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THEZE... Du Virtuel au réel...

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Du Virtuel au réel...

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Inspiré par Roméo Dallaire, Roy Dupuis et avec son autorisation.Avec la complicité d’Emilie.Toutes les deux, nous sommes là, juste sur l’autre page.

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Chapitre 1

Roy… L’homme que j’aimerais rencontrer. Inaccessible. Sensible. Un acteur connu et reconnu. Très séduisant, ce qui est alarmant. S’approcher d’un homme qui ne sait même pas que j’existe ? C’est prendre un risque. Il ne sait rien de moi. J’ai des informations sur lui.

Le virtuel, nouvelle ère, nouvel émoi.

Mais d’abord, avant de le rencontrer… Mon corps hormonal, féminin, devant son corps hormonal, masculin. Donc, avant tout, savoir qui il est. Sélectionner, puis trier la multitude d’articles sur le net.

Et après, entrer dans l’action. Passer du virtuel au réel. Une porte s’ouvre… Ecrire et expliquer mon tout cohérent. Pour que finalement il me trouve.

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Chapitre 2

Elle est seule, elle regarde un film : j’ai serré la main du diable.Prêté par un ami. Il lui a dit :- Regarde.Rien d’autre.Elle met le film.Le film est fini.

Plus rien n’est comme avant. Pendant un certain temps.Elle allume une cigarette, essaie de mettre un peu d’ordre en elle. Ses émotions ont pris le pouvoir. Impossible de tempérer. Chaque cellulede son corps est soumise à l’émotion brute : douleur, pleurs, sanglots, colère, injustice. Et tous ces mots se bousculent dans sa tête : misère, gouvernement, chefs militaires, guerre, cadavres, racisme, terre, machettes, pouvoir. Et au centre, l’image de la beauté d’un homme de la paix, le Général Roméo Dallaire : homme impressionnant, admirable, grand, émouvant qui veut apporter la paix et qui sombre dans la dépression.De trop de souffrance, trop d’impuissance.Elle ne s’attendait pas à ce film. D’habitude, elle se prépare psychologiquement à cause de la charge émotionnelle que provoquent de tels films.Elle est touchée dans tout son être. Elle pleure, elle enrage, elle compatit, elle crie.

L’acteur entre dans sa demeure par la rétine. Il s’infiltre par connexionsémotionnelles dans son cerveau. Fixé pour toujours dans le réseau mémoriel.Elle est tellement atteinte qu’elle se fixe sur l’acteur. Transfert hautement virtuel mais qui d’un seul coup rejoint le réel.Elle ne peut rien empêcher. Tout est déjà inscrit dans le corps éponge.Et voilà que cet acteur entre dans sa mémoire et dans sa vie.De cette façon étrange.Dangereux comme schéma.Emotion et cinéma.La pire des alchimies.

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Ça la trouble de se fixer sur cet homme, ça l’agite.Mais elle le laisse envahir l’espace intérieur.Les émotions, ce qu’elles font, c’est stupéfiant.

Elle est submergée, envahie de sensations.Surprise de le vivre et de le voir en même temps.Elle se lève, imbibée d’irréel.Elle s’installe devant l’ordinateur.Et voilà. Elle cherche fébrilement des infos sur lui, elle doit savoir qui il est.Tout ce qu’elle trouve, elle l’imprime, elle fait un dossier.

Rien que pour elle, rien que sur lui.

La raison trouve ça aberrant, mais la raison n’a plus de pouvoir.Elle écoute ses interviews, elle lit son histoire, elle veut voir tous sesfilms.Elle erre dans l’imaginaire, alimentée par des impressions venues dece monde virtuel.Elle est enfermée là.Sous cette emprise, sans pause, sans retenue, immergée dans un universinspiré par le fantasme et la répétition.Depuis des heures son attention reste centrée sur lui, sur Roy. C’est puissant cette projection, cette fixation sur l’autre. Ça l’imbibe.Elle est une boussole dont le nord est Roy. Incroyable mais vrai. Elle est enivrée par un homme qui joue dans un film et qu’elle n’a jamais vu.Elle constate le processus.

Il est très tard, elle est couchée. Son esprit tourne en rond et le sommeil est loin.Que faire de tout ça qui vibre en elle, comment l’explorer, commentl’expliquer ?Evidemment cette émotion lui donne envie de le rencontrer et c’estnormal, c’est ainsi la chimie et l’organisation du corps.

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L’envie crée la volonté. C’est technique.

L’imaginaire n’a pas de limites. Il lui montre des futurs avec Roy, envisage des possibles même s’il vit de l’autre côté de l’océan.Ce n’est pas un problème, elle ira vivre chez lui. Elle est prête.Elle croit qu’elle peut le rencontrer. Croire : un verbe qui n’a peur derien. Croire : un verbe qui trompe.

