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UBU ENCHAÎNÉ Création de la compagnie Théâtre 2 l’Acte 2014 “Mère Ubu, as tu un bout de ficelle, que je rafistole la chaîne de mes boulets? Ils sont si lourds que j’ai toujours peur de les laisser en route”. ActeIV, scène IV

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Page 1: Ubu enchainé

UBU ENCHAÎNÉ

Création de la compagnie Théâtre 2 l’Acte 2014

“Mère Ubu, as tu un bout de ficelle, que je rafistole la chaîne de mes boulets? Ils sont si lourds que j’ai toujours peur de les laisser en route”.

ActeIV, scène IV

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Ou comment d’un éclat de rire anarchique mettre cul par dessus tête une société engoncée dans la servitude volontaire.

Retrouver le sens d’un théâtre politique en prise directe avec les orientations qui gèrent nos vies.

Démasquer par la dérision nos agenouillements devant les pouvoirs imbriqués dans la soumission à la “Phynance” mondialisée.

Edité la première année du vingtième siècle, Ubu enchainé, critique de l’asservissement consenti est prémonitoire du vingt-et-unième comme Ubu Roi, geste du totalitarisme, l’avait été de son siècle.

Par ce théâtre de potache, nous voulons rendre au bon peuple sa causticité et lui faire retrouver ses griffes et ses dents trop longuement limées par les homélies de tous nos Pères, qu’ils soient Noël ou Fouettards.

MichelMathieu

Unetorpillehautementexplosiveendirectiondestroupeauxdelaresignation…

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L’HISTOIRE

Chassé de Pologne par le Czar (dans Ubu Roi), Ubu arrive en France.

Il refuse de dire le mot « merdre » (distorsion créée par Jarry pour le personnage d’Ubu, et emblématique du caractère décomplexé et excessif de ce dernier) et déclare à Mère Ubu qu’il veut désormais devenir esclave.

Mais dés la première scène, le ton est donné… et le terme d’esclave détourné de son sens :

« Père Ubu : Je veux être bon pour les passants, être utile aux passants, travailler pour les passants, Mère Ubu. Puisque nous sommes dans le pays où la liberté est égale à la fraternité, laquelle n’est comparable qu’à l’égalité de la légalité, et que je ne suis pas capable de faire comme tout le monde et que cela m’est égal d’être égal à tout le monde puisque c’est encore moi qui finirai par tuer tout le monde, je vais me mettre esclave, Mère Ubu !

Mère Ubu : Esclave ! Mais tu es trop gros, Père Ubu !

Père Ubu : Je ferai mieux la grosse besogne »

Il rencontrera entre autres trois « hommes libres », dont la caractéristique et de désobéir coûte que coûte et en oublient, de fait, d’être libres…

Pissembock, chez qui le couple s’imposera comme domestiques… ou Lord Catoblépas, touriste anglais de séjour en France qui prend la prison pour le Palais Royal et Ubu pour le monarque…

Autant de personnages qui feront de toutes les situations d’Ubu Enchaîné des exemples parfaits de ce qu’était pour lui la « pataphysique » (science qui cherche à théoriser la déconstruction du réel et sa reconstruction dans l’absurde).

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L’AUTEUR

Alfred Jarry (1873-1907) est un poète, romancier et dramaturge français. Il fut également dessinateur et graveur. Dés 1885, il compose des comédies en vers et en prose. En 1888, il entre en rhétorique au Lycée de Rennes où il rencontrera Mr Hébert, professeur de physique qui inspirera à une petite bande de potaches menée par les frères Morin le personnage du Père Ubu.

Jarry déclina ensite les aventures de cet « hénaurme » bonhomme, Ubu enchaîné datant de 1900 et constituant une suite à la pièce Ubu Roi (dont la première, en 1896, suscita une telle polémique qu’elle fut aussi la dernière).

S’identifiant au personnage qu’il avait créé, Jarry vécu comme il lui plaisait avec ses trois attributs : le bicyclette, le revolver et l’absinthe. En 1906, parlant de lui, il écrit à sa femme : « (Le Père Ubu) n’a aucune tare ni au foie, ni au cœur, ni aux reins, pas même dans les urines ! Il est épuisé, simplement et sa chaudière ne va pas éclater mais s’éteindre. Il va s’arrêter tout doucement, comme un moteur fourbu ». Il décèdera six mois plus tard d’une méningite tuberculeuse.

Jarry fut également l’inventeur du terme de « ‘pataphysique », que perpétue aujourd’hui le Collège de Pataphysique.

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SAUVE QUI PEUT

Ne pas sombrer, chercher la réplique.

Par sa langue, ses mots, ses sons, ses tournures, Jarry, ou sa créature, nous ramène aux premières verdeurs de l’enfance, dans un affrontement pulsionnel direct au réel – en deçà des ébats psychologiques- là où le rire anarchique relance les dés, restitue au monde sa santé première.

La leçon inaugurale d’Alfred est celle de la jubilation langagière, pour ceux qui se saisissent de sa phrase comme pour ceux qui la reçoivent.

Voilà le remontant !

Il y a une deuxième manche : le dynamitage des certitudes et opinions communes.

