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Changer sa manière d’être Prévenir le burn-out Réinventer son travail tRavAiLleR SanS S’épUisER Pierre-Éric Sutter

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Page 1: Travailler sans s'épuiser...donc aucunement le prétexte pour flirter avec le pathos d’un storytelling racoleur. Il n’est d’ailleurs pas mon intention de la raconter par le

Écrit par un psychologue, cet ouvrage montre qu’il est possible de s’épanouir au travail grâce à une manière d’être et un état d’esprit qui conduisent vers la sérénité.

En s’appuyant sur de nombreux cas cliniques, Pierre-Éric Sutter radiographie cette « maladie du sens » qui pousse le travailleur au trop-plein de boulot, invitant à une « réflexion-action » approfondie sur notre relation au travail.

Actifs dirigeants ou employés, demandeurs d’emploi, salariés ou indépendants, cet ouvrage s’adresse à tous  car de nos jours l’épuisement professionnel guette tous les travailleurs.

Il permettra à chacun de mieux comprendre les conditions d’apparition de cette maladie et de ne pas se laisser emporter par la spirale folle du « toujours plus », jusqu’au burn-out.

” Le burn-out m’a terrassé, mais je L’ai dépassé et j’en ai été transformé ! „

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Changer sa manière d’êtrePrévenir le burn-outRéinventer son travail

travaiLler sans S’épuiser

Psychologue du travail, psychothérapeute, directeur de l’Observatoire de la vie au travail et dirigeant de mars-lab, cabinet d’optimisation de la performance sociale et de prévention de la santé au travail, Pierre-Éric SUTTER intervient depuis près de 25 ans auprès des salariés et des organisations pour optimiser l’adéquation de l’homme et de son environnement professionnel. Il est l’auteur d’ouvrages et de publications relatifs à l’épanouissement au travail dont Réinventer le sens de son travail aux éditions Odile Jacob.

Pierre-Éric Sutter

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Écrit par un psychologue, cet ouvrage montre qu’il est possible de s’épanouir au travail grâce à une manière d’être et un état d’esprit qui conduisent vers la sérénité.

En s’appuyant sur de nombreux cas cliniques, Pierre-Éric Sutter radiographie cette « maladie du sens » qui pousse le travailleur au trop-plein de boulot, invitant à une « réflexion-action » approfondie sur notre relation au travail.

Actifs dirigeants ou employés, demandeurs d’emploi, salariés ou indépendants, cet ouvrage s’adresse à tous  car de nos jours l’épuisement professionnel guette tous les travailleurs.

Il permettra à chacun de mieux comprendre les conditions d’apparition de cette maladie et de ne pas se laisser emporter par la spirale folle du « toujours plus », jusqu’au burn-out.

” Le burn-out m’a terrassé, mais je L’ai dépassé et j’en ai été transformé ! „

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Changer sa manière d’êtrePrévenir le burn-outRéinventer son travail

travaiLler sans S’épuiser

Psychologue du travail, psychothérapeute, directeur de l’Observatoire de la vie au travail et dirigeant de mars-lab, cabinet d’optimisation de la performance sociale et de prévention de la santé au travail, Pierre-Éric SUTTER intervient depuis près de 25 ans auprès des salariés et des organisations pour optimiser l’adéquation de l’homme et de son environnement professionnel. Il est l’auteur d’ouvrages et de publications relatifs à l’épanouissement au travail dont Réinventer le sens de son travail aux éditions Odile Jacob.

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Groupe Eyrolles

61, bd Saint-Germain

75240 Paris Cedex 05

www.editions-eyrolles.com

En application de la loi du 11 mars 1957, il est interdit de reproduire intégralement ou partiellement le présent ouvrage, sur quelque support que ce soit, sans autorisation de l’éditeur ou du Centre français d’exploita tion du droit de copie, 20, rue des Grands-Augustins, 75006 Paris.

