trafic aÉrien facteurs humains - lajauneetlarouge.com · dc8 b737-100/200 md11 a330/a340 b747 md90...

11
LA JAUNE ET LA ROUGE MAI 1998 59 Le défi des facteurs humains Depuis son avènement, l’aéronau- tique et l’astronautique ont sans cesse fait reculer des frontières en innovant de façon quasi ininterrompue dans les techniques, les conceptions et les réa- lisations. Ces progrès ont constam- ment fait avancer la sécurité au point que l’aviation est devenue un des moyens de transport, tant civil que militaire, les plus sûrs. Bien que l’on puisse actuellement parler de stagna- tion en matière de sécurité aérienne, nos travaux d’analyse confirment que les nouvelles technologies – et tout par- ticulièrement les automatismes – ont significativement contribué à distin- guer les appareils des dernières géné- rations – les A310/A300-600, B757/ B767, B737-300/400/500 et MD80/ 90/11 ainsi que les A320/A330/ A340 et B777 – par rapport aux avions des deux premières générations – les B707 et DC-8 qui furent suivis des B727, DC-9, B737-100/200, B747-100/200/ 300, DC10 et A300B2/B4. TRAFIC AÉRIEN PHOTO AEROSPATIALE * Les idées exprimées au cours de cet article ne représentent que les opinions de son auteur et n’engagent en aucun cas la responsabilité de Airbus Industrie. Jean-Jacques Speyer *, manager évaluation opérationnelle et communication Airbus Industrie Customer Services Les facteurs humains contribueront-ils à l’aéronautique ? Jean-Jacques SPEYER manager évaluation opérationnelle et communicationn Airbus Industrie Customer Services

Upload: others

Post on 22-Aug-2020

5 views

Category:

Documents


0 download

TRANSCRIPT

Page 1: TRAFIC AÉRIEN facteurs humains - lajauneetlarouge.com · DC8 B737-100/200 MD11 A330/A340 B747 MD90 B777 DC9 B737-300/400/500 DC10 B757/B767 A300B4 A310 /A300-600 Années d’opération

LA JAUNE ET LA ROUGE MAI 1998 59

Le défides facteurs humainsDepuis son avènement, l’aéronau-

tique et l’astronautique ont sans cessefait reculer des frontières en innovantde façon quasi ininterrompue dans lestechniques, les conceptions et les réa-lisations. Ces progrès ont constam-ment fait avancer la sécurité au pointque l’aviation est devenue un desmoyens de transport, tant civil quemilitaire, les plus sûrs. Bien que l’onpuisse actuellement parler de stagna-

tion en matière de sécurité aérienne, nostravaux d’analyse confirment que lesnouvelles technologies – et tout par-ticulièrement les automatismes – ontsignificativement contribué à distin-guer les appareils des dernières géné-rations – les A310/A300-600, B757/B767, B737-300/400/500 et MD80/90/11 ainsi que les A320/A330/ A340et B777 – par rapport aux avions desdeux premières générations – les B707et DC-8 qui furent suivis des B727,DC-9, B737-100/200, B747-100/200/300, DC10 et A300B2/B4.

T R A F I C A É R I E N

PHO

TO

AE

RO

SPA

TIA

LE

* Les idées exprimées au cours de cet article nereprésentent que les opinions de son auteuret n’engagent en aucun cas la responsabilitéde Airbus Industrie.

Jean-Jacques Speyer *,manager évaluation opérationnelle et communication

Airbus Industrie Customer Services

Les facteurs humainscontribueront-ils à l’aéronautique?

Jean-Jacques SPEYERmanager évaluation opérationnelle et communicationnAirbus Industrie Customer Services

JPH
Tampon
Page 2: TRAFIC AÉRIEN facteurs humains - lajauneetlarouge.com · DC8 B737-100/200 MD11 A330/A340 B747 MD90 B777 DC9 B737-300/400/500 DC10 B757/B767 A300B4 A310 /A300-600 Années d’opération

Comme illustré à la figure 1, chaquegénération présente sa propre “courbed’apprentissage” en fonction des annéesdepuis la mise en service et s’accom-pagne surtout d’une réduction signi-ficative de son taux d’accidents (parmillions de départs). Certes, il n’estpas dans notre propos de comparer desconstructeurs d’avions. La sécuritéserait-elle à vendre ?

Il n’en reste pas moins vrai queselon l’adage désormais classique plusdes deux tiers d’accidents feraientintervenir ce qu’il est communémentadmis d’appeler “les facteurs humains”.

Moins pudiquement cela signifieque – quelque part dans l’engrenage– c’est l’erreur humaine qui déterminede façon parfois irréversible, maisnéanmoins pas toujours si nette, lecours des événements. La conception,la construction, l’entretien des appa-reils font certes apparaître desdéfaillances mécaniques ou des défec-tuosités fonctionnelles, mais le fac-teur humain s’est cependant pro-gressivement imposé comme champd’investigation, d’explication et decorrection dans le domaine des opé-rations en vol. Ce “ facteur humain ”qui conditionne bien évidemmentaussi la conception, la constructionet l’entretien de ces machines avantmême qu’elles n’aient pris leur envol.L’erreur humaine est ainsi le prix payépour l’intelligence humaine où qu’ellese manifeste, sachons nous en sou-

venir avec humilité. Ainsi donc tom-berions-nous invariablement sur cesplus de deux tiers pour toute inter-vention humaine, le restant étant àattribuer à d’autres causes naturellesou fortuites !

Progressivement, une vision sys-témique de la sécurité s’est imposéeimpliquant tous les acteurs du pro-cessus, allant de la conception à l’exé-cution au sein d’une organisationd’hommes et de métiers. Alors queles plus grands doutes subsistaientquant aux fondements scientifiquesdesdits facteurs humains, les diverstabous et les diverses allergies ontcédé la place à une démarche plusrationnelle vis-à-vis de ce domainepotentiellement prometteur pourlequel pilotes et ingénieurs n’étaientinitialement pas les mieux préparés.Il est vrai que ce domaine ne se prê-tait guère à des transferts de connais-sances directs et souples. Roger Greendu Royal Aircraft Establishment anglaisne disait-il pas que les divers champsd’applications avaient la réputationd’utiliser un langage inutilement com-pliqué et ésotérique. La nébuleuse desfacteurs humains – comme on la sur-nomme – a cependant jeté son dévolusur le secteur prestigieux de l’aéro-nautique, se lançant pour ainsi direun défi à elle-même…

Depuis que les facteurs humains ontfait quelque peu incursion dans l’in-génierie des systèmes, les construc-

teurs d’avions en général ont fait l’ob-jet de vives critiques concernant lesinterfaces homme-machine. Bien quegénéralement documentées celles-ci ontsouvent été empruntées à d’autres finset notamment pour des actions delobbying émanant aussi bien d’asso-ciations professionnelles de navigantsque de concurrents ou vendeurs dematériel aéronautique. Et souventpour régler d’autres comptes !

