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N° d'ordre : 52-95 Année 1995
THÈSE
présentée devantL'UNIVERSITÉ CLAUDE BERNARD - LYON I
Pour l'obtention duDIPLÔME DE DOCTORAT
(Arrêté du 30.3.92)
Par
Sylvie VALENTIN
VARIABILITE ARTIFICIELLE DES CONDITIONS D'HABITAT ETCONSEQUENCES SUR LES PEUPLEMENTS AQUATIQUES :
EFFETS ECOLOGIQUESDES ECLUSEES HYDROELECTRIQUES EN RIVIERE.
Etudes de cas (Ance du Nord et Fontaulière) et approches expérimentales.
Soutenue le 14 février 1995
Jury : M. BOURNAUD
I. COWX
J. GIUDICELLI (rapporteur)
J.M. LEGAY
R. POCHAT (rapporteur)
C. SABATON
Y. SOUCHON
Travaux réalisés dans l'équipe du "Laboratoire Hydroécologie Quantitative"
Division Biologie des Écosystèmes Aquatiques - CEMAGREF
RÉSUMÉ
Les ouvrages fonctionnant par éclusées hydroélectriques provoquent des variations
artificielles du débit, et donc des paramètres physiques de l'habitat, dans les portions de cours
d'eau situées en aval. Cette thèse a pour but d'étudier les conséquences de ces variations sur
les peuplements aquatiques, à partir de l'étude de deux cours d'eau de petite taille (module
naturel inférieur à 5 m3.s-1) et d'approches expérimentales.
L'étude des effets des éclusées in situ repose sur des échantillonnages et mesures
réalisés sur l'Ance du Nord (Haute Loire) et sur la Fontaulière (Ardèche), présentant des
situations différentes et des régimes hydrauliques contrastés. Les peuplements de poissons,
d'invertébrés et d'algues (sur la Fontaulière) ont été étudiés dans les différents secteurs définis
par les aménagements et comparés à des secteurs de référence naturelle, choisis en amont. Les
variations de l'habitat physique expliquent en partie les effets observés sur les organismes
étudiés.
Les réactions comportementales de jeunes poissons (ombres communs et truites fario)
ont été étudiées en chenal artificiel où des variations de débit ont été réalisées pour simuler
des éclusées. Les résultats expérimentaux ont montré l'importance des zones de refuge dans
l'utilisation de l'espace par ces poissons en situation variable.
A la lumière des résultats obtenus, un classement des effets est proposé selon leur
degré d'impact sur les peuplements. De ce classement résulte une hiérarchisation des deux
principales caractéristiques du régime hydraulique artificiel.
Le débit minimum entre les éclusées (débit plancher) constitue le premier facteur
expliquant les effets les plus marqués obtenus in situ. Dans une situation où le débit plancher
était particulièrement faible, les résultats ont mis en évidence une déstructuration des
peuplements et un dysfonctionnement trophique.
La variabilité liée aux éclusées est le deuxième facteur explicatif des effets observés.
Dans les situations où le niveau de débit plancher était plus soutenu, les peuplements n'étaient
pas déstructurés, mais certaines espèces ou stades de poissons (lamproie de Planer, chabot,
ombre commun, jeunes stades de truite fario) sont apparus plus sensibles. Les peuplements
d'invertébrés étaient moins diversifiés et moins spécialisés que dans la situation naturelle.
Les effets d'un régime d'éclusées sont aggravés lorsque la morphologie de la rivière est
dégradée, entraînant notamment une diminution des refuges. Les conclusions sur les risques
encourus par les peuplements des cours d'eau soumis à un régime d'éclusées, aboutissent à des
recommandations pratiques pour la gestion des ouvrages hydroélectriques.
Remerciements
Yves Souchon est à l'origine de cette thèse et en a assuré l'encadrement. Je le remercie vivement de m'avoir
permis de me jeter à l'eau. J'ai pu apprendre à nager grâce à la confiance, à l'aide et au soutien qu'il m'a apportés à
chaque étape de mon travail de recherche.
Monsieur Legay a accepté d'être le directeur de recherche pour cette thèse. Je lui exprime toute ma
gratitude pour l'intérêt qu'il a porté à mon travail depuis de nombreuses années, ainsi que pour les réflexions
scientifiques et les conseils dont il m'a fait profiter tout au long de la rédaction de ce mémoire.
J'exprime toute ma reconnaissace à Messieurs Giudicelli et Pochat qui ont bien voulu être rapporteurs, et à
Monsieur Cowx qui a accepté de venir d'Angleterre pour juger cette thèse. Je remercie également Monsieur
Bournaud pour sa participation au jury et pour les critiques et conseils qu'il m'a apportés après avoir lu un manuscrit
encore très inachevé.
Catherine Sabaton m'a fait également l'honneur de juger ce travail. Elle a été pour moi une complice dans
notre intervention commune lors d'un colloque. Je lui adresse des remerciements amicaux.
Alors que je terminais ma scolarité à L'Ecole Nationale du Génie Rural, des Eaux et des Forêts, j'ai obtenu
un poste au Laboratoire d'Hydroécologie Quantitative du CEMAGREF de Lyon, où j'ai pu nager comme un poisson
dans l'eau grâce au soutien moral et à la bonne humeur de toute l'équipe. Je remercie chaleureusement tous ceux qui,
de bon cœur, ont accepté de mettre leurs nageoires dans l'eau avec moi et qui m'ont apporté leur aide efficace et
enjouée, tout particulièrement Pascal Roger, Michel Philippe, Hervé Capra, Jean-Gabriel Wasson, Vincent
Ginot, Laurence Maridet, Marc Pouilly et Anne Thévenet. Je remercie également Alain Eymar-Dauphin et
Jean-Pierre Chevalier, du Conseil Supérieur de la Pêche, qui ont bien voulu chausser leurs "waders" pour donner un
coup d'anode efficace lors des pêches électriques.
Pascal Breil a été un collaborateur précieux et enthousiaste, et m'a fait profiter de son savoir d'hydrologue
qu'il a su appliquer à des questions biologiques. Je tiens aussi à remercier Marie-Bé Albert et Eric Herouin pour
leur aide en hydraulique, ainsi que Pierre Lambert, José Ribot-Bruno et Thierry Fournier qui ont assuré la lourde
tâche que constituent l'installation et le suivi des stations limnimétriques. Un grand merci également à Colette
Cadiou et Marie-Pascale Baligand pour l'obtention d'articles bibliographiques, même introuvables, et à Michèle
Taillole pour m'avoir fourni stylos, papiers, crayons et sourires. François Vancayseele a assuré la détermination des
invertébrés benthiques et Bernard Faessel et Marie-Claude Roger m'ont fait bénéficier de leur connaissance quasi
illimitée de l'écologie de ces petites bêtes. Les chimistes du CEMAGREF, en particulier Hélène Sanejouand, ont
réalisé les analyses de l'eau.
Je n'aurais pas pu réaliser les expérimentations en chenal artificiel sans l'aide et les compétences de Philippe
Gaudin, Philippe Sempeski, Eddy Beall, Stéphane Glize et Jean-Claude Vignes.
Ces recherches ont été en partie financées par Electricité de France (DER, contrat n° 2K1867), par le
Ministère de l'Environnement (SRETIE n°90207, et SDMAP n°3193) et par le CNRS (programme PIR "habitat-
poisson").
Ce travail aurait été bien plus difficile sans Olivier qui m'a soutenue par sa patience et sa gentillesse
quotidiennes. Enfin, je remercie infiniment ma mère, à qui je dois tout.
i
SOMMAIRE
Chapitre 0 - Introduction.................................................................................................... 3
1. Problématique.................................................................................................................... 32. Gestion par éclusées, définition, intérêt............................................................................. 43. Conséquences .................................................................................................................... 44. Etat des connaissances sur l'effet des éclusées .................................................................. 55. Contexte de l'étude, une recherche finalisée pour l'action................................................ 6
La demande sociale.................................................................................................... 6Vers une aide à la gestion .......................................................................................... 6
6. Démarche scientifique ....................................................................................................... 7Choix des sites ........................................................................................................... 7Contenu de l'étude...................................................................................................... 9
Chapitre 1 - Matériels et méthodes ....................................................................................13
1. Les sites d'étude ................................................................................................................. 131.1. Critères pratiques de choix des sites ................................................................... 131.2. Choix des stations ............................................................................................... 151.3. L'Ance du Nord................................................................................................... 15
1.3.1. Situation géographique et régime hydrologique .................................. 151.3.2. L'aménagement et les stations d'étude ................................................. 16
1.4. La Fontaulière ..................................................................................................... 171.3.1. Situation géographique et régime hydrologique .................................. 171.3.2. L'aménagement et les stations d'étude ................................................. 19
2. Méthodologies employées sur chacun des deux sites........................................................ 212.1. Introduction......................................................................................................... 212.2. Hydrologie .......................................................................................................... 22
2.2.1. Enregistrements des débits sur les stations .......................................... 222.2.1. Description du régime précédant les échantillonnagesbiologiques..................................................................................................... 22
2.3. Paramètres physiques de l'habitat obtenus par la méthode desmicrohabitats.............................................................................................................. 23
2.3.1. Origine et objectifs............................................................................... 232.3.2. Principe ................................................................................................ 232.3.3. Estimation de la capacité d'accueil théorique ...................................... 272.3.4. A propos des courbes de préférence..................................................... 28
2.4. Echantillonnages biologiques ............................................................................. 282.4.1. Poissons ............................................................................................... 282.4.2. Invertébrés............................................................................................ 312.4.3. Epilithon (Fontaulière)......................................................................... 35
3. Expérimentations en chenal artificiel ................................................................................ 37
ii
PREMIERE PARTIEL'Ance du Nord
Chapitre 2 - Echantillonnages, caractéristiques des stations et description durégime hydraulique de l'Ance du Nord ............................................................................. 43
1. Echantillonnages réalisés sur les stations de l'Ance du Nord............................................ 431.1. Echantillonnage des peuplements de poissons ................................................... 431.2. Echantillonnage des peuplements d'invertébrés ................................................. 441.3. Mesures physiques pour la mise en œuvre de la méthode desmicrohabitats ............................................................................................................. 451.4. Mesures physico-chimiques ............................................................................... 451.5. Enregistrements des débits sur les stations 1, 3 et 4........................................... 45
2. Caractéristiques des stations.............................................................................................. 47
3. Description physique des éclusées de l'Ance du Nord ...................................................... 493.1. Les débits............................................................................................................ 49
3.1.1. Hydrogrammes..................................................................................... 493.1.2. Débits classés....................................................................................... 513.1.3. Gradients de débit ................................................................................ 513.1.4. Conclusion ........................................................................................... 53
3.2. Variations des variables physiques - exemples .................................................. 55
Chapitre 3 - Etude des peuplements de poissons de l'Ance............................................. 59
1. Description des peuplements de l'Ance du Nord............................................................... 591.1. Composition des peuplements............................................................................ 591.2. Discussion - conclusion...................................................................................... 64
2. Structure des populations de truite .................................................................................... 672.1. Résultats ............................................................................................................. 672.2. Discussion........................................................................................................... 702.3. Première tentative d'explication à partir de la variabilité des débits -influence du nombre de jours sans éclusées depuis l'émergence sur lescohortes O+. .............................................................................................................. 71
2.3.1. Résultat ................................................................................................ 732.3.2. Discussion-conclusion ......................................................................... 73
Chapitre 4 - Habitat pour la truite fario en fonction du débitet en fonction du temps ....................................................................................................... 77
1. Habitat pour la truite fario en fonction du débit ................................................................ 771.1. Introduction ........................................................................................................ 771.2. Evolution des surfaces habitables par la truite fario dans les stations àprofil transversal encaissé.......................................................................................... 791.3. Evolution des surfaces habitables par la truite fario dans les stations àprofil transversal large ............................................................................................... 811.4. Répartition spatiale des zones favorables - exemple de l'alevin......................... 821.5. Conclusion sur l'influence de la morphologie .................................................... 851.6. Recherche de conditions d'habitat limitant......................................................... 87
iii
2. Variations temporelles de l'habitat pour la truite fario ...................................................... 892.1. Plusieurs techniques pour quantifier globalement les variationstemporelles de l'habitat - Approche méthodologique ................................................ 89
2.1.1. Chroniques SPU(t) ............................................................................... 892.1.2. SPUclassées ......................................................................................... 912.1.3. Variations de SPU à court terme.......................................................... 93
2.2. Analyse des durées continues pendant lesquelles la SPU resteinférieure à un seuil.................................................................................................... 95
2.2.1. Une nouvelle méthode - construction de courbes de DuréesContinues d'Habitat Limintant (DCHL)......................................................... 952.2.2. Application en situation d'éclusées ...................................................... 972.2.3. Comparaison avec les durées continues en régime naturel .................. 97
3. Discussion.......................................................................................................................... 993.1. Evolution des SPU en fonction du débit............................................................. 993.2. Dimension temporelle - apports méthodologiques ............................................. 993.3. Dimension spatiale.............................................................................................. 1003.4. Validité des SPU à débit fort .............................................................................. 1003.5. Importance de l'aptitude individuelle des poissons............................................. 101
Chapitre 5 - Peuplements d'invertébrés benthiques de l'Ance........................................ 105
1. Diversité globale des peuplements .................................................................................... 105
2. Composition taxonomique................................................................................................. 1092.1. Taxons dominants............................................................................................... 1092.2. Analyse des effets spatiaux et temporels ............................................................ 1092.3. Résultats de l'AFC intradate (analyse qualitative de la compositionspécifique).................................................................................................................. 1112.4. Etude de la dispersion des groupes de mobilité ou mode de fixation................. 113
3. Conclusions ....................................................................................................................... 114
DEUXIEME PARTIELa Fontaulière
Chapitre 6 - Echantillonnages, description physique, peuplements depoissons et conditions d'habitat pour la truite sur la Fontaulière ..................................121
1. Echantillonnages réalisés sur les stations de la Fontaulière .............................................. 1211.1. Echantillonnage des peuplements de poissons ................................................... 1211.2. Echantillonnage des peuplements d'invertébrés et d'épilithon............................ 1231.3. Mesures physiques pour la mise en œuvre de la méthode desmicrohabitats.............................................................................................................. 1231.4. Mesures physico-chimiques................................................................................ 1251.5. Enregistrements des débits sur les stations 1 et 2 ............................................... 125
2. Caractéristiques des stations.............................................................................................. 125
iv
3. Description des débits sur la Fontaulière .......................................................................... 127
4. Etude des peuplements de poissons de la Fontaulière....................................................... 1294.1. Composition des peuplements............................................................................ 1294.2. Espèces particulièrement peu abondantes .......................................................... 1314.3. Impact de la crue de septembre 1992 ................................................................. 1314.4. Comparaison avec une étude antérieure ............................................................. 1334.5. Conclusion.......................................................................................................... 1334.6. Structure des populations de truite ..................................................................... 135
5. Habitat pour la truite fario en fonction du débit ................................................................ 137
Chapitre 7 - Peuplements d'invertébrés benthiques et fonctionnementtrophique de la Fontaulière. ............................................................................................... 141
1. Composition taxonomique et diversité des communautés benthiques de laFontaulière............................................................................................................................. 141
1.1. Récupération après la crue sur la Fontaulière..................................................... 1411.2. Diversité globale................................................................................................. 1431.3. Composition taxonomique ................................................................................. 143
1.3.1. Résultats d'ensemble de l'AFC ............................................................ 1451.3.2. Taxons dominants................................................................................ 1491.3.3. Taxons particuliers, caractéristiques d'une station............................... 1491.3.4. Conclusions ......................................................................................... 150
2. Tentative d'explication des différences observées entre les stations par descaractéristiques morphologiques des invertébrés - la taille, le mode d'accrochageet le mode d'alimentation....................................................................................................... 153
2.1. Biomasse individuelle des taxons....................................................................... 1532.1.1. Résultats............................................................................................... 1532.1.2. Discussion............................................................................................ 153
2.2. Mobilité - mode de fixation................................................................................ 1552.2.1. Résultats............................................................................................... 1552.2.2. Discussion............................................................................................ 155
2.3. Structure trophique des peuplements d'invertébrés ............................................ 156
3. Communautés épilithiques et fonctionnement trophique.................................................. 1613.1. Résultats ............................................................................................................. 161
3.1.1. Viabilité des communautés épilithiques .............................................. 1613.1.2. Biomasses algales ................................................................................ 1613.1.3. Lien avec le régime d'éclusées............................................................. 1633.1.4. Analyse qualitative des peuplements................................................... 164
3.2. Discussion........................................................................................................... 1653.2.1. Viabilité des communautés épilithiques .............................................. 1653.2.2. Effets du régime hydraulique sur l'épilithon........................................ 1653.2.3. Fonctionnement trophique ................................................................... 167
4. Discussion-conclusion sur la Fontaulière.......................................................................... 1674.1. Discussion sur la composition des communautés benthiques ............................ 1674.2. Conclusions ........................................................................................................ 169
v
TROISIEME PARTIEApproches expérimentales
Introduction ........................................................................................................................... 173
Chapitre 8 - Expérimentation sur l'ombre commun au stade alevin.............................. 177
1. Matériels et protocole ........................................................................................................ 1771.1. Le chenal............................................................................................................. 177
Description du chenal .................................................................................... 177Dispositif expérimental.................................................................................. 177
1.2. Déroulement de l'expérimentation ...................................................................... 178L'installation des poissons et la période d'acclimatation............................... 178Les éclusées.................................................................................................... 178
1.3. Obtention des résultats........................................................................................ 179Relevé de la position des poissons................................................................. 179Relevé des dévalants ...................................................................................... 179Observations complémentaires ...................................................................... 179Pêche finale.................................................................................................... 179Mesures et modélisation des vitesses de courant ........................................... 181
2. Résultats ............................................................................................................................ 1812.1. Distribution des vitesses et hauteurs................................................................... 1812.2. Réactions des poissons ....................................................................................... 183
Position des poissons ..................................................................................... 183Observations complémentaires ...................................................................... 183Nombre de dévalants...................................................................................... 184Mortalité......................................................................................................... 184
2.3. Résultats de la pêche et fiabilité des observations .............................................. 184Longueur moyenne des poissons pêchés selon les biefs ................................ 184Fiabilité des recensements par observation.................................................... 185
3. Conclusions ....................................................................................................................... 1853.1. Utilisation de l'espace ......................................................................................... 1853.2. Mouvements de dévalaison................................................................................. 186
Chapitre 9 - Expérimentation sur la truite fario au stade juvénile................................. 191
1. Matériels et protocole ........................................................................................................ 1911.1. Le chenal............................................................................................................. 191
Description du chenal .................................................................................... 191Dispositif expérimental.................................................................................. 193
1.2. Déroulement de l'expérimentation ...................................................................... 194L'installation des poissons et la période d'acclimatation............................... 194Les éclusées.................................................................................................... 194
1.3. Obtention des résultats........................................................................................ 195Relevé des dévalants ...................................................................................... 195Observations directes ..................................................................................... 195Pêche finale.................................................................................................... 195Mesures des vitesses de courant et hauteurs d'eau......................................... 196
vi
2. Résultats ............................................................................................................................ 1962.1. Distribution des vitesses et hauteurs................................................................... 1962.2. Réactions des poissons ....................................................................................... 197
Dévalants relevés à l'aval de chaque bief....................................................... 197Observations directes dans le bief n° 8.......................................................... 198
2.3. Résultats de la pêche finale ................................................................................ 199
3. Conclusions ....................................................................................................................... 2003.1. Effets des éclusées simulées ............................................................................... 2003.2. Influence des parpaings ...................................................................................... 200
Chapitre 10 - Expérimentation sur la truite fario au stade alevin.................................. 203
1. Matériels et protocole........................................................................................................ 2031.1. Le chenal............................................................................................................. 203
Description du chenal .................................................................................... 203Dispositif expérimental.................................................................................. 203
1.2. Déroulement de l'expérimentation...................................................................... 204L'installation des poissons ............................................................................. 204La période d'acclimatation ............................................................................. 204Assec accidentel............................................................................................. 205Les éclusées ................................................................................................... 205
1.3. Obtention des résultats ....................................................................................... 205Relevé des dévalants pendant la période d'éclusées ...................................... 205Observations directes..................................................................................... 205Pêche finale.................................................................................................... 206Mesures des vitesses de courant et hauteurs d'eau......................................... 206
2. Résultats ............................................................................................................................ 2062.1. Distribution des vitesses et hauteurs................................................................... 2062.2. Réactions des poissons ....................................................................................... 207
Mouvements de dévalaison............................................................................ 207Observations directes dans le bief n° 8.......................................................... 211
2.3. Résultats de la pêche finale et bilan sur la mortalité .......................................... 211
3. Conclusions ....................................................................................................................... 2133.1. Effets des éclusées simulées ............................................................................... 2133.2. A propos de l'origine des poissons ..................................................................... 2133.3. Effet des éclusées la nuit (chapitres 9 et 10) ...................................................... 215
4. En résumé.......................................................................................................................... 215
DISCUSSION GÉNÉRALE
Chapitre 11 - Discussion générale...................................................................................... 219
1. Résumé des principaux résultats, synthèse des effets des éclusées à partir decette étude.............................................................................................................................. 219
1.1. Les différents régimes hydrauliques ................................................................... 2191.2. Les différents effets ............................................................................................ 221
1.2.1. Premier effet - débit minimum faible, avec ou sans éclusées.............. 2211.2.2. Deuxième effet - variabilité liée aux éclusées ..................................... 222
vii
2. Qualité, fiabilité et portée des résultats obtenus ................................................................ 2242.1. Les deux sites étudiés ......................................................................................... 224
2.1.1. Des sites particuliers ............................................................................ 2242.1.2. Des sites complémentaires ................................................................... 2242.1.3. A propos des secteurs de référence ...................................................... 224
2.2. Les plans d'échantillonnage ................................................................................ 2252.3. Les principales méthodes employées in situ ....................................................... 226
2.3.1. Prélèvements biologiques .................................................................... 2262.3.2. Le stade fraie ........................................................................................ 2262.3.3. Enregistrements des débits................................................................... 2262.3.4. Apports et limites de la méthode des microhabitats ............................ 2272.3.5. La mesure des refuges.......................................................................... 228
2.4. Les approches expérimentales ............................................................................ 2302.5. Reflexions sur le protocole global et sur l'étude réalisée in situ ......................... 231
3. Confrontation avec les connaissances bibliographiques.................................................... 2353.1. Les études de cas................................................................................................. 2353.2. Compléments dans la littérature pour les aspects non étudiés............................ 236
3.2.1. Influence de la température.................................................................. 2363.2.2. Effets des variations de débit sur la dérive des invertébrés ................. 238
3.3. Les théories écologiques ..................................................................................... 2393.3.1. Qu'est-ce qu'une perturbation ? ............................................................ 2393.3.2. Un régime d'éclusées peut-il être considéré comme uneperturbation ? ................................................................................................. 2393.3.3. Mécanismes de réponse à une perturbation ......................................... 2403.3.4. Rôle des refuges dans la réponse des écosystèmes .............................. 2413.3.5. Influence de la fréquence des perturbations......................................... 242
4. Perspectives ....................................................................................................................... 2444.1. Approche extensive............................................................................................. 2444.2. Suivi complémentaire d'un site ........................................................................... 2454.3. Approches expérimentales.................................................................................. 246
5. Conclusion générale .......................................................................................................... 247
6. Conclusions pratiques pour une aide à la gestion.............................................................. 2506.1. Eléments de diagnostic ....................................................................................... 2506.2. Définition d'un débit plancher "soutenu"............................................................ 251
6.2.1. A partir d'un pourcentage du module................................................... 2516.2.2. A partir du rapport entre débit d'éclusées et débit plancher ................. 2536.2.3. A partir du maximum de SPU.............................................................. 2536.2.4. A partir des vitesses ............................................................................. 2536.2.5. Conclusion ........................................................................................... 254
6.3. Autres actions possibles sur le régime hydraulique ............................................ 2546.3.1. Action sur la fréquence des éclusées.................................................... 2546.3.2. Action sur le débit maximum d'éclusée ............................................... 2546.3.3. Action sur la rapidité de montée du débit ............................................ 255
6.4. Conclusion pour les gestionnaires - corollaire pratique à la conclusiongénérale...................................................................................................................... 255
Références bibliographiques............................................................................................... 259
Annexes................................................................................................................................. 275
viii
Liste des annexes
Annexe 1Caractéristique de mobilité ou mode de fixation retenupour chaque famille d'invertébrés benthiques de l'Ance ou de la Fontaulière ...................... 275
Annexe 2Densités des différents taxons d'invertébrés déterminés sur l'Ance du Nord........................ 279
Annexe 3Densités des différents taxons d'invertébrés déterminés sur la Fontaulière .......................... 283
naturel pluvio-nival
débit réservé constant
éclusées
(5, 8 ou 12 m 3.s -1 )
débit plancher soutenu
(0,8 m 3 .s -1 )
encaissé
amont aval
usine
barragebarrage
DERIVATION
petit affluent
INV
ER
TÉB
RÉ
SP
OIS
SO
NS
HA
BIT
AT
PH
YS
IQU
E
DÉ
BIT
S
STATION 1 STATION 2 STATION 3 STATION 4
du 7 janvier au 25 août1993du 7 janvier au 25
août1993
RÉGIME
HYDROLOGIQUE
PROFIL
TRANSVERSALencaissé encaissé large
mai 1990 mai 1990 mai 1990 juillet 1990
mai 1990 mai 1990 mai 1990 juillet 1990
septembre 1990 septembre 1990 septembre 1990 septembre 1990
juillet 1991 avril 1991 avril 1991 avril 1991
septembre 1992
septembre 1993 septembre 1993
C1
C2
C3
C4
C5
D1
D2
D3
code campagne
juin 1990 juin 1990 juin 1990
janvier 1991 janvier 1991 janvier 1991 janvier 1991
octobre 1991 octobre 1991 octobre 1991 octobre 1991
Nature et date des échantillonnages
Sites d'étude et échantillonnages - thèse S. Valentin
éclusées
(5, 8 ou 12 m 3.s -1 )
débit plancher soutenu
(1 m 3.s -1 )
STATION 1 STATION 2 STATION 3 STATION 4
Premier site : l'Ance du Nord
(0,12 m 3.s -1 )
Deuxième site : la Fontaulière
STATION 1 STATION 2 STATION 3amont aval
usine
usinebarrage DERIVATION
apports latéraux
EP
ILIT
HO
NIN
VE
RTÉ
BR
ÉS
PO
ISS
ON
SH
AB
ITA
T
PH
YS
IQU
ED
ÉB
ITS
STATION 1 STATION 2 STATION 3
du 1er janvier au 1er juillet 1994
C1
C2
C3C4
D1D2
D3
code campagne
Nature et date des échantillonnages
naturel méditerranéen
éclusées
(19 m 3 .s -1 )
débit plancher soutenu
(1,3 m 3 .s -1 )
éclusées
(12 à 19 m 3 .s -1 )
débit plancher faible
(0,12 m 3 .s -1 )
PUIS
RÉGIME
HYDROLOGIQUE
Destruction de la dérivation lors de la crue centennale du 22 septembre 1992
éclusées
(19 m 3 .s -1 )
débit plancher soutenu
(1,3 m 3.s -1 )
CRUE
août 1991 août 1991
mai 1992 mai 1992 mai 1992
avril 1993 avril 1993 avril 1993
septembre 1993 septembre 1993 septembre 1993
CR
UE
D4D5
août 1991
mars 1993
août 1991
CRUE
D1
D2
D5CRUE
février 1992 février 1992 février 1992
mai 1992 mai 1992 mai 1992
octobre 1992
décembre 1992
mars 1993 mars 1993 mars 1993
mars 1993 mars 1993 mars 1993
mai 1992 mai 1992 mai 1992
mars 1992 mars 1992 mars 1992
Sites d'étude et échantillonnages - thèse S. Valentin
microcentrale
CHAPITRE 0
INTRODUCTION
3
Chapitre 0 - Introduction
1. Problématique
L'étude des réponses des organismes vivants aux variations des facteurs
environnementaux constitue un axe fondamental de la recherche en écologie et permet de
mieux comprendre la répartition des peuplements et des individus dans l'espace et dans le
temps. Le milieu eau courante présente une dimension particulière donnée par le sens
d'écoulement de l'eau. Les organismes se répartissent dans le milieu en intégrant cette
dimension, le débit constituant le principal facteur organisant l'écosystème lotique. Les
fluctuations saisonnières naturelles du régime hydrologique jouent un rôle majeur dans la
structuration de l'écosystème et, par conséquent, les modifications artificielles du débit
peuvent avoir des effets non négligeables. Hynes (1970) évoquait déjà l'importance de la
variabilité hydrologique comme facteur structurant les peuplements lotiques.
L'influence de ce facteur s'exerce à l'échelle des processus géomorphologiques et à une
échelle plus locale sur les caractéristiques hydrodynamiques de l'habitat (Newbury, 1984).
Statzner et Higler (1986) attribuent aux caractéristiques hydrauliques un rôle prépondérant
dans la répartition spatiale des communautés benthiques ; les variations du débit
constitueraient le principal facteur abiotique expliquant la distribution et l'abondance des
communautés aquatiques (Statzner et al., 1988 ; Power et al., 1988 ; Poff et Ward, 1989).
En rivière, de nombreux aménagements ont été construits pour répondre à des
objectifs variés selon les différents usages de l'eau. Parmi ceux-ci, la production
d'électricité s'accompagne d'installations plus ou moins importantes dont l'exploitation
entraîne souvent une modification des régimes hydrologiques en aval. On assiste alors à
une artificialisation des débits avec, par exemple, l'instauration d'un débit constant et faible
dans les secteurs court-circuités par une dérivation. En aval des usines hydroélectriques, la
restitution de l'eau dérivée est parfois irrégulière donnant lieu à des fluctuations
d'amplitude, de durée et de fréquence variables selon les besoins en énergie. Les éclusées
hydroélectriques entraînent des variations rapides, fréquentes et importantes du débit et
donc des caractéristiques hydrodynamiques de l'écoulement (hauteurs d'eau, vitesses du
courant) dans les portions de cours d'eau situées en aval des ouvrages fonctionnant par
éclusées. L'écosystème aquatique est donc soumis à des modifications particulières de
l'écoulement, provoquant des modifications de l'habitat physique des organismes présents
(poissons, invertébrés, algues).
Chaptitre 0 - Introduction
4
2. Gestion par éclusées, définition, intérêt
Les usines hydroélectriques disposant d'un réservoir permettant de stocker
suffisamment d'eau peuvent fonctionner de manière intermittente pour répondre aux
demandes d'énergie à certains moments de la journée. Ce mode de gestion entraîne donc des
lâchers d'eau appelés éclusées hydroélectriques, d'une durée et d'une amplitude variables
selon la demande d'énergie et selon les stocks d'eau disponibles. Elles ont lieu généralement
pendant quelques heures, plusieurs fois par jour, principalement durant les jours ouvrables,
avec des arrêts en fin de semaine.
En France, l'énergie hydraulique vient compléter l'électricité produite par les
centrales thermiques et nucléaires qui fournissent la plus grande partie de la production, mais
qui ne peuvent pas répondre aux fluctuations de la demande. La production d'électricité au
sein des ouvrages hydroélectriques est un point clé dans la gestion globale réalisée par
Electricité De France (EDF). La gestion par éclusées permet d'obtenir rapidement une
énergie mobilisable à moindre coût et d'ajuster instantanément la production à la
consommation. Un recensement des types d'ouvrages gérés par ce mode de fonctionnement a
été réalisé par Lauters (1993) et a permis d'identifier 144 ouvrages d'EDF fonctionnant par
éclusées. En l'absence d'obstacle (grande retenue) ou de gros affluent en aval, les tronçons
influencés dépassent généralement 20 kilomètres (plus de 40 % des ouvrages). Environ 55 %
des sites concernent des rivières petites et moyennes, de module inférieur à 15 m3s-1.
3. Conséquences
Les variations de débit induites sont généralement importantes, brutales et fréquentes.
Leur amplitude est variable en fonction du débit turbiné d'une part et du débit maintenu entre
les éclusées d'autre part. Ce débit (débit plancher ou débit de base) est différent selon les
sites : il peut être naturel ou bien correspondre au débit réservé fixé en aval d'un barrage
selon les ouvrages.
Les fluctuations des paramètres hydrodynamiques en situation naturelle sont souvent
moins brutales, sauf lors de certaines crues dans des types hydrologiques particuliers, et
moins fréquentes car elles ont lieu à un tout autre pas de temps. De très fortes crues peuvent
entraîner des déplacements d'organismes vivants vers l'aval, voire même de fortes mortalités
selon le degré de remaniement du substrat, les refuges disponibles et les capacités des
organismes à les utiliser.
Les éclusées n'atteignent pas les mêmes amplitudes, mais se définissent
essentiellement par la fréquence très élevée des fluctuations. Ces dernières sont susceptibles
d'entraîner des mouvements des organismes à court terme (recherche de refuges) comme le
suggèrent des études en canal artificiel (Heggenes et Traaen, 1988 ; Crisp et Hurley, 1991).
Chaptitre 0 - Introduction
5
Il est essentiel de connaître les effets à long terme sur les populations et sur les assemblages
des communautés afin d'établir un bilan complet des situations d'éclusées.
Dans ce cas comme en situation naturelle, il existe des mécanismes permettant aux
organismes de se maintenir dans le milieu et de répondre à différents niveaux de
variations. Ces mécanismes ont été étudiés et conceptualisés par plusieurs auteurs
analysant la réponse des systèmes à des événements plus ou moins forts, certains étant
définis comme des perturbations (Connell, 1978 ; Ward et Stanford, 1983 ; Webster et al.,1983 ; Power et al., 1988 ; Resh et al., 1988 ; Townsend, 1989 ; Niemi et al., 1990 ; Reice
et al., 1990 ; Poff, 1992).
4. Etat des connaissances sur l'effet des éclusées
Dans la littérature scientifique, quelques études de cas illustrent les effets de
variations de débit dues à des éclusées hydroélectriques, sur différents compartiments de
l'écosystème. Les effets sur la production algale ont été très peu étudiés (Lowe, 1979 ;
Biggs, 1986). Ils ont été davantage décrits pour les invertébrés benthiques, notamment par
Fisher et Lavoy (1972), Trotsky et Gregory (1974), Layzer et al. (1989), Troelstrup et
Hergenrader (1990), Weisberg et al. (1990), Boon (1993). Des études concernent
également les effets sur les peuplements de poissons (Bain et al., 1988 ; Gore et al., 1989 ;
Fraley et al., 1989 ; Niemela, 1989 ; Weisberg et Burton, 1993 ; Gore et al., 1994).
Certains auteurs présentent des résultats sur plusieurs compartiments de l'écosystème
(Brusven et MacPhee, 1976 ; Cushman, 1985 ; Garcia De Jalon et al., 1988 ; Casado et al.,1989 ; Moog, 1993). Les résultats obtenus traduisent souvent une diminution des
abondances ou de la richesse spécifique des peuplements étudiés (invertébrés ou poissons)
dans les tronçons soumis à de fortes éclusées.
A part l'étude de Boon (1993) sur les effets des éclusées sur les invertébrés, aucune
publication ne décrit précisément ces effets sur de petits cours d'eau de module inférieur à
10 m3.s-1.
D'un point de vue plus fondamental, les mécanismes mis en jeu dans l'utilisation de
l'habitat par les organismes aquatiques en situations très variables sont encore mal connus.
Ces questions sont pourtant essentielles dans la compréhension du fonctionnement des
écosystèmes et sont souvent soulevées dans les théories écologiques (perturbation,
variabilité). Cette recherche s'inscrit dans un programme pluridisciplinaire (Souchon et
Gaudin, 1993) cherchant à faire progresser les connaissances en écologie (relations entre
physique et biologique, facteurs déterminant la biodiversité, équilibre des systèmes en
fonction du degré d'anthropisation) impliquant différents organismes de recherche
(CEMAGREF, Université Lyon I, CNRS, INRA).
Chaptitre 0 - Introduction
6
5. Contexte de l'étude, une recherche finalisée pour l'action
Outre l'aspect fondamental de l'étude de la variabilité temporelle des conditions
d'écoulement, cette étude présente un intérêt très appliqué. Elle est entièrement rattachée à
l'un des programmes scientifiques du département "Gestion des Milieux Aquatiques" du
CEMAGREF, "Hydrodynamique et Ecologie. Les déterminants physiques du
fonctionnement écologique des hydrosystèmes d'eau courante" (Souchon, 1994), dont les
objectifs s'inscrivent dans cette double problématique, à la fois de recherche des facteurs
explicatifs des phénomènes observés et d'application pratique avec la mise en place de
méthodes pour la gestion. Ce dernier volet est particulièrement important pour une gestion
intégrée visant à préserver l'intégrité des systèmes aquatiques dans le cadre de l'application
de la loi sur l'Eau de janvier 1992.
La demande socialeLa compréhension des effets des éclusées hydroélectriques est très importante pour
les autorités qui ont en charge de concilier les différents usages de l'eau. Les questions sur
l'impact de ce mode de gestion sont nombreuses et sont au cœur de forts conflits d'usage
entre pêcheurs, riverains, kayakistes et producteurs d'électricité. En Nouvelle Zélande,
Hicks et Jowett (1992) ont étudié l'impact des éclusées sur les populations de truite et sur
la pêche sportive, et proposent des actions correctives pour minimiser les effets observés.
Ce problème n'est pas récent en France. En 1939, Vibert évoquait déjà les
répercussions de ce mode de fonctionnement sur les poissons et des conséquences pour la
gestion halieutique de l'Ain, et exposait la perte économique encourue (Vibert, 1939 ;
1948). L'auteur soulignait en conclusion la nécessité de "fixer une limite aux amplitudes
des variations de niveau provoqué par les éclusées, ainsi qu'à la vitesse horaire de ces
variations de niveau [...] la simple réserve d'un débit minimum est parfaitement
insuffisante." Ces affirmations sont encore d'actualité, car si des progrès ont été réalisés en
ce qui concerne les méthodes de détermination des débits minimums à maintenir en aval
des barrages (Reiser et al., 1989 ; Souchon et al., 1989 ; Sabaton et Miquel, 1993), il n'en
est pas de même pour la gestion par éclusées.
Vers une aide à la gestionLa réponse aux questions posées sur les effets écologiques des éclusées intervient
donc dans la gestion des débits pour les besoins de production d'électricité. La présente
étude doit apporter des éléments pour la compréhension des phénomènes, afin de pouvoir
ensuite proposer des méthodes et des outils destinés à la gestion.
Cette étude est en grande partie incluse dans une convention avec EDF, Direction
des Etudes et Recherche (contrat n°2K1867), ayant pour objectifs de connaître et de
comprendre les effets écologiques d'une gestion par éclusées hydroélectriques à l'aval des
ouvrages (Sabaton et Lauters, 1992). Cette recherche s'inscrit dans un cadre plus général à
Chaptitre 0 - Introduction
7
l'initiative d'EDF, concernant deux autres sites et impliquant d'autres laboratoires sur
plusieurs années. Les résultats de toutes ces recherches seront bientôt disponibles et
pourront alors être réunis avec ceux de notre étude. La compréhension des effets et des
phénomènes mis en jeu devrait permettre d'établir un meilleur diagnostic des sites soumis à
éclusées et de proposer des mesures compensatoires éventuelles. L'objectif final est donc
de fournir des pistes pour classer la sévérité des effets en fonction du type de gestion des
ouvrages hydroélectriques et du type morphologique des cours d'eau (profils,
granulométrie, ...), et de proposer d'éventuelles actions correctives réalistes.
Le Ministère de l'Environnement a également financé une partie de ce travail et
s'intéresse tout particulièrement aux résultats concrets permettant un diagnostic fiable. Les
représentants du Ministère ont en effet à donner un avis sur de très nombreux dossiers
concernant les différents usages de l'eau. Le diagnostic des effets des éclusées est
particulièrement d'actualité dans le cadre des renouvellements de concessions des ouvrages
hydroélectriques dont un grand nombre arrivent à échéance en 1994. L'idéal serait d'aboutir
à une clé de détermination des effets potentiels des éclusées selon les cas rencontrés.
6. Démarche scientifique
Choix des sitesUne des démarches scientifiques possibles adoptée ici pour établir un bilan des
effets des éclusées consiste à décrire in situ les effets globaux sur les biocénoses.
Différentes pistes pour expliquer ces effets peuvent alors être testées, selon les
compartiments de l'écosystème et leurs interactions. Pour mieux connaître les effets des
éclusées, deux cours d'eau de petite taille (module naturel inférieur à 10 m3.s-1) influencés
par ce mode de gestion ont été choisis. Ces deux sites présentent des situations contrastées
(figure 0.1). Ils apportent donc des éléments de réponse complémentaires sur les effets des
éclusées en rivière.
Le premier site, l'Ance du Nord (département de la Haute-Loire), comporte un
secteur amont de référence à régime naturel de type pluvio-nival, un secteur court-circuité
avec un débit réservé faible (1/40e du module) et constant tout au long de l'année et un
secteur aval soumis aux éclusées hydroélectriques, avec un débit plancher relativement
soutenu (environ 1/6e du module). Dans ce secteur aval, l'effet du régime d'éclusées peut
être testé dans un profil transversal encaissé et dans un profil plus large.
Le second site, la Fontaulière (département de l'Ardèche), comporte également un
secteur amont de référence à régime naturel, de type méditerranéen. De grands réservoirs
situés dans le bassin voisin de la Loire apportent de l'eau turbinée par éclusées, restituée
dans la Fontaulière. Les secteurs concernés par les éclusées sur ce site ne comportent pas
Chaptitre 0 - Introduction
8
amon
tav
al
régime naturel pluvio-nival
débit réservé
éclusées
débit plancher
faible
régime naturel méditerranéen
PREMIER SITE DEUXIEME SITEL'ANCE DU NORD LA FONTAULIERE
amon
tav
al
2 types de morphologie
différents
PROFIL ENCAISSE
PROFIL LARGE
débit plancher soutenu
2 débits plancher différents
éclusées
DE
RIV
AT
ION
APPORTS D'EAU DE 3 RESERVOIRS DE STOCKAGE DU
BASSIN DE LA LOIRE
usine hydroélectrique
barrage
Figure 0.1. : Schémas de principe des deux sites étudiés et caractéristiques principales.
Chaptitre 0 - Introduction
9
de différence morphologique qui permette d'étudier l'influence de ce facteur. Par contre, ce
site présente des régimes hydrauliques influencés différents. En aval immédiat de la
restitution, le débit plancher est constant et relativement soutenu (1/9e du module), tandis
que plus en aval, le débit plancher est réduit par une microcentrale dérivant de l'eau en
permanence. Une crue centennale survenue au cours de l'étude a entraîné la destruction de
la dérivation de cette microcentrale, réinstaurant dans ce secteur un débit plancher plus
soutenu. Ce site offre donc la possibilité de comparer deux situations de débit plancher,
simultanément dans deux secteurs différents d'une part, et d'étudier l'influence d'une
augmentation du débit plancher sur un même secteur d'autre part.
Contenu de l'étudeSur ces deux sites, des mesures et échantillonnages des paramètres physiques et
biologiques ont été effectués. Les méthodes employées sont exposées dans le premier
chapitre, puis les résultats sont ensuite analysés et discutés pour chaque site, dans
deux parties différentes. Chaque partie traite des résultats concernant les différents
compartiments étudiés, avec des résultats globaux sur les biocénoses et une recherche
d'explication des effets observés. Les questions posées et donc les réponses obtenues
diffèrent entre les deux sites compte tenu de leurs caractéristiques spécifiques respectives.
Des expérimentations réalisées en chenal artificiel exposées dans une troisième
partie permettent d'examiner plus en détail les mécanismes comportementaux
responsables du positionnement de jeunes poissons dans l'espace, en situation hydraulique
variable, contrôlée expérimentalement. A l'aide de ces expérimentations, nous obtenons
des éléments de réponse à des questions soulevées lors de l'analyse des résultats in situconcernant l'utilisation de l'espace par les poissons lorsque les paramètres physiques
varient brutalement et fréquemment.
Une synthèse des résultats obtenus dans les chapitres précédents fait l'objet de
la discussion générale afin d'expliquer les effets liés aux éclusées hydroélectriques et de
proposer un classement des facteurs physiques les plus déstructurants pour le système. Les
résultats obtenus sont également présentés à la lumière des théories écologiques sur la
variabilité des paramètres physiques et sur les perturbations.
CHAPITRE 1
MATERIELS ET METHODES
13
Chapitre 1 - Matériels et méthodes
Dans ce chapitre, chaque site sera tout d'abord présenté afin que le lecteur puisse se
reporter au schéma de fonctionnement et à la localisation des stations lors de la lecture des
parties suivantes et de la discussion finale. Nous exposerons ensuite les différentes
approches employées tout au long de cette étude pour tenter de répondre aux questions
posées. Les matériels et méthodes d'échantillonnage in situ sont, pour la plupart, communs
aux deux sites. Ils sont décrits dans ce chapitre ainsi que les techniques d'analyse des
résultats. Le plan d'échantillonnage correspondant à chaque site (nombre et dates des
campagnes) sera exposé au début de chacune des deux parties suivantes (au chapitre 2
pour l'Ance du Nord et au chapitre 6 pour la Fontaulière).
1. Les sites d'étude
1.1. Critères pratiques de choix des sites
Le choix des sites a été effectué après un repérage de plusieurs cours d'eau soumis à
éclusées, en fonction des objectifs de l'étude exposés précédemment et en fonction de
critères pratiques conditionnant la faisabilité des échantillonnages envisagés.
En pratique, les sites ont été choisis selon plusieurs critères :
- ils sont prospectables à pied avec une largeur du lit de 10 à 15 mètres afin de
pouvoir effectuer les mesures, pêches et prélèvements,
- ils ne subissent pas d'autre perturbation que les modifications du débit (pas de
pollution, pression de pêche modérée),
- le schéma hydraulique est relativement simple (exclut les sites avec barrages
successifs et régime hydraulique complexe),
- ces cours d'eau ont un peuplement salmonicole dominant,
- les secteurs influencés peuvent être comparés à une situation naturelle de
référence, généralement située en amont,
- des stations d'étude doivent pouvoir être définies dans chaque secteur : une station
de référence et des stations perturbées.
Chapitre 1 - Matériels et méthodes
14
4 STATIONS :
STATION 1 = REFERENCE
(L=213 m)
STATION 2 = DEBIT RESERVE
(L=109m)
STATION 3 = ECLUSEES
(L=155m)
STATION 4 = ECLUSEES
+ AFFLUENT
(L=105m)
A
Ance du Nord
régime naturel Q = 4,5 m3.s-1
STATION 1
BARRAGE DE
PASSOUïRA
Canal d'amenée
Usine de Moulas
BARRAGE DE
COMPENSATION
DU PLOT
(restitution des
éclusées)
STATION 2
STATION 3
STATION 4
débit réservé Q min = 0,12 m3.s-1
Loire
Andrable
1 km
Q = 5, 8 ou 12 m3.s-1
Q min = 0,8 m3.s-1
(+ Andrable sur station 4)
éclusées
Figure 1.2. : L'Ance du Nord (A), aménagement et stations d'étude.
Chapitre 1 - Matériels et méthodes
15
1.2. Choix des stations
Des stations d'étude et de mesures sont choisies au sein de tronçons identifiés en
fonction des aménagements. Leur emplacement est fixé après une description des faciès
d'écoulement des tronçons (Tableau 1.1) selon la définition de Malavoi (1989) afin de
déterminer des stations représentatives de la diversité des écoulements. Les résultats des
mesures effectuées sur une station pourront ainsi être étendus à tout le tronçon.
Tableau 1.1. : Définition des faciès selon les caractéristiques de l'écoulement, d'aprèsMalavoi (1989).
Terminologie Hauteurs d'eau Vitesses Particularités
Mouille fortes faible profil dissymétrique
Chenal lentique fortes faible long faciès rectiligne, profil en U
Plat faibles moyennes faciès très homogène
Radier faibles fortes faciès assez court, parfois oblique
Rapide faibles à
moyennes
fortes substrat grossier
Chenal lotique fortes fortes à moyennes profil en U
Les stations doivent en outre comporter une succession de faciès exprimant
suffisamment la diversité des écoulements du tronçon afin de contenir les habitats
nécessaires aux différentes espèces présentes (poissons et invertébrés) à chaque stade de
leur développement.
Les limites des stations sont également guidées par des contraintes liées aux
méthodes employées et notamment celles du modèle hydraulique utilisé (Pouilly et
Valentin, 1994).
1.3. L'Ance du Nord
1.3.1. Situation géographique et régime hydrologique
L'Ance du Nord prend sa source dans le Puy de Dôme à 1300 mètres d'altitude et se
jette dans la Loire 70 kilomètres plus loin, juste en amont de Monistrol-sur-Loire, à 440
mètres d'altitude, dans le département de la Haute Loire. Le bassin versant couvre une
superficie de 533 km2. Il est constitué en grande partie de roches cristallines et est peuplé
de nombreux conifères dans la partie amont. La rivière n'est pas polluée ; elle est de classe
1A d'après le schéma départemental de vocation piscicole et halieutique de la Haute Loire.
Le régime hydrologique est de type pluvio-nival avec un module de 4,5 m3.s-1, une
période de hautes eaux en hiver et au printemps, et une période d'étiage en été (figure 1.1).
Chapitre 1 - Matériels et méthodes
16
Le débit moyen d'étiage (moyenne des débits moyens mensuels des mois les plus secs) est
égal à 0,5 m3.s-1.
J F M A M J J A S O N D0
4
8
12
16
mois
Moy
enne
inte
rann
uelle
des
dé
bits
moy
ens
men
suel
s (m
3 .s-
1 )
Laprat - Ance du Nord
Figure 1.1. : Moyennes interannuelles des débits moyens mensuels (et barres d'écart type) surl'Ance du Nord à Laprat, en amont du barrage de Passouïra, obtenues auprès d'EDF à partird'enregistrements du débit de 1948 à 1990.
1.3.2. L'aménagement et les stations d'étude
Trois secteurs peuvent être distingués en tenant compte de l'emprise de
l'aménagement : un secteur de référence, un secteur court-circuité et un secteur influencé
par les éclusées (figure 1.2).
- Le secteur de référence est situé en amont du barrage de Passouïra (21 m de haut,
50 m de longueur en crête, volume utile de 300 000 m3) et est représenté par la station 1.
Ce secteur est en régime naturel ; une microcentrale localisée en amont de la station 1
fonctionne au fil de l'eau.
- En aval du barrage, un canal apporte l'eau à l'usine hydroélectrique et court-
circuite 9 kilomètres de rivière. Ce secteur est encaissé, situé dans des gorges. La station 2
a été choisie dans la partie située en aval, plus accessible. Le secteur était à sec avant juillet
1987, date à laquelle un débit réservé égal à 1/40e du module (0,12 m3.s-1) a été appliqué,
conformément à la loi relative à la pêche en eau douce de 1984 (article L. 232-5 du Code
Rural). Durant cette étude, le débit de 0,12 m3.s-1 a été constant en dehors des périodes de
crues pour lesquelles le débit naturel dépasse le débit maximum dérivé (12 m3.s-1). Le
débit supplémentaire transite alors par le tronçon court-circuité. De telles surverses ont lieu
une à deux fois par an pendant des périodes généralement assez courtes.
- L'usine de Moulas turbine l'eau par éclusées de 5, 8 ou 12 m3.s-1. Cette usine est
en service depuis 1916, et est exploitée par EDF depuis 1946. La restitution se fait dans un
Chapitre 1 - Matériels et méthodes
17
barrage de petite taille (barrage du Plot, 3,3 m de haut, 73 m de longueur en crête
et 20 000 m3 utiles) ou barrage de "compensation". Son effet principal est de permettre
le maintien d'un débit plancher soutenu (0,8 m3.s-1, soit 1/6e du module) entre les
éclusées, tant que le débit entrant en amont est au moins égal à cette valeur. La station 3
est située à 5 kilomètres du barrage du Plot et est distante de 8 kilomètres de la station 4.
Le débit de cette dernière est augmenté par les apports d'un petit affluent, l'Andrable. Le
secteur soumis aux éclusées mesure 20 kilomètres au total jusqu'à la confluence et les
éclusées sont ressenties jusque dans la Loire. Les stations 3 et 4 représentent chacune un
sous-secteur différent d'un point de vue morphologique. La station 3 a un profil transversal
encaissé, comparable à celui des stations 1 et 2, tandis que la station 4 est située dans une
partie plus large, avec un étalement latéral de la surface mouillée à débit fort.
Ce site offre la possibilité d'étudier les effets d'un régime d'éclusées avec un débit
de base soutenu dans deux types morphologiques différents. Le tronçon court-circuité
permet de compléter l'analyse avec une situation de débit stable et faible.
1.4. La Fontaulière
1.3.1. Situation géographique et régime hydrologique
La Fontaulière est un affluent de l'Ardèche amont. Sa source est située dans le haut
bassin de l'Ardèche à 1100 mètres d'altitude. La confluence avec l'Ardèche est à 300
mètres d'altitude. La rivière parcourt 20 kilomètres pour une superficie du bassin versant
de 134 km2, sur des roches d'origine basaltique. La qualité de l'eau est bonne (classe 1A).
Le régime hydrologique est cévenol, c'est-à-dire de type pluvial avec une influence
méditerranéenne donnant lieu à des crues parfois brutales, et un étiage sévère en été (figure
1.3). En amont du principal affluent de la Fontaulière, la Bourges, le module interannuel
est environ de 2,5 m3.s-1, avec un débit moyen mensuel en étiage d'été égal à 0,2 m3.s-1
en moyenne. Ce module passe à 4,7 m3.s-1 en aval de la confluence avec la Bourges, avec
un débit d'étiage (moyenne des débits moyens mensuels des mois les plus secs) de 0,4
m3.s-1.
Durant la période d'étude, une crue centennale a eu lieu sur ce site.
Le 22 septembre 1992, après une période de 24 heures de pluie d'orage en continu, le débit
a augmenté, très rapidement d'après les témoignages locaux, pour atteindre en moins d'une
heure un maximum estimé à 1000 m3.s-1. Une visite de terrain quelques jours plus tard
nous a permis de constater que de gros blocs (certains mesurant plus de 1,5 m de diamètre)
avaient été déposés sur les berges, dans les prés bordant la rivière. Des poissons ont été
piégés, probablement à la descente des eaux, et ont été trouvés morts entre ces blocs.
Chapitre 1 - Matériels et méthodes
18
Ardèche
3 STATIONS :
STATION 1 = REFERENCE
(L=89 m)
STATION 2 = ECLUSEES
(L=123m)
STATION 3 = ECLUSEES + usine
(L=83m)
STATION 1
STATION 2
STATION 3
Apports du bassin de la Loirlac d'Issarlès, retenues du et de la Palisse
USINE DE
MONTPEZAT
BARRAGE ET USINE DE
PONT DE VEYRIERES
(1986)
(restitution des éclusées)
Canal souterrain
Fontaulière
Bourges
500 m
Q = 22 m3.s-1
Q = 7 m3.s-1
F
Q = 11,7 m3.s-1
régime naturel Q = 4,7 m3.s-1
Fontaulière amont
Fontaulière + Bourges
Aval Pont de Veyrières
Q = 19 m3.s-1
Q min = 1,35 m3.s-1
éclusées
Usine du
PradelAval seuil du Pradel
régime naturel Q = 2,5 m3.s-1
Apports souterrains jusqu'à Pont de Veyrières
Q min = 0,12 m3.s-1 Q max dérivé par usine du Pradel = 7 m3.s-1
éclusées
d'où Q = 12 à 19 m3.s-1
Figure 1.4. : La Fontaulière (F), aménagements et stations d'étude.
Chapitre 1 - Matériels et méthodes
19
mois
Moy
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3 .s-
1 )
J F M A M J J A S O N D0
4
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12
16Pré-Latour - Fontaulière
Figure 1.3. : Moyennes interannuelles des débits moyens mensuels (et barres d'écart type)sur la Fontaulière, à Pré-Latour, en aval de la confluence avec la Bourges, obtenues auprèsd'EDF à partir d'enregistrements du débit de1944 à 1986.
1.3.2. L'aménagement et les stations d'étude
L'usine hydroélectrique est située à Montpezat (figure 1.4) et turbine de l'eau par
éclusées depuis sa mise en service en 1954. L'eau provient du bassin de la Loire. Elle est
prélevée dans deux retenues, celle de la Palisse (8 500 000 m3) sur la Loire et du Gage
(3 400 000 m3) sur le Gage et dans le lac naturel d'Issarlès (35 000 000 m3). Le débit
transféré du bassin de la Loire au bassin de l'Ardèche représente 7 m3.s-1 en moyenne.
L'importante réserve d'eau et la capacité de l'usine font de ce site un aménagement d'intérêt
national pour Electricité de France ; il est géré à distance par le Centre Interrégional des
Mouvements d'Energie (CIME) de Lyon. Le régime d'éclusées est moins dépendant que
sur l'Ance du débit naturel entrant dans le barrage car les volumes d'eau disponibles
sont très supérieurs.