© Groupe Eyrolles, 2016 ISBN : 978-2-212-56515-7

Du même auteur :

Pierre-Eric Sutter, Réinventer son travail, Odile Jacob, 2013

Mise en pages et maquette : Florian Hue

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Travailler sans s'épuiser

Changer sa manière d’êTrePrévenir le burn-out

réinventer son travail

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sommaireavanT-proPos ..................................................................................................11

introduction .................................................................................................15« Accaparement » au XIIe siècle et « burn-out » au XXIe siècle : même combat ....................................................................................................... 15La modernité de Saint Bernard : un mix d’existentialisme, de pragmatisme et de prévention ................................................................... 18L’équation du travail en France : idéalisation + insatisfaction = frustration ....................................................... 20Les Français désespérément accrochés à leur travail ............................... 22Le travail comme possibilité de se transcender .......................................... 24

1 Burn-out : aTtention aux idées reçues ................27

Quand un trouble mental au travail tue 149 personnes ............................ 29Le terme « burn-out » employé à tort et à travers ...................................... 32Quand la « consumation intérieure » se propage vers l’extérieur ........... 34

Comment définir le burn-out ? ....................................................................................... 36Est-ce un processus conduisant à un état d’épuisement ? ..................... 37Est-ce un syndrome d’épuisement tridimensionnel ? ............................... 37Est-ce une crise de foi professionnelle ? ........................................................ 40C’est une crise de foi existentielle ! .................................................................. 44

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Burn-out : ce qu’il n’esT pas ............................................................................................ 47Ne pas confondre burn-out et surmenage .................................................. 48Ne pas confondre burn-out et stress ............................................................. 49Ne pas confondre burn-out et boulomanie .................................................. 50Ne pas confondre burn-out et dépression ................................................... 52Ne pas confondre burn-out et trouble de stress post-traumatique .... 53Différencier le burn-out des autres pathologies ......................................... 54

Burn-out : ce qu’il est ....................................................................................................... 56La complexité d’être à la fois un processus et un état ............................... 57Du mot burn-out aux maux du burn-out : les symptômes ...................... 61

Burn-out : ce qu’il fait ...................................................................................................... 63Les signes avant-coureurs à détecter ............................................................ 63La représentation que l’on a de soi influe sur le processus du burn-out............................................................................................................. 64L’image de soi : les dégâts d’un jugement de soi négatif .......................... 65Quand la dynamique négative de soi mène au burn-out ......................... 69

Burn-out : ce qui le cause ................................................................................................ 73Les exigences organisationnelles .................................................................... 74Les exigences interindividuelles ....................................................................... 75Les exigences intra-individuelles ..................................................................... 76Englober ces « exigences » qui se combinent entre elles ......................... 78

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Sommaire

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2 Pourquoi nous sommes tous menacés ................... 83

L’envahissement du technocapitalisme, au risque de la déshumanisation ...................................................................... 86

Les Contradictions du travail ........................................................................................ 90La souffrance est-elle désormais le sens du travail ? ................................. 92La perte du travail lui donne tout son sens .................................................... 94Quand l’organisation du travail est à l’origine de la perte de sens .......... 95

Les mirages de l’exCellence ............................................................................................... 96Des contraintes qui s’accumulent ................................................................... 97Les dangers de la performance ........................................................................ 99Le « coût de l’excellence ».................................................................................101Des salariés à bout de souffle ? ......................................................................106

Faut-il travaiLler Pour vivre ou vivre Pour Travailler ? ................................ 107Hypothèse 1 : le travail, une aliénation librement consentie ..................110Hypothèse 2 : le travail, une possession qui nous dépossède et une dépossession qui nous possède ......................................................113Hypothèse 3 : le travail, une mise sous contrainte, clé du sens de l’existence .................................................................................117

Le besoin d’acTion de l’être humain ............................................................................. 124Du sens que chacun trouve dans son travail ..............................................126Les désordres et déséquilibres de l’action ..................................................130Le travailleur contre son travail (car il l’insatisfait), tout contre (car il l’idéalise) ...............................................................................136

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Croyances, mythes et visions du monde capiTalisTe ........................................... 138Au commencement était l’homo œconomicus... ......................................140Quand l’excès de rationalité confine à l’irrationalité ..................................142

3 Conduire La transformation de soi ...................... 145

du travaiLleur « pensé » au travailleur « penseur » ..................................... 147Retrouver son authenticité ..............................................................................148Penser différemment son travail ....................................................................151Être soi au travail, c’est tout un travail sur soi ! ............................................153

viser l’auThenticité ........................................................................................................... 155Nos angoisses existentielles : quelles sont-elles ? ....................................157Faire face aux angoisses existentielles liées au travail .............................160

médiTer sur son existence : la phiLosophie pratique comme solution ..........163Le retour de la méditation en Occident .......................................................163Les effets bénéfiques des pratiques méditatives ....................................165De la méditation exotique à la méditation philosophique ......................167Penser sa vie et vivre sa pensée .....................................................................168Des exercices spirituels aux exercices existentiels ..................................170Exercices existentiels : quid est ? ....................................................................177Travail et soin de l’âme .......................................................................................179La nécessité de l’ascèse philosophique .......................................................180Opérer une conversion radicale : de soi à l’ouvrage à l’œuvre de soi ...183