Ainsi, les nouvelles interfaces desystèmes avioniques auraient-elles ten-dance à complexifier à outrance l’imageque l’aviateur peut se faire du vol etde son environnement ! Les progrèsen avionique embarquée, l’automati-sation et la complexité en résultantdégageraient l’équipage des fonctionsautrefois dévolues au contrôle humain,telles que par exemple, le contrôle dela trajectoire, le contrôle de la pousséedes moteurs, la navigation, le suivi dessystèmes et les tâches associées. Ainsiles pilotes seraient-ils relégués à desrôles de supervision dotés pour ce faired’interfaces opaques, ayant à surveillerdes systèmes multifonctionnels dontle fonctionnement ne se prêterait pasà l’intuition et dont les logiques defonctionnement seraient même difficilesà appréhender. De plus ceux-ci enseraient réduits à travailler avec desinformations inappropriées assumantdes responsabilités considérables etaprès un entraînement aussi réduitqu’inadapté !

Le réel défi auquel ont eu à faireface les constructeurs aéronautiquesest que la communauté des facteurshumains cherchait à s’ancrer dans ledomaine de la conception aéronau-tique, des opérations aériennes et del’entraînement. Ce développement estassez récent. Sans aucun doute lesgénérations précédentes se seraient-elles jadis trouvées accusées d’insuf-fisances notoires si la nouvelle disci-pline y avait fait incursion plus tôt.Comme par exemple au début del’aviation commerciale à réaction,comme par exemple en matière decalcul mental et de procédures de volaux instruments, tous deux d’ailleurslargement simplifiés avec les postesde pilotage contemporains.

Les facteurs humains jouent cepen-dant d’ores et déjà un rôle important

MAI 1998 LA JAUNE ET LA ROUGE60

Figure 1 – Taux d’accidents depuis la mise en serviceSource : Airbus Industrie

1re génération 2e génération 3e générationB707 B727 MD80 A319 /A320 / A321DC8 B737-100 /200 MD11 A330 /A340

B747 MD90 B777DC9 B737-300 /400 /500DC10 B757 /B767A300B4 A310 /A300-600

Années d’opération

1re génération

2e génération3e génération

Tous avions

Page 3: TRAFIC AÉRIEN facteurs humains - lajauneetlarouge.com · DC8 B737-100/200 MD11 A330/A340 B747 MD90 B777 DC9 B737-300/400/500 DC10 B757/B767 A300B4 A310 /A300-600 Années d’opération

dans l’offensive tous azimuts quelance la communauté aéronautiquecivile pour améliorer la sécuritéaérienne d’un ordre de grandeurquantifiable. Initiative politiquementindispensable pour accompagner laremarquable croissance du traficaérien qui sans doute ira de pair avecdes accidents potentiellement nui-sibles au développement ultérieur del’aviation commerciale. Ainsi les fac-teurs humains contribuent-ils defaçon de plus en plus significative àmobiliser les pilotes débutants, maiségalement les plus anciens, sur l’in-fluence du comportement sur la per-formance. L’application des conceptsde gestion des ressources sur la sécu-rité et l’efficacité de l’opérateur et deséquipes de travail associées au pro-cessus ont ainsi permis au domainede s’imposer. Les règlements améri-cains et européens insistent sur uneprise de conscience grandissante desautres facteurs humains se soldantpar une qualification supplémentaireà acquérir éventuellement en coursde carrière.

De la phase d’ouverturependant les années 80à la communicationpendant les années 90

Il semble que la phase d’ouver-ture aux facteurs humains soit à pré-sent à peu près achevée des deuxcôtés de l’Atlantique. Le mot lui-même fut importé des États-Unis. Ladémarche initiale s’apparentait plu-tôt aux concepts des sciences dumanagement et de l’administrationdes affaires. Ces domaines formali-sent maintes considérations affectantl’homme en situation de travail ensociété et en coopération. Mais l’hé-ritage européen en matière d’ergo-nomie et de psychologie cognitivedevrait également apporter une contri-bution significative et durable à laconceptualisation.

La phase d’ouverture au domainependant les années 80 a donné pro-gressivement le relais à une période decommunication au cours de la décen-nie qui suivit. De par leur culture du

commerce à grande échelle lesAméricains – ils l’avaient bien compris– s’étaient lancés très tôt dans les fac-teurs humains et le marketing desconcepts associés. Pendant la phased’ouverture nous étions paradoxale-ment assez présents mais de façonplutôt implicite. C’est cette périodequi vit l’éclosion quasi complète dela famille Airbus. Les toutes premièresétudes en matière de facteurs humainsà Airbus Industrie virent néanmoinsle jour avec la certification de l’A300FFdès le début des années 1980 :• analyses de tâches au moyen desprocédures,• évaluation subjective de la charge detravail en situation,• mesures physiologiques sur l’im-pact de scénarios de vol.

Elles se poursuivirent pour la cer-tification de l’équipage à deux del’A310 dès le début 1983 :• mesures de l’impact de la nouvelletechnologie sur la performance humaine (écrans cathodiques et ordinateurs degestion du vol),• modélisation de l’opérateur humain.

LA JAUNE ET LA ROUGE MAI 1998 61

© A

ER

OSP

AT

IALE

JPH
Tampon
Page 4: TRAFIC AÉRIEN facteurs humains - lajauneetlarouge.com · DC8 B737-100/200 MD11 A330/A340 B747 MD90 B777 DC9 B737-300/400/500 DC10 B757/B767 A300B4 A310 /A300-600 Années d’opération

Puis pour la certification de l’A320dès le début 1988 :• mesures de l’impact de la nouvelletechnologie sur la performance humaine(commandes de vol électriques etmanche latéral associé),• mesure de la charge de travail inté-grant variabilité cardiaque, performanceavion, observation de la situation,• évaluation du comportement humainet de la gestion des ressourcesau poste de pilotage.

Incluant aux travaux précités d’autresdéveloppements pour l’homologationde type de l’A330/A340 début 1992 :• mesure de l’attention, de la vigi-lance, évaluations du repos et de lafatigue au cours de missions long-courriers incluant B747-200/-400,B767, DC-10, A310/A320/A340.

Le canevas de base de cette approche“ caisse à outils ” est résumé par lafigure 2.

Opérationnellement, l’interfacehomme-machine peut se caractériserpar les trois attributs suivants :• à l’exécution de toute tâche est liéeune certaine exigence dépendant dela configuration matérielle du poste.L’enchaînement de ces tâches nousinvite à effectuer des analyses spéci-fiques,• le travail intégré de toutes les fonctionsde vol (le contrôle de la trajectoire, laveille de trafic, la navigation, les com-munications, la gestion des systèmes,le commandement du vol) va de pair avecun certain coût – l’effort qui dépendentre autres du scénario, de l’organi-sation du travail de l’équipage et de laconfiguration du poste. L’exploration deces effets nous conduit à effectuer desévaluations de la charge de travail, dela vigilance et de l’activité,• le résultat de cette activité atteintfinalement une certaine qualitédépendant des manœuvres prévues,de l’équipement utilisé et de l’opéra-teur, et peut être évalué directementau moyen de paramètres de perfor-mances et de déviations par rapportà des critères à établir.

La caractéristique commune detoutes ces nouvelles méthodes est defonctionner par analyses compara-tives. Des architectures de poste, desprocédures d’avions ou des équipe-ments ayant fait leurs preuves opéra-

tionnelles servent effectivement d’éta-lons de mesure face aux nouveauxéquipements ou aux nouveaux appa-reils à certifier. Cette pratique étaitdéjà classique en essais en vol, lespilotes ayant toujours jugé par rap-port à leurs pratiques antérieures.Mais ces travaux contribuèrent à déve-lopper des outils de mesures fiables,des méthodes quantifiant les juge-ments subjectifs et permettant d’ap-précier les facteurs humains chezAirbus Industrie.