L'eau turbinée est rejetée à 3 kilomètres en aval de l'usine par une conduite
souterraine débouchant juste en aval de la confluence avec la Bourges, dans la retenue de
Pont de Veyrières construite en 1985 (capacité utile de 180 000 m3, barrage de 35 m de
haut et de 95 m de longueur en crête). Le débit turbiné à Montpezat varie de 6 à 22 m3.s-1
et est repris à l'usine de Pont de Veyrières sous forme d'éclusées de 4 à 19 m3.s-1. Le débit
plancher est de 1,35 m3.s-1 entre les éclusées. Pendant la période de soutien d'étiage
instaurée du 15 juin au 15 septembre depuis 1988, ce débit est augmenté, dans la limite des
volumes disponibles, afin de maintenir un débit objectif de 3,7 m3.s-1 à Vogüe sur
l'Ardèche (25 kilomètres en aval de la confluence avec la Fontaulière). Le secteur influencé
par les variations de débit en aval de la retenue de Pont de Veyrières mesure 4 kilomètres
Chapitre 1 - Matériels et méthodes
20
jusqu'à la confluence avec l'Ardèche à Pont de Labeaume. Les éclusées provoquent des
variations de débit ressenties dans l'Ardèche (Pouilly, 1994).
Du fait de la courte distance entre la Bourges et la retenue de Pont de Veyrières, le
secteur de référence est situé en amont de la confluence avec la Bourges et est représenté
par la station 1. Deux stations ont été choisies dans le secteur soumis à éclusées avec des
régimes hydrauliques différents :
- la station 2 est à 800 mètres en aval du barrage de Pont de Veyrières
- la station 3 est dans la portion court-circuitée par la microcentrale du Pradel avec
un débit plancher plus faible (0,12 m3.s-1) et des éclusées variables selon le
fonctionnement de la microcentrale (débit d'équipement de 7 m3.s-1). La prise d'eau de
cette centrale, au niveau d'un seuil en béton, ne constitue pas un stockage suffisant pour
permettre un fonctionnement propre par éclusées. La centrale turbine donc l'eau lâchée à
Pont de Veyrières. Le débit minimum laissé dans la portion de rivière court-circuitée a été
fixé à 1/40e du module de la Fontaulière pris en amont de la restitution de Montpezat. Ce
débit réservé est maintenu constant tant que le débit arrivant en amont de la prise
d'eau est inférieur au débit d'équipement de la centrale.
La crue centennale de septembre 1992 a détruit le canal de dérivation de la
microcentrale du Pradel qui est en arrêt depuis cette date. Le régime hydraulique de la
station 3 est donc devenu identique à celui de la station 2, avec le même débit plancher et
les mêmes débits d'éclusée. Avant cette crue, les stations 2 et 3 permettent d'étudier
simultanément deux régimes différents, surtout en ce qui concerne le débit plancher
entre les éclusées. Après la crue, le nouveau régime de la station 3 offre la possibilité
d'étudier l'effet de l'augmentation du débit plancher sur la station 3 et de le comparer
avec la station 2.
Ce site présente donc des tronçons soumis à des régimes contrastés, avec des débits
de base et des débits de pointe différents, pouvant être comparés à une situation amont de
référence, en régime naturel.
Chapitre 1 - Matériels et méthodes
21
2. Méthodologies employées sur chacun des deux sites
2.1. Introduction
Sur chacune des stations choisies en fonction de leur représentativité du tronçon
étudié (cf § 1.2 et figure 1.5-A étape 1), une description physique et des échantillonnages
biologiques ont été effectués. Pour les deux sites étudiés, les faciès rencontrés ont été
regroupés en trois grands types selon la gamme de vitesse du courant (Tableau 1.1) :
mouille (incluant les mouilles et les chenaux lentiques), plat et radier/rapide (incluant les
radiers, les rapides et les chenaux lotiques).
Les paramètres physiques
Sur chaque station, une description précise des paramètres physiques de l'habitat et
de leur variabilité en fonction des débits a été réalisée pour connaître les effets physiques
des éclusées et pour mieux expliquer ensuite les effets observés sur les peuplements de
poissons et d'invertébrés. Différentes mesures ont été effectuées afin de décrire les stations
en terme de distribution des paramètres physiques comme la granulométrie du substrat et
des paramètres hydrauliques exprimant les conditions locales (vitesses, hauteurs, forces
tractrices). Ces paramètres sont calculés à différents débits à partir des mesures effectuées
in situ grâce à la mise en œuvre des modèles hydrauliques. Les distributions des
paramètres observés et calculés seront étudiées globalement et plus localement afin de
connaître les conditions d'habitat dont disposent les organismes vivants des sites étudiés.
Ces résultats sont ensuite utilisés dans la méthode des microhabitats permettant une
estimation des capacités d'accueil théoriques potentielles pour la truite fario à partir des
exigences écologiques de cette espèce en fonction des paramètres physiques de l'habitat
(hauteur d'eau, vitesse du courant et granulométrie du substrat). L'analyse est tout d'abord
effectuée à différents niveaux de débit (approche statique). La prise en compte de la
dimension temporelle est ensuite réalisée à l'aide de deux approches :
- par l'intermédiaire de la connaissance des hydrogrammes (Q(t)) traduits en chroniques
des variations de paramètres d'habitat,
- par la recherche de paramètres d'habitat limitants en conditions variables.
Les composantes biologiques
Les peuplements de poissons, d'invertébrés et d'algues fixées sur le substrat
(épilithon) ont été échantillonnés lors de plusieurs campagnes afin d'apporter des éléments
de réponse aux questions sur les effets des éclusées sur la faune en place. Les peuplements
des différentes stations d'un même site sont analysés en composition spécifique, diversité,
abondance, biomasse et les résultats biologiques sont confrontés aux variations des
paramètres d'habitat. Un contrôle de la qualité physico-chimique de l'eau a été réalisé à
Chapitre 1 - Matériels et méthodes
22
trois reprises sur chaque station des deux sites pour connaître le degré de minéralisation
(pH, conductivité, teneurs en azote, phosphore, calcium et magnésium).
2.2. Hydrologie
2.2.1. Enregistrements des débits sur les stations
L'étude hydrologique permet de comparer les sites soumis à éclusées et les sites en
régime naturel et de mesurer l'importance des variations de débit auxquels les organismes
sont soumis. Des suivis ont été obtenus à partir d'enregistreurs installés sur les stations. Ils
fournissent des renseignements sur la gestion par éclusées, sur la rapidité de montée et de
descente de l'eau, sur l'amortissement éventuel du signal selon la distance par rapport à la
restitution, sur l'amplitude et la fréquence des fluctuations.
L'équipe Hydrologie-Hydraulique du CEMAGREF a assuré la mise en place des
limnigraphes enregistreurs et le recueil des données. Chaque enregistreur, fabriqué par la
société "CR2M", comporte un capteur à ultra-sons immergé, une centrale d'acquisition et
une échelle limnimétrique. Le pas de temps d'enregistrement est variable. Les variations de
hauteur d'eau dépassant 20 mm sont enregistrées toutes les minutes ; lorsque les variations
restent inférieures à 20 mm, les enregistrements ont lieu toutes les heures. Les débits sont
obtenus à partir des enregistrements des hauteurs d'eau à l'aide de courbes de tarage
établies sur chaque station. Trois appareils ont été installés sur les stations 1, 3 et 4 de
l'Ance du Nord. Sur la Fontaulière, dans le secteur court-circuité par l'usine du Pradel
(station 3), les variations du débit n'ont pas pu être enregistrées à l'époque où le débit
plancher était faible (avant la crue du 22 septembre 1992). Les enregistrements
exploitables sur la Fontaulière concernent uniquement les stations 1 et 2.
Ces enregistrements n'ont pas pu être réalisés simultanément aux
échantillonnages biologiques. En effet, sur chacun des deux sites, ils ont été effectués
après la plupart des prélèvements. De plus, ils portent sur des périodes relativement courtes
(7,5 mois sur l'Ance et 6 mois sur la Fontaulière). Ils sont cependant très précieux pour
décrire finement les variations du débit occasionnées par le fonctionnement des ouvrages.
2.2.1. Description du régime précédant les échantillonnages biologiques
L'historique des débits précédant les échantillonnages biologiques a pu être décrit à
l'aide d'autres enregistrements. Sur l'Ance du Nord, les enregistrements d'EDF sur le site
d'exploitation de l'Ance du Nord (usine de Moulas) ont permis d'estimer la variabilité
hydrologique dans le secteur aval à partir du fonctionnement de l'usine, à partir du nombre
de jours sans éclusées sur une période donnée par exemple. Sur la Fontaulière, les
chroniques de débit ont pu être exploitées à partir d'un liminigraphe installé sur l'Ardèche,
à Pont de Labeaume, en aval immédiat de confluence (limnigraphe exploité par le Service
Hydrologique Centralisateur du Rhône). Bien qu'incluant le débit de l'Ardèche, ces
Chapitre 1 - Matériels et méthodes
23
chroniques ont permis de visualiser les périodes d'éclusées de la Fontaulière et de situer
une partie des campagnes de prélèvements biologiques.
2.3. Paramètres physiques de l'habitat obtenus par la méthode des
microhabitats
Les différentes étapes de la méthode utilisée ici sont détaillées par Pouilly et
Valentin (1994) et sont résumées dans la figure 1.5 (A et B).
2.3.1. Origine et objectifs
La méthode des microhabitats a été définie dans ses grands principes par Waters
(1976), puis améliorée et informatisée par Bovee (1982), aux Etats-Unis, sous la
dénomination de "Instream Flow Incremental Methodology" ou IFIM. La méthode IFIM
permet de prédire la quantité d'habitat disponible d'une portion de cours d'eau en fonction
de différents paramètres retraçant les conditions hydrodynamiques. Le module principal
consiste en une "simulation physique de l'habitat" selon la dénomination anglo-saxonne :
Physical HABitat SIMulation ou PHABSIM (Milhous et al. 1989 ; Stalnaker et al., 1989).
Depuis 1985, une méthode semblable a été développée par le Laboratoire d'Hydroécologie
Quantitative du CEMAGREF et adaptée aux cours d'eau français (Souchon et al., 1989).
Elle était destinée au départ à la détermination des débits réservés à l'aval des barrages
(figure 1.5-B) dans le cadre de la loi "pêche" de 1984 visant à "garantir en permanence la
vie, la circulation et la reproduction des espèces" peuplant le cours d'eau avant
l'aménagement (article L. 232-5 du Code Rural). Elle peut également être utilisée comme
outil de recherche des effets de variations de débit car elle fournit une quantification des
distributions des paramètres physiques traduits en capacités d'accueil théoriques
potentielles pour le poisson en fonction du débit.
2.3.2. Principe
La méthode des microhabitats consiste à coupler les paramètres physiques et les
préférences des poissons pour prédire l'habitat disponible à différents débits.
Paramètres physiquesSur chacune des stations choisies, une campagne de mesures hydrauliques et
topographiques (figure 1.5-A étape 2), réalisées sur différentes sections (ou transects), est
nécessaire pour recueillir les valeurs des variables morphodynamiques retenues : Hauteur
d'eau, Vitesse du courant et granulométrie du Substrat (HVS). La mise en œuvre de la
méthode sur le terrain consiste à découper la station d'étude en petites surfaces
élémentaires homogènes dans le sens longitudinal et latéral, appelées cellules, pour
Chapitre 1 - Matériels et méthodes
27
lesquelles on mesure le triplet (HVS). Hauteurs et vitesses sont reconstituées, pourdifférents débits, au moyen d'un modèle hydraulique renseigné à partir des mesureseffectués à un débit (figure 1.5-B étape 3). Le fonctionnement du modèle hydraulique estexposé en annexe du texte de Pouilly et Valentin (1994). Il repose sur le calcule des pertesde charges linéaires par formule de Limerinos remplaçant la formule plus classique deManning-Strickler (Trocherie, 1987 ; Pouilly et Valentin, 1994). A partir de cette formule,le modèle peut également calculer la force tractrice ττττ par la formule τ = ρ g h J, où ρdésigne la masse volumique de l'eau, g l'accélération de la pesanteur, h la hauteur d'eau et Jla perte de charge linéaire. La force tractrice représente une mesure des contraintes au fond,et fait partie des paramètres hydrauliques préconisés par Statzner et al. (1988) pour rendrecompte des conditions rencontrées par les organismes aquatiques (Statzner et Müller,1989).
Préférences des poissonsUn modèle biologique (figure 1.5-B étape 3) traduit les relations entre la densité
relative des différents stades de développement des espèces de poissons et les valeurs desvariables Hauteur, Vitesse et Substrat restituées par le modèle hydraulique. Les relationshabitat-poisson sont traduites en courbes de préférence. A chaque valeur de H, V ou Scorrespond un coefficient de préférence compris entre 0 et 1.
2.3.3. Estimation de la capacité d'accueil théorique
La capacité d'accueil s'exprime par une Surface Potentiellement Utilisable (ouSurface Pondérée Utile), désignée dans toute la suite par SPU.
Ces surfaces sont obtenues en pondérant la surface mouillée (Ai) de chaque celluledécrite par le produit des trois coefficients de préférence (P(Hi), P(Vi) et P(Si)) pour lesvaleurs Hi, Vi et Si de la cellule, à un débit donné. Les SPU des différentes cellules sont
ensuite additionnées pour obtenir la SPU de la station :
SPU = ∑ Ai x P(Hi) x P(Vi) x P(Si)
Le calcul des SPU à différents débits permet ensuite de bâtir une courbe SPU (Q) dans lagamme des débits modélisés (figure 1.5-B étape 4). La valeur d'habitat (VH) est lepourcentage de SPU par rapport à la surface mouillée. Les VH peuvent être représentées enfonction du débit pour la station (courbe VH (Q)). Elles peuvent également être reportéepour chaque cellule sur une vue en plan de la station.
Le modèle hydraulique est performant dans une gamme de débits d'environ 10 foissupérieurs et 5 fois inférieurs au débit observé (Pouilly et Valentin, 1994). Au-delà de ceslimites, les calculs risquent d'être impossibles (limite de résolution des équationshydrauliques). Pour cette raison, la campagne de recueil des données doit être effectuée àun débit moyen à faible. En pratique, sur les stations étudiées, la limite supérieure acependant pu être étendue sans atteindre la limite de résolution des équations du modèle.
Chapitre 1 - Matériels et méthodes
28
2.3.4. A propos des courbes de préférence
Les courbes de préférence mises en �uvre dans la méthode des microhabitats aucours de notre étude sont celles de la truite fario (figure1.6). Pour cette espèce, lavalidation biologique des résultats obtenus par la méthode a été réalisée. Les travaux devalidation ont consisté à relier les surfaces habitables limitantes aux biomasses de truite(Fragnoud, 1987 ; Souchon et al., 1989).
Le stade fraie doit être analysé à part, car l'échelle spatiale est différente (Pouilly etValentin, 1994). En effet, les conditions favorables à la fraie donnent lieu à une répartitiontrès locale des frayères. Le découpage par transects des stations choisies ne contient doncpas forcément de frayères potentielles identifiées alors que le tronçon peut offrir des zonesde reproduction potentielles suffisantes. Les valeurs de SPU résultantes pour ce stadepeuvent alors paraître très faibles, par rapport aux autres stades, sur la station étudiée.Lorsqu'une étude précise de ce stade est nécessaire, il est indispensable de cartographier leszones de frayères potentielles sur l'ensemble du tronçon étudié. Sur les deux sites étudiés,une telle cartographie n'a pas été entreprise.
2.4. Echantillonnages biologiques
Les peuplements de poissons, d'invertébrés benthiques et d'épilithon ont étééchantillonnés à plusieurs reprises sur les différentes stations des deux sites. Le nombre etles dates des campagnes d'échantillonnage seront exposés au début de chacune des deuxparties correspondant à chaque site. Nous présentons ici les techniques d'échantillonnage etles méthodes d'analyses des résultats.
2.4.1. Poissons
Technique d'échantillonnageA chaque campagne, les poissons ont été pêchés à l'électricité en deux passages
successifs séparés par un délai d'au moins une heure. Tous les poissons pêchés ont étéidentifiés à l'espèce, mesurés (longueur totale) et pesés, puis remis à l'eau après ledeuxième passage. Le matériel de pêche utilisé, de type "Héron", fabriqué par "DreamElectronic", délivrait du courant continu de 400 à 600 volts et 1 à 2 ampères. Compte tenude la largeur des stations, deux à trois anodes ont été utilisées en parallèle.
Chapitre 1 - Matériels et méthodes
29
Liste des espèces rencontrées et codes employés dans la suiteLes espèces rencontrées sur les deux sites étudiés sont indiquées dans le tableau
1.2, avec le nom latin correspondant et le code adopté dans les tableaux et figures lors del'exposé des résultats.
Tableau 1.2. : Noms et code des espèces de poissons rencontrées sur l'Anceet / ou sur la Fontaulière.Nom vernaculaire Nom latin CodeAnguille Anguilla anguilla (L., 1758) ANGBlageon Leuciscus (telestes) souffia (Risso 1826) BLNBarbeau fluviatile Barbus barbus (L., 1758) BAFChabot Cottus gobio (L., 1758) CHAChevaine Leuciscus cephalus (L., 1758) CHEGoujon Gobio gobio (L., 1758) GOULoche franche Noemacheilus barbatulus (L., 1758) LOFLamproie de Planer Lampetra planeri (Bloch, 1784) LPPOmbre commun Thymallus thymallus (L., 1758) OBRSpirlin Alburnoïdes bipunctatus (Bloch 1782) SPITruite fario Salmo trutta fario (L., 1758) TRFVairon Phoxinus phoxinus (L., 1758) VAI
Analyse des résultatsLa technique de pêche électrique en deux passages successifs, sans remise avant la
fin du deuxième passage, est une technique classique permettant d'obtenir une estimationde l'effectif total présent dans la station étudiée. Plusieurs méthodes peuvent alors êtreappliquées et sont exposées par différents auteurs. Les revues bibliographiques de Cowx(1983) et de Gerdeaux (1987) font le point sur les méthodes les plus classiques. Laméthode de De Lury (1947) est une des plus connue. Elle ne peut être appliquée qu'àcondition que les effectifs de chacun des deux passages vérifient une inégalité relativementsévère, exposée par Seber et Le Cren (1967), impliquant d'après Laurent et Lamarque(1975) de réserver cette approche aux "cas de fortes efficacités ou de peuplementsimportants". L'application de cette méthode à la première campagne de pêche réalisée surl'Ance (Valentin, 1990b) a montré que la condition de Seber et Le Cren n'était pas vérifiéepour toutes les espèces, ni pour toutes les stations. Les effectifs n'étaient alors pas vraimentcomparables, certains étant estimés par la méthode De Lury alors que d'autrescorrespondaient à la somme des deux passages. Ces résultats nous ont donc conduit àrechercher une autre méthode.
La première consiste à ne conserver que la somme des effectifs et biomasses desdeux passages pour pouvoir comparer des données homogènes. Cette option a été retenuedans la première étude publiée sur l'Ance (Valentin et al., 1994a). L'inconvénient de cettetechnique est qu'elle ne tient pas compte de différences éventuelles dans l'efficacité depêche. D'une part, l'efficacité peut varier entre les campagnes (conditions de pêche plus ou
Chapitre 1 - Matériels et méthodes
30
moins difficiles selon le débit par exemple). D'autre part, l'efficacité est parfois faible pourcertaines espèces peu représentées ou difficiles à capturer comme la lamproie de Planer parexemple. Nous avons donc finalement choisi d'exploiter les résultats des pêches aprèsestimation des effectifs.
D'après les conclusions de Cowx (1983), de Gerdeaux (1987) et l'avis de Porcher(CSP-DR, Rennes, comm. pers.), la méthode d'estimation de Carle et Strub (1978) estla plus adaptée car elle s'applique dans tous les cas, sans contrainte particulière et donnedes résultats plus fiables que les autres méthodes. Elle renseigne sur l'efficacité de pêche enterme de probabilité de capture (p), calculée à partir de l'écart relatif entre les effectifs dechaque passage, permettant de juger de la qualité de l'estimation. Gerdeaux (1987) indiquequ'une confiance limitée doit être accordée à un résultat pour lequel la probabilité p estinférieure à 0,25, les effectifs étant alors nettement surestimés par la méthode. Il arrive quep soit inférieure à 0,1. Dans ce cas, les résultats sont considérés comme très peu fiables.
Les calculs mis en �uvre dans cette méthode s'appuient sur le principe dumaximum de vraisemblance ; ils consistent à rechercher la valeur de l'effectifcorrespondant au maximum de probabilité (ou vraisemblance) de réaliser les capturesobservées lors des pêches successives réalisées (Carle et Strub, 1978). L'effectif estimé estobtenu par un calcul itératif expliqué en détail par Gerdeaux (1987). Un programmepermet d'obtenir l'effectif estimé, un intervalle de confiance pour cet effectif (à 95 %), laprobabilité de capture p et la biomasse estimée. Cette biomasse est égale à la biomassetotale pêchée lors des deux passages multipliée par le rapport entre l'effectif estimé etl'effectif total pêché lors des deux passages.
Les peuplements de poissons sont étudiés en terme d'abondance et biomasse, àpartir de tableaux. Des analyses multivariées (Analyses Factorielles des Correspondances,AFC, Fenelon, 1981 ; Greenacre, 1984 ; Beffy et Dolédec, 1989) ont été employées pourles résultats de l'Ance, car le caractère plurispécifique du peuplement des différentesstations rendait la lecture du tableau brut plus difficile que sur la Fontaulière. Les AFC ontété réalisées à l'aide des programmes ADE (Analyse des Données en Ecologie) développésà l'Université Cl. Bernard Lyon I par Chessel et Dolédec (manuel d'utilisation, Chessel etDolédec, 1993).
Les structures en classes d'âge fourniront des renseignements complémentaires surl'équilibre des populations de truite. L'analyse de la répartition en classes d'âge doitpermettre de savoir si cette espèce présente des stades critiques ou sensibles auxmodifications du régime hydraulique des différents secteurs. Des histogrammes en classesde taille ont été dessinés pour chaque campagne de pêche sur chaque station en calculantl'effectif relatif de chaque classe de 10 mm en pourcentage de l'effectif total de lapopulation. Les classes d'âge ont pu être identifiées à partir de ces histogrammes.
Sur l'Ance du Nord, les variations d'habitat dans le temps ont été analysées à partird'outils hydrologiques classiques (Oberlin et al., 1989 ; Capra et al., 1994a ; 1994b). Une
Chapitre 1 - Matériels et méthodes
31
confrontation avec les résultats concernant les populations de truite permettra d'apporterdes éléments de réponse sur les effets potentiels des éclusées hydroélectriques.
2.4.2. Invertébrés
Technique d'échantillonnageA chaque campagne, six prélèvements ont été réalisés par station. Les invertébrés
benthiques ont été récoltés à l'aide d'un filet de type Surber, à vide de maille de 250 µm,pour une surface de prélèvement de 0,1 m2. La localisation des prélèvements sur chaquestation échantillonnée a été déterminée en fonction de la diversité des faciès d'écoulement(mouille, plat ou radier/rapide) présents dans la station afin de la représenter au mieux.Cinq prélèvements ont été choisis selon la surface relative de chaque grand type de facièsde la station. Le sixième prélèvement était souvent destiné à représenter les zones debordures marginales ou des zones de dépôt, importantes pour connaître la diversité descommunautés benthiques, bien qu'elles ne représentent souvent que 5 à 10 % de la surfacetotale de la station. Un pourcentage de représentativité a alors été affecté à chacun des sixprélèvements, pourcentage estimé à partir de la surface des faciès et de la répartition desprélèvements.
La distribution des vitesses à différents débits pour chacun des facièséchantillonnés, a pu être obtenue par les calculs réalisés avec la méthode des microhabitats.
DéterminationFixés au formol (à 5%) sur le terrain, les prélèvements ont ensuite été triés et
déterminés au laboratoire à l'aide des ouvrages systématiques de Bertrand (1954), Aubert(1959), Richoux (1982), Mouthon (1982), Lafont (1983), Faessel (1985), et Tachet et al.(1987). La détermination a été effectuée au genre voire à l'espèce dans certaines familles.Les invertébrés de chaque taxon ont été dénombrés, puis pesés après passage deséchantillons à l'étuve à 105 °C pendant 4 heures.
Analyse des résultatsLes résultats globaux (effectifs et biomasses) et les densités pour les taxons ou les
familles, indiqués par station à chaque campagne, sont obtenus en calculant la moyenne
des six prélèvements, pondérés en fonction du pourcentage de représentativité. Cesrésultats sont donc considérés comme représentatifs de la communauté benthique dechaque station à chaque date échantillonnée, et permettent de comparer les stations au seinde chaque rivière en fonction de l'occurence des différents taxons. La diversité de la faunebenthique a été analysée à partir du nombre de taxons prélevés et de l'indice de diversité deShannon (Bournaud et Keck, 1980 ; Barbault, 1992). Cet indice se calcule par la formule[�∑ fi log2(fi)] où fi désigne l'abondance relative du taxon n°i. Cet indice traduit une bonne
Chapitre 1 - Matériels et méthodes
32
diversité benthique lorsqu'il est élevé (nombre de taxons élevé et abondances relativesassez homogènes). Un indice faible indique un petit nombre de taxons, certains étantreprésentés par un grand nombre d'individus. Le milieu est alors plus spécialisé (Bournaudet Keck, 1980). Les différences entre stations ou entre campagnes ont été testées par le testde Kruskall-Wallis, équivalent non paramétrique de l'analyse de variance à un facteur.Lorsque les différences sont significatives au seuil de 5 % (p<0,05), les différences entrestations ou dates prises deux à deux ont été testées par le test U de Mann-Whitney.
Les tableaux contenant les résultats de chaque prélèvement (densité pour chaquetaxon) ont été analysés par analyse multivariée afin de représenter la distribution desinvertébrés entre les stations et campagnes. L'Analyse Factorielle des Correspondances(AFC) est la méthode la plus adaptée à notre échantillonnage (Fenelon, 1981 ; Greenacre,1984 ; Beffy et Dolédec, 1989), pour étudier la composition spécifique des peuplements.Les AFC ont été réalisées à l'aide des programmes ADE (Analyse des Données enEcologie, manuel d'utilisation, Chessel et Dolédec, 1993).
Recherche de facteurs explicatifsAfin d'essayer de comprendre les raisons des différences observées entre les
communautés benthiques des stations, nous avons ensuite exploré plusieurs pistes. Ilsemblait intéressant de savoir si des caractéristiques morphologiques des invertébrés lesrendaient plus ou moins sensibles à un régime d'éclusées. Les caractéristiques testéesconcernent la mobilité ou le mode de fixation des invertébrés, la biomasse individuellemoyenne des taxons et leur mode d'alimentation. Les deux dernières caractéristiques ontété testées uniquement sur la Fontaulière.
mobilité ou le mode de fixation :La capacité d'accrochage ou la mobilité des invertébrés benthiques est-elle en
relation avec leur répartition en conditions d'habitat variables ?Ce facteur a été défini d'après les ouvrages ayant aidé à la détermination et d'après
les compétences de spécialistes (B. Faessel, M.C. Roger et J.G. Wasson). A chaque taxon,un qualificatif a pu être associé en fonction de sa morphologie, parmi les différentescaractéristiques retenues dans la liste déterminée ci-après (Tableau 1.3). Cettecaractéristique morphologique s'est en fait révélée être un point commun pour tous lestaxons d'une même famille, sauf pour les Chironomidae (voir tableau en annexe 1).
Chapitre 1 - Matériels et méthodes
33
Tableau 1.3. : Qualificatifs (et codes) retenuspour décrire la mobilité ou le mode defixation des invertébrés prélevés.Bons nageurs, mobiles, benthiques (B)Bons nageurs, mobiles, pélagiques (G)Hydrodynamiques, capables de se
déplacer dans le courant (H)Peu mobiles, non (ou peu) fixés (P)Vivant dans un filet qu'ils sécrètent (F)Accrochés, capables de s'agripper (A)Fixés en permanence, collés (C)Indéterminés (X)
biomasse individuelle :Kovalak (1978) et Poff et al. (1991) ont montré que la taille des insectes aquatiques
jouait un rôle dans les mouvements de dérive observés lors de changements de débit. Nousavons étudié ici l'influence de la biomasse des invertébrés prélevés. Notre objectif était desavoir si la variabilité des conditions d'habitat avait une influence sur la répartition desinvertébrés en fonction de leur biomasse individuelle moyenne.
L'analyse des biomasses individuelles a été effectuée uniquement sur la Fontaulière.Les biomasses mesurées ont permis d'obtenir une biomasse individuelle par famille. Lesfamilles ont été classées par ordre croissant de biomasse individuelle et ont été réparties en4 classes selon les résultats. La dispersion des taxons sur le plan factoriel des AFC (laclasse de biomasse correspondant à une famille a été affectée à chacun des taxons que cettefamille contenait) a donc pu être examinée en fonction de leur biomasse, en représentantles ellipses centrées sur les barycentres des points appartenant à chaque classe.
fonctionnement trophique :Sur la Fontaulière, nous avons également examiné le groupe trophique des
différents taxons en fonction de leur mode d'alimentation. La détermination des groupestrophiques a été réalisée à l'aide des travaux de Cummins (1974), Merritt et Cummins(1984) et Tachet et al. (1987). Cet aspect a été particulièrement étudié sur la Fontaulièrecar des prélèvements d'épilithon (périphyton accroché sur le substrat) ont été réalisés auxmêmes dates que les prélèvements d'invertébrés. La répartition des groupes trophiques desinvertébrés a donc pu être examinée en même temps que l'étude de la source de nourriture,afin de comparer le fonctionnement trophique des différentes stations.
Chapitre 1 - Matériels et méthodes
34
brosse2
1
tourne-vis électrique
seringuejoint
caillou
3
flacon
entrée d'eau filtrée
2
Figure 1.7. : Dispositif de prélèvement de l'épilithon à la surface descailloux. L'opérateur gratte la surface avec la brosse actionnée par le tourne-vis électrique (étape 1), aspire ensuite dans une seringue les alguesdétachées avec de l'eau (étape 2), puis recueille le prélèvement dans unflacon (étape 3).
Chapitre 1 - Matériels et méthodes
35
2.4.3. Epilithon (Fontaulière)
Le périphyton désigne communément l'ensemble des communautés algales fixéessur un support. La partie du périphyton fixée sur les substrats les plus grossiers (des
cailloux aux blocs) est désignée par le vocable épilithon. C'est cette partie qui a étéprélevée.
L'épilithon a été étudié uniquement sur la Fontaulière, où des prélèvements ontété réalisés aux mêmes époques que les prélèvements d'invertébrés. L'objectif de cesprélèvements était d'expliquer le tapis algal observé lors des visites de terrain dans letronçon soumis à éclusées, particulièrement épais sur la station 3 de la Fontaulière. Ils'agissait également de savoir si le fonctionnement trophique était affecté et si les résultatsobtenus permettaient de comprendre la structure trophique des communautés d'invertébrés.
Technique d'échantillonnageLe matériel de prélèvement (figure 1.7) a été mis au point par Michel Philippe
(Laboratoire d'Hydroécologie Quantitative, CEMAGREF-Lyon). Il est consitué d'une petitebrosse rotative, actionnée par un tournevis électrique, et fixée sur une seringue. Cedispositif permet de gratter la surface des cailloux et de recueillir les algues ainsi détachéesde leur support en les aspirant. La surface de prélèvement est délimitée par un joint étancheen néoprène et mesure 5,31 cm2.
L'épilithon a été prélevé dans les plats et dans les radiers/rapides, pour les troisstations, dans 0 à 30 cm de hauteur d'eau (les faciès de type mouille, trop profonds, n'ontpas été échantillonnés). Dans chacun de ces deux types de faciès, 7 à 12 cailloux sontéchantillonnés au hasard. Pour les trois campagnes de prélèvement, un total de 170prélèvements a été recueilli sur la Fontaulière.
Obtention des résultatsAu laboratoire, les pigments ont été extraits dans un mélange de diméthylsulfoxyde
et d'acétone-90 % (Shoaf et Lium, 1976). La chlorophylle-a active et ses produits dedégradation, les phéopigments, ont été mesurés au spectrophotomètre d'après la méthodede Lorenzen (1967). Le poids sec sans cendres a été déterminé en faisant la différenceentre le poids sec total, obtenu après dessication des prélèvements à 100 °C pendant 1heure, et le poids sec minéral obtenu après passage au four à 550 °C pendant 2 heures.Les paramètres analysés sont les suivants :
- La chlorophylle-a (chla), mesurée en mg.m-2, exprime la biomasse épilithique.- Les phéopigments résultent de la dégradation de cette chlorophylle. Ils sont
mesurés également en mg.m-2, et le pourcentage de phéopigments est obtenu par le calculsuivant : 100 x [phéopigments / (chla+phéopigments)]. Ce pourcentage, lorsqu'il est faible,
Chapitre 1 - Matériels et méthodes
36
témoigne d'une bonne viabilité du peuplement, c'est-à-dire avec une faible part de cellulesmortes ou senescentes (Biggs et Close, 1989).
- Le poids sec sans cendres (Ash Free Dry Mass ou AFDM), mesuré en mg.m-2,exprime la part organique du poids sec total. Cette grandeur prend en compte l'ensemble dela matière organique présente sur les cailloux (algues, hétérotrophes, détritus). - L'indice autotrophique (Weber, 1973) est calculé par la formule AI = AFDM /chla (sans dimension). Cet indice traduit la proportion relative des organismeshétérotrophes et des détritus par rapport aux organismes autotrophes (il devrait donc plutôts'appeler indice d'hétérotrophie).
Analyse des résultatsLes différences entre les stations ou les campagnes ont été testées par l'analyse de
variance à un facteur (ANOVA, test F), après transformation des résultats de chacun des170 prélèvements en log(x+1) pour améliorer l'homoscédasticité (normalité de ladistribution). Si le test F révéle des différences significatives au seuil de 5 %, le test deScheffé est alors employé pour comparer les stations ou campagnes deux à deux. Desrégressions linéaires ont été utilisées pour tester les relations entre chla et AFDM, entrechla et phéopigments, également transformés en log(x+1) et apprécier ainsi l'état de santédu peuplement épilithique.
Prélèvements qualitatifs complémentairesDes prélèvements qualitatifs ont été réalisés sur cinq cailloux par station pour
apprécier l'abondance relative des taxons dominants ou particuliers de la communautéépilithique. Les cailloux ont été grattés au scalpel. Les prélèvements ainsi obtenus ont étéconservés dans du lugol. La plupart des taxons ont été identifiés à l'aide de l'ouvrage deBourelly (1990). Pour la détermination des diatomées, ce sont les travaux de Germain(1980) et de Rumeau et Coste (1988) qui ont été utilisés. L'abondance absolue pour chaquetaxon n'a pas été quantifiée. En revanche, l'abondance relative des principaux taxons a étéappréciée par un classement entre dominant, abondant, peu abondant ou rare.
Chapitre 1 - Matériels et méthodes
37
3. Expérimentations en chenal artificiel
Des expérimentations en chenal artificiel ont été réalisées pour analyser finementles mécanismes comportementaux impliqués dans la réaction du poisson à des variationsde débit. Les hypothèses qui ont guidé ce travail sont issues des résultats in situ exposésdans les deux premières parties d'une part, et d'expérimentations décrites dans la littératured'autre part. Ces hypothèses sont les suivantes : a) les poissons réagissent à des simulationsd'éclusées par des changements de l'utilisation de l'habitat et b) ces changements traduisentune stratégie de recherche de refuges plutôt qu'une dévalaison massive.
Trois séries d'expérimentations ont été réalisées :- une expérimentation sur de jeunes ombres communs âgés de deux mois, avec lacollaboration de P. Gaudin et P. Sempeski du laboratoire d'Ecologie des Eaux Douces etdes Grands Fleuves (URA CNRS 1451) de l'Université Cl. Bernard Lyon I, en juin 1992(Valentin et al., 1994b)- une expérimentation sur des truites fario âgées de huit mois, en novembre 1992 et uneexpérimentation sur des truites fario âgées de deux mois, en mai 1993, avec lacollaboration de E. Beall et M. Heland du laboratoire d'Ecologie des Poissons à l'INRA deSaint Pée sur Nivelle (Pyrénées Occidentales).
Le protocole particulier à chaque expérimentation est détaillé dans la troisièmepartie. Un canevas général commun a été appliqué :- après installation des poissons dans le chenal, un temps suffisamment long a été respectépour que les mouvements de dévalaison post-installation soient stabilisés,- les poissons ont alors été soumis à des variations de débit. Selon les plans d'expérience etla configuration des chenaux utilisés, les mouvements de dévalaison ont été enregistrés etle comportement des individus a été observé afin de connaître la réaction des poissons àces simulations d'éclusées.
Les conclusions de ces expérimentations sont ensuite discutées en fonction de leurapport dans la compréhension des mécanismes entrant en jeu en situation d'éclusées.
PREMIERE PARTIE
L'ANCE DU NORD
CHAPITRE 2 - Echantillonnages, caractéristiques desstations et description du régimehydraulique
CHAPITRE 3 - Etude des peuplements de poissons
CHAPITRE 4 - Habitat pour la truite fario en fonctiondu débit et en fonction du temps
CHAPITRE 5 - Etude des peuplements d'invertébrésbenthiques
CHAPITRE 2
ECHANTILLONNAGES,CARACTERISTIQUES DES STATIONS ET
DESCRIPTION DU REGIME HYDRAULIQUEDE L'ANCE DU NORD
43
Chapitre 2
Echantillonnages, caractéristiques des stationset description du régime hydraulique de l'Ance du Nord
Dans ce chapitre, les campagnes d'échantillonnage réalisées sur l'Ance du Nord sontprésentées. Elles concernent les différents compartiments prélevés ou mesurés selon lesprotocoles et techniques exposés au cours du chapitre 1. Nous proposons ensuite deprésenter rapidement les principales caractéristiques physiques et physico-chimiques desstations d'étude, puis de décrire les variations de débit enregistrées sur les stations 1, 3 et 4de l'Ance du Nord pendant 7,5 mois en 1993 afin de quantifier les variations de débitprovoquées par le fonctionnement en éclusées hydroélectriques.
1. Echantillonnages réalisés sur les stations de l'Ance du Nord
Les recherches sur l'Ance du Nord concernant l'effet des éclusées ont débuté il y aquatre ans (Valentin, 1990b). Les stations 1, 2 et 3 ont été étudiées dès mai 1990. Lastation 4 a été choisie en juillet 1990 afin de compléter l'étude en comparant deuxsituations soumises à éclusées dans deux types morphologiques différents.
1.1. Echantillonnage des peuplements de poissons
Lors de l'étude des peuplements de poissons sur plusieurs années, il est importantde prévoir des campagnes d'échantillonnage à différentes saisons. Trois campagnes
complètes de pêche électrique ont été réalisées respectivement au printemps 1990, à
l'automne 1990 et au printemps 1991 (tableau 2.1).L'échantillonnage de la station 1 était dépendant des conditions de débit naturel
alors que les autres stations ont pu être échantillonnées aux débits de base fixés parl'aménagement (entre les éclusées). Lorsque le débit naturel était supérieur à 2 m3.s-1 (casde la campagne C1), les conditions de pêche sur la station 1 étaient difficiles.
Les quatre stations n'ont pas toujours pu être échantillonnées aux mêmes dates. Lorsde la première campagne, les poissons ont été pêchés en juillet 1990 sur la station 4 enraison du choix tardif de cette station. L'étude comparée des résultats avec les autresstations tiendra compte de ce décalage de deux mois, en particulier pour les très jeunesstades. Il en est de même pour la troisième campagne de pêche électrique : la station de
Chapitre 2 - Echantillonnages, caractéristiques des stations et régime hydraulique - Ance
44
référence amont n'a pas pu être échantillonnée au printemps lors de la campagne prévue enraison du trop fort débit naturel. Il a fallu attendre juillet 1991 pour réaliser cette pêche,alors que les autres stations avaient pu être échantillonnées en avril.
Une campagne avait été prévue à l'automne 1991, mais n'a pas pu être réalisée enraison de fortes eaux. Des campagnes d'automne ont été tentées les années suivantes (C4 etC5), mais n'ont pas été réalisées sur toutes les stations. En septembre 1992, seule la station3 a été pêchée (campagne C4). La cinquième campagne est également partielle. Lesrésultats de ces pêches seront conservés comme compléments ponctuels.
Tableau 2.1. : Dates des campagnes (Ci) de pêches électriques effectuéessur chaque station de l'Ance.Campagne Stations
S1 S2 S3 S4C1 Mai-90 * Mai-90 Mai-90 Juil-90C2 Sept-90 Sept-90 Sept-90 Sept-90C3 Juil-91 Avr-91 Avr-91 Avr-91C4 - - Sept-92 -C5 Sept-93 - - Sept-93
* débit naturel élevé (3,1 m3.s-1), conditions de pêche difficiles
1.2. Echantillonnage des peuplements d'invertébrés
Les invertébrés ont été prélevés sur l'Ance à trois saisons différentes (tableau 2.2),au printemps 1990 (D1), en hiver 1990 (D2) et en automne 1991 (D3). La troisièmecampagne a eu lieu après un étiage prolongé de trois mois sans éclusées, tandis que lesdeux premières ont été réalisées après une période d'éclusées régulières (1, 2 ou 3 par jour).Nous avons obtenu cette information à partir des enregistrements du fonctionnement del'usine auprès d'EDF.
Les invertébrés benthiques n'ont pas été échantillonnés sur la station 4 lors de lapremière campagne. En effet, il n'aurait pas été pertinent de comparer la communautébenthique de la station 4 échantillonnée en juillet avec les communautés des autres stationséchantillonnées en mai car le cycle de développement de la plupart de ces organismes esttrès court.
Chapitre 2 - Echantillonnages, caractéristiques des stations et régime hydraulique - Ance
45
Tableau 2.2. : Dates des campagnes (Di) de prélèvements d'invertébréseffectuées sur chaque station de l'Ance.Campagne Stations
S1 S2 S3 S4D1 Juin-90 Juin-90 Juin-90 -D2 Jan-91 Jan-91 Jan-91 Jan-91D3 Oct-91 Oct-91 Oct-91 Oct-91
1.3. Mesures physiques pour la mise en œuvre de la méthode des microhabitats
La campagne de mesures physiques nécessaires à l'application de la méthode desmicrohabitats a été réalisée à la même époque que la première campagne de pêcheélectrique sur chaque station. Le débit observé lors de ces mesures correspond au débitréservé sur la station 2 (0,12 m3.s-1), au débit plancher sur les stations 3 et 4(respectivement 0,8 et 1 m3.s-1) et au débit naturel sur la station 1 (2,7 m3.s-1).
Le modèle hydraulique a permis de reconstituer les hauteurs et vitesses ponctuellesjusqu'au débit maximum d'éclusées, sauf pour la station 3 où les limites du modèlehydraulique ont été atteintes à 9 m3.s-1. Du côté des débits faibles, la modélisationhydraulique a pu être réalisée jusqu'à 0,1 m3.s-1, à l'exception de la station 1 pour laquellele modèle n'a pas pu être appliqué en dessous de 0,5 m3.s-1 du fait du débit observé plusélevé (Pouilly et Valentin, 1994).
1.4. Mesures physico-chimiques
Les paramètres physico-chimiques ont été mesurés lors de trois campagnes réaliséesen mai 1990 (stations 1, 2 et 3), juillet 1990 (station 4), février 1991 et avril 1991.
1.5. Enregistrements des débits sur les stations 1, 3 et 4
Des enregistrements de débit en continu et au pas de temps variable ont été réaliséssur les stations 1, 3 et 4. Les enregistrements portent sur une période de 7,5 mois(du 7 janvier au 25 août 1993). Ils ne constituent pas un historique des variations de débitprécédant les différentes campagnes d'échantillonnages biologiques. Ils permettentcependant d'analyser finement les variations temporelles du débit et de l'habitat (variationsde SPU) sur les stations d'étude.
Chapitre 2 - Echantillonnages, caractéristiques des stations et régime hydraulique - Ance
46
Tableau 2.3. : Caractéristiques physiques et chimiques des quatre stations d'étude del'Ance.
Caractéristiques StationsS1 S2 S3 S4
Régime hydraulique (m3.s-1) naturel débit réservé(0,12)
débit de base- éclusées(0,8 - 12)
débit de base- éclusées(1 - 12)
Module (m3.s-1) 4,5 4,5 4,5 5Surface du bassin versant (km2) 331 385 420 522
Distance à la source (km) 40 51 58 66Altitude (m) 730 545 485 450Pente (o/oo) 6,1 3,7 8,5 6,1
Largeur (m) à 0,5 m3.s-1(étiage)et à 12 m3.s-1
1016
1017
1116
1128
Longueur (m) 213 109 155 105
Faciès (o/o de la longueur) :plat 16 21 23 52
radier-rapide 39 40 58 48 *mouille 45 39 19 0
Granulométrie (o/o) :sable et graviers (< 16 mm) 13 16 15 19
cailloux (16 à 256 mm) 45 32 68 69blocs et rochers (>256 mm) 42 52 17 12
Qualité physico-chimique(moyenne ± SD) :
Conductivité (µS.cm-1) 55 ± 0 78 ± 11 65 ± 10 68 ± 8
pH 6,9 ± 0,4 7,4 ± 0,2 7,1 ± 0,5 7,3 ± 0,2
N minéral total (mg.l-1) 0,693±0,107 0,917±0,862 0,941±0,454 0,956±0,449
P.PO4 (mg.l-1) 0,051±0,044 0,047±0,032 0,044±0,036 0,033±0,020
Ca2+ + Mg2+ (mg.l-1) 6 ± 1 10 ± 2 7 ± 1 7 ± 2
* répartis en 20 % de radier et 28 % de chenal lotique
Chapitre 2 - Echantillonnages, caractéristiques des stations et régime hydraulique - Ance
47
2. Caractéristiques des stations
Les caractéristiques générales des stations de l'Ance du Nord sont regroupées dansle tableau 2.3. Elles sont issues des connaissances sur le fonctionnement du site (voirchapitre 1), de la description physique réalisée lors de la mise en �uvre de la méthode desmicrohabitats, et des mesures des paramètres physico-chimiques.
Comme annoncé dans le chapitre 1, on note que la morphologie générale desstations 1, 2 et 3 est comparable, tandis que la station 4 se distingue par une morphologieplus large lorsque le débit augmente, et par une succession de faciès différente.
La mesure de la granulométrie, issue de la description du substrat réalisée lors de lacampagne de mesures nécessaire à la méthode des microhabitats, permet de constater queles stations de l'Ance comportent un agencement équilibré d'éléments grossiers etd'éléments plus fins.
Chaque valeur des paramètres physico-chimiques mesurés (tableau 2.3) correspondà la classe 2 ou 3 d'après les grilles de classement proposées par Nisbet et Verneaux(1970), caractéristiques d'eaux relativement peu productives, non polluées, peuminéralisées.
Chapitre 2 - Echantillonnages, caractéristiques des stations et régime hydraulique - Ance
48
Figure 2.1. : Régime naturel sur la station 1 et régime d'éclusées sur la station 3, enregistrésdu 7 janvier au 25 août 1993 sur l'Ance du Nord.
Déb
it (
m3 .
s-1 )
0
4
8
12
16
20Station 3
Station 1
3 mai 4 mai 5 mai 6 mai 7 mai 8 mai 9 mai
Figure 2.2. : Régime naturel sur la station 1 et régime d'éclusées sur la station 3, pendantune semaine, du 3 au 9 mai 1993 sur l'Ance du Nord.
Chapitre 2 - Echantillonnages, caractéristiques des stations et régime hydraulique - Ance
49
3. Description physique des éclusées de l'Ance du Nord
La description des éclusées proposée ici a été effectuée à partir des enregistrementsréalisés en continu pendant 7,5 mois en 1993.
3.1. Les débits
3.1.1. Hydrogrammes
Les hydrogrammes (figure 2.1) montrent que l'évolution des débits sur la station 1est naturelle, à l'exception de quelques variations artificielles provoquées par une petitemicrocentrale. En effet, bien que cette microcentrale fonctionne en principe au fil de l'eau,des variations peuvent se produire. La période où ces variations sont plus importantes estassez courte (1 mois environ, début 1993, figure 2.1). Elles restent cependant sanscomparaison avec les fortes éclusées du secteur aval.
L'hydrogramme de la station 3 montre les très fortes fluctuations de ce secteur. Leséclusées à 8 et à 12 m3.s-1 sont bien identifiées. Les fluctuations du régime naturel sontvisibles sur la station 3 seulement en période de fortes eaux. Le débit naturel est presqueentièrement transformé en éclusées. Notons que durant la période étudiée, le débit natureln'excède pas la capacité de l'usine (12 m3.s-1). Il ne diminue pas non plus en dessous de0,8 m3.s-1. Le débit entrant dans le barrage de Passouïra est donc stocké puis relâché paréclusées, pratiquement sans interruption. La forme des éclusées est assez régulière sur lastation 3 pendant la semaine détaillée en figure 2.2, avec des augmentations rapides dudébit jusqu'à 12 m3.s-1 et des diminutions légèrement plus progressives. Le débit passe de0,8 à 12 m3.s-1 en moins de 20 minutes et redescend ensuite au débit plancher en 2 heuresenviron. Lorsqu'un apport naturel, même inférieur à 12 m3.s-1, entraîne une nouvelleéclusée immédiatement après la précédente, il se peut que la nouvelle augmentation dedébit s'ajoute au débit de l'éclusée précédente encore en phase de descente dans la station(exemple du 9 mai 1993, figure 2.2), ce qui explique le palier à 16 m3.s-1 observé surl'hydrogramme de la station 3 (figure 2.1). Ce phénomène est encore plus accentué sur lastation 4 (figure 2.3), en raison d'une plus grande distance ; l'amortissement des écluséessur cette station aval se traduit par :- des variations légèrement moins rapides avec des montées et descentes plus progressives(respectivement 1/2 à 1 heure et 2 à 3 heures)- des amplitudes atténuées du fait d'une diminution des débits de pointe d'une part, et durehaussement du débit plancher par l'Andrable d'autre part.La distance entre les stations 3 et 4 entraîne de plus un décalage du passage de l'écluséedans le temps de 2 à 3 heures.
Chapitre 2 - Echantillonnages, caractéristiques des stations et régime hydraulique - Ance
50
Temps (heures)
0
4
8
12
16
0 6 12 18 24
Station 3Station 4
Déb
it (
m3 .
s-1 )
Figure 2.3. : Détail d'une journée d'éclusées, le 8 mai 1993,sur les stations 3 et 4 de l'Ance du Nord.
Durées cumulées (%)
0
4
8
12
16
20
24
0 20 40 60 80 100
Station 1
Station 3
Station 4
débit plancher sur S3 (55 % du temps)
Déb
it (
m3 .
s-1 )
Figure 2.4. : Débits classés sur la période de 7,5 mois d'enregistrement sur l'Ance du Nord.
Chapitre 2 - Echantillonnages, caractéristiques des stations et régime hydraulique - Ance
51
3.1.2. Débits classés
Les courbes de débit classés expriment le temps global de seuils dépassés en tempscumulés dans la période considérée.
Sur la courbe des débits classés (figure 2.4.), les différences entre régime naturel etartificiel s'expliquent par le fait que les éclusées entraînent des lâchers d'eau à fort débit,augmentant la fréquence de ces derniers et diminuant la fréquence des débits moyens àfaibles par rapport au régime naturel. Sur la courbe de la station 3, les paliers desdifférentes éclusées à 5, 8, 12 et même 16 m3.s-1 s'individualisent (un débit d'écluséesarrive plus souvent qu'un autre). Le premier niveau d'éclusées (5 m3.s-1) est atteint oudépassé environ 25 % du temps. Le débit est supérieur à 12 m3.s-1 pendant 8 % du temps.
La valeur minimale du débit de base (0,8 m3.s-1) est atteinte ou dépassée 98 % dutemps. Le plateau de débit stable et faible correspond à des débits inférieurs à 1,5 m3.s-1.Ce débit de base a lieu environ 55 % du temps et représente donc les conditions les plusfréquentes (55 % du temps, le débit est inférieur à 1,5 m3.s-1).
Sur la station 4, les débits d'éclusées et le débit plancher ne s'illustrent pas par despaliers aussi nets ; ils sont en effet moins constants du fait de l'apport variable del'Andrable. Le débit reste cependant inférieur à 3,5 m3.s-1 pendant environ la moitié dutemps (46 %).
3.1.3. Gradients de débit
Les variations du débit ne sont pas illustrées par les courbes précédentes quidonnent une information temporelle globale sous forme de seuils. Pour mesurer le tempspendant lequel les débits sont variables et l'amplitude de ces variations, les gradients dedébits (∆Q/∆t) ont été calculés. Ces gradients (variations exprimées par minute, figure 2.5.)montrent que la station 3 a des augmentations de débit très rapides (jusqu'à 500 l.s-1 parminute), beaucoup plus rapides que sur la station 4 (jusqu'à 300 l.s-1 par minute) alors queles diminutions de débit (jusqu'à de 100 l/s par minute) sont du même ordre de grandeursur les deux stations.
Le temps total pendant lequel le débit ne varie pas est évidemment plus élevé sur lastation de référence ; il peut être mesuré à l'aide de ce graphique. En considérant que 10 l.s-1 par minute est une très petite variation de débit, ce temps représente 88, 56 et 49 % de lapériode étudiée, respectivement pour les stations 1, 3 et 4 (temps total pendant lequel -10 ≤∆Q/∆t < 10 l.s-1 par minute, tableau 2.4). Le temps pendant lequel le débit varie est répartientre les augmentations et les diminutions. Sur les stations soumises à éclusées, lesdiminutions de débit sont plus fréquentes (mais moins importantes) que les augmentationsde débit, le débit met en effet plus de temps à revenir au débit de base qu'à atteindre ledébit d'éclusées. Le léger amortissement entre les stations 3 et 4 dû à la distance et àl'Andrable se traduit par des différences sur les durées de diminution du débit.
Chapitre 2 - Echantillonnages, caractéristiques des stations et régime hydraulique - Ance
52
0 10 20 300
100
200
300
400
500
Station 1
Station 3
Station 4
DIMINUTIONS
AUGMENTATIONS
durée (%)500
400
300
200
100
00 10 20 30 40 50 durée (%)
²Q /
²t (
l.s-1
par
min
ute
)²Q
/ ²t
(l.s
-1 p
ar m
inu
te)
Figure 2.5. : Gradients de débit obtenus lors desaugmentations et des diminutions du débit à partir deschroniques de 7,5 mois enregistrées pour les stations 1, 3 et 4de l'Ance du Nord.
Chapitre 2 - Echantillonnages, caractéristiques des stations et régime hydraulique - Ance
53
Tableau 2.4. : Durées cumulées (en % du temps sur la période étudiée de 7,5 mois) pendantlesquelles le débit (1) augmente (variations supérieures à 10 l.s-1 par minute), (2) est stable(pas de variation), (3) diminue (variations inférieures à - 10 l.s-1 par minute).
Durée cumulée (en % du temps) pendant laquelle :STATION (1)
∆Q/∆t ≥ 10(2)
-10 ≤ ∆Q/∆t < 10(3)
∆Q/∆t <-10S1 6,1 88,4 5,5S3 12,2 55,7 32,1S4 12,9 48,6 38,5
3.1.4. Conclusion
L'étude des chronologies de débit enregistrées à l'amont et à l'aval de l'usine apermis de caractériser le mode de gestion de l'ouvrage et son influence sur le régimehydrologique des zones aval, en comparaison avec le régime naturel : amplitude etfréquence des fluctuations, rapidité de changement des conditions d'écoulement en fonctionde la distance à la restitution, fréquence d'apparition des différents niveaux de débit(éclusées, débits de base). Ces approches rendent compte de la dimension temporelle desvariations à un pas de temps très fin, sur des périodes plus ou moins longues.
Chapitre 2 - Echantillonnages, caractéristiques des stations et régime hydraulique - Ance
54
Forces tractrices (classes)
00,20,40,60,8
1
0 2 4 6 8 10 12 14 16 18 20
Hauteur d'eau (cm)
00,20,40,60,8
1
0 20 40 60 80 100 120Vitesse (cm/s)
00,20,40,60,8
1
0 40 80 120 160 200
0,8 m3/s 5 m3/s 12 m3/s
Station 4 Station 4
Station 4
Forces tractrices (classes)
00,20,40,60,8
1
0 2 4 6 8 10 12 14 16 18 20
Hauteur d'eau (cm)
00,20,40,60,8
1
0 20 40 60 80 100 120Vitesse (cm/s)
00,20,40,60,8
1
0 40 80 120 160 200
0,8 m3/s 5 m3/s 8 m3/s
Station 3 Station 3
Station 3
(modélisation à 12 m3/s impossible sur la station 3)
Figure 2.6. : Fréquences cumulées de variables physiques (hauteur, vitesse moyenne dansla colonne d'eau, force tractrice), calculées par le modèle hydraulique, à trois débits, sur lastation 3 et sur la station 4 de l'Ance du Nord (d'après Valentin et al., 1994d).NB : Les forces tractrices calculées par le modèle hydraulique à partir des pertes de charge linéaires ont étéregroupées en classes d'après la méthode des hémisphères (Statzner & Müller, 1989). La correspondanceentre les numéros des classes et la force exprimée en dyn.cm-2 est exposée par Statzner et al. (1991).