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Sommaire

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Pratiquer des exercices existentieLs .........................................................................185Faire le bilan de soi ..............................................................................................187Les deux voies de la méditation .....................................................................188La préméditation .................................................................................................192

quand et Comment médiTer ? Formes et activités médiTatives ........................ 197Faire un examen de conscience .....................................................................198Profiter de la vie mondaine pour méditer au quotidien ...........................199Lire pour méditer .................................................................................................200Écrire : les hypomnemata et les kephalaia ...................................................201Méditer philosophiquement au quotidien, par soi et pour soi ...............203

4 réinventer son travail, C’esT possible ! ............ 205

Faire du numérique une opPortunité .........................................................................209L’épopée du numérique au service du « devenir soi » ..............................210Le progrès subtil (propre à chacun) asservi par le progrès utile (celui de la technologie) .....................................................................................214Rééquilibrer progrès subtil et progrès utile ..................................................219

s’auTodéterminer au Travail, jusqu’à devenir entrepreneur de soi ........... 223Le travailleur, responsable de sa réalisation professionnelle .................225Devenir entrepreneur de soi ............................................................................226Monter en performance ...................................................................................231Les ressorts de l’autodétermination au travail ...........................................233La performance au service du « devenir soi », pas l’inverse... ................236

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Le travaiLleur du futur ................................................................................................... 238Révolution : ce qui a déjà changé ....................................................................239L’artisanat entrepreneurial, alternative au salariat capitaliste ...............241Le coût marginal zéro : l’abondance au moindre coût, grâce au numérique............................................................................................243Les communaux collaboratifs, alternative au lien de subordination employé-employeur ..........................................................................................247Le travailleur, concepteur de son outil de production et promoteur de sa production ......................................................................249

une société post-salariale est-elLe possiBle ? .................................................... 253Comment le numérique chamboule la donne en matière d’emploi salarié ..............................................................................254Numérique et salariat : compatibles à long terme ? .................................257

ConcLusion ...................................................................................................263

BibliograPhie ............................................................................................... 267

index ............................................................................................................. 269

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avanT-proPosIl me faut avouer l’inavouable : je suis psychologue, pourtant j’ai fait un burn-out ! Il n’y a rien d’original à cela : l’« inven-teur1 » du burn-out lui-même, Herbert Freudenberger, était également psychologue, pourtant, lui aussi a fait un burn-out. Nombre de psys, exposés aux violences sociales et psy-chiatriques quotidiennes dans leur travail, font un burn-out : ainsi, 43,9 % des psychiatres hospitaliers seraient en situation d’épuisement professionnel2. Les cordonniers seraient-ils les plus mal chaussés ? Non, parce que certains apprennent par la pratique – et non dans les livres seuls – ce qui doit être évité à leurs patients, au risque d’en souffrir eux-mêmes.

Cette révélation d’une partie intime de ma vie personnelle n’est donc aucunement le prétexte pour flirter avec le pathos d’un storytelling racoleur. Il n’est d’ailleurs pas mon intention de la raconter par le menu détail, à l’instar d’une autopsie. Je lais-serai amplement la place à d’autres cas que le mien : ceux de personnes rencontrées durant ma vie professionnelle ou de

1. L’article “Staff burnout” de Herbert Freudenberger, psychologue américain, a été publié en  1974. Il est considéré comme la première tentative scientifique de description du syndrome.

2. Selon l’enquête SESMAT effectuée en 2011, publiée dans l’Information psychiatrique, 2011/2, volume 87, pp. 95-117.

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patients accompagnés dans mon cabinet de psychothérapeute. Si j’ai décidé de révéler, près de vingt ans après, cet événement de ma vie personnelle, c’est pour témoigner « de l’intérieur », en émaillant les lignes de cet ouvrage d’extraits de mon vécu : les épreuves, les combats, les doutes, les réflexions, les choix de vie.

Mais c’est aussi pour délivrer ce message d’espoir, voire d’es-pérance : le burn-out m’a terrassé, mais je l’ai dépassé et j’en ai été transformé ! Loin d’être un livre de recettes toutes faites, le présent ouvrage est l’une des preuves vivantes que le burn-out, loin d’être destructeur, peut être transformateur. Invitant à une « réflexion-action » approfondie, une méditation philosophique sur notre relation au travail, il est le témoignage qu’il est possible de lutter contre les pathos1 au travail –  les multiples manifestations de la souffrance, morales, mentales, psychiques ou physiques, à laquelle chaque travailleur est tôt ou tard confronté – par un ethos2 approprié – un mode d’être au travail, un état d’esprit qui conduit vers la sérénité, plutôt que vers l’épuisement.