Au fil des années ces efforts ontpermis de mener à bien les campagnessuccessives de certifications depuisl’A300FF jusqu’à l’A340 et ont certesété couronnés de diverses distinc-tions, prix et brevets internationaux.Mais cette activité fut cependant bientrop modeste pour faire face de pleinfouet à un lobbying d’envergure mon-diale émanant des États-Unis.

Comme trop souvent de ce côtéde l’Europe le savoir-faire ne cédaiten rien sa place au faire savoir. Plutôtpréoccupé par la technique notre envi-ronnement culturel était pour ainsidire persuadé que le produit allait sevendre de par lui-même. Et que lesarguments facteurs humains n’étaientpas en même temps de précieux etdiscrets instruments de communica-tion et de commercialisation. L’idéemême d’éventuellement sacrifier à desarguments esthétiques était à exclure.

La dénomination “facteurs humains”a été prise trop à la lettre par des ingé-nieurs qui n’ont pas su suffisammentconsidérer ce nouveau champ d’ap-plication comme un véhicule de sup-port, de communication et de diffu-sion de leur savoir-faire. Le travail dedésinformation ayant fait son œuvre,le déficit en matière de communica-tions atteignit son paroxysme avec laprincipale population d’usagers : lespilotes de ligne. Conscients de ce phé-nomène vers le début de la décennie90, Airbus Industrie a su inverser cettetendance. Sous l’impulsion dynamiquede Pierre Baud, vice-président encharge de l’entraînement et du supportopérationnel, les divers acteurs dufacteur humain (figure 3) furent iden-tifiés et firent l’objet de communica-tions dûment ciblées. Nous étionsdevenus trop défensifs et ne mettantpas assez l’accent sur nos points forts,un fossé s’était créé entre la réalité etla perception que ces publics avaientde nos produits.

La consigne était claire : être davan-tage présents aux symposiums inter-nationaux en matière de facteurshumains, de sécurité aérienne, degroupes de travail professionnels, d’as-sociations de navigants, d’institutionsinternationales, de milieux influentséconomiques, politiques, voire aca-démiques. S’impliquer dans des réseaux,nouer des alliances, tisser des

MAI 1998 LA JAUNE ET LA ROUGE62

Figure 2 – Canevas de baseSource : Airbus Industrie

Missionset conditions

Procédureset checklists

Analysesdynamiquesdes charges

Analysesdes critères deperformance

Analysesstatiquesde tâches

Ergonomiedu poste

de pilotage

Demandesassociées

aux tâches

Effortsde l’opérateur

Performancesopérationnelles

Page 5: TRAFIC AÉRIEN facteurs humains - lajauneetlarouge.com · DC8 B737-100/200 MD11 A330/A340 B747 MD90 B777 DC9 B737-300/400/500 DC10 B757/B767 A300B4 A310 /A300-600 Années d’opération

connexions, des connivences, voiredes influences. Mais ne pas basculerdans la compromission, ne pas réagirde façon défensive, rester fidèle auproduit et le représenter dignement.En un mot, rester nous-mêmes et nepas accepter le trafic de rumeurs ànotre sujet. Il est vrai que progressi-vement aussi Airbus Industrie passaitd’une position de “challenger” à cellede “leader” ex aequo sur la scène mon-diale des constructeurs aéronautiques.

Et cet effort commence à porterses fruits, la démarche de communi-cation s’est mise en place et l’imagede marque a considérablement évo-lué. En ce qui concerne les facteurshumains le discours s’est décliné endeux directions :• des communications de lobbying(brochures et présentations) ou lebien-fondé de l’ergonomie de nospostes font l’objet d’argumentairesclairs et pratiques,• des symposiums facteurs humainsorganisés par régions du monde à l’at-tention des pilotes de maîtrise descompagnies aériennes, des associa-tions professionnelles et syndicales,des autorités de certification et denavigabilité, des milieux scientifiqueset de la recherche, pour exposer nosthèmes, nos études et nos démarchesen matière :– d’interfaces homme-machine,– d’automatismes et d’automatisation,– de gestion des ressources et du com-portement,– d’étude de l’environnement et deseffets sur les pilotes,– de retour d’expérience et de rap-ports d’incidents en vol.

L’ergonomiedes postes de pilotagede la toute dernièregénérationAirbus Industrie s’est imposé à

l’échelle mondiale en introduisantdes technologies de pointe ayantnotamment trait au poste de pilo-tage. Les choix en matière d’ergono-mie furent toujours effectués enréponse à des besoins pratiques éma-nant des utilisateurs de base et jamaiscomme buts en soi.

1) Les commandes de vol élec-triques associées à des lois de contrôledotées de protections très avancéesdu domaine de vol augmentent sen-siblement la sécurité du vol tout enréalisant un maniement et des quali-tés de vol communs entre A319, A320,A321, A330 et A340.

2) L’utilisation rationnelle des auto-matismes permet au pilote de voleren toute sécurité, avec précision, effi-cacement et en respectant descontraintes temporelles en raison del’encombrement de l’espace aérien.Les systèmes automatisés complètentl’homme, ils magnifient en fait sescapacités.

L’homme est un décideur possé-dant une mémoire inouïe : l’expérience.Doté d’instinct et de facultés d’adap-tations extraordinaires, il lui aura falludompter ses capacités d’apprentissage,de compréhension, de volonté et d’ex-périence afin de se familiariser avecl’environnement du vol pour lequel iln’était pas initialement conçu. L’hommeest lent, imprévisible et se fatigue. Ilest plutôt médiocre pour la manipu-lation répétitive et précise, il est lent àeffectuer des calculs, procède de façonséquentielle car non aguerri aux tâchesparallèles. Indiscipliné, il perd sonattention et sa vigilance et s’ennuieface à la routine.

C’est pourquoi les automatismesfurent développés pour les aspectstactiques concernant :• la manipulation (comme par exemplele pilotage et l’atterrissage automa-

tique, la protection de la performanceau freinage, la protection de l’enve-loppe de fonctionnement du moteur,la protection de l’enveloppe du domainede vol),• le calcul rapide (par exemple le cal-culateur d’optimisation du profil de volet de la vitesse, le calculateur de ges-tion du carburant, le calculateur denavigation),• les tâches répétitives et fastidieuses(par exemple le démarrage moteur,le changement de destination, le piloteautomatique, la gestion de la pous-sée des réacteurs).

Les aspects stratégiques et la prisede décision restants tout entièrementdévolus à l’humain, les automatismesn’étant en rien des prothèses, ils com-plètent les facultés intrinsèques del’équipage qui accomplit ainsi mieuxsa mission.

3) Les interfaces dotent les pilotesdes meilleurs moyens adaptés à leursbesoins et à leurs méthodes de travail.