Chapitre 2 - Echantillonnages, caractéristiques des stations et régime hydraulique - Ance
55
3.2. Variations des variables physiques - exemples
Les variations de débit influencent considérablement les distributions des variablesphysiques (Valentin et al., 1994a). A titre d'exemple, trois variables physiques ont étéretenues pour montrer l'amplitude de ces variations (figure 2.6.) : la hauteur, la vitesse et laforce tractrice (traduisant les conditions au fond, voir chapitre 1, § 2.3.2), calculées par lemodèle hydraulique de la méthode des microhabitats. Pour la station 4, les distributionsreprésentées à débit plancher et à deux niveaux d'éclusées (5 et 12 m3.s-1) ont étérespectivement obtenues à partir de 135, 162 et 173 points. Pour la station 3, nous avonsreprésenté les distributions pour les mêmes variables à débit plancher, à 5 et à 8 m3.s-1, àpartir de 197, 236 et 241 points respectivement.
Les résultats montrent que ces variables changent beaucoup lors des éclusées. Dès
le premier niveau d'éclusées (5 m3.s-1), les valeurs faibles pour chacune des trois
variables deviennent peu fréquentes. Les changements entre 5 et 12 m3.s-1 sur la station4 et entre 5 et 8 m3.s-1 sur la station 3 semblent relativement plus modérés.
Ces exemples sont donnés ici à titre indicatif pour illustrer l'amplitude desvariations physiques. D'autres résultats issus de la modélisation hydraulique seront utilisésdans les chapitres suivants pour répondre à des questions précises.
CHAPITRE 3
ETUDE DES PEUPLEMENTS DE POISSONSDE L'ANCE DU NORD
59
Chapitre 3
Etude des peuplements de poissons de l'Ance du Nord
Les résultats des pêches électriques ont permis d'obtenir une image des peuplements
de poissons dans les différentes stations, à plusieurs dates. La composition spécifique des
peuplements est tout d'abord examinée. La structure des populations de truite est ensuite
analysée.
1. Description des peuplements de l'Ance du Nord
1.1. Composition des peuplements
Le peuplement piscicole de l'Ance du Nord est plurispécifique, dominé par la truite
fario. L'ombre commun ajoute une valeur patrimoniale à ce site. Sept à dix espèces ont été
recensées selon les stations et les campagnes (tableau 3.1 et figure 3.1). Une AFC a été
réalisée sur les effectifs de ce tableau afin d'illustrer les différences dans la composition
spécifique des peuplements entre les stations. Le plan de l'analyse est présenté à la figure
3.2, avec la représentation des ellipses d'inertie correspondant à chaque station.
- La station 1 est différente des trois autres (ellipse de dispersion nettement
distincte). Trois espèces la caractérisent plus particulièrement :
• la lamproie de Planer, toujours plus abondante que dans les autres stations (figure 3.1).
Pour cette espèce, l'estimation est très peu fiable à la première campagne (p<0,1, tableau
3.1) et vraisemblablement beaucoup trop élevée. Cependant, la somme des effectifs des
deux passages dépasse les effectifs relevés par ailleurs dans les autres stations (Valentin etal., 1994a).
• le chabot, plus abondant également dans cette station (figure 3.1)
• l'ombre commun, dans une moindre mesure (figures 3.1 et 3.2).
Lors de la première campagne (C1, mai 1990), l'ombre commun est peu abondant. Cet
effectif est cependant probablement sous-estimé en raison d'un débit relativement élevé
(3,1 m3.s-1) rendant les conditions de pêche assez difficiles, d'autant plus pour cette espèce
dont la capture est assez délicate.
Le chevaine est rare, et le barbeau et le spirlin sont absents de la station 1.
Chapitre 3 - Peuplements de poissons - Ance
60
chabot
0
100
200
300
400
500
S1 S2 S3 S4
truite fario
020406080
100120140
S1 S2 S3 S4
loche franche
0
500
1000
1500
2000
2500
S1 S2 S3 S4
953vairon
0
50
100
150
200
250
300
S1 S2 S3 S4
2660chevaine
0
10
20
30
40
50
60
S1 S2 S3 S4
lamproie
0
20
40
60
80
S1 S2 S3 S4
goujon
0
100
200
300
400
S1 S2 S3 S4
ombre commun
0
10
20
30
40
50
60
S1 S2 S3 S4
C1 C2 C3
code campagne
Eff
ecti
fs e
stim
és (
Car
le e
t S
tru
b),
en
nom
bre
d'i
nd
ivid
us
par
100
m
Stations
☞
☞ ☞
☞
☞effectif très peu fiable
(probabilité de capture < 0,1)
Figure 3.1. : Représentation graphique des effectifs estimés par la méthode de Carle etStrub figurant au tableau 3.1, pour les trois campagnes de pêche communes aux quatrestations (S1, S2, S3 et S4) de l'Ance du Nord. La date des campagnes peut être lue autableau 3.1. Deux espèces ne sont pas représentées : le barbeau (présent seulement dans lastation 4) et le spirlin (seulement dans S3 et S4, et peu abondant).
Chapitre 3 - Peuplements de poissons - Ance
61
Les trois stations influencées 2, 3 et 4 présentent des tendances inverses : peu de
lamproie, moins de chabot et peu d'ombre commun (sauf sur la station 4). Des
différences entre ces stations portent cependant sur certaines espèces.
- Dans la station 2, le chevaine, le vairon et le goujon sont toujours abondants
(tableau 3.1 et figure 3.1) et caractérisent le peuplement de cette station. Le chabot est rare
et l'ombre commun n'a jamais été pêché lors des différentes campagnes. La truite fario est
toujours moins abondante que dans les autres stations. L'ombre commun est absent de cette
station.
- La station 3 occupe une position centrale dans le plan de l'AFC (figure 3.2).
Aucune espèce ne domine nettement le peuplement. L'ombre commun est très peu
abondant (quelques individus seulement).
- Dans la station 4, la loche est particulièrement abondante (tableau 3.1 et figure
3.1). Le barbeau est présent uniquement dans cette station. Les points correspondant à la
station 4 dans le plan F1 / F2 de l'AFC (figure 3.2) sont très dispersés. Cette dispersion est
principalement liée à des effectifs estimés par la méthode de Carle et Strub peu fiables et
élevés (probabilités de capture très faibles, tableau 3.1). C'est en effet le cas pour le
chevaine, le vairon et le barbeau à la campagne C2 (et pour le vairon à la campagne C5).
L'ombre commun est relativement abondant lors des campagnes C1 (juillet 1990) et C2
(septembre 1990). L'examen des biomasses (tableau 3.1) et des histogrammes en classes de
taille des individus pêchés (figure 3.3) montrent qu'il s'agit d'individus plus jeunes que sur
la station 1, presque tous de la même taille, avec très peu d'adultes. De plus, aucun ombre
n'a été capturé sur la station 4 lors de la campagne C3 (avril 1991) alors qu'il est bien
représenté à la station 1. Nous pouvons en conclure que les individus pêchés à la station 4
proviennent d'un réempoissonnement en jeunes ombres qui a eu lieu avant les
campagnes C1 et C2. Pour la première campagne, le garde pêche du Conseil Supérieur de
la Pêche (M. Brunon) nous a confirmé qu'un déversement de 1000 jeunes ombres a été
effectué environ une semaine avant la pêche dans le secteur de la station 4.
Chapitre 3 - Peuplements de poissons - Ance
62
Tableau 3.1. : Résultats des pêches électriques réalisées sur l'Ance du Nord lors de chacunedes cinq campagnes (C1 à C5). Les effectifs (N) et biomasses (B, en grammes) ont étéestimés par la méthode de Carle et Strub (pour l'explication de la méthode et les codes desespèces, voir chapitre 1, § 2.4.1) et ont été ramenés à 100 mètres de linéaire pour chaquestation (S1, S2, S3 et S4). IC représente l'intervalle de confiance de l'effectif à 95 % et p estla probabilité de capture (en italique figurent les résultats considérés comme très peu fiables (p<0,1)).
Chapitre 3 - Peuplements de poissons - Ance
63
1.5-1.5-2
1
S1C1
S2C1 S3C1
S4C1
S1C2
S2C2
S3C2
S4C2
S1C3
S2C3 S3C3
S4C3
S3C4
S1C5
S4C5
36,728,4
15,613,2
Graphe des valeurs propres et % d'inertie correspondant
BAF
CHA
CHE
GOU
LOF
LPP
OBRSPI
TRF
VAI
F1 (36,7 %)
F2 (28,4 %)
S4
S3S2
S1
F1 (36,7 %)
F2 (28,4 %)
1.5-1.5-2
1
S1
S2S3
S4
ELLIPSES D'INERTIE A 90 % DES STATIONS
CARTE FACTORIELLE DES ESPECES, AVEC PROJECTION DES ELLIPSES D'INERTIE DES STATIONS
(a)
(b)
Sicentre de l'ellipse correspondant à la station n°i
Figure 3.2. : Cartes factorielles issues de l'AFC réalisée sur les effectifs estimés par laméthode de Carle et Strub (figurant au tableau 3.1), pour toutes les stations (Si) à toutes lescampagnes (Cj) de l'Ance du Nord. Représentation du plan factoriel F1 / F2 - (a) avec lesellipses d'inertie pour les stations et les points SiCj - (b) avec la position des espèces.
Chapitre 3 - Peuplements de poissons - Ance
64
0 100
200
3000 100
200
300
02468
10
0 100
200
300 0 100
200
300
0 100
200
3000
2468
10
02468
10
02468
10
02468
1033Station 1 - campagne C1 Station 4 - campagne C1
Station 4 - campagne C2Station 1 - campagne C2
Station 1 - campagne C3 Station 4 - campagne C3
aucun ombre commun capturé
taille (mm)ef
fect
ifs
ram
enés
à 1
00 m
(mai 90) (juillet 90)
(septembre 90) (septembre 90)
(juillet 91) (avril 91)
conditions de pêche difficiles
Figure 3.3. : Histogrammes en classes de taille (en mm) pour l'ombre commun, résultatsdes deux passages de pêche électriques ramenés à 100 mètres de station, sur les stations 1et 4 de l'Ance du Nord lors des trois premières campagnes.
1.2. Discussion - conclusion
La station 2, soumise au débit réservé constant et faible, est caractérisée par des
espèces plus lénitophiles que les autres stations.
Sur la station 4 située plus en aval, la présence de barbeau et de spirlin s'explique
par un effet de zonation longitudinale. La station 4 semble en effet se rapprocher du type
B5 (métarhithron) de la classification de Verneaux (1981), tandis que les autres stations
correspondraient plutôt au type B4 (mésorhithron). Le type B5 de Verneaux (1981)
représente une transition entre la zone à ombre et la zone à barbeau dans la classification de
Huet (1949).
Chapitre 3 - Peuplements de poissons - Ance
65
La loche est également plus abondante dans les zones de type B5, mais la forte
abondance de cette espèce dans la station 4 pourrait s'expliquer par d'autres facteurs :
- la morphologie plus large pourrait lui être favorable (plus faibles hauteurs d'eau)
- une pollution organique légère (car non détectée par les analyses physico-chimiques)
pourrait être liée au rejet de la station d'épuration de Beauzac situé juste en amont et
pourrait favoriser la loche.
La truite fario est toujours moins abondante dans la station 2. Sur le plan de l'AFC
(figure 3.2), cette espèce a une position centrale, montrant qu'elle ne contribue pas
beaucoup à la différenciation des stations en composition globale des peuplements. La
structure des populations de truite entre les différentes classes d'âge doit cependant être
examinée afin de savoir si la structure est équilibrée (voir plus loin).
GLOBALEMENT, TROIS ESPECES APPARAISSENT PLUS SENSIBLES AUX
ECLUSEES
1 - La lamproie de Planer est une espèce inféodée aux bordures de sable. C'est là que tous
les individus ont été capturés. Les éclusées sont probablement défavorables à cette espèce
car elles provoquent de fortes variations de hauteur d'eau et de vitesse dans ces zones.
D'après les observations, la proportion globale d'éléments fins dans le substrat n'est pas
plus faible qu'en amont (voir tableau 2.3 au chapitre 2), mais les zones de bordure
deviennent des zones de marnage.
2 - L'ombre commun est plus rare dans les stations aval (sauf en cas de
réempoissonnement).
3 - Le chabot est une espèce benthique, peu mobile, très dépendante de la granulométrie
(Horton, 1994). Lorsque les conditions de vitesse du courant changent rapidement, cette
espèce n'est peut-être pas capable de se déplacer rapidement vers un refuge. Le chabot au
stade juvénile vit dans les zones de bordure, peu profondes. Les éclusées pourraient être
défavorables au chabot pour ces raisons (Horton, 1994).
Pour vérifier cette hypothèse, nous avons calculé le pourcentage de jeunes chabots
de taille inférieure à 60 mm dans les stations 1, 3 et 4 (tableau 3.2). Un test de Kruskall et
Wallis a montré une différence globale significative de la proportion de juvéniles entre les
stations (p<0,05). La station 3 contient toujours une proportion inférieure de jeunes
chabots par rapport aux deux autres stations (Tests de Mann-Whitney, p<0,05). Cet
effet peut être attribué aux éclusées puisque la station 1, morphologiquement semblable à
la station 3, accueille une proportion de jeunes toujours supérieure à 20 %. En revanche,
l'abondance relative des jeunes chabots n'est pas significativement différente entre les
stations 1 et 4 (Test de Mann Whitney, p=0,13). Sur cette station à morphologie plus large,
Chapitre 3 - Peuplements de poissons - Ance
66
l'abondance plus faible de chabot n'est pas accompagnée d'une diminution de la proportion
de juvéniles par rapport à la station de référence.
Le chabot est moins abondant dans le secteur soumis à éclusées.
Lorsque la morphologie est encaissée, le régime d'éclusées entraîne en plus une diminution
de la proportion de jeunes chabots.
Tableau 3.2. : Proportion de jeunes chabots, enpourcentage de l'effectif total pêché à chaquecampagne dans les stations 1, 3 et 4 de l'Ance duNord.Campagne Station Jeunes chabots (%)
S1 20,3C1 S3 0,0
S4 37,5
S1 42,1C2 S3 17,4
S4 42,4
S1 28,8C3 S3 7,4
S4 44,4
C4 S3 2,6
C5 S1 48,8S4 26,6
conclusionSur l'Ance du Nord, les différences globales entre les peuplements piscicoles des
différentes stations montrent donc des effets plus ou moins marqués selon le régime
hydraulique imposé :
1.
L'effet du débit réservé est net, avec un peuplement lénitophile
(chevaine, vairon, goujon) composé de moins de truites
que dans les autres stations, et aucun ombre commun.
2.
L'effet des éclusées est moins marqué. Il se traduit globalement
sur trois espèces qui semblent plus sensibles :
la lamproie de Planer, le chabot et l'ombre commun, moins abondants.
Chapitre 3 - Peuplements de poissons - Ance
67
2. Structure des populations de truite
2.1. Résultats
La structure des populations de truite est illustrée par les histogrammes en classes
de taille présentés à la figure 3.4 (a et b). Les classes d'âge sont identifiables sur les
histogrammes assez facilement en fonction de leur allure générale. On peut ainsi identifier
les cohortes 0+ et 1+ (*). Ces histogrammes, construits à partir des pourcentages dans
chaque classe de taille, permettent de juger de l'équilibre relatif enre les différentes classes
d'âge. Les limites de taille pour les différentes classes d'âge varient entre les campagnes,
mais peuvent en principe être extrapolées d'une station à l'autre au sein d'une même
campagne.
La structure de la population de truite sur la station 2 est nettement moins équilibrée
que sur les autres stations (figure 3.4). Les abondances sont faibles pour toutes les classes
d'âge, ce qui donne une allure assez imprécise des différentes cohortes.
Sur les autres stations (figure 3.4), les histogrammes sont assez bien équilibrés entre
les différentes classes d'âge, sauf sur la station 3 où les effectifs de la cohorte des 0+
semblent particulièrement faibles lors des deux campagnes C1 (mai 1990) et C3 (avril
1991). Pour la campagne C1, la comparaison n'est faite qu'avec la station 1 car la station 4
a été échantillonnée en juillet 1990 et comporte donc des individus 0+ plus grands. Lors de
la campagne 3, les jeunes de l'année sont moins nombreux dans la station 3 par rapport à la
station 4. Cette dernière comporte une cohorte de 0+ plus abondante et comparable à celle
de la station 1 échantillonnée pourtant deux mois plus tard (juillet 1991).
Les résultats montrent donc un manque de jeunes 0+ au printemps sur la station
3. Ce manque ne se retrouve donc pas lors de l'unique campagne de printemps réalisée sur
la station 4 (C3, avril 1991).
________________________(*) L'âge des truites est compté à partir de l'émergence des graviers qui a lieu au début du printemps,généralement à partir de la mi-mars. Les œufs sont pondus par les géniteurs adultes à la fin de l'automne lorsde la fraie, et les jeunes alevins sortent des graviers (émergence) après incubation et éclosion au sein desfrayères. La cohorte 0+ correspond aux poissons âgés de moins de 1 an (jeunes de l'année). Les cohortes 1+et 2+ corespondent respectivement aux poissons âgés de moins de 2 ans (et plus de 1 an, soit 1+) et de moinsde 3 ans (2+). Les poissons plus âgés sont alors parfois désignés comme supérieurs à 2+ (c'est-à-dire âgés deplus de 3 ans).Le stade alevin désigne les 0+ les plus jeunes. A partir de l'été de la première année jusqu'à la maturitésexuelle, les truites sont au stade juvénile. Ensuite, elles sont considérées comme adultes. La maturitésexuelle est le plus souvent atteinte à l'automne chez les individus 2+, ou chez des individus plus précoces dela cohorte 1+.
Chapitre 3 - Peuplements de poissons - Ance
68
0
10
20
30
0
100
200
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Station 1 - campagne C1
Station 1 - campagne C2
Station 1 - campagne C3
(mai 90)
(septembre 90)
(juillet 91)
Station 1 - campagne C5(septembre 93)
Station 2 - campagne C1
Station 2 - campagne C2
Station 2 - campagne C3
(mai 90)
(septembre 90)
(avril 91)
0+
0+
0+
0+
0+
0+
0+ ?
1+
1+
1+
1+1+
1+
1+
taille (mm)
effectifs (%)
Figure 3.4.a. : Structures des populations de truite pour les stations 1 et 2 de l'Ance duNord. Histogrammes en classes de taille (en mm) pour la truite fario, et indication desclasses d'âge 0+ et 1+. Pour chaque station et à chaque campagne, l'effectif de chaqueclasse de taille est représenté en pourcentage de l'effectif total capturé.
Chapitre 3 - Peuplements de poissons - Ance
69
0
10
20
30
0
100
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300
0
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Station 3 - campagne C1
Station 3 - campagne C2
Station 3 - campagne C3
(mai 90)
(septembre 90)
(avril 91)
Station 3 - campagne C4(septembre 92)
0
10
20
30
0
100
200
300
0
10
20
30
0
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100
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300
0
10
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30
0
100
200
300
Station 4 - campagne C1
Station 4 - campagne C2
Station 4 - campagne C3
(juillet 90)
(septembre 90)
(avril 91)
Station 4 - campagne C5(septembre 93)
0+
0+
0+
0+
0+
0+
0+0+
1+
1+1+
1+
1+
1+
1+
1+taille (mm)
effectifs (%)
Figure 3.4.b. : Structures des populations de truite pour les stations 3 et 4 de l'Ance duNord. Histogrammes en classes de taille (en mm) pour la truite fario, et indication desclasses d'âge 0+ et 1+. Pour chaque station et à chaque campagne, l'effectif de chaqueclasse de taille est représenté en pourcentage de l'effectif total capturé.
Chapitre 3 - Peuplements de poissons - Ance
70
2.2. Discussion
La population de truite est nettement moins équilibrée
dans le secteur à débit réservé (station 2).
Rappelons que ce n'est qu'à partir de 1987 que ce secteur a été mis en eau. L'isolement de
ce secteur par le barrage de Passouïra en amont et par le barrage de compensation du Plot
en aval peut expliquer que la colonisation par certaines espèces ne soit pas achevée. C'est
probablement le cas pour la truite, l'ombre et le chabot. L'abondance d'espèces
lénitophiles nous incite également à penser que les conditions d'habitat ne sont pas
favorables au développement de ces espèces du fait des conditions lentiques.
Les jeunes de l'année sont moins nombreux dans le secteur à éclusées, à la station 3
lors des campagnes de printemps. Cet effet ne semble pas vrai sur la station 4.
Les alevins de truite seraient plus sensibles
aux éclusées dans la station 3.
La station 4 accueille apparamment plus de 0+ que la station 3. Plusieurs raisons
peuvent être a priori envisagée pour expliquer que la station 4 ne subisse pas les mêmes
effets que la station 3 :
1. Les mises en vitesses dans la station à morphologie plus large sont moins importantes
que dans une morphologie plus encaissée
2. Est-ce que l'amortissement de la rapidité de montée du débit (et donc de mise en
vitesse) permet d'expliquer que les alevins ne disparaissent pas de la station 4 ?
3. Les alevins pêchés sur la station 4 peuvent provenir du petit affluent situé en amont de
la station, l'Andrable.
• Concernant les vitesses à fort débit (1), les vitesses ponctuelles calculées par le modèle
hydraulique ont été comparées à 8 m3.s-1 entre les stations 3 et 4. Les moyennes des
vitesses obtenues sur tous les transects sont respectivement égales à 97,9 cm.s-1 (écart type
de 58,4 pour 241 valeurs) et 87,7 cm.s-1 (écart type de 42,2 pour 168 valeurs). Elles sont
significativement inférieures dans la station 4 (test t unilatéral, p=0,03).
Les vitesses ponctuelles ont également été comparées pour un débit de 8 m3.s-1
entre les stations 3 et 4 pour les zones de bordure présentant une hauteur d'eau inférieure à
50 cm. Les moyennes obtenues sont respectivement égales à 98,6 cm.s-1 (écart type de
69,0 pour 75 valeurs) et 76,4 cm.s-1 (écart type de 35,1 pour 93 valeurs). Elles sont
significativement inférieures dans la station 4 (test t unilatéral, p=0,004). Du fait de la
morphologie plus large de la station 4, à fort débit, les vitesses des zones de bordure restent
plus faibles que sur la station 3.
Chapitre 3 - Peuplements de poissons - Ance
71
Les vitesses plus fortes de la station 3 à fort débit pourraient donc expliquer
(en partie au moins) le manque de jeunes 0+ dans cette station.
Ce résultat concorde avec des observations réalisées par Ottaway et Forrest (1983) en
chenal expérimental, montrant que les vitesses de courant élevées provoquaient la perte de
jeunes alevins de Salmonidés, surtout juste après l'émergence. Crisp et Hurley (1991) ont
également montré en chenal expérimental que les changements de vitesse pendant la
journée provoquaient des mouvements de dévalaison chez des alevins de saumon et de
truite. Ces résultats ont beaucoup influencé le choix de la démarche expérimentale
présentée en troisième partie pour mieux analyser les réactions de jeunes truites soumises à
des éclusées.
• La question de la rapidité de montée des éclusées (2) reste sans réponse dans la littérature
et sera posée à nouveau lors des expérimentations en chenal.
• Contrairement à la station 4, la station 3 ne bénéficie pas des apports éventuels d'un
affluent (3). Pourtant, lors des campagnes d'automne, l'abondance relative de la cohorte 0+
est comparable sur les stations 1, 3 et 4. Ce résultat soulève des questions : les individus 0+
recolonisent-ils la station 3 lorsqu'ils sont plus grands ? D'où viennent ils ? Il n'a pas été
possible de savoir avec précision si des réintroductions de truites 0+ avaient eu lieu.
Quelle que soit l'origine des truites 0+ pêchées en automne, leur abondance plus
élevée suggère que les conditions étaient plus favorables à cette saison et nous incite à
chercher d'autres explications.
2.3. Première tentative d'explication à partir de la variabilité des débits -
influence du nombre de jours sans éclusées depuis l'émergence sur les cohortes O+.
Pour apporter un élément de réponse concernant les différences entre les stations 3
et 4 toutes deux soumises à un régime d'éclusées, nous avons compté le nombre de jours
sans éclusées entre l'émergence (vers la mi-mars) et la date de pêche, à partir des
enregistrements à l'usine obtenus auprès d'EDF. Le pourcentage du nombre de jours sans
éclusées a alors été mis en relation avec les effectifs de 0+ pêchés sur les stations 3 et 4
(quatre campagnes sur chaque station). Précisons que les conditions de pêche étaient
comparables sur ces deux stations, du fait qu'elles ont toujours été pêchées à débit
plancher. Les effectifs de 0+ obtenus sur la station 1 ne sont pas tout à fait comparables,
même estimés par la méthode de Carle et Strub, surtout en ce qui concerne les alevins de
truite, car le débit lors de la pêche était souvent plus élevé (en particulier à la campagne
C1). Nous ne les comparerons donc pas aux effectifs présentés à la figure 3.5.
Chapitre 3 - Peuplements de poissons - Ance
72
0 5 10 15 20 25 30
20
30
40
50
60
70
0
10Effectif de 0+ par 100 m
Nombre de jours sans éclusées (%)
C1(P)
C4(A)
C2(A)
C2(A)
C1(E)C5(A)
C3(P)
35 40
07-90
05-90C3(P)
09-90
09-90
04-91
09-93
09-92
04-91
été - automne
printemps
Figure 3.5. : Relation entre les effectifs de 0+ (par 100 m de linéaire de station) et lepourcentage du nombre de jours sans éclusées entre l'émergence et la date de pêche, surl'Ance du Nord, pour la station 3 (● ) et pour la station 4 (❑❑❑❑ ). Les codes et dates descampagnes sont indiqués sur chaque point correspondant, ainsi qu'un code correspondant àla saison d'échantillonnage (P=printemps, E=été, A=automne).
Chapitre 3 - Peuplements de poissons - Ance
73
2.3.1. Résultat
La représentation graphique (figure 3.5) montre que le nombre de truites 0+
pêchées a tendance à augmenter avec la proportion relative de jours sans éclusées
depuis l'émergence. On observe la même tendance sur chacune des deux stations,
suggérant que plus le nombre de jours sans éclusées a été élevé depuis l'émergence, plus
l'effectif de 0+ est élevé.
Les effectifs les plus élevés coïncident également avec les campagnes réalisées en
été ou en automne. La tendance observée ici pourrait donc être liée à une meilleure
efficacité de pêche sur des individus plus grands. Cette hypothèse ne nous paraît cependant
pas suffisante car elle devrait être vérifiée également sur la station 4. Or, lors de la
troisième campagne (seule campagne de printemps commune aux stations 3 et 4), les
effectifs de 0+ pêchés sur la station 4 ne sont pas aussi faibles que sur la station 3.
D'autres explications sont donc à rechercher, notamment en ce qui concerne
l'influence de la stabilité des conditions hydrauliques et les mécanismes d'utilisation de
l'habitat par ces jeunes poissons en conditions variables.
2.3.2. Discussion-conclusion
On peut émettre l'hypothèse que la stabilité relative du débit entraîne de
meilleures conditions d'habitat pour les jeunes poissons. Un jour avec au moins une
éclusée représenterait un jour de conditions défavorables par rapport à un jour sans éclusée.
La période de croissance estivale des jeunes truites sur l'Ance du Nord correspond à une
période de moins grande variabilité des débits sur ce site à étiage estival. Cette relative
stabilité semble donc favorable au développement de ce stade.
D'autres facteurs peuvent cependant intervenir pour expliquer que les individus 0+
les plus grands sont plus nombreux. On peut explorer plusieurs pistes explicatives :
- l'hypothèse d'une moins bonne efficacité de pêche sur des individus plus petits ne semble
pas suffisante (mais mériterait d'être approfondie avec des campagnes de pêche plus
nombreuses),
- une recolonisation par des 0+, à la fin du printemps ou au cours de l'été, peut avoir lieu à
partir de l'affluent (Andrable) ou à partir de zones situées en amont (les alevins peuvent-ils
être transportés depuis l'amont du barrage de Passouïra par le canal et par l'usine ?),
- une plus grande stabilité des débits se traduit par une plus grande stabilité des conditions
d'habitat pendant l'été, pouvant expliquer des effectifs de 0+ plus importants en automne,
- les plus grands 0+ sont susceptibles d'avoir une meilleure aptitude à résister aux éclusées
ou à trouver des refuges (Valentin et al., 1994b).
Il est probable que les deux derniers facteurs évoqués interviennent conjointement.
Pour compléter cette analyse et confirmer la tendance observée, il faudrait disposer d'une
situation d'automne avec un nombre de jours sans éclusées très faible (variabilité liée aux
Chapitre 3 - Peuplements de poissons - Ance
74
éclusées maintenue pendant l'été). Si le premier facteur est prépondérant (stabilité des
débits), les effectifs de 0+ devraient chuter au même niveau que ceux obtenus lors des
campagnes de printemps ; si le second facteur est prépondérant (meilleure aptitude des plus
grands 0+), les effectifs de 0+ devraient toujours être élevés en automne. Nous ne
répondrons pas ici à cette question.
Les raisons de l'influence de la variabilité du débit sur la structure des populations
de truite seront analysées à travers l'étude de l'influence des éclusées sur les conditions
d'habitat pour la truite (chapitre 4). Les mécanismes plus fins de répartition spatiale de
jeunes poissons soumis à des variations de débit seront étudiés dans la troisième partie à
l'aide des expérimentations en chenal artificiel.
CHAPITRE 4
HABITAT POUR LA TRUITE FARIOEN FONCTION DU DEBIT ET
EN FONCTION DU TEMPS
77
Chapitre 4
Habitat pour la truite fario en fonction du débit et enfonction du temps
Les variations de l'habitat physique pour la truite fario, consécutives au régimed'éclusées, sont étudiées dans ce chapitre, tout d'abord à différents niveaux de débit(approche statique), puis en fonction du temps (approche dynamique).
Les capacités d'accueil théoriques pour la truite fario ont été obtenues par laméthode des microhabitats sous la forme de "Surfaces Potentiellement Utilisables" ou"Surfaces Pondérées Utiles" désignées ci-après par SPU (voir chapitre 1, § 2.3.3). LesSPU sont calculées pour la gamme de débits modélisés et sont examinées dans un premiertemps en fonction du débit pour les différentes stations. La dimension temporelle estensuite étudiée à partir des chroniques de débit décrites au chapitre précédent et traduitesen chroniques d'habitat (Valentin et al., 1994d). La deuxième partie du chapitre surl'habitat est consacrée à la recherche et à l'utilisation d'outils adaptés pour rendre compte dela variabilité mesurée. Les résultats permettent d'émettre des hypothèses concernant leseffets des éclusées mis en évidence au chapitre 3 sur les populations de truite.
1. Habitat pour la truite fario en fonction du débit
1.1. Introduction
L'allure des courbes de SPU (en m2 par 100 mètres de station) renseigne surl'évolution globale des capacités d'accueil en fonction du débit en relation avec lamorphologie des stations (figure 4.1). En effet, les résultats obtenus dépendent del'évolution des distributions des vitesses, des hauteurs d'eau et des surfaces mouillées.
Les résultats sont examinés globalement par station. Cette échelle est significativepour la population car les stations ont été choisies avec une diversité des facièsd'écoulement suffisante pour satisfaire les différents stades de développement adulte,juvénile et alevin (chapitre 1, § 1.2).
Chapitre 4 - Habitat pour la truite fario - Ance
78
AdulteJuvénile
AlevinFraie
0
100
200
300
400
500
600
0 2 4 6 8 10 12
Station 1
0
100200
300400
500
600
0 2 4 6 8 10 12
Station 2
0
100200
300400
500
600
0 2 4 6 8 10 12
Station 3
0
100200
300
400
500
600
0 2 4 6 8 10 12
Station 4
Débit (m3.s-1)
SPU
(m2 /
100m
)
Débit réservé (0,12 m3.s-1)
Stades de développement de la truite fario
Débit plancher (1 m3.s-1)
Débits d'éclusées (5, 8 et 12 m3.s-1)
Débit plancher (0,8 m3.s-1)
Débits d'éclusées (5, 8 et 12 m3.s-1)
extrapolation graphique (station 3)
débit d'étiage (0,5 m3.s-1)
Régime naturel
Figure 4.1. : Courbes de SPU en fonction du débit pour les quatre stades de développementde la tuite fario, sur les quatre stations de l'Ance du Nord, avec indication de débitscaractéristiques du fonctionnement hydraulique de chaque station. Le profil transversaldes stations 1, 2 et 3 est encaissé, la station 4 a une morphologie plus large.
Chapitre 4 - Habitat pour la truite fario - Ance
79
Le stade fraie ne relève pas de la même échelle spatiale ; l'échelle de la station n'estpas très adaptée. Les conditions favorables à la fraie sont très locales et leur étudenécéssiterait une cartographie précise de tout le tronçon étudié (Pouilly et Valentin (1994)et chapitre 1, § 2.3.4), non réalisée ici. D'ailleurs, sur la figure 4.1, il apparaît que lessurfaces potentielles favorables à la fraie sont relativement faibles, alors que la structure dela population de truite est équilibrée (voir chapitre précédent), montrant que, même si lessurfaces de frayères calculées sur une station sont faibles, le succès de la reproduction n'estpas forcément compromis. Le raisonnement est différent pour les autres stades. Ledéveloppement alevins, juvéniles et adultes nécessite des surfaces habitables suffisantes.Dans la suite, nous nous intéresserons donc uniquement à ces stades.
1.2. Evolution des surfaces habitables par la truite fario dans les stations à
profil transversal encaissé
Les stations 1, 2 et 3, choisies morphologiquement semblables, présentent le même typed'évolution de l'habitat en fonction du débit (figure 4.1). Bien que les stations 1 et 2 nesubissent pas d'éclusées, l'examen des SPU pour ces stations aux différents débits d'écluséesest intéressant à titre comparatif avec les autres stations (tableau 4.1).Pour les jeunes stades, les valeurs de SPU sont maximales entre 0,5 et 1 m3.s-1 (tableau
4.1), très proches des valeurs obtenues au débit plancher de 0,8 m3.s-1. Pour l'adulte ,les SPU au débit plancher sont réduite de 5 à 13% par rapport au maximum de la courbeobtenu à 2 m3.s-1 (stations 1, 2 et 3). Les SPU maximales se situent entre le débit plancheret le premier niveau d'éclusées. Pour ce stade, elles restent supérieures à 90 % du maximum(moins de 10 % de réduction) dans une gamme de débit allant de 0,9 à 4,4 m3.s-1.
Tableau 4.1. : Pertes de SPU (en %) par rapport à la valeur de SPU maximale, pour lesstades adulte, juvénile et alevin de la truite fario, sur les quatre stations de l'Ance du Nord.Qm (en m3.s-1) est la valeur de débit pour laquelle la SPU est maximale.P = pourcentage de réduction de SPU obtenue au débit plancherA = pourcentage de réduction de SPU obtenue au premier niveau d'éclusées (5 m3.s-1)B = pourcentage de réduction de SPU obtenue au débit maximum d'éclusées (12 m3.s-1)(NB : Pour les stations 1 et 2, l'examen des SPU au débit plancher et à débits d'éclusées est donné à titrecomparatif. Pour la station 4, les valeurs négatives indiquent un pourcentage d'augmentation de SPU, voir texte)
ADULTE JUVENILE ALEVINpertes de SPU (%) pertes de SPU (%) pertes de SPU (%)
Station Qm P A B Qm P A B Qm P A BS1 2 5 4 37 1 0 36 67 1 1 40 71S2 2 11 30 67 0,5 2 40 81 0,8 0 46 85S3 2 13 13 42* 1 1 43 71* 1 2 55 78*S4 1,5 2 -29 -55 0,8 0 4 -6 0,8 0 15 -2
* estimation à partir des valeurs obtenues à 9 m3.s-1, limite de la modélisation hydraulique pour la station 3.
Chapitre 4 - Habitat pour la truite fario - Ance
80
010
20
3040
5060
0 2 4 6 8 10 12
010
20
3040
5060
0 2 4 6 8 10 120
10
20
3040
5060
0 2 4 6 8 10 12
010
20
3040
5060
0 2 4 6 8 10 12
AdulteJuvénile
AlevinFraie
Station 1
Station 2
Station 3
Station 4
Débit (m3.s-1)
VH
(%)
Débit réservé (0,12 m3.s-1)
Stades de développement de la truite fario
Débit plancher (1 m3.s-1)
Débits d'éclusées (5, 8 et 12 m3.s-1)
Débit plancher (0,8 m3.s-1)
Débits d'éclusées (5, 8 et 12 m3.s-1)
extrapolation graphique (station 3)
débit d'étiage (0,5 m3.s-1)
Régime naturel
Figure 4.2. : Courbes de VH (pourcentages de SPU par rapport à la surface mouillée) enfonction du débit pour les quatre stades de développement de la tuite fario, sur les quatrestations de l'Ance du Nord, avec indication de débits caractéristiques du fonctionnementhydraulique de chaque station.
Chapitre 4 - Habitat pour la truite fario - Ance
81
Les SPU diminuent fortement à débit plus élevé. Dès le premier niveau d'éclusées(5 m3.s-1), elles deviennent faibles. La réduction de SPU (tableau 4.1) est comprise entre36 et 55 % pour les jeunes stades par rapport à la SPU maximale. A 12 m3.s-1, les surfacesdisponibles deviennent très faibles (figure 4.1 et tableau 4.1).
Dans ce type de profil transversal encaissé, les valeurs d'habitat (VH) suivent lamême évolution que les SPU lorsque le débit augmente du fait que les surfaces mouilléesne s'élargissent pas beaucoup (figure 4.2).
Sur les stations 1, 2 et 3 de l'Ance (morphologie encaissée comparable), les SPU
sont élevées pour des débits proches du débit plancher, surtout pour les jeunes stades.Les SPU diminuent avec le débit. A débit fort, la réduction de SPU est très marquée pourles jeunes stades. Les SPU du stade adulte sont moins diminuées (en pourcentages) quecelles des juvéniles et alevins pendant les éclusées.
Cas du tronçon court-circuité :Sur la station 2, le débit effectif est constant et égal à 0,12 m3.s-1 (1/40e du
module). A ce débit, les SPU sont plus faibles, l'habitat de la station 2 est donc réduit. Lesvaleurs de SPU correspondantes représentent une réduction de SPU de 52 %, 15 % et 24 %par rapport aux valeurs maximales, respectivement pour les stades adulte, juvénile etalevin. Ces réductions de SPU sont cependant moins faibles qu'à débit d'éclusées (colonneB du tableau 4.1).
Ces résultats doivent être rapprochés des conclusions sur la population de truite destation 2, moins abondante et moins équilibrée que dans les autres stations (chapitre 3). Ilsemblerait donc que des conditions de SPU relativement faibles, surtout pour l'adulte dansle cas de la station 2, maintenues longtemps (débit réservé faible et constant) se traduisentpar un déséquilibre des populations de truite plus marqué que des conditions d'habitatfluctuantes.
1.3. Evolution des surfaces habitables par la truite fario dans les stations à
profil transversal large
Pour la station 4, les valeurs retenues dans le tableau 4.1 (présentées pourcomparer aux autres stations) ne sont pas les SPU maximales absolues lues sur les courbesde SPU (figure 4.1). Nous avons retenu, pour comparaison, les valeurs de SPU les plusélevées dans la gamme des débits faibles. Ces valeurs sont voisines de celles obtenues audébit plancher. Cette présentation permet d'insister sur les différences entre cette station etles trois autres du fait de la morphologie plus large.
Chapitre 4 - Habitat pour la truite fario - Ance
82
En effet, les courbes de SPU suivent un schéma différent (figure 4.1) : on observeun premier maximum de SPU pour les jeunes stades vers 0,8 m3.s-1, et un plateau pourl'adulte vers 1,5 m3.s-1 (valeurs de débit retenues dans le tableau 4.1). Les surfaceshabitables pour les jeunes stades augmentent à nouveau aux débits élevés (à partir de 3m3.s-1). Pour le stade adulte, la SPU est croissante lorsque le débit augmente sur cettestation (figure 4.1). Les valeurs de SPU aux différents débits caractéristiques du régimed'éclusées sont donc différents des trois autres stations et se traduisent par des pourcentagesd'augmentation (tableau 4.1).
Parallèlement, les valeurs d'habitat (VH) diminuent comme sur les autres stations(figure 4.2). L'augmentation des valeurs de SPU à débit fort est donc liée à l'accroissementde la surface mouillée du seul fait de la largeur de la station.
Sur cette station à morphologie large, les SPU obtenues à débit planchercorrespondent à des valeurs relativement élevées pour les jeunes stades. Du fait del'augmentation de la surface mouillée, les SPU augmentent à nouveau avec le débit.
1.4. Répartition spatiale des zones favorables - exemple de l'alevin
Dans les deux types de morphologie, les valeurs de SPU sont élevées à débitplancher pour les jeunes stades du fait que ce débit peut être maintenu à 0,8 m3.s-1 (1/6edu module) par le petit barrage de compensation. Par contre, lorsque le débit augmente,l'évolution des SPU diffère en fonction du type de profil en travers.
Les cartographies de l'habitat (figures 4.3 et 4.4) montrent que les surfacesfavorables à l'alevin sont très petites sur la station 3 à débit fort (peu de zones où VH estsupérieure à 30 %) alors qu'elles représentent de grandes zones de bordure sur la station 4.En effet, les augmentations de SPU dans la station 4 à profil large sont étroitement liées àl'accroissement de la surface mouillée. Les surfaces d'habitat favorables sont susceptiblesde se déplacer latéralement sur plusieurs mètres (10 à 15 mètres, figure 4.3), simultanémentaux variations de débit (montée d'une éclusée en 1/2 à 1 heure sur la station 4). La SPU dela station 3 à morphologie plus encaissée chute fortement, ne laissant que très peu de zonesfavorables à fort débit (figure 4.4). Malgré le fort déplacement latéral des zones de borduresur la station 4, nous n'avons jamais observé de poissons échoués sur les zones exondées àdébit plancher. Comment les poissons réagissent-ils à ces déplacements ?
Ces résultats suscitent des questions sur la mobilité des individus ou sur leurcapacité à trouver des refuges, d'autant que le passage entre débit plancher et débitd'éclusées peut s'effectuer rapidement, en moins de 20 minutes sur la station 3, en 1/2 à 1heure sur la station 4 (voir chapitre 2, § 3.1.1). Les poissons (surtout les jeunes) sont-ilscapables de suivre les zones favorables dans une morphologie large à la montée et à ladescente du débit ? Que deviennent-ils dans une morphologie plus encaissée lorsque leszones favorables de bordure deviennent trop rapides lors d'une éclusée et que les zones
Chapitre 4 - Habitat pour la truite fario - Ance
83
favorables sont très réduites ? Dans les deux cas, sont-ils amenés à se déplacer ou ont-ilsune stratégie de recherche de refuges ? Des éléments de réponse à ces questions ont étéobtenus à l'aide des expérimentations réalisées en chenal artificiel (voir troisième partie).
Station 3 - transect 4
Station 3 - transect 5
Station 4 - transect 2
Station 4 - transect 5
1 m
1 m
1 m
1 m
1 m
1 m
1 m
1 m
1 m3.s-1
12 m3.s-1
9 m3.s-1
1 m3.s-1
9 m3.s-1
1 m3.s-1
12 m3.s-1
1 m3.s-1
favorables
défavorables
Habitats de bordure pour l'alevin de truite fario
bordure défavorable à débit fort
bordure favorable à débit faible
bordure favorable à débit fortbordure favorable à débit faible
14 m
Figure 4.3. : Représentation de profils en travers (vus de l'aval) de la station 3(morphologie encaissée) et de la station 4 (morphologie plus large) à débit de base (1 m3.s-1) et à débit fort (9 ou 12 m3.s-1) avec indication de la qualité d'habitat des zones debordure pour l'alevin de truite fario. Les zones de bordure favorables à débit faible seretrouvent dans le chenal lorsque le débit est fort et ne sont plus favorables du fait desmises en vitesses.
Chapitre 4 - Habitat pour la truite fario - Ance
84
Figure 4.4. : Cartographie des valeurs d'habitat pour l'alevin de truite fario à débit plancher(1 m3.s-1) et à débit d'éclusée (8 m3.s-1) sur les stations 3 et 4 de l'Ance.
Chapitre 4 - Habitat pour la truite fario - Ance
85
1.5. Conclusion sur l'influence de la morphologie
Dans le cas de profils en travers en U encaissés,ce sont les mises en vitesse qui semblent faire chuter les SPU des jeunes stades,
avec de fortes réductions de SPU pendant les éclusées.
Dans des profils plus larges, les SPU ne diminuent pascar la surface mouillée augmente (donc les VH diminuent), mais les surfaces favorables
(bordures avec H et V modérées) sont séparées par de grandes distances entre débit
plancher et débit d'éclusée.
Les pourcentages de réduction ou d'augmentation de SPU donnent une informationsur l'évolution des surfaces disponibles aux différents débits.
En régime naturel, les valeurs de SPU les plus faibles rencontrées au cours du cyclehydrologique sont supposées limitantes. Ainsi, plusieurs auteurs ont considéré que l'habitatlimitant, déterminant les populations de truite, était l'habitat pour le stade adulte pendantles périodes d'étiage (Bovee, 1982 ; Souchon et al., 1989 ; Jowett, 1992). Souchon et al.(1989) ont validé cette affirmation sur une douzaine de cours d'eau français et ont relié labiomasse de truite adulte à la SPU considérée comme limitante (lue sur la courbe SPU(Q) àun débit égal à la moyenne des débits moyens mensuels les plus secs sur plusieurs années).Plus récemment, Maridet (1994) a utilisé cette approche pour comparer les biomasses detruites obtenues par m2 de SPU limitante entre trois cours d'eau du Massif Central.
Chapitre 4 - Habitat pour la truite fario - Ance
86
Tableau 4.2. : Biomasses de truites adultes par m2 de SPU (en grammes par m2) selondifférentes hypothèses de SPU limitantes (voir texte), pour chaque campagne de pêcheélectrique.
Station S1 S3 S4 S2 S3 S4 S3 S4hypothèse étiage étiage étiage réservé planche
rplanche
réclusées éclusées
C1 13,6 8,6 24,4 10,8 7,5 24,5 11,2 15,3C2 9,9 11,5 23,6 10,2 10,0 23,7 15,0 14,8C3 8,8 8,5 17,1 7,7 7,4 17,2 11,1 10,7C4 - 13,7 - - 12,0 - 17,9 -C5 13,6 - 28,2 - - 28,3 - 17,6
moyenne 11,5 10,6 23,3 9,6 9,2 23,4 13,8 14,6
Chapitre 4 - Habitat pour la truite fario - Ance
87
1.6. Recherche de conditions d'habitat limitant
En situation d'éclusées, quelle est la SPU limitante ? Les périodes d'étiagepeuvent-elles encore être considérées comme limitantes, sachant que ces périodes sontgénéralement sans éclusées ? On doit également rechercher si les SPU à débit plancher ouà débit d'éclusées ne sont pas encore plus limitantes. Dans cet objectif, nous avons calculéle rapport B / SPU (tableau 4.2) où B représente la biomasse de truites adultes (de taillesupérieure à 18 cm). La SPU est lue pour l'adulte sur la courbe SPU(Q) à différents débits.
Les valeurs de SPU limitantes testées a priori (tableau 4.2) correspondent auxdébits suivants :- la moyenne des débits moyens mensuels secs (étiage), égale à 0,5 m3.s-1 sur l'Ance(stations 1, 3 et 4)- le débit réservé (station 2)- le débit plancher (stations 3 et 4)- le débit d'éclusée maximum (stations 3 et 4).
La biomasse de truites adultes par m2 de SPU à l'étiage obtenues sur la station 1(11,5 grammes par m2 en moyenne) devrait servir de référence. Les différentes hypothèsestestées ici résultent en une augmentation ou une diminution par rapport à cette référence,suggérant que les différentes hypothèses ne traduisent pas les conditions d'habitat limitantpermettant d'expliquer les biomasses de truite pêchées.
Cette analyse ne permet pas vraiment de comprendre les facteurs d'habitat limitantles populations de truite en régime fluctuant et souligne la nécessité d'intégrer la
dimension temporelle dans l'analyse des habitats limitants. Le caractère statique decette approche consistant à tenter de prédire une biomasse de truite à l'aide d'une valeur deSPU a entraîné des critiques sur la validité de la méthode des microhabitats (Orth, 1987 ;Scott et Shirvell, 1987). Les connaissances sur la dynamique des populations soulignent lanécessité d'intégrer la dimension temporelle afin d'analyser les périodes d'habitat limitantselon les stades de développement, en durée et en fréquence. Cette démarche est d'autantplus indispensable dans le cas des éclusées : les durées et les fréquences d'exposition à desconditions d'habitat favorables ou inversement à des conditions d'habitat limitant doiventêtre mesurées.
Chapitre 4 - Habitat pour la truite fario - Ance
88
150
250
350 Station 1S
PU
(m
2 /10
0m)
janvier février mars avril mai juin juillet août 1993
150
250
350 Station 3
SP
U (
m2 /
100m
)
janvier février mars avril mai juin juillet août 1993
Figure 4.5. : Chroniques de SPU, pour la truite fario au stade adulte, obtenues à partir deschroniques de débit, sur la station 1 (régime naturel) et sur la station 3 (régime d'éclusées),du 7 janvier au 25 août 1993 sur l'Ance du Nord.
150
250
350 Station 3
Station 1
SP
U (
m2 /
100m
)
3 mai 4 mai 5 mai 6 mai 7 mai 8 mai 9 mai
Figure 4.6. : Chronique de SPU, pour la truite fario au stade adulte, sur la station 1 etrégime d'éclusées sur la station 3, pendant une semaine, du 3 mai (jour 123) au 9 mai (jour129) 1993 sur l'Ance du Nord.
Chapitre 4 - Habitat pour la truite fario - Ance
89
2. Variations temporelles de l'habitat pour la truite fario
Les conséquences des variations des variables physiques sur les conditions d'habitatpour la truite doivent être étudiées en prenant en compte la dimension temporelle. Desapproches méthodologiques sont donc proposées ici dans ce but.
Pour étudier et quantifier ces variations, des chroniques d'habitat ont été obtenues àpartir de chroniques de débit (Q(t)) et des courbes de SPU en fonction du débit (SPU(Q)).Les chroniques de SPU (SPU(t)) ainsi obtenues sont très variables en situation d'éclusées etl'interprétation est difficile. Ces chroniques seront alors étudiées à l'aide de représentationsutilisées très souvent en hydrologie pour décrire les variations de débit et qui consistent àétudier une variable en fréquence cumulée (courbes de débits classés). Valentin et al.(1994d) ont exposé une partie de ces résultats méthodologiques et ont testé les outilsproposés sur l'Ance et l'Oriège, cours d'eau pyrénéen soumis à éclusées et étudié parLauters, EDF-DER. L'analyse globale présentée par Valentin et al. (1994d) a été ensuitecomplétée par une nouvelle méthode d'analyse des durées continues d'habitat limitant(Capra et al., 1994a ; 1994b).
2.1. Plusieurs techniques pour quantifier globalement les variations
temporelles de l'habitat - Approche méthodologique
2.1.1. Chroniques SPU(t)
Les chroniques de SPU représentées pour l'adulte (figures 4.5 et 4.6) et pour l'alevin(figure 4.7) montrent de fortes variations, amples et très fréquentes. Compte tenu de la forme des courbes SPU(Q), les variations de SPU sont plusamples pour l'alevin. Les courbes sont en fait très difficiles à lire et à interpréter en termed'habitat disponible pour la truite fario, surtout en situation d'éclusées.
Chapitre 4 - Habitat pour la truite fario - Ance
90
SP
U (
m2 /
100m
)
0
200
400
600
janvier février mars avril mai juin juillet août 1993
Station 3
0
200
400
600
SP
U (
m2 /
100m
)
Station 4
janvier février mars avril mai juin juillet août 1993
Figure 4.7. : Chroniques de SPU, pour la truite fario au stade alevin, obtenues à partir deschroniques de débit, sur la station 3 (profil encaissé) et sur la station 4 (profil large),soumises à éclusées, du 7 janvier au 25 août 1993 sur l'Ance du Nord.
Chapitre 4 - Habitat pour la truite fario - Ance
91
2.1.2. SPUclassées
Les courbes de SPU classées (figure 4.8) sont obtenues à partir des chroniques deSPU. Plusieurs auteurs ont déjà eu l'idée de ce type de représentation pour étudier lesdurées cumulées de différentes valeurs de SPU. Ce sont les " Habitat Duration Curves "utilisées par Milhous et al. (1990), Bovee (1992) et présentées par Johnson au colloqueSISORS II (République Tchèque, août 1994).
100
75
50
0 50 100
durée (%)
SP
U (
% d
u m
axim
um
) at
tein
te o
u d
épas
sée
Station 1
Station 3
Station 4
SPU élevées à débit fort (46 %
du temps)
SPU
faibles à débit fort
(25 % du tem
ps)
60
90
Figure 4.8. : Courbes de SPU classées, pour la truite fario au stade adulte, obtenues à partirdes chroniques portant sur 7,5 mois (janvier à août 1993) sur les stations 1, 3 et 4 de l'Ancedu Nord. Les valeurs de SPU sont exprimées en pourcentage par rapport au maximum dechaque station pour comparaison (le maximum pour la station 4 correspond au débitmaximum de 12 m3.s-1).NB : Les courbes n'atteignent pas 100 % du temps pour les stations 3 et 4 car les valeurs de SPU sontmanquantes pour les débits en dehors de la gamme modélisée (12 % du temps sur la station 3 et 8 % du tempssur la station 4).
Chapitre 4 - Habitat pour la truite fario - Ance
92
SP
U (
m2 /
100m
)
150
200
250
300
350
0 6 12 18 24
150
200
250
300
350
0 6 12 18 24
Temps (heures)
Station 3
SP
U (
m2 /
100m
)
Station 4
Figure 4.9. : Détail des variations de SPU, pour la truite fario austade adulte, lors d'une journée d'éclusée, le 8 mai 1993, sur lesstations 3 et 4 de l'Ance du Nord. Les flèches verticalesreprésentent les débits de pointe des éclusées (voir lareprésentation des débits pour la même journée au chapitre 2,figure 2.3).
Chapitre 4 - Habitat pour la truite fario - Ance
93
Cette représentation (figure 4.8) permet de mesurer le pourcentage du temps pendantlequel une valeur précise de SPU est dépassée, sur la période étudiée. L'allure des courbesobtenues sur l'Ance du Nord renseigne sur la répartition globale des SPU dans le temps, en
fonction du régime hydrologique et de la morphologie des stations (pour lacorrespondance avec les différents niveaux de débits voir au chapitre 2, §1.3.2)
- les stations 1 et 3 ayant la même morphologie et le même type de courbe de SPU enfonction du débit, les différences observées sont liées aux variations de débit. Les faiblesvaleurs de SPU moins fréquentes sur la station de référence en régime naturel car le débit n'estpas souvent élevé. Sur la station 3, les valeurs de SPU sont plus faibles pendant environ 25 %du temps, soit pendant le temps où le débit atteint ou dépasse le premier niveau d'éclusées.Inversement, les faibles valeurs de débit donnent lieu à des valeurs de SPU élevées : la valeurcorrespondant à 90 % du maximum de SPU est atteinte ou dépassée 63 % du temps (duréecumulée pendant laquelle le débit est compris entre 0,9 et 4,4 m3.s-1).
- sur la station 4, la morphologie plus large du lit entraîne un schéma de SPU différent.Les valeurs de SPU augmentent avec les éclusées et restent constantes et basses pour lesdébits faibles. Les SPU sont supérieures ou égales à 60 % du maximum pendant 46 % dutemps, soit pendant le temps où le débit est supérieur à 3,5 m3.s-1.
L'analyse des SPU classées présente l'avantage de mesurer les durées cumulées de
différents seuils de SPU et de les relier à un régime hydrologique et à une morphologie.On peut ainsi connaître les SPU les plus fréquentes par exemple. Elle ne permet cependant pasde décrire les variations de SPU à court terme liées aux éclusées.
2.1.3. Variations de SPU à court terme
sur 24 hCes variations peuvent être illustrées par une représentation de la SPU sur une période
de 24 heures prise à titre d'exemple, ici le 8 mai 1993, avec trois éclusées réparties dans lajournée (figure 4.9). Sur la station 3 de l'Ance, cet exemple de chronique journalière montreque les variations de SPU sont inversées par rapport à celles du débit, les plus fortes valeursde SPU correspondant aux débits faibles (débit plancher proche du maximum en SPU) etinversement. Sur cette station, ce sont donc les diminutions de SPU qui sont très rapides(simultanées aux augmentations de débit) et les augmentations de SPU qui sont plusprogressives. La morphologie plus large de la station 4 entraîne sur cette station un schémadifférent : on assiste à une évolution inverse avec des augmentations rapides et desdiminutions plus progressives, le maximum de SPU étant atteint à débit fort. La morphologiedes stations intervient donc de manière importante dans l'évolution des SPU totales dans letemps. Les maximum de SPU dans la journée sont atteints soit à débit d'éclusées (station 4),soit à débit proche du débit plancher pour l'adulte (2 m3.s-1 sur la station 3) selon les cas.
