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XXII e Congrès National de Généalogie Marseille 2013 211 Le tremblement de terre de Rognes – Lambesc, le 9 Juin 1909 par Anne de Montgrand - Vallon I l y a 104 ans, le 11 juin 1909, la terre a tremblé en Provence. Pas un de ces tremblements de terre minuscules qui se contentent de faire trembler les bibelots. Non, un vrai, un terrible, un terrifiant tremblement de terre. Rognes, Lambesc, Salon, Vernègues, au total une trentaine de communes ont été fortement touchées, immeubles détruits ou rendus dangereux et inhabitables, changements du régime des sources, et surtout de nombreux morts et blessés. Le séisme fut ressenti sur une large zone qui s’étendait des Pyrénées aux Alpes. Il a été catalogué comme d’intensité 6,2 sur l’échelle de Richter. Relativement peu profond (entre 5 et 10 km), il provoqua dans une zone assez délimitée de la Provence des dommages très importants. Que s’était –il passé ? Nous possédons un grand nombre de témoignages et de photographies qui permettent de reconstituer le drame. Depuis quelques années, des mouvements du sol, des grondements souterrains inquiétaient les habitants de la région. En novembre 1906, une violente secousse, ressentie de Mirabeau à Saint-Paul- lez-Durance, sème la panique chez les habitants. Un an plus tard, en novembre 1907, les habitants d’Eyguières s’inquiètent d’inexplicables détonations souterraines. En janvier 1907 à 20 h, Mirabeau, Beaumont-de-Pertuis, Saint-Paul-lez-Durance et le Puy-Sainte-Réparade sentent une secousse, qui heureusement n’a pas de conséquence. Le 25 mars 1909, nouvelle secousse au Puy-Sainte-Réparade. Trois jours plus tard, des grondements résonnent dans le sous-sol, enfin deux jours avant le séisme, toujours au Puy- Sainte-Réparade et à Saint-Cannat des bruits très forts « comme des charrois de barriques » disent certains, sortent de sous la terre. Le 11 juin 1909 E n Provence, en particulier dans la région de Lambesc - Salon, la météo de ce début du mois de juin était exceptionnelle, avec des orages précoces accompagnés d’un temps lourd, étouffant. La journée avait été brûlante, sans un souffle de vent. Depuis quelques jours, le sol était animé de petites secousses, on entendait de lointains grondements souterrains. Toute la journée du 11 juin, les animaux avaient eu des comportements inhabituels, les oiseaux volaient bas en poussant des cris, les animaux terrestres fuyaient leurs terriers et leurs niches, ceux qui étaient enfermés ou attachés tournaient en rond et cherchaient à fuir, les chevaux piaffaient à l’écurie, les chiens hurlaient à la mort. Le soir vint. À 21h 15, les hommes rentraient des champs, les jeunes enfants

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XXIIe Congrès National de Généalogie Marseille 2013 211

Le tremblement de terre

de Rognes – Lambesc, le 9 Juin 1909

par Anne de Montgrand - Vallon

Il y a 104 ans, le 11 juin 1909, la terre a tremblé en Provence. Pas un de ces

tremblements de terre minuscules qui se contentent de faire trembler les bibelots. Non, un vrai, un terrible, un terri"ant tremblement de terre. Rognes, Lambesc, Salon, Vernègues, au total une trentaine de communes ont été fortement touchées, immeubles détruits ou rendus dangereux et inhabitables, changements du régime des sources, et surtout de nombreux morts et blessés. Le séisme fut ressenti sur une large zone qui s’étendait des Pyrénées aux Alpes. Il a été catalogué comme d’intensité 6,2 sur l’échelle de Richter. Relativement peu profond (entre 5 et 10 km), il provoqua dans une zone assez délimitée de la Provence des dommages très importants. Que s’était –il passé ? Nous possédons un grand nombre de témoignages et de photographies qui permettent de reconstituer le drame.

Depuis quelques années, des mouvements du sol, des grondements souterrains inquiétaient les habitants de la région.

En novembre 1906, une violente secousse, ressentie de Mirabeau à Saint-Paul-lez-Durance, sème la panique chez les habitants. Un an plus tard, en novembre 1907, les habitants d’Eyguières s’inquiètent d’inexplicables détonations souterraines.

En janvier 1907 à 20 h, Mirabeau, Beaumont-de-Pertuis, Saint-Paul-lez-Durance et le Puy-Sainte-Réparade sentent une secousse, qui heureusement n’a pas de conséquence.

