Être bienveillant avec soi-même

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Êtrebienveillantavecsoi-mêmeVous êtes souvent envahi par des souvenirs douloureux, despensées négatives, des émotions désagréables. Votre réflexeconsistealorsàluttercontrelemalaise:vousessayezdeneplusypenser, vous tentez d’évacuer le problème… Et si vous décidiezplutôtdequitterlechampdebatailleintérieur?

Celivrenousencourageàaccepternosviestellesqu’ellessont,aveccequ’ellescomportent de peines et de frustrations, pour les vivre vraiment, dans toute laplénitude de l’instant présent. L’acceptation est l’antidote à une vie desouffrancesinutiles.Facileàdire,maiscommentlâcherprise?Commentportersurnous-mêmesunregardbienveillant?Voici un programme en 5 étapes pour dépasser nos émotions douloureuses etnousréaliserenfin.Ils’agirad’identifierlesvaleursquinoustiennentàcœur,etles buts essentiels que nous désirons profondément atteindre. Nous pourronsalorsvivrelaviequinousressemble,etfairefidesobstaclessurlechemin.

Stevetl C. Hayes est professeur de psychologie à l’Université duNevada. Il a présidé The American Association of Applied andPréventivePsychology.trèsactifdanslechampdelarechercheenthérapie comportementale, il est internationalement reconnu poursestravauxsurl’ACT(AcceptanceandCommitmentTherapy).

SpencerSmithestécrivainetéditeur.

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StevenC.HayesetSpencerSmith

PensermoinspourêtreheureuxIcietmaintenant,acceptersonpassé,sespeursetsatristesse

Traduitdel’anglaisparEmmanuelPlisson

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GroupeEyrolles61,bdSaint-Germain75240ParisCedex05

www.editions-eyrolles.com

Traduitde:GetOutofYourMindandIntoYourLifeCopyright© 2005 by Steven C. Hayes, PhD, and Spencer Smith, a New Harbinger Publications, 5674ShattuckAvenue,Oakland,CA94609,USA

Aveclacollaborationd’AliceBreuil

En application de la loi du 11mars 1957, il est interdit de reproduire intégralement ou partiellement leprésent ouvrage, sur quelque support que ce soit, sans autorisation de l’éditeur ou du Centre françaisd’exploitationdudroitdecopie,20,ruedesGrands-Augustins,75006Paris.

©GroupeEyrolles,2013ISBN:978-2-212-55530-1

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Danslacollection«Comprendreetagir»:JulietteAllais,DécryptersesrêvesJulietteAllais,LaPsychogénéalogieJulietteAllais,AucœurdessecretsdefamilleJulietteAllais,DidierGoutman,TrouversaplaceautravailDrMartinM.Antony,DrRichardP.Swinson,Timide?NelaissezpluslapeurdesautresvousgâcherlavieLisbethvonBenedek,LaCrisedumilieudevieLisbethvonBenedek,FrèresetsœurspourlavieValérieBergère,Moi?Susceptible?Jamais!MarcelBernier,Marie-HélèneSimard,LaRuptureamoureuseGérardBonnet,LatyrannieduparaîtreJean-CharlesBouchoux,LesPerversnarcissiquesSophieCadalen,InventersoncoupleChristopheCarré,LaManipulationauquotidienMarie-JosephChalvin,L’EstimedesoiCécileChavel,LesSecretsdelajoieClaire-LucieCziffra,LesRelationsperversesMichèleDeclerck,LeMalademalgréluiAnnDemarais,ValérieWhite,C’estlapremièreimpressionquicompteSandrineDury,Fillesdenosmères,mèresdenosfilles…Jean-MichelFourcade,LesPersonnalitéslimitesLaurieHawkes,LaPeurdel’AutreJacquesHillion,IfanElix,Passeràl’actionLorneLadner,LebonheurpasseparlesautresMaryC.LamiaetMarilynJ.Krieger,LeSyndromedusauveurLubomirLamy,L’amournedoitrienauhasardLubomirLamy,Pourquoileshommesnecomprennentrienauxfemmes…VirginieMegglé,CouperlecordonVirginieMegglé,Faceàl’anorexieVirginieMegglé,EntremèreetfilsBénédicteNadaud,KarineZagaroli,SurmontersescomplexesRonetPatPotter-Efron,Queditvotrecolère?Patrick-AngeRaoult,GuérirdesesblessuresadolescentesDanielRavon,ApprivoisersesémotionsAlainSamson,LachancetuprovoquerasAlainSamson,Développersarésilience

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Danslacollection«Lescheminsdel’inconscient»,dirigéeparSaverioTomasella:

VéroniqueBerger,LesDépendancesaffectivesChristineHardy,LaurenceSchifrine,SaverioTomasella,HabitersoncorpsMartineMingant,Vivrepleinementl’instantGillesPho,SaverioTomasella,VivreenrelationCatherinePodguszer,SaverioTomasella,Personnen’estparfait!SaverioTomasella,Osers’aimerSaverioTomasella,LeSentimentd’abandonSaverioTomasella,LesAmoursimpossiblesSaverioTomasella,Hypersensibles

Danslacollection«Communicationconsciente»,dirigéeparChristopheCarré:

ChristopheCarré,ObtenirsanspunirChristopheCarré,L’Auto-manipulationChristopheCarré,Manueldemanipulationàl’usagedesgentilsFlorentFusier,L’ArtdemaîtrisersavieEmmanuelPortanéry,NathalieDedebant,Jean-LouisMuller,CatherineTournier,Transformezvotrecolèreenénergiepositive!PierreRaynaud,Arrêterdesefairedesfilms

Danslacollection«Histoiresdedivan»:LaurieHawkes,Unedanseborderline

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Tabledesmatières

IntroductionL’ACT:unedéfinitionLessablesmouvantsdelasouffranceL’omniprésencedelasouffranceMindfulness,acceptationetvaleursL’engagementetlesvaleursdirectrices

Chapitre1–DelasouffranceLasouffranceestuniverselleLeproblèmedeladouleurRepenserleproblèmedeladouleurL’alternative:unevievaleureuse

Chapitre2–DulangageàlasouffranceDelanaturedulangagePourquoilelangagecréelasouffranceVosréactionsjusqu’àaujourd’huiUnproblèmesansfinDel’évitementd’expérienceLetraindel’esprit

Chapitre3–Latentationdel’évitementPourquoinousfaisonscequinepeutpasmarcherAccepterl’inutilitédel’évitementd’expériencePrendresa«responsabilité»Allerplusloin

Chapitre4–LâcherpriseCequetuneveuxpas,tul’aurasAcceptationetbienveillanceBienveillanceetdétresseLabienveillanceenquestion

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Chapitre5–LeproblèmedespenséesLaproductiondepenséesPourquoilapenséea-t-elleuntelimpact?Regardersespenséesplutôtqu’àtraversellesLetraindel’esprit

Chapitre6–Ladifférenceentre«penser»et«croiresespensées»

Ladéfusioncognitive:séparerlespenséesdeleursréférentsCréersesproprestechniquesdedéfusion

Chapitre7–Sijenesuispasmespensées,alorsquisuis-je?Prendreconsciencedesesauto-conceptualisationsLestroisformesdumoiÊtrelemoiobservateurPremierspas

Chapitre8–LamindfulnessUnepratiquequotidienneLapratiqueLamindfulnessencontexte

Chapitre9–Labienveillance:cequ’elleestetcequ’ellen’estpas

Quedevez-vousaccepter?Lebutdelabienveillance

Chapitre10–Labienveillance:apprendreàsauterL’échelledelabienveillanceLemomentdesauterUtilisersesacquis,enapprendred’autresAprèslegrandsaut

Chapitre11–LesvaleursLesvaleurs:desdirectionsdevieLesvaleurs:cequ’ellessontetcequ’ellesnesontpas

Chapitre12–ChoisirsesvaleursLesmaîtresquel’onsertPourallerplusloin:dixdomainesdevaleurClasserettestersesvaleurs

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L’actionengagée

Chapitre13–S’engagerDel’audace!LacarteetlevoyageConstruiredesschémasd’actionAprèstout,votrevievousappartient…

Conclusion:Lechoixdevivrepleinement

Appendice:Lesvaleursdel’ACTThéorieetprincipesRésultatsLathérapieACTSeformeràl’ACTUtilisercelivrecommeuneaideàuneinterventionpsychologiqueprofessionnelle

RéférencesbibliographiquesLesauteurs

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Introduction

Nous, êtres humains, nous souffrons. Nous connaissons la douleur, mais plusencore la souffrance. Nous luttons souvent contre nos émotions désagréables,nospenséesnégatives,nos sensationsetnosbesoins irrépressibles.Cesaffectsinquiétants nous culpabilisent, nous envahissent. Nous les anticipons et lescraignonstoutàlafois.

En même temps, l’homme fait preuve d’un courage inouï, d’une compassionprofondeetde remarquablescapacités àdépasser leshistoirespersonnelles lesplus tragiques.Bienquevulnérable, il s’ouvreà l’amourdesautres ;bienqueconscientdesamortalité,ilseprojettedansl’avenir,incarnedesidéaux.Parfois,l’êtrehumainsaitêtreintensémentvivant,présent,engagé.

Onpeutapprendreàsortirdelasouffrancepourentrerdansl’engagement.Cetouvrage se propose de vous montrer comment, plutôt que de lutterintérieurement pour changer votre vie, vous pouvez vivre vraiment etpleinement:avecvotrepasséetnonmalgrélui;avecvossouvenirs,vospeursetvospeines.

L’ACT:unedéfinitionCetouvrages’appuiesurlesprincipesdel’ACT,lathérapiedel’ACceptationetde l’engagemenT (à prononcer comme lemot « acte »). Il s’agit d’un courantpsychothérapeutiquerécent,fondésurdesprincipesscientifiques,quiappartientàlatroisièmevaguedesthérapiescomportementalesetcognitives.Cettethérapiereposesurlathéoriedescadresrelationnels(TCR),unerecherchefondamentalesurlefonctionnementdel’esprithumain.D’aprèslaTCR,laplupartdecequenousprenonspourdessolutionsànosproblèmesmèneenréalitéàuneimpasse,d’où notre souffrance. Pour le dire simplement : chez l’être humain, ceformidableoutilqu’estlementalseretournecontresonhôte.

Peut-être l’avezvous remarqué : lorsqu’on tentede leur apporterdes solutions,lesproblèmesgravessemblentsecompliquerdavantageencore.Ilnes’agitpasd’une impression : nous demandons à notre cerveau logique d’accomplir unetâche pour laquelle il n’a pas été conçu. Voilà (entre autres) d’où provient la

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souffrance.

Cetteaffirmationpeutvoussemblerétrange,enparticuliersivousavezchoisicelivrepourensavoirplussurcertainsproblèmespsychologiques.Engénéral,onse tourne vers les ouvrages de développement personnel pour résoudre desquestions particulières : dépression, anxiété, dépendance, traumatisme, stress,douleur chronique, etc. On cherche un moyen de se débarrasser de sesproblèmes.Poursupprimersonstress,onveutfairedisparaîtrelespenséesetlessensations stressantes ; pour arrêter de fumer, on veut éliminer les envies decigarette;pourvaincrelestroublesdel’anxiété,onfaitappelàlarelaxationafinde réduire les pensées anxiogènes, et ainsi de suite. Dans cet ouvrage, vousverrezquelaplupartdecesméthodescenséesnousmener«logiquement»àunemeilleurequalitédeviesontàlafoisinutilesetrisquées.

Ainsi, l’ACT remet en question certaines approches psychologiquesprofondémentenracinées.Denombreusesétudesetexpériences(voirappendice)ont démontré l’efficacité de nosméthodes.Cela ne veut pas dire que celles-cisoient très faciles à comprendre. Voici quelques exemples des conceptsinhabituelsquenousvousproposons:

Ladouleurpsychologiqueestnormale,importante,etnousconcernetous.Onnepeut sedébarrasserde ladouleur,mais seulement apprendrepeu àpeuànepasl’amplifierartificiellement.Douleuretsouffrancesontdeuxétatsdifférents.Iln’estpasnécessairedes’identifieràsadouleur.Acceptersadouleurestuneétapepoursedébarrasserdelasouffrance.N’importequipeutàn’importequelmomentopterpouruneviepleineetentière,fondéesurdesvaleursessentielles;ils’agitseulementd’apprendreà«pensermoinspourêtreheureux».

En réalité, l’ACT exige une transformation radicale des perspectives, unchangement dans le rapport à l’expérience individuelle.Nous ne pouvons pasvous promettre que cela bouleversera du jour au lendemain votre dépression,votrecolère,votreanxiétéouvotremanquedeconfianceenvous.Enrevanche,vousverreztrèsvitecommentreconsidérercesbarrièresquivousempêchentdevivre – et ce changement-là peut être très rapide. L’ACT propose de fait unenouvelleapprochedesproblèmespsychologiquesquipeutmodifier leurnaturemêmeetleurimpactsurvotrevie.

Celui qui souffre psychologiquement est comme un soldat au milieu d’une

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bataille:ilsebatdetoutessesforces,carilcroitquesavieendépend.Maisilsetrompe:ilpeutabandonnerleshostilitésàtoutmomentpourcommenceràvivreréellement, dans le moment présent. Le combat se poursuivra, peut-êtreinchangé,maislaquestiondesonissue,delavictoire,perddesonimportance.

Ilexisteunedifférenceentre l’apparencedesproblèmespsychologiqueset leurnaturevéritable.Quevoussoyezsoldatouobservateur,l’aspectdelaguerrenechangepas;enrevanche,sonimpactsurvous(sanature)diffèreprofondément.Sivousn’avezplusàlutterpourvotrevie,vouspouvezenfinlavivre.

Ironiquement,si lanatureduproblèmechange,l’apparencepeutchangeràsontour. Quand les combattants abandonnent le champ de bataille, la guerre peutprendrefind’elle-même.

L’ACTtraitelasubstance,pasl’apparence.Mêmesiellenelesmodifiepas(cequi reste possible), une approche radicalement différente de vos pensées etsentiments négatifs peut changer de façon fondamentale leur impact sur votrevie.

Encesens,celivren’estpasréellementunouvragededéveloppementpersonnelclassique.Nousnevousproposonspasdenouvellethéoriepourgagnerlaguerrecontrevotredouleur:nousvoulonsvousmontrercommentquitterlabataillequifaitragedansvotreespritetentrerdèsmaintenantdanslaviequevousdésirezvraiment.

LessablesmouvantsdelasouffranceL’idée d’abandonner le champ de bataille plutôt que de chercher à gagner laguerrepeutsemblerétrange,illogiqueetdifficileàmettreenœuvre.Pourautant,elle n’est pas extravagante : il existe des situations similaires, rares maisconnues.

Vous vous trouvez face à une personne prise dans des sables mouvants, sanscordeà lui lancernibrancheà lui tendre.Elleappelleausecourset s’agiteentous sens pour s’extirper de cemauvais pas. Sa conduite est très répandue etlogique : lorsqu’on veut sortir d’unmilieu hostile, qu’il s’agisse de ronces oud’une flaque de boue, dans 99,9%des cas, la conduite à tenir est de remuer,bondiretcourirpours’enéloignerleplusvitepossible.Maiscelanemarchepasavec les sables mouvants. Pour marcher ou courir, il faut lever un pied et ledéplacerenavant,cequi,enl’occurrence,s’avèreunetrèsmauvaise idée!Eneffet,lepoidsducorpsesttransféréverslebas–sanscompterquelasucciondes

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sablesmouvantsautourdupieddéplacéprovoqueunepressionsupplémentairesurl’autrepied.Ainsi,lapersonnepriseaupièges’enfonceunpeuplusdanslessablesmouvants…

Témoindecetenlisement,commentpouvez-vousaidercettepersonne?Sivousconnaissez le fonctionnement des sables mouvants, vous lui conseillerezd’arrêter de se débattre et de s’allonger sur le ventre,membres étendus, pouraugmenteraumaximumlecontactducorpsaveclesol.Danscetteposition,nonseulementlapersonnecesserades’enfoncer,maiselleparviendrasansdouteàsetirerd’affaireenroulantsurelle-même.Seulementvoilà:pourceluiquiestprisdans les sablesmouvants, cequevous suggérez revient ày«plonger»–uneperspectiveaprioripeuséduisante…

Bien souvent, nos vies ressemblent à cette situation, sauf que nos sablesmouvants psychologiques s’étendent à l’infini. Par exemple, le souvenir d’untraumatismepeut-ils’arrêter,disparaître?Delamêmefaçon,oùseterminentleszonesd’insécuritéengendréesdèsnotreenfanceparlescritiquesdenosparentsoudenospairs?

Pourlaplupartd’entrenous,lesangoisseslesplusprofondesnesontpasliéesàdesévénementsrécents.Aucontraire,ellessetapissentdansl’ombredepuisdesannées,voiredesdécennies.Sibienquelessolutions«habituelles»nesontpasefficacesdanscescas.Siellesl’étaient,pourquoin’auraient-ellespasfonctionnédepuis tout ce temps ? En réalité, la rémanence des conflits psychologiquessuggère que les méthodes que nous employons pour les résoudre participentpeut-êtreelles-mêmesduproblème–de lamêmefaçonqueceluiqui sedébatdanslessablesmouvantsnepeutquesombrerdavantage.

Vousnevousêtespasprocurécelivresansraison.Ilestfortprobablequevousvous trouviez en cemoment dans des sablesmouvants psychologiques et quevous cherchiez de l’aide pour vous en sortir. Vous avez sans doute essayédifférentes solutions sans succès. Vous avez lutté, et vous vous êtes enfoncédavantagedanslasouffrance…

Or, sur le chemin que nous vous proposons, la douleur deviendra à la fois unalliéetunguide.Vousavezunavantagesurceuxquin’ontpassouffert :voussavezquelessolutions«debonsens»nemarchentpas.Dèslors,vouspouvezvous ouvrir aux réponses contre-intuitives que propose la psychologiescientifique moderne. En prenant conscience du fonctionnement de l’esprithumain(etduvôtreenparticulier),vousvoussentirezpeut-êtredavantageenclinàsuivrelecheminlemoinsfréquenté.Aprèstout,n’avezvouspassuffisamment

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souffert?

Nousnevousproposonspasdevoussortirdevossablesmouvantsémotionnels,maisbiend’apprendreàyvivre.

L’omniprésencedelasouffranceContrairementàbiendespsychologues,nousnecroyonspasquel’êtrehumain« normal » est heureux, et que seuls des facteurs historiques ou biologiquesviennent perturber ce bonheur. Au contraire, nous partons du principe que lasouffrance est normale, et que la paix de l’esprit est extrêmement rare etinhabituelle. Prenons l’exemple du suicide : les données scientifiques nousindiquent que, durant sa vie, chaque individu possède 50% de chances de setrouverconfrontéàdespenséessuicidairesmodéréesàsévèrespendantaumoinsdeuxsemaines(ChilesetStroshal,2004).Prèsde100%d’entrenousenvisagentaumoinsunefoisdemettrefinà leurs jours.Si lesenfantsd’âgepréverbalnecommettent pas de tentatives de suicide, ce n’est pas le cas d’enfants à peineplus âgés.En revanche, quasiment rien n’indique que les animaux puissent setuerdélibérément.

Quels que soient le domaine et les problèmes considérés, on dirait bien qu’ils’agitd’unphénomènerécurrent:lesêtreshumains–ycomprisceuxdontlaviesemble être un succès – connaissent la souffrance et le conflit intérieur.D’ailleurs,parmivosconnaissances,combienya-t-ildegensquinerencontrentpas de sérieux problèmes psychologiques, sociaux, relationnels, sexuels,professionnels,d’anxiété,decolère,deself-control,decraintedelamort,etc.?Noussommesprêtsàparierquevotrelisteesttrèscourte,voirevide.

Les Occidentaux dépensent des fortunes pour apaiser leurs souffrancespsychologiques : l’industrie des antidépresseurs génère des milliards d’euros,même si l’impactmoyen de cesmédicaments sur la dépression est seulement20%plus élevé que celui d’un placebo – une différence trop faible pour êtresignificative(Kirschetal.,2002).Defait,notreconsommationd’antidépresseursestsi importantequenoscoursd’eaus’en trouventpolluésetque lespoissonsque nous consommons en contiennent des traces. Or, aussi désastreux qu’ilssoient, ces effets ne constituent que la partie visible de l’iceberg. Lorsqu’onproposeunaccèsgratuitàdessoinspsychiatriques,seulementlamoitiédeceuxqui viennent chercher de l’aide relèvent d’un troublemental sérieux (Strosahl,1994).L’autremoitiéestconstituéedepersonnesquiconnaissentdesdifficultésdansleurtravail,dansleurmariageouavecleursenfants,quisouffrentdenepas

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trouverde sensà leurvie (l’«angoisseexistentielle»desphilosophes)ouquiéprouvent des sentiments omniprésents et inexpliqués d’appréhension etd’anxiété.

Autrementdit,sil’ontientcomptedesprincipauxproblèmescomportementauxhumains,ildevientévidentquel’«anormalité»résideraitplutôtdanslefaitdenepasconnaîtrededifficultéspsychologiquesmajeures!

Comment est-ce possible ?Nous pourrions le comprendre si nous ne parlionsquedepopulations sans ressources,dansdes sociétésdévastées.Qu’unepetitefille africaine traquéeparunemilice souffre, nouspouvons le comprendre ; siunemèreasiatiqueperdtousceuxqu’elleaimedansuntsunami,nouspouvonsimaginer son chagrin. Dans ces circonstances dramatiques, la souffrance –terrible–estconcevable,ellepeuts’expliquer. Iln’envapasdemêmepour laplupartdeslecteursdecetouvrage.Commentcomparernosconditionsdevieàcellesdepersonnesconfrontéesà laguerreouauxcatastrophesnaturelles?Etpourtant, le faitdevivredansdespaysriches,pasplusqueceluidebénéficierd’une bonne éducation et d’un niveau de vie correct, ne fait diminuer ni lasouffrance ni le nombre de problèmes sociaux ou personnels (par exemple lespenséessuicidaires).

Appliquezceprincipeàvotreproprevie:lesélémentsquevouscombattez,quevous voudriez changer, n’ont-ils pas tendance à perdurer malgré toutes vosréussites dans d’autres domaines ?Depuis le temps que vous luttez, avezvousjamais trouvé une solution satisfaisante ? Si c’était le cas, seriez-vous enpossessiondecetouvrage?

Enlisantcelivre,gardezcesquestionsàl’esprit:pourquoilasouffranceest-ellesi répandue chez les êtres humains ? Pourquoi votre souffrance est-elle sidifficileàcombattre?

À ces interrogations, nous pensons pouvoir fournir au moins une partie desréponsesdans les chapitres suivants.N’yvoyezpasd’arrogancedenotrepart.Nousnevousreprocheronspasd’êtreresponsabledevosproblèmesetnousnesous-entendronspasque« tout iraitbienmieuxsivous faisiezuneffort».Aucontraire,compassionetidentificationsontàl’originedecetouvrage,quiprendsasourcedansnospropres luttesetdanscellesdenospatients.Cesquestions,nous nous les sommes posées à nous-même, parfois dans un état de profonddésespoir. Toutefois, nous pensons que les recherches les plus récentes nouspermettent de fournir des réponses inattendues, qui peuvent vous aiderdirectement.

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Mindfulness,acceptationetvaleursL’ACTneconsistepasenunesériedephrasesclésoudeméthodescenséesvousmener vers une révélation personnelle. En revanche, tout en s’inspirant detechniques très anciennes, elle s’appuie sur un nouveau modèle de cognitionhumainepourvousapprendreà changerd’approche faceàvosproblèmeset àdirigervotrevie.Lestroismotsclésdecetouvragesont«mindfulness»(pleineconscience), « acceptation» et «valeurs» (desvaleursgrâce auxquellesvouspouvezdonnerunsensàvotrevie).

Lamindfulness

Lamindfulnessestunefaçond’observervotrepropreexpérience.ElleestutiliséeenOrientdepuisdessièclessouslaformed’exercicesdeméditation.Desétudesrécentes de psychologie clinique montrent que la pratique de la pleineconsciencepeutmeneràdesbénéficespsychologiquesnotables(Hayes,FolletteetLinehan,2004).Enréalité, lamindfulnessestà l’heureactuelleutiliséedansnombre de pratiques psychologiques occidentales pour en améliorer les effets(Teasdaleetal.,2002),etunegrandepartiedenotreapproches’yréfère,entantqueformedeméditationadaptéeànotremillénairecaractériséparlavitesseetlacommunication.

Lamindfulnessconsisteàvoirsespenséessousunanglenouveau.Lespensées,eneffet,sontcommedeslunettesautraversdesquellesnousregardonslemonde.Nousavonstoustendanceànousaccrocherànospropreslunettesetàleslaissernousdicternonseulement leur interprétationdenotreexpérience,maisparfoisaussi qui nous pensons être réellement. Vous trouverez dans cet ouvrage desméthodesconcrètespourévitercesécueils.

À mesure que vous vous libérerez des illusions du langage, vous prendrezdavantageconsciencedeces«lunettes»verbalesquiseprésententchaquejourànous.Vous les percevrez sans pour autant vous sentir défini par l’une d’elles.Vous apprendrez à vous détacher de vos lunettes cognitives favorites et à lesremplacer par une autre forme de conscience de soi. Grâce à des techniquesspécifiques,vouspourrezregardervotredouleuraulieuderegarderlemondeàtraverselle.Cefaisant,vousdécouvrirezque,pourvivrepleinement,iln’estpasnécessairedechercheràcontrôlersonmental.

L’acceptationL’ACTétablitunedistinctionclaireentreladouleuret lasouffrance.Lanature

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mêmedulangagefaitque,faceàunproblème,nousavonstendanceàchercherunesolutionlogique.Nouscherchonsànoussortirdessablesmouvants.Danslemonde extérieur, cette tactique est efficace dans 99,9 % des cas. C’est entrouvant desmoyens pour se débarrasser des événements indésirables, commelesprédateurs,lefroid,lesmaladies,lesinondations,quel’espècehumaineapusedévelopperetconquérirlaplanète.

Entoutelogique,nouscherchonsaussiàcomprendrenospropresproblèmes,àlesréparerpournousendébarrasser.Lavérité,malheureusement,estquenotrevie intérieurene fonctionnepas comme les événements extérieurs.Enpremierlieu,ladouleurpsychologiqueestlerésultatdenotrehistoire,ellefaitpartiedenotrevie.Ilnes’agitpasdel’évacuer,maisplutôtdeconclureunpacteavecellepourpouvoiravancer.

Chercheràéliminerladouleurnefaitquel’amplifier:onfinitparseprendreaupiège et elle devient un événement traumatique, au point qu’on en oublie devivre…L’alternativequeproposel’ACTestl’acceptation.Nousneparlonspasdenihilisme,d’unedéfaiteque l’ons’infligeàsoi-même ; ilnes’agitpasnonplus de s’habituer à sa douleur et de simplement la tolérer.L’acceptationdontparlecetouvrageestbiendifférente:loind’unévénementsombreettriste,c’estunélanvitaletactifquinouspousseàembrasserlemoment.

Pour la plupart des lecteurs, cette notion est encore floue. Aussi, nous voussuggéronsdevousfieràlasignificationquevotrementalluiattribue–maisdenepastenterpourl’instantd’enfairequoiquecesoit.L’acceptationestdifficileà décrire, nous apprendrons plus loin comment l’appliquer à votre expérienceprésente – en attendant, nous vous demandons patience et ouverture d’esprit,ainsiqu’unpeudescepticismesurcequevotrementalpensedevinerdecequenousallonsdire.

L’engagementetlesvaleursdirectricesEn ce moment, vivez-vous la vie que vous souhaitez ? Est-elle toujoursconsacréeàcequicomptelepluspourvous?Votreviesecaractérise-t-elleparlavitalitéetl’engagement,ouparlepoidsdevosproblèmes?

Quandonsetrouveauxprisesavecdesproblèmespsychologiques,iln’estpasrare demettre son existence« en attente ». Il nous semble en effet nécessaired’apaisernotredouleuravantdecontinuernotrevie.Maiss’ilétaitpossibledeconsacrer dès maintenant sa vie aux valeurs qui nous importent le plus ?Travailler avec cet ouvrage nécessite, sinon de croire à cette éventualité, du

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moinsdepouvoirl’envisager.

Définiretvivresesobjectifsauprésent,menerlaviequel’ondésireréellement,c’estpossible,maiscen’estpassimple.Lementalsechargeeneffetdesemerdespiègesetdesembûches.Vousapprendrezàleséviterdanslesdixpremierschapitres.Dansleschapitres11à13,noustraiteronsdesvaleurs,cesdirectionsessentielles que vous souhaitez donner à votre vie. Vous pourrez ainsiabandonner la vaine illusion d’un contrôle dumental au profit d’un véritableengagementvital–sortirdevotreespritpourentrerdansvotrevie.

Pourl’instant,nousnevousdemandonsnid’êtred’accordaveccesdéfinitions,nidecomprendre lesméthodesquenouscommençonsàpeineàdécrire.Noussouhaitonsseulementquevousnousaccompagniezdanscevoyageautourdelasouffrancepsychologique.Souvenez-vousqu’ilnevisepasàlavaincre–l’ACTn’estpasunepanacée–maisàchangerfondamentalementlafaçondontellesejoueenvous.

Les bénéfices de cetteméthode sont démontrés scientifiquement. Pour autant,n’hésitez pas à emporter avec vous votre scepticisme, vos doutes, voire votrecynisme. Cela ne peut pas faire de mal, à condition que vous acceptiezégalementde leurappliquer lesméthodesquevousallezapprendre.Munissez-vousaussidevosespoirsetdevotrecapacitéàcroire,aveclamêmeprudence.Vous êtes un tout, et toutes vos expériences, vos pensées, vos sentiments, vossensations et votre caractère sont les bienvenus dans ce voyage. Après tout,qu’avezvousàperdre?

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DelasouffranceChapitre

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Si vous avez ouvert ce livre, c’est sans doute pour une bonne raison : voussouffrez,etvousnesavezpascommentyremédier.Peut-êtreconnaissez-vousunépisodededépression chroniqueoude troubles anxieux, àmoinsquevousneluttiezcontreuneaddictionàl’alcoolouàladrogue;peut-êtrevivez-vouslafind’une relation, ou peut-être vous demandez-vous simplement si la vie vaut lapeined’êtrevécue.Peut-être faites-vouspartiedecesmillionsdegensquiontessayéplusieurs thérapies pour apprendre à vivre avec leur inquiétudeou leuragitation,etquisesententnéanmoins«dansune impasse» :nonpasengagésdansleurvie,maisàdistance,amoindris,étouffésoudépassés.

Si cet état dure depuis longtemps, vous ressassez sans doute des questionsfondamentales :pourquoiest-ceque jenem’ensorspas?Pourquoinevais-jepas mieux ? Pourquoi la vie est-elle si difficile ? Pourquoi ma thérapie nefonctionne-t-ellepas?Pourquoinepuisjeêtreunepersonnenormale?Pourquoisuis-je incapable d’être heureux ? Ces questions, apparemment sans réponses,vous pèsent, vous blessent. Enfermé dans votre douleur, vous luttez sans fincontreelle,etlaviesembledeplusenplusétriquéeautourdevous.

Et si, au lieu de chercher à gagner cette guerre mentale, vous parveniezsimplement à vous en retirer ? Les combats continueront sans vous. Vous nevivrezplusdansunchampdebataille,avecvotreavenirpsychologiquesuspenduàl’issuedescombats.

Cet ouvrage veut remettre en question la définition même de la douleurpsychologiqueetsonfonctionnement.Plusencore,ils’interrogesurlanaturedevotreconscience (deceluioucellequevouspensezêtre).Nosconceptsetnosméthodes peuvent vous surprendre, voire vous choquer, au point que vouspouvezêtretentédeleurpréférerles«solutions»quevousconnaissezdéjà.

Aussi, nous avons trois conditions à poser. La première, c’est que vous vousengagiez pleinement dans ce livre, aussi éprouvant que cela puisse paraître.Nous vous demandons seulement de persévérer et de tester lesméthodes quenousvousproposeronsavantd’évaluerleurimpactréelsurvotrevie.

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Ladeuxièmeconditionestquevoussoyezd’unehonnêtetétotale.Nousnevousdemandonspasdecroiretoutcequiestécritici;enrevanche,nousvoulonsquevousexaminiezobjectivementcequevousallezexpérimenter.Utilisezcelivrepourexplorercequiestvraipourvous.Laissezun instant de côté les attentesextérieures et ce que votre mental vous présente comme vrai : écoutez votreexpérience immédiate.Seulsvos ressentispermettrontdevérifier si l’approchequenousvousproposonsestbénéfiqueàlongterme.

Notre troisième demande concerne vos intentions : nous aimerions que vousattendiezdecelivreunvraichangementdansvotrevie.Attention:nousnevousdemandonspasdecroire,mais simplementde resterouvert à cettepossibilité.Notrequestionestsimple :si,entestantnosméthodes,vousavezl’impressionqu’ellespeuventaméliorervotrevie,accepterez-vousd’avancerdansladirectionquenousvousproposons?Oui?Alors,noussommesprêtsàcommencer.Si,entoute honnêteté, vous répondez non à cette question, il peut être intéressantd’examinerlesmotifsdecetterésistanceauchangementetdevousdemandersicelacorrespondàvotreintérêt.

LasouffranceestuniverselleParfois,nouscroisonsdesgensàquitoutsembleréussir.Ilsparaissentheureux,satisfaitsde leurvie.Nevousarrive-t-ilpas, lesmauvais jours,deregarder lespassantsquevouscroisezetdepenser:«Pourquoinepuis-jepasêtreheureuxcommetout lemonde?Lesautresnesouffrentpasd’anxiétéchronique(oudedépression,dedépendance,etc.),ilsn’ontpassanscessecommemoiunnuagenoirau-dessusdeleurtête…Pourquoinepuis-jepasêtrecommeeux?»

Vousvoulezsavoir lavérité?Vousvous trompez.Lesautressouffrentcommevous,etvousêtescommeeux.Noussouffronstous.Chacund’entrenous,s’ilvitassez longtemps, connaîtra l’immense chagrin de perdre un être cher. Chacund’entrenousconnaîtouconnaîtra ladouleurphysique,ainsique la tristesse, lahonte, l’anxiété, la peur, etc. Nous avons tous des souvenirs de situationsembarrassantes ou humiliantes ; nous avons tous des secrets cachés. Nousfaisonsdenotremieuxpourdonnerlechange,maisnon,«toutnevapasbien».C’est impossible.Apparteniraugenrehumainsignifieconnaîtreet éprouver ladouleur,sansdouteinfinimentplusquelesautrescréaturessurTerre.

Sivousdonnezuncoupdepiedàunchien–nousnevousencourageonspasàlefaire réellement –, il s’enfuira en gémissant. Si vous répétez régulièrement cegeste, le moindre signe de votre présence finira par provoquer chez lui un

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comportementdecrainteetd’évitement.C’estcequel’onappelle leprocessusdeconditionnement.Maistantquel’animalnevousvoitpas,tantqu’aucunsignen’annoncevotrearrivée,ilnemontrepasdevéritablessignesd’anxiété.Ilenvabienautrementpourlesêtreshumains.

Dèsl’âgedelaparole–àpartirdeseizemoisenviron–,lesenfantsapprennentquesiunobjetaunnom,lenomrenvoieàcetobjet(Lipkens,HayesetHayes,1993).D’unerelationentreunobjetAetunobjetB,ilsendéduisentlarelationinverseentreBetA.Encequiconcerne lesanimaux,voiciplusdevingt-cinqansque les chercheurs tentent sansvéritable succèsd’établir l’existenced’unetelle aptitude (Hayes, Barnes-Holmes et Roche, 2001). Il existe donc dans cedomaineunedifférenceimportanteentrelesêtreshumainsetlesanimaux.

Lacapacité langagièremet lesêtreshumainsdansunepositionparticulière.Lesimple fait de dire un mot évoque l’objet nommé. Essayez, par exemple, deprononceràhautevoixlemot«parapluie».Àquoiavez-vouspenséenlisantcemot ?Évidemment, ce terme est plutôt neutre.Mais imaginez ce qui se passequand lemot cité évoque directement ou indirectement un objet effrayant : ilpeutfairenaîtreennousdescraintes.C’estcommesi lechienbattudontnousparlionsplushautnecraignaitplusseulementlecoupdepied,maisaussil’idéedu coup de pied. Or il s’agit bien de la situation dans laquelle, à cause dulangage,setrouventtouslesêtreshumains.

Un exemple ?Prenezuneminute pour vous remémorer votre souvenir le plushonteux.Allez-y…Alors ?Qu’avez-vous ressenti ? Il se peut que, d’emblée,vous ayez éprouvéun sentimentdepeuroude résistance.Vous avezpeut-êtrepréférépasserl’exerciceetcontinueràlire.Enrevanche,sivousavezfaitcequenous demandions, vous avez très probablement ressenti une certaine forme dehonte en vous remémorant cette scène du passé. Pourtant, il n’y avait devantvousquedesmotssurunepageblanche.

Àcausedenotrepropensionàétablirdesrelationsentrelesobjets,nousavonslacapacité devoir n’importequel élément comme symboled’un autre.Dès lors,commentéviterladouleur?Lechiensaitlefaire,enrestanthorsdeportéedescoupsdepied.Maispuisquen’importequelélémentestsusceptibledel’évoquer,notredouleurmentalepeutapparaîtreentoutescirconstances!

Pire encore : non seulement nous sommes incapables d’éviter la douleur enévitant la situation (la tactique du chien), mais certaines situations agréablespeuventaussiprovoquerladouleur.Imaginons:vousvenezdeperdreunprocheetvousassistezauplusbeaucoucherdesoleilquevousayezjamaisvu.Àquoi

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pensez-vous ? Sans doute au fait que vous auriez voulu le partager avec ledisparu…Etvoilàvotrepeineravivéealorsmêmequevouscontemplezquelquechosedemagnifique.

Impossible pour les êtres humains d’éviter les références à la douleurpsychologique.Àcausedenotrefonctionnementverbal,ellespeuventsetrouveràpeuprèsn’importeoù:dansdesmotsécritssurdupapier,danslabeautéd’unpaysage,etc.Entoutelogique,leshommescherchentdoncdesmoyensd’éviterla douleur elle-même.Malheureusement, comme nous le verrons plus loin endétail, certaines de ces méthodes sont pathogènes. La « dissociation » oul’utilisation de stupéfiants peuvent par exemple réduire temporairement ladouleur,mais celle-ci finit toujourspar revenir, causant parfois encoreplusdedommages. On peut aussi chercher à vivre dans le déni, à se construire unecarapace ou à anesthésier ses ressentis, mais ces comportements causent bienplusdedouleursqu’ilsn’enfontdisparaître.Autantfairefaceàlaréalité:noussommestoussujetsàladouleuretsamenaceestomniprésente.

Maiscelanesignifiepasqu’ilfailleserésoudreàsouffrirtoutaulongdenotrevie.Lasouffrancen’estpas ladouleur.Sicelle-ciest intrinsèquement liéeà lacondition humaine, il existe pourtant des moyens de changer notre relation àelle,etdoncdemenerunebelle,voireunetrèsbellevie.

Étymologiquement, « souffrir » signifie déplacer, emporter un fardeau troplourd, injuste ou inadapté. Nous partirons de cette notion pour distinguersouffranceetdouleur.

Exercice1:Votreinventairedessouffrances

Pourcetexercicecommepourtousceuxquifigurentdanscetouvrage,nousvouslaissonsdeslignes en blanc pour y noter vos réponses. Toutefois, vous pouvez préférer, pour des raisonspratiques, de longueur ou de confidentialité, inscrire vos réponses sur une feuille à part, uncarnet,unordinateur,etc.Danscecas,àvousdereproduirel’exercicequenousvousproposons.Leplusimportantpournousestque,commevousvousyêtesengagé,vousfassiezréellementcesexercices.

Rédigez une liste de tous les problèmes psychologiques que vous connaissez en cemoment.Nousneparlonspasd’événementsextérieursoudesituationsindépendantesdevotrevolonté:nous travaillons ici sur vos réactions. Certaines de vos inquiétudes sont liées à des situationsprécises,d’autresnon.Parexemple,dans lacolonnedegauche,n’écrivezpas«monpatron»mais«sentimentsdefrustrationavecmonpatron»ou«sentimentd’êtretraitédehautparmonpatron».Cettecolonnepeutaccueillir lespensées, sentiments, souvenirs,besoins, sensationscorporelles,habitudesoutraitsdecaractèrequivousposentproblème, indépendammentouenlienavecdesévénementsextérieurs.Neréfléchissezpastrop.Écrivezsimplementcequivouscausedeladouleur.Soyezhonnêteetexhaustifdanscet«inventairedessouffrances».Unefois

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lalisteterminée,notezdanslacolonnededroitedepuiscombiendetempsdureceproblème.

Expériencesetproblèmesdouloureuxpourmoi

Depuiscombiendetemps?

Dansunsecondtemps,ils’agitd’organisercetteliste.Reprenezvosproblèmesetclassez-lesci-dessouspar ordredécroissant en fonctionde l’impact qu’ils ont sur votre vie.Cette liste vousserviradeguidetoutaulongdecelivre,etnousvousdemanderonssouventdevousyréférer.

Àdroitede la liste ci-dessus, tracezdes flèchespour indiquer les relationsentre lesdifférentsproblèmes. Supposons par exemple que vous ayez noté, entre autres, « tendance àl’autocritique»et«tendanceàladépression».Sivouspensezquecesdeuxélémentssontliés,qu’ilsontdesincidencesl’unsurl’autre(plusvousvousmontrezcritiqueenversvous-même,plusvotredépressionestforte,etréciproquement),tracezunedoubleflèche.

Ilsepeutquevotrelisteseretrouvecribléedeflèches.C’estparfait:iln’yapasdebonneoudemauvaise façon de faire cet exercice. Il est important de savoir si toutes vos souffrances sontreliéesousicertainesnesontreliéesàrien.

L’importancedechaquesouffranceestainsidéterminéeàlafoisparsonclassementdanslalisteetpar lenombred’élémentsauxquelselleestreliée. Ilsepeutdoncquevousayezmaintenantbesoin de reclasser votre « inventaire des souffrances » et peut-être de réorganiser certainsélémentsen lesregroupantouen lesdivisantenélémentspluspetits.Danscecas,écrivezci-dessousvotrelistefinale,enclassantvosproblèmesparordredécroissantenfonctiondel’impactqu’ilsontsurvotrevie.

1. 2. 3. 4. 5. 6.

Vousobtenezainsivotrelistedesouffrancespersonnelles.Pourvous,c’estlesujetdecelivre.

Leproblèmedeladouleur

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Pardéfinition,ladouleurfaitmal.Mais,psychologiquement,ladouleurvaplusloin.Biensouvent,ellevousempêchedevivrel’existencequevousdésirez.Parexemple,sivousêtessujetàdescrisesdepanique,vousfaitestoutpouréviterceressentiextrêmementdésagréable;mais,dèslors, lapaniquevousempêchedevivre. Plus question de sortir en société : la seule solution pour vous est defréquenter des amis avec qui vous vous sentez en sécurité. Du coup, vousdevenez dépendant de leurs disponibilités et vous entravez votre liberté autantquelaleur.Enorganisantvotreexistencedefaçonàcontournervotreproblème,vous vous engagez donc dans une vie de plus en plus étriquée, rigide etdéplaisante.

Ilestintéressantderemarqueràquelpointnotredouleurnousoccupeetsembleinterféreravecnosactivités.Pourvousenrendrecompte,essayezd’imaginerenquoivotreviechangeraitsivotredouleurdisparaissaitsoudain:unmatin,vousvousréveillezet,commeparmagie,ladépressionchroniquedontvoussouffrezdepuis des années (ou bien vos troubles anxieux, votre inquiétude, bref, votrelutte intérieure) a disparu ! Plus de nuages noirs dans le ciel, la douleur s’estévanouie.Alors,queferiez-vous?

Cen’estpasunequestionrhétorique:danslesfaits,queferiez-vous?Versquoiorienteriez-vousvotrevie?Bref,enquoivotrelutteactuellevousempêche-t-elledepoursuivrevosobjectifsetvosaspirations?C’estcequenousallonsexplorerdansl’exercicesuivant.

Exercice2:Ladouleuradisparu…etaprès?

Si………………n’étaitpasuntelproblèmepourmoi,je……………….

S’iln’yavaitpas……………………,jepourrais…………………….

Ils’agitderemplirlesblancsdanslesphrasesci-dessus.Voicicomment:choisissezunélémentdevotre«inventairedessouffrances»,n’importelequel,mêmes’ilestpréférabledecommencerpar un élément important et relié à plusieurs autres. Il s’agit donc d’un problème qui affectegravement votre existence. Notez-le dans la première partie des deux phrases précédentes ;avant de remplir la suite, prenez le temps de réfléchir à ce qui se passerait si la douleurdisparaissaitsoudain.Lebutdel’exercicen’estpasd’imaginercequevousaimeriezbienfaireunjoursivosproblèmesnevoushandicapaientpas.Ilnes’agitpasdesedire«Madépressionestterminée,pourfêterça,jevaisàDisneyland!»,maisbienderéfléchirdefaçonplusgénéraleàcequeseraitvotreviesivotre lutteavec ladouleurémotionnellen’étaitplusunproblèmepourvous. Si vous avez l’impression de ne pas pouvoir l’imaginer, ne vous inquiétez pas. Nousreprendronsetdévelopperonscegenred’exerciceàdenombreusesreprisesdanslasuitedecelivre.Écoutezseulementvotreinstinct:quelquepartaufonddevous,voussavezcequicomptevraimentàvosyeux.Concentrez-vouslà-dessus.

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Voiciquelquesexemples:Silacolèren’étaitpasuntelproblèmepourmoi,jepourraisentretenirdesrelationsplusapprofondiesaveclesgens.Silestressn’étaitpasuntelproblèmepourmoi, jepourraismeconsacrerdavantageàmacarrièreetjechercheraisenfinletravaildontj’aitoujoursrêvé.Si l’anxiété n’était pas un tel problème pour moi, je pourrais voyager et vivre pluspleinement.

Àvousmaintenant!Soyezhonnêteavecvous-même:pensezàcequevousvoulezvraiment,àcequicomptepourvous,àcequidonnedusensàvotrevie.Reprenezensuitel’exerciceavecuneouplusieursautressouffrancesquiaffectentd’autresdomainesdevotrevie.

Si………………n’étaitpasuntelproblèmepourmoi,je……………….

S’iln’yavaitpas……………………,jepourrais…………………….

RepenserleproblèmedeladouleurVous venez de découvrir que chacun de vos problèmes crée deux sources dedouleur.Certes,l’anxiété,ladépressionoul’inquiétudeengendrentunedouleurdirecte,maisplusencore,cettedouleurvousempêchedevivrelaviequevousvoulezmener.Sanselle,sanssonemprisesurvotrevie,vousseriezengagédansbiend’autresactivités.

Dans l’exercice ci-dessus, le problème indiqué dans la première partie de laphrase engendre une « douleur de présence », dont vous aimeriez vousdébarrasser.Mais tout ce que vousmanquez ou évitez de faire à cause d’elleentraîne aussi ce que nous nommerons une « douleur d’absence ». Dansl’exempleprécédent,celuiquisouffredephobiesocialepeutrêverdenouerdesrelationssincères,maislacrainted’accèsdepaniqueleretient.Ainsi,sonbesoinprofonddelienn’estpascomblé:c’estunedouleurd’absence.

Ladouleur s’ajoute à ladouleur, la souffrance à la souffrance.Non seulementvous devez affronter la douleur immédiate de vos pensées ou de votre corps,mais vous avez également à endurer que votre peur vous empêche de vivrecommevouslesouhaiteriez.

Dans la vie, plus on tâche d’éviter la douleur présente, plus elle grandit, enparticuliervia ladouleurd’absence.Cetteaffirmationpeutparaître illogiqueetpourtantnesentez-vouspasprofondémentàquelpointelleestvraie?Sivousavezdéjàrencontrécegenredetourments,celivrepeutvousmontrercommentensortir.Riennevousobligeàvivreemprisonnédansvotresouffrance.

L’alternative:unevievaleureuse

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Souvent,nousnousattachonsànotredouleuretcommençonsà jugernotrevienon plus en fonction de nos actes, mais de nos ressentis. Ainsi, nous«devenons»notredouleur.Vosréponsesàl’exerciceprécédentcontiennentengermeuneautrefaçondevivre,uneexistencedanslaquellevosactesnesontliésniàvotredouleurniàsonévitement,maisbienauxobjectifsetauxvaleursquevousvousdonnez,àlavieàlaquellevousaspirezvraiment.

Cetouvrageseproposemoinsd’apporterunesolutionàvosproblèmesquedevousdonnerunefaçondechangerladirectiondevotrevie,afinquecelle-cisoiten accord avec vos valeurs. Vous apprendrez à cesser d’amplifier inutilementvotredouleur.Alorsseulement,vosproblèmespeuvents’atténuer.Endevenantplusouverte,moinsrigide,votrevieprendradavantagedesens.

Une préparation est nécessaire. L’ACT, thérapie de l’ACceptation et del’engagemenT, vous aidera à améliorer votre vie et à éviter les pièges et lesimpassesmentales.Noussouhaitonsvousguiderpasàpasversunevieengagée,intenseetvaleureuse.

Êtes-vousprêt?Alorsallons-y!

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DulangageàlasouffranceChapitre

2

Qu’est-cequel’esprithumain?Enquoisommes-nousdifférentsdupetitoiseauquenousvoyonsvolerpar la fenêtre?Etpourquoi souffrons-nous tellement?Ces questions se posent depuis la naissance de l’humanité. Cet ouvrage sepropose de donner des réponses à même d’éclairer les mécanismes qui nousaniment.

DelanaturedulangageCommenousl’avonsditdansl’introduction, l’ACTsefondesur la théoriedescadresrelationnels.LeprincipedelaTCRestquelecomportementhumainesten grande partie gouverné par des réseaux de relations appelés « cadresrelationnels ». Ces relations forment le cœur du langage et de la cognitionhumaine, et nous permettent d’apprendre sans avoir recours à l’expériencedirecte. Par exemple, un chat ne touchera pas deux fois une plaque électriquebrûlante,mais il doit la toucher aumoins une fois pour apprendre qu’elle estdangereuse.Aucontraire,unenfantn’apasbesoindecetteexpériencepuisqu’onpeut lui faire comprendre verbalement le danger de la brûlure. En ce quiconcerne le monde extérieur, cette capacité est un formidable atout, mais dupoint de vue de notre vie intérieure, les règles verbales peuvent restreindreconsidérablementnosexistences.

Au contraire des autres espèces, l’homme pense de façon relationnelle. Sansentrer dans les détails (nous y reviendrons plus loin), cela signifie qu’entredifférents types d’objets, de sentiments, d’actions, etc., il est virtuellementcapable d’établir tous les liens logiques possibles (comme « identique à »,«semblableà»,«meilleurque»,«opposéà»,«causede»,etainsidesuite).Cette caractéristique est essentielle dans le fonctionnement de l’esprit humain,car il s’agit de l’atoutmajeur de notre évolution, qui nous a permis d’asseoirnotre rôle dominant dans la nature. La possibilité de penser en termes derelations nous permet d’analyser notre environnement de façon consciente, decréerdesoutils,de fairedu feu,d’imaginerdesœuvresd’art,de fabriquerdesordinateurs… et même de remplir notre feuille d’impôts. C’est aussi cette

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capacitéquicréenotresouffrance.