Chapitre 4 - Habitat pour la truite fario - Ance
94
gradients de SPUAfin d'analyser la rapidité des variations de SPU sur une plus longue période, nous
avons représenté les gradients de SPU (comme pour les débits). Ce type de représentationapporte plusieurs éléments de comparaison des augmentations ou des diminutions de SPU(figure 4.10).
0 10 20 300
1
2
3
4
5
5
4
3
2
1
0
DIMINUTIONS
AUGMENTATIONS
Station 1
Station 3
Station 4
durée (%)
0 10 20 30 40 50 durée (%)
²SP
U/ ²
t (m
2 /10
0m p
ar m
inu
te)
²SP
U/ ²
t (m
2 /10
0m p
ar m
inu
te)
Figure 4.10. : Gradients de SPU, pour la truite fario austade adulte, obtenus lors des augmentations et desdiminutions du débit à partir des chroniques de 7,5 moisenregistrées pour les stations 1, 3 et 4 de l'Ance du Nord.
Comme pour le débit, le temps total de stabilité ou de variation des SPU peut êtremesuré (tableau 4.3), à partir d'un seuil par exemple fixé à 0,1 m2 par minute. Les SPUsont peu stables sur la station 3 (37,5 % du temps), un peu plus stables sur la station 4 etbeaucoup plus stables sur la station de référence.
Sur la station 3, les diminutions de SPU sont plus rapides liées aux rapidesaugmentations de débit. Les plus fortes diminutions dépassent 4 m2 par minute alors quesur la station 1, elles n'atteignent que 1 m2 par minute. Le temps pendant lequel les SPUdiminuent moins fortement (∆SPU/∆t < 0,5 m2 par minute) est relativement élevé et doitêtre attribué aux diminutions de débit en fin d'éclusée entraînant une diminution de la SPU
Chapitre 4 - Habitat pour la truite fario - Ance
95
pour l'adulte, soit pour un débit inférieur à 2 m3.s-1. Cette partie de la courbe est d'ailleurscommune avec celle de la station 4 pour laquelle les diminutions de débit sontexclusivement liées aux diminutions de SPU.
Tableau 4.3. : Durées cumulées (en % du temps sur la période étudiée de 7,5 mois) pendantlesquelles la SPU pour l'adulte (1) augmente (variations supérieures à 0,1 m2 par minute),(2) est stable (pas de variation), (3) diminue (variations inférieures à 0,1 m2 par minute).
Durée cumulée (en % du temps) pendant laquelle :STATION (1)
∆SPU/∆t ≥ 0,1(2)
-0,1 ≤∆SPU/∆t<0,1(3)
∆SPU/∆t <-0,1S1 7,1 82,9 10,0S3 21,8 37,5 40,7S4 11,2 52,5 36,3
2.2. Analyse des durées continues pendant lesquelles la SPU reste inférieure à
un seuil
L'analyse des variations temporelles de l'habitat à l'aide des outils présentés ci-dessus (SPU(t), SPU classées ou gradients de SPU classés) fournit une analyse globale desniveaux de SPU rencontrés dans le temps. On peut donc mesurer les durées cumuléesd'exposition à telle ou telle SPU, en pourcentage de la durée totale étudiée. Cetteinformation est très intéressante, mais encore incomplète puisqu'on ne connait pas larépartition dans le temps des durées continues pendant lesquelles ces SPU sont maintenuesou sont non dépassées.
2.2.1. Une nouvelle méthode - construction de courbes de Durées Continues
d'Habitat Limintant (DCHL)
Pour mesurer ces durées continues, Capra et al. (1994a) ont imaginé une nouvellereprésentation graphique synthétique à partir des chroniques de SPU. Il s'agit en fait declasser les Durées Continues d'Habitat Limitant (méthode DCHL). La méthode proposéeconsiste à recenser les durées continues pendant lesquelles la SPU totale est inférieure à unseuil donné. Ces périodes sont classées de la plus longue à la plus courte et représentéesgraphiquement en fonction du pourcentage cumulé du temps qu'elles représentent parrapport à la période d'étude. Les courbes de Durées Continues d'Habitat Limitant pourdifférents seuils peuvent être représentées sur le même graphe (figure 4.11).
Chapitre 4 - Habitat pour la truite fario - Ance
96
Temps
SPU
SPUs1
(joursd1 d2d3d4 d5 D
SPUs2SPUs3
di / D = pi
Durées continues
de SPU < SPUs 1
100 %Pc1 Pc2Pc3
d1d2d3
d4d5Pc4Pc5
Pci=pi+Pci-1(p0=0)
di
100 %Durées continues cumulées
(en % de D)
SPUs1
SPUs2
SPUs3
Durées continues
de SPU < SPUs i
Courbes DCHL à 3 seuils différen
sur la période D
Figure 4.11. : Principe de construction des courbes de Durées Continues d'Habitat Limitantà partir d'une chronique de SPU (t). SPUsi (i=1,3) représentent trois seuils d'étude de lachronique. D est le nombre total de jours étudiés. di (i=1,5) sont des durées continues deSPU < SPUs1, classées de la plus longue (d1) à la plus courte (d5). pi (i=1,5) est lepourcentage de chaque di (i=1,5) par rapport à D. Pci est le pourcentage cumulé de chaquedi (in Capra et al., 1994a).
Chapitre 4 - Habitat pour la truite fario - Ance
97
2.2.2. Application en situation d'éclusées
Les courbes de Durées Continues d'Habitat Limitant (figure 4.12) reflètent larapidité de fluctuation des SPU car les durées continûment non dépassées sont très courtes.Les éclusées étant fréquentes, ces courtes durées continues arrivent souvent et représententun pourcentage du temps élevé (jusqu'à 40 %). De plus, du fait de variations fréquentesentre la SPU maximum et le seuil à 25 %, les courbes représentées pour les seuils à 90, 70et 50 % (à titre d'exemple) sont très proches (figure 4.12).
Durées continues
de SPU < seuil (jours)
Durées continues cumulées
(en % de la durée totale d'enregistrement)
0
1
2
3
403020100
90%
70%
50%}seuils en % de
la SPU maximum
Figure 4.12. : Courbes de Durées Continues d'Habitat Limitant pour le stade 0+, sur lapériode d'enregistrement du 7 janvier au 25 août 1993, à trois seuils différents, sur lastation 3 de l'Ance.
2.2.3. Comparaison avec les durées continues en régime naturel
Dans ce type de régime hydraulique artificialisé, les courbes obtenues occupentdonc une partie du plan a priori très différente du cas d'un régime naturel (Capra et al.,1994a ; 1994b). En effet, la partie supérieure droite du plan correspond à une situationnaturelle défavorable (longue durée continue de SPU faible), expliquant d'éventuellesanomalies dans la structure des populations. Prenons l'exemple de Capra et al. (1994b),l'enregistrement du régime naturel sur la station 1 de l'Ance n'étant pas assez long. Dans cetexemple (figure 4.13), les auteurs montrent qu'il existe un gradient de types de courbes, decelles qui représentent une ou plusieurs longues durées (1986 et 1992, figure 4.13) à cellesreprésentant des durées plus faibles et peu nombreuses (ex 1991 figure 4.13). On peut ainsidistinguer une zone d'habitat non limitant et une zone d'habitat défavorable en milieunaturel (figure 4.14).
Chapitre 4 - Habitat pour la truite fario - Ance
98
0
10
20
30
40
50
403020100
1986
1992
1991
Durées continue
de SPU < seuil (jours)
Durées continues cumulées
(en % de la durée totale d'enregistreme
Figure 4.13. : Courbes de Durées Continues d'Habitat Limitant pour le stade 0+ au seuil de75 % de la SPU maximum, sur la période de l'émergence à la date de pêche, pour troisannées d'enregistrement (1986, 1991 et 1992), sur la Boralde de Saint Chély (in Capra etal., 1994b).
HABITAT LIMITANT EN REGIME NATUREL
HABITAT NON LIMITANT EN REGIME NATUREL
ECLUSEES
Durées continues de SPU < seuil
Durées continues cumulées (en % de la durée totale d'enregistrement)
?
Figure 4.14. : Représentation schématique des zones d'emplacement des courbes de DuréesContinues d'Habitat Limitant en régime naturel et en situation d'éclusées (in Capra et al.,1994b).
Chapitre 4 - Habitat pour la truite fario - Ance
99
3. Discussion
3.1. Evolution des SPU en fonction du débit
L'évolution des SPU en fonction du débit (analyse en SPU(Q)) a permis de mesurerles écarts théoriques des surfaces favorables à différents niveaux de débit.Cette analyse est pertinente pour étudier l'influence de la morphologie et des
différents niveaux de débit sur l'évolution des SPU totales des stations. Sur les sitesétudiés, les débits d'éclusées correspondent à des diminutions importantes des surfaceshabitables sur les stations à profil encaissé (station 3). Les SPU peuvent rester élevéespendant les éclusées dans les stations où la morphologie est plus large (station 4). Ainsi, lesvaleurs minimales (respectivement maximales) de SPU peuvent être observées - suivant lesstades et les stations - aussi bien à débit de base qu'à fort débit d'éclusées. Sur l'Oriège,l'examen des chroniques (Valentin et al., 1994d) a montré que les SPU les plus fortespouvaient également correspondre à un débit intermédiaire transitoire entre débit de base etdébit d'éclusées. Notons toutefois que l'Ance et l'Oriège bénéficient de débits de baserelativement soutenus (barrage de compensation sur l'Ance, régime naturel sur l'Oriège) etque, par conséquent, les SPU restent relativement proches des valeurs maximales à débit debase (même sur les stations les plus larges).
La fréquence et la durée des différents niveaux de débit et des valeurs d'habitatcorrespondantes deviennent alors primordiales dans l'interprétation.
3.2. Dimension temporelle - apports méthodologiques
Les méthodes employées ici ont permis d'étudier finement les variations dans letemps des variables d'habitat pour la truite fario. La comparaison avec les fluctuations durégime naturel a fourni des éléments de compréhension de l'effet des éclusées sur cesvariables. La partie originale de ce travail a consisté à appliquer les outils hydrologiquesclassiques à l'étude des variations de la SPU afin de mesurer globalement sur une
période donnée les durées cumulées d'exposition à différents seuils de SPU ainsi que
la répartition dans le temps des variations rapides des SPU. La fréquence desfluctuations est directement liée à celle des éclusées et leur importance à la forme descourbes d'évolution des SPU avec le débit et donc à la morphologie.
L'interprétation de la zone occupée par des courbes de Durées Continues d'HabitatLimitant construites en situation d'éclusées est différente de la situation naturelle et pose denouvelles questions. Quelles sont les conséquences de courtes durées continues de SPUfaibles se produisant souvent ? Cette situation est-elle plus ou moins pénalisante qu'uneseule longue période de faible SPU ? Quel est le facteur limitant, sachant que des seuilstrès différents donnent le même type de courbe en situation d'éclusées ? A partir de quellefréquence la variabilité rapide des conditions d'habitat devient-elle préjudiciable ? On ne
Chapitre 4 - Habitat pour la truite fario - Ance
100
connaît pas encore précisément les mécanismes limitants dans des conditions d'habitataussi variables. Des suivis de populations à long terme sur l'Ance du Nord, à effectuersimultanément à des enregistrements du débit (nous ne disposons pour l'instant que de 7,5mois), devraient permettre de répondre à ces questions en analysant finement, sur delongues périodes, la relation entre les paramètres caractéristiques des variations de SPU ensituation d'éclusées et les populations de truite.
3.3. Dimension spatiale
L'étude des variations temporelles globales doit impérativement être complétée parl'examen de la répartition spatiale des zones favorables (figures 4.3 et 4.4). Les résultatsdépendent du type de morphologie.
Dans un cas (morphologie encaissée), les SPU totales diminuent fortement lors deséclusées. Sur la station 3, il semble donc que les faibles valeurs de SPU à fort débit soientlimitantes pour les truites 0+, surtout lorsqu'elles arrivent fréquemment (voir résultats despêches indiquant un manque de 0+ sur la station 3, chapitre 3).
Dans l'autre cas (morphologie large), les éclusées entraînent des déplacementsrapides dans l'espace des zones d'habitat favorable. Bien que les valeurs de SPU soientencore élevées lors des éclusées, elles ne seraient pas utilisées car déplacées latéralement.Ceci indique que la variabilité temporelle liées aux éclusées représente le facteur
limitant.
Quelle est la situation la plus pénalisante ? Peut-on quantifier le risque pour lafaune ? Peut-on dire si le facteur le plus limitant est lié aux durées d'exposition à desfaibles valeurs de SPU ou bien à la rapidité des déplacements dans l'espace ? Le deuxièmecas paraît moins préjudiciable que le premier, puisque les effectifs de 0+ sont toujourssupérieurs sur la station 4 (chapitre 3).
Dans les deux cas, la diminution des surfaces favorables (profils encaissés) ou ledéplacement des zones favorables (profils larges) pourraient être compensés par laprésence de zones de refuges ou d'abris hydrauliques proches utilisables par lespoissons. Ces refuges sont difficiles à quantifier et à estimer à partir les modèleshydrauliques classiques. Ils ne sont donc pas bien pris en compte dans le calcul des SPU dufait que les courbes de préférence ont été construites en situation non perturbée, et à débitmoyen à faible.
3.4. Validité des SPU à débit fort
Pour les forts débits (au-delà de la limite de modélisation retenue ou imposée par lemodèle), les valeurs de SPU sont manquantes dans les résultats précédents. Elles n'ont pasété extrapolées pour des débits plus forts car la notion de SPU devient alors difficile à
interpréter, l'habitat des poissons étant de plus en plus dépendant de la présence de
Chapitre 4 - Habitat pour la truite fario - Ance
101
refuges. Ainsi, l'interprétation des variations de SPU liées aux éclusées se heurte à deuxproblèmes : la méthode des microhabitats n'est pas destinée à l'origine à traiter les débitsforts d'une part, ni les fluctuations fréquentes et rapides des débits d'autre part.
Niemela (1989) a montré que les préférences de truite arc-en-ciel adultes(Oncorhynchus mykiss) changeaient pendant des éclusées. Des courbes de préférenceconstruites à fort débit (par observation ou radiopistage si le débit rend impossible laréalisation de pêches électriques) pourraient permettre de calculer des SPU correspondantaux forts débits. Cependant, la construction de nouvelles courbes de préférence applicablesà fort débit ne nous semble pas satisfaisante. On aurait en effet tendance à adapter lemodèle à des résultats obtenus dans un cas particulier. En revanche, la compréhension desmécanismes expliquant la répartition des poissons à débit d'éclusées devrait s'appuyer surla recherche d'autres facteurs que la SPU pour quantifier la capacité d'accueil tels que lesrefuges disponibles (Gore et al., 1994) ou les aptitudes individuelles à trouver desrefuges ou à résister au courant (Valentin et al., 1994b).
Même si à débit d'éclusée, les vitesses de courant moyennes et les forces tractricescalculées sur les stations sont élevées pratiquement en tout point (voir chapitre 2, § 3.2), ilsubsiste en réalité dans le cours d'eau des endroits où ces variables sont localement faiblesdu fait de la granulométrie grossière de ce type de rivière. Ces zones sont sans doute trèsimportantes à titre de refuge pour les organismes aquatiques, surtout dans le cas de débitstrès fluctuants. De nombreux auteurs ont montré que lorsque le débit varie brutalement lesrefuges jouent un rôle majeur pour les invertébrés (Borchardt et Statzner 1990 ; Lancasteret Hildrew 1993) et pour les poissons (Heggenes 1988 ; Valentin et al., 1994b). Laméthode de mesure des forces tractrices locales proposée et validée par Statzner et Müller(1989) a été utilisée par Gore et al. (1994) pour évaluer un risque potentiel pour la faune liéà différents types de variations de cette variable en situation d'éclusées.
3.5. Importance de l'aptitude individuelle des poissons
L'aptitude éventuelle des plus grands 0+ à tolérer les éclusées (Valentin et al.,1994b) pourrait apporter un élément d'explication des résultats concernant les effectifs de0+ dans les stations à éclusées de l'Ance. En effet, la relation observée entre le nombre de0+ et le nombre de jours sans éclusées était liée notamment à la saison d'échantillonnagedes poissons (voir chapitre 3, § 2.3), ce qui peut remettre en question les hypothèsesconcernant l'influence de la variablité des SPU, d'autres facteurs étant susceptiblesd'expliquer la tendance observée (chapitre 3, § 2.3.2).
CHAPITRE 5
ETUDE DES PEUPLEMENTSD'INVERTEBRES BENTHIQUES
DE L'ANCE DU NORD
105
Chapitre 5
Peuplements d'invertébrés benthiques de l'Ance
Les peuplements d'invertébrés sont analysés globalement dans ce chapitre pour
savoir si les différents régimes hydrauliques des stations de l'Ance entraînent des
différences dans la diversité ou dans la composition spécifique des communautés
benthiques.
Rappelons que les trois campagnes ont été réalisées à trois saisons différentes (voir
chapitre 2, § 1.2) : printemps (D1, juin 90 ; station 4 non échantillonnée à cette date), hiver
(D2, janvier 91) et automne (D3, octobre 91). La campagne D3 a été réalisée après une
période d'étiage assez prononcée alors que les deux premières campagnes correspondent à
des périodes d'éclusées.
1. Diversité globale des peuplements
Les densités et l'indice de Shannon (tableau 5.1 et figure 5.1) ne diffèrent pas
significativement entre les campagnes (tests de Kruskall-Wallis, p=0,3 et p=0,6
respectivement). L'effet campagne entraîne des différences significatives pour les
biomasses et nombres de taxon (tests de Kruskall-Wallis, p=0,01 et p=0,04
respectivement). Les biomasses sont significativement différentes entre les stations prises
deux à deux (trois tests de Mann-Whithney, 0,02<p<0,04) alors que le nombre de taxons
n'est significativement différent qu'entre la campagne 1 et les deux autres (p=0,03 pour
chacun des deux tests de Mann-Whitney significatifs).
Aucune différence significative n'a été décelée entre les stations pour les quatre
variables considérées (quatre tests de Kruskall-Wallis, p=0,1; p=0,9; p=0,7; p=0,9;
respectivement dans l'ordre du tableau).
La diversité globale n'est pas différente entre les stations.
Par contre, un effet campagne a été mis en évidence.
106
Figure 5.1. : Densité, biomasse d'invertébrés et diversité (nombre de taxons et indice deShannon) pour chaque station (S1, S2, S3, S4) de l'Ance, à chaque campagne (D1, D2 etD3), voir tableau 5.1 pour les valeurs.
107
L'effet campagne est donc le plus marqué et concerne:
- les biomasses, supérieures à la campagne D1 effectuée au printemps et plus faibles à la
campagne d'automne (D3)
- le nombre de taxons plus faibles à la campagne D1 qu'aux deux autres.
Lors de la campagne D1, il apparaît que la biomasse est plus élevée dans la station
2. La plus grande partie de cette biomasse correspond à des Limnephilidae (10330 mg.m-
2). Cette famille n'est pas dominante en effectif (10,6 % de l'effectif total de cette station à
cette date, voir tableau 5.2), mais plus abondante que dans les autres stations à la même
date. La biomasse moyenne individuelle de cette famille est également plus élevée sur la
station 2 (9,7; 17,6 et 14,8 mg par individu en moyenne, respectivement pour les stations 1,
2 et 3). La plus forte abondance et plus forte biomasse des Limnephilidae sur la station 2 à
cette campagne n'est pas évidente à expliquer. Il est possible que ce soit lié au cycle de
développement des ces invertébrés.
Tableau 5.1. : Densité totale et biomasse d'invertébrés benthiques pour chaque station (S1,S2, S3 et S4) de l'Ance aux différentes campagnes de prélèvements (moyennes des 6prélèvements pondérés par la représentativité, voir chapitre 1, § 2.4.2), nombre de taxonset indice de Shannon.
Station Codecampagne
Date Densité(ind/m2)
Biomasse(mg/m2)
nombre detaxons
Indice deShannon
D1 juin 90 5277 6941 48 4,3S1 D2 janvier 91 5602 2934 62 3,7
D3 octobre 91 2894 798 50 3,8
D1 juin 90 5553 13032 44 4,0S2 D2 janvier 91 6379 2425 59 3,6
D3 octobre 91 5515 2162 59 4,5
D1 juin 90 5092 6215 44 4,2S3 D2 janvier 91 2274 2331 51 4,3
D3 octobre 91 4377 2077 55 3,2
S4 D2 janvier 91 5642 4051 56 3,9 D3 octobre 91 4751 2019 55 4,4
108
Tableau 5.2. : Densités (ind/m2) des familles d'invertébrés sur l'Ance du Nord (moyennesdes 6 prélèvements pondérés par la représentativité, voir texte). Seuls les taxonsrepresentant plus de 0,01 % de la densité totale ont été retenus dans ce tableau. Les valeurssoulignées correspondent aux familles représentant plus de 10 % de la densité totalede chaque colonne.
109
2. Composition taxonomique
2.1. Taxons dominants
La composition taxonomique des communautés benthiques peut être examinée à
partir du tableau faunistique par famille (tableau 5.2), où les familles les plus abondantes
sont soulignées. Le tableau figurant en annexe 2 contient les résultats pour tous les taxons
déterminés. Pour chaque station et à chaque campagne, la densité par taxon ou famille
indiquée dans ces tableaux correspond à la densité moyenne des six prélèvements, la
densité de chaque prélèvement étant pondérée par le pourcentage de représentativité défini
d'après l'emplacement des prélèvements et les surfaces des faciès de la station (voir
chapitre 1, § 2.4.2).
Les familles les plus abondantes sont souvent les Chironomidae et les Elmidae
(tableau 5.2) pour les quatre stations. Ces familles représentent presque toujours au moins
10 % de la densité totale de chaque station-date et ne dépassent jamais 31 % pour les
Elmidae et 41 % pour les Chironomidae. Les Orthocladiinae représentent en moyenne 68
% des Chironomidae pour toutes les stations aux différentes campagnes (annexe 2).
D'autres familles sont abondantes en fonction des campagnes. Par exemple, les Leuctridae
(Leuctra) représentent plus de 10 % de la densité totale lors de la première campagne en
juin 90 sur les trois stations échantillonnées. Les Ancylidae (Ancylus) dominent la station 1
en octobre 91 (campagne D3). La station 3 est nettement dominée par les Hydropsychidae
(principalement Hydropsyche) à la troisième campagne (50 % de la densité totale). Cette
famille est abondante également dans la station 4 à la même campagne (26 %), et à la
campagne D2 (20 %).
2.2. Analyse des effets spatiaux et temporels
Afin de compléter l'analyse quantitative des tableaux, et afin de détecter des
différences dans la composition spécifique des peuplements des différentes stations, nous
avons effectué l'Analyse Factorielle des Correspondances (AFC) du tableau brut
contenant la densité de chaque taxon obtenue dans chaque prélèvement individuel.
110
Tableau 5.3. : Pourcentages d'inertie de différents effets, parrapport à la variabilité totale du tableau brut contenant ladensité de chaque taxon obtenue dans chaque prélèvementindividuel pour toutes les stations et toutes les campagnes.
Effet Inertie (%)Campagne 14,4Faciès 12,4Station 5,5
Figure 5.2. : Carte factorielle des prélèvements, issue de l'AFC intradate réalisée à partir dutableau brut de l'Ance du Nord (voir texte), et graphe des valeurs propres. Chaque graphecorrespond à une date et une campagne et contient le code du faciès correspondant àchaque prélèvement.Code faciès : Z=zone de dépôt, M=mouille, P=plat, D=radier.
111
L'étude des inerties complète l'analyse globale de la diversité présentée ci-dessus en
quantifiant la part de différents facteurs dans la variabilité totale du tableau brut étudié.
L'inertie correspondant à un facteur provient de l'analyse inter-groupes (Dolédec et
Chessel, 1989). L'inertie interstation est faible (5,5 %, tableau 5.3). La composition des
communautés benthiques n'est donc pas très différente entre les stations. L'effet
faciès, toutes stations confondues, semble expliquer une plus grande part de la variabilité
totale du tableau. L'effet campagne est plus important (14,4 %). Dans l'AFC brute, cet effet
risque de masquer les effets spatiaux que nous cherchons à étudier. Pour éliminer l'effet
date et isoler les différences liées aux régimes hydrauliques différents entre les stations,
nous avons effectué l'AFC "intradate", analyse qui centre les valeurs brutes par rapport à
la moyenne de leur date (Dolédec et Chessel, 1989 ; Beffy et Dolédec, 1989). La
représentation du plan factoriel sous forme éclatée par station et date (figure 5.2) nous
permet de conserver l'image de la répartition relative des prélèvements au sein de chaque
campagne.
2.3. Résultats de l'AFC intradate (analyse qualitative de la composition
spécifique)
Globalement, l'axe F1 (figure 5.2) oppose des faciès lents (partie positive de l'axe)
et des faciès rapides (partie négative). L'axe F2 est structuré principalement par les faciès
lents de la station 2. La famille des Corixidae occupe la position la plus basse sur cet axe
(figure 5.3). Cette famille n'est en effet présente que dans cette station (tableau 5.2). Les
taxons des familles constituant le fond faunistique commun à toutes les stations de l'Ance
(Chironomidae Elmidae) n'interviennent pas dans la dispersion des prélèvements (figure
5.3).
Les faciès lents de la station 2 (tronçon court-circuité) sont nettement détachés des
autres. Les taxons contribuant à la faune de ces faciès sont indiqués à la figure 5.3(a). Il
s'agit de taxons lénitophiles, trouvés surtout sur la station 2, comme les Corixidae, les
Glossiphoniidae (principalement Helobdella), les Caenidae (Caenis, surtout à la campagne
D3), les Calopterygidae (C. virgo). Des Copépodes et Hydrozoaires (Hydra), représentant
juste 0,01 % en densité relative, ont également été déterminés surtout sur la station 2
(figure 5.3 et tableau 5.2). Les faciès lents du tronçon à débit réservé stable et faible sont
donc caractérisés par un peuplement plus lentique que celui des autres prélèvements. Les
faciès lents de la station 1 s'en rappochent un peu.
Les prélèvements de la station 1 sont légèrement dispersés le long de l'axe F1
opposant les faciès lents et rapides. Le même schéma est observé aux trois campagnes pour
cette station.
112
B
G
H
P
F
A
C
X
CARTE FACTORIELLE DES TAXONS
PLAN ECLATE POUR CHAQUE GROUPE DE MOBILITE
Copépodes
Caenis
Calopterix virgo
Helobdella
Glossiphonia
Taxons contribuant à la faune des faciès lents de la station 2Corixidae
Ceraclea
Mystacides
Dytiscidae
Sialis
Chironomini
Epeorus
Hydropsyche
Cheumatopsyche
DugesiaRhithrogena
Hydra
2.3-1.6-3
1.4F1
F2
Taxons contribuant à la faune
de quelques faciès
rapides, surtout à D3
(a)
(b)
Bons nageurs, mobiles, benthiques (B) Bons nageurs, mobiles, pélagiques (G) Hydrodynamiques, capables de se déplacer dans le courant (H) Peu mobiles, non (ou peu) fixés (P) Vivant dans un filet qu'ils sécrètent (F) Accrochés, capables de s'agripper (A) Fixés en permanence, collés (C) Indéterminés (X)
Codes des groupes de mobilité
2.3-1.6-3
1.4F1
F2
(13 %)
(7,45 %)
Orthocladiinae
5 genres d'Elmidae
Figure 5.3. : Carte factorielle des taxons, issue de l'AFC intradate réalisée à partir du tableaubrut de l'Ance du Nord (voir texte). Représentation du plan F1 / F2 - (a) avec les taxonsindividuels (voir tableau 5.2 et annexe 2 pour les densités) et - (b) avec la projection desgroupes de mobilité, sous forme éclatée par groupe.
113
La dispersion des prélèvements des stations 3 et 4 (tronçon à éclusées) est différente
à la troisième campagne (D3) par rapport aux deux premières (D1 et D2) (figure 5.2).
- Lors des deux premières campagnes correspondant à une période d'éclusées, ces
prélèvements ont des points communs ; ils sont plus regroupés au centre du plan que les
autres. Ainsi, lors des périodes d'éclusées, la faune n'est pas très différente entre les
différents faciès.
- Après une période d'étiage (campagne D3), les faciès de ces stations sont davantage
dispersés le long de l'axe F1. Ils ont plus de points communs avec les faciès de la station
2. Les faciès lents sont plus nettement opposés aux faciès rapides que lors des deux
premières campagnes (figure 5.2). Ce sont les Hydropsychidae (Hydropsyche et
Cheumatopsyche) et un genre d'Heptageniidae (Epeorus) qui contribuent le plus à la
dispersion de ces faciès rapides.
2.4. Etude de la dispersion des groupes de mobilité ou mode de fixation
Les caractéristiques de mobilité ou de fixation (définies au chapitre 1, § 2.4.2) sont
représentées à la figure 5.3(b). Les individus appartenant à chaque groupe sont dispersés
dans tout le plan F1 / F2 (figure 5.3(b)), sauf pour le groupe des hydrodynamiques (H),
localisés dans la partie négative de l'axe F2. Les hydrodynamiques sont représentés
uniquement par les trois genres d'Heptageniidae rencontrés sur l'Ance. Ces taxons
rhéophiles sont logiquement trouvés dans les faciès rapides (partie négative de l'axe F2). A
part ce cas particulier, on peut dire que l'étude de la dispersion globale des taxons en
fonction de leur groupe de mobilité (figure 5.3(b)) n'apporte pas d'explication sur la
dispersion des faciès dans cette étude.
Par contre, le groupe de fixation permet d'émettre des hypothèses concernant le cas
particulier des Hydropsychidae évoqué ci-dessus. En effet, les individus de cette famille
sécrètent un filet, et il est possible que l'absence d'éclusées pendant une période assez
longue favorise le développement des Hydropsychidae, particulièrement abondants dans les
faciès rapides de la station 3 à la troisième campagne (figure 5.3 et tableau 5.2). Les avis
concernant l'effet des célusées sur les Trichoptères sécrétant des filets sont partagés dans la
littérature. Weisberg et al. (1990) et Boon (1993) relatent une plus faible abondance
d'Hydropsyche, à l'aval immédiat d'ouvrages fonctionnant par éclusées. Selon Boon (1993),
ce résultat serait dû aux débits instables et forts, susceptibles d'abîmer les filets des
Hydropsyche. C'est peut-être le cas sur l'Ance. Mundahl et Kraft (1988), Georgian et Thorp
(1992) ont cependant observé l'effet inverse et l'ont attribué à un apport plus élevé de
nourriture lors des forts débits, pouvant alors être capturé par les Hydropsyche. Boon
(1993) suggère que les deux facteurs pourraient se compenser, l'apport de nourriture
améliorant le bilan énergétique.
114
3. Conclusions
L'analyse présentée ici a permis de mettre en évidence un schéma différent des
stations 3 et 4 à la campagne sans éclusées (D3). En effet, après la période d'étiage
prolongée (trois mois sans éclusées), la faune des stations 3 et 4 (tronçon à éclusées) se
différencie davantage de celle la station 1 (référence) et ressemble plus à celle de la station
2 (tronçon court-circuité). Dans le tronçon à éclusées, le débit est probablement resté
relativement constant pendant cette période du fait de la restitution des barrages, alors que
celui de la station de référence était plus variable. Dans la station de référence, la période
d'étiage n'a pas entraîné de modification nette de la faune.
Ce résultat montre qu'un débit faible et stable entraîne des différences dans la
communauté benthique par rapport à la situation naturelle, même dans les stations
où les éclusées entraînent des variations de débit en dehors de l'étiage.
Par contre, en période d'éclusées, seuls les prélèvements de la station 2 se
distinguent nettement des autres par une faune particulièrement lénitophile dans les faciès
lents. Les faciès des stations 3 et 4 sont regroupés, relativement proches de ceux de la
station 1. L'effet des éclusées n'est donc pas très marqué sur ce site. Les faciès de la
station 1 semblent cependant un peu moins groupés, avec une faune des faciès lents un peu
plus lénitophile que les faciès lents des stations 3 et 4. Les éclusées entraînerait donc une
homogénéisation de la faune entre les faciès lents et rapides. Ce résultat ne constitue
qu'une tendance car il est relativement peu marqué sur le plan de l'AFC intradate.
115
L'étude des peuplements d'invertébrés sur l'Ance permet de classer les effets de
l'artificialisation du régime hydraulique par rapport à la situation de référence :
1.
L'effet du débit réservé stable et faible est le plus net, avec des taxons spécifiques des
faciès lents de la station du tronçon court-circuité.
2.
Après une période d'étiage sans éclusées, la faune du tronçon à éclusées
a plus de points communs avec la faune de la station à débit réservé
qu'avec la station de référence.
3.
L'effet d'une période d'éclusées sur les peuplements d'invertébrés des stations de
l'Ance est assez peu marqué. On observe un légère diminution de la spécialisation de la
faune de faciès différents par rapport à la situation de référence.
Les résultats concernant les peuplements de poissons étaient similaires, avec des
peuplements nettement lénitophiles sur la station à débit réservé faible. Sur les stations
soumises à éclusées, les peuplements n'étaient pas déstructurés, mais les résultats des
échantillonnages ont cependant mis en évidence des espèces ou stades sensibles.
DEUXIEME PARTIE
LA FONTAULIERE
CHAPITRE 6 - Echantillonnages, description physique,peuplements de poissons et conditionsd'habitat pour la truite
CHAPITRE 7 - Peuplements d'invertébrés benthiqueset fonctionnement trophique
CHAPITRE 6
ECHANTILLONNAGES,DESCRIPTION PHYSIQUE,
PEUPLEMENTS DE POISSONS ETCONDITIONS D'HABITAT POUR LA TRUITE SUR
LA FONTAULIERE
121
Chapitre 6
Echantillonnages, description physique, peuplements de poissons etconditions d'habitat pour la truite sur la Fontaulière
Les résultats de l'étude des paramètres physiques et des peuplements de la
Fontaulière sont organisés en deux chapitres. L'étude des variations de débit, des
peuplements de poissons et des conditions d'habitat pour la truite sont regroupés dans le
présent chapitre. Ces compartiments ont donné lieu à une étude moins détaillée que sur
l'Ance.
1. Echantillonnages réalisés sur les stations de la Fontaulière
Les études ont débuté en août 1991 sur la Fontaulière, avec la première campagne
de pêche électrique. Les techniques d'échantillonnage et les méthodes d'analyse des
résultats ont été exposés au chapitre 1. Nous exposons ici uniquement les dates des
campagnes d'échantillonnage effectuées pour chaque compartiment étudié, ainsi que les
caractéristiques générales des stations.
1.1. Echantillonnage des peuplements de poissons
Deux campagnes (tableau 6.1) ont pu être réalisées avant la crue centennale du 22
septembre 1992, en août 1991 (stations 1 et 3 seulement) et en mai 1992. La station 2 n'a
pas pu être pêchée en août 1991 en raison d'un débit lâché à Pont de Veyrières trop élevé
(soutien d'étiage). Deux campagnes (tableau 6.1) ont été effectuées dans l'année suivant
cette crue, en avril et en septembre 1993.
Tableau 6.1. : Dates des campagnes (Ci) de pêchesélectriques effectuées sur chaque station de la Fontaulière.Campagne Stations
S1 S2 S3C1 Août-91 - Août-91C2 Mai-92 Mai-92 Mai-92C3 Avril-93 Avril-93 Avril-93C4 Sept-93 Sept-93 Sept-93
Chapitre 6 - Physique, poissons et habitat - Fontaulière
122
0
10
20
30
40
0
10
20
30
40
15 mai 9215 fev 92
D1
D1*
D2
15 nov 91 15 fev 92données manquantes
Déb
it (
m3
s-1
)D
ébit
(m
3 s-1
)
Temps (semaines)
Temps (semaines)
D3D4
0
10
20
30
40
1 jan 93 31 mar 93
D5
Déb
it (
m3
s-1
)
1 oct 92 31 dec 92
0
1020
3040
50
60
70
80
Déb
it (
m3 s
-1)
Temps (semaines)
Temps (semaines)
Figure 6.1. : Chroniques de débit de Pont de Labeaume, juste en aval de la confluence entrel'Ardèche et la Fontaulière. Bien qu'incluant le débit de l'Ardèche, ces chroniquespermettent de visualiser les éclusées de la Fontaulière, et de placer les différentescampagnes de prélèvements d'invertébrés et d'épilithon.D1* correspond à la première campagne de prélèvement d'épilithon, réalisée un peu plustard que les prélèvements d'invertébrés. Les dates D3 et D4 concernent seulement la station1 et les invertébrés.
Chapitre 6 - Physique, poissons et habitat - Fontaulière
123
1.2. Echantillonnage des peuplements d'invertébrés et d'épilithon
Les deux premières campagnes (tableau 6.2) d'hiver (D1) et de printemps (D2) ont
été effectuées dans l'année 1992, avant la crue. Les stations 2 et 3 avaient alors un débit
plancher différent.
La campagne d'automne initialement prévue n'a pas pu être réalisée en raison de la
crue du 22 septembre 1992. Seuls les invertébrés benthiques ont été prélevés aux dates D3
et D4 après la crue pour apprécier le niveau de recolonisation (tableau 6.2). Ces
prélèvements ont été réalisés uniquement sur la station 1 de référence car après la crue, les
usines hydroélectriques ont fonctionné quasiment en permanence, entraînant un débit trop
élevé dans les stations aval. Le débit naturel est également resté assez élevé pendant
plusieurs semaines, permettant cependant de réaliser des prélèvements sur la station 1 trois
semaines après la crue (D3).
Au printemps 1993, une campagne complète sur les trois stations a été réalisée
(D5).
Tableau 6.2. : Dates des campagnes (Di) de prélèvementsd'invertébrés et d'épilithon (*) effectuées sur chaque stationde la Fontaulière.Campagne Stations
S1 S2 S3D1 Fev/Mar-92* Fev/Mar-92* Fev/Mar-92*D2 Mai-92* Mai-92* Mai-92*D3 Oct-92 - -D4 Dec-92 - -D5 Mar-93* Mar-93* Mar-93*
L'échantillonnage de l'épilithon a été entrepris pour quantifier et expliquer le
surdéveloppement algal observé, particulièrement sur la station 3, à l'occasion des visites
de terrain. L'épilithon a été prélevé aux mêmes campagnes D1, D2 et D5 que les
invertébrés, avec cependant un décalage de près de 6 semaines pour la première campagne
(D1*, figure 6.1). Le régime hydraulique lié aux éclusées dans les semaines précédant
chaque campagne peut être lu sur les chroniques de Pont de Labeaume (figure 6.1).
1.3. Mesures physiques pour la mise en œuvre de la méthode des microhabitats
La campagne de mesures physiques a été réalisée en août 1991 sur les stations 1 (à
0,13 m3.s-1) et 3 (à 0,4 m3.s-1). Sur la station 2, elle a pu être réalisée en mars 1993 (débit
observé égal à 1,2 m3.s-1), les tentatives effectuées avant cette date ayant échoué du fait
d'un débit trop élevé.
Chapitre 6 - Physique, poissons et habitat - Fontaulière
124
Tableau 6.3. : Caractéristiques physiques et chimiques des trois stations d'étude de laFontaulière.
Caractéristiques StationsS1 S2 S3
Régime hydraulique (m3.s-1) naturel débit de base -éclusées
(1,35 - 20)
débit de base -éclusées
(0,12 * - 20)Module (m3.s-1) 2,5 11,7 11,7
Surface du bassin versant (km2) 55 125 128Distance à la source (km) 12 16 18
Altitude (m) 400 350 325Pente (o/oo) 6,4 7,3 3,1
Largeur moyenne (m) 7 16 12Longueur (m) 89 123 83
Faciès (o/o de la longueur) :plat 27 23 43
radier-rapide 44 77 26mouille 29 24 ** 31
Granulométrie (o/o) :sable et graviers (< 16 mm) 10 3 7
cailloux (16 à 256 mm) 58 59 44blocs et rochers (>256 mm) 32 38 49
Qualité physico-chimique(moyenne ± SD) :
Conductivité (µS.cm-1) 70 ± 13 52 ± 3 53 ± 6
pH 7,0 ± 0,2 7,0 ± 0,4 7,0 ± 0,6
N minéral total (mg.l-1) 0,541 ± 0,211 0,384 ± 0,124 0,373 ± 0,129
P.PO4 (mg.l-1) 0,022 ± 0,016 0,025 ± 0,022 0,025 ± 0,022
Ca2+ + Mg2+ (mg.l-1) 10 ± 0 7 ± 1 6 ± 1
(*) avant la crue de septembre 1992(**) mouille latérale, parallèle à un radier
Chapitre 6 - Physique, poissons et habitat - Fontaulière
125
La gamme des débits modélisés, dépendante du débit observé et de la taille des
stations, est moins étendue sur la station amont (0,1 à 10 m3.s-1) que sur les stations 2 (0,5
à 30 m3.s-1) et 3 (0,1 à 30 m3.s-1).
1.4. Mesures physico-chimiques
Trois campagnes de mesures des paramètres physico-chimiques ont été réalisées en
mars 1992, août 1992 et avril 1993.
1.5. Enregistrements des débits sur les stations 1 et 2
Sur la Fontaulière, dans le secteur court-circuité par l'usine du Pradel (station 3), les
variations du débit n'ont pas pu être enregistrées à l'époque où le débit plancher était faible
(avant la crue du 22 septembre 1992). Les enregistrements exploitables sur les stations 1 et
2 sur une période de 6 mois, du 1er janvier au 1er juillet 1994. Ces enregistrements seront
utilisés pour illustrer le fonctionnement des usines de Montpezat et de Pont de Veyrières.
2. Caractéristiques des stations
Les caractéristiques générales des stations figurent au tableau 6.3. On note que les
trois stations sont de taille différente. Leur largeur moyenne est donnée à titre indicatif à
débit plancher (1,3 m3.s-1) sur les stations 2 et 3 et à débit d'étiage (0,2 m3.s-1) sur la
station 1.
La granulométrie a été relevée lors de la campagne de mesures effectuée dans le
cadre la méthode des microhabitats. Les résultats montrent une faible proportion relative
des éléments fins, surtout sur la station 2. Notons que, sur cette station, la campagne de
mesures a été effectuée après la crue, ayant pu entraîner l'élimination des éléments fins du
substrat. Cependant, cette station contenait déjà assez peu de sable et graviers avant la crue,
probablement du fait de la présence du barrage de Pont de Veyrières situé juste en amont.
Les paramètres physico-chimiques mesurés témoignent d'eaux peu minéralisées,
non polluées d'après la classification proposée par Nisbet et Verneaux (1970).
Chapitre 6 - Physique, poissons et habitat - Fontaulière
126
0
5
10Station 1
Déb
it (
m3 .
s-1 )
janvier février mars avril mai juin 1994
0
10
20
30
40
50
60
70 Station 2
80
Déb
it (
m3 .
s-1 )
janvier février mars avril mai juin 1994
Figure 6.2. : Régime naturel sur la station 1 et régime d'éclusées sur la station 2, enregistrésdu 1er janvier au 1er juillet 1994 sur la Fontaulière.
Chapitre 6 - Physique, poissons et habitat - Fontaulière
127
3. Description des débits sur la Fontaulière
Les hydrogrammes présentés à la figure 6.1 donnent une image des périodes
d'éclusées de la Fontaulière, mais ne renseignent pas précisément sur les niveaux de débit
aux stations étudiées. Pour illustrer les débits transitant dans les stations, nous disposons
des enregistrements obtenus à l'aide des limnigraphes enregistreurs installés sur les
stations 1 et 2.
Sur la station 3, nous ne disposons d'aucun enregistrement de débit correspondant à
l'époque où la microcentrale fonctionnait en dérivant une partie des éclusées provenant de
l'amont et en laissant transiter dans la rivière un débit minimum de 120 l.s-1. Ce débit était
maintenu constant lorsque le débit restitué à Pont de Veyrières était inférieur au débit
d'équipement de la microcentrale, soit 7 m3.s-1, y compris en dehors des périodes
d'éclusées. Le débit plancher de 1,35 m3.s-1 maintenu en aval de Pont de Veyrières était
donc presque entièrement dérivé.
Les enregistrements réalisés par la suite sur les stations 1 et 2 (figure 6.2)
permettent de connaître, sur une période de 6 mois (du 1er janvier au 1er juillet 1994), le
régime naturel amont et d'illustrer le fonctionnement du complexe Montpezat-Pont de
Veyrières.
Les variations naturelles de débit peuvent être brutales dans ce régime hydrologique
de type cévenol. Dans la période considérée, les débits de pointe enregistrés (figure 6.2,
station 1) ont été atteints en moins de 24 heures à partir du début de la montée de l'eau. La
décrue est beaucoup plus lente puisqu'elle s'achève en plusieurs jours.
Sur la station 2, ces crues naturelles sont visibles (figure 6.2., station 2), mais sont
augmentées des apports naturels de la Bourges et des éclusées de Montpezat. Les courbes
de débits classés (figure 6.3) confirment que les volumes d'eau sont très supérieurs sur la
station 2 (la courbe de la station 2 est toujours au-dessus de la courbe de la station 1). On
peut identifier, sur la station 2, un palier correspondant aux éclusées à 19 m3.s-1 (près de
20 % du temps).
Rappelons que de la station 1 à la station 2, la taille du bassin versant double
(apports de la Bourges). Les débits naturels entrant dans la retenue de Pont de Veyrières
sont donc en moyenne deux fois plus importants que ceux mesurés sur la station 1.
Chapitre 6 - Physique, poissons et habitat - Fontaulière
128
0
10
20
30
40
50
60
70
80
20 40 60 80 1000
Station 1Station 2
palier correspondant aux éclusées
Durées cumulées (%)
Déb
it (
m3 .
s-1 )
Figure 6.3. : Débits classés sur la période de 6 mois d'enregistrement sur les stations 1 et 2de la Fontaulière.
Le débit enregistré à la station 2 est la somme de ces apports naturels et des
éclusées de Montpezat, après passage dans les turbines de Pont de Veyrières, et surverse
sur la crête du barrage du débit excédentaire si cette somme dépasse 19 m3.s-1. Les
éclusées sont relativement indépendantes du régime naturel de la Fontaulière puisque les
apports proviennent de réservoirs à grande capacité de stockage.
En période de basses eaux, les apports naturels amont sont stockés et relâchés avec
les éclusées de Montpezat reprises à l'usine de Pont de Veyrières ; le débit plancher entre
les éclusées est alors maintenu constant et égal à 1,3 m3.s-1 (figure 6.2, station 2, à partir
de la fin du mois de mai).
Lorsque les apports naturels sont importants, l'usine de Pont de Veyrières peut
turbiner en permanence et les apports supplémentaires occasionnés par les éclusées de
l'usine de Montpezat sont alors directement transmis en aval. En période de fortes eaux,
le débit plancher ressemble donc au débit naturel auquel s'ajoutent les éclusées
provenant de Montpezat (figure 6.2, station 2, début de l'année 1994).
Sur la station 2 de la Fontaulière, le débit plancher est donc susceptible de
varier en fonction des apports naturels.
Chapitre 6 - Physique, poissons et habitat - Fontaulière
129
4. Etude des peuplements de poissons de la Fontaulière
4.1. Composition des peuplements
Les résultats des pêches réunis dans le tableau 6.4 montrent des différences très
nettes entre les stations, illustrées à la figure 6.4.
La station de référence (S1) comporte une population de truite fario, avec des
effectifs et biomasses elevés. Le vairon est la seule espèce accompagnatrice.
La station 2 est également caractérisée par la truite et le vairon avec quelques
chabots et goujons peu nombreux (figure 6.4). La loche, le blageon et l'anguille sont
également présents sur cette station ; un seul individu de chacune de ces espèces a été
pêché au cours des campagnes d'échantillonnage.
Les effectifs et biomasses de truite, exprimés par 100 mètres de station (tableau
6.4), sont supérieurs à ceux de la station 1 lors de la première campagne (avant la crue).
Cependant, la station 2 étant plus de deux fois plus large que la station 1 (voir § 2 de ce
chapitre), les densités et biomasses de truite par hectare sont toujours plus faibles que sur la
station 1 (tableau 6.5).
Ce premier secteur soumis à éclusées avec un débit plancher soutenu (station
2) comporte donc un peuplement dominé par les truites et les vairons. La densité et la
biomasse de truite par hectare sont plus faibles que dans la station de référence.
Tableau 6.5. : Densités et biomasses de truite, estimées par la méthode de Carle et Strub,calculées par hectare pour chaque station.
Station 1 Station 2 Station 3Campagne N (/ha) B (kg/ha) N (/ha) B (kg/ha) N (/ha) B (kg/ha)
C1 3043 166 - - 567 29C2 2771 66 1506 56 858 48C3 3243 58 625 23 642 12C4 10686 144 1463 64 617 20
Dans la station 3, les densités et la biomasses de truite (tableau 6.5) sont plus faibles
que sur la station 2 (à l'exception de la densité obtenue à la campagne C3, réalisée après la
crue), et toujours nettement plus faibles que sur la station 1. Les vairons sont beaucoup plus
nombreux (tableau 6.4 et figure 6.4). Le goujon et la loche sont très abondants. Le blageon
est également assez abondant, surtout lors des deux premières campagnes. Le chevaine est
représenté par quelques gros individus capturés lors des campagnes C2 et C4 uniquement.
Chapitre 6 - Physique, poissons et habitat - Fontaulière
130
Tableau 6.4. : Résultats des pêches électriques réalisées sur la Fontaulière lors de chacunedes quatre campagnes (C1 à C4). Les effectifs (N) et biomasses (B, en grammes) ont étéestimés par la méthode de Carle et Strub (pour l'explication de la méthode et les codes desespèces, voir chapitre 1, § 2.4.1) et ont été ramenés à 100 mètres de linéaire pour chaquestation (S1, S2 et S3). IC représente l'intervalle de confiance de l'effectif à 95 % et p est laprobabilité de capture.
Chapitre 6 - Physique, poissons et habitat - Fontaulière
131
Le peuplement piscicole de la station 3 (régime d'éclusées avec débit plancher faible)
est nettement différent de celui des deux autres stations, avec moins de truites et une
forte abondance d'autres espèces.
Les espèces les plus abondantes (sauf la loche) sont lénitophiles (goujons,
chevaines, vairons). Leur abondance est à relier au débit plancher très faible transitant
dans cette station. L'abondance de la loche est directement liée à la source de nourriture
(Horton, 1994). L'épais tapis algal observé sur cette station à plusieurs reprises et prélevés
par la suite (voir chapitre 7 sur l'épilithon) pourrait expliquer l'abondance des loches. Ces
dernières sont en effet souvent trouvées dans des secteurs où le développement algal
important favorise le développement des chironomes, nourriture principale de cette espèce
de poisson (Gaudin, comm. pers.). Cette surabondance d'épilithon est liée directement au
faible débit de base, comme nous le verrons par la suite (Valentin et al., 1994c).
4.2. Espèces particulièrement peu abondantes
Un gros barbeau a été capturé uniquement sur la station 3 lors de la dernière
campagne. Quelques chabots ont été capturés sur les stations 2 et 3 au cours de deux des
campagnes de pêche. Des anguilles ont également été capturées sur les stations 2 et 3.
L'aménagement de Pont de Veyrières constitue probablement un obstacle infranchissable
pour ce migrateur.
4.3. Impact de la crue de septembre 1992
Les deux campagnes de pêche ont eu lieu respectivement sept mois (C3, avril 1993)
et un an (C4, septembre 1993) après la crue centennale. Cette crue n'a apparemment pas
entraîné de différences importantes dans la composition spécifique des peuplements de
poissons (figure 6.4). Lors d'une visite de terrain deux jours après la crue, nous avions noté
la présence de poissons morts échoués sur les berges (truites et goujons notamment dans le
secteur de la station 3). On observe des réductions de biomasses et d'effectifs (figure 6.4,
tableau 6.4), en particulier chez le vairon dans les trois stations. Les densités et biomasses
de truite (tableau 6.5) ont également été réduites, surtout sur les stations 2 et 3. Nous
étudierons plus en détail la structure des populations de truite au paragraphe suivant.
Concernant la station 3, nous ne disposons pas d'éléments suffisants pour expliquer
les réductions d'effectifs pour les espèces caractéristiques de la station 3 entre la campagne
C3 (sept mois après la crue) et la campagne C4 (un an après la crue). Il est possible que
cette station ait subi les effets du désablage de la petite retenue servant de pise d'eau à la
microcentrale et des travaux mis en œuvre dans l'année 1993 suite à la destruction de la
dérivation. D'autres campagnes seraient nécessaires pour connaître l'évolution des
peuplements à plus long terme, notamment suite à l'augmentation du débit plancher dans la
Chapitre 6 - Physique, poissons et habitat - Fontaulière
132
Chapitre 6 - Physique, poissons et habitat - Fontaulière
133
station 3, devenu alors identique à celui de la station 2. En effet, un an après le changement
de régime hydraulique, il est encore trop tôt pour savoir si le peuplement de la station 3
est susceptible d'évoluer vers un peuplement plus lotique, semblable à celui de la
station 2. Nous ne disposons pas d'un nombre de campagnes suffisant pour analyser cette
situation.
4.4. Comparaison avec une étude antérieure
Les densités et biomasses de truite de la station 2 peuvent être comparés à des
résultats de pêche recueillis en août 1980 et juin 1981 par l'ARALAPBP (Dessaix et
Marmonier, 1981), avant la construction du barrage de Pont de Veyrières (1986). Ces
pêches ont été réalisées sur deux stations soumises aux éclusées de Montpezat, le débit
plancher étant le débit naturel de la Fontaulière : la station A était à l'emplacement
actuel de la retenue de Pont de Veyrières, la station B était située dans le même secteur que
la station 2. Le peuplement était alors composé essentiellement de truites, avec quelques
chabots, quelques loches et un vairon. La diminution globale observée à la deuxième
campagne semble liée à de mauvaises conditions hivernales. Les résultats (tableau 6.6) sont
supérieurs à ceux obtenus sur la station 2 (tableau 6.5), secteur toujours soumis à des
éclusées hydroélectriques, mais avec un débit plancher artificialisé depuis 1986. La station 2
pourrait être affectée par cette artificialisation du débit de base. Les résultats obtenus sur la
station 1 pour la truite sont du même ordre de grandeur que ceux obtenus en juin 1981. Il
manque cependant une comparaison avec une station située en amont de la restitution de
Montpezat en 1980 et 1981 pour connaître l'effet du régime d'éclusées sur un débit de base
naturel ainsi que l'évolution du peuplement de la Fontaulière et mieux comprendre les
différences observées à 10 ans d'intervalle.
Tableau 6.6. : Résultats des pêches électriques des 2 stations de l'étude de DESSAIX etMARMONIER (1981) lors des deux campagnes, concernant la truite fario (estimation parla formule de DELURY).
STATION A STATION BCampagne Effectif /ha Biomasses
(kg/ha)Effectif /ha Biomasses
(kg/ha)Août 1980 14440 # 485,8 # 4254 175,2Juin 1981 3628 167,9 1843 91,9
# données surestimées par la formule DE LURY car les résultats entre le 1er et le 2ème passage sont tels quel'application de la condition de Seber et Le Cren est peu satisfaisante (chapitre 1, § 2.4.1).
4.5. Conclusion
Le peuplement de la station 3 apparaît nettement influencé par la faible valeur du
débit de base : le peuplement qui s'y développe est caractérisé par des espèces lénitophiles.
Sur la station 2, le régime d'éclusées avec un débit de base plus soutenu semble se traduire
Chapitre 6 - Physique, poissons et habitat - Fontaulière
134
Chapitre 6 - Physique, poissons et habitat - Fontaulière
135
surtout par une réduction relative de la population de truite (résultats à l'hectare
principalement), sans changement fondamental dans la composition spécifique par rapport
à la situation de référence. Sur la Fontaulière, les effets du régime d'éclusées se manifestent
donc à deux niveaux, le facteur le plus important étant la valeur du débit plancher.
1. Lorsque le débit plancher est très faible (station 3), le peuplement piscicole est
dominé par des espèces lénitophiles, la truite étant alors moins abondante que sur les
autres stations.
2. Dans la station où le débit plancher est soutenu, la composition spécifique du
peuplement est semblable à la situation naturelle.
Les densités et biomasses de truite sont cependant plus faibles
que sur la station de référence.
4.6. Structure des populations de truite
Avant la crue
L'examen des histogrammes en classes de taille pour la truite (figure 6.5) montre que
la structure est bien équilibrée sur la station 1, surtout lors de la première campagne. La
deuxième campagne montre un taux de recrutement élevé sur cette station. Sur la station 2,
les différentes classes d'âge sont également bien représentées (campagne C2, figure 6.5). Sur
la station 3, la structure en classe d'âge est moins équilibrée. En particulier, il manque la
classe d'âge 1+ en août 1991, et par conséquent 2+ en mai 1992. On ne retrouve pas ce
manque sur les stations 1 et 2. Aucune explication satisfaisante n'a pu être avancée.
