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THÈME 3 La fiction pour interroger le réel Que ce soit au cycle 3 ou en 5 e , la fiction est avant tout considérée sous l’angle de l’imaginaire, on pourrait presque dire de l’évasion du réel. Qu’il s’agisse des récits mythologiques, fondateurs, merveilleux, créateurs d’utopies, la littérature révèle aux jeunes lecteurs des mondes inconnus, insoupçonnés dans la réalité habituelle ; elle assure sa fonction principale pour donner le goût de lire : permettre l’évasion du réel. Pourtant, étroits sont les liens entre la réalité qui constitue le tissu du quotidien et la création d’un univers littéraire. Nous avons voulu montrer, dans la manière d’aborder ce thème, que la dichotomie souvent opérée entre réalisme et fantastique donnait aux élèves l’impression que le réalisme s’attachait à reproduire la réalité, et que le fantastique plongeait dans un univers étrange éloigné du quotidien. D’une part, ces deux interprétations sont inexactes, d’autre part, elles ne permettent pas de comprendre que ces deux directions littéraires, si elles semblent diamétralement opposées, partent en fait toutes deux du réel mais en le traitant différemment. Le réalisme se veut un miroir de la réalité, mais c’est en donnant l’impression du vrai, non en le reproduisant comme une copie qu’il y parvient. Tout récit réaliste s’ancre dans une histoire, nous fait partager le destin des personnages qui, quelles que soient les sources puisées dans la réalité, doivent exister de leur vie propre au cœur de la fiction. Si la nouvelle « Deux amis » de Maupassant nous touche autant, c’est que les deux compagnons de pêche existent devant nous, ont une histoire que l’auteur leur a donnée, et qui les font échapper au seul témoignage d’un écrivain sur la barbarie de la guerre. Lorsque Flaubert dresse le portrait de Félicité dans « Un cœur simple », il décrit sans doute le sort de milliers de servantes anonymes mais son personnage acquiert une dimension unique qui la transfigure à la fin. Dans sa fresque des Rougon-Macquart, Zola ne cherche pas seulement à faire exister une famille, il construit une réalité qui va au-delà de ce qui est visible dans la société. Il cherche à puiser dans les racines de l’être pour comprendre les mécanismes de la nature humaine. D’une observation acharnée du réel – comme en témoignent ses carnets – Zola arrive à une œuvre romanesque où certaines scènes marquantes, au lyrisme parfois tragique, dépassent largement le simple constat. Le réalisme ou le naturalisme en littérature sont avant tout une re-construction du réel, dans laquelle prennent vie des personnages faits de multiples éléments de la vie réelle, mais qui gagnent leur autonomie par le pouvoir de l’écriture. Les descriptions d’empoisonnement consignées dans les archives médicales ne suffisent pas à faire exister Emma Bovary. C’est encore le pouvoir visionnaire de l’auteur qui donne à son œuvre le souffle suffisant pour que le cinéma s’en empare. La Bête humaine est avant tout une immense métaphore, aussi puissante que la machine qu’elle décrit. Or, si même un regard « réaliste » ne reproduit pas le réel mais l’adapte, le recrée pour en donner une construction fictive vraisemblable, encore plus révélatrice que si elle cherchait à être une pâle copie, le fantastique, lui, procède différemment tout en partant aussi du réel. Il le prend au départ dans sa banalité rassurante et, peu à peu, opère des glissements vers des perceptions inquiétantes, semant le doute chez le lecteur, effaçant les repères qui pourraient le raccrocher à ce qu’il connait. Autant le réalisme prend de la distance pour mieux faire voir le réel, autant le fantastique s’éloigne subrepticement pour emmener dans un univers qui brouille les pistes et fait perdre tout repère. Et c’est bien cet effacement des lignes entre raison et folie, entre familier et étrange, qui donne prise au fantastique et fait frissonner le lecteur. À cet égard, il importe de dire que tout univers qui, d’emblée, plonge, tel un film d’horreur, dans un univers effrayant peuplé de créatures horribles, ne relève pas du fantastique mais plus du roman noir. C’est l’incertitude, le doute, l’impossibilité de trancher qui donnent au fantastique sa saveur. Entre une fiction qui « fait comme si c’était vrai » et qui donne l’impression d’être encore plus vraie que la vie réelle, et une autre qui fait s’éloigner la réalité aux confins de l’irrationnel, le réel ne cesse d’être mis en question, afin, sans doute, de mieux livrer une part de sa vérité. 71 © Magnard, 2016 – Jardin des Lettres 4 e – Livre Ressources

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THÈME 3 La fiction pour interroger le réel

Que ce soit au cycle 3 ou en 5e, la fiction est avant tout considérée sous l’angle de l’imaginaire, on pourrait presque dire de l’évasion du réel. Qu’il s’agisse des récits mythologiques, fondateurs, merveilleux, créateurs d’utopies, la littérature révèle aux jeunes lecteurs des mondes inconnus, insoupçonnés dans la réalité habituelle ; elle assure sa fonction principale pour donner le goût de lire : permettre l’évasion du réel. Pourtant, étroits sont les liens entre la réalité qui constitue le tissu du quotidien et la création d’un univers littéraire. Nous avons voulu montrer, dans la manière d’aborder ce thème, que la dichotomie souvent opérée entre réalisme et fantastique donnait aux élèves l’impression que le réalisme s’attachait à reproduire la réalité, et que le fantastique plongeait dans un univers étrange éloigné du quotidien. D’une part, ces deux interprétations sont inexactes, d’autre part, elles ne permettent pas de comprendre que ces deux directions littéraires, si elles semblent diamétralement opposées, partent en fait toutes deux du réel mais en le traitant différemment.

▶▶ Le réalisme se veut un miroir de la réalité, mais c’est en donnant l’impression du vrai, non en le reproduisant comme une copie qu’il y parvient. Tout récit réaliste s’ancre dans une histoire, nous fait partager le destin des personnages qui, quelles que soient les sources puisées dans la réalité, doivent exister de leur vie propre au cœur de la fiction. Si la nouvelle « Deux amis » de Maupassant nous touche autant, c’est que les deux compagnons de pêche existent devant nous, ont une histoire que l’auteur leur a donnée, et qui les font échapper au seul témoignage d’un écrivain sur la barbarie de la guerre. Lorsque Flaubert dresse le portrait de Félicité dans « Un cœur simple », il décrit sans doute le sort de milliers de servantes anonymes mais son personnage acquiert une dimension unique qui la transfigure à la fin.

▶▶ Dans sa fresque des Rougon-Macquart, Zola ne cherche pas seulement à faire exister une famille, il construit une réalité qui va au-delà de ce qui est visible dans la société. Il cherche à puiser dans les racines de l’être pour comprendre les mécanismes de la nature humaine. D’une observation acharnée du réel – comme en témoignent ses carnets – Zola arrive à une œuvre romanesque où certaines scènes marquantes, au lyrisme parfois tragique, dépassent largement le simple constat. Le réalisme ou le naturalisme en littérature sont avant tout une re-construction du réel, dans laquelle prennent vie des personnages faits de multiples éléments de la vie réelle, mais qui gagnent leur autonomie par le pouvoir de l’écriture. Les descriptions d’empoisonnement consignées dans les archives médicales ne suffisent pas à faire exister Emma Bovary. C’est encore le pouvoir visionnaire de l’auteur qui donne à son œuvre le souffle suffisant pour que le cinéma s’en empare. La Bête humaine est avant tout une immense métaphore, aussi puissante que la machine qu’elle décrit.

▶▶ Or, si même un regard « réaliste » ne reproduit pas le réel mais l’adapte, le recrée pour en donner une construction fictive vraisemblable, encore plus révélatrice que si elle cherchait à être une pâle copie, le fantastique, lui, procède différemment tout en partant aussi du réel. Il le prend au départ dans sa banalité rassurante et, peu à peu, opère des glissements vers des perceptions inquiétantes, semant le doute chez le lecteur, effaçant les repères qui pourraient le raccrocher à ce qu’il connait. Autant le réalisme prend de la distance pour mieux faire voir le réel, autant le fantastique s’éloigne subrepticement pour emmener dans un univers qui brouille les pistes et fait perdre tout repère. Et c’est bien cet effacement des lignes entre raison et folie, entre familier et étrange, qui donne prise au fantastique et fait frissonner le lecteur. À cet égard, il importe de dire que tout univers qui, d’emblée, plonge, tel un film d’horreur, dans un univers effrayant peuplé de créatures horribles, ne relève pas du fantastique mais plus du roman noir. C’est l’incertitude, le doute, l’impossibilité de trancher qui donnent au fantastique sa saveur.

Entre une fiction qui « fait comme si c’était vrai » et qui donne l’impression d’être encore plus vraie que la vie réelle, et une autre qui fait s’éloigner la réalité aux confins de l’irrationnel, le réel ne cesse d’être mis en question, afin, sans doute, de mieux livrer une part de sa vérité.

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1. Le réalisme et l’enfance

G. Courbet, Pierre-Joseph Proudhon et ses enfants en 1853 C. Nègre, Les Ramoneurs en marche E. et J. Goncourt, Germinie Lacerteux p. 118-119

●● Pistes didactiquesCette double page ouvre le parcours à travers une théma-tique traditionnellement peu associée au mouvement réa-liste, celle de l’enfance. Les élèves sont invités à mesurer com-bien les réalistes s’intéressaient au sort des plus faibles – ceux qui n’avaient pas la parole –, ici, les enfants.

●● Proposition d’hypothèse de lectureComment chaque genre (peinture, photographie, roman) représente-t-il l’enfant pour mieux défendre son droit à l’ins-truction et au bonheur ?

2. Aux origines, le refus du romantisme p. 120-121

G. de Maupassant, Une vie F.-R. de Chateaubriand, Mémoires d’outre-tombe p. 120-121

●● Pistes didactiquesEn comparant un texte de Guy de Maupassant et un texte de François-René de Chateaubriand sur un même sujet – la vie des marins –, les élèves saisissent la distance prise par le réa-lisme vis-à-vis de la vision du monde romantique. Ce travail est prolongé par la comparaison de deux toiles, l’une réaliste (G. Courbet, La Vague), l’autre romantique (J. M. W. Turner, Pêcheurs en mer) sur le même sujet, permettant aux élèves de réinvestir leur découverte et de continuer leurs hypothèses de définition du réalisme.

●● Proposition d’hypothèse de lectureComment la représentation fidèle de la réalité s’oppose-t-elle à sa représentation idéalisée ?

PARCOURS UN GENRE Le récit réaliste, miroir de la réalité p. 118 à 139

Objectifs et démarches du parcOurs

Problématique : Comment le récit réaliste, en posant un regard neuf sur la société et les individus de son temps, atteint-il une forme de poésie ?

▶▶ Ce parcours propose un aperçu des principales intentions réalistes : démythifier des topoï romantiques, retranscrire la violence et l’injustice d’une société contemporaine de l’écriture, évoquer la vie des plus humbles. C’est que le récit réaliste se veut « miroir de la réalité » en proposant un regard sans concession sur son temps. Or – et c’est l’objet de la préface de Pierre et Jean en 1887 –, écrire la réalité, c’est faire des choix d’écriture relevant d’une vision personnelle : plus qu’un miroir, le récit réaliste serait donc avant tout un prisme. Ce parcours a ainsi pour objectif de sensibiliser les élèves aux dimensions sociale, mais aussi poétique, d’un mouvement dont on ne peut comprendre les subtilités que si on le relie au contexte historique et économique de la seconde moitié du xixe siècle.

▶▶ En ce sens, il nous a semblé important de donner à lire un corpus varié. À travers la double page d’accueil ayant pour thème l’enfance, les élèves pourront se familiariser avec la dimension à la fois humaine et sociale du mouvement. Dire la réalité nue pour en espérer le changement est, en effet, au cœur des quatre nouvelles de Guy de Maupassant proposées à la lecture. Enfin, des extraits de Madame Bovary ou encore d’« Un cœur simple » choisis, aussi bien pour leur accessibilité que pour leur représentativité, permettront à la classe de ressentir, puis d’étudier, la beauté de cette écriture réaliste, jugée parfois, à tort, trop sèche.

▶▶ Ce parcours, adapté à des élèves de 4e, vise à permettre de :– comprendre les origines littéraires et sociales du mouvement réaliste ;– cerner les principales caractéristiques des récits qui lui sont associés ;– donner à lire, mais aussi à voir et entendre, par une iconographie riche et des lectures audio nombreuses, quelques aspects de la société française du xixe siècle ;– étudier, à partir des questionnaires proposés, comment l’écriture réaliste diffracte à la fois fidèlement et poétiquement la réalité.

OrganisatiOn du parcOurs et chOix des axes de lecture

72 © Magnard, 2016 – Jardin des Lettres 4e – Livre Ressources

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3. L’amour, victime de la réalité sociale

G. de Maupassant, « La rempailleuse » p. 122-125

●● Pistes didactiquesCette nouvelle de G. de Maupassant prolonge la réflexion ini-tiée par l’extrait d’Une vie de la double page précédente. Le narrateur s’y applique à démythifier l’amour idéal et élitiste véhiculé par le romantisme pour privilégier une vision réaliste de l’amour miné par l’argent, nouvelle valeur-phare d’une société en plein essor du fait de la révolution industrielle.

●● Proposition d’hypothèse de lectureComment ce récit, témoignant des inégalités sociales de son temps, met-il en scène le contraste entre la cupidité des fortu-nés et la générosité de celle qui n’a rien ?

4-5. Le mariage dans le viseur des réalistes - L’objet révélateur

P. A. J. Dagnan-Bouveret, Une noce chez le photographe G. Flaubert, Madame Bovary G. de Maupassant, « Première neige » p. 126-127

●● Pistes didactiquesCette double page a pour thème le mariage vu par un peintre et des écrivains réalistes tels que Gustave Flaubert et Guy de Maupassant (« Première neige », nouvelle proposée en res-source numérique). Là encore, l’idéal amoureux est dépassé par une vision sans concession dévoilant la vanité de la société mais aussi l’hypocrisie des sentiments.

●● Proposition d’hypothèse de lectureComment tableau et roman dévoilent-ils l’envers du décor par l’intermédiaire des objets que le réalisme est toujours très soucieux de représenter avec fidélité ?

6. Le réalisme, témoin de la réalité de la guerre

G. de Maupassant, « Deux amis » p. 128-131

●● Pistes didactiquesCette nouvelle de G. de Maupassant permet d’aborder une autre caractéristique du réalisme, sa capacité à témoigner

d’évènements historiques relativement contemporains, ici, la guerre franco-prussienne de 1870.

●● Proposition d’hypothèse de lectureComment ce récit témoigne-t-il de la violente réalité de la guerre ?

7. Dire la réalité des humbles

G. de Maupassant, « Le donneur d’eau bénite » p. 132-135

●● Pistes didactiquesCette nouvelle de G. de Maupassant, accompagnée de la nouvelle « Aux champs » proposée en ressource numérique, permet aux élèves de cerner l’intérêt que portaient les écri-vains réalistes aux franges les plus défavorisées de la société du xixe siècle en évoquant leur misère sociale et affective. Si les derniers mots de la célèbre nouvelle « Aux champs » sont très noirs, « Le donneur d’eau bénite » offre, au contraire, une fin digne des contes de fée. Cette différence majeure peut faire l’objet d’une réflexion en classe.

●● Proposition d’hypothèse de lectureLire le récit de cette vingtaine d’années de labeur déses-péré comme une sorte de conte de fée réaliste qui, s’il se termine bien, ne dresse pas moins le tableau d’une société où l’argent décide de tout, aussi bien du malheur que de la réussite.

8. Le réalisme poétique d’« Un cœur simple »

G. Flaubert, « Un cœur simple » p. 136-137

●● Pistes didactiquesCes quatre extraits (dont un audio) du célèbre « conte » de G. Flaubert permettent d’apprécier l’écriture à la fois réaliste et poétique de cet écrivain, considéré, malgré lui, comme le chef de file du réalisme en littérature.

●● Proposition d’hypothèse de lectureComment, au fil d’une écriture réaliste de plus en plus lyrique, le personnage de Félicité acquiert-il une nouvelle dimension ?

cOrrigé des questiOnnaires et des exercices

Dans l’ensemble du parcours, les éléments surlignés visent à gui-der les élèves en facilitant le repérage des passages dont ils ont besoin pour répondre aux questions.

1. Le réalisme et l’enfance

Gustave Courbet, Pierre-Joseph Proudhon et ses enfants en 1853 p. 118

Peindre un penseur et défendre l’instruction des enfants1. Proudhon est dans son jardin. Pensif, face au spectateur, il est entouré de livres et de ses deux filles, l’ainée, en train

d’apprendre l’alphabet, la plus jeune, en train de jouer. Belle représentation de l’otium, ce temps de loisir où activité rime avec enrichissement de l’esprit.2. Loin de son cabinet de travail, l’homme politique est repré-senté dans son intimité. C’est le père et le penseur qui sont célébrés ; principe très novateur pour l’époque, l’individu est considéré dans sa globalité.3. Les vêtements et les souliers modestes de Proudhon rap-pellent ses origines populaires. La couleur bleue du pantalon, au centre de la toile, évoque le bleu de travail des ouvriers.4. Le feuillage des arbustes, le petit pan de ciel bleu à l’arrière-plan évoquent une scène printanière pouvant symboliser un renouveau, celui d’une société où les filles sont en droit d’ap-

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prendre et de jouer avec sérénité. Notons que Victor Hugo écrit « Melancholia » (p. 92) en 1856... La gravité du regard de Proudhon semble refléter ce combat social.

Charles Nègre, Les Ramoneurs en marche p. 119

Photographier le travail des enfants au xixe siècle1. Un ramoneur est un ouvrier chargé de nettoyer le conduit des cheminées. 2. Il s’agit d’un enfant d’une dizaine d’années à peine. Aujourd’hui, l'instruction est obligatoire jusqu’à 16 ans.3. G. Courbet peint l’enfance instruite, heureuse, dont l’ave-nir, représenté par la figure paternelle, est celui de la culture ; C. Nègre photographie un enfant sur le chemin du travail suivi de deux ramoneurs, dont l’un a les mains dans les poches, les yeux rivés vers le sol, l’autre, un sac lourd sur le dos. L’élan de l’enfant contraste avec l’attitude résignée des adultes, ce qui laisse présager un futur bien triste pour le jeune garçon. En ce sens, C. Nègre et G. Courbet défendent la même cause : l’ins-truction est gage de bonheur, la place de l’enfant est à l’école.

Edmond et Jules Goncourt, Germinie Lacerteux p. 118-119

Le bonheur de petites écolières1. Les écolières sont assimilées, par métaphore ou par compa-raison, à des abeilles (« un essaim », l. 2, « un bourdonnement », l. 3) puis à des oiseaux (« une envolée », l. 3, « gazouiller », l. 4, « comme d’une cage ouverte », l. 5). Ce qui permet l’analogie est le nombre, la vivacité de ces petites filles (énumération de verbes d’action, l. 5 à 7). Les auteurs font ainsi le tableau d’éco-lières heureuses, libres (« en musardant », l. 12, « s’amusaient », l. 15, « riait », l. 18), ce qui rejoint le propos des deux autres documents de la double page.2. Cette vitalité contraste avec le deuil de Germinie qui semble regarder le groupe avec envie : verbe de perception « regardait » (l. 19), expressions « elle ne pouvait quitter des yeux » (l. 20-21), « il y avait pour elle comme un jour divin » (l. 23). Le narrateur ne fait pas une description objective mais, en retranscrivant la sensation du personnage à la vue des éco-lières grâce au point de vue interne, il est fidèle à la réalité subjective de cette mère ayant perdu sa fille. Ceci est une pre-mière approche de ce que peut être la représentation réaliste.

