livraison des bagages au niveaupiste « arrivée », le niveau 1 étantréservé au débarquement des passa-gers. Le corps central est un bâtimentde forme incurvée rappelant une ailed’avion, de 450 m de long et 70 m delarge. Sa coque conserve la forme decelle de l’aérogare 2F en servicedepuis plusieurs années. La toiture

est constituée de 35 travées compo-sées chacune de deux poutrescourbes pesant 21 t pièce. La couver-ture est réalisée en acier inoxydableet le plafond est en bois.

L’isthme est le bâtiment de liai-son situé entre le corps central et lajetée. Il abrite des bureaux (douane,police), des locaux techniques, le trides bagages en sous-sol et les com-merces au niveau départ. Sur plusieursniveaux, cette partie de l’aérogare estsans doute la plus impressionnante carelle constitue au sous-sol une gigan-tesque salle de 270 m de long et 67 mde large, sur une hauteur de 12 m pourle tri des bagages. Six rangées de35 poteaux constituent l’ossature por-teuse des différents niveaux et de latoiture.

La jetée correspond au bâtimentd’embarquement et de débarque-ment situé côté pistes. Il s’agit princi-palement des halls d’attente d’em-barquement, des salles de départ etd’arrivée destinés aux vols éloignésainsi que des passerelles de liaisonavec les avions au contact avec l’aé-rogare. C’est un immense tunnel deverre et de béton de 30 m de large sur650 m de long. Il n’y a pas de bois auplafond mais le fond de coffrage uti-lisé pour couler le béton est réaliséavec de la volige bois, laissant appa-raître les nervures du bois dans lebéton après décoffrage.

B O I S E T F O R Ê T S D E S T R O P I Q U E S , 2 0 0 5 , N ° 2 8 4 ( 2 ) 43DOSSIERCONSTRUCTION / VALORISATION DU BOIS

Les acteurs du projet

Maîtrise d’ouvrageAéroports de Paris, Direction de l’équipement

ArchitectesPaul Andreu, Jean-Michel Fourcade, Anne Brison, Jean-Paul Beck, Gilles Goix

Maîtrise d’œuvreAéroports de Paris, Direction de l’équipement Cdg Grands projets maîtrise d’œuvreDivision Économie et second œuvre

Entreprise titulaire des lots « bois »Bredy Sa63, rue Albert Dhalenne93407 Saint-OuenFrance

Fournisseurs du bois d’ayousCid Bois tropicauxRoute de Saint-Pierre-sur-Dives14370 MoultFrance

Cra-VanIngelmunstersteenweg 1908780 OostrozebekeBelgique

Entreprise de traitement du boisSaptiaLe Val Girard28210 Villemeux-sur-EureFrance