L’émotion déclenche automatiquement la projection et pas autre chose.Un fantasme c’est intime, ça parle de soi par l’autre.

Elle veut comprendre puisqu’il a retenu son attention.Puisqu’il l’empêche de dormir.Elle s’informe, elle regarde ses films, elle ne pense qu’à lui.Plus tu connais le parcours de l’autre, plus tu sais des choses sur lui.

Elle est envahie par la nécessité de le voir.

Elle devient idolâtre dès que son émotion domine tout le reste.Elle le sait maintenant.Apprendre à voir ses mécanismes, savoir ce qu’est l’humain en généralpour se connaître et pour choisir par soi-même. Changer son histoire.Toute personne est le fruit, le produit d’une histoire écrite jour après jour.Elle veut aller jusqu’au bout pour voir, pour explorer ce système, pourvisiter ses limites.En même temps, ça dévore sa compréhension.Heureusement qu’elle transforme ses émotions en création.

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Chapitre 3

Aujourd’hui, elle a provoqué le destin.2011. Le jour, c’est le 19 juin.Elle a envoyé un cahier. Vide.En couverture, une peinture : la terre et les humains unis.Enfin.

A l’intérieur une lettre pour lui.Pour l’homme qu’elle a choisi.Dans sa toute cohérence.Après, elle laisse ouvert le champ des possibles.Ravie, étourdie par cette attirance virtuelle et désirant le voir.Emplie d’espoir.C’est ce qui l’a amenée là.

Et pourtant, elle ne sent rien.Ni intuition rationnelle, ni instinct.Elle a juste créé des circonstances.Pourquoi se gênerait t elle ?Elle a juste osé.Ou bien encore une fois, l’imaginaire, ce dominant, aurait trompé savigilance.Elle, désormais, en transe de le connaître, lui.Un intouchable.Elle est dans un impossible dilemme : vouloir ou savoir ?

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La raison qui dit non, le désir qui dit oui.

La raison. -Tu n’aurais pas dû.Le désir. -Il le fallait.La raison. -Pour quoi faire ?Le désir. -Pour qu’il me voit.La raison. -Souviens toi !Le désir. -Je n’ai pas de mémoire.La raison. -Tu es mémoire.Il n’a pas reçu le cahier vide, (Pas encore!), stoppé et rangépar la coordinatrice.Impossible de l’approcher, prisonnier de sa gloire.La raison. -Tu n’écoutes pas, alors que tu as des oreilles.Le corps. -J’ai une bouche aussi et sans moi tu n’es pas.La raison. -Impossible de l’oublier, tu le dis, tu le dis.Le corps. -Quoi ?La raison. -Tu veux toujours faire selon tes envies, juste parce qu’ellescrient.Le corps. -Et alors ?La raison. -Rien…. C’est vrai, que l’attraction est une loi universelle.Le désir. -Ah tu vois, je suis universel.La raison. -Comment vas-tu faire maintenant…Le désir. -Tant que je suis là.La raison. …Pour enlever cette mémoire que tu as de lui, enfin sanslui.Le désir. -Je m’effacerai.

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Chapitre 4

Comment faire pour le rencontrer ?

1 ) Savoir qui il est.Je sais déjà : un homme dont le corps est un organisme fait de cellules, la base de tout le vivant, qui se sont rassemblées et organisées au fil du temps. Ce corps empli d’organes, de tubes et de fluides, d’hormones en tout genre, d’interactions et de mémoires.Et toutes ces pensées qui ne sont que des pensées.Education et environnement. Matière vivante et pensante, expérimentale. Structure spatiotemporelle.Je rajoute une histoire personnelle.Voilà l’humain. Te voilà.

2) Lire les informations sur lui.Toutes. Trier. Vérifier. Savoir ce qu’il pense. Je sais désormais beaucoup de choses sur lui, même des faits.

3) Attirer son regard sur moi.J’ai lu qu’il veut faire un voyage autour du monde et noter ses idées, ses impressions, peut-être écrire un scénario.J’ai donc envoyé un cahier vide avec une lettre à son intention.Attendre. Suivre le recommandé.Il ne l’a pas reçu. Gabrielle, de la Fondation, l’a gardé.

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4 ) Veiller aux évènements.Me tenir informée d’une nouvelle femme dans sa vie, comme Marie Chantal : j’ai vu les photos où il est avec elle mais son corps non, il semble sans désir pour elle, de l’amitié plutôt.Connaître les nouveaux films qu’il fait, savoir ce qu’il vit.

