tunis tribune | le plus de jeune afrique

26
LE PLUS DE JEUNE AFRIQUE HICHEM TUNISIE TUNISIE Les années Ben Ali Ben Ali 1987-2009 1987-2009

Upload: tunis-tribune

Post on 19-May-2015

1.867 views

Category:

Documents


4 download

DESCRIPTION

Pour aider l’hebdomadaire, à l'agonie en 1997, l'ex-président a obligé des patrons tunisiens à acquérir 10 500 actions du groupe de presse

TRANSCRIPT

Page 1: Tunis Tribune | Le Plus de Jeune Afrique

LE PLUSDE JEUNE AFRIQUE

HIC

HE

M

TUNISIETUNISIE

Les annéesBen AliBen Ali1987-20091987-2009

Page 2: Tunis Tribune | Le Plus de Jeune Afrique
Page 3: Tunis Tribune | Le Plus de Jeune Afrique

Direction: Danielle Ben Yahmedet Marwane Ben Yahmed

Rédaction en chef: Cécile Manciaux

Rédaction: Abdelaziz Barrouhi, à Tunis,Samir Gharbi, Leïla Slimani, Fawzia Zouari,envoyés spéciaux, et Samy Ghorbal

Coordination: Mohamed Ali AboudiDifcom, 57 bis, rue d’Auteuil 75016 ParisTél.: + 33 1 44301960 Fax: + 33 1 45200823

PANORAMAL̓ heuredubilanp. 54

CONFIDENCES DE. . .ZouheirMdhaffar p. 57

DIPLOMATIELe changementdans la continuité p. 58

PARTENARIATEurope,monamourp. 60

INTERVIEWMohamedRachidKechiche,ministre des Finances p. 62

DÉVELOPPEMENT HUMAINPasdʼéconomiesans socialp. 66

MODE DE VIEBienvenuedans la sociétéde consommationp. 68

INTERVIEWMohamedNouri Jouini,ministre du Développementet de la Coopérationp. 70

INFRASTRUCTURESAu rythmedesgrandschantiersp. 72

SOCIÉTÉFières et libres p. 74

INUTILE DE CHERCHER SUSPENSE ET ENJEU LÀ OÙ IL N’Y EN A PAS: la Tunisieva réélire, le 25 octobre prochain, Zine el-Abidine Ben Ali à la tête de l’État. Ce Plusde Jeune Afrique vous propose de mesurer le chemin parcouru depuis son accessionau pouvoir, le 7 novembre 1987. C’est l’occasion, aussi, de s’interroger sur l’avenird’une nation qui suscite parfois les passions. Citée en exemple par les uns, flagornéepar certains, critiquée, voire vilipendée, de manière pavlovienne par d’autres, la Tu-nisie n’est pourtant pas Janus. Pas de double visage, mais un pays complexe, loin del’image caricaturale – positive comme négative – que certains s’échinent à brosser.

Que fera le président de ce cinquième mandat? Quelles devraient être ses préoccu-pations majeures? Répondre aux aspirations des Tunisiens (qui manquent cependantde canaux pour les exprimer) et, surtout, préparer l’avenir, donc la relève. Deux défisd’envergure se présentent à l’horizon, qui nécessitent une vision sur le long terme.

Le premier d’entre eux: ne pas se contenter des acquis. On l’a dit et répété (trop,peut-être…), depuis plus de vingt ans, la liste des progrès réalisés ne cesse des’allonger: émergence d’une véritable classe moyenne, scolarisation généralisée,accès à l’eau, à l’électricité, aux soins, droits des femmes (mais pas encore assez),économie aux taux de croissance flatteurs, faible pauvreté (comparativement auxvoisins), stabilité, absence de crises politiques ou sociales, etc. Mais ces avancéesrestent fragiles.

Malgré sa résistance certaine à la crise qui frappe la planète, l’économie tunisiennedonne des signes d’essoufflement. Certains investisseurs étrangers hésitent encoreà s’y installer et préfèrent la destination Maroc, pourtant moins compétitive sur lepapier. En outre, si les entreprises tunisiennes demeurent performantes, aucunen’occupe le haut du pavé sur la scène internationale, voire méditerranéenne. Lesgrands groupes du pays multiplient leurs activités, se diversifient. Mais aucun n’estnuméro un sur un secteur précis. Et rares sont ceux qui exportent leur savoir-faireen dehors des frontières d’un marché restreint, contrairement, par exemple, à cer-tains « champions » marocains qui lorgnent avec gourmandise le sud du Sahara. Enmatière économique, on ne peut se permettre de faire du surplace…

Enfin, condition sine qua non d’un avenir serein, l’indispensable ouverture démo-cratique. Davantage de libertés, davantage de débats, une opposition qui joue son rôleet non celui qu’on lui assigne… Sinon, le risque est grand de voir nombre d’entrepre-neurs, de créateurs, de chercheurs ou d’intellectuels aller exercer leurs talents sousd’autres cieux. Il faut nourrir son cerveau autant, si ce n’est plus, que son estomac…

L’autre grand défi, certainement le plus complexe, consistera à se forger unevéritable identité nationale. Que signifie être tunisien aujourd’hui? Être maghré-bin, méditerranéen, africain, musulman, laïc, regarder vers l’Europe, au-delà duSahara ou vers le Moyen-Orient? Quel socle commun de valeurs veut-on définir?Quel avenir désire-t-on construire? Autant de questions sans réponses précises.Aujourd’hui, le ciment de la nation, sa cohésion, c’est l’État, et donc son chef. Leseul point d’ancrage, la seule référence, l’unique centre de décisions et d’impulsions.Personne ne peut dire ce qu’il adviendra du pays quand il ne sera plus à sa tête,demain, dans cinq ans ou dans dix. Il faudra bien se pencher, un jour, sur cettequestion. Même si d’aucuns la jugeront déplacée… ■

PRÉLUDE

Demain, la Tunisie...MARWANE BEN YAHMED

LE PLUSDE JEUNE AFRIQUE

HIC

HEM

TUNISITTTTUNISIEUNISTUNISIETUNISIETUNISIETUNISIEIETUNISIETUNISIE

Les annéesLes annéeses annnéeesesLes annéesLes années annéeess

53LE PLUS

JEUNE A FRIQUE N ° 25 41 • DU 20 AU 26 SEP TEMBRE 20 0 9

Page 4: Tunis Tribune | Le Plus de Jeune Afrique

L’année 2009 n’a pasété faci le pour lesplanificateurs et lesopérateurs de l’éco-nomie tunisienne.La récession dans

les pays de l’Union européenne,principal partenaire commercial, aeu un impact sur les exportations,cassant le ry thme de croissancehonorable de ces dernières années,dont le taux, depuis vingt ans, aété en moyenne de 5 % par an. Lesexperts ont cependant de quoi êtresat isfa its : les fondamentaux del’économie étant solides, le pays apu jusque-là juguler les effets de lacrise économique internationale, eta parfois même su en tirer avantage(voir pp. 70-71). Le taux de croissan-ce attendu pour 2009 se situe à 3 % :une performance si on le compareà celui de ses partenaires commer-ciaux européens, en récession. Parailleurs, dans un classement publiéce mois-ci sur 82 pays, le cabinet bri-tannique Bespoke Investment Group

classe la Bourse de Tunis en sixièmeposition parmi les 41 places boursiè-res internationales qui ont le mieuxrésisté à la crise mondiale, et pre-mière en Afrique et dans le mondearabe. Enfin, la Boursede Tunis reste dans levert (avec une haussede 12,04 % depuis le15 septembre 2008),alors que les 40 autressont dans le rouge.

UN CHEF D’ÉTAT« BUSINESS FRIENDLY »

Bref, à la veille des élections législa-tives et de l’élection présidentielle – àlaquelle le président Zine el-AbidineBen Ali se présente pour un cinquiè-me mandat –, qui se dérouleront le25 octobre (voir encadré), le gouver-nement est à son aise. Globalement,le bilan économique et social depuis1987 comporte de nombreux pointsforts unanimement reconnus.

Depuis l’accession au pouvoir deBen Ali et durant ses quatre derniers

mandats, il a instauré un systèmeprésidentiel centralisé qui lui per-met de décider aussi bien des gran-des orientations que des détails pourimpulser l’action du gouvernement etd’en assurer le suivi. Rapidement, ilest devenu ce que l’on appelle chezles Anglo-Saxons un dirigeant « busi-ness friendly », qui a permis de réha-biliter l’entreprise et, à ceux qui ontl’esprit d’initiative, de s’enrichir sansavoir à en rougir. D’où l’apparition degrands capitaines d’industries dont lepays n’est pas peu fier. À cet égard, ilpousse sans relâche le gouvernementà sortir de sa frilosité et à réduire

massivement les lourdeurs des ser-vices administratifs dès lors que sontconcernés l’investissement, les entre-prises, le change et la douane. « Laliberté est la règle et l’autorisationl’exception », lit-on dans le program-me présidentiel 2004-2016…

L’accord d’association conclu en1995 avec l’Union européenne, qui amené à l’établissement d’une zone delibre-échange effective depuis 2008(voir p. 60), ainsi que l’adhésion auxrègles de l’Organisation mondiale ducommerce (OMC) ont permis au pays

Àunmois de lʼéchéance présidentielle, retour sur lesmandats de Zine el-Abidine BenAli. Le chemin parcourupar le pays en vingt-deux ans enmatière de développementéconomique et humain est considérable.