UneidéepasvraimentneuveLemot«symbole»vientde laracinegrecqueballein,quisignifie« lancer».Avec le préfixe syn (« ensemble »), le mot signifie littéralement « lancéensemble ». Ainsi, lorsque notre mental nous « lance » des mots, ils nousparaissentidentiquesauxobjetsqu’ilsdésignent.Autrementdit,penserrevientàrelier des événements de façon arbitraire. Notre mental fonctionne parsymboles : il créedes réseauxde relations (des«cadres relationnels»)qui sedéveloppenttoutaulongdenotrevie.

LescadresrelationnelsIl va de soi que la liste qui suit est loin d’être exhaustive puisqu’elle pourraitremplirinutilementdespagesentières:

cadresdecoordination(«identiqueà»,«semblableà»,etc.);cadrestemporelsetcausals(«avant»et«après»,«si/alors»,«causede»,«parentde»,etc.);cadres comparatifs et évaluatifs (groupe très vaste, où l’on retrouve«meilleurque»,«plusgrandque»,«plusrapideque»,«plusbeauque»,etc.);cadres déictiques (perspective de celui qui parle, comme « je/vous » ou«ici/là-bas»,etc.);cadresspatiaux(«proche»,«lointain»,etc.).

Ce«répertoire»,cetensemblederelationsapprises,peutêtreappliquéàtoutcequenousobservons.C’estprécisémentcequenousappelons«l’esprit»ou«lemental».

Exercice3:Reliezunechoseàuneautre

Il est très simple de tester le postulat selon lequel nous pouvons facilement développer desrelationsarbitrairesentredeséléments.Pourleprouver,faitesl’exercicesuivant.

Noteziciunnomcommun(unobjetouunanimalferal’affaire):

Puisundeuxième:

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Question:enquoilepremiernomest-ilsemblableausecond?

Çayest,vousaveztrouvéuneréponse?Alorscontinuons:enquoilepremiernomest-ilmeilleurquelesecond?

Trouvé?Maintenant,plusdifficile:enquoilepremierest-ilparentaveclesecond?Àvous.

Quellequ’aitétéladifficultédecettetroisièmeétape,vousyêtescertainementparvenu.Quelarelationétablieparaisseévidenteetjustifiée,outotalementfantaisiste,onfinittoujourspartrouveruneréponse!

Cet exercice démontre que l’esprit humain parvient àmettre en relation à peuprès n’importe quoi et de n’importe quelle façon. En termes scientifiques, ondirait que « la mise en relation est arbitrairement applicable ». Si cet aspectarbitrairenesautepastoujoursauxyeux,c’estquelementaljustifietoujourslesmisesenrelationqu’ileffectue.

Unjeud’enfants

Lesnourrissonssaventdéjàutilisercescapacitésrelationnellesdefaçontrèsnaturelle,aucontraire des animaux1. Imaginons par exemple que nous apprenions à un très jeuneenfant qu’un animal imaginaire possède un nom et un cri particulier. Nous montrons àl’enfant le dessin d’un « glok » et lui disons : « Ceci est un glok. Peux-tu répéter sonnom?»Une fois cemotacquis, nousmontrons lamême imageetannonçons : « Il faitmiaoumeuh.Àtoi.»

Danscet exemple,nous avons trois éléments àmettre en relation : l’image, lenom de l’animal représenté et le cri de cet animal imaginaire. Ces relationspeuvent être représentées par un triangle (figure 2.1). À ce moment del’expérience,nousn’avonsapprisquedeuxrelationsétabliesparl’enfant:l’uneentrel’imageetlenomdelacréature,l’autreentrel’imageetlecridecelle-ci.Tous lesêtresévolués–enfantscommechimpanzés–peuventapprendrecela.Mais les êtres humains diffèrent des autres animaux dans la suite del’expérience.Àpartird’unequinzainedemois(parfoisplustôt;lesscientifiquescherchentàdétermineravecexactitudeàquelmomentapparaîtcettecapacité),les êtres humains sont capables de déduire la relation inverse à partir de cellequ’ils connaissent. Lorsqu’on lui présente une série de créatures imaginaires,

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l’enfant,sansentraînementparticulier,parvientàreconnaîtreleglokparmielles.Nonseulement,donc,ilcomprendquel’imagerenvoieaumotglok,maisilenconclutquelemotglokrenvoieàl’image.

Figure2.1:Leglok,sonnometsoncri

Cette capacité nous paraît évidente, voire enfantine,mais les études tendent àmontrer qu’il s’agit bel et bien du principe de la pensée humaine – ainsi quecelui de la souffrance. La possibilité de créer la réciproque d’une relationfonctionne de la même façon entre l’image et le cri de la créature. Si vousdemandezà l’enfant :«Quellecréature faitmiaoumeuh? », ilvousmontreral’imageduglok.Ainsi,dedeuxrelationsquenousluiavonsenseignées,l’enfanten déduit deux autres (figure 2.2). De lui-même, il apprend à combiner cesrelations réciproques. Plus encore, alors qu’on ne lui a jamais montrédirectement le lien entre l’animal et le cri «miaoumeuh», l’enfant parvient àl’établir lui-même. Ainsi, à partir de deux relations que nous lui avonsenseignées,l’enfantparvientàétablirsixlienslogiques(figure2.3).

Figure2.2:Extensionduréseauderelations

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Figure2.3:Leglokfait«miaoumeuh»(leréseauderelationsestcomplet)

Plusencore,sil’undesélémentsestensuiteassociéàquelquechosed’effrayantoudeplaisant,touteslesautresrelationsduschémapeuventparaîtreeffrayantesou plaisantes. Si, par exemple, l’enfant se pique accidentellement avec uneépingleànourriceaumomentoùvousdites«miaoumeuh»,ilsepeutqueparlasuiteilsemetteàpleureràlamoindrementionduglok,ouquandilenvoitunereprésentation.Àl’inverse,si l’ondonneunbonbonàl’enfantlapremièrefoisqu’onluidit«miaoumeuh»,ils’attendraàrecevoirunerécompenseàchaquefoisqu’ilentendraceson.

Jusqu’ici,nousavonsexaminé lesrelationsd’identité.Engrandissant, lesêtreshumains apprennent de nombreux autres modèles de cadres relationnels :comparaison, causalité, etc. Ce type de pensées « automatiques » modifie enprofondeurnotreperceptiondumonde.

Touterelationapprisesuitletriangledelafigure2.3,maispourchaquerelationle réseau est spécifique. C’est une des raisons pour lesquelles même les plusbeauxcouchersdesoleilpeuventêtreperçusnégativementpardespersonnesensouffrance. Et si « joyeux » est le contraire de « triste », alors la joie peutrappeler aux êtres humains leur propre tristesse, car les deux termes sont liés.C’est sansdoute aussi la raisonpour laquelle la relaxationpeutprovoquerdesétatsdepanique(SchwartzetSchwartz,1995).

AvantagedenoscapacitésverbalesPourautantquenouslesachions,cettecapacitéàétablirdesrelationsneremontequ’à soixante-quinzemille ou centmille ans, et ses formes les plus élaboréessontencoreplusrécentes.Lelangageécritconstitueainsiunevéritabletransitiondanslacapacitéàrendrecompted’événements,etilnedatequedecinqmilleàdix mille ans. En tant qu’animaux, les hommes sont des créatures fragiles et

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lentes. Nous n’avons pas la force du gorille, les dents du tigre, la vitesse duléopardouleveninduserpent.Pourtant,aucoursdesdixmilledernièresannées,nousavonspris lecontrôlede laplanète.Parquelmiracle?Laréponserésidecertainementdanscesfameuxcadresrelationnels.L’exerciceci-dessousl’illustreparfaitement.

Exercice4:Tournevis,brosseàdentsetbriquet

Leproblèmeestsimple,maisobservezattentivementlamanièredontl’envisagevotreesprit.Imaginonsquevouscherchiezàretirerunevisd’uneplanche.Vousnedisposezpourcelaqued’unebrosseàdentsetd’unbriquet.Qu’allez-vous faire?Réfléchissezun instantetnotezvosréflexions,aussi fragmentairessoient-elles.Si riennevouspassepar la tête,passezà l’indicesuivant,etdécrivezlamanièredontréagitvotreesprit:

Indice1:Lemanchedelabrosseàdentsestenplastique.

Indice2:Leplastiquepeutfondre.

Indice3:Lorsqu’ilestfondu,leplastiqueestmalléable.

Indice4:Lorsqu’ilestmalléable,onpeutdonneruneformeauplastique.

Indice5:Leplastiquedurcitquandilrefroidit.

Àprésent,notezvosidéespourôterlavisenutilisantunebrosseàdentsetunbriquet:

CommentnosatoutspeuventcréerlasouffranceSi tout sepassebien,vousdevriezdoncàprésent être capabled’ôter lavis, àconditionqu’ellenesoitpastropserréeetqueleplastiquefondurésiste–carlasolutionestbiendefairefondrelemanchedelabrosseàdentsaveclebriquet,del’insérerdanslatêtedevistantquelematériauestmalléable,puisd’attendrequ’il durcisse pour s’en servir comme tournevis. Pour en arriver là, vos notes

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montrentcertainementque:vousavezdéfinilespropriétésdesobjetsenprésence;vousavezdécritdes relationscontingenteset temporelles («Si je faisça,alors…»);vousavezévaluéoucomparélesrésultatsattendus.

Aucoursdecetexercice,vousavezdémontrélaprincipaleraisonpourlaquelleles êtres humains, pour le meilleur ou pour le pire, sont devenus l’espècedominantesurTerre.Pour résoudren’importequelproblèmede façonverbale,lesélémentssuivantssontnécessaires:

lesfaitsetleurspropriétés,letempset/oulescirconstances,l’évaluation.

Avec ces trois types de relations verbales simples, nous pouvons envisager lefutur,évalueretcomparerlesissuesprobables.

Malheureusement, avec ces trois types de relations – et sans recourir auxinfinités d’autres relations dont nous disposons –, nous avons également lacapacitéd’engendrerunmalaisepsychologiqueconsidérable.Eneffet,lesimplefaitdedisposerde termespourdésigner les événements et leurs attributsnouspermetdemieuxnousensouveniretd’ypenser.Ainsi,lerécitd’untraumatismepeutentraînerdeslarmespoursonnarrateur,voiresonauditeur.

Capables d’imaginer des événements néfastes, nous pouvons craindrel’apparitionde ladouleuroude ladépressionalorsmêmeque toutvabien.Àcause de ces relations temporelles symboliques, la plupart d’entre nous onttendanceàvivrebeaucoupplusdanslesouveniroudansl’anticipationquedansl’instantprésent.

À travers les relationsdecomparaisonetd’évaluation,nousnousévaluonsparrapportàunidéaletnousnoustrouvonsinsuffisants,mêmesidanslaréalitétoutvapourlemieuxpournous.Nouspouvonsnousjugermoinsbonsquelesautresou (ce qui n’est pas forcément mieux) très supérieurs à eux. Nous pouvonsredouterlesjugementsnégatifsdesautres,mêmesinousn’enavonsjamaisfaitl’objet,etconcevoirainsiunecertainecraintedesrelationssociales.

Ces processus sont relativement primitifs. Récemment, on a pu lire dans lesjournaux l’histoire tragiqued’uneenfantde sixansmorteen se jetant sousuntrain ; elle avait dit vouloir « être avec sa mère », décédée peu avant. Les

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nourrissonsnesesuicidentpas,maisdèsquenoussommesenâged’imagineretd’anticiper l’avenir, nous disposons des outils pour penser que la mort seraitpréférableànotresituation.Siuneenfantdesixanspeutsejetersousuntrainpour« rejoindre» samère,unepersonneaussi complexequevousdisposedetouslesoutilscognitifsnécessairespourêtremalheureuse.

Nous en sommes persuadés : une grande partie de la souffrance humaineprovientdufaitqueleshommessontdescréaturesverbales.Hélas,lescapacitésquicréentnotremalheursontindispensablesànotrefonctionnement,etnousnepouvonslesmettredecôté.Parconséquent,lasouffranceestunepartinévitabledelaconditionhumaine,entoutcastantquenousnemaîtriseronspasmieuxlescapacitésquenousoffrelelangage.

PourquoilelangagecréelasouffranceEngénéral,lorsqu’unproblèmesurvient,nouscherchonsunmoyendenousendébarrasser.Silapoussièresurlesolnousgêne,noussortonsunaspirateur.Siletoitfuit,nousleréparons.L’approchehumainepeutêtrerésuméeencestermes:« Si quelque chose ne te convient pas, réfléchis au moyen de le changer, etagis.»C’est laraisonpour laquelle lesprocessus linguistiquesetcognitifsquenous venons de décrire sont utiles à notre interaction avec le monde. Maislorsqu’on les applique à nos souffrances intérieures, ils se révèlent souventinefficaces.

EffacersespenséesUnepenséevousgêne?Lastratégie«normale»serait…denepasypenser!De nombreuses études traitent de ce qui peut se passer dans ce cas. Ellesdémontrent que, si l’on peut parvenir brièvement à réduire par la volonté lafréquenced’unepensée, celle-ci a tendance à revenir ensuite en force, voire àdevenircentrale.Autrementdit,chercheràeffacersespenséesnefaitqu’empirerleschoses.

Exercice5:Le4×4jaunevif

À travers l’expérience qui suit, nous allons tenter de juger de l’efficacité de la suppression depensées.

Imaginezdistinctementun4×4jaunevif.Combiendefoisaucoursdecesderniersjoursavez-vouspenséàun4×4jaunevif?Inscrivezicivotreréponse:

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Fermezcelivreet,pendantcinqminutesmontreenmain,concentrez-vouslepluspossiblepournepaspenseruneseulefoisàun4×4jaunevif.Reprenezensuitecettepage.Aucoursdu tempsoùvousvousêtesefforcédechassercettepensée, combiende foisavez-vouspensé,neserait-cequedefaçonfugitive,àcefameux4×4 jaune?Inscrivezvotreréponse:

Fermezànouveaucelivre,reprenezvotremontreet,pendantcinqminutes,laissezveniràvotreesprittoutesvospensées.Notezàprésentcombiendefoisvousavezpenséau4×4jaunedanscesminutesoùvousavezlaisséveniràvousvospensées:

Normalement, lenombredefoisoùvousavezpenséau4×4aaugmenté.Peutêtreavez-vousréussi à tenir cette image à distance dans la première partie de l’exercice, mais en toutehypothèse,ellevousestvenueuncertainnombredefois.Ensuite,lorsquevousvousêtestrouvélibérédecettecontrainte,lenombredepenséesausujetdu4×4asansdouteexplosé.

Cen’estpasseulementparcequenousvousavonsfaitpenseràun4×4 jaunevif.Dansdesexpériencesdelaboratoire,sionparledu4×4auxparticipantssansleurenjoindred’effacerlespenséesrelatives,lenombred’occurrencesdecetobjetdanslespenséesn’augmentepas.

Lorsquevousessayezdenepaspenseràquelquechose,vouscréezverbalementlarèglesuivante:«NepensepasàX.»Or,larèglecontientX,ettenddoncàl’évoquer.Ainsi, lorsquenous tentonsd’effacernospensées,nousn’avonspasseulementàpenseràautrechose,maisaussiànousretenirdepenseràlaraisonquinouspousseàagirainsi.Sinousvérifionsmentalementlesrésultatsdenosefforts, nous repensons au fait que nous nous efforçons de ne pas penser àquelquechose–cequinousyfaitpenser.Ainsi,lapenséequinousinquiètetendàprendredeplusenplusd’importance.

Sivousavezdespenséesobsessionnellesoudes tendancesà la rumination,ceschémavous est sansdoute familier.Les recherchesontmontréque lagrandemajoritédespersonnes«normales»,toutcommelespersonnesobsessionnelles,ont de temps à autre des idées étranges et intrusives (Purdon etClark, 1993).Quelle est la différence ?Sans doute, en partie, que les personnes sévèrementobsessionnellesconsacrentdavantaged’effortsàchassercespensées(MarcksetWoods,2005).

À présent, reprenons l’exercice avec des pensées qui contribuent à votresouffrance.

Exercice6:Nepensezpasàvospensées

Engénéral,despenséesrécurrentesaccompagnent,voirecausent,lasouffrancepsychologique.

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Unepersonnedépriméepense souvent « Jene vaux rienet personnenem’aime»oumêmesimplement«Quandcettedépressionseterminera-t-elle?»Unepersonnesujetteàl’anxiétéseditpresquesanscessequelavigilancepermanenteestlaseulefaçonderesterenvie.

Àprésent, tentezd’isoleruneidéequicontribueparticulièrementàvotresouffranceactuelle,envous inspirantdesexemplesci-dessusoudevotre« inventairedessouffrances».Sipossible,exprimezvotrepenséesouslaformed’unephrasesimple.

Inscrivezicilapenséequicontribueàvotresouffrance:

Combien de fois/avec quelle fréquence (approximativement) avez-vous eu cette idée aucoursdelasemaineécoulée?

Commedansl’exerciceprécédent,fermezcelivreet,pendantcinqminutes,efforcez-vousdenepluspenseràcettephrase.Inscrivezlenombredefoisoùvousavezeucettepensée,mêmedefaçonfugitive,pendantcescinqminutes:

Àprésent,prenezànouveaucinqminutespourlaisserlibrecoursàvospensées.L’interdictionlevée,combiendefoisavez-vouseucettepensée?

Lorsque vous avez commencé à tenter de supprimer la pensée, qu’avez-vousressenti?Est-elledevenuemoins lourde,moinsprimordiale,moinschargéedesens,ouaucontraireplusprésente,plusimportanteetplusfréquente?Danscedernier cas, l’exercice a illustré un point important : il peut être inutile, voirecontre-productif,dechercheràsedébarrasserdespenséesquinousgênent.

Cequiestvraipourlespenséesl’estaussipourlesémotionsLemêmeprocessus est à l’œuvrepour les émotions.Si vous tentezdenepasressentiruneémotionnégative,commeladouleur,nonseulementvousrisquezde la percevoir de façon plus intense, mais des éléments jusqu’alors neutrespeuventdevenirirritants(CioffietHolloway,1993).Touslesparentslesavent:quandon s’efforce d’ignorer le bruit que font les enfants, on finit par ne pluspenserqu’àcela,etlamoindrepetitecontrariétépeutensuitenousfairesortirdenosgonds.

Les émotions sont liées aux pensées. Par exemple, vous êtes triste parce quevousvenezdeperdreunami;pourneplusypenser,vousécoutezvotremusiquepréférée.Cemorceauquevousaimieztantrisquedoncplustarddevousattrister

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parce qu’il vous fera penser au disparu. Ainsi, en cherchant à éviter votredouleur,vousl’amplifiez.

TendancescomportementalesetpiègesdelapenséeEnfin, les mêmes conclusions s’appliquent aux tendances comportementales,c’est-à-dire aux réactions physiques et psychologiques programmées qui nouspoussent à nous comporter d’une certaine façon devant un événement ou unepensée.

Des scientifiques ont mené une étude sur des personnes auxquelles il a étédemandédetenirunpendule(unsimplepoidsauboutd’uneficelle)au-dessusd’un point dessiné au sol et de le garder immobile, en l’empêchant toutparticulièrement de se balancer d’avant en arrière. Résultat ? Les pendules sedéplacentalorspresqueexclusivementd’avantenarrière,simplementparcequele fait de penser à ne pas les laisser bouger dans cette direction activeprécisément lesmuscles du dos et des bras qui leur impriment cemouvement(Wegner,AnsfieldetPilloff,1998).

Ce phénomène se produit principalement dans des situations de tension,lorsqu’on cherche par exemple à éviter quelque chose. Si vous êtes sujet auvertige,vousavezcertainementéprouvéplusd’unefois,envousapprochantduvide, une impression désagréable d’instabilité. Il ne s’agit pas que d’uneimpression:votrepeuractivebeletbienlesmusclesquivouspoussentàvousrapprocherduparapetenmêmetempsqueceuxquivousenéloignent,d’oùvotresentimentd’instabilité.

Vosréactionsjusqu’àaujourd’huiJusqu’àaujourd’hui,pourgéreroumettreuntermeàvosdouleurspersonnelles,ilestprobablequevousayezapprisdestechniquesfondéessurlelangage.Quelsprocédés avez-vousmis enœuvre pour supprimer, combattre ou contrôler vosaffects douloureux ? Pensez à tous les rituels auxquels vous vous livrez pourtenir la douleur à distance. Il peut s’agir d’un TOC (trouble obsessionnelcompulsif), par exemple se laver sans cesse les mains, ou du simple faitd’allumer automatiquement la télévision en rentrant du travail pour vousprotéger de l’irritation que vous ressentez alors. Vos modes d’action peuventincluredes comportementspurementpsychologiques, comme la rationalisationou la suppression de pensées. Peutêtre préférez-vous des activités plusphysiques,commel’exercice intenseou lefaitdefumercigarettesurcigarette,

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pour ne pas parler de violences auto-infligées et autres mutilations qui« apaisent » votre douleur. Chacun d’entre nous développe ses proprestechniques.L’exerciceci-dessouspermetdemieuxenprendreconscience.

Exercice7:Vosstratégiesdecoping

Dans lacolonnedegauchedu tableauci-dessous, commencezpar inscrireunepenséeouunsentimentdouloureux, tiréounondevotre« inventairedessouffrances»(exercice1).Dans ladeuxièmecolonne,notezunestratégiequevousavezdéjàutiliséepourgérercettedouleur.

Ensuite,évaluezde1(inefficace)à5(totalementefficace)cettestratégiedecoping2,selonseseffetsàcourtterme,puisàlongterme.Commentvotrecomportementa-t-ilréduitladouleursurlemoment,etcommenta-t-ilagiparlasuitesurlafréquenceetl’intensitédeladouleur?

Vousn’êtespascertaindedistinguervosstratégiesdecoping?Tenirunjournalpeutvousyaider.Recopiezletableauci-dessousetgardez-letoujoursàportéedemainpendantaumoinsunesemaine.Pourchaquesituationdouloureusequevous rencontrerez, notez vos premières réactions (pensées, sentiments,sensations ou souvenirs particuliers), puis la réponse que vous apportez (parexemplechercheràvousdistraire,àrationnaliser,àfuirlasituation,etc.).Peuàpeu, vous verrez se dessiner vos stratégies personnelles decoping.Profitez-enpourpréciserleurefficacitéàcourtetàlongterme.

Tableaudestratégiesdecoping

Idéeousentimentdouloureux Techniquedecoping

Efficacitéàcourtterme

Efficacitéàlongterme

Exemple«Jemedemandesilavievaut

d’êtrevécue»

ExempleRegarderun

matchdefootensirotant

unebière;fairede

monmieuxpourneplusypenser

Exemple4

(pendantlematchdefoot)

Exemple1

(cettepenséerevientensuite,plus

forte)

UnproblèmesansfinIlyauneautreraisonpourlaquelle,entantqu’êtredelangage,nousavonstantde mal à nous débarrasser des pensées ou des sentiments gênants : nosmécanismes de pensée nous les rappellent sans cesse. Imaginons que vous

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deviez prononcer un discours ; en vous lançant dans cette activité exigeante,vous vous dites : « Il vaudrait mieux que je neme sente pas anxieux, car jerisquerais de tout gâcher. » Or les pensées de l’échec peuvent provoquerl’anxiété(delamêmefaçonqu’unbébépeutcraindrelegloks’ilaétépiquéparune épingle au moment où quelqu’un disait « miaoumeuh »). Ainsi, laconséquencenégativeet l’événementsont reliésarbitrairement. Il secréealorsunevéritablespiralenégative.

L’anxiété est une réponse normale à une mauvaise performance ou àl’humiliation.Leproblèmeestque,vialesrelationsverbales,nouspouvonsfairesurgircetteréponseàn’importequelmoment.Lespersonnessouffrantdetroublepanique3, par exemple, ont tendance à craindre de perdre le contrôle, des’humilierenpublic,oumêmedemourird’unecrisecardiaquesouslecoupdel’anxiété. Ces pensées qui relient le présent avec un futur néfaste sont elles-mêmes anxiogènes. Ainsi, elles participent à l’amplification de la crise depanique.

Lesiègeéjectableetlafosseauxrequins

Imaginonsquevousvoustrouviezassissurunsiègesuspenduau-dessusd’unaquariumpeuplé de requins. Vous êtes relié à des capteurs ultraprécis quimesurent votre niveaud’anxiété:onvousditquesivotreanxiétédépasseuncertainniveau,lesiègebasculeraetvoustomberezdansl’eau.

D’aprèsvous,quesepassera-t-il?Ilestprobablequevousserezprisd’unevéritablecrised’anxiété.Vousressentireztoutd’abordune légèrepointed’inquiétude,quevoustenterezd’évacuer ;maisvousvousmettrezalorsà imaginer lespireschosesquipourraientvousarriver, votre corps réagira… et plouf, vous vous retrouverez plongé dans la fosse auxrequins!

Del’évitementd’expérienceLe langage crée la souffrance en partie parce qu’il mène à l’évitementd’expérience. Il s’agitduprocessuspar lequelvouscherchezàéchapperàvospropresaffects(pensées,sentiments,souvenirs,sensationsphysiques,tendancescomportementales…).Lesétudesmontrentquel’évitementd’expérienceestl’undesprocessuspsychologiqueslesplusnéfastes(Hayes,Masudaetal.,2004).

Vis-à-vis dumonde extérieur, la règle pourrait être : «Si quelque chose ne teconvientpas,réfléchisaumoyendelechanger,etagis.»Maisvis-à-visdenous-mêmes, ondira plutôt : «Si tu neveuxpas quelque chose, alors tu l’auras. »

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Reprenezvotretableaudesstratégiesdecoping:pourlamajoritéd’entrenous,celles-cifonctionnentàcourteéchéance,maisfinissentparéchouerouaggraverlasituation.

Et si le problème était justement qu’elles cherchent d’abord à éviter lesexpériencesdouloureuses?Nombred’entrenousfuientlesaffectsnégatifsparlebiais de distractions, de rationalisations, voire par l’utilisation de diversessubstanceschimiques;mais,pendantcetemps,nousnevivonspasnotrevie.

Efficacitédesstratégiesdecoping

Sivoustenezcelivreentrevosmains,c’estsansdoutequevoussavezdéjàqu’àlong terme vos stratégies de coping ne se révèlent pas efficaces. Comme lemontre la figure 2.4, nos tentatives d’évitement ne font que construire etaggravernotrepropresouffrance.

Lorsque nous tentons de fuir une pensée, une sensation ou un sentimentdouloureux,ildevientplusimportantettendàsemanifesterplussouventouplusintensément.Eneffet,lafuitesignifiequenousprenonscequinousfaitpeurdefaçon littérale : nos pensées deviennent plus crédibles, elles nous prennent aupiège.Parconséquent,ladouleurd’absencegranditelleaussi.Ainsi,nousnouslaissonsemporterparnosschémascognitifs.

Figure2.4:Plusd’évitement,plusdedouleur

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Letraindel’espritMalheureusement, ces processus ne sont pas faciles à contrôler car ils sontétroitementliésànotreutilisationdulangage.Nombred’entrenousonttendanceà«vivredansleur tête»,c’est-à-direàentrerencontactaveclemondepar lebiaisdeprocessusverbaux.

Lementalestcommeuntrain.Vousyêtesmontéentouteinnocence,àl’époquelointaine où vous appreniez à parler, raisonner et résoudre des problèmes. Àprésent,ilvousestimpossibledecesserdepenser,degénérerdesidées:votretrainmental rouleenpermanence.Onpeut s’en réjouir, car le langageest trèsutile.Cependant, ilnepeutallerquelàoùlemènentlesrails.Sitelleestaussivotredestination,iln’yaurarienàyredire…Maisvousneliriezprobablementpascetouvragesivotrevieallaitdansladirectionquevoussouhaitez.Suivreletraindel’espritestdevenuunehabitude.Vous«croyez»lespenséesqu’ilvousprésente. Ce n’est pourtant pas parce que le train roule que vous devezabsolumentmonteràbord!Sivousavezenviedesortirdelavoietoutetracée,vousdevezapprendre,pouruntemps,àsauterdutrainenmarche.

Les mécanismes de la pensée sont simples mais rigoureux. Notre mentalfonctionne de façon binaire : vrai ou faux, d’accord ou pas d’accord. Nousdevons accepter ou réfuter ce qu’il nous propose.Malheureusement, ces deux

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réactionssupposentdeprendrenospensées«aupieddelalettre»,c’est-à-diredefaçonlittérale.Oubliantquenospenséesnesontquedesprocessusdemisesen relation, nous n’y voyons plus que des réalités « de fait », correctes ouincorrectes.

Or,pourvivre réellement,nousnepouvonsnouscontenterdepenser : il nousfaut apprendre à expérimenter. Il s’agit pour cela de briser certaines règles etconditionsdumental.C’est seulementune foishorsdu trainquevouspourrezdéciderdechoisirvotredirection,devivreunevieenaccordavecvosvaleurs.

1.Mêmeles«singessavants»àquil’onaapprislesbasesdulangageéchouentàdestestsquedesenfantsenbasâgeréussissent(DugdaleetLowe,2000).

2.Coping:ensembledesprocessusqu’unindividuinterposeentreluietunévénementéprouvantafind’enlimiterl’impactsursonbien-être.

3.Troublepsychologiquequisemanifestepardescrisesdepanique.

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Latentationdel’évitementChapitre

3

Imaginez que vous ayez à affronter un adversaire gigantesque et invulnérabledansuneépreuvedetiràlacorde.Entreluietvouss’ouvreunterribleprécipiceoù vous risquez à tout instant d’être entraîné. Par conséquent, vous vousagrippezàlacordeetredoublezd’efforts :vousplantezvostalonsdanslesol,bandezvosmuscles,enespérantdetoutesvosforcesquel’unedevostentativesréussira.Maislemonstrerépondàchacunedevostractionsparunetractionplusforteencore.

C’estprobablementcequevousressentezsivousluttezencemomentcontreladépression, l’anxiété, une souffrance physique, des souvenirs douloureux outoute autre situation négative.Et si vous vous trompiez ? S’il n’y avait rien àgagnerà tirersur lacorde?Si laseulechosequicomptait,c’étaitaucontraired’apprendreàlalâcher?

PourquoinousfaisonscequinepeutpasmarcherVouslesavezdepuisquevousavezrempliletableaudesstratégiesdecoping:l’évitementnefonctionnepas.Pourtant,nousnecessonsd’essayerdemettreenplace des moyens de contourner ou de fuir notre douleur. C’est tout à faitlégitimepouraumoinssixraisons:1. Le contrôle fonctionne très bien dans d’autres secteurs de notre vie (le

monde extérieur) ; dès lors, on se persuade qu’il doit également êtreefficacesurlespenséesetlessentiments.Cepointestfacileàcomprendre.Ci-dessous, citez quelques situations pour lesquelles votre capacité àcontrôleretrésoudrelesproblèmesafonctionné:

2. Onvousaapprisquevousdeviezcontrôlervospenséesetvossentiments.Quandvousétiezenfant,parexemple,onvousacertainementdit:«Arrête

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depleureroujevaistedonnerdesraisonsdelefaire»,«Lesgarçons,çanepleurepas»ou«N’aiepaspeur,tun’espasunemauviette».Repensezàvotreenfanceetessayezdevousrappelercertainesoccasionsoùl’onvousasignifié que vous deviez être capable de contrôler vos émotions et vospensées.Notezcellesquivouspassentparlatête:

3. Lorsquevousétiezenfant,les«adultes»,cesgéantsquivousentouraient,paraissaient capables de contrôler leurs pensées et leurs sentiments.Voustrembliez souvent,mais Papa n’avait jamais peur ; vous pleuriez parfois,maisles«grands», jamais.Parcequelesautresyparvenaient,vousavezété incité à penser que vous deviez être capable demaîtriser vos penséeseffrayantesoutristes(delamêmemanièrequ’aupointprécédent).Celanesignifiepasquevousavezréellementapprisàcontrôlervosémotions,maisplutôt que vous avez fini par les taire et les cacher demanière à ne pasdéranger les autres. Si votre expérience semble correspondre à cettedescription,citezplusieursexemplesdanslesquelsd’autrespersonnesvoussemblaientplus confiantes, plus calmesou joyeuses, et plus capablesquevousdemaîtriserleursétatsémotionnels:

4. Parfois, un peu plus tard dans votre vie, vous apprenez que l’idée selonlaquelleles«grands»saventsecontrôlerestunmensonge.Engrandissant,vous découvrez que Papa n’était pas si calme – il avait peut-être unproblème avec l’alcool ou avec les tranquillisants dont vous n’étiez pasconscient à l’époque. Indiquez, si vous le pouvez, quand et à quellesoccasions vous avez compris que ces gens qui vous paraissaient si sûrsd’euxluttaientcommevouspoursemaîtriser:

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5. Aucoursdevotrecroissance,vousavezétésoumisàunfluxincessantdemessages selon lesquels la bonne santé et la joie de vivre reposent surl’absence d’expériences personnelles éprouvantes. Par exemple, rappelez-vous toutes les publicités que vous avez vues pour des cigarettes ou del’alcool (à l’époqueoùellesétaient licites),desvacances,desvoituresoudes vêtements de luxe, etc. Au fond, toutes ces publicités véhiculent lemêmemessage:«Lebonheur,c’estl’absencecomplètedepenséesoudesentiments douloureux (et si vous achetez ce produit, vous vous sentirezmieux et vous vous en rapprocherez davantage). » Cherchez dans vossouvenirsunepublicitéquivousparaîtavoirincarnécemessage.Defaçonsous-jacente,quelleexpériencecherchait-onàvousfaireéviter?

6. Parfois, il semble que le fait de contrôler nos pensées et nos sentimentsindésirablesfonctionnebeletbienàcourtterme.C’estlecasparexempledequelqu’unqui,doutantdesaproprevaleur,chercheraitàcompensercesentimentenconsacranttoutesonénergieàsontravail.Pendantuntemps,sonmanqued’estimedesoipeutêtreéclipséparses réussites ;maisbiensouvent, les sentiments négatifs le rattrapent, peut-être plus virulentsencore.Quandon le félicite, ila l’impressionde tromper lesautres,car ilest conscient de l’inquiétude que masque son calme apparent. Aussiagréablesqu’ilssoient,lesretourspositifsluisemblentcreux.C’estcequel’onnommesouventle«syndromedel’imposteur».Donnerlechangenesuffitpas,carquipeutsesentirsoutenuparl’opiniondegensnaïfsaupointde se laisser abuser de la sorte ? Si vous avez déjà expérimenté cesentiment, notez des occasions dans lesquelles vous n’avez agi que pourrecevoirl’approbationdesautres,etvousvousêtessentiensuiteenporte-à-faux:

Accepterl’inutilitédel’évitementd’expérience

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Deux facteurs principaux nous condamnent à l’évitement d’expérience : lepremier est que la règle « Si quelque chose ne te convient pas, réfléchis aumoyendelechangeretagis»fonctionnetrèsbiendanslemondeextérieur;lesecondfacteurestqueleseffetsdel’évitementnoussemblentsouventpositifsàcourtterme.

Imaginonsparexemplequequelqu’unquisouffred’unephobiedesserpentssoitinvité par des amis à aller au zoo. Il refuse de les accompagner, car il a peurqu’ils insistentpour l’emmenerdans levivarium ; certes, il aimeraitpasserdutemps avec ses amis, et voir les autres animaux,mais il finit par trouver uneexcusepourévitercettesortie.Mettez-vousdanslapeaudecettepersonneavantderépondreauxquestionssuivantes:

Quel sentiment éprouve-t-elle après avoir refusé la sortie ?Soulagée/Anxieuse(entourezlabonneréponse).La prochaine fois, y a-t-il plus oumoins de chances qu’elle décline uneoffre semblable (évitera-t-elle l’expérience) ? Plus de chances/Moins dechances.Saphobiedeviendra-t-elleplusoumoinsforte?Plusforte/Moinsforte.

Votre propre situation est analogue à celle de cette personne.Chaque fois quevous adoptezun comportement destiné à vous faire éviter unedouleur ouuneexpérience négative, vous déclenchez la chaîne de réactionsmise en évidencedanslesquestionsci-dessus:vousvoussentezd’abordsoulagédenepasavoiràaffronter la pensée, la sensation ou le sentiment douloureux ; ce soulagementvous pousse à utiliser la même stratégie dans les occasions semblables ;pourtant, vous donnez chaque fois plus de pouvoir à la douleur en évitant del’affronterdirectement.

Lamétaphoredutigreaffamé

Imaginez que vous vous levez unmatin et trouvez devant votre porte un adorable bébétigre.Ilestsimignonavecsespetitsmiaulementsquevousnepouvezquelefaireentrerchezvous.Vouslecâlinezunmomentavantdevousrendrecomptequesesmiaulementssignifient probablement qu’il a faim. Vous lui donnez lamoitié d’un steak haché cru, carvous savezque les tigres en raffolent. Le tigre reste chez vouset grandit.Endeuxans,vouspassezdudemi-steakhachéquotidienaukilodeviande,puisauquartdebœuf.Letigrenemiauleplusgentimentquand ila faim, il rugitde façonmenaçante.Votremignonchatonest devenuunebête insatiablequi risquede vousdévorer tout cru si vousne luidonnezpascequ’ilréclame.Chaquefoisquevousnourrissezvotredouleurparl’évitement,c’estcommesivousdonniezdelaviandecrueautigre:vousnefaitesquel’aideràdevenirplusgrandeetplusforte.Certes,ilpeutsemblerplusprudentdeluidonneràmanger,car

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sesrugissementssontmenaçants.Maischaquefois,vousnefaitesquelarenforceret luidonnerdavantagedepouvoir.

Aussi étrange que cela puisse paraître, considérez la possibilité que vosstratégies d’évitement n’ont jamais fonctionné… parce qu’elles ne le peuventpas. L’évitement ne fait que renforcer l’importance et le rôle de ce que vousévitez–autrementdit,quandvousfuyezvosproblèmes,ilsnefontquegrandir.

Lepiègeàdoigtschinois

Votresituationn’estpassansrappelercetaccessoiredefarcesetattrapesquel’onappellele«piègeàdoigtschinois»(figure3.1).Ils’agitd’untubeenpailletresséeàpeuprèsdelacirconférence d’un doigt, à chaque extrémité duquel on introduit un index : lorsqu’onchercheàlesretirer,lapailleseresserreetretientlesdoigts.Plusontirefort,plusletubeserétrécit,etplusilpiègelesdoigts…Enrevanche,lorsqu’onpousselesdoigtsàl’intérieurdutube,celui-ciserelâcheet laisseassezd’espacepourbouger.Onpeutdireque lavieestcommeunpiègeàdoigtschinois: ilnes’agitpasd’ensortir,maisdesecréer leplusd’espacepossiblepour vivre.Plusnous luttons, plusnosmouvements sont restreints.Sil’onabandonnelecombat,ongagneenlibertédechoix.

Figure3.1:Lepiègeàdoigtschinois

Prendresa«responsabilité»Pourtouteslesraisonsévoquéesplushaut,iln’yariend’étonnantàcequevousmettiezsouventenœuvredesstratégiesd’évitement.Vousfaitesexactementcequel’onapprendauxgensraisonnablesetlogiques:vousprenezsoindevous.Lesdéssontpipés,maisvousnelesaviezpas,etcen’estpasdevotrefaute.Onnepeutpasgagnercontreladouleur.Ilesttempsdevouspardonnercetteerreur,devouslaisserunpeutranquille.

Pouvez-vous envisager l’hypothèse que vos stratégies d’évitement ne

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fonctionneront jamaisetcesserdevousreprocher leuréchec?N’enavez-vouspasassezdevousdonnertantdemalpourvivreavecvotredouleur?Ilesttempsdechanger,de«prendrevosresponsabilités»,ouplutôtvotreresponsabilité.Carsileplurielsembleindiquerunefaute(etenquoiadmettreuneerreuraide-t-ilàchanger ?), le singulier désigne pour nous la capacité à répondre, à réagir.Ce«répondant»peutserévélerunevraiequalitédanscecas.

Exercice8:Lejeudublâme

Dansletableauci-dessous,notezquelquesexemplesd’occasionsaucoursdesquellesvousvousêtes reproché certaines expériences négatives, ou bien vous les avez reprochées à d’autres.Puis,suruneéchellede1à10,évaluezàquelpointcesexpériencesvousontpousséàvivrevotreviedefaçonplusvraie,plussatisfaisanteetpluslibre(1signifiantquecelanevousapasaidé,10quevosblâmesvousonttotalementincitéàchanger).

Exemplesdeblâmes Tauxdemotivationàvivremieux(1/10)

Alors?Combiendefoislesreprochesquevousvousêtesadressés(ouquevousavez adressés à d’autres) vous ont-ils permis de vivremieux ?Très peu, noussommesprêtsàleparier:contrairementàcequel’oncroit,lesblâmesnenouspoussentpasàavancer.

Ils’agitdoncde«prendrevotreresponsabilité».Eneffet,engénéral,ladouleurn’estlafautedepersonne:elleaccompagneautomatiquementlesystèmeverbalqu’acquièrent les êtres humains. Même dans des situations extrêmes, lorsquequelqu’unvousinfligevolontairementunacterépréhensible,vousconservezlacapacité à déterminer vous-même la façon dont vous répondez à la douleurcausée.

Toutsepassecommesivotresouffranceétaitunappareildetransmissionradio.Vousconnaissezl’existenced’unbouton,celuiquiestnommé«douleur».Vousavezconsacréénormémentd’effortsàessayerd’enbaisser levolume,envain.Or,surl’arrièredelaradio,ilexisteunautreboutonquicontrôlel’intensitédevotre lutte contre la douleur et les efforts que vous consacrez à la contrôler.Prendre sa responsabilité signifie comprendre que vous pouvez choisir derépondreàladouleurdebiendesfaçons–quiserontexaminéesdanslasuitedecetouvrage.

Jusqu’à présent, vous avez presque toujours tenté de contrôler d’une façon ou

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d’une autre vos pensées ou vos sentiments. Il est temps de considérer lapossibilitéqu’ilexisteuneautrealternativeàvotrelutte.L’undenosobjectifsestdevousmontrercequisepassequandvouscessezdevousbattre.

Exercice9:Jugezvotrepropreexpérience:qu’est-cequimarche?

Toutaulongdesdeuxsemainesquiviennent,nousvoudrionsquevousremplissiezletableauci-dessous.Vouspouvezenfaireunephotocopiepourchaquejour,oubienlereproduire14foisàlasuite.Àlafindechaquejournée,évaluezlestroispointssuivants:

Quelniveaudedouleurpsychologiqueavez-vousrencontréaujourd’hui?(Sivotredouleurprovientd’unproblèmeparticulier,commel’anxiétéouladépression,utilisezcetermeplusprécisplutôtquelemot«douleur».)Pourchaquejour,utilisezuneéchelleallantde1(sansdouleur)à100(douleurextrême).Après avoir évalué votre douleur quotidienne, évaluez les efforts déployés pour tenir ladouleur à distance. Utilisez la même échelle, de 1 (aucun effort) à 100 (effort et luttemaximum).La dernière étape est d’évaluer le niveau de votre réussite ce jour-là. Il s’agit de savoirquelle serait la qualité de votre vie si tous les jours étaient comme celui qui vient des’écouler.Utilisezlamêmeéchellede1(réussitenulle)à100(réussiteoptimale).

Jour Douleur Lutte Réussite

Notessurlesévénementsdouloureuxdujour

Enréalisant l’exerciceci-dessus,vousvousrendrezpeut-êtrecomptequevousconsacrez beaucoup d’énergie à lutter contre la douleur, mais que celan’augmente pas la qualité de votre vie – il s’agit d’un autre indice qui vousmontre que vos tentatives pour contrôler la douleur ne fonctionnent pas aussibien qu’elles le devraient. Pourtant, des années de conditionnement vouspoussentàcroirequec’estlaseuleoptionquis’offreàvous.

Pour changer, toutefois, il faut d’abord accepter l’idée que l’alternative aucontrôleestaussisubtilequefrustrante.Lâcherlesrênesnedemandepasungroseffortmaispeuts’avérercomplexeetdéstabilisant,voirefrustrant:c’estquelquechosequela«machineàmots»qu’estvotrementaln’apasl’habitudedefaire.

Voilàpourquoiilvousfaudraprendreletempsd’effectuertouslesexercicesdecet ouvrage de façon exhaustive. L’alternative que nous vous proposons pour

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remplacer les efforts inutiles visant à contrôler vos pensées et vos émotionsexige de votre part engagement, honnêteté, scepticisme et compassion enversvous-même.Cen’estpasuncheminement facile et votremeilleure alliéepourl’emprunter est votre propre douleur.Vous ne pouvez comprendre que cela envaut la peine que si vous avez expérimenté par vous-même l’inutilité de voseffortsàcontrôlervosexpériencesnégatives.

AllerplusloinAvantd’allerplusloin,dechangervotreapprochedelavie,ilvousfautregardervotresituationactuelleenface.Lesexercicesdeschapitresprécédentsvisaientàvousyaider.Vousdevezprendreconsciencedesaffectsquivousassaillent, etplusencoredevosréactionsetdesstratégiesquevousmettezenplacepourlesgérer.

Pour l’instant, ilne servirait à riendevouloir changerquoiquece soit.Faitessimplementdevotremieuxpourêtredavantageconscientdevoscomportementsetdevotrefonctionnement.

Exercice10:Quesentez-vousetquepensez-vousmaintenant?

Lorsqu’on cherche à observer plus attentivement notre propre expérience, sans détourner leregard ou prendre la fuite, il arrive souvent que nous prenions conscience d’expériencesauxquellesnousnefaisonsengénéralpasattention.Aussi,pourconclurecechapitre,nousvousdemandonsd’écrireci-dessoustouteslespenséesettouslessentimentsquevouséprouvezencetinstantprécisparrapportauxdifficultésquivousontpousséàvousprocurercetouvrage.Sivousentrevoyezdesproblèmesquiétaientrestéscachésjusque-là,profitez-enpourlesdécrire–mettez-lesàplat.

Dans les chapitres suivants, nous allons commencer à explorer différentesapprochesde ladouleurcontre laquellevous luttez.N’imaginezpasyparvenirdujouraulendemain,celaprendbeaucoupdetemps.Quantàlaréussite,ellenesemesurequ’àtraversvotreexpérience.Nousnevousdemandonspasdenous

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croire sur parole, mais seulement d’accepter de mettre nos suggestions àl’épreuve.Votreressentiseraleseuljugedeleurefficacité.

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LâcherpriseChapitre

4

Avant de commencer ce chapitre, prenez une montre ou un chronomètre etasseyez-vous dans un endroit tranquille. Une fois bien installé, prenez uneinspirationprofonde.Prêt?Àprésent,retenezvotresouffleaussilongtempsquevous le pouvez. Puis notez le résultat (nous y reviendrons au cours de cechapitre):«J’airetenumonsoufflependant…………secondes.»

L’acceptation (nous parlerons aussi de lâcher-prise) est une qualité dont vousavezpeut-êtreentenduparler.Vouspouvez l’apprendre,maisvotremental, lui,enestincapable.Danscedomaine,iln’estpasvotreallié.

Cequetuneveuxpas,tul’aurasDans le chapitre 2, nous avons mis en lumière cette règle de notre mondeintérieur : «Ceque tu neveuxpas, tu l’auras. »Considéronsque la règle estvraie.

Sachant que vous souffrez déjà suffisamment, que pouvez-vous faire, en toutelogique,pourappliquercetterègleàvotresouffrance?Noteztouteslesidéesquivouspassentparlatête:

Dans le cas d’une personne anxieuse, le programme de création textuelle quenousnommonsle«mental»peutproposercegenredediscours:«Sijeneveuxpasêtreanxieux,jeseraianxieux.Cequiveutdire,jesuppose,quesijevoulaisdavantageêtreanxieux,jeneleseraispeut-êtrepasautant.Aprèstout,çavautlapeine d’essayer.Dorénavant, je chercherai àmieux ressentirmon anxiété afind’êtremoinsanxieux.»

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Etc’estainsiquelepiègesereferme:carsivousacceptezvotreanxiétédansleseulbutde la fairediminuer, alorsvousne l’acceptezpasvraiment, et elle neferaqu’augmenter!

Surpris?Pourtantcesphrasesparadoxalesillustrentlecerclevicieuxdumentalquandonveutlepousseràquelquechosequ’ilrefuse.Silaseuleraisonquivousinciteaujourd’huiàadmettrevotreanxiété, c’estquecelapeutvousen libérerpour demain, la technique ne peut pas fonctionner. Car votre prétendue«acceptation»estenréalitéunrefus,unefaçondétournéedefuirvotreanxiété–etnonunevolontédelaressentir.

Vous aider à approcher votre douleur est difficile, non parce cela nécessitebeaucoup d’efforts, mais parce que le chemin est tortueux. Il s’agit de saisirpleinementcequesontl’acceptationetlabienveillance.

AcceptationetbienveillanceLemot«accepter»vientdulatincapere,quisignifie«prendre».L’acceptationestl’actederecevoir,de«prendrecequiestdonné».Dansnotrelangue,lemotpeutvouloirdire«serésigneràquelquechose»,maiscen’estpaslesensquenous retiendrons. Au contraire, « accepter » signifie pour nous « embrasserpleinement, sans réserves ». La « bienveillance » dont nous parlons est biencelle-là, qui se rapproche étymologiquement de la bonne volonté : il s’agit devouloirpositivement,d’effectuerentouteconsciencelechoixderecevoir,d’agiretd’êtretelsquenoussommes.Danslechapitre3,nousparlionsd’uneradioàdeuxboutons:sil’unestceluideladouleur,l’autreestceluidelabienveillance.

Ainsi, l’acceptation ou la volonté de ressentir signifient pour nous prendre lessentiments telsqu’ilssont, lesconsidérerexactementcommeontoucheraituneétoffe.Ils’agitderépondreactivementauxpenséesenlesvoyantcommetelles–enlespensant,commesionlisaitdelapoésiejustepourleplaisirdesmots,oucommeunacteurquirediraituntextepourmieuxsaisirlapenséedel’auteur.

Vouloir, accepter, signifie réagir activement aux souvenirs en les revoyantvraiment–commelorsqu’onamèneunamivoirunfilmquel’onconnaîtdéjà.Celasignifie répondrepleinementauxsensationsphysiquesen les ressentant–exactementcommevousvousétirez lematinpourressentir toutvotrecorps. Ils’agitd’adopteruneattitudedouceetaimanteenversvous-même,votrehistoireetvotreprogrammation,afind’améliorerlaprisedeconsciencedevotrepropreexpérience – un peu comme vous pourriez tenir un objet fragile au creux devotremainpourleregarderattentivement.

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Lebutde l’acceptationn’estpasdesesentirmieux,maisbiendes’ouvrirà lavitalité du moment, et d’agir de façon plus efficace dans les directions quicomptent pour vous.Autrement dit, le but de la bienveillance est de ressentirpleinement tous les sentiments qui se présentent, même (ou toutparticulièrement) les mauvais, et ce afin de pouvoir vivre plus intensément.Ainsi,aulieudechercheràsesentirmieux,onchercheradorénavantàmieuxsesentir.