2. Aux origines, le refus du romantisme

Guy de Maupassant, Une vie François-René de Chateaubriand, Mémoires d’outre-tombe p. 120-121

La vie des marins1. Au xixe siècle, la vie des marins est dure : d’après le texte 1, les pêcheurs pêchent la nuit et risquent leur vie (l. 19-22) ; dans le texte écho, les autres métiers rattachés à la navigation sont évoqués à travers une fervente activité (énumérations donnant un effet de profusion, l. 5-10).2. Le père de Jeanne est baron, il appartient à la petite noblesse de province. Sa remarque empreinte de romantisme correspond dans le texte écho à la phrase lyrique : « il n’y avait plus rien qu’un océan sans bornes et des mondes inconnus » (l. 2-3). Le baron semble se rendre compte du danger (« sur qui tant d’existences sont en péril », l. 25) mais c’est pour l’exalter

(« C’est terrible et beau », l. 23-24). La réalité des pêcheurs est embellie, plus abstraite.3. Le texte réaliste est beaucoup plus documenté : précisions sur le vêtement des pêcheurs et de leurs femmes (bottes, laine, robes minces), sur leurs instruments de travail et leurs affaires (filets, bouées, aliments, bouteilles d’alcool). Tout semble évo-quer la violence de leur réalité quotidienne (« si misérables cependant qu’ils ne mangeaient jamais de viande », l. 21-22). Le registre familier dit leur pauvreté : « carcasses », l. 15, « pour ne point crever de faim », l. 21 et contraste avec les propos du baron. Or, si le texte romantique évoque des métiers de marin (pilotes, charpentiers, cordiers, mousses), c’est parce qu’il sont propices à la rêverie : « mon imagination se jouait dans ces espaces », l. 3-4.Bilan 4. a. Un témoignage de la réalité brute ➝ texte réaliste (comparaison des barques à de « vastes poissons morts », l. 4). b. Une vision idéalisée de la vie en mer ➝ texte romantique (oxymore « saine odeur du goudron », l. 10).

Gustave Courbet, La Vague William Turner, Pêcheurs en mer p. 121

Comparer deux tableaux sur un même sujet : la mer houleuse1. Les barques sont sur le perret, nous ne voyons aucune trace des pêcheurs, si ce n’est un voilier au loin, très certainement car une tempête se prépare.2. La toile de G. Courbet offre la représentation de la réalité la plus vraisemblable, même s’il arrivait que malheureusement des pêcheurs soient victimes de tempêtes. La toile du peintre romantique J. M. W. Turner, à travers le clair-obscur, théâtralise ce danger.

▶▶ À l’oral : Exprimer un avisCe travail oral peut faire l’objet d’un travail préparatoire au brouillon. Les élèves notent les éléments qu’ils apprécient dans le tableau de leur choix (atmosphère, jeu des couleurs...).

3. L’amour, victime de la réalité sociale

Guy de Maupassant, « La rempailleuse » p. 122-125

Une remise en cause de l’amour idéal1. Les convives débattent du grand amour (l. 6-9). Les hommes pensent que l’on peut aimer plusieurs fois (l. 12-15), les femmes, plus idéalistes, affirment qu’un vrai amour est unique et éternel (l. 17-21).2. L. 74-77 : les femmes sont déçues, la rempailleuse ne cor-respond pas à l’héroïne romantique à laquelle elles s’atten-daient. L’interjection « Pouah ! » (l. 75) traduit leur mépris.3. Il s’agit d’un commentaire ironique puisque la petite rem-pailleuse est en proie à la colère d’un père qui l’appelle « cra-pule » (l. 101-102).Bilan 4. La rempailleuse est rudoyée par son propre père, qui aurait dû la protéger, et méprisée par les aristocrates qui, amatrices d’histoire d’amour sincère, auraient dû l’admirer.

▶▶ À l’oral : Exprimer un avisLes élèves peuvent être invités à relire le passage de leur rencontre. La rempailleuse est tombée amoureuse du petit Chouquet pour deux raisons : elle a pour idée reçue que les enfants bourgeois sont toujours heureux (l. 115-117) et

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l’enfant se laisse embrasser, ce qui est, pour elle qui n’en a pas l’habitude, une véritable marque d’affection (l. 122-123). Mais, en réalité, si l’enfant se laisse faire, c’est qu’il regarde l’argent...

L’amour miné par l’argent1. Les élèves peuvent noter dans deux colonnes différentes les traits physiques et moraux : maigreur, pauvreté, saleté pour la rempailleuse, propreté, beauté, prestance pour le petit Chouquet ; générosité pour la première, cupidité pour le second. Les deux personnages s’opposent.

2. C’est l’argent qui est à l’origine de leur rencontre et qui sera le fil de leur histoire. On peut parler de « monde à l’envers » : c’est la rempailleuse qui constitue, en se sacrifiant toute sa vie, un héritage qu’elle lègue au bourgeois.

3. Les Chouquet ont la même réaction de mépris et de dégout que les femmes aristocrates au début de la nou-velle. Par trois fois, la rempailleuse est traitée de « gueuse » (l. 230).

4. Le pharmacien donne l’image d’une bourgeoisie de pro-vince mesquine et cupide – il revient pour prendre la voiture mais laisse les animaux (l. 266-281). Le médecin, beaucoup plus humain et sensible durant toute la nouvelle, lui serre tout de même la main car ils ont une clientèle, des intérêts communs (l. 281-283).

Bilan 5. Loin du « Pouah ! » initial, la marquise est émue ; pour autant, en généralisant le cas – sublime – de la rem-pailleuse, elle semble ne pas avoir compris l’injustice sociale violente dont celle-ci a toujours été victime. À travers la voix du médecin humaniste et l’évocation d’une bourgeoisie et d’une aristocratie insensibles, le narrateur prend parti pour cette pauvre rempailleuse dont on ne connait même pas le nom.

4. Le mariage dans le viseur des réalistes

P. A. J. Dagnan-Bouveret, Une noce chez le photographe p. 126

Montrer l’envers du décor d’une photographie officielle1. Cette toile propose deux plans distincts, celui des mariés posant pour la photo, celui du photographe derrière l’objectif. Le complément circonstanciel du titre suggère que le lieu est le vecteur de dévoilement de la réalité.

2. Les mariés, de par leurs vêtements et ceux de leurs invités, semblent appartenir à une petite bourgeoisie cherchant à se mettre en valeur le jour du mariage.

3. D’un côté, le rideau et le tapis ou encore, sur la photogra-phie, les bouquets de fleurs ; de l’autre, le parquet élimé et la vitre cassée. En laissant voir au spectateur l’envers du décor, le peintre réaliste démythifie la photographie officielle et l’ap-parat qu’elle cherche à dégager.

▶▶ À l’oral : Comprendre une mise en scène de la réalitéAvant de faire élaborer un titre aux élèves, il est souhaitable de leur demander de formuler à l’écrit les intentions réalistes du peintre.

5. L’objet révélateur

Gustave Flaubert, Madame Bovary p. 127

Comprendre la valeur symbolique d’un objet1. C’est le bouquet d’Emma (texte 4) qui est principalement évoqué à travers les matériaux qui le composent. On voit bien le souci d’effet de réel. Pour le premier, seuls les rubans de satin blanc sont mentionnés (l. 8).

2. Remontant au Moyen Âge, composé jusqu’au xixe siècle de fleurs d’oranger, il symbolise la pureté de la jeune mariée.

3. C’est dans le texte 3 qu’on apprend ce qu’Emma ressent : tout d’abord, de l’étonnement à travers l’exclamative au style indirect libre (l. 8-9), puis, une certaine mélancolie (« son-geait », l. 12, « se demandait », l. 14) puisqu’avant même d’avoir commencé sa vie conjugale, elle pense à sa mort.

4. Le bouquet réapparait au moment du départ de Tostes où elle s’ennuie à mourir (texte 4). Les mots liés au passage du temps sont dépréciatifs : « jaunes de poussière » (l. 5), « s’effi-loquaient » (l. 6).Bilan 5. Emma s’y pique le doigt et le jette au feu. Il devient le symbole d’un mariage malheureux, d’une réalité qui a rat-trapé les rêves de bonheur de la jeune femme.

▶▶ À l’oral : Lire une nouvelle intégrale

Guy de Maupassant, « Première neige » p. 127

Ressources numériquesTexte intégral de « Première neige » lu et à télécharger« Première neige » est une nouvelle réaliste de G. de Maupassant facile d’accès dont le sujet, le mariage malheureux d’une jeune fille normande, correspond au thème de la double page. Le calorifère tant souhaité par l’héroïne représente le besoin de chaleur humaine de la jeune femme qui s’ennuie, se refroidit auprès de son mari.Les élèves peuvent lire ou écouter cette nouvelle à la maison et répondre à la question en relevant les passages où il est question du calorifère. La mise en commun des réponses permettra d’évaluer la compréhension du texte et pourra être l’objet d’une discussion à partir des propositions des élèves.

ACTIVITÉ

AUDIO

6. Le réalisme, témoin de la réalité de la guerre

Guy de Maupassant, « Deux amis » p. 128-131

▶▶ À l’oral : Repérer la structure d’une nouvelleOn veillera à sensibiliser les élèves au traitement du temps (analepse, l. 12 à 48), à l’alternance de moments calmes et de moments plus inquiétants.

Une guerre que l’on refuse de voir1. Informations données au lecteur : une capitale en souf-france pour cadre de l’intrigue, l’amitié de Morissot et Sau-

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vage, des souvenirs heureux du passé « avant la guerre ». Le retour en arrière que permet le point de vue omniscient crée un contraste avec le présent malheureux.2. L. 116 à 122, le point de vue interne donne un aperçu de la réalité vue par les deux personnages : « Il n’entendit rien. Ils étaient bien seuls, tous seuls. […] La petite maison du restau-rant […] semblait délaissée depuis des années ». Or, la suite de la narration va les détromper : derrière cette maison se cachent leurs futurs bourreaux.3. Dès les premières lignes est mentionné un Paris envahi et en souffrance. Une première mention de la guerre se trouve ligne 12, mais Sauvage ne fait état que d’« événements » (l. 53). La demande du laisser-passer (l. 86-88), l’évocation fugace des Prussiens tournée en boutade (l. 96-106) renvoient à une réalité que les deux amis refusent de voir. Or, pour le lec-teur, c’est avant tout l’aspect désertique du paysage qui est inquiétant. Le front n’est véritablement évoqué qu’à partir de la ligne 133 ; la violence de la guerre est aussi retranscrite plus loin (l. 173-180) mais les personnages, d’après leur conver-sation au style direct, ne s’en inquiètent pas (« haussa les épaules », l. 153, « tranquillement », l. 169, « en riant », l. 183), semblent aveugles tant qu’ils ne sont pas véritablement confrontés aux Prussiens (l. 197). Ce contraste est saisissant.Bilan 4. La syllabe [so] qui fait penser à « sot ». Le narrateur accentue ainsi leur naïveté, leur bêtise.

Les pouvoirs de dévoilement du réalisme1. La bataille est évoquée à travers des personnifications inquiétantes : « grande silhouette du Mont Valérien, qui por-tait au front une aigrette blanche [...] » (avec ambiguïté du mot « front »), l. 142-144 ; « la montagne jetait son haleine de mort », l. 149.

2. « Mais ils tressaillirent effarés, sentant bien qu’on venait de marcher derrière eux », l. 184-185. Conscients, cette fois, de la mort qui les attend, ils ne livrent pas pour autant le colonel qui leur a délivré le laisser-passer. Ils deviennent des héros.

3. L’officier allemand donne l’image d’un homme fourbe (il les incite à trahir, « Donnez-moi ce mot d’ordre et je vous fais grâce », l. 215-216), cruel (il leur rappelle leur famille, l. 229), d’un calme monstrueux (« toujours calme », l. 226, « toujours serein », l. 279, « Puis il se remit à fumer », derniers mots du récit).

4. Par le registre épique, le narrateur donne, au contraire, une vision monstrueuse de la guerre (personnifications déjà citées, énumération de verbes d’action l. 169-180, allitérations en [r]).

Bilan 5. Sauvage et Morissot sont finalement des « héros » car ils ne trahissent pas leur pays, même au prix de leur vie, « ordi-naires » car, tout au long de la nouvelle, on les voit débon-naires, refusant de voir la réalité en face.

Ressource numériqueLecture de la nouvelle « Deux amis » (texte intégral)La comédienne fait une lecture sans accent prussien des paroles au style direct de l’officier ; pourtant, bien que le narrateur mentionne son « excellent français » (l.  201), on pourrait, dans la perspective d’un récit réaliste soucieux de l’effet de réel, lire ces passages avec un léger accent.

AUDIO

7. Dire la réalité des humblesGuy de Maupassant, « Le donneur d’eau bénite » p. 132-135

Ressource numériqueLecture de la nouvelle « Le donneur d’eau bénite » (texte intégral)La lecture audio de l’intégralité de cette nouvelle de G. de Maupassant est disponible à l’écoute en saisissant le lienmini proposé.

AUDIO

Résumer une vie humble1. Jean a environ vingt-cinq ans, trente ans tout au plus.2. Plusieurs années sont évoquées en huit lignes. On appelle cela un sommaire. Pour la scène de reconnaissance qui dure tout au plus quelques minutes, trente lignes. La scène capitale est donc évoquée plus longuement. Le sommaire permet, au contraire, d’évoquer le temps figé du manque.3. Ils vivent d’abord de l’argent de la vente de leur maison, de menus travaux à leur passage dans les villes (d’où l’expression « se louer »), puis de l’aumône (l. 62). Le charron finit donneur d’eau bénite. Il s’agit du résumé d’une vie très pauvre.

Un conte de fée réaliste1. C’est à travers les propos de la mère que le lecteur com-prend que le jeune homme est leur fils. C’est émouvant d’au-tant qu’elle le reconnait grâce à sa ressemblance avec le père.2. La taille, la prestance et surtout le style de vêtement ont été un frein : ils recherchaient un saltimbanque. L’habit est un grand marqueur social à l’époque, d’où l’attention très grande des réalistes à son endroit.3. Le fait que le jeune homme se rappelle ses parents à travers l’expression de son enfance « Papa Pierre, maman Jeanne ! » est émouvant. Le registre pathétique est aussi souligné par les larmes du personnage et des deux dames qui l’accom-pagnent (l. 130 et 132) accompagnées d’une effusion de sen-timents (« suffoquaient d’une joie démesurée », l. 131).4. Jean, après trois ans passés avec les saltimbanques, a été vendu à une vieille dame aristocrate qui s’est prise de pitié pour lui. Il a reçu une bonne instruction et un héritage, ce qui l’a sauvé.Bilan 5. Ce récit réaliste raconte une vie de malheur et de misère qui finit étonnamment bien. La vieille dame aristo-crate peut être considérée comme une fée-marraine.

▶▶ À l’écrit : Expliquer un caractère et un comportement« Ténacité » : persistance de ce dont on ne peut se défaire mais aussi ce qui persiste dans le temps. Les parents, en ne renon-çant pas à la recherche de leur fils, ont été plus tenaces que le malheur.Dans un souci de pédagogie différenciée, l’explication pour-rait d’abord se faire à l’oral. Par la suite, les élèves pourraient être invités à reformuler à l’écrit la réponse élaborée collecti-vement. Une structure de réponse pourrait leur être propo-sée : quelques phrases pour les sens du mot trouvés dans le dictionnaire, puis, quelques phrases qui expliqueraient le sens du mot dans le contexte et enfin, une conclusion qui pourrait contenir une opinion personnelle sur la ténacité de ces parents et proposer une autre morale pour ce « conte de fée réaliste ».

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▶▶ Graine de savoirEntre autres, notons : Morissot, Sauvage avec jeu sur le mot « sot », Bovary avec jeu sur « bovin », Félicité, prénom qui signi-fie « la joie », alors que cette servante sacrifie sa vie au travail, mais aussi la rempailleuse qui n’en a pas car elle n’est pas considérée par la société.

Guy de Maupassant, « Aux champs » p. 135

Ressource numériqueGuy de Maupassant, « Aux champs »I. Une nouvelle opposant deux mondes1. La fermière s’exprime en avalant des syllabes, des articles, et en faisant des erreurs de conjugaison. Le narrateur, de manière très réaliste, rend compte du parler paysan. M. d’Hubières emploie, lui, un vocabulaire juridique (« héritier », « rente ») et développe une argumentation. La différence entre les classes sociales s’entend.2. L’argument est celui de l’argent d’où la réaction scandalisée de la mère : « Vous voulez que j’vous vendions Charlot ? »

II. Un tableau du monde paysan1. Le narrateur focalise l’attention du lecteur sur l’alimentation très simple de cette famille pauvre.2. « Tout cela » pour parler d’individus, « moutard », « mioches » relèvent du registre familier qui laisse entendre le milieu défavorisé de cette famille.

III. Des inégalités sociales cruelles1. Charlot est jaloux de l’aisance sociale de son camarade d’enfance car il aurait pu être à sa place. Sa misère est si grande qu’il reproche à ses parents de ne pas l’avoir vendu et s’en va en les insultant.2. Les morales que proposeront les élèves pourront être variées, tout dépend de leur sensibilité à tel ou tel aspect du texte : « La misère emporte tout, même l’amour », « Aimer son enfant, c’est savoir s’en détacher pour son bien », « La société française du xixe siècle était trop injuste »...

IV. Vidéo d’Olivier Schatzky1. Points communs : le ton de Charlot (« rudement », l. 1), un bon nombre de ses paroles, son départ et la rumeur de la fête donnée en l’honneur de Vallin. Différences : dans l’adaptation, la mère cherche à se justifier au près de son fils puis accable le père au cours d’une dispute violente, elle se suicide ensuite.2. La violence de Charlot envers ses parents (insulte) mais aussi le verbe « disparaître » dont le sujet est Charlot mais que le réalisateur a déplacé sur la mère ont pu suggérer ce suicide.3. Cela provoque un choc. Fidèle à l’intention dénonciatrice de G. de Maupassant, O. Schatzky montre la violence des conséquences de l’injustice sociale sur une vie de famille.

ACTIVITÉ

8. Le réalisme poétique d’« Un cœur simple »

Gustave Flaubert, « Un cœur simple » (texte 7 et texte écho) p. 136

Un portrait révélateur de la simplicité de la servante1. Le portrait commence par :– l’évocation du programme de la journée de travail de Féli-cité ;– la description de ses vêtements ;– l’évocation d’un visage qui semble gommer son âge. Elle est servante avant d’être Félicité.

2. Félicité est présentée comme pieuse, travailleuse, sou-cieuse de la propreté et économe, les qualités de la servante idéale.

3. Félicité a connu une vie difficile faite de sacrifices : « misère de son enfance » (l. 4-5), « déception du premier amour » (l. 5), perte des êtres chers.

Bilan 4. Félicité a un comportement d’automate faisant les mêmes gestes, à la même heure, toute l’année (imparfait d’habitude, indications temporelles : « dès l’aube […] jusqu’au soir, sans interruption », l. 1-2, « en toute saison », l. 12). La phrase composée d’un groupement ternaire au participe passé avec auxiliaire exprimé une fois en dénominateur com-mun, « puis le dîner étant fini, la vaisselle en ordre, et la porte bien close, […] elle enfouissait la bûche sous les cendres et s’endormait devant l’âtre » (l. 3-4), fait d’elle une véritable Cen-drillon qu’aucune fée n’est jamais venue visiter.

Gustave Flaubert, « Un cœur simple », texte 8 (extrait lu) Émile Adan, illustration pour « Un cœur simple » p. 137

Ressources numériquesLecture d’un extrait d’« Un cœur simple » + texte de l’extrait à téléchargerCet extrait, disponible à l’écoute en saisissant le lienmini proposé, est lu par la comédienne Marie-Christine Barrault. Il s’agit de la scène d’« Un cœur simple » au cours de laquelle Félicité fait courageusement face au taureau.

AUDIO

Illustrer un épisode narratif1. Au centre, au second plan derrière Madame Aubain et ses enfants apeurés, Félicité est seule face au taureau, ce qui ne l’empêche pas d’agir.