PANORAMA

L̓HEUREDUBILANL̓HEUREDUBILAN

• 26 AOÛT-24 SEPTEMBRE Dépôt des dossiers de can-didatures à l’élection présidentielle.Scrutin uninominal majoritaire à deux tours.Le Conseil constitutionnel proclame les candidaturesvalidées fin septembre.• 20-26 SEPTEMBRE Dépôt des candidatures pour lesélections législatives.Mode de scrutin mixte : scrutin de liste majoritaire àun tour au niveau des circonscriptions électorales, etscrutin proportionnel au niveau national, concernantles listes n’ayant pas remporté de sièges au niveaudes circonscriptions).

• 11-23 OCTOBRE Campagne électorale officielle pourla présidentielle et les législatives.• 17-24 OCTOBRE Vote des Tunisiens résidant à l’étran-ger pour élire le président de la République.• 25 OCTOBRE Vote en Tunisie pour les élections pré-sidentielle et législatives.• 26 OCTOBRE Annonce des résultats définitifs.Pour la présidentielle, dans le cas où la majorité abso-lue des suffrages exprimés n’est pas obtenue au pre-mier tour, il sera procédé à un second tour le deuxiè-me dimanche qui suit le jour du vote, le 8 novembre.Un scénario toutefois improbable. ■

CALENDRIER ÉLECTORAL

ABDELAZIZ BARROUHI, à Tunis

Le taux de croissance esthonorable, mais insuffisantpour les ambitions du pays.

54 LE PLUS TUNISIE

JEUNE A FRIQUE N ° 25 41 • DU 20 AU 26 SEP TEMBRE 20 0 9

Page 5: Tunis Tribune | Le Plus de Jeune Afrique

de se façonner une vision. Il a fait lechoix d’une politique d’ouverture surl’économie de marché et celui de ladiversification sectorielle, avec desentreprises tournées vers l’exporta-tion en raison de l’exiguïté du marchélocal et pour l’attraction des investis-sements directs étrangers (IDE). Unevision qui rappelle celle des dragonsasiatiques, comme la Corée du Sud,Singapour ou Taïwan, tout en gardantun œil sur le modèle méditerranéende l’Espagne et du Portugal dans leurdémarche d’arrimage à l’Europe. Et,en cela, la petite Tunisie voit grand.

PARI SUR L’HUMAINPour y parvenir, son principal

point fort réside dans ses ressour-ces humaines. Au cours des deuxdernières décennies, l’État a fait

le choix polit ique de poursuivre,d’adapter et d’approfondir l’œuvreengagée depuis l’indépendance enmatière d’éducation et de formationprofessionnelle – secteur qui reçoitactuellement 7,5 % du PIB et dontle budget annuel est augmenté enmoyenne de 10 % chaque année.Ainsi, de moins de 40 000 en 1986-1987, les étudiants sont aujourd’hui400 000, soit des effectifs universi-taires multipliés par dix… et majori-tairement composés de jeunes fem-mes (voir p. 74).

Autre point fort sur le plan des com-pétences : les technologies de l’infor-mation et de la communication (TIC).Là encore, sous l’impulsion du chefde l’État, que l’on sait féru d’informa-tique – et, même, « surfeur » assidu –,le pays a fait le choix, depuis plus de

dix ans, de miser sur les TIC et dedévelopper dans ce domaine « unestratégie avant-gardiste », comme l’arelevé l’Américain Steve Balmer, ledirecteur général de Microsoft, lorsd’une visite au Palais de Carthage,en octobre 2007. Résultat : le paysforme désormais 50 000 étudiantspar an dans cette spécialité, dont5 000 ingénieurs – un nombre quidevrait être porté à 7 000 en 2011 –,et, attirés par ces compétences, degrands groupes internationaux s’im-plantent dans les technopoles dédiéesaux TIC et créées par l’État ou pardes investisseurs étrangers. Désor-mais, la part du secteur dans le PIBavoisine les 10 %. Mais il faut allerencore plus loin : « L’objectif du chefde l’État dans ce domaine est de fairede la Tunisie une destination techno-

AG

OS

TIN

OPA

CC

IAN

I

Le nouveau quartier d’Ennasr, à Tunis.

55LE PLUS

JEUNE A FRIQUE N ° 25 41 • DU 20 AU 26 SEP TEMBRE 20 0 9

Page 6: Tunis Tribune | Le Plus de Jeune Afrique

logique et un pôle régional d’activitésinnovantes », souligne El Hadj Gley,ministre des Technologies de la com-munication.

Cette valorisation des ressourceshumaines, associée à la politiqued’ouverture, a permis à la Tunisiede diversifier son économie, d’atti-rer plus d’IDE et d’exporter davan-tage. Elle compte aujourd’hui plus de5 700 entreprises industrielles (2 670totalement exportatrices), dont plus

de 4 000 ont bénéficié de soutienspour moderniser leurs outils de pro-duction et leur gestion.

Le pays ne se cantonne plus auxsecteurs classiques, comme celui dutextile où, selon les années, il est lecinquième ou sixième fournisseur del’Europe. Il s’est positionné, à temps,sur d’autres créneaux à plus fortevaleur ajoutée et s’impose aujourd’huisur les marchés des industries méca-niques électriques et électroniques(IMEE). Avec plus de 380 entrepri-ses, dont les exportations ont dépasséles 6 milliards de DT (3,2 milliardsd’euros) en 2008, soit six fois plusqu’il y a dix ans, ce secteur ne cessed’innover et d’aller vers toujours plusde valeur ajoutée, notamment dansl’aéronautique.

PRIORITÉ À LA COHÉSIONTERRITORIALE ET SOCIALE

Dans le même temps, le pays s’estdoté d’une politique d’aménagementdu territoire qui a privilégié et lesinfrastructures et la qualité de viedes Tunisiens. Désormais, plus de99 % des ménages ont l’électricité,98 % sont raccordés au réseau d’eaucourante et plus de 81 % au réseaud’assainissement.

En mat ière de développementhumain (voir pp. 66-67), l’espérancede vie se situe à 74 ans, on compte1 médecin pour 865 habitants, avecun taux de couverture sociale quiest passé de 53 % en 1987 à 93 %aujourd’hui. Volet essentiel de l’amé-nagement urbain, le logement, ici, ne

connaît pas la crise : près de 80 % desménages sont propriétaires, et « nousavons un nombre de logements de14 % supérieur à celui des ménages,ce qui est à ma connaissance une pre-mière mondiale », remarque Moha-med Hédi Slim, le directeur généralde l’Habitat au ministère de l’Équi-pement. Mieux : officiellement, les0,8 % de logements rudimentaires etinsalubres recensés en 2004 ont pres-que tous été éradiqués dans le cadredu Fonds de solidarité nationale(« 26-26 »). Ce choix politique résolude la solidarité explique aussi que letaux de pauvreté se situe en dessousde 4 %, les autorités évaluant parailleurs la part de la classe moyenneà plus de 80 % de la population.

NE PAS S’ENDORMIRSUR SES LAURIERS

Pays émergent, la Tunisie ne doitcependant pas s’endormir sur seslauriers si elle veut rejoindre le cer-cle des pays développé. Ainsi, lesperformances relatives du taux decroissance que nous évoquions pré-cédemment (près de 5 % en moyennepar an depuis vingt ans) sont, certes,honorables, mais insuffisantes pourles ambitions du pays. Le gouverne-ment lui-même et la Banque mondialeestiment que ce taux devrait se situerau moins à 7 % pour créer un nombred’emplois qui permette de résorberle taux de chômage, stagnant depuisdes années autour de 14 %.

Dans le même ordre d’idée, lorsd’un débat national organisé cetété, le Premier ministre MohamedGhannouchi, à l’unisson avec lespatrons tunisiens, a fait l’inventairedes points faibles qui entravent laproductivité, dans le public commedans le privé : absentéisme, absencede culture d’entreprise et d’espritd’initiative, manque de motivation dupersonnel, taux d’encadrement dansle privé encore trop faible, lacunes enmatière de transparence financière…La liste est longue.

« Les réalisations économiquesde la Tunisie ne sont pas une raisonpour s’adonner à l’autosatisfaction,rappelle Mohamed Ghannouchi. Etil serait utile d’évaluer les capaci-tés du pays à atteindre ses objectifsdans l’actuelle conjoncture interna-tionale. » Une remise en question quiconstitue, mine de rien, un signe sup-plémentaire de bonne santé. ■

LE PAYS EN BREF

Données pour lʼannée 2008

Superficie 163610 km2

Population 10,4 millions d’hab.Monnaie Dinar tunisien (DT)Parité au 10/09/2009:1 DT = 0,53 euro = 0,77 dollarPIB (prix courants)50,3 milliards de DTPIB par habitant (prix courants)4830 DT (2600 euros)Répartition du PIB Primaire: 11,3 %,secondaire: 28,5 %, tertiaire: 60,2 %Taux d’investissement25,1 % (+ 4,6 %)Exportations 23,6 milliardsde DT (+ 21,9 %)Importations 30,2 milliards de DT(+ 23,7 %)

CHRONOLOGIE

20 mars 1956 Indépendance.25 juillet 1957 Proclamation de laRépublique. Habib Bourguiba estdésigné président de la République,puis est élu le 8 novembre 1959.26 janvier 1978 Grève générale etémeutes (c’est le « Jeudi noir »).7 novembre 1987 Zine el-AbidineBen Ali prend le pouvoir. Il est éluprésident le 2 avril 1989 et réélule 20 mars 1994, le 24 octobre1999 et le 24 octobre 2004.24 juillet 2008 Adoption par leParlement d’un amendementconstitutionnel, promulgué le28 juillet, qui abaisse l’âge de lamajorité électorale de 20 ans à18 ans et supprime la condition deparrainage des candidats par aumoins 30 élus (députés et maires).13 avril 2009 Amendement ducode électoral (voir p. 57).