Pourreprendrel’imagedupiègeàdoigtschinois,ils’agitdepousserdoucementlesdoigtsvers l’intérieurpourgagnerde l’espaceplutôtquede sedébattre envain pour s’opposer à son expérience. Acceptation et bienveillance signifient«selaisserlaplacederespirer».

Enadoptantcetteposition,vouspouvezouvrirlesvoletsetlesfenêtresdevotremaisonetlaisserlavies’yengouffrer:vouslaissezalorsentrerl’airfraisetlalumière dans ce qui était jusqu’ici fermé et obscur. Il s’agit de traverser lesmarécagesdevotrehistoirepersonnellesiceux-cise trouventdans ladirectionoùvoussouhaitezaller.

Êtredansl’acceptationetlabienveillancesignifiecomprendrequevousêtesleciel,paslesnuages;l’océan,paslesvagues.Celaveutdirequevousêtesassezgrandpourcontenirtoutesvosexpériences,toutcommelecielpeutcontenirtouslesnuagesetl’océantouteslesvagues.

Cette succession de métaphores n’a pas pour but de vous transformer en uninstant,maisseulementdevousdonneruneidéedel’objectifdecetouvrage.Sivous vous rendez compte que votremental leur est favorable, ou au contrairequ’ilrésiste,contentezvousdeleremercierpourcettepensée.Ilestlebienvenudans notre voyage,mais l’acceptation et la bienveillance sont des états que lemental ne peut pas atteindre. Par bonheur, vous êtes bien davantage qu’uncataloguederelationsetdesymboles.Mêmesivotrementalnepeutapprendrelelâcher-prise,vouslepouvez.

Pourquoilabienveillance?Pourquoi essayer la bienveillance (ou « bonne volonté ») ? Parce qu’elle estl’inverse de l’évitement : nombre de publications scientifiques soulignentl’efficacitédelapremièreetlesdangersdel’autre.Unedesraisonsquinousontpousséànepasconsacrer cetouvrageà la colère, à ladépression, à l’anxiété,auxproblèmesd’addiction,àladouleurchronique,etc.estquenouscherchonsàenseigner des outils applicables à un champ extrêmement large, qui peuvent

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permettre de renforcer l’efficacité de votre travail personnel ou avec unthérapeutepourchangervotrevie.

Bienveillanceetrecherchepsychologique

Lalittératurescientifiqueabondedepreuvesquimontrentquelabienveillance–entantquevolontédelapersonnederessentirtouteslesémotionsprésentes–estd’uneimportancecapitaledansbiendesdomainesdufonctionnementpsychologiquehumain.

Douleur physique. Dans presque tous les secteurs de la douleur chronique, il apparaît que lapathologie physique (les dommages effectifs subis par le corps) n’a pratiquement pas de relationavec l’importance de la douleur, la réduction des fonctions ou le handicap ressenti (Dahl et al.,2005).

Enréalité,l’impactdeladouleursurlesfonctionsestdéterminépar:1) l’acceptation par le patient du ressenti douloureux ; et 2) sa capacité à agir dans une directionvoulueaumomentoùillaressent(McCracken,VowlesetEccleston,2004).Cesontprécisémentlesprocessusdécritsdanscetouvrage.Entraînerlesgensàaccepterleurdouleuretàlaregarder,ouà«désamorcer» leurspenséesàsonsujet (voirchapitre6), augmentenettement leur toléranceà ladouleur(Dahl,WilsonetNilsson,2004).

Traumatismes physiques, maladies et handicap. Qu’il s’agisse de traumatismes cérébraux ouspinaux,d’attaquescardiaquesoudetouteautremaladieoublessure,l’importancedelapathologiephysique est très peu prédictive du succès de guérison ou de séquelles à long terme. Ce qui estrévélateur,enrevanche,estl’acceptationdelamaladiedelapartdupatientetlavolontédeprendrelaresponsabilitédesonétat(Krause,1992;Melamed,GrosswasseretStern,1992;Riegal,1993).

Dans desmaladies chroniques comme le diabète, accepter les pensées et les sentiments difficilescausésparlamaladie,ainsiquelefaitdevouloiragirenleurprésence,annonceunebonnegestionpersonnelledelamaladie(Gregg,2004).Avecd’autresproblèmesdesanté,commelefaitdefumer,on obtient des résultats comparables. L’ACT permet donc une meilleure gestion de la santé enéchangedelabienveillanceetdel’acceptationfaceàl’inconfort:onsedétachedesespenséespourallerverscequicomptevraiment(Giffordetal.,2004;Gregg,2004).

Anxiété. Le refus de ressentir de l’anxiété est prédictif de formes d’anxiété très diverses (Hayes,Strosahletal.,2004).Parexemple,exposésauxmêmesstimuliphysiques,lessujetsayanttendanceàl’évitementd’expérience(enparticuliers’ilscherchentàsecontrôler)serontplussujetsàdescrisesdepaniquequeceuxquiacceptentleuranxiété(Karekla,ForsythetKelly,2004).

Parmi lesgensatteintsde trichotillomanie(TOCconsistantàs’arracher lescheveuxenpériodedestress),les«éviteursd’expérience»sontsujetsàdesbesoinsplusfréquentsetplusintensesquelesautres(Bergotka,WoodsetWetterneck,2004).

Lesvictimesdetroublesanxieuxgénéraliséssontstatistiquementplusnombreuseschezles«grandséviteursd’expérience»(Menninetal.,2002).Toutefois,mêmeunpetitentraînementàl’acceptationpeutlesaider.Parexemple,unexerciceciblédedixminutesapermisàdespersonnessujettesàdescrisesdepaniquedemieuxgérerleuranxiété,alorsquedesexercicescherchantàlesdétourneroulessupprimern’ontpaseud’effetspositifs(Levittetal.,2004).Demême,lesimplefaitdeproposeràdessujetsanxieuxlamétaphoredupiègeàdoigtschinois(chapitre3)apermisenthérapieACTderéduirel’évitement,lessymptômesd’anxiétéetlespenséesanxieusesdefaçonplusefficacequedesexercicesderespiration(EifertetHeffner,2003).

Traumatismesde l’enfance.Lamaltraitance infantileentraîne toujoursdesconséquencesplusoumoins graves à l’âge adulte,mais la pratique de la bienveillancemodifie ce lien de cause à effet

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(MarxetSloan,2002).Autrementdit,unmalaisechroniqueestplusàmêmedes’installerà l’âgeadulte tant que l’on refuse d’accéder aux souvenirs, aux pensées et aux sentiments causés par lamaltraitanceinfantile.Àl’inverse,lamêmehistoired’abusserasignificativementmoinsdestructricepourlavied’adultesil’onacceptederessentirsonexpérience.

Performances professionnelles. Les personnes qui, d’un point de vue émotionnel, acceptentd’éprouver les expériences émotionnelles négatives bénéficient d’une meilleure santé mentale ettravaillentmieuxàlongterme.L’effetsur laqualitédutravailestsignificativementplusimportantqueleseffetsdelasatisfactiondutravailoudel’intelligenceémotionnelle(BondetBunce,2003;DonaldsonetBond,2004).

Addiction. Les addictions aux diverses substances sont typiquement motivées par une volontéd’échapperauxexpériencespersonnellesnégatives.Pluslesvictimesd’addictioncroientquel’alcoolouladroguepeuventréduire leursémotionsnégatives,plusilsrisquentderechuter(Litmanet al.,1984).

Dépression.Prèsdelamoitiédesvariationsdanslessymptômesdeladépressionpeuventêtremissurlecompted’unmanqued’acceptationetdebienveillance(Hayes,Strosahletal.,2004).

(Cettelistepourraitseprolongerpendantdespagesetdespages,etdansbiend’autresdomaines.)

Pourquoiattribuerunetelleimportanceàlabienveillance?Destémoignagesàlapremièrepersonnevousparaîtrontpeut-êtreplusconvaincantsquenotrerapiderevuedesarticlesscientifiques.Lisezlesphrasesquisuiventetdemandez-voussiellessontvalablespourvous.

Pourquoilabienveillance?Parcequequandjeluttecontreuneexpériencedouloureuse,laluttesemblelarendreplusdouloureuseencore.Pourquoilabienveillance?Parcequequandjem’éloignedeladouleurquejeressens,quandjepoursuiscequicomptelepluspourmoi,jem’éloigneaussidelarichessedelavie.Pourquoi la bienveillance ? Parce que lorsque jeme ferme aux épisodesdouloureuxdemonpassé,jemefermeaussiauxélémentspositifsquej’aiapprisalors.Pourquoilabienveillance?Parcequejeressensunegrandepertedevitalitélorsquejenel’appliquepas.Pourquoi labienveillance?Parceque l’expériencemeditque le refusnefonctionnepas.Pourquoi labienveillance?Parceque ladouleur estunprocessusnormalchez l’être humain, et que tenter de me situer à un autre niveau seraitinsensibleetinsensé.Pourquoilabienveillance?Parceque«vivredansmonexpérience»,c’est-à-diredanslemoment,sembleplusricheque«vivredansmatête».

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Pourquoi la bienveillance ? Parce que je connais très bien commentfonctionne ma douleur quand je la refuse, et que j’en suis las. Je veuxchangerdeprogramme,arrêterlecontrôleetl’évitement.Pourquoilabienveillance?Parcequej’aidéjàsuffisammentsouffert.

Exercice11:Pourquoilabienveillance?

Àvotretour,donnezci-dessoustroisouquatreréponsespersonnellesàcettequestion.Sivoussentezunerésistance,contentezvousdelanoter,etdefaçondouceetbienveillante,permettez-vousderésister;puisrevenezàlaquestionenemmenantavecvousvotrerésistance.

Pourquoilabienveillance?Parceque

Pourquoilabienveillance?Parceque

Pourquoilabienveillance?Parceque

Pourquoilabienveillance?Parceque

BienveillanceetdétresseLepsychologueRickBrownamontrédansuneétudequelespersonnesquineparviennentpasàlaisserlaplaceàleurdétresseéprouventdegrandesdifficultésdeself-control. Ila travaillé,parexemple,avecungroupedegrosfumeursquitentaient de se soustraire à leur addiction à la nicotine grâce à un ouvrage dedéveloppement personnel. Avant que l’essai d’arrêt du tabac ne commenceréellement,Brownleurademandéd’effectuertroistâchespréliminaires:retenirleursoufflelepluslongtempspossible;résoudredesproblèmesmathématiquessimples,deplusenplusrapidement,jusqu’àl’abandon;etrespirerdudioxydedecarbone(CO2,quicréedessymptômesd’anxiété)jusqu’àn’enpluspouvoir.Lagrandemajoritédeceuxquiavaientsurmontéces troisdéfisestparvenueà

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arrêterdefumer.Enrevanche,parmiceuxquiavaientéchoué,trèspeuontpuselibérerdelacigarette(Brownetal.,2005).Autrementdit,sivousnepouvezpassupportervossentimentsdedétresse,vousnepouvezpasprendresoindevotrepropresanté.Iln’yariend’étonnantàcequel’évitementd’expériencemènesisouventàunedégradationdelaqualitédevieàlongterme(Hayes,Strosahletal.,2004).

Exercice12:Retenezvolontairementvotresouffle

Voyonsàprésent si vouspouvezutiliser labienveillanceet l’acceptationpouraugmenter votrecapacitéàfairefaceàvossensationsdésagréables.Prenezunemontreetisolez-vousquelquesminutesdansunendroitoùvousneserezpasdérangé.

Vous allez à nouveau retenir votre souffle le plus longtemps possible. Cette fois, nous vousfournissonsune liste dequestionsdestinéesà vousaider à prendre consciencede toutes vossensations,sentimentsetpenséesaucoursdel’exercice.Liseztoutd’abordcettelisteàplusieursreprises,pourlagarderenmémoiremêmequandvousserezdansl’inconfort.

Pouvez-vousconsidérercetteexpériencecommel’occasiondeconnaîtreunressentirare?Localisezlebesoinderespirer.Dansvotrecorps,oùcommence-t-iletoùfinit-il?Pouvez-vous laissercettesensationàcetendroitet,enmême temps,continuerà retenirvotresouffle?Remerciezgentimentvotrementalpourtouteslespenséesqu’ilvousprésente,sanspourautantvouslaissercontrôlerparelles.Attentionenparticulierauxpenséessournoisesquivouspousseraientàrespireravantquevousneledécidiezvraiment.Aprèstout,quiestlechef?Vousouvotremachineàmots?Notez toutes lesautresémotionsquiaccompagnentvotreenviederespirer.Pouvez-vouségalementleurlaisserdelaplace?Surveillez tout votre corps. Constatez qu’il continue de fonctionner. Remarquez-vousd’autressensationsquevotreenviederespirer?Quand celle-ci devient plus forte, pouvez-vous imaginer que c’est vous qui la créez,délibérément?Fermezlesyeuxetvoyezsivousparvenezàrecréercebesoindansvotreimagination, séparé de votre corps. Transformez tous ces sentiments négatifs – chaquecoup dans votre poitrine, chaque angoisse d’évanouissement, chaque instinct qui vousdemandederespirer–enunecréationconsciente,justepour«savoircequeçafait».Ce nouveau besoin est identique dans sa forme, mais il s’agit de votre création. Est-ilnécessairequevoussoyezmenacéparvotreproprecréation?

Sid’autresstratégiesd’acceptation(etnondecontrôleoud’évitement)vousviennentà l’esprit,notez-leségalement.Sinécessaire,vouspouvezlaisserlelivreouvertpourlirelesquestions.

Ils’agitdoncderessentirpleinementcequ’apportel’enviederespirerpendantquel’onretientsonsouffle.Vousallezainsidécouvrirs’ilestpossibledemieuxcontrôlersoncomportement(retenirsonsouffle)enapprenantàaccepteretàlaisserlibrecoursàsespenséesetsessentiments.

Etmaintenant,àvous!

J’airetenumarespirationpendant………secondes.

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Décrivezvotreexpériencependantcetexercice.

L’aversion envers l’idée de ne pas respirer a-t-elle fluctué ? Quand a-t-elle augmenté oudiminué?

Comment votre esprit a-t-il tenté de vouspersuader de respirer avant que cene soit vraimentnécessaire?

Quelleaétélachoselaplussournoisequ’afaitevotreesprit?

Voyez-vousdesimplicationspossiblesquepourraitentraînercesimpleexercicesurvotrevie,enparticulierdansledomaineoùvousluttezleplus?Sioui,lesquelles?

À présent, reprenez le temps que vous avez noté au début de ce chapitre, quand nous vousavonsdemandépour la première fois de retenir votre souffle.Si vousn’avezpaspu répondrepositivementàlaquestionprécédente,cettecomparaisonvousouvre-t-ellelesyeux?

Les types de stratégies proposées pour vous aider à retenir votre souffle pluslongtemps sont identiques à celles proposées dans la suite de cet ouvrage. Sivous avez été capable de retenir votre souffle plus longtemps à la secondetentative,celaprouvequeles informationsdecelivrepeuventvousêtreutiles.Bien entendu, nous les appliquerons à des problèmes plus complexes que lesimple fait de respirer, mais le principe reste le même. Engagé dans un acteparticulier, vous pouvez apprendre à utiliser la pleine conscience et à opposerdesstratégiesdedésamorçagedesproblèmesquesoulèvevotremental.

LabienveillanceenquestionVousvoussouvenezdelaradioauxdeuxboutonsdontnousparlionsauchapitre3?Imaginonsque,pourvivrelaviequevousdésirezvraiment,ilfailled’abordtourner aumaximum leboutonde labienveillance.Cela signifie êtred’accordpour ressentir toutes les émotions, les souvenirs, les pensées ou les sensations

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physiques qui se présentent à vous, sans élever la moindre barrièrepsychologique.

End’autrestermes,imaginezquelaseuleconditiond’uneviesaine,énergiqueetriche de sens soit que vous ne tentiez plus de contrôler vos pensées et vosémotions ; dans ce cas, à quel point auriez-vous envie de le faire ? Sur uneéchelle de 1 (absolument contre) à 100 (totalement pour), à quel pointaccepteriez-vous, si vous le pouviez, de commencer à ressentir ce que votrehistoirevousoffre?Inscrivezcenombreici:

Si vous avez noté un nombre peu élevé, c’est peut-être parce que votre espritvoussuggèrequecegenredebienveillanceestimpossibleouvouscondamneàune souffrance permanente. Si c’est le cas, remerciez-le pour son avis et nerépondezpas.

Souffranceetdouleurdiffèrent.Lasouffrance,c’estladouleurajoutéeaurefusde la ressentir.La bienveillance permet, sinon de transformer la souffrance enbien-être,dumoinsdeconnaîtreetd’expérimenterladouleurpourcequ’elleest.Voussentez-vousprêtàapprendredenouvellesstratégiesquipermettrontpeuàpeuunetellebienveillance?Sioui,tournezlapage.

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LeproblèmedespenséesChapitre

5

Vous êtes-vous déjà rendu compte à quel point la pensée elle-même estenvahissante?Parfois,nousnesommesmêmepasconscientsdeceprocessus.L’esprittournecommeunventilateurdansunepiècesurchauffée,necessantdefaire ce pour quoi il est programmé : classer, prévoir, comparer, anticiper,s’inquiéter, juger…Et tout commepour le ronronnement du ventilateur, il estpossibledepasserdelongsmomentsdanscetteagitationsansmêmes’enrendrecompte.Pourmodifierceprocessus,ilnousfautd’abordleprendreenflagrantdélit.

Il vous est sans doute déjà arrivé, alors que vous conduisiez depuis un bonmoment, de vous apercevoir soudain que vous étiez passé en « pilotageautomatique ». Lorsque vos pensées prennent le contrôle de vos actions, lasituation est identique, sauf que vous vous réveillez dans le fossé – dans unesituation ou un état d’esprit que vous ne souhaitiez pas. Vouloir l’ignorerreviendraitàchangerlesrouesdelavoitureenespérantlaremettresurlaroute:c’estinutile,voiredangereux.Mieuxvautseconcentrersurlemomentoùvousaveztournélevolant,surl’instantoul’actionquivousafaitquitterlaroute.Cequevousdevezd’abordchercher,cesontlespanneauxindicateursquivousontconduitlà.Etcespanneaux,engrandepartie,cesontvospensées.

AaronBeck,lepèredelathérapiecognitive,utiliseletermede«distanciation»pour désigner le processus par lequel nous remarquons objectivement nospensées1.Toutefois, dans son approche commedans la plupart des thérapies àcaractèrescientifique,ladistanciationn’estquelepremierpasavantl’évaluationet la contestation de la pensée. Les thérapeutes utilisent cette méthode pourapprendreauxpatientsàdétecterleurserreurslogiques,àchercherdenouvellesvoies et àmodifier les pensées émotionnellement perturbantes. Pour reprendrenotre métaphore, il s’agit de chercher les panneaux indicateurs, d’arrêter lavoitureetd’endescendrepourlessupprimeroulesréécrire,afindeneplussortirdelarouteàcetendroit.

Nous privilégions une approche différente, plus simple et, selon les étudesscientifiques,plusàmêmedeproduiredesrésultatspositifs:nousproposonsde

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regardercespenséesenfaceplutôtquededétournerleregard.Nousn’avonspasà les suivre, à les changer, ni à leur résister ; nous devons seulement lesremarquer,commenousremarquerionsungraffiti.

Parce que la pensée fait référence à des objets, parce qu’elle « signifie », ellecrée une illusion. Lorsque nous pensons à quelque chose, nous avonsl’impressiond’avoirréellementaffaireàcettechose,toutcommel’enfantpenseau glok (voir chapitre 2). Lorsque nous évaluons quelque chose, nous avonsl’illusionquenotreévaluationaugmenteoudiminuesonobjet.

Lesinscriptionsquenotreespritlaisseauborddelaroutenesontpasdesimplespanneaux indicateurs. Ceux-ci peuvent être relativement élaborés et noussemblermême«raisonnables».«Abandonnecetterelation!Tuesentraindet’attacher, et cette personne est trop bien pour toi. Tu vas souffrir…», dit unpanneau.Etmêmesivousvoulezdel’amourdansvotrevie(sic’estlavoiequevousavezchoisie),vouspouvezvousretrouverànouveaudansledécor,capotouvert, à l’issue d’une nouvelle relation catastrophique. « La faute à trop detravail»,direz-vous;oubien«Il(ouelle)m’étouffait»,etc.Pourchangerdeschéma, il vous faut revenir au moment crucial où vous avez vu le panneau.C’estl’objectifdecechapitre.

Cequiprécèdenesignifiepasqu’ils’agitdesurveillervospenséesdemanièreobsessionnelle,ouqueseuleunevigilancepermanentepeutvouséviterlefossé.Àterme,vousapprendrezàrepérerlesmomentsoùapparaissentlespanneauxetàtrouverdenouvellesfaçonsd’interagiraveceux.Enconstruisantcesnouvelleshabitudesde l’esprit,vous finirezparêtrecapabledeconduiredeplusenpluslongtemps«sansyfaireattention»…etsanspourautantsortirdelaroute.Bienentendu, cette inattention n’est pas un but en soi ; mais personne n’estpleinement conscient en permanence, et il est bon de savoir qu’au fond leshabitudes, si l’on choisit les bonnes, peuvent travailler en notre faveur plutôtqu’ennotredéfaveur.Ils’agitdoncdemettreenplacedenouvellesmanièresderéagiràsespensées–cequiimpliqued’apprendreaupréalableàlesidentifier.

LaproductiondepenséesVotremental a pourmission de vous protéger, de vous aider à survivre. Pourcela, il catégorise sans cesse les événements, les relie à des analysespréexistantesetàdesprojections,etévaluelesactionspossibles.Danslamesureoù c’est ce qu’il fait à plein régime depuis plus de cent mille ans, il est peuprobable que l’esprit humain cesse de fonctionner du jour au lendemain.Que

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vous levouliezounon,à l’intérieurdevotrecrânese trouveune«machineàproduiredesmots»qui,dumatinausoir,mettouslesévénementsenrelation.

Ilestimpossibled’arrêterdepenser,surtoutdefaçondélibérée.Cardèsquenousfaisons les choses délibérément, nous créonsune«piste verbale » (une règle)que nous tentons de suivre.Ainsi, lorsque nous cherchons à cesser de penser,nous créons une pensée qui nous dit : « Je ne devrais pas être en train depenser », et nous cherchons à lui obéir.Malheureusement, comme cette pisteverbale est elle-même une pensée, le processus ne peut qu’échouer (voir lesexercicesduchapitre2,quidémontrentendétaill’inutilitédelasuppressiondepensée).

Votre prochain objectif est de commencer à saisir vos pensées « au vol », aumomentoùellesseproduisent.Bienquenouspensionsenpermanence,nousneleremarquonsquedetempsàautre.Unehabitudesinaturelle,quiseproduitsisouvent,resteengénéralausecondplan.Combiendefoisparjourprenez-vousconsciencederespireroudeclignerdesyeux?

Noussommesdespoissonsdansleflotdenospensées

Lespoissonsnagentnaturellement.Ilsne«savent»pasqu’ilssontdansl’eau:ilsnagent,unpointc’esttout.Ilenvademêmepournousetnospensées.Ellessontnotreélément:nous y sommes plongés à un tel point que nous sommes à peine conscients de leurprésence.Lefaitdenagerdansnospenséesnousestnaturel.Onnepeutsortirunpoissondel’eauets’attendreàcequ’ilsurvivenormalement.Maisquesepasserait-ilsilepoissonprenaitconsciencedel’eau?

Exercice13:Àquoipensez-vousencemoment?

Prenezquelquesminutespournotertouteslespenséesquivouspassentparlatête:

Alors ? Combien de pensées avez-vous été capable de décrire ? Pendant que vous écriviez,n’avez-vouspasvuapparaîtredespenséesausujetdelapenséequevousnotiez?Sivousvousêtesarrêtéparcequevousnepensiezàrien,avez-vousremarquéque«Jenepenseàrien»étaitaussiunepensée?

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Ilest trèsprobableque lepetitespaceci-dessusnevousaurapassuffi,etde loin,pournotertouteslespenséesquivousontassaillipendantcesquelquesminutes.Considérezcequecelasignifie : si vos pensées formaient un flot constant il y a quelques instants, pourquoi en irait-ilautrementlerestedutemps?Descentainesouplusprobablementdesmilliersdepenséesnousviennentchaquejourà l’esprit. Iln’estpasétonnantquenousfinissionsparfoisdanslefossé…Carlarouteelle-mêmeestsouventpeuéclairée,etlesnombreuxpanneauxindicateurs(c’est-à-direlesconstructionsmentalesgravéesdanslapensée)perturbentnotrediscernement.

Unedespremièreshabitudesmentalesdontnousavonsànousdéfaireestcellequiconsisteàprendrelespenséesaupieddelalettre.Si lespenséesétaientcequ’elles prétendent, contrôler une pensée permettrait de contrôler lecomportement. Quand nous prenons nos pensées au pied de la lettre, noussommesàlamercidetouteslesexpériencesquelaviemetaccidentellementsurnotrechemin.LapsychologueEllenLangeradécritunexemple intéressantdufonctionnementtrèslittéraldespenséesenexaminantlesvertusdelasalive.

Lesvertusdelasalive

Lasaliveestsansdouteunsujetquin’accaparepasvospensées…Pourtant,sentez-vouscomme l’intérieur de votre bouche est humide et tiède ?Sentezvous que votre langue yglisseavecfacilité?Vouslesavez,quandvotreboucheesttrèssèche,lesmouvementsdela langue sont difficiles, voire irritants. À présent, avalez et constatez à quel point votresalive rendcegeste simpleet agréable. Imaginezcequi sepasserait si vousn’enaviezpas, comme lorsque vous avez la gorge si sèche qu’avaler vous fait mal. La salive, enoutre,adesqualitésantiseptiquesnaturellesquipermettentde luttercontre lesmicrobesdesdentsetdesgencives.Voilàpourquoilesproblèmesdesantéquiréduisentlasécrétionde salive mènent rapidement à des problèmes dentaires et gingivaux. Laméthamphétamine,parexemple(unedrogueégalementappelée«speed»),provoquedessécheresses buccales sévères ; après quelques années d’utilisation, les drogués voientleursdentstombercarlemanquechroniquedesalivelesprivedeleurprotectionnaturelle.

La salive nous aide également à prédigérer notre nourriture. Lorsque nous prenons letemps de bien mâcher, celle-ci glisse mieux dans l’œsophage, et l’estomac peutcommenceràdigérerplusfacilement.Sivousprenezunetropgrandebouchéeetquevousl’avalezsansmâcher,vousressentezunpoidsdansleventre,carvotrecorpstravaillepourcompenserlemanquedemastication.Lasaliveestvraimentunesubstancemerveilleuse.

À présent, représentez-vous un splendide verre à pied en cristal ; chaque fois que vousavezdelasaliveenexcès,vousl’ycrachez,jusqu’àcequeleverresoitplein.Etimaginez–imaginezvraiment,enlaissantvenirlessensations–quevouslebuvez.

La plupart d’entre nous trouvent écœurante l’idée de boire un verre de sa propre salive.Nousenproduisonspourtantplusieurslitresparjouretnouslesavalons.Mais,malgrélesinnombrablesvertusde lasalive, l’idéedeboireceverrenousdégoûteprofondément.Sil’expériencequotidiennedelasaliveestunechose,penseràlasaliveentantqueboissonenestdoncuneautre.Pourquoi?

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Pourquoilapenséea-t-elleuntelimpact?Les pensées ont des significations car elles sont symboliques – elles sontarbitrairement reliées à autre chose. Lorsque nous pensons, une relationréciproques’établitentrelapenséeet l’événement.C’estceprocessusquirendlapenséeutile.Considéronsunscénariosimple:touteslesportesetfenêtresdelapièceoùvousvoustrouvezsontfermées.Commentallez-voussortir?

Observez ce que fait votremental à la lecture de cet énoncé : il cherche dessolutions en traitant en imagination des éléments réels. Vous manipulez desidées,dessymboles,commes’ils’agissaitdesobjetsauxquelsilsfontréférence.Ainsi, le langagenousévited’essayerlesdifférentesoptions:nouspouvonslefaireenimagination.Souvenez-vousdel’exempledelavis,delabrosseàdentsetdubriquet(voirexercice4)…

Mais les problèmes apparaissent lorsque ce processus est : a) poussé auxextrêmes ;b)appliquéà toutes lespensées.Onnomme«fusioncognitive» latendanceàpermettreauxpenséesdedominerlesautressourcesderégulationducomportementàcausedel’incapacitéàprêterattentionauprocessusdemiseenrelation plutôt qu’aux produits de celui-ci. Pour le dire simplement, la fusioncognitiverevientàtraiternospenséescommesiellesétaientlaréalité.

Tant qu’il s’agit d’imaginer comment s’échapper d’une pièce fermée, ce n’estsans doute pas dangereux. Lorsque vous pensez « Pour m’en sortir, je vaistéléphoner à un ami », vous pouvez vous imaginer en train de composer sonnuméro sur votre portable, tout comme vous pouvez réellement saisir votretéléphone.L’événementréeletl’événementsymboliquesontdifférents,maislestraiter à l’identiquen’estpasgênant.Voilàpourquoi lespenséespermettentderésoudrelaplupartdesproblèmes.

Dans d’autres situations, néanmoins, la fusion cognitive peut avoir desconséquences néfastes. Pensez par exemple à toutes les définitions de votredouleurquicommencentpar«Jesuis…»:«Jesuiscomplètementdéprimé»,«Jesuisanxieux»,«Jesuisdanstousmesétats»,ouencore«Monpsym’aditque j’étais atteint de troubles compulsifs », « Je suis épuisé par cette douleurconstante».Enprenantcesphrasesaupiedde la lettre,vousvous identifiezàvotredouleur.Lafusioncognitivesignifiequevousfinissezparcroireêtrevotredouleur. Il vous devient très difficile de comprendre qu’il s’agit de penséesproduitesparvotremental,quinevousdéfinissentpas.

De la même façon, dans la mesure où la plupart des contenus pensés sontévaluatifs,lafusioncognitivesignifieégalementquedesévaluationspeuventse

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lieràdesévénementsaupointdeparaîtreenfairepartie–onnevoitplusqu’ilnes’agitquedepenséesàproposdel’événement.Elletransformenonseulementlapensée,maisaussil’événement–c’estcequemontrel’exempledelasalive,qui nous paraît écœurante malgré ses qualités physiologiques majeures. Unanimalassoifféàquil’onprésenteraitunboldesalivel’avaleraitsansdoutesanshésiter. Pour nous, cette seule idée peut nous donner la nausée (c’est pourtantbiend’uneidéequ’ils’agit):lafusioncognitiveesticiàl’œuvre,carlapensée,l’évaluation,noussembleindissolublementliéeàlaréalitéetconditionnenotrecomportement.

Riennenousobligeenprincipeàboireunverredesalive.Quecetteidéenousdégoûten’estdoncpasgênant.Ainsi,lafusioncognitiven’estengénéralpasunproblème.Toutefois,n’importequelélémentquenousévaluonspeutenêtre lacible, et si on laisse le processus se développer inconsciemment, il peut serévélerdangereux.

Ainsi, toute réaction émotionnelle à un événement désagréable est en généralelle-mêmeévaluéedefaçonnégative.Cequenousappelons«anxiété»tendàapparaître à la suite d’un événement désagréable – par exemple le chien quireçoit des coups de pied d’un tortionnaire semontre anxieux chaque fois quecelui-ci apparaît. Dès lors, nous avons tendance à étiqueter l’anxiété commenégative. Nous avons beau savoir que l’évitement d’expérience est inutile etdangereux,nousavonstendanceàfuirl’anxiété,latristesse,l’ennui,ladouleur,l’insécurité,etc.,simplementparcequecesontdesémotions«négatives».Dansuneétude,nousavonsmisenévidencequeleseulfaitdecroirequel’anxiétéestnéfaste favorise de nombreux problèmes psychologiques, depuis les troublesanxieuxjusqu’àladépression(Hayes,Strosahletal.,2004).

ÉvitementetfusioncognitiveLa fusion cognitive est à l’origine de l’évitement d’expérience. Si uneexpérience(émotion,pensée,souvenirousensationphysique)s’annoncedifficilepourvous,vouschercherezprobablementàl’éviter–parceque«c’esttroppourvous » – et, inévitablement, vous en souffrirez. Nous l’avons déjà dit, notremental a évolué depuis plusieurs dizaines de milliers d’années pour nousprotéger de la souffrance : vous « fusionnez » donc avec l’idée que cetteexpérienceestinsupportableetchercheznaturellementàl’éviter.

Supposons que vous souffriez de dépression et que vous soyez persuadé dedevoir refuser vos sentiments négatifs – vous avez « fusionné » avec cettepensée. Vous cherchez donc à les éviter : vous fuyez les rencontres et les

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associations d’idées qui pourraient vous rendre triste, les lieux qui pourraientvous déprimer. Au fond, vous tentez de vous tenir à distance de la moindrepensée, de lamoindre émotion qui pourrait vousmener à la dépression.C’estainsiquelafusioncognitivevousconduitàneplusrienressentirdutout.Parcequ’ilsdésignentdespointssensibles,vos«panneauxindicateurs»vousmènentdroitdanslefossé.Ils’agitdoncdelesrepérer.

PenserfaitmalLesdeuxpoints sensiblesquivousguidentprincipalement sont l’évaluation etl’auto-conceptualisation.

Les pensées – y compris celles que vous créez pour apaiser votre esprit –engendrentdeladouleurdedeuxmanières:d’unepart,ellesfontressurgirdesévénements douloureux ; d’autre part, elles amplifient l’impact de la douleurd’absence,del’évitementetdelafusioncognitive.

Laissez-vous aller à penser à l’undevos souvenirs douloureux et observez cequisepasseenvous.Trèsvite,vousallezcomprendrecommentlementalcréeladouleur : il se souvient des événements passés et anticipe ceux à venir. Ceprocessus d’évaluation, qui nous permet de résoudre nos problèmesmatériels,nousamènemalheureusementaussiàrevivrelespenséesetsentimentsnégatifsdupassé,etàcraindrequ’ilsnesemanifestentànouveau.

À ce processus d’évaluation s’en ajoute un autre, peut-être plus importantencore, qui est l’auto-conceptualisation. Vous pouvez apprendre à changer leprocessus par lequel vous vous percevez, mais vous devez commencer paridentifierlesdouleursquevousévitez.

UnjournaldesdouleursCet exercice vous propose de tenir l’inventaire de vos douleurs pendant unesemaine. Il s’agit de mettre en évidence les pensées qui accompagnent votredouleur, cequi exigedu tempsetde l’implication–mais le résultatvous serabénéfique.Faitesseptcopiesdu tableausuivantafind’enremplirunpar jour2.Veillezàgardersurvousvotre«journaldesdouleurs»enpermanence,pendanttoutelasemaine.Quandvousvoussentezenluttecontrevosémotions,enproieàdespenséesdifficiles,des souvenirsdouloureux,des sensationsdésagréablesou des besoins irrépressibles, sortez votre journal et inscrivez sans tarder cesinformations. Il est primordial d’effectuer cet exercice avec régularité pourobtenir lepanoramadesdouleursquivousconcernentetdecequivousarrive

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quand elles apparaissent. Sans vous limiter à elles, intéressez-vous égalementaux réactions associées aux problèmes identifiés dans votre « inventaire dessouffrances»(exercice1).

Unexempled’inventairedesdouleurs

Pourvousmontrercommentremplircetableau,nousavonsprisl’exempled’unepersonneenproieàuneanxiétésocialeetmécontentedesonemploisubalterne.

Jour:lundi

Heure Quefaisiez-vousouques’est-ilpassé?

Avecquoiavez-vouscommencéàlutter

psychologiquement?

Quellespensées(enplusdecellesdelacolonneprécédente)sontelles

apparues?6h00 Réveilléencolère. Jedétestemontravail. Jegâchemaviedanscejob.8h00 Merendaisenvoitureà

uneréunionavecmonchef.

Remarquéquemoncœurbattaitplusvite.Pensé«Ohnon!».

Jenesupportepascesentimentd’anxiété.

10h00 Aidûappelerunclientsansm’êtrepréparéàla

conversation.

Nausée.Pensé«Pasdenouveau!»

Sijepanique,jerisquedeperdrelecontrôledemoi-même.

12h00 Mangédansunkebabunpeusale.

Mavienevanullepart. Riennechangerajamais.

13h00 M’ennuyais.Aubureau,jeregardaislesautres

passerdescoupsdefil.

Jetranspirais.Jevoulaism’enfuir.

C’estinjuste:toutm’estsidifficile,alorsquelesautresy

arriventsanspeine.15h00 Unprospectm’araccroché

aunez.Envieforte,effrayante,dejeterletéléphonepar

terre.

Toutlemonderéussitmieuxquemoi.

18h00 Contentqueletravailsoitfini.

Apparitiond’unsentimentdesolitudeet

devide.

Jesuisunminable.

22h00 Allongédansmonlit. Mesentaisseul.Pensais«Personneneveutde

moi».

Jenesuispasdigned’êtreaimé.

Exercice14:Votrejournaldesdouleurs

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Jour:………………

HeureQuefaisiez-vousouques’est-il

passé?

Avecquoiavez-vouscommencéàlutter

psychologiquement?

Quellespensées(enplusdecellesdelacolonneprécédente)sontelles

apparues?

Commentlirevotre«journaldesdouleurs»

Au bout d’une semaine avec ce journal, vous devriez avoir une meilleure idée des situationsdouloureuses,dutypedeluttequinaîtenvousetdespenséesquiysontassociées.

Certains événements déclencheurs (que vous avezmentionnés dans la deuxième colonne) serépètent-ilsouprésentent-ilsdespointscommuns?Sioui,notez-les:

Àprésent,examinezlesélémentsdeconflitpsychologiquedelatroisièmecolonne.Concentrez-voussurcequis’estpasséenvous(sivousaveznotédesévénementsextérieurs,déplacez-lesdansladeuxièmecolonne).Ànouveau,cherchezlespointscommunsetclassez-lessipossibleen fonction de leur catégorie : pensées, sentiments, sensations, souvenirs ou besoins d’agir(envie de fumer, de fuir, de pleurer…). Notez les points communs et les schémas qui s’endégagent:

À présent, examinez les pensées apparues en association avec vos conflits psychologiques(dernière colonne). Si d’autres pensées vous apparaissent rétrospectivement, vous pouvez lesnoterégalementdansleslignesquisuivent.Cherchezlesschémasquiserépètentetessayezdelesclasserselonqu’ils’agitd’évaluations(jugementsquevousportezsurleschoses),prédictions(tentatives pour prévoir le futur), rationalisations/justifications (essais de compréhension ou declassificationdupassé),ouauto-conceptualisations(jugementsquevousportezsurvous-même,quiapparaissentengénéralsouslaformedephrasescommençantpar«Jesuis…»).Notezcescatégories entre parenthèses. Par exemple, « Je ne supporte pas ce sentiment d’anxiété »relèveraitdel’évaluation;vouspourriezécrire«(évaluationetauto-conceptualisation)»aprèslacase«Jesuisunminable».

Àvous:

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Pour finir, notez tous les points communs que vous remarquez dans les relations entre lescolonnes 2, 3 et 4. Certains sentiments, certaines pensées, tendent-ils à apparaître danscertaines situations données ? Si c’est le cas, notez-le cidessous (dans l’exemple, celadonnerait : « Quand je me replie sur moi-même, je me trouve aux prises avec la solitude etl’anxiété,puisjememetsàm’auto-critiquer.»):

Attention:ilestinutiledechercherdèsmaintenantàutilisercesformulespourtenterderésoudreles problèmes (par exemple « Je devrais arrêter de me critiquer »). Nous verrons très vitecommentlestraiter.Pourl’instant,votretravailestplussimple:voyonssivouspouvezconsidérercequiestarrivé.Ils’agitsimplementpourvousderéuniruncertainnombred’informations.

Regardersespenséesplutôtqu’àtraversellesEnsituationdeconflit,laplupartdesgenssemontrentincapablesd’appréhenderleurspenséesdefaçoncohérente.Danscesmoments,nousregardonsàtraverslapensée. Voyons si cela a été votre cas dans la semaine où vous avez tenu lecomptedevosdouleurs.Lalistequisuitcontient-elledeschosesquivoussontarrivées?

Vousavezparfoisluttépourcontrôlercequevouspensezousentez.Vousavezeutendanceàprendrevospenséeslittéralementetàvoir laviedepuislaperspectivedevospensées.Cespensées,aveclesquellesvousêtesenfusion,ontgénérédavantagedeconflitetdelutte.Lalutten’aserviàrien.

Ensemble,cesfacteurscréentdescirconstancesdangereusesquiontcontribuéàvotre souffrance. Si ces quatre points sont vrais pour vous, alors vous avezcertainementsouffert.Toutefois,plutôtquedetenterdecontrôlervospenséesetvosémotions,neserait-ilpaspréférabled’apprendreàremarquerquevousavezdespenséesouressentezdesémotions?L’actedepensern’estpasdangereux;ledangerapparaîtaumomentoùvous«croyezvospensées»,c’est-à-direquandvouslesprenezausenslittéral,mêmesivotreexpériencevoussignalequevousvous trouvez dans un contexte dans lequel la fusion cognitive n’est passeulementinutile,maisaussidangereuse.

Letraindel’esprit

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Parfois,prendresespenséesaupieddelalettren’estpasgênant.Concernantlesproblèmesdumondeextérieur, lafusioncognitiveestrelativementinoffensive.Maiscen’estpaslecaspourlemondeintérieur,celuidumoi.Danscedomaine,nousdevonsacquérird’autresqualités:commentregardernospenséessanslescroirenilesrejeter,sansfusionneravecelles,sanslutter.Unexercicetrèssimplepeutvousyaider.

Exercice15:Regardezletraindel’esprit

Imaginezquevousvoustrouvezsurunpontquienjambetroisvoiesferrées.Surchacuned’ellesse trouve un train, composé dewagonnets transportant unminerai. Les trois trains paraissentroulersansinterruption.

Le train de gauche transporte seulement ce que vous remarquez au moment présent. Ce«minerai » est donc composé de sensations, de perceptions et d’émotions : il comporte parexemple lessonsquevousentendez, lasensationdevosmainsmoites, lerythmeirrégulierdevotre cœur, la tristesse qui vous envahit soudain,etc. Le train dumilieu charrie vos pensées(évaluations,prédictions,auto-conceptualisations,etc.).Quantautraindedroite,iltransportevosimpulsions,vosenviesd’agir,votrebesoind’éviterl’expérienceetderegarderailleurs,voseffortspourchangerdesujet,etc.Métaphoriquement,cestroisvoiesferréesvouspermettentd’observerlefonctionnementdevotreesprit.

Figure5.1:Letraindel’esprit

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Figure5.2:Coincédansletraindel’esprit

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Àprésent, installez-vousdansunendroit tranquille.Commencezparévoquermentalementunesituationdouloureuserécente,puis fermez lesyeuxetreprésentez-vouscestroisvoies ferrées.Votre mission : rester sur le pont et regarder passer les wagonnets. Rappelez-vous : lessensations,perceptionsetémotionsprésentessetrouventàgauche;vospenséesaumilieu;vosméthodesdecopingetvosbesoinsd’agirsontembarquéssurletraindedroite.Faitesdurercetexerciceauminimum3minutes.Si, à unmomentouunautre, vous vous rendez comptequevotreespritestailleurs,quevotreexpérienceressembleplusàlaphoto2qu’àlaphoto1etquevous vous trouvez dans l’un deswagonnets, aux prises avec ce qu’il contient (votre jugementselonlequelvousnevalezrien,votrecroyancequeriendebonnepeutvousarriverdanslefutur,etc.), constatez-le simplement : il s’agit d’un moment très important – c’est l’un des objectifsmajeursdecetexercice.Repérezcequi vousaentraînédanscettedérive,gardez-ledansuncoindevotretête,puis,endouceur,revenez«surlepont»etreprenezvotreobservation.

L’exerciceterminé,notezdansletableaucidessouscequevousavezremarqué:

Lemineraidutraindel’esprit:sensations,perceptionsetémotionsprésentes Pensées Besoins,actionset

stratégiesdecoping

Si vous n’êtes pas parvenu à rester sur le pont, que vous vous êtes rendu compte que vouspensiezàautrechose,quevousaviezembarquésurl’undeswagonsdutrain,pouvez-vousvoussouvenirdecequis’estpasséjusteavant,dugenredecontenuquivousapousséàladérive?Par exemple, il peut s’agir de souvenirs hautement émotionnels, de remarques à propos de

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l’exerciceluimêmeoudepenséesàproposdel’avenir.Notez-lesici:

À présent, votre tâche est d’apprendre à rester plus longtemps sur le pont et,lorsquevouslequittez,àyrevenirplusrapidement.Nousnousyconsacreronsdanslechapitresuivant.

1.C’estlaraisonpourlaquellel’ACTaétéappeléeàsesdébuts«distanciationcompréhensive»(Hayes,1987).

2.Sivousavezbesoindedavantagedeplace,vouspouvezrecopierletableau.

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Ladifférenceentre«penser»et«croiresespensées»

Chapitre

6

Bienentendu,pensern’estpasmauvaisensoi.Langageetcognitionontpermisaux êtres humains de connaître une évolution spectaculaire et les gens qui lesmanient avec aisance réussissent en général très bien dans de nombreuxdomaines,enparticulierprofessionnels.Noscapacitésàrésoudredesproblèmesnousontpermisderemodelerlemondedanslequelnousvivons.

Lesproblèmessurgissentlorsquenousneparvenonsqu’à«regarderdepuisnospensées»plutôtquede«regardernospensées».Cetteétroitesseetcetterigiditépeuventnouscoûtercher;danscertainsdomaines,prendreaupieddelalettrecequeditnotrementaln’estpaslameilleureapproche.C’estparticulièrementvraiencequiconcernenotredouleurintérieure,émotionnelle.

Considérez par exemple ce qui se passe quand nous appliquons des relationstemporellesetévaluativesàunobjetdenotreenvironnementextérieur.Capablesd’imaginer notre action et d’évaluer son résultat, nous sommes en mesure detesterenpenséelafaisabilitéden’importequelleaction.Si,parexemple,voussupposez qu’un marteau peut casser une noix, vous pouvez frapper une noixavecunmarteaupourtestervotresupposition.

Mais, en ce qui concerne les sentiments et les sensations, les idées sont plusconfuses,moinsfacilesàtester,etdoncplusarbitraires.Siunevoixdansvotretêtevousrépètesouventquevousnevalezrien,laseulesolutionpourtesterla«faisabilité»seraitdesavoirsielleestvraieounon.

Malheureusement, comme nous l’avons vu, le mental peut justifier n’importequellienlogique.Vousendoutez?Alorschoisissezauhasardunobjetprochedevousetdécidezdeluitrouverdesdéfauts.Nousvousgarantissonsque,quelquesoit l’objet, vous y parviendrez. De la même façon, vous trouverez toujoursquelquechosequipourravousconfirmerque«vousnevalezrien».

Inversons l’expérience. À présent, concentrez-vous sur la phrase « Je suisparfait(e)».Répétez-laenboucledansvotretête,ressentez-lapendantquelquesinstants.

Alors, que s’est-il passé ? Les cieux se sont-ils ouverts et la paix s’est-elle

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installée en vous maintenant que vous vous savez parfait(e) ? C’est peuprobable.Pourlaplupartd’entrenous,unetellepenséesetransformetrèsviteendébat(«Non,pasvraiment…»ou«Maisj’aibeaucoupdedéfauts…»).Danslemondeextérieur, il suffitde tapersur lanoixavecunmarteaupoursavoirquel’idée de briser la noix est réalisable. À l’intérieur de nous, nous sommescapables d’embarquer dans les évaluations négatives de notre mental et d’ydemeureréternellementcommeunhamsterdanssaroue.

Pourtant, vous pouvez apprendre à regarder ces pensées plutôt que de voir àtravers elles. Au cœur de la thérapie ACT, ces techniques de « défusioncognitive»vousaidentàdistinguerentrelemondetelqu’ileststructuréparvospenséeset lapenséeen tantqueprocessus.Quandvospensées tournentautourde vous-même, la défusion peut vous aider à distinguer entre la personne quipense et les catégories verbales que vous vous appliquez à vous-même quandvouspensez.Ladéfusionmèneàlatranquillitéd’esprit,nonpasforcémentparcequevotreguerrementalecesse,maisparcequevousnevivezplusdanslazonedecombat.

Ladéfusions’opposeainsiàlafusioncognitive.Souvenez-vousduglokquifait« miaoumeuh » (voir chapitre 2) ; si l’enfant se pique avec une épingle aumomentoùilcréecesrelationsverbales–quandonprononce«miaoumeuh»–,ilrisqued’avoirpeurtoutesavienonseulementdecebruit,maisaussiduglok.

Dans la théorie des cadres relationnels (TCR), nous appelons cet effet une« transformation des fonctions ». Normalement, dans ce cas, les thérapeutestententdetransformerlapeurliéeauglok,parexempleenexposantlepatientàl’événementcraintpourluifaireconstaterqueriendemalneluiarrive.Danslecasd’unadulte,lapsychothérapiepeutchercheràréparerlesrelationsverbales–enmontrantparexemplequeleson«miaoumeuh»n’estpaslamêmechosequela créature glok, et qu’il est donc irrationnel de la craindre. La TCR, elle,suggèrequenouspouvonsaffecterlatransformationdesfonctionselles-mêmesvialadéfusioncognitive.

Lorsquevousapprenezàvoirvospenséesplutôtqu’àlescroire,àlespercevoircommedesprocessusquiarriventdans l’icietmaintenant,vousneperdezpaspour autant de vue « ce qu’elles veulent dire » – les relations verbales sontencore présentes ; vous savez toujours à quoi vos pensées font référence. Enrevanche, l’illusion selon laquelle l’objet de vos pensées n’est présent quelorsquevousypensezestdissoute.Celaréduitnettementl’impactdessymboles.Peutêtre l’avez-vous déjà remarqué, la pensée « J’ai l’impression d’êtreanxieux»esttrèsdifférentedelapensée«Jesuistrèsanxieux».Lapremièreest

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plus « défusionnée » que la seconde. Pour cette raison, elle entraîne moinsd’anxiété.Enapprenantàdéfusionnerdulangage,vousconstaterezqu’ildevientplusfaciled’exercersavolonté,d’êtreprésent,conscient,etdevivrelaviequel’onsouhaite,selonsespriorités,malgrélebavardageincessantdesonesprit.

Dans ce chapitre, vous découvrirez non seulement comment utiliser quelquestechniquesdedéfusioncognitivedelathérapieACT,maisaussicommentcréerlesvôtres.Vousapprendrezégalementàreconnaîtrelessignesannonciateursdelafusionavecvospensées.Ainsi,voussaurezquandcestechniquespeuventêtrenécessairespourétablirunmeilleuréquilibrepsychologique.