Après la crue
Après la crue, les effectifs de 0+ pêchés en avril 1993 (campagne C3) proviennent de
réintroductions d'alevins sur les stations 1 et 3, expliquant les fortes proportions de 0+
(figure 6.5). A cette date, aucun alevin n'a été pêché sur la station 2 ; les réintroductions
n'avaient semble-t-il pas encore eu lieu dans ce secteur. Ceci explique que les densités
calculées sur la station 3 (campagne 3) soient un peu plus élevées que sur la station 2
(tableau 6.5). Un an après la crue (campagne C4), la cohorte des 0+ semble à nouveau
équilibrée (figure 6.5). Les individus plus âgés sont moins nombreux, expliquant que les
biomasses restent relativement faibles (tableau 6.5). Les individus de la classe d'âge 1+
manquent nettement sur la station 3, peut-être en relation avec les dommages subis par cette
station (désablages et travaux).
L'étude des structures de populations de truite n'apporte pas d'éléments
nouveaux sur l'influence des éclusées par rapport à l'étude des densités et biomasses
exposée au paragraphe précédent. Là encore, nous manquons d'un nombre suffisant de
campagnes de pêche. Du fait de la crue, nous ne disposons en effet que de campagnes
exploitables par deux, ce qui semble insuffisant pour comprendre les effets de régimes
hydrologiques différents sur les populations de truite de la Fontaulière.
Chapitre 6 - Physique, poissons et habitat - Fontaulière
136
0
100
200
300
400
500
0 2 4 6 8 10
0
100
200
300
400
500
0 5 10 15 20 25 30
0
100
200
300
400
500
0 5 10 15 20 25 30
Débit (m3.s-1)
SPU
(m2 /
100m
)
AdulteJuvénileAlevinFraie
Stades de développement de la truite fario
débit d'étiage (0,2 m3.s-1)
Régime naturel
Station 1
Station 2
Station 3
Débit plancher faible
(0,12 m3.s-1)
Débit maxi d'éclusées (19 m3.s-1)
Débit plancher soutenu
(1,35 m3.s-1)
Débit plancher soutenu
(1,35 m3.s-1)
Débit maxi d'éclusées (19 m3.s-1)
Figure 6.6. : Courbes de SPU en fonction du débit pour les quatre stades de développementde la tuite fario, sur les trois stations de la Fontaulière, avec indication de débitscaractéristiques du fonctionnement hydraulique de chaque station.
Chapitre 6 - Physique, poissons et habitat - Fontaulière
137
5. Habitat pour la truite fario en fonction du débit
Examinons les surfaces d'habitat pour la truite fario, obtenues par la méthode des
microhabitats sur les stations de la Fontaulière. Les trois stations ayant des tailles et des
morphologies relativement différentes, la comparaison des courbes de SPU (figure 6.6) ne
pourra pas être aussi complète que sur l'Ance. La gamme des débits modélisés est plus
étroite sur la station 1 (voir § 1.3 de ce chapitre) et l'évolution des SPU en fonction du
débit est différente de celle des deux autres stations.
Les surfaces disponibles (en m2 par 100 mètres de linéaire, figure 6.6) et les valeurs
d'habitat (SPU ramenées en pourcentage de la surface mouillé totale, figure 6.7) obtenues
sur la station 2 sont plus élevées que celles obtenues sur la station de référence. La quantité
d'habitat potentiel sur la station 2 ne permet donc pas d'expliquer que les densités et
biomasses de truite soient moins abondantes que sur la station 1. Nous pouvons supposer
que c'est la variabilité des conditions d'habitat qui explique la diminution relative des
populations de truite sur la station 2.
Sur les stations 2 et 3, les réductions de SPU ont été calculées pour les différents
débits caractéristiques des régimes d'éclusées (tableau 6.7). On constate que les SPU sont
faibles lorsque le débit est fort (figure 6.6). Les jeunes stades subissent des réductions
relatives de SPU très fortes (jusqu'à 77 % sur la station 3, tableau 6.7), et plus
importantes que le stade adulte à débit d'éclusées.
Sur la station 2, les SPU sont maximales à 1 m3.s-1 pour les juvéniles et alevins
(tableau 6.7), et restent élevées jusqu'à 3 m3.s-1 (figure 6.6). Pour l'adulte, le débit
correspondant aux surfaces maximales est plus élevé (tableau 6.7).
Sur la station 3, les SPU sont faibles à débit plancher faible, tandis qu'à 1,3 m3.s-1,
les SPU sont proches des valeurs maximales (tableau 6.7). L'augmentation du débit
plancher de la station 3 entraîne donc une nette amélioration des conditions d'habitat
pour la truite.
Le débit plancher soutenu (1,3 m3.s-1) préserve donc des surfaces favorables élevées
pour les jeunes stades sur les deux stations.
La valeur du débit plancher peut donc expliquer les différences observées dans la
structure et l'abondance des populations de truite entre les stations 2 et 3. Les résultats des
pêches effectuées sur la station 3 après la crue ne permettent cependant pas de connaître
l'évolution de la population de truite suite à l'amélioration des conditions d'habitat pour
cette espèce. La variabilité des conditions d'habitat ne sera pas examinée plus en détail sur
ce site.
Chapitre 6 - Physique, poissons et habitat - Fontaulière
138
AdulteJuvénileAlevinFraie
Stades de développement de la truite fario
Débit (m3.s-1)
VH
(%)
0
10
20
30
40
0 2 4 6 8 10
Station 1
0
10
20
30
40
50
0 5 10 15 20 25 30
Station 2
0
10
20
30
40
50
0 5 10 15 20 25 30
Station 3
Figure 6.7. : Courbes de valeurs d'habitat (VH) en fonction du débitpour les quatre stades de développement de la tuite fario, sur les troisstations de la Fontaulière.
Tableau 6.7. : Pertes de SPU (en %) par rapport à la valeur de SPU maximale, pourles stades adulte, juvénile et alevin de la truite fario, sur les deux stations soumises àéclusées de la Fontaulière.Qm (en m3.s-1) est la valeur de débit pour laquelle la SPU est maximale.P0,1 = pourcentage de réduction de SPU obtenue au débit plancher faible (0,1 m3.s-1),sur la station 3 uniquementP1,3 = pourcentage de réduction de SPU obtenue au débit plancher soutenu (1,3 m3.s-1)
E19 = pourcentage de réduction de SPU obtenue pour une éclusée de 19 m3.s-1.
ADULTE JUVENILE ALEVIN
pertes de SPU (%) pertes de SPU (%) pertes de SPU (%)
Station Qm P0,1 P1,3 E19 Qm P0,1 P1,3 E19 Qm P0,1 P1,3 E19
S2 7 - 28 36 1 - 3 67 1 - 4 72
S3 1,5 40 1 42 0,8 26 6 75 1 37 3 77
CHAPITRE 7
PEUPLEMENTS D'INVERTEBRES BENTHIQUESET FONCTIONNEMENT TROPHIQUE
SUR LA FONTAULIERE
141
Chapitre 7
Peuplements d'invertébrés benthiques etfonctionnement trophique de la Fontaulière
La Fontaulière ayant subi une crue centennale et une modification du niveau dedébit plancher, il nous fallait trouver un modèle biologique plus pertinent que le poissonpour rendre compte des effets de la modification du régime, après récupération etatténuation des effets liés à la crue. L'étude des communautés d'invertébrés benthiques estparticulièrement adaptée pour rendre compte de la réponse du système suite à unemodification du régime hydraulique (Weisberg et al., 1990), du fait de leur rapidité deréponse par rapport aux poissons (Niemi et al., 1990). Cette étude est complétée par lesrésultats de l'échantillonnage de l'épilithon, ayant un temps de réponse encore plus rapide(Lohman et al., 1992), et permettant de compléter l'examen de la répartition despeuplements d'invertébrés en groupes trophiques (Valentin et al., 1994c).
1. Composition taxonomique et diversité des communautés benthiques de la
Fontaulière
1.1. Récupération après la crue sur la Fontaulière
Les trois campagnes (campagnes D3, D4 et D5, voir chapitre 6, § 1.2) suivant lacrue ont permis de suivre la recolonisation par les invertébrés après cet événement. Ellesont été réalisées respectivement 3 semaines, 3 mois et 6 mois après. Seule la station 1 a puêtre échantillonnée dans les mois qui ont suivi cette crue en raison des fortes eaux. Lesrésultats montrent que la crue a provoqué une forte diminution des densités et biomasses(tableau 7.1 et figure 7.1). La densité et la biomasse étaient en effet respectivement 5 fois et18 fois plus faibles trois semaines après la crue (campagne D3, octobre 1992) que quatremois avant (campagne D2, mai 1992).
Six mois après cette crue (campagne D5), la biomasse et les paramètres dediversité étaient encore inférieurs à ceux obtenus avant la crue (campagne D2), mais ladensité était à nouveau du même ordre de grandeur (tableau 7.1).
Chapitre 7 - Invertébrés et fonctionnement trophique - Fontaulière
142
Tableau 7.1. : Densité totale et biomasse d'invertébrés benthiques pour chaque station (S1,S2 et S3) de la Fontaulière aux différentes campagnes de prélèvements (moyennes des 6prélèvements pondérés par la représentativité, voir chapitre 1, § 2.4.2), nombre de taxons etindice de Shannon.Les campagnes en italique ont été effectuées après la crue du 22septembre 1992.
Station Codecampagne
Date Densité(ind/m2)
Biomasse(mg/m2)
nombre detaxons
Indice deShannon
D1 fév. 92 8127 8403 66 4,3S1 D2 mai 92 4038 5032 61 4,4
D3 oct. 92 814 271 29 2,9 D4 déc. 92 1871 1584 54 3,3 D5 mars 93 5411 3729 56 3,1
D1 fév. 92 7500 7942 46 3,5S2 D2 mai 92 8882 4095 37 1,5
D5 mars 93 5413 3052 35 1,5
D1 fév. 92 13349 6839 56 2,6S3 D2 mai 92 6709 4078 55 3,4
D5 mars 93 3267 940 42 2,6NB: les campagnes D3 et D4 ne concernent que la station 1. Ces campagnes ne sont pas retenues dans lesanalyses suivantes.
Densité (individus/m2)
Biomasse (mg/m2)
0
3000
9000
6000
crue
0
3000
6000
9000
D1 D2 D3 D4 D5fév. 92 mai 92 oct. 92 déc. 92 mars 93
Figure 7.1. : Densité et biomasse d'invertébrés prélevés sur la station 1 de la Fontaulière,lors des 5 campagnes (D1 à D5).
Chapitre 7 - Invertébrés et fonctionnement trophique - Fontaulière
143
Bien que la recolonisation après la crue ne soit peut-être pas tout à fait complète, lesrésultats des dates D1, D2 et D5 pourront être comparés entre eux et permettront d'étudiersimultanément des niveaux de débit de base différents (station 2 et 3 avant la crue) ainsique l'effet du réhaussement du débit plancher sur la station 3 dont le régime hydraulique estdevenu identique à celui de la station 2 après la crue. Les parties qui suivent reposent
donc sur l'analyse des 3 campagnes communes aux trois stations (D1, D2 et D5).
1.2. Diversité globale
Les résultats globaux en termes de densités, biomasses et diversité (nombres detaxons et indices de Shannon) des communautés benthiques ont tout d'abord été examinés(tableau 7.1 et figure 7.2).
Effet campagne : Aucun effet campagne n'est révélé par le test de Kruskall-Wallisen ce qui concerne le nombre de taxons d'une part et l'indice de Shannon d'autre part (p=0,4pour les deux). Les densités ne diffèrent pas non plus significativement entre campagnes(Kruskall-Wallis, p=0,1). Les biomasses sont significativement différentes (Kruskall-Wallis, p=0,03), également différentes entre campagnes prises deux à deux (trois tests deMann-Whithney, p=0,049).
Entre les stations, les densités et biomasses ne sont pas significativementdifférentes (tests de Kruskall-Wallis, p=0,7), de même que l'indice de Shannon (Kruskall-Wallis, p=0,2). Le nombre de taxons diffère par contre significativement entre stations(Kruskall-Wallis, p=0,047) avec une différence significative seulement entre les stations 1et 2 (Mann-Whithney, p=0,049).
Notons cependant que même si le seuil de 5 % n'est pas toujours atteint dans cestests statistiques, le nombre de taxons et l'indice de Shannon sont toujours plus élevés surla station 1 de référence. Cette tendance n'est pas démontrée par les tests statistiques du faitdu petit nombre de données (3 stations, 3 campagnes).
1.3. Composition taxonomique
Les densités de chaque famille sont présentées dans le tableau faunistique (tableau7.2) où les familles les plus abondantes (plus de 10 % de la densité totale) sont soulignées.La répartition entre les principaux groupes taxonomiques (tableau 7.2bis) complète letableau précédent. Le tableau des densités pour chaque taxon déterminé figurent en annexe3. Ces tableaux permettent d'examiner l'abondance de différents taxons dans chaquestation.
Chapitre 7 - Invertébrés et fonctionnement trophique - Fontaulière
144
Figure 7.2. : Densité, biomasse d'invertébrés et diversité (nombre de taxons et indice deShannon) pour chaque station (S1, S2, S3) de la Fontaulière, à chaque campagne (D1, D2et D5), voir tableau 7.1 pour les valeurs.
Chapitre 7 - Invertébrés et fonctionnement trophique - Fontaulière
145
Tableau 7.2bis. : Pourcentages des groupes principaux pour chaque station et campagne (en% de la densité totale de chaque colonne).Station Station 1 Station 2 Station 3Date D1 D2 D3 D4 D5 D1 D2 D5 D1 D2 D5Plécoptères 3,4 27,9 4,9 4,9 18,7 0,4 0,4 1,6 0,0 0,7 16,1Trichoptères 22,2 11,9 21,7 17,9 4,9 30,4 5,5 2,6 12,8 23,3 2,1Ephéméroptères 16,4 17,2 34,2 19,5 31,3 12,3 0,9 9,8 54,1 12,5 6,5Coléoptères 11,4 13,6 1,8 1,4 1,7 4,0 1,1 0,2 1,5 2,7 0,7Diptères 33,9 16,3 35,2 54,8 41,5 32,8 84,4 80,5 22,1 49,3 45,6Mollusques 4,6 0,3 0,2 0,1 0,0 12,5 3,1 0,0 3,8 1,5 0,1Oligochètes 7,1 9,3 1,1 0,6 1,5 4,6 2,5 5,0 3,7 7,2 27,9Autres 1,0 3,5 0,9 0,8 0,4 3,0 2,1 0,4 1,9 2,8 1,0
L'étude de la composition spécifique des peuplements est cependant renduecomplexe du fait du grand nombre de taxons. Pour guider cette étude, nous avons réalisél'AFC du tableau brut contenant la densité des taxons pour chacun des six
prélèvements individuels pour les trois stations (S1, S2 et S3) et les trois campagnes
(D1, D2 et D5). Le plan factoriel F1 / F2 issu de cette analyse (figure 7.3) discrimine lestrois stations de manière très nette comme le montrent les ellipses de dispersion et larépartition des points de prélèvement dans le plan pour chaque station aux différentesdates. La variabilité totale du tableau analysé s'explique en grande partie par la variabilitéentre les stations et par la variabilité entre les faciès, comme en témoigne les différentspourcentages d'inertie par rapport à l'inertie totale (figure 7.3). L'effet date est plus faibleque les effets liés à l'espace. La répartition des prélèvements selon les faciès est illustréepar la projection du code des faciès (figure 7.3(b)). La carte factorielle de la même analyseavec projection des taxons (figure 7.4) permet d'expliquer les différences faunistiquesresponsables de la dispersion des points de prélèvements.
1.3.1. Résultats d'ensemble de l'AFC
L'axe F1 est structuré par les prélèvements réalisés dans les faciès lents de la station3 lors des deux premières campagnes D1 et D2 (février et mai 92) réalisées avant la crue.La faune benthique des faciès lents de la station 3, lorsque le débit plancher est très
faible, construit donc à elle seule l'axe F1 de l'analyse. Ces faciès ont une faune trèsparticulière et très différente des autres ; ils sont en effet isolés dans la partie gauche duplan (figure 7.3(b)). La projection des taxons sur ce plan (figure 7.4) montre que cettefaune est caractérisée par les Caenis, très abondants dans ces prélèvements (20000 et 3600ind/m2 en moyenne pour ces faciès à D1 et D2 respectivement), et par Ceraclea,Mystacides (Leptoceridae) et Helobdella, moins abondants, mais absents ou très rares danstous les autres prélèvements.
L'axe F2 disperse les faciès de la station 1, des plus lents (vers le bas) aux plusrapides (vers le haut, ou plutôt vers le zéro sur F2). La partie positive de l'axe F2correspond aux prélèvements des stations à éclusées qui sont davantage groupés.
Chapitre 7 - Invertébrés et fonctionnement trophique - Fontaulière
146
Tableau 7.2. : Densités (ind/m2) des familles d'invertébrés et groupes trophiquescorrespondants sur la Fontaulière (moyennes des 6 prélèvements pondérés par lareprésentativité, voir chapitre 1, § 2.4.2). Seuls les taxons representant plus de 0,01 % de ladensité totale ont été retenus dans ce tableau. Les valeurs soulignées correspondent aux famillesreprésentant plus de 10 % de la densité totale de chaque colonne.Codes pour les groupes trophiques : P=Predateurs, D=Déchiqueteurs, C=Collecteurs, F=Filtreurs,R=Râcleurs, H=Herbivores, L=Limivores, X=Indéterminés.
Chapitre 7 - Invertébrés et fonctionnement trophique - Fontaulière
147
F1 : 20.0 %
F1
F2
S3S2
S1
graphe des valeurs propres
(14,3%)
(20%)
ELLIPSES D'INERTIE A 90 % DES STATIONS
(a)
.8-2.1-2.8
1
F2 : 14.3 %F3 : 11.8 %
Inertie interfaciès
Inertie interstation
Inertie interdate
Pourcentages d'inertie par rapport à l'inertie totale :
13,3 %
19,9 %
20,3 %
P
Z
PDD
M
PP D D
DZ D
Z P PMM
P
ZP
DD
M
PP DD
DZ DZ PPM
M
PZ
PDD
M
PP D
DD
ZDZ
PP
MM
PLAN ECLATE POUR CHAQUE STATION-DATE(b)
STATION 1 STATION 2
CAMPAGNE D1
CAMPAGNE D2
CAMPAGNE D5
fév. 92
mai 92
mars 93
référence amont éclusées +débit plancher soutenuSTATION 3
éclusées + débit plancher faible à D1 et D2
soutenu à D5{
.77-2.2-2.5
.76F1
F2
Figure 7.3. : Carte factorielle des prélèvements, issue de l'AFC réalisée sur le tableaufaunistique brut de la Fontaulière (voir texte), répartition des inerties et graphe des valeurspropres. Représentation du plan F1 / F2 - (a) avec les ellipses d'inertie des stations- (b) sous forme éclatée par station et date afin de représenter les 6 prélèvements avec lenom des faciès : Z=zone de dépôt, M=mouille, P=plat, D=radier (d'après Valentin et al.,1994c).
Chapitre 7 - Invertébrés et fonctionnement trophique - Fontaulière
148
A la date D5 (mars 93), les stations 2 et 3 sont soumises au même régimehydraulique depuis six mois. Tous les faciès de la station 3 sont alors groupés dans la partiesituée en haut et à droite du plan, comme les faciès rapides de cette même station aux deuxprécédentes campagnes D1 et D2, et comme les faciès de la station 2 à toutes les dates. Lesdifférents faciès ont donc une faune spécifique sur la station de référence (faciès lents etrapides dispersés le long de F2) alors que les faciès des stations à éclusées ont une fauneplus semblable (faciès regroupés, sauf les faciès lents de la station 3 à débit plancher trèsfaible). La faune des faciès lents de la station 3 à D1 et D2, lorsque le débit plancher étaitfaible, est très différente de celle des faciès lents de la station 1, caractérisée par des taxonsassez diversifiés (figure 7.4), notamment parmi les Diptères (Ceratopogonidae,Limoniidae). On observe donc une discordance entre la faune des faciès lents de ces deuxstations.
Les résultats qui suivent sur les taxons dominants ou caractéristiques de certainesstations proviennent de l'examen du plan factoriel (figures 7.3 et 7.4), et du retour auxdonnées (tableau 7.2 et annexe 3) pour connaître les densités des taxons considérés.
.77-2.2-2.5
.76
}faune
caractéristique des faciès lents de la station 1
{
faune caractéristique des faciès lents de la station 3
à débit plancher très faible
CARTE FACTORIELLE DES TAXONS
F1
F2(14,3%)
(20%)
(Caenis, Helobdella, Ceraclea,
Mystacides)
DrusinaeStenophylacini
TabanusWiedemania
Enchytraeidae
DicranotaCeratopogonidae
Dolichopodidae
Capnia
(Diptères)
CorixidaeChloroperla
OrthocladiinaeMicrasema
Leuctra
Ephemera
Baetis
Ecdyonurus
RhithrogenaEpeorus
IsoperlaPerlodes
Dinocras
Simuliidae
HydroptilaPsychomyidae
RadixErpobdellidae
Hyperrhyacophila
HydropsycheRhyacophila
PerlaHydraena
Figure 7.4. : Carte factorielle des taxons, issue de l'AFC réalisée sur le tableau faunistiquebrut de la Fontaulière. Représentation du plan F1 / F2 avec les taxons individuels (voirtableau 7.2 et annexe 3 pour les densités).
Chapitre 7 - Invertébrés et fonctionnement trophique - Fontaulière
149
1.3.2. Taxons dominants
Les Orthocladiinae représentent en moyenne 90 % des Chironomidae sur laFontaulière et sont toujours les plus abondants. Les autres sous-familles (Tanypodinae,Tanytarsini et Chironomini) sont généralement peu abondantes (annexe 3).
Pour la station 1, les taxons les plus abondants n'atteignent pas des proportions trèsélevées par rapport aux deux autres stations. Ce sont les Orthocladiinae (18 %), lesLeuctridae (exclusivement du genre Leuctra, 25 %) et les Orthocladiinae (32 %) quidominent, respectivement pour chacune des trois campagnes (tableau 7.2).
Sur la station 2, l'indice de Shannon est particulièrement faible (bien que nonsignificativement différent entre les stations), surtout pour les deux dernières campagnes(D2, mai 92 et D5, mars 93) où il ne dépasse pas 1,5 (tableau 7.1). Le nombre de taxons estégalement plus faible. Ces valeurs témoignent d'une plus faible diversité pour cette stationqui s'explique notamment par la très forte dominance des Orthocladiinae atteignant 81 et78 % en densité, respectivement aux campagnes D2 et D5. Lors de la première campagne,les Orthocladiinae étaient également les plus abondants, mais n'atteignaient "que" 29 %. Acette date (D1), les Brachycentridae (principalement Micrasema) représentaient 19 %.
Les Orthocladiinae sont également les plus abondants sur la station 3 aux dates D2(mai 92) et D5 (mars 93) (respectivement 36 et 41 %). Lors de la première campagne(février 92), ils représentent 19 % de la communauté benthique qui est largement dominéepar les Caenidae (exclusivement Caenis, 53 % de la densité totale de la station à cettedate).
1.3.3. Taxons particuliers, caractéristiques d'une station
Les Plecoptères sont toujours plus abondants sur la station 1 que sur les autres(tableau 7.2bis) et toujours représentés par davantage de taxons différents. LesTaeniopterygidae (Brachyptera), Perlidae (Dinocras et Perla marginata) et Capniidae(Capnia) n'ont jamais été trouvés sur la station 3 et sont très peu abondants sur la station 2.Les Perlodidae (Isoperla et Perlodes), Chloroperlidae (Chloroperla) et Nemouridae(Amphinemura, Nemoura et Protonemura) sont moins abondants sur les stations 2 et 3 quesur la station 1.
A part le cas des Caenidae sur la station 3, les Ephéméroptères aussi sont toujoursplus abondants sur la station 1 (tableau 7.2bis et figure 7.4). Les Baetidae (Baetis) et lesHeptageniidae (Epeorus, Ecdyonurus et Rhithrogena) sont plus abondants dans la station 1et plus rares dans la station 3 à toute les campagnes. Les Simuliidae sont également plusabondants sur la station 1.
Inversement, certains taxons sont absents de la station 1. Ce sont des taxonsparticulièrement lénitophiles comme Radix et Galba (Lymnaeidae), Hydroptila(Hydroptilidae), Helobdella et Hemiclepsis (Glossiphoniidae). Ces deux derniers taxonsont été prélevés exclusivement sur la station 3 lors des deux premières campagnes. D'autrestaxons lénitophiles, présents dans toutes les stations sont plus abondants sur la station 3 ;
Chapitre 7 - Invertébrés et fonctionnement trophique - Fontaulière
150
c'est le cas des Caenidae, Psychomiidae et des Leptoceridae. Cette dernière famille contientdes genres présents uniquement sur la station 3 (Ceraclea et Setodes). Certains Odonateslénitophiles comme les Aeschnidae et les Cordulegasteridae ont été également trouvésuniquement sur la station 3, à des densités faibles (annexe 3).
Il semble donc que la station 3, lors des deux premières campagnes surtout, ait unediversité un peu plus élevée que la station 2 (bien que non significativement) du fait del'apparition de taxons lénitophiles caractéristiques probablement du fait du débitplancher très faible.
1.3.4. Conclusions
Sur la Fontaulière, l'examen des peuplements d'invertébrés par station et date amontré que :
Les stations soumises à éclusées ont une diversité plus faible
que la station de référence et leur communauté benthique est dominée nettement par
un ou deux taxons.
En dehors de cas particuliers (liés à des taxons très lénitophiles de la station 3 quand
le débit plancher est faible),
le taxon généralement le plus abondant est Orthocladiinae.
Certains taxons appartenant aux groupes des Plécoptères et Ephéméroptères sont
absents des stations à éclusées.
Le plan F1 / F2 de l'AFC a mis en évidence deux facteurs, correspondant à chacundes deux axes, dans la composition des communautés benthiques prélevées sur laFontaulière :
- le premier facteur concerne le débit plancher. Lorsqu'il est très bas, il entraîneune discordance de la faune des faciès lents par rapport à tous les autres prélèvements. Enparticulier, les taxons lénitophiles de ces faciès sont très différents de ceux des faciès lentsde la station amont. Cet effet est probablement lié aux vitesses du courant. En effet, à 0,12m3.s-1, la moyenne des vitesses modélisées (vitesses moyennes dans la colonne d'eau)dans la mouille de la station 3 est égale à 1 cm.s-1, avec un maximum de 4 cm.s-1). A 1m3.s-1, les vitesses de ce faciès sont plus élevées (Mann-Whitney, p<0,05) avec unemoyenne de 8 cm.s-1 et des vitesses moyennes maximales atteignant 26 cm.s-1. Ainsi, à 1m3.s-1, les vitesses de la mouille sont du même ordre de grandeur que le faciès de type platà 0,12 m3.s-1 (tableau 7.3). La discordance observée semble donc étroitement liée à des
Chapitre 7 - Invertébrés et fonctionnement trophique - Fontaulière
151
vitesses moyennes très faibles dans les faciès les plus lents, même si le débit faible est
interrompu par des éclusées.
- le second facteur s'adresse au régime hydraulique d'éclusées. Les faciès desstations à éclusées (hormis les faciès lents de la station 3 à débit plancher bas) sont trèsgroupés dans le plan alors que les faciès de la station de référence s'individualisent selon ungradient lent - rapide. Ce résultat suggère que la forte variabilité des débits dans le tempsentraîne une atténuation des disparités spatiales naturelles entre benthos de faciès
différents se traduisant par une homogénéisation de la faune (cet effet n'est décelableque lorsqu'il n'est pas masqué par l'effet déstructurant du débit plancher très faible).
2 conclusions majeures résultent de cette AFC sur la Fontaulière :
1.
Lorsque le débit plancher est excessivement bas, il provoque une discordance de la
faune des faciès lents.
2.
Le régime d'éclusées, avec un débit plancher relativement soutenu, entraîne une
réduction de la spécificité faunistique des faciès.
Tableau 7.3. Moyenne (et écart type) des vitesses calculées pourchaque faciès de la station 1 à faible et à fort débit et pour les stations2 et 3 à débits plancher et à débit d'éclusées, sur la Fontaulière.
Station Débit Vitesse moyenne et écart type (cm.s-1)(m3.s-1) Mouille Plat Radier/rapide
S1 0,2 10 (9) 20 (19) 27 (30)10 135 (40) 141 (43) 165 (77)
S2 1 3 (7) 29 (36) 31 (31)20 99 (59) 134 (49) 134 (63)
S3 0,1 1 (1) 6 (10) 12 (18) 1 8 (9) 26 (28) 39 (34)20 95 (75) 142 (82) 155 (72)
Chapitre 7 - Invertébrés et fonctionnement trophique - Fontaulière
152
Tabanidae Tipulidae Perlidae Lumbricidae Heptageniidae Sericostomatidae Limnephilidae Gomphidae Lymnaeidae Philopotamidae
Classe 4 Classe 3Athericidae Goeridae Rhyacophilidae Erpobdellidae Hydropsychidae Ephemeridae Taeniopterygidae Ancylidae Dolichopodidae Brachycentridae Limoniidae
Classe 2Perlodidae Gammaridae Gyrinidae Baetidae Haplotaxidae Nemouridae Polycentropodidae Lumbriculidae Empididae Glossiphoniidae Planariidae
Classe 1Autres
familles classées par ordre de biomasse décroissante
0
5
10
15
20
25
30
35
40
45
50
55
Classe 4
Classe 3Classe 2 Classe 1
Biomasse individuelle Bi (mg)
familles classées par ordre de biomasse décroissante(v
oir t
able
au 7
.2)
Figure 7.5. : Biomasses individuelles (Bi, en mg) des familles (≥ 0,01 % de la densité totale)prélevées sur la Fontaulière et limite des classes retenues. Les limites de classes sont indiquéespar une flèche. Les 2 campagnes post-crue D3 et D4 sur la Fontaulière ont été exclues de cetteanalyse. Classe 1 = Bi<0,4 mg ; Classe 2 = 0,4≤Bi<1 mg ; Classe 3 = 1≤Bi<5 mg ; Classe 4 = Bi≥5 mg.
Classe 4
Classe 3
Classe 1
Classe 2
ELLIPSES À 50 % DES QUATRE CLASSES DE BIOMASSE INDIVIDUELLE
.77-2.2-2.5
.76F1
F2(14,3%)
(20%)
Figure 7.6. : Représentation du plan F1 / F2 de l'AFC, présenté à lafigure 7.4, avec les ellipses d'inertie selon la classe de biomasseindividuelle (Bi) de chaque taxon (légende des classes à la figure 7.5).
Chapitre 7 - Invertébrés et fonctionnement trophique - Fontaulière
153
2. Tentative d'explication des différences observées entre les stations par des
caractéristiques morphologiques des invertébrés - la taille, le mode d'accrochage et le
mode d'alimentation.
Nous avons tenté de mieux comprendre la répartition des invertébrés dans lesdifférentes stations en étudiant des caractéristiques exposées au chapitre 1 (§ 2.4.2),permettant de répartir les taxons entre différents groupes.
2.1. Biomasse individuelle des taxons
La répartition des familles parmi les quatre classes de biomasse individuelle estreprésentée à la figure 7.5.
2.1.1. Résultats
Les ellipses correpondant à chacune de ces classes ont été projetées sur le planfactoriel F1/F2 de l'AFC (figure 7.6). Les taxons appartenant aux différentes classes debiomasse individuelle sont très dispersés. Les ellipses de dispersion à 50 % ont étéreprésentées pour une plus grande lisibilité. Ces ellipses sont assez proches, montrant queles invertébrés ne sont pas vraiment répartis entre les stations en fonction de leur
biomasse individuelle.On observe cependant deux légères tendances :
- les individus de la classe 4 qui semblent légèrement plus liés à la station 1, avec de grosindividus rélevés plutôt dans les faciès lents (l'ellipse est un peu tirée vers le bas de l'axe F2par rapport aux autres). Certains gros individus seraient donc favorisés dans les faciès lentsde la station 1 et ne trouveraient pas des conditions similaires dans les autres faciès et lesautres stations.- Les petits individus (classes 1 et 2) semblent davantage liés aux faciès lents de la station 3à débit plancher faible. Les quatre taxons construisant l'axe F1 (à gauche sur la figure 7.4)appartiennent en effet à la classe 2 (Helobdella) ou 1 (Caenis, Ceraclea et Mystacides). Cerésultat va dans le sens de la discordance de la faune de ces faciès par rapport à la faune desfaciès lents de la station 1.
2.1.2. Discussion
Cette tentative d'explication de la répartition des invertébrés à partir des biomassesindividuelles des familles montre qu'il n'y a pas de sélection nette de l'une des stations pardes familles caractérisées par des individus particulièrement petits ou particulièrementgros. Cette approche n'est cependant pas pertinente pour conclure sur l'absence d'influencede la taille des invertébrés car nous avons utilisé les biomasses moyennes des familles.Nous ne savons donc pas si, au sein d'une même famille, les individus ont des biomasses
Chapitre 7 - Invertébrés et fonctionnement trophique - Fontaulière
154
C
P
B
F
A
B
G
H
P
F
A
C
X
ELLIPSES À 50 % DES GROUPES DE MOBILITE LES PLUS REPRESENTES
.77-2.2-2.5
.76
PLAN ECLATE POUR CHAQUE GROUPE DE MOBILITE(a)
(b)
Bons nageurs, mobiles, benthiques (B) Bons nageurs, mobiles, pélagiques (G) Hydrodynamiques, capables de se déplacer dans le courant (H) Peu mobiles, non (ou peu) fixés (P) Vivant dans un filet qu'ils sécrètent (F) Accrochés, capables de s'agripper (A) Fixés en permanence, collés (C) Indéterminés (X)F1
F2(14,3%)
(20%)
Codes des groupes de mobilité
H
Figure 7.7. : Représentation du plan F1 / F2 de l'AFC, présenté à la figure 7.4, avec laprojection des groupes de mobilité - (a) sous forme éclatée par groupe - (b) avec lesellipses d'inertie des groupes les plus représentés.
Chapitre 7 - Invertébrés et fonctionnement trophique - Fontaulière
155
individuelles différentes selon les stations. Les deux études répertoriées dans la littératuresur l'influence de la taille dans la réponse d'invertébrés à des changements de débit portentsur un petit nombre de taxons (six espèces d'Ephéméroptères et un Trichoptère, Kovalak,1978 ; quatre genres d'Ephéméroptères, Poff et al., 1991) dont les auteurs ont mesuré lataille de la capsule céphalique. Nous ne disposons pas ici du même type d'information.
2.2. Mobilité - mode de fixation
Le code de mobilité ou mode de fixation défini au chapitre 1 (§ 2.4.2) a été affectéà chaque taxon afin de réaliser la projection sur le plan factoriel de l'AFC.
2.2.1. Résultats
Le plan factoriel éclaté par groupe et les ellipses de dispersion (figure 7.7) montrentquelques tendances dans la répartition des taxons selon leur groupe de mobilité-fixation :- les taxons caractéristiques des faciès lents de la station 3 lors des deux premièrescampagnes font partie du groupe des peu mobiles, P (Caenis, Ceraclea et Mystacides) oudes collés, C (Helobdella),- d'autres individus du groupe C contribuent à la partie négative de l'axe F1 et expliquenten partie la position de l'ellipse correspondante,- à part les trois taxons particuliers des faciès lents de la station 3, le groupe P est répartiassez uniformément dans le plan, tout comme le groupe F ; ces groupes ne sont donc passpécifiques d'une station,- les bons nageurs (B) semblent plutôt caractéristiques de la station 1 (partie inférieure del'axe F2),- les hydrodynamiques (H) sont situés sur la partie de l'axe F2 correspondant à la station 1 ;ils ne sont représentés que par les 3 taxons de la famille des Heptageniidae,- les taxons situés dans la partie supérieure droite du plan, liée aux prélèvements de lastation 2 et de la station 3 (en dehors des faciès lents des deux premières campagnes),appartiennent principalement à deux groupes : les groupes des peu mobiles (P) et desaccrochés (A), ainsi que quelques individus du groupe des bons nageurs (B).
2.2.2. Discussion
Le groupe des peu mobiles est le plus représenté et est réparti uniformément. Destaxons de ce groupe interviennent dans les faciès particulièrement lents de la station 3, dansles faciès lents de la station 1 et dans les autres faciès.
Les taxons vivants dans un filet ne sont pas non plus caractéristiques d'une stationou d'un type de faciès ; leur répartition semble sans lien avec les différents régimeshydrauliques des stations. Ce résultat ne va pas dans le sens des observations de certainsauteurs concernant des espèces sécrétant un filet, ni de l'effet possible des éclusées sur lesHydropsychidae de la station 3 de l'Ance (voir chapitre 5).
Chapitre 7 - Invertébrés et fonctionnement trophique - Fontaulière
156
Certains taxons capables de s'accrocher (A) seraient plus liés aux prélèvements dela station 2 et à ceux de la station 3 (hormis les faciès à part de la station 3) ; cette faculté
de pouvoir s'agripper leur permet peut-être de mieux résister aux éclusées.Cinq taxons fixés (C) en plus d'Helobdella sont situés dans le plan entre les prélèvementsdes stations 2 et 3. Il s'agit d'Hydroptilidae, d'Erpobdellidae, d'Ancylidae et de Lymaeidae.Leur vie fixée leur permet probablement d'être moins sensibles aux éclusées.
Les bons nageurs, généralement rhéophiles, seraient quant à eux plutôtcaractéristiques de la station 1 et moins présents dans les stations à éclusées (du fait desconditions lentiques associées au débit plancher ?). Notons toutefois qu'un grand nombrede ces taxons du groupe B appartiennent au groupe des Ephéméroptères et des Plécoptères,évoqués plus haut comme étant plus abondants sur la station 1. Le problème est de savoir sice résultat est lié à leur mode d'accrochage ou à d'autres facteurs. La dispersion des pointsde ce groupe n'est pas suffisamment superposée à celle de la station 1 pour répondre dansl'affirmative, et il est probable que d'autres facteurs interviennent. Ces taxons sont souventcités comme étant exigents vis à vis de la qualité de l'eau. Les analyses physico-chimiquesn'ont pas décelé de pollution, mais la température pourrait avoir un rôle non négligeable.L'effet de modifications de la température est complexe et est susceptible d'agir à différentsniveaux, sur l'organisation des communautés benthiques (Galvin, 1989), sur les cycles dedéveloppement d'invertébrés, sur leur croissance (Garcia de Jalon et al., 1988). Cet aspectn'a pas été étudié sur les deux sites de cette étude.
L'étude des caractéristiques de mobilité-fixation des différents taxons estintéressante, mais les résultats sur la Fontaulière ne sont pas très tranchés et l'interprétationest difficile. Le lien avec les différences dans la composition taxonomique des stationssoumises à éclusées n'est pas évident.
2.3. Structure trophique des peuplements d'invertébrés
L'objectif de cette analyse est de pouvoir relier les caractéristiques globales de lastructure trophique des communautés benthiques avec les peuplements épilithiquesexposés au paragraphe suivant (Valentin et al., 1994c). Nous nous intéressons donc à larépartition des invertébrés en groupes trophiques afin de connaître les différences globalesdans la structure trophique des peuplements d'invertébrés de chaque station. Nousexaminerons la répartition globale entre les différents groupes trophiques en pourcentagespar rapport à la densité totale d'invertébrés pour chaque station, sans analyser dans le détailà quels taxons ces différences sont dues. C'est pourquoi nous n'exploiterons pas ici latechnique de projection des groupes trophiques sur le plan factoriel de l'AFC.
La répartition des invertébrés en groupes trophiques est indiquée dans le tableau 7.2pour chaque famille. Certaines familles (Chironomidae, Brachycentridae, Limnephilidae etTaeniopterygidae) incluent des taxons appartenant à différents groupes trophiques. Le
Chapitre 7 - Invertébrés et fonctionnement trophique - Fontaulière
157
tableau faunistique à la famille renseigne sur le groupe trophique du taxon dominant, maisl'analyse présentée ici a été effectuée en conservant le groupe trophique pour chaque taxon.Les Hydracarina, Nematoda et Naididae restent indéterminés et ont été exclus de cetteanalyse. Notons également que le groupe des limivores ne contient que des famillesd'Oligochètes.
Les différences dans la répartition des groupes trophiques (tableau 7.4, illustré à lafigure 7.8) ne sont pas significatives entre les stations ni entre les campagnes (tests deKruskall-Wallis pour chaque groupe trophique, p≥0,05).
Tableau 7.4. : Pourcentages de chaque groupe trophique par rapport à la densité totale dechaque station-date sur la Fontaulière. Codes: P=Predateurs, D=Déchiqueteurs,C=Collecteurs, F=Filtreurs, R=Râcleurs, H=Herbivores, L=Limivores.
Station Date Groupe trophiqueP D C ~ F** R ~ ~ H* L
D1 8,7 1,0 2,4 20,8 60,7 0,1 6,3S1 D2 16,0 1,4 33,2 3,9 35,9 0,6 9,0
D5 8,7 0,2 21,8 1,6 66,3 0,0 1,5
D1 9,6 0,2 2,9 7,8 74,2 0,7 4,7S2 D2 4,3 0,1 1,9 3,2 89,2 0,3 1,0
D5 4,0 0,0 2,1 0,7 92,5 0,0 0,7
D1 5,9 0,9 53,6 7,4 27,0 1,5 3,7S3 D2 8,3 0,2 23,1 20,5 43,7 1,6 2,7
D5 7,2 0,1 23,8 0,8 65,4 0,0 2,6Tests de Kruskall-Wallis entre stations pour chaque groupe:
~ ~ p=0.06, ~ p=0.08, pour les autres groupes p>0.15.
Tests de Kruskall-Wallis entre dates pour chaque groupe:
** p=0.05, * p=0.06, pour les autres groupes p>0.15.
Pour certains groupes (tableau 7.4), les différences sont significatives au seuil de10 % (tests de Kruskall-Wallis, 0,05≤p<0,1). Ces groupes ont été examinés plusprécisément en comparant deux à deux les stations ou dates par le test de Mann-Whitney.Les résultats ont montré des différences significatives (Mann-Whitney, p<0,05) pour- la proportion de collecteurs entre les stations 2 et 3- la proportion de râcleurs entre les stations 2 et 3 et entre les stations 1 et 2- la proportion de filtreurs et d'herbivores entre les dates D1 et D5 et entre les dates D2 etD5.
Chapitre 7 - Invertébrés et fonctionnement trophique - Fontaulière
158
Predateurs
DéchiqueteursCollecteurs
Filtreurs
Râcleurs
HerbivoresLimivores
9%1%2%
21%
61%
6%
16%1%
33%
4%
36%
1%9%
9%
22%
2%65%
2%
10%3%
8%
73%
1%5%
4%2%3%
90%
1%
4%2%1%
92%
1%
6%1%
53%7%
27%
2%4%
8%
23%
21%
43%
2%3%
7%
24%
1%65%
3%
Station 1 Station 2 Station 3
C R U E
campagne D1 - fév. 92
campagne D2- mai 92
campagne D5 - mars 93
légende des groupes trophiques
Figure 7.8. : Pourcentages des différents groupes trophiques pour les trois campagneséchantillonnées (D1, D2 and D5) dans chaque station de la Fontaulière (pourcentagesfigurant au tableau 7.4, arrondis).
Chapitre 7 - Invertébrés et fonctionnement trophique - Fontaulière
159
Le groupe des râcleurs est toujours le plus abondant, sauf dans le cas de la station 3à la première campagne dominée par les Caenis, du groupe des collecteurs. La station 2présente les plus fortes proportions de râcleurs, largement dominants, et les plus faiblesproportions de collecteurs (figure 7.8). Sur la station 3, la proportion relative de ce groupeest plus élevée lors de la campagne D5, après la crue, que lors des deux campagnesprécédentes.
Les proportions de collecteurs et de filtreurs semblent variables selon lescampagnes dans les stations 1 et 3 et s'expliquent par des taxons particuliers rencontrés àcertaines dates (tableau 7.2 et §1.3) :- les Caenis appartiennent au groupe des collecteurs (53 % de la densité totale de la station3 lors de la première campagne)- la densité de Psychomiidae prélevés sur la station 3 à la deuxième campagne (16 %)entraîne une plus forte proportion de filtreurs- sur la station 1, les Simuliidae abondantes à la première campagne (12 %) expliquent laplus forte proportion de filtreurs à cette date.
Ces résultats seront discutés après l'exposé sur les peuplements épilithiques (§ suivant).
Chapitre 7 - Invertébrés et fonctionnement trophique - Fontaulière
160
Tableau 7.5. : Moyenne (écart type) par faciès des caractéristiques épilithiques (7 à 12prélèvements par faciès) aux différentes stations pour les trois campagnes d'échantillonnageréalisées sur la Fontaulière.
Code Caractéristiques épilithiquesStation campa
-gneDate faciès chla (mg/m2) phéopigments
(%)AFDM (g/m2)
D1 mars 92 plat 13.0 (5.0) 26.6 (9.6) 6.7 (2.5)radier/rapide 20.5 (5.3) 26.8 (3.8) 7.4 (2.3)
S1 D2 mai 92 plat 13.4 (3.2) 21.7 (8.3) 8.4 (2.0)radier/rapide 57.4 (28.4) 18.3 (3.8) 16.6 (10.0)
D5 mars 93 plat 22.0 (7.3) 10.1 (7.5) 5.0 (2.8)radier/rapide 13.4 (4.6) 8.9 (8.2) 3.2 (1.9)
D1 mars 92 plat 294.7 (79.3) 24.3 (5.3) 47.0 (7.6)radier/rapide 193.9 (84.5) 21.9 (4.3) 41.1 (16.4)
S2 D2 mai 92 plat 87.1 (46.1) 14.7 (3.6) 25.1 (10.6)radier/rapide 105.9 (66.6) 14.1 (6.5) 37.6 (29.5)
D5 mars 93 plat 185.0 (248.9) 8.4 (5.9) 30.6 (43.7)radier/rapide 103.8 (181.4) 29.9 (22.2) 31.5 (63.9)
D1 mars 92 plat 467.8 (162.5) 29.2 (4.4) 57.6 (18.7)radier/rapide 643.1 (172.5) 28.7 (6.3) 92.1 (29.7)
S3 D2 mai 92 plat 241.7 (173.7) 19.9 (3.6) 39.9 (21.0)radier/rapide 265.4 (149.4) 20.8 (4.5) 48.0 (21.8)
D5 mars 93 plat 135.3 (151.4) 23.9 (16.1) 27.4 (14.5)radier/rapide 14.7 (8.1) 24.2 (13.5) 9.6 (2.3)
Chapitre 7 - Invertébrés et fonctionnement trophique - Fontaulière
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3. Communautés épilithiques et fonctionnement trophique
Les résultats concernant l'épilithon sont présentés dans un premier temps etanalysés en fonction du régime hydraulique ; ils seront ensuite confrontés aux proportionsrespectives des groupes fonctionnels alimentaires dans les différentes stations (Valentin etal., 1994c).
La technique de prélèvement de l'épilithon, le type de résultats et les méthodesd'analyse sont exposés au chapitre 1, § 2.4.3. Rappelons que "chla" désigne lachlorophylle-a active, et que "AFDM" désigne le poids sec sans cendres (Ash Free DryMass en anglais).
3.1. Résultats
3.1.1. Viabilité des communautés épilithiques
Nous avons tout d'abord effectué un premier test de la relation entre chla et AFDMet entre chla et phéopigments (transformés en log(x+1)) pour apprécier l'état de santé dupeuplement épilithique. La chla de chaque prélèvement (n=170) est bien corrélée avecl'AFDM (r=0.85, p<0.0001) et avec les phéopigments (r=0.89, p<0.0001). De plus, lespourcentages de phéopigments restent assez bas avec une moyenne totale de 19,9 % (±11,2 écart type) et des pourcentages moyens par faciès ne dépassant pas 30 %. La moyennede l'indice autotrophique est de 320 (± 224 écart type).
3.1.2. Biomasses algales
Les résultats obtenus pour chacun des 170 prélèvements (tableau 7.5) d'épilithonont été regroupés par faciès (plat et radier/rapide) en ce qui concerne la chla, le pourcentagede phéopigments et le poids sec sans cendres (AFDM).Les trois stations présentent des biomasses épilithiques trés différentes (ANOVA,p<0,0001 pour chla et AFDM). Ainsi, la station 1 héberge des teneurs moyennes en chla
et AFDM significativement inférieures aux 2 autres stations avec une variabilité
beaucoup plus faible (tests de Scheffé, p<0,0001). En revanche, la différence entre lesmoyennes des stations 2 et 3 n'est pas significative au seuil de 0,05 % (tests de Scheffé,p=0,051 pour la chla et p=0,053 pour l'AFDM) en considérant les prélèvements des troiscampagnes.
Lors des campagnes D1 (mars 92) et D2 (mai 92) (régime hydraulique différententre les stations 2 et 3), la chla et l'AFDM étaient deux à trois fois plus élevés sur lastation 3 que sur la station 2 (tests de Scheffé, p<0,001). Ce sont ces fortes biomassesépilithiques qui provoquaient l'épais tapis observé sur la station 3, surtout à la campagneD1 où la chla dépassait 600 g.m-2 dans le faciès radier/rapide (tableau 7.5). Lorsque lerégime de la station 3 est semblable à celui de la station 2 (D3, mars 93), chla et AFDM nesont plus différents entre les deux stations (Scheffé, p>0,05).
Chapitre 7 - Invertébrés et fonctionnement trophique - Fontaulière
162
Tableau 7.6. : Paramètres retenus pour caractériser le débit plancher et chla correspondantedans les stations 2 et 3 aux trois campagnes d'échantillonnage sur la Fontaulière.Vpl=vitesse moyenne à débit plancher, Jse=nombre de jours sans éclusées, Tpl=forcetractrice à débit plancher
station campagne Jse (nb dejours)
faciès Vpl(cm.s-1)
Tpl(10-1.N.m-2)
chla(mg.m-2)
D1 10 plat 29 54,42 294.7radier/rapide 31 50,32 193.9
S2 D2 0 plat 29 54,42 87.1radier/rapide 31 50,32 105.9
D5 5 plat 29 54,42 185.0radier/rapide 31 50,32 103.8
D1 10 plat 6 0,04 467.8radier/rapide 12 9,72 643.1
S3 D2 0 plat 6 0,04 241.7radier/rapide 12 9,72 265.4
D5 5 plat 26 0,63 135.3radier/rapide 39 12,10 14.7
NB: Une éclusée isolée et modérée a eu lieu 10 jours avant la date de prélèvement D1. Sil'on suppose qu'elle a eu un impact limité, le délai devient de 19 jours
05
10
612
2629
3139
650Chla (mg/m2)
Vpl (cm/s)
Jse (jours)
Figure 7.9. : Représentation de la biomasse moyenne de chla pour chaque faciès desstations 2 et 3 en fonction de la vitesse moyenne à débit plancher (Vpl) et du nombre dejours sans éclusées (Jse). X correspond aux combinaisons non échantillonnées.
Chapitre 7 - Invertébrés et fonctionnement trophique - Fontaulière
163
3.1.3. Lien avec le régime d'éclusées
Les biomasses épilithiques sont nettement différentes dans la station 3 aux deuxcampagnes où le débit de base est particulèrement faible. Nous avons donc recherché lesparamètres permettant d'expliquer cet effet du débit plancher sur les faciès échantillonnésdes stations 2 et 3.
La vitesse et la durée de conditions stables sont supposées déterminantes pour ledéveloppement algal d'après de nombreux auteurs (Horner et al., 1990 ; Shortreed etStockner, 1983 ; Steinman et MacIntire, 1986 ; Biggs et Close, 1989).
Nous avons donc retenu deux paramètres pour caractériser le débit plancher et pourrechercher des facteurs explicatifs des quantités de chla :- la vitesse moyenne à débit plancher (Vpl) pour chacun des deux faciès échantillonnés(plat et radier/rapide, tableau 7.6).- le nombre de jours sans éclusées (Jse) précédant la date de prélèvement (tableau 7.6).
Nous avons également testé l'influence éventuelle des forces tractrices moyennes àdébit plancher (Tpl, tableau 7.6).
Les valeurs de chla sont liées significativement à Vpl (régression linéaire, r= 0,73,p=0,007 pour 12 valeurs), mais pas à Jse au seuil de 5 % (régression linéaire, r=0,54,p=0,07 pour 12 valeurs). Par contre, la chla est bien liée à Vpl et Jse pris ensemble(régression linéaire multiple, chla=22.5 Dbf -11.5 Vbf + 385.3, r=0.91, p=0.0003, n=12).C'est donc bien l'effet conjoint de ces deux paramètres, Vpl et Jse, qui explique la
variabilité de la chla, comme le suggère la figure construite en trois dimensions à partirdu tableau précédent (figure 7.9). Après une période stable de 10 jours (D1), la biomassealgale est très élevée quand les vitesses sont très faibles. La biomasse est toujours plusélevée à débit plancher très bas, même après une période d'éclusées (Jse=0).
Les valeurs de Tpl ne sont pas corrélées significativement aux valeurs de chla(régression linéaire, r=0,39, p=0,21, n=12), et n'apportent pas d'explication supplémentaireen régression multiple avec les deux autres variables.
Chapitre 7 - Invertébrés et fonctionnement trophique - Fontaulière
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3.1.4. Analyse qualitative des peuplements
Les algues prélevées au scalpel dans un but qualitatif ont été déterminées afin deconnaître la composition taxonomique des communautés épilithiques des trois stations.Une appréciation au microscope de l'abondance relative des principaux taxons a permis deles répartir en quatre classes d'abondance (tableau 7.7).
Les peuplements algaux de la station 1 sont caractérisés par une communauté dediatomées qui forment une couche peu épaisse, jaunâtre à brunâtre, sur l'ensemble desblocs et des cailloux. A la première campagne cependant (mars 92), une petitechlorococcale du genre Scenedesmus domine le peuplement (plus de 90% du nombre decellules totales), mais elle ne sera pas retrouvée en quantité importante par la suite.
Les peuplements des stations 2 et 3 se ressemblent, avec davantage d'alguesfilamenteuses que dans la station 1, formant l'épais tapis déjà évoqué. Ils sont dominés parHydrurus foetidus (Chrysophyceae), Phormidium (Cyanobacter) et Lemanea etAudouinella (deux genres de Rhodophyceae). Les diatomées dominantes à la station 1 sontabondantes dans les stations 2 et 3 (mais non dominantes). Des Chlorophyceaefilamenteuses, rares dans la station 1, sont parfois abondantes dans ces deux stations,surtout lorsque le débit plancher est faible sur la station 3 (D1 et D2), et d'autant plus à D1(Jse= 10).
Tableau 7.7. : Composition taxonomique des communautés épilithiques prélevées sur lesstations de la Fontaulière. Classes d'abondance: +++ = dominant, ++ = abondant, + = peuabondant, o = rare.
StationCode
campa-gne
Diatomées(Cymbella minuta,
Achnanthes minutissima,Nitzschia dissipata,
Hannaea arcus,Gomphomena micropus)
Chlorophyceae
filamenteuses(Ulothrix,Spyrogyra,
Microspora,Oedogonium)
Autres alguesfilamenteuses
(Hydrurusfoetidus,
Phormidium,Lemanea,
Audouinella)
AutreChlorophycea
e nonfilamenteuse(Scenedesmus)
S1 D1 ++ o ++ +++D2 +++ o ++ oD5 +++ o ++ o
S2 D1 ++ + +++ oD2 ++ o +++ oD5 ++ o +++ o
S3 D1 ++ ++ +++ oD2 ++ + +++ oD5 ++ o +++ o
Chapitre 7 - Invertébrés et fonctionnement trophique - Fontaulière
165
3.2. Discussion
3.2.1. Viabilité des communautés épilithiques
La chla, l'AFDM et les phéopigments sont corrélés et évoluent donc de la mêmemanière dans tous les prélèvements. L'indice autotrophique et les phéopigments sont deplus assez faibles. Ces résultats reflètent une bonne santé du peuplement épilithique de
la Fontaulière, avec une faible proportion de détritus (Biggs et Close, 1989). Laproportion de détritus et d'hétérotrophes augmente sous l'effet d'une pollution organiquecorrespondant à un indice autotrophique moyen supérieur à 400 (APHA, 1985 ; Biggs,1989). On peut donc en conclure que la Fontaulière ne subit pas ce type de pollution.
