thromboaspiration dans l’angioplastie au stade aigu de l’infarctus du myocarde

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lhromboaspiration dans I'angioplastie au stade aigu de I'infarctus du myocarde Une approche destinee a limiter les phenomenes d'embolisation distale et le no-reflow. infarctus du myocarde est un probleme majeur precedent. De meme une etude publiee par Ambrose de sante publique dans les pays industrialises de demontre que la valeur moyenne du retrecissement des par sa frequence, sa letalite et ses repercussions stenoses coronaires secondairement thrombosees est de socio-economiques. Bien que les strategiestherapeutiques 48 % en angiographie, les deux tiers etant considerees dans cette pathologie soient aujourd'hui bien identifiees, comme non significatives. Le rBle de la rupture ou erosion rapidite de prise en charge, reperfusion coronaire asso- de la plaque d'atherome dans la formation d'un throm- ciant un versant chimique et un versant mecanique, cer- bus intracoronaire est maintenant bien connu. Dans la serie taines ameliorations restent attendues, notamment dans autopsique de Davies realisee chez 74 patients decedes d'ac- le domaine de la reperfusion tissulaire. cident ischernique aigu, 90 % des thromboses coronaires Une bonne connaissance des mecanismes physiopatho- etaient en rapport avec une rupture de plaque athero- logiques du syndrome coronarien aigu perrnet de mieux mateuse. Cette forte proportion de thromboses coronaires comprendre les enjeux du traitement. De (83 %) associees a des ruptures nombreux travaux autopsiques demon- ~a survenue &urn thrombose de plaques atheromateuses trent que la formation de thrombus intra- coronarienne nrert pas co~le (63 %) est confirmee par coronaire est la cause de survenue d'epi- a la &vBritd de la -nose I'etude de Haft, realisee sur sodes ischemiques aigus dans une grande prelevements d'atherecto- majorite des cas. Le thrombus est alors plus viswlih a la mie. L'exposition de I'intima ou moins occlusif, avec pour consequences comr~~raphie &ns les 6 mois a des substances thromboge- le plus souvent un syndrome coronarien qui pr&&dent. niques entraine une agrega- aigu sans sus-ST si I'artere coronaire reste tion et une activation pla- permeable et un syndrome coronarien aigu avec sus-ST quettaire, avec pour consequence la liberation de facteurs quand la coronaire est totalernent occluse. Des travaux d'hemostase et de croissance. La fixation des plaquettes rnontrent que la survenue d'une thrombose coronaire au sous-endothelium se fait par I'intermediaire de gly- n'est pas correlee a la severite de la stenose atheroma- coproteines. L'expression de certains recepteurs mem- teuse visualisee a la coronarographie dans les 6 mois qui branaires plaquettaires (glycoproteines Ilb et Illa) entraine AMCpratique / no 156 1 mars 2007 1 19

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lhromboaspiration dans I'angioplastie au stade aigu de I'infarctus du myocarde

Une approche destinee a limiter les phenomenes d'embolisation distale et le no-reflow.

infarctus du myocarde est un probleme majeur precedent. De meme une etude publiee par Ambrose de sante publique dans les pays industrialises de demontre que la valeur moyenne du retrecissement des par sa frequence, sa letalite et ses repercussions stenoses coronaires secondairement thrombosees est de

socio-economiques. Bien que les strategies therapeutiques 48 % en angiographie, les deux tiers etant considerees dans cette pathologie soient aujourd'hui bien identifiees, comme non significatives. Le rBle de la rupture ou erosion rapidite de prise en charge, reperfusion coronaire asso- de la plaque d'atherome dans la formation d'un throm- ciant un versant chimique et un versant mecanique, cer- bus intracoronaire est maintenant bien connu. Dans la serie taines ameliorations restent attendues, notamment dans autopsique de Davies realisee chez 74 patients decedes d'ac- le domaine de la reperfusion tissulaire. cident ischernique aigu, 90 % des thromboses coronaires Une bonne connaissance des mecanismes physiopatho- etaient en rapport avec une rupture de plaque athero- logiques du syndrome coronarien aigu perrnet de mieux mateuse. Cette forte proportion de thromboses coronaires comprendre les enjeux du traitement. De (83 %) associees a des ruptures nombreux travaux autopsiques demon- ~a survenue &urn thrombose de plaques atheromateuses trent que la formation de thrombus intra- coronarienne nrert pas co~le (63 %) est confirmee par coronaire est la cause de survenue d'epi-