Ces interfaces concernent les infor-mations nécessaires, adéquates à lasituation et disponibles en fonctionde la phase de vol et de façon syn-thétique comme par exemple :• le système de gestion centralisée dessous-systèmes, des pannes et des pro-cédures associées, permettant de dis-tinguer pannes mères et pannes consé-cutives,• les écrans cathodiques pour le pilo-tage à court terme (horizon artificielélectronique) avec échelles de vitesseassociées en fonction de la phase du

LA JAUNE ET LA ROUGE MAI 1998 63

Figure 3 – Les acteurs du facteur humainSource : R. Amalberti, 23 mai 1995

Académies etinstituts aéronautiques

Spécialistes facteurshumains aux cursus

divers : pilotes,ingénieurs etsciences de la vie

Mise au point outraduction des théories

Mise au point outraduction des méthodesÉtudes de terrain

Microcosmeprofessionnel

Ingénieur et pilote sensibilisésaux facteurs humains

par la pratiquede leur métier

Constructeur

Sécurité des grands systèmesPhilosophie de couplage HM

Conception de détailFormation

Spécialistes FHMise au point

des théories etdes méthodes

Sociétécivile

Académieset instituts

Généralistes

Page 6: TRAFIC AÉRIEN facteurs humains - lajauneetlarouge.com · DC8 B737-100/200 MD11 A330/A340 B747 MD90 B777 DC9 B737-300/400/500 DC10 B757/B767 A300B4 A310 /A300-600 Années d’opération

vol et avec références de vol adaptéesau pilotage d’assiette en évolution prèsdu sol ou de trajectoire par la suite,– les écrans cathodiques pour la navi-gation à moyen terme (carte électro-nique) couplés au système de gestiondu vol ou en mode basique égalementavec symboles et codes de couleurassociés à la phase de vol.

Ces interfaces ont trait aux outilsadaptés à des actions instinctives per-mettant de sortir plus facilement desituations précaires et ne mettant pasen jeu la sécurité comme par exemple :• les manches latéraux associés auxcommandes de vol électriques, quigénèrent des qualités de vol dotées àla fois de stabilité et de manœuvra-bilité, impliquant des petits mouve-ments de pilotage pour lesquels lemanche est l’outil le plus adapté, lamain étant plus sensible à des petitsseuils de perception qu’à de grandsdéplacements,• les manettes à crans fixes permettantun contrôle électronique direct de lapoussée des réacteurs sans sélectionsindirectes et permettant ainsi de suivreles indications de base telles que lavitesse, la tendance vitesse et le para-mètre de conduite moteur sans s’ex-poser à des risques en cas de blocagesmécaniques ou emballements moteurdivers.

Voici en quelques arguments opé-rationnels – sans doute simples auxyeux des scientifiques – l’ensemblecondensé des considérations qui ontprésidé à l’évolution de nos systèmeset de nos postes de pilotage. Appuyantsouvent leurs arguments sur des fac-teurs humains, nos critiques se ren-dent souvent à l’évidence que la pra-tique du vol sur appareils de nouvellegénération les fait incliner en faveurde ces technologies.

En général, le pilote est assez conser-vateur face à l’innovation. Nous aurionspu aller plus loin ! Mais nous avonsdéveloppé des méthodes et des outilsencore liés à l’existant et rendant lafonction de pilotage plus instinctiveet plus naturelle. Étant donné la ten-dance marquée des pilotes au scep-ticisme, il leur est bien normal de nepas immédiatement avaliser ces nou-veautés ! Après tout n’oublions pasque les anciennes réalisations avaient

elles aussi mis quelque temps à êtreintuitivement acceptées. En tant quepopulation bien distincte, les pilotesont en fait une très forte capacité às’adapter car cela fait partie du métier :ils le font quotidiennement face à denouveaux environnements, face à desconditions de départ astreignantes, àde nouveaux publics, de nouveauxmembres d’équipage, etc. Bref, ils sontsans cesse sollicités et cela cultive unétat d’esprit très critique tant l’éveil àl’inusuel est indispensable pour faireface aux éléments.

C’est effectivement après une périodede contextes très vindicatifs et très cri-tiques à l’égard d’Airbus Industrie queles avions à commandes de vol élec-triques se sont progressivement faitapprécier de toutes parts. AirbusIndustrie en était arrivé à une situa-tion paradoxale : ses principaux détrac-teurs ne pratiquant pas ses postes depilotage, ses principaux adeptes volantsur ses machines, les premiers rejoi-gnant les convertis au fur et à mesure !

Le rôle stimulantde la DGACet la naissancedu groupe HFOGà Airbus IndustrieDès la fin 1993 la DGAC a lancé

un réseau facteurs humains destiné àstimuler la recherche appliquée. Cetterecherche a été organisée selon deuxaxes :• le développement d’une expertiseapplicable à la certification et à l’ex-ploitation,• l’animation d’un réseau coopératifentre équipes de recherche, compa-gnies et Airbus.

Airbus Industrie a donc animé ceréseau réunissant les contractants res-pectifs des trois pôles thématiquessuivants :• l’évaluation de la performance deséquipages par la mise en jeu de nou-velles méthodes d’évaluation quali-tative,• l’automatisation et la formation pourexaminer l’effet de la complexité etl’étude des erreurs humaines,• les communications bord et sol-bord comprenant :

– l’étude de la documentation ma-nuelle et électronique,– l’étude du partage de la représenta-tion de la situation entre membresd’équipage,– le développement de nouveaux sys-tèmes (GPS, GPWS, TCAS, FANS,datalink).

D’une part, il en advint une consi-dérable action de sensibilisation et dediscussion en interne. D’autre part,la définition d’une véritable politiquedu faire savoir et du savoir dire versl’externe a été rendue possible. C’est-à-dire aux principaux forums et sym-posiums mondiaux pour représenterAirbus Industrie de façon plus activeet plus efficace en présence des inter-locuteurs des autres constructeurs,actifs sur ce domaine.

En 1994 un groupe d’experts amé-ricains et européens effectue pour lecompte de la FAA un audit de fac-teurs humains sur les interfaces despostes de pilotage d’avions modernes.Les conclusions de cette étude sontprésentées à l’automne 1996 et lais-sent entrevoir de fortes évolutions àvenir dans les règlements de concep-tion et de certification des futuresgénérations d’avions et de systèmesd’interaction homme-machine.L’ambition est de donner à l’indus-trie un faisceau complet de contrainteset de méthodes en facteurs humainsà prendre en compte dans la concep-tion des outils. Les exigences iraientdes contraintes d’ergonomie physio-logique à celles portant sur la com-plexité des systèmes, de leurs logiquesd’utilisation, de leur compréhensionet de la reprise en manuel. L’analysede la charge de travail ne suffirait pluscomme variable essentielle. L’accentdevrait être mis sur la compréhen-sion dynamique, l’intuitivité, la vigi-lance, la confiance, la robustesse dessystèmes à la conduite par un équipageopérant sous conditions non-opti-males dues au stress ou à la fatigue.