Le burn-out n’est pas une malédiction inéluctable, il peut être un moteur puissant du changement, et même d’une

1. « Pathos » signifie en grec « souffrance ». Le pathos, tel qu’entendu et développé dans ce livre, dépasse la simple douleur physique. Il se caractérise par son surgissement invasif et involontaire dans les champs de conscience, comme l’indique Paul Ricœur in Philosophie de la volonté – Le volontaire et l’involontaire, tome I, Aubier, 1950.

2. Cette notion de (philosophie comme) « mode de vie » est développée par Pierre Hadot dans son ouvrage Qu’est-ce que la philosophie antique ?, Gallimard, coll. Folio Essais, 1995. Nous allons l’aborder en détail dans le chapitre 3.

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Avant-propos

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conversion radicale vis-à-vis du travail et de la souffrance qui lui est souvent associée. C’est la souffrance qui génère le tra-vail, pas l’inverse. Mais pas n’importe quel type de travail : celui que l’on effectue sur soi grâce à sa vie professionnelle, car soi au travail, c’est tout un travail sur soi1 !

Le phénomène du burn-out met en abyme l’étrange paradoxe qu’est le travail : à la fois aliénation ET libération, et non pas l’un OU l’autre. Le travail sur soi offre de déjouer tant les soi-disant pièges de l’aliénation professionnelle que les illu-sions de l’injonction du « bonheur au travail »2. Le travail est une mise sous contrainte qui suppose l’effort, certes, mais, fort heureusement, il ne mène pas systématiquement à la souf-france ; il est possible pour chacun de s’y épanouir, voire de se réaliser grâce à lui, sans sombrer dans le pathos, grâce à un ethos approprié, une manière d’exister sereine.

En ce sens, cet ouvrage s’adresse à tous les travailleurs, qu’ils soient demandeurs d’emploi, actifs dirigeants ou employés, salariés ou indépendants ; il n’est pas réservé qu’à ceux qui seraient en situation de travail excessif ou compulsif, voire au bord du burn-out : dans un monde où la machine capitaliste s’est emballée en demandant à chacun d’en faire toujours plus, le dégoût du travail et l’épuisement professionnel guettent

1. Comme j’ai tenté de le montrer dans Réinventer le sens de son travail, Odile Jacob, 2013.

2. Injonction qui s’apparente au « devoir de bonheur » dénoncé par Pascal Bruckner dans L’Euphorie perpétuelle, Grasset, 2002. Il est abusif de parler de bonheur au travail, dès lors qu’existe une asymétrie de pouvoir entre les parties (comme c’est le cas pour un employeur avec ses employés), sans risquer que l’une n’impose sa vision à l’autre ou ne l’instrumentalise.

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tous les travailleurs, qu’ils soient dirigeants, managers ou col-laborateurs. Mais, par-delà, le burn-out renvoie au dégoût de soi, celui d’avoir consenti à la servitude, volontairement ; d’en avoir fait toujours plus, au détriment de soi : de son temps personnel et familial, de sa santé, de ses rêves d’antan...

Il est urgent que l’on passe de l’ère du « travailleur-pensé », initiée par le taylorisme, à celle du « travailleur-penseur », que le numérique contribue à révéler ; il faut prendre le temps de s’interroger sur ce qui fait qu’au travail l’on peut se laisser pié-ger par la mécanique sournoise du burn-out, avant qu’il ne soit trop tard, quand bien même on aime son travail. C’est l’une des ambitions de cet ouvrage : aider chacun à (re)penser son rapport au travail – plutôt que de laisser cela à autrui – pour ne pas se laisser emporter par la spirale folle du «  toujours plus » du capitalisme consumériste et se prémunir concrète-ment contre l’épuisement qui peut en résulter.

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introduction

« accaParement » au xiie siècle et « burn-out » au xxie sièCle : même combatEn ces temps dits « modernes », où nous semblons décou-vrir les bienfaits de la prévention de la santé au travail, il est étonnant de constater qu’il y a près de neuf siècles déjà, Saint Bernard (le Bernard de Clairvaux de la seconde croisade) prodiguait des conseils à son ancien disciple Eugène III, élu pape quelques années auparavant, pour lui éviter le princi-pal piège lié aux « exigences1 » de sa fonction : l’« accapare-ment », causé par un « affairement permanent » (ce qui, en langage moderne, peut se traduire par « surcharge de travail chronique » ou « surengagement »). Le dessein de Bernard, consigné dans un traité dénommé De consideratione2 (De la considération), consiste à mettre en garde le pape (et le lecteur) sur ce risque d’« accaparement » que suscite toute « charge » prestigieuse, quand bien même elle a été acceptée de plein gré.