NOTE D’INTENTION

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Jarry dans cette œuvre pulvérise les frontières entre la liberté et l’esclavage, questionne la pertinence de ces notions qui vont s’échanger comme par magie.

La pièce est en elle-même l’inversion d’Ubu Roi , l’épouvantable tyran devient un esclave forcené…mais garde son pouvoir destructeur.

Or à l’intérieur de la pièce s’opère le même glissement ; tout un pays libre – la France- se découvre la vocation de l’esclavage et se précipite vers les galères de Soliman.

On verra dans ces inversions une parfaite illustration de la théorie de la pataphysique comme équivalence universelle des contraires, on peut aussi y déceler, et ce n’est pas contradictoire, plus étroitement une critique féroce de notre propension à déléguer la direction de nos vies pour la soumettre aux pouvoirs du moment.

C’est là ce que La Boétie avait nommé la servitude volontaire, laquelle c’est bien connu, ne profite qu’au monarque.

Il n’est pas anodin qu’Ubu, Roi de Pologne, en fuite, sans couronne, vienne s’enchaîner en France , pays de la liberté. Un Amin Dada se transforme alors en un Berlusconi ou un Sarkozy.

Ce qui est visé ici c’est notre « démocratie » puisque s’échappant d’un « nulle part » polonais doté d’une monarchie absolue, Ubu dictateur, prototype des despotes de tous les orients, s’insinue dans le costume du larbin – ou du prolétaire bien de chez nous – pour exercer sa voracité native en toute quiétude, délivré des risques inhérents à l’exercice du pouvoir.

Cette « démocratie » évoquée dans la figure des « trois hommes libres » se décalque comme dissolution de la « res-publica » sous les injonctions faites aux individus à se distinguer les uns des autres, pour en fin de parcours se retourner ironiquement en un unanimisme de troupeau.

Désobéissons avec ensemble… Non ! pas ensemble : une, deux, trois ! le premier à un, le deuxième à deux, le troisième à trois. Voilà toute la différence. Inventons chacun un temps différent quoique ce soit bien fatigant. Désobéissons individuellement… (Acte I, scène 2)

Le sommet est atteint quand les « hommes libres » se ruent vers la prison pour troquer leur liberté contre l’esclavage, geste de « servitude volontaire » et corrélativement dans l’aire du langage trappe ouverte sur l’abîme de l’insignifiance.

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LE POUVOIR DU RIRE

Rire de résistance alors, comme dirait Jean-Michel Ribes ?

Non, rire révolutionnaire, rire de cocasse terreur parce que destructeur de nos faux-semblants, rire de jouissance parce qu’ au bout d’un champ mis à sac par ce casse-pipe tonitruant, la place est libre pour une nouvelle jeunesse lavée des scories de ses géniteurs.

Photoderepetition(ElisaDemanet)

QUESTION DE STYLE

Nous prendrons quant au traitement plastique la voie d’un réalisme tendancieux, tel qu’il s’exprime par exemple chez un dessinateur de B.D comme Tardi. Après la Pologne, c’est à dire « nulle part » territoire de tous les possibles et impossibles le retour des Ubus en France signale un revirement vers la normalité. Cette normalité sera la teinte de base du traitement des costumes et des dispositifs, mais on ne se privera pas de lui faire des croche-pieds…c’est que la patrie des droits de l’homme est bien abimée… et certaines brèches laisseront suinter l’inquiétude et le sentiment d’absurdité. On bouge beaucoup dans la pièce, comme on bougeait dans Ubu Roi, la scène passe du Champ de Mars au vestibule de Pissembock en passant par le coffre d’une voiture, on va de la chambre d’Eleuthère au tribunal, du tribunal à la prison, de la prison aux galères de Soliman, et tout ceci doit circuler très vite comme dans une course de fond.

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SCÉNOGRAPHIE

On est en France !

On imaginera un squelette de Mairie comportant deux niveaux.

En bas: le vestibule de la maison de Pissembock, qui deviendra la prison.

En haut : la chambre d’Eleuthère, plus tard l’appartement des dévotes. Des pancartes posées par les acteurs indiqueront les changements de lieu.

Autour de cet édifice on aura posé des paravents, figurant des maisons, derrière lesquels les comédien(ne)s se changeront et épieront le déroulement de l’action. De taille réduite, ils laisseront voir quelques têtes ou

bras créant, tel un chœur parallèle, une agitation permanente.

Devant le plateau vide, pour le Champ de Mars et les scènes d’extérieur.

Au départ une grosse caisse emballée, colis postal en provenance de Pologne, d’où sortiront nos deux monstres, lequel se transformera en voiture, puis en loge de concierge.

Entre la scène et la salle, une grande porosité, les acteurs pourront s’asseoir dans le public, et le public sera parfois convié à envahir le plateau.

La scène finale des galères sera du reste jouée par la totalité de l’assemblée spectateurs et acteurs confondus.

Au terme de l’aventure on imaginera l’effondrement – symbolique, voire réel – de la façade

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municipale.