5) Canaliser les émotions que j’ai de lui, enfin, sans lui.Je peins, j’écris, j’envoie, je formule, je stocke les informations et les émotions.

6 ) Réfléchir. Prendre du recul. Méditer. Nommer.

7 ) Passer à une autre action.J’ai écrit une pièce de théâtre, il y a quelque temps.J’ai retravaillé le texte et je l’ai adressé à Contact TV, à Montréal.J’attends.La pièce est chez son agent, aux dernières nouvelles.Je m’approche doucement.Il n’y a pas que des kilomètres entre lui et moi, il y a tous ces autres.

8) Dernière tentative.J’écris un livre avec des illustrations. C’est plein de temps, de lui et de moi.Après j’arrête, il deviendra inaccessible.J’aimerais provoquer une situation, une collision, peut-être une rencontre.Je suis au bon moment du monde, mais le monde n’entend pas.Il est vrai qu’il me plait, mais il faut plus qu’un physique pour me retenir, il faut plus qu’être connu, il faut du savoir, de la profondeur, de la sensibilité.

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Et cet échange secret entre les corps.Interactions chimiques. Mais…Qui sait si mon corps ou le sien resteront dans le silence ?Personne ne sait pour le corps, il surprend toujours, lui qui vit au présent.Tout dépend de ce que l’on ressentira, lui et moi, face à face.C’est là un grand mystère.Je ne crois pas à la rencontre de deux âmes.Vieux concept abandonné par la majorité des Hommes.

Un jour je le verrai, l’Emotion me l’assure.Il lira mon livre et il le trouvera original et brillant.Il sera surpris et, irrésistiblement.

Il viendra vers moi.

Il prendra un avion.C’est une invitation.Je l’attendrai dans un endroit discret.Il sera intimidé, un peu, moi aussi. L’inconnu bien sûr.Je n’imagine rien, je laisse faire la vie. Je laisse faire la chimie.Je le verrai alors, tellement attentive et tellement absente.Il comprendra tous mes mots.Parce que j’aurais éveillé sa curiosité.

Il viendra vers moi.

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Il est 11 heures à Toulouse. J’écris. Il est 5 heures à Montréal. Tu dors ?

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LEONIE...

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Chapitre 5

Tout est calme dans la maison.Les chats, les murs, les meubles. Léonie.Tout est dans le silence sauf moi.Je raconte ce que j’ai ressenti après avoir vu ce film et combien l’acteur m’a touché.Léonie écoute et soupire : - Tu sais que les personnages des films n’existent pas ? Je veux dire qu’aucune réalité ne les habite.Ce sont des êtres inventés comme les dieux dans le ciel. Sérieusement, tu le sais ?, demande-t-elle en me regardant. - Oui.J’agrandis les yeux. - C’était quoi ce film ?, demande Léonie - Douloureux. Tiré d’un livre, d’une histoire vraie.Le général Dallaire. Un film qui t’ébranle entièrement, sur la guerre, sur l’injustice. Cet homme, il s’appelle Roméo.Je souris et continue. - C’est un militaire, il est envoyé au Rwanda pour vieller à la paix entre deux peuples. Enfin c’est tellement triste, injuste, violent, sanglant, que le général à force de voir ce drame permanent et mesurant sa totale impuissance, dit non à l’armée et à ses chefs. Sa souffrance est telle qu’elle remplit toute la salle, tu souffres avec lui.De telles émotions… Et puis l’acteur…Incroyable ce qu’il a voulu montrer ! J’ai pensé qu’après un tel rôle, il ne pouvait plus être le même homme et ça m’a bouleversé. - Thez, c’est comme d’habitude, tes émotions ont pris le pouvoir.

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Comme dirait Mac Lean, t’es bloquée dans le cerveau limbique. - Mac Lean ? C’est quoi limbique ? J’aime ce mot. - J’ai lu un article sur le net, qui parle du cerveau au cours de l’évolution, de son fonctionnement. C’est Mac Lean qui a conçu cette théorie. - Dis-moi. - Il envisage le cerveau métaphoriquement comme une maison à 3 étages. Attends, j’attrape le texte.Elle lit. J’écoute, captivée. - Le premier étage, il le nomme reptilien : c’est la partie du cerveau semblable à celui des reptiles, c’est notre base. C’est celui qui se charge de la survie de l’organisme : respirer, boire, manger, dormir, assurer la défense du territoire et la survie del’espèce.Léonie sourit et continue de lire : - Par exemple, quand quelqu’un dit : «Dégage de MA place !», il laisse s’exprimer son reptilien. Le cerveau reptilien aime conserver les mêmes habitudes.C’est lui qui a l’instinct d’imitation. Il privilégie l’odorat sur les autres sens. Il donne également le sentiment du présent. On peut le comparer à « un dragon tenu en laisse ».Léonie fait une pause, me regarde de cette façon si particulière, comme à chaque fois qu’elle trouve une piste pour approfondir notre recherche sur la connaissance de la nature humaine. Léonie reprend sa lecture. - Le deuxième étage, il l’appelle cerveau limbique ou mammalien : c’est celui qui te domine à ce que j’ai compris. C’est le cerveau des émotions. C’est lui qui sépare le monde en deux : «j’aime» ou «je n’aime pas». Il catalogue ce qui est vécu comme gratifiant, agréable ou bien comme désagréable. Ce qui est agréable est enregistré comme expérience à recommencer ou à rechercher. Ce qui est désagréable est enregistré comme à éviter ou fuir .