1. Nous verrons dans le chapitre 1 que cette notion d’exigence est fondamentale pour comprendre les causes du burn-out au travail.

2. Bernard de Clairvaux, De consideratione (1149-1152), trad. P. Dalloz, Saint Bernard – De la considération, Cerf, 1986.

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Il pointe ici la « double contrainte », si souvent présente dans les cas de burn-out, qui mène à la « servitude volontaire1 » : la personne est accaparée par son travail parce qu’elle est plei-nement engagée dans son travail qui la motive, d’autant plus lorsque, comme pour Eugène, cela résulte d’une promotion.

Il convient de pratiquer la considération de soi, explique-t-il dans ce traité. Qu’est-ce que la considération pour Bernard ? Il s’agit des bienfaits qu’apporte la philosophie pour faire face au trop-plein de travail. Il tire ce terme de Cicéron qui, dans son De officiis2, affirme que la philosophie est « un effort vers la sagesse ». Il réaffirme en ce sens la vision de Platon qui estimait que la philosophie est un intermédiaire entre l’ignorance et la sagesse (comme nous l’approfondirons dans le chapitre 3). La considération ne concerne pas un savoir en dehors de soi, mais désigne un acte de l’esprit, une règle à suivre, une tâche à accomplir. Ainsi, Bernard conseille à Eugène d’éviter d’être conduit par ses occupations. À ne gérer que des urgences « tu perds ton temps ! », dit-il au pape. Il met le doigt sur ce grand dilemme devenu si prégnant à notre époque : chercher en permanence à gagner du temps pour travailler plus. Bernard estime qu’il faut arrêter de perdre son temps à cela. Si nous nous laissons réduire à nos obligations, cela mène à l’« endur-cissement du cœur », nous devenons inhumains vis-à-vis de l’humain. En bref, nous perdons notre sens de l’empathie, notre compassion vis-à-vis de nous-même et d’autrui.

1. Étienne de la Boétie, Discours de la servitude volontaire, Flammarion, 1993.

2. Cicéron, Traité des devoirs, traduit par A. Lorquet, 1864. En ligne sur Remacle.org.

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Introduction

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Quel remède Bernard propose-t-il pour éviter d’avoir le cœur endurci jusqu’à « l’abrutissement de soi » ? Il faut absolument qu’Eugène (tout comme chaque lecteur) s’octroie un temps dédié à la « considération de soi ». Loin d’opposer théologie et philo-sophie, il propose une démarche, une méthode consistant à se ménager au travail. Véritable méthode de philosophie pratique qui n’a rien à envier aux recettes actuelles du développement personnel, la considération de soi suppose une connaissance préalable de soi et, par-delà, de la condition humaine. La consi-dération de soi démarre par une prise de conscience ; celle, pour Eugène, du piège de la fonction acceptée de plein gré et celle de l’opportunité de contrebalancer la vie active avec la vie contem-plative. La vie contemplative permet l’examen de soi régulier par la méditation1. Cette méditation, philosophique, offre de faire le vide en soi ; elle favorise une réflexion appropriée vis-à-vis de soi-même : éviter d’être injuste avec soi en se sacrifiant pour les autres ou pour Dieu (toujours pour Eugène), éviter, à l’inverse, de s’autocentrer, ce qui est présomptueux et dangereux, car cela enfle l’ego et conduit à l’abrutissement de soi.

Rien ne sert de se perdre dans des théories ineptes, il faut pra-tiquer des exercices concrets, c’est le sens même de la notion de vie active2 : pratiquer la prudence, reine des vertus selon

1. Rappelons que nous sommes au XIIe siècle, bien avant l’engouement des techniques de méditation orientales du XXIe siècle !

2. À ne pas confondre avec le sens que ce terme a pris aujourd’hui. La vie pratique, complément de la vie contemplative, suppose ici la mise en pratique au quotidien de la méditation conduite sur la vie de tous les jours, comme nous le verrons au chapitre 3.