3.2.2. Effets du régime hydraulique sur l'épilithon
La station de référence est caractérisée par des biomasses algales faibles àmodérées d'après les synthèses bibliographiques de Horner et al. (1983) et Biggs et Price(1987) concernant les maxima de biomasse épilithique. Ces valeurs sont habituelles pource type de rivière non polluée et pauvre en calcium (voir chapitre 6, § 2, tableau 6.3)(Sumner et Fisher, 1979 ; Naiman et Sedell, 1980 ; Bott et al., 1985 ; Burton et al., 1991).Les communautés, composées pour l'essentiel de diatomées et de Rhodophyceae sontcaractéristiques des eaux rapides et froides à teneurs en nutriments modérées (Hynes1970, Thirb et Benson-Evans 1982, Rumeau et Coste 1988). Nous n'avons pas trouvéd'explication dans la littérature concernant la dominance de la petite chlorococcale à la dateD1.
En aval du barrage, la situation est trés différente sur les 2 stations soumises
aux éclusées. Les biomasses épilithiques y sont bien plus élevées (jusqu'à 30 fois plusdans la station 3 par rapport à la station 1 à la première campagne). Les valeurs relevéesavoisinent ou dépassent largement 150 mg.m-2, valeur considérée comme seuil denuisance par Horner et al. (1983) et Welch et al. (1988). D'après ces auteurs, la nuisancedue au développement excessif des algues filamenteuses est tout d'abord d'ordre esthétique,puis physico-chimique, avec une dégradation de la qualité de l'eau si la croissance algalepersiste ; des déficits importants en oxygène la nuit, et des pH trés élevés en fin d'après-midi (Biggs, 1985) peuvent alors dégrader les conditions de vie de la faune aquatique.Dans le cas de la Fontaulière, bien que les variations journalières de pH et d'oxygènen'aient pas été mesurées et malgré des valeurs de biomasse algale élevées, il ne semble pasque de telles limites soient atteintes. En effet, aucune mortalité de poisson n'a été observéeni lors de nos prélèvements sur le terrain, ni d'après les informations récoltées auprès desriverains.
Concernant les différences dans la composition taxonomique des peuplements,Moog (1993) a trouvé des résultats similaires en ce qui concerne l'abondance de Hydrurusfoetidus et de Chlorophyceae filamenteuses formant une couche dense dans un site soumis
Chapitre 7 - Invertébrés et fonctionnement trophique - Fontaulière
166
à éclusées. Moog suggérait cependant dans son étude (1993) que cette " densité algaleanormale " était due à une pollution. Ward (1974) relate également de fortes densités de H.foetidus en aval de barrages, liées à la baisse de température lorsque l'eau vient du fond duréservoir. Il est possible que le facteur température agisse également sur la Fontaulière. Lecycle nycthéméral de la température est probablement modifié par le passage des éclusées,plus froides car provenant du fond des réservoirs de la Loire. D'autres auteurs (Ward 1976a; Lowe, 1979 ; Ward et Stanford 1979 ; Holmes et Whitton 1981 ; Dufford et al., 1987)relient la forte abondance de Chlorophyceae à la stabilité du débit et du substrat en avald'un barrage.
Le débit plancher est apparu comme le principal facteur expliquant les différencesobservées entre les stations 2 et 3. En effet, sur la station 3, lorsque le débit de base étaittrès faible (à D1 et D2), les biomasses étaient beaucoup plus élevées alors qu'après lerehaussement du débit plancher (à D3), les différences n'étaient plus significatives. Mêmelorsque la période sans éclusées est très courte (ou inexistante), le débit plancher très faiblede la station 3 implique de fortes valeurs de chla ; la biomasse épilithique augmente avec ledébit plancher le plus bas et le plus long. Il semble que la vitesse Vpl soit le facteur le
plus déterminant, la durée Jse agissant alors en second facteur d'après les résultats desrégressions linéaires et la figure 7.9. En revanche, l'analyse des forces tractrices moyennesà débit plancher n'apporte aucune explication supplémentaire.
Les communautés épilithiques sont considérées comme matures après une périodede 20 à 30 jours de conditions stables, dans un système non limité en nutrients et enlumière (Fisher et al., 1982 ; Oemke et Burton, 1986 ; Lohman et al., 1992). Ellesprésentent alors une architecture spatiale à 3 dimensions (Korte et Blinn, 1983 ; Steinmanet MacIntire, 1986) et sont dominées par des algues filamenteuses, principalement desChlorophyceae. Ces observations vont dans le sens des résultats recueillis sur laFontaulière après la période de 10 jours de conditions stables. Même si cette période estétendue à 19 jours en considérant que la seule éclusée de cette période a eu un effetnégligeable, elle paraît un peu courte pour expliquer les très fortes valeurs (supérieures à600 mg.m-2). Ceci tendrait à montrer que la colonisation par les algues est
particulièrement rapide. Plusieurs explications sont suggérées dans la littérature. Si lesfortes vitesses en cours d'éclusées réduisent effectivement la biomasse épilithique, ellespourraient aussi favoriser l'installation des taxons rhéophiles dont certaines alguesfilamenteuses (Rhodophyceae par exemple). Ces dernières peuvent être alors utiliséescomme refuge par d'autres taxons épiphytes (dont des diatomées) moins résistants aucourant (Sheat et Hymes, 1980 ; Reiter et Carlson, 1986) et à croissance plus rapide, ce quipermettrait une recolonisation plus efficace après les éclusées. De plus, comme certainsauteurs l'ont observé pour les crues modérées (Grimm et Fisher, 1989 ; Stevenson, 1990 ;Peterson et Stevenson, 1992), les éclusées pourraient également stimuler la productivité
Chapitre 7 - Invertébrés et fonctionnement trophique - Fontaulière
167
des taxons résistants en éliminant les cellules sénescentes et les dépôts particulaires,augmentant ainsi la pénétration de la lumière et la diffusion des nutrients.
3.2.3. Fonctionnement trophique
Les râcleurs se nourissent de la couverture épilithique à la surface des éléments dusubstrat. Sur la station 2, les fortes biomasses épilithiques s'accompagnent en effet d'unedominance des râcleurs, à toutes les campagnes. Par contre, les biomasses encore plus
élevées sur la station 3 ne s'accompagnent pas d'une augmentation des râcleurs. Cen'est qu'à la campagne D3, lorsque le débit plancher est plus fort et que les biomassesépilithiques sont moins élevées (comparables à celles de la station 2) que la proportion derâcleurs est un peu plus élevée (figure 7.8). Lors des deux premières campagnes sur lastation 3, les très fortes biomasses algales semblent donc devenir un facteur limitant parexcès. L'épilithon n'est plus consommé par les râcleurs, ce qui peut être considéré commeun dysfonctionnement trophique.
4. Discussion-conclusion sur la Fontaulière
4.1. Discussion sur la composition des communautés benthiques
La composition des peuplements d'invertébrés est moins diversifiée dans lesstations soumises à éclusées, avec une dominance nette d'un ou deux taxons, souvent parmiles Chironomidae.
Dans la littérature, les taxons favorisés ou défavorisés en aval des barrages sontdiffèrents selon les régions et les rivières, mais la diminution de la diversité par rapport
aux conditions naturelles est toujours observée. Cet effet est souvent décrit comme étantlié à la stabilité des débits en aval des barrages (Trotsky et Gregory,1974 ; revue bibliographique de Ward, 1976b) ou bien aux variations fréquentes du débitdues à des éclusées (Ward et Stanford, 1983 ; Garcia De Jalon et al., 1988 ; Casado et al.,1989). Comme dans la Fontaulière, certains auteurs ont observé une augmentation de
l'abondance relative des Chironomidae liée à un régime d'éclusées (Fisher et LaVoy,1972 ; Ward, 1976b ; Garcia De Jalon, 1988 ; Bretschko et Moog, 1990 ; Troelstrup etHergenrader, 1990 ; Moog, 1993).
Dans une étude réalisée dans les Pyrénées espagnoles par Garcia De Jalon et al.(1988), la communauté benthique était également dominée par des Chironomidae et des
Chapitre 7 - Invertébrés et fonctionnement trophique - Fontaulière
168
Ephéméroptères (dont des Caenidae) en aval d'aménagements hydroélectriques. Weisberget al. (1990) ont montré que l'augmentation du débit plancher, dans une rivière où il étaitparticulièrement faible, avait provoqué une augmentation de la diversité. L'abondancerelative des Plécoptères sur la station 1 peut être liée à un effet de la zonation amont-aval,mais nous pouvons supposer que le régime d'éclusées sur les stations aval leur estdéfavorable. Moog (1993) a trouvé un effet sur les Plécoptères, effet qu'il attribue à ladésoxygénation et à l'assèchement de zones isolées du chenal entre les éclusées. Sur laFontaulière, les Plécoptères pourraient donc être pénalisés par la couverture épilithiqueparticulièrement dense, pouvant réduire localement la concentration en oxygène la nuit(Spence et Hynes, 1971) ou tout simplement en empêchant ces taxons de ramper sur le
substrat. Les Ephéméroptères (en particulier Heptageniidae) pourraient aussi êtrepénalisés de cette manière comme l'a observé Ogilvie (1988). Les Simuliidae, fixés sur lasurface du substrat, seraient également affectés par le manque de points d'attache (Boon,1988) dû à la couche épilithique et par des vitesses trop faibles à débit de base.
La dispersion des faciès sur la carte factorielle a montré que la faune de la station 1était toujours différente des autres stations, peu variable entre les campagnes et différenteselon les faciès. Un régime d'éclusées avec un débit plancher soutenu entraîne par
contre une diminution de la spécificité faunistique des faciès, suggérant que la
diversité spatiale est réduite par la variabilité temporelle engendrée par les éclusées.
Dès 1976, Ward (1976b) soulignait l'importance de la diversité de l'habitat. Il écrivait : "any flow regime which significantly reduces habitat diversity should be avoided ".Lorsque le débit plancher est très faible, la faune des faciès lents est différente de celle desautres faciès soumis à éclusées d'une part, et de celle des faciès lents de la station naturelled'autre part. Les prélèvements de la station 3 reflètent donc l'effet de vitesses de couranttrop faibles dans les faciès lents, non compensé par une augmentation des vitesses (jusqu'àplus de 1 m.s-1) pendant les éclusées. Brestchko et Moog (1990) décrivent une fortediminution des biomasses d'invertébrés liée à des vitesses moyennes inférieures à 40 cm.s-1, bien qu'interrompues par des éclusées trois fois par jours, avec des vitesses moyennesdépassant 1 m.s-1. Les auteurs concluent que ni la faune vraiment rhéophile, ni la faunelénitophile stricte ne peut survivre dans de telles conditions.
Les résultats concernant la structure trophique complètent l'étude des communautésbenthiques et met en évidence un dysfonctionnement trophique, lié aux fortes abondancesd'épilithon, particulièrement élevées lorsque le débit plancher est très faible sur la station 3(Valentin et al., 1994c).
Chapitre 7 - Invertébrés et fonctionnement trophique - Fontaulière
169
4.2. Conclusions
L'étude des peuplements de poissons a également montré un effet du débit planchertrès faible de la station 3 sur la composition spécifique globale et sur les surfaces d'habitatpotentiellement utilisables par la truite (chapitre précédent), mais n'avait pas permis deconnaître l'évolution après l'augmentation de ce débit à 1,3 m3.s-1. Les communautésd'invertébrés et d'épilithon ayant des temps de réponse plus courts, nous avons pu observerles conséquences de cette modification du débit plancher.
Ces différents résultats peuvent avoir des implications dans la gestion des ouvragesfonctionnant par éclusées.L'effet du débit plancher, surtout lorsqu'il est faible, intervient de manière très net :- sur la faune des faciès lents de la Fontaulière, faune qui devient discordante par rapport àla faune de la rivière, d'une part,- sur le développement épilithique et le fonctionnement trophique d'autre part. L'effet desvitesses trop faibles est accentué par une durée prolongée de conditions de débit stable etbas en ce qui concerne le développement épilithique.
Ainsi, des recommandations émergent des ces résultats sur la Fontaulière quant à lagestion des débits. Il semble en effet essentiel de maintenir des vitesses suffisantes dans
les faciès les plus lents des secteurs influencés. Lorsque les vitesses moyennes minimalesne descendent pas en-dessous de 8 cm.s-1 et que des vitesses locales atteignent des valeursassez élevées (20 ou 30 cm.s-1) dans les faciès lents de la Fontaulière, les effets sont moinsdéstructurants pour la faune benthique. Pour les aspects trophiques, les résultats sur lastation 3 tendent à montrer que le développement algal excessif n'est limité que lorsque lesvitesses moyennes sont proches de 30 cm.s-1 dans les faciès plus rapides (plats, radiers).La durée des périodes sans éclusées devrait également être limitée, surtout pour réduirela surabondance algale. De plus, en limitant cette durée, on s'éloigne davantage deconditions de débit réservé très stables dans le temps qui semblent par ailleurs entraînerl'effet le plus net sur l'Ance du Nord.
TROISIEME PARTIE
APPROCHES EXPERIMENTALES
CHAPITRE 8 - Expérimentation sur l'ombre communau stade alevin
CHAPITRE 9 - Expérimentation sur la truite farioau stade juvénile
CHAPITRE 10 - Expérimentation sur la truite farioau stade alevin
173
Approches expérimentales
Reponses de jeunes poissons a des éclusées simulées en chenal artificiel.
Introduction
Pourquoi ces expérimentations ?
Les résultats in situ présentés au cours des deux parties précédentes ont montré que la truite fario et l'ombrecommun semblaient sensibles aux éclusées. La recherche de pistes pour expliquer cet effet du régime d'écluséesa porté principalement sur l'étude de l'habitat de ces poissons et a montré que les jeunes stades étaientpotentiellement plus vulnérables. En effet, l'analyse des distributions des vitesses du courant et des hauteursd'eau avec les courbes de préférence pour les ombres (Sempeski, 1994) et les truites (Bovee, 1978 ; Souchon etal., 1989 ; Nehring et Anderson, 1993) suggère que ces variables physiques deviennent défavorables lors deséclusées surtout pour les très jeunes stades (Anderson et Nehring, 1985). La survie des jeunes stades estgénéralement considérée comme une phase critique conditionnant la taille des populations adultes (Orth, 1987).Cette survie est souvent conditionnée par des vitesses de courant très faibles (Larimore, 1975, in Orth, 1987 ;Ottaway et Clarke, 1981 ; Bain et al., 1988 ; Heggenes et Traaen, 1988), soulignant l'importance des zoneslatérales de bordure (Moore et Gregory, 1988a et 1988b).
Les résultats obtenus in situ n'ont pas permis de connaître précisément la réaction des jeunes poissons auxfluctuations du débit en situation d'éclusées. Les observations directes étaint impossibles dans les sites du faitdes fortes vitesses à débit d'éclusée d'une part et de la coloration naturelle des eaux de l'Ance d'autre part. Nousavons donc envisagé de réaliser des simulations d'éclusées en chenal artificiel afin d'isoler l'effet "éclusée" etd'étudier finement les réponses et déplacements des poissons. Les travaux expérimentaux de plusieurs auteurs,notamment ceux de Ottaway et Forrest (1983), Heggenes et Traaen (1988), Crisp et Hurley (1991), ont montrél'intérêt d'une démarche expérimentale dans l'étude des liens entre les jeunes poissons et leur habitat. Leursrésultats obtenus en milieu artificiel sur des Salmonidés post-émergents ont permis de mieux connaître lesvitesses critiques maximales supportées par ces très jeunes alevins.
Hypothèses de travail
Nous avons choisi d'étudier la réponse d'individus un peu plus âgés à des variations de débit et de décrire leursréactions comportementales. Trois expérimentations ont été réalisées (chapitres 8, 9 et 10), toutes guidées parles mêmes hypothèses de travail concernant l'utilisation de l'espace par les poissons et leurs réactions auxvariations expérimentales du débit. Ces hypothèses sont les suivantes : a) les poissons réagissent à dessimulations d'éclusées par des changements dans l'utilisation de l'habitat et b) ces changements traduisent unestratégie de recherche de refuges plutôt qu'une dévalaison massive.
CHAPITRE 8
EXPERIMENTATION SURL'OMBRE COMMUN AU STADE ALEVIN
177
Chapitre 8
Expérimentation sur l'ombre commun au stade alevin
Les réactions de l'ombre commun, moins abondant dans le secteur à éclusées de l'Ance
que dans la station de référence amont, ont pu être étudiées dans le chenal artificiel de l'Université
Cl. Bernard Lyon I (Valentin et al., 1994b). L'expérimentation présentée dans ce chapitre a été
réalisée avec des alevins âgés de deux mois.
1. Matériels et protocole
1.1. Le chenal
Description du chenalLe chenal expérimental de l'université (Gaudin et Caillère, 1985), mesure 40 m de long
sur 1 m de large. La pente moyenne est de 0,5 %. Le chenal est divisé en quatre biefs de 10 m
de long chacun, numérotés d'amont en aval de 1 à 4, et séparés par de petits seuils en béton de
45 cm de long. Les seuils sont au niveau du substrat, ce qui permet aux poissons de circuler
librement d'un bief à l'autre. Chaque bief est uniformément rempli de graviers de 1 à 5 cm de
diamètre, sur 30 cm d'épaisseur. L'alimentation se fait par un pompage d'eau souterraine à un
débit maximum de 50 m3.h-1.
Aucun apport de nourriture n'est nécessaire dans le chenal ; le développement naturel
d'invertébrés benthiques est suffisant, à condition que les biefs soient mis en eau au moins deux
semaines avant l'installation des poissons.
Dispositif expérimentalUne grille installée en tête du bief 1 empêche les poissons de sortir du chenal vers
l'amont. En aval du bief 4, un piège pour la capture des dévalants a été installé. La rive gauche a
été aménagée par des caissons délimitant des zones mortes de 50 x 50 cm, au nombre de 2 dans
les biefs 1 et 3 et au nombre de 8 dans les biefs 2 et 4 (figure 8.1).
Chapitre 8 - Expérimentation - Ombre commun, stade alevin
178
seuil
Bief 1 Bief 2
1 m
Bief 3 Bief 4
Figure 8.1. : Schéma du chenal expérimental utilisé lors de l'expérimentation sur l'ombre commun(juin 1992).
1.2. Déroulement de l'expérimentation
L'installation des poissons et la période d'acclimatation400 alevins d'ombre âgés de un mois et issus d'une pisciculture ont été installés dans
chaque bief le 25 mai 1992 (soit 1600 poissons au total). Une période d'acclimatation de un mois
a été respectée avant l'expérimentation qui a débuté le 23 juin. Pendant cette période, le débit a
été maintenu constant à 25 m3.h-1. Au début de cette période, une dévalaison massive a eu lieu.
955 dévalants ont été capturés en aval dès les premières 24 heures, et 28 le jour suivant. Ensuite,
les mouvements de dévalaison se sont stabilisés de 0 à 3 dévalants par jour. Les poissons
capturés n'ont pas été réintroduits.
A partir du 1er juin et pendant trois semaines, des recensements par observation directe
ont été effectués par le même opérateur (P. Sempeski), caché dans un chenal parallèle et
progressant lentement d'aval en amont. Les alevins d'ombre à ce stade sont pélagiques (Scott,
1985 ; Bardonnet et al., 1991). Ils ne sont donc pas enfouis dans le substrat, ce qui facilite leur
observation et permet un comptage complet.
Le premier recensement, réalisé le 1er juin, a permis de dénombrer 115 alevins. Par
rapport au nombre de poissons introduits le 25 mai (1600 individus) et au nombre de dévalants
relevés (environ 1000 individus), il semblerait qu'un nombre assez élevé d'individus (environ 500)
soient morts, sans doute juste après l'installation des poissons dans le chenal (Notons que, dans
un chenal expérimental, il n'est pas anormal de ne pas retrouver la trace de poissons morts, ni
dans le chenal, ni parmi les dévalants, car ils se décomposent très vite). Le nombre d'alevins
recensés a ensuite diminué de 115 le 1er juin à 79 le 23 juin, date de la première variation de
débit. Du 15 juin au 23 juin, les quelques dévalants ont été réintroduits dans le chenal (8 individus
au total) afin de maintenir un nombre d'alevins suffisant. La diminution des effectifs comptés entre
le 1er et le 23 juin concorde avec le nombre de dévalants non remis (28 au total à partir du 1er
juin), indiquant par conséquent une mortalité très faible pendant cette période (environ un individu
tous les trois jours en moyenne).
Les écluséesTrois éclusées identiques ont été réalisées, à raison d'une par jour pendant trois
Chapitre 8 - Expérimentation - Ombre commun, stade alevin
179
jours, les 23, 24 et 25 juin (les ombres étaient alors âgés de deux mois). Chaque éclusée a duré
2 heures et 30 minutes (de 12:00 à 14:30). Le débit d'éclusées de 90 m3.h-1 (pour un débit
plancher de 25 m3.h-1) a pu être obtenu en complétant le débit total pompé dans la nappe (50
m3.h-1) par une autre pompe installée dans l'exutoire aval, ramenant ainsi vers l'amont un débit
supplémentaire de 40 m3.h-1.
1.3. Obtention des résultats
Relevé de la position des poissonsAvant, pendant et après chaque éclusée, le même observateur a cartographié la position
de chaque poisson à plusieurs reprises, toujours en se cachant dans le chenal parallèle. Chaque
observation prenait environ 15 minutes. Au total, 9 observations ont été réalisées pour chacunedes trois expériences : la première juste avant l'éclusée (t0), la seconde après stabilisation du
débit (t0+10 minutes), la troisième à t0+30 minutes, puis toutes les 30 minutes jusqu'à la baisse du
débit (à t1=t0+150 minutes). Les deux dernières observations ont alors été réalisées à nouveau à
débit plancher, à t1+15 et t1+45 minutes.
A fort débit, des turbulences de la surface de l'eau empêchaient d'observer dans le
chenal. Le comptage complet de tous les poissons n'était donc possible qu'à débit plancher, soità t0, t1+15 et t1+45 minutes. La position de chaque poisson pouvait alors être relevée selon qu'il
était situé dans le chenal, dans une zone morte ou bien dans une zone de transition entre les deux.
A débit d'éclusées, seuls les poissons situés dans les zones mortes ou dans les zones de transition
étaient visibles.
Relevé des dévalantsLe piège à dévalants a été relevé avant chacune des 9 observations. Les dévalants n'ont
pas été réintroduits dans le chenal.
Observations complémentairesPendant la première éclusée, quatre opérateurs immobiles, répartis le long du chenal
(cachés eux aussi dans le chenal parallèle) ont décrit la réaction des poissons aux variations de
débit et pendant toute la durée de l'éclusée. Pendant la deuxième éclusée, trois d'entre eux,
installés au niveau des seuils, étaient chargés d'observer les mouvements éventuels des poissons
entre les biefs. Enfin, une caméra étanche, positionnée à l'avance dans la partie amont du bief 4, a
permis pendant la troisième éclusée d'observer les poissons et leurs mouvements éventuels entre
les biefs 3 et 4.
Pêche finaleAfin d'effectuer un recensement final, les poissons ont été pêchés à l'électricité dans le
chenal quatre jours après la dernière éclusée, après isolement des biefs par des grilles
Chapitre 8 - Expérimentation - Ombre commun, stade alevin
180
zone morte
Vitesse (cm s ) 0 à 6 6 à 14
14 à 21 21 à 31 31 à 36
chenal
éclusée (90 m3 h )
débit plancher (25 m3 h )
transition
seuil
Bief 1 ou 3 Bief 2 ou 4
1 m
(x 10)
-1
-1
-1
Figure 8.2. : Cartographie des vitesses de courant modélisées pour une zone de refuge et lechenal environnant (d'après Valentin et al., 1994b). Les vitesses ont été calculées à débitplancher et à débit d'éclusée par E. Herouin avec le modèle hydraulique à deux dimensions dulogiciel PHOENICS (Université Lyon I, Centre de Mécanique).
Chapitre 8 - Expérimentation - Ombre commun, stade alevin
181
positionnées sur les seuils. Chaque individu a alors été mesuré et pesé.
Mesures et modélisation des vitesses de courantUn modèle permanent à deux dimensions a été appliqué à une zone morte et au chenal
environnant et a permis de représenter la distribution des vitesses moyennes, à débit plancher et à
débit d'éclusée. Les calculs ont été effectués par E. Hérouin sur le logiciel PHOENICS, au centre
de Mécanique de l'Université Cl. Bernard Lyon I. Le calage du modèle a été effectué à partir du
relevé de la cote de l'eau (calage du coefficient de rugosité de Strickler) et de mesures de
vitesses sur une section (calage de la viscosité cinématique).
Les hauteurs d'eau et les vitesses ont également été mesurées en 33 points distribués au
hasard dans le chenal, dans les zones de transition et dans les zones mortes. Ces mesures ont été
effectuées à débit plancher et à débit d'éclusée. Sur chaque point de mesure, la hauteur d'eau (H)
et la vitesse (nombre de tours d'hélice converti ensuite en cm.s-1) à 0,4 x H ont été relevés. La
vitesse à 0,4 x H représente la vitesse moyenne dans la colonne d'eau (Hynes, 1970 ; Orth,
1985). Sachant que l'ombre est pélagique au stade étudié, nous pourrons confronter la
distribution des vitesses moyennes ainsi obtenues au positionnement des poissons dans l'espace.
2. Résultats
2.1. Distribution des vitesses et hauteurs
La figure 8.2 montre la distribution des vitesses calculées par le modèle. A débit
plancher, les vitesses moyennes ne dépassent pas 21 cm s-1 dans le chenal, et sont nulles dans la
zone morte. A débit d'éclusée, l'eau a un léger mouvement circulaire dans la zone morte, avec
des vitesses moyennes relativement faibles (inférieures à 14 cm s-1) et comparables aux vitesses
de la zone de transition à débit plancher. Dans la zone de transition, les vitesses à débit fort sont
comparables à celles du chenal à débit faible. Dans le chenal, elles atteignent 36 cm s-1 en
moyenne.
Les mesures (33 points) concordent avec la modélistation en vitesses moyennes, et
apportent un complément concernant les vitesses locales maximales. Les vitesses en chenal
atteignent ponctuellement 30 cm s-1 à débit plancher et 55 cm s-1 à débit d'éclusées.
On assiste donc à un décalage des vitesses entre débit de base et débit d'éclusée,
avec un glissement des vitesses modérées (de 14 à 30 cm s-1) du chenal vers les zones
de transition.
Les hauteurs d'eau mesurées varient entre 5 et 15 cm (9,5 cm en moyenne) à débit
plancher, et 11 et 21 cm (15,2 cm en moyenne) à débit d'éclusée.
Chapitre 8 - Expérimentation - Ombre commun, stade alevin
182
10 30 60 90 120 150 15 45
temps (minutes)à compter de t0 ou t1
t0 = début de l'augmentation du débit t1 = début de la diminution du débit
alevins en zones mortes
alevins en zones de transition
alevins dans le chenal
alevins non visibles pendant l'éclusée (soit dans le chenal, soit dans d'autres zones de refuge que les zones mortes observables)
24/06/92
0
23/06/92
0
25/06/92
t0 t1
0
100
100
100
20
40
60
80
20
40
60
80
20
40
60
80
obse
rvat
ion
man
quan
te
Posit
ion
rela
tive
des
alev
ins
(%)
Position des alevins :
Figure 8.3. : Changements dans l'utilisation de l'habitat par les alevins d'ombre commun soumisaux simulations d'éclusées en chenal artificiel lors de l'expérimentation de juin 1992 (d'aprèsValentin et al., 1994b).
Chapitre 8 - Expérimentation - Ombre commun, stade alevin
183
2.2. Réactions des poissons
Position des poissonsLa répartition des poissons observés entre les zones mortes, les zones de transition et le
chenal est représentée à la figure 8.3. A débit plancher, aucun poisson n'a été observé dans
les zones mortes, et les zones de transition étaient occupées par environ 5 % des
individus. A débit d'éclusée, 10 à 15 % des poissons ont été vus dans les zones mortes et
environ 25 % des individus étaient dans les zones de transition. Ce schéma n'est pas
significativement différent entre les trois expériences (test du X2, p>0,8).
Le taux d'occupation (en nombre moyen d'individus) a été calculé pour l'ensemble zones
mortes + zones de transition, pour les biefs 2 et 4 d'une part, et pour les biefs 1 et 3 d'autre part
(tableau 8.1). Les taux obtenus pour chaque type de bief selon la densité de zones de refuge ne
sont pas significativement différents (test de Mann-Whitney, p>0,01). On observe cependant une
tendance allant vers une occupation moyenne plus élevée de ces zones dans les biefs 2 et 4 (à
forte densité de zones mortes). Dans ces biefs, 60 à 67 % des poissons ont été observés en zone
morte ou en zone de transition, alors que seulement 10 % des poissons occupaient ces zones
dans les biefs 1 et 3.
Tableau 8.1. : Résultats des observations regroupés pour les biefs 2 et 4 (16 zonesmortes au total) et pour les biefs 1 et 3 (4 zones mortes au total).N = Nombre total de poissons comptés à t1 + 15 minutes (après l'éclusée); n = nombremaximal de poissons observés dans les zones mortes et les zones de transition pendantl'éclusée. Le taux d'occupation (T) a été calculé pour l'ensemble zones mortes + zones detransition, T = n/16 (biefs 2 et 4) ou n/4 (biefs 1 et 3).
biefs 2 + 4 biefs 1 + 3
Eclusée N n T N n T
1 41 24 1,5 32 3 0,75
2 33 22 1,4 29 3 0,75
3 32 19 1,2 27 3 0,75
Observations complémentairesA partir de l'augmentation du débit (à t0), les poissons répartis dans le chenal ont résisté
quelques minutes contre le courant, puis se sont décalés rapidement vers une zone morte ou unezone de transition avant que le débit n'ait atteint son maximum (avant t0 + 10 minutes). Les
turbulences de la surface de l'eau empêchaient alors d'observer le chenal. Des comportements de
prise alimentaire ainsi que des mouvements d'agressivité entre les individus ont été observés
pendant les éclusées, comme à débit plancher. A débit d'éclusée, les poissons dans les zones de
transition allaient se nourrir dans le chenal et pénétraient aussi parfois dans la zone morte.
Chapitre 8 - Expérimentation - Ombre commun, stade alevin
184
Dès la baisse du débit, les poissons se sont repositionnés dans le chenal.
Aucun échange entre biefs n'a été relevé, ni par les observateurs sur les seuils, ni à l'aide
de la caméra.
Nombre de dévalantsDes poissons ont été piégés en aval, uniquement pendant les deux premières éclusées, et
principalement au début de la période d'éclusée (tableau 8.3). Aucun dévalant n'a été capturé en
dehors des éclusées durant les trois jours d'expérimentation.
Tableau 8.3. : Nombre d'individus observés avant et après chaque éclusée, et nombre dedévalants recueillis pendant chaque éclusée.
Eclusée nb observésavant
nb observésaprès
dévalantspendant
1 76 73 6*2 61 62 4**3 58 59 0
NB : répartition des dévalants dans le temps* 3 à t0 + 30 minutes; 2 à t0 + 60 minutes; 1 à t0 + 90 minutes** 4 à t0 + 10 minutes
MortalitéEntre le début et la fin de la série d'éclusées, d'après les observations, l'effectif total a
diminué de 79 (73 après la première éclusée + 6 dévalants pendant) à 59 (recensés après la
troisième éclusée), alors que 10 dévalants ont été capturés au total. Ces chiffres laissent penser
qu'environ 10 poissons seraient morts pendant la période d'expérimentation.
2.3. Résultats de la pêche et fiabilité des observations
Longueur moyenne des poissons pêchés selon les biefsLes longueurs des poissons pêchés (tableau 8.2) différent significativement entre les biefs
(test de Kruskall-Wallis, p<0,03). Ces différences sont liées à la densité des zones refuges : les
poissons sont plus grands dans les biefs 1 et 3 par rapport aux poissons des biefs 2 et 4 (test de
Mann-Whitney entre les biefs regroupés 2 + 4 et 1 + 3, p<0,02). Ces différences de taille ne
sont pas dues à un effet amont - aval (test de Mann-Whitney entre les biefs regroupés 1 + 2 et 3
+ 4, p>0,50).
Chapitre 8 - Expérimentation - Ombre commun, stade alevin
185
Tableau 8.2. : Effectifs, longueurs totales et masses des poissons pêchés à l'électricité quatrejours après la dernière éclusée. Les longueurs et masses sont données en moyenne ± écart type(minimum - maximum).
Biefs Effectif Longueur totale (mm) Masse (g)
1
2
17
15
45,5 ± 4,7 (36,4 - 52,9)
40,2 ± 5,0 (30,6 - 48,6)
0,66 ± 0,22 (0,30 - 1,07)
0,43 ± 0,17 (0,19 - 0,78)
3
4
5
17
46,2 ± 4,5 (41,5 - 52,9)
43,4 ± 4,1 (35,3 - 49,7)
0,66 ± 0,21 (0,48 - 0,98)
0,54 ± 0,17 (0,27 - 0,86)
Fiabilité des recensements par observationLes effectifs recensés lors des observations sont concordants avec le nombre de
dévalants relevés et le faible taux de mortalité depuis le début des recensements. Le dernier
recensement (59 individus) est également cohérent par rapport à l'effectif pêché 4 jours plus tard
(54 individus). Nous pouvons donc supposer que les résultats basés sur ces observations étaient
fiables.
3. Conclusions
3.1. Utilisation de l'espace
Lors de chaque éclusée, le pourcentage de poissons utilisant les zones refuges est passé
de 5 %, uniquement répartis dans les zones de transition, à environ 40 %, dont les deux tiers, soit
25 %, dans les zones de transition. Ces zones représentent au total 4 % de la surface du canal et
abritent un quart de l'effectif total des poissons pendant les éclusées.
Ces changements d'utilisation de l'espace sont rapides et correspondent au glissement
des vitesses, du chenal vers les zones de transition. Les poissons répondent donc aux
modifications des vitesses par une modification de leur répartition spatiale.
D'après Scott (1985), l'absence d'alevins dans les zones mortes à débit plancher
s'explique par le manque d'apports de nourriture par la dérive du fait de vitesses très faibles à
nulles.
A ce stade de développement, les vitesses recherchées n'excèdent pas 30 cm.s-1
(Sempeski, 1994). Le changement de position des alevins vers les zones de transition correspond
donc au décalage des vitesses préférées du chenal lors de la période de débit faible, vers
les zones de transition lorsque le débit est fort. C'est la distribution des vitesses qui explique
le mieux que 25 % des poissons se "concentrent" dans 4 % de la surface totale. Il est probable
que le taux d'occupation maximum de ces zones soit atteint et que les individus non observés
pendant les éclusées (60 % des poissons n'ont pas pu être recensés à débit fort) occupent
d'autres zones de refuge, non observables, avec des vitesses peu élevées.
Chapitre 8 - Expérimentation - Ombre commun, stade alevin
186
Scott (1985) indique que les vitesses critiques supportées par les alevins d'ombre
dépendent de la taille des poissons et peuvent s'exprimer directement en unité de longueur du
corps par seconde ("body length s-1"). Par commodité, nous noterons cette unité ul s-1. Elles
seraient de l'ordre de 12 ul s-1 pour les jeunes alevins (de longueur inférieure à 30 mm) étudiés
par l'auteur. Ainsi, les vitesses moyennes obtenues dans le chenal pendant les éclusées (31 à 36
cm s-1) correspondaient à des valeurs comprises entre 7 et 12 ul s-1 selon les individus. Ces
valeurs ne dépasseraient donc pas les vitesses critiques décrites par Scott, si l'on suppose que les
résultats de l'auteur peuvent s'appliquer à des poissons un peu plus grands. Les vitesses locales
maximales mesurées à 55 cm s-1 ne dépasseraient les valeurs critiques que pour les individus les
plus petits (18 ul s-1). Ces résultats montrent que nos éclusées expérimentales étaient
relativement modérées puisqu'elles ne dépassent pas les vitesses critiques du stade choisi, à
quelques rares exceptions locales.
Dans les biefs 1 et 3 contenant seulement 2 zones refuges, le nombre de poissons
occupant les zones mortes ou de transition (10 % des individus) était nettement moins élevé que
dans les biefs 2 et 4 (60 à 67 % des individus). Dans ces biefs à faible densité de zones refuges,
la distance vers la zone refuge la plus proche est plus grande, ce qui incite probablement les
poissons à rechercher d'autres refuges plus proches (zones non identifiées ou près du fond ou des
rives).
En supposant que les poissons ne se sont pas déplacés d'un bief à l'autre après les
éclusées, la recherche des zones de refuge peut être interprétée en fonction de la taille des
poissons. En effet, les poissons pêchés quatre jours après la dernière éclusée étaient en moyenne
plus grands dans les biefs 1 et 3 à faible densité de zones de refuge. Une plus forte densité de
zones refuges (biefs 2 et 4) aurait favorisé les poissons les plus petits, moins aptes à trouver
d'autres refuges ou à rester dans le chenal. La notion de refuges pourrait donc être définie
en fonction de l'aptitude des poissons à les utiliser.
3.2. Mouvements de dévalaison
Le nombre de dévalants est nettement plus élevé pendant la première éclusée (6) que
pendant la période acclimatation (0 à 3 dévalants par jour). La première éclusée aurait donc
eu un effet plus marqué que les autres sur la dévalaison.
Globalement, la dévalaison n'a pas augmenté de manière importante, le nombre total de
dévalants pendant les trois jours (10) n'étant cependant pas excessif. On peut donc penser que
l'effet attribué à la première éclusée résulte en fait d'une avance dans le temps de mouvements de
dévalaison qui se seraient produits de manière plus étalée au cours des trois jours en l'absence
Chapitre 8 - Expérimentation - Ombre commun, stade alevin
187
d'éclusée. Ce phénomène ne relèverait donc pas d'une accoutumance aux éclusées ni d'un
apprentissage. Pour étudier l'apprentissage, il aurait fallu envisager un autre protocole en faisant
subir des éclusées successives à des poissons ayant dévalé une première fois. Notre protocole ne
visait pas à répondre à cette question.
La mortalité semble avoir légèrement augmenté pendant la période d'expérimentation
(environ 10 poissons disparus, d'après les comptages). Cependant, le nombre de morts restant
faible, et ce résultat n'étant que global, il nous semble délicat de conclure sur l'effet des éclusées
simulées sur la mortalité.
Nous avons mentionné les travaux de Scott (1985) permettant de juger de la sévérité très
modérée des éclusées simulées dans cette expérimentation. Conformément à notre objectif initial,
ce protocole a permis d'obtenir des résultats sur l'utilisation de l'espace et les comportements des
individus plutôt que sur les taux de mortalité ou de dévalaison.
Dans le cas d'éclusées expérimentales relativement modérées, des alevins d'ombre âgés
de deux mois ont été capables de localiser et d'occuper les zones où les vitesses de courant leur
étaient favorables lorsque le débit variait.
CHAPITRE 9
EXPERIMENTATION SURLA TRUITE FARIO AU STADE JUVENILE
191
Chapitre 9
Expérimentation sur la truite fario au stade juvénile
Sur l'Ance du Nord, il est apparu que les jeunes 0+ de truite étaient relativement peu
nombreux sur la station 3 où les mises en vitesses étaient les plus fortes lors des éclusées (Capra
et al., 1994b ; Valentin et al., 1994a). A travers deux expérimentations (chapitres 9 et 10), nous
avons voulu étudier plus précisément la relation entre l'utilisation de l'espace par de jeunes truites
et les modifications des vitesses du courant lors de simulations d'éclusées. Dans le présent
chapitre, nous avons étudié la réaction de poissons âgés d'environ huit mois (0+ du mois de
Novembre), considérés à ce stade comme juvéniles.
1. Matériels et protocole
1.1. Le chenal
Description du chenalLe chenal installé sur le site du Lapitxuri (Beall et Marty, 1986), station expérimentale de
l'INRA de Saint Pée sur Nivelle, mesure 130 m de long sur 2,9 m de large en moyenne, et est
divisé en biefs de 10 m de long chacun, séparés par des murets en béton. Ce chenal est alimenté
par une petite rivière (module voisin de 0,5 m3.s-1) des Pyrénées Occidentales : le Lapitxuri.
L'apport de nourriture naturelle pour les poissons ne pose donc pas de problème. L'alimentation
en eau du chenal se fait par une prise d'eau dans un petit barrage situé sur la rivière. Des vannes
permettent de modifier le débit dans le chenal, en fonction des apports naturels. Le débit peut
théoriquement être maintenu constant grâce au réglage précis des vannes, même en cas de
variations du débit naturel de la rivière. Un piquet gradué et étalonné à l'aide de mesures de débit
sur une section au micromoulinet permet de connaître la valeur du débit transitant dans le chenal.
Neuf biefs ont été choisis pour cette étude (figure 9.1). Parmi ceux-ci, le bief n° 8 est
équipé d'une chambre souterraine d'observation, munie d'une vitre de 2 m de long sur 0,75 m de
haut. On peut ainsi observer les poissons dans toute la colonne d'eau et dans le substrat.
Les biefs contiennent des galets calibrés de 1 à 8 cm. La pente du fond de chaque bief
est de 0,5 %, la pente générale du chenal étant de 2 %. Chaque muret en béton est équipé de
deux ouvertures de 1,10 m de large, séparées par un pilier central et constitue une dénivellation
de 15 cm entre les biefs. Ces ouvertures comportent des rainures sur lesquelles ont peut installer
des cadres en bois porteurs de grilles verticales ou de filets. Les grilles empêchent les poissons de
Chapitre 9 - Expérimentation - Truite fario, stade juvénile
192
dévaler tandis que les filets permettent de piéger les poissons dévalants. Nous avons utilisé des
filets fermés à leur extrémité aval par une boîte en bois grillagée (figure 9.2). Pour relever ces
pièges sans marcher sur le substrat, des parpaings ont été disposés en amont de chaque bief. Le
bief n° 8 ne contient pas de filet en amont car ils empêcheraient l'observation derrière la vitre.
CHAMBRE SOUTERRAINE
10 m
3 4 5 6 7 8 9 10 11 12
NON UTILISE
alimentation dégrillage
décantation
Figure 9.1. : Schéma du chenal expérimental du site du Lapitxuri. Les pièges à dévalants sontreprésentés en aval de chaque bief.
fermeture (zip ou velcro) permettant de relever les dévalants restés
dans le filet
couvercle fermé par un crochet
FILETPIEGE
amont aval
Figure 9.2. : Détail du dispositif de piégeage des dévalants.
Chapitre 9 - Expérimentation - Truite fario, stade juvénile
193
Dispositif expérimentalAfin d'offrir des zones de refuge selon un dispositif semblable à celui adopté pour
l'expérimentation précédente, des parpaings ont été disposés dans 4 biefs (biefs nos 4, 6, 9 et
11), de chaque côté, perpendiculairement à la berge et espacés de 1 m (figure 9.3). Les autres
biefs (biefs nos 3, 5, 10 et 12) ne comportent pas d'autres parpaings que ceux qui permettent
d'accéder aux pièges. Les filets utilisés ont une maille de 5 mm.
BIEF SANS PARPAING
BIEF AVEC PARPAINGS
FILET + PIEGE
1 m
3 4 5 6 7 8 9 10 11 12
10 m
1 m
Figure 9.3. : Dispositif expérimental de l'expérimentation de novembre 1992, site du Lapitxuri.
Chapitre 9 - Expérimentation - Truite fario, stade juvénile
194
1.2. Déroulement de l'expérimentation
L'installation des poissons et la période d'acclimatationLes poissons ont été pêchés à l'électricité dans des ruisseaux pépinières voisins, 1 à 2
jours avant d'être installés dans les biefs. Ils ont d'abord été mesurés (longueur totale) et
regroupés selon trois classes de taille afin d'être répartis en 9 lots identiques installés ensuite dans
les 9 biefs. Ces lots contiennent chacun 9 poissons de 60 à 79 mm, 11 de 80 à 99 mm et 9 de
100 à 119 mm, soit 29 poissons au total par bief. La longueur moyenne des 261 individus était
de 89,6 mm (écart type de 15,6). Un sous-échantillon représentatif de 100 individus a été pesé ;
leur masses moyenne était alors de 8,9 g (écart type de 4,1).
Les poissons ont été installés dans les biefs le 12 novembre 1992. Des grilles de
séparation entre les biefs ont été maintenues pendant 24 heures afin de maintenir les poissons en
place.
La période d'acclimatation a duré 7 jours (jusqu'au 19 novembre), avec un débit constant
de 80 l.s-1.
Les écluséesNeuf éclusées ont été simulées du 19 au 25 novembre, réparties sur 5 jours. Pour tester
l'effet de plusieurs éclusées différentes, nous avons fait varier leur durée et leur répartition dans la
journée. Contrairement à l'expérimentation précédente, nous avons choisi de ne pas reproduire
les mêmes éclusées d'un jour à l'autre pour étudier des effets éventuellement différents. Des
contraintes pratiques d'organisation (débit dans la rivière, disponibilité des différents
collaborateurs) sont également intervenues dans l'emploi du temps exposé au tableau 9.1.
La répartition des éclusées dans la journée a été variable entre le matin, l'après-midi et le
soir. Deux éclusées ont été réalisées le soir, environ 30 minutes après le coucher du soleil (E6 et
E9).
Le débit maximal atteint dépendait du débit pouvant être dérivé dans la rivière. Le débit
plus élevé (400 l.s-1 le 20 novembre) a été atteint à l'occasion d'une petite crue (pluie du 19
novembre au soir). Il n'a pas pu être maintenu plus de 17 minutes lors de la troisième éclusée
(E3) car des apports de sédiments et de débris de feuilles ont rapidement colmaté les filets qui
risquaient de se rompre.
Chapitre 9 - Expérimentation - Truite fario, stade juvénile
195
Tableau 9.1. : Eclusées (codées Ei) réalisées lors de l'expérimentation de novembre1992 sur le site du Lapitxuri.
Eclusée Date Heure du début Durée Débit atteint (l.s-1)
E1 19 nov (matin) 9h30 30 mn 290
E2 19 nov (ap midi) 14h05 1 h 290
E3 20 nov (matin) 9h35 17 mn 400
E4 20 nov (matin) 10h50 35 mn 400
E5 23 nov (matin) 10h15 2 h 290
E6 23 nov (soir) 18h35 1 h 290
E7 24 nov (journée) 10h40 5 h 290
E8 25 nov (matin) 9h30 1 h 340
E9 25 nov (soir) 18h30 30 mn 340
1.3. Obtention des résultats
Relevé des dévalantsAu cours des 7 jours d'acclimatation, des relevés des pièges à dévalants ont été effectués
tous les matins. Les dévalants ont tous été remis dans les biefs.
Pendant toute la période d'éclusées, un relevé des pièges a été effectué chaque matin,
avant et après chaque éclusée, et entre éclusées réalisées le même jour (22 relevés au total). Les
dévalants n'ont plus été remis dans les biefs à partir de la première éclusée.
Pendant les éclusées, le relevé des pièges devait être effectué par deux opérateurs devant
marcher dans les biefs. Pour cette raison, seuls les pièges correspondant aux biefs nos 6 et 12
ont pu être relevés, en marchant dans les biefs aval (nos 7 et 13) inutilisés. Ces relevés ont été
effectués toutes les 10 minutes.
Observations directesLes observations directes depuis la berge se sont révélées impossibles sur ce site du fait
de la couleur foncée du substrat. De plus, la surface de l'eau n'était pas lisse pendant les éclusées,
même derrière les parpaings.
Des observations dans la chambre souterraine ont été réalisées occasionnellement
pendant la période d'acclimatation, puis systématiquement avant, pendant et après les éclusées.
Pour les éclusées de nuit, une caméra détectant la lumière d'un spot infrarouge a été installée
devant la vitre.
Pêche finaleLe 26 novembre, les poissons ont été pêchés à l'électricité dans chaque bief, en trois
passages au minimum, jusqu'à ce que tous les poissons présents aient été récupérés. Ils ont
ensuite été mesurés et pesés individuellement.
Chapitre 9 - Expérimentation - Truite fario, stade juvénile
196
Mesures des vitesses de courant et hauteurs d'eauDes mesures de vitesses (au micromoulinet) et de hauteurs d'eau ont été réalisées après
la série d'éclusées, le 27 novembre.
Les vitesses ont été mesurées à 80 l.s-1 et à 290 l.s-1 aux mêmes points, 30 au total,
répartis dans les biefs nos 3 et 4 (dont 6 derrière des parpaings du bief n° 4). Les vitesses n'ont
pas été mesurées aux autres débits d'éclusées (340 et 400 l.s-1), car ces débits n'ont pas pu être
obtenus à nouveau après l'expérimentation. Sur chaque point de mesure, la hauteur d'eau (H) et
la vitesse à 0,4 x H (représentant la vitesse moyenne dans la colonne d'eau) ont été relevés.
Des mesures ont été réalisées dans le bief n° 8 à différents points et différents niveaux
dans la colonne d'eau, à 290 l.s-1, en fonction de la localisation des poissons observés pendant
les éclusées.
2. Résultats
2.1. Distribution des vitesses et hauteurs
A débit plancher, les vitesses dans les zones situées derrière les parpaings sont presque
toutes nulles (un seul point à 4 cm.s-1). A 290 l.s-1, aux mêmes points, les vitesses sont toujours
faibles et comprises entre 0 et 8 cm.s-1 (tableau 9.2.).
Les hauteurs et les vitesses mesurées en chenal sont nettement différentes entre les deux
débits (deux tests U de Mann-Whitney, p=0,0001). Plus de 50 % des points mesurés à débit
fort ont des vitesses supérieures à 60 cm.s-1, correspondant à la vitesse maximum mesurée à
débit plancher.
Tableau 9.2. : Hauteurs (cm) et vitesses (cm.s-1) obtenues à partir des points de mesurerépartis dans les biefs nos 3 et 4, à débit plancher (80 l.s-1) et à débit d'éclusée (290 l.s-1).
à débit plancher à débit d'écluséeHauteur Vitesse Hauteur Vitesse
En chenal (24 points)moyenne (écart type) 12,3 (3,6) 21,3 (14,3) 23,0 (3,8) 62,7 (20,9)
mini-maxi 5-20 6-59 15-29 18-105
Derrière les parpaings (6 points, bief n° 4)12,7 (2,7) 0,6 (1,6) 23 (3,2) 4,7 (3,7)
9-15 0-4 19-27 0-9
Chapitre 9 - Expérimentation - Truite fario, stade juvénile
197
2.2. Réactions des poissons
Dévalants relevés à l'aval de chaque biefPendant la période d'acclimatation, les individus capturés ont été peu nombreux (8 au
total, tableau 9.3) et étaient exclusivement issus des biefs sans parpaings.
Tableau 9.3. : Nombre de dévalants relevés (et remis dans les biefs) pendant la périoded'acclimatation et biefs correspondants.
BiefsDate B3 B4 B5 B6 B8 B9 B10 B11 B12 Total
12-nov13-nov 1 114-nov 1 115-nov 1 1 216-nov17-nov 1 118-nov 1 1 219-novTotal 1 3 3 1 8
biefs avec parpaings
Au cours de la période d'expérimentation (7 jours au total, dont deux jours sans
éclusée), 11 dévalants (tableau 9.4.) ont été relevés. Ce nombre est comparable à celui obtenu
lors de la période d'acclimation (8 dévalants en 7 jours). Tous les dévalants étaient issus des biefs
sans parpaings. Un seul dévalant a été trouvé pendant une éclusée (E1), dès les 10 premières
minutes, issu du bief n° 12. Il portait des traces de mycoses et a probablement dévalé car il était
affaibli.
Tableau 9.4. : Nombre de dévalants relevés pendant la période d'éclusées, biefscorrespondants et position des relevés par rapport aux éclusées (les relevés pour lesquelsaucun poisson n'a dévalé ne sont pas représentés).
Biefs positiondu relevé
Date B3 B4 B5 B6 B8 B9 B10 B11 B12 selon leséclusées
19-nov 1 pendant E120-nov 3 avant E320-nov 1 après E321-nov 1 223-nov 1 avant E523-nov 1 après E525-nov 1 après E8Total 3 5 1 1 1 11
biefs avec parpaings
Chapitre 9 - Expérimentation - Truite fario, stade juvénile
198
Observations directes dans le bief n° 8 A aucun moment les individus n'ont réagi à la présence d'observateurs derrière la vitre.
Lors de la période d'acclimatation, les poissons observés se trouvaient répartis dans le
bief. Ils se tenaient généralement dans la moitié inférieure de la colonne d'eau, en nage statique,
mais se déplaçaient souvent vers la surface pour se nourrir. Ils se nourissaient également vers le
fond. Des mouvements d'agressivité ont également été observés.
24 poissons au total ont pu être observés derrière la vitre au cours des 9 éclusées, avec
un maximum de 4 à la fois. Les poissons n'étant pas reconnaissables individuellement, chaque
individu a pu être observé plusieurs fois.
L'eau était généralement claire et les poissons étaient visibles à plus de 1 mètre de la vitre,
sauf au début de certaines éclusées. Au début de la première éclusée (E1) ainsi que de la
troisième éclusée (E3), l'eau a été particulièrement troublée par des apports de sédiments, mais
s'est éclaircie rapidement (en 5 à 10 minutes).
Dès la première éclusée, le substrat a été remanié. L'absence de filet en amont du bief n°
8 a permis à la petite chute d'eau (15 cm de dénivellation) de creuser dans la partie sous la chute
(non visible depuis la chambre d'observation). Des éléments du substrat sont donc venus
s'entasser en amont de la portion observée, formant un endroit plus creux en aval (figure 9.4).
Des poissons ont été souvent observés à cet endroit pendant les éclusées, très proches du fond.
Les vitesses de courant mesurées dans cette zone, près du fond, étaient inférieures à 8 cm.s-1.
10 cm
54
92
89
105
62
18
9
95
64
56
poisson enfoui
Figure 9.4. : Vitesses ponctuelles (+, en cm.s-1) mesurées au niveau de la vitre du bief n°8, débit
d'éclusée (290 l.s-1).
Chapitre 9 - Expérimentation - Truite fario, stade juvénile
199
De manière générale, pendant les éclusées, les poissons ont été observés plus proches du
substrat que pendant la période d'acclimatation. Ils étaient souvent abrités du courant par un
caillou, soit en nage statique, soit posés sur le fond, soit ballottés par des turbulences locales.
Plusieurs individus cherchaient à s'enfouir dans le substrat, entre les cailloux, parfois avec
"affolement" (mouvements très rapides et nombreux vers les espaces entre les cailloux). Un
poisson a été vu totalement enfoui contre la vitre (représenté à la figure 9.4). Il a pu être observé
dans cette position pendant une demie-heure lors de l'éclusée E8.
Des prises de nourriture ont été observées plusieurs fois, ainsi que des mouvements
d'agressivité et de défense d'un abri vis-à-vis d'individus s'approchant trop près.
Un poisson s'est laissé entraîner vers l'aval après avoir résisté pour se maintenir en place
(pendant E8). Il n'a cependant pas dévalé jusqu'aux pièges et a dû trouver un abri avant. Tous les
autres déplacements ont été observés de l'aval vers l'amont, pendant les éclusées. Dès la baisse
de niveau, des poissons positionnés près du substrat derrière la vitre se dirigeaient également
rapidement vers l'amont.
Les éclusées de nuit (E6 et E9) n'ont pas montré de résultat particulier. Deux poissons
seulement ont pu être observés en mouvement sur l'écran relié à la caméra.
NB : Le remodelage du fond observé en amont du bief n° 8 n'a pas eu lieu dans les autres biefs
du fait du passage de l'eau par les filets.
2.3. Résultats de la pêche finale
230 poissons ont été récupérés au total. Compte tenu du nombre total de dévalants non
remis dans les biefs, 20 poissons n'ont pas été récupérés (tableau 9.5.). Il en manquait de 0 à 4
selon les biefs. En supposant qu'il ne restait plus aucun poisson vivant dans les biefs après les
passages de pêche électrique, les individus manquant sont probablement morts. Ces résultats
montrent une mortalité de moins de 8 % au total par rapport au nombre initial de poissons, ce qui
semble relativement faible en une quinzaine de jours.
Tableau 9.5. : Nombre d'individus manquants dans chaque bief d'après les résultats dela pêche électrique finale et le décompte des dévalants non remis.
BiefsB3 B4 B5 B6 B8 B9 B10 B11 B12 Total2 2 3 3 4 0 1 3 2 20
biefs avec parpaings
La longueur moyenne des individus pêchés était de 91,9 mm (écart type de 15,6). La
différence avec la longueur des poissons introduits n'est pas significative (test U de Mann-
Chapitre 9 - Expérimentation - Truite fario, stade juvénile
200
Whitney, p=0,1). La masse individuelle des poissons installés dans les biefs (sur un sous
échantillon de 100 individus) et la masse des poissons pêchés (moyenne de 9,7 g et écart type de
4,8 pour 230 individus) ne sont pas différentes (test U de Mann-Whitney, p=0,2).
3. Conclusions
3.1. Effets des éclusées simulées
Le nombre de dévalants relevés au cours de la période d'éclusées semble faible et peu
différent de celui obtenu pendant la période d'acclimatation. On peut donc en conclure que les
éclusées n'ont pas provoqué de dévalaison. Aucune éclusée, même longue (5 heures pour la
plus longue), n'a provoqué de nets mouvements de dévalaison. Les éclusées réalisées de nuit
n'ont pas eu davantage d'effet.
Les observations directes ont montré que, dans les conditions de l'expérimentation,
les poissons ont été capables de trouver des abris ou des zones où les vitesses de
courant étaient faibles, derrière ou entre les éléments du substrat, dans la partie
inférieure de la colonne d'eau.