a la &vBritd de la -nose I'etude de Haft, realisee sur sodes ischemiques aigus dans une grande prelevements d'atherecto- majorite des cas. Le thrombus est alors plus viswlih a la mie. L'exposition de I'intima ou moins occlusif, avec pour consequences c o m r ~ ~ r a p h i e &ns les 6 mois a des substances thromboge- le plus souvent un syndrome coronarien qui pr&&dent. niques entraine une agrega- aigu sans sus-ST si I'artere coronaire reste tion et une activation pla- permeable et un syndrome coronarien aigu avec sus-ST quettaire, avec pour consequence la liberation de facteurs quand la coronaire est totalernent occluse. Des travaux d'hemostase et de croissance. La fixation des plaquettes rnontrent que la survenue d'une thrombose coronaire au sous-endothelium se fait par I'intermediaire de gly- n'est pas correlee a la severite de la stenose atheroma- coproteines. L'expression de certains recepteurs mem- teuse visualisee a la coronarographie dans les 6 mois qui branaires plaquettaires (glycoproteines Ilb et Illa) entraine

AMCpratique / no 156 1 mars 2007 1 19

I FImRE t :Patient admis pour infarctus antérieur à H3.00 non thrombolysé. 1 - Occlusion IVA proximale (TIMI O). 2 - Important caillot dans I'IVA proximale après passage du guide (TIMI 1). 3 - IVA proximale après thromboaspiration (Export catheter, Medtronic), restauration du flux TlMl 3. 4 - Résultat après stenting direct (TIMI 3).

des liaisons avec le collagène circulant, le facteur de von Willebrand et lesfibronectines. Une stimulation de la coa- gulation va survenir par des phénomènes en cascade, aboutissant à la formation et à l'extension d'un caillot fibrino-plaquettaire. La formation de caillot sur une plaque athéromateuse est aussi un mécanisme de progression qui se fait de façon silencieuse cliniquement, et son intégra- tion dans la plaque athéromateuse contribue à la majo- ration de la sténose. C'est donc essentiellement du thrombus sur une plaque athéromateuse non serrée dite instable, riche en lipides, cellules inflammatoires, et pauvre en tissu collagène qui occlut la lumière coronaire en phase aiguë d'infarctus. Le traitement de l'infarctus du myocarde va consister à restaurer dans un délai le plus court possible la perfu- sion de la coronaire occluse afin d'assurer une bonne perfusion myocytaire. Pour arriver à ce but, nous dispo- sons de différents moyens qui trouvent leur place dans une stratégie de plus en plus codifiée : l'approche phar- macologique ou chimique avec les antiagrégants

plaquettaires (aspirine, clopidogrel et anti-Gp Ilblllla) et antithrombotiques qui permettent aujourd'hui essen- tiellement de préparer le patient à un geste d'angioplastie directe et les fibrinolytiques qui ont pour objectif d'ou- vrir l'artère coronaire occluse par dissolution du caillot. L'approche mécanique qui consiste à écraser le caillot dans la lumière vasculaire par une angioplastie coronaire n'est pas concurrente de la stratégie pharmacologique, mais le plus souvent complémentaire, et ceci bien que des argu- ments récents tendent à montrer une supériorité de I'an- gioplastie directe quand elle peut être réalisée dans des délais très courts. L'angioplastie coronaire en phase aiguë d'infarctus restaure plus vite et de façon plus efficace le flux TlMl 3 dans la coronaire responsable. Cette norma- lisation du flux permet, dans une grande majorité des cas, une normalisation de la perfusion tissulaire attestée par une régression du sus-décalage et une disparition de la douleur. Mais, dans un pourcentage de cas non négli- geable (10 à 15 %), cette normalisation du flux coronaire ne s'accompagne pas d'une normalisation de la perfu- sion tissulaire. Cette illusion de reperfusion ou no-reflow tissulaire est aujourd'hui une des imperfections de la tech- nique. Ce phénomène est associé à une plus importante zone infarcie, à une plus mauvaise récupération fonc- tionnelle post-angioplastie, donc une plus mauvaise fonc- tion ventriculaire gauche et une plus grande fréquence de complications postinfarctus. Les mécanismes de ce no- reflow sont multiples et font intervenir des phénomènes vasospastiques, des altérations cellulaires avec œdème dans la microcirculation et des phénomènes d'embolisa- tions distales entraînant une occlusion cette fois micro-

FIGURE 2 :Photo du caillot thromboaspiré.