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Aristote, qui aiguise l’intelligence ; pratiquer la sagesse qui accroît la capacité à discerner l’essentiel de l’accessoire. Ces exercices – que nous allons qualifier plus loin d’« existentiels » parce qu’ils permettent d’aborder avec plus de sérénité tant l’existence que les caractéristiques universelles de la condition humaine – ont un pouvoir purificateur car ils permettent de rectifier l’ego, d’ajuster l’esprit et le corps à la situation, et de tendre vers l’ataraxie1. Ainsi, le « pathos » des situations stres-santes est évité par un « ethos » approprié, un mode de vie adapté : la considération de soi.

La modernité de saint Bernard : un mix d’existenTialisme, de pragmatisme et de préventionCette philosophie pratique, remise au goût du jour par Bernard – proche des règles de vie monastiques –, a ceci de moderne qu’elle est connotée de tonalités existentialistes, pragmatiques et préventives. Ainsi, non seulement elle répond aux problématiques de la condition humaine, mais elle éclaire aussi les fondements de la pathologie du burn-out, ainsi que les théories et pratiques pour la résoudre avec plus d’efficacité. Précisons ces trois aspects :

◗ Existentialiste : l’existentialisme, courant philosophique et littéraire, postule que l’être humain contribue à

1. L’ataraxie, qui signifie « absence de troubles » et, par extension, « paix de l’âme, sérénité de l’esprit », a été visée par les écoles de pensée philosophique épicurienne et stoïcienne.

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l’essence de sa vie par ses propres actions, celles-ci n’étant pas prédéterminées par des doctrines théologiques, phi-losophiques ou morales. Chaque personne est un être unique, maître de ses actes, de son destin et des valeurs qu’il décide d’adopter. On l’a vu à travers la « considéra-tion de soi », Bernard s’inscrit dans ce principe.

◗ Pragmatique : le pragmatiste est proche du concret ; il se défie des idées abstraites de l’intellectualisme, il s’attache à savoir pratiquement quels effets une théorie produira dans l’expérience. Le pragmatisme n’est pas un ensemble de dogmes, mais une attitude philosophique. La vérité n’existe pas a priori, elle se révèle progressivement par l’expérience. La considération bernardienne est pragma-tique, parce qu’elle s’attache à décliner dans l’action une pensée qui ne vaut que par sa mise en pratique.

◗ Préventif : la prévention est une attitude consistant à prendre un ensemble de mesures afin d’éviter qu’une situation ne se dégrade, par exemple qu’un accident ou une maladie ne surviennent. Il s’agit de limiter le risque qu’un danger se manifeste, d’atténuer l’étendue ou la gra-vité de ses conséquences. La prévention vise également à augmenter la résilience des personnes ou des ressources menacées. Dans son traité, Bernard n’entrevoit que trop bien, pour les avoir connues, les conséquences d’un trop-plein de travail et du manque de temps pour soi. Pour éviter d’atteindre cet état fatal, il préconise des mesures adaptées. Grâce à la méthode de la considération de soi,

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véritable entraînement fait d’exercices pratiqués au quo-tidien, l’adepte renforce sa capacité de résistance et sa résilience.

Voyons maintenant en quoi le propos de Bernard renvoie avec acuité aux préoccupations actuelles des travailleurs français, plus particulièrement celles concernant le burn-out.

l’équation du travaiL en FranCe : idéalisation + insatisfaction = frustrationSi, à l’époque de Bernard, l’accaparement ne paraît toucher que l’élite religieuse et intellectuelle, le burn-out semble deve-nir, de nos jours, une « maladie de civilisation1 ». Bien que cette pathologie n’ait été identifiée que depuis quatre décen-nies à peine, et bien qu’aucune étude épidémiologique ne fasse encore en France actuellement autorité, les experts esti-ment à environ trois millions les actifs qui pourraient basculer, à court ou moyen terme, vers un état d’épuisement profes-sionnel (soit 12,6 % de travailleurs français, toutes catégo-ries confondues)2. Ce chiffre est, hélas, amené à croître car le burn-out menace de plus en plus de Français. Il progresse du fait que, depuis quelques décennies, le travail est devenu une valeur sociale centrale en France. Jadis cantonnée aux métiers

1. Comme le montre Pascal Chabot dans Global burn-out, PUF, 2013.

2. Si l’on en croit l’étude Technologia, cabinet en évaluation des risques professionnels, parue en mai 2014 et comme confirmé par Philippe Zawieja dans le « Que-sais-je ? » dédié au burn-out, PUF, 2015.

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« vocationnels1 », cette pathologie frappe, en effet, ceux pour qui le travail est le pilier central de leur identité. Alors que, jadis, le travail était plutôt perçu comme une malédiction ou une aliénation2, il est progressivement devenu facteur d’épa-nouissement3, du fait de l’évolution des valeurs et des attentes des Français.