En 1997 un groupe opérationnelsur les facteurs humains est constituéà Airbus Industrie. Sous la présidenced’un pilote d’essai et afin de coor-donner l’effort en matière de concep-tion, de certification, d’essais en vol,d’opérations, d’instruction, de main-tenance, de communication et de for-

MAI 1998 LA JAUNE ET LA ROUGE64

Page 7: TRAFIC AÉRIEN facteurs humains - lajauneetlarouge.com · DC8 B737-100/200 MD11 A330/A340 B747 MD90 B777 DC9 B737-300/400/500 DC10 B757/B767 A300B4 A310 /A300-600 Années d’opération

mation. Ce groupe se réunit périodi-quement pour prendre des décisionscollégiales concernant les thèmesd’études, les développements en cours,les communications, les politiques àtenir. Cette organisation matricielle aété choisie de préférence à la créationd’un groupe distinct afin de préserverla filiation des différents protagonistesà leurs domaines d’actions précités.Évitant de créer une structure indé-pendante, cette disposition permet degérer au mieux les ressources humaineset financières. Ainsi considérons-nousles facteurs humains comme une dis-cipline horizontale ayant un impactsur toutes nos Directions, et sur tousnos champs d’activités.

Du scepticisme initial vis-à-vis desfacteurs humains le groupe conservedes traces uniquement dans son nom :l’acronyme anglais HFOG (heavy fog)signifiant “ brouillard épais ” en fran-çais ! Mais cette ironie gauloise cacheà peine la formidable impulsion don-née au sujet et ce au plus haut niveaude la hiérarchie qui a ainsi voulu s’af-franchir une bonne fois pour toutesdes moindres doutes quant à sa déter-mination en la matière.

Un “Human Factors Policy Manual”a été élaboré, véritable charte engageantAirbus et ses partenaires dans la consi-dération systématique des facteurshumains dans les thèmes précités.

Une “Airbus Cockpit Philosophy”a été établie, véritable document de réfé-rence :• pour les concepteurs de postes, desystèmes et de modifications s’y rap-portant,• pour les règles opérationnelles debase découlant de ces concepts,• pour maintenir une cohérence defamille et assurer la communauté àtravers la famille,• pour optimiser les cours d’instruc-tion et les temps associés.

La philosophie de nos postes y estexplicitée concernant le cockpit “ toutà l’avant ”, les écrans visuels, les auto-matismes, les protections systèmes, lesalarmes, symboles et codes de couleur.L’apport des différents systèmes est spé-cifié notamment pour les commandesde vol électriques, le pilote automa-tique, les écrans visuels, les mancheslatéraux, les commandes de poussée.

Enfin, une “Human Factors Commu-nications Policy ” a été établie spéci-fiant le fond et la forme de nos com-munications, les thèmes à aborder, lespositions à adopter et les besoins des dif-férents publics auxquels nous sommescensés nous adresser.

Ces démarches sont venues à unmoment capital où le grand publiccommence à marquer un intérêt gran-dissant pour les questions de sécu-rité dans la mesure où le nombre desaccidents aériens est susceptible d’aug-menter au même rythme que le tra-fic qui s’accroît à un rythme d’environ6 % l’an.

Les facteurs humainscontribueront-ilsà la sécurité ?

Les critiques les plus rationnels dejadis stigmatisaient les facteurs humainscomme un nouveau “physicalisme” ten-tant de réduire les activités humainesà des mécanismes élémentaires. Dansce qui précède nous avons expliquéque ce sentiment initial a ouvert lavoie à une assez vive réaction de com-munication externe et à la mise enplace d’une politique de concertationinterne et de recherche associée. Lamission facteurs humains de la DGACa sur ce plan bien fonctionné et nouspensons avoir eu dans son ensemblele bon mélange de comportementsproactifs et réactifs.

Les modèles et concepts savantsde James Reason ont certes permisd’y voir plus clair en matière de :• processus organisationnels et fac-teurs de situation,• conditions de travail locales,• défenses, barrières et sauvegardes,• défaillances actives et défaillancespassives,• facteurs déclenchants.

En gros, il s’agit de décrire commentdes individus et des organisationspeuplées de navigants techniques, denavigants commerciaux, d’ingénieursde maintenance, de gestionnaires et decontrôleurs aériens travaillent ensemble,interagissent, utilisent leurs connais-sances, leurs habiletés, résolvent desdifficultés, commettent des erreurs,les corrigent ou ne les corrigent pas.

Seule une approche systémiqueoù le contexte global est pris en consi-dération permet ainsi l’approche laplus objective et complète possible,capable de s’inscrire dans une vraiedémarche de prévention et de sécu-rité. Reason nous éclaire sur le para-doxe récurrent : les acteurs de pre-mière ligne distants des décisions dontils assument les responsabilités, lesdécideurs distants des terrains où lesopérations directes se déroulent. Lafigure 4 illustre les risques à gérer afind’éviter la conjonction probable descirconstances opérationnelles et orga-nisationnelles.

René Amalberti nous éclaire quantà lui sur le paradoxe lié à l’erreurhumaine sur le terrain. Au sens large,si l’on prend la définition du cher-cheur, les opérateurs humains en com-mettent en moyenne de deux à cinqpar heure. Si l’on s’en tient aux stan-dards professionnels les mêmes acteursn’en commettent même pas une parvol, voire une par mois. La plupartsont en réalité aussitôt corrigées parl’acteur de première ligne ou par lesystème technique bien avant toutepropagation ou conséquence durablepour l’opération.

L’éradication complète des erreurset des petits mécanismes de récupé-ration serait cependant de nature àstériliser la dynamique de l’interac-tion homme-machine et par là lesnombreux liens avec le pilote qui àterme peuvent rendre fiables des inter-faces soi-disant fragiles. Amalberti lesqualifie d’erreurs sources et sedemande :• si leur compréhension ne pourraitpas éventuellement nous apprendre àaméliorer leurs mécanismes de base,• quels contextes situationnels ouorganisationnels seraient de nature àinhiber ces mécanismes de préven-tion et de correction.

Les facteurs les plus sensibles à lanon-récupération d’erreurs se situentà deux niveaux :• ceux qui seraient liés à la défaillancedes mécanismes de contrôle de la prisede risque et à la représentation desconnaissances,• ceux qui seraient liés à toutes lessituations d’inadéquations inter-humaines (conflit, relationnel, com-

LA JAUNE ET LA ROUGE MAI 1998 65

Page 8: TRAFIC AÉRIEN facteurs humains - lajauneetlarouge.com · DC8 B737-100/200 MD11 A330/A340 B747 MD90 B777 DC9 B737-300/400/500 DC10 B757/B767 A300B4 A310 /A300-600 Années d’opération

munication, état général, composi-tion de l’équipage) où les mécanismesde protection se trouveraient com-promis.

Airbus Industrie – sous l’impul-sion dynamique de Pierre Baud – s’estrésolument attaqué à ces domainesen menant une politique d’instruc-tion résolument adaptée au client :• introduisant des cours plus simpli-fiés et plus adaptés insistant avanttout sur l’expertise opérationnelle etnon sur l’expertise d’ingénierie,• prenant en compte la culture et l’ex-périence des stagiaires ainsi que leurprogression et la possibilité de remé-dier à temps à des insuffisances,• valorisant le jugement et le bon sensainsi que la capacité à passer d’unmode d’automatisme à un autre plu-tôt que celle visant à les utiliser tous,• intégrant la gestion des ressourcesdes équipages (personnel naviganttechnique, commercial et personnelde maintenance) dans les cours debase et dans la mesure du possibleadaptée à la culture du client,• intégrant les notions de facteurshumains dans la pédagogie et lesméthodes d’instruction des différentsmodules de transition de types.