SO

UR

CE

:BC

T,IN

S,F

MI

Mer

Méditerranée

ALGÉRIE

LIBYE

Tunis

T U N I S I E

150 km

Sfax

Sousse

T U N IT U N I

Une stratégie àmi-chemin des dragonsasiatiques et du modèle

méditerranéen.

56 LE PLUS TUNISIE

JEUNE A FRIQUE N ° 25 41 • DU 20 AU 26 SEP TEMBRE 20 0 9

Page 7: Tunis Tribune | Le Plus de Jeune Afrique

E n juillet 2008, la Constitution a été modifiée pourabaisser l’âge de la majorité électorale de 20 ans à18 ans, et, en avril dernier, les députés ont adopté

un projet de loi organique amendant le code électoral.À l’approche de la présidentielle et des législatives du25 octobre, retour sur la teneur et les raisons de cesmodifications.

JEUNE AFRIQUE: Pourquoi avoir abaissé l’âge du vote de20 ans à 18 ans?

ZOUHEIR MDHAFFAR: Pour la première fois cette année,450000 jeunes entre 18 ans et 20 ans auront la possibilitéd’exercer leur droit de vote grâce à une nouvelle disposi-tion du code électoral. Les jeunes représentent près dela moitié de la population tunisienne, et le président BenAli, qui, depuis des années, a entamé un véritable dialo-gue avec la jeunesse, a considéré qu’il était temps de leurdonner, dès l’âge de 18 ans, la possibilité de s’assumer entant que citoyens à part entière.

Pour inciter ces jeunes à s’inscrire sur les listes électo-rales, nous avons lancé une vaste campagne d’informationet de sensibilisation, notamment dans les lycées et les uni-versités. En règle générale, l’élargissement du champ dela participation électorale a toujours été un objectif du pré-sident. C’est d’ailleurs pour cela qu’un enfant né de mèretunisienne peut maintenant voter et que les Tunisiensrésidant à l’étranger sont représentés à la Chambre desconseillers [Chambre haute, NDLR].

L’autre volet de la réforme porte surla transparence des opérations devote…

En effet. L’opposition réclamaitdepuis longtemps un certain nombre de mesures dontla réduction du nombre de bureaux de votes car elle seplaignait de ne pas avoir suffisamment d’observateursà envoyer dans les bureaux. Aujourd’hui, les bureauxpassent de 450 à 600 électeurs – sauf dans les zonesrurales, où l’on a conservé 250 électeurs par bureau pourassurer l’accessibilité des électeurs aux urnes.

D’autre part, l’amendement du code électoral du 13 avril2009 a permis de porter les délais d’examen des recoursde cinq jours à deux semaines afin que le Conseil consti-tutionnel dispose de tout le temps nécessaire pour enexaminer la légitimité.

Dans quelle mesure la campagne 2009 sera-t-elle diffé-rente des précédentes?

La campagne est un moment clé qui doit permettreà chaque candidat d’exposer son programme dans lesmeilleures conditions possibles. À cet égard, l’amende-ment du 13 avril 2009 permet de mettre en œuvre lesgaranties réglementaires nécessaires pour assurer la neu-tralité des médias durant la campagne et l’égalité d’accèsdes candidats à ces médias. Selon l’article 37 du code élec-toral, c’est le président du Conseil supérieur de la commu-

nication qui est en charge de faire respecter cette nouvelledisposition. Il me paraît par ailleurs essentiel d’évoquer lesefforts fournis pour renforcer la présence de l’oppositiondans les institutions représentatives. La révision du codeélectoral a permis d’augmenter le nombre de sièges à laChambre des députés. Ainsi, l’opposition est assurée d’ob-tenir au moins 53 sièges lors des prochaines législatives.De même, afin de développer la culture du pluralisme, uneliste ne pourra pas obtenir plus de 75 % des sièges au seind’un conseil municipal, et ce quel que soit le nombre devoix obtenues. ■

Propos recueillis à Tunis par LEÏLA SLIMANI

CONFIDENCES DE…

En octobre, pour la première fois, 450000 jeunesde 18 ans à 20 ans pourront voter.

ZouheirMdhaffarZouheirMdhaffarMinistre délégué auprèsdu Premierministre, chargéde la Fonction publique et duDéveloppement administratif.

HIC

HE

M

57LE PLUS

JEUNE A FRIQUE N ° 25 41 • DU 20 AU 26 SEP TEMBRE 20 0 9

Page 8: Tunis Tribune | Le Plus de Jeune Afrique

À l’origine d’avancées écono-miques et sociales décisives,Habib Bourguiba, le père del’indépendance, a grande-

ment contribué à bâtir le mythe d’uneTunisie avant-gardiste, pays « de lamodération et du juste milieu ». Sonsuccesseur, Zine el-Abidine Ben Ali,a poursuivi, sans trop la dénaturer,l’œuvre entamée, tout en mettant unaccent particulier sur la diplomatieéconomique.

Devenue un pays émergent, laTunisie mise aujourd’hui moins surla coopération que sur les capitauxétrangers pour rejoindre le pelotonde tête des nations avancées. Sa sta-bilité politique et sa fiscalité accom-modante sont autant d’atouts pourséduire les investisseurs. Elle a nouéde nouveaux partenariats, en parti-culier avec les pays du Golfe, commele Qatar, Bahreïn ou les Émirats(notamment celui de Dubaï), dont les

investissements ont, en 2007, dépassépour la première fois, en valeur, ceuxdes Occidentaux. Une performancequi n’a pas été rééditée en 2008,crise financière oblige. Et la péren-nité de certains projets immobilierspharaoniques, à l’instarde celui de Sama Dubaià Tunis, est aujourd’huisérieusement remise enquestion.

IDYLLE EUROPÉENNECe nouveau tropisme

arabe de la diplomatie tunisienne nedoit cependant pas occulter l’essen-tiel : l’ancrage économique à l’Unioneuropéenne (voir p. 60), matérialiséen 1995 par la signature d’un accordd’association qui a servi de modèleaux autres pays de la rive sud de laMéditerranée. La Tunisie réalise plusde 70 % de son commerce extérieuravec l’UE. Elle est l’un des piliers de

l’Union pour la Méditerranée (UPM)et est toujours en lice pour le poste desecrétaire général de l’organisation.

Sur le plan bilatéral, la France,avec laquelle les relations sont aubeau fixe, reste le premier parte-naire. L’entente entre les présidentsBen Ali et Chirac, puis Sarkozy, n’estpas étrangère au climat de confiancequi règne désormais entre Paris etTunis. L’Italie de Silvio Berlusconi estun autre allié de poids. Et les États-Unis, avec lesquels Bourguiba avaittissé des liens étroits pour éviter unface-à-face par trop déséquilibré avecla France, comptent toujours parmiles partenaires stratégiques de laTunisie. Le partenariat sécuritairea d’ailleurs été renforcé après lesattentats du 11 septembre 2001 etla prise de conscience, par Washing-ton, du risque terroriste islamiste. Ledialogue politique, lui, a connu quel-ques ratés, les autorités tunisiennesn’ayant que modérément apprécié lesappels du département d’État améri-cain à plus de démocratisation…

UNE POSITION MÉDIANEAU SEIN DU MAGHREB

Soutien indéfectible de la causepalestinienne – Tunis a abrité lequartier général de l’OLP entre 1982et 1995 –, la Tunisie rêve d’êtrel’aiguillon de l’intégration maghré-bine. Un rêve jusqu’à présent contra-rié par le différend maroco-algérienautour du Sahara occidental. Sur leplan bilatéral, Tunis entretient d’ex-cellentes relations avec l’Algérie duprésident Boutef lika et la Libye deMouammar Kaddafi. La réconciliation– dès 1988-1989 – avec le remuantvoisin de l’Est est à mettre au crédit

de Zine el-Abidine Ben Ali. Tripoli estdésormais un partenaire essentiel.Plus d’un million et demi de Libyenspassent chaque année leurs vacan-ces en Tunisie, et, contrairement auxautres ressortissants étrangers, lesTunisiens qui se rendent ou viventen Libye sont exemptés d’un certainnombre de pénibles formalités. ■

SAMY GHORBAL

DIPLOMATIE

LechangementLechangementdans la continuitédans la continuité« Le bon élève duMaghreb et dumonde arabe »... Si le clichéest réducteur, il a lemérite de résumer lʼimage que lesautorités sʼemploient à projeter hors de leurs frontières.

La Tunisie rêve d’êtrel’aiguillon de l’intégration

maghrébine.

HA

SS

EN

ED

RID

I/A

P/S

IPA

Le chef de l’État accueillant Mouammar Kaddafi, en août 2008,lors d’une visite officielle du « Guide » libyen à Tunis.

58 LE PLUS TUNISIE

JEUNE A FRIQUE N ° 25 41 • DU 20 AU 26 SEP TEMBRE 20 0 9

Page 9: Tunis Tribune | Le Plus de Jeune Afrique
Page 10: Tunis Tribune | Le Plus de Jeune Afrique

L a Tunisie entretient des lienscommerciaux, politiques etculturels anciens et intensesavec ses voisins européens.