La façon dont est vécu le travail ne doit jamais être analysée de façon binaire, mais toujours de façon subtile ; il ne faut pas confondre le « Tout » avec l’une de ses « Parties », par exemple en affirmant que le travail, c’est la souffrance, exclu-sivement, quand bien même le sien fait souffrir ; ce serait une contre-vérité amputant la teneur du vécu général au travail. Les Français vivent dans leur esprit, et parfois même dans leur chair, cet apparent paradoxe qui oppose le travail en théorie comme étant idéalisé et le travail en pratique comme étant insatisfaisant. En valeur absolue et en théorie, le travail donne du sens à leur vie mais, dans le même temps, en valeur relative et en pratique, leur travail leur paraît tellement plein de non-sens dans la façon dont il est orchestré par leur employeur qu’il en devient absurde. Ce qui saute aux yeux dans l’analyse de ce paradoxe du travail en France, c’est bien le manque de congruence entre le travail en théorie, fortement idéalisé, et

1. Les métiers vocationnels ont une forte dimension de sens du fait de valeurs sous-jacentes à l’activité comme les métiers de la santé dans lesquels la relation d’aide à autrui ou le fait de sauver des vies sont prégnants.

2. Pierre-Éric Sutter, Réinventer le sens de son travail, op. cit.

3. Dominique Méda, Patricia Vendramin, Réinventer le travail, PUF, coll. Le Lien social, 2013.

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son travail en pratique, fortement insatisfaisant. Ainsi, on peut énoncer l’équation du paradoxe du travail en France : idéa-lisation  +  insatisfaction  =  frustration. C’est cette frustration, stressante, qui, lorsqu’elle devient chronique et intense, peut déboucher vers le « mot burn-out » (la rumeur sociale1 qui nomme «  burn-out  » ce qui n’en est pas) pour les uns, ou vers les « maux burn-out » (la pathologie véritable) pour les autres, selon son intensité. Comment expliquer alors, s’il est frustrant et potentiellement destructeur, que le travail soit si central dans la vie des Français ?

Les Français désespérément acCrochés à leur travailL’être humain ne tend pas spontanément vers plus de souf-france, bien au contraire. Le travail représente un moyen de lutter contre les souffrances de l’existence humaine. Le tra-vail sur l’environnement naturel permet d’assouvir les besoins primaires (se nourrir, se vêtir) en atténuant ou supprimant les tensions qui peuvent en résulter (avoir faim, avoir froid). Comme n’importe quel organisme vivant, l’être humain tra-vaille d’abord pour assurer sa survie. En ce sens, plus qu’une source de souffrance, le travail est une mise sous contrainte qui optimise l’effort pour faire face aux spécificités de la condi-tion humaine, matérielles comme immatérielles.

1. Au sens où les sociologues l’entendent et pour faire référence à l’ouvrage princeps sur le sujet d’Edgar Morin La Rumeur d’Orléans, Seuil, coll. L’histoire immédiate, 1969 qui en décortique le phénomène.

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C’est pourquoi le travail est à la fois incontournable et insatis-faisant. Incontournable, parce qu’il est vital pour satisfaire nos besoins humains et central dans nos sociétés capitalistes qui l’ont divisé, standardisé, organisé. Insatisfaisant, parce que la manière dont il comble les besoins humains et la façon dont il est divisé, standardisé, organisé ne vont pas de soi par rapport à l’idée que chacun s’en fait. Son travail n’est pas le travail, et le travail n’est pas son travail. Bien qu’il les insatisfasse et qu’il puisse parfois nuire gravement à leur santé, les Français s’ac-crochent néanmoins à leur travail, de toutes leurs forces. Les statistiques de l’INSEE1 montrent qu’ils font partie des salariés les moins mobiles d’Europe. Il faut dire que le spectre du chô-mage les hante, la France étant l’un des pays européens dont le taux de demandeurs d’emploi est des plus élevés.

De fait, et c’est l’une des spécificités culturelles en France, les salariés français ont un rapport de plus en plus passionnel avec le travail : ils l’adorent et l’abhorrent dans le même temps. Ils l’adorent, parce qu’il leur offre d’assouvir leurs besoins d’être humain, de lutter contre certaines souffrances de l’existence et il les préserve du néant du chômage. Ils l’abhorrent, parce qu’il les confronte à l’anéantissement possible de leur individualité face à des exigences de plus en plus stressantes. Ils sont donc prêts à tous les sacrifices pour lui : nous sommes vraiment loin de la considération de soi prônée par Saint Bernard !