2. On trouve les deux figures féminines adultes aux robes si différentes puisqu’elles appartiennent à deux milieux sociaux opposés : la paysannerie et la bourgeoisie aisée de province. L’une agit au péril de sa vie, l’autre fuit.

Bilan 3. Avant de lancer les élèves dans cette activité, il serait bon de leur demander comment une illustration peut mettre en avant la bravoure d’un personnage (au centre, au premier plan, jeu de couleurs... ?).

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Gustave Flaubert, « Un cœur simple », texte 9 p. 137

Un cœur pur face à la cupidité des bourgeois1. Le mot « héritiers » (l. 1) appartient au champ lexical juri-dique.2. Les verbes « accourir » (l. 1), « survinrent » (l. 2), le groupe-ment ternaire sans conjonction de coordination « fouilla [...], choisit [...], regagnèrent » (l. 1-3), l’énumération des objets emportés (l. 4-8) montrent bien l’empressement cupide de Paul et sa femme d’autant qu’ils n’ont pas oublié de mettre en vente la maison sans prévenir Félicité qui y habite depuis tant d’années.3. « Ivre de tristesse » est une métaphore montrant l’immense chagrin que Félicité connait. Elle est si triste qu’elle semble ne plus savoir que faire, ni où aller, comme le ferait une personne ivre.4. Elle trouve du réconfort dans la prière, devant son perro-quet empaillé (l. 14-15).5. Le reflet de la lumière dans l’œil de verre de son perroquet l’exalte (l. 16-17).Bilan 6. La poésie de ce passage tient dans son lyrisme : registre soutenu (« vapeur d’azur », l. 19, « humant », l. 20, « sensualité mystique », l. 20, « exhala », l. 23, « cieux », l. 24), groupements binaires avec rimes internes (« plus [...], plus », « comme […] comme », l. 22-23), personnification (« Ses lèvres souriaient », l. 21). On est loin d’une vision objective de la réalité, Félicité est transfigurée pour rendre compte, de la manière la plus fidèle possible, du moment de grâce qu’elle connait au moment de mourir.

▶▶ À l’oral : Justifier un choixCe débat va permettre aux élèves de faire le point sur ce qui a fait la souffrance de la vie de Félicité mais aussi son bonheur :

Félicité, humble, sacrifiée, représentative des paysannes nor-mandes, mais aussi Félicité généreuse, transfigurée, capable de voir la poésie des choses simples.

Activités d’expression p. 138-139

▶▶ Sujet 1 : Écrire la suite d’un dialogue réalisteL’enseignant peut faire chercher quels pourront être les argu-ments de Lheureux : qualité et finesse des matières, élégance de la jeune femme, vente à crédit, prix dérisoire. On peut également faire imaginer quelles pourront être les questions d’Emma, ses marques d’hésitation, l’expression de son envie.

▶▶ Sujet 2 : Décrire un objet à travers le regard d’un personnageLe professeur peut faire repérer le passage où il est question des écharpes et faire relever les éléments de description à développer. À travers quels verbes de perception le point de vue d’Emma sera-t-il évoqué ? Quelles émotions ressentira-t-elle ?

▶▶ Dégager les caractéristiques réalistes d’un tableauLes élèves, en s’aidant des consignes de travail proposées, peuvent être laissés en autonomie pour ce travail final.

▶▶ Exprimer son avis personnel sur un genreCette activité consiste en l’expression d’un avis personnel et argumenté qui nécessite une relecture permettant de faire un bilan sur le mouvement réaliste.Afin d’aider les élèves à apprendre à justifier une préférence, l’enseignant pourra revoir le vocabulaire de la prise de posi-tion, de la modalisation : « à mon sens », « selon moi », « en ce qui me concerne », « il me semble que ». Les raisons du choix peuvent être balisées : sensibilité à la beauté du texte, à une injustice sociale, lecture qui provoque de l’émotion...

DOSSIER Les métiers vus par les peintres du xixe siècle p. 140 à 143

Objectifs et démarches du dOssier▶▶ Nous avons voulu dans ce dossier, qui s’inscrit dans le thème 3 « La fiction pour interroger le réel », proposer des œuvres

picturales donnant à voir des hommes et des femmes au travail. Les élèves découvriront sans doute des métiers disparus dont ils ignoraient l’existence et des œuvres d’artistes parmi les plus célèbres de la seconde moitié du xixe siècle. Intégré entre le parcours « Le récit réaliste, miroir de la réalité » et le parcours « Une vie, une œuvre » consacré à Émile Zola, ce dossier permet aux élèves de réinvestir ou de découvrir par une autre approche des réalités étudiées dans ce thème, en établissant des liens étroits entre la littérature et la peinture.

▶▶ Nous n’avons volontairement pas présenté les œuvres dans un ordre chronologique (Gustave Courbet, considéré comme le chef de file du mouvement réaliste, serait alors apparu en premier, et Claude Monet, maitre incontesté de l’impressionnisme, en dernier) mais dans un ordre thématique : la première double page montre ainsi des travailleurs du monde industriel, la seconde des ouvriers des villes et des campagnes.

▶▶ Ce dossier peut être exploité dans le cadre du Parcours d’Éducation Artistique et Culturelle puisqu’il contribue à s’approprier des repères, à porter un jugement construit et étayé en matière d’art, en décrivant, contextualisant et analysant une œuvre. Pour cela, des questionnaires guideront les élèves et l’activité interactive numérique leur permettra d’aller plus loin dans l’analyse du tableau de Gustave Caillebotte.

▶▶ Suggestion de problématique : quelle réalité du monde du travail les peintres de la seconde moitié du xixe siècle donnent-ils à voir ?

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James Nasmyth, Le Marteau-pilon p. 140

Prendre la mesure de l’homme face à la machine• Le marteau-pilon occupe le centre de la toile, la moitié de sa largeur et presque toute sa hauteur. Les hommes qui l’en-tourent apparaissent bien petits face à elle (on peut deman-der aux élèves d’estimer sa hauteur à partir de celle des sil-houettes des ouvriers).• Les couleurs dominantes sont le rouge, pour la chaleur dégagée par la machine, et le noir et les nuances de gris de la vapeur qui s’échappe du marteau-pilon et des usines que l’on distingue au fond.• Ces différents éléments laissent deviner un travail pénible, éreintant, harassant, qui exige force, précision et attention.

Suggestion d’activité complémentaireProposer aux élèves :– d’observer la fiche détaillée du marteau-pilon à vapeur de James Nasmyth conservé au musée des Arts et Métiers de Paris :http://www.arts-et-metiers.net/musee/marteau-pilon-vapeur-par-nasmyth– de faire ensuite une recherche plus approfondie sur son fonctionnement.

Écho littéraire• Émile Zola compare la machine à un monstre vivant. On fera relever les mots « respiration », « sueur », « organes », « effort » pour justifier la réponse.L’ouïe est particulièrement mise en valeur, comme le montrent les noms « battements », « chocs », « trépidation », « coups » et la comparaison « résonnant comme des cloches ».• À l’oral. On attend un groupe nominal enrichi par au moins une expansion.

Suggestion d’activité complémentaireÉcho sonoreÉcoutez sur le site de l’Ircam un extrait des Fonderies d’acier, du compositeur russe Mossolov, interprété par l’Orchestre Philarmonique de Radio France sous la direction de Sylvain Cambreling :http://medias.ircam.fr/x3a9975_zavod-les-fonderies-dacier-op-19-alexandre• Quels mots de l’extrait d’Émile Zola pouvez-vous associer à cette œuvre ?• Qu’ajoute pour vous le son à vos impressions visuelles ?

Claude Monet, Les Déchargeurs de charbon p. 141

Entrez dans la composition du tableau• Cette première question oblige à observer précisément le tableau pour en saisir le cadre : les lignes verticales sont celles

du pont, des mâts des péniches, des cheminées des usines au fond mais aussi des coltineurs du premier plan.• Les personnages qui rejoignent la péniche se tiennent droit et ont retourné la corbeille vide de charbon sur leur tête ; ceux qui la quittent marchent courbés sur les planches étroites et tiennent d’un bras leur lourd chargement sur l’épaule.• On comprend donc que les personnages placés au premier plan retournent à la péniche pour un nouveau chargement.• L’ensemble des lignes donne l’impression que les charbon-niers sont prisonniers de leur tâche. Il peut faire penser à un réseau de fils enfermant les personnages, à une fourmilière.

▶▶ À vous d’interpréterIl n’y a pas de réponse type. Le visage n’est pas le propos du tableau et les personnages sont réduits à des silhouettes ; c’est la représentation de l’activité qui intéresse le peintre.

Edgar Degas, Les Repasseuses p. 142

▶▶ À vous d’écrireCet exercice peut être préparé par l’analyse des groupes nominaux ou le repérage des adjectifs qualificatifs selon le niveau des élèves. À l’issue de l’activité, les élèves liront leur phrase à leurs camarades et demanderont « Qui suis-je ? », afin de vérifier quel personnage ils ont choisi.

Recréez l’atmosphère de l’atelier de repassageCette activité d’oral permettra de valider la capacité de l’élève à « adapter sa lecture et la moduler en fonction de la nature et de la difficulté du texte » (Socle commun de connaissances, de compétences et de culture). Le professeur pourra séparer la classe en deux groupes et demander aux élèves n’ayant pas lu de déterminer si la compétence est acquise par ceux qui ont effectué la lecture.

Gustave Caillebotte, Les Raboteurs de parquet p. 143

• L’appartement se situe en hauteur : la fenêtre au fond, d’où provient la lumière, laisse apparaitre des toits parisiens au-delà du balcon en fer forgé.• Les outils sont dispersés dans la pièce. Au tout premier plan, une lime est dirigée vers le personnage central et semble guider le regard du spectateur. Une seconde est saisie par l’ouvrier de gauche qui tient un racloir dans sa main droite. À droite, un marteau sépare les deux raboteurs qui utilisent chacun un rabot et un racloir.• La lumière se reflète sur les corps des raboteurs qui tournent le dos à la fenêtre, sur les outils et sur les parties encore mouil-lées du parquet.• Le personnage du centre se dirige vers le fond de la pièce tan-dis que celui de droite avance vers le spectateur. La position de leurs mains et la couleur du parquet travaillé le prouvent.• Gustave Caillebotte parvient en une image à recréer l’atmos-phère du chantier et donne au spectateur l’impression d’assis-ter à une scène en mouvement.Tous ces éléments pourront être précisés grâce à la ressource numérique.

cOrrigé des questiOnnaires

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Ressource numériqueAnalyse du tableau Les Raboteurs de parquetDans cette ressource numérique, les élèves découvriront l’œuvre plus en détails, à travers des commentaires et des mises en valeur de certaines parties du tableau organisés en trois parties :I. Le métier de raboteurII. Une scène réalisteIII. Un cadrage et une lumière photographiques.

ACTIVITÉ

Gustave Courbet, Les Casseurs de pierre p. 143

• La partie la plus sombre du tableau se trouve à l’arrière-plan, mettant ainsi en valeur les deux hommes au travail au premier plan. Les éléments clairs sont leurs chemises et les pierres. Le peintre a ainsi mis en lumière des travailleurs à la tâche pénible.• L’homme à droite est agenouillé sur un coussin de paille ; il est courbé et tient à la main un marteau qui semble bien dérisoire. Il porte un chapeau qui le protège sans doute de la chaleur. Le jeune homme à gauche charrie un lourd panier de pierres déjà cassées. Les deux hommes doivent avoir effectué un long trajet avant d’arriver à cet endroit : le paysage semble désert et l’on voit à droite une marmite, du pain et une cuiller, pour le repas qu’ils ont apporté.• Gustave Courbet n’a pas montré le regard des deux hommes rendus ainsi anonymes ; l’un est de profil, l’autre tourne le

dos au peintre et tous deux sont absorbés par leur travail. On devine que l’homme de droite est le plus âgé, sans doute le plus expérimenté aussi. Le plus jeune s’est vu confier la tâche de porter les pierres. Sa nuque et son bras font penser qu’il s’agit d’un jeune homme.

Ressource numériqueCommentaire de Jules Vallès à propos des Casseurs de pierreOn pourra demander de donner un titre à chacun des paragraphes (la description du tableau, la réaction des spectateurs), puis de repérer le vocabulaire péjoratif.L’élève doit ici formuler un avis personnel justifié.

ACTIVITÉ

Ce dossier peut s’intégrer dans un EPI « Culture et création artistiques », en lien avec le thème 2 du programme d’histoire de la classe de 4e, « L’Europe et le monde au xixe siècle : l’Europe de la révolution industrielle », ou « Sciences, technologie et société », en lien avec les sciences, pour mettre en évidence les relations entre histoire des arts et histoire des techniques.

PARCOURS UNE VIE, UNE ŒUVRE Émile Zola, écrivain témoin p. 144 à 155

Objectifs et démarches du parcOurs

Problématique : Comment un écrivain devient-il témoin de son époque à travers ses propos et son œuvre ?

▶▶ Ce parcours « Une vie, une œuvre » présente Émile Zola en tant qu’écrivain témoin à travers des documents biographiques, des extraits de roman, une sélection d’iconographies et des études préparatoires.

▶▶ L’objectif de ce parcours est de présenter aux élèves un grand écrivain du xixe siècle comme une personnalité ayant eu une vie professionnelle et privée, une existence concrète dans un siècle qui a jeté les jalons de notre époque. Il est essentiel, selon nous, d’ancrer Émile Zola (et tous les autres auteurs) dans une réalité afin de comprendre ses motivations d’homme et ses sources d’inspiration d’écrivain. Cet auteur, chef de file du naturalisme, se prête plus qu’un autre à une réflexion sur les mutations et les progrès de la société qui l’a vu naitre.

▶▶ Ce chapitre vise à permettre aux élèves de :– découvrir un grand écrivain du xixe siècle ;– analyser la méthode de travail d’Émile Zola ;– découvrir des œuvres majeures du xixe siècle à travers de nombreux extraits ;– comprendre les bases du projet des Rougon-Macquart ;– comprendre l’influence des changements de la société du xixe siècle sur l’œuvre d’Émile Zola ;– comprendre comment une œuvre peut devenir le témoignage d’une époque ;– découvrir l'œuvre d'Émile Zola ;– découvrir le travail de l’écrivain, dépassant ainsi le simple documentaire ;– découvrir l’engagement d’Émile Zola.

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1. Faire connaissance avec l’auteur : portraits de l’écrivain et citations

●● Pistes pédagogiquesÀ travers des citations d’Émile Zola et des portraits de l’auteur, cette première double page permet aux élèves de rencontrer à la fois un auteur et un homme. Les citations permettent de comprendre quels sont les enjeux de l’écriture pour cet écri-vain majeur du xixe siècle.

●● Proposition d’hypothèse de lectureQuels différents aspects d’Émile Zola les documents icono-graphiques et citations montrent-ils ?

2. Une jeunesse pleine de contrastes

●● Pistes pédagogiquesIl nous a paru essentiel d’ancrer un grand écrivain comme Émile Zola dans une réalité concrète, celle de son enfance et de sa jeunesse. En effet, les élèves ont souvent une image assez réductrice de ce que sont les écrivains. Or le parcours « Une vie, une œuvre : Émile Zola, écrivain témoin » vise à sensibiliser les élèves au fait qu’un écrivain appartient à une époque, une société et que son œuvre révèle, d’une manière ou d’une autre, quelque chose de sa vie.

●● Proposition d’hypothèse de lectureComprendre la biographie d’Émile Zola et le rôle qu’ont joué son enfance et sa jeunesse sur le grand écrivain qu’il est devenu.

3. Un premier roman entre succès et scandale

Textes 1 et 2 Émile Zola, Thérèse Raquin, 1867 Émile Zola, préface à Thérèse Raquin, 1867 p. 147

●● Pistes pédagogiquesCe premier roman a exposé Émile Zola aux critiques élo-gieuses mais également scandalisées de ses contemporains. Avec Thérèse Raquin, Émile Zola donne à lire une réalité à la fois sociale et psychologique. Ce sera le point de départ de son travail d’écrivain et de ses recherches liant hérédité et milieu social. Devant les réactions virulentes à la réception de son livre, Émile Zola a ressenti la nécessité, lors de la deuxième édition, d’expliquer ses intentions dans une préface. Le par-cours en propose un extrait choisi pour illustrer les enjeux de ce roman.

●● Proposition d’hypothèse de lectureComprendre l’influence des sens et de l’instinct dans le pre-mier roman d’Émile Zola.

4. Les Rougon-Macquart, le projet d’une vie

●● Pistes pédagogiquesCette page introduit au grand projet que sont Les Rougon-Macquart. On comprend que cette œuvre monumentale a été élaborée très précisément et que le projet zolien est quasi-ment scientifique. Une fois le projet abouti, il semble qu’il ne

reste plus qu’à l’écrire. L’arbre généalogique permet de com-prendre les interactions entre les nombreux personnages imaginés par É. Zola pour sa fresque humaine et sociale du xixe siècle. En observant ce document, on comprend l’ampleur de la tache qui attend l’auteur.

●● Proposition d’hypothèse de lectureComment la démarche scientifique d’Émile Zola se manifeste-t-elle dans ses projets d’écriture ?

5. L’affrontement de deux mondes

Texte 3 Émile Zola, Le Ventre de Paris, 1873 p. 149

●● Pistes pédagogiquesDans Le Ventre de Paris, Émile Zola inscrit la lutte entre deux catégories sociales, les Maigres contre les Gras, au sein même d’une famille, faisant ainsi de l’appétit financier et politique un enjeu qui écrase les liens familiaux. Ce roman révèle les bouleversements d’une société où, si certains vivent mieux, ce n’est qu’au détriment d’une grande majorité de petites gens appauvries et exploitées. Ainsi, derrière l’histoire de Florent et de la charcutière Lisa Quenu, c’est toute une société qui est métaphorisée.

●● Proposition d’hypothèse de lectureComprendre la portée politique du roman Le Ventre de Paris.

6. La misère sociale

Texte 4 Émile Zola, L’Assommoir, 1877 p. 150

●● Pistes pédagogiquesToujours soucieux de donner à lire une réalité qu’on ne veut pas voir, Émile Zola met en scène, dans L’Assommoir, la vie de Gervaise. Si l’hérédité portée par ce personnage est lourde, Gervaise est avant tout une femme courageuse et travailleuse. Mais son milieu familial, sa rencontre avec Lan-tier auront raison de ses efforts et finiront par la perdre. Les différentes influences qui s’exercent sur Gervaise (influence du milieu social et influence des sens) démontrent la fatalité sourde qui écrase le peuple.

●● Proposition d’hypothèse de lectureAnalyser un portrait dans un roman réaliste.

7. Les bouleversements de l’économie

Texte 5 Émile Zola, Au Bonheur des Dames, 1883 p. 151

●● Pistes pédagogiquesÀ travers ces deux extraits du Bonheur des Dames, nous pouvons voir comment Émile Zola donne à lire la naissance de notre société de consommation. Denise va passer d’un monde à l’autre, du monde des petits commerçants à celui des grands magasins. Sa destinée faite d’embuches n’en sera pas moins heureuse. Elle affronte les rivalités et les préjugés et sort gagnante à la fin.

OrganisatiOn du chapitre et chOix des axes de lecture

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À travers ce roman, c’est toute une société parisienne qu’É. Zola autopsie. On retrouve les grands changements sociétaux amorcés dans Le Ventre de Paris (p. 149). L’œuvre d’É. Zola est ancrée dans sa réalité, dans cette société en chan-gement dont la nôtre émane.

●● Proposition d’hypothèses de lectureRendre compte des changements d’un monde.Comprendre le rôle de témoignage d’une œuvre réaliste.