Le transfert de connaissances, l’évo-lution de l’expertise, la familiarisationavec un nouvel avion sont toujourssujets à des mécanismes de mise enconfiance, de rétraction et de routinequi exposent tout constructeur, toutecompagnie à des phénomènes de non-

récupération d’erreurs certes factuels,mais insuffisamment clairs pour per-mettre d’en faire une prévision plus oumoins fiable.

L’état de l’art et de la science desfacteurs humains est-il dès lors suf-fisamment avancé pour pouvoir gui-der des conceptions futures sans risquede les contraindre, voire de les empê-cher de progresser ? Autrement dit,les facteurs humains sont-ils à ce stadesuffisamment prêts à pouvoir prédirel’erreur humaine non récupérée lorsde l’évaluation opérationnelle pourla certification d’une conception oud’une technologie avancée ?

Alors que les règlements interna-tionaux de la FAA et de la JAA vou-draient tenter de faire évoluer conjoin-tement la prise en compte des facteurshumains, de l’avis même des meilleursexperts la réponse à cette question nepeut être unilatérale :• les mesures de fiabilité humainesrestent vaines quant à la prédictiond’erreurs ; les analyses fonctionnellesde tâches en situation de contexteopérationnel peuvent indiquer despotentialités plus ou moins marquéeset pareille approche fut déjà adoptéedans le passé notamment par AirbusIndustrie; enfin le retour d’expériencejoue un rôle capital permettant éga-lement de mettre au point toutes sortesde codes de recommandations pra-tiques ayant trait à des phases de volimpliquant la sécurité : guides deconsignes générales pour faire face

aux cisaillements du vent, pour pré-venir l’impact du terrain en vol sta-bilisé, pour l’approche et pour l’at-terrissage, pour le décollage, pourparer à la fatigue, organiser les reposet gérer la vigilance, etc.,• la conception des postes de pilo-tage va déjà très loin dans le sens d’unrenforcement de la sécurité aérienne ;il n’en serait pas de même en ce quiconcerne la maintenance et le contrôledu trafic aérien ; les analyses organi-sationnelles pourraient sans douteindiquer des conditions propices –les risques – au déclenchement d’er-reurs dans les divers processus d’or-ganisation des opérations, de la main-tenance et de l’instruction,• les évaluations opérationnelles directesimpliquant des études de la perfor-mance humaine ou de mesures phy-siologiques pourraient aider à antici-per certains effets liés aux nouvellestechnologies comme cela a déjà étéeffectué par le passé chez AirbusIndustrie pour les évaluations de lacharge de travail de l’équipage à deux.

Alors que la FAA et la JAA ten-tent d’harmoniser leurs règlementsde certification, les deux principauxconstructeurs Airbus Industrie etBoeing présentent des positions com-munes en ce sens qu’ils veulent sefocaliser sur un certain nombre d’as-pects où de réelles retombées sontattendues en matière de sécuritéaérienne. Ainsi, plutôt que de revoirde fond en comble les règlements FARou la JAR, préférons-nous identifierles normes existantes en la matière etaméliorer les pièces jointes relatives auxinterprétations.

Déjà l’annexe 6 de l’OACI, le codede l’aviation civile de la DGAC et lesrèglements opérationnels de la FAAet de la JAA imposent-ils depuis peuaux novices comme aux anciens depasser respectivement un certificatd’initiation ou de complément auxdisciplines du domaine.Toutes hési-tations quant à la nécessité et à l’effi-cacité de ces exigences peuvent êtreéliminées si les pédagogues saventcomment faire accepter les notionsde performances et de limitationshumaines par les acteurs directs. Cesnotions de base concernent impéra-tivement les domaines suivants :

MAI 1998 LA JAUNE ET LA ROUGE66

Figure 4 – Scénario d’accidentSource : James Reason

Impact

Panne

Instruction ambiguë(non remise en cause)

Pressions opérationnellesCharge de travail

Copilote inexpérimenté

Jugement erroné parcommandant expérimenté

Réassemblage erroné

DÉFAILLANCES

Contrôleaérien

Travail d’équipeSens de l’air

Maintenance fiable

Management approprié

DÉFENSES

Page 9: TRAFIC AÉRIEN facteurs humains - lajauneetlarouge.com · DC8 B737-100/200 MD11 A330/A340 B747 MD90 B777 DC9 B737-300/400/500 DC10 B757/B767 A300B4 A310 /A300-600 Années d’opération

• la physiologie de base, l’influencedes conditions de vol et de l’état desanté,• le traitement de l’information, le fonc-tionnement cognitif et le comporte-ment (mémoire, motivation, attention,charge mentale, prise de décision…),• le stress, la vigilance, la charge detravail, la performance, la fatigue, lesommeil,• les sciences sociales, la culture et lagestion des ressources humaines,• la conception des avions, de leurspostes de pilotage, de la documenta-tion, des procédures et des curriculumd’instruction de base et avancée.

Les cours briefings de la sociétéDédale offrent des approches péda-gogiques concrètes, à adapter cultu-rellement et à diffuser industrielle-ment à travers le monde. Une meilleurecompréhension, une meilleure accep-tation par une plus grande popula-tion d’usagers ne pourront dès lorsque contribuer à rendre les acteursde base mieux conscients de leurslimites et expériences.

Le retourd’expérienceL’analyse des besoins du pilote

s’appuie sur son principal acquis :l’expérience. S’accumulant tout aulong des carrières, l’expérience consti-tue l’essence même du métier. Unepartie de l’expérience se partage entreprofessionnels, une partie est mêmeindispensable au partage avec d’autresorganisations proches de la sécuritéd’après des protocoles à établir defaçon sage et rigoureuse.

Ce besoin d’information concerne dessituations remarquables influencées pardes faits techniques, par des conditionsenvironnementales, des facteurs opé-rationnels. Il peut ainsi s’agir de pro-blèmes, d’incidents, voire d’erreurs quiexposent l’avion à un certain risquequ’il vaudrait mieux identifier et maî-triser. La compétition ne peut faire par-tie d’une déontologie saine et durable.Le retour d’expérience organisé offreune perspective de progrès en sécuritéaérienne malgré les questions juridiquesconcernant la responsabilité, la confi-dentialité, la rétention de l’information,les bases de données.

Ces aspects sont encore plus cri-tiques aux États-Unis où les consé-quences financières associées sontsouvent plutôt spectaculaires. Uneétude du NTSB américain portant sur37 accidents majeurs de 1978 à 1990révéla quelque 302 erreurs spécifiques,le plus souvent liées aux procédures,à la prise de décisions et à la difficultéde détecter et de faire remarquer l’er-reur d’un autre membre d’équipage.Cette étude se voulait incitative vis-à-vis de la FAA afin de revoir ses pro-grammes d’opérations (procédures etcheck-lists) et d’instructions en vol(performances humaines et gestiondes ressources) produits par excel-lence du retour d’expérience.

Comme indiqué par l’Académienationale de l’Air et de l’Espace le retourd’expérience repose essentiellementautour de quatre axes principaux :• le rapport d’incidents volontaire etle rapport d’incidents obligatoire,• l’introduction et le codage des évé-nements dans les bases de données,• l’analyse et la compréhension desévénements significatifs,• la communication de l’informationaux communautés d’utilisateurs.