Elle est le premier pays de la rivesud de la Méditerranée à conclure,en juillet 1995, un accord d’associa-tion avec l’Union européenne (UE)dans le cadre du processus de Barce-lone. Entré en vigueur en 1998, cetaccord constitue la base juridiquedes relations entre la Tunisie et l’UEet prévoit trois axes prioritaires decoopération : politique et sécurité,partenariat économique et financieret partenariat social et culturel.

EN BONS VOISINSEn 2004, l’Union européenne, qui

s’est élargie à l’est, veut approfondirsa politique de voisinage et proposedonc aux pays de la rive sud de laMéditerranée une plus grande inté-gration économique et un approfon-

dissement de la coopération politique.En 2005, la Tunisie signe un plan d’ac-tion voisinage avec l’UE qui couvreune période de cinq ans (2007-2012).Les moyens mis en œuvre sont à lamesure des ambitions : entre 2007et 2010, la Commissioneuropéenne a affecté330 millions d’euros àla Tunisie. En 2009, lacoopération financièredevrait s’élever à prèsde 77 millions d’eurosavec une attention par-ticulière portée aux secteurs de l’édu-cation et de l’emploi.

Mais c’est sans doute la coopéra-tion économique et commerciale quia connu les plus grandes avancées.Pour preuve, la Tunisie est le premierpays à avoir instauré une zone delibre-échange des produits industrielsavec l’Union européenne (qui repré-sente plus de 70 % de ses échanges

commerciaux), entrée en vigueur le1er janvier 2008. Et les négociationsse poursuivent afin d’étendre cettelibéralisation aux produits agricoleset aux services.

L’UPM, ACCÉLÉRATEURDE PROJETS

L’année 2008 est aussi celle de lacréation de l’Union pour la Méditer-ranée (UPM), projet initié par NicolasSarkozy et dont la Tunisie a été l’undes premiers soutiens. Comme l’a rap-pelé le président Zine el-Abidine BenAli lors de la visite d’État du présidentfrançais en 2008, le lancement effec-tif de l’UPM est essentiel pour créer« une plus grande complémentaritéet solidarité entre les peuples de larégion » et « consolider la sécurité, lastabilité, la paix et le développementdans l’espace méditerranéen ».

Favorable à une participation pluslarge des pays de la rive sud à l’éla-boration et à la prise des décisions,le chef de l’État français avait mêmesoutenu l’idée d’installer à Tunisle siège du secrétariat général del’UPM… Si ce dernier a finalementéchu à Barcelone, la Tunisie n’enreste pas moins l’un des fers de lancede l’Union et ne cesse d’appeler à lamise en place de projets concretspour créer des convergences.

Face aux divisions qui ont para-lysé le projet, en particulier liées auconflit à Gaza fin 2008, une quinzained’économistes européens et méditer-

ranéens ont lancé en janvier dernierl’« appel de Tunis » pour réactiverl’intérêt pour l’UPM, accélérer la miseen place de ses institutions et enta-mer l’exécution de projets concrets.Ils étaient fermement soutenus parles chefs d’entreprise tunisiens quivoient cette nouvelle union commeun « accélérateur de projets ». ■

LEÏLA SLIMANI, envoyée spéciale

PARTENARIAT

Europe,monamourEurope,monamourPremier pays du sud de laMéditerranée à avoir instauré,en 2008, une zone de libre-échange avec lʼUnioneuropéenne, la Tunisie veut aussi être lʼun de sesinterlocuteurs etmédiateurs privilégiés sur le continent.

DO

MIN

IQU

EFA

GE

T/A

FPP

HO

TO

Le président Ben Ali, entouré de ses homologues français, Nicolas Sarkozy, et égyptien,Hosni Moubarak, lors du sommet fondateur de l’UPM, le 13 juillet 2008, à Paris.

La coopération financièrede l’UE devrait s’élever pour

2009 à 77 millions d’euros.

60 LE PLUS TUNISIE

JEUNE A FRIQUE N ° 25 41 • DU 20 AU 26 SEP TEMBRE 20 0 9

Page 11: Tunis Tribune | Le Plus de Jeune Afrique
Page 12: Tunis Tribune | Le Plus de Jeune Afrique

À 58 ans, Mohamed RachidKechiche n’est pas seulementun homme qui aime jongleravec les chiffres. Il sait aussi

prêter attention à l’analyse de ces der-niers, particulièrement en ces temps decrise mondiale. Titulaire d’une licenceen sciences économiques acquise àTunis, il entre en 1972 à la Banquecentrale de Tunisie (BCT) avant dereprendre le chemin des cours à Paris,où il décroche son diplôme d’ingénieurstatisticien économiste ainsi qu’unDEA en mathématiques de la décision.De retour à Tunis, il intègre l’Institutd’études quantitatives puis le cabinetdu ministre du Plan et des Finances.En 1988, il est promu chef du Contrôlegénéral des finances puis, en 1993, chefdu Contrôle général des services publicsau Premier ministère. En janvier 1999,il est nommé secrétaire d’État chargéde la Privatisation, puis secrétaire géné-ral du gouvernement en 2001. Trois ansaprès, il prend la tête du ministère desFinances, place de la Kasbah. ■

JEUNE AFRIQUE : Quels sont voscontraintes et vos défis dans l’élabo-ration du budget 2010?

MOHAMED RACHID KECHICHE:Effectivement, nous sommes en pleindans la préparation du prochain budgetde l’État. Préparation sous contraintes,bien sûr. C’est toujours le cas. Les exi-gences de développement économiquedu pays confèrent un rôle important aubudget de l’État, qu’il convient de conci-

lier avec les impératifs d’une gestionéquilibrée des finances publiques. Lesdéfis sont plutôt inhérents à l’ambitionde nos objectifs de croissance et d’élé-vation du niveau de vie, forts des acquisimportants obtenus depuis plus de vingtans sous la conduite de notre président,Zine el-Abidine Ben Ali. Ils ont permis aupays d’avancer vers le progrès, sans dis-continuité, et au peuple tunisien de vivredans un cadre de paix etde cohésion sociale.

Depuis 2008, la crisen’a épargné aucunpays. La Tunisie est-elleà l’abri?

Non, bien sûr. Ne se-rait-ce que par l’effet de la récessionqui affecte ses principaux partenaires.À titre d’illustration, environ 70 % denos importations et exportations horsénergie se font avec l’Union européen-ne, trois pays – France, Italie et Alle-magne – totalisant à eux seuls 78 % denotre commerce avec la zone euro.

Justement, comment percevez-vousl’effet de la crise financière?

Comme dit le proverbe, on a eu« plus de peur que de mal ». Nos re-lations bancaires avec l’extérieur sontcertes importantes, mais elles sont encorrélation directe avec l’économieréelle. Donc, les équilibres fondamen-taux du secteur n’ont, heureusement,pas été touchés. Nous n’avons observéni resserrement du crédit ni crise deconfiance entre banques.

Mais, en tant que pays émergent for-tement ancré à l’économie mondiale,la Tunisie ne peut pas ne pas subirles effets de la crise…

C’est vrai pour certains secteurs re-levant de l’industrie manufacturièrecomme le textile, la mécanique et leséquipements électriques. Ces secteursont effectivement enregistré une baissede leurs échanges [import et export]durant les six premiers mois de 2009.Mais on ressent à partir de juillet lesprémices d’une certaine amélioration.

Pour sortir de la crise, les dirigeantsdes pays industrialisés ont prônéune intervention musclée de l’État.Quelle est votre stratégie?

Tout d’abord, dois-je vous rappelerque l’action entreprise par les pays dé-veloppés a été axée sur le système definancement de l’économie, touché par

la crise de confiance entre les banques.Cela n’a été à aucun moment le cas enTunisie. Au niveau financier, nos pré-occupations sont de ce fait ciblées surdeux volets: le premier concerne le sou-tien aux entreprises qui rencontrent desdifficultés de recouvrement de leurs re-cettes d’exportation, le second concernele financement des PME.

Quel a été votre rôle face à la crise?Le budget de l’État a toujours été

orienté vers une stratégie de soutien del’action de développement qui répondà nos impératifs d’équilibre social et ànos valeurs de solidarité. Globalement,il s’inscrit en augmentation sensible desdépenses de fonctionnement, avec no-tamment une amélioration notable dessalaires des quelque 400000 fonction-naires, donc de leur pouvoir d’achat,

Solidarité redoublée, plande relance... Quels sontles choixbudgétairespour relever lesdéfisen termesd o̓bjectifs de croissanceetd é̓lévationduniveaudevie?

INTERVIEW MohamedRachidMohamedRachidKechicheKechiche

«« Pas da̓ugmentationPas da̓ugmentationdes taxes en 2010 »des taxes en 2010 »

MINISTRE DES FINANCES

« Une de nos priorités est dene pas hypothéquer l’avenirpar un endettement lourd. »

62 LE PLUS TUNISIE

JEUNE A FRIQUE N ° 25 41 • DU 20 AU 26 SEP TEMBRE 20 0 9

Page 13: Tunis Tribune | Le Plus de Jeune Afrique

ainsi que des dépenses d’investissementpour doter le pays d’infrastructures mo-dernes et d’équipements collectifs.

La loi de finances complémentaireadoptée par le Parlement en juilletcomporte un plan de relance d’unmontant de 730 millions de dinars en2009 [près de 390 millions d’euros].À quoi cela a-t-il servi?