8. Une plongée dans le monde ouvrier

●● Pistes pédagogiquesÀ travers ces documents sur la genèse de Germinal, la méthode de travail d’É. Zola est présentée de manière claire. Les croquis et les notes préparatoires de l'écrivain constituent une source d’étude essentielle pour comprendre son travail.

●● Proposition d’hypothèse de lectureComprendre le rôle du travail préparatoire dans la méthode d’Émile Zola.

Texte 6 Émile Zola, Germinal, 1885 p. 153

●● Pistes pédagogiquesAvec cet extrait de Germinal, il nous a paru important de dépasser la recherche documentaire à laquelle se livre Émile Zola pour le travail préparatoire de ses romans. En effet, le tra-vail de l’écrivain n’est pas d’écrire un article encyclopédique. Il dépasse le simple reportage, si bien documenté soit-il. À travers l’étude de procédés littéraires (figures de style, travail sur la langue), l’élève est amené à comprendre la dimension littéraire de l’extrait proposé.

●● Proposition d’hypothèse de lectureComprendre le travail de l’écrivain qui parvient à transformer ses notes et croquis en œuvre littéraire.

9. Une issue à la fatalité

Texte 7 Émile Zola, Le Docteur Pascal, 1893 p. 153

●● Pistes pédagogiquesCet extrait du Docteur Pascal offre une respiration après l’en-semble des extraits proposés. En effet, si Émile Zola s’est atta-ché à donner à lire et à voir toutes les réalités de sa société et de son époque, il ne perd pas de vue pour autant que cette société va subir des changements de fond, des progrès scien-tifiques qui se juguleront aux progrès sociaux pour offrir un mieux-être, un mieux-vivre aux hommes. Ainsi, derrière le Zola réaliste se révèle un Zola humaniste, incarné par le per-sonnage du docteur Pascal, personnage dans lequel Émile Zola met beaucoup de lui-même et qui peut être considéré comme son double littéraire.

●● Proposition d’hypothèse de lectureComprendre comment le progrès scientifique peut permettre un progrès social.

10. La force de l’engagement

Texte 8 Émile Zola, « J’accuse... » p. 154

●● Pistes pédagogiquesSi l’engagement humaniste d’Émile Zola est lisible dans l’en-semble de son œuvre, c’est avec le « J’accuse ... » qu’il est le plus manifeste. En effet, en prenant part – même un peu tard – à l’affaire Dreyfus et en s’engageant pour la défense de cet officier juif d’origine alsacienne accusé à tort, É. Zola met au service de cette cause toute son éloquence et sa force. Gracié en 1899 et réhabilité en 1906, le capitaine Dreyfus deviendra le symbole d’une justice bafouée sur fond d’anti-sémitisme. Pour É. Zola, l’histoire s’arrêtera avant. Après avoir reçu de nombreuses menaces de mort, il meurt en 1902 d’un accident domestique, une intoxication due à la fumée de sa cheminée. Sa mort, encore aujourd’hui, reste un mystère. Le parcours « Une vie, une œuvre » consacré à Albert Londres (p. 208) fait état d’une interrogation similaire : le grand repor-ter Albert Londres est mort également – accidentellement ? – suite à une enquête menée en Chine.

●● Proposition d’hypothèse de lectureComprendre les enjeux de l’engagement d’Émile Zola dans l’affaire Dreyfus.

1. Portraits de l’écrivain et citations p. 145

Faire connaissance avec l’auteurCitations1. Les mots « observateur » et « expérimentateur » appar-tiennent habituellement au champ lexical des sciences. Ce sont des termes que l’on associe à des domaines scientifiques.2. Selon Émile Zola, un romancier ne se contente pas d’inven-ter. Il observe et expérimente.

3. Les trois sources de la méthode proposée par Émile Zola sont : – les livres ;– les témoins ;– l’observation personnelle. L’intérêt de chacune des sources est :– pour les livres, ils renseignent l’auteur sur le passé ;– pour les témoins, ils fournissent à l’auteur des informations sur ce qu’ils ont vu ou sur ce qu’ils savent ;

cOrrigé des questiOnnaires et des exercices

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– pour l’observation personnelle, elle offre à É. Zola un témoi-gnage direct du hic et nunc (ici et maintenant).4. La citation qui prouve pour É. Zola que le rôle de l’écrivain dans la société est de combattre l’injustice et porter un mes-sage humaniste est la dernière citation : « C’est par le livre, et non par l’épée, que l’humanité vaincra le mensonge et l’injustice, conquerra la paix finale de la fraternité entre les peuples... ».Portraits5. On demandera à chaque fois aux élèves de justifier le choix de cet adjectif :– exemples pour le portrait p. 144, par Étienne Carjat : déter-miné, sérieux ;– exemples pour le portrait 1 p. 145, par Édouard Manet : concentré, inspiré ;– exemples pour le portrait 2 : observateur, attentif.Bilan 6. Cette activité a pour objectif de faire la synthèse des informations prélevées lors de cette première étape du par-cours et que les élèves puissent dresser le portrait d’É. Zola écrivain. On sera attentif à ce que les élèves aient bien perçu la particularité de la méthode zolienne.

2. Une jeunesse pleine de contrastes p. 146

Comprendre la biographie

1. Émile Zola est élevé par sa mère et sa grand-mère parce qu’il est orphelin de père très jeune. Il perd son père à l’âge de 7 ans, en 1847. 2. Ses principales activités de collégien sont la lecture inten-sive et l’écriture de poèmes. Il a très tôt le gout de la littérature. 3. Son travail chez Hachette lui permet d’entrer en contact, par les livres d’abord puis par de véritables rencontres, avec des écrivains qui le fascinent. C’est lors de cette expérience professionnelle qu’É. Zola va parfaire son éducation littéraire et qu’il va rencontrer nombre d’écrivains qui le marqueront. Cela aura une influence sur la suite de sa carrière et son ambi-tion de devenir écrivain.4. Ce rôle a été déterminant dans la jeunesse d’É. Zola car la lecture et les livres ont orienté sa carrière professionnelle dans le domaine littéraire. Autodidacte, É. Zola s’est construit seul son bagage littéraire. 5. Face aux critiques que suscite son roman Thérèse Raquin, Émile Zola explique son œuvre. Pour lui, romancier, aucun sujet n’est interdit à la littérature. L’auteur a le droit de tout dire, de tout donner à lire. Il revendique « le droit de fouil-ler l’humanité à son aise ». Ce qui a choqué à l’époque c’est qu’É. Zola prenne pour sujet de son œuvre des milieux sociaux et des personnages auxquels la littérature ne s’intéressait pas auparavant.Bilan 6. Comme on peut le lire dans la biographie, au moment de l’écriture de Thérèse Raquin, les ouvrages lus par Émile Zola appartiennent au domaine de la science sur l’hé-rédité, de la physiologie. Cela peut surprendre car on sépare habituellement la science de la littérature. Or, É. Zola s’inté-resse aux comportements des hommes dans leurs milieux sociaux et naturels et ces comportements ont une part « biologique » et une part « sociale ». Le travail d’É. Zola ne consiste pas à inventer les réactions des personnages qu’il va mettre en scène mais bien de s’approcher au plus près de ce que seraient les réactions physiologiques et psycho-logiques de personnes prises dans le tourbillon de sa trame fictionnelle.

3. Un premier roman entre succès et scandale

Textes 1 et 2 Émile Zola, Thérèse Raquin, 1867 Émile Zola, préface à Thérèse Raquin, 1867 p. 147

Comprendre l’influence des sens et de l’instinctTexte 1 (l. 1-10)1. Les indices de la force virile de Laurent que l’on peut rele-ver sont : « son front bas », « une rude chevelure noire », « ses joues pleines », « ses lèvres rouges », « sa face régulière », « une beauté sanguine », « ce cou […] large, et court, gras et puis-sant », « les grosses mains […] étalées », « les doigts […] car-rés », « le poing fermé devait être énorme […] assommer un bœuf », « son cou de taureau ».2. Le portrait de Laurent est fait à travers de regard de Thérèse. On peut faire noter la première phrase (« Elle contem-plait avec une sorte d’admiration... ») où il est clairement indiqué que Thérèse dévisage Laurent. On pourra faire une introduction sur le point de vue interne (ou focalisation interne).3. Ce portrait de Laurent, vu à travers le regard de Thérèse, permet de deviner en faux le portrait de Camille, l’époux de Thérèse. Si Thérèse observe avec tant de précision Laurent, c’est qu’il est pour elle un objet de curiosité, une nouveauté qu’elle découvre pour la première fois. On peut lire, plus haut dans le roman : « Thérèse, qui n’avait pas encore prononcé une parole, regardait le nouveau venu. Elle n’avait jamais vu un homme. Laurent, grand, fort, le visage frais, l’étonnait » (Thérèse Raquin, chapitre 4).On pourra également attirer l’attention des élèves sur l’ono-mastique. En effet, le choix des prénoms (un prénom mixte pour Camille, un prénom à la sonorité rude – avec le [R] – et une voyelle plus masculine pour Laurent) participe égale-ment de cet effet de contraste entre les deux personnages.

Texte 1 (l. 11-23)4. Laurent est effrayé parce qu’il pense voir Camille, alors que celui-ci s’est noyé. Il cauchemarde et revit la scène terrible de la visite à la morgue, pour identifier le cadavre de Camille (« La face de sa victime était verdâtre et convulsionnée »).5. L’expression « hanté par la culpabilité » est parfaitement rendue dans cet extrait de Thérèse Raquin. En effet, Laurent ne parvient pas à vivre sereinement après le meurtre commis sur Camille, meurtre qu’avec Thérèse ils ont fait passer pour un accident. Cette scène le hante, l’empêche de dormir. Laurent est pris au piège de sa conscience.

Texte 2

Bilan 6. Le projet d’Émile Zola en écrivant Thérèse Raquin est « d’étudier les tempéraments et non des caractères ». É. Zola explique que son but a été « scientifique avant tout ». En effet, il ne s’agit ni de Thérèse, ni de Laurent mais d’êtres qui se sont comportés, se comportent et se comporteront comme ces personnages s’ils étaient placés dans le même schéma. É. Zola veut montrer que l’homme n’est pas libre et que son hérédité, son milieu social et environnemental déterminent son com-portement, ses réactions et ses actions.Les textes 1 et 2 illustrent bien les propos de la préface car Thérèse face à Camille réagit selon le désir physique qu’elle a de lui, sa pulsion de vie, tandis que Laurent a laissé parler sa pulsion de mort face à Laurent, poussé également par le désir qu’il avait de Thérèse. Ces comportements sont déter-minés par des lois physiques et psychiques qui dépassent les personnages, les caractères.

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4. Les Rougon-Macquart, le projet d’une vie

Émile Zola, arbre généalogique des Rougon-Macquart p. 148

Comprendre la démarche scientifique d’Émile Zola1. Un arbre généalogique se lit de bas en haut. On part du per-sonnage/de la personne qui nous intéresse et on remonte le temps en lisant qui ont été ses parents, qui ont été les parents de ses parents (ses grands-parents). Un arbre généalogique permet de comprendre les liens familiaux qui existent entre les membres étendus d’une famille – alliances/mariages compris.2. Les éléments qui permettent de comprendre l’influence de l’hérédité sont :– le choix de l’arbre généalogique pour présenter les person-nages ;– l’utilisation des couleurs ;– la répartition des différentes couleurs dans l’arbre.3. La phrase de la citation qui peut servir de légende à l’arbre généalogique des Rougon-Macquart est : « comment une famille, un petit groupe d’êtres, se comporte dans une société, en s’épanouissant pour donner naissance à dix, à vingt indi-vidus ». On retrouve le champ lexical de la famille (« famille », l. 1, « donner naissance », l. 3). É. Zola utilise ensuite le terme d’« hérédité », terme fondamental pour sa théorie et qu’illustre parfaitement un arbre généalogique. 4. La méthode scientifique est au cœur de ce projet car É. Zola appuie la construction de son œuvre monumentale sur un arbre généalogique et sur les conséquences de l’hérédité sur les différents personnages qu’il va mettre en scène. Après la lecture d’ouvrages scientifiques (notamment l’Introduction à l’étude de la médecine expérimentale de Claude Bernard, publiée en 1865), É. Zola affine son projet qu’il présente comme « l’Histoire naturelle et sociale d’une famille sous le Second Empire ».

Ressource numériqueArbre généalogique des Rougon-MacquartCe document, l'un des arbres généalogiques des Rougon-Macquart établis par Émile Zola, peut être observé dans ses moindres détails en saisissant l’adresse du lienmini. C'est un document essentiel pour comprendre le travail de l'écrivain pour l'élaboration de son projet. Les influences héréditaires sont indiquées par des couleurs et des proportions. La lecture de ce document en classe doit permettre une approche visuelle de la théorie zolienne.

ACTIVITÉ

5. L’affrontement de deux mondes

Texte 3 Émile Zola, Le Ventre de Paris, 1873 p. 149

Comprendre la portée politique du romanl. 1 à 101. Le champ lexical qui domine cet extrait est celui de la lumière : « flambaient », « le soleil », « un grand rayon », « lumière », « un profil sombre », « flammes d’incendie du levant », « une vitre s’allumait », « clarté », « une poussière d’or volante ».

2. Florent est envahi par un sentiment d’émerveillement devant cette cité nouvelle qu’il découvre en revenant à Paris. Il est admiratif de cette architecture impressionnante qui baigne de lumière tout un quartier. Les Halles tranchent avec la grisaille de la ville (« trouant la masse des pavillons », l. 3). Il lève les yeux au ciel comme s’il assistait à une apparition (« Il leva une dernière fois les yeux, il regardait les Halles », l. 1). Florent est saisi d’admiration mais aussi d’étonnement face à une structure qui transforme le quartier qu’il connaissait et qu’il ne reconnait plus.l. 11 à 233. Les Maigres représentent les pauvres du peuple, les pauvres que la société exploite par un travail dur et usant qui ne leur permet pas de subvenir au premier des besoins : manger à sa faim (« les Maigres, pliés par le jeûne », l. 16-17). Les Gras représentent les bourgeois, les commerçants (ceux tenant des commerces de bouche par exemple) qui eux, n’ont pas le souci de la famine et prospèrent au détriment des Maigres (« les Gras, énormes à crever, préparant la goinfrerie du soir », l. 15-16, « encore les Gras, à table, les joues débor-dantes », l. 18).4. Florent et Claude Lantier appartiennent aux « Maigres ». C’est d’ailleurs Claude Lantier qui expose cette théorie des Maigres et des Gras à Florent. 5. « Quels gredins que les honnêtes gens », mots qui terminent l’extrait, illustrent parfaitement Le Ventre de Paris. En effet, ceux que l’on nomme communément les « honnêtes gens » sont les Gras, ceux qui travaillent, certes, mais qui exploitent des faibles et qui prospèrent par l’argent, la nourriture, les biens. Ces « honnêtes gens » ne le sont pas car ils affament les plus pauvres et sont opportunistes. Ils se rangent toujours du côté du pouvoir politique pour s’assurer leurs revenus et être toujours dans la légalité qui arrange leur commerce. Pour eux, les brigands, les voleurs, doivent être mis au ban de la société alors qu’il s’agit, le plus souvent, de pauvres gens, qui volent pour se nourrir, vols que l’on qualifie de « vol par nécessité ». Il est toujours plus facile de critiquer ceux qui ont faim quand on a le ventre plein. On pourra préciser aux élèves le sens du terme de « gredin » : 1. vx. Mendiant ; 2. Personne dénuée de toute valeur morale et ne méritant aucune considération (Trésor de la langue fran-çaise informatisé, http://atilf.atilf.fr).Bilan 6. Le Ventre de Paris peut être considéré comme une métaphore des appétits financiers et politiques parce qu’É. Zola y présente une famille divisée en deux clans, les Gras et les Maigres. Par intérêt financier et par appétit politique, les Quenu dénonceront Florent. Les Quenu protègent leurs intérêts, quitte à dénoncer un membre de leur famille. Ils sont sans scrupule et sans pitié. Les Maigres sont pour eux une vermine sans intérêt et qui leur permet juste d’asseoir leur position.

L'étude de cette page pourrait prendre place dans le cadre d'un EPI autour des évolutions sociales en lien avec, notamment, le professeur d'histoire-géographie et le professeur d'arts plastiques. On pourrait proposer de travailler sur les différentes représentations de cet affrontement social (en art, en histoire, à partir par exemple de documents politiques).

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6. La misère sociale

Texte 4 Émile Zola, L’Assommoir, 1877 p. 150

Donner à lire une réalité qu’on ne veut pas voirl. 1 à 71. La raison de cette « bataille du lavoir » est une rivalité jalouse entre deux femmes. En effet, Gervaise, quittée par Lantier, le père de ses enfants, rencontre Virginie, la nouvelle compagne de ce dernier. Elle se sent humiliée par des allu-sions à sa rupture et Virginie se montre arrogante. Les deux femmes en viennent aux mains.2. Décrire une bagarre entre deux jeunes femmes est aux antipodes de la représentation de la femme dans la littéra-ture du xixe siècle et des siècles précédents. Cette image de la femme violente est contraire aux images véhiculées par la littérature (femme aimante, femme soupirant, femme mater-nelle…). É. Zola a montré une réalité, celle que la société ne voulait pas voir exposée en littérature. C’est cela qui a choqué.

l. 8 à 183. Les termes de vocabulaire argotique sont : « s’embrasser comme du pain », l. 10, « ils étaient gris », l. 10-11, « une vraie vessie de saindoux », l. 12, « leur brûle-gueule », l. 13. On peut attribuer leur emploi à Gervaise qui, sous l’ivresse de l’alcool, se déprave et se laisse aller. Le laisser-aller du lan-gage est un des indices de son alcoolisation. 4. La phrase qui montre que le comportement de Ger-vaise vis-à-vis de l’alcool a changé est « L’odeur ne la gênait plus ; au contraire, elle avait des chatouilles dans le nez, elle trouvait que ça sentait bon » (l. 15-16). On voit que Gervaise prend maintenant plaisir à ce qui la dérangeait il y a peu de temps.Bilan 5. Cette scène a pu scandaliser le public de l’époque parce que Gervaise, une jeune femme, se met à boire comme un homme, en compagnie des hommes, laissant son travail et ses enfants livrés à eux-mêmes. Elle illustre un pan de la société que l’on ne préférait pas voir, ces petites gens vivant dans la misère et qui s’alcoolisent pour pouvoir supporter cette vie.Ici, Gervaise semble – au début – prendre du plaisir à cette ivresse (« elle rigolait toute seule », l. 8, « elle avait des cha-touilles », l. 15, « goûtant la jouissance du lent sommeil dont elle était prise », l. 18). Cette sensualité presque érotique est accentuée par l’écriture zolienne (« jouissance », « était prise »). L’écriture d’É. Zola participe de cette provocation.

▶▶ À l’oral : Débattre d’une lectureCette activité doit permettre de s’assurer de la compréhension de l’extrait lu en classe ou en autonomie. Les élèves seront amenés à donner leur avis et argumenter. Les premières réac-tions pourront se rapprocher de la réception de L’Assommoir au xixe siècle. Il conviendra au professeur de travailler sur le contexte social afin d’affiner une impression première et un jugement de Gervaise trop hâtif.