Jean Paries de Dédale soutient quel’absence absolue d’erreurs, de pannesou d’éléments pathogènes ne garan-tit en rien la sécurité d’un environ-nement aéronautique. Celle-ci résulteplutôt d’actions immunitaires faisantsuite à des interventions de détectionet à des mesures de protection. Maispour réaliser cela il faut impérative-ment mettre en place des systèmesde rapports pour lesquels la notionde blâme est à revoir complètementet qui incluent plusieurs niveaux deconfidentialité. Sinon les sources res-tent taries à jamais et les informationspertinentes enfouies dans le secret.L’analogie par rapport au systèmeimmunitaire est claire : les agressionscontribuent à la sécurité du systèmeentier au travers de l’efficacité descontre-mesures. La quantité et lavigueur de ces attaques permettentnéanmoins de se faire une opinionsur la probabilité de défaillances etde gestion de risques associés.

À vrai dire le retour d’expériencedevrait fonctionner au travers d’unestructure multicouches :

• les acteurs de première ligne (lespilotes, les contrôleurs aériens, leséquipes de maintenance en ligne etaux hangars),• les opérateurs (compagnies aériennes,aéroports, centres ATC) influençant lesmissions et conditions de travail desacteurs de première ligne,• les constructeurs fonctionnant enaval des compagnies aériennes pro-posant des services après-vente et desupport opérationnel,• les autorités de tutelle surveillant lanavigabilité et spécifiant règlementset directives de conception et d’utili-sation.

Ainsi le retour d’expérience doit-ilse structurer en plusieurs étages, chaqueniveau d’agrégation ayant à trans-mettre l’information à un niveau supé-rieur avec des besoins spécifiques decommunication entre niveaux dis-tincts. D’après les degrés d’urgencestemporelles plusieurs boucles sont àorganiser :• les boucles courtes pour faire faceà des crises imprévues, traitant essen-tiellement d’événements ou d’inci-dents qui requièrent des mesures dedéfense immédiates,• les boucles longues afin d’influersur les normes établies et les règle-ments, ayant principalement un impactsur les organisations et les structuresd’entreprises.

Dès 1995 Airbus Industrie s’estdoté d’un système de rapport confi-dentiel, le Confidential ReportingSystem (CRS) essentiellement axé surl’échange de données à la suite d’in-cidents critiques ayant un impactdirect sur la sécurité. Les incidents serapportent principalement aux casfaisant l’objet de rapports obligatoirespar les pilotes à l’intérieur des com-pagnies. Cette approche s’accompagned’un protocole contractuel de confi-dentialité entre Airbus et les compa-gnies clientes désirant adhérer.

En complément, dès 1997, AirbusIndustrie s’est orienté vers la collected’événements communs ayant trait àdes incidents plus anodins, à des infor-mations dénuées de tout caractèredramatique mais pertinentes pourl’amélioration du produit. Les évé-nements se rapportent surtout à desfaits faisant l’objet de rapports volon-

LA JAUNE ET LA ROUGE MAI 1998 67

Page 10: TRAFIC AÉRIEN facteurs humains - lajauneetlarouge.com · DC8 B737-100/200 MD11 A330/A340 B747 MD90 B777 DC9 B737-300/400/500 DC10 B757/B767 A300B4 A310 /A300-600 Années d’opération

taires de la part des pilotes. Cettedémarche illustre l’importance quenous attachons aux informations quise situent à la base de l’iceberg et dontl’accumulation progressive peut êtreun élément précurseur précieux à sur-veiller pour la régularité et la sécuritédes opérations. Cette initiative s’esteffectuée en coopération avec BritishAirways et a débouché sur la créationde l’Aircrew Information ReportingSystem (AIRS).

Au fil des ans British Airways s’estétabli comme véritable référence enmatière de sécurité aérienne au moyend’une gamme étendue de modulesinformatiques rassemblés dans le sys-tème BASIS (British Airways InformationServices). BASIS regroupe ainsi, parmide nombreux autres logiciels, la sai-sie d’incidents purement techniques,opérationnels, ou liés à la mainte-nance, l’analyse systématique des para-mètres de vol, la simulation par visua-lisation de ces paramètres.

C’est ainsi qu’Airbus Industrie aspécifié l’inclusion des facteurs humainsdans un logiciel de rapport d’infor-mation et d’incidents. Ce logiciel estconforme aux spécifications infor-matiques des modules BASIS. À l’heureactuelle Airbus distribue gratuitementl’AIRS aux clients désirant adhérer auréseau. Cette approche s’accompagned’un cours de facteurs humains des-tiné aux coordinateurs qui recueillentles questionnaires confidentiels dûmentremplis par les pilotes ayant volon-tairement rapporté. Il va sans dire quel’AIRS va de pair avec un protocolecontractuel de confidentialité. Les

coordinateurs qui décryptent les ques-tionnaires les transcrivent avec le logi-ciel AIRS et ce au moyen d’un lan-gage “ facteurs humains”. Celui-ci estbasé sur une taxinomie de mots clefsconstituant un vocabulaire capablede décrire les influences positives etnégatives ayant accompagné l’événe-ment relaté. La distinction entredéfaillances actives (erreurs et viola-tions) et passives (organisationnelleset pathogènes) est ici fondamentale.Le modèle de la figure 5 illustre lastructure de base de cette approche.

La fondation de l’ensemble reposesur la confidentialité sans laquelleaucune information ne circulera, sanslaquelle aucun véritable retour d’ex-périence ne peut commencer. Unedistinction fondamentale est à faireentre :• les rapports de sécurité aérienne : – publics et obligatoires,– traitant le “ quoi ”,– analysant les incidents ;• les rapports facteurs humains :– confidentiels et volontaires,– s’enquérant du “ pourquoi ”,– analysant des situations et leurscauses et effets.

Airbus Industrie dote actuellementses compagnies clientes de cet outilles unes après les autres. Les infor-mations collectées vont permettred’influencer la conception (besoinset spécifications), les opérations (pro-cédures et documentation) et l’ins-truction (programmes et scénarios) àcondition de promouvoir le retourd’expérience comme un véritable ser-vice client et de bien organiser l’échange

des informations enfouies dans cesdonnées entre le constructeur et lescompagnies.

Des bases de données inertes et inex-ploitées ne rajoutent en fait rien à lasécurité. Des informations pertinenteset représentatives peuvent cependanty contribuer. Les questions spécifiqueset directes sur des aspects opération-nels nous guident en permanence etnous indiquent les besoins de retourd’expérience. Sans cesse sommes-nousabreuvés de questions ayant trait à la com-préhension de la documentation opé-rationnelle ou relative à des procéduresd’opérations spécifiques.

Une nouvelle approche pragma-tique s’est ainsi révélée de façon nonlivresque : de mieux distinguer lesconnaissances déclaratives propresaux ingénieurs des connaissances pro-cédurales propres et indispensablesaux utilisateurs. Les manuels d’opé-rations sont désormais conçus avecune forte orientation vers la mission :l’information est structurée et rédi-gée en fonction de la compréhensiondes procédures normales ou suite àanomalies et de la compréhension dessystèmes. Les descriptions et les sché-mas compliqués et exhaustifs sontévités, les chapitres, sous-chapitres,paragraphes et phrases sont mieuxcalibrés, la terminologie standardiséeainsi que la phraséologie, la syntaxeet l’anglais simplifiés et disponiblespour les diverses cultures d’utilisa-teurs dans le monde.