Ce programme est articulé autourde deux axes principaux. Une actionde soutien par la prise en charge d’unepartie ou de la totalité, selon les cas,des cotisations patronales, une aidedestinée aux entreprises dont l’activitéest liée à l’exportation et qui acceptent,malgré les difficultés, de ne pas recou-rir au licenciement définitif mais à unesimple réduction de l’horaire du travailou au chômage technique partiel. À cela

s’ajoute une enveloppe budgétaire pourune formation complémentaire pouraider à une réadaptation professionnelles’il le faut. Ce soutien facilite égalementla consolidation et le rééchelonnementdes impayés éventuels sur les créditsà l’exportation à la suite des retardsde paiement de clients étrangers. Sur2800 entreprises exportatrices, seules240 ont eu recours à ces mécanismes,ce qui nuance très largement l’impactréel effectif de la crise.

Et quid de l’autre axe d’interven-tion?

Il porte sur des actions de relance del’activité économique en général par unaccroissement de l’investissement pu-blic dans les infrastructures de base,par des incitations favorisant une atti-tude « agressive » en matière d’exporta-

tion, et par une consolidation de l’assisefinancière des banques publiques.

Quel en sera l’impact sur la dettepublique?

Il existe, au plus haut niveau de lahiérarchie politique, une conscienceprofonde de la nécessité de sauvegarderet de maîtriser les équilibres macroéco-nomiques, notamment au niveau des fi-nances publiques, et de ne pas hypothé-quer l’avenir par un endettement lourd.Ce souci est illustré par l’évolution trèssatisfaisante du taux d’endettement pu-blic, qui est passé de 62,5 % du produitintérieur brut (PIB) en 2001 à 48 % fin2008 – soit un gain de 14,5 points, uneperformance obtenue à la faveur d’unecroissance économique continue, la-quelle a eu un effet positif sur les recet-tes fiscales. Et ce malgré la successiondes chocs externes, l’envolée des prixdu baril du pétrole, des matières pre-mières et des biens de consommation,sans oublier la crise actuelle.

Selon vous, combien de temps cettecrise va-t-elle durer?

Il est difficile de se prononcer aveccertitude. L’ambiguïté et la fréquenceinhabituelle des ajustements des ni-veaux de croissance dans les paysindustrialisés, particulièrement nospartenaires, impliquent beaucoup deprudence. Espérons que d’ici à fin 2010la situation économique s’amélioresensiblement. Il est donc important dedonner à nos opérateurs économiquesun message clair concernant notrevolonté de maintenir une interven-tion forte de l’État, ce dernier étant lepremier investisseur et le premier em-ployeur du pays.

Quel sera le niveau du déficit budgé-taire en 2010?

Il se situera à un niveau comparableà celui de 2009, environ 3,7 %, un tauxnettement en deçà du niveau maximumtolérable. Cela permettra au Budgetd’assumer convenablement son rôle desoutien et de relance, sans compromet-tre l’équilibre des finances publiques niremettre en question les efforts conti-nus pour réduire encore davantage no-tre taux d’endettement.

Comptez-vous augmenter les taxesen 2010?

Non. Le schéma préliminaire d’équi-libre pour le budget 2010 ne comportepas d’hypothèse d’augmentation des

ON

SA

BID

PO

UR

J.A

.

63LE PLUS

JEUNE A FRIQUE N ° 25 41 • DU 20 AU 26 SEP TEMBRE 20 0 9

Page 14: Tunis Tribune | Le Plus de Jeune Afrique

taxes, surtout pas au niveau de l’appa-reil de production. Si cela était le cas,ce serait à mon avis incohérent avecnotre stratégie de soutien et de re-lance, et peut-être même improductif.Nous comptons plutôt sur une amélio-

ration de l’assiette fiscale, en relationd’ailleurs avec l’hypothèse de crois-sance retenue pour notre PIB de 4 % àprix constants en 2010.

Pourtant, les chefs d’entreprise seplaignent de la lourdeur de votrefiscalité…

Souhaiter moins de taxes tout en res-tant exigeant sur le rôle de l’État en ma-tière d’infrastructures et d’équipementscollectifs de base est peut-être quelquechose d’humain… Mais votre questionm’amène à faire quelques précisions

utiles. Tout d’abord, le niveau de pres-sion fiscale, hors recettes pétrolières,se situe à 18,4 % du PIB en 2009. C’esttout à fait acceptable compte tenu duniveau et de la structure de notre tissuéconomique et du stade de développe-

ment atteint. Secundo,il est tout à fait possibled’améliorer cette pres-sion fiscale globale sanspour autant augmenterles taxes, grâce à unemeilleure répartitionde l’effort contributif de

tous les agents économiques. Une dou-ble action est actuellement engagée àce titre. Une action de modernisationde l’administration fiscale (pour serapprocher au mieux de cette équitéfiscale réclamée par tous et pour lutterefficacement contre la fraude) et uneaction de sensibilisation à l’intention detous les contribuables.

Quels sont vos arguments?Notre double action est légitimée par

la qualité de notre gestion des dépensespubliques. Vous n’êtes pas sans savoir

que la Tunisie est, depuis plusieurs an-nées, très bien classée par le Forum deDavos selon le critère de « non-gaspilla-ge des dépenses publiques » [selon lerapport publié le 8 septembre par le Fo-rum économique mondial 2009-2010,la Tunisie se place au 5e rang mondial,NDLR]. À cela s’ajoute la successiond’une multitude de réformes qui ontpermis de moderniser la fiscalité, d’as-souplir les procédures, de garantir tousles droits au contribuable par un dis-positif juridique complet et, enfin, deréduire le niveau des taux de l’impôtsur les sociétés et de la TVA.

Confiant, donc, dans l’avenir?Absolument. Une confiance dans no-

tre capacité de réagir au plus vite si lasituation économique et financière l’exi-ge, mais aussi une confiance soutenuepar l’optimisme d’un nouveau program-me de réformes et de modernisation del’économie, sachant que la Tunisie vivradans quelques semaines un événementpolitique majeur avec l’élection prési-dentielle et les législatives. ■

Propos recueillis par SAMIR GHARBI

« Avec la crise, comme ditle proverbe, il y a eu

“plus de peur que de mal”. »

64 LE PLUS TUNISIE

Page 15: Tunis Tribune | Le Plus de Jeune Afrique
Page 16: Tunis Tribune | Le Plus de Jeune Afrique

D ès l’indépendance, en 1956, les autorités tunisien-nes ont bâti leurs budgets et leurs plans de dévelop-pement sur deux termes: économique et social. Etles efforts se poursuivent. Dernier chiffre en date:

la part des dépenses à caractère social (éducation, santé, habi-tat) atteint cette année 60 % du budget de l’État.

Le chemin parcouru est immense: la population vivant au-dessous du seuil de pauvreté ne représente plus que 3,8 % dela population totale, contre 7,7 % en 1985 et 75 % en 1959. Lerevenu moyen par habitant a été multiplié par dix entre 1959et 1987 puis par cinq entre 1988 et 2009. Sous la présidencede Habib Bourguiba (1956-1987), comme sous celle de Zineel-Abidine Ben Ali (depuis 1987), les mêmes consignes se sui-vent, avec plus d’ampleur en faveur, notamment, des femmes

en milieu rural et des régions pauvres. La politique de planningfamilial a porté ses fruits: baisse de la fécondité (2 enfants parfemme, au lieu de 6 en 1956 et 3 en 1990) et division par troisdu taux de croissance démographique (aujourd’hui à 1 %).

UNE CLASSE MOYENNE MAJORITAIRE… ET FRAGILEGrâce à l’amélioration générale de la santé (augmentation

du nombre d’hôpitaux et de dispensaires, de médecins et d’in-firmières), l’espérance de vie à la naissance a augmenté devingt-cinq ans, passant de 49 à 74 ans (l’écart avec les paysriches n’est plus que de cinq ans, contre vingt en 1959).

Cependant, beaucoup d’efforts restent à accomplir pour éra-diquer l’analphabétisme parmi les adultes (23 %), surtout lesfemmes, pour lutter contre l’abandon scolaire au cours des

DÉVELOPPEMENT HUMAIN

Pasd é̓conomie sans socialPasd é̓conomie sans socialGrandepauvreté éradiquée, systèmede soins performant, éducation et logementpour tous...la politiquede solidarité joue àplein. Pourtant, la précarité et les inégalités nʼont pasdisparu.