7. Les bouleversements de l’économie

Texte 5 Émile Zola, Au Bonheur des Dames, 1883 p. 151

Raconter un monde qui change l. 1 à 151. La figure de style qui domine le premier extrait est une métaphore filée (« la cathédrale du commerce », l. 1, « la gale-rie centrale », l. 3, « la vie sonore des hautes nefs », l. 15). L’effet produit par cette métaphore qui ouvre et clôt cet extrait est d’associer ce grand magasin à une cathédrale et de véhiculer l’image que le commerce devient une nouvelle religion pour « un peuple de clientes » (l. 2).2. Les données chiffrées (« le nombre des rayons était de trente-neuf », « l’on comptait dix-huit cents employés », « deux cents femmes », l. 13-14) permettent de donner un ordre de grandeur et surtout de montrer la taille démesurée de ce nou-veau type de commerces. Le terme de « grands » magasins illustre parfaitement ce nouveau mode de consommation. 3. Les deux termes au début et à la fin appartenant au champ lexical de la religion sont « cathédrale » et « nef ». Le parallèle entre le grand magasin et la cathédrale est d’abord architec-tural mais ensuite, on comprend que le commerce devient une nouvelle religion pour le peuple de Paris.

l. 16 à 264. Les impressions qui se dégagent de l’illustration montrant l’intérieur du hall central du Printemps sont : la grandeur, l’opulence, la richesse, la beauté.Le lieu est magnifique, il semble même surdimensionné par rapport à la taille des personnages. Le nombre d’étages est impressionnant et renforce l’impression d’opulence. On a le sentiment que tout est à portée de main et que rien ne manque.5. Pour séduire les femmes « sans coquetterie », celles qui ne font pas d’achats pour elles (robes, accessoires), Octave Mouret imagine de passer par le biais de leurs enfants. Octave Mouret fait distribuer « à chaque acheteuse, des ballons rouges » (l. 22-23). Cette nouvelle publicité véhiculée par un jouet d’enfant va attirer de nouvelles clientes qui ne viendront pas dans le grand magasin pour elles, mais pour leurs enfants. Un rayon « pour petits garçons et fillettes » (l. 19) les attend à bras ouverts. 6. Le synonyme de réclame que l’on peut donner est « publi-cité ».

Bilan 7. Ce texte est très proche de notre réalité actuelle où le « shopping » devient un loisir à part entière pour les Français. En effet, le dimanche, de plus en plus de commerces restent ouverts et les Français s’y rendent volontiers au détriment des promenades ou des sorties dans les lieux culturels.Octave Mouret, avec ses ballons rouges, a été le précurseur de ce qui s’est largement développé : les programmes de fidélité dans les magasins, les cadeaux publicitaires qui n’ont pas d’autre intérêt que d’attirer des clients et de leur faire consommer des produits dont, le plus souvent, ils n’ont pas besoin mais dont ils ont envie.

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Ressource numérique« Émile Zola, Au Bonheur des Dames »Cette ressource numérique permet aux élèves, à travers des extraits du roman questionnés et des documents iconographiques regroupés en quatre thèmes, de découvrir le portrait et le parcours du personnage de Denise dans le roman Au Bonheur des Dames.Cette ressource permet une approche de ce roman et de comprendre l'évolution personnelle et sociale de Denise. Elle offre la possibilité de lancer une lecture cursive dont elle propose des étapes.

I. L'émerveillement de DeniseL'extrait permet de comprendre le titre du roman Au Bonheur des Dames car il s'agit de la description par énumération de tous les types d'articles que l'on peut trouver dans ce grand magasin. Tous ces articles vont contribuer à faire le « bonheur » des dames.

II. Un temple de la modeLa comparaison qui montre que le magasin est à la fois un monument et un dépaysement pour les clients est « c'était comme une nef de gare » (l. 1). En effet, la comparaison avec cet élément architectural associe le grand magasin à un monument – parisien, ce magasin se trouvant à Paris. Mais l'élément comparant, « une nef de gare », l’associe également à une invitation au voyage, au dépaysement. La métaphore qui associe l'architecture au tissu est « une dentelle compliquée » (l. 5). Le bâtiment du magasin s'associe à son contenu (« dentelle »).

III. Une vendeuse de qualitéPour exercer son métier, Denise doit faire preuve de nombreuses qualités comme la patience, l'endurance, la courtoisie, la politesse, la gentillesse.Face aux nombreux allers-retours qu'elle dit effectuer pour présenter des tenues aux clientes, elle ne doit pas montrer de signe d'agacement ni de fatigue. Elle doit se montrer souriante et de bon conseil.L'expression qui le prouve est « sans se permettre un geste d'humeur » (l. 10).

IV. Un bonheur inespéréLes derniers mots du roman sont « toute-puissante ». Ils révèlent que Denise a atteint un but inespéré pour elle au début du roman : sa force, son intelligence et sa persévérance lui ont permis d'accéder à un bonheur intime et professionnel.

ACTIVITÉ

8. Une plongée dans le monde ouvrier

Émile Zola, croquis du « Voreux » et topographie générale de Germinal p. 152

Comprendre le rôle du travail préparatoire1. Les deux camps qui s’affrontent dans Germinal sont les salariés et les patrons. C’est le roman de la lutte des classes sociales.

2. Cette lutte est la conséquence d’un nouveau système éco-nomique né avec l’industrialisation et la production de masse. En effet, au xixe siècle, la société se transforme en profondeur et les relations entre employés/ouvriers et patrons sont sou-mises à des notions de production et surtout de rentabilité. Les ouvriers sont très peu payés et leurs conditions de travail sont extrêmement difficiles, ainsi que le montre notamment Germinal qui est le roman de la mine.3. Émile Zola avait raison en déclarant que ce roman était visionnaire car aujourd’hui les relations entre employés et patrons sont tendues. Le fort taux de chômage exerce une pression constante sur les salariés qui ont des réticences à défendre leurs droits. Les patrons peuvent agiter ce spectre du chômage pour garder leurs salariés malgré des conditions de travail difficiles et les personnes les moins qualifiées sont, comme toujours, les plus vulnérables. 4. Le croquis du Voreux, réalisé par É. Zola, a aidé l’écrivain à avoir une vision d’ensemble de la fosse et de la mine. Il a pu ainsi élaborer son roman autour d’un lieu construit et pensé autour de la mine. L’effet de réel qui en découle participe au réalisme du roman.Bilan 5. Ces documents illustrent parfaitement la méthode de travail d’É. Zola : en effet, comme il l’expliquait dans Nouvelle campagne, 1896 (voir citation page 145 du manuel), l’observation personnelle fait partie de ses trois sources de travail. En se rendant sur les lieux de l’action de son futur roman, É. Zola se plonge dans la vie des personnages qu’il va mettre en scène. Il interroge les gens, il s’intéresse à leur façon de vivre, de travailler. É. Zola intègre tous ces éléments, il les organise ensuite dans son roman afin de recréer l’uni-vers désiré. Si les romans zoliens semblent être très fidèles à une certaine réalité, il ne faut pas non plus négliger le travail de l’écrivain et le fait que tout ce qui est observé et noté l’est par le prisme d’É. Zola.On pourra proposer aux élèves la lecture du « Le savez-vous ? » qui permet de comprendre la méthode de travail d’É. Zola. En effet, très organisé, l'auteur procède par étapes. Les élèves pourront retrouver tout au long du parcours des éléments permettant de comprendre la genèse de son œuvre.

Texte 6 Émile Zola, Germinal, 1885 p. 153

Comprendre le travail de l’écrivain1. Lignes 1 à 15, le vocabulaire technique utilisé par Émile Zola est : « la baraque », « la cage de fer », « deux berlines », « des bois de taille », « du porte-voix », « du câble ». Ce vocabu-laire est la preuve de l’enquête d’É. Zola sur le terrain, la mine, car ce vocabulaire n’est pas du vocabulaire courant. É. Zola a dû se renseigner pour savoir à quoi il faisait référence et pour pouvoir l’utiliser correctement dans son œuvre.2. Les éléments de la photographie que l’on retrouve dans le texte sont : la cage de fer (l. 4), les ouvriers qui « s’empilaient » (l. 9), les câbles de fer (l. 15), les berlines dans lesquelles s’en-tassent les ouvriers (l. 8). 3. Lignes 16 à 25, les éléments qui rendent compte de la cadence de travail sont : « [la cage] replongea, puis jaillit de nouveau », « au bout de quatre minutes », « cela s’emplissait, s’emplissait encore ». 4. Le champ lexical de la faim présent dans le texte est : « engloutir », « dévora », « d’une gueule plus ou moins glou-tonne », « toujours affamé », « de boyaux géants » « capable de digérer un peuple », « s’emplissait », « vorace ».

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La mine est associée à un monstre qui dévore les ouvriers à un rythme infernal. Tous les termes filent la métaphore qui pro-duit un effet terrifiant.Bilan 5. É. Zola parvient à dépasser le simple reportage car, aux informations techniques, au jargon professionnel, il asso-cie l’écriture littéraire en filant des métaphores, en créant une atmosphère. Ce n’est pas une enquête journalistique, ni un documentaire sur le monde ouvrier minier mais bien une œuvre littéraire qu’É. Zola crée.

9. Une issue à la fatalité

Texte 7 Émile Zola, Le Docteur Pascal, 1893 p. 153

Expliquer les raisons d’espérer1. Le docteur Pascal travaille sur l’hérédité. On remarque que le docteur Pascal travaille, comme É. Zola, sur l’hérédité. Le docteur Pascal serait comme le double fictionnel de l’auteur. É. Zola a transposé dans ce personnage son propre travail de recherche et les connaissances qu’il a acquises par ses lec-tures (voir page 148). 2. Malgré le fait d’être confronté à la maladie et à la mort, le docteur Pascal garde espoir car il pense que la science, la médecine et la recherche peuvent améliorer la condition physique de l’Homme. Il rêve pour l’Homme de « ne plus être malade, ne plus souffrir, mourir le moins possible » (l. 6-7). Cette confiance en l’avenir lui vient des progrès de la médecine qui auront, selon lui, des conséquences sociales : « Lorsque tous seraient sains, forts, intelligents, il n’y aurait plus qu’un peuple supérieur, infiniment sage et heureux » (l. 10-11).

10. La force de l’engagement

Texte 8 Émile Zola, « J’accuse... » Caran d’Ache, caricature « Un dîner en famille » p. 154

Comprendre les enjeux de l’engagement1. La deuxième vignette de la caricature de Caran d’Ache fait une ellipse narrative avec la première vignette. On comprend que les membres du diner ont parlé de l’affaire Dreyfus à table et que cette conservation s’est terminée par une bagarre. Ce « dîner en famille » symbolise la France divisée par l’affaire Dreyfus car la France représente cette famille, cette patrie qu’une simple conversation à table ayant pour sujet « l’affaire Dreyfus » suffit à transformer en deux camps opposés.2. Pour Émile Zola, les deux camps qui s’affrontent sont :– « les coupables qui ne veulent pas que la lumière se fasse » (l. 4) ;– « les justiciers qui donneront leur vie pour qu’elle soit faite » (l. 5).É. Zola appartient au deuxième camp, ceux des justiciers. On peut remarquer l’emploi du futur et non du conditionnel (« qui donneront leur vie »). É. Zola s’engage véritablement dans ce combat de la vérité (« Je n’ai qu’une passion, celle de la lumière », l. 12).

3. La phrase « la vérité est en marche, rien ne l’arrêtera » affirme que même si É. Zola ne parvient pas à faire éclater la vérité, son combat ne restera pas vain. Il sera poursuivi par d’autres « justiciers » comme lui, qui continueront le combat, comme É. Zola le poursuit après la famille de Dreyfus. Cette affaire ne saurait plus être étouffée par une justice frileuse, des gouvernements antisémites.Bilan 4. La courte phrase « J’attends » à la fin de la lettre sonne comme un couperet. La lettre « J’accuse » d’É. Zola est longue (« Mais cette lettre est longue, monsieur le Président », l. 10), car elle est comme une plaidoirie de tribunal. Maintenant qu’É. Zola a présenté toute l’affaire, qu’il a exposé ses argu-ments, il attend une réponse du Président. Il n’y a plus de débat à avoir et É. Zola ne laisse aucune contre-argumentation suivre sa lettre. C’est le sens de la courte phrase « J’attends ».

Activité d’expression p. 155

▶▶ Rédiger une description à la manière d’Émile ZolaCette activité d’écriture a pour objectifs de mettre les élèves face à la méthode d’Émile Zola et de l’expérimenter eux-mêmes afin d'en comprendre l'intérêt et la pertinence. En leur demandant d’introduire des termes techniques dans leurs descriptions, on incitera les élèves à se documenter et ainsi, à reproduire les premières étapes de la méthode zolienne. Puis, quand il s’agira de mettre en avant le travail de l’écrivain, en tant qu’artiste, on travaillera l’utilisation des figures de style (telles les métaphores et les comparaisons).Pour réaliser cette activité, on pourra procéder par étape (comme le fait É. Zola). On pourra proposer aux élèves de se documenter sur le lieu qu'ils ont choisi de décrire, soit en utilisant des usuels, des ouvrages spécifiques, des ressources numériques, soit en se rendant directement sur les lieux.Ensuite, on pourra suggérer aux élèves d'établir un croquis, un plan du lieu qu'ils souhaitent décrire en intégrant des élé-ments très précis et pourquoi pas une échelle de dimension.Enfin, le travail sur le vocabulaire spécifique pourra être réa-lisé en classe, avec l'aide du professeur.Le travail sur brouillon parait essentiel dans ce type d'activité où il s'agit de dépasser la simple énumération descriptive. On pourra, pour ce faire, relire les extraits proposés page 149 et l'extrait « Le temple de la mode » dans la ressource numérique proposée page 151 (lienmini.fr/jdl4-T309).

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La Bête humaine, de Jean Renoir, photographie du tournage du film p. 156

Vocabulaire du cinéma. Le chef opérateur se trouve derrière la caméra, au premier plan sur la gauche. Les acteurs princi-paux (Jean Gabin et Simone Simon) occupent le milieu de l’image, ils se trouvent dans le champ de la caméra. L’homme vêtu de noir qui se tient près de l’actrice est Jean Renoir, le metteur en scène. On imagine qu’il donne des consignes de jeu aux acteurs. Les autres personnes présentes sur le tour-nage sont des techniciens dont la fonction n’est pas claire-ment identifiable. On peut cependant supposer que la femme au second plan est la scripte : le document qu’elle tient à la main est celui sur lequel elle consigne tous les détails de la scène qui a été tournée ou va l’être.

Ressource numérique« Les métiers du cinéma »Cette ressource composée de plusieurs diapositives comprenant des textes et des images consacrés à la présentation de différents métiers du cinéma peut s’inscrire dans le parcours Avenir dont l’objectif est de permettre « à chaque élève de construire progressivement son orientation et de découvrir le monde économique et professionnel ».

ACTIVITÉ

Découvrir1. La photographie en noir et blanc est prise de nuit. Au pre-mier plan sur la gauche se tient une grande partie de l’équipe de tournage. Au second plan se trouvent Jean Renoir et les acteurs. Des rails filent du premier plan vers l’arrière-plan où est arrêtée une locomotive et partagent la photographie en deux. De part et d’autre s’élèvent tas de charbon, baraque-ments et bâtiments administratifs. La présence de l’équipe de tournage indique qu’il ne s’agit pas d’un photogramme du film.2. Il s’agit de Janques Lantier et Séverine Roubaud sur une voie de chemin de fer, sans doute lors d’un rendez-vous amoureux.3. Les personnages masculins sont tous liés à l’univers fer-roviaire, du président (Grandmorin) au simple mécanicien (Lantier) en passant par le sous-chef de gare (Roubaud). Tout le décor de la photographie souligne ce point commun : rails, locomotives, piliers métalliques, tas de charbon, etc.Grandmorin, Roubaud et Lantier sont également réunis par la figure féminine de Séverine, incarnée par Simone Simon debout au milieu de la photographie, dont ils sont respective-ment le parrain, le mari et l’amant.

ATELIER D’EXPRESSION La Bête humaine, de l’écrit à l’écran p. 156 à 161

Objectifs et démarches de l’atelier▶▶ « La Bête humaine : de l’écrit à l’écran » est un atelier d’expression qui invite les élèves à découvrir deux œuvres du patrimoine

national : le roman naturaliste écrit par Émile Zola en 1890 et l’adaptation cinématographique réalisée par Jean Renoir un demi-siècle plus tard, dans la veine du réalisme poétique.

▶▶ Les personnages, l’intrigue principale et les ressorts dramatiques sont présentés aux élèves dans des activités de repérage et d’analyse qui font dialoguer extraits du roman, extrait de la bande-son et extraits vidéo. L’objectif n’est pas de donner aux élèves une connaissance exhaustive du roman ou du film, mais bien de les conduire à une réflexion, nourrie d’un va-et-vient régulier entre l’un et l’autre, sur les langages : la langue littéraire et l’expression cinématographique.

▶▶ L’atelier est émaillé de notes sur le vocabulaire du cinéma qui permettent aux élèves de comprendre la spécificité du langage cinématographique et qui les aideront par la suite à écrire leur film.

▶▶ L’atelier fait travailler la réception des œuvres et conduit les élèves à devenir des lecteurs et des spectateurs éclairés qui s’interrogent sur le sens des choix stylistiques et techniques : réflexion sur le point de vue (p. 157, 158, 159), sur les discours rapportés et les dialogues du film (p. 157, 161), choix narratifs (p. 158, 159).

▶▶ Pour la réalisation du court-métrage, les élèves prennent appui sur ce qu’ils savent de l’intrigue et des personnages et mettent en œuvre les procédés cinématographiques qu’ils ont découverts. Il importe qu’à chaque étape les choix soient négociés et motivés. Tout au long du travail de préparation avant le tournage, l’enseignant invite les élèves à expliciter leurs choix : pourquoi opter pour tel cadrage ? Pourquoi décider de filmer ou de ne pas filmer la Lison ? etc.

▶▶ Cet atelier permet aux élèves : – de se constituer une culture littéraire et artistique (préambule au programme du cycle 4) ;– de comprendre et d’utiliser les langages pour penser et communiquer, en particulier la langue française et le langage cinématographique (domaine 1 SCCC) ;– d’utiliser des outils pour apprendre : recours au numérique pour la prise de vue, le montage et la diffusion du court-métrage (domaine 2 SCCC).

cOrrigé des questiOnnaires et des exercices

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1. Jacques Lantier et la Lison

Jean Renoir, La Bête humaine (photogrammes) Jean Renoir, La Bête humaine (extrait) p. 157

Analyser1. C’est du point de vue de Lantier que le spectateur découvre la carrosserie de la locomotive et le paysage du photo-gramme 1 : le mécanicien se penche au dehors par l’ouverture à gauche, surveille le trajet afin d’anticiper les obstacles et de faire les éventuels réglages. Le réalisateur utilise ici la caméra subjective puisqu’il met le spectateur à la place de Lantier. En contre-champ, le réalisateur, après avoir montré ce que voit Lantier, filme le visage du personnage penché à la fenêtre (photogramme 2).Sur le photogramme 4, Lantier est vu par Pecqueux le chauf-feur qui partage la cabine avec lui. L’extrait vidéo montre bien les deux hommes au travail, duo complice et efficace.

Ressource numériqueExtrait du film La Bête humaine, de J. RenoirL’extrait correspond aux toutes premières minutes du film : muet, à l’exception de deux consignes criées par le mécanicien, l’extrait est marqué par le son in, assourdissant. L’extrait permet aux élèves de comprendre les différents points de vue et notamment de repérer qui voit ce qui est montré sur les photogrammes 1 et 4.

VIDÉO

2. À l’exception du deuxième photogramme, la locomotive est omniprésente : elle occupe plus de la moitié de l’image. Le réalisateur en montre la carrosserie et l’intérieur. C’est un personnage à part entière : plus loin, lorsque Lantier présente la Lison à Séverine, il en parle comme d’une femme.3. La force motrice et la robustesse de la machine sont percep-tibles sur les photogrammes 1 et 2 et les plans dont ils sont tirés. L’extrait vidéo permet de voir que l’impression de vitesse est par-ticulièrement bien rendue par le visage de Lantier cinglé par le vent et le bruit du ferraillement des roues sur les rails. Les photo-grammes 4 et 5 attirent l’attention sur tous les cadrans de mesure que surveille le mécanicien et qu’il règle minutieusement.4. C’est une relation presque amoureuse qui unit Lantier à sa machine : « Jacques, par tendresse, en avait fait un nom de femme » qu’il prononce « avec une douceur caressante » (extrait du texte d’É. Zola, l. 12-13). Lorsqu’il montre sa machine à Séverine qui s’étonne du nom qu’elle porte, le per-sonnage du film évoque ses sentiments : « Ah bah quand on aime quelqu’un, on n’a pas idée de l’appeler par un numéro, hein ? » (dialogues du film, l. 4-5).5. La figure de style employée est la personnification. La Lison est personnifiée dans l’extrait du roman et dans les dialo-gues du film : c’est, pour Lantier, une personne à part entière, presque une femme à qui il prodigue des soins et accorde une grande attention.