À cet égard l’interface homme-papier est devenue nettement plusconviviale, l’accent ayant été mis surles blocs d’actions et l’ergonomie d’uti-lisation. L’arrivée de la documenta-tion électronique nous a aussi induitsà envisager résolument de stratifier ladocumentation de nos futurs avionsen trois niveaux distincts : un pre-mier niveau nécessaire aux opérationsen vol, un second niveau requis pourl’instruction et le recyclage, un troi-sième orienté vers l’approfondisse-ment des connaissances, la compré-hension ou le diagnostic. D’autrescritères existent également pour stra-tifier en trois niveaux et nous utili-sons précisément des méthodes fac-teurs humains pour les déterminer etles valider.

MAI 1998 LA JAUNE ET LA ROUGE68

Figure 5 – Modèle AIRSSource : Airbus Industrie

Influencesorganisationnelles

Influencespersonnelles

Influencesenvironnementales

Influencesinformationnelles

ACTIONSÉQUIPAGE

Page 11: TRAFIC AÉRIEN facteurs humains - lajauneetlarouge.com · DC8 B737-100/200 MD11 A330/A340 B747 MD90 B777 DC9 B737-300/400/500 DC10 B757/B767 A300B4 A310 /A300-600 Années d’opération

n ConclusionL’approche facteurs humains, long-

temps tenue comme peu applicableà des métiers techniques, est désormaisconsidérée comme une aide efficacepermettant de réduire la probabilitéde certains types d’accidents.L’introduction progressive de forma-tions permettant aux équipages demieux maîtriser les mécanismes d’er-reurs individuels et collectifs a beau-coup contribué à ouvrir les esprits.

Il y a bientôt vingt ans que JohnLauber – alors à la NASA, maintenantà Airbus – avait identifié les défauts decommunication et de leadership commeprincipaux facteurs causaux récur-rents d’accidents. Il y a bientôt dix ansqu’Airbus Industrie intégra un modulede gestion des ressources à ses coursde transition machine – l’AircrewIntegrated Management (AIM) – sousl’impulsion de Jean Pinet, patron àl’époque du centre d’instruction etardent défenseur du sujet traité danscet article. Depuis l’AIM a cédé laplace à l’ACRM – l’Airbus CrewResource Management – qui traite,de façon plus approfondie encore, lesmécanismes d’erreurs et de perfor-mance, la conscience de la situation,la performance en groupe, la com-munication, les procédures et pra-tiques, la prise de décision. Et quiintègre ces notions au sein des coursde transitions pour les pilotes, les per-sonnels commerciaux de bord et ceuxde la maintenance afin de mieux fairecoexister ces membres d’équipe.

Les facteurs humains constituentnéanmoins un domaine bien plusvaste que le CRM et connaissent depuiscinq ans un véritable changementd’échelle. Le contexte de l’aviationmoderne explique cette évolution :d’une part tous les opérateurs de pre-mière ligne doivent recevoir une for-mation pour apprendre à maîtriserleurs capacités physiologiques et intel-lectuelles. Mais d’autre part cette évo-lution est en passe de toucher égale-ment les formations des ingénieursaéronautiques en général et notam-ment ceux chargés de la conception,des opérations et de la maintenance.

Il reste cependant des sceptiqueset leurs remarques sont encore toujours

considérées comme les bienvenues.Ils concèdent qu’avec du recul, l’avia-teur familiarisé avec les facteurs humainsarrive généralement à pouvoir expli-quer le déroulement de scénarios d’in-cidents, d’accidents ou d’autres phé-nomènes importants. En revanche,dans le feu de l’action, les facteurshumains ne sont peut-être pas aussiefficaces car les instincts de base :– éloignent des connaissances cogni-tives acquises intellectuellement,– rapprochent des réactions automa-tiques acquises au prix d’années d’édu-cation, de formation, de pratique et derecyclages permanents.

Les modèles cognitifs et les ana-lyses des facteurs humains, disent-ils,ont trait à un tout autre référentiel detemps que la confrontation et la prisede décision instantanées, requises envol.

Acteur principal ayant méticuleu-sement examiné les questions cru-ciales relatives à l’introduction des“ glass cockpits ” pour sa compagnie,le Captain John Bent avance que l’avia-tion moderne doit son salut à une ges-tion effective des risques. Cathay Pacifica préparé l ’ introduction de sesA330/A340 en impliquant dix-huitmois à l’avance deux de ses instruc-teurs en chef sur A320 chez la com-pagnie sœur Dragonair. Ainsi CathayPacific mit très tôt tout en œuvre pourse prémunir contre les barrières clas-siques à cette gestion du risque :• recherche et préparation inadéquatesà la mise en ligne d’appareils de nou-velle technologie,• état d’esprit inapproprié à certainsniveaux de prise de décision de la hié-rarchie,• communications inadéquates ouinappropriées entre concepteurs etutilisateurs,• sélection et instruction inappro-priées des équipages techniques,• structures de coopération et de com-munication insuffisantes entre membresde l’organisation ou de l’équipe delancement,• incapacité à traiter rapidement desdéfectuosités techniques ou opéra-tionnelles.

Acteur principal ayant fidèlementœuvré au Service prévention et sécu-rité des vols d’Air France, le

Commandant Bertrand de Courvillesoutient ardemment que les erreurs,les dysfonctionnements et les ano-malies rapportés sont des moyens derégulation et d’adaptation pour lesindividus comme pour les opérationsaériennes d’une compagnie. Le premiereffort doit donc consister à créer lesconditions favorables à la meilleurevisibilité possible de ces événementsen créant, au-delà de moyens mis enplace, une méthode et une culture duretour d’expérience. Dans ce contexte,il faut savoir tirer le meilleur parti del’évolution vers les facteurs humains.Les thèmes abordés, les concepts déve-loppés et les modèles utilisés sontainsi et sans aucun doute un supportde réflexion utile pour orienter deschoix de conception de postes ou deprocédures, de doctrines opération-nelles et de prévention, de philoso-phies pédagogiques voire de formationdes différents intervenants du sys-tème aéronautique.

L’objectif des constructeurs est deconcevoir et de vendre des avions com-pétitifs qui répondent aux besoins dumarché. Pour cela nous savons bienqu’il faut rester à l’écoute car les hommes,les méthodes et les contraintes chan-gent et introduisent en permanencede nouvelles exigences d’adaptationet de sécurité. Les facteurs humainscontribueront à l’aviation si leursconcepts et leurs méthodes restent suf-fisamment concrets pour pouvoir aiderà élucider de réelles questions tech-niques et opérationnelles. Un jourd’ailleurs le vocable “facteurs humains”s’effacera-t-il peut-être pour formerun ensemble plus cohérent avec latechnique et son utilisation. Cédantainsi la place à des concepts de causesà effets, ils incarneront finalement uneapproche systémique intégrant tousles faits contributifs. Mais le cadre tropstrict et théorique de ces concepts aocculté trop souvent la réalité pratiquedu vol. C’est en cela que les praticiensdu pilotage sont souvent tombés d’ac-cord. Ce n’est pas l’homme que nousétudions mais l’aviation que nous vou-lons pratiquer et développer. n

LA JAUNE ET LA ROUGE MAI 1998 69