Leur comportement d'agressivité et de prise de nourriture continuaient pendant les
éclusées.
Cette observation ainsi que les résultats sur la dévalaison nous permettent de supposer
que les éclusées atteintes dans le chenal ne constituaient pas des conditions extrèmes.
3.2. Influence des parpaings
Les zones de refuges formées par les parpaings n'ont pas modifié l'effet des éclusées sur
la dévalaison. Ces zones ont cependant influencé les mouvements de dévalaison,
indépendamment des éclusées, puisque tous les dévalants relevés au cours des deux périodes
(acclimatation et expérimentation) étaient issus des biefs sans parpaings.
CHAPITRE 10
EXPERIMENTATION SURLA TRUITE FARIO AU STADE ALEVIN
203
Chapitre 10
Expérimentation sur la truite fario au stade alevin
Suite à l'expérimentation précédente sur des poissons déjà grands (juvéniles), il nous est
apparu indispensable de rechercher les réactions de poissons plus petits à des éclusées simulées.
Nous avons donc réalisé une nouvelle expérimentation avec des alevins de truite, âgés de deux
mois.
1. Matériels et protocole
Nous avons pu obtenir des alevins nés dans les biefs du chenal vers la mi-mars (suite à
une expérience sur la reproduction), d'origine "sauvage", ainsi que des alevins d'élevage, issus de
la pisciculture d'Ibarron. Il nous semblait intéressant de mettre à profit cette possibilité pour
savoir si les réactions des poissons allaient être différentes selon leur origine (Berg et Jorgensen,
1991 ; Jorgensen et Berg, 1991 ; Greenberg, 1992).
1.1. Le chenal
Description du chenalLe chenal utilisé en mai 1993 est le même que lors de l'expérimentation précédente. Sept
biefs ont été utilisés ici.
Dispositif expérimentalLes filets disposés en aval des biefs ont une maille de 2 mm.
L'installation de parpaings n'ayant pas modifié la réponse des juvéniles de truite soumis
aux éclusées dans l'expérimentation précédente, il ne nous est pas apparu opportun de renouveler
ce protocole avec les alevins. Nous avons formulé l'hypothèse que les éléments du susbtrat
constituraient des refuges plus adaptés pour ces poissons. Aucun parpaing n'a donc été disposé
dans les biefs (sauf pour relever les pièges).
Sept biefs ont été utilisés lors de cette expérimentation (figure 10.1), trois biefs (nos 4, 6
et 9) contenant des truites "sauvages" et trois autres biefs (nos 3, 5 et 10) contenant des truites
d'élevage. Le bief d'observation (n° 8) contenait également des truites d'élevage.
Chapitre 10 - Expérimentation - Truite fario, stade alevin
204
3 4 5 6 7 8 9 10
E S E S E S E
Figure 10.1. : Plan d'installation des poissons dans les biefs lors de l'expérimentation demai 1993 (E = truites d'élevage, S = truites d'origine sauvage).
1.2. Déroulement de l'expérimentation
L'installation des poissonsLes truites d'origine sauvage ont été récupérées dans le chenal par pêche électrique, pour
être dénombrées, mesurées et pesées, puis gardées dans des bacs pendant une dizaine de jours
avant d'être à nouveau installés dans les biefs. Les poissons d'élevage ont également été mesurés
et pesés. Le tableau 10.1 contient les longueurs (à la fourche) et masses moyennes de chaque
catégorie, obtenues à partir de sous-échantillons de 120 individus.
Les truites sauvages sont plus petites que les truites d'élevage (test t de Student,
p<0,001), bien qu'elles aient le même âge.
Tableau 10.1. : Longueurs (à la fourche) et masses des truites installées dans les biefs. Leslongueurs et masses sont données en moyenne ± écart type (minimum - maximum).
Espèce - origine Longueur (mm) Masse (g)
Truites d'élevage
Truites sauvages
40,8 ± 4,0 (30 - 51)
34,3 ± 3,1 (27 - 40)
0,76 ± 0,24 (0,30 - 1,58)
0,37 ± 0,12 (0,14 - 0,68)
Les poissons ont été installés dans les biefs le 30 avril 1993, à raison de 290 par bief, à
une densité voisine de la densité à laquelle les poissons "sauvages" avaient été récupérés dans le
chenal.
Le débit dans le chenal a été réglé à 50 l.s-1.
La période d'acclimatationAprès l'installation, les pièges ont été relevés tous les matins. Les dévalants ont été remis
dans les biefs jusqu'au 3 mai. A partir de cette date, ils ont été retirés des biefs, considérant que
ces mouvements n'étaient plus liés à un stress post-installation, mais à une régulation de la densité
des poissons dans les biefs. La première éclusée était alors prévue pour le 5 mai, après une
période d'acclimatation de 5 jours.
Malheureusement, le 5 mai au matin, nous avons découvert les biefs pratiquement à sec.
Le débit était presque nul, mais la partie aval des biefs était encore en eau. Cet assec s'est
produit à cause de la difficulté de réglage des vannes amont et d'une légère baisse du débit
naturel de la rivière.
Chapitre 10 - Expérimentation - Truite fario, stade alevin
205
Assec accidentelLe chenal a aussitôt été remis en eau. Le substrat des biefs a été examiné afin de compter
et de retirer les éventuels poissons morts. Un relevé des pièges a été effectué juste après, puis un
deuxième dans l'après-midi.
Les écluséesLe programme d'éclusées a pu débuter le 8 mai, lorsque les mouvements de dévalaison
étaient à nouveau faibles. Afin d'éviter de provoquer des mouvements de dévalaison trop
importants, une première éclusée moyenne (200 l.s-1) a été réalisée le premier jour (8 mai
1993). A partir du 10 mai au matin, 6 éclusées plus fortes ont été réparties sur une période de 48
heures, de durées variables (tableau 10.2). Comme dans l'expérimentation précédente, la
répartition et l'intensité des éclusées a été guidée par des contraintes pratiques et par la volonté
d'étudier l'utilisation de l'espace par les poissons soumis à plusieurs types éclusées.
Tableau 10.2. : Eclusées (codées Ei) réalisées lors de l'expérimentation de mai 1993sur le site du Lapitxuri.
Eclusée Date Heure du début Durée Débit atteint (l.s-1)
E1 8 mai (matin) 10h30 1 h 200
E2 10 mai (matin) 11h00 20 mn 300
E3 10 mai (ap midi) 15h30 1 h 300
E4 10 mai (nuit) 22h20 1 h 300
E5 11 mai (journée) 10h30 10 h 300
E6 11 mai (nuit) 22h20 1 h 300
E7 12 mai (nuit-matin) 0h20 8 h 300
1.3. Obtention des résultats
Relevé des dévalants pendant la période d'écluséesDurant cette période, en plus du relevé systématique effectué chaque matin, les pièges ont
été relevés avant et après chaque éclusée. Un contrôle des pièges des biefs 6, 10 et 12 a été
réalisé pendant les éclusées.
Observations directesLes observations directes depuis la chambre souterraine du bief n° 8 ont été réalisées
selon le même protocole que lors de l'expérimentation précédente.
Chapitre 10 - Expérimentation - Truite fario, stade alevin
206
Pêche finaleDes pêches électriques, réalisées les 13 et 14 mai, ont permis de récupérer et de
dénombrer tous les poissons présents dans les biefs, en quatre passages. Deux sous-échantillons
de 150 individus ont été mesurés et pesés, l'un parmi les truites sauvages, l'autre parmi les truites
d'élevage.
Mesures des vitesses de courant et hauteurs d'eauLes vitesses du courant et les hauteurs d'eau ont été mesurées à débit plancher (50 l.s-1)
et à débit d'éclusée (300 l.s-1), en 28 points répartis dans le bief n°6.
2. Résultats
2.1. Distribution des vitesses et hauteurs
Les vitesses et hauteurs d'eau mesurées (tableau 10.3.) sont significativement différentes à
débit plancher et à débit d'éclusées (deux tests U de Mann-Whitney, p=0,0001). Environ 70 %
des vitesses à débit fort sont supérieures à la vitesse maximum obtenue à débit plancher (41
cm.s-1).
Tableau 10.3. : Hauteurs (cm) et vitesses (cm.s-1) obtenues à partir des points de mesurerépartis dans le bief n° 6 (28 points), à débit plancher (50 l.s-1) et à débit d'éclusée (300l.s-1).
à débit plancher à débit d'écluséeHauteur Vitesse Hauteur Vitesse
moyenne (écart type) 9,6 (3,3) 20,3 (8,2) 25,8 (2,2) 45,3 (17,6)mini-maxi 4-19 6-41 23-32 15-67
Bien que les débits d'éclusées soient voisins entre les deux expérimentations réalisées sur
ce site (voir chapitre précédent), les vitesses obtenues ici sont inférieures à celles de
l'expérimentation précédente mesurées dans le chenal (24 points en chenal) (test U de Mann-
Whitney, p=0,01). Ces différences pourraient être liées à une incertitude obtenue lors de
l'étalonnage du piquet à partir de mesures de vitesses réalisées sur une section, sans incidence sur
les résultats présentés ici. En effet, la connaissance très précise de la valeur du débit importe peu
dans notre analyse que nous baserons surtout sur l'examen des vitesses de courant.
Chapitre 10 - Expérimentation - Truite fario, stade alevin
207
2.2. Réactions des poissons
Mouvements de dévalaisonPendant la période d'acclimatation, dès les premiers relevés des pièges à dévalants, il
est apparu que les mouvements de dévalaison des truites sauvages et des truites d'élevage étaient
nettement différents (figure 10.2). Les truites d'élevage ont peu dévalé, avec un maximum le
premier jour entre 3 et 5 % de l'effectif initial selon les biefs, puis une diminution les jours suivants
(moins de 3 %). Les truites du bief 8 n'ont pas dévalé le premier jour et très peu ensuite (moins
de 2 %). Le nombre de truites sauvages dévalantes (en B4, B6 et B9) a été très faible le premier
jour (inférieur à 3 %) et a augmenté beaucoup ensuite. Le nombre maximum, atteint le 3ème jour,
était élevé (de 19 à 41 % selon les biefs). Le taux a diminué ensuite (de 4 à 11 % selon les biefs
le 5ème et dernier jour de cette période).
Très peu de poissons ont été trouvés morts pendant cette période (7 au total, dans des
biefs différents, voir tableau 10.4).
Truites d'élevage
02468
101214
R-3
0/04
R-1
/05
R-2
/05
R-3
/05
NR
-4/0
5
B3
B5
B8
B10
biefs
0
20
40
60
80
100
120
R-3
0/04
R-1
/05
R-2
/05
R-3
/05
NR
-4/0
5
Truites sauvages
biefs
B4
B6
B9
Figure 10.2. : Dévalants relevés pendant la période d'acclimatation dans chaque bief, remis (R), puisnon remis (NR).
Suite à l'assec (figure 10.3), les truites sauvages ont dévalé massivement après la remise
en eau des biefs (5 mai), surtout dans les biefs 4 et 6 (respectivement 48 et 61 % de l'effectif
initial). Les mouvements de dévalaison ont diminué ensuite (environ 10 % le 7 mai et moins de 3
% le 8 mai). Les truites d'élevage ont assez peu dévalé (moins de 6 % à chaque relevé).
Chapitre 10 - Expérimentation - Truite fario, stade alevin
208
Après observation du substrat, aucun poisson mort n'a été trouvé dans les biefs. Lors du
relevé suivant l'assec, quelques poissons morts ont été trouvés dans les pièges, exclusivement
chez les truites sauvages, dans les biefs n°4 (10 morts), n°6 (5 morts) et n° 9 (3 morts).
R-5
/05
a.m
.
R-5
/05
p.m
.
R-6
/05
NR
-7/0
5
NR
-8/0
5
R-5
/05
a.m
.
R-5
/05
p.m
.
R-6
/05
NR
-7/0
5
NR
-8/0
5
Truites d'élevage
B3
B5
B8
B10
biefsTruites sauvages
biefs
B4
B6
B9
02468
10121416
0204060
120
180160140
10080
Figure 10.3. : Dévalants relevés après l'assec dans chaque bief, remis (R), puis non remis (NR).
Pendant la période d'éclusées, les nombres de dévalants obtenus pour chaque bief aux
différents relevés sont représentés sur la figure 10.4 selon l'origine des poissons. Des poissons
morts ont parfois été trouvés dans les pièges, principalement vers la fin de la période, après
chacune des trois dernières éclusées, et un peu plus parmi les truites sauvages.
Les résultats ont été additionnés par périodes de 24 heures, afin de pouvoir comparer
des durées identiques (figure 10.5).
Ces résultats montrent que le nombre de dévalants n'a pas augmenté à l'occasion de
l'éclusée E1. En effet, pour les périodes P0 (avant E1), P1 (après E1 jusqu'au lendemain matin)
et P2 (24 heures sans éclusée, jusqu'au surlendemain matin), les nombres de dévalants étaient
comparables.
Les dévalants étaient en revanche plus nombreux pendant la période P3, première
journée d'éclusées soutenues. Il apparaît en fait que cette dévalaison accrue correspond à
l'éclusée E4.
Le nombre de poissons morts relevés dans les pièges a également augmenté au cours des
périodes P3 et P4.
Chapitre 10 - Expérimentation - Truite fario, stade alevin
209
Bief B3
Bief B5
Bief B8
0
6
0
9
0
7
Bief B10
0
7
0
3
0
3
0
3
Total 3 biefs truites d'élevage
0
13
Total 3 biefs truites sauvages
0
22
Truites d'élevage
Truites sauvages
Bief B4
Bief B6
Bief B9
vivants
morts
Dévalants
8/05
apr
ès E
1
9/05
10/0
5 av
ant E
2
10/0
5 ap
rès
E2
10/0
5 av
ant E
3
10/0
5 ap
rès
E3
10/0
5 av
ant E
4
10/0
5 ap
rès
E4
11/0
5 av
ant E
5
11/0
5 en
tre E
5 et
E6
11/0
5 en
tre E
6 et
E7
12/0
5 ap
rès
E7Biefs 3+5+10
Biefs 4+6+9
P1P2 P3
P4Figure 10.4. : Dévalants relevés dans chacun des biefs durant la période d'éclusées, etregroupement par périodes (Pi) de 24 heures.
Chapitre 10 - Expérimentation - Truite fario, stade alevin
210
Total 3 biefs truites d'élevage
0
Total 3 biefs truites sauvages
0
30
Total 6 biefs truites
0
49
P0 P1 P2 P3 P4
Périodes de 24 heures : P0 -> / P1 -> E1 P2 -> / P3 -> E2, E3, E4 P4 -> E5, E6, E7
vivants
morts
Dévalants
Biefs 3+5+10
Biefs 4+6+920
20
20
Figure 10.5. : Dévalants regroupés par période de 24 heures. Les poissons piégés lors dela période P0 ont dévalé au cours des 24 heures précédant l'éclusée E1 (relevés juste avantE1).
Chapitre 10 - Expérimentation - Truite fario, stade alevin
211
Observations directes dans le bief n° 8Pendant la période d'acclimatation, après l'assec et pendant la période d'éclusées, les
poissons observés dans le bief n° 8 étaient généralement très actifs, avec des prises alimentaires
et des mouvements d'agressivité, ou en nage statique. Le nombre total de poissons visibles en
même temps était variable, le plus souvent entre 4 et 8 et jusqu'à 12 au maximum.
Pendant les éclusées, les poissons trouvaient des zones abritées du courant dans la partie
inférieure de la colonne d'eau, ballottés derrière les éléments du substrat. Des déplacements assez
nombreux ont été observés, principalement latéraux ou de l'aval vers l'amont. Les truites
continuaient à se nourrir et à se battre, comme à débit plancher.
Ces résultats montrent donc une utilisation de l'espace par les alevins de truite semblable
à celle observée lors de l'expérimentation précédente avec des truites plus âgées, en situation
d'éclusées. Les poissons les plus jeunes semblaient cependant plus actifs.
2.3. Résultats de la pêche finale et bilan sur la mortalité
Le nombre de poissons récupérés après l'expérimentation a permis d'estimer la mortalité
depuis l'installation initiale des 290 poissons dans chaque bief, en tenant compte du total des
poissons morts et vivants non remis (tableau 10.4).
Un pourcentage élevé de truites d'élevage (39 % au total) manquent à l'issue de la pêche
électrique (pourtant très efficace après quatre passages) alors que le nombre de "disparus"
représente 12 % pour les truites sauvages. Pour les truites sauvages, ce taux de mortalité ne
paraît pas très élevé pour une période totale d'expérimentation de près de deux semaines jusqu'à
la pêche finale.
On peut supposer que la plupart des poissons disparus sont morts lors de l'assec,
probablement enfouis dans le substrat, car ni le relevé des pièges, ni l'observation des biefs n'a
permis de les retrouver.
On peut donc calculer l'effectif minimum au début de la période d'éclusées (tableau 10.4).
En pourcentage de cet effectif pendant cette période, le nombre relatif de dévalants ne semble
pas différent selon l'origine des poissons, comme auraient pu le laisser supposer les figures
précédentes.
Chapitre 10 - Expérimentation - Truite fario, stade alevin
212
Tableau 10.4. : Nombres totaux de dévalants pour chaque étape de l'expérimentation etdécompte du nombre de disparus à partir des effectifs pêchés dans chaque bief. L'effectifminimum avant E1 pour chaque bief est obtenu par addition du nombre de poissons non remispendant la période d'éclusées à l'effectif pêché.
Truites d'élevage Truites sauvagesB3 B5 B8 B10 B4 B6 B9
ACCLIMATATIONremis 31 26 10 23 232 112 271non remis vivants 6 5 0 3 33 13 31non remis morts 1 4 0 1 0 0 1
ASSECremis 37 13 5 26 280 264 148non remis vivants 7 4 4 5 29 24 34non remis morts 1 0 0 0 11 8 5
ECLUSEESnon remis vivants 17 10 4 13 25 14 9non remis morts 3 1 3 2 3 3 9
BILANintroduits (290) - non remis 255 266 279 266 189 228 201effectif pêché 139 173 151 151 166 187 160différence = disparus 116 93 128 115 23 41 41
(% de l'effectif initial) (40) (32) (44) (40) (8) (14) (14)
Effectif minimum avant E1 159 184 158 166 194 204 178Dévalants pendant la périoded'éclusées en % de cet effectif 13 6 4 9 14 8 10
Les poissons ont été mesurés et pesés juste après la pêche (tableau 10.5). Les truites
sauvages étaient toujours significativement plus petites que les truites d'élevage (test t de Student,
p<0,0001).
Au sein de chaque catégorie (sauvage ou élevage), les longueurs et masses des poissons
pêchés (tableau 10.5) étaient significativement différents des longueurs et masses des poissons
avant leur installation dans les biefs (tableau 10.1) (quatre tests t de Student, p<0,0001).
Tableau 10.5. : Longueurs (à la fourche) et masses des truites pêchées, par sous-échantillonsde 150 individus pour chaque origine. Les longueurs et masses sont données en moyenne ±écart type (minimum - maximum).
Espèce - origine Longueur (mm) Masse (g)
Truites d'élevage
Truites sauvages
43,5 ± 4,7 (31 - 59)
39,8 ± 5,1 (19 - 54)
0,90 ± 0,32 (0,30 - 2,13)
0,65 ± 0,31 (0,18 - 2,13)
Chapitre 10 - Expérimentation - Truite fario, stade alevin
213
3. Conclusions
3.1. Effets des éclusées simulées
Les mouvements de dévalaison et le nombre de poissons morts relevés dans les
pièges ont augmenté au cours de la période de 48 heures pendant laquelle les six éclusées
soutenues se sont succédées, surtout à l'issue de la première journée. L'éclusée E4 aurait
entraîné davantage de dévalaison et de mortalité que les autres éclusées. Cette éclusée est la
première éclusée de nuit, et la troisième de cette journée. Il est possible qu'une de ces
raisons, ou les deux, explique que cette éclusée ait eu plus d'effet. Sachant que les éclusées
suivantes (E5, E6 et E7) n'ont pas entraîné autant de dévalaison, nous supposerons que la raison
la plus probable est la première.
Le pourcentage de dévalants ramenés à l'effectif minimum de chaque bief ne semble
cependant pas très élevé, indiquant que l'effet observé reste modéré. Il ne s'agit pas de taux de
mortalité ou de mouvements de dévalaison de masse.
La première éclusée de nuit a entraîné davantage de dévalaison et une mortalité
plus élevée que les autres éclusées.
Les effets de cette période d'éclusées restent cependant relativement modérés.
Les mouvements de dévalaison et la mortalité ne semblent pas différents selon
l'origine des poissons.
Dans cette expérimentation comme dans les précédentes, il semble que les éclusées
n'aient pas été très fortes pour les poissons étudiés puisqu'elles ont provoqué des changements
d'utilisation de l'espace, sans mouvements de dévalaison très nombreux.
3.2. A propos de l'origine des poissons
La stratégie des alevins du chenal est différente selon leur origine, pendant les premiers
jours suivant l'installation et lors de l'assec. Pendant la période d'acclimatation, les dévalants
étaient nettement plus nombreux chez les truites sauvages, mais ont diminué à partir du quatrième
jour. Suite à l'assec, les truites sauvages ont également beaucoup dévalé, alors que leur taux de
mortalité est resté modéré. Par contre, la mortalité des truites d'élevage a été apparamment
beaucoup plus élevée, alors que les mouvements de dévalaison sont restés faibles. Les truites
sauvages dévalent beaucoup, et leur taux de mortalité est faible. C'est le contraire pour
les truites d'élevage.
Chapitre 10 - Expérimentation - Truite fario, stade alevin
214
Berg et Jorgensen (1991) et Jorgensen et Berg (1991) ont comparé les taux de mortalité
et les mouvements de dévalaison de jeunes truites d'origine sauvage et de jeunes truites d'élevage
après introduction dans de petites rivières (moins de 3 mètres de largeur) et ont abouti à la
même conclusion : les mouvements de dévalaison sont nettement supérieurs chez les truites
sauvages tandis que le taux de mortalité des truites d'élevage est plus élevé.
En revanche, ces différences liées à l'origine des poissons ne semblent pas concerner la
période d'éclusées.
Greenberg (1992) a montré, à partir d'expériences en canaux expérimentaux, que des
truites d'origine sauvage et des truites d'élevage (de 12 à 13 cm) sélectionnaient l'habitat de
manière similaire, avec une utilisation plus forte des faciès de type mouille à débit élevé. L'auteur
conclut que l'on peut utiliser indifféremment des truites d'élevage ou des truites sauvages dans les
études expérimentales sur l'utilisation de l'habitat. Les conditions de vitesses dans les canaux
utilisés par Greenberg étaient assez modérées : les vitesses du faciès le plus rapide mesurées dans
ces canaux (radier, vitesse moyenne égale à 40,6 cm.s-1, écart type de 21,2) étaient
comparables aux vitesses mesurées à débit d'éclusée dans l'ensemble du bief n° 6 (tableau 10.3).
Ainsi, avec des conditions de vitesses un peu plus élevées mais non extrèmes, nos conclusions
concernant l'utilisation de l'espace et l'origine des poissons soumis aux éclusées vont dans le
même sens que celles de Greenberg.
Nos résultats tendent donc à montrer que
- les éclusées simulées en chenal ne représentent pas des conditions catastrophiques
pour les poissons qui parviennent à trouver des refuges ; les effets existent, mais sont modérés et
ne semblent pas dépendants de l'origine des poissons
- l'installation dans les biefs et l'assec accidentel ont occasionné plus de mortalité ou de
dévalaison ; ces deux événements semblent avoir été à l'origine d'un stress plus important
que les éclusées simulées ; les réponses ont été différentes selon l'origine des truites. Les
conclusions de Greenberg (1992) s'appliquent probablement en conditions expérimentales non
extrèmes, mais pas en cas de stress.
Chapitre 10 - Expérimentation - Truite fario, stade alevin
215
3.3. Effet des éclusées la nuit (chapitres 9 et 10)
L'utilisation de l'habitat par les jeunes truites n'est pas apparue différente entre le jour et la
nuit, d'après les quelques observations réalisées avec la caméra dans le chenal du Lapitxuri.
Cependant, lors de l'expérimentation sur les plus jeunes truites (chapitre 10), la première éclusée
de nuit a entraîné un peu plus de dévalaison et de mortalité que les autres.
De nombreux auteurs ont montré que les poissons de petite taille migraient dès le
crépuscule vers les zones de bordure pour y passer la nuit, au repos (Bardonnet, 1989 ; Copp et
Jurajda, 1993 ; Sempeski, 1994). Les éclusées peuvent avoir lieu à tout moment de la nuit du fait
du temps nécessaire à la propagation de l'éclusée. Par exemple, 4 à 5 heures s'écoulent entre la
mise en marche de l'usine et l'arrivée de l'éclusée sur la station 4 de l'Ance située 15 km en aval.
En provoquant des variations de vitesses ou un déplacement latéral des zones de bordure, les
variations de débit peuvent provoquer des dévalaisons ou des échouages, surtout si elles ont lieu
alors que les jeunes truites sont en position de repos dans les zones de bordure (Hicks et Jowett,
1992). Hicks et Jowett recommandent d'éviter les éclusées de nuit pour cette raison, au
moins dans les premiers mois suivant l'émergence.
4. En résumé
Les éclusées simulées dans ces trois expérimentations n'ont pas provoqué de dévalaison
massive, mais "seulement" des changements dans la répartition spatiale des poissons. Il est
probable que les vitesses atteintes dans ces simulations n'aient pas été assez élevées en tout point
des biefs pour provoquer d'importants mouvements de dévalaison. Des zones de refuges à
vitesses faibles étaient toujours accessibles (en bordure pour les ombres, derrière les éléments du
substrat pour les truites).
CHAPITRE 11
DISCUSSION GENERALE
219
Chapitre 11
Discussion générale
Ce chapitre de discussion générale a pour ambition de synthétiser les résultats présentés
et de regrouper les discussions et conclusions partielles, fractionnées au cours des trois parties
précédentes. Cette synthèse doit permettre de considérer l'ensemble des résultats obtenus afin de
hiérarchiser les facteurs en fonction des effets observés dans les différentes situations.
Ce travail étant également motivé par une demande sociale très forte concernant les
actions préventives ou correctives à proposer pour réduire les effets des éclusées
hydroélectriques, un dernier paragraphe traitera des applications pratiques que les résultats
obtenus peuvent suggérer.
1. Résumé des principaux résultats, synthèse des effets des éclusées à partir de cette
étude
1.1. Les différents régimes hydrauliques
Les stations des secteurs influencés offrent des situations différentes et complémentaires.
Ces situations sont rappelées au tableau 11.1.
Tableau 11.1. : Rappel des différents régimes hydrauliques rencontrés dans les stations des deuxcours d'eau étudiés.
Cours d'eau Régime Régime d'éclusées avec débit plancher Débit réservé
naturel soutenu faible stable et faible
Ance station 1 stations 3 et 4 - station 2
Fontaulière station 1 station 2 station 3 -
Sur l'Ance du Nord, le débit réservé faible (0,12 m3.s-1) transitant dans le tronçon
court-circuité correspond à 1/40e du module (égal à 4,5 m3.s-1), tandis que le débit plancher
soutenu (0,8 m3.s-1) est égal à environ 1/6e du module (1/5,625), du fait du soutien apporté
par le barrage de compensation.
Chapitre 11 - Discussion générale
220
Tableau 11.2. : Résumé synthétique des principaux effets des modifications du régimehydraulique sur les peuplements des deux sites étudiés.
Régime d'éclusées avec débit plancher Débit réservé
Effets biologiques soutenu faible (F) stable et faible (A)
Peuplements de poissonsespèces et stades sensibles affectés x
peuplement nettement lénitophile x x
déséquilibre des populations de truite x x
Peuplements d'invertébrésdiminution de la diversité x (F)
diminution de la spécificité par rapportaux faciès
x x
peuplement nettement lénitophile x x
discordance de la faune des faciès lents x
Peuplements algauxtrès developpés, mais sans
déstructuration profondex (F) non étudié
surabondants, avec dysfonctionnementtrophique
x non étudié
A = Ance uniquement ; F = Fontaulière uniquement
Chapitre 11 - Discussion générale
221
Sur la Fontaulière, le rapport au module dépend du module pris comme référence. En
effet, les apports provenant du bassin de la Loire portent le module de la Fontaulière de 4,7 à
11,7 m3.s-1. Ainsi, le débit plancher soutenu (1,3 m3.s-1) restitué en aval du barrage de Pont
de Veyrières correspond à près de 1/4 (1/3,6) du module naturel amont, soit 1/9e du module
cumulé effectif. La portion court-circuitée par la microcentrale du Pradel a un débit plancher
beaucoup plus faible (120 l.s-1), correspondant à moins de 1/10e du débit plancher restitué en
aval du barrage, soit 1/40e du module naturel ou 1/100e du module cumulé. La définition d'un
seuil entre débit plancher "soutenu" et débit plancher "trop faible" est fondamentale et sera
discutée plus loin.
1.2. Les différents effets
Les résultats ont montré que le niveau du débit minimum constitue le premier
facteur expliquant les effets les plus marqués obtenus in situ. Les effets peuvent ainsi être
classés selon leur degré d'impact sur les peuplements (tableau 11.2). De ce classement résulte
une hiérarchisation des deux principales caractéristiques du régime hydraulique artificiel
: le débit minimum et la variabilité liée aux éclusées, en tant que facteurs explicatifs des
différents effets.
1.2.1. Premier effet - débit minimum faible, avec ou sans éclusées
A partir des deux sites étudiés, les résultats des divers échantillonnages ont montré que
des conditions de débit faibles imposées à un système provoquent les effets les plus
déstructurants, que ces conditions soient stables tout au long de l'année (station 2 à débit
réservé de l'Ance) ou que ces conditions soient interrompues par des éclusées (station 3 à
débit plancher faible sur la Fontaulière).
Sur l'Ance du Nord, les effets du débit réservé dans le tronçon court-circuité
sont plus marqués que ceux des éclusées.
Sur la Fontaulière, l'effet le plus déstructurant
est celui du débit plancher très faible entre les éclusées.
Les principaux effets semblent tout d'abord liés à une homogénéisation des conditions
d'habitat vers des conditions lentiques, avec des vitesses de courant très faibles.
Chapitre 11 - Discussion générale
222
Dans les deux situations (débit réservé et débit plancher faible), les peuplements de
poissons sont représentés par des espèces lénitophiles, et les populations de truite sont
déséquilibrées et relativement peu abondantes.
Les peuplements d'invertébrés sont également lénitophiles, avec des différences par
rapport à la faune du site de référence pouvant aller jusqu'à des discordances dans la faune des
faciès lentiques (station 3 de la Fontaulière). Sur la Fontaulière, les effets du débit plancher faible
sont accentués lorsque le débit plancher est maintenu plusieurs jours sans éclusées. Il apparaît
alors un dysfonctionnement trophique lié à un développement trop important du périphyton.
1.2.2. Deuxième effet - variabilité liée aux éclusées
Lorsque le débit plancher est plus soutenu, les effets observés sur les deux sites étudiés sont
moins marqués. Ces effets s'expriment alors à différents niveaux, mais ne provoquent pas, sur les
deux sites, de déstructuration profonde des communautés vivantes.
La réponse des organismes à la variabilité physique imposée par les éclusées est alors
dépendante de la disponibilité naturelle en refuges,
liée à la morphologie propre à chaque site.
Sur la Fontaulière, les éclusées avec un débit plancher soutenu provoquent une diminution
nette de la spécificité de la faune benthique selon les faciès. Les résultats des prélèvements
d'invertébrés obtenus sur l'Ance n'ont pas montré de différences aussi nettes entre les stations
que sur la Fontaulière.
Sur l'Ance du Nord, l'effet du régime d'éclusées sur les peuplements de poissons ne
provoque pas de changements profonds dans la composition des communautés, mais se traduit
par :
- une abondance plus faible d'espèces sensibles (la lamproie de Planer, le chabot et
l'ombre commun),
- une diminution des effectifs de jeunes truites au printemps, toutefois sans conséquence
sur l'équilibre des populations de truite.
Sur la Fontaulière, sur la station où le débit plancher est soutenu, les populations de truite
semblent légèrement diminuées en densités et biomasses à l'hectare, mais non déstructurées.
Rappelons que sur les deux sites, le débit plancher soutenu offre le maximum d'habitat
pour les alevins et les juvéniles.
Chapitre 11 - Discussion générale
223
La stabilité du débit plancher (s'il est soutenu) semble favorable au bon développement et
à l'installation des jeunes alevins juste après l'émergence. Ceux-ci pourraient en effet être
défavorisés par la première vague d'éclusées comme le montrent les résultats de la partie
expérimentale en chenal (chapitres 8 et 10), ainsi que les réflexions sur la variabilité de l'habitat
subie par les 0+ depuis l'émergence. Les individus les plus jeunes seraient en effet plus
vulnérables car moins aptes à résister au courant (vitesses critiques de nage plus faibles) et à
trouver des refuges (Valentin et al., 1994b). Par contre, des individus un peu plus âgés semblent
mieux supporter les variations de leur habitat et seraient capables d'adapter leur utilisation de
l'espace en situation variable, à condition que des refuges soient disponibles. L'importance
du couple (vitesses maximales, refuges) a été démontrée dans la troisième partie.
Les deux sites étudiés ont une morphologie naturelle, avec des successions de
différents faciès, et une granulométrie hétérogène comportant des éléments grossiers et donc
des refuges potentiels. C'est peut-être ce qui explique que les effets du régime d'éclusées soient
assez peu marqués, dès lors que le débit plancher ne constitue pas le facteur limitant. Le maintien
d'un débit plancher plus élevé (du fait du barrage de compensation) que le débit réservé transitant
dans le tronçon court-circuité est un facteur très important sur l'Ance et explique que les effets sur
les peuplements soient modérés. Il en est de même en aval de Pont de Veyrières sur la
Fontaulière où le débit minimum respecté est élevé.
Chapitre 11 - Discussion générale
224
2. Qualité, fiabilité et portée des résultats obtenus
Les conclusions de cette étude reposent sur de nombreux résultats obtenus sur deux
sites, et sur trois expérimentations en chenal. Nous devons réfléchir à la portée de ces résultats et
à la qualité des méthodes utilisées pour les obtenir.
2.1. Les deux sites étudiés
2.1.1. Des sites particuliers
Tout d'abord, les résultats sont dépendants du choix des deux sites étudiés, choix guidé
par des critères précis (chapitre 1, § 1.1). Ces deux sites sont donc forcément des cas
particuliers du fait des caractéristiques propres à chacun. Les résultats sont de plus liés aux
caractéristiques propres aux saisons et années échantillonnées. Ils ne sont donc pas forcément
transposables à d'autres cas, mais ont permis d'apporter des éléments de réponse à de
nombreuses questions et de formuler des hypothèses sur les effets des éclusées. L'atout principal
du choix de ces deux sites réside dans leur complémentarité.
2.1.2. Des sites complémentaires
Sur l'Ance, l'étude des fluctuations de l'habitat potentiel pour la truite fario a permis de
mieux comprendre à quelle variabilité physique ces poissons peuvent être soumis, en fonction du
type de morphologie (profils en travers encaissés ou larges). D'autre part, des approches
méthodologiques ont pu être testées pour rendre compte de la dimension temporelle des
variations imposées.
Les résultats obtenus sur la Fontaulière ont permis d'analyser l'effet du réhaussement du
débit plancher surtout sur les invertébrés et sur l'équilibre trophique. Les résultats sur les poissons
n'ont pas pu être exploités aussi finement pour deux raisons :
- les poissons ne réagissent pas aussi vite que l'épilithon ou les invertébrés à une modification du
régime hydraulique,
- les débits n'ont pas pu être enregistrés avant la crue ; l'analyse des variations temporelles de
l'habitat sur la station 3 en situation de débit faible n'a donc pas pu être effectuée.
2.1.3. A propos des secteurs de référence
Les stations choisies en amont sont essentielles pour une comparaison avec les secteurs
influencés. Leur choix conditionne les conclusions concernant l'évaluation des effets observés.
L'étude des stations de référence a permis de comparer l'équilibre des peuplements en situation
naturelle et de montrer les effets du régime hydraulique, depuis l'identification d'espèces ou stades
sensibles jusqu'à la mise en évidence de déséquilibres et dysfonctionnements.
La validité de la situation de référence peut être évaluée selon différents critères :
Chapitre 11 - Discussion générale
225
- on doit s'assurer qu'aucun facteur connu n'est susceptible d'influencer a priori cet état,
- on peut juger de l'équilibre des peuplements après obtention des premiers résultats.
Sur les deux sites étudiés, nous pensons que les stations choisies en amont constituent de bonnes
références. Sur l'Ance du Nord, la petite microcentrale située en amont de la station 1 nous a
procuré quelque inquiétude, mais nous avons constaté que les variations de débit qu'elle peut
provoquer sont bien moins importantes que celles occasionnées par les éclusées dans les secteurs
aval (voir chapitre 2, § 3.1.1).
2.2. Les plans d'échantillonnage
Compte tenu de la variabilité éventuelle des peuplements étudiés, le nombre de
campagnes d'échantillonnage est toujours un compromis entre la précision visée et les moyens
dont on dispose. Le choix initial du nombre et de la fréquence des campagnes a été effectué dans
ce contexte. Il n'est par contre pas toujours possible de respecter ce choix. En effet, les plans
d'échantillonnage réalisés sur chaque site ne sont pas toujours complets. Pour certaines
campagnes, des stations n'ont pas pu être échantillonnées ou ont été échantillonnées à des
périodes décalées (chapitres 2 et 6). Ceci est lié au fait que lorsqu'une campagne est prévue, elle
ne peut pas toujours être réalisée en totalité du fait d'un débit parfois trop élevé. C'est difficile d'y
remédier car en milieu naturel, les échantillonnages sont toujours dépendants des conditions
climatiques. C'est un inconvénient important ; l'interprétation des résultats est parfois délicate,
incomplète et ne permet que de dégager des tendances.
Ainsi, sur l'Ance du Nord, il reste encore des questions concernant les plus faibles
effectifs d'alevins sur la station 3 et sur les mécanismes expliquant l'apparente recolonisation du
secteur par les individus 0+ à l'automne. Des campagnes de pêche plus nombreuses et non
décalées dans le temps entre les stations auraient permis de compléter les résultats. Ces
interrogations rendent un peu fragiles les conclusions sur la sensibilité des jeunes stades de truite
aux éclusées, bien que les résultats laissent supposer une influence importante de la variabilité des
conditions d'habitat sur ces jeunes poissons. Ces conclusions ont toutefois été étayées par les
expérimentations en chenal, montrant l'importance des éléments grossiers de la granulométrie
comme refuges lorsque les conditions de vitesse deviennent défavorables.
Chapitre 11 - Discussion générale
226
2.3. Les principales méthodes employées in situ
2.3.1. Prélèvements biologiques
Les compartiments biologiques étudiés sont complémentaires et leur connaissance
apporte une évaluation du fonctionnement global et de l'équilibre du système. Les seules limites
concernent le nombre et la réussite des campagnes d'échantillonnage, du fait des contraintes
évoquées ci-dessus.
Les techniques employées pour prélever les poissons et les invertébrés sont classiques et
ont déjà fait leurs preuves. Le prélèvement du périphyton a été mis au point à l'aide des
connaissances de la littérature et nous pensons que cette expérience a été très enrichissante et
pertinente pour l'étude du fonctionnement trophique de la Fontaulière.
2.3.2. Le stade fraie
Le stade fraie n'a pas été étudié en terme de variations de SPU sur les stations car
l'échelle spatiale est différente. Il faudrait cartographier les zones de frayères potentielles pour la
truite sur tout le tronçon étudié (chapitre 1, § 2.3.4). Les éclusées pourraient en effet perturber la
reproduction d'une part, et détruire les zones de frayères d'autre part. Cet aspect n'a pas été
traité sur les deux sites étudiés et constitue une lacune dans l'étude de la dynamique des
populations de truite. Toutefois, du fait que les populations de truite ne sont pas déstructurées
dans les stations où l'habitat pour les jeunes stades n'est pas limitant (lorsque le débit plancher est
soutenu, il correspond au maximum de SPU pour ces stades), nous pouvons supposer que la
reproduction et l'incubation des frayères ne constituent pas une étape critique pour les
populations de truite dans les sites étudiés. Il existe probablement dans le tronçon suffisamment
de zones de frayères locales, mais nous ne savons pas si le fonctionnement de ces zones est
différent par rapport à la situation naturelle : les frayères opérationnelles en situation d'éclusées
sont peut-être limitées à des emplacements très locaux, comme de petites plages de graviers
derrière les blocs, alors que les emplacements plus classiques (zones plus larges en tête de radier
ou en queue de mouille) pourraient être perturbés par les changements de vitesses. Ce point
mériterait d'être étudié, surtout pour apporter des éléments de compréhension dans des cas où
les effets des éclusées sur les frayères seraient à l'origine de déséquilibres des populations.
2.3.3. Enregistrements des débits
Les enregistrements limnimétriques au pas de temps variable constituent le seul moyen de
connaître avec une grande précision les fluctuations du débit liées aux éclusées. L'effort
considérable de suivi imposé par ce type d'enregistrements (nécessité de nombreuses visites de
terrain), les contraintes techniques (coût et fragilité du matériel) et les aléas climatiques (matériel
emporté par les crues) ont cependant empêché d'obtenir des enregistrements sur de longues
périodes précédant les échantillonnages biologiques. Le décalage entre les dates de
prélèvements biologiques et le suivi des débits sur les stations échantillonnées constitue
un inconvénient majeur car la précision des enregistrements réalisés ne peut pas être mise à
Chapitre 11 - Discussion générale
227
profit pour une confrontation complète entre le régime hydrologique et les composantes
biologiques des stations.
Pour confronter les résultats biologiques au régime hydrologique antérieur aux
prélèvements, nous avons pu obtenir une description globale de la variabilité du régime avant
une partie des campagnes (nombre de jours sans éclusées sur une période donnée par exemple)
à partir d'enregistrements d'usine pour l'Ance du Nord et de chroniques de débit sur l'Ardèche
pour la Fontaulière.
2.3.4. Apports et limites de la méthode des microhabitats
La méthode des microhabitats apporte en premier lieu une connaissance de la variabilité
des paramètres physiques en fonction du débit. Cette technique est donc précieuse pour
mesurer notamment la gamme des variations de vitesse, de hauteurs d'eau ou de forces tractrices
selon les différents niveaux de débit de base ou de débits d'éclusées liés à un aménagement
hydroélectrique.
Convertis en Surfaces Potentiellement Utilisables par la truite, les paramètres d'habitat
retenus (Hauteur, Vitesse, Substrat) fournissent une estimation de la capacité d'accueil des
stations à différents débits et permettent d'émettre des hypothèses sur les variations
d'habitat subies par les truites aux différents stades de leur vie, en fonction du débit et en
fonction du temps. En particulier, nous avons pu constater que le débit plancher soutenu
correspondait au maximum de SPU pour les jeunes stades. La dimension temporelle, la vitesse et
les distances de déplacement des zones favorables ainsi que la quantité de refuges disponibles
sont autant de facteurs essentiels dans le fonctionnement des sites à éclusées. Nous pensons que
l'analyse temporelle des variations d'habitat à l'aide d'outils hydrologiques testés sur
l'Ance du Nord (chapitre 4) apporte des approches méthodologiques intéressantes pour
quantifier la variabilité des conditions d'habitat imposée aux peuplements.
D'autres auteurs ont utilisé la même méthodologie pour étudier les variations de l'habitat
lors du passage d'éclusées. Leclerc et al. (1994) proposent un calcul des distances et des
vitessses de déplacement des centres de gravité de zones favorables entre débit plancher et débit
d'éclusées. Les auteurs utilisent pour cela une modélisation hydraulique à deux dimensions qui
permet une restitution plus fine des surfaces, des hauteurs d'eau et des vitesses du courant à
différents débits, et rend plus pertinente l'application de la méthode des microhabitats en grands
cours d'eau. Ils analysent les déplacements latéraux des zones favorables au saumon atlantique et
montrent, tout comme pour la truite sur l'Ance (chapitre 4, § 1.4), que l'habitat des jeunes stades
est sujet à de fortes variations en aval d'ouvrages hydroélectriques.
Bovee (1985) et Milhous (1990) ont développé une procédure dans la méthode
américaine (PHABSIM) pour déterminer l'habitat local minimum de chaque cellule élémentaire
entre débit de base et débit d'éclusées (approche appelée "dual flow" par les auteurs). La somme
des SPU minimales ainsi obtenues pour toutes les cellules d'une station donne une SPU totale
plus faible que la SPU correspondant soit au débit plancher, soit au débit d'éclusées. D'après les
Chapitre 11 - Discussion générale
228
auteurs, ce calcul rend bien compte de l'habitat local réellement disponible pour les organismes ne
se déplaçant pas d'une cellule à l'autre, comme certains invertébrés benthiques.
Toutes ces techniques permettent de quantifier les variations d'habitat en
fonction du débit et en fonction du temps . On dispose donc à présent d'outils pour mesurer
les différents paramètres de la variabilité de l'habitat physique. Cependant, ces résultats physiques
ne semblent pas encore bien validés au niveau biologique .
Nous avons évoqué les limites de validité des SPU à débit fort et à débit variable, ainsi
que le manque de quantification des refuges par la SPU (chapitre 4, § 3.4). En étudiant les
variations des SPU en situations d'éclusées, nous sommes probablement en limite d'application
de la méthode des microhabitats, conçue à l'origine pour traiter des problèmes de débits
stables et faibles (détermination des débits réservés à l'aval des barrages). L'évaluation des effets
de cette variabilité sur les peuplements n'est pas encore bien appréhendée et la confrontation
avec les résultats biologiques n'est encore que partielle.
Mathur et al. (1985), Scott et Shirvell (1987) ont souligné la nécessité d'améliorer la
validation biologique et le pouvoir prédictif des approches de type microhabitat. Orth (1987)
explique que la SPU est une note qui représente la quantité d'habitat disponible pour une espèce
donnée, à un stade donné, mais que la prédiction de la taille des populations à partir de cette note
est criticable. En effet, il existe d'autres facteurs limitants que l'habitat permettant d'expliquer
l'occupation effective des zones d'habitat potentielles. Orth rappelle que la SPU ne régule pas à
elle seule les populations, mais il faut également considérer le facteur trophique ou les interactions
biotiques (compétition, prédation), pouvant déterminer la taille des populations, même dans des
conditions d'habitat favorables.
2.3.5. La mesure des refuges
Nous avons montré l'importance de la notion de refuge pour les poissons soumis à un
régime d'éclusées. Dans les expérimentations, les refuges consistaient en des zones où les
vitesses étaient favorables aux jeunes stades de poissons étudiés. Ces zones étaient liées soit
à des zones mortes spécialement aménagées (chapitre 8), soit à des zones dépendant de la
granulométrie, derrière les éléments du substrat, dans la partie inférieure de la colonne d'eau
(chapitres 9 et 10).
En milieu naturel, dans les deux sites étudiées, nous avons observé que la granulométrie
comportait des éléments grossiers (blocs, pierres) représentant des refuges potentiels. Pourtant,
plusieurs auteurs estiment que la mesure de la granulométrie n'est pas suffisante pour quantifier les
refuges disponibles et préconisent de mesurer les forces locales distribuées au fond des cours
d'eau (Statzner et al., 1988 ; Borchardt, 1993 ; Lancaster et Hildrew, 1993 ; Gore et al.,1994). La modélisation hydraulique utilisée pour calculer les forces tractrices dans la méthode
des microhabitats repose sur un calcul des pertes de charges linéaires entre deux transects
(chapitre 1, § 2.3.2), mais n'exprime pas précisément les conditions locales. Il est donc difficile
de travailler au niveau du microhabitat et d'estimer la distribution spatiale des organismes
Chapitre 11 - Discussion générale
229
aquatiques à partir de ces calculs. C'est probablement pour cette raison que la confrontation
entre les biomasses épilithiques et les forces tractrices moyennes n'ont pas donné de résultat
pertinent (chapitre 7, § 3.1.3). C'est également pour cette raison que l'on peut supposer que des
refuges peuvent être disponibles pour les jeunes poissons bien que les forces tractrices calculées
soient élevées en tout point à débit fort (chapitre 4, § 3.4).
Pour mesurer les conditions locales existant réellement sur le substrat et entre les cailloux,
la méthode des hémisphères (Statzner et Müller, 1989) est certainement plus performante que le
modèle hydraulique reposant sur le calcul des pertes de charge linéaires. Cette méthode consiste
à placer des hémisphères de taille identique et de densités différentes, repérées par un numéro,
sur une plaque horizontale posée sur le fond. L'opérateur place les hémisphères par ordre de
densité décroissante et relève alors le numéro de la première hémisphère qui est emportée par le
courant. Ce numéro correspond à une classe de valeurs de forces tractrices (Statzner et al.,1991). Cette méthode a été appliquée par Lancaster et Hildrew (1993) et par Gore et al.(1994) pour quantifier les refuges disponibles à différents débits. Les auteurs concluent sur le
risque important encouru par la faune soumise à des variations de débit si de faibles
valeurs des forces tractrices ne sont pas maintenues à débit fort. Le risque est faible si les
distributions des forces tractrices (ou des numéros d'hémisphères) retrouvent des valeurs faibles à
fort débit. Gore et al. (1994) propose même un indice construit à partir de trois types de
distributions de forces tractrices pour estimer ce risque. Par contre, les auteurs n'ont pas effectué
de validation biologique de leur approche.
Chapitre 11 - Discussion générale
230
2.4. Les approches expérimentales
Les questions sur les jeunes stades sont complexes et les réponses délicates à partir des
résultats obtenus en milieu naturel. Les chenaux artificiels constituent un outil
d'expérimentation très précieux et permettent de répondre à des questions précises, à
partir d'hypothèses de travail formulées au départ. Les résultats ont permis de démontrer
l'importance des refuges et de comprendre les mécanismes de recherche de refuges par les
jeunes stades de poissons soumis à des éclusées simulées en milieu expérimental.
L'expérimentation en chenal offre la possibilité de contrôler davantage de paramètres qu'en milieu
naturel.
Pourtant, il arrive parfois des événements imprévus, comme l'assec sur le site du Lapitxuri
(chapitre 10). La justification d'un protocole a posteriori est généralement délicate, surtout s'il
se trouve modifié au cours de l'expérience. De plus, l'enchaînement des éclusées effectuées sur le
site du Lapitxuri (chapitres 9 et 10) a permis de tester l'effet d'éclusées différentes, mais le
protocole appliqué n'a pas permis de considérer ces éclusées comme une succession de
répliquats puisqu'elles n'étaient pas identiques. Il arrive également que l'on obtienne des résultats
non pertinents et non prévus au départ, ne répondant pas à la question posée, comme par
exemple l'influence des parpaings sur la dévalaison, indépendamment du régime d'éclusées
(chapitre 9). L'expérimentation en chenal artificiel demande donc une grande expérience, de la
rigueur et de l'intuition pour construire un protocole exactement adapté à la question initialement
posée, en tenant compte des contraintes liées au matériel utilisé (chenaux, poissons), afin
d'obtenir des résultats exploitables, et présentables.
Nous considérons cependant que les trois expérimentations ont permis de compléter les
résultats obtenus in situ et d'émettre quelques hypothèses explicatives des mécanismes
observés. En particulier, on peut supposer qu'en milieu naturel aussi les refuges jouent un rôle
essentiel dans la résistance des poissons aux éclusées. On peut aussi supposer que les très jeunes
alevins résistent moins bien aux éclusées que les plus grands car ils sont moins aptes à résister au
courant et à trouver des refuges (chapitre 4, § 3.5, et chapitre 8, § 3.1).
Notons que les vitesses et hauteurs d'eau obtenues lors des éclusées simulées dans les
chenaux expérimentaux (§ 2.1 dans les trois chapitres d'expérimentations) sont moins élevées que
les vitesses et hauteurs reconstituées par le modèle hydraulique dans les stations étudiées in situ(chapitre 2, § 3.2 ; chapitre 3, § 2.2 ; chapitre 7, § 1.3.4). Les résultats obtenus en chenal
artificiel ne sont pas directement transposables directement aux conditions observées insitu, du fait que l'on travaille sur un modèle réduit. En effet, les phénomènes n'agissent pas à la
même échelle et sont plus complexes car impliquent de nombreux autres facteurs. D'ailleurs,
l'objectif d'expérimentations en chenal n'est pas d'imiter les conditions rencontrées en
rivière , mais de répondre à des questions précises fixées au départ permettant de
comprendre certains mécanismes (Gaudin, comm. pers.). Il est donc délicat de comparer les
valeurs des vitesses entre les chenaux et les stations. De plus, lors des expérimentations, les
Chapitre 11 - Discussion générale
231
poissons n'ont subi que quelques éclusées (entre trois et neuf). Ces expérimentations ne
permettent donc pas de conclure quant à l'influence de la fréquence des éclusées. Nous ne
savons pas si les poissons qui ont résisté à la première éclusée, puis aux huit éclusées suivantes,
subsisteraient toujours dans le milieu après quelques semaines ou mois de conditions quotidiennes
aussi variables.
2.5. Reflexions sur le protocole global et sur l'étude réalisée in situ
Il est intéressant de replacer le choix de l'étude in situ présentée au cours de cette thèse
dans un cadre théorique concernant les types d'approches utilisés dans l'étude des cours d'eau.
La réflexion proposée ici a pour objectif de situer l'état d'avancement de nos recherches et
d'évaluer la pertinence de la démarche scientifique adoptée. Cette évaluation repose sur les
travaux récents de Hicks et al. (1991).
Les auteurs ont classé les grands types d'approches à envisager, avec leurs avantages et
inconvénients respectifs, dans le cas de l'influence du déboisement des berges sur les Salmonidés
et leur habitat. Ils identifient quatre catégories, croisant deux critères (1 et 2), selon que
l'approche
1 - consiste en une comparaison de type avant-après -1A- ou en une évaluation effectuée
après déboisement (après modification) -1B-
2 - porte sur l'étude détaillée d'un ou de quelques cours d'eau -2A- ou sur l'étude plus
rapide de plusieurs sites (de l'ordre de 10 à 30 par exemple pour une étude post
modification) -2B-. L'approche 2A est qualifiée d' "intensive". Elle porte en principe sur
de nombreuses années (5 à 7 ans après modification, et 5 à 7 ans avant dans le cas 1A).
L'approche 2B est définie comme "extensive", et est réalisée plus rapidement (1 à 2 ans).
Les avantages et inconvénients de chacune des quatre catégories sont exposés par les
auteurs. Nous retiendrons les principaux avantages et inconvénients, résumés pour chacun des
deux critères dans le tableau 11.3.
Cette analyse, appliquée par les auteurs à l'effet du déboisement, paraît très intéressante
pour l'étude de l'effet des aménagements, en ce qui concerne notre étude, mais aussi dans toute
analyse in situ entreprise en hydroécologie.
Chapitre 11 - Discussion générale
232
Tableau 11.3. : Classification des approches envisageables pour l'analyse des cours d'eau,adapté de Hicks et al. (1991). Les avantages et inconvénients présentés ici ne sont qu'un extraitde ceux présentés par les auteurs, sélectionnés en fonction de ce qui paraissait le plus importantd'après notre expérience pour résumer les points forts et les points faibles de chaque approche.
Avantages Inconvénients
-1A-2A- Approche intensive avant-après
Etude la plus détaillée, incluant les variationsinterannuelles et permettant de replacer leseffets observés dans ce contexte
Etude possible des effets long termePeut fournir une aide pour déterminer une
approche extensive
Nécessite de prévoir plusieurs annéesd'étude avant modification
Etude de cas, sans répliquats; résultats pasforcément généralisables à d'autres cas
Conclusions obtenues après 10 à 15 ansd'étude
Difficultés pratiques pour mener à bien uneétude complète sur une aussi longuepériode
-1A-2B- Approche extensive avant-après
Résultats permettant une typologie des casrencontrés et une extrapolation éventuelle àd'autres cas
Conclusions obtenues plus rapidement (3 à 4ans)
Temps à prévoir avant modification pluscourt que dans 1A-2A
Pas d'observation possible des variationsinterannuelles
Résultats susceptibles d'être influencés dansle cas d'une année exceptionnelle sur leplan climatique (les effets de la modificationpeuvent alors être masqués)
Pas d'étude des effets long terme
-1B-2A- Approche intensive après modification
Compromis entre la lourdeur d'une étude detype 1A-2A et la rapidité des approchesextensives sujettes à des variationsinterannuelles
Résultats non généralisables à d'autres cas,pas de répliquats
Pas d'état antérieur à la modificationimpliquant une comparaison avec uneréférence judicieusement choisie
-1B-2B- Approche extensive après modification
Etude la plus rapide, conclusions obtenues en1 à 2 ans
Nombreux sites donc généralisation possible
Inconvénients de 1A-2B accrusPas d'état antérieur à la modification,
nécessitant la comparaison avec dessecteurs de référence bien choisis
Organisation difficile pour réaliser l'étude surtous les sites en si peu de temps
Chapitre 11 - Discussion générale
233
Le choix du type d'approche dépend bien sûr des objectifs et du contexte de chaque
étude. En ce qui concerne le critère 1, il n'est pas souvent possible de disposer d'un état
antérieur à un aménagement. Il est alors d'autant plus indispensable de pouvoir comparer le
secteur influencé par la modification avec un secteur de référence comparable. Le choix
de cette référence est essentiel (Rykiel, 1985 ; Resh et al., 1988). L'opérateur est alors toujours
amené à supposer, parfois implicitement, que la référence et le secteur à présent influencé étaient
comparables avant la modification (Hicks et al., 1991).