Ressource numérique ACTIVITÉ

« La Lison dans La Bête humaine »Cette ressource numérique propose trois passages supplémentaires de l’œuvre d’É. Zola, tirés des chapitres 5, 8 et 10, et permet aux élèves de comprendre que la locomotive est un personnage central du roman, tout à la fois machine, animal et femme.

I. Jacques et la Lison1. « Les bons soins tendres d’un mécanicien » sont traduits par tous les gestes et toutes les attentions de Lantier pour la Lison : « Sans cesse, on le voyait l’essuyer, l’astiquer » (l. 5-6), « il profitait de ce qu’elle était encore chaude pour la mieux nettoyer » (l. 7-8), « Il ne la bousculait jamais non plus » (l. 8-9). La comparaison avec les bêtes fumantes souligne la tendresse des gestes de Lantier : « bouchonner » signifier « frictionner », mais aussi « dorloter », « câliner ».2. Alors que Jacques a toujours été satisfait de la Lison, de sa régularité, qu’il s’est jusqu’alors senti heureux en la conduisant et qu’il avait toujours eu une relation harmonieuse avec elle (« Aussi tous deux avaient-ils toujours fait si bon ménage… », l. 10-11), l’inexplicable consommation de graisse semble bouleverser son rapport à la locomotive. Il éprouve de la rancune (« il avait sur le cœur », l. 14-15), de l’« inquiétude » (l. 16), de la « défiance » (l. 17) à l’égard de la Lison. La dernière phrase de l’extrait montre que l’arrivée de Séverine dans la vie de Lantier éloigne celui-ci de sa machine.

II. La Lison délaissée1. Le comportement de Jacques vis-à-vis de la Lison a complétement changé. À la tendresse et aux bons soins d’autrefois succèdent, dans cette scène, l’exaspération, la brusquerie et les insultes : « il la rudoyait » (l. 5) ; « Jamais elle ne montera […] parlait pas en route » (l. 7), « Et, ce qu’il n’avait pas fait trois fois dans sa vie…en marche » (l. 12-13), « Sale rosse ! murmura-t-il » (l. 23).2. Jacques décide de graisser la locomotive en marche : il court, à tout moment, le risque de tomber à cause des secousses, de la vitesse, du vent et de la neige. La comparaison « balayer comme une paille » montre la fragilité de Lantier et le terrible péril auquel il s’expose.

III. La mort de la Lison1. « blanches » qualifie « haleine », « rouges » qualifie « braises » et « noires » qualifie « fumées ».2. Les passages à surligner sont indiqués ici en gras.

La Lison, renversée sur les reins, le ventre ouvert, perdait sa vapeur, par les robinets arrachés, les tuyaux crevés, en des souffles qui grondaient, pareils

à des râles furieux de géante. Une haleine blanche en sortait, inépuisable, roulant d’épais tourbillons au ras du sol, pendant que du foyer, les braises tombées, rouges comme le sang même des entrailles, ajoutaient leurs fumées noires. La cheminée, dans la violence du choc, était entrée en terre ; à l’endroit où il avait porté, le châssis s’était rompu, faussant les deux longerons ; et, les roues en l’air, semblable à une cavale monstrueuse, décousue par quelque formidable coup de corne, la Lison montrait ses bielles tordues, ses cylindres cassés, ses tiroirs et leurs excentriques écrasés, toute une affreuse plaie bâillant au plein air, par où l’âme continuait de sortir, avec un fracas d’enragé désespoir.

3. « Une haleine blanche en sortait, inépuisable, roulant d’épais tourbillons au ras du sol » (l. 3-4).

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Les tableaux de Claude Monet et Hans Baluschek présentés dans cette ressource numérique peuvent être exploités en lien avec le programme d’histoire-géographie (thème 2, « L’Europe et le monde au xixe siècle : L’Europe de la “révolution industrielle” »).

2. Le meurtre de Grandmorin

Jean Renoir, La Bête humaine (photogrammes) Jean Renoir, La Bête humaine (extrait) p. 158-159

Ressource numériqueBande-son de l’extraitLa musique symphonique qui va crescendo crée un climat anxiogène. Elle devient rapidement tonitruante, couvrant en grande partie le son in, faisant presque disparaitre le bruit du ferraillement des roues sur les rails, jusqu’au moment que l’auditeur peut percevoir comme une sorte d’acmé : un évènement tragique vient de se produire.

AUDIO

Analyser1. Le regard de Séverine accroche celui du spectateur : elle parait tout à la fois déterminée et anxieuse (photogramme 1). Ses yeux semblent perdus dans le vague ou concentrés sur ce qui l’attend. Roubaud fait entrer Séverine de force dans le compartiment : elle devient le complice passif et la specta-trice du meurtre (photogrammes 3 à 5).2. L’acteur jouant Roubaud est filmé en plongée : la caméra est placée au-dessus de lui. Cet angle de prise de vue a ten-dance à écraser le personnage et pourrait symboliser le poids de la culpabilité, par anticipation.3. Grandmorin est assassiné au cours de la séquence entre les photogrammes 4 et 6. Ce qui a précédé a préparé le spec-tateur au crime : l’air concentré et agressif de Roubaud (pho-togramme 2), la contrainte qu’il a exercée sur Séverine pour qu’elle entre dans le compartiment de Grandmorin, enfin le rideau qu’il baisse précipitamment pour dissimuler le forfait.Le choix de ne pas montrer le meurtre génère l’angoisse du spectateur dont l’imagination reconstitue ce qui n’est pas montré à l’écran.4. Bien que le crime soit dérobé à la vue du spectateur, celui-ci sait, lorsqu’il voit sortir Roubaud et Séverine du compartiment, qu’ils ont tué Grandmorin. Les agents découvrent le corps du président de la compagnie de chemin de fer, qui n’est d’abord pas montré à l’écran, mais qui reste hors-champ. La stupéfac-tion et l’angoisse que le spectateur lit sur le visage des deux hommes laissent imaginer l’horreur de leur découverte. Ce procédé est fréquemment utilisé dans les films d’horreur : la dramatisation des scènes les plus violentes est souvent ren-due par le visage terrifié des personnages qui font face à un danger, à un monstre, à une situation angoissante, plus que par l’image même de ce danger. Le hors-champ a ici toute son importance et constitue un ressort dramatique : le spectateur, grâce au contexte, peut le reconstituer.

▶▶ À l’oral : Comprendre les choix d’un réalisateur • La scène est vue de l’extérieur, comme si le spectateur était placé à bord d’un autre train roulant de conserve avec la Lison.

Dans le roman d’Émile Zola, le point de vue est clairement identifié, c’est celui de Lantier qui se trouve alors sur le talus et est le témoin de la fugitive scène de crime dans le train en marche : « Et Jacques, très distinctement, à ce quart précis de seconde, aperçut » (l. 6-8). Le train passe à vive allure et Lan-tier regarde s’éloigner « les trois feux de l’arrière, le triangle rouge » (l. 16-17).• Jean Renoir n’a pas filmé la scène de crime qu’Émile Zola décrit dans le passage suivant : « Et Jacques […] l’assassiné » (l. 6-14). Pour aider les élèves à faire une lecture expressive de cette phrase, l’enseignant peut les inviter à repérer ce qui relève de la description du crime violent (« plantait un cou-teau dans la gorge », l. 10-11, « jambes convulsives de l’assas-siné », l. 13-14) et ce qui concerne les suppositions que fait Lantier sur ce qu’il voit (« peut-être » répété deux fois, l. 11 et 12). La comparaison entre le passage du roman et les pho-togrammes montre aux élèves que le réalisateur ne fait pas seulement une « traduction en images » du roman : il choisit ce qu’il veut montrer à l’écran (cf. « Le savez-vous ? »).

3. Les visages de Séverine

Un regard bouleversant (photogramme et extrait du chapitre 3) p. 160

Analyser1. Le photogramme montre très précisément la scène décrite dans l’extrait du chapitre 3. La communication entre Lantier et Séverine est exclusivement non verbale : l’échange et la nature des regards tiennent lieu de paroles.Émile Zola insiste sur ce rapport muet mais qui cependant en dit long : « douceur effarée de ses yeux bleus » (l. 1-2), « il ne la quittait plus du regard » (l. 3), « pour fixer sur lui ses yeux en larmes » (l. 8-9), « rencontra de nouveau ses larges yeux » (l. 10-11). Dans le film, les yeux levés de Séverine sont implo-rants. C’est un regard qui sollicite, qui accroche, qui « parle » en quelque sorte. On comprend que Lantier se trouve hors-champ. Le texte, comme le film, montre le pouvoir de fascina-tion du regard de Séverine.2. Séverine inspire la pitié du lecteur, Émile Zola la décrit « pleurante et pâle » (l. 1), avec des yeux dont la douceur est « effarée » (l. 1-2), « terrifiée et suppliante » (l. 11), agrandis par les larmes. Le visage et les yeux baignés de larmes de la jeune femme émeuvent Lantier et le troublent. Il en est « étourdi » (l. 4) et se trouve « profondément remué » (l. 1-12) par les regards que lui adresse Séverine.3. Le travelling optique permet de produire un zoom avant qui donne l’illusion d’un mouvement vers l’avant (cependant la caméra ne bouge pas). Le spectateur a l’impression de se rapprocher très près du visage de Séverine qui apparait en gros plan à l’écran. Par ce procédé, Renoir montre qu’elle est un personnage-clé, il invite le spectateur à s’interroger sur sa culpabilité, son pouvoir de manipulation et peut-être sur ses talents d’actrice : est-elle aussi effarée que le disent ses yeux ?

La naissance de l’amour (photogramme et extrait du chapitre 5) p. 160

Analyser1. Le spectateur du film sait qu’elle a été contrainte par son mari à entrer dans le compartiment de Grandmorin et qu’elle a assisté à la scène. Dans le roman d’Émile Zola, Séverine nie sa culpabilité à deux reprises (l. 5 et 9). Cependant, la justifi-cation de son innocence est suspecte : « Et elle disait cela, non

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pour le convaincre, lui, mais uniquement pour l’avertir qu’elle devait être innocente, aux yeux des autres » (l. 6-8).2. Séverine use de son charme sur Lantier et joue sur l’amour naissant : « Vous ne me ferez plus la peine de croire que je suis coupable » (l. 9-10). Le visage éploré de Séverine dans l’extrait précédent semble alors contrefait : c’est une femme manipu-latrice qui sait le pouvoir qu’elle a sur Lantier (« elle le défiait bien de parler maintenant », l. 13-14).3. Doigts et mains entrelacés des acteurs jouant Lantier et Séverine matérialisent « le lien [qui] était noué entre eux ».4. Lantier et Séverine deviennent amants peu après le meurtre. Le charme vénéneux de la jeune femme trouble Lan-tier : leur liaison commence par une invitation au mensonge. Lantier sait que Séverine n’est pas tout à fait innocente du meurtre, qu’elle y a joué un rôle, de complice silencieux à tout le moins. Et Séverine a conscience que Lantier n’est pas dupe. Les deux amants sont unis par le mensonge.

Une intention diabolique (photogramme et extrait du chapitre 8) p. 161

Analyser1. Zola a recours au discours indirect libre pour nous faire entrer dans la conscience de Séverine : « Puisqu’il voulait le tuer, pourquoi donc ne le tuait-il pas, cet homme gênant ? » (l. 7-8).2. De nouveau, Séverine use de son charme et joue sur les sentiments de Lantier pour l’enhardir et le pousser à tuer son mari : elle lui promet un amour plus fort et l’assure de leur bonheur une fois le forfait commis (l. 11-12).3. Lantier et Séverine, cadrés en plan américain (cf. encadré « Vocabulaire du cinéma »), apparaissent de dos, serrés l’un contre l’autre : Lantier tient à la main un pied de biche qu’il vient de ramasser, Séverine agrippe Lantier, un bras passé sous son aisselle. L’ombre portée est celle de Roubaud qui va bientôt apparaitre à l’écran et que les deux amants guettent.4. Le choix du plan américain met au premier plan l’arme que tient Lantier. Tous les ingrédients du meurtre sont alors réu-nis : la victime dont l’ombre glisse à l’arrière-plan, le meurtrier et sa complice ainsi que l’arme pour perpétrer le crime.5. Dans le décor nocturne, la main de Séverine cramponnée dans le dos de Lantier forme une tache blanche qui attire l’attention du spectateur : les doigts recroquevillés agrippent Lantier et semblent exercer une pression pour l’encourager à agir. Séverine est le commanditaire déterminé du meurtre.

▶▶ Graine de savoirSéverine, pourtant jouée par une actrice au physique de femme-enfant, incarne parfaitement la femme fatale : elle manipule Lantier dès le début par son charme et ses regards suppliants. Par la suite, elle le pousse au crime en lui promet-tant que leur amour en ressortirait grandi.

▶▶ À l’oralTous les ingrédients semblent réunis pour une fin tragique : liaison adultère, meurtre, tentatives de meurtre, manipula-tion. Tous ces éléments, ainsi que l’esthétique noire des pho-togrammes du film devraient conduire les élèves à imaginer une fin malheureuse. Répartis en groupe, les élèves peuvent écrire la fin probable du scénario. La restitution orale permet-tra d’apprécier la cohérence du dénouement qu’ils prévoient. Il sera alors intéressant de leur demander de motiver leurs hypothèses en prenant appui sur les extraits du roman et les

photogrammes du film : pourquoi tel personnage meurt-il/est-il tué ? Dans quelles circonstances ? etc.

Activité finale p. 161

▶▶ Écrivez et tournez une scène inéditeAvant d’ouvrir la ressource numérique d’accompagnement pour l’écriture et le tournage de la scène, l’enseignant peut proposer aux élèves de revenir sur la ressource consacrée aux différents métiers du cinéma (lienmini p. 156) et sur les encadrés consacrés au vocabulaire du cinéma, puis d’écrire la feuille de route de l’activité :– comment s’y prendre pour tourner une scène ?– quel est le matériel nécessaire ?– comment et dans quel ordre procéder ?

Ressource numérique ACTIVITÉ

« Écrire et tourner une scène adaptée de La Bête humaine »• Après avoir travaillé surtout en réception, les élèves sont invités à réaliser une production, et même une production complexe puisqu’elle fait appel à différents langages : l’écrit proprement dit, l’image, le son.• On attirera l’attention des élèves, souvent impatients de tourner, sur l’importance de la première étape, véritable brouillon annoté et réfléchi de leur court-métrage. Cette étape, ainsi que la troisième, offrent une belle occasion de, selon les termes du programme :– « formuler par écrit [leur] réception d’une œuvre littéraire et artistique » (ici cinématographique) ;– « utiliser l’écrit pour réfléchir et se créer des outils pour travailler ».• Au cours de la deuxième étape, l’enseignant pourra établir un parallèle fécond entre cinéma et écriture et montrer que le passage d’une idée à une autre, de même que la succession d’un plan à un autre, doivent être préparés et retravaillés. Il est possible, en prolongement, d’envisager une séance de langue sur les connecteurs logiques et les repères spatio-temporels (cf. leçon p. 348).Au cours de la deuxième étape et une fois les dialogues écrits, l’enseignant demandera à quelques élèves de se répartir les rôles et de faire une première lecture : les enchainements sont-ils fluides ? les monologues et les dialogues sont-ils cohérents avec l’argument donné au début de l’activité ? etc.

• La dernière étape demande une organisation matérielle et pédagogique rigoureuse : le professeur n’hésitera pas à faire travailler les élèves dans un espace plus vaste que la salle de classe : CDI, gymnase, etc. Il pourra s’entourer d’autres professeurs (technologie, EPS, éducation musicale, arts plastiques, documentaliste, par exemple).• Enfin, la promotion du film pourra être discutée avec la classe : comment organiser une projection au collège ? La réalisation de flyers et d’affiches et/ou d’une bande-annonce pourra être envisagée avec l’appui du professeur d’arts plastiques.

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Johann Heinrich Füssli, Le Rêve du berger p. 162

●● Pistes didactiquesCette toile de J. H. Füssli, peintre anglais (1741-1825) féru de sujets fantastiques, illustre un extrait du poème épique de John Milton, Le Paradis perdu (1667). Rêveur et rêve sont tous deux représentés. Or, si les êtres rêvés relèvent du mer-veilleux, le rêve en lui-même, expression de l’inconscient du rêveur, est un phénomène naturel. Entrer dans l’étude du fantastique par ce biais pictural permet aux élèves de cerner pour quelles raisons le rêve est un sujet de prédilection pour le fantastique : comme lui, il interroge les frontières entre réel et merveilleux en déployant toute une fantasmagorie (cf. Le Cauchemar, 1782, du même peintre, ou encore, Goya, Le Som-meil de la raison produit des monstres, 1799, ou Ingres, Le Songe d’Ossian, 1813).

●● Proposition d’hypothèse de lectureComment J. H. Füssli mêle-t-il réel et merveilleux dans une perspective toute fantastique ?

1. Fantastique et merveilleux : des mondes différents

Alexandre Dumas, « La dame pâle » p. 163

●● Pistes didactiquesCes deux extraits de « La dame pâle » très faciles d’accès per-mettent, non seulement de distinguer le genre merveilleux du genre fantastique, mais aussi d’appréhender une caracté-ristique fondamentale du récit fantastique : la mise en place narrative du doute.

●● Proposition d’hypothèses de lectureComment le fantastique se manifeste-t-il ? Comment le récit bascule-t-il dans le merveilleux ?

2. Du rêve au fantastique

Ivan Tourgueniev, « Un rêve » p. 164-165

●● Pistes didactiquesCette lecture suivie de la nouvelle d’I. Tourgueniev permet de prolonger la réflexion ébauchée à partir du tableau de

PARCOURS UN GENRE Le récit fantastique, un autre regard sur le réel p. 162 à 175

Objectifs et démarches du parcOurs

Problématique : Comment, en brouillant les frontières du familier et du surnaturel, le récit fantastique met-il en scène le caractère parfois inexplicable du monde ?

▶▶ À travers ce parcours, les élèves pourront saisir l’élément sur lequel se fonde tout récit fantastique, l’angoisse ressentie devant un réel familier devenu inquiétant, mystérieux. Ainsi, rappeler le contexte de la naissance d’un tel genre est pertinent. Influencé par le romantisme noir en rupture avec le rationalisme des Lumières, le fantastique interroge l’inexplicable, laisse planer un doute remettant en cause les lois de la science.

▶▶ Or, c’est ce doute qui fait la spécificité de la littérature fantastique ; comme l’indique Tzvetan Todorov dans Introduction à la littérature fantastique, tant que la possibilité d’une explication rationnelle et l’éventualité de forces surnaturelles coexistent, le récit est fantastique. Si l’on quitte l’éventualité merveilleuse, on bifurque vers le genre de l’étrange ; si l’on quitte les lois de la raison, on bascule dans le genre merveilleux. Il faut que soit maintenue la tension entre ces deux visions du monde pour que le récit continue d’être fantastique ; de fait, quoi de plus inquiétant que ce trouble ?