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- Troponine et infarctus per- et périopératoiri

circulatoire. Ces emboles sont constitués de fragments de caillot mais aussi de débris athéromateux venant de plaques athéromateuses souvent riches en lipides [ I l . Ces débris sont souvent de petite taille (c 500 mm). Des tra- vaux expérimentaux montrent que l'embolisation de matériel de petite taille dans l'arbre coronaire entraîne une altération irréversible de la contraction dans le ter- ritoire à risque [2]. Pour prévenir ces phénomènes de no- reflow, à côté d'un traitement antiagrégant puissant et très précoce qui s'impose, l'utilisation des vasodilatateurs est systématique avec d'une part les dérivés nitrés qui per- mettent de réduire les phénomènes vasospastiques très fréquents dans I'angioplastie coronaire et d'autre part des molécules comme le vérapamil et l'adénosine qui sont uti- lisées pour traiter le phénomène quand il survient, mais ceci avec un succès très variable. Par ailleurs, le traitement chronique par statines semble réduire le risque de surve- nue de phénomène de no-reflow dans I'angioplastie directe en phase aiguë d'infarctus. A côté de cette approche pharmacologique, une approche plus mécanique semble de plus en plus séduire les angio- plasticiens. Elle consiste le plussouvent à réaliser une throm- boaspiration ou parfois à utiliser des systèmes de protec- tion distale qui permettent de retenir les fragments mobilisés pendant I'angioplastie dans un panier. Certaines études qui ont évalué les systèmes de protection distale en phase aiguë d'infarctus donnent des résultats variables sans déga- ger de consensus (DIPLOMAT, EMERALD, PROMISE) [3]. Ces résultats décevants s'expliquent probablement par le fait que les débris sont en majorité de petite taille et traver- sent ainsi les systèmes de protection distale. La throm- boaspiration est réalisée de façon très simple avec des cathé- ters qui sont glissés sur le guide et permettent d'aspirer du caillot (fig. 1) qui sera le plus souvent macroscopiquement visible (fig. 2). Cet outil, de plus en plus utilisé, réduit la quan- tité de caillot au niveau de la lésion coupable, diminuant ainsi le risque d'embolie distale et de no-reflow. Certaines équipes montrent une efficacité plus importante des sys- tèmes de protection distale comparée à la thromboaspira- tion, d'autres travaux démontrent l'intérêt d'associer la thromboaspiration et les systèmes de protection distale, avec des résultats très encourageants [4].

TABLEAU - Angioplastie primaire à la phase aiguë de I'IDM avec ou sans thromboaspiration dans DEAR-MI

Embolisation

Pic CPK-MB (ggf

L'étude DEAR-MI (Dethrombosis to Enhance Acute Reper- fusion in Myocardial Infarction), publiée fin 2006, a quan- tifié le bénéfice de la thromboaspiration en terme de reper- fusion chez 148 patients traités dans les 12 heures d'un IDM ave sus-décalage de ST (STEMI) soit par angioplastie primaire précédée ou non d'une thromboaspiration, dont les résultats s'avèrent ensuite supérieurs (tableau) [51. En conclusion, la thromboaspiration dans I'angioplastie à la phase aiguë d'lDM est un moyen simple pour réduire le risque de survenue d'embolisations distales et de phé- nomène de no-reflow qui grève encore le pronostic de I'IDM. Des études prospectives et randomisées devront être menées pour confirmer l'impression clinique des cardio- logues interventionnels très enthousiastes !

R é f é r e n c e s

1. Tanaka 4 Kawarabayashi T, Nishibori Y, et al. No-reflow phenomenon and lesion morphology in patients with acute myocardial infarction. Circulation 2002;105:2 148-52.

2. Skyschally A, Schulz R, Erbel R, Heusch G. Reduced coronary and inotropic reserves with coronaty microembolization. Am J Physiol Heart Circ Physiol 2002;282:H611-4.

3. Schomig A, Kastrati A. Distal embolic protection in patients with acute myocardial infarction: attractive concept but no evidence of benefit. lama 2005;293:1116-8.

4. Belli G, Penano A, De Biase AM, et al. Adjunctive thrombus aspiration and mechanical protection from distal embolization in primary percutaneous intervention for acute myocardial infarction. Catheter Cardiovasc lnterv 2000;50:362-70.

5. Silva-Orrego P, Colombo P, Bigi R, et al. Thrombir, aspiration More pnrnaty angiopbsty imprwes myocardial repwhision in aaite myocardial infardon: the DEAR-MI (Dethrombosis to Enhance Axte Reperfwm in Myocardial I n f a r h ) study. J Am Coll Cardiol 2006;48:1552-9.

+ En pratique : Possibilité d'associer à un système de protection distale.

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