Ladéfusioncognitive:séparerlespenséesdeleursréférentsLes techniques de défusion n’ont pas pour but d’éliminer la douleur ou de lacontrôler,mais d’apprendre à être présent dans l’ici etmaintenant, à vivre defaçonplusintenseetmoinsrigide.Sivousmettezvosmainssurlevisageetquequelqu’un vous demande : « À quoi ressemblent tes mains ? », vous pouvezrépondre:«Ellessontsombres.»Maissivousécartezvosmainsdequelquescentimètres, vous pourrez dire : « Elles ont des doigts et des lignes dans lapaume. » De la même façon, prendre un peu de distance par rapport à vospenséesvouspermetdelesvoirtellesqu’ellessont.

Lebutestdepasserau-delàdel’illusiondulangagedefaçonàpouvoirobserverleprocessusdelapensée(lacréationdesliensentrelesévénements)plutôtquesesproduits(vospensées).Lorsquevousproduisezunepensée,celle-cistructurevotreperceptiondumonde.Quandvouslaregardez,vouspercevezlafaçondontellestructurevotremonde(vouscomprenezcequ’elleveutdire)etvousvoyezégalement que c’est vous qui créez cette structure. Cette prise de consciencevous donne un peu plus de recul. C’est un peu comme si vous portiez enpermanencedes lunettesde soleil jaunes, aupoint quevousn’ypensezmêmeplus : la défusion revient à les ôter de votre nez et à les tenir à quelquescentimètresdevotrevisage;ainsi,vouspouvezvoircommentellescolorentlemondeenjaune,plutôtquedevoirlemondeenjaune.

Il fautmaîtriser ladéfusionpourdéciderde façonplus conscientede l’utiliserpouraméliorersavie.Lameilleure façonestdoncdepratiqueretdepratiquerencore.Sans cela, ces techniques resteront lettremorte – c’est comme si vousespériez voir pousser vos biceps en lisant des exercices de musculation. Lapratique seule vous permettra d’utiliser la défusion quand vous le jugerez

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nécessaire.

Dulait,dulait,dulaitPourcommencer,pensezàdulait.Qu’est-cequelelait?Àquoiressemble-t-il?Quel est son aspect ?Notez ci-dessous quelquesuns des qualificatifs qui vousviennentàl’esprit.

Àprésent, pouvez-vousvous représenter le goût du lait ?Si oui, notez cequivouspasseparlatête;danslecascontraire,essayezcettequestion:quelestlegoûtdulaitquandilatourné?Pouvezvouslesentirdansvotrebouche?Delamêmefaçon,notezlespenséesquivousviennentàl’esprit.

Il y a peu de chances pour que vous buviez justement du lait en cemomentmême.Pourtant, laplupartd’entrenousparviennentàs’en« figurer» legoût.Voilàlatransformationdel’effetdefonctionintégréedanslelangagehumain.Àprésent,voiciunpetitexercicetrèsefficacepoursurprendrelamachineàmotsenaction.

Exercice16:Répétezlemot«lait»

Afin de pouvoir réellement vous impliquer dans cet exercice, installez-vous d’abord dans unendroit calme où vous ne serez pas dérangé. Prenez un chronomètre, et pendant 20 à 45secondes1, répétez lemot « lait » à haute voix aussi vite que vous le pouvez. Commencez :« Lait, lait, lait… », puis notez rapidement quelles ont été vos impressions pendant que vousrépétiezsanscesselemot«lait»:

Après cet exercice, qu’est-il advenu du sens dumot ? Lemot évoquait-il lamême image, lesmêmesimpressionsqu’avant?Avez-vousremarquédesélémentsnouveaux?Ilestparexemplefréquentderemarquerquelemot«sonne»defaçonétrange,quelaprononciationchange,ouquevosmusclesbougentdifféremmentpourledire.Notezvosremarques:

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Quandnoussommesprisdansleflotde la littéralité, lefaitderemarquerquelesmotsnesontque des sons et des sensations est très complexe. Par exemple, un bébé percevrait lesparagraphesdutextequevousêtesentraindelirecommedesmotifsvisuels.Pourvous,c’estdifférent:engénéral,vousnepouvezvoirquedessuitesdemotsetdoncdesens.Delamêmefaçon,ilestrarequelesadultespuissententendreleurlanguematernellecommeseulementdessons:ilsentendentobligatoirementdesmots.L’exercicederépétitionpermetdefaire«tomber»temporairementcettesignificationobligatoire.

Profitonsdecettecaractéristique.Prenezunepenséenégativequivoushantesouventausujetdevous-même–reprenezparexemplevotre«inventairedessouffrances»(exercice1)ouvotre«journaldesdouleurs»(exercice14)–etrésumez-laenunmot,lepluscourtpossible.Sivousvoustrouvezimmature,réduisezcette idéeaumot«bébé»;sivousavezpeurquelesautresvoustrouventpeuintelligent,utilisezlemot«bêta».Sic’estvotreagressivitéenverslesautresquivousgêne,choisissezlemot«brute»ou«tyran».Àprésent,inscrivezlemotquivousdécritlemieuxquandvousvousjugezdefaçonvraimentnégative:

Suruneéchellede1à100,àquelpointcemot,appliquéàvous,vousgênet-il?……/100

Suruneéchellede1à100,enquoipeut-ils’appliqueràvousencemoment?……/100

Reprenezàprésentl’exerciceprécédent,enrépétantcetermeleplusvitepossiblependantvingtàquarante-cinqsecondes(sansdépasserceslimites).

Qu’avez-vousexpérimenté?Lemot avait-il lemême impact émotionnel lorsque vous le disiezvite?Enquoia-t-ilchangé?

Àprésent,àquelpointcemotvousgêne-t-ils’ils’appliqueàvous?……/100

Delamêmefaçon,àquelpointvousparaît-il«crédible»encequivousconcerne?……/100

D’aprèsnosétudes,prèsde95%deceuxqui fontcetexerciceconstatentuneréductiondela«crédibilité»dumotàleurégard.Ceteffetseproduitauboutd’environ20secondes(etatteintsonmaximumàenviron45secondes), raisonpourlaquellenousvousavonsdemandédefairedurerl’exercicependanttoutcetemps.Remarquezbienquevousconnaissezencorelesensdumot;mais,pourla majorité d’entre vous, sa fonction émotionnelle a diminué. Pour le dire defaçonplustechnique,lesfonctionsdérivéesdutermedisparaissenttandisquesesfonctionsdirectes (parexemple lessonsqui leconstituent)prennentdavantaged’importance.Lemotredevient–plusoumoins–«justeunmot».

DuconditionnementnatureldelapenséeL’exerciceprécédentpermetdecomprendrelanaturedulangage.Enplusdeceàquoi ils font référence, les mots sont aussi des formes « vides ». En voussaisissantdecetteidéeetenladéveloppant,vouspouvezapprendreàmodifierla

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relationentrelesmotsetvotredouleur.Danslecascontraire,vousdemeurezlacibleconsentantedesproductionsdevotreconditionnementverbal.Après tout,savez-vousvraimentd’oùviennentcesmotsdontvotreespritvousbombarde?

Jeuxdemots

Complétezlesphrasesquisuiventaveccequivouspassespontanémentparlatête.

–Lesblondessontplus……………………–Àlaune,àladeux…………………….....–Riennevaut…………………………………..

Où se situe, d’après vous, l’origine des phrases que vous avez écrites ? Dans votrehistoire ? Alors, voyons si nous pouvons facilement effacer les effets de cette histoire.Imaginez qu’il soit réellement important que le mot qui complète « Les blondes sontplus…»nesoitpaslemot«rigolotes»,niaucunsynonyme.Imaginezquevousnedevezmême pas penser au mot « rigolotes ». Voyons si c’est possible. Reprenez l’exercice.Écrivez un mot, mais en vous assurant que ce ne sera pas « rigolotes », ni même unsynonymelointain.Àvous:

–Lesblondessontplus……………………

Àprésent,remarquezsimplementcequ’afaitvotreespritetdemandezvous:

–Avez-vousréussicetexercice?Oui/Non(entourezlabonneréponse)

Sivousavezentouré«non»,vousavezsansdouteobservécequis’étaitproduit.Danslecascontraire,souvenez-vousquenousvousavionsinterditdepenserlemot«rigolotes».Or,pourêtrecertaind’avoirréussi,ilfautquevousayezvérifiéquevousn’aviezpasécritlemot«rigolotes»…Vousvoilàainsiprisaupiège:vousavezdûobligatoirementpasserparlui.

Quelesticinotrepropos?Unefoisqu’unréseauderelationsaétécréé,vousnepouvezpaslechasser,maisseulementélaboreràpartirdelui.Noussommeslescréatures de notre propre histoire, à laquelle s’ajoute chacune de nosexpériences. Nos systèmes nerveux fonctionnent par addition, pas parsoustraction. D’une certaine façon, tout ce que nous apprenons fait partie denouspour toujours.Lesmotsnefontquetournerdanslesréseauxverbauxquidélimitentnos esprits.Et, engénéral, ilsy restent.Sinous tentonsdenousendébarrasser,ilsrestentcollésànouscommeunmorceaudesparadrap.

Cette situation n’est sans doute pas grave lorsqu’il ne s’agit que de compléterunephrasedutype«Lesblondessontplusrigolotes»–aussistupideetsexisteque cette phrase puisse paraître. Mais le langage n’est pas toujours aussiinoffensif.Complétezparexemplelesphrasesquisuivent:

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Jenesuispasunebonnepersonne,jesuis……………………Jesuissitristequejecroisquejevais……………………Lepire,avecmoi,c’estquejesuis……………………

Certainsdesmotsquevousvenezd’écrirepeuventêtreblessantspourvous.Etpourtantvoussavez lesécrire–vousvenez justede le faire. Ils fonteuxaussipartiedevotrehistoireetsurgissentdetempsàautre.Etl’histoireesttrèssimpleàcréer.Envoiciunepreuve.

Leprixduglok

Soucieuse de développer sa promotion, l’ACT lance un grand jeu téléphonique : nousoffronsunmilliond’eurosàtoutepersonnequipourrarépondreàlaquestionsuivante:quelestlecriduglok?(Unindice:laréponseest«miaoumeuh».)Dèslemoisprochain,nousappelleronsdeslecteurspotentielsauhasard.Quiconquepourranousdirequeleglokfait«miaoumeuh»gagneraunmilliond’euros!Vousvousensouviendrez?

Àprésent,soyonsfrancs:cequiprécèdeestunmensonge.Nousn’avonspasunmilliond’eurosetnousnesavonspasoùvousvivez.Pourtant,quecroyez-vousqu’ilsepasseraitsiparmiraclequelqu’unvousdemandaitdemainquelestlecriduglok?Pensez-vousquevousvousensouviendriez?C’estfortprobable.(Sice n’est pas le cas pour vous, nous vous recommandons un autre exercice :relisez vingt fois ce qui précède.) Et la semaine prochaine, vous souviendrez-vousdu«miaoumeuh» ?dansun an ?N’est-il paspossibleque si l’onvousposait la question sur votre lit demort, vous vous rappeliez encore du cri duglok?

C’estidiot,maisvoilàqu’unprécieuxespacedevotrecerveauseraoccupépourlerestedevotrevied’uneinformationabsurde…C’estainsiquefonctionnelelangage.

Ilesttrèssimpledeconstruireunréseauderelationssusceptiblededurertoutevotrevie–quelquesmotspeuventsuffireàlefaireveniràvotreesprit.Ilenvademêmepourlesévaluationsnégativesetlespenséesdouloureuses…Onpeutcependant apprendre à les voir comme de « simples mots », des élémentsconditionnésquiapparaissentdanscertainessituations.

L’exercicequiconsisteàrépéter lemot« lait» leplusvitepossibleparvientàdissiper pour un instant l’illusion du langage. En vous exerçant, vous pouvez

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apprendre à développer les outils dont vous avezbesoin chaque fois quevousvous trouvezprisaupiègedevotrepropre réseauconditionnédemotsetqu’ilvousmèneàl’échec.

Vousn’enavezpasbesoinenpermanence.Parfoislafusioncognitiveestutileouanodine. Quand on remplit sa feuille d’impôts, face aux complexités duformulaire, rien ne sert de penser que lesmots ne sont « que desmots ». Enrevanche, quand vous souffrez psychologiquement, vous avez besoin deméthodesquivousaidentàpercevoirleprocessusdulangage,passeulementsesrésultats.

Identifiersesexpériences

Dans un premier temps, vous pouvez apprendre à cataloguer vos différentesexpériencesàmesurequ’ellesseproduisent.

Exercice17:Cataloguezvospensées

Aupréalable,prenezquelquesminutespour laissercourir librementvospenséesenobservanttout ce qui se présente à vous. Énoncez-les ensuite à voix haute et cataloguez-les selon leurnature.Commencezpardespropositionstellesque«Jeconçoislapenséeque…»,«J’éprouvelesentimentque…»,«Jeretrouve lesouvenirde…»,«J’éprouve lasensationque…»,«Jeconstatel’enviede…».Siparexemplevouspensezquevousavezdeschosesàfaireplustard,dites:«Jeconçoislapenséequej’aideschosesàfaireplustard.»Sivousvoussenteztriste:«J’éprouveunsentimentdetristesse.»

Àvous:

Ce processus vous permet de défusionner du contenu de vos expériencespersonnelles.Parexemple,vouspourrezremarqueràquelpointlesphrases«Jesuis déprimé » et « J’éprouve le sentiment d’être déprimé » sont différentes.Nous vous encourageons à continuer à appliquer rigoureusement, pendant aumoinsunesemaine,cegenred’étiquetagedansvosconversations intérieures–c’est-à-diredanslafaçondontvousvousparlezàvous-même.Ensuite,utilisezcecataloguechaquefoisquevousvous trouverezprisaupiègedevosproprespenséesoudevossentimentsetquevousaurezbesoindeprendreunecertainedistance. Vous ne souhaiterez peutêtre pas le faire à voix haute – cela peut

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paraîtreétrange.Toutefois,sivotreconjointoudesamissontaucourantdecequevousentreprenez,vouspourrezlefaireenleurprésence.

RegardersespenséesalleretvenirDanslechapitre5,vousavezapprisàremarquerlespenséesquivousviennentàl’esprit(grâceàl’exercice15).Allonsplusloin.

Exercice18:Lesfeuillessurleruisseau

Cetexerciceseréaliselesyeuxfermés.Lisezd’abordlesinstructionsafind’êtresûrdelesavoircomprisesavantdevouslancer.

Imaginezun ruisseauqui coule lentement. Il serpenteentre lespierreset lesarbres,dévale lapenteverslavallée.Detempsàautre,unelargefeuilletombesurl’eau,quil’emporte.Imaginezque vous êtes assis au bord de ce ruisseau par une belle journée. Le soleil est haut ; vousregardezflotterlesfeuilles.

À présent, prenez conscience de vos pensées. Chaque fois que l’une d’elles vous apparaît,imaginezqu’ellesedéposesurunefeuille.Sivouspensezenmots,posezlemotsurlafeuille;sivouspensezenimages,déposez-yl’image.Lebutestderesteraubordduruisseauetdelaisserpartirlesfeuillesaufildel’eau.Necherchezpasàaccélérerouàralentirlecoursdel’eau,nicequiapparaîtsur les feuilles.Sicelles-cidisparaissent,ousic’estvousquidérivezàvotre tour,arrêtez-voussimplementetnotezquecelas’estproduit.Gardezcetteinformationpourplustardetretournezaubordduruisseau;prenezconsciencequ’unepenséevousarrive,écrivez-lasurunefeuilleetlaissezlafeuillesuivrelecoursduruisseau.

Faitesdurercetexerciceaumoins5minutes,montreenmain.Revenezensuiteauxquestionssuivantes:

Combiende tempsenvironavez-vouspratiqué l’exerciceavantd’être«pris»parunedevospensées?

Sileruisseaus’estarrêté,ousivousavezchangéd’endroitdansvotreesprit,notezcequis’estproduitjusteavantcebasculement:

Sivousn’êtespasparvenuàvisualiserleruisseau,écrivezàquoivouspensiezpendantcetemps:

Vous pouvez considérer lesmoments où le ruisseau ne coulait pas comme desmoments defusion cognitive, et ceux où il coulait comme des instants de défusion. Bien souvent, nousfusionnonsavecdespenséessansmêmenousenrendrecompte.Lespenséesàproposdecetexercicepeuventêtretrès«collantes»:sivousavezpenséparexemple«Jenefaispascequ’ilfaut»ou«Cetexercicenemarchepasavecmoi»,ils’agitdepenséesaveclesquelleslerisquedefusionestgrand.Dansbiendescas,onnelesconsidèremêmepascommedespensées.Despensées fondéessur l’émotion, la temporalitéou lacausalitépeuventdemêmese révéler trèsenvahissantes.

Répétezcetexercicerégulièrementpourvérifierquevousvousaméliorezaufil

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dutemps–sivousparvenezàlaissercoulerleruisseau.

MatérialisersesémotionsetsessentimentsLorsque vous considérez un objet extérieur, la distance entre lui et vous estrelativement claire. Mais lorsque pensées et sentiments douloureux vousdominent, il peut être difficile de les regarder en face. Il faut pourtant lesexaminerpoursavoirs’ilestnécessairedelescombattre.

Exercice19:Décrivezvospenséesetvossentiments

Choisissezl’undessujetsdouloureuxdevotre«inventairedessouffrances»(exercice1)oudevotre«journaldesdouleurs»(exercice14).Prenezunpeudetempspourentrerencontactaveccetteexpérience.Visualisez-lasouslaformed’unobjetquevousposerezparterredevantvous,àenvironunmètrededistance.Répondezalorsauxquestionssuivantes:

Sicetobjetavaitunecouleur,quelleserait-elle?

S’ilavaitunetaille,quelleserait-elle?

S’ilavaituneforme,quelleserait-elle?

S’ilavaitdelaforce,quelleserait-elle?

S’ilavaitdelavitesse,quelleserait-elle?

S’ilavaitunetexture,quelleserait-elle?

Àprésent,observezcetobjet.Pourriez-vouscesserdeluttercontrelui?Pourriez-vousapprendreà supporter cette manifestation symbolique de votre douleur, avec sa forme, sa couleur, satexture,etc.?Qu’ya-t-il réellementdansvotreexpériencequivousobligeà la repousser,ànepas l’accepter telle qu’elle est ?Cette créaturedoit-elle être votreennemie?Après tout, cettepauvrechosen’anullepartoùaller…

Prenezquelquesminutespournoter les impressionsquefaitnaîtreenvousvotre«créature».Porteztoutparticulièrementvotreattentionsurlespenséesetlesémotionsqu’elledéclencheenvous,etvoyezsivousparvenezàarrêterprogressivementdelacombattre.

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Si vous rencontrez en vous une résistance, une envie de lutter, du dégoût, du jugement, etc.envers cette créature, déplacez légèrement celle-ci sur le côté. Visualisez alors ce mêmesentiment de résistance et placez-le devant vous, à côté de la créature. Puis posez-vous lesquestionssuivantes:

Sivotresentimentderésistanceavaitunecouleur,quelleserait-elle?

S’ilavaitunetaille,quelleserait-elle?

S’ilavaituneforme,quelleserait-elle?

S’ilavaitdelaforce,quelleserait-elle?

S’ilavaitdelavitesse,quelleserait-elle?

S’ilavaitunetexture,quelleserait-elle?

Considérez à présent ce second objet, qui constitue une représentation symbolique de votrerésistance.Voyezsivousparvenezprogressivementàcesserdelacombattre.Ilnes’agitpasdes’en détourner, mais bien d’expérimenter cet objet symbolique, avec sa forme, sa couleur, satexture,etc.Qu’ya-t-ilréellementdanscetteexpériencequivousobligeàlarepousser,ànepasl’accepter telle qu’elle est ? Cette créature doit-elle être votre ennemie ? Ne pouvez-vousl’accepter comme une expérience personnelle que vous rencontrez de temps à autre ? Aprèstout,cettepauvrechosen’anullepartoùaller…

Sivousparvenezà«déposerlesarmes»faceàcetobjet,jetezalorsuncoupd’œilàceluiquevousavezcrééd’abord.Vousparaît-ildifférententaille, forme,couleur,etc.?Sioui,notezvosremarques:

Lorsque vous vous sentez prêt, réintégrez ces objets à l’intérieur de vous, l’un après l’autre.Essayezdelefaired’unefaçonbienveillante,commevousaccueilleriezvosenfants,mêmes’ilsétaient saleset épuisésaprèsune longue journéepasséedehors : nul besoind’apprécier leuraspectouleurodeurpourleslaisserentrer.Cespauvresorphelinsn’ontnullepartoùaller…

VocalisesvariéesLes exercices de défusion peuvent aussi être amusants. Lorsque nous nousdisonsdeschosescomme«Jesuissistresséquejevaisexploser»ou«Jesuisune mauvaise personne », il est possible d’aller vers la défusion d’avec ces

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pensées en modifiant leur contexte habituel. Utilisées au bon moment, cesapprochespeuventêtretrèslibératrices.Voiciquelquesexemples.

Dites-lelentementÉnoncez très lentement vos pensées ou sentiments troublants, un peu commequandonpassaitun45toursà33toursparminute.Unesyllabeparrespirationestunbonrythme.Sivouspensezparexemple«Jesuismauvais»,étirezcettephraseaumaximum:« Je»à l’expiration,« suis»à l’inspiration,«mau»àl’expirationsuivante,et«vais»pourfinir,eninspirant.

Dites-leautrementUnautre exercice possible consiste à parler à voix haute en utilisant unevoixdifférentedelavôtre.Sivouspensezparexemple«Jenevauxrien,jenesaisrien faire correctement », voyez si vous pouvez le dire d’une voix très hautperché,ouaucontrairetrèsbasse;aveclavoixdeDonaldDuck,celledeDarkVador,celledel’hommepolitiquequevousaimezlemoins,etc.Lebutn’estpastantdetransformervotresentimentparrapportàcettepenséequedevoirqu’ilnes’agitqued’unepensée,etquecequevousenfaitesestdevotreressort,pasexclusivementdeceluidevotremachineàmots.

Dites-leenchantantEtsivousfaisiezunechansondevospenséesdifficiles?Prenezunairconnuetajoutez-yvosparoles – chantezhaut et fort «Mon esprit est pleindepenséestristes»par exemple.N’importequelle chansonconviendra,maisne cherchezpas à ridiculiser ou à critiquer vos pensées. Contentez-vous de prendreconscience, pendant que vous chantez ces paroles, que ce ne sont que despensées.

RadioVipèreImaginez que la partie de votre esprit qui crée ces pensées négatives soit unestationderadiospécialiséedanslesmauvaisesnouvelles…Commeleferaitunanimateur, lancez : « Vous êtes bien sur Radio Vipère ! Radio Vipère, lesmauvaisesnouvellesvingt-quatreheuressurvingt-quatre!Flashspécial:Untel(votre nom) ne vaut rien ! Plus de détails dans notre prochaine édition. »N’hésitezpasensuiteàcontinuerces«flashesspéciaux»aveccequivouspasseparlatête–sic’estquelquechosede«positif»,vouspouvezl’annonceraussi,mais, étant donné le slogan de la radio, l’animateur en paraîtra certainement

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contrarié…

Plus loin, nous vous proposons des exercices similaires et, peu à peu, vousinventerez les vôtres. Tous ont le même objectif : vous aider à prendre lamachine àmots en flagrant délit plutôt quede vous laisser embarquer dans lemondequ’ellestructure.

Descriptionsversusévaluations

Nospenséessontsienvahissantesquenousfinissonsparcroirequ’ellesviennentdumondeextérieur,enoubliantquec’estnousquilesfaisonsnaître.Ainsi,nousnoussentonsopprimésparcemondeque,sanslesavoir,nousavonscréé.Unebonne façon de rompre ce cercle vicieux est d’apprendre la différence entredescriptionsetévaluations.

Lesdescriptionssontdesverbalisationsliéesauxaspectsouauxcaractéristiquesobservablesd’unobjetoud’unévénement.Cesaspectsetcaractéristiquessontlesattributspremiersdel’objetoudel’événement.Defait,ilsnedépendentpasdenotrehistoirepersonnelle ; ilsdemeurent liésà l’objetquellequesoitnotreinteractionaveccelui-ci.

ExemplesCettetableestenbois.(Lestablessontsolides,plates,ontquatrepiedsouplus,etc.Celle-cienparticulierestconstruiteenbois.)Je me sens anxieux et mon cœur bat plus vite. (L’anxiété implique certainssentiments,certainessensations,certainsbesoins.Cetépisodeparticulierinclutuneaccélérationdupouls.)Monamimecriedessustrèsfort.(Ilcrieetsavoixesttrèsforte.)

Les évaluations sont nos réactions aux événements ou à leur aspect. Nouspouvons comparer les comportements et les événements et les étiqueter, lesévaluer (bonoumauvais, appréciablesounon, supportablesou insupportables,grossiers ou polis, permissifs ou non, etc.). Les évaluations sont des attributssecondaires.Ellesonttraitànosinteractionsaveclesobjets,lesévénements,lespensées,lessentimentsetlessensations.

Exemples

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C’estunebelletable.(Labeautéesteninteractionaveclatable,ellenefaitpaspartied’elle.)Cetteanxiétéestinsupportable.(«Insupportable»esteninteractionavecl’anxiété;cettequaliténefaitpaspartiedel’anxiété.)Monamiestinjustedemecrierdessus.(L’injusticeesteninteractionavecmonami,elleneluiappartientpas.)

Une grande partie de notre souffrance provient du fait que nous prenons nosévaluationspourdesdescriptions.Trèssouventnouscroyonsquenosopinionssont des attributs premiers et, par conséquent, qu’elles sont descriptives.Pourtant,enexaminantlasituationdeplusprès,celadevientbienmoinsévident.

Exercice20:Explorezladifférenceentredescriptionsetévaluations

Il s’agit de faire vous-même la distinction entre descriptions (attributs premiers) et évaluations(attributssecondaires).Lorsqu’ils’agitd’objetsextérieurs,ilestrelativementsimplededistinguerlesdeuxtypesdepropriétés:sivousdisparaissiez,lesattributssecondairesdisparaîtraient,paslesattributspremiers.S’iln’yavaitaucunecréaturevivantedansl’univers,enquoilatableserait-elle«belle»?Sanstémoin,sa«beauté»disparaîtrait;enrevanche,elleresterait«debois».Cettedistinctiondevientpluscomplexeencequiconcernevotremondeintérieur,carlaméthodene peut fonctionner sans vous. Pourtant, si l’on s’exerce d’abord sur des objets réels, nouspouvonsapprendreàfairedemêmesurnospenséesetnossentiments.Commençonsdoncpardesobjetsconcrets.

Notezplusieursattributsd’unarbre:Attributsprimaires(feuilles,couleurs,etc.):

Attributssecondaires(vilain/disgracieux,menaçant,beau,etc.):

Notezensuiteplusieursattributsd’unfilmquevousavezvurécemment:

Attributsprimaires(durée,nomdel’actriceprincipale):

Attributssecondaires(ennuyeux,enthousiasmant,troplong,pasassezdramatique,l’actriceétaitsexy,etc.):

Faiteslalistedesattributsd’undevosamis:

Attributsprimaires(taille,couleurdescheveux,etc.):

Attributssecondaires(intelligent,beau,laid,gentil,méchant,etc.):

Tentonsàprésentdedistinguerlesattributsprimairesetsecondairesdevosémotions.

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Toutd’abord,notezuneémotiondouloureuse:

À présent, faites une liste des attributs de cette expérience, tout comme précédemment.Souvenez-vousque lesattributsprimairessont lesqualitésdirectesde l’expérience, tandisquelesattributssecondairessontlafaçondontvousjugezouévaluezl’expérience.Parexemple,unepersonnesujetteàdesaccèsdepaniquepourrait considérer lepoulsélevéet la sensationdevertige comme des attributs primaires, et « la pire expérience de ma vie » comme attributsecondairedelacrisedepanique.

Attributsprimaires:

Attributssecondaires:

Savoir faire la différence entre descriptions et évaluations permet de distinguer quand votrementalenregistreuneexpérienceréelleetquandilfabriquesespropresjugementsàproposdecelle-ci.Vouspouvez souligner cette distinction en y ajoutant des« étiquettes », commedansl’exercice 17. Vous pouvez par exemple dire : « Je suis en train de juger que l’anxiété estnéfaste.»

QuelquesautrestechniquesdedéfusionVoiciunesériedestechniquesdedéfusioncognitiveutiliséesparlesthérapeutesdel’ACT.Bienquelalistesoit longue,ilnes’agitpourtantqued’untrèspetitéchantillon,carils’eninventechaquejour.Unefoisquevousaurezcomprislesprincipes de la défusion cognitive, vous pourrez en imaginer vous-même denouvelles.

Defait,c’estcequenousvouspréparonsàfaire.Nousvousproposonsla listequisuitpourdeuxraisons:d’unepart,vousdevezêtrecapabled’appliquercestechniquesàvotreproprevie etdévelopper ainsivotrepratiquede ladéfusioncognitive;d’autrepart,lalistesuivantevousmontreraquecestechniquessonttrèsnombreusesetcelavousaideraàimaginerlesvôtres.

Destechniquesdedéfusioncognitive

MonsieurMental

Traitezvotrementalcommes’ils’agissaitd’unévénementextérieur,presqueunepersonneséparée,parexemple:«Tiens,voilàqueM.Mentalpointesonnez»,

ou«M.Mentals’inquièteencore».

Félicitations

Remerciezvotrementalquandvousconstatezqu’ilformuledesopinionsoudesinquiétudes.Faites-luipartdevosappréciations,parexemple:«Commetues

soucieuxaujourd’hui!Mercipourtonintervention.»Ilnes’agitpasdesarcasme;aprèstout,lamachineàmotsfaitexactementcepourquoielleest

conçue:résoudrelesproblèmesetéviterlesdangers.

OuvertquoiSivousremarquezquevouscommencezàlutterintérieurementlorsquedes

élémentsnégatifsapparaissent,demandezvoussicettenégativitéestacceptable

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qu’ilarrive etessayezderépondreparl’affirmative.

Simpleremarque

Utilisezlevocabulairedel’observationpourparlerdevosexpériencesintérieures,parexemple:«Encemoment,jeremarquequejemejugemoi-

même.»

Croireensespensées

Utilisezdestournuresquimettentenévidenceladifférenceentrelapenséequiapparaîtetlefaitquevousyajoutezfoi,parexemple:«Oui,encemoment,je

croislapenséequimeditquejenevauxrien.»Pop-upmentaux

ConsidérezvospenséesnégativescommeautantdefenêtrespublicitairesintempestivessurInternet.

Leportablemaudit

Considérezvospenséesnégativescommeuntéléphoneportablequevousneparvenezpasàéteindre,etquivousdiraitparexemple:«Allô,c’estlemental.

Tusaisqu’ilseraittempsdet’inquiéter,là?»

Rechercheexpérimentale

Cherchezdenouvellesexpériences,surtoutsiellessontdifficiles.Sivotrementalvousdéconseilledefairequelquechosed’effrayant,maisquipourraitêtregratifiant,remerciez-lepoursonavisetlancez-vousdansl’expérienceavec

enthousiasme.

Àl’affiche

Inscrivezsuruneétiquetteadhésiveuneévaluationnégativedontvousêtesprêtàdéfusionner(parexemplevousêteslamentable,stupide,colérique,

détestable…)etportez-lasurvouscommeunbadge.N’expliquezrienàpersonnependantunmoment:contentez-vousderessentircequeçafaitdele

mettre«àl’affiche».

Letee-shirt«Mental»

Imaginezquelesévaluationsnégativesdontvousêtesprêtàdéfusionnersontinscritesengrossurvotretee-shirt.Sivousvoussentezparticulièrement

courageux,faites-levraiment!

Contre-piedSivotrementalvousretientdefaireuneaction,lancez-vousenvousordonnantmentalementdenepaslefaire.Parexemple,levez-vousetmarcheztouten

répétant:«Jenepeuxpasbougerenparlant.»Despensées,

pasdescauses

Siunepenséesembleempêcheruneaction,demandezvous:«Est-ilpossibledepensercelaETdefaire…?»Testezcetteméthodeenayantdélibérémentàl’espritlapenséequivousbloque,toutenfaisantcequ’ellechercheàbloquer.

Lesmonstresdanslebus

Considérezvosexpérienceseffrayantescommedesmonstresàbordd’unbusquevousconduisez.Est-ilpossibledecontinueràconduireaulieudeleurobéir

oudeleurdemanderdedescendre?

C’estqui,lechef?

Traitezlespenséescommedespetitsvoyousquiessaieraientdevousintimider.N’hésitezpasàleurparlervertement.Aprèstout,quiestlechef?Etdequelle

vies’agit-il:decelledevotreespritoudelavôtre?C’estvieux,ça?Çameressemble?

Justeavantd’accepterunepensée,demandezvous:«Dequanddateceschéma,cetteidée?»et«Est-cequeçameressemble?»

Àquoiçasert?

Justeavantd’accepterunepensée,demandezvous:«Àquoipeutservirdecroireàcettepensée?»Sicen’estpasvraimentdansvotreintérêt,ne

l’acceptezpas.

D’accord,tuasraison

Sivousluttezpour«avoirraison»,mêmesicelanevousaidepasàavancer,imaginezque«leroietlareineontditquevousaviezraison».Etmaintenant,

quepouvez-vousfairepouraméliorervotrevie?

Page 91: Être bienveillant avec soi-même

Iln’yapasde«mais»

Dansvospensées,quandvousparlezdevous,remplaceztousles«mais»pardes«et».

Pourquoi,pourquoi?

Sivosraisonsd’agirvousparaissentconfusesetcomplexes,interrogez-vousjusqu’àcequevousnepuissiezplusrépondre.Ainsi,vousverrezmieuxàquelpointvosréflexionspeuventêtrecreusesetcombienl’évitementd’expériencepeutcréerladouleurd’absence.Parexemple:«Jenepeuxpaslefaire.–

Pourquoi?–Çamerendanxieux.–Etpourquoicelasignifierait-ilquetunepeuxpaslefaire?–Euh,jenesaispas…»

Uneautrehistoire

Sivousêtesprisdansunehistoiredevie«logique»maistriste,quiexpliquepourquoileschosessontcommeellessont,rédigezcettehistoire,puisreprenezlesfaitseux-mêmesettransformez-lesenunehistoiretotalementdifférente.

Répétezcetexercicejusqu’àcequevousvoussentiezplusouvertauxnouvellespossibilitésdevotrehistoire.

Qu’est-cequejepréfère?

Vousluttezpouravoir«raison»,mêmesicelanevousaidepasàavancer.Demandezvous:«Qu’est-cequejepréfère?Avoirraisonouvivrebien?»

Nepaspenserà…

Choisissezunepenséeànepasavoir,puisprenezconscienced’ypenser.

L’inévaluableVousvoustrouvezprisaupièged’évaluationsnégatives.Regardezautourde

vousetconstatezquelemoindreobjetpourraitêtreévaluénégativementsivousledécidiez.Pourquoienirait-ildifféremmentdevous?C’estcequefaitlemental

depuisdesmillénaires.

Çamarchebien?

Justeavantd’accepterunepensée,posez-vouslaquestion:«Est-cequeçaadéjàmarchépourmoi?»Sicen’estpaslecas,demandezvouss’ilvautmieux

êtreguidéparvotrementalouparvotreexpérience.

PetitesfichesNotezvospenséesnégativessurdesfichescartonnéesetgardez-lessurvous.Considérezcettepratiquecommeunemétaphoredevotrecapacitéàporter

votrehistoiresansperdrepourautantlecontrôledevotrevie.

Clésdelapensée

Associezvospenséesetvosexpériencesdifficilesàvosclés.Faitesquelespenséesreviennentàvotreespritchaquefoisquevoussortezvotretrousseau.

Portez-lesavecvous,commevosclés.

CréersesproprestechniquesdedéfusionSivousavezsibienpratiquélesexercicesettechniquesdecechapitrequevousavez compris la défusion cognitive, vous devriez être capable de créer vosproprestechniques,cequivouspermettrad’utiliserladéfusionàvotreguise.

Commencezparunepenséecontrelaquellevousluttez.Notez-la:

Àprésent, imaginez un contexte où il n’y aurait ni à croire cesmots, ni à lesmettreendoute,maisseulementàlesremarquer,àlestrouveramusantsousansgrandeimportance,sansluttersurleursignification,commeparexemplequand

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vous lisez la presse people, quand vous écoutez un humoriste, etc. Enconsidérant ainsi le problème, vous pouvez mettre en place votre propretechniquededéfusion.Àvous:

Utilisez cette technique sur despenséesnégatives.Si, après cet exercice, vousavez l’impression de mieux voir qu’il ne s’agit que de pensées, alors votretechniquefonctionne.

QuandutiliserladéfusionLa fusion étant permanente, omniprésente et impossible à arrêter, nous ne laremarquons pas. Voici quelques indices qui peuvent suggérer que vous avezfusionnéavecvospensées.

Ellesvoussemblentvieilles,familières,sansvie.Vousvousplongezdansvospenséesetlemondeextérieurdisparaîtpendantuntemps.Votrementalvoussemblecomparatifetévaluatif.Vousn’êtespasàcequevousfaites,vousêtesailleurs.Votrementalvoussembletrèsenclinàjugerqueleschosessontjustesouinjustes.Votrementalestoccupéouconfus.

Sivotrecomportementnevoussemblepasoptimaletquevouspercevezl’undeces indices,mettez-vous à la recherche d’une pensée « fusionnée » et utilisezl’unedevostechniquesdedéfusion.

L’étape suivante de ce processus est d’apprendre à rester à l’écoute de vospensées,devossentimentsetdevossensations.Lesdeuxprochainschapitresdecet ouvrage vous aideront à comprendre ce qu’est la pleine conscience(mindfulness)etcommentresterencontactaveclemomentprésent.

1. Les études indiquent qu’il s’agit du temps idéal pour mettre en évidence ce que nous cherchons àdémontrer(Masudaetal.,2004).

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Sijenesuispasmespensées,alorsquisuis-je?

Chapitre

7

Dans les chapitres 5 et 6, vous avez appris à vous mettre à distance de vospensées, qui peuvent vous emprisonner. Évaluations et auto-conceptualisationsenparticuliersontdestypesdepensées«fusionnées»quimènentfacilementàdesformesd’évitementcontre-productives.

Prendreconsciencedesesauto-conceptualisationsLesauto-conceptualisations sontdesaffirmationsdevotremental àvotre sujetque vous acceptez implicitement comme vraies. Elles accentuent la rigiditépsychologique.Répondezspontanémentauxquestionssuivantes,sanshésiteràproposerplusieursréponses.

Jesuisquelqu’unqui

Jesuisquelqu’unquine

Cequejepréfèreenmoi,c’est

Cequej’aimelemoinsenmoi,c’est

Jenesaispas

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Concentrez-vousmaintenantsurunedevosréponsesnégatives.Supposonsquevousavezrépondu«estagoraphobe»à lapremièrequestion. Imaginonsalorsquevotreagoraphobies’évanouissed’unseulcoup,commeparmagie,sansrienchangeràvotrepersonnaliténiàvotrehistoire.Danscecas,quicelagênerait-il?

Laquestionnevousparaîtpasavoirdesens?Réfléchissez.Sivotreproblèmevenait à disparaître,qui serait la personne qui aurait eu tort pendant tout cetemps?Comprenez-vousàquelpointvousêtesinvestidansvosétiquettes,voshistoiresetvosjustifications?Mêmesivousdétestezcetteétiquette(l’idéequevous êtes agoraphobe), si vous l’appliquez à vous-même ou à votrecomportement de façon fusionnelle, vous vous y êtes investi.Dès lors, si toutprouvequ’elleestvraie,vousavezaumoinsraison.Defaçonperverse,celaveutdirequevotrementalvouspousseànerienychanger,mêmesivousensouffrezterriblementencemoment.

Le problème avec le fait de s’identifier à un aspect particulier de votrepersonnalité est qu’une fois attaché à cet aspect, vous êtes prêt à distordre laréalitédanslebutdemaintenircettevisiondevous.C’estvraipourlesaspectspositifs comme pour les aspects négatifs. Si, par exemple, vous avez répondu«magentillesse»à«cequejepréfèreenmoi»,irez-vousjusqu’àdirequevousêtestoujoursgentil?Partoutetentoutescirconstances?Quitteàmentir?

Les êtres humains sont complexes. Quand vous dites « Je suis ceci » (que le«ceci»soitpositifounégatif),ilnepeutenaucuncass’agirdelavéritéentière.Mêmesivousvousvoyezcommeun«grandanxieux»,vouspouveznéanmoinspenseràuneoccasionoùvousnel’avezpasété.

Pour la plupart d’entre nous, cette révélation que nous ne sommes pas« pleinement » quelque chose ne va pas sans une certaine inquiétude liée àl’impression d’avoir tort sur notre propre définition. Mais plus encore, cetteinquiétude vient du fait que nous avons besoin de savoir qui nous sommes.Concentrez-vous sur une des auto-conceptualisations négatives que vous aveznotées. Puis, à l’aide des techniques de défusion des chapitres 5 et 6, preneznettementvosdistancesaveclecontenudecetteauto-conceptualisation.Ils’agitdedéfusionnerdelapenséeetdelaconsidérerd’unpointdevueconscient,del’observersanslajuger.

Sivousyparvenez,continuezaveccertainesimplicationsdelapensée;ilvoussera peut-être possible de voir où émergent d’autres formes de rigidité et

Page 95: Être bienveillant avec soi-même

d’attachement. Imaginezquevousparveniez àdéfusionnerde toutes vos auto-conceptualisations,nonseulementdecellesévoquéesci-dessus,maisaussidelamyriade d’autres qui pourraient être révélées par d’autres questions. À force,vouspouvezparveniràvoirqu’ils’agitseulementdepenséesencours,niplusnimoins.Danscecas,ilresteraunproblèmeàaffronter.

Nousavonstravailléilyaquelquetempsavecunclientanxieuxquiparvenaitàdéfusionner peu à peu de ses auto-conceptualisations. La plupart d’entre ellesétaient très négatives, et plus nous avancions, plus l’atmosphère était légère.Mais,aprèsuncertain tempsdeprogression,nous l’avonssenti secrisper. Il afinipardemander,avecuneauthentiquecraintedanslavoix:«Sijenesuispasmespensées,alorsquisuis-je?»Ildonnait l’impressiond’êtreàl’agonie–cequ’ilétait,d’unecertainefaçon.

LestroisformesdumoiSelonlathéoriedulangagequisous-tendl’ACT,aumoinstroisformesdumoiémergent de nos capacités verbales : lemoi conceptualisé, lemoi en tant queprocessusdeconsciencedesoi,etlemoiobservateur(Barnes-Holmes,HayesetDymond,2011).

LemoiconceptualiséLe moi conceptualisé, c’est vous en tant qu’objet de catégorisations etd’évaluationsverbalessommaires.C’estlemoiquiapparaîtdanslaphrase«Jesuis…» : « Je suis vieux », « Je suis anxieux », « Je suis gentil », « Je suisminable»,«Jesuisdétestable»,«Jesuissympathique»,«Jesuisbeau»…Lemoi conceptualisé contient l’histoire de votre vie et de vous-même que vousvous racontez depuis toujours. Il inclut toutes les pensées, sentiments,sensations,souvenirsettendancescomportementalesauxquelsvousavezajoutéfoi et que vous avez intégrés dans une représentation verbale stable de vous-même.C’estsansdoutelemoiquivousestleplusfamilier,carilestleproduitdesapplicationsnormalesdulangageàvous-mêmeetàvotrevie.

Mais il est aussi leplusàmêmedevousenfermerdansvos souffrancesparcequ’il s’intègre dans une histoire qui justifie vos actions ; il construit unepersonnalité qui offre une cohérence à vos expériences – une cohérenceconfortable,mais étouffante, qui vousmène toujours à lamême chose.Avez-vous remarqué que, quand quelqu’un se sent sans importance, la plupart desévénementsdesavieviennentluiconfirmercettecroyance?Etquequiconque

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se voit comme une victime finit toujours – dans la réalité ou dans sesreprésentations–parledevenir?

Sivoussouffrezd’anxiété,dedépressionoudestress,votreidentificationaveccestroublesfaitcertainementpartiedevotremoiconceptualisé.Vosproblèmessontdevenusunepartiedel’histoiredevotreviequevousvousracontez.Nousne suggéronspasque les faitsne sontpas réels ; laplupart le sont sansdouteplusoumoins.Maisl’histoiredevotreanxiétéoudevotredépressionneracontepastoutel’histoiredevotrevieetenditdavantagequevousnel’imaginez.

Exercice21:Réécrivezvotrehistoire

Rédigez l’histoire de votre souffrance telle que vous auriez pu l’écrire avant de commencer àtravailleraveccetouvrage.Soyezbref.Décrivezvosproblèmesprincipauxetlesraisonsdeleurprésencedansvotrevie.

À présent, reprenez ce que vous venez d’écrire et soulignez plusieurs faits – c’està-dire desdescriptions et non des conclusions. Laissez de côté toutes les analyses causales (que vouspouvez identifier par l’utilisation demots tels que « parce que »). À partir des faits soulignés,réécrivez une autre histoire, qui utilise les mêmes éléments mais finit de façon totalementdifférente.Ilnes’agitpasd’unepromesse,d’uneprédictionoud’uneévaluation,maissimplementde voir si vous pouvez prendre ces faits objectifs et les intégrer dans un récit complètementdifférent.

Observezensuitelamanièredontlasignificationdesmêmesfaitschangedanschaquehistoire.

Page 97: Être bienveillant avec soi-même

Si l’exercicevousparaîtdifficileouquevousn’envoyezpas la finalité,prenez lesmêmes faitspourrédigerencoreuneautrehistoire.Observezànouveaudequellemanièrelasignificationdesélémentschangeàchaquefois.

Envousproposantcetexercice,nousnecherchonspasàdémontrerquetoutestpossibleouquelavieneconnaîtpasdelimites.Nousnevisonscertainementpasnon plus à tourner en ridicule votre conception de l’histoire de votre vie. Enrevanche, notre objectif est de démontrer qu’en dépit de ce que prétend notremental, les faits eux-mêmes ne déterminent pas l’histoire et que leursignification dépend des histoires dans lesquelles ils s’inscrivent. Nous nepouvons pas changer les faits, mais nous pouvons changer l’histoire et notreattachementàcelle-ci.

Il y a quelque chose d’excitant à considérer que notre moi est un conceptarbitraireauquelnousnousraccrochons:denouveauxrécits,desalternativesàl’histoirequenousracontionsjusqu’àprésent,sontpossibles.Maisilpeutaussiêtreeffrayantdes’ouvrirauxpossibilités.

Si vousn’êtespasvospensées, alorsqui êtes-vous ?Envousdétachantde cemoi conceptualisé, vous vous retrouvez comme un enfant, ouvert à tous lespossibles et curieux de tout. Mais il s’agit d’abord d’abandonner cetattachement. Seuls les plus courageux d’entre nous se lanceraient dans cetteaventure sans réfléchir d’abord à l’endroit où ils seront amenés à « atterrir »psychologiquement. C’est pourquoi nous reviendrons au problème du moiconceptualisé plus loin, après avoir identifié un alliémajeur qui se trouve ennous.

LemoiprocessusdeconscienceLaconsciencedesoientantqueflux,processuscontinu,estcetteconnaissancefluidedenospropresexpériencesdanslemomentprésent.Lemoiprocessusestsemblable au moi conceptualisé en ce que nous appliquons des catégoriesverbales au moi ; il en diffère dans la mesure où il s’agit de catégoriesdescriptives, non évaluatives, présentes et flexibles, au lieu de catégoriessommairesetévaluatives:«Voicicequejesensencemoment»,«Voicicequejepense»,«Voici cedont jemesouviensencemoment»,«Voici ceque jevois ». C’est un processus appris dès l’enfance, lorsque les questions de nosparents(parexemple«Tuasfaim?»)nousontmontrécommentnouspercevoiretnoussituerparrapportànosaffects–pourlesjeunesenfants,cettequestionn’estpastoujoursévidente;ilspeuventrépondre«non»etdemanderàmangerquelques instants plus tard, car cemoi processus n’est pas encore solidement

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ancréeneux.

Plusfluidequelemoiconcept,cemoientantqueprocessusdeconscienceestaffectéparl’attachementaumoiconceptualisé.Eneffet,remarquerdesréactionsqui ne s’accordent pas avec l’histoire dominante peut menacer le moiconceptualisé.Unepersonnequisecroit« toujoursgentilleet serviable»aurabeaucoupdemalàadmettreseséventuellespenséesousentimentsde jalousie,decolèreoude reproches.Ladéfusionet l’acceptationaidentnaturellement ledéveloppementdumoiprocessus.

Lemoiobservateur

Il est probable que cemoi est pour vous lemoins familier, bienqu’il s’agissed’unaspectprincipalquivousaccompagnedepuislongtemps.Ilportebeaucoupdenoms:lemoicontexte,lemoitranscendant,lemoisilencieux,etc.Danscetouvrage,nousparleronsdemoiobservateur.

Contrairementaumoiconceptetaumoiprocessus,lemoiobservateurn’estpasunobjetderelationsverbales.C’estpourcelaquenousle«connaissons»moinsbien.Ilnepeutêtredécritdirectement.Pourtant,lathéoriedel’ACTsuggèrequelemoiobservateurémergeentantquerésultatdel’utilisationdulangageetjoueunrôledéterminantdanslasantémentale.

Lorsque,trèsjeune,vousavezacquislelangage,vousavezapprisàinscrirelesévénements dans une perspective constante. Pour décrire ce que vous aviezmangé,vuoudit,onvousamontréqu’ilfallaitparler«depuis»unpointdevueimmuable.

Prenezcettequestion:oùest«ici»?Lesplusjeunesenfantsontdesdifficultésavecceconcept.«Ici»n’estpasunendroitspécifique(maison,adresseoupièceprécise);ils’agitplutôtdel’endroitoùsefontlesobservationsetquidéterminequetouslesautresendroitssont«ailleurs».

De lamême façon, posez-vous cette question : où est « je » ? – interrogationencore plus complexe pour les très jeunes enfants. « Je » est aussi un endroitd’oùsefontlesobservations;toutautreendroitsenomme«vous».

Ces relations verbales sont déictiques, ce qui signifie qu’elles montrent oudésignentquelquechose.Lesrelationsdéictiquesnepeuventêtreapprisesquepardémonstration,carilnes’agitpasd’élémentsconcrets.Ellessontrelativesàuneperspectived’observation.

Remontezàvospremierssouvenirs,etchoisissez-enun,qu’ilsoitdouloureuxou

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agréable. Revivez cette expérience pendant quelques instants. Pouvez-vousressentirl’impressiond’avoirtoujoursvulemondeaveclesmêmesyeux?Alorsqui était celui ou celle qui a vu se dérouler ces événements ? Ne vouspréoccupezpasdelaréponselogique,maisseulementdecequevousressentezquandvousvousposezcettequestion.Delamêmefaçon,quiaprisvotrepetitdéjeunercematin?Représentez-vouscemomentetcherchezàvousconnecteravecl’impressiondevoirlemondeavecvosyeux.