▶▶ Pour cela, le parcours s’ouvre sur la question du merveilleux et du rêve. Le romantisme noir, s’il peut s’appuyer un temps sur le doute, vecteur de suspense – « La dame pâle » d’A. Dumas en est un exemple –, tranche rapidement la question. Comme le montrent le tableau de J. H. Füssli, Le Rêve du berger, et la nouvelle d’I. Tourgueniev « Un rêve », le rêve, monde à part, est à la frontière du merveilleux mais appartient bien au réel, il est donc propice au fantastique. Les deux autres nouvelles, « Le portrait ovale », d’E. A. Poe et « La peur » de G. de Maupassant, permettent d’étudier les principales caractéristiques fantastiques : un réel familier ou rassurant où s’infiltre l’angoisse, le tout rendu incontestable par un témoignage à la 1re personne du singulier digne de foi.

▶▶ Ce parcours vise à permettre aux élèves de :– se sensibiliser à différentes visions du monde qu’offre la littérature ;– découvrir les principales caractéristiques du récit fantastique au xixe siècle ;– cerner la dimension universelle d’un tel genre à travers des nouvelles de différents pays.

OrganisatiOn du parcOurs et chOix des axes de lecture

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J. H. Füssli. Le rêve est bien vecteur de fantastique. Le jeune personnage-narrateur ne sait plus ce qui relève du rêve, de la réalité, et la fin de la nouvelle laisse le lecteur dans un trouble angoissant.

●● Proposition d’hypothèse de lectureÉtudier les éléments montrant que le personnage-narrateur navigue, par le biais du rêve, entre réalité et fantasme.

Edgar Allan Poe, « Le portrait ovale » p. 166-168

●● Pistes didactiquesCette nouvelle d’E. A. Poe est intéressante car elle se fonde sur une toile existant réellement, le portrait de Frances Kee-ling Valentine par Thomas Sully (p. 167), et montre un person-nage-narrateur soucieux d’explications rationnelles que la fin du récit laisse perplexe. Le doute fantastique y est particuliè-rement bien amené et mené.

●● Proposition d’hypothèse de lectureComprendre comme l’éventualité du surnaturel et du mor-bide s’infiltre peu à peu dans un univers ostensiblement logique et sensé.

3. Mesmer, à l’image du fantastique, entre raison et élucubration

Ebenezer Sibly, une séance de magnétisme animal (gravure) « Le doigt magique », caricature de la gravure précédente p. 169

●● Pistes didactiquesLa gravure présentant une séance de « magnétisme animal », accompagnée de sa caricature, permet de cerner à quel point

la question de l’inexplicable a hanté le siècle des Lumières et séduit les artistes romantiques de la première heure. Des peintres comme J. H. Füssli, des écrivains comme E. T. A. Hoffmann, étaient très intéressés par les théories du méde-cin-magnétiseur Mesmer. En effet, celles-ci, comme le fantas-tique, mêlaient souci rationnel et méthode échappant aux lois de la science.

●● Proposition d’hypothèse de lectureCerner les éléments de la gravure que la caricature, dans une perspective rationaliste, singe pour mieux les disqualifier.

4. Le fantastique et le doute

Guy de Maupassant, « La Peur » p. 170-173

●● Pistes didactiquesCette nouvelle permet de découvrir le Maupassant, auteur fantastique. En lisant un récit enchâssé relatant deux aven-tures effrayantes, les élèves pourront mesurer à quel point la composition sert les principaux éléments fantastiques que sont l’intrusion d’une atmosphère inquiétante par l’entremise d’un élément étrange au sein d’un monde rassurant, la peur liée à l’inexplicable et enfin des explications déroutantes. Cette nouvelle qui vient clore le parcours peut faire l’objet d’un véritable bilan.

●● Proposition d’hypothèse de lectureÉtudier l’expression littéraire des différentes manifestations de la peur.

cOrrigé des questiOnnaires et des exercices

Johann Heinrich Füssli, Le Rêve du berger p. 162

Le rêve aux frontières du rationnel1. Dans un paysage obscur, un homme aux vêtements simples, à demi-allongé, dort. Des créatures surnaturelles semblent appartenir à un rêve.2. Les jeunes femmes sont des fées. À la gauche du berger, une belle sorcière est accroupie ; non loin d’elle, des elfes dont l’un regarde de manière espiègle le spectateur. Au premier plan à droite, appuyée contre les marches d’un temple, on distingue la reine Mab, fée faiseuse de cauchemars dans le folklore anglais, attachée par une chaine à un incube, créature démoniaque qui s’en prend aux personnes assoupies.3. Ce sont les fées qui attirent le regard, leur danse forme le seul halo de lumière qui illumine le reste de la scène. Celle de droite tient un rameau avec lequel elle touche le berger comme pour l’ensorceler. De fait, John Milton, dans le poème dont s’est inspiré J. H. Füssli, Le Paradis perdu (1667), compare les anges déchus du Pandemonium à des fées ensorcelant un berger. Leur ronde que laisse percevoir le mouvement de leur tunique peut aussi représenter l’étourdissement, l’endormis-sement de la raison que provoquent les rêves.

Bilan 4. Le berger assoupi accompagné de son chien appar-tient au monde réel. Les créatures merveilleuses, de par le titre du tableau et leur mouvement, appartiennent au monde du rêve. Elles sont surnaturelles, certes, mais ancrées dans la réalité d’un rêve, siège de l’inconscient qui intéressait déjà les romantiques un siècle avant Sigmund Freud. Ce qui laisse songeur – on a bien là le doute fantastique –, c’est que le chien semble voir et/ou entendre ces créatures...

1. Fantastique et merveilleux : des mondes différents

Alexandre Dumas, « La dame pâle » p. 163

▶▶ Graine de savoirLes élèves pourront faire appel à leur souvenir de contes mer-veilleux. La lecture du tableau de J. H. Füssli peut aussi les aider à répondre à la question.

Du doute fantastique...1. Kostaki a le teint pâle, ses yeux sont dits « longs », plutôt que grands, ce qui lui donne une allure presque surnaturelle

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(l. 1-2). Son regard est encore évoqué : « regard lancinant » (l. 5) avec une personnification métaphorique, « me perçait le cœur » (l. 6), qui est peu rassurante.2. Ce regard de Kostaki trouble la jeune femme qui est ensuite la proie d’une hallucination l’emportant dans un monde ins-piré de la ballade romantique de G. A. Bürger. Le retour à la raison se fait quand elle ouvre les yeux : « cour intérieur d’un château moldave, bâti au xive siècle » (l. 12-13). La précision historique contraste avec la mention des fantômes (l. 9). Le doute fantastique est bien présent.

… à l’affirmation du merveilleux3. Il est mort mais ses yeux sont restés vivants (l. 16-17). Il recule devant un signe de croix et une épée bénie, c’est donc bien un vampire. Enfin, il est qualifié par trois fois de « fan-tôme » (l. 22, 27 et 30) sans que plus nul doute ne soit permis.4. Cette nouvelle datant de 1849, en basculant dans le mer-veilleux, s’inscrit dans la tradition des récits gothiques du romantisme noir.

2. Du rêve au fantastique

Ivan Tourgueniev, « Un rêve » p. 164-165

Un rêve étrange1. Tout le début de la description présente des éléments vrai-semblables : « ruelle », « maisons », « porche », « courette »...2. L’étrange s’insinue à travers l’ellipse : «traversais une cou-rette [...] et entrais enfin dans une sorte de mansarde », l. 4-6. Les murs de la pièce s’écartent sans qu’aucune explication ne soit donnée, on a seulement des points de suspension (l. 16-17). Mais c’est surtout l’homme associé d’emblée par le personnage-narrateur, de manière irrationnelle, à son père, alors que ce n’est pas lui (l. 2-3 et 8), qui a comportement invraisemblable : il semble faire le reproche au jeune homme d’être venu sans que leur conversation ne soit retranscrite (« il m’en voulait de l’avoir retrouvé », l. 10-11), grommelle, fait les cent pas (l. 13-14).3. Orphelin de père depuis l’âge de sept ans, vivant une vie monotone avec sa mère, le personnage-narrateur a peut-être besoin d’une présence masculine.

Une rencontre bouleversante4. L’homme rencontré à la terrasse du café ressemble trait pour trait à l’inconnu qui lui était apparu comme son père dans son rêve (l. 26-27 et l. 31).5. La question retranscrite au style direct (« Est-ce que je ne dors pas ? », l. 35) et la réponse avec points de suspension montrent que le jeune homme cherche à se convaincre. Mais ce n’est pas tant qu’il puisse rêvasser qui est étrange mais le fait qu’il prenne un homme qu’il n’a jamais vu pour son père ; or, cela, il ne le remet pas en question. Même s’il donne l’im-pression, en s’interrogeant, de prendre du recul sur ce qui est en train d’arriver, il est peu rationnel.

L’angoisse fantastique1. Éléments irrationnels : il est sous le coup de la terreur, et non de la raison (« Une terreur sans nom s’empara de moi », l. 1), il imagine des intentions au cadavre (l. 2-3).Éléments tangibles : « l’alliance de ma mère » (l. 6), le « contact glacé » du mort (l. 7).Ces éléments, en contraste, créent un trouble fantastique.

2. Le présent de l’habitude (« il m’arrive encore d’entendre », l. 11), qui devient presque un présent d’énonciation par l’utili-sation de l’adverbe de temps « soudain » (l. 15), provoque une impression d’enfermement dans un cauchemar.3. Ce grommellement est terrifiant car c’est celui de l’homme qu’il prenait pour son père et dont le cadavre n’a jamais été retrouvé.Bilan 4. « Je pleure, les yeux fermés […] et ne puis comprendre [...] », l. 14. Cette phrase laisse le lecteur dans le doute : le jeune homme dort-il toujours ? Ou est-il réveillé par ce même bruit, ce qui laisserait entendre que son père dont il a pourtant vu le cadavre n’est pas mort ? C’est ce trouble qui ancre bien cette nouvelle dans le genre fantastique.

▶▶ Graine de savoirLes éléments communs du jeune homme du tableau d’Edvard Munch, Mélancolie, avec le personnage-narrateur de la nou-velle sont : la solitude, la mélancolie, la présence de la mer, un rivage déformé dans lequel le jeune homme plonge son regard, ce qui n’est pas sans rappeler la disparition du cadavre.

Edgar Allan Poe, « Le portrait ovale » p. 166-168

Lire la description d’un château et d’un portrait mystérieux1. Le personnage-narrateur est mal en point : « blessé » (l. 2), en proie au « délire » de la fièvre (l. 15), mélancolique (l. 24). Il garde tout de même toute sa réflexion : il fait une hypothèse sensée (« selon toute apparence », l. 6-7), se met à contempler les peintures et à en lires les explications (l. 24-25), analyse ses propres réactions (l. 40).2. Le château est imposant (« mélange de grandeur et de mélancolie », l. 4), luxueux (l. 9, l. 13-14) et étrange (l. 18), il correspond au style gothique apprécié des romantiques (cf. la référence au romantisme noir d’Ann Radcliffe, « dans l’ima-gination de mistress Radcliff », l. 6). Le fait qu’il a été déserté alors qu’on y trouve de nombreuses œuvres d’art est aussi très mystérieux d’un point de vue réaliste.Bilan 3. Il est d’abord étonné, au sens étymologique du terme, comme frappé par la foudre (l. 37-38) puis terrifié par l’aspect vivant qui se dégage des traits de la jeune fille (« avec une terreur profonde et respectueuse […] », l. 74-75). L’his-toire semble alors basculer dans le merveilleux mais le récit « vague et singulier » de l’article (l. 79) maintient la nouvelle dans le fantastique.

Lire le récit d’une mort étrange1. Les longues heures de pose dans une tour froide et humide ont raison de la santé de la jeune épouse (l. 96-97).2. Le fait que le portrait est la réplique exacte de la jeune femme (l. 104-105) comme si le peintre prenait la vie même de sa femme pour sa toile (l. 117-119) et qu’elle meurt au moment même où il termine le tableau sont des éléments semblant faire glisser la nouvelle dans le merveilleux.Bilan 3. L’interprétation merveilleuse semble être la bonne puisque le personnage-narrateur trouve le portrait vivant (« En vérité, c’est la Vie elle-même ! », l. 128). Mais la mention dans l’article, par deux fois, des mauvaises conditions de vie dans la tour, alors même que le couple y a passé des jours et des nuits, maintient dans le doute. Qu’elle soit morte au moment de la dernière touche pourrait être une coïncidence, que la peinture soit si réussie pourrait venir du talent du peintre (l. 107-108).

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▶▶ À l’écrit : Résumer un récitLe professeur peut d’abord faire dégager aux élèves la com-position du récit en leur faisant donner un titre aux parties qu’ils vont délimiter.

▶▶ À l’oral : Enrichir son vocabulaire« Merveille » vient du latin mirabilia, « choses admirables ». Ce terme peut désigner une chose qui cause une grande admi-ration, mais aussi une chose qui crée un vif étonnement par son caractère hors du commun et inexplicable. Une merveille est aussi un beignet.À la ligne 106, les sens 1 et 2 sont possibles mais la proximité de l’adverbe « miraculeusement » (l. 108) invite à opter pour le sens 2, élément qui tendrait encore un peu plus la nouvelle vers le merveilleux.

3. Mesmer, à l’image du fantastique, entre raison et élucubration

Ebenezer Sibly, une séance de magnétisme animal (gravure) « Le doigt magique », caricature de la gravure précédente p. 169

Mesmer ou l’explication de l’inexplicable1. Aux lignes courbes mais nettes, allant des mains de Mes-mer au visage de sa patiente, s’opposent les volutes floues sur tout l’arrière-plan de la caricature. La profusion des lignes, le fait qu’y sont figurés un ange et un corps de femme, montrent bien qu’il y a satire.2. Le magnétiseur est caricaturé en âne, animal qui, par conno-tation, symbolise la bêtise. La patiente semble évanouie alors que dans la gravure elle parait tout à fait consciente.3. Cela donne l’impression que la patiente est victime d’un charlatan et non d’un médecin. Cette interprétation est ren-forcée par la présence du corps affalé d’un homme, face contre sol, aux pieds de la jeune femme.Bilan 4. Mesmer a initié une thérapie dont on ne pouvait pas, tangiblement, comprendre le fonctionnement. Entre science et spiritisme, entre naturel et merveilleux, le « magnétisme animal » a séduit certains artistes romantiques comme E. T. A. Hoffmann, J. H. Füssli ou encore V. Hugo.

4. Le fantastique et le doute

Guy de Maupassant, « La Peur » p. 170-173

Introduire trouble et peur dans l’esprit du lecteur1. Ce qui crée un cadre rassurant et vraisemblable : la mer calme (l. 2), le ciel étoilé (l. 4), le silence de convives qui viennent de diner agréablement (l. 9). Ce qui crée une atmos-phère étrange : les métaphores ont un comparant inquiétant (« un gros serpent de fumée noire », l. 4-5, l’eau « semblait se tordre », l. 7).2. Il s’agit d’un aventurier (« au milieu des dangers incessants », l. 19), tanné par le soleil (« un grand homme à figure brûlée », l. 17), « à l’aspect grave » (l. 17) et d’un grand « courage » (l. 22).3. Selon lui, la peur se manifeste dans l’étrange, le mystérieux, l’inexplicable (l. 37-38)Bilan 4. L’exemple donné est celui de la peur que peut res-sentir un homme qui croit aux fantômes lorsqu’il pense être

confronté à l’un d’eux. On comprend mieux dès lors « rémi-niscence des terreurs fantastiques » : comme l’enfant, cet homme se retrouve dans une situation où il ressent, comme vrai, le surnaturel le plus incompréhensible et effroyable.

▶▶ À l’oral : Découvrir une vidéo d’art

Ressource numériqueMy Nights, d’Agnès GuillaumeMy Nights (2014) est une vidéo d’Agnès Guillaume, vidéaste belge, qui revisite le motif du rêve fantastique.• Au visage d’une jeune femme qui ouvre et ferme les yeux à l’arrière-plan se superposent des pigeons qui passent au premier plan.• Le nombre de plus en plus grand de pigeons, leur vol sur place qui se superpose au visage de la dormeuse ainsi que l’effet de contraste clair/gris foncé rendent la scène particulièrement angoissante.• My Nights, mes nuits. On peut se demander si les pigeons n’émanent pas du rêve ou, au contraire, s’ils ne sont pas la source des insomnies de la jeune femme.

VIDÉO

▶▶ À l’écrit : Enrichir son vocabulaireChamp lexical de la peur : « frisson » (l. 2, 34), « anxieux » (l. 26), « effroyable » (l. 32)/« effrayante » (l. 181), « terreurs fantas-tiques » (l. 40), « épouvantable horreur » (l. 42), « épouvantés » (l. 90), « inquiétudes sombres » (l. 58), « panique » (l. 60), « ter-reur » (l. 153, 190) « terrifiant » (l. 193), « craintes » (l. 164), « tres-saillir » (l. 172), « angoisse » (l. 34, 183, 208), « épouvantable peur » (l. 183), « affolement indicible » (l. 211).Une fois que les élèves ont dégagé ce champ lexical, le profes-seur peut les inviter à classer ces mots dans l’ordre croissant de l’intensité de l’émotion.

Le récit de deux aventures terrifiantesUne atmosphère inquiétante1. Le champ lexical de l’océan (« tempête », « vagues », « flots », « mer », « lames », l. 66-75) évoque les dunes. Cela crée un effet étrange et déroutant.2. Le temps est hostile : « hiver », « ciel […] sombre », « une immense rafale », l. 116-124.

Un élément étrange3. Le tambour est qualifié de « mystérieux » (l. 86).4. Le chien est vieux et aveugle mais, chose étrange, il semble ressembler à une connaissance (l. 156-157).

Suggestion de prolongementRessource numérique complémentaire : présentation de la vidéo My NightsLe lienmini vers la vidéo donne également accès à une courte présentation de My Nights établie avec Agnès Guillaume. Cette présentation permet de faire comprendre aux élèves ce qu’est une vidéo d’art, notamment ce qui la différencie du cinéma. Elle explique également le dispositif technique employé pour la réaliser.

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La peur et l’inexplicable5. C’est le « roulement fantastique » du tambour (l. 88-89) qui est à l’origine de la peur des Arabes. Coïncidence ? Au même moment, l’ami du narrateur meurt, le tambour se fait plus insistant, ce qui terrorise tous les hommes présents.6. Ce sont les hurlements du chien sans cause apparente, autre que les hypothèses irrationnelles de ses maitres, qui provoquent la peur du narrateur (l. 179-181). « La peur de quoi ? Le sais-je ? C’était la peur, voilà tout » (l. 184).

Des explications peu convaincantesBilan 7. Première aventure : à l’explication rationnelle de l’écho des grains de sable emportés par le vent et frappant le sol (l. 108-110) s’oppose le fait que le narrateur, malgré cette explication, continue à parler d’« inexplicable phénomène » (l. 83). Deuxième aventure : le chien retrouvé le lendemain (l. 214-217) que ses maitres, terrifiés, ont pris pour le fantôme (l. 199-202), est un élément rationnel mais les hurlements du chien « hanté d’une vision » (l. 174) la nuit anniversaire du meurtre (l. 148-150) laissent planer le doute.

Activités d’expression p. 175

▶▶ Décrire à l’écrit le monstre d’une nouvelle fantastiqueDino Buzzatti (1906-1972) est un écrivain italien célèbre pour ses nouvelles fantastiques très souvent ancrées dans un cadre réaliste qui sombre peu à peu dans un fantastique aliénant. Dans Le Monstre (1949), Ghitta Freilaber, employée de la famille Goggi, est confrontée à la peur d’un monstre dont on ne sait s’il existe vraiment. L’incipit de la nouvelle est rapide, efficace. Au sein d’un banal grenier, un monstre

semble surgir ; seulement, c’est par l’entremise du point de vue interne du personnage que cela est évoqué. Aux élèves de faire la description de ce monstre en maintenant ce point de vue, puis en intégrant au récit des éléments qui laissent à penser que l’employée de maison a pu se tromper (obscurité de la pièce, fatigue de Ghitta, forme d’un sac pouvant conte-nir une canne à pêche...).Les élèves peuvent être laissés en autonomie grâce au ques-tionnaire proposé dans le manuel qui les aide à travailler. À la fin du travail, une lecture de la suite du texte de D. Buzzatti peut être intéressante et stimulante.