Quant au critère 2, le choix peut être guidé selon l'état d'avancement des recherches
dans le domaine étudié. En effet, l'approche intensive semble plus pertinente pour la recherche
d'effets relativement peu connus, car les investigations doivent être diverses et relativement
nombreuses dans cette phase exploratoire. Ce type de recherche très complète ne pourra donc
porter que sur un petit nombre de sites. En revanche, l'approche extensive pourrait être envisagée
dans un deuxième temps pour un diagnostic plus rapide de l'impact d'un aménagement ou d'un
régime artificiel, aidé des résultats obtenus dans la phase préalable de recherche.
L'étude des effets des éclusées étant dans une phase exploratoire, il était logique
d'employer une approche intensive en étudiant peu de sites de manière détaillée. Le protocole
adopté est donc de type 1B-2A.
Les inconvénients possibles de cette approche exposés dans le tableau 11.3 ne sont pas
ennuyeux dans le cadre de notre étude :
- nos deux sites d'étude ne constituent pas des répliquats puisqu'ils ont au contraire été choisis
pour leurs différences et leur complémentarité,
- l'état antérieur à l'aménagement hydroélectrique n'est connu sur aucun des deux sites; une
référence amont a donc été définie de manière à être morphologiquement comparable aux
secteurs influencés. De plus, sur chaque site, différentes situations influencées ont pu être
comparées entre elles, apportant des résultats plus complets qu'une comparaison unique
entre amont et aval.
Sur l'Ance du Nord, la station supplémentaire (station 4) a permis de comparer l'effet du
régime d'éclusées sur deux morphologies différentes.
Sur la Fontaulière, les stations ont été définies pour comparer deux situations artificielles
différentes, entre elles et à la référence amont. L'événement climatique exceptionnel (crue
centennale) survenu au cours de la période étudiée a quelque peu modifié le plan
d'échantillonnage prévu au départ, mais cette crue a permis d'obtenir un état avant et un état
après augmentation du débit plancher sur la station 3.
En revanche, ces deux études de cas ne permettront probablement pas de généraliser les
résultats à toutes les situations d'éclusées, surtout dans d'autres types de cours d'eau.
Chapitre 11 - Discussion générale
234
Une approche de type 1B-2B peut-elle à présent être entreprise ? En d'autres termes,
sommes-nous en mesure, à l'aide des conclusions de cette étude, de proposer un protocole
moins lourd pour permettre un diagnostic rapide de plusieurs situations d'éclusées afin d'aboutir à
une typologie des effets potentiels en fonction du mode de gestion et du type de rivière ?
Le tableau 11.4 propose une esquisse des différentes étapes de la recherche sur les
éclusées. Actuellement, nous sommes en mesure de passer à l'étape c. (voir perspectives).
Tableau 11.4. : Les différentes étapes de la recherche sur les éclusées
a. phase exploratoire pour apporter des réponses à des questions à partir de résultats spécifiques
obtenus sur quelques sites
b. réfléchir sur la pertinence des méthodes employées
c. envisager de répondre à des questions ciblées émergeant à l'issue des premiers résultats,
mettre en œuvre des méthodes particulières pour y répondre sur un plus grand nombre de sites,
dégager une typologie des effets
d. être capable de définir les études ciblées à effectuer pour diagnostiquer les effets potentiels en
fonction du type de site et du type de gestion hydraulique
Chapitre 11 - Discussion générale
235
3. Confrontation avec les connaissances bibliographiques
3.1. Les études de cas
Les études sur l'effet des éclusées reposant sur l'analyse de résultats in situ sont
relativement peu nombreuses. Les principales études de cas ont été citées au cours des différents
chapitres pour éclaircir certains points et confronter des résultats précis à ceux de la littérature.
Globalement, ces travaux montrent le plus souvent que la diversité, l'abondance et la biomasse
des peuplements d'invertébrés sont réduites sous l'effet des éclusées (Powell, 1958 ; Fisher et
Lavoy, 1972 ; Trotsky et Gregory, 1974 ; Garcia De Jalon et al., 1988 ; Casado et al., 1989 ;
Bretschko et Moog, 1990 ; Weisberg et al., 1990 ; Moog, 1993). L'impact sur les peuplements
de poissons est plus variable et peut se traduire par une réduction des biomasses (Casado et al.,1989 ; Moog, 1993), par des mouvements de dévalaison (Cowx et Gould, 1985 ; Bain et Boltz,
1989), une diminution du taux de croissance (Powell, 1958 ; Garcia De Jalon et al., 1988 ;
Fraley et al., 1989 ; Weisberg et Burton, 1993), des changements dans l'abondance relative des
différentes espèces (Bain et Boltz, 1989), une diminution de la densité ou une disparition de
petites espèces vivant en bordure au profit d'espèces généralistes (Bain et al., 1988). Les
situations rencontrées sont trop variées pour généraliser les conclusions concernant les effets des
éclusées sur des espèces particulières.
Certaines études concernent des sites différents de ceux que nous avons étudiés, comme
par exemple des cours d'eau plus larges, comportant de grands bancs de graviers découverts
entre les éclusées. Des poissons peuvent alors s'échouer ou se trouver piégés à la descente des
eaux (Malavoi et Carrel, 1986 ; Bain et al., 1988 ; Hicks et Jowett, 1992 ; Moog, 1993). Les
frayères peuvent également se trouver à sec si la reproduction a eu lieu à débit élevé ; la survie
des œufs est alors compromise (Nelson,
1986 ; Fraley et al., 1989 ; Gore et al., 1989). Nelson (1986) parle également de dérive des
œufs et d'interruption de la fraie.
Les surfaces exondées ne semblent pas non plus propices au développement des
invertébrés ; peu d'insectes aquatiques peuvent s'installer dans des zones aussi fréquemment
mises à sec (Fisher et Lavoy, 1972 ; Brusven et MacPhee, 1976 ; Cushman, 1985 ; Weisberg etal., 1990). Les surfaces habitables sont donc réduites aux surfaces disponibles à débit
plancher (Gore et al., 1989).
Chapitre 11 - Discussion générale
236
3.2. Compléments dans la littérature pour des aspects non étudiés
Dans une étude in situ ou lors d'expérimentations en chenal artificiel, on ne peut
maîtriser tous les facteurs. Ainsi, dans les effets possibles des éclusées hydroélectriques, nous
n'avons pas obtenu de résultats concernant notamment les altérations éventuelles de la
température, ni la modification des mouvements de dérive des invertébrés pouvant influer sur le
bilan énergétique global des poissons. Des éléments de réponse peuvent alors être trouvés dans
la littérature scientifique.
3.2.1. Influence de la température
IntroductionWeisberg et al. (1990) rappellent que les études classiques des effets d'aménagements
consistent à comparer le secteur aval du barrage avec une référence amont, ou avec une rivière
naturelle proche, ou encore avec la situation avant la construction du barrage. Les auteurs
expliquent que ces études ne permettent généralement pas de dissocier l'effet de
l'artificialisation du régime et l'impact éventuel du barrage sur la qualité de l'eau. C'est
pourquoi ils soulignent l'avantage de disposer d'un site dans lequel le débit artificiel est modifié au
cours de l'étude, permettant ainsi de comparer deux régimes hydrauliques différents en aval du
même barrage, dans les mêmes conditions physico-chimiques. Les auteurs notent que ce cas de
figure est assez rare.
C'est le cas dans le secteur aval de la Fontaulière où deux régimes différents ont pu être
étudiés simultanément d'une part (stations 2 et 3), et avant-après d'autre part (suite à la
modification du débit plancher de la station 3). Les effets des modifications du débit ont ainsi pu
être étudiés en s'affranchissant de l'effet d'éventuelles modifications de la qualité de l'eau ou de la
température liées au barrage. En revanche, cette étude n'a absolument pas permis de
connaître l'influence de la température de l'eau lâchée du barrage.
Des hypothèses ont été formulées (chapitre 7) à partir de la bibliographie sur l'effet
potentiel des variations de la température, en situation d'éclusées, sur les invertébrés (Ward,
1974 ; Boon, 1988 ; Garcia de Jalon et al., 1988 ; Casado et al., 1989 ; Galvin, 1989). L'effet
de l'altération des fluctuations jour-nuit de la température sur les poissons est également
complexe (Garcia de Jalon et al., 1988 ; Crisp, 1989) et est susceptible d'agir sur différents
aspects.
Température et date de l'émergenceDes travaux de Crisp (1981 ; 1988) ont montré l'importance de la température pendant
la période d'incubation des œufs sur la date d'émergence des Salmonidés. Les éclusées, comme
toute restitution d'eau provenant d'un barrage, peuvent avoir une influence importante sur la
température de l'eau. Milner et al. (1985) montrent que ce paramètre intervient avec les
variations du débit sur l'émergence du saumon sockeye (Oncorhynchus nerka) dans un secteur
régulé.
Chapitre 11 - Discussion générale
237
Température et utilisation de l'habitatLa température peut également intervenir dans l'utilisation de l'habitat par les poissons.
Dans une expérimentation conduite par Taylor (1988), il apparaît qu'elle influe sur l'utilisation des
abris par des juvéniles de saumon chinook et coho (Oncorhynchus tshawytscha et O. kisutch).
Heggenes et Traaen (1988) ont également montré que la vitesse critique de nage chez des alevins
de quatre espèces de Salmonidés (Salmo trutta, S. salar, Salvelinus fontinalis, S.namaycush) augmentait avec la température.
Ce paramètre peut donc agir directement sur la répartition spatiale des poissons, en
même temps que les paramètres d'habitat.
Nous avons cité de nombreux travaux montrant que l'utilisation de l'espace par les
poissons est étroitement liée à la distribution des vitesses du courant, surtout en ce qui concerne
les plus jeunes stades ou les petites espèces, inféodés aux zones de bordure (Larimore, 1975, in
Orth, 1987 ; Bain et al., 1988 ; Heggenes et Traaen, 1988 ; Moore et Gregory, 1988a et 1988b
; Crisp et Hurley, 1991). Dans notre étude, les résultats obtenus en milieu naturel, principalement
sur l'Ance, et en chenaux expérimentaux ont confirmé l'importance de la distribution des vitesses,
principalement sur la répartition et l'abondance des jeunes stades de truite et d'ombre.
L'influence de la température sur l'utilisation de l'espace par les poissons n'a pas pu être
expliquée. Les expérimentations en chenal n'ont pas permis d'étudier un effet éventuel, car la
température était constante dans les chenaux utilisés.
Température, bilan énergétique et utilisation de l'habitatLa position des poissons dans l'espace est donc sous l'influence combinée de la
température, et de la distribution des vitesses. La température modifie le métabolisme des
poissons (Rincon et Lobon-Cervia, 1993) et leur croissance (Garcia de Jalon et al., 1988).
Plusieurs auteurs ont décrit les relations entre les vitesses du courant, le bilan énergétique, et
l'utilisation de l'habitat (Facey et Grossman, 1992 ; Fausch, 1984 ; Rincon et Lobon-Cervia,
1993) : en choisissant leur position dans l'espace, les poissons compenseraient le coût de la nage
sur place par l'énergie disponible dans la dérive des invertébrés.
Bilan énergétique et utilisation de l'habitatLa compréhension du positionnement des poissons peut être approfondie à la lumière de
l'hypothèse du bilan énergétique.
Dans les expérimentations réalisées sur le site du Lapitxuri (chapitres 9 et 10), les jeunes
truites ont été observées en nage statique, posées sur leur nageoire ou enfouies. Ces deux
dernières attitudes ont également été décrites par Fausch (1984) pour la truite fario et pour
l'omble de fontaine (Salvelinus fontinalis), soumis à des vitesses de courant élevées en chenal
expérimental. Les truites enfouies sont, d'après l'auteur, des individus dominés, cachés dans le
substrat et observés le long des parois du chenal. Fausch indique que les individus posés, calés
sur le fond avec leurs nageoires pectorales sont en situation de dépense énergétique minimale. En
Chapitre 11 - Discussion générale
238
effet, cette position leur permet de minimiser les dépenses énergétiques tout en étant proche de
zones de courant plus élevé où ils peuvent capturer les proies qui dérivent (Fausch et White,
1981 ; Niemela, 1989).
L'ombre commun est pélagique au stade étudié dans l'expérimentation exposée au
chapitre 8 (Scott, 1985 ; Bardonnet et al., 1991). Les individus n'ont pas été observés posés sur
le fond, mais l'hypothèse du bilan énergétique peut expliquer le fait que 25 % des individus
occupaient les zones de transition (4 % de la surface totale). En se maintenant dans ces zones où
les vitesses étaient modérées, les individus limitaient leurs dépenses tout en restant proches du
chenal où ils capturaient des proies.
DiscussionIl apparaît finalement que la température peut agir à différents niveaux d'après les
nombreux résultats cités dans la littérature, mais il semble difficile de faire la part de l'effet de ce
facteur, et des variations thermiques provoquées par un régime d'éclusées, dans un effet global
sur les peuplements.
3.2.2. Effets des variations de débit sur la dérive des invertébrés
Les augmentations et les diminutions de débit peuvent provoquer une dérive accrue des
invertébrés par rapport au cycle nycthéméral naturel (Minshall et Winger, 1968 ; Pearson et
Franklin, 1968 ; Radford et Hartland-Rowe, 1971 ; Ward, 1976b ; Corrarino et Brusven, 1983
; Cushman, 1985 ; Fraley et al., 1989 ; Poff et Ward, 1991 ; Borchardt, 1993), et, par
conséquent, influer sur le rythme alimentaire des poissons (Brusven et MacPhee, 1976 ; Neveu,
1980). Les éclusées peuvent donc modifier les paramètres du bilan énergétique en modifiant la
répartition spatiale des vitesses et les mouvements de dérive.
Lauters (EdF, DER, comm. pers.) a pu recueillir des données concernant la dérive, les
prises alimentaires et la croissance des truites sur l'Oriège, rivière des Pyrénées soumise à
éclusées. Dans ce site, les populations de truite ne semblent pas affectées par le régime
d'éclusées, ni en densités globales, ni en biomasses, par rapport à la situation de référence
(résultats à paraître). Les résultats ont montré que les truites ont tendance à s'alimenter davantage
lors des pics de dérive observés lors des éclusées, mais leur taux de croissance n'est pas plus
élevé que dans la situation de référence. Dans ce site où l'effet du régime d'éclusée sur les
populations de truite n'est pas très marqué, les poissons semblent donc compenser une dépense
d'énergie accrue par une augmentation des prises alimentaires sur la dérive.
Chapitre 11 - Discussion générale
239
3.3. Les théories écologiques
Dans les secteurs soumis à éclusées où la variabilité du débit est particulièrement
fréquente, les organismes vivants ne sont pas tous chassés vers l'aval lors des lâchers d'eau, mais
des effets à court terme sur les déplacements des organismes les plus mobiles peuvent se
produire, pouvant alors entraîner l'instauration d'un nouvel état d'équilibre à plus long terme.
Quelles sont les bases théoriques permettant d'expliquer les mécanismes mis en jeu ?
Les bases conceptuelles concernant les systèmes en équilibre et les mécanismes
reponsables du maintien de cet équilibre ont été développées par de nombreux auteurs. Les
différentes théories sont centrées autour de la définition des perturbations et des types de réponse
des écosystèmes (revues bibliographiques de Valentin (1990a) et de Cohen (1994)). Les
définitions proposées dans la littérature diffèrent selon les auteurs du fait de la complexité des
phénomènes mis en jeu et de l'interprétation que chacun propose selon sa propre expérience.
Sans entrer dans les conflits parfois rencontrés, nous proposons de rappeler les grands principes
de ces théories pour apporter une réflexion sur la variabilité liée aux éclusées.
3.3.1. Qu'est-ce qu'une perturbation ?
Une perturbation est définie comme tout événement susceptible d'éloigner un système de
son état d'équilibre, en dehors des limites de la variabilité normale des caractéristiques de
l'écosystème (Stanford et Ward, 1983). La stabilité de l'écosystème peut alors être rompue, avec
instauration d'un nouvel état d'équilibre (Stanford et Ward, 1983 ; Blandin et Lamotte, 1985 ;
Petts et Foster, 1985).
D'autres auteurs ont appuyé cette définition en apportant des éléments pour fixer les
limites de la variabilité normale. Resh et al. (1988) supposent qu'une variation dépassant + ou -
deux fois l'écart type des conditions moyennes constitue une perturbation. Un tel événement est
alors considéré comme imprévisible au sens statistique.
Poff (1992) s'oppose ouvertement à la théorie de Resh et al. (1988) en définissant une
perturbation non plus en terme d'écart statistique dépassé par une variable physique, mais en
terme de réponse biologique du système.
3.3.2. Un régime d'éclusées peut-il être considéré comme une perturbation ?
L'instauration d'un régime d'éclusées dans un secteur naturel peut constituer une
perturbation initiale, mais ensuite, les variations artificielles du débit deviennent prévisibles au sens
de Resh et al. (1988).
Nous avons calculé les limites fixées par Resh et al. (1988) à partir des chroniques de
débit enregistrées sur l'Ance, à titre d'exemple. Les intervalles obtenus sont indiqués au tableau
11.5.
Chapitre 11 - Discussion générale
240
Tableau 11.5. : Intervalle représentant les limites de lavariabilité prévisible au sens de Resh et al. (1988), calculéà partir des chroniques de débit des stations 1, 3 et 4 del'Ance du Nord, pour la période d'enregistrement de 7,5mois (du 7 janvier au 25 août 1993).
Station intervalle (m3.s-1)
S1, référence amont [0,7 ; 7,6]
S3, régime d'éclusées [0* ; 14,1]
S4, régime d'éclusées [0* ; 14,6]intervalle = [débit moyen - 2 SD ; débit moyen + 2 SD] oùSD représente l'écart-type ("standard deviation", d'aprèsResh et al. (1988)).*la valeur calculée de la borne inférieure de l'intervalle est négative
Dans un régime soumis à éclusées, du fait de l'amplitude et de la fréquence des variations
de débit, les limites de la variabilité moyenne sont repoussées. Bien que les enregistrements
disponibles soient un peu courts (7,5 mois) pour tirer des conclusions statistiques sur le régime
hydrologique, l'ordre de grandeur des limites calculées confirme que
- le débit d'éclusée constitue une perturbation par rapport à la situation naturelle
- chaque éclusée reste dans le domaine prévisible des conditions instaurées en aval.
Même si nous admettons que les éclusées puissent devenir prévisibles, nous
considérerons qu'un régime d'éclusées constitue une perturbation au sens de Poff (1992). Un tel
régime est en effet susceptible d'entraîner la mise en route de mécanismes de réponse à court
terme et peut modifier l'équilibre naturel de l'écosystème, selon le degré d'artificialisation de
l'hydrologie.
3.3.3. Mécanismes de réponse à une perturbation
D'après Rykiel (1985), la stabilité d'un système est toujours associée à une perturbation.
Elle implique en effet la mise en œuvre de mécanismes de réponse permettant au système de
maintenir son état d'équilibre. Webster et al. (1983) définissent la réponse d'un système face à
une perturbation selon deux termes : la résistance et l'élasticité. La résistance exprime l'inertie
du système, c'est-à-dire sa capacité à donner une réponse minimale, avec l'intervention de
mécanismes d'amortissement. L'élasticité correspond à la rapidité avec laquelle le système peut
revenir à la situation initiale. Ces deux termes expliquent la stabilité du système et agissent de
manière antagoniste d'après Webster et al. (1983). En effet, pour ces auteurs, l'élasticité fait
appel au renouvellement rapide des composantes biologiques tandis que l'inertie d'un système
résistant serait liée à un faible taux de renouvellement de ces composantes. Les écosystèmes
lotiques seraient caractérisés par une grande élasticité (Bruns et Minshall, 1983 ; Niemi et al.,1990 ; Reice et al., 1990) et une faible résistance (Webster et al., 1983), du fait d'un
renouvellement plus rapide qu'en milieu terrestre.
Chapitre 11 - Discussion générale
241
Nous pensons, à la lumière des résultats présentés dans cette thèse, que la réponse d'un
système soumis à éclusées relève des deux termes, selon l'échelle de temps considérée.
Même si une éclusée ne constitue pas une perturbation au sens statistique, elle impose
une réponse de la part des organismes, dès lors que les gammes de vitesses atteintes dépassent
les vitesses "préférées". Les poissons sont capables de réagir rapidement aux variations de débit
par des changements d'utilisation de l'espace en recherchant des refuges. Ces mécanismes de
réponse à court terme relèvent de l'élasticité.
Lorsque le régime hydraulique n'est pas trop déstructurant, il semble que la variabilité des
débits ne provoque pas de rupture profonde dans l'équilibre des communautés. Le système fait
donc preuve d'une assez grande stabilité malgré une variabilité physique importante. Les
mécanismes mis en jeu relèvent d'une certaine inertie du système, permettant aux communautés
de rester dans un système fluctuant sans trop s'éloigner de l'équilibre, expression de la résistance
du système à long terme . Cette résistance peut être due en partie à la résistance élevée du
milieu physique, en particulier du fait d'un pavage et d'une stabilisation accrue du substrat.
Dans le cas où le débit minimum est très faible, l'équilibre initial risque d'être rompu. On
assiste à l'instauration durable d'un autre état (peuplements différents, dysfonctionnement
trophique).
Résistance et élasticité n'agiraient donc pas de manière inversement proportionnelle
comme le suggéraient Webster et al. (1983), mais de manière complémentaire.
3.3.4. Rôle des refuges dans la réponse des écosystèmes
Sedell et al. (1990) pensent qu'en rivière, ce sont les refuges qui conditionnent la
résistance ou l'élasticité des communautés suite à une perturbation. Ces auteurs
confirment donc le rôle essentiel des refuges déjà évoqué (Heggenes 1988 ; Borchardt et
Statzner, 1990 ; Lancaster et Hildrew, 1993 ; Gore et al., 1994 ; Valentin et al., 1994b,
1994d). La notion de refuge intéresse différentes échelles spatiales, depuis la taille des éléments
du substrat jusqu'à la forme du chenal, de l'échelle du faciès à celle du bassin versant (Sedell etal., 1990), et est étroitement liée à la diversité spatiale (Townsend et Hildrew, 1994). Townsend
(1989) souligne l'importance de la diversité des habitats et conceptualise le rôle de l'hétérogénéité
spatio-temporelle de l'habitat dans la structuration des écosystèmes lotiques ("Patch Dynamics
Concept"). L'hétérogénéité de l'habitat produit des refuges susceptibles d'augmenter
l'élasticité des communautés benthiques face à des perturbations (Scarsbrook et
Townsend, 1993). Dans un milieu soumis à une fréquence élevée de perturbations et comportant
peu de refuges, la diversité benthique serait faible (Townsend, 1989 ; Scarsbrook et Townsend,
1993) et les capacités de récupération seraient donc amoindries (Detenbeck et al., 1992 ;
Townsend et Hildrew, 1994).
Chapitre 11 - Discussion générale
242
3.3.5. Influence de la fréquence des perturbations
La fréquence des perturbations est un facteur important à prendre en compte. Son
influence, notamment sur la biodiversité, a été étudiée par plusieurs auteurs. Ward et Stanford
(1983) ont transposé la théorie de Connell (1978) sur les perturbations intermédiaires
("Intermediate Disturbance Hypothesis") aux écosystèmes lotiques. Connell (1978) a montré que
la grande diversité spécifique des forêts tropicales et des récifs coralliens est due à la fréquence
relativement élevée de perturbations d'intensité moyenne et à la forte hétérogénéité spatio-
temporelle qui en résulte. Le système serait alors maintenu dans un état de non-équilibre, avec la
coexistence de nombreuses espèces. En conditions plus stables et homogènes d'équilibre, la
compétition interspécifique se traduirait par une diminution du nombre d'espèces (Huston, 1979 ;
Ward et Stanford, 1983). En cas de perturbations trop fréquentes ou trop intenses, des espèces
disparaîtraient également, soit par extinction, soit par dominance de compétiteurs supérieurs
(Ward et Stanford, 1983). Ward et Stanford illustrent leur exposé à partir de données recueillies
dans la littérature sur la diversité des communautés d'invertébrés benthiques soumises à différents
degrés de perturbations. Les invertébrés constituent un modèle pertinent pour l'étude de la
réponse à une perturbation car ils ont un temps de récupération nettement plus faible que les
poissons, du fait que leur cycle de vie est plus court (Niemi et al., 1990).
Appliquons cette théorie des perturbations intermédiaires aux communautés benthiques
des deux sites étudiés, en supposant qu'un régime d'éclusées est une succession de variations de
débit d'intensité moyenne et de fréquence élevée. L'évaluation de la diversité des secteurs
influencés repose sur la comparaison avec les stations de référence amont. Sur l'Ance (régime
d'éclusées avec débit plancher soutenu), la diversité des peuplements d'invertébrés semble
maintenue . Sur la Fontaulière, le régime d'éclusées avec débit plancher soutenu s'est traduit par
une diminution du nombre de taxons (station 2 et station 3 après modification du débit
plancher). Le maintien relatif de la diversité sur la station 3 avant l'augmentation du débit
plancher s'explique par l'apparition d'espèces lentiques particulières à cause du niveau faible du
débit plancher, sans relation avec la fréquence des éclusées. La fréquence des éclusées n'a donc
pas entraîné d'augmentation de la diversité des communautés benthiques des stations influencées,
en comparaison avec les stations de référence qui comportent une diversité élevée. Les
hypothèses formulées par Ward et Stanford (1983) ne semblent donc pas s'appliquer
aux régimes d'éclusées des deux sites étudiés. Une explication possible consiste à supposer
que les stations de référence comportent une diversité déjà forte du fait de la variabilité
hydrologique
naturelle ; un régime d'éclusées comparé à cette situation ne pourrait donc pas entraîner
d'augmentation de la diversité. Le maintien de la diversité taxonomique sur l'Ance indiquerait
donc que le régime d'éclusées ne constitue pas une perturbation au sens de Poff (1992). Il est
probable que la fréquence des éclusées soit trop élevée par rapport à la gamme des
fréquences susceptibles d'augmenter la diversité. Par contre, en cas de diminution de cette
diversité (Fontaulière), la fréquence des variations imposées serait suffisamment élevée pour
provoquer la disparition de certaines espèces et la dominance d'autres espèces (voir
Chapitre 11 - Discussion générale
243
chapitre 7), comme le suggèrent Ward et Stanford (1983) pour la gamme des fortes
perturbations.
La fréquence des perturbations a des impacts différents selon la durée du cycle de vie
des organismes considérés et selon la position dans le temps des perturbations par rapport
à l'émergence (Fisher, 1983 ; Niemi et al., 1990 ; Townsend et Hildrew, 1994). La première
éclusée survenant après l'émergence des poissons peut avoir un effet plus important que les
suivantes. Les résultats présentés dans la troisième partie confirment ce risque.
Chapitre 11 - Discussion générale
244
4. Perspectives
Les perspectives pour l'avenir peuvent être classées selon deux axes : le premier
concerne les opérations de recherche à mener pour compléter nos connaissances sur le
sujet, le second consiste à mettre en place des règles pratiques de gestion pour diminuer les effets
des éclusées. Ces conclusions pratiques feront l'objet du dernier paragraphe (§ 6.). Intéressons-
nous tout d'abord aux recherches à entreprendre à l'avenir, en fonction de l'état d'avancement de
notre réflexion et de nos connaissances dans le domaine des éclusées, et des lacunes qui
subsistent.
Les différents axes de recherche énumérés ici n'ont pas la prétention d'être exhaustifs.
Nous proposons une liste de pistes qui nous paraissent intéressantes. Certaines d'entre elles
pourront peut-être aboutir, surtout si un grand nombre de données peut être recueilli avec l'aide
d'autres organismes.
4.1. Approche extensive
Pour mettre en pratique l'étape c du tableau 11.4, il est nécessaire de fixer le cadre
d'étude, tant géographique (détermination des sites) que technique (détermination des
méthodes d'étude). Le choix des sites pour une approche extensive peut comporter moins
de contraintes que lors de l'approche intensive adoptée dans cette thèse (voir critères pratiques
de choix des sites, chapitre 1, § 1.1), surtout si on limite les investigations à des échantillonnages
particuliers. Le point le plus important dans ce type d'approche est de pouvoir étudier plusieurs
sites avec des situations différentes et des effets différents, des régimes hydrauliques plus ou
moins sévères (situations de débit plancher très faible à soutenu) et des refuges disponibles
plus ou moins nombreux.
On peut par exemple envisager d'effectuer sur un grand nombre de sites un suivi des
jeunes truites (cohortes de 0+), par des pêches électriques de printemps et d'automne, ou par
des pêches ou observations des zones de bordure. On peut alors étudier des sites à schéma
hydraulique complexe, dans la mesure où l'on peut enregistrer les débits pendant toute le période
d'étude, et des sites plus larges, pour mesurer l'effet des déplacements latéraux des zones
favorables. Pour compléter l'étude sur les truites 0+ et connaître l'effet de la variabilité des
conditions d'habitat sur les 0+ d'automne, il est nécessaire de disposer d'un site avec des éclusées
l'été, par exemple de type hydrologique alpin, avec fonte des neige et fortes eaux l'été.
Sur ces sites, la mesure des refuges hydrauliques est importante, et peut être effectuée à
partir de la répartition spatiale des forces tractrices et l'influence des variations de débit sur cette
répartition à l'aide de la méthode des hémisphères (Statzner et Müller, 1989). Cette approche
pourrait permettre de réaliser une validation biologique de la notion de risque développée par
Gore et al. (1994).
Chapitre 11 - Discussion générale
245
La collaboration avec les hydrologues est indispensable si l'on veut mieux appréhender
l'influence de la variabilité des débits et donc de l'habitat en fonction du temps. C'est en effet en
testant un grand nombre de variables tirées des chroniques hydrologiques ou des
chroniques d'habitat que l'on arrivera à expliquer et à quantifier l'influence de la variabilité
hydrologique. Nous devons faire émerger les variables synthétiques pertinentes pour
expliquer les effets biologiques observés dans différentes situations. Il serait bien sûr intéressant
d'obtenir ces informations sur tous les sites retenus dans une approche extensive, mais l'important
effort d'installation, de suivi et de dépouillement des données imposé par les installations
limnimétriques risquent de limiter leur nombre, à moins de disposer d'appareils enregistreurs
existants et de la collaboration d'autres organismes pour leur suivi. Si une telle étude s'avérait
impossible, il serait cependant intéressant de poursuivre ces recherches sur un plus petit nombre
de sites.
4.2. Suivi complémentaire d'un site
Dans le cadre de l'approche intensive, nous pensons qu'il serait judicieux de poursuivre
les recherches sur le site de l'Ance du Nord, bénéficiant ainsi des connaissances acquises sur ce
site et permettant d'approfondir les questions restées sans réponse.
L'étude à long terme des variations de débit pourrait être poursuivie afin de déterminer
l'effet saisonnier et de confronter les résultats en fonction des périodes critiques de
développement, selon les stades les plus sensibles. On pourrait aller plus loin que dans l'approche
extensive proposée ci-dessus en tentant une confrontation très précise des variables synthétiques
avec de nombreux paramètres biologiques concernant les espèces et stades de poissons et les
invertébrés.
Il pourrait être intéressant de mesurer les mouvements de dérive des invertébrés sur les
stations de l'Ance du Nord afin de vérifier les hypothèses issues de la littérature sur le bilan
énergétique et le positionnement des poissons dans des zones proches d'une source de dérive et
pour comprendre le rôle de ces mécanismes en situation d'éclusées. On pourrait également suivre
le cycle de la température et les effets des lâchers d'eau sur ce paramètre.
Une étude des zones de frayères sur le tronçon à éclusées et sur le petit affluent pourrait
être envisagée afin de savoir si
- les géniteurs sont perturbés par les éclusées,
- les frayères ne sont pas détruites (balayées par le courant ou au contraire asséchées),
- le succès du recrutement sur le secteur aval de l'Ance n'est pas essentiellement dû à l'affluent
(dans ce cas, les effets des éclusées pourraient être plus dramatiques en l'absence de cet
affluent).
Chapitre 11 - Discussion générale
246
Cependant, l'Ance n'est peut-être pas le meilleur site pour l'étude de la fraie et du recrutement,
dans la mesure où les populations de truite sont équilibrées dans les différents secteurs. Cet
aspect particulier pourrait être étudié sur des sites plus larges (l'Ain, l'Allier) où des problèmes
d'assèchement des frayères, d'entraînement des œufs par le courant ou d'échouage des alevins
ont été observés (Demars, CSP de Clermont-Ferrand, comm. pers. pour l'Allier ; Malavoi et
Carrel (1986) pour l'Ain).
4.3. Approches expérimentales
Les expérimentations en chenal permettent de répondre à des questions précises issues
d'interrogations concernant notamment le comportement fin des jeunes poissons. Afin de
compléter les résultats déjà obtenus, nous suggérons de nouvelles expérimentations :
- pour tester l'effet d'éclusées simulées en l'absence de refuges, on pourrait effectuer des
variations de débit dans un chenal à fond lisse. Il est probable que les mouvements de dévalaison
des jeunes poissons seraient élevés, il serait intéressant de les mesurer en fonction des vitesses et
des fréquences imposées.
- la question de l'influence de la densité de refuges évoquées dans l'expérimentation sur l'ombre
commun (chapitre 8) mériterait d'être davantage étudiée en offrant à de jeunes poissons des
quantités différentes de zones mortes et en examinant le taux d'occupation maximum toléré, à
partir duquel on observerait une augmentation des mouvements de dévalaison.
- on peut envisager des expérimentations avec des alevins post-émergents et simuler des éclusées
de jour ou de nuit. L'effet des éclusées de nuit n'a pas encore été étudié sur les jeunes ombres
communs ; les travaux de Sempeski (1994) laissent penser que les effets pourraient être
catastrophiques pour cette espèce dont les très jeunes stades passent la nuit au repos dans les
zones de bordure.
- la question de l'apprentissage des poissons reste entière. En effet, on ne sait pas si les individus
sont capables d'apprendre à minimiser la distance à parcourir et le temps nécessaire pour trouver
un refuge. On pourrait mesurer ces deux paramètres pour savoir s'ils diminuent.
- la rapidité de montée du débit ne semble pas intervenir dans la mesure où les réactions
observées dans la troisième partie étaient très rapides dès le changement de débit. On pourrait
cependant construire une expérimentation pour tester cet aspect, en particulier sur les très jeunes
stades (post-émergents) potentiellement plus vulnérables.
Chapitre 11 - Discussion générale
247
5. Conclusion générale
En résumé, des axes forts de conclusions émergent à partir des résultats obtenus in situet en chenaux.
Les effets du régime d'éclusées dans les deux sites étudiés peuvent être classés
selon deux facteurs :
1. Le niveau de débit plancher est le point clé conditionnant la gravité des effets
potentiels de l'artificialisation du régime hydraulique. Lorsqu'il est très faible, on assiste à des
déséquilibres nets, à rapprocher des effets observés en situation de débit réservé stable et très
faible.
2. Lorsque les conditions de débit plancher ne constituent pas le premier facteur limitant, la
variabilité engendrée par le régime d'éclusées provoque des effets moins marqués, dans
les situations testées au cours de cette étude. L'impact de la variabilité des conditions physiques
ne se traduit donc pas par des variations très fortes des compartiments biologiques. La réponse
observée correspond à une certaine stabilité, les équilibres n'étant pas rompus. Nous avons
montré que cette stabilité est conditionnée par la disponibilité en refuges.
Les effets des éclusées sur la faune aquatique sont donc relativement modérés
dans les sites où
- le débit de base entre les éclusées est soutenu. L'Ance du Nord bénéficie d'un
barrage de compensation qui apporte un soutien de débit entre les éclusées, et la Fontaulière d'un
débit plancher assez élevé lâché par le barrage de Pont de Veyrières (sauf lorsque 90 % de ce
débit est dérivé par la microcentrale). Un tel régime évite une homogénéisation des habitats vers
des conditions lentiques entre les éclusées et permet donc de conserver une diversité des
écoulements dans le temps,
- la diversité morphologique (faciès) et granulométrique (substrat) est préservée.
Sur les deux sites étudiés, les différents faciès (radiers, mouilles, plats, rapides) se succèdent au
sein de tous les tronçons ; les différentes fractions granulométriques sont bien représentées, avec
de nombreux éléments grossiers (blocs, pierres) constituant des refuges potentiels.
Chapitre 11 - Discussion générale
248
Degré d'artificialisation du régime hydraulique
Deg
ré d
'art
ifici
alis
atio
n d
e la
m
orph
olog
ie d
e la
riv
ière
Naturel (hormis événement catastrophique sensu Resh et al., 1988)
Eclusées avec débit plancher soutenu
Eclusées avec débit plancher faible
Morphologie naturelle diversifiée, avec granulométrie grossière
Morphologie peu diversifiée, avec peu de refuges
Rivière recalibrée, morphologie uniforme, faciès et substrat homogènes
déstructurations dysfonctionnements
espèces ou
stades sensibles
RISQ
UE C
RO
ISSANT
Ance et
Fontaulière
Etudes sur l'effet des
aménagements du lit
(Malavoi, 1991)
axes de
recherche
(sites,
expérimen-
tations)
Effet croissant des éclusées
Facteur aggravant
1
2
Figure 11.1. : Effets potentiels des éclusées sur les petits cours d'eau : influence combinée durégime hydraulique et de la morphologie de la rivière sur le risque de rupture des équilibresnaturels.
Chapitre 11 - Discussion générale
249
Ces conclusions ne peuvent pas être appliquées à tous les sites soumis à éclusées. Les
effets observés sur l'Ance et la Fontaulière pourraient être aggravés en cas de faible disponibilité
en refuges. Le manque de refuges peut être lié à une homogénéisation de la morphologie (faciès
homogènes, rectilignes) et à une homogénéisation de la granulométrie. En régime naturel, Malavoi
(1991a ; 1991b) a classé l'impact potentiel des aménagements modifiant la morphologie et a
montré la nécessité de conserver une diversité maximale des écoulements. Le degré
d'artificialisation du régime hydraulique se traduit par un effet croissant du régime d'éclusées
(figure 11.1, axe 1). Les modifications de la morphologie de la rivière entraînant une diminution
des refuges constituent un facteur aggravant (figure 11.1, axe 2).
Ce travail a pu faire avancer les connaissances concernant l'effet de la variabilité
artificielle du débit, à la fois d'un point de vue fondamental et d'un point de vue appliqué. Il a
permis d'accomplir une première phase exploratoire, de répondre à certaines questions à la
lumière de premiers résultats, et d'envisager les pistes nécessaires à la poursuite de cette
recherche.
A ce stade d'avancement des connaissances, certaines actions correctives peuvent déjà
être envisagées pour limiter les effets d'un régime à éclusées.
Chapitre 11 - Discussion générale
250
6. Conclusions pratiques pour une aide à la gestion
Face à la demande concernant les effets des éclusées en rivière, et face à la volonté de
préserver l'intégrité des systèmes aquatiques (loi sur l'eau de janvier 1992), notre rôle est
d'indiquer des pistes pour aider au diagnostic des sites soumis à ce type de régime, et de
donner des éléments objectifs aux gestionnaires pour permettre une meilleure gestion
des ouvrages hydroélectriques.
6.1. Eléments de diagnostic
Nous pouvons proposer un classement des éléments de diagnostic d'un site
soumis à éclusées :
1. Le niveau du débit plancher est le premier élément à expertiser. S'il est trop faible, nous
avons montré que les effets sont susceptibles d'être déstructurants. S'il est "soutenu", on peut
envisager d'analyser d'autres paramètres du régime hydraulique comme la fréquence ou le débit
maximum d'éclusées.
2. La morphologie doit être suffisamment intacte pour offrir une diversité d'habitat et une
disponibilité suffisante de refuges.
3. On peut espérer une atténuation éventuelle des effets dans le cas où un affluent apporte une
variabilité hydrologique naturelle et une source de recolonisation potentielle.
Le problème essentiel réside dans la quantification des paramètres pertinents à
chaque étape du diagnostic. Rappelons qu'il est important, pour chacun des points proposés
ci-dessus, de prendre en compte les différents compartiments physiques et biologiques
susceptibles d'être affectés par le régime d'éclusées. Concernant les peuplements de poissons, la
truite n'est pas forcément l'espèce la plus indicatrice des altérations du régime hydraulique. Selon
les sites considérés et leurs potentialités naturelles, le diagnostic pourra porter sur d'autres
espèces plus sensibles, comme nous l'avons montré sur l'Ance.
Le point 3 a été évoqué pour l'affluent de l'Ance du Nord (l'Andrable) susceptible
d'apporter de jeunes alevins de truite dans le secteur de la station 4 (chapitre 3, § 2.2). On peut
supposer qu'un site soumis à éclusées peut bénéficier de la présence d'un affluent, surtout s'il est
proche de la restitution et s'il est de taille importante, par exemple du même ordre de
grandeur que le cours d'eau influencé. Nous suggérons alors qu'une étude spécifique à chaque
site soit menée, incluant au minimum l'étude de l'hydrologie et des peuplements de poissons de
l'affluent pour savoir dans quelle mesure celui-ci apportera une atténuation des effets du régime
d'éclusées.
Chapitre 11 - Discussion générale
251
Concernant le point 2, nous savons que les éléments les plus grossiers du substrat
représentent des refuges potentiels, mais que la mesure de la granulométrie ne suffit pas à
quantifier les refuges effectivement disponibles à différents débits. Il serait intéressant de
développer et de valider le type d'indice (voir ce chapitre, § 2.3.5) proposé par Gore et al.(1994), sur plusieurs sites afin d'obtenir une méthode opérationnelle et pratique, à partir de la
mesure des conditions locales au fond. Pour l'instant, nous ne pouvons que mettre en garde sur
les effets aggravés d'un régime d'éclusées dans une rivière subissant dèjà les effets d'une
morphologie modifiée.
Dans un site où la morphologie aurait été dégradée, on peut envisager de
reconstituer une morphologie naturelle et des refuges à l'aide de petits seuils et de blocs
judicieusement installés. Nous ne traiterons pas ici des méthodes de réhabilitation des habitats
physiques. Les techniques à employer sont très précises et délicates (Newbury et Gaboury,
1993) ; une telle démarche implique des précautions quant à la perennité des aménagements
construits. Elle peut permettre de reconstruire une diversité des faciès et des refuges dans des
cours d'eau où l'anthropisation aurait homogénéisé les conditions d'habitat. Si un régime
d'éclusées concerne de tels sites, il est évident qu'une réhabilitation de la morphologie est
susceptible d'améliorer la situation, mais sans pour autant résoudre le problème lié au régime
hydraulique, particulièrement au débit plancher. Les effets positifs à attendre de la
réhabilitation d'une morphologie dégradée sont relativement indépendants du régime hydraulique.
Les mêmes effets positifs sont aussi constatés dans une situation où le régime hydrologique est
naturel. Cette démarche doit être dissociée du problème de l'artificialisation du régime ; ce
dernier aura des effets déstructurants si un niveau minimal de débit plancher n'est pas respecté.
6.2. Définition d'un débit plancher "soutenu"
Le débit plancher (point 1) est le premier élément du diagnostic et il est important de
savoir à partir de quel niveau on peut considérér qu'il est "soutenu". Nous pouvons suggérer des
pistes pour aider à le définir.
6.2.1. A partir d'un pourcentage du module
On pourrait envisager de fixer un seuil minimum de débit plancher à respecter, à l'image
des contraintes législatives concernant les débits réservés (fixés dans la loi Pêche de 1984 à un
dixième du module). Comment définir a priori une fourchette de débit plancher acceptable à
partir d'un pourcentage du module ?
Chapitre 11 - Discussion générale
252
Sur l'Ance, le débit plancher correspond à environ un sixième du module (1/5,625). Sur
la Fontaulière, le débit plancher en aval du barrage de Pont de Veyrières représente un peu plus
d'un quart du module naturel amont (1 / 3,6), ou un neuvième du module effectif du secteur
cumulant le module naturel et les apports du bassin de la Loire. Dans la portion court-circuitée
par la microcentrale, le débit plancher est fixé règlementairement au quarantième du module
naturel. Il représente près d'un centième du module effectif (1/97,5). Il est clair que, quel que soit
le module de référence, le débit plancher de cette portion est à l'origine des effets les plus
détructurants. Quel est le module qui doit servir de référence ? Autrement dit, à quel module
correspondent les processus morphogènes de ce secteur ?
En régime naturel, les connaissances de la géomorphologie et de l'hydrologie permettent
de définir clairement cette notion. Les caractéristiques géomorphologiques globales d'un cours
d'eau (largeur, profondeur, pente du lit) peuvent être reliées aux crues de fréquence de retour
comprise entre un et deux ans, soit environ tous les 1,5 ans (Hynes, 1970). Newbury (1984)
rappelle en effet que les dimensions du lit et de la plaine alluviale d'une rivière dépendent du débit
maximum annuel atteint ou dépassé au cours de deux années sur trois. Ce niveau de crue est du
même ordre de grandeur que le "débit de plein bord" (Leopold et al., 1964, in Newbury, 1984).
En situation d'éclusées, en aval d'un barrage important et dans le cas où le module est
augmenté par des apports d'un autre bassin versant, l'analyse des processus morphogènes est
plus délicate. Il est probable que cette artificialisation profonde du régime hydrologique soit à
l'origine d'une modification de la morphologie du lit. Il nous semble en effet probable que les
éclusées jouent un rôle dans la structure morphologique des secteurs aval, pour différentes
raisons :
- si toutes les crues de fréquence de retour 1 à 2 ans sont atténuées par le barrage (cf Pont de
Veyrières), elles ne sont plus morphogènes,
- les éclusées pourraient devenir morphogènes en structurant les berges,
- le niveau maximum des éclusées observées sur l'Ance ou la Fontaulière correspond au débit de
plein bord, le lit étant alors "plein",
- les éclusées et le barrage sont susceptibles de modidier le substrat en éliminant les éléments les
plus fins. L'érosion des berges peut alors s'en trouver modifiée.
Pour ces raisons, nous pensons que les éclusées peuvent devenir morphogènes. Dans ce
cas, sur la Fontaulière, le module à prendre comme référence ne doit pas être en rapport
avec le module naturel amont. Une autre solution consisterait à estimer un module fictif qui
serait équivalent à un régime ayant des crues morphogènes de débit égal au débit d'éclusées.
Cette solution est peut-être plus logique, mais elle est un peu compliquée.
Chapitre 11 - Discussion générale
253
En admettant que les éclusées sont morphogènes, les dimensions du lit (largeur,
profondeur, et pente) sont alors directement dépendantes du débit maximum turbiné. La
distribution des hauteurs d'eau et des vitesses du courant en fonction du débit sera donc
conditionnée par le niveau des éclusées. Ainsi, pour garantir certaines vitesses à débit plancher, il
faudra tenir compte de la forme du lit résultant des éclusées, sans rapport avec le module. Doit-
on chercher à définir le niveau du débit plancher par rapport au niveau des éclusées ?
6.2.2. A partir du rapport entre débit d'éclusées et débit plancher
Moog (1993) a montré, à partir de sept régimes différents d'éclusées, que la biomasse
totale de poissons diminuait lorsque le rapport entre débit d'éclusées et débit plancher
augmentait. Les diminutions de biomasse étaient importantes dès les petites valeurs de ce
rapport, avec par exemple 65 % de réduction par rapport à la référence pour un rapport égal à 6
(Moog, 1993).
Sur l'Ance, ce rapport est de 15 ; sur la Fontaulière, il est également de 15 sur la station
2 et atteint 150 sur la station 3. Contrairement aux résultats de Moog (1993), la biomasse totale
était plus élevée sur la station 3 de la Fontaulière que sur la station 2, mais la composition
spécifique du peuplement était très différente. Aucune règle ne peut donc être élaborée à partir
des biomasses totales de poissons dans ce cas. On pourrait peut-être raisonner uniquement sur
les biomasses de truite qui sont plus faibles sur la station 3.
Pour fixer un rapport à ne pas dépasser, il faudrait être capable de savoir à partir de quel
pourcentage du débit de plein bord les vitesses deviennent trop faibles par rapport à la gamme de
vitesses à respecter. Ce résultat dépend certainement du type de morphologie.
6.2.3. A partir du maximum de SPU
Sur les deux sites, le débit plancher soutenu correspond aux maximums de SPU pour les
jeunes stades (alevins et juvéniles). Les effets sur les peuplements de truite sont alors modérés.
Pourquoi ne pas suggérer d'adopter cette règle pour limiter les effets des éclusées ?
6.2.4. A partir des vitesses
Le dysfonctionnement trophique et la discordance de la faune benthique observés sur la
Fontaulière s'expliquent par des vitesses trop faibles à débit plancher, surtout dans les faciès
lents. Sur ce site, ces effets disparaissent lorsque les vitesses moyennes minimales dans les
faciès les plus lents ne descendent pas en-dessous de 8 cm.s-1 et que des vitesses locales
atteignent des valeurs assez élevées, de l'ordre de 20 ou 30 cm.s-1, également dans les faciès
lents. Dans les faciès plus rapides, les vitesses moyennes sont alors proches de 30 cm.s-1. Le
débit plancher pourrait être fixé en fonction de ces gammes de vitesses.
Chapitre 11 - Discussion générale
254
6.2.5. Conclusion
Comme pour les débits réservés, un seuil arbitraire et imposé de débit plancher
présenterait l'avantage d'exister, mais n'est pas un garant suffisant de préservation de l'intégrité du
système dans tous les cas, ni même d'une limitation suffisante des effets de l'artificialisation des
débits. Dans le cas des éclusées, les effets potentiels paraissent plus complexes et sont moins
connus qu'en situation de débit réservé. Les deux dernières pistes (maximum de SPU pour
les jeunes stades de truite et vitesses minimales) paraissent plus faciles à appliquer et à
justifier dans l'état actuel de nos connaissances.
6.3. Autres actions possibles sur le régime hydraulique
6.3.1. Action sur la fréquence des éclusées
Lorsque le nombre de jours sans éclusées est élevé, les effets d'un débit plancher trop
faible sur le fonctionnement trophique et la structure des communautés benthiques sont aggravés.
En limitant la durée des périodes sans éclusées dans une telle situation, ces effets pourraient être
réduits. Il est cependant beaucoup plus logique de conseiller d'augmenter le débit plancher
selon la règle des vitesses exposée ci-dessus, puisqu'il s'agit du facteur prépondérant.
En revanche, la stabilité du débit plancher (lorsqu'il est soutenu) serait nécessaire au bon
développement et à l'installation des jeunes alevins. La première éclusée survenant après
l'émergence est susceptible d'entraîner une augmentation de la dévalaison et du taux de mortalité
des jeunes poissons, avec un risque accru de nuit. Compte tenu du temps nécessaire à la
propagation d'une éclusée (par exemple, sur la station 4 de l'Ance, le débit augmente avec un
décalage de 2 ou 3 heures par rapport à la station 3, distante de 8 kilomètres), les éclusées
peuvent atteindre les secteurs aval en pleine nuit, même si elles sont produites de jour. Il serait
donc souhaitable d'éviter les éclusées juste après l'émergence, comme le suggèrent Hicks et
Jowett (1992) dans une étude réalisée en Nouvelle Zélande. Pour savoir à partir de quel âge les
individus deviennent moins vulnérables, il faudrait approfondir les recherches sur ce sujet précis.
6.3.2. Action sur le débit maximum d'éclusée
Dans une morphologie relativement encaissée, les SPU diminuent lorsque le débit
augmente, dès que les vitesses moyennes atteignent des valeurs trop élevées par rapport aux
gammes de vitesses préférées par les poissons. La réduction des SPU pourrait donc être limitée
avec un débit maximum turbiné plus faible. Suite à la même constatation, Hicks et Jowett (1992)
recommandent de réduire le niveau des éclusées, mais ne fixent pas de règle pratique. Les
résultats que nous avons obtenus in situ n'ont pas permis de connaître le niveau d'amélioration à
espérer, notamment sur l'équilibre et l'abondance des populations de truite, en diminuant le débit
maximal d'éclusées.
Chapitre 11 - Discussion générale
255
Dans le cas d'une morphologie large, l'effet d'une diminution du débit d'éclusée se traduit
par une diminution du déplacement latéral des zones de bordure. Nous ne sommes pas non plus
en mesure de quantifier l'amélioration à attendre.
La réponse est probablement complexe car elle dépend du couple (vitesses maximales
atteintes, refuges disponibles), selon les conclusions des expérimentations en chenal (troisième
partie). La détermination du débit maximal turbiné se complique encore si l'on considère que les
éclusées sont morphogènes ; les conséquences sur la morphologie du lit doivent alors être prises
en compte.
6.3.3. Action sur la rapidité de montée du débit
En chenal expérimental, les truites et ombres âgés de deux mois et plus étaient capables
de réagir très rapidement aux augmentations des vitesses en se dirigeant vers une zone de refuge.
Compte tenu de ces résultats et si des refuges sont disponibles, il ne semble pas nécessaire
d'envisager une augmentation plus progressive des débits.
Notons cependant que nous n'avons pas d'élément de réponse sur les effets d'une
augmentation rapide du débit sur des individus très jeunes. En particulier, il est possible que ce
facteur agisse lors de la première éclusée se produisant juste après l'émergence.
L'impact de la rapidité de montée du débit sur les invertébrés, et en particulier sur la
dérive, n'est pas connu.
6.4. Conclusion pour les gestionnaires - corollaire pratique à la conclusion
générale
Bien que les connaissances ne soient pas encore assez complètes pour intervenir avec
précision sur tous ces paramètres, nous pouvons conclure que l'exploitation par éclusées d'un
ouvrage hydroélectrique devrait au moins respecter certaines contraintes concernant le
débit minimum et la diversité des habitats du secteur à éclusées. On doit s'assurer que :
- la diversité des écoulements est maintenue même au débit plancher ; ce dernier doit être
soutenu afin d'éviter l'élimination des conditions lotiques,
- la morphologie n'est pas dégradée par des interventions de type rectification,
chenalisation, curage excessif, avec éventuellement des phénomènes d'érosion régressive, et que
des refuges potentiels sont présents dans tout le secteur (embâcles, gros blocs, porosité du
substrat, méandres, bras secondaires, faciès variés). Dans les cas où la morphologie est
dégradée, la diversité structurelle des habitats ne se reconstruit pas, et les effets des
aménagements peuvent devenir irréversibles (Sedell et al., 1990).
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ANNEXE 1
ANNEXE 1 - Caractéristique de mobilité ou mode de fixation retenupour chaque famille récoltée dans les prélèvements de l'Ance ou de laFontaulière (légende des codes au chapitre 1 - matériels et méthodes).Seule la famille des Chironomidae comporte des taxons de mobilitédifférente.Famille Mobilité Famille MobilitéTaeniopterygidae B Chironomidae X
Nemouridae B Tanypodinae B
Leuctridae B Orthocladiinae A
Capniidae B Chironomini P
Perlodidae A Tanytarsini X
Perlidae A Blephariceridae C
Chloroperlidae B Tipulidae P
Rhyacophilidae A Limoniidae P
Philopotamidae F Simuliidae C
Hydropsychidae F Ceratopogonidae P
Polycentropodidae F Empididae P
Psychomyidae A Dolichopodidae P
Hydroptilidae C Tabanidae P
Glossosomatidae C Athericidae P
Brachycentridae A Megaloptera P
Limnephilidae P Asellidae B
Goeridae P Gammaridae B
Lepidostomatidae P HYDRACARINA B
Leptoceridae P Lymnaeidae C
Sericostomatidae P Ancylidae C
Baetidae B Lumbriculidae P
Heptageniidae H Haplotaxidae P
Ephemerellidae B Tubuficidae P
Caenidae P Naididae P
Leptophlebiidae B Lumbricidae P
Ephemeridae P Enchytraeidae P
Gyrinidae P Glossiphoniidae C
Dytiscidae P Erpobdellidae C
Hydraenidae A Planariidae C
Elmidae A Dugesiidae C
Calopteydidae B NEMATODA P
Gomphidae P
Corixidae G
Notonectidae G
ANNEXE 2
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ANNEXE 2 - Densités (ind/m2) des différents taxons d'invertébrés déterminés sur les quatre stations de l'Ance du Nord (moyennes des 6 prélèvements pondérés par la représentativité, voir chapitre 1, § 2.4.2).
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ANNEXE 3
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ANNEXE 3 - Densités (ind/m2) des différents taxons d'invertébrés déterminés sur les trois stations de la Fontaulière (moyennes des 6 prélèvements pondérés par la représentativité, voir chapitre 1, § 2.4.2).
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