Àprésent,examinezquilitcelivre.Vousêtesici,encemoment,plongédanslalecture;etlapersonnequisetientderrièrevosyeuxdelecteurestlamêmequecellequiaprissonpetitdéjeunercematinetquiétaitlàquandvousétiezenfant.Vousêtesvous-mêmedepuis toujours–malgré tous leschangementsdansvospensées, vos sentiments, vos rôles et votre corps. Aumoment précis où vouslisezceslignes,essayezdevoirlapersonnequiregarde.

Bonjour,vous!

Vousêtes«vous»depuisvotreplustendreenfance,depuisquevousavezuneconscienced’individuetquevotreamnésie infantileadisparu–àpeuprèsaumomentoùsontégalementapparuspourvouslescadresdéictiquescommeje/tu,ici/ailleurs,maintenant/avantouaprès.Ce«je»estunsensquitranscendeàlafoisletempsetl’espace,carilestpartoutoùvousallez.Quoiqu’ilvousarrive,ce « je » fera partie de votre connaissance verbale de l’expérience. Ce « jeperspective » est sans limite : vous ne pouvez rien expérimenter de façonconsciente sans qu’il ne soit présent. Sans ce sens de « l’être-là », il n’y a nicontinuité ni conscience, pas de perspective psychologique depuis laquellepercevoir.

Presque tout ce que nous percevons peut être décrit comme un objet – unévénementavecdeslimitesconnues.Pourtant,àcetendroit,enpleincœurdelaconnaissance verbale elle-même, se trouve un « moi silencieux », un « moirien».Nouspouvonscroirequecesensdelaperspectiveadeslimites–c’est-à-dire que nous croyons que nous sommes parfois inconscients –,mais nous nepouvonsdirectementéprouverceslimites–nousnepouvonsêtreconscientsdecesmoments d’inconscience.Les philosophies orientales désignent ce sens dumoicomme«toutetrien»etenparlentavecdesdictonssurprenantstelsque:«Oùquetuailles,tutetrouves.»

Peut-êtreavez-voussentiquevousentriezencontactavecvotremoiobservateurentravaillantsurlesexercicesdedéfusionduchapitreprécédent.Vousavezpuregardervospensées«descendredumental» sansvousattacheràelles.Mais

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quel est le témoin qui vous observe penser vos pensées ? Ne cherchez pas àrépondreentransformantcesensdumoienunechose,carc’estprécisémentcequ’iln’estpas.Vousconnaissezcesensdumoidefaçonindirecte,parexemplelorsque vous ressentez une sorte de transcendance calme, de sérénité. Pourcertains, cette impression peut devenir effrayante, car ils ont l’impression desombrerdanslenéant.Cequi,dansunsenstoutàfaitpositif,estexactementlecas.

C’estbienaveccemoiobservateurquenoussouhaitonsvousmettreencontactplusétroitdanscettepartiedenotreouvrage.Eneffet,c’estl’endroitd’oùilestpossibled’êtrepleinementdansl’acceptation,défusionné,capabled’apprécierlemomentprésent.

ÊtrelemoiobservateurEntrer en contact avec le moi observateur est une question d’expérience. Iln’existe pas de formule toute faite pour trouver de sens plus aigu de laconscience,decetteprésence.Pourlaraisonquenousvenonsd’évoquer,larouteest nécessairement indirecte, car cette forme dumoi n’est pas un objet. Nouspouvons en revanche vous fournir des exercices et des métaphores qui vousaideront à trouver la bonne direction. Il est très probable que cela suffise, carc’estune formequiexisteennousdepuis toujours–elleest seulementcachéepar le contenu de notre conscience. Par conséquent, nous n’essayons pas dedémontrernidedécouvrirquoiquecesoit.

C’est plutôt comme si nous cherchions à nous souvenir de quelque chose quenous connaissons bien, comme une chanson que nous aurions fredonnéeinconsciemmentdurantdesannées.

Lamétaphoredujeud’échecsImaginez un échiquier qui s’étend à l’infini, dans toutes les directions.Apparaissent ensuite des pièces, certaines noires et d’autres blanches, commedansunjeud’échecs;elless’approchentducentredel’échiquieretsemettentenposition.

Imaginez que chaque pièce représente une émotion, un savoir, un souvenir ouunesensation.Certainespiècessont«positives»,tellesquelajoie,lebonheur,leplaisiretlesbeauxsouvenirs;d’autresreprésententvotredouleur,vospeursetvoséchecs–carcespenséesetsentimentsnégatifsneforment-ilspaseuxaussiuneéquipe?

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Àprésent, lespièces se lancentdans labataille.C’est unaffrontement longetpénible; lesblessésjonchentlesol.Celafaitdesannéesquelaguerredure,etles noirs veulent prendre l’avantage sur les blancs, qui répliquent vaillammentpournepasêtredétruitspar l’ennemi.Pourchaquecamp, l’autreest l’ennemi,unemenacemortelle.

Nous avons commencé cet ouvrage en présentant une scène similaire où vouslivriezbataille;nousavonssuggéréquenotreproposétaitd’apprendreàquitterla zone de combat plutôt que de gagner. Quand vous avez lu cette premièrecomparaison, elle a pu vous paraître abstraite. Maintenant, vous commencezsansdouteàconsidérer lapossibilitéd’avoirétéentraînédanscetteguerreparune illusion. Jusqu’à présent, vous vous êtes comporté comme si votre équipecognitiveetémotionnellepréféréedevaitgagnercematch,maiscelan’adesensque si vous êtes les pièces blanches et non les noires. Dans cette situation,effectivement, vous devez lutter car de tels adversaires, à l’opposé de vous-même,sontunréeldangerpourvotresurvie.

Si«jesuismauvais»estvraiàcentpourcent,alors«jesuisbon»estdétruit,etréciproquement.Quitterlabataillen’estdoncpaspossible.Celareviendraitàunarrêtdemort.Puisquevousêteslesblancs,laguerredoitcontinueretvousdevezlagagner.

Maissupposezqu’aucunedecespiècesnesoitvous?Danscescénario,quiêtes-vous?Vousnepouvezpasêtre le joueurd’échecs–quichercherait toujoursàdéfendrecertainespiècescontred’autres.Seuleunepartiedelamétaphoreestencontact avec toutes ces pièces. Si vous n’êtes pas les pièces – si vous pouvezdemeurervous-mêmeetnepasvousimpliquerautantdansl’issuedelaguerre–alorsquiêtes-vous?

Soyezquivousêtesplutôtquequivousn’êtespasEtsivousétiezl’échiquieroùsejouelapartie?Siaulieud’êtredéfiniparvotredouleur, vous n’étiez que son contenant, qu’est-ce que cela signifierait pourvous?

Sevoircommel’échiquier,c’estentrerencontactaveclemoiobservateur.Àceniveau,touteslespiècessontprésentestandisqu’ellesmènentleurjeusansfin.Iln’yaquedeuxchosesquel’échiquierpuissefaire:portertouteslespiècesoutoutes les faire tomber en se renversant. Pour déplacer certaines pièces, vousdevez aller dequi vous êtes (un individu conscient de toutes ces réactions, au«rasdusol»)àquivousn’êtespas(envousidentifiantàcertainesdecespièces

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(pensées, émotions, etc.) et en rejetant les autres. Autrement dit, vous n’avezjamaisréellementfaitpartiedecetteguerre.Toutn’étaitqu’illusion.

L’exercice suivant vous aidera à contacter momentanément votre moiobservateur.«Momentanément»car,pardéfinition,lemoiobservateurnepeutêtreobservé:d’unepartparcequ’ilnepeutêtreperçucommeunobjet;d’autrepart, parce que si vous l’observiez, qui serait ce « vous » ? On ne peut enpercevoir que des reflets.Mais à un autre niveau, hors desmots, ce vous estprésentdepuistoujours,aussiconcretetsolidequelefauteuildanslequelvousêtesassisoulesolsousvospieds.L’intensitéde labataillefinirapardécroîtrequandvousvousinstallerezdanslavitalitéqueprocurelefaitd’êtrevraimentlefruitdecequevousexpérimentez(lemoiobservateur),sansdemanderàvotreespritlaconfirmationdevoirvotremoiobservateur.Sivousagissezàpartirdequivousêtesetnondequivousn’êtespas,lapaixpeuts’installerpeuàpeu.

Exercice22:Jenesuispascela

Voiciunexercicedeméditation.Lesinstructionssontsimplesetvouspourrezdonclesmémoriseravantdevous lancerdans lapratique. Ilsuffitdevousasseoirconfortablementsurunechaise,devant un bureau, près d’un mur. Posez plusieurs objets sur le bureau. Prenez quelquesrespirationsprofondes,puiscommencezparfixerunpointsurlemurenrespirantrégulièrement.Restezainsipendantaumoins15secondes.

Auboutd’uncertaintemps–inutiledevousprécipiter–,vouséprouverezl’impressionquec’estvousquiregardezlemur,etque,auniveauexpérimental(disons«empirique»),vousn’êtespaslemur.Cettedistinctionestofferteparl’expériencedirecte.Ilnes’agitpasdelacroyanceverbalequevousn’êtespaslemur–sansquoi l’exercicen’auraitaucuneutilité:onseprendrarementpourunmur…

Si votre esprit émet des commentaires plus oumoins oiseux sur la validité de cette croyance(« En fait, d’une certaine façon, tues lemur. Nous sommes en effet la somme totale de nosexpériences,bla-bla…»),contentez-vousdeleremercierpourcettepensée,prenezconscienceque la personne qui observe même cette pensée n’est pas elle-même la pensée que vousobservez,etramenezvotreattentionsurlemur.Nelaissezpasvotreespritvousfairehâterlepasetnecherchezpas,avec lui,àsavoiroùcelavavousmener.Cen’estpasunexerciceverbalmaisempirique.

Lorsque cette distinction empirique entre le moi observant et les événements qu’il observes’installe dans votre conscience, contentez-vous de le constater et de passer à la suite –n’essayezpasdecroire ladistinctionouvotreespritpourraitsemettreàbavarder,argumenter,interpréter,etc.Àprésent,posezlesyeuxsurunobjetdubureau.

Répétez le processus avec cet objet : regardez-le jusqu’à ce que la distinction entre vous,l’observateurconscientetcequedontvousêtesconscientvousarrivedemanièreempirique,nonpascommeobjetdecroyance.Procédezainsiobjetparobjet,jusqu’àavoirobservétousceuxquisetrouventsurlebureau–évitezdevousprécipiter.

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Enfin, fermez les yeux et prenez note de tout ce qui vient à votre conscience (sensationsphysiques, pensées, etc.), exactement de la même façon que pour l’observation des objets.Lorsquevouslesouhaiterez,enfin,rouvrezlesyeuxetfixezlemurjusqu’àcequeladistinctionentrel’observateuretcequiestobservédevienneapparente.

ContactezlemomentprésentDès lors que vous commencerez à expérimenter ce « niveau plancher » (ou« niveau échiquier », pour reprendre notremétaphore) de vous-même, il vousdeviendraplussimpled’observervospensées,vosressentisetvossouvenirs;lespiècesdujeuvousparaîtrontmoinsmenaçantes.Quellemenacefont-ellespesersurvous ?Quelle importanceaccorder au fait qu’elles soientpeut-être réuniessurlamêmezonedel’échiquier?

Secontenterdecontenirlespiècesn’estpossiblequ’au«niveauplancher».Ladéfusion, l’acceptation et le fait d’être qui vous êtes peuvent donc êtreapprofondis en entrant en contact avec ce qui se passe ici etmaintenant. Lesexercices suivants sont destinés à vous y aider. Ils sont reconnus comme destechniquesdemindfulness(nousexpliciteronscetermedanslechapitresuivant),mais nous pourrions aussi les rattacher aux différentes formes de méditationvisantàobteniruneformedepleineconscience,un«grandtout»,dontlemoiobservateurquenousvenonsdecontacterestunepartie.

CommentpratiquerVoiciquelquesindicationsutilespourpratiquerlesexercicesdemindfulness.

Sivousvousperdezdansunepensée,revenezendouceuràl’exercicePlusvousprendrezconsciencedespenséesetdessensationsquitraversentvotreespritetvotrecorps,plusvousremarquerezqueparfoisvoussuivezuneidéeaulieudesimplementla«regarderpasser».C’estcommedansl’exercice15:tôtoutard,chacunfinitparmonterdansundeswagonsaulieuderestersurlepont.C’est parfaitement naturel. Pour pratiquer ces exercices, si vous vous trouvezattiré par une pensée et que vous vous mettez à la suivre, contentez-vous deconstater ce qui arrive et revenezdoucement dans la positionde l’observateurpourcontinuerl’exercice.

DéfusionnezdevotrejugementDès que vous commencerez à pratiquer lamindfulness, vous remarquerez quevotre mental produira des jugements. Si vous vous trouvez piégé dans cespensées,commenous l’avonsexpliquéplushaut, il sepeutquevouspensiez :

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« Je suis vraiment nul, je ne suis même pas capable de faire ces exercicescorrectement!»Ouaucontraire,sivousvoussentezenpleineconscience,vousrisquezdevous«entendredire»:«Super!Là,j’yarrivetropbien!Jesuisenpleinemindfulness ! » Il se peut également que vous jugiez ces exercicescommeunepertedetemps:«J’aibienmieuxàfairequecesidioties…»Cenesontquequelquesexemplesparmilesmillionsdejugementsquepeutproduirevotremental.

Chacund’entreeuxvousapporteuneinformationimportante.Ilsvoussignalentquevousêtesembarquédansvotremachineàmots.Laformedujugementn’estpasimportante,pasplusquedesavoirs’ilestjusteoufaux.Cequicompte,c’estquevousvoilàpiégédanslejugement.Quandcelavousarrive,contentez-vousdeconstaterquevotrementalproduitdesjugements;remerciez-ledeseseffortspourvous,puisreprenezl’exerciceinterrompu.

AcceptezvosémotionsEn pratiquant ces techniques, vous rencontrerez certaines émotions négativesquevousconnaissezbien.Certainsexercicessontconçusdanscebut–sivoussouffrezparexemplededépressionoud’anxiété,ilspeuventserévélerdifficilespourvous.

De lamême façon, sivousêtes sujet àdes crisesdepanique,vous savezdéjàtraquer vos sensations : le rythme de votre cœur peut vous inquiéterparticulièrement(etsivousétiezentraindefaireunecrisecardiaque?).Ainsi,lapeurpeutvousgagnerpendantquevouspratiquezcesexercices.

Il se peut que vous soyez déprimé et que vous luttiez pour rester à l’écart devotrecyclede ruminationobsessionnelle.Lorsquevousentrezencontact avecdesémotionsoudespenséesnégatives,vousenretirezsansdoutel’impressionquecesontlesseuleschosesquiseproduisentaumomentprésent.Lebutdenosexercices est de vous faire voir que le présent est un événement sans cessechangeant,unprocessusquiévolued’instanteninstant.Sivousluttezcontredessentiments de panique et l’impression d’avoir une crise cardiaque, ou si vousvousenfermezdansdes ruminationsnégatives,c’estunsignecertainquevousêtesànouveauentrédanslazonedecombat.Unefoisencore,contentez-vousderemarquerquevousêtesicientantqu’individuconscientobservateuretessayezdevousouvriràcessensationsetàcespenséesentantquetelles:cesontdessensations et des pensées, ne discutez pas avec elles et n’essayez pas de leschasser.

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Lamindfulnessn’estpasunetechniquededistractionLesactivitésdemindfulness n’ont paspourbut devousdistrairedes contenusnégatifs de votre mental. De fait, la mindfulness est l’opposé exact de ladistraction.Croirequevouspouvez«êtresuffisammentconscientpourneplussentir ladouleur»n’estqu’unenouvellehistoire racontéeparvotremachineàmots.Utiliser les techniques dans ce but n’est qu’un autremoyend’évitementquinepeutquevousrenvoyeràladouleurquevousessayezdefuir.

N’essayezpasd’échapper àvotre anxiété, àvotre stressou àvotredépressionparlamindfulness.Sidessentimentsnégatifsapparaissent,contentez-vousdelesremarqueretcontinuezvotrechemin.

LapratiqueLamindfulness n’est sans doute pas une posture à laquelle vous êtes habitué.Pourladévelopper,ilfauts’entraîner.Quandvousaurezcomprislesbasesdelapratique de lamindfulness, vous en ferez naturellement usage dans le mondeextérieur. La mindfulness est une pratique dans laquelle vous pouvez vousengager à n’importe quelmoment de la journée – et c’est exactement ce quevousproposel’ACT.

PremierspasÀprésentquevousavezquelquesidéesdeschausse-trappesàéviteraucoursdelapratiquedelamindfulness,passonsàquelquesexercices.Voicidonc«l’ABCdelamindfulness»,destechniquesdebasequivousdonnerontunavant-goûtdecequ’estobserver cequi sepassedansvotre corps etvotremental, sansvousattacheràvospenséesetàvossensations.

Exercice23:Suivezvospenséesdansletemps

Cherchonsd’abordàrepérervospenséesdansuneseuledimension,letemps.

Prenez un instant pour vous recentrer à l’aide de respirations ventrales profondes. Une foisdétendu, laissez librecoursàvotrementaletobservezcequivient.Sivous lesouhaitez,vouspouvezutiliserl’exercice18pourvousyaider.

Enmêmetemps,posezvotredoigtsurlafrisechronologiqueci-dessous.Lorsquevospenséesetvossentimentsapparaissent,laissez-leglisserverslepointtemporelquileurcorrespond:sont-ilsliésaupassé,aufutur?procheoulointain?Essayezd’êtreprécisetdeprendrecequivientsansjuger;observezsimplementetnotezoùlapensée,lesentimentoulasensationsesituedansletemps.

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Àvousdejouer!

Qu’avez-vousremarquésurvospensées?Unmomentparticuliervousvenaitilleplussouventàl’espritoubienvospenséessedéplaçaient-ellessanscesse?Prenezquelquesnotesdevotreexpérience.

Vospenséesontprobablementbougédansletemps,mais,siellesrevenaienttoujoursaumêmepoint, c’est aussi trèsbien. Il s’agit simplement de remarquer lespenséeset leur temporalité ;aucunjugementn’estnécessaire.

Apprendreàêtreconscientdelatemporalitédevospenséespeutvousaideràvousreconcentrersur le moment présent. Reprenons maintenant l’exercice avec une intention légèrementdifférente:celle(douceetdéfusionnée)deresterdavantagedansleprésent.Quandvotreespritdériveetquevotredoigtbougeverslagaucheouladroite,contentez-vousderemarquercequisepassedanslemomentprésent.Vousdérivez?Remarquez-le.Sivouspensezaupasséouàl’avenir, remarquezque,dans leprésent, vousavezunepensée.Ethop !Vousvoilàde retourdansleprésent–votredoigtpeutrevenirverslecentre.

Attention:sivousforceztrop(«Jedoisgardermondoigtimmobilesurlemot“présent”pendantaumoins5minutes»),vousvousretrouverezforcémentdanslefuturverbal(«Jevaislefaire»)oulepassé(«Jen’aipasréussi»).Sicelaseproduit,n’ayezpasd’inquiétude:remarquezquevousavezunepenséeetabandonnezvotrefusionàcelle-ci.

Avec un peu d’entraînement, vous parviendrez à rester dans le présent pendant une grandepartiedel’exerciceetvotredoigtvousserviradebiofeedbackenvouspermettantderepérerlesméthodes que votre mental utilise pour vous pousser hors du présent. Cet exercice peut sepratiquern’importeoùetn’importequand. Ilvoussuffitparexempledeposervotredoigtsur lajambedevotrepantalonetdelelaisseralleràgauchepourlepasséetàdroitepourlefutur.Vouspouvezdonclefairedeboutouassis,etmêmeenmarchant.C’estunexerciceàlafoisamusantettrèsutile.

Observezvossensations

Àprésent, ils’agitde remarquervossensationsphysiques.Nousvousproposonsuncadrequivousaideraàcentrervotreattentionsurunedimensionparticulièredel’événement,cequivouspermettraplustarddemieuxdiscernerlescomposantesd’uneexpérienceréelle.

Voici,ci-dessous,leschémad’uncorpshumain.Àsagauche,voustrouverezunelistedemotsquidécriventdessensationsfréquentes.Avantdecommencercetexercice,prenezletempsdevousrecentrer,puisnotezlesdifférentessensationsquiapparaissentdansvotrecorps.Votredos

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vous fait-il mal suite à des manipulations d’objets lourds ? Votre estomac est-il noué par lestress?Quoiqu’ilensoit,contentez-vousdelesremarquer.

Àmesurequelessensationsapparaissent,posezundoigtsurlemotquilesdécritlemieux;del’autre main, indiquez la zone du corps concernée. Faites durer l’exercice pendant environ 5minutes. Il vousparaîtrasansdouteétrangedansunpremier temps–enparticulierparcequevous devrez chercher lesmots –, mais à force de répétitions, il deviendra plus facile et vousparviendrez à vous consacrer à l’observation en laissant vos doigts s’occuper de la«description».

Figure7.1:Votrecorps

Àlafindel’exercice,notezenquelquesmotslessensationsquevousavezressenties.

Vous avez sans doute remarqué plusieurs sensations au cours de l’exercice. Les sensationscorporellestendentàdéfiler,àsesuccéder,exactementcommelespensées.

Défusionnezdesévaluationsimplicites

Vousvenezde levoir,votrementalévalueautomatiquementvosémotions,vospenséesetvossensationsàmesurequ’ellesseprésentent.Siparexemplevousavezressentiunesensationdeconfortdansunepartiedevotrecorps,vousavezsansdoutepenséquec’était«bien».Sivous

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avez laissé glisser votre conscience dans le futur au cours de l’exercice, vous vous en êtesvoulu : c’était «mal». Lepoint crucial de lamindfulness est non seulement de rester dans leprésent,maisaussidevousdéfusionnerde tellesévaluations.Dans l’exerciceprécédent,vousavezapprisàremarquerlesmomentsoùvousdériviezduprésent;noussouhaitonsmaintenantvous apprendre à repérer comment vous dérivez dans l’évaluation. C’est relativement simplequand lespenséesévaluativessontexplicites,maispluscomplexequandellessont implicites;quandellessemêlentàd’autresexpériences,ellespassentfacilement inaperçues.L’objectifdel’exercice suivant est de vous apprendre à détecter les évaluations implicites dont il vous fautdéfusionner.

Lespsychologuesontmontréquelesévaluationsnepeuventsurgirdefaçoncertainequ’autourdepolaritésprimairestellesquebon/mauvaisoufort/faible.Regardezlaboîteci-dessous:quatretermesladélimitent.Ils’agitd’undiagrammevouspermettantdevoireffectivementoùsesituelanature de vos évaluations en termes de bon/mauvais et de faible/fort. Pour l’exercice, il s’agitdonc simplement de rester assis et de prendre conscience de ce qui se passe au momentprésent. À mesure que vous observez vos expériences, voyez si vous les percevez sansjugement. Dans le cas contraire, indiquez la nature de l’évaluation en plaçant votre index àl’endroitoùsetrouvaitvotreespritetvoyezsivouspouvezvousdétacherdevotreévaluation.

Imaginonsparexemplequelapenséequivousvientsoit«Jesuisanxieux».Ilsepeutquevousnelajugiezpas,etdanscecasiln’yaaucunproblème,vouspouvezcontinuervotreobservation.Maissi,enarrière-plandevospensées,vousjugezquecesentimentestmauvais,posezvotredoigtsurlapartieenhautàdroitedurectangle;puisessayezdevousdétacherdecejugement.Si vous défusionnez des évaluations, votre doigt retombera vers le bas du rectangle, vers lemilieu(évaluationfaible,nibonnenimauvaise)…ouendehors.

Veuillez à présent consacrer quelques minutes à la simple observation de votre propreexpérience,endétectantlesjugementsimplicitesquiapparaissentetenutilisantvotreindexdanslerectangleci-dessouspourdécrirecequisepasse.Utilisezcefeedbackpourvousdétacherdelafusionaveclejugement.Voyezsivousparvenezpeuàpeuàcréerdespériodespluslonguessansajouterfoiauxévaluationsquipeuventapparaître.

Ànouveau,prenezquelquesinstantspournoterlerésultatdevotreexpérience:

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Qu’est-ilarrivé?Avez-vousremarquéquevosévaluationschangeaientàmesurequevotreespritpassaitd’une idéeà l’autre?Êtes-vousparvenuàdémasquerdesévaluations implicitesqu’entemps normal vous n’auriez pas remarquées ? Et avez-vous pu vous détacher de cesjugements?

Ces exercices ont pour but de vous initier à la pratique d’observation demomentsdéfusionnésetneutresdansvotreexpérienceprésente.Danslechapitresuivant, nous vous proposerons des exercices demindfulness plus formels. Àprésent que vous avez acquis une première expérience pour observer lesévénementsisolés,nousallonsvousapprendreàdevenirconscientdeplusieurspensées,émotionsetsensationsàmesurequ’ellesseprésententàvous.

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LamindfulnessChapitre

8

Lamindfulness(pleineconscience)estdifficileàatteindre,nonpasparcequ’elleestcomplexemaisparcequ’elletendànouséchapper.Noussommesassaillisenpermanenceparnosprédictionsetnosévaluationsverbales.Parailleurs, lavieestcompliquée:nousdevonsprendreconsciencedebeaucoupdechoses,etpluslesévénementsdeviennentcomplexes,plusnousrisquonsdenousperdre.

Pratiquerlamindfulnessnevousserapasd’unegrandeutilitésivousn’allezpasau-delàdesexercicesproposésdanscetouvrage.Vousdevezfaireuneffortpourporter votre attention sur tous les moments de votre vie, en les acceptantpleinement, sans barrières ni jugements, de façon défusionnée. Ces exercicespeuventvousyaider,maisc’estbienl’utilisationdecesqualitésdansvotreviequotidiennequiimporte.

Cechapitrevousaideraà élargirvotreexpériencede lamindfulness à tous lestypes d’expérience qui peuvent venir à votre conscience. Il vous donneraégalement des solutions concrètes pour pratiquer quotidiennement lamindfulness.

UnepratiquequotidienneAvantdepasseràlasuitedenotreprésentationdestechniquesdemindfulness,ilestnécessairedesedemanderquandlapratiquer:onpourraitrépondre«toutletemps»,maisparcequevousn’enavezpasl’habitude,ilestpeuprobablequevous appliquiez ces techniques tous les jours avant qu’elles ne soient bienancréesenvous.

Ilseraitdoncjudicieuxdeprévoiruntempsdonné,chaquejour,pourpratiquerlamindfulness. Une fois que ce sera devenu une seconde nature – ce qui esttoujours le cas –, vous pourrez envisager de changer ces habitudes. Cetengagement quotidien peut paraître rébarbatif, mais il est très gratifiant. Ons’aperçoittrèsviteàquelpointc’estagréable–maisrappelonsque«agréable»ou « désagréable » est une production de l’esprit : l’objectif est avant tout dereprendrelecontrôledevotrevieàvotremachineàmots.Prendreladécisionde

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s’entraîner tous les jours, et s’y tenir, est par conséquent le moyen le plusefficacedes’yprendre.Voiciquelquesconseils.1. Prévoyezun créneauhoraire.Au début, il peut être utile de prévoir de

pratiquer ces exercices une fois par jour ou par semaine. Le paragrapheconsacré plus bas à la «méditation assise » propose quelques exemples,maisvouspouvezutiliserlesmêmesprincipespourtouslesexercicesquevousdécidezdepratiquer.Déterminez toutd’abord lenombrede séanceshebdomadairesquevoussouhaitezyconsacrer.(Nousvousrecommandonsune pratique quotidienne ; si cela vous paraît incompatible avec votreemploidu temps,choisissezunnombredeséancesmaximum).Ensuite, ilest préférable de limiter le temps de votre pratique : de 15 à 30minutessemble un bonpoint de départ ; vous pourrezmoduler cette durée quandvousserezfamiliariséaveclapratique.

2. Neconfondezpascettepratiqueavecrelaxationetdistraction.C’estuneerreur de croire que la pratique de la mindfulness est un temps derelaxation:sivousêtesdétendu,c’esttrèsbien;sivousnel’êtespas,c’esttrès bien aussi. Le but n’est pas le relâchement, mais bien de prendreconsciencede ce qui se passe en vous, sans évitement ni fusion. Il s’agitd’acquériretderenforcerdesoutilsquipeuventvousêtreutilesquandvotrerépertoire verbal se met à dominer vos autres formes d’expérience. Audébut, ilestpréférablede trouverun lieudepratiqueoùvousn’aurezpasd’autretâcheàaccomplir,maiscelanesignifiepasqu’ilfailleéliminerlesdistractionsdevotreesprit.Sivousêtesdistrait,c’estsimplementunautrefaitàremarquer.Prenez-enconscience,puiscontinuezvosexercices.

3. Neditespasquevousallez tropmalpour faire les exercices.Cen’estpasuneexcusevalable.Vousverrezqu’aucoursdecertainsdesexercicesprésentésplusbas,despenséesnégativesvousviennentà l’esprit,mais iln’ya làquedenouvellesexpériencesdont il fautprendreconscience.Cen’est pas unproblèmemais uneopportunité.Nouspouvons supposer quevous lisez cet ouvrage parce que vous êtes confronté à des expériencesnégatives. Il est donc vital pour vous de savoir quoi faire lorsque cesexpériences se présentent. Faire ses exercices avec, mettons, unedémangeaison insupportable n’est pas différent de les pratiquer avec del’anxiété ou des sentiments dépressifs. Cela ne signifie pas qu’il faillepersister dans certaines circonstances impossibles : si votre dos vous faitmaletqu’ilfautvousenoccuper,faites-le.L’obstinationsansconsciencedesoi n’est qu’un autre piège. Avec le temps, vous verrez si vous utilisezencoreladouleurcommeuneexcusepouréviter lesexercices ;sic’est le

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cas,alorsvouspourrezapprendreàfairequelquechosedenouveauavecladouleur.

Enfindecompte, lamindfulnessdoitêtrepratiquéecommeuneconsciencedumomentdanslaviedetouslesjours.Ilnes’agitpasd’unétatspécialdanslequelvous«entrez»,commela transeou l’autohypnose.Ces indicationsneserventqu’àvousameneràcommencerunepratiquequiferaensuitepartiedevotrevie.

LapratiqueLapratiquede lamindfulness vise à vous aider à entrer en contact avec votrepropre expérience au jour le jour.Dans les exercices proposés jusqu’ici, nousvous avons demandé d’être conscient dans des domaines spécifiques del’expérience (pensées dans le temps, sensations physiques, défusion desévaluations implicites). Dans ce chapitre, nous vous demanderons d’observerd’autres points,mais vos réponses ne seront guidées que par l’expérience quiapparaît.Parfoisplusieursélémentssurgirontenmêmetemps.Vouspouvezgérercela de différentes façons, soit en passant d’une sensation à une autre, soit enétant conscient de plusieurs éléments à la fois – il peut arriver que l’exercicevousyinvite.

Undesaspectsdifficilesdelamindfulnessestqu’onyutiliselavolonté,cequiimplique des évaluations, mais son objectif est d’apprendre à être pleinementconscientetàdéfusionner.Lameilleurefaçondel’envisagerestdesedirequ’iln’yapasdebonnenidemauvaisefaçond’êtreconscient:soyezseulementquivous avez l’expérience d’être (un observateur conscient) dans l’instant. Si desévaluations font surface, observez-les,mais ne les croyez pas et ne lesmettezpasendoutenonplus.Sivousprenezvosjugementssurvosprogrèsaupieddelalettre,ceneseraqu’unenouvelleformedefusionavecl’histoirequeracontevotre mental. Ajouter foi à des pensées qui jugent en bien ou en mal votrecapacitédemindfulnessn’estqu’unefaçondelaisserlecontrôleàvotremachineàmots.

Àmesure que vous pratiquerez, permettez-vous de devenir plus conscient dessensations,despenséesetdes sentimentsquiviennentàvous.Soyezouvertetsanspréjugés(ycomprissurvosjugements).Çan’estpasuntest,c’estvotrevie.Passonsàprésentauxexercices.

Exercice24:Soyezoùvousêtes

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Lisezd’abordàplusieursrepriseslesinstructionssuivantespourlesmémoriser,puisfermezlesyeux et suivez les consignes1. Si vous vous rendez compte que vous avez perdu le fil del’exercice,revenezenarrièreetreprenezsimplement.

Toutd’abord,installez-vousconfortablement,assissurunfauteuilouallongé.Fermezlesyeuxetprenez plusieurs respirations profondes. Détendez-vous, ne vous laissez pas gagner par lesommeil,maispermettezàvotrecorpsdesereposer.

Amenez doucement votre conscience à l’extrémité de vos doigts. Sentez-les, frottez-lesensemble.Quelle sensationéprouvez-vous?Pouvez-vous sentir les sillonsde vosempreintesdigitales?Prenez le tempsdepréciserce ressenti : lapointedevosdoigtsest-ellecalleuseàcausedevotretravail,oudouceetsoyeuse?Quesepasse-t-ilquandvouslesfrottezlesunescontrelesautres?Observezlasensation,puiscontinuezl’exercice.

Laissezreposervosdoigts.Quetouchent-ils?Sont-ilsencontactaveclacouverturedevotrelit,l’accoudoir de votre fauteuil ? Quelle sensation cela crée-t-il ? La texture est-elle douce ourêche?Quellessontsescaractéristiques,sesparticularités?Prenezletempsd’intégrerlafaçondontvousressentezcesobjetssousvosdoigts.

Portezensuitevotreattentionàvosmainsetàvosbras.Queressentez-vous?Sont-ilsrelâchésetlourds,ouencoretendusaprèsunelonguejournéedetravail?Danslesdeuxcas,c’esttrèsbien.Inutiledejuger:observezsimplementlessensationsdansvosmainsetvosbras.Sont-ilsdouloureux?Sioui,remarquezcettesensation,maisnevousyattachezpas.Continuez.

Prêtez attention à vos orteils ; faites-les bouger un peu. Portez-vous des chaussures, deschaussettes?Vosorteilsbougent-ilslibrement?Frottez-lesd’avantenarrièrepoursentircequ’ily a dessous. Quelle sensation cela vous procure-t-il ? Seriez-vous capable de déterminer cequ’ilstouchentsimplementparcecontact?Observezvossensations lorsquevousportezvotreconsciencedansvospieds.

Comment est positionnée votre tête ? Si vous êtes assis, est-elle alignée avec votre colonnevertébraleoubien tombe-t-elleenavant?N’essayezpasdechangercetteposition,contentez-vousde la remarquer. Iln’yapasdebonneoudemauvaiseposition : laissez-laoùelleest.Àprésent, pensez aux sensations dans votre tête. Avez-vous la migraine ? Votre tête est-ellerelâchée?

Etsurvotrevisage,quesentez-vous?Ilyalàdenombreusessensationsàexplorer.Pensezàvos sourcils : naturels ou froncés par l’inquiétude et la concentration ? Encore une fois, necherchez pas à modifier quoi que ce soit, constatez simplement. Puis passez à votre nez.Pouvez-vous respirer librement ou avez-vous des difficultés ? Prenez quelques inspirations.Quellessensationscelavousprocure-t-il?Pouvez-voussentirl’airfraisentrerdansvospoumonsoubienest-iltiède?Prêtezattentionàcettesensationpendantquelquesinstants.

Puis pensez à votre bouche : est-elle ouverte ou fermée ? Vos lèvres sont-elles souples oupincées?Sentez-vousvotresalivehumidifiervotre langueetvotregorge?Explorez toutes lessensationsliéesàvotrevisage(peausècheouhuileuse,muscles,dents,etc.).S’iln’yaaucunesensation,constatez-leetpassezàlasuite.

À présent, concentrez-vous sur votre poitrine et votre ventre. Posez-y lesmains. Sentez-vouscommentvousrespirez?Qu’est-cequecelafait?Respirez-vousviteoulentement?Avecvotreventre,ouvotrepoitrine?Inspirezparlenezetsoufflezparlabouche.Queressentez-vous?Àprésent, inversezcetordre.Concentrez-vousunmomentsurvotresouffleavantdereposer lesmainsàleurplace.

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Pensezmaintenantàl’ensembledevotrecorps.Oùêtes-vousassis(ouallongé)?Pouvez-voussentirvotredosencontactavecle litoulefauteuil?Prenezconsciencedelapositiondevotrecorps.Inutiledebouger,observezsimplement.

Puisimaginezlapièceautourdevous.Oùvoussituez-vousparrapportauxmurs?Savez-vousoùsetrouvelaporte?etleplafond?Sentez-vousvotrecorpsdansl’espace?

Lorsquevousêtesprêt,ouvrezlesyeuxetregardezlapièceautourdevous.Vouspouvezbougersivous lesouhaitez.Observez lesmeubles.Quelaspectont-ils?Passezautantde tempsquevouslesouhaiterezàlesregarder.Pensezàobserversansjugement.

Lorsquevousêtesprêt,terminezcetexerciceetreprenezvosoccupationsquotidiennes.

Aprèscettepremièreséance,prenezquelquesminutespourlacommenter.Sivouslesouhaitez,vous pourrez continuer à prendre des notes après chaque séance – ça n’est toutefois pasobligatoire.

Exercice25:Lamarchesilencieuse

Denombreusesculturesontdéveloppédifférentesformesdemarchesméditatives.Cetexerciceenestunevariante.

Marchezensilencependantdixminutesouplus;vouspouvezfaireletourdevotrejardin,faireles cent pas dans votre salon ou vous promener dans le quartier. Faites de votremieux pourrestersilencieuxpendanttoutelamarcheafindepouvoir«écouter»laproductiondevotreesprit.Quanddesobjetsquivousenvironnent,vospenséesouvossensationsattirentvotreattention,constatez-leenprononçantmentalement leurnomtroisfoisdesuite.Siparexemplevousvouspromenezdans votrequartier et qu’une voiturequi passeattire votreattention, dites« voiture,voiture, voiture ». Si vous vous sentez stressé, dites « stress » trois fois.Observez ce qui sepasseàcemoment-là.

Remarquezlesfoisoùvotreattentionestattiréeàplusieursreprisesparlemêmeévénementouobjet.Siparexemplecertainespenséesousentimentsseprésententsanscesseàvouspendantvotrepromenade,notezcetteinformationavantdepasseràlasuite,parexempleenlestraitantavecdestechniquesprésentéesdanscechapitreoulesprécédents.

Exercice26:Lespetitesboîtes

L’exercice suivant consiste à noter la catégorie de vos affects psychologiques àmesure qu’ilsapparaissent. Ilpeutêtreeffectuéseulouenassociationavecn’importequelautreexercicedecet ouvrage, à n’importe quel moment de la vie quotidienne. Lorsque pensées, sentiments etsensations apparaissent, prenez conscience de la catégorie à laquelle ils appartiennent ; si

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possible,énoncez-laàhautevoix.Nenommezpasl’émotionoulapenséespécifique: l’objectifestdeseconcentreruniquementsurlacatégoriedececontenu.

Voiciunelistedesdifférentescatégoriesoùrangervospenséesetautresaffects.Bienentendu,onpourraitentrouverbiend’autres,maiscantonnezvouspourl’instantàcelles-ci:

Émotion.Pensée.Sensationphysique(nousdirons«sensation»).Évaluation.Besoind’agir(nousdirons«besoin»).Souvenir.

Pendantcetexercice,commencezvosphrasespar«Ilya…».Siparexemplevotrecœursemetàbattretrèsvite,dites«Ilyaunesensation».Sivousrépondezàcetteaccélérationcardiaquepar lapeurdevoustrouverenproieàunecrisedepanique,dites«Ilyauneémotion».Si lapeur est si grande que vous trouvez indispensable d’appeler un médecin, dites « Il y a unbesoin».

Cetexercicepeutse faireassissurunechaise,maisaussipendantun trajetenvoiture,au lit,pendantunepromenade,etc.Faites-ledureraumoinsquelquesminutes,plus si vousenêtescapable.Sivousremarquezquevouspassezparunelonguepériodedesilence,essayezdevoirsivousnevousêtespasembarquédansunepenséeouunsentimentquevoussuivez.Danscecas,revenezàl’exercice.

Étiqueterainsidesaffectsvousaideraàlestraiterdefaçondéfusionnée.Si,parexemple,vouspensezàtoutcequevousavezàfaireparlasuite,lefaitdedire«Ilyaunepensée»vousaideà resterdans lemomentprésentetàvoir cequisepasse.Lapenséepeutconcerner le futur,maiscen’estqu’unaffect.Defait,lapenséeestentraindeseproduiremaintenant,etlefaitdeleremarquerestunehabitude intellectuellepuissante.Lacultiverpeut se révélerutilequanddesaffectsplusdifficilesapparaissent(parexemplel’idéequ’unecrisedepaniquevousmenace).

Exercice27:Mangezduraisin

Vous serez sans doute surpris de voir à quel point le fait de manger un grain de raisin peuts’avéreruneexpérienceexceptionnellesivouslefaitesenpleineconscience.

D’abord,prenezun raisinetmangez-lenormalement–c’est-à-dire rapidement.Puisprenezunautregrainderaisin,posez-lesurunetabledevantvousetexaminez-le.Remarquezlespetitesridessursapeauetlesformesqu’ellesprennent.Prenezundeuxièmegrainetplacez-lejusteàcôté;observezenquoiilsdiffèrent.Lesgrainsderaisinsonttousdifférentslesunsdesautres.Iln’yenapasdeuxde lamême taille.Pensezà l’espacequ’ilsprennentdans lapièce,dans lemonde,dansl’univers.Pensezàleurtaillelesunsparrapportauxautres.

Àprésent,prenezun raisinet faites-le roulerentrevosdoigts.Sentez la texturede lapeau, latrace un peu collante qu’elle laisse entre vos doigts.Portez le raisin à votre bouche ; faites-leroulersuretsousvotrelangue,faites-lepasserentrevotrejoueetvosgencives;nelemâchezpasavantunebonnetrentainedesecondes.Quandvousêtesprêt,croquezlegrainderaisinetremarquezsongoût,satexturesousvosdents;prenezconsciencedelamanièredontilglissedansvotregorgequandvousl’avalez.

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Mangez un autre grain de raisin,mais cette fois-ci avec une lenteur très exagérée.Mâchez-leaussi longtempsquevous lepouvez, jusqu’àcequ’ildeviennede lapulpeentrevosdents.Lasaveur est-elle différente quandon lemangede cette façon ?En quoi ?Quelle sensation faitnaîtrecegrainderaisindansvotrebouchequandildisparaît?Quellesensationprocurelefaitdel’avaler?Comparez-leavec lepremiergrain.Quellesdifférencesentre le faitd’avalerungrainsansyprendregardeetlefaitdelemangerdefaçonconsciente?Notezvosréponses:

Exercice28:Buvezduthé

Essayonsmaintenantunexercicesimilaireavecunetassedethé.

Faitesbouillirdel’eau.Prenezunsachetdethéetmettez-ledansunetasse.

Versezl’eausurlesachet.Remplissezlatasse.Laissez-leinfuser.

Pendantqu’il infuse, regardezcomment l’eauchangedecouleur,passantd’unbrun légeràunbrunplus foncé.Aprèsquelquesminutes,ôtez lesachet.Observezattentivement lacouleurduthé.Remarquez-vousquelquechosequevousn’aviezpasvuavant?Dans tous lescas,vouspouveznotervosobservations:

Àprésent, placezvosmainsautourde la tasse.Avez-vousdéjà ressenti cette sensationaussiprécisément ?De quelle sensation s’agit-il ? La tasse est-elle brûlante ou tout juste chaude ?Remarquezsatempérature.

Portez la tasse à vos lèvres. Sentez la vapeur qui monte et touche la peau de votre visage.Sentez le parfumdu théenprenant une longue inspiration.Quatrevingt-dix pour cent de votresens du goût sont contrôlés par votre odorat. Si vous ne reniflez pas votre thé, vous ne legoûterezpasvraiment.

Prenezmaintenantunegorgée.Vousbrûle-t-elleleslèvres?Lethéest-iltropchaudoujusteàla

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bonne température?Quel goût a-t-il ?Essayezd’observer toutes vosexpériences sans juger,puisdécrivez-les:

Sivousn’aimezpaslethé,peuimporte,tentezjustel’exercice.Aumomentoùvousbuvez,notezque vous n’aimez pas cela, et observez cette expérience. Croire que l’on ne doit pratiquer laconscienceduprésentquedanslesmomentsdeplaisirreviendraitàéliminerlamoitiédevotrevie.Voussavezquevousserezconfrontéàdesexpériencesdéplaisantes,alorsautantaller àleurrencontreetlesprendrepourcequ’ellessont!

MangerenpleineconscienceLesdeuxderniersexercicesserattachentàunepratiqueplusrépanduequel’onnomme«mangerenpleineconscience».Ilyaautantdefaçonsd’effectuercettepratique que d’écoles de mindfulness. Certaines vous demandent de mangerlentement, d’autres de mâcher cinquante fois chaque bouchée, de limiter lenombredesrepas,d’observervossensationsdefaimaucoursdurepas,etc.

La civilisation occidentale, en particulier dans l’univers du fast-food, a perdul’habitude de prêter attention à la nourriture. Pour certains, c’est à peine plusqu’un facteur de survie ; pire, il nous semble que ce facteur nous est donnécommel’airquenousrespirons.Nousconsidéronslanourriturecommeallantdesoi.

Nousn’utiliseronslefaitdemangerenpleineconsciencequecommeunefaçonde pratiquer lamindfulness. Prendre conscience de ce que l’onmange au lieud’avaler son repas est une excellente façonde se ramener aumomentprésent.Vousobserverentraindemangerestunetrèsbonnefaçondevoussortirdumoiconceptualisé.Peu importequevous aimiez cequevousmangez, oumême lefait demanger, l’important est de se connecter aumoment présent.Et si vouspreniezunpeudetempspouressayerlorsdevotreprochainrepas?

Exercice29:Mangezenpleineconscience

Pour commencer, procédez avec lenteur. Prenez tout votre temps pour accomplir chaquemouvementetprenezconsciencedecequevousexpérimentezaufuretàmesure.Quandvoussaisissezunefourchetteouquevouscoupezvotreviande,demandez-vouscequecelavousfait.

Lorsquevousmettezdelanourrituredansvotrebouche,pensezauxsaveursetauxtexturesdela nourriture. Est-ce bon ou mauvais ? Ne vous laissez pas entraîner par votre jugement.

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Remarquez-lesimplement.Mangez-vousseulounon?Ilpeutêtreintéressantd’observercequefaitvotrementallorsquevousinteragissezaveclesgens,ainsiquelesaffectsquivoustraversentlorsquevousprenezvotrerepasseul.

Despenséesoudessensationsparticulièresvousviennent-ellesàl’espritpendantlerepas?Sioui,notez-leségalement.Certainesdes techniquesprésentéesdanscetouvragepeuventvousaider.

Lefaitdemangerenpleineconscienceestunexcellentmoyendecontacterlemomentprésentetdeprofiteraumieuxdecequ’ilvousapporte.

Exercice30:Écoutezdelamusiqueclassique

L’intérêtdecetexerciceestdevousmontrercommentvouspouvezportervotreattentionsurunesuite complexe de stimuli, vous concentrer sur plusieurs choses à la fois, ou bien simplementvouslaisserporterparl’expériencedevoussentirenveloppéparlamusique.

Choisissez un morceau classique : symphonie, concerto, quartette à cordes, peu importe àconditionqu’ilyaitplusieursinstruments–pasdesolodepianooudeviolon.Sivousn’appréciezpaslamusiqueclassique,essayeztoutdemêmecetexercice.

Commencezparécouter«normalement».Unefoisquevousêtesunpeuentrédanslemorceau,portezvotreattentionsurunelignemélodiqueouuninstrumentparticulier.Dansunesymphoniepar exemple, vous pouvez vous concentrer sur les cordes. Parvenez-vous à distinguer lesviolons, les violoncelles, les contrebasses ? À présent, déplacez votre attention sur un autreinstrumentouuneautresectiondel’orchestre.Lestrompettes,parexemple?lespercussions?lesvents?Essayezdenommerlesdifférentsinstrumentsquevousentendez.Sivousn’avezpasl’oreillehabituéeàlamusiqueclassique,notezsimplementlesdifférentstypesdesons.

Pendantquevotreattentionpassed’un instrumentà l’autre,quevousarrive-til?Lorsquevousvousconcentrezsurunesectiondel’orchestre,commentpercevez-vouslesautres?Continuezàexpérimenterenfaisantvariervotrecentred’attention.

Puistentezdeprêterattentionàdeuxinstruments(ousériesdesons)àlafois,parexemplelescordeset lescuivres.Essayezdenepasvous laisseremporterpar lamusique.Remarquezetclassez lessonsenpleineconscience.N’hésitezpasàapprofondir l’expérienceenprenantencomptedenouveauxinstruments,oubienenremarquantlamanièredontvotreespritpassed’unsonàl’autre.Àquelmomentêtes-vousconscientd’unseulsonetàquelmomententendez-vousplusieurssonsàlafois?Sivouslesouhaitez,vouspouvezjouerunpeuaveccessensations.

Quand vous avez fini d’expérimenter l’écoute d’un seul, puis de plusieurs sons, reportez votreconsciencesurlemorceauenlui-même.Soyezconscientdetouslesinstrumentsquijouentàlafois.Êtes-vousentrainderemarquercertainssonsplusqued’autres?Pouvez-vousentendrelesdifférents instruments tout en écoutant lemorceau commeun tout ?Que se passe-t-il si vousécouteztouslesinstrumentsàlafois?Lesondevient-ilplus«grand»?Essayezd’identifierlepoint où les multiples sons se fondent en unemélodie. Bref, considérez en toute consciencecommentvousinteragissezaveclamusique.

Sivousêtesunmélomane,cetexercicepeutêtretrèsrévélateur.Eneffet,notrefaçond’écouterlamusiqueimitelafaçondontnousécoutonscettemachineàmotsqu’estnotremental.Pendantles crescendos passionnés, notremoi est souvent emporté par lamusique, tout comme nous

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sommes emportés par les mots liés à nos affects. Mais si nous parvenons à conserver uneposturedemindfulnesspendantnotreécoute,nouspouvonslargementenrichirnotreexpérience.Quel plaisir de reconnaître chaque son, chaque instrument, et de conserver le choix d’êtreemportéparunpassageparticulièrementexpressif!

Peut-être pouvez-vous apprendre à considérer votre dépression ou vos symptômes d’anxiétécomme une symphonie. Il y a tant de belles œuvres mélancoliques… Essayez de prendreconscience de vos sentiments, pensées, besoins et sensations comme autant d’instrumentsdifférents.Pouvez-vousséparerlesnotesquevousentendez,lesaccordsquisejouent?Ilpeutêtrefascinantdeprendreconsciencedelamusiquedevotreexpérience.

Exercice31:Pensezàvospieds

Lisezletextequisuitenétantconscientdevospieds.

AuclairdelaluneMonamiPierrot

Prête-moitaplume,Pourécrireunmot.

Machandelleestmorte,Jen’aiplusdefeu.Ouvre-moitaporte,Pourl’amourdeDieu.