▶▶ Écrire un texte fantastique à partir d’un tableauL’Apparition, réalisé vers 1890, est un tableau d’Odilon Redon (1840-1916), peintre symboliste, présentant un univers oni-rique cher à l’artiste. Le rêve, le voyage intérieur, l’apparition sont les thèmes centraux de son œuvre.S’inspirant certainement de L’Apparition (1874) de Gustave Moreau, autre peintre symboliste, qui reprend alors l’épisode biblique de Salomé voyant surgir devant elle la tête décapi-tée de Jean-Baptiste qu’elle avait demandée à son beau-père, Hérode Antipas, cette toile énigmatique pourrait représenter Hérode revoyant sa victime. Hallucination due à la culpabilité devant la réalité de son geste ? Réelle apparition ? Le flou pic-tural va de pair avec le flou de l’interprétation.Avant de lancer les élèves dans l’écriture, il serait bon de faire une lecture du tableau pour lister, par la suite, les éléments de la description à venir qui pourraient inciter à croire en la présence du merveilleux et ceux incitant à une explication rationnelle. Il s’agit d’un travail difficile, le fait de faire travailler les élèves en binôme peut être riche en échanges.

ATELIER D’EXPRESSION Écrire une nouvelle fantastique p. 176 à 181

Objectifs et démarches de l’atelier▶▶ À travers différents extraits de nouvelles fantastiques, une nouvelle intégrale et des supports visuels, cet atelier propose à

l’enseignant de faire écrire une nouvelle fantastique à ses élèves et offre pour cela un véritable accompagnement.

▶▶ Il propose différentes manières de mise en œuvre :– la nouvelle intégrale proposée aux pages 176-177, « La photographie » de Jacques Sternberg, permettra à l’enseignant qui le souhaite de présenter de manière efficace à ses élèves les caractéristiques de la nouvelle fantastique en un temps limité dans sa progression annuelle. L’analyse précise de cette nouvelle sera un outil précieux pour définir avec les élèves ce qu’est une nouvelle fantastique et quels en sont les ressorts ;– l’enseignant qui désire consacrer plus de temps à cet atelier d’écriture pourra se laisser guider par les étapes 1 à 5 (p. 178 à 181) en ayant ou non étudié au préalable la nouvelle intégrale. Chaque étape peut se travailler de manière décrochée ou être le relais de ce qui a été observé et analysé dans l’étude de la nouvelle intégrale. Les étapes présentent cinq caractéristiques de la nouvelle fantastique qui servent de fil conducteur à l’écriture. En effet, en suivant ces cinq étapes, les élèves construisent pas à pas leur nouvelle fantastique. Ils lisent différents extraits de nouvelles fantastiques, observent et analysent des procédés d’écriture.

▶▶ Cet atelier vise à permettre aux élèves de : – lire une nouvelle fantastique intégrale et des extraits de nouvelles fantastiques ;– comprendre quelles sont les grandes caractéristiques d’une nouvelle fantastique ;– analyser des procédés d’écriture ;– acquérir des savoir-faire pour rédiger une nouvelle fantastique ;– rédiger une nouvelle fantastique.

96 © Magnard, 2016 – Jardin des Lettres 4e – Livre Ressources

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Lire une nouvelle intégrale

Jacques Sternberg, « La photographie » p. 176-177

ComprendreL’incipit et le choix du narrateur1. Le point de vue adopté dans cette nouvelle est le point de vue interne. On peut le justifier par l’emploi de la première personne du singulier (« j’avais acquis », l. 1). On pourra faire remarquer aux élèves la variété des indices de la première personne (pronom personnel sujet « je », pronom personnel COD « me », pronom personnel objet « moi »).L’emploi du point de vue interne (ou focalisation interne) est très fréquent dans la nouvelle fantastique. Il permet au lec-teur de s’identifier au narrateur et ainsi, efface la frontière entre fiction et réalité.

La description d’un élément fantastique2. Les éléments décrivant la photographie qui confirment ce caractère ordinaire sont :– « rien de bien remarquable » (l. 4-5) ;– « elle représentait un grand lac, vraiment très banal » (l. 10-11) ;– « une colline déserte pas moins banale » (l. 11-12).3. Cependant tout n’est pas si ordinaire car le narrateur juge cette image insolite sans pouvoir expliquer pourquoi (« une impression diffuse […] me dérangeait », « je ne voyais pas exactement pourquoi je jugeais cette image insolite », l. 8-10). On fera remarquer aux élèves la répétition du terme « inso-lite » comme était répété le terme « banal ». D’emblée, le lecteur est face à un objet intrigant.4. Le narrateur prend des précautions pour parler du fait que la barque dans la photographie avance car il se rend compte de l’incongruité de ce qu’il dit. Ces précautions permettent de mettre le lecteur dans la même situation que le narrateur : si le narrateur a du mal à admettre que la barque avance, alors c’est qu’il a toute sa raison (on ne peut raisonnablement pas croire qu’un élément dans une photographie bouge) et donc qu’il n’est pas fou. Le lecteur est donc plus enclin à le croire. Rappelons qu’avec le point de vue interne, le lecteur ne dis-pose que de la version du narrateur. Se pose alors la question de la véracité de ce qui est raconté.

Le temps de la nouvelle5. Dans l’esprit du narrateur, cette progression traduit un sentiment d’oppression, de menace. C’est inéluctable : si la barque avance de jour en jour, fatalement, elle va finir par sor-tir du tableau. Si un sentiment désagréable s’empare du lec-teur, c’est le fait de la description initiale de la photographie qui mêlait banalité et insolite. L’expression de la peur6. Le personnage que le narrateur reconnait est une femme, une de ses ex-petites amies. Elle est présentée comme mena-çante et armée. Son corps « massif et menaçant dans son immo-bilité » (l. 35-36) participe de l’effet menaçant qu’elle représente.7. Les éléments qui montrent la peur ressentie par le narra-teur sont :– « seule la femme m’intéressait » (l. 30) ;– « l’inquiétude, puis l’effroi » (l. 31) ;– « comment ne pas […] me souvenir de tout sans trembler ? » (l. 42-43)

8. Dans le texte, ces éléments sont donnés crescendo : on sent que la peur augmente, passant de l’intérêt à l’effroi. On pourra proposer aux élèves de chercher la définition de chacun des mots et de les employer dans des phrases pour qu’ils maitrisent convenablement les nuances dans l’expres-sion de la peur. La chute de la nouvelle9. Le narrateur donne à cette apparition une explication liée à une rupture sentimentale difficile. La femme, ayant diffici-lement vécu cette séparation, où le narrateur s’était montré violent (physiquement ? verbalement ? « je rompais, emporté par une brutalité qui ne me ressemblait pas », l. 44-45) avait promis de se venger (« elle s’était juré d’avoir un jour ma peau », l. 46-47). C’est l’histoire d’une vengeance qui est mise à exécution. 10. La chute de la nouvelle (« d’avoir un jour ma peau ») ne donne pas de réponse complète à ce mystère. On pourra faire chercher une autre chute à cette nouvelle (voir activité d’ex-pression écrite proposée).Cependant, certains indices permettent de proposer une hypothèse de lecture. La chute est brutale, nette. Le narrateur ne s’exprime plus après avoir révélé la raison de cet événe-ment fantastique. On peut donc admettre qu’il n’est plus en mesure de raconter son histoire et que la femme a mis en application sa menace. L’aurait-elle tué ?

▶▶ À l’écrit : Proposer une nouvelle chuteCette activité doit permettre aux élèves de proposer une nou-velle chute à la nouvelle « La photographie » de Jacques Stern-berg et ainsi, de monter qu’ils ont compris les enjeux d’une nouvelle fantastique. De nombreux élèves ont tendance à proposer une chute dans laquelle le narrateur se réveille d’un cauchemar et retrouve ainsi une réalité consciente et rassu-rante. Le professeur pourra s’appuyer sur les différentes pro-ductions de ses élèves afin de leur en montrer les qualités et les défauts avec pour objectif de faire produire, in fine, une véritable chute fantastique.

Étape 1 : l’incipit d’une nouvelle fantastique

Guy de Maupassant, « Qui sait ? » p. 178

Comprendre 1. Le point de vue adopté dans cet extrait est le point de vue interne, avec un narrateur-personnage. On peut le justifier par les nombreux indices de la première personne.2. Les mots en gras expriment l’incompréhension du narra-teur. L’originalité de ce texte vient du fait qu’il s’agit d’un inci-pit et que le narrateur n’a pas encore partagé avec le lecteur ce qu’il ne comprend pas, le phénomène fantastique dont il est la victime.3. Au début de l’extrait, les types de phrases employés sont des phrases exclamatives et des phrases interrogatives.Les phrases exclamatives (« Mon Dieu ! ») permettent d’expri-mer des sentiments, des émotions.Les phrases interrogatives permettent de poser des questions et de rendre compte d’une interrogation (« Mais le pourrai-je ? »). Avec un narrateur interne, les phrases interrogatives expriment un questionnement intérieur.

cOrrigé des questiOnnaires et des exercices

97© Magnard, 2016 – Jardin des Lettres 4e – Livre Ressources

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4. Les propos du narrateur qui affirment qu’il n’a pas perdu la raison sont :– « Si je n’étais sûr de ce que j’ai vu » (l. 4) ;– « il n’y a eu, dans mes raisonnements aucune défaillance » (l. 4-5) ;– « aucune erreur dans mes constatations » (l. 5-6) ;– « pas de lacune dans la suite inflexible de mes observations » (l. 6-7).Le narrateur cherche, semble-t-il, à se rassurer, et à rassurer le lecteur. S’il n’est pas fou, et il n’est pas fou, alors son histoire est vraie. Cependant, immédiatement après, le narrateur met en doute tout ce qu’il vient d’énumérer en écrivant : « Après tout, qui sait ? » Le doute s’est installé dans l’esprit du lecteur pour ne plus le quitter.5. Le narrateur désire écrire son histoire pour la partager et pour ne plus être seul avec (« Pour m’en débarrasser, car je la sens en moi comme un intolérable cauchemar », l. 12-13). De plus, il veut prouver qu’il n’est pas fou. Cependant, il explique que seul un être connait son histoire : « Le médecin d’ici » (l. 11). Le lecteur peut légitimement douter de la santé men-tale de celui qui a déclaré dès le début de la nouvelle ne pas être fou... Or, il parle d’une maison de santé dans laquelle il a demandé à être interné. Tous ces éléments sont là pour brouiller les pistes entre rationalité et folie.

Étape 2 : le temps et l’espace du fantastique

Guy de Maupassant, « La morte » p. 178

Comprendre 1. Cette scène se déroule la nuit (« Quand la nuit fut noire, très noire »). Ce moment est particulier car le narrateur prend la peine de répéter l’adjectif « noire » pour insister sur le carac-tère exceptionnel de cette nuit mais, également, il ajoute que cette nuit-là, il n’y avait « Pas de lune » (l. 12).2. La figure soulignée se nomme une énumération. Malgré l’obscurité, le narrateur parvient à explorer le lieu en utilisant toutes les parties de son corps (mains, pieds, genoux, poitrine, tête). 3. L’aveuglement du chagrin est rendu physique ici (« comme un aveugle qui cherche sa route », l. 7-8) car le narrateur avance dans le noir, au sens propre du terme. Il est perdu dans le cimetière comme il est perdu dans la vie depuis la dispa-rition de la femme aimée. Son aveuglement réel lié à la nuit noire symbolise l’aveuglement lié à son chagrin, cette longue nuit de l’âme.Parmi les cinq sens, le toucher est sollicité dans ce texte (« Je touchais. Je palpais comme un aveugle », l. 7-8). Il compense la vue absente (« Je lisais les noms avec mes doigts », l. 10).C’est la longue énumération qui met en évidence que le sens auquel le narrateur a recours, et ce avec toutes les parties de son corps, est le toucher.4. L’acharnement du narrateur à retrouver coute que coute la tombe de la femme aimée, cette force qui l’habite dans le désespoir montre qu’il éprouve encore des sentiments d’amour et de passion pour cette femme. « Je ne la retrouvais pas » (l. 11) est une phrase très ambigüe car on ne sait pas si le pronom « la » désigne la femme aimée ou bien la tombe de celle-ci. Le narrateur est en pleine confusion finalement de ce qu’il vient chercher dans ce cimetière. 5. Le type de phrase qui insiste sur cet effet d’égarement est la phrase exclamative : « Des tombes ! des tombes ! », « Toujours des tombes ! À droite, à gauche, devant moi, autour de moi, partout, des tombes ! » (l. 13-15).

Howard Phillips Lovecraft, « Je suis d’ailleurs » p. 179

Comprendre1. Le lieu décrit est un château.2. Les deux sens évoqués dans cet extrait sont :– l’odorat (« Les pierres […] semblaient toujours atrocement humides », « il régnait une odeur maudite, odeur de charniers toujours renouvelés ») ;– la vue (« le château était infiniment affreux », « l’œil, lorsqu’il se hasardait vers [les hautes voûtes] »).3. Dans cette description, les sens évoqués permettent de créer une atmosphère angoissante en donnant une odeur particulière au lieu ainsi qu’une apparence.

Étape 3 : la description d’un élément fantastique

Prosper Mérimée, « La Vénus d’Ille » p. 179

Comprendre1. La partie de la statue qui intrigue le narrateur est son visage car il mêle deux expressions opposées : « Quant à la figure, jamais je ne parviendrai à exprimer son caractère étrange », l. 3-4 (on peut rapprocher cette description de celle de la pho-tographie, p. 176 de cet atelier). Le narrateur essaie de com-parer cette statue à celles qu’il connait déjà (« Ce n’était point cette beauté calme et sévère des sculpteurs grecs », l. 5-6) mais en reconnaissant l’inutilité de cette comparaison.2. Les éléments en gras (« au contraire », « avec surprise », « légèrement », « cependant », « en vérité ») viennent nuancer ou infirmer les propos du narrateur en vert (« j’observais », « plus on regardait »). Le narrateur revient sur ce qu’il dit, comme pris dans son incapacité à décrire clairement et objec-tivement la statue.3. Les mots en gris (« la malice », « la méchanceté », « dédain », « ironie », « cruauté ») sont utilisés crescendo. Plus la description de la statue se précise et plus les sentiments qui se dégagent de sa physionomie et de son visage sont angoissants. On passe de la malice à la cruauté. Après avoir bien observé la statue, le narrateur ressent un malaise, un « sentiment pénible » (l. 13). Ce sentiment vient du fait que la beauté de la statue est mêlée à une impression de cruauté qui se dégage de son visage.4. Une telle description, dans une nouvelle fantastique, joue un rôle important car elle installe un cadre fantastique en associant des éléments que l’on n’a pas l’habitude de voir ensemble (beauté/cruauté).

▶▶ Grammaire pour dire et pour écrire

J’appliqueLe travail de rédaction proposé peut s’appuyer sur les procé-dés observés dans l’étape 3. On pourra proposer aux élèves de travailler au brouillon sous forme de deux colonnes :– l’une présentant les caractéristiques ordinaires d’une arai-gnée (arachnide, huit pattes, gros abdomen, corps velu...) ;– l’autre présentant l’étrangeté de cette araignée (le sourire, le regard orienté vers le narrateur...).Le professeur amènera ses élèves à travailler en douceur la transition entre la description de l’araignée ordinaire et son aspect étrange. L’analyse du texte 4, extrait de « La Vénus d’Ille » de Prosper Mérimée, doit servir d’illustration à ce travail d’écriture.

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Étape 4 : l’expression de la peur

Théophile Gautier, « La cafetière » Guy de Maupassant, Le Horla p. 180

Comprendre1. La peur provoque différents effets sur les personnages :– texte 5 : la peur provoque des réactions physiques (« mes cheveux se hérissèrent » , « mes dents s’entrechoquèrent », « une sueur froide inonda mon corps ») ;– texte 6 : le narrateur met en avant les effets psychologiques que la peur produit sur lui (« Quelqu’un possède mon âme et la gouverne », « Je ne suis plus rien en moi, rien qu’un specta-teur esclave et terrifié »).Texte 62. L’énumération insiste sur la dépossession de soi-même que ressent le narrateur. Il n’est plus maitre de lui-même et cela se traduit sur tout ce qui le constitue (« mes actes », « mes mou-vements », « mes pensées »). 3. Dans le texte 6, nous ne pouvons déterminer la source de la menace que ressent le narrateur. Ce danger est certaine-ment une personne car on note l’emploi de termes comme « quelqu’un », « il », mais sans pouvoir pour autant déterminer de qui il s’agit. Cette incapacité à nommer le danger renforce le caractère inquiétant de la situation.

Gustave Courbet, Le Désespéré p. 180

Comprendre 1. Les sentiments qui se dégagent de ce tableau sont la peur, l’angoisse, l’effroi, l’incrédulité.

Ressource numériqueReportage sur Gustave CourbetLe reportage vidéo, intitulé « Courbet, peintre réaliste », a été réalisé dans le cadre d’une exposition consacrée au peintre Gustave Courbet. Il présente le peintre et sa peinture révolutionnaire. On attribue à Courbet les propos suivants : « Quand j’arrêterai de choquer je cesserai d’exister ».

VIDÉO

2. On ne peut a priori pas déterminer le personnage repré-senté. Le reportage vidéo proposé en ressource numérique permet cependant d’apprendre que Gustave Courbet s’est représenté lui-même, qu’il s’agit d’un autoportrait. 3. On peut parler de «révolution du regard » car le peintre, Gustave Courbet, « impose la subjectivité de l’artiste sur la toile, c’est lui qui choisit le sujet, le cadrage... ». En effet, G. Courbet a traité comme des sujets nobles des scènes de la vie quotidienne (le reportage cite L’Enterrement à Ornans, dans lequel il peint les obsèques de gens ordinaires). Il a accordé un véritable statut à des sujets « bas » (comme le fait É. Zola en donnant à voir les réalités sociales : voir parcours « Une vie, une œuvre : Émile Zola, écrivain témoin », p. 150).

Étape 5 : la chute de la nouvelle

Villiers de l’Isle-Adam, « Véra » p. 181

ComprendreL’auteur parvient à créer un effet de surprise en retardant le moment de révéler quel objet est tombé du lit nuptial en réapparaissant. Il utilise par cataphore des substituts nomi-naux (« un objet brillant », « cet objet ») ou pronominaux (« l’éclaira », « le saisit »), il décrit le bruit « métallique » que celui-ci fait en tombant. La chute révèle au personnage et au lecteur quel est cet objet.Ici, le lecteur vit la découverte en même temps que le comte d’Athol. Cette clef du tombeau avait été oubliée depuis le début de la nouvelle, car elle avait été jetée dans le tombeau de Véra et il n’en avait plus été question depuis. Villiers de l’Isle-Adam propose une chute particulièrement bien amenée.

Activité finale p. 181

▶▶ Inventez une nouvelle fantastique à partir d’une imageAu terme de cet atelier, le travail de rédaction d’une nouvelle fantastique permettra de mettre en œuvre ce qui a été lu, vu, observé et analysé afin d’en vérifier l’acquisition. Les ensei-gnants auront pu enrichir cette préparation grâce aux nom-breuses « Astuces de rédaction » émaillant l’atelier, relevées au fil des extraits littéraires proposées.Ainsi, l’activité finale s’organise en trois temps : un temps col-lectif, un temps de travail en groupe et un temps d’écriture individuel. Chaque élève aura de cette manière l’occasion de partager et de soumettre à ses camarades ses idées pour la rédaction d’une nouvelle fantastique.On se propose de rédiger la dernière étape de manière indi-viduelle car la chute de la nouvelle est l’étape la plus difficile ; cela permettra à l’enseignant de vérifier que la notion est acquise pour tous ses élèves.

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