Le 25 mars 1909, nouvelle secousse au Puy-Sainte-Réparade. Trois jours plus tard, des grondements résonnent dans le sous-sol, en"n deux jours avant le séisme, toujours au Puy-Sainte-Réparade et à Saint-Cannat des bruits très forts « comme des charrois de barriques »

disent certains, sortent de sous la terre.

Le 11 juin 1909

En Provence, en particulier dans la

région de Lambesc - Salon, la météo de ce début du mois de juin était exceptionnelle, avec des orages précoces accompagnés d’un temps lourd, étou%ant. La journée avait été brûlante, sans un sou*e de vent. Depuis quelques jours, le sol était animé de petites secousses, on entendait de lointains grondements souterrains.

Toute la journée du 11 juin, les animaux avaient eu des comportements inhabituels, les oiseaux volaient bas en poussant des cris, les

animaux terrestres fuyaient leurs terriers et leurs niches, ceux qui étaient enfermés ou attachés tournaient en rond et cherchaient à fuir, les chevaux pia%aient à l’écurie, les chiens hurlaient à la mort.

Le soir vint. À 21h 15, les hommes rentraient des champs, les jeunes enfants

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étaient déjà au lit, des familles "nissaient de souper, beaucoup d’habitants se promenaient sur la route comme c’est la coutume les soirs d’été. C’est alors qu’un grondement sourd sort des profondeurs de la terre. Il se prolonge, il augmente, il assourdit et dans un fracas épouvantable, le sol tremble et s’a%aisse. Les meublent se déplacent tout seuls en grinçant, la vaisselle tombe à terre et se casse, les murs s’écroulent dans des nuages de poussière. Dans la campagne, les arbres sont secoués comme quand des enfants veulent en faire tomber les fruits. Les blés s’agitent ; les épis, en se heurtant font un bruit qui n'est ni celui du vent, ni celui de la faux. Le bruit qui sort du sol est aussi fort que celui d’un bombardement. Les parents a%olés arrachent les enfants en pleurs de leurs lits et se précipitent à l’extérieur pour se trouver sur un sol mouvant ; on entend de toutes parts des hurlements de peur et de douleur. Dans les villages, tous ceux qui l’ont pu, ont gagné la rue, à travers les amoncellements de gravats et les meubles cassés. On se déplace dans le noir, car les secousses ont cassé les "ls électriques, détruit les lampadaires et les habitants ont éteint les feux de peur des incendies. Dehors, les gens tremblent et pleurent, on entend des cris, des gémissements. Les familles se cherchent dans le noir. Tous fuient vers la campagne environnante, loin des murs branlants qui peuvent les ensevelir à chaque instant.

« Nous sortîmes en toute hâte », raconta plus tard un habitant de Rognes, « poursuivis par le bruit sinistre des murs qui s’e#ondraient. Nous courions vers la campagne, loin du village qui comme un immense château de cartes s’a#aissait graduellement. Nous courrions épouvantés, craignant à tout instant de voir la terre s’ouvrir devant nous et d’être engloutis. De temps en temps accouraient des hommes en chemise, un falot à la main, qui demandaient : Vous n’avez pas vu ma femme ? N’avez-vous pas vu mes enfants ? »

Puis, peu à peu les habitants reprennent leurs esprits. On commence à sortir les blessés qui appellent à l’aide, enfouis sous les ruines. Des gens de bonne volonté les transportent dans les bâtiments qui tiennent encore à peu près. On sort les bêtes des écuries, on commence

à monter des campements de fortune, dans lesquels des bâches attachées aux troncs des arbres et des jonchées de foin, permettent de coucher les enfants. Entre les campements, on allume des feux, autant pour se rassurer que pour se réchau%er car un violent mistral s’est levé et toute la nuit, les sinistrés grelottent.

Très vite dans cette région densément peuplée, proche d’Aix-en-Provence et de Marseille, les secours s’organisent. Dès le lendemain, le préfet, l’armée, les secouristes, la Croix Rouge sont sur place ainsi que les journalistes.

Le journaliste qui a été envoyé par le grand journal régional : « Le Petit Marseillais » raconte à ses lecteurs ses premières impressions « à chaud » sous un titre accrocheur :

« Tremblement de terre en Provence...