Êtes-vous parvenu à rester conscient de vos pieds en lisant cette comptine ? Avez-vousremarquéquevotreconsciencepassaitdesmotsàvossensations?N’avez-vousétéconscientdevospiedsque lorsquevousvoussouveniezde laconsigne?Ouavez-vousétécapabledeporter votre attention à vos pieds, en pleine conscience, tout en lisant le passage ? Prenezquelquesminutespourrépondreàcesquestions:

Cet exercice est intéressant à plusieurs égards : d’abord, il nécessite que nousscindions notre attention en deux ; ensuite, ilmontre comment, bien souvent,lorsque nous nous embarquons dans nos histoires, nous oublions ce qui nousarrive vraiment. Quand nous nous perdons dans notre histoire de dépression,d’anxiétéounosproblèmesd’estimedesoi,nousenoublionssouventquebiend’autres choses nous arrivent en même temps. Pourtant, vous pouvez portervotre attention sur vos mains, vos pieds, la qualité de l’air, ou des milliersd’autresfacteursquisedéroulentdansetautourdevous,enmêmetempsquedumalaisepsychologiquequefabriquevotremental.Souvenez-vous toutefoisquepenseràvospiedsn’estpasunefaçond’oublieroud’ignorervotredouleur,mais

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simplementdevousexerceràêtreprésentdanslemomentdefaçondélibéréeetsouple,commevouslesouhaitez.

Vous pouvez faire la même chose en lisant le journal ou, pourquoi pas, cetouvrage.Choisissezquelquechosesur lequelportervotreattentionetvoyezsivouspouvezvousconcentrerdessustoutencontinuantvotrelecture.

Méditation

Lesprincipalesreligionsetlesgrandscourantsphilosophiquesonttousexploréle concept de moi observateur. De nombreuses pratiques ont été développéesdanslebutd’accéderàplusdeconscience–l’uned’elleestla«méditationdepleineconscience».

Dansnotreculture,laméditationaparfoismauvaisepresse:onlavoitcommeuneétrangepratiquemétaphysique,tropdifficileoutropésotériquepourlesgensnormaux, ou bien comme un exercice consistant à s’asseoir pour se laisserenvahirparunsentimentdepaixprochedel’illumination–etbaignerdansunnuaged’encens,s’ilvousplaît…

Aucunedecesdeuxconceptionsn’estutilepournous.Danslebouddhismezen,il existe une forme deméditation nommée zazen, la «méditation assise ». Ils’agit « simplement » d’être assis : on n’attend rien, ni vague de paix nirévélation mystique. Mais rester assis n’est pas si « simple ». Beaucoup dechoses ont lieu pendant ce temps, que vous ne pouvez pas arrêter : vousrespirez;vouspouvezaussiavoirfaim;et,vouslesavezmaintenant,vousnepouvezpasvousempêcherdepenser.C’estl’unedesgrandeserreursausujetdelaméditation:oncroitsouventqu’ellesertàarrêterdepenserpourinstallerlapaixintérieure.Cen’estpasvrai.Lesémotionsetlespenséesdouloureuses,toutcomme les sensations, abondent dans la pratique méditative. On y enseigneseulementàsecontenterdelesregarderpasser.

Resterassispendantdelongsmomentsàsimplementregardersonmentaletsoncorpsproduiredesaffectsestuneexcellentefaçondepratiquerl’acceptation,ladéfusion et l’être-là. Utilisée en conjonction avec d’autres exercices de cechapitre,cettepratiquepeutêtred’ungrandsecoursdansvotreapprochede lamindfulness.

Maisplutôtquedelire,pourquoinepaspasseràlapratique?L’exercicesuivantpeutvousaideràcommencervotreproprepratiquedelaméditation.

Exercice32:Restezassis

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Il s’agit simplement de conserver une position assise pendant toute la durée de laméditation,quasiment sans bouger, et d’accepter ce qui vous vient à l’esprit. Cet exercice n’a aucuneconnotationreligieuse(entoutcas,ellen’estpasnécessaire)etvousnedevezenattendreriend’autrequed’entrerencontactavecvotremoiobservateuretdevoircequiseprésente.

Lamiseenplace.Nousvousrecommandonsdelarégularitédanscetexercice,parexempleenluiattribuantune fréquenceetunhoraireprécis.Entreuneet troisséancesde15minutesparsemainenoussembleunbondébut–attention:quelquechosepourratoujoursvousempêcherde le faire. Observez simplement ces distractions et ces émotions pour ce qu’elles sont etpratiquez comme vous l’avez décidé. En effet, si vous ne faites cet exercice que lorsque celavoussemblepratique,vousrisqueztrèsvited’arrêtercomplètement.

Lelieu.Il est importantde trouverun lieuoùvousneserezpas tropdérangé ;biensûr, il estsouvent impossibled’éviter toutes lesdistractions,maisêtre interromputoutes lescinqminutesnevousaiderapas.Lemondeautourdevousregorgedebruitsetd’activitéset ilnes’agitpasnonplusdevousrefermersurvous-même–unepartiedelapratiqueconsisteàvoircommentilvousarrived’êtreenfermé.

Ladurée.Necommencezpasparessayerderesterassispendantuneheure–espérerquecelafonctionnera est irréaliste. Il est préférable d’augmenter progressivement la durée de laméditation.Siunlapsdetempsde15minutesvousparaîttroplong,commencezpar10minutes.Vouspouvezaugmenter laduréedevotreexercicededeuxou troisminutespar semaine.Nevisezpastrophaut,maisnevoussous-estimezpasnonplus.

Peud’Occidentauxméditentplusde30minutesparjour.Mêmesicelavousparaîténorme,ilsepeut qu’enpratiquant vous vousdécouvriez l’envie d’en faire davantage. Il est possible que laméditation ait un impact important sur votre vie. Pratiquez-la régulièrement et voyez ce quimarchelemieuxpourvous.

Vous pouvez utiliser un réveil ou tout autre moyen pour marquer la fin de votre temps deméditation, car il n’est pas très profitable de regarder l’heure toutes les cinq minutes – c’estsouventuneexcusepourbouger.Aprèsuncertaintemps,vousvousrendrezcomptequevotrecorpssaitcombiendetempsdurel’exercice;peuàpeu,vouspourrezvousyfier.Enattendant,prenezunréveil.

La posture. Shunryu Suzuki, célèbre maître zen, disait : « La posture est la pratique. »Traditionnellement,l’exercicesepratiquedanslapositiondulotus,suruncoussinposéparterre.Il s’agit donc de poser votre pied gauche sur votre cuisse droite et réciproquement, le piedreposantsurleplidel’aine;vousdevezvoustenirdroit,lementonunpeuinclinéversl’avant,lehautducrâneversleciel;lesbrasformentuncercle,demêmequelesmains,poséesl’unesurl’autre, lespouces légèrementencontact.Ainsi,vousavez troispointsdecontactavec lesol :vos genoux et votre fessier, sur le coussin.C’est une posture avancéeextrêmement difficile àfaire et à tenir pour les débutants. De fait, le yoga lui-même est en grande partie unconditionnementdestinéàdonneraucorpslapossibilitédeprendrecettepostureétrange.Nousvousrecommandonsdenepasvousyessayersivousn’avezpasd’expérienceetdesouplesse.Notre description a pour seul objectif de soulever un point important sur la posture que vousdevez choisir pour votre méditation assise. D’abord, il s’agit de choisir : par terre ou sur unechaise ? La première option nous semble préférable, car cette positionmoins habituelle nousincite à rester stables et droits, ce qui n’est pas le cas des chaises auxquelles nous sommeshabitués.Toutefois,sivoussouffrezdeproblèmesphysiquesparticuliersquivousenempêchent,prenezunechaise.

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Ilfautaussirespectertroisprincipesdelapositiondulotus:êtreassisleplusdroitpossible,avoirtroispointsencontactaveclesol,pourêtremieuxancré(surunechaise,ils’agiradesfessiersetdespieds).Enfin,ilfautconserverlapositiondesbrasetdesmains.Sivousleslaissezpendre,larectitudedevotrecolonnevertébraleseracompromise.Aubesoin,donc,posezlesmainssurvoscuisses.Sivouschoisissezdevousasseoirausol,vouspouvezéventuellementvousprocureruncoussindeyogatraditionnelappelézafuousimplementunoreiller.Ils’agitquevotrefessiersoitassezhautpourquevosgenouxreposentnaturellementsurlesol.

Vouspouvezégalement adopter le demi-lotus (une seule jambe repliée sur l’aine), le quart delotus(piedposésurlegenou)oulaposturebirmane(suruncoussin,lesdeuxjambesposéesausol).Surunechaise,assurez-vousquevotredosnetouchepasledossier,etgardezvosgenouxàquatre-vingt-dixdegrésparrapportàvoshanches.Vospiedsdoiventêtrefermementposéssurlesol,écartésdelalargeurdevosépaules,orteilspointésenfacedevous.

Dernierpointconcernantcetteposture:restezimmobile.Essayezdenepasbougerduranttoutela durée de l’exercice. Si vous vous rendez compte que vous chancelez, revenez aumomentprésent.Avecunpeud’entraînement,vousparviendrezàunetrèsgrandeimmobilité.

L’exercice.Enpratique,ils’agitderesterassis.Iln’yapasde«but»àproprementparler,maissimplementdesrèglesàgarderàl’esprit.L’exercicedes«feuillessurleruisseau»(chapitre6)résume bien ce qu’il faut faire. Inutile de se concentrer sur un sujet particulier ; laissez votremental générer cequ’il veutet observezcequi sepasse.Laissez lespenséesalleret venir –contentez-vousdelesregarderpasser.

Ilest inévitableque l’uned’ellesvousemporteàunmomentouunautre;vousvousmettrezàimaginerdeschosesouàcontemplervotredouleurpsychologique–ousimplementàrepenseràvotrepetitdéjeuner,auxdevoirsdesenfants,aufilmdecesoirouàunamiquevousn’avezpasvudepuisdesannées.Voussavezàquelpointvotrementalestdouépourcréerdespensées;vousvousrendrezcomptequelefaitderesterassisamplifieencorecettecapacité.Desmillionsdepenséespeuventvousvenirà l’esprit,et ilyade très forteschancesque l’uned’ellesvousemporte. Lorsque cela se produit, constatez-le simplement, et revenez dans l’observation dumomentetdevous-même.Lesdeuxchapitresprécédentsvousontapprisànoterquevousavezeuunepenséeetàreveniràl’icietmaintenant.

Vouspouvezégalement employer des techniquesdedéfusionprésentéesplushaut ; celle quiconsisteàétiquetervospenséesestparticulièrementutile ici.Lorsqu’unepenséevoustraversel’esprit,dites-vous:«Jesuisentraindepenserquej’aimangédesœufscematin»ou«J’ailesentiment d’être triste ». Il est aussi utile de vous rendre compte que vous avez dérivé et deretrouverl’idéequivousafaitdériver:«J’aiimaginéquejeretrouvaismonexetjesuisentraindepenserquejel’aiimaginé.»

L’exercice 26 décrit plus haut est également utilisable, car noter rapidement la catégorie àlaquelleappartientvotreaffectestefficace.

Suivezvotresouffle.Vouspouvezajouteruneautretechniqueàvotreméditation:suivrevotresouffle. Il s’agit simplement de remarquer votre souffle qui entreet sort naturellement de votrecorps.Vouspouvez,sivouslesouhaitez,comptervosrespirationsd’unàdix,puisrecommencerà un.Observez simplement votre souffle. Lorsque vous restez assis, tous les genres d’affectspeuventseprésenter:colère,dépression,anxiété,estimedesoidéfaillante…Laissez-lesalleretvenir. Quand ils apparaissent, traitez-les avec douceur, comme vous caresseriez la tête d’unenfantpourluimontrerquevousavezremarquésaprésence.

Ladouleurphysique.Leproblèmedeladouleurphysiqueadeforteschancesd’apparaître,en

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particuliersivousrestezassislongtemps.C’estunélémentquipeutconsidérablementdistraire.

La douleur est un phénomène surprenant. La capacité de notre mental à s’y consacrer estremarquable.Danslechapitre4,nousavonscitédesétudesàproposdesdouleurschroniquesetde la volonté de l’expérimenter ; vouloir se libérer de la douleur physiquepeut être une formed’évitement.Or lesméthodesproposées icisesont révéléesefficacespar rapportà ladouleur.Nousvous invitonsdoncà resterassisavec votredouleur, au lieudevous leveret debougerquandvoussentezque«vousn’enpouvezplus».Avec lapratique,vousverrezquevousen«pouvez»beaucoupplusquevousnelepensez.

Bienentendu, vousdevezprendresoindevous,et si vousavezunvraiproblèmephysique, iln’estpasquestionde l’aggraver.Restezdouxavecvous-même.Demandez-vousgentimentdepoursuivrel’exercice…etcontinuez.

LamindfulnessencontexteLaplupartdestechniquesprésentéesicipeuventfonctionnerdefaçoncombinée.Essayez, expérimentez, découvrez cequi fonctionnepourvous ; faites commebonvous semblepour utiliser et combiner les exercices. Il n’y a aucune règlepour pratiquer la mindfulness. Faites ce qui vous semble bien. Cela dit, iln’existepasdefaçond’être«bien»enpermanence;lecroirevousentraîneraitànouveaudans lespiègesquevotrementalgénère sibien.Lamindfulnessn’estpas la «bonne» façondevivre–une telle chosen’existepas. Il s’agit d’unepratique destinée à augmenter votre flexibilité psychologique et à élargir lerépertoiredevosréponsesàtoutesituationdonnée.

Aucunedestechniquesdecechapitrenefonctionnesionsecontentedeleslire.Ellesnevousserontbénéfiquesquesivouslespratiquezdemanièrerégulière.1.Sicelavousparaîtdifficile,demandezàquelqu’undevousleslireàvoixhauteoubienenregistrez-lesauparavantsurunDictaphone.

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Labienveillance:cequ’elleestetcequ’ellen’estpas

Chapitre

9

Danslechapitre4,nousavonsrapidementdéfinilabienveillanceetl’acceptationcommelaréponseàlaquestion:«M’acceptes-tucommejesuis?»Nousavonsdit que nous serions dans l’acceptation et la volonté d’accueillir une infinitéd’expériences intimes du moment. Dans cette partie des deux chapitresconsacrésauconceptdebienveillance,nousvoulonsdéfinircequesignifiedireouietnousnousyentraînerons.Toutd’abordvousdevezdécidersic’estlebonmomentpourvous.

Quedevez-vousaccepter?D’une certaine façon, l’acceptation de votre expérience est nécessaire, mêmelorsquelasituationdemandequevouslachangiezradicalement.Sivousposezlamain sur un fourneau brûlant, vous la retirez immédiatement. Si vous agissezassezvite,vouspouvezmêmeéviterunebrûlureetladouleurpeutdisparaîtreenquelquessecondes.Mais,pourcela,vousdevezd’abordvousrendrecomptequevousavezmal.

Undesplustristeseffetssecondairesdurefuschroniquederessentirestquenousfinissons par perdre notre capacité à percevoir ce que nous évitons. Si vousévitez tropsouventcequevousressentez,vousrisquezdecommettrebiendeserreurs (par exemple si vous entamez une nouvelle relation sans percevoir lessentiments négatifs vous indiquant que votre nouvel objet d’amour est trèssemblableauxpartenairesavecquiçan’apasfonctionné).Ensuite,ilestconnuque l’évitement est souvent le fait de personnes qui ont en réalité tendance àrépondredemanièreplus intenseauxévénements,quecesoitpositivementounégativement ; en restant à distance de leur douleur, les « éviteurs » restentégalementéloignésdel’intensitédeleurjoie.

Toutes les douleurs ne sont pas comparables à la brûlure d’un fourneau.Certainesaccompagnentnécessairementdesactionssaines,oubienproviennentde notre histoire et ne sont pas liées à la situation présente. Si vous faitesbeaucoup de sport, vosmuscles seront endoloris. Si vous travaillez beaucoup,vousserez fatigué.Sivousvous rappelezuncherdisparu,vousserez triste.Si

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vous vous ouvrez à un partenaire potentiel, vous vous sentirez vulnérable. Laplupart des douleurs psychologiques se rattachent à notre histoire. L’anxiétén’estengénéralpasbaséesurunvraidanger,pasplusqueladépressionnesefonde sur la situation réelle : elles se fondent sur des sentiments historiques,conditionnés. Certains d’entre eux ne sont pas de bons guides pour agir. Parexemple, quelqu’un qui a souffert de maltraitance peut craindre les relationsd’intimité,mêmesisonpartenaireactuelestsensibleetdoux.

Lorsque nous parlons d’acceptation et de bienveillance, nous ne faisons pasréférence à des situations, événements ou comportements susceptibles d’êtrechangés.Siquelqu’unvousmaltraite,iln’estpasquestiondel’accepter.Ilfautaccepter, en revanche, le fait que vous êtes dans la douleur, les mauvaissouvenirsquecelavous rappelle, et lapeurquevousavezd’agir afinde fairecessercettemaltraitance.

Sivousavezunproblèmed’addiction,ilnes’agitpasd’accepterquevousvousdroguez ; il est sansdoutenécessaire, en revanche,d’acceptervotrebesoindeprendre de la drogue, le manque qui peut apparaître si vous vous décidez àabandonnervotreméthodedecopingpréféréeainsiqueladouleurémotionnellequiémergeralorsquevouscesserezd’utiliserladrogueoul’alcoolpourrégulervosémotions.

Pour avancer, que devez-vous personnellement accepter ? Lisez les questionssuivantes et voyez ce qui vient. Si vous ne savez pas quoi écrire, passezsimplementàlaquestionsuivante.

Exercice33:Cequ’ilvousfautaccepter

Lessouvenirsetlesimagesquej’éviteleplussont:

Lesévitermecoûteenceci:

Lessensationsphysiquesquej’éviteleplussont:

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Lesévitermecoûteenceci:

Lesémotionsquej’éviteleplussont:

Lesévitermecoûteenceci:

Lespenséesquej’éviteleplussont:

Lesévitermecoûteenceci:

Lestendancesoulesbesoinsd’agirquej’éviteleplussont:

Lesévitermecoûteenceci:

Nousvenonsderecensercinqdomainesd’évitementetd’enévaluerlecoûtpourvous.Sivousavezpurépondreàcesquestionsdansdeuxdomainesouplus,autantauniveaudesaffectsqu’àceluideleurcoût,alorsvousêtesprêtàcontinuer.Sinon,passezd’abordauxchapitres11et12avantdereveniràcelui-ci.

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LebutdelabienveillanceLe but de la bienveillance est la flexibilité. Quand vous êtes capable d’êtreentièrement présent dans l’ici et maintenant, sans juger ni repousser lesexpériencesetlesaffects,vouspouvezagirdefaçonbienpluslibre.

Labienveillance:cequ’ellen’estpas

Pratiquerla«bienveillance»,ausensde«vouloirbien»,c’est-à-direaccepterdefaçonpositiveetvolontaire,dansl’envie,peutêtreunexerciceardu.Eneffet,les êtres humains peuvent l’apprendre,mais pas leurmental. Notremental nepeut pas comprendre tout à fait la bienveillance, car celle-ci ne juge pas, elleexiste au présent, tandis que lemental fonctionne avec des évaluations et desrelations temporelles. Pour cette raison, afin de commencer à travailler sur labienveillance,autantposerd’abordcequ’ellen’estpas.Ainsi,quandvotreespritvoudrafairepasserpourdelabienveillancequelquechosequinel’estpas,voussaurezleprendreavecdespincettes.

Labienveillancen’estpaslavolontéLes patients ACT à qui l’on demande s’ils veulent connaître une expérienceparticulière(parexempleunsentimentnégatif)répondentengénéralnon.Maiscetteréponseestrévélatrice:labienveillancen’estpaslavolonté.

Lavolonté,lebesoinouledésirproviennentdechosesquenousn’avonspasetquinousmanquent.Sivousrelisezlalistedesaffectsquevousavezétablieunpeuplushaut,vousverrezqu’ilsnevous«manquent»pas.Silabienveillanceétaitlavolonté,personnenevoudraitéprouverdeladouleur.Aucunevictimedecrisesdepaniquenesongeraitàseplaindresiellesdisparaissaientsoudain…

Pensez plutôt à la bienveillance comme au fait d’accueillir un hôte. Imaginezquevousavezinvitétoutevotrefamillechezvouspourunefête.Desdizainesdecousinsetparentsarriventchezvous,ettoutlemondes’amuse,ycomprisvous.Vousvousfélicitezdecetteinitiative.Maissoudain,unevoituresegaredevantchez vous, et votre estomac se noue : c’est Monique, votre vieille tanteexcentriqueetbougonne,cellequioubliesouventdeselaver,quin’ajamaisunmotgentilpourpersonne,quimangecommequatreetignorelemot«merci».Maisvousavezbiendit«Toutelafamilleestlabienvenue»,non?Etpuis,sivousluiclaquezlaporteaunez,elleinsisteraettenterad’entrerenforcemalgrévoscris.Votrefêteseragâchée,d’unepartparcequevousnepourrezplusvousoccuper des autres invités, d’autre part parce que ceux-ci seront affectés par

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votrecomportement.

Alors est-il possible de vraiment accueillir la tante Monique, même si vousn’avezpasréellementenviedelavoir?Accueillirn’estpaslamêmechosequevouloir. Vous pouvez donc saluer la tante Monique, la faire entrer et luidemander de ses nouvelles. L’important n’est pas que vous souhaitiez saprésenceounon ; l’important, c’estde laconsidéreravecbienveillance, en luioffrant àboire et enacceptant saprésence.Vouspourrez retournervousmêlerauxautresinvités,etelleaussi.

Voilàexactementcequenousnommons«bienveillance».C’estcequ’exprimelepoètepersanDjalalAl-DinRoumiparcesvers:«Unejoie,unetristesse,unerancœur/ou une prise de conscience momentanée/surviennent tel un visiteurinattendu/Accueille et reçois-les tous. » Il s’agit bien sûr d’unemétaphore surtouslessentimentsetlespenséesdésagréablesquiseprésententànous–toutesles « tataMonique » qui frappent à notre porte. Si nous attendons leur départpourcommencerlafête,celle-cinedébuterajamais.Leproblèmeestbienvotreattitudeenversvotrepropreexpérience.

Labienveillancen’estpasconditionnelleIlyadesfaçonsefficacesetinefficacesdelimiterlabienveillance.Soyonstrèsclairs, au départ, sur les solutions inefficaces. Apprendre à se montrerbienveillant revient à apprendre à sauter dans le vide, au moment où vousconfiez votre corps à la gravité. Peu importe la hauteur depuis laquelle voussautez, peu importe quevouspartiez d’une chaise oud’un avion envol.Si lasituationdiffère,l’actionesttoujourslamême.Mêmeensautantduhautd’unemarched’escalier,vousapprenezà sauterde lamême façonquevouspourrezsauterd’unechaise,d’untoitoud’unavion.

Maisimaginonsquevousdisiez:«D’accord,jeveuxapprendreàsauter,maisçamefaittroppeur;donc,pourl’instant,jevaisdescendreunpiedaprèsl’autre,pourresterencontrôle.»Trèsmalin,maiscelanepeutpasmarcher,parcequ’onnepeutpasgénéralisercemouvementàtouteslessituations–ilestinapplicabledepuisuntoitouunavion.Ainsi,vousn’apprenezpasàsauter.

Celaneveutpasdireque labienveillancenepuisseêtre limitée.Vouspouvezchoisir lasituationet lemoment.Sujetàdescrisesdepaniqueenpublic,vouspouvezchoisird’alleràl’épiceriemaispasàl’hypermarché.Traumatiséparunsouvenird’enfance,vouspouvezaccepterd’enparleravecvotrefrèremaispasavecvotremère.Agoraphobe,vouspouvezchoisirdesortirdanslaruependant

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dixminutesetnonvingt.

Limiter votre bienveillance en fonction de l’intensité ne fonctionne pas.« J’acceptede le faire si cen’estpas tropdouloureux» revient àdire« Jeneveux pas le faire du tout ». Fixer à l’avance jusqu’où vous allez ressentir leschosesn’estpasvraimentsauterdans levide.Maisdire«J’acceptede lefairependantcinqminutes»estacceptable;lalimitealorsn’estpasunequestiondequalitémaisdetempsoudesituation.

Labienveillancen’estpas«essayer»Étymologiquement, un « essai » est une pesée, un test, une évaluation ; labienveillanceestl’opposéexactd’unetelledémarchedejugement.C’estunsautvolontairedansl’inconnu.

Avec nos clients, nous soulignons parfois la passivité inhérente à la notiond’essai en posant un stylo sur une table et en leur disant : « Essayez de leprendre.»Quandilslesaisissent,nousdisons:«Non,non:ça,c’estleprendrevraiment.Essayezseulement.»

Lanotiond’essaiimpliqueaussiuneffort;labienveillance,encoreunefois,n’arienàvoiravecuneffort.Ils’agitsimplementdedireouiàl’expériencequiseprésente.Aucuneffortàfaire,aucuneattenteàavoirquantaurésultat.Ilsuffitdedireouiounon.Silabienveillanceestappliquéeàunsentiment,nousneparlonspasderessentirquelquechosequevousneressentezpas,maisbienderessentircequevousressentezdéjà.Sicelanécessiteuneffortquelconque,c’estdanslesensopposé.

Pourvousenrendrecompte,prenezquelquesinstantspourdéplacervotremaindroiteafinqu’elletouchevotrebrasgauche.Observezvossensations.

Àprésent,faitesl’inverseetneressentezrien.

Laquelledecesdeuxconsignesvousparaît-ellelaplusdifficileàsuivre?Avez-vousdû«essayer»desentirouyêtes-vousparvenunaturellement?

Labienveillancen’estpasunequestiondecroyanceParfois,lorsquenousleurdemandonss’ilssontdanslabienveillance,nosclientsnous répondent :«Jenecroispaspouvoiryarriver.»Après toutcequenousavonsditsurladéfusion,vousvoyezsansdoutelehic…Labienveillancen’estpasunequestiondecroire.

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Expliquons-nousmieux:reprenezl’exerciceci-dessus,enrépétantàvoixhaute:«Jenepeuxpastouchermonbras.»Alors?Malgrévosdénégations,ilyafortà parier que vous avez senti quelque chose.Votre ressenti n’est pas affaire decroyance. Vous pouvez vous en penser capable ou incapable, cela ne changerien:sentez-vouscequevoussentezquandvouslesentez?Laréponsenepeutêtrequeouiounon.

De la même façon, la bienveillance n’est pas quelque chose que l’on espère,croitpouvoir,aimerait…pratiquer.C’estuneréponseparouiouparnonsurlemoment.

LabienveillancenepeutêtrefeinteCertains patients, en leur for intérieur, ne répondent pas positivement à laquestiondelabienveillance,maisprétendentnéanmoinslefaire,commemalgréeux.Unsignecertaindecettetendance?Direun«si»suivid’unepropositionqui ne peut être volontairement contrôlée. Bien entendu, une telle attitude estvouéeàl’échec.Ceseraitcommeavoirunenfantcapricieuxàlamaison.Vousavezdécidéd’interdirelesjeuxvidéotantquelesdevoirsnesontpasfaits.Votreenfantcrieettempête,voustraitedemauvaisparent.Imaginonsquevousvousdisiez:«Jevais le laisserfairesoncapricesansréagir…saufs’ilditdesgrosmots. » Et imaginons aussi que votre esprit soit comme un livre ouvert pourvotreenfant–ilpeutentendrevospenséescommesivouslesexprimiezàvoixhaute.Devinezunpeucequisepasserait…Vousentendriezinstantanémentdesjuronsàfairepâlirunmarin.Etsivousvousdisiez:«Jevaislelaisserfairesoncapricesanscéder…maispasplusdecinqminutes»,bienentendu,lascèneendureraitsix!

Onnepeutpasserdemarchéavecnosaffects,carnotrementalpeutaccueilliràlafoisl’événementévitéetlemensonge.Commepourlecapricedel’enfant,sivous n’acceptez de ressentir votre anxiété que de façon conditionnelle, et quecette condition n’est pas contrôlable, vous n’êtes pas réellement dans labienveillance. « Je veux bien acceptermon anxiété pourvu qu’elle ne dépassepas 60 sur une échelle de 1 à 100 » est une phrase qui de fait invitera votreanxiétéàgrimperau-delàdecechiffre.

Labienveillancenemanipulepas

C’estunconceptincompréhensiblepourlemental.Pourlui,lecontenudevotredouleur est la source de votre souffrance car la douleur est mauvaise. Vouspouvezdoncmesurer lasouffrancepar laquantitéde(mauvaise)douleur.Pour

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quelqu’un qui lutte avec l’anxiété, un « bon » jour est un jour sans tropd’anxiété;pourundépressif,c’estunjouravecmoinsdedépression,etc.

La bienveillance exige d’abandonner ces mesures. La souffrance n’est plussynonymedevotredouleur,maisdufaitderefuserdevivresaviedanslebutdegagneruncombat.

Unpatientdel’ACTquialuttépendantdesannéescontredescrisesdepaniqueetdontlathérapieachangélavielerésumeencestermes:

«À présent, je remarque souvent que dans les situations où jeme sentais en conflit, lechoixdesebattreaquasimentdisparu.Jel’aidéjàfaitetjesaiscequeçaapporte.Dansdessituationsoùjeluttaisoufuyais,jeressensencorel’impulsiondelefaire.Alorsjepassejusteàunautreniveau,plusspirituel;jeregardemaluttepourcequ’elleestetjefaisavec.Pourmoi,cela ressembleplusàunequestionphilosophiqueoubienàunautremodedevie.C’estcommesi,aprèsavoirvulavieennoiretblancpendantdesannées,jelavoyaisencouleurs.Etquellescouleurs!Unvéritablearc-en-ciel…J’éprouvedesémotionsdontjemecroyais incapable,ouque jerefusais,et j’enretireénormémentdeplaisir.Jeparledetristesse,dehonteetd’anxiété.C’est toujoursdecettedernièredont jem’occupe leplus,carellemeparaîtparfoisdangereusepourmaviemême.Lorsquevousressentezcommeuncoupdepoignarddanslecœur,quevousperdezvossensationsetneparvenezplusàrespirer,c’estuneexpérience trèsmarquante.Etpourtant,d’unecertaine façon, j’arriveàapprécier ça. C’est comme la tristesse. C’était quelque chose de terrible pour moi, quim’emportaitetmedépassait,aupointquejemesentaisendanger.Quandjemetrouvaisconfrontéàunproblème,latristesseétaittellequej’avaispeurd’enmourirsijelalaissaism’envahir. Je ne pouvais imaginer être aussi triste. À présent, je la vois sous un jourtotalementdifférent.Comme je ledisais, jesuispassédunoiretblancà lacouleur ;mavisionestchangée.Jevoismonpasséetmonprésentsousunanglenouveau,cequinecesse jamais deme surprendre. Ainsi, j’ai l’impression de grandir tous les jours.Ma vien’estplusliéeàmonagoraphobie;cequim’intéresse,c’estdevivre,derencontrerlesgensetmoi-même,etdecomprendre.»

Labienveillance:cequ’elleestetcequ’ellen’estpasLabienveillance,c’est…

tenirvotredouleurcommeunefleurfragileentrevosdoigts;laprendredansvosbrascommeunenfantenlarmes;vous asseoir à ses côtés avec l’attention que vous porteriez à un grandmalade;laregardercommevouscontempleriezuntableausurprenant;marcheravecellecommesivousportiezunenfantensanglots;

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luioffrirvotreécoutecommeàunamitrèscher;larespirerpleinement,commeunegrandeinspiration;abandonnerlaguerrecontreellecommeunsoldatquiposeraitlesarmesetrentreraitchezlui;laboirecommeunverred’eaupure;laporteravecvouscommevousporteriezunephotodansvotreportefeuille.

Labienveillancen’estpas…résisteràvotredouleur;l’ignorer;l’oublier;fairecequ’ellevousdit;nepasfairecequ’ellevousdit;ycroire;nepasycroire.

Étant donnéque la bienveillancen’est pas à la portéedumental, ces listes demots n’ont guère de sens ni d’impact. Pour vous permettre de mettre labienveillanceenaction,nousdevronsenpasserparunesériedemétaphoresetd’exercicesdanslechapitresuivant.

Figure9.1:Ladouleurdansvotretête

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Imaginonsquelatêteci-contresoitlavôtre.Àl’intérieur,inscrivezunseulaffect(émotion, souvenir, pensée, sensation ou besoin) contre lequel vous luttez. Àprésent, regardez ce mot. Évoque-t-il d’autres affects forts et difficiles, eux-mêmessujetsdelutte?Sic’estlecas,inscrivez-lesàleurtourdanslatête,carcesontdes«compagnonsderoute»devotredouleur initiale.Continuezainsijusqu’à avoir tout écrit. Si vous ne parvenez pas à caser tout ce que voussouhaiteriez dans votre tête, photocopiez le schéma et remplissez autant de« têtes»quevous lesouhaitez.Unefois toutes lesdouleurset lesmotsposés,faites une copie de la page comportant les douleurs qui occupent votre tête.Commenousl’avonsditendébutdechapitre,accepterquevousluttezavecunetêtepleinedeproblèmesestdéjàuneformedebienveillance.Labienveillance,c’estrépondre«oui»àlaquestion:«M’acceptes-tuentoicommejesuis?»Métaphoriquement, labienveillanceest commeprendre la copiede l’imagedevotretêteavectouteladouleuràl’intérieuretl’emporterdansvotrepoche,dansungestequidit :«Oui, je t’accepteet teprendsavecmoi,pasparcequejeledois,maisparcequejechoisisdelefaire.»

Sivouspassezbeaucoupde tempssurcetexercice,vousfinirezpeut-êtreavecune têtecommecelleduschéma9.2.Cette tête semble trèschargée.Maisest-ellenécessairementvotreennemie?Commemétaphored’unvraichangementdedirection dans votre vie, acceptez-vous de la porter dans votre poche pendant

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quelquetemps?Nousvoussuggéronsdelagardersurvousuneheureoupluspar jour,mais si celavous semble troppour l’instant,déterminez le tempsquivous paraît acceptable. Si votre réponse est « oui, à condition que…» et quecetteconditionestliéeàunequestiondecontrôle,essayezencore.Silaréponseest«non»,demandezvouscequecelasertetvoyezsic’estvraimentdansvotreintérêt.Maissivotreréponseestun«oui»francetmassif,alorsmettezlepapierdans votre poche et allez-y. Pensez à tapoter régulièrement votre poche pourvoussouvenirdesaprésence.Laprésencephysiquedecepapiervousempêche-t-elleréellementdevivrevotrevieavectoutesajoieetsaforce?

Figure9.2:Unexempledetêtepleinededouleurs

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Labienveillance:apprendreàsauter

Chapitre

10

La vie vous pose une question. Tout d’abord, celle-ci vous a parumurmurée,incompréhensible, voire inaudible. Rien d’étonnant à ce que vous n’ayez pasréponduparl’affirmative.

Undesobjectifsdecetouvrageestdevousaideràentendrelaquestion.Unautreestdevousaideràvoirs’ilestvraimentdansvotreintérêtdecontinueràdonnerlamêmeréponse(oulamêmeabsencederéponse).Etsicen’estpaslecas,alorscelivreseproposedevousapprendreàdireouiàlavie.

Laquestionestcomplexedanssaforme(c’estpourquoinousvouslaproposonsen plusieurs parties), mais simple dans son essence. Nous l’appelons la«questiondelavie».

La«questiondelavie»

Àpartirdumomentoùilexisteunedistinctionentrevous,individuconscientd’unepart,ettouslesaffectsdontvousêtesconscientetcontrelesquelsvousluttezd’autrepart:

acceptez-vousderessentir,penser,accueilliretvoussouvenirdetouscesaffects,pleinementetsansdéfense,delesexpérimenterpleinementcommeilssontetnoncommevotrementalditqu’ilssont,etdefairecequ’ilfautpourallerdansladirectionquevouschoisissezvraiment,danslemomentetlasituationprésents?

OUIouNON?

Il est tempsde sauter, avec l’aidedes techniquesetdes savoirsquevousavezmis enplace jusqu’ici.Répondre « oui » à la questionde la vie,mêmeposéeaussi rigidement, est un saut dans l’inconnu, dans un monde où il n’est pasnécessairedevousdébarrasseroudegérervotreproprehistoirepourvivrelaviequevousvousêteschoisie.C’estunmonded’acceptationdesoi,d’ouverture,oùle contenu est ambigumais le but clair.C’est unmondepsychologiquemoinsrigide, dans lequel vous arrêtez le combat, où vous lâchez prise, pour vivre

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pleinement,envousoccupantmoinsd’avoirraisonqued’êtreenvie.

Riennevousobligeàdire«oui».Lavieacceptelesdeuxréponses.Toutefois,répondre«non»ou se taire aun coût, et vous le connaissezbien.De fait, ladouleur est votre meilleure alliée pour cela. En avez-vous assez de souffrir,vraiment?

Nous ne cherchons pas à vous effrayer. Nous ne vous demandons pas decommencerparvousjeterduhautdelatourEiffel.Vouspouvezcommencerparunetoutepetitemarche.Maissivousdevezvouslancer,alorsfaites-le.

Defait,vousavezdéjàcommencéàlafinduchapitreprécédent.Vousavezportévotre tête avec vous.Cela vous a-t-il empêché de faire ce que vous vouliez ?Celaa-t-ilréellementdéterminécequivousestarrivé?Sivousvousêtesrenducompte que vous étiez capable de porter avec vous cette représentationmétaphoriquedevotresouffrance,qu’est-cequivousempêchedefairedemêmeaveclesautresproblèmescontrelesquelsvousluttez?

L’échelledelabienveillanceDans l’exercice suivant, nous vous demandons d’identifier une pensée, unsouvenir, une émotion ou une sensation que vous avez tendance à éviter (parexemple l’anxiété, la colère, la culpabilité, la dépression, la gêne, etc.). Vouspouvezréutiliservotrelisteduchapitre9,allerpuiserdansvotre«inventairedessouffrances » (exercice 1) ou ailleurs. Une fois que vous avez la pensée, lesouvenir, l’émotionou la sensation à l’esprit, notez-la ici (nous la nommeronsvotre«cible»):

Àprésent,imaginezlesdeuxpotentiomètressurlaradiodontnousparlionsauxchapitres 3 et 4. Le premier, celui de la douleur, se compose d’affectsdéplaisants,commelacolère,l’anxiété,laculpabilité,ladépression…Ceboutonestgraduéde1à10,mais,enréalité,sivousletournez, ilreprendtrèsvitesapositioninitiale.

En ce qui concerne votre cible, sur quelle intensité ce bouton estil réglé ?……/10

D’aprèsnous,sivouslisezcetouvrage,c’estquecechiffreesttropélevé,sinonenlui-même,dumoinsdevotrepointdevue.

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Dans le chapitre 3, nous avons dit qu’il existait un deuxième bouton, moinsapparent, celui de la bienveillance. Lui aussi va de 1 à 10. Si vous êtescomplètementouvertàressentirvotreexpériencetellequ’elleest,sanschercherà la manipuler, l’éviter, la fuir ou la changer, c’est que votre bouton debienveillanceestréglésur10.Danslecascontraire,sivousyêtesentièrementfermé,c’estun0.

Àprésent,enrepensantàvotresituationavantlalecturedecetouvrage,indiquezsurquellepositionsetrouvaitvotreboutondelabienveillance:……/10

Sivotreboutondeladouleurétaitàunniveauélevéetceluidelabienveillanceplutôtbas,lemélangeestdétonnant.Or,si leboutondebienveillanceestréglétropbas,lesaffectsnégatifsnepeuventpasbaisserdefaçonsignificative.Si,parexemple,vousêtesabsolumentdécidéànepasressentird’anxiété,etquecelle-ci apparaisse, alors l’anxiété devient quelque chose qui vous rend encore plusanxieux,dansunesorte«d’effetLarsen».

Régler votre bienveillance sur 10 ne signifie pas obligatoirement que votresentimentnégatifbaisserad’intensité.Delamêmefaçon,sivousmontezvotreboutondebienveillancedanslebutdefairedescendreceluidedouleur,celuiciagit comme un ressort qui renvoie la bienveillance à son niveau précédent. Ils’agitdonc,aumoinsdanscertainsaspectsoudomaines,decesserdejugervosprogrèsdanslavieparlavaleurfournieparleboutondedouleur.Caraufond,quigèreceluici,sinonlavie?Unêtreaimémeurt,etladouleurmonteenflèche.Vous vous découvrez une maladie incurable ? Idem. Votre partenaire estinfidèle?Mêmechose.

Montervotrepotentiomètredebienveillancevouspermetdevivrepleinement,en tant qu’être humain. Et contrairement à celui de la douleur, vous pouvezcontrôlercebouton-là.

LemomentdesauterIlesttempsdeselancer.Reprenezla«cible»quevousaveznotéeplushaut,etdemandez-vouscequivousempêchederéglervotreniveaudebienveillanceaumaximumparrapportàcelle-ci.Sivousnetrouvezpasderéponse,ilesttempsde vous lancer dans le « saut de la foi » – ou en tout cas dans le saut de labienveillance.

Vous pouvez encadrer votre saut par des limites de temps ou de lieu. Parexemple,vouspouvezconsidérerquevotrebienveillanceà expérimentervotre

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anxiété est de 10, mais y ajouter des indications telles que « en faisant mescoursesàl’hypermarchépendantcinqminutes».Cequisignifiequevousvouslaisserez ressentir pleinementvotre agoraphobie (sansquitter lemagasin, vousimmobiliser ni vous dissocier de l’expérience), mais seulement pendant cinqminutes.Nechoisissezpasunsautquisoithorsdevotreportéepourl’instant.Personne ne vous chronomètre ; il s’agit d’abord d’apprendre à sauter, pas desavoirselancerdepuisungratte-ciel.N’agissezquesivousvoussentezsûrdevous.Sivousneparvenezpasàtournerleboutonsur10,n’essayezmêmepas.

Unedemespatienteséprouvaitunsentimentdesolitudesiintensequ’elleétaitpersuadée que, si elle s’y laissait aller complètement, cela la détruirait. Ellevenaitdedivorcer,seretrouvaitsansargent,diplômeniemploi;lâchéeparsesamis,ellevivaitd’uneallocationdehandicap,etelleavaitdéjàfaitunetentativede suicide. Sa vie semblait vide et insignifiante. Au cours d’une séance dethérapie, je lui ai demandé si elle accepterait de se laisser aller à ressentir sasolitude, et elle a refusé jusqu’aumomentoù je lui aiproposéde limiter cetteexpérienceauminimum;elleadoncacceptédesesentirtotalementseuleetsansdéfensependantuneseconde.C’étaitundébut.

SathérapieACTaduréquelquesmois.Aujourd’hui,quelquesannéesplustard,elleaundiplômeetunemploi,elles’estremariée,elleestentouréed’amisetsesent bien dans sa vie. Sa traversée du désert est terminée, simplement parcequ’elleaacceptédesentirdélibérémentsasolitude,commes’il s’agissaitd’untissuquel’ontoucheparcuriosité–pendantuneseuleseconde.

Exercice34:Lafeuilledetravaildel’échelledebienveillance

Complétezlesphrasesci-dessous.

Parrapportàmonobjectif,jerèglemonpotentiomètredebienveillancesur:……/10

Meslimitationssont(tempsetlieuseulement;ellesnepeuventêtrel’intensiténilaprésenceoul’absenced’autresexpériences):

Utilisersesacquis,enapprendred’autresLorsqu’on fait un choix comme celui que vous venez de faire, de nombreux

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problèmespeuventsurgir.Sic’est lecas,utilisezlestechniquesmisesenplaceprécédemment.Sivotrementalsemetàhurler,souvenez-vousquevospenséesne sont que des pensées ; n’entrez pas en conflit avec elles. Il se peut parexemplequevotrementalanticipelepire,qu’ilexiged’êtrerassuré.

Toute tentative pour lui présenter des arguments ne servira qu’à réactiver devieuxschémas,etvousvoustrouverezprisaupiègedevotremental.Contentez-vous de le remercier pour son intervention et rassurez-le par votre simple foisilencieuseenvousmême.Êtreconfiant est la seule solution– lemotvientdulatincum(«avec»)etfides(«lafoi»).Sivotrecorpscommenceàs’agiteretàréclamervotreattentiond’unefaçonoud’uneautre,contentez-vousderessentirlemomentprésent.Soyezpatient,tendreetdouxenversvousmême.

Àprésentquevousêtesprêt,mêmesic’estdefaçontrèstemporaire(pensezàlapatiente et à sa seconde d’acceptation), vous devez apprendre à pratiquer vosacquisdanscettesituationetdansd’autres.Lerestedecechapitreproposedesexercicespourvousaideràpratiquervotrebienveillance.Ilssontprogressifsetvousmettentencontactavecvotrepropredouleur.

Commenousl’avonsmentionnéplushaut,quandvouschoisissezvotrecible,ilest inutile de vous précipiter dans quelque chose d’inutilement douloureux.Consacrez-vous à chaque exercice, mais montrez de la compassion enversvousmême.Dans l’exercice suivant, vous travaillerez sur le sujet auquel vousvenezdedire«oui»;vouspratiquerezlabienveillancedefaçonàêtremieuxpréparéauxretombéespossiblesdevotrechoix.

Exercice35:Visualisezvotrecible

Commencez par entrer en contact avec votre sentiment cible. Imaginez que vous prenez cesentiment et que vous le placez devant vous, à environ unmètre, et visualisez-le à l’aide desquestionssuivantes:

Pourchaquequestion,fermezlesyeux,essayezdevisualiserlaréponse,puisnotez-la.Sivotrecibleavaituneforme,quelleserait-elle?

Sivotrecibleavaitunetaille,quelleserait-elle?

Sivotrecibleavaitunecouleur,quelleserait-elle?

Sivotrecibleavaituneintensité,quelleserait-elle?

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Sivotrecibleavaitunpoids,quelserait-il?

Sivotrecibleavaitunevitesse,quelleserait-elle?

Sivotrecibleavaitunetextureextérieure,quelleserait-elle?

Sivotrecibleavaitunetextureintérieure,quelleserait-elle?

Sivotreciblepouvaitcontenirunliquide,quelvolumecontiendrait-elle?

À présent, fermez les yeux une dernière fois et représentez-vous l’objet dans son ensemble.Voyez si vouspouvezarrêter de lutter contre unobjet de cette forme, taille, couleur, intensité,poids, etc. Essayez de l’expérimenter pleinement, sans défense. Méditez sur cette questionpendantquelquesinstants.

S’il reste des réactions négatives qui semblent interférer avec votre bienveillance, avec votrevolonté d’avoir cet objet exactement tel qu’il est, déplacez la cible de départ sur le côté, etimaginezquevousprenezvotreréactionnégativeetlaplacezàsontourdevantvous,àcôtédel’objetprécédent.Si,parexemple,vousvousrendezcomptequevousdétestezlepremierobjet,mettez lemot«détestation» sur le sol, à côtédupremier objet.Reposezalors la batteriedequestions précédente à son sujet. Si votre cible avait une forme, quelle serait-elle ?, etc.Observezvosréactions.

Il est temps ensuite de reprendre ces objets en vous, car ils vous appartiennent. Avant cela,fermezlesyeuxetconsidérezunedernièrefoislapremièrecible.Sonaspect,saforme,etc.sont-ilsdifférentsdecequ’ilsétaientaudébut?Sioui,notezcesdifférencesci-dessous.

Puis imaginez que vous ramassez les cibles l’une après l’autre pour les reposer en vous.Réalisezqu’il estpossibledesemontrerbienveillantenvers leschosescontre lesquellesnousluttons, et constatezaussi que c’est la façondont nous réagissonsà cesévénementsqui leurdonnelaplusgrandepartiedeleurpouvoirsurnous.Fermezlesyeuxetréintégrezcesobjets,exactementcommevousaccueilleriezuninvitéchezvous.

DémonterleproblèmeAffronternosproblèmesrevientàsebattrecontreunmonstrededixmètresdehautentièrementfabriquédeboîtesdeconserveetdeficelles.Souscetteforme,le monstre peut sembler invincible, mais si l’on parvient à le démonter, àdétacherlesficellesquirelientlesboîtes,onpeutaffronterlespiècesuneàune.

Dansl’exercicesuivant,nousallonsexplorerlesmultiplesdimensionsdevotrecible initiale et voir s’il est possible de montrer de la bienveillance envers

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chacunedesescomposantes.Domainepardomaine,vousallezcesserdeluttercontrevosémotions.

Exercice36:Lemonstreenboîtesdeconserve

Vous pouvez faire cet exercice par écrit (prévoyez des feuilles blanches ou un cahier) ouoralement, les yeux fermés (dans ce cas, vous pouvez enregistrer les instructions sur unDictaphone, en laissant des pauses pour vos réponses). Prenez votre temps. Lisez chaqueconsigne et faites ce qu’elle demande avant de passer à la suivante. Effectué au rythmeapproprié, cet exercice peut durer une bonne heure, aussi prévoyez unmoment et un endroitpropices.

Danscetexercice,vouscontinuerezàtravailleraveclacibledéfinieprécédemment.Vouspourrezpratiqueravecd’autresciblesplustard.

Asseyez-vous confortablement. Prenez au moins une minute pour vous centrer, par exemplegrâceàcertainsexercicesdemindfulnessduchapitreprécédent.

Commencezenvousrappelantunévénement–n’importelequel–survenul’étédernier.Vialessensationsetlesimpressionsquevousretrouvez,prenezcontactaveclemoiobservateurdécritauchapitre8. Une fois que vous avez pris ce point de vue, vous pouvez laisser émerger lesouvenir.

Sensations physiques. À présent, prenez quelques instants pour contacter votre cible.Délibérément, devenez conscient des sentiments qui s’y attachent. Puis examinez ce que faitvotre corps. Remarquez-vous des sensations ? Si plusieurs d’entre elles apparaissent,concentrez-voussuruneseule.Sivoustravaillezsurpapier,notez-la.

Ensuite,concentrez-voussurcettesensationphysique.Sid’autresaffectssurviennent,faites-leursavoir que vous vous occuperez d’eux plus tard et revenez à votre sensation physique.Remarquez où elle commence et où elle se termine. Où dans votre corps se situe-t-elleexactement ? Si vous pouviez en faire une sculpture et la placer dans votre corps, à quoiressemblerait-elle?

Àprésent,voyonssivouspouvez«baisserlesbras»faceàcettesensation.Doit-elleêtrevotreennemie ? Pouvez-vous l’accueillir exactement comme elle est ? Si vous trouvez encore desrésistancesenvous,créezenimaginationunesculptureparfaitementidentiqueàlasensationetplacez-laàl’endroitoùcelle-cisetrouvait.Unefoisquevousavezremplacélasensationparuneautre,parfaitement identiquemaisvolontairementcrééeparvous,parvenez-vousà l’accepter?Voyezsivouspouvezlalaisserlà,tellequ’elleest,sanslafuir.Quesepasserait-ildanscecas?Riennevousobligeàlasupporterpourtoujours,maisjustepourunmoment.

Reprenezensuitecontactavecvotrecibleet,unenouvellefois,observezcequisepassedansvotrecorps.Voyezsiunenouvellesensationseprésente.Sic’estlecas,notez-la.

Puis reprenez le processus et voyez à nouveau si vous pouvez cesser de lutter avec cettesensation.Acceptez-la–nonpasausensoùvousdevriezl’apprécier,maisvoussavezqu’elleestlà et vous la laissez exister en tant que telle. Prenez quelques instants pour rester avec cesentimentjusqu’àcequevousvoussentiezprêtàleressentirdansvotrecorps.