Égypte

Turquie

Algérie

Maroc

Grèce

Portugal

Rép. tchèque

Tunisie

Hongrie

Jordanie

81,5

73,9

34,4

31,2

11,2

10,6

10,4

10,3

10,0

5,9

2,3

1,6

1,5

1,3

1,2

1,0

0,3

0,1

-0,1

-0,3

21,7

21,0

19,6

18,7

16,9

15,4

10,3

9,5

9,5

8,8

Population(en millions d'habitants, 2008)

Taux de croissance démographique(en %, est. 2009)

Taux de natalité(pour 1 000 habitants, est. 2009)

Égypte

Turquie

Algérie

Maroc

Grèce

Portugal

Rép. tchèque

Tunisie

Hongrie

Jordanie

15

17

35

38

71

74

75

76

77

103

87

91

104

108

122

135

189

203

204

213

Jordanie

Égypte

Maroc

Turquie

Algérie

Tunisie

Portugal

Grèce

Rép. tchèque

Hongrie

41

80

92

101

110

125

175

186

211

218

41

80

92

101

110

125

175

186

211

218

Grèce

Portugal

Rép. tchèque

Hongrie

Turquie

Jordanie

Tunisie

Algérie

Égypte

Maroc

0,947

0,900

0,897

0,877

0,798

0,769

0,762

0,748

0,716

0,646

79

78

76

74

73

72

72

72

71

71

99,0

98,9

97,0

94,6

92,7

88,1

76,9

74,6

71,4

54,7

Indice de développement humain (IDH)(2006)

Espérance de vie à la naissance(nombre d'années)

Taux d'alphabétisation des adultes(en %, 2006)

Rép. tchèque

Hongrie

Grèce

Portugal

Jordanie

Turquie

Tunisie

Algérie

Égypte

Maroc

18

33

35

38

76

90

95

100

116

127

12

20

34

44

54

74

99

103

110

129

Grèce

Portugal

Rép. tchèque

Tunisie

Hongrie

Jordanie

Algérie

Turquie

Égypte

Maroc

20

33

39

60

65

78

82

87

97

99

Rang mondial Rang mondial Rang mondial

Rang mondialRang mondial Rang mondial

INDICATEURS DÉMOGRAPHIQUES

INDICATEURS SOCIAUX

66 LE PLUS TUNISIE

JEUNE A FRIQUE N ° 25 41 • DU 20 AU 26 SEP TEMBRE 20 0 9

Page 17: Tunis Tribune | Le Plus de Jeune Afrique

12,9

10,7

10,7

10,5

6,1

5,5

5,2

5,1

4,6

2,8

Taux de mortalité(pour 1 000 habitants, est. 2009)

Hongrie

Rép. tchèque

Portugal

Grèce

Turquie

Maroc

Tunisie

Égypte

Algérie

Jordanie

30

51

53

56

158

176

181

185

195

215

100

90

89

83

79

76

76

74

71

60

Taux de scolarisation global(en %, 2006)

Grèce

Hongrie

Portugal

Rép. tchèque

Jordanie

Égypte

Tunisie

Algérie

Turquie

Maroc

1

28

34

44

61

78

79

89

106

140

Rang mondial

Rang mondial

années du collège et du lycée (par manque de réussite, maisaussi par manque de moyens financiers) et pour réduire lesinégalités. En effet, beaucoup de gens vivent juste au-dessusdu seuil de pauvreté, avec le risque de tomber plus bas et dedécrocher, donc, de la classe moyenne, estimée à 80 % de lapopulation. L’écart est nettement visible lorsqu’on regarde leclassement selon l’Indice de développement humain (IDH)établi par le Programme des Nations unies pour le développe-ment (Pnud). La Tunisie est certes loin devant le Maroc, maisaussi loin derrière la Hongrie, par exemple.

Négligée sous Bourguiba, la politique de solidarité a étélancée en 1993 avec le Fonds 26-26, financé par une collectesystématique de dons auprès des particuliers et des entrepri-ses ainsi que par des contributions fiscales. Ce fonds couvre1829 « zones d’ombre » (très pauvres) peuplées de 1,3 milliond’habitants (soit 12,5 % de la population). En quinze ans, leFonds a mobilisé 900 millions de DT (480 millions d’euros)en leur faveur. Mieux, il a favorisé la création, en 1997, dela Banque tunisienne de solidarité (BTS). En onze ans d’ac-tivité, la BTS a financé 580000 opérations (microprojetsmontés par de jeunes entrepreneurs et microfinance pourles petits métiers) pour un montant de plus de 1 milliard deDT (533 millions d’euros). ■ SAMIR GHARBI, envoyé spécial

SO

UR

CE

S:B

AN

QU

EM

ON

DIA

LE-

PN

UD

-W

OR

LDFA

CT

BO

OK

JEUNE A FRIQUE N ° 25 41 • DU 20 AU 26 SEP TEMBRE 20 0 9

Page 18: Tunis Tribune | Le Plus de Jeune Afrique

L e consommateur tunisien estun cas à part au Maghreb.C om me le r ap p e l l e A l iGharbi, directeur de l’Insti-

tut national de la consommation, « lesmodes de consommation en Tunisieconnaissent une évolution très rapideet empruntent à la fois aux traditionspropres aux Maghreb et aux nouvelleshabitudes de la société de consomma-tion de type occidental ». Pourtant,jusqu’à la fin des années 1980, lesTunisiens vivaient dans une écono-mie relativement fermée et n’étaientexposés qu’à des produits locaux.Conséquence de ce relatif isolement,un fort développement des PMEnationales et une position de leaderpour les marques locales. Aujourd’huiencore, malgré l’ouverture aux impor-tations, les consommateurs conti-nuent d’utiliser principalement desproduits nationaux. Ainsi, 80 % desarticles vendus par l’enseigne Carre-four sont d’origine tunisienne. « LesTunisiens sont cependant appelés à

être de plus en plus souvent confron-tés à des marques étrangères, grâceau développement à venir des fran-chises, qu’une loi vient d’autoriser, etdu fait du matraquage publicitaire »,explique un diplomate.

Selon Hassen Zargouni, présidentdu bureau d’études marketing etmédias Sigma Conseil, « le panier duTunisien est un peu plus élaboré et lapart de l’alimentaire [35 %] sensible-ment plus basse qu’au Maroc [40 %]ou en Algérie [47 %]. Cela s’expliquepar le fait que le niveau de vie y estplus élevé. » En effet, ici, le consom-mateur consacre 20 % à 25 % de sonrevenu à l’immobilier (près de 80 %des Tunisiens sont propriétaires deleur logement), 10 % à 15 % au tex-tile et à l’habillement et, nouveauté,depuis cinq ans, la part dédiée à laconsommation des services télécomn’a cessé d’augmenter, pour atteindreprès de 5 %… Aujourd’hui, 90 % desTunisiens ont un téléphone portableet 95 % possèdent une télévision.

Enfin, la plupart des ménages ontau moins une voiture.

Signe que les traditions ont encorela vie dure, plus de 80 % des achatssont encore effectués dans des épi-ceries, le reste dans la grande distri-bution. Cependant, tous les analystess’accordent à reconnaître que le modede consommation des Tunisiens vas’occidentaliser de plus en plus : àl’horizon 2016, 40 % des achats s’ef-fectueront dans une grande enseigne.Par ailleurs, les consommateurs « sontaujourd’hui très sensibles à la publicitéet, tout comme en Europe, ils prévoientlongtemps à l’avance les périodes desoldes », ajoute Ali Gharbi.

UN ENDETTEMENT DES MÉNAGESCONTRÔLÉ

Avec un revenu mensuel moyen de600 dinars (près de 320 euros) parfoyer, les ménages sont souvent ten-tés de recourir au crédit pour pouvoirsatisfaire leur appétit de consomma-tion. L’endettement par habitant et paran est de 100 euros, contre 200 eurosau Maroc et 2000 euros en France. « Iln’y a pas de fuite en avant dans l’en-dettement des ménages. Le systèmebancaire tunisien est très contrôlé etles risques de dérapages sont donc peuimportants », explique Hassen Zar-gouni. Par ailleurs, contrairement auMaroc, les sociétés spécialisées dansle crédit à la consommation – commeCetelem – n’existent pas encore enTunisie. Ce sont les banques qui yassurent ce type de prestation.

La véritable spécificité de la sociétéde consommation tunisienne est sarelative homogénéité. « On a uneimportante classe moyenne, qui a plusou moins le même rythme de vie etles mêmes habitudes de consomma-tion », analyse Hassen Zargouni. Unehomogénéité sociale propice à uneentrée de plain-pied dans la sociétéde consommation. ■

LEÏLASLIMANI,envoyée spéciale

MODE DE VIE

Bienvenuedans la sociétéBienvenuedans la sociétédeconsommationdeconsommationAvec le niveau de vie le plus élevé de la région, les Tunisiens, ouverts aux influencesextérieures, sʼéquipent et se font plaisir.

VIN

CE

NT

FOU

RN

IER

/J.A

.

Les tentations et les promotions d’un hypermarché Carrefour, à Tunis.

68 LE PLUS TUNISIE68 LE PLUS

JEUNE A FRIQUE N ° 25 41 • DU 20 AU 26 SEP TEMBRE 20 0 9

Page 19: Tunis Tribune | Le Plus de Jeune Afrique
Page 20: Tunis Tribune | Le Plus de Jeune Afrique

N ommé au portefeuille duDéveloppement et de laCoopération internationaleen 2002, Mohamed Nouri

Jouini est, à 48 ans, à la tête d’undépartement dont le rôle est centralen termes de gestion macroéconomi-que, de planification et de soutien àl’investissement extérieur. Formé auxsciences de la décision aux États-Unis,il a notamment été le conseiller écono-mique du chef de l’État puis secrétaired’État à la Privatisation. ■

JEUNE AFRIQUE: Quel a été l’effetde la crise sur l’ouverture du pays?

MOH A MED NOUR I JOUINI :La crise n’a pas freiné le processusd’ouverture de l’économie tunisienne.Bien au contraire, elle a incité le gou-

vernement à persévérer sur la voie del’intégration à l’économie mondiale.D’ailleurs, c’est grâce à l’élan de réfor-mes sans relâche depuis deux décen-nies sur la voie de la libéralisation quela Tunisie est parvenue à asseoir desolides fondements qui lui ont permisde renforcer sa capacité de résistanceaux chocs exogènes. Et nous persévé-rons sur la voie de l’ouverture, mêmeen pleine période de crise.