60 morts - 5 villages détruits »

« Si le tremblement de terre d'hier soir n'a eu pour e#et à Marseille que d'a#oler la population et notamment la colonie italienne qui, en dépit d'une pluie serrée, a campé sur les places, les avenues et dans les rues les plus larges, il n'en est malheureusement pas ainsi dans le département où le chi#re des victimes est déjà évalué à une soixantaine. C'est une véritable catastrophe qui a atteint Lambesc, Rognes, Saint-Cannat, Pélissanne, La Roque-d'Antheron et d’autres communes plus éloignées et sur le sort desquelles les renseignements sont encore imprécis à l'heure où je vous adresse ce premier télégramme. On compte, à Saint-Cannat, à l'heure actuelle, dix morts, parmi lesquels le correspondant du Petit Marseillais ; à Lambesc, quinze ; vingt à Rognes, deux à Pélissanne et partout les blessés sont très nombreux. A Rognes, on apprend à chaque instant que dans les campagnes environnantes, des personnes ont été ensevelies sous les décombres de leurs habitations. Le village de Rognes est presque complètement détruit. De tous les villages on demande des secours, et notamment du pain, car les boulangeries ne peuvent plus travailler ».

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Nous allons voir comment la catastrophe s’est produite, village par village.

À 21 h 19, les habitants du village de Lambesc entendent une « formidable détonation » et sont violemment secoués. Une nouvelle secousse renverse les cloisons, les meubles. Les habitants sortent en hâte dans les rues et y rencontrent des personnes a%olées qui viennent chercher du secours pour retirer des membres de leurs familles ensevelis sous les décombres de leurs maisons. On fait évacuer la population sur le plateau de Berthoire, le mistral se lève et la température baisse fortement, les survivants allument des feux pour se réchau%er. Au jour, les habitants constatent que leur village est en ruines. Des maisons sont e%ondrées dans les rues ; d’autres, qui semblent à peu près intactes, sont dévastées intérieurement. Les rues sont encombrées par les débris des murs qui s’y sont abattus. Le quartier du Castellas est entièrement ruiné. L’église est très ébranlée, la =èche du clocher a été abattue. Comme le clocher menaçait de tomber sur les survivants, le génie dut l’abattre pour des raisons de sécurité.

« De Saint-Cannat il ne reste presque plus rien, raconte un journaliste. La plupart des maisons se sont e#ondrées, de nombreux habitants sont ensevelis sous les ruines de leurs maisons. La mairie est en partie détruite, l’escalier principal s’est e#ondré, l’église est tout aussi abîmée, son clocher abattu, les murs des chapelles latérales détruits, la toiture pleine de trous. Toute la nuit la population a erré en chemises dans les rues en pleurant et en criant. Les sauvetages qui s’organisaient se faisaient dans la nuit la plus complète ».

Au Puy-Sainte-Réparade, les dégâts matériels sont considérables, surtout dans la campagne, on compte deux morts et plusieurs blessés. Les obsèques civiles des deux victimes, ont donné lieu à une imposante manifestation. Tous les libres penseurs de la région, l’églantine rouge à la boutonnière, avaient tenu à accompagner jusqu’à leur dernière demeure les deux malheureuses femmes. Plus de vingt maisons sont détruites. L'eau est devenue boueuse dans les puits. Deux cent quatorze familles sont sans abri.

C’est à Vernègues que les dégâts sont les plus impressionnants. Quand on arrive au pied du village, on peut dire : « Là était Vernègues ». Le vieux château était bâti sur un immense rocher. Le rocher et le château se sont e%ondrés sur les maisons qu’ils surplombaient. De l’église, il ne reste que le chœur, si lézardé qu’il a fallu l’abattre pour des raisons de sécurité. Presque toutes les maisons sont détruites.

À Alleins, l’intérieur du château de La Barben est dévasté et une tour s’est e%ondrée.

À Vauvenargues, l'église menace de s'écrouler. Quelques maisons sont entièrement détruites, la plupart des autres sont profondément crevassées.

À Pélissanne, le séisme commença à 21 h 18 par un grondement sourd semblable à celui que produiraient des centaines de tambours. Puis deux secousses brutales se succèdent, et la lumière s’éteint. Les habitants sortent en hâte mais dans les rues, les corniches tombent. Certains disent : « C’est la poudrerie de Saint Chamas qui vient d’exploser, ou alors c’est le volcan de Beaulieu ». Le jour vient, un quartier

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entier est en ruines, plus de vingt maisons sont détruites, d’autres sont lézardées, les toitures sont tombées, le clocher est découronné. On compte quatre victimes. Comme le clocher menace de s’écrouler à tout moment, les soldats du génie doivent le faire sauter à l’explosif, comme à Lambesc, par mesure de sécurité.