Si vous vous parlez intérieurement à son sujet, c’est une pensée. Or nous ne travaillons pas

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encoreavec lespensées.Revenezà lasensationetvoyezànouveausivouspouveznégociervotrerelationavecelle.Acceptez-vousderessentircequevousressentezdéjà?

Àprésent,laissezceladecôtéetentrezànouveauencontactavecvotrecibleoriginelle.Prenezune bonne minute pour traquer d’éventuelles sensations nouvelles. Vous pouvez répéter leprocessusci-dessusaussisouventquenécessaireavecunenouvellesensationàchaque fois.Après un certain temps, vous pourrez simplement avancer en notant au passage toutes lessensationsquiseprésentent,sansforcémentapprofondirchacuned’entreelles.Contentez-vousde lespercevoir et de les reconnaître, commesi vous saluiezune connaissancedans la rue ;accueillez-les sans discuter, sans chercher à savoir qui a tort ou qui a raison, sans suivre cequ’ellesindiquent,nileurrésisterparticulièrement.Vouspouveznoterlessensationsquiviennentàvous.

Après avoir passé en revue toutes vos sensations physiques, vous pouvez passer à vosémotions.

Émotions. Il s’agit donc, comme pour les sensations physiques, de contacter une à une lesémotionsreliéesàvotrecibleetdelesaccueillir.Prenezvotretempsetpensezàrecontacteràchaquefoisvotrecible,etsinécessairelemoiobservateur.

Tendancescomportementales.Qu’avez-vous tendanceà vouloir faire quand vous rencontrezvotredouleurcible?Ressentezcesbesoins,commesivosmusclesallaientsemettreàbouger,maisrestezimmobile.Prenezquelquesminutespouraccueillircettetendancecomportementale,jusqu’àcequevousayezl’impressiond’êtreunpeuplusouvertàelle,sansavoiràagirouàlarepousser.Répétezcetteétapepourchaqueenvied’agirquiapparaît.Unefoisquevousaurezfaitletourdevostendances,vousvoilàprêtàpasseràvospensées.

Pensées.Lespenséessontcapricieuses;aussi,prenezunnouveaumomentpourcontacter lemoi observateur, puis la cible contre laquelle vous luttez.Parmi les pensées qui apparaissent,voyezsivouspouvezenattraperuneetuneseule,commeunpoissondansunerivière;attirez-laà vous et notez son nom. Vous vous êtes déjà entraîné à cette pratique et vous devez doncpouvoiryparvenir.

Ensuite, cherchez à « penser cette pensée» sans la réduire, la diminuer ou la discuter.Vousn’avezpasàlacroireouàlamettreendoute:vouslavoyezcommeunepensée(commedansl’exercice16).Pouvez-vouspensercettepenséecommeunchoix,sanspourautantlacroireounon,maissimplementenlaissantvotrementallaformulerdélibérément?Ya-t-ilenellequelquechose de fondamentalement mauvais, hostile ou néfaste que vous devriez éviter ou s’agit-ilsimplementd’unepensée?Procédezainsitoutaulongdevotre«pêcheauxpensées»,enlesacceptantdefaçonouverteetdéfusionnée.Unefoisépuisécedomaine,vouspouvezpasseràvossouvenirs.

Souvenirs.Entrezànouveauencontactavecvotremoiobservateur,lapersonne«derrièrevosyeux»quevousaveztoujoursété;depuiscepointdevue,reprenezvotrecible.

Pour cette dernière partie de l’exercice, imaginez que tous les souvenirs de votre vie sontsemblablesàdepetitesphotographiesrangéesdansunclasseur,depuisvotrenaissancejusqu’àaujourd’hui. Commencez par feuilleter lentement ce classeur, en partant du présent pourremonterversunpassédeplusenpluslointain.Siunephotoretientvotreattention,arrêtez-vous-yetprenez-ennoteafindepouvoiryrevenirensuite.

Essayezdelâcherprisesurtoutsentiment(douleurouattachement)quipourraitêtreassociéàcesouvenir.S’ilexistedanscesouvenirunélémentquevousn’avezpaspuintégreràl’époque,

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vousressentirezuneimpressiond’inachevé.Ilsepeutparexempleque,danslesouvenir,vouséprouviez une colère cachée. Si c’est le cas, voyez si vous pouvez aller dans cette partie dusouveniretaccomplir le travailquevousnesaviezpas faireà l’époque: ressentircequevousressentiez, penser ce que vous pensiez, etc. Vous serez guidé dans cette tâche par votre«antiboussole»:siunepartdevousdit«Nevapasdanscettedirection»,voyezsijustementilestpossibled’yaller;voyezcedontils’agitvraiment,pascequeceladitêtre.

Lorsquevousvousêtescomplètementrepassécesouvenir,quevousvoussentezouvertà lui,reposez-ledansvotre«classeur»etcontinuezàremontervossouvenirsunparun,enreprenantsinécessairecontactaveclemoiobservateuretvotrecible.

Lorsque vous aurez terminé de défusionner toutes ces catégories, restez concentré sur votresouffle.Pouvez-vousvousconnecteraveclefaitquevousêtesunepersonneentière,complète?Lemonstredefer-blancestenvous,et ilestdoncfauxdecroirequ’ilestplusgrandquevous.Demandez-vous : « Suisje prêt à être moi, avec mon histoire, et à vivre ma vie véritable enportanttoutescesréactionsavecmoi?»

Ledangerdecetexerciceestquenousvoyonsparfoisnotrehistoirecommelasourcedenotredouleur;nousenconcluonsquenousvivrionsmieuxsileschosesavaientétédifférentes.C’estune illusion du langage. La vérité, c’est que votre passé vous a emmené là où vous êtesaujourd’huietqu’ilestlasourceduréglagedevotreboutondeladouleur.Maislafaçondontcespenséesetcessentimentsfonctionnentaujourd’huidépendengrandepartiedecequevousenfaites.

Terminons à présent cet exercice par un bilan : au fond, qu’est-ce qui vous empêche d’êtretotalementvousmême,d’acceptercesmorceauxdumonstredefer-blancpourcequ’ilssontsansqu’ils jouentunrôledestructeurdansvotrevie?Réfléchissez-yunmomentavantd’écrirevotreréponse(unindice:c’estunequestionpiège).

Si vous avez écrit autre chose que « rien » ou « simplement moi », réfléchissez à nouveau(comme nous l’avons dit, c’est une question piège). Après tout, qui règle le bouton de labienveillance:vousouvotrehistoire?

Exercice37:L’acceptationentempsréel

Quesepasse-t-il lorsquevousvoustrouvezconfrontéàvotre lutteentempsréel,à lasituationquicausevotredouleur?Siparexemplevousêtesagoraphobeaupointdenepasêtresortidechezvousdepuisdeslustres,vousallezvoustrouverfaceàunsacrémonstredefer-blancquandvousouvrirezvotreporte.Commentpourrez-vousgérercela?Nousvousproposonsuneséried’expériencesquiferontcertainementsurgirenvouslecontenunégatifquevousaveztendanceàéviter,puisdévelopperontpeuàpeuunprogrammequivouspermettra,entempsréel,d’affrontercesscénariosquivouseffraientdanslavraievie.

Commencezpar la feuillede travail ci-dessous.Remplissez lapartiegaucheavecunscénarioqui,selonvous,feraapparaîtrelaciblequevousavezchoisieplushaut.Essayezdetrouverdixscénariosàpartirdesituationsvariéesenrapportavecvotrecible.Siunscénariovousparaîttropambitieux,essayezde ledécomposerenplusieursparties.Si,parexemple,voussouffrezd’untroubleobsessionnelcompulsifquivouspousseà toutnettoyerparpeurdesmicrobes, ilseraitsans doute trop ambitieux pour vous d’imaginer aller vous rouler dans la boue. Décomposez.Danscecas,unscénariosusceptibledeviservotrecibleseraitderépandreunpeudesaletésurunmouchoirblancetdeporterceluiciavecvouspendant touteune journée.Puisvouspourrez

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déciderdeporterunechemisetachée,etainsidesuite.

Unefoisquevousavezétablicettelistedescénarios,classez-lesde1(lescénariooùvousserezlemoinsencontactavec le sentimentquevousciblez)à10 (le scénarioqui vous fait touchervotrecibleauplusprès).Cetteéchellevouspermettrade trouverune façongraduelledevousexposeràcetaffect.

Scénario Rang

Puisprenezlescénarion°1etchoisissezunmomentetunlieuoùvoussouhaitezlevivre.Vouspouvezbienentenduenlimiterletemps,commedansl’exercice34,maisunefoisencore,vousne pouvez pas restreindre la bienveillance envers ce que l’expérience peut vous apporter.L’évitementesthorsdequestion.Sivousn’êtespascertaindepouvoirvousengager,trouvezuneétapeplusfacileoulimitezcepremierpasdefaçonplusdrastiquedansletempsetlelieu.

Aucoursdel’expérience,vousutiliserezlestechniquesdéjàacquises:Observezcequisetrouveautourdevous.Appréciezvotreenvironnementimmédiat.N’évitezpas.Observezvospensées,maisnelessuivezpas.Laissez-lessimplementalleretvenir.Ressentez la tension vers le passé et le futur, puis remarquez que vous êtes dans leprésent.Neluttezpas.Constatezl’envied’agiroud’éviter.Contentez-vousdelaconstater,nefaitesriend’autre.Faitesquelquechosedenouveau,peut-êtredemalicieux.Utilisezvotre«antiboussole».Remarquezquevousprenezconsciencedetoutesceschoses.

Notezd’autrestechniquesquevouspouvezutiliser:

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Tenez-vous-enàvotreengagement:soyezprésent;pasd’évitement.

Vouspouvezrépétervotrepremierscénario jusqu’àcequevousvoussentiezcapabledevousouvriràl’expérienceetd’acceptercequivient…Cequinesignifiepas«jusqu’àcequeladouleurs’enaille»;ilnes’agitpasdeça.Faiteslejusqu’àpouvoiroffrirdavantagedeplaceàtoutesvospenséeset vosémotions,à tousvossentiments,besoinset souvenirs.Accueillez-lesenvous,chezvous.Appréciez-lestous.

Lorsquevousyserezparvenu(celapeutdemanderplusieursrépétitions),passezauscénarion°2etfaiteslamêmechose.Sivousvousheurtezàunniveauquivoussembletropélevé,laissezlalistedecôtéetrevenez-yaprèsavoirtravaillésurleschapitressuivantsdecelivre.

Vous pouvez continuer à travailler de cette façon indéfiniment, en utilisant cette liste et biend’autres.Àuncertainmoment,ilnevousserapeut-êtreplusnécessairedelistercesscénariosetde les« jouer»decette façon.Une foisquevousaurezpratiquévoscapacitésd’acceptation,vous saurez les intégrer dans votre vie de tous les jours, et la vie elle-même vous offrira desoccasionsde«sauter».Ilestsurprenantdevoiràquelpoint,lorsquenouscommençonsàdireoui,laviesechargedenousmettrerapidementdevantdenouveauxdéfis,toujoursunpeuplusambitieuxmaisréalisables–sinouslevoulonsbien.

AprèslegrandsautSi vous êtes arrivé jusqu’ici, c’est que vous avez bien travaillé. Vous avezaccomplivospremierspasvers labienveillanceet«sauté»versunenouvellefaçondecomprendrevotredouleur.Nelaissezpasvotrementalyvoirunrecordabsolu.Personnenevouschronomètreetiln’yapasdeligned’arrivée:cen’estpasunecourse,niuneépreuve,maisuncheminquevoussuivez.

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LesvaleursChapitre

11

Imaginonsquevousconduisiezunbusbaptisé«Mavie».Toutaulongdevotretrajet, vous avez embarqué des passagers (ce sont tous les souvenirs, lessensations, les émotions conditionnées, les pensées programmées, les besoinsapparusaucoursdevotrehistoirepersonnelle)…Ilyadespassagersquevousappréciez, comme de gentilles vieilles dames dont vous aimeriez qu’elles semettentàl’avant,prèsdevous.Maisvoustransportezaussidesvoyageursquevousn’aimezpas,desombres individusmenaçantsquevouspréféreriezsavoirdansunautrebus.Vousaveztrèscertainementpassédutempsàtenterdevousdébarrasserdecertainsd’entreeux,d’améliorerleurapparenceoudelesrendreplusdiscrets.Sivoussouffrezd’anxiétésévère,debesoins irrépressiblesoudesentimentsdouloureuxdetristesse,vousavezsansdouteessayéd’arrêterlebuspourfairedescendrecespassagersencombrants.Arrêterlebus,ceseraitmettrevotrevieenattente…Ilyafortàparierquelesditspassagersnedescendraientpaspourautant:ilsn’enfontqu’àleurtête;deplus,unefoismontédanslebus,unsouvenirdouloureuxydemeure,àmoinsd’enpasserparlalobotomie…

Unefoisquel’onacompriscela,onseconsacresouvent,commepis-aller,àleurapparenceouàleurvisibilité.Lorsqu’onaunemauvaisepensée,onfaitdesonmieuxpourl’arrangerunpeu,enchangeantunmotouenyapportantquelquesnuances.Maisquandondiscuteavecsespassagerspourtenterdeleschanger,onne fait que leur accorder plus d’importance. C’est comme si on essayaitd’obliger nos sombres individus à porter un costume pour les rendre moinseffrayants. Tout cela ne fonctionne pas car, au fond, on sait bien qu’ils nechangerontpas.

Unefoislesautrespossibilitésépuisées,onchercheengénéralànégocieraveclespassagers,àobtenirque lesplus terrifiantsd’entreeuxrestentassis toutaufonddubus,demanièreàlesvoirlemoinspossible.Ainsi,onpeutmêmecroireparinstantsqu’ilsontdisparu;ontrouvedesmoyensd’éviterdepenseràeux;on vit dans l’évitement et le déni, parfois aidé de substances chimiques.Maiscettestratégiesepaiecher.Enéchange,ondonnesaliberté,carlemarchéestlesuivant:pourquelesmonstresrestenttranquilles,onvaoùilsveulent;onperdalorslecontrôledubusdesavie.

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Grâce aux techniques exposées tout au long de cet ouvrage, vous avez déjàapprisàvoussentirplusàl’aiseavecvospassagers,àvousdistinguerd’euxetpourtantàaccepterdelestransporter,avecvitalitéetprésence,etànepastenterdenégocieraveceux.Vousvoilàdoncprêtàallerjusqu’aucœurduproblème.

Engénéral,chaquebusporteunepancarteindiquantsadestinationetcelle-ciestacceptée par tous : la compagnie de transport et le chauffeur sont les seuls àdéciderdecetrajet,leshumeursdespassagersn’ontpasàinterférer.Ilestdonctempsàprésentdevousdemanderoùvoussouhaitezquemènelebusdevotrevie.Qu’avezvousinscritsurlepanneaudedestination?Quelestvotretrajet?

Lesvaleurs:desdirectionsdevieNousdevonsd’oresetdéjàvousmettreengarde:vousentrezdanslaphaselaplusdifficiledutravailquenousvousproposonsdanscetouvrage.Votrementalestauxaguetsetvoudra,comme toujours, s’accaparercequenous faisons ici.Lesvaleursnesontpasdesévénementspurementverbaux,maisellessont–aumoinsenpartie–connuesverbalement:ellessontparconséquentsusceptiblesd’être détruites par des processus verbaux. Votre organe verbal, votremental,peut prétendre que le travail que vous allez accomplirmaintenant signifie deschosesqu’ilnesignifiepas.

Si, par exemple, vous sentez une certaine lourdeur dans vos réponses à cesexercices,quevousvoussentezfaible,insignifiantoudémuni…arrêtezdelire!Cessignesne trompentpas :votrementalesten traindeprendre ledessus.Sivousrencontrezcegenred’affectsdansleschapitres11,12et13, revenezàcepoint de votre lecture et reprenezla en utilisant toutes les techniques que vousavez apprises jusqu’ici. Voyez si vous parvenez à défusionner de ces piègesmentaux.Lesvaleurssontsynonymesdevitalité,d’entrainetdepuissance;ellesnesontpasdes«bâtons»aveclesquelsseflageller,niune«échelle»deplusparrapportàlaquelles’évalueretsetrouverinsuffisant.

Lapancartedevotrebusdit«Valeurs».Lesvaleurssontdesdirectionsdeviechoisies.Ilfautnéanmoinscomprendrecequ’estune«direction»etcequ’estun«choix».

Qu’est-cequ’unedirection?Parcequelesvaleurssontbienplusquedesimplesmots,reprenonslamétaphoredu bus. Imaginez donc que votre bus circule au fond d’une grande valléesillonnéederoutes.Équipéd’uneboussole,vousdevezdéciderd’unedirectionà

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suivre.Vousdites:«Jeveuxalleràl’est.»Vousregardezlaboussoleetdirigezvotrebusdansladirectionchoisie.Unerouteseprésenteàvous:ellenevapasexactement à l’est,maispresque ;vous l’empruntezdonc.Parvenuauboutdecette route, vous vous trouvez devant une fourche, avec deux directionspossibles.Ànouveau,vouschoisissezdepartirplusoumoinsvers l’est.Selonvous,quandarriverez-vousàl’est?Quandsaurez-vousquevousêtesarrivé,quevousêtesalléaussiloinquepossible?Sivousnevisezpasunlieuparticulier,laréponse est : jamais.On « n’arrive » pas dans une direction commedans unevilleoudansunlieu.

Delamêmefaçon,lesvaleurssontdesqualitésintentionnellesquirassemblentun ensemble demoments sur un chemin qui fait sens.Elles sont ce à quoi serapportentcesmoments,cequ’ilsvisent,maisellesnepeuventêtreatteintesoupossédéescommeunobjet,carcesontdesqualitésdel’actionencours,pasdeschosesparticulières.Entantquetelles,ellesneseterminentjamais.Ellesn’ontpasdefin.Parexemple,disonsquel’unedevosvaleursestd’êtreunepersonneaimante. Cela ne veut pas dire qu’il vous suffise d’aimer quelqu’un pendantquelquesmoispouryarriver,commevousarriveriezàconstruireunemaisonouà terminer une année d’études. On peut toujours aimer mieux et davantage.L’amourestunedirection,pasunobjet.

Qu’est-cequ’unchoix?

Les choix ne sont pas des jugements raisonnés. Quand vous émettez unjugement, vous appliquez votre mental et ses capacités d’évaluation à desalternativesetvouschoisissezunesolutionenfonctiondecequevousvoulez.Parexemple,vouspouvezdéciderdecuisinercesoirdupoissonplutôtquedessteaksfrites(mêmesivouspréférezceplatetqu’ilrevientmoinscher)parcequedenombreusesétudesdémontrentquelepoissonestmeilleurpourlecœuretquevousvoulezvivrepluslongtemps.Ils’agitdoncbeletbiend’unjugement,quiprendencompteplusieursfacteurs: legoûtet leprixdelanourriture,etvotrevolontédemangersainement.

Quatre-vingt-dix pour cent du temps, les jugements fonctionnent bien. Notrecapacitéàutilisernosjugementslogiquespourtraiterunealternativeestuntrèsbon outil, qui a permis à l’espèce humaine de s’emparer de la planète.Mais,danscertainsdomaines, le jugementmarchemoinsbienet,dansd’autres, ilnefonctionne pas du tout. L’un de ces domaines est celui des valeurs. Voilàpourquoi : les jugements impliquent forcément de mesurer chaque terme del’alternativeenfonctiond’unrepèrecommun.Dansl’exempleprécédent,c’était

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la santé – on peut mesurer le « poisson » et la « viande rouge » en termesd’impactsur lecœur.C’estvraide toutesituationquiprésenteunealternative.Une fois déterminée unemesure commune, choisir lameilleure solution n’estplusqu’unjugementintellectuel.

Or un choix n’est pas lié à une unité demesure verbale : c’est une sélectiondéfusionnée parmi plusieurs solutions. Notre mental n’aime pas les choix : ilpréfère,etde loin,mesureretappliquerdescritères.Auboutducompte, ilnepeutdéciderlui-mêmedesdirectionsquipermettentdeprendredesdécisionsquiaientdusens.

Dépourvusdemots,lesanimauxnesontpasguidéspardes«raisons»quileurpermettentdeprendredesdécisions:ilsnefontdoncquechoisir.Ilestessentielquelesêtreshumainsapprennentàfairecequetouteslesautrescréaturesdelaplanètefontsanspeine,mêmesinotrementalnecessederessasser.Eneffet,lacapacitéàchoisirdéterminenosvaleurs.

FaitesunchoixCommençonsparunexercicetrivial.Voicideuxlettres:AetZ.Choisissezunedesdeuxlettresaprèsavoirlulesinstructionssuivantes:choisissezlalettredegauche;non,cellededroite;non,celledegauche;non,cellededroite;non,celledegauche;non,cellededroite.Àvous!

À présent, pour quelles raisons avezvous choisi une lettre plutôt que l’autre ?Demandezàvotrementaldevousproposerdesexplications,parexemple:«Jepréfère la lettre A parce qu’elle se trouve dansmon nom », « Zme rappelleZorro,masériepréféréequandj’étaisenfant»,«Jeprendscelledegaucheparceque je suis gaucher » ou « En latin, gauche se dit sinistra, ça veut dire“mauvais”»,etc.Sanssurprise,ilyparvient.Constatezqu’ils’agitdepensées.Ne leur résistez pas. Ne leur obéissez pas. Contentez-vous de les observer,jusqu’àpouvoirchoisirn’importequellelettrequoiquedisevotremental.Celanesignifiepasluidésobéir,commeunenfantquisemetàfaireunebêtisedèsque l’adulte qui le surveille a le dos tourné. Dans ce cas, votre mental seraitencoreencontrôle,etseulelaformeauraitchangé–c’estlaraisonpourlaquellenousaffirmonsqueni larébellionni l’obéissancenesont,aufinal,desformesd’indépendance. Il s’agit simplementde remarquer cette activitémentaleet dechoisirunelettrenipourcesraisons,nicontreelles,maisavecelles.

Notrementaldétestecetexercice!Ilnepeutlecomprendre,carlementalgénèreetappliquedesraisonsverbalesàtouteslesalternatives.Maislesêtreshumains

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peuventyarriver,carilssontplusqueleurseulrépertoireverbal.

Ce petit exercice concerne un choix sans enjeu. Les valeurs, elles, sontfondamentales:le«bruitdefond»dumentalseradoncplusfort–maisl’actionseralamême.Nouspouvonsnousconsacreràcequenoussouhaitons.Quipeutnousenempêcher?

Lesvaleurs:cequ’ellessontetcequ’ellesnesontpasLesvaleursvontau-delàdesmots,maisnotreesprittentedeselesapproprier,etsi nous n’y prenons garde, il peut les distordre pour en faire les relationsprédictives et évaluatives que notre machine à mots connaît si bien.Commençonsdoncparlesdéfinir.

LesvaleursnesontpasdesobjectifsContrairementauxvaleurs,lesobjectifssontdesévénements(oudessituations,oudesobjets)concretsquipeuventêtreatteints,possédés,accomplis.Alorslesprogrès cessent immédiatement. C’est en partie pour cette raison qu’unedépression survient parfois après une réussite scolaire, un mariage ou unepromotionautravail.Sil’obtentiond’undiplômeapparaîtcommeunefinensoi,lerisquedesesentirensuiteperdudanslavieestgrand:l’acteaccompli,ilnoussembleinutile;nousavonsl’impressiond’avoirétéfloués.

Atteindre ses objectifs nous donne le sens de la réussite, à condition que l’onsache les distinguer des valeurs.Une fois que l’on a choisi une direction, unevaleur,ilpeutêtreimportantdeseconsacreràdesobjectifspournepasperdrelefil. Si vous vous trouvez perdu dans une vallée avec une boussole pour seulinstrument,ilserajudicieuxderepérerunpromontoiresurvotreroutequivouspermettra d’avoir une vision plus large – un peu comme dans une coursed’orientation.

Sivousutilisezlesobjectifsdecettefaçon,ilimportequ’ilssoientassezprochespourêtreaccessiblesetassezlointainspourêtreréellementutiles.Unobjectifàportéedemainvousaideraàdémarrer,maispasvraimentà«orienter»votrevie ;à l’inverse,unobjectif trop lointain,«cachéderrièreunemontagne»,nevousaiderapasàgarderlecap.Delamêmefaçon,ilestengénéralutiledesefixerdesobjectifsconcretsàcourtterme,puis,unefoisquel’onsaitoùl’onva,desobjectifsàmoyenterme.

Lesvaleursnesontpasdessentiments

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Parcequ’ils fontpartiedenous,nos sentimentspeuventnous indiquer sinousvivonsenadéquationaveclesvaleursquenousnoussommeschoisies.Maiscelaneveutpasdireque lesvaleurssontdessentiments.«Suivresesvaleurs»nesignifiepasquel’onfaitcequiestagréable,enparticulieràcourtterme.

Siunepersonnequisedroguesesentbienaprèsuneprise,celaneveutpasdirepourautantque«planer»soitunevaleur,niunobjectif.Imaginonsquelqu’unqui recherche et valorise essentiellement la proximité avec les autres,mais sesenteffrayéetvulnérablelorsqu’ilavancedanscettedirection:ladrogueestuneréponse conditionnée à ces sentiments insupportables. S’il cesse d’en prendrepour aller dans la direction qui a de la valeur pour lui, il ne va pasimmédiatement se sentirbien– seulementeffrayéetvulnérable.Doncavancerdans la voie valorisée ne le mettra pas « à l’aise ». En revanche, il vivravraiment.

Dans les chapitres suivants, nous traiterons d’un autre problème lié au fait deprendrelessentimentspourlesvaleurs,ouaufaitdevaloriserlessentiments:onpeut « avoir » des sentiments,mais on ne peut pas « avoir » des valeurs, lespossédercommedesobjets.Plusencore,lessentimentsnesontpascontrôlables,alorsquechoisirunedirectionl’est.Pourtoutescesraisons,unephrasecomme« Ma valeur phare est de me sentir bien » révèle une incompréhension desvaleurs.

ValeursetdouleurLes sentiments peuvent être liés auxvaleurs d’une façonmoins évidente.Unepersonne qui souffre de phobie sociale apprécie en général la compagnie desautres,sansquoielleneseraitpasphobique–ouplusexactement,lefaitdefuirlesautresnelagêneraitpas,ellenelevivraitpascommeunproblème.Sinotredouleurpeutnousguiderversnosvaleurs,l’inverseestégalementvrai:dansnosvaleurs, nous trouvons notre douleur. Accorder de la valeur à quelque chose,c’estserendre.

Un patient de l’ACT nous a dit un jour, au cours d’une séance de thérapie,quelque chose comme : « À mes yeux, la famille, la relation intime ou lesenfants ne comptent pas vraiment. Je crois simplement que cette vie n’est paspourmoi.»Maisuneoudeuxsemainesplustard,ilestrevenuenavouantqu’ilavaitmentietqu’ils’étaitmentiàlui-même.Ils’enétaitrenducomptequelquesjours auparavant : au restaurant, il s’étaitmis à pleurer quand une famille dequatrepersonness’étaitinstalléeàcôtédelui.Ilavaitcomprisalorsqu’ildésiraitplusquetoutunefemmeetdesenfants.Victimedemaltraitanceetdetrahisons

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dans son enfance, il avait fini par nier son désir le plus cher, car l’admettreimpliquait pour lui douleur et vulnérabilité. Une fois ce cap franchi, il a pucommencer à mener sa vie comme il l’entendait : il a fondé une famille, enutilisant ses capacités d’acceptation pour gérer sa peur et sa fragilité, et enprenantsesvaleurscommedesguidespourorientersavie.

LesvaleursnesontpasdesfinsensoiBien que vivre sa vie en fonction de ses valeurs mène souvent à de bellesréalisations,lesvaleursnesontpasunefaçondétournéed’obtenir«cequel’onveut».Cesontdesdirections,pasdesfinsensoi.Comparonscelaàl’actiondelagravitésurunbold’eau.Lagravitéattireverslebas;c’estunedirection,pasunefinensoi.Tantquel’eaupeutsuivrecettedirection(parexemples’ilyauntrouaufonddubol),ellelasuit;quandellenelepeutplus,elles’immobilise.Deprimeabord,onpourraitimaginerquesil’eaunevanullepart,c’estqu’ellenesuitplusaucune«direction»;maiscelle-ciexistebienetsemanifesteraàlapremièreoccasion.

Les valeurs sont comme la gravité. Supposons que l’important pour vous soitvotrerelationavecvotrepère,maisquecelui-cis’ensouciepeu: il ignorevoslettres,nerépondpasàvoscoupsdetéléphone.Commelagravitéavecl’eau,lavaleursemanifesteparfoisrarementendehorsdepetites«fuites»(cesontparexemplelescartesdevœuxquevousenvoyezàvotrepère–qu’ellessoientluesou non). Comme la gravité, cette valeur est constamment présente et semanifesteselonlesopportunités.Siunjourvotrepèrevousappelleetdemandeàvousvoir,votrevaleurprimordialepourraapparaîtreaugrandjour.

LesvaleursnesignifientpasquenousavançonsenlignedroiteSivousvoustrouvezdanscebusquiavancesurdespetitesroutesaufondd’unevallée, vous êtes dans l’incapacité, par endroits, de suivre votre direction. Siquelqu’un prenait une série de photos, celles-ci montreraient votre bus allantverslenord,puisverslesud,oumêmeversl’ouest,alorsmêmequevousvousrendez à l’est. Le chemin n’est pas rectiligne : parfois, des obstacles seprésentent à vous et vous bloquent. De même, s’impliquer dans la valeur«famille»n’empêchepastoujoursledivorce.Àcetteoccasion,l’intentiondesemontrer aimant ne se révélera peut-être que partiellement (par exemple en nelaissant pas les conflits affecter les enfants, en partageant équitablement lesbiens…). Ce n’est qu’avec le temps que la direction poursuivie deviendraévidente.

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Si nous n’avançons pas en ligne droite, c’est aussi parce que nous sommeshumains. Certes, vous avez décidé d’aller vers l’est, mais votre attention estparfoisdistraiteetvousvousretrouvezàavancerverslenord.Unanciendroguéayantrenoncéàsesaddictionsetconsacrantdésormaissavieàaiderlesautrespeutparfoisrechuter.Sonmentalluicriealors:«Tuvois,tunepeuxpasallerversl’est!Tuesunmenteuretunraté!Onnepeutpastefaireconfiance!»,commepourluidire:«Tuvasverslenord,tuasdéviédetadirection.»Dansunetellesituation,cetindividudevraimpérativementcommencerparremerciersonmental,ressentirlechagrinetladouleurnésdesarechute,puisseremettredeboutetreprendresarouteversl’est.

LesvaleursneseconjuguentpasaufuturReprenonsànouveau l’imagede lavallée.Dès l’instantoùvouschoisissezdepartirvers l’est, toutesvosactions tendentverscettedécision :consultervotreboussole,déterminerlecheminquevoussuivrez,faireunpremierpas…Chacundecesmomentsfaitpartieduvoyage.Dèsquevouschoisissezvosvaleurs,vousempruntezunedirectionimportantepourvous,vousentrezdeplain-pieddanscequenousappelonsune«vievaleureuse».

Pour l’ACT, « le résultat est le processus par lequel le processus devient lerésultat»:nosvaleurssontenelles-mêmesle«résultat»quenousrecherchons,maisnousobtenonscerésultatmaintenantparcequecesvaleursdonnentde lavaleur à notre vie actuelle. Chaque pas dans cette direction fait partie duprocessus.Unefoislesvaleurschoisies, leprocessusquivousmènedanscettedirectionest lui-mêmeempreintdecesvaleurs.Avoirunedirectiondéterminéedonnesacohérenceauvoyage.

Imaginons que vous teniez à être une personne aimante.Quels que soient vosactesd’amour,ilenrestetoujoursd’autresàfaireetàinventer.Lesbienfaitsdecette direction ne se trouvent pas dans le futur ; votre vie entière a trait àl’amour, aux relations généreuses – dèsmaintenant.Cela dit, vous ne pourrezjamaisvousendormirsurvoslauriers,considérerquevous«êtesarrivé».Unedirectionn’apasdefin.

ValeursetéchecLes valeurs impliquent la responsabilité, c’est-à-dire le fait de reconnaître quenousavonslacapacitéàrépondre,àréagir,entenantànosvaleurs–mêmesi,danscertainessituations,commel’eaudansunbol,nousavonspeudemoyensd’agir.La plupart du temps, toutefois, des possibilités d’action se présentent à

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nousetnosvaleursnouspermettentdevoiràquelmomentnousavonséchouéàsuivreladirectionquenousnoussommeschoisie.Commeunphare,nosvaleursnous ramènent alors sur le bon chemin, même quand de mauvais panneauxindicateursnousont envoyésdans le fossé.Ladouleurde l’échecnous aide àrepartirdezéro.

Personnenevitconstammentenaccordavecsesvaleurs.Maiscelaneveutpasdire que nous sommes tous des ratés. Si nous utilisons nos valeurs pour nousflageller, nous ajoutons foi en l’idée que nous ne sommes pas à la hauteur.Quandvouspensezavoiréchoué,posez-vouscettequestion:àquoipeutservird’ajouterfoiencettepensée?Quellevaleursoutient-elle?Lefaitd’avoirraison,denejamaiséchouernisemontrervulnérable?Maisest-cevraimentceàquoivousvoulezconsacrervotrevie?Ressentezladouleur;écoutezcequ’ellevousapprend…etrepartezdubonpied.

Lorsquevouséprouvezdelaculpabilitéoudelahonteàcausedevoslimites,ilest temps de recourir à la défusion et lamindfulness, de reconnaître le bruitparasitedumental,d’accepterladouleur.Votrecapacitéàchoisirvousoffredevousreconnecteràvotredirectionetderepartirverselle.

LesvaleurssonttoujoursparfaitesCequ’ilyadebienaveclesvaleurs,c’estqu’ellessonttoujoursparfaitespourcelui qui les a choisies. « Parfaites », ici, ne signifie pas « bonnes », mais«achevées»,«complètes».S’ilvoussemblequevosvaleurssontincomplètesou insuffisantes, cela doit signifier que vous avez d’autres valeurs qui vouspermettentdepensercela.

Imaginonsunefemmed’affairesquiregrettesesabsencesrépétéesà lamaisonparce qu’elle « accorde trop d’importance à son travail ». Cela signifieévidemment qu’en plus d’accorder de la valeur à son travail, elle porte del’intérêtàsafamille.Elledoitdonctravailleràéquilibreretàintégrercesdeuxvaleurs différentes. Ses valeurs sont parfaites, c’est sur son comportementqu’elledoittravailler.

Ainsi,dèsquevousacceptezdedéterminervosvaleurs,vousêtesgagnant.Danslamesureoùleplaisirestdanslevoyageetnondansladestination,etquevosvaleurssont«parfaites»–cequinesignifiepasqu’ellessontimmuables,maisqu’onnepeutpaslesévaluer–,plusriennevousmanque.Ils’agitsimplementdevivreaujourlejour,dansleprésent,enrestantfidèleàvous-mêmeetàvosvaleurs.

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Le mental prétend souvent que vous « gagnez » lorsque vous obtenez desrésultatspositifs.Maislementalenexigetoujoursplus.Mêmesivousgagnez,ilvous suggérera de vous inquiéter de la prochaine victoire.Combien d’athlètesconnaissons-nousqui,aprèsavoirétéchampionsdumondedansleurspécialité,ne pensent plus qu’à le rester ? Combien, au lieu d’être dans la joie ou lasatisfaction,neconnaissentquelapeurdeperdreleurtitre?

Voilàcommentfonctionnenotremental,etcelanechangerapas.C’estunorganeévaluateur, prédictif, calculateur, inquiet. Mais il en va autrement pour lesvaleurs:unefoisquevouslesavezchoisies,toutestfait;vousavezgagné.Ellesvous permettront de suivre votre chemin et de nemesurer vos succès que parrapportàcela.

Lesvaleurssechoisissent

Sil’endroitoùvousalleznecomptaitpas,peuimporteoùvousentraîneraitvotrelutteintérieure.Maislefaitquevouslisiezcelivreprouvelecontraire.Aufond,laplusgrandedouleurdevotrevien’estsansdoutepasladépression,l’anxiété,lestraumatismes,lacolère,latristesse,etc.,maisbienlefaitquevousnevivezpasvotreviepleinement.Afindemenerlaguerredontnousparlionsaudébutdecetouvrage,vousavezmisvotrevie«enattente».

Leproblèmecentraln’estpasd’avoirdesproblèmesmaisd’êtredansl’attentedepouvoireffectuerseschoix.Lavitalitéetl’engagementdansvotrevien’exigentpasquevouséliminiezd’abordvotredouleur.C’estmêmelecontraire : il fauts’ouvriràlajoie(etàladouleur!)devivreunevieenaccordaveccequevousdésirezréellement.

Voici donc la question à poser à la personne que vous voyez dans lemiroir :« Qu’attends-tu réellement de ton existence ? Vers où souhaites-tu mener tavie?»

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ChoisirsesvaleursChapitre

12

Définir ce qui compte pour vous et vous engager dans cette direction est leprincipal objectif de cet ouvrage. Malgré tout leur intérêt, les techniques dedéfusion, demindfulness et d’acceptation présentées ici ne resteront que descoquillesvidessivousnelesmettezpasauserviced’unevievaleureuse.

Lesmaîtresquel’onsertVivre dans le seul but de réduire la douleur, ce n’est pas vivre. Si votreagoraphobievousimposedenepassortir,alorsquetoutvotreêtren’aspirequ’àcela, laisservotre agoraphobiedécider enmaîtrenevousmènera certainementpasoùvouslesouhaitez.

Changer peut paraître effrayant à bien des égards. Si vous décidez de ne plusfonder vos décisions sur les indications de votremental, sur quoi vos actionsreposeront-elles?Sivouspouvez réellementmenervotreviedans le sensquevous choisissez, comment saurez-vous ce que vous voulez faire ? Quelledirectionsuivrealorsqueleschoixsemblentinfinis?

Selonnous, vous avez d’ores et déjà tous les outils enmain pour prendre desdécisions inspirées et inspirantes qui guideront votre vie. Vous avez nonseulement la possibilité, mais aussi la capacité, de mener une existence auservice de vos valeurs. Cela ne veut pas dire que les circonstances vouspermettront d’atteindre tous vos objectifs, ni que vous ne connaîtrez que dessuccès.Enrevanche,vousêtesapteàchoisirunedirection.

Vosvaleursnedéfinissentpas seulementcequevouscherchezàaccompliraujourlejour,maiscequevousvoulezfairedevotrevie.D’unecertainefaçon,ceschoix sont une question de vie ou demort – ils font en tout cas la différenceentrevivrepleinementetnepasvivrevraiment.

Nousnelaissonsderrièrenousquecequenousavonsété.Pensezàvoshéros,auxgensquevousadmirez : cequi compte, c’est cequ’ilsont laissé, cepourquoi ils se sont battus. Leurs biens matériels, leurs doutes et leurs luttesintérieures ne comptent pas ; seules les valeurs qu’ils ont incarnées ont de

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l’importance.

NotretempssurTerreestlimitéetnousignoronsengénéralquandviendralafin.Lesquestionsenjeusontmultiples:peut-onvivresachantquel’onvamourir?Peut-onaimersachantquel’onvasouffrir?Peut-onvouloirvivrepleinementetdansunedirectionprécisesachantquel’ons’endétourneraparfois?Etpeut-onviserlesuccèssachantquel’onéchoueraparfois?Lapossibilitédesouffrirestaussi intense que celle de vivre pleinement. Les deux vont de pair. Si vousvoulezquevotrevieincarnedesvaleurs,nousvousconseillonsderéfléchiràcequevouslaisserezderrièrevous,àcequesignifieravotrecheminquandilseraarrivéà son terme,mêmesi laquestiondenotrepropre finitudeestundenosprincipaux sujets d’évitement. Imaginer la fin de notre vie peut pourtant nousaider à nous recentrer, bien que cela nous paraisse macabre. Si vous pouviezmener toute votre vie dans la direction que vous désirez réellement, qu’enressortirait-il?

Il ne s’agit pas d’une prédiction, d’une prophétie ou d’une description ; peuimportecequevousavezréaliséounon.Nousvousdemandonsd’imaginercequ’enpenseraientvosproches.Sivouspouviezlibrementchoisirlebutdevotrevie,qu’yverrait-on?Sicelanedépendaitquedevous,sipersonnenerisquaitdesemoquer de vous, si vous étiez assezaudacieux pour écouter vos envies lesplusprofondes,quevoudriez-vousatteindre?Quevoudriez-vousqu’ilrestedevouspourvosproches?

Exercice38:Àvotreenterrement

Choisissezunlieuetunmomentoùvousserezaucalme.Assurez-vousquevousneserezpastropdérangéetpreneztoutletempsnécessairepourvisualisercomplètementlescénariosuivant,avantderépondreauxquestions.

Gardezà l’espritquesivousvousyconsacrezvraiment,cetexercicepeutêtreuneexpérienceforteetpleined’émotion.Nousnecherchonspasàvousfaire«regarderlamortenface»,maisbienàconsidérervotrevie.Sivousvousretrouvezembarquédansvosémotionset«incapabledecontinuer»,repensezauxtechniquesapprisesdanscetouvrage,mettez-enuneoudeuxenpratique, et souvenez-vous que vous faites cet exercice afin d’arriver à quelque chose depotentiellementtrèsefficace.

Àprésent,fermezlesyeuxetrespirezprofondément.Unefoisquevousavezcalmévotremental,imaginezque vousêtesmort,mais, quepar une circonstancemiraculeuse, vous êtes capabled’assisteràvospropresfunérailles.Représentez-vouslelieu,l’atmosphère;prenezletempsdevisualiservotreenterrement.

Ci-dessous,notezl’oraisonfunèbrequ’unmembredevotrefamilleouunamipourraitprononcer,cequ’ildirait sur lesensdevotreexistence,surcequicomptaitpourvous,sur lecheminquevousavezchoisi.Vousécrirezcetteoraisondedeuxfaçons.

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D’abord, imaginez ceque vous craignezd’entendre si la lutte que vousmenezen cemomentcontinueàdominervotrevie.Faitescommesivousabandonniezcequicomptevraimentpourvousetquevousvoustrouviezprisdansvoscomportementsd’évitement,menéparvotremental,lecontrôledevosémotionsetlavolontéd’être«biencommeilfaut».Quediravotreamiouvotreparent?Écrivez-le,motpourmot,enyajoutantmêmecequ’iln’oserapasdireparbienséance.

Cette oraison est la description de ce que vous craignez. Si cette expérience d’écriture a étédifficile,canalisezvotredouleurpourl’exercicesuivant.

Mais votreoraison funèbren’apasà ressemblerà ça. Imaginezqu’àpartir d’aujourd’hui, vousviviez votre vie en connexion avec vos vraies valeurs. Non, cela ne veut pas dire que vousréussireztout,parmagie,maisqueladirectiondevotrevieseraévidente,claireetmanifeste.

Rédigezmaintenantl’oraisonquevoussouhaiteriezentendre.Soyezaudacieux!Ilnes’agitpasdeprédiction,ni d’unéloge facile. Il fautque lesmots reflètent cequevousvoudriez vraimentcréer,cequedémontrera fondamentalementvotreexistencesurTerre. Imaginez lemembredevotrefamilleoul’amiquiseprépareàparler.Quedira-t-il?Àvousdel’écrire:

Au-delàdesonaspectétrange,quevousaapportécetexercice?Prenezletempsderelire,voired’ajouter,cequipourraitmanquer.

Sivousvousyêtesconsacréavecsincérité,voustrouvezcertainementdansvosmotsquelquechosequisetrouvedéjàenvousetquevousvoudriezmanifesterdansvotrevie.

Le souvenir que vous voudriez laisser derrière vous est un très bon indicateur de vos valeursactuelles.Nul ne sait ce qui se dira à votre enterrement ; en revanche, nous savons que vosactionsprésentespeuventchangerprofondémentlafaçondontvotreviesedérouleraàpartirdemaintenant.Vosprochesnesesouviendrontpasdevospensées,devossentimentsoudevossensations,maisdevoschoixetdevosactions.Etsicelacommençaitaujourd’hui?Etsicelacommençaitmaintenant?

Résumons encore. Les tombes comportent souvent des épitaphes, comme « Épouse etmèreaimée».Si lastèleci-dessousétait lavôtre,quelle inscriptionvoudriez-vousy lire?Commentaimeriez-vousquevotreviesoitcaractérisée?Unefoisencore,ilnes’agitnid’unedescriptionnid’une prédiction : c’est un espoir, une aspiration, un souhait, qui ne regarde que vous.Qu’aimeriez-vousqu’aitsignifiévotrevie?

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Àvousdejouer!

Ci-gît

Figure12.1:Votreépitaphe

Pourallerplusloin:dixdomainesdevaleurLesdeuxpetitsexercicesquevousvenezdefairesontunbondébut;ilsvousontcertainement permis de trouver en vous quelque chose qui vous aidera à vousmontrerplusaudacieuxetplusclairausujetdecequiestvraimentimportantàvosyeux.Vousêtesenvie,alors…commentvoulez-vousvivre?

Pourstructurervotreréponse,examinezlesdixdomainessuivants:Mariage,couple,relationsamoureuses.Enfants.Relationsfamiliales(autresquesupra).Amitié,relationssociales.Carrière,travail.Éducation,apprentissages,développementpersonnel.

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Loisirs,passe-temps.Spiritualité.Citoyenneté.Santé,bien-être.

Vous trouverezci-dessousunebrèvedescriptiondechacundecesdomainesetun espace pour y noter vos propres valeurs. Souvenezvous que les valeurs nesontpasdesobjectifsprécismaisdesdirections.Nousnousoccuperonsensuitedefixerdesbutsconcrets.Sivousvousapercevezquevousavezchoisidesbutsmatériels, revenez en arrière et souvenez-vous que les directions peuventapparaîtreclairementmaisnesontjamaisterminéesouobtenues.

Vous vous apercevrez que certains domaines comptent beaucoup pour vous,d’autresmoins.C’estnormal.Chacunasesvaleurs.Si,dansundomaine,riennevousvient,cen’estpasunproblème.

Il peut également vous sembler difficile de délimiter précisément certainsthèmes:iln’estpastoujourssimplededistinguerlesrelationsdanslecoupledecellesdelafamille,pasplusqu’entrelesloisirsetlesrelationssociales.Lisezlesdescriptions suivantes et faites de votre mieux pour que les différences entrechaquedomainerestentclaires.Sicertainesvaleursvoussemblentàchevalentredeuxthèmes,vouspouvezéventuellementlesnoteràdeuxendroits.

Cequisuitn’estpasuntest,etcelaneconcernequevoussivouslesouhaitez.Alors, soyez honnête et laissez-vous la possibilité d’explorer vraiment ce quicomptepourvous.Nevousappuyezpassurlesavisoulesattentesdevosamis,devotrefamilleoudelasociété:parlezdevosvaleurs;iln’yapasdebonneoudemauvaiseréponse.

Mariage,couple,relationsamoureusesLarelationquinouslieànotre«moitié»estundomainecrucialpourbeaucoupd’entre nous. Si vous n’entretenez pas en ce moment de relation amoureuse,vous pouvez tout de même répondre aux questions en fonction de vosaspirations.

Quel genre de personne aimeriez-vous être dans le contexte d’une relationintime ? Pourmieux répondre, vous pouvez penser à des actions particulièresque vous aimeriez entreprendre, puis les utiliser pour explorer leurs motifsprofonds.Enquoiceux-cireflètent-ilsvosvaleursdanslarelationamoureuse?N’inscrivezpasd’objectifs(parexemple«memarier»), ilsferontl’objetd’un

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autreexercice.

EnfantsPensez à ce que signifie pour vous être père ou mère. Dans ce rôle, quevoudriez-vous apporter ? Si vous n’avez pas d’enfants, vous pouvez tout demêmerépondreàlaquestion,envousdemandantcequevouspourriezapporteràceuxquienont.

Relationsfamiliales(autresquedanslecoupleetaveclesenfants)Ils’agitdoncdelafamilleausenslargeduterme:êtreenfantde,oncleoutante,cousinoucousine,grand-parentoubeau-parent.Danscerôle,qu’aimeriez-vousêtre,représenter?Quellesvaleursimportentpourvousdanscedomaine?

Amitié,relationssocialesLedomainedesrelationsavec lesautresestessentielpour laplupartdesgens.Quel ami voudriez-vous être ? Pensez à vos meilleurs amis et voyez si vousparvenezàentrerencontactaveccequevousaimeriez réaliserdansvotrevieparrapportàeux.

Carrière,travail

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La sphère professionnelle revêt également une grande importance. Il faut direquenousyconsacronsunegrandepartiedenotrevie.Quevousayezunposteàresponsabilité ou pas, la question des valeurs au travail se pose. Quel genred’employévoudriez-vousêtrevraiment?Quesouhaiteriez-vousreprésenterdansvotretravail?

Àtraverslui,qu’envisageriez-vousdechangeroud’améliorer?

Éducation,apprentissages,développementpersonnelCe domaine recouvre non seulement les études, mais aussi toutes les formesd’apprentissage (par exemple, travailler avec cet ouvrage en fait partie). Quelgenre « d’apprenant » voudriez-vous être ? Comment souhaiteriez-vous vousengagerdanscedomainedevotrevie?

Loisirs,passe-tempsCequenousfaisonsdenotretempslibrenouspermetderechargernosbatteries,denousrapprocherdenotrefamilleetdenosamis.Pensezàcequicomptepourvousdansvosactivitésdeloisir, lessports, lesvoyages,lesvacances,et toutesles autres formes de passe-temps. Dans ces domaines, qu’aimeriez-vous voirapparaîtredansvotrevie?

SpiritualitéNous n’entendons pas forcément par ce mot une religion organisée. Parspiritualité,nousdésignonstoutcequipeutvousaideràvoussentirconnectéàquelque chose de plus grand que vous, à un sens de l’émerveillement et de

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transcendance.Cela inclutvotre foi,vospratiques religieuseset spirituelles, etvos relations avec les autres dans ce contexte. Qu’aimeriez-vous que signifievotreviedanscedomaine?

CitoyennetéComment voudriez-vous contribuer à la vie de la société ? Que signifie pourvousêtreuncitoyen?Quevoudriez-vousaccomplirdanslesdomainessociauxet politiques, ou encore dans l’univers des organismes de bienfaisance ou desassociations?

Santé,bien-êtreNoussommesavanttoutdesêtresphysiquesetprendresoindenoscorpsgrâceàunpeud’exerciceouunealimentationsaineestunaspectmajeurdenotrevie.

Quevoudriez-vousquevotreviemontreàcesujet?

Pourtestervosvaleurs,reprenezlesquestionsci-dessusetdemandezvouspourchaquevaleurinscrite:«Sipersonnenepouvaitsavoircequejepense,est-cequej’écriraislamêmechose?»Sivoustrouvezquecertainesdevosréponsessonnent faux, qu’elles cherchent avant tout à montrer que vous êtes une«personnebien»aulieudevenirdufondducœur,effacez-lesetrecommencez.Cettelisteneregardequevous.

ClasserettestersesvaleursIl peut être utile de classer vos valeurs pour savoir dans quels domaines vous

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pourriezcommenceràagir.