Ainsi, la majorité des mesures struc-turelles repose sur des réformes liées àla réduction de la protection tarifaire,à la facilitation des procédures du com-merce extérieur, à la promotion desexportations, à l’adoption des normes

internationales, ainsi qu’à l’améliora-tion de l’environnement des affaires.

Comment la Tunisie s’en sort-ellecette année?

Mieux que prévu. Elle s’en sortpas mal, grâce aux mesures décidéesdepuis le dernier trimestre de 2008 etau suivi permanent effectué par unecommission nationale, décidée par leprésident Ben Ali et présidée par lePremier ministre. Cette commission,qui comprend des membres du gou-vernement, des organisations profes-sionnelles et des experts, assure uneveille continue et est prête à propo-ser les mesures nécessaires pour faireface à la crise.

Durant cette crise, nous avons tenuun discours très franc avec les Tuni-siens, avec les patrons, avec les syndi-

cats et avec les partenai-res étrangers. Nous avonspris des mesures pouratténuer son impact etpour compenser la baissedes échanges extérieurspar un accroissement del’investissement.

La cr ise a-t-el le eu des ef fetspositifs?

La Tunisie a réussi à tirer profit decette conjoncture en drainant, en plei-ne période de crise, des investisseursétrangers de renommée internationa-le dans des secteurs porteurs. Cetteattractivité s’est manifestée à traversla multitude des projets d’investis-sement et de partenariat qui ont étéconclus avec des entreprises étrangè-res : la création d’un parc aéronauti-que, l’entrée en production de grandsprojets à haute valeur ajoutée dans lessecteurs des composants automobileset du textile, ainsi que l’octroi d’une

licence de téléphonie fixe et mobile detroisième génération à un consortiumtuniso-français.

Cette dynamique a favorisé l’en-trée en production, durant le premiersemestre de 2009, de 93 nouvellesentreprises à participation étrangèreet la réalisation de 104 opérationsd’extension, qui ont permis la créa-tion de 6 200 nouveaux emplois, dontplus de 5 700 dans l’industrie manu-facturière.

Quelles sont les perspectives pourle pays?

I l y a des signes posit i fs. Noussommes dans une phase de stabili-sation et, même, de début de relanceau niveau mondial. Pour la Tunisie,cela se traduit par des commandesplus importantes dans plusieurs sec-teurs. C’est donc positif. Après envi-ron 3 % en 2009, nous espérons undébut de retour aux taux de crois-sance normaux, de 4 % à 5 %, en2010. À partir de 2011, nous nousattendons à un taux de croissancesimilaire à celui d’avant la crise,c’est-à-dire 6 %, qu’il nous faudrad’ailleurs encore améliorer.

Comment se sont comportés lesinvestissements directs étrangers(IDE) ?

Globalement, il y a une baisse. Maisc’est normal, cette dernière étant dueessentiellement à l’énergie. En revan-che, et malgré la crise, les IDE dansles industries manufacturières ontconnu une hausse de 15 %. C’est unmérite, parce que la compétition dansce secteur est plus forte.

Mieux encore : depuis deux ou troisans, nous observons que la qualité del’investissement s’améliore. Et c’est lecas pour 2009 et 2010, avec de nou-

Malgré la conjoncturemondiale, qui affecte la plupart de ses partenaires, le paysest optimiste. Après un fléchissement en début dʼannée, les implantations et lesinvestissements étrangers se poursuivent. Dans certains secteurs, ils sʼaccélèrent.

INTERVIEW MohamedNouri JouiniMohamedNouri Jouini

« Nous gardons le cap sur l̓ouverture »« Nous gardons le cap sur l̓ouverture »MINISTRE DU DÉVELOPPEMENT ET DE LA COOPÉRATION INTERNATIONALE

« La Tunisie a su renforcersa capacité de résistance

aux chocs exogènes. »

70 LE PLUS TUNISIE

JEUNE A FRIQUE N ° 25 41 • DU 20 AU 26 SEP TEMBRE 20 0 9

Page 21: Tunis Tribune | Le Plus de Jeune Afrique

veaux investissements dans des sec-teurs et créneaux tout à fait inédits,comme le textile haut de gamme,l’aéronautique, la microélectronique,la production de logiciels et les ser-vices informatiques, où des leadersmondiaux installent en Tunisie desplates-formes de compétence.

À propos d’IDE, les grands projetsimmobiliers financés par des grou-pes du Golfe ont beaucoup fait par-ler d’eux (voir pp. 72-73). Où ensont-ils aujourd’hui ?

Trois sont en cours de réalisationsur la région de Tunis. Pour TunisSports City, les travaux sont en cours.C’est aussi le cas pour le pôle finan-

cier. Et les travaux pour Telecom Citydoivent démarrer prochainement.

Mais les travaux sur les berges dulac sud de Tunis pour le projet Portede la Méditerranée, où Sama Dubaidisait vouloir investir plus de 25 mil-liards de dollars, sont en arrêt…

Le groupe concerné n’a pas renoncéau projet : il y a un retard en raison dedifficultés inhérentes à la crise finan-cière mondiale, et il a demandé undélai par rapport au calendrier initial.

Et comment évolue le projet de lafiliale d’Airbus au sein du nouveauparc aéronautique?

Il avance conformément au calen-

drier fixé. Nous sommes dans la phasedu démarrage de l’implantation.

Y a-t-il d’autres grands chantiersprogrammés?

Ce que je peux vous dire au stadeactuel, c’est que nous travaillons avecun grand sérieux sur plusieurs projets,notamment cinq grands projets quidoivent être implantés dans différentesrégions du pays, en plus de Tunis. Ils neconcernent pas seulement le développe-ment immobilier, mais aussi le domainede l’énergie, du dessalement de l’eau demer, de l’environnement, des infrastruc-tures et des zones logistiques. ■

Propos recueillis à Tunispar ABDELAZIZ BARROUHI

Pour le ministre du Développement et de la Coopération, les efforts se concentrent sur l’intégration à l’économie mondiale. HIC

HE

M

71LE PLUS

JEUNE A FRIQUE N ° 25 41 • DU 20 AU 26 SEP TEMBRE 20 0 9

Page 22: Tunis Tribune | Le Plus de Jeune Afrique

M ême si la réal isat ionde certains projets estexposée aux effets de laconjoncture mondiale, la

Tunisie demeure un chantier perma-nent. L’un des projets les plus popu-laires en matière d’aménagement estcelui de Taparura, à Sfax. Moyennantun investissement de 141,4 millions deDT (plus de 75,8 millions d’euros), ilrésout un problème environnementalsur la façade maritime de la ville. Dansles cartons présidentiels depuis 1992,la première phase de travaux, qui adémarré en 2006 et est pratiquementachevée, a permis de dépolluer le bordde mer (en extrayant des millions demètres cubes de phosphogypse, accu-mulés pendant des dizaines d’années,pour les isoler dans une chape debéton) et d’aménager 6 kilomètresde plages. Enfin, quelque 50 hecta-res gagnés sur la mer sont réservés àl’aménagement urbain.

Sur le front énergétique, le déve-loppement se poursuit aussi, avec

une centrale électrique de 400 MWen construction à Ghannouch (régionde Gabès), pour un coût de 335 mil-lions d’euros, et une autre en projetà El Haouaria (Cap Bon), fruit d’unpartenariat tuniso-italien, qui expor-tera vers l’Europe via un câble sous-marin.

PARCS D’AFFAIRESET TECHNOPOLES

Côté industriel, le parc aéronauti-que de la banlieue sud de Tunis prendforme. Aerolia, filiale d’Airbus, est entrain de s’y installer ainsi que plu-sieurs de ses sous-traitants.

Dans les télécoms, outre TunisTelecom City, dont le chantier vacommencer, deux autres technopolesdans le domaine des technologies del’information et de la communication(TIC) sont en voie de réalisation prèsde Tunis.

La fièvre des investissements venusdu Golfe s’est, certes, calmée cetteannée, mais elle s’est traduite par

trois grands projets en cours dansla capitale – Tunis Sports City et lePort financier, en travaux, et TelecomCity –, un quatrième projet restantpour l’heure en suspens, la Porte dela Méditerranée, au lac sud. Criseoblige, ce dernier chantier, qui devait

INFRASTRUCTURES

AurythmedesAurythmedesgrands chantiersgrands chantiersHabitat, équipements publics, zones dʼactivité, réseaux decommunication, de distribution dʼénergie, dʼeau... Le paysne cesse de se transformer. De plus en plus rapidement.Et, au vu des travaux en cours, lamétamorphose est loindʼêtre achevée.

L’ANNÉE 2009 EST PARTICULIÈREMENT RICHE en réa-lisations et projets qui touchent les infrastructures detransport. À mi-chemin entre Hammamet et Sousse,le nouvel aéroport d’Enfidha sera mis en service à lami-octobre par le groupe turc TAV, qui en est le conces-sionnaire. Sa capacité sera de 5 millions de passagerspar an dans un premier temps, et des extensions sontd’ores et déjà prévues pour atteindre une capacité de20 millions de passagers par an.

Non loin de là, sur la côte, les travaux du mégaprojetde port en eau profonde devraient commencer à la finde l’année, une fois connu le nom du futur constructeuret exploitant dans le cadre d’une concession. Adaptéau transport multimodal et doté d’une zone de serviceslogistiques, il est également conçu pour être une plate-

forme au cœur de la Méditerranée et un lieu de transbor-dement sur les routes maritimes est-ouest.