À La Roque-d’Anthéron, la mairie, le moulin à huile, le quartier du Rocassier, sont en partie détruits. L’intérieur du château est dévasté. Cent dix familles sont sans abri.

À Venelles, le haut du village est rasé dans sa plus grande partie. L'église est complètement détruite et le clocher a été abattu.

À Rognes, les ravages sont considérables, car le village est adossée au rocher du Foussa que les secousses sismiques ont ébranlé violemment, ainsi que les vieilles maisons qui s’y trouvaient. Une partie du rocher s’est détachée de la montagne. Dans toute la partie haute du village, c’est-à-dire presque tout Rognes, la totalité des maisons sont écroulées. Il n’en reste aucune d’intacte. Si la partie haute de Rognes n’est plus qu’un tas de ruines, la partie basse a été relativement préservée, mais les habitants hésitent à revenir dans leurs maisons, car ils ont peur que de nouvelles secousses les fassent tomber sur eux. L’hospice, où l’on a mis les blessés, est dangereusement lézardé, l’école est en partie détruite comme la chapelle des pénitents. Dans les campagnes environnantes, la chapelle Saint-Marc s’est écroulée. La bergerie de La Javie est tombée sur le troupeau, cent cinquante moutons sont morts. Deux cent cinquante maisons sur les trois cent cinquante du village sont touchées, les deux tiers des constructions sont détruites.

À Salon, le château « de la Reine Jeanne » s’est en partie e%ondré. Les créneaux sont tombés sur les maisons en contre- bas. Il faut abattre avec des explosifs 20 m des remparts du château qui menacent de s’e%ondrer sur les maisons qui sont à leur pied, ainsi que la grosse tour du

pigeonnier qui menace dangereusement ruine. La ville aussi a subi des dégâts considérables. Le clocher de l’église Saint-Laurent a été "ssuré du haut en bas, il faudra le démonter entièrement et le reconstruire. Une grande "ssure part de la rue du Quatre Septembre, traverse plusieurs immeubles qui se sont ouverts par le milieu, et se termine 200 m plus loin sous les écoles communales qui ont dû être évacuées.

Éguilles, Mouriés, Mallemort, Peyrolles, Jouques, Pertuis, Puyricard, toutes les communes du secteur ont été plus ou moins dévastées. La partie la plus a%ectée est la Trévaresse, limitée au nord par la Durance et au sud par le cours de la Touloubre. C'est là que les e%ets destructeurs du séisme ont atteint leur maximum. Dans certains villages, comme à Vernègues, aucune maison n'a résisté. Partout la panique a a%olé les habitants qui redoutaient le retour de ces terribles secousses.

Dès l’aube, le maire de Lambesc, Pierre MARTIN, télégraphie au préfet : « Un tremblement de terre a tout démolie le pays. Envoyez secours ».

Très peu de temps après la catastrophe, des études sismologiques ont été menées pour estimer l’intensité du séisme et les causes qui l’ont provoqué. (Travaux du commandant SPIESS)

Les dégâts observés ont permis d’estimer

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l'intensité du séisme de 9 à 10 sur l'échelle MSK, anciennement échelle de Mercalli (échelles graduées de 1 à 12). Ce séisme fut suHsamment important pour être enregistré par une trentaine de stations sismologiques en France et en Europe. Cela a permis de montrer qu'il s'agissait d'un séisme super"ciel. Le foyer était à moins de 10 km de profondeur. Sa magnitude moyenne, exprimée sur l’échelle de Richter, a été estimée à 6,2. Pour comparer, rappelons que le séisme de L'Aquila du 6 avril 2009 dans les Abruzzes, qui "t deux cent quarante six morts, avait une magnitude voisine de 6,3. Mais l'analyse détaillée des dommages permet d'estimer l'intensité du séisme à l’épicentre, qui était situé entre Lambesc et Saint-Cannat, à une magnitude de 8 ou 9.

L'abondance des témoignages recueillis et des études sur place ont permis d'établir des cartes iso-sismiques, c'est-à-dire des cartes sur lesquelles sont représentées les zones touchées avec la même intensité.