1. www.insee.fr

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Le travaiL comme possibiLité de se TransCenderTravailler, toutefois, ce n’est pas seulement avoir un emploi, exécuter des tâches, toucher un salaire et tenir son rôle de consommateur dans la société. Travailler, c’est aussi mani-fester son être singulier dans le réel, c’est pouvoir vivre une véritable expérience phénoménologique1 de « soi au monde » qui confine, pour certains, à une vocation quasi mystique, celle de la poursuite d’un idéal qui transcende la vie quoti-dienne en permettant de se dépasser et de dépasser les limites de la condition humaine. Le travail confronte, en effet, l’être humain à la dialectique de la matière et de l’esprit, du tangible et de l’intangible. Le travail, « matière de son agir » comme le disait Hegel2, offre de concrétiser les abstractions de l’esprit en agissant sur la matière. Dit autrement, le travail renvoie l’être humain à la conjonction de sa dimension sensible (qui lui fait éprouver concrètement satisfaction ou insatisfaction au travail) et de sa dimension intelligible (qui lui fait contempler l’idéal que représente le travail). On ne doit pas, là encore,

1. La phénoménologie est la science des phénomènes. Un phénomène est, au sens kan-tien du terme, la manifestation d’un objet du réel, par opposition au noumène, qui est l’être, l’essence dudit objet. Pour Husserl, chef de file de la phénoménologie, il n’y a pas d’autre possibilité d’accéder à l’être, à l’essence d’un objet qu’en passant par son appa-raître, qui surgit et fait sens dans la conscience du sujet. La conscience est ainsi liée à la notion d’intentionnalité car, pour Husserl «  toute conscience est conscience de quelque chose ». Il s’agit de décrire l’être de l’objet tel qu’il apparaît au sujet, car être et apparaître sont indissociables tout comme l’objet et le sujet, distincts, mais en relation par ce trait d’union de conscience qu’est l’intentionnalité.

2. Hegel, La Phénoménologie de l’esprit, Vrin, 2006.

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réduire le Tout-travailleur à l’une des Parties sensible ou intel-ligible ; il est un être qui ressent les choses – et donc qui peut en souffrir –, mais il peut tout autant les penser – donc les idéaliser positivement.

L’expérience phénoménologique qu’est le travail impacte l’existence de chacun, différemment. Il renvoie l’être humain aux conditions de son existence, et donc à un certain nombre d’angoisses existentielles, tantôt en les atténuant, tantôt en les accentuant, comme à son extrême dans les cas de burn-out.

Nous verrons, dans le premier chapitre, qu’effectivement le burn-out, maladie du sens par excellence, interpelle le travail-leur – mais aussi tous les experts, qu’ils soient théoriciens ou praticiens – sur le plan des questions existentielles, qui, bien qu’insuffisamment prises en compte, jouent un rôle impor-tant dans sa genèse et sa dynamique. Ce chapitre sera l’oc-casion de préciser ce qu’est le burn-out et ce qu’il n’est pas, en l’état actuel des connaissances. Ce sera l’opportunité de pousser la réflexion sur son concept et les paradigmes pour l’appréhender.

Le deuxième chapitre permettra d’approfondir l’analyse sur la nature du lien qu’entretient le travailleur avec le travail, en théorie, et son travail, en pratique, pour comprendre en quoi cela l’empêche de se réaliser et peut mener au pathos, au burn-out. Ce chapitre proposera des pistes de réflexion pour identifier, expliquer et éviter les impasses du pathos au travail.

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Le troisième chapitre, quant à lui, abordera concrètement la démarche à suivre (la méditation philosophique) et les exer-cices à pratiquer (les exercices existentiels) pour conduire le travail sur soi. Le travail sur soi permet de se départir du pathos au travail et de construire son ethos professionnel, traduisant la transformation de soi. En évitant de s’épuiser au travail, cette transformation doit permettre d’en finir avec le burn-out et tout pathos professionnel.

Enfin, le quatrième chapitre sera l’occasion d’explorer les axes d’application concrète de ce travail sur soi pour être soi au travail. Être authentiquement soi au travail, c’est la possibi-lité effective de se réinventer dans son travail actuel, voire d’inventer son travail, grâce aux formidables potentialités du numérique. Envisagées comme étant au service de l’être humain et non l’inverse, elles peuvent offrir au travailleur de passer de soi à l’ouvrage à l’œuvre de soi.

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