Enfin, les travaux de l’autoroute Sfax-Gabès vers laLibye doivent démarrer au mois d’octobre. Longue de155 km, elle est le prolongement de l’autoroute nord-sud, qui part de Tunis, elle-même connectée à celle deBizerte.

Plus généralement, le chef de l’État a fixé pour objec-tif que le réseau autoroutier, qui est actuellement de360 km, passe à 1200 km à l’horizon 2016. Le réseautunisien serait ainsi connecté à celui de la Libye en direc-tion de l’Égypte vers l’est, du Tchad et du Niger vers lesud, et atteindrait la frontière algérienne pour rejoindrel’autoroute transmaghrébine vers l’ouest et la Trans-saharienne vers le sud. ■ AZ.B.

ANNÉE FASTE POUR TOUS LES MODES DE TRANSPORT

72 LE PLUS TUNISIE

JEUNE A FRIQUE N ° 25 41 • DU 20 AU 26 SEP TEMBRE 20 0 9

Page 23: Tunis Tribune | Le Plus de Jeune Afrique

mobiliser dans les 25 milliards dedollars en financements, a dû s’in-terrompre alors même qu’il démar-rait. Ce projet du promoteur SamaDubai, dont la maison mère DubaiHolding est en train de fusionneravec le groupe émirati Emaar, n’estcependant pas abandonné, dit-on àTunis.

Seuls ces quatre chantiers ont faitl’objet de conventions entre leurspromoteurs et le gouvernement tuni-sien, contrairement aux autres pro-jets venus du Golfe, dont on avaitparlé et qui sont restés au stade des« déclarations d’intention », confirmeMohamed Nouri Jouini, ministre duDéveloppement économique et dela Coopération internationale (voirpp. 70-71).

Le projet le plus avancé est celui dugroupe bahreïni Boukhater, promo-teur de Tunis Sports City, qui couvre250 hectares. La commercialisationsur maquette des villas de luxe etappartements de la première tran-

che actuellement en travaux a étélancée le 10 juillet. Ces logementsseront situés aux abords des bergesdu lac nord de Tunis et de la routede La Marsa. Leur réalisation doits’étaler sur cinq ans et représenter uninvestissement total de 2 milliards dedollars, avec une possi-bilité d’expansion quiporterait à long termele montant des inves-tissements à 5 milliardsde dollars.

Le coup d’envoi destravaux du Port finan-cier de Tunis, à El-Hasiane, du côté deKalâat el-Andalous (à 35 km au nordde Tunis), a été donné en présencedu président Ben Ali le 12 juin 2009.Le groupe bahreïni Global FinanceHouse compte investir 3 milliards dedollars pour édifier le premier centrefinancier offshore de la région, sur520 hectares. Un projet qui a conduitle gouvernement à adopter un codeservant de cadre juridique favorisant

les prestations de services financiersaux non-résidents.

Enfin, les travaux de Tunis TelecomCity, sur une zone de 260 hectares,doivent démarrer prochainement.Dédié aux TIC, ce projet à vocationinternationale est porté par le consor-

tium Vision 3, une alliance stratégi-que entre les trois principales ban-ques du Golfe : Gulf Finance House(GFH), Ithmaar Bank et Abu DhabiInvestment House (ADIH). L’inves-tissement est estimé à 3 milliards dedollars, avec à la clé 11 000 emploisde haut niveau et 25 000 autres lors-que les activités générées atteindrontleur vitesse de croisière. ■

ABDELAZIZ BARROUHI

À Sfax, le projetTaparura alliedépollution et

aménagement urbain.

DR

Crise oblige, dans la capitale,la fièvre des investissementsvenus du Golfe est retombée.

73LE PLUS

JEUNE A FRIQUE N ° 25 41 • DU 20 AU 26 SEP TEMBRE 20 0 9

Page 24: Tunis Tribune | Le Plus de Jeune Afrique

L oin de remettre en questionles acquis du code du statutpersonnel (CSP, promulguéen 1956) concernant les droits

des Tunisiennes, le président Ben Ali,en arrivant au pouvoir, exclut d’em-blée tout retour en arrière et fait de lacause féminine la pierre angulaire desa politique. Et c’est sur la consécrationdu principe de la non-discrimination etde l’accession à la complémentarité desrôles entre conjoints que vont porter lesefforts du nouveau régime.

De 1992 à 1998, une série d’amen-dements vient consolider le CSP. En1993, « l’obligation d’obéissance » del’épouse à son mari (art. 23) est rem-placée par la notion de « devoir récipro-que des deux conjoints ». L’instaurationdu partenariat entre les parents dansla conduite des affaires de la familleoctroie d’office à la femme la tutelle

de la garde des enfants. Le mariagedu mineur est désormais subordonnéau consentement de la mère et donneà cette dernière des prérogatives detutelle identiques à celles du père ence qui concerne les voyages de l’enfant,ses études ou la gestion de ses comptesfinanciers. Le divorce ne la prive plusde ce droit. Mieux : en cas de ruptureconjugale, si le mari ne s’acquitte pasde la pension alimentaire, un « fondsde garantie » se substitue au débiteurrécalcitrant et verse à la divorcée lemontant de l’allocation.

Par ailleurs, une loi votée en 1998 etcomplétée en 2003 autorise la mère àdonner son patronyme à l’enfant aban-donné ou de filiation inconnue et à sai-sir la justice pour obtenir un jugementattribuant à l’enfant le nom patrony-mique du père si la preuve de paternitéest établie. Cette loi accorde également

au couple la faculté d’opter pour lerégime de la communauté des biens,lequel n’existait pas en droit tunisien,chacun des époux étant censé être seulmaître du bien dont il est légalementpropriétaire.

La loi du 23 juin 1993 amende, quantà elle, l’article 12 du Code de la natio-nalité en donnant la possibilité auxmères tunisiennes de transmettre leurnationalité à leurs enfants nés de pèreétrangers, une première dans le mondearabo-musulman. La même loi fait dulien conjugal une circonstance aggra-vante en cas de violence physique. Unprojet de loi sur le harcèlement sexuelest par ailleurs adopté par la Chambredes députés en 2004.

ENCORE DES REVENDICATIONS…Enfin, la conquête de métiers tradi-

tionnellement effectués par les hommess’est intensifiée et la société tunisiennecompte désormais des femmes dockers,pêcheurs, chauffeurs de bus, agents dela circulation ou policiers.

Les réformes ainsi que la féminisa-tion de la vie publique sont donc bienréelles, même si les militantes rap-pellent que quelques revendicationsne sont pas encore satisfaites, commel’égalité devant l’héritage, la possibilitépour une Tunisienne de se marier avecun non-musulman, ou encore l’adop-tion d’un texte reconnaissant claire-ment que le code du statut personneln’est plus inspiré du modèle religieux.À charge pour le gouvernement d’yrépondre. Il s’est en tout cas fixé pourobjectif de porter la présence fémininedans les hautes fonctions et les postesde décision à au moins 30 % des effec-tifs dès 2010. ■

FAWZIA ZOUARI, envoyée spéciale

« De lʼégalité au partenariat ». Telle est la devise du régimeBenAli enmatière dʼémancipation féminine. Se vérifie-t-elleau quotidien?

AG

OS

TIN

OPA

CC

IAN

I

En politique Le gouvernement compte près de 15 % de femmes,la Chambre des députés 22,8 % (43 femmes sur 189 sièges)et les conseils municipaux 27 %. Les femmes représentent18 % des membres du Conseil économique et social.À l’issue du Congrès du défi tenu par le Rassemblementconstitutionnel démocratique (RCD, parti au pouvoir)du 30 juillet au 2 août 2008, 37,9 % des membres élusau comité central du parti sont des femmes.

Dans l’économie Les femmes représentent près de30 % de la population active, dont 32 % des effectifsdu secteur de l’agriculture et de la pêche, 40 % dansl’éducation et l’enseignement supérieur, 44 % dansl’industrie, 37 % dans le secteur des services.Elles constituent 32 % des effectifs des tribunaux

administratifs, 25 % des magistrats, 22 % des avocatsinscrits au barreau, 30 % du corps de l’enseignementsupérieur, 50 % du corps médical, 30 % des pharmaciens,30 % des journalistes, 45 % des opérateurs dans lesindustries manufacturières (dont 80 % dans le textile).

À l’université et dans la recherche 55 % desétudiants sont des femmes, de même que 47 %des chercheurs travaillant dans les laboratoires.

Au sein du milieu associatif 42 % de l’ensemble desadhérents aux organisations et associations sontdes femmes, qui représentent 20 % de leurs cadresdirigeants. Quelque 140 associations fémininesopèrent en Tunisie dans différents domaines.

SO

UR

CE

:MIN

IST

ÈR

ED

ES

AFF

AIR

ES

DE

LA

FEM

ME

,AO

ÛT

200

9

SOCIÉTÉ

Fièreset libresFièreset libres

L’ÉMANCIPATION EN CHIFFRES

Avenue Bourguiba, à Tunis.

74 LE PLUSLE PLUS

JEUNE A FRIQUE N ° 25 41 • DU 20 AU 26 SEP TEMBRE 20 0 9JEUNE A FRIQUE N ° 25 41 • DU 20 AU 26 SEP TEMBRE 20 0 9

Page 25: Tunis Tribune | Le Plus de Jeune Afrique
Page 26: Tunis Tribune | Le Plus de Jeune Afrique