Reprenez vos réponses précédentes et résumez chaque domaine par une seulevaleur (si vous en trouvez plusieurs, choisissez la plus importante), que vousnoterezenunephrasedansletableauci-dessous.Classezensuitechaquevaleurdedeuxfaçons:d’abord,parordred’importancedanslaviequevousvoudriezmener,de1(sansimportance)à10(trèsimportant);ensuite,parrapportàvotrevie actuelle (1 signifiera « une valeur qui ne se manifeste pas dans moncomportement », et 10, « une valeur qui se manifeste très fréquemment »).Enfin, soustrayez ce chiffre au précédent pour en arriver à votre score de«déviationvitale».

Tableaupourclasservosvaleurs

Domaine ValeurImportanceManifestationDéviationMariage,couple,relationsamoureuses

Enfants Relationsfamiliales(autresquesupra)

Amitié,relationssociales Carrière,travail

Éducation,apprentissages,développementpersonnel

Loisirs,passe-temps Spiritualité Citoyenneté

Santé,bien-être

Lenombredanslacolonnededroiteestsanscontesteleplusimportant.Plusilest élevé, plus il est nécessaire que votre vie change dans ce domaine, afinqu’elle soit en adéquation avec ce qui comptevraiment pour vous. Des«déviationsvitales»importantessontsignesetsourcesdesouffrance.N’hésitezpasàsoulignerleschiffreslesplusélevés,quimarquentladifférenceentrevosaspirationsàincarnervosvaleursetleurprésenceréelledansvotrevie.

L’actionengagéeDans le chapitre13, nous vous proposerons desméthodes pour poursuivre lesvaleursmises au jour dans ce chapitre.L’avantagedes valeurs, c’est quevouspouvezlesincarnerdansvotrevie.Toutcequevousavezécritdanscechapitre

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est réalisable. Vous remarquerez que nous n’avons pas parlé de la valeur«dépasservotredouleur».Ilfautdirequecen’enestpasune.Noustraitonsdugenredeviequevousaimeriezmener,quivousestaccessibledèsmaintenant.Àquoi ressemblerait votre vie si vous la viviez vraiment et non plus dans votretête?

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S’engagerChapitre

13

Voussavezcequevousvoulezincarner.Vouslesaviezsansdouteavantdevousplonger dans ce livre, même si vous vous le cachiez peut-être pour vousdissimuler votre vulnérabilité. Lorsque quelque chose compte pour nous, nousnous exposons à la possibilité de souffrir. Si nous nous risquons à aimerquelqu’un, nous encourons le risque d’être rejeté, trahi et quitté. Si ce quicomptepournous,c’estde luttercontre la faimdans lemonde,voirunenfantaffaménousblesseraprofondément.

« Si ça ne compte pas pourmoi, je n’aurai pasmal » : voilà comment notremental garde nos valeurs à distance. Malheureusement, ce comportement estplus néfaste que son contraire : au lieu de la douleur occasionnelle, vive etvivante de connaître l’échec dans un domaine important, nous connaissons lasouffranceconstante,profondeetmortifèredenepasvivrenotrevie,denepasêtrefidèlesànous-mêmes.

Endistinguantentrevousen tantqueconscienceet lesexpériences intérieurescontre lesquelles vous luttez, acceptez-vous de ressentir pleinement cesexpériences(pleinementetsansdéfense,tellesqu’ellessontetnontellesqu’ellesprétendentêtre)etd’agirvraimentdans lesensdesvaleursquevousvousêteschoisiesicietmaintenant?Ilfautrépondreparouiounon.Uneréponsepositiveimplique un engagement et des changements dans votre comportement. Plustard,etpeut-êtresouspeu,lavievousreposeralaquestion,encoreetencore–etvousdevrezrépondreàchaquefois.

Posonslaquestionplussimplement:choisissez-vousd’accepterpleinementtousles obstacles que peut vous opposer votremental et de vous engager dans lesvaleursexploréesauxchapitres11et12,avecleschangementsdecomportementqu’ellesimpliquent?

Répondrepositivementnesignifiepasquevotrevieparaîtrasoudainplusfacile,maiselledeviendrasanscontestepluspleine.Quantàrépondreparlanégative,voussavezdéjàcequecelaimplique,carvouslevivez(c’estcequenousavonstraité en majeure partie dans ce livre). Oui, vous savez ce qu’il en coûte desacrifierlaviequevousvoulezàdestentativesfutilesdecontrôlervosémotions

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douloureuses.Voussavezcequec’estqued’êtreenferméensoi-même,devoirlesensetlegoûtdelavies’épuiserdansunelutteconstantecontrevospensées,sentiments, tendances, besoins, souvenirs et sensations désagréables.L’enfermementdanslementaldétruitvotrevitalité,etvouslesavez.

Cechapitreestconsacréàl’action,àl’engagementetàl’audacenécessairespourvivre selonvospropresvaleurs. Ilne s’agitpasdevivremalgré votre douleurmaisavecelle–lecaséchéant.

Del’audace!Ilesttempsdefairepreuvedecouragepourpermettreàvotrevied’allerdanslesensquevoussouhaitez.Chacunedesvaleursexploréesdanscetouvrageestuneboussolequivouslepermet.Àprésent,ils’agitdesemettreenmarche.C’estunprocessus en quatre étapes, qui se répète sans cesse : choisir vos valeurs,déterminer les objectifs qui vous mèneront dans cette direction, engager desactions qui vous permettront d’atteindre vos buts, puis prendre en compte leslimitesinternesàl’action.

Dessinerlacarte:choisirsoncheminReprenezletableaupage231duchapitre12,oùvousavezclassévosvaleurs.Àprésent,ils’agitdechoisirlavaleurquevousvoulezvoirs’incarnerenpremierdansvotrevie.Voustravaillerezbiensûrsurchacuned’entreelles,maisils’agitde commencer quelque part pour constituer un modèle à suivre pour lesprochaines.

Vous pouvez choisir des valeurs pour lesquelles le score de déviation estimportantoubien,aucontraire,commencerpardesvaleurs«peuimportantes»sivoussentezdesbarrièresauxquellesvousn’êtespasprêtàvousconfronter.Aufond,nousl’avonsdit,cetteimportanceesttouterelative.

Inscrivezcettevaleur:

Sicettevaleurest laboussoledevotrevie,vosobjectifsconstituent lecheminque vous choisissez de suivre. Sans eux, il y a peu de chances que vousparveniezàvivreréellementselonvosvaleurs.

Soulignonstoutefoisleurdangerpuisqu’ilspeuventêtreatteints.Or,nosfacultés

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verbalessont trèsorientéesvers le résultat,alorsque lesvaleurssontorientéesversleprocessus.

Imaginez que, dans une station de ski, vous descendiez d’une télécabine etannonciezaupréposéquevousallezskiertoutelamatinéeavantderejoindredesamis dans un refuge. « Pas de problème », vous répond-il, et il vous force àmonter dans un hélicoptère qui vous dépose quelques instants plus tard auditchalet. Vous protestez vigoureusement, mais vous vous heurtez àl’incompréhensiondupilote:«Ehbenquoi,monpote?Vousvouliezarriveraurefuge,ouiounon?»

Il aurait raison si c’était votre destination qui importait le plus. Dans ce cas,qu’importesivousvousyrendezàskiouenhélicoptère–cedernieramêmedesavantages, puisque vous n’êtes ni fatigué, ni mouillé, et que vous n’avez pasfroid…Leproblème,c’estbienquelerefugen’étaitqu’unobjectifsecondaire,destinéàorganiservotrejournéedeski–qui,elle,étaitlevéritable«objectif».

Ainsi, votre mental prétendra souvent que seul le but compte (après tout, lementalsertàévaluerlesrésultats),etilvouspousseraàprendredesraccourcis(commemettreendangervotreintégritéouignorerd’autresaspectsimportantsdevotrevie).Auboutducompte,vousnepouvezqu’êtredéçu.

DéterminersesobjectifsPour déterminer vos objectifs, vous devez penser à la fois à court et à longterme.Reprenezlavaleurquevousavezinscriteplushautetimaginezunechoseque vous pourriez réaliser qui illustrerait cette valeur dans les faits. Lesdéfinitions et les exemples des chapitres précédents peuvent vous aider.N’oubliezpas:ils’agitd’objectifspratiques;l’originalitéestinutile.

Si vous êtes un commercial quinquagénaire et que, pour incarner votre valeurintitulée « se mettre au service du bien public », vous décidiez de devenirprésident de la République, il y a peu de chances que vous y parveniez.Choisissezuneétapeaccessibleetutile.Dans lecasquenousvenonsdeciter,vous pouvez vous investir dans un organisme caritatif, vous rapprocher d’unparti politique ou d’un syndicat, ou encore participer à l’élection du conseilmunicipaldevotrelieuderésidence,cequiestàlafoisfaisableetpratique.

Soyezaudacieux,mais réaliste ;nevous sous-estimezpas,maisvisezquelquechosequevouspouvezaccomplirdansundélairaisonnable.

Inscrivezvotreobjectif:

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Àprésent,vérifiez:

qu’ilsoitréalisable,qu’ilsoitaccessible,qu’ilfonctionneavecvotresituationactuelle,qu’ilvousmènedansladirectiondelavaleurchoisie.

Sic’estlecas,vousvousêtesbeletbienfixéunobjectif.Danslecascontraire,reprenez les chapitres 11 et 12 pourmieux comprendre ce qu’est un objectif.L’étape suivante est de déterminer s’il s’agit d’un objectif à court ou à longterme.

Indiquezsurlafrisechronologiqueci-dessousoùsesitueracetobjectif.Lafrisevademaintenant(àgauche)àvotremort(àdroite).Oùsesituevotreobjectif?

Ladistancerelativeentrevotresituationactuelleet lemomentoùvouspouvezraisonnablementenvisagerd’atteindrecetobjectifvouspermetdesavoirs’ilestà court ou à long terme. Dans le premier cas, vous pourrez éventuellementsongeràdesbutsultérieurspourmieuxorientervotreparcours.Danslesecondcas, des objectifs intermédiaires sont peut-être nécessaires. Reprenez donc lafrisepour inscrired’autresobjectifs à court et à long termepour lavaleur surlaquelle vous avez choisi de travailler. L’exercice suivant vous permettra d’enconserverunetrace:

Exercice39:Lafeuilledetravaildesobjectifs

Valeur:

Cettevaleursemanifesteraàlongtermedanslaréalisationsuivante:

1.

Qui,àsontour,semanifesteraparcesobjectifsàcourtterme:

1. 2.

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3.

Cettevaleursemanifesteraàlongtermedanslaréalisationsuivante:

1.

Qui,àsontour,semanifesteraparcesobjectifsàcourtterme:

1. 2. 3.

Répétezcetexercicejusqu’àobtenirunplandetravailefficace.Necherchezpasàtoutprixàcequ’ilsoitcomplet:vouspourreztoujoursajouterousoustrairedeséléments.

Il n’y a pas de règles strictes quant au nombre d’objectifs nécessaires. C’estvotre vie, après tout. Pensez à ce que vous aimeriez accomplir et fixez vosobjectifs d’après la manière dont ils peuvent s’intégrer dans votre vie. Lesnuméros dans l’exercice ci-dessus sont arbitraires. Commencer par un seulobjectif à long terme vous paraîtra peut-être plus logique, mais un objectif àcourt termepeutégalements’avérer lemeilleurmoyendecommencer. Iln’yapas de bonneméthode. S’il vous vient des pensées de cette nature, souvenez-vousquec’estvotrementalquiparle.Utilisez les stratégies indiquéesdanscelivreetsuivezvotreboussole.

Atteindrevosobjectifsn’estpasunefin,maisuncommencement,unpalieroùvouspouvezvous reposerun instantpour repartir deplusbelle.Lespointsdepassage sont importants, mais ils ne doivent pas vous emprisonner. Félicitez-vousdevosréussitesetcontinuez.

Enpratique:desactionsquimènentàdesbuts

Toutescesbellesparolesnepeuventmasquerlefaitque,tantquevousn’agissezpas,vousn’êtespasvraiment«envie».Parcourircelivreest important,maisqu’allez-vous faire?Sivousconnaissezvosobjectifsmaisn’avancezpasverseux, votre savoir ne sert à rien. L’ACT est centrée sur l’action. Pour changervotrevie,ilfautagir.Quellesactionsallez-vousentreprendrepouratteindrevosbuts ? Pour avancer dans la direction que vous indique votre boussole, quedevez-vous faire ? Choisissez un des objectifs à court terme de votre liste etinscrivez-le:

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Exercice40:Agissezpouratteindrevosobjectifs

Vousavezlaboussoleetlacarte,ils’agitàprésentdevousmettreenmarche.

Dans l’exercicesuivant, inscrivezundevosobjectifsàcourt terme,puisdéfinissezdesactionspouryparvenir(vouspouvezendéfinirplusoumoinscinq).Nesoyezpasvague(parexemple«m’améliorer»)etn’inscrivezpasdesélémentsquevousnepouvezpascontrôlerdirectement(«mesentirmieux»).Définissezunesituation,uneaction,avecundébut,unefin,uneformeetun contexteprécis.Par exemple, «m’occuperdemesamis»n’est pasuneaction spécifique.«Appelermesamis»estmieux,maisrestevague.«AppelerUntel»estacceptable.Cetteactionaundébutetunefin,uneformeparticulière,uncontexteprécis.Nousvousconseillonsd’incluredansvotreactionquelquechosequevouspouvezfaireaujourd’hui.

Essayez d’inscrire suffisamment d’actions (principales et subordonnées) pour que, si vous lesaccomplisseztoutes,voussoyezquasimentcertaind’atteindrevotreobjectif.

Objectifàcourtterme:

1.

Actionsprincipalesetsubordonnées(parexemple,pourappelerunamiperdudevue,trouversonnumérodetéléphone,peut-êtreparl’intermédiaired’unautreami):

1. 2. 3. 4. 5.

Quelle action de cette liste pourriez-vous accomplir dès maintenant (ou aujourd’hui) ?Concentrez-voussurcequiestpossible.Sivousêtesprêtàlefaire,trèsbien…Allez-y!

LesbarrièresàfairetomberMalheureusement,cen’estpas toujoursaussisimple–sansquoice livreseraitinutile.Desbarrièressedresseront,certainessousformedeproblèmespratiquesque vous rencontrerez sur la voie que vous avez choisie, d’autres, plusimportantes,sousformed’expériencesquevouscherchiezàéviteroudepenséesaveclesquellesvousêtesrestéfusionné.

Choisissez une des actions que vous avez sélectionnées pour aujourd’hui etcontrelaquellevoussentezunerésistancepsychologique.Écrivez-la:

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Sivousétiezentraindelefaire,quellebarrièrepsychologiqueredoutez-vous?Noteztouslesaffectsnégatifsquiseprésentent;aubesoin,fermezlesyeuxetimaginez-vousengagédanscetteaction.Observezattentivementlesbarrièresquisedressent.Nevouslaissezpasalleràl’évitement!Sivousvousrendezcomptequevotreespritdériveouquevousvousdites«De toute façon, toutçam’estégal », si soudain vous avez faim ou envie d’aller aux toilettes, soyezsuspicieux!L’évitementprendbiendesformes.Aussi,restezencontactavecleprocessusetnotezlesbarrièresquiapparaissent:1. 2. 3. 4. 5.

Une fois posées ces barrières potentielles à l’action, repensez aux stratégiesapprises dans ce livre. Si vous préférez certaines techniques de défusion, demindfulness ou d’acceptation, vous pouvez les utiliser ici. N’hésitez pas àfeuilleterlelivreànouveaupourlesretrouver;siaucunenevousvientàl’esprit,ilseraitpeut-êtremêmeintéressantderelirecertainspassages…

Pour l’ACT, il n’y a pas de barrière à éviter, contourner ou traverser. Il s’agitsimplementdefaireavec.Unpatientdelathérapienousaditunjour:«Avant,jefuyaisladouleur.Maintenant,jelarespire.»

Exercice41:Lesbarrièresattendues

Dans le tableau ci-dessous, inscrivezunoudeuxmotsqui vous rappelleront lesbarrièresquevousvousattendezà rencontrersur lavoiequevousavezchoisie,ainsique lesstratégiesquipourraientvousaideràdéfusionnerdecesbarrièresetàlesaccepter.

Barrières StratégiesACT

Vouspouvez«respirer»ouintégrercesbarrièresenimagination,maislemieuxesttoutdemêmedelestraiterdansleurcontexte.Attention!Votrementalvousdiraquevosstratégiesontpourbutdevousdébarrasserdevosbarrières.Ilestfortimprobablequecelaarriveet,detoutefaçon,cen’estpasimportant.Leseul

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objectif de ces techniques devrait être de défusionner des questionspsychologiquesqui vous empêchent d’agir dansvotrepropre intérêt et de leurlaisserdelaplace.

LacarteetlevoyageDans le chapitre12, nous avons exploré dix domaines différents, dans chacundesquelsvous avezpeut-être sélectionnéplusieursvaleurs.Deplus, vous avezpeut-êtrevospropresdomainesdevaleur.Siuneseulechosecomptaitpourvous,la vie serait peut-être plus simple, mais elle ne serait pas aussi pleine etdynamique que lorsque vous accordez de la valeur à beaucoup de chosesdifférentes.Sivotrelistedevaleursest longue,celasignifiequelevoyagequevousentreprendrezserapassionnant.

Chaquevoyageabesoindesaproprecarte.Vouspouvez–etvousdevez–visersimultanémentplusieursvaleursdansplusieursdomaines.Sanscette libertédevouloir,lavieseraitbienmoinsriche.

Letravailquevousavezeffectuédanscechapitrepeutêtrereprésentédecettefaçon.

FichedevaleurValeur:.............................

Buts Actions Barrières Stratégies

Si vous le souhaitez, vous pouvez résumer sur cette fiche les informationsrecueillies dans ce chapitre sur vos valeurs et vos objectifs ; en outre, vouspouvezl’utiliserenconjonctionaveclesquestionsquenousposonsici,afindegénérerune«carte»pourchacunedesvoiesquicomptentpourvous.

Nousvousconseillonsdoncdefaireplusieurscopiesdecetableau,dereprendrelalistedevosvaleursétabliesdanslechapitre12,deles«cartographier».Ainsi,

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vous vous offrez un itinéraire pour chacun des domaines qui comptent pourvous.

Parfois,vousvousapercevrezqueplusieursd’entreeuxsecombinenttrèsbien;parfois, qu’ils se contredisent. Dans ce dernier cas, il vous faudra peut-êtredécider quel sera votre prochain pas, la directiondans laquelle vous souhaitezfaireavancervotrevie.Iln’yapasdestatuquopossible:c’esttoujoursàvousdedécider.Nousn’essayonspasdevousfairecroirequetoutesttoujourssimple.

Construiredesschémasd’actionLaplupartdesproblèmesdontnoussouffronssont,au fond,desproblèmesdecontrôle.L’évitementetlafusionnourrissentdesschémasservantdesintérêtsàcourt terme au détriment de nos intérêts à long terme. En avançant dans unedirection délibérément choisie en fonction de vos valeurs, vous commencereztoutefoisàconstruiredesschémasd’actiondeplusenplusgrands.

DevenirresponsabledesesschémasDanslavie,iln’yapasdebouton«pause»;onnerépètepasavantdejouer.Celasignifiequel’onconstruitsansinterruptionunschémadecomportement.Ilestplusfaciledeconstruiredesschémasplusétendus,quiserventnosintérêtsentenantcomptedesschémasquisecréentàmesurequ’ilsseproduisent.

Imaginons par exemple que vous désiriez être davantage conscient de votresanté, et envisagiez donc de perdre du poids, demanger plus sainement et defairedel’exercice.Vousdécidezdevousrendredansunesalledesportdeuxfoisparsemaine,devouspasserdedessertpendantunmois–pourvoushabitueràdiminuer votre consommation de sucre qui, en ce qui vous concerne, passeprincipalementpar lesdesserts–etde limitervosapportsà1800caloriesparjour.

Lapremièresemaine,toutsepassebien:vousavezprisunengagementetvousvousytenez.Mais,dèsladeuxièmesemaine,votrevolontéfaiblit.Vousmangezune belle part de gâteau et arrivez au jeudi sans vous être rendu à la salle desport.Deplus,vousnemesurezplusvotreapportcaloriquequ’«àlalouche».Ilse peut alors que vous soyez en colère. Vous retrouvez ce sentiment d’échecgénéraliséquevousconnaissez sibienetvousvousditesqu’ilvaudraitmieuxtout arrêter.Dansvotremonologue intérieur, le débat vabon train : et si vousétiezincapabledefairemieux?Etsivousétiez«fichu»detoutefaçon?

Àunautreniveau,ils’agitsimplementd’unschémacomportemental:

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Prendreunengagement/romprel’engagement.

Danslepassé,vousavezsansdouteconnuceschéma,cequiexpliquepeut-êtreenpartie votrebaissede régimededeuxième semaine.Maisd’autres schémasvousguettent:

Prendreunengagement/romprel’engagement/annulerl’engagement.

Oubien:Prendre un engagement/rompre l’engagement/annuler l’engagement/s’envouloir.

Oumême:Prendre un engagement/rompre l’engagement/annuler l’engagement/s’envouloir/craindredes’engager/arrêterdes’engager.

Ces schémas comportementaux sont en cours de formation. C’est votrecomportement qui les validera ou non – rien d’autre. Les rationnaliser n’estqu’unautreaspectduschéma.Demêmequelesrationnaliseretdes’envouloirensuitepourlesavoirrationnalisés.

Désengagez-vousdevotrementaletregardezcommentseformentlesschémas.Encemomentmême,ils’enformeun,etvouspouvezlefaçonnercommevousle souhaitez par votre comportement. Si vous voulez qu’il diffère de voshabitudes, alors vous devez avoir un comportement différent. Si le schéma«prendre un engagement/le rompre » a été jusqu’à présent une habitude pourvous,etquevousvousrendezcomptequevousvenezdelerejouerunefoisdeplus, voilà une occasion en or de créer un schéma différent : prendre unengagement/lerompre/s’ytenir.

Siceschéma-cisemetenplace,vouspourrezpeut-êtreréduirel’importancedela phase du milieu et vous rapprocher du comportement qui consisterait àprendre des engagements et à les tenir. Si quelques ruptures d’engagement seproduisent,vousparviendrezprogressivementàéradiquerlaplupartd’entreelles–sansdoutepastoutes,maiscetobjectifestenrichissantenlui-même.

BriserdesschémasrigidesetsansintérêtLeplusgrosproblèmeavecl’évitement,lafusionetlemoiconceptuelestqu’ilsdeviennent très rigides parce qu’ils participent à des schémas très larges. Onnousdemandesanscessedefairedusens,d’expliquernosactesetdecontrôlernos émotions ; car lemonde qui nous entoure,mené par le langage,met sans

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cesse ces valeurs en avant, même lorsque ce n’est pas nécessaire. Ainsi, lescomportements s’obligent à être rationnels : la machine à mots domine toutevotrevie.

C’est peut-être pour cette raison que cet ouvrage a pu vous paraîtredéstabilisant : nous l’écrivons en rupture avec un schémade langagehabituel.Nousdéfionslesrèglesimplicitesdulangagedanslesquelleslaplupartd’entrenousbaignentenpermanence.

Pour que de nouvelles choses se produisent, nous devons briser les ancienneshabitudes–cequelespatientsdel’ACTappellentparfoisleur«antiboussole»:si unehabitudenouspoussevers le nord, il est peut-être tempsd’aller vers lesud.C’estcequenousavonsvudansl’exercice37.

Quandlesvieuxschémascèdent,lapossibilitéd’enconstruiredenouveauxvousestofferte.Sinécessaire,vouspouvezvousenteniràdesschémastoujoursaussirigides (parexemple le faitde tenir sesengagements),maisvouspouvezaussilesremplacerpardeshabitudesbienplussouples.

SedébarrasserdesesschémasVoici quelques exercices à réaliser pour se débarrasser de ses schémas.Imaginons que vous remarquiez que vous buvez toujours un ou deux verresd’alcoolquandvousvoustrouvezdansunefête.Vousn’avezpasàproprementparlerdeproblèmedeboisson,maisvousvousdoutezquecetteconsommationd’alcoolaunbut«mondain»:grâceàcela,vousvoussentezplusàl’aiseaveclesgens,discutezplusfacilementaveceux–cequifaitpartiedevotreschémadestiné à éviter les sentiments que vous n’aimez pas. Vous le savez, cefonctionnementaunprix.Alors,pourquoinepastenterd’ensortirens’occupantdecedétailquevousvenezderemarquer?

Etsivousprofitiezdelaprochainefêtepournerienboiredutout?Justepourleplaisir, pour voir. N’est-il pas intéressant de prendre conscience de votrefonctionnement en société lorsque l’alcool n’est pas là pour « graisser lesrouages»?Etsiaulieuderesterdansvotrecoin,vousregardiezdroitdanslesyeux quelqu’un que vous ne connaissez pas et entamiez avec lui une vraieconversation ? Si au lieu de demeurer sur votre quant-à-soi, vous révéliezquelquechosed’unpeupersonnel?Au fildeceschangementsminimes,vousdécouvrirez peut-être que vous avez jusque-là fonctionné avec des béquillespsychologiques,etcequ’ellesvouscoûtent…

Imaginonsquevousremarquiezlebesoinde«fairebien»et«d’avoirraison»

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en société. Vous pouvez alors agir « à contresens », de manière à créerdélibérément une gêne en vous, pour la simple raison que vous décidez deressentircemalaisesocial.Portezparexempledeschaussettesblanchesavecuncostumenoir;sortezsansmaquillage,oumaquillez-vousdefaçonexcentrique;racontezunehistoireidiote,maisnel’expliquezpas;énoncezunecontrevéritésansadmettresavoirqu’elleestfausse;avouezàdesamisundétailgênantsurvotre compte ; payez quelque chose avec seulement de la menue monnaie ;achetez quelque chose d’inhabituel (un parfumpar exemple) avant de vous lefairerembourser,etc.

Ilnes’agitpasd’êtreexcentriqueoud’avoirl’airidiot.Lebutestd’affrontervoshabitudes, vos schémas comportementaux, lorsque vous vous rendez comptequ’ilsvouslimitentetvousenferment,dansdesdomainesdelaviequicomptentpour vous. Une fois que le schéma est rompu, de nouvelles possibilitésapparaissent. Si par exemple vous vous découvrez capable de vous fairerembourser un achat alors que vous avez toujours fui ce comportement, vousaurez peut-être davantage de facilité par la suite à aller faire du porte-à-portepouruneassociationhumanitaire–àsupposerquecelafassepartiedevotrelisted’actions à mettre en œuvre pour réaliser un de vos objectifs de vie les plusimportants–,oubien,delamêmefaçon,vousoserezdemanderunrendez-vousàuneinconnue.

Une des meilleures façons de briser les grands schémas comportementauxgênants est de faire régulièrement des choses nouvelles. Peignez un tableau,prenezdescoursdedanseoudecuisine,chantezdansunkaraoké,rejoignezuneassociation, réparez ou construisez quelque chose, écrivez un poème,commencez un journal…Tout cela peut se révéler particulièrement utile si laliste de ce que « vous n’oserez jamais faire » fait partie d’une tendance àl’évitementetd’unepeurdel’échec.

De l’extérieur, il peut sembler sans grande importance que vous refusiez deprononcer un discours, oumême de porter un simple toast, parce vous seriez«gênésicen’étaitpasbien fait».Après tout, l’occasionestplutôt rare.Maisquel schéma est joué ici ? Cherchezvous en permanence à réduire votreimportance?Aufond,vousêtespeut-êtreentraindevousenfermer,denourrirunconceptdevous-même(«Jenesuispasàl’aiseensociété»,«Jesuistropanxieux ») qui réduit systématiquement votre capacité à profiter de la vie. Sic’estlecas,ilesttempsdesedébarrasserdecequenousavonsnomméle«moiconcept » (voir chapitre7) en brisant le schéma. C’est en ce sens que l’ACTvousconseillede«voustuerunpeuchaquejour».

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Nous avons identifié les schémas comportementaux majeurs qu’encourage lelangage : l’évitement d’expérience, la fusion cognitive, l’attachement au moiconceptualisé, etc. Si, en présence d’un événement qui vousmène en généralversundecesschémas,vousadoptezuncomportementinhabituel,vousêtesenmesuredecréeruneplusgrandeflexibilitépsychologique.Aufond,voilàlebutultime de l’ACT : la capacité à faire coïncider de façon créative votrecomportementdanslesgrandsschémasquevousvoulezcréer.Autrementdit,lebutdecetouvrageestlalibérationpsychologique.Jusqu’àquelpointvotreviea-t-elleétéfonctiondecequesuggéraitvotrementalaulieud’êtrefonctiondecequicomptepourvous?

Parceque…À mesure que vous installez des schémas en adéquation avec ce que voussouhaitez et que vous vous débarrassez de ceux qui vous encombrent, il estimportant de vous focaliser sur ce qui est fondamental en eux : pouvez-voustenirvosengagements?Donnerdelaforceàceschémaestprimordial.Ainsi,ilpeut être intéressant de vous entraîner à toujours tenir de petits engagements,sansautreraisonque«parcequevousl’avezdit».

À certaines époques de l’histoire, cette pratique était courante et considéréecommeune sorte de formationmorale.Elle existe encore,même si c’est à unmoindreniveau,dansnosinstitutionsmoralesetspirituelles.Desexemples?Seleveretsecouchertrèstôt,parceque…S’abstenirdesesalimentsfavorisparceque… Jeûner, porter des vêtements inconfortables, tenir un journal…De telsengagementsdoiventêtreclairsetlimitésdansletemps.Silapremièreconditionva de soi, la seconde est moins évidente : si votre mental sait qu’ils setermineront,sanssavoirquand,ilrisquefortdesuggérerquecesoitmaintenant.

Il est préférable que ces engagements aient l’air sans importance parce qu’ilspermettentdes’exerceràdéfusionnerdubesoind’importance.L’importanceserévèle lorsque la vie nous démontre à quel point il est utile de savoir tenir saparole.Ilnes’agitdoncquedes’entraîneràconstruireceschéma.

Mais rien de tout cela ne peut fonctionner si vous ne vous en tenez pas à ceschéma. Il estparfois surprenantdeconstateràquelpoint c’estdifficile.Voilàquiestrévélateurensoi.Silesschémassontsansimportance,pourquoisont-ilssidifficilesàchanger?Engénéral,c’estparcequ’ilexisteunschématrèsfortdenepas tenirparole,oudene le faireque lorsquec’est«obligatoire» :encoreuneraisondepratiquer…

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LepartageTout,danslavie,estrenduplusréelparlepartage.L’intimitérevientàpartagervosvaleursetvosfaiblesses.Sivousconstruisezdenouveauxschémasdevieetenabattezd’anciens,partagez-le.Sivousvoyezuneformed’évitementquevousêtes prêt à laisser partir, parlez-en aux autres. C’est comme éclairer un trouobscuroùvousvouscachiez.Ildevientbienmoinstentantdes’ycacher,carunepersonneaumoinsconnaîtvotresecret.Sivousprenezunnouvelengagement,partagez-le aussi, cela le rendra plus réel. Mais n’espérez pas que l’autre enprennelaresponsabilitéàvotreplace.

ResterconscientdesesvaleursLameilleurefaçondeconstruiredesschémaspluslargesestd’enêtreconscient.Lafeuilled’exercicesuivantevousyaidera.Vouspouvezylogerjusqu’àquatremois d’informations, ce qui vous permettra de voir les progrès réalisés danschacun des dix domaines où vous vous êtes fixé des valeurs (je remercie aupassageDavidChantry,quiainventécetableau).

Exercice42:Versunevievaleureuse

Utilisezcettepagepourévaluerdurant lessemainesàvenir l’importancequevousaccordezàchacunedecesvaleurs (ilsepeutquecetteestimationnechangepasbeaucoup)et leniveaud’adéquationentrevosactionsetvosvaleurs.Chaquesemaine,cochezlacasecorrespondante(par exemple en rouge pour indiquer le degré d’importance, et en noir pour indiquer le niveaud’adéquation).

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Culpabilité,pardonetespoirUne source de douleur dont nous n’avons pas encore parlé est la culpabilité àproposdesoccasionsmanquéesetdutempsperdu.

Iln’yapasdemanueld’utilisateurdelavie.Laplupartd’entrenousdécouvronsseulscommentfonctionnentlespiègespsychologiques–ennousfaisantpiéger.Les fondements scientifiques de l’ACT démontrent que les processus décritsdanscetouvragepeuventréellementnousaideràchanger.Maistoutvraiprogrèsnousmetenprésencedel’idéequecequiestarrivédansnosvies,etquis’estintégré à un schéma destructif, aurait pu, rétrospectivement, fonctionnerautrement.

Latentationdefusionneravecunenouvelleformededéfenseestforte.Onvoitengénéralceschémasemettreenplacequandlapersonneréaliseàquelpointelleasouffertaunomdel’évitement,delafusionouduconceptdumoi.C’estdansdetellessituationsquelesprocessusquenousavonsdécritsserévèlentleplusutile;carvousavezbesoinplusquejamaisdetouteladouceuretdetoutela compassion pour vous-même que vous pourrez trouver. Pour accepter cessentimentsdouloureux,défusionnerdesautocritiquesetvousconcentrer surcequi compte vraiment pour vous, vous devez vousmontrer bienveillant envers

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vous-même. Alors, même votre douleur pourra faire partie de votre nouveauchemin,plusrespectueuxdevous-mêmeetfixépardevraiesvaleurs.Déclinezrespectueusementl’invitationdevotrementalàvousflagellerden’avoirpassucequ’ilyavaitécritdanscefameuxmanueld’utilisationdelavie–celuiqu’onne vous a jamais donné. Inutile, pourtant, de vous fusionner à de nouvellesrationalisations défensives. Vous avez fait de votre mieux à l’époque.Aujourd’hui,vousensavezplus.

Bien souvent, cette croissance de la conscience ne réclame pas seulement lepardondesoi,quenousvenonsd’évoquer,maisaussilepardonpourlesautres.Imaginonsqu’enfantvousayezétévictimedemaltraitanceetquelessentimentsquivousensontrestéssoientdevenusuneforcedestructricedansvotrevie.Enapprenant à pratiquer l’acceptation, la défusion, lamindfulness et à construirevotrechemindevieenfonctiondesvaleursquicomptentpourvous, ilsepeutque vous réalisiez peu à peu : 1) que vous avez tout fait pour rendre votrebourreauresponsableenvousassurantquevotrevieestunéchec;et2)quevousaveztouslesoutilsenmainpouravancer,mêmeavecvotrehistoire,dansunevieenadéquationavecvosvaleurs.

Cela peut se révéler très douloureux. Car si votre vie devient agréable alorsmême que votre tortionnaire n’a pas reconnu ses torts, qu’il ne souffre pascommevousavezsouffert,oumêmequ’ilnereconnaîtpasvotredouleur,vouspouvezavoirl’impressiondelelaissers’entireràtropboncompte.Pireencore,celapeutêtreuneréalité–commelorsqu’unparentabusif,voyantvosnouveauxprogrès, se dit : « Après tout, je ne lui ai pas fait tant de mal… » C’estdouloureux, certes, mais l’idée de le « laisser s’en tirer » signifie que vouspouvezaussivousentirer,quevouspouvezlâcherprise.Ils’agitsimplementdepasseràautrechoseetdenevousoccuperquedevotrepropreintérêt.

Au fond, pardonner à l’autre, c’est avant tout se pardonner à soi – le motpardonner vient du latin « donner à nouveau, rendre ». C’est à vous, pas àl’autre,quevousoffrezquelquechose:lapossibilitéd’allerdel’avant.

À terme, vous rencontrerez sans doute la situation inverse et comprendrezcommentl’évitementetlafusionvousontmenéàdesactesdestructeurspourlesautres.Vousavezpuvousmontrerégoïste,malhonnête,distantouabsentpourceuxquevous aimez.À causedevotre peur, vos enfants n’ont pas reçu toutel’attention dont ils avaient besoin ; à cause d’une addiction, vous avez putromperlaconfiancedevotreemployeur…

Lereversdupardonestlaresponsabilité.Lorsquevousdétectezenvous-même

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desschémascomportementauxdestructeurs,prendrevosresponsabilitésrevientà tenter systématiquement de réparer les torts que vous avez causés dans lepassé. Si vous sautez cette étape pour ne penser qu’aux valeurs que voussouhaitez voir incarnées dans votre vie, celle-ci risque de vous sembler biencreuse…

Aprèstout,votrevievousappartient…Lavieestdouloureuse,maiselleestaussibiend’autreschoses.Aufond,votrevieestcequevousdécidezqu’ellesoit.Lorsquelementaldomine,lavienevaquedansunsens.Lorsquevotremachineàmotsn’estqu’undesaspectsdevotreêtre, elle fonctionne autrement. Les choix eux-mêmes ne sont pas toujoursfaciles,maistrouverlalibertédechoisirestunrenouveau.C’estvotrevie,aprèstout, pas celle de votre mental – même si, bien entendu, celui-ci prétend lecontraire…

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ConclusionLechoixdevivrepleinement

Lorsque vous affrontez un problème fondamental en vous-même, vous êtestoujours à un croisement : vers la droite se trouve le bon vieux chemin del’évitementetducontrôle.C’est le trajetque laplupartdespassagersdevotrebus aimeraient vousvoir emprunter : celui de la logique, de la raison, dubonsens–dulangage.Votrementalvousparleradesdangers,desrisques,devotrevulnérabilité,etilvousprésenteral’évitementcommeunebonnesolution.Maisvousconnaissezcecheminpourl’avoirparcouruencoreetencore.Cen’estpasvotre faute, vous vous êtes comporté en personne raisonnable. Il s’avèresimplementquecen’estniefficaceniagréable,etquecelavousprivedetouteautonomie.

Ce n’est pas votre faute, mais depuis que vous le savez, c’est votreresponsabilité.Lavieoffreuncortègededouleurs;onnechoisitpascertainesd’entre elles. Vous pouvez connaître – et connaîtrez certainement – desaccidents,desmaladies, laperted’êtreschers…Maismêmeàcesmoments-là,vousdétenezlaresponsabilité(lacapacité)derépondreenpleineconscience.

Cequiarrivedansvotrevieestlaconséquencedevosactions.Personned’autrequevousnepeutchoisirentreacceptationetévitement,fusionetdéfusion,vivrepleinement dans lemonde ou vivre àmoitié dans votre tête. Personne d’autrequevousnepeutdéciderden’êtrequevotreprogrammationoubiend’existerentantquecontinuitédeconscience.Plusencore,personned’autrenepeutdéciderdevosvaleurs.

Figure1:Lecarrefourcrucial

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Vous vous trouvez donc à un croisement décisif et vous devez choisir votrechemin.Moinsfréquenté,celuidegaucheestceluidel’acceptation,delapleineconscience, de la défusion et de la reconnaissance de vos vraies valeurs. Surcetteroute,ontrouvedesrisquesetdesfaiblesses,maiselleaunsens.

Les deux routes n’ont pas la même destination, bien au contraire. Que l’ons’engagesurl’unecommesurl’autre,oncroisenéanmoinsdesproblèmesetdela douleur.À droite, ce sont de vieux problèmes familiers ; à gauche, ils sontnouveaux et plus stimulants.À droite, la douleur estmortifère, suffocante ; àgauche,elleestdouce-amère,intensémenthumaine.

Imaginezquevousvoustrouviezau-dessusdecettebifurcation.D’oùvousêtes,vouspouvezvoirqu’elles’intègredansunsystèmedechoixplusgrand.Ainsi,face au choix, comme face à vos problèmes, en partant à gauche, vous entrezdans un cycle d’acceptation et d’engagement ; en partant à droite, vous optezpourlecontrôleetl’évitement(lafigure2illustrecescycles).

Dans lecycledecontrôleetd’évitement, laviese résumeàcequevousdictevotre mental. Vous vous empêtrez dans des prédictions et des évaluationsverbales. Vous essayez de suivre les ordres de votre mental, même si, par lepassé,sesinstructionsn’ontjamaisfonctionné.Lebusdevotrevieestentrelesmains de vos passagers imaginaires et ils bifurquent systématiquement vers le

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contrôle et l’évitement. Vous pouvez vous sentir soulagé pendant quelquesinstants : au moins, c’est un chemin connu et, chaque fois que vous l’avezemprunté,vousvousenêtessortiindemne.Tôtoutardcependant,vousrevenezàvotrepointdedépart,maisaffaibli.Lavieestunpeuplusétriquée.Letempsapasséetvousn’aveztoujourspascommencéàvivre.Nonseulementilvousfautaffronter des problèmes, mais ce sont toujours les mêmes, familiers etmortifères.

Combiendetempsdureracecycle?Pensezauxproblèmesquevousaffrontez:quandont-ils commencé ?Et si les cinq années à venir ressemblaient dans cedomaineàcellesquiviennentdes’écouler?Etlescinqsuivantes?Danslecyclede l’acceptation et de l’engagement, il en va autrement. Vous entendez toutautant le bavardagedevotremental,mais vousnevousy laissezpasprendre.Vousvoyezqu’ilyaunedistinctionentrevous,leconducteurconscientdubus,etlespassagersquevoustransportez.Ilyadelaplacedansvotrevéhiculepoureux.Vous les acceptez.Vous enêtes séparé,défusionné.Et, l’œil sur la route,vous avancez vers ce qui compte vraiment pour vous. Résultat : votre vies’épanouit;elledevientplusintenseetmoinsrigide.

Figure2:Cycledel’acceptation,cycledel’évitement

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Cettecroissance,toutefois,nevapassansproblèmes.Si,parexemple,vousvousengagez dans une relation amoureuse sincère et pleine, vous rencontrerez leproblème de votre vulnérabilité là où vous vous heurtiez auparavant à desproblèmesd’aliénation.Parfois,cesnouveauxdilemmessontpluseffrayantsquelesanciens.Faceàtantdenouveautéetd’intensité,votrementalpeutsemettreàhurlerquevousavezfaituneterribleerreuretquevousvoustrompezdesens.Etvous revoilà alors revenu à votre croisement des chemins. Il faut refaire unchoix. Si vous décidez systématiquement d’aller vers la gauche, vers

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l’acceptation,votrevien’enserapasplusfacile,ellen’enseraqueplusvivante.Vousprogresserez(c’estcequemontrelafigure3).

Tantquevotrevieparticipeducycledel’acceptationetdel’engagement,vousavancezdansunenouvelledirection(cequiressembleàuncercledanslafigure2 est en réalité une spirale).Vous continuez à rencontrer des problèmes– trèsgraves parfois –, mais vous constatez des progrès. Vous vivez une vie plusintense,moinsrigide,valeureuse.Sivouschoisissez l’autrechemin,vousvoustrouverezégalementprisdansunespirale,mêmesicelle-ciestdescendante:deplus enplus étroit, ilmèneàunevie rigide, axée sur la lutte.Vous sombrerezdanslaguerrepsychologiquedelasouffrancehumaine.

Figure3:Cycledel’acceptationetdel’engagement

Vous avez souvent – peut-être trop ? – emprunté la voie de droite. Vous enconnaissez d’avance les résultats ; ils sont prévisibles et, d’une certaine façonrassurants,maismortifères.L’acceptationetl’engagementoffrentunevoieversl’inconnu.Sanouveautélarendpluseffrayantemaisplusvivante.

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Lavieestunchoix:pasceluid’accepterouderefuserladouleur,maisceluidemenerounonuneviepleineetentière, incarnantdesvaleurs, rempliedesens.Vous avez suffisamment souffert. Pensez moins pour vivre heureux (noussommesavecvous)!

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AppendiceLesvaleursdel’ACT

L’ACTestunebranchedelapsychologiecliniqueempiriquequiprovientdelathérapiecomportementaliste.Entantquetelle,sesfondateurstiennentavanttoutà : 1) une évaluation scientifique des techniques ; 2) le développement deprincipes théoriques de base pour guider le développement des techniques etexpliquerleurefficacité.Mêmesicetouvrageestdestinéaugrandpublic,noussouhaitions ajouter cet appendice pour montrer comment les fondateurs etdéveloppeurs de l’ACT tiennent ces engagements, et au besoin guider leslecteursetlesprofessionnelsversdesressourcesdisponibles.

ThéorieetprincipesL’ACTs’estdéveloppéeàpartird’unprogrammederecherchefondamentalesurlanaturedesprocessusverbauxetcognitifshumainsappelée«théoriedescadresrelationnels (TCR) » (Hayes, Barnes-Holmes et Roche, 2001). Scientifique etcomplexe,celle-ciestdifficileàexposerdansunouvragedevulgarisation.

Dansce livre,nousavonschoisid’utiliserdes termespluscommunsqueceuxutilisés dans la pratique ; par exemple, nous parlons de « mental », voire« d’esprit », plutôt que de « répertoire de réponses relationnelles dérivéesarbitrairementapplicables»,parcequ’utilisercesmotsnesignifieraitpasgrand-choseetrendraitnotreouvragepratiquementimpossibleàlire.Dansuncontextescientifique,nousnousexprimerionsdifféremment,maisparcequenouspensonsque l’usage fait sens,nousavonsutilisédes termesquinousparaissentprécis,mêmes’ilsn’appartiennentpastoutàfaitàlatraditionscientifiqueàlaquelleserattachel’ACT.

Chaque phrase pourrait donc être remplacée (ou en tout cas nous l’avonssouhaité)paruneexplicationplustechnique,etnousn’hésiteronspasàenfairela traduction si nos collègues scientifiques le souhaitent. De nombreusespublications de ce genre sont d’ailleurs disponibles. L’inconvénient de notreapproche (en plus de surprendre nos collègues psychologuescomportementalistes) est qu’il peut parfois sembler que cet ouvrage ne reposepas sur des fondations scientifiques solides ou qu’il s’appuie sur une

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compréhension très générale du fonctionnement du langage et des processuscognitifs.Nous espérons que les lecteurs intéressés par l’aspect scientifique letrouverontaucontraireclair etprécis.Vous trouverezune listedepublicationsquileprouventsurlesiteInternetdel’ACT(www.relationalframetheory.comenanglaisetwww.relationalframetheory.com/afsccenfrançais).

Delamêmefaçon,lathéoriecliniquedelapsychopathologieetduchangementfondée sur la TCR et sur laquelle s’appuie l’ACT est scientifique. Noschercheursontétudiéavecsoinl’impactdel’évitementd’expérienceetlafusioncognitive. Les autres aspects de la théorie (le développement des différents« moi », l’importance du contact avec le moment présent, les valeurs, laflexibilitépsychologique,lamindfulness…)ontétéétudiésdelamêmefaçonpardes scientifiques. Jusqu’ici, les expériences concourent toutes à démontrer lavalidité de la théorie et l’analyse médiationnelle – c’est-à-dire les analysesdestinéesàdéterminersilesrésultatscliniquesdel’ACTsontbienproduitsparles processus que la théorie présente comme déterminants pour la réussite estégalementencourageant(Hayesetal.,2006).Leprogrammederechercheenestencore à sesdébuts, et il nous faudradonc attendre tous les résultats avant detirer des conclusions définitives, mais ce qu’il en ressort actuellement tend àprouver que notre analyse des problèmes humains se fonde sur des donnéesscientifiques. On trouvera une liste des études menées à ce sujet sur le siteInternetcitéplushaut.

RésultatsCertaines études ont comparé l’ACT à d’autres méthodes plus connues. Lagrandemajoritéd’entreellesmontrentquel’ACTsemblefonctionneraussibien,sinonmieux,que lesméthodesclassiques.On trouvedesévaluationspositivesen ce qui concerne le stress, l’anxiété, les troubles obsessionnels, le sevragetabagique, la toxicomanie, les traumatismes infantiles, lesdouleurschroniques,lavolontéet lacapacitéd’apprendredenouvellesprocédures, letraitementdespsychoses, lagestiondudiabète,ducanceretde l’épilepsie,etc.Làencore, lesiteInternetdel’ACTvousfourniradesélémentsderéflexion.

C’est en partie parce que le succès de cette thérapie est aussi large que nousavonstraitéd’autantdeproblèmesdanscetouvrage:silathéoriequisous-tendl’ACT est juste, les processus que nous visons sont partagés par tous lesindividus parce qu’ils mettent en jeu des processus verbaux de base. Voilàpourquoi nous n’avons pas visé un syndrome précis : nous pensonsempiriquementquenossolutionssontvalablespourchaqueproblème.

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LathérapieACTCertains lecteurs voudront – nous n’en doutons pas – contacter un thérapeuteforméauxtechniquesdel’ACT.Àdirevrai,celivreseveutàlafoisunouvragededéveloppementpersonneletuneaideàlaformationdeprofessionnels.Aussi,bien que l’on puisse aujourd’hui trouver sur Internet une liste des thérapeutesformésàl’ACT,iln’existepasdevéritable«certification»ACT–pourluttercontre la centralisation et le risque de sclérose. Il vous est donc tout à faitpossibledeproposerlalecturedecelivreàunpraticiencomportementalisteavecqui vous pourrez vous entretenir du bien-fondé de nos méthodes et de leurpossiblemiseenpratiquedansune relation thérapeutiqueentrevouset lui, oubienvousorienterversuncollèguequiaccepteraitdelefaire.

Seformeràl’ACTÀ tout professionnel français qui, ayant lu ce livre, souhaiterait se former àl’ACT– ce que nous ne pouvons qu’encourager –, nous recommandons de seréférerauMagazinedel’ACT(www.lemagazineact.fr)etausite«Fairefaceàlasouffrance»(http://fairefacealasouffrance.com).

Ces sources peuvent bien entendu vous intéresser en tant que praticien ousimplement pour obtenir davantage d’informations, mais si vous êtes à larecherche d’une formation, vous trouverez une communauté ouverte, d’espritscientifique,fondéesurdesvaleurs,quichercheàallégerlasouffrancehumaineparledéveloppementd’unepsychologiescientifiqueaméliorée.

UtilisercelivrecommeuneaideàuneinterventionpsychologiqueprofessionnelleCommenous l’avons dit, vous pouvez présenter ce livre à un thérapeute aveclequelvoussouhaiteztravailler,ouaveclequelvoustravaillezdéjà.Sivousêtesthérapeute,ilpeutvousservirdebasedetravailavecunoudesclients.L’ordredeschapitresreprendceluid’unethérapieACT,maiscelle-cirestesoupleetpeutêtre réorganisée – vous pouvez alors utiliser ces chapitres dans un ordredifférent. Ainsi, les trois chapitres consacrés aux valeurs peuvent être lus enpremiersansgrandesdifficultés–ilsuffitdelaisserdecôtélestermesquel’onnecomprendpaspours’yrepencherplustard.

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Lesauteurs

Professeur de psychologie à l’université de Reno (Nevada, USA), Stephen C.Hayes est l’auteur de plus de 350 articles scientifiques et de 27 livres. Sesrecherchesvisentàexplorerlanaturedulangageetdelacognitionhumaine,etsonapplicationàlacompréhensionetlaréductiondelasouffrance.En1992,ilaété distingué comme l’undes psychologues les plusmarquants de la décennieparl’InstituteforScientificInformation.

Spencer Smith est écrivain et éditeur en Californie (USA). Il a coécrit avecDouglasJ.MasonTheMemoryDoctor.

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