Partout la secousse a été accompagnée de grondements sourds semblables à de forts roulements de tonnerre. Ces bruits ont été entendus fort loin, dans les Alpes-Maritimes, l’Ardèche, l’Aveyron, l’Hérault, le Var……. De plus, la secousse principale a parfois été accompagnée de phénomènes lumineux. Des témoins à Aix-en-Provence, Grans, Rognes, Cucuron aHrment avoir vu des lueurs qui montaient du sol pour éclairer le ciel comme des aurores boréales.

Le bilan était terrible ; le lendemain du

tremblement de terre, la Provence comptait 46

morts et plus de 2000 bâtiments détruits.

La zone touchée s’étendait d’ouest en est, de Mouriès à Saint-Paul-lez-Durance, et

du nord au sud, de Cadenet au nord d’Aix-en-Provence. La secousse fut faiblement ressentie de Sète à Cannes et à Nice. À Marseille, Toulon, Draguignan, Montpellier, les vitres tremblèrent et des objets se déplacèrent.

Dans une zone plus centrale qui englobait Apt et Brignoles, la secousse a fait tinter les sonnettes et a déplacé les meubles. En"n dans les zones les plus proches de

l’épicentre, entre Lambesc, Aix-en-Provence, Eyguières, Rognes, il y a eu destruction des édi"ces, crevasses dans le sol, éboulement des montagnes. Les sauveteurs ont constaté que les victimes ont très souvent été des femmes et des enfants, les hommes n’étaient pas encore rentrés des champs ou s’occupaient des bêtes, ce qui les a sauvés.

Dans les semaines suivantes, des répliques, parfois violentes, surviennent, jetant l'e%roi parmi la population. Le 10 juillet, à Meyrargues, du 12 au 16 juillet à Puyricard, Arles, Lambesc, Marseille et Toulon.

La population de la région, sous le choc, craignant la violence des répliques, passait ses nuits à la belle étoile, sur des matelas étalés sur les places ou dans les jardins publics, de peur de voir s’e%ondrer les maisons. Ainsi, à Aix-en-Provence, un témoin raconte que « la place des Prêcheurs était pleine de gens qui dormaient sur des matelas ».

Le 21 juin, beaucoup pensaient encore que l’épicentre de la secousse était aux environs du volcan de Beaulieu. Ce volcan est une cheminée basaltique, qui ne se situe pas à proximité du château, mais un peu au sud de Beaulieu, sous la Trévaresse. Ensuite, on l’a attribué à une faille Pélissanne-Rognes (qui serait en réalité une faille Pélissanne-Lambesc).

La zone la plus touchée est limitée au nord par la Durance, au sud par la mer, à l’est par la limite du département du Var, sur une ligne Saint-Paul-lez-Durance - La Ciotat. Cette zone est constituée par la Trévaresse, les collines de la Fare et de Lambesc qui forment la chaîne des Côtes, et les contreforts occidentaux de la Sainte-Victoire.

Dans les jours qui ont suivi le séisme, des géologues ont été envoyés sur le terrain pour inventorier les dommages dans la campagne, en partant du Puy-Sainte-Réparade :

sur les basaltes, à 2 km au sud-est de Beaulieu, la secousse a été très violente. Ce n’est que l’absence d’agglomération aux alentours qui a limité les dégâts. Tout y est disloqué par une violente secousse latérale, murs et toitures e%ondrés, meubles déplacés. Les sources ont taries.

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fermes alentours, bâtis au =anc de la coulée basaltique, ont beaucoup sou%ert. Autour de la crête basaltique, les lieux de La Coste, La Milhaude, Brest, le château de Tournefort sont très touchés. Le château de Beaulieu a peu ressenti la secousse, seul un hangar en mauvais état s’est écroulé, les sources ont doublé leur débit.

Sainte-Réparade à Aix-en-Provence et sur la route de Rognes, de très nombreux ponts sont endommagés, les véhicules ne les empruntent qu’avec beaucoup de précautions. À Costefrède, le bord nord de la route est entaillé par de grandes "ssures.

Après la secousse principale, on a enregistré de nombreuses répliques, souvent destructrices, accompagnées de détonations et de grondements souterrains. Elles se sont arrêtées à l’est d’une ligne La Roque-d’Anthéron, Lambesc, La Fare. Cadenet et Lauris sont épargnés tandis que Pertuis et La Tour d’Aigues ont été touchés.

Au centre du massif de la chaîne des Côtes, la chapelle Sainte-Anne-de-Goiron est en partie écroulée. Le reste du massif est presque désert.