On ne se privera pas de certains procédés de la dramaturgie brechtienne, comme des insertions d’informations générales relatives à l’actualité, en résonance avec tel ou tel épisode de l’action, panneaux descendant des cintres ou transportés par les acteurs, chansons, distributions de tracts, de friandises ou de mirlitons…

Ici tout est à vue, on tourne le dos au théâtre d’illusion, c’est du jeu qui s’annonce tel et requiert la complicité du spectateur.

MUSIQUE Au milieu de la danse opère le musicien qui donnera à l’action son poumon rythmique et sonore.

Musicien de grand talent avec qui nous avons un fidèle compagnonnage (Le Roi Lear, Un Numéro d'Equilibre, L'A/Entre... ), Sébastien Cirotteau est un artiste protéiforme sensible à la veine grotesque. Si son instrument privilégié est la trompette, il utilise également toutes sortes d’objets ou de machines sonores. Sa contribution sera essentielle pour aider l’acteur à trouver la pulsion juste et maintenir à l’ensemble son rythme et son énergie.

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BILLET D’HUMEUR

Ou quelques thèmes pour un glossaire du désenchantement contemporain :

Peuple: On sort ici le drapeau, l’antidote, on se souvient du peuple. Mais lequel ? Celui qui vote ou celui qui ne vote pas, celui qui manifeste pour garder ses droits ou celui qui s’en va chasser le rom….Le peuple ne serait donc plus que la putain du politique dont on use et mésuse au gré de son intérêt du moment. Mais n’y avait-il pas un certain Marx qui l’avait pourtant repéré comme prolétariat ? Existe-t-il encore, ne s’agirait-il pas de le réinventer ?

Démocratie: Littéralement le pouvoir du peuple. Comme on sait nous l’avons identifié à la démocratie parlementaire fondée sur la délégation de pouvoir. Or, le

Langage: Quand les « mots de la tribu » perdent leur sens commun jusqu’à signifier leur contraire on ne s’étonnera pas par exemple que le mot « réforme » ait perdu son aura progressiste pour indiquer l’exact chemin contraire, celui de la régression sociale

Politique: Lorsque toute utopie mise au placard, subsiste seul un « présentisme utilitaire », l’horizon se limite au maintien d’un état de fait échappant à tout questionnement de fond. Une pensée déjà réduite à quelques promesses d’avancée sociale, chute dans la gestion boutiquière. Le politique se révèle impuissant ; ne reste alors plus que la course aux postes de pouvoir, tandis que derrière ce mot de politique s’accrochent, casseroles à la queue du chien, ces divers termes de soumission, renoncement, trahison, corruption, et autres plaisants avatars….

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temps du mandat, les « représentants du peuple » s’avèrent aujourd’hui davantage soumis aux consignes d’en haut qu’aux doléances d’en bas.

Liberté: Celle que garantirait cette « démocratie » n’assure guère les moyens pratiques de l’exercer. Elle ne libère aucunement l’individu de toutes les sujétions qui structurent la société à commencer par l’économie, et la pression sur le travail qu’on en ait ou pas. On remarquera au passage que sur le seul plan de la mobilité, si les marchandises sont libres de passer les frontières, il n’en va guère de même pour les êtres humains.

Individu: Paradoxalement ce système « massifie » autant qu’il fait exploser les structures collectives, en autant de particules isolées. Masse de consommateurs étalonnés, électrons qu’il vise à détacher de tout noyau suffisamment puissant pour agir efficacement sur le devenir de la société .

Et on pourrait ainsi allonger la liste avec compétitivité, rigueur, expertise, finance, europe, nation, austérité….Il y a foule au prétoire, mais celui qui a notre préférence est celui de :

Résignation : Car ce qui, en face de ces vides, nous semble résulter dans l’esprit de la grande masse de nos citoyens, si l’on excepte quelques milliers d’indignés actifs et de collectifs éphémères, c’est bien cet accablement sous les matraques médiatiques d’une doxa culpabilisante dictant ses codes aux gouvernés comme aux gouvernants et nous serinent à longueur d’année, sauf en période électorale, qu’il n’y a rien à faire et que décidément ce temps présent est à l’image du seul possible.

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L’EQUIPE

Mise en scène: Michel Mathieu

Scénographie: Michel Mathieu/ Pierre Dequivre

Direction d’acteur: Dominique Collignon-Maurin

Musique: Sébastien Cirotteau

Lumières: Alberto Burnichon

Costumes: Michel Mathieu et Odile Duverger

Assistante à la mise en scène/ Récitante: Marie-Angèle Vaurs

Avec:

Jean Marie Champagne, Dominique Collignon-Maurin, Alexis Gorbatchevsky, Carol Larruy, Diane Launay, Alex Moreu, Julie Pichavant, Adeline Raynaud, Yarol Stuber et Maud Val

Administrateur de production: Lionel Boireau

Stagiaires en scénographie et construction : Elisa Demanet et Hélène Couet Stagiaire en décoration et accessoires : Marie Mola Stagiaire pour le suivi de la mise en scène : Léa Casagrande

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CompagnieThéâtre2l’Acte/ThéâtreLeRing

151routedeBlagnac

31200Toulouse

France

Tel33(0)534513466

www.theatre2lacte.com

[email protected]