L’aide d’urgence

Dès le lendemain matin, dans cette région très peuplée, les secours se sont organisés. Une

multitude de télégrammes oHciels arrivaient à la préfecture et à la sous-préfecture d’Aix, autant pour informer les autorités que pour demander du secours, de plus en plus précis au "l des heures. Le préfet des Bouches-du-Rhône décida de se rendre dans les communes sinistrées pour présider à l'organisation des secours.

On envoie des troupes, du matériel de campement. Deux mille kilos de pain sont

répartis immédiatement, suivant les besoins. Les tentes et civières suivent en urgence, en même temps que des e%ectifs d'infanterie et des secouristes. Un bataillon du 7e génie d’Avignon ainsi que les pompiers de Marseille arrivent pour activer les travaux de déblaiement. Les soldats aident à déblayer les rues que les décombres amoncelés rendent impraticables. Ils dégagent les maisons, montent des tentes et font sauter les ruines les plus menaçantes.

Les sapeurs d’Avignon étaient chargés de faire tomber les parties d’édi"ces qui risquaient de s’écrouler et d’entraîner de nouvelles blessures : façades, cheminées, corniches, clochers.

Les secours privés s’organisent dès l’annonce du sinistre. Des comités charitables d’aide aux sinistrés sont créés à l’initiative de la presse, d’œuvres caritatives, de particuliers. Le journal « Le Petit Marseillais » lance une souscription qui récolte en quelques semaines plus de 200.000 francs or, destinés à construire des logements provisoires pour quarante cinq familles.

A u t o u r de nombreux villages dont les maisons ont été abandonnées, on monte à la hâte des campements improvisés pour les habitants, avec des tentes et bâches. La Compagnie P.L.M. a autorisé de

nombreux sinistrés à chercher un abri dans des wagons de marchandises. À la gare de Saint-Cannat, sur une voie de garage, plusieurs wagons servent d’abri à des familles dont les membres couchent sur la paille. Ils font leur popote sur le quai.

Après le désastre, il fallait reconstruire. La reprise fut rapide, les habitants se remirent à l’œuvre, il fallait rentrer les moissons, soigner les bêtes, et les articles de journaux louent le courage et l’esprit d’entreprise des habitants sinistrés.

« Le découragement qui a suivi la

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catastrophe ne fut pas de longue durée. Un moment surprise par le choc redoutable, la ville de Salon s’est ressaisie; le travail a repris dans les maisons branlantes, l'activité commerciale a persisté à travers les rues détruites. Les paysans ont bientôt quitté les campements improvisés pour regagner les champs, les ouvriers retournent vers leurs ateliers à moitié détruits; aux étrangers charitables qui accourent à Saint-Cannat et à Rognes le lendemain de la catastrophe, les habitants demandent avec plus d'insistance que du pain, des outils pour continuer leurs travaux interrompus ».

Le 15 juin 1909, la mission oHcielle d’évaluation des dégâts aux habitations et aux édi"ces publics les évalue à 15 millions et demi de francs or de 1909. Dès leur publication ces chi%res ont suscité de nombreuses protestations, car il semble que les dommages aient été exagérés dans les communes les moins touchées et minimisés par globalisation dans les communes les plus détruites. En réalité l’évaluation des dégâts, estimés en fonction du coût des travaux de reconstruction, serait plus proche de 30 à 45 millions de francs or. La re c ons t r u c t i on va être e%ectuée en grande partie par des soldats-maçons et par des ouvriers étrangers. L’état a aidé les sinistrés par des prêts du Crédit Foncier à 3,85 % sur 45 ans, partiellement pris en charge par l’état. On enregistra aussi de nombreux dons, aussi bien d’hommes politiques que de donneurs anonymes, et au fur et à mesure des travaux de reconstruction, la vente des baraquements provisoires vint compléter l’aide aux sinistrés.

Les causes du séisme

La Méditerranée est située sur une ligne de fracture de l’écorce terrestre, qui sépare la

plaque africaine au sud et la plaque eurasiatique au nord. La sismicité et le volcanisme sont dus à des mouvements tectoniques actuels, c’est-à-dire mouvements dus au déplacement des plaques. Le sud-est de la France est traversé par plusieurs failles actives principales, d’orientation nord-sud et par un réseau de nombreuses failles secondaires.

Le Val de Durance est une des régions de France les plus exposées à l’aléa sismique ; il a été particulièrement étudié depuis la mise en place du projet ITER à Cadarache. Dans le couloir sismique de la moyenne Durance, les épicentres des anciens séismes sont régulièrement alignés : séismes de Manosque en 1509, 1708 ; séismes de Beaumont et de Volx en 1812, 1835, 1852, 1858, 1897, 1913, 1938, etc., et ce ne sont que les plus importants.

Pourquoi tous ces séismes dans la France

du Sud- Est ?

Les responsables immédiats sont la faille de la moyenne Durance et la faille de la Trévaresse. La région du Sud-Est de la France

subit, en raison du mouvement des plaques c o n t i n e n t a l e s , une déformation avec un raccourcissement Nord-Sud et une élongation Est-Ouest. La faille de la moyenne Durance est une faille active, elle est visible à la clue de Mirabeau. Au quaternaire, la rive sud de la Durance

s’est surélevée par rapport à sa rive nord, ce qui a entraîné un changement de cours du =euve. Autrefois, la Durance se jetait directement dans la mer en passant par le seuil de Lamanon. Ce seuil s’étant exhaussé, la Durance a changé de cours, elle est devenue un a*uent du Rhône.

Le changement de cours de la Durance peut être attribué à l’activité de la faille de la

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Trévaresse, peu étudiée jusqu’à cette catastrophe. La faille de la moyenne Durance, quant à elle, s’est manifestée de manière récurrente depuis des millénaires de façon violente, elle est assez bien connue.

Si le tremblement de terre de 1509 n’a pratiquement pas laissé de traces écrites, au point que certains contestent son existence, les séismes de 1708 et 1710 dans la région de Manosque sont bien documentés. Il en existe au moins 11 récits.

Le bilan

Après la catastrophe, le vieux village de Vernègues a été abandonné. Il a été

reconstruit plus bas, avec une partie des matériaux des anciennes maisons. Seul le temple romain a vu passer le séisme sans dommage.

À Salon, le quartier sous le château, qui a énormément sou%ert, a été peu à peu démoli. On y a aménagé une grande place, et aujourd’hui des immeubles modernes s’y élèvent.

À Venelles comme à Vernègues, le quartier haut a été abandonné. À Saint-Cannat, l’église détruite pendant le séisme, a été reconstruite à l’identique.

À Lambesc, les deux quartiers les plus éprouvés ont été rasés et remplacés par des places publiques.

À Rognes, le quartier haut du village, le quartier Saint-Marti, a été à peu près abandonné. Dès le lendemain du séisme, on a commencé à construire un nouveau quartier à l’est du village, sur les anciens potagers.

Dans tous les villages, on peut voir de nombreuses traces de consolidations sur les bâtiments : clés, ancres et tirants en façades.

En 1997, le bureau de recherches géologiques minières a évalué les dégâts que pourrait causer un nouveau séisme de même ampleur dans cette région. Si le séisme avait eu lieu en 1982, en tenant compte du développement de l’urbanisation et de l’augmentation de la population, il y aurait pu y avoir entre 400 à 970 morts, de 1 850 à 5 650 blessés, 450 bâtiments détruits, 21 850 endommagés sur 25 420 bâtiments.

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En conclusion, nous pouvons estimer que la Provence est sans doute une zone de

sismicité moyenne, très variable suivant les lieux. L’histoire des tremblements de terre régionaux indique déjà les secteurs les plus sensibles. Aujourd’hui, chaque commune possède un diagnostic de sismicité, et quand le risque apparaît comme non négligeable, les bâtiments sont soumis à des règles de construction anti-sismiques. Mais évidemment, le risque zéro n’existe pas !!! ………….

Bibliographie

N. - Bulletin de la Société de géographie et d’études coloniales de Marseille, tome 33, 1909, pp 181 et suite « Compte rendu de l’exploration sur le terrain » faite dans les jours qui ont suivi le séisme.

SPIESS N- Note sur le tremblement de terre de Provence du 11 juin 1909, par M. le commandant Spiess, membre de la Société Géologique de France).

LAMBERT J. - Travaux de Jérôme Lambert, ingénieur au BRGM.

Lambesc.

N. - Le petit Journal, dimanche 27 juin 1909.

N., 1994 - Rapports de l’OHce parlementaire d’évaluation des choix scienti"ques et technologiques, Paris, 1er juin 1994.

REPELIN J. et LAURENT L.- Le tremblement de terre de Provence, 11 juin 1909.

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