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Le cerveau limbique permet l’affectivité. C’est un héritage des premiers mammifères : il nous permet, comme nos lointains ancêtres, de nous occuper de nos enfants, d’avoir le sens de la famille et celui du clan. Il nous donne le sentiment du passé et préfère l’audition sur les autres sens. On peut le comparer à « un cheval sans cavalier ».

Et puis le dernier étage, le néocortex : mon préféré, précise Léonie. Il fabrique des idées, c’est son domaine. C’est le néocortex qui analyse, anticipe, prend des décisions… Il nous donne le sentiment du futur. C’est dans le néocortex que se trouvent emmagasinés le théorème de maths dont nous aurions besoin pour résoudre ce satané problème ou l’orthographe du mot que nous recherchons en vain Mac Lean l’appelle « mère de l’invention » et « père de la pensée abstraite ». Il préfère la vision sur les autres sens. Avec sa centaine de milliards de neurones, le néocortex pourrait apparaître comme un ordinateur, un monstre froid qui ne connaît pas les émotions… Pourtant, il y a dans notre néocortex une partie qui nous rend vraiment humain : les lobes frontaux. Ils sont si importants que certains scientifiques les considèrent comme un quatrième étage dans l’évolution du cerveau. Les lobes frontaux permettent à l’Homme de penser à l’autre, d’être altruiste : ils nous permettent de créer et de nous projeter dans l’avenir. C’est bien le néocortex et ses lobes frontaux qui font que l’être humain est différent de tous les autres animaux ! Et à la fin, il précise qu’il ne faut jamais oublier que les trois étages du cerveau sont interdépendants et agissent en interaction. Léonie allume une cigarette. - Tu vois ce que je voulais dire sur le limbique ? demande-t-elle en souriant. 24 Et bien t’es bloquée dedans. - Tu crois ?

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- J’en suis sûre, tes émotions viennent du cerveau limbique et c’est lui qui englobe cet acteur dans tes phantasmes, je te rappelle qu’il ne sait même pas que tu existes.Pas de réponse. - C’est stupéfiant ce que nous font les émotions, rajoute Léonie. Les émotions transforment les faits.C’est vrai.Je réfléchis…- J’erre dans le cerveau des mammifères. Intéressant comme formule.Léonie me répond, enjouée :- T’es en immersion, totalement sous son emprise, à cause du film et de ce qu’il a déclenché.- Ce qui explique ce que je ressens. Je suis en plein transfert.- Incroyable, la mécanique humaine, dit Léonie.- Tu sais que depuis, j’ai lu beaucoup de chose sur lui et vu la plupart de ses films, séries, photos, interviews.- Très excessif tout ça.- Pire. Hier soir j’ai regardé sur le net. Tu sais quoi ? Il est célibataire, il a mon âge, il sort d’une relation longue de quinze ans avec une actrice et je prends ça pour un signe.Léonie lève les sourcils.- Tu vois, tu recommences, les signes c’est totalement émotionnel.

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Chapitre 6

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Mail de Léonie.J’ai trouvé ce texte sur le net. C’est complètement en lien avec notre dernière conversation, j’ai cherché d’autres informations sur le cerveau : « renseigne-toi aussi sur Roger Sperry et Jill Bolte, leurs écrits sur ce thème sont intéressants. »

L’hémisphère droit

• Il gère l’espace, l’intelligence globale, l’intuition, le sens artistique. Surtout, chaque information nouvelle passe par lui. C’est déstabilisant, il est donc le siège des affects négatifs. Vision. Interprétation.

• Il fonctionne plutôt sur la globalité, l’expérience et l’erreur, la déduction.

• C’est le siège préférentiel du traitement de l’image et de la communication non verbale.

• Le coté droit représente le monde des émotions : sentiment et imagination. Il est analogique, empirique.

L’hémisphère gauche

• Il est analytique, logique, mathématique, séquentiel.

• Il fonctionne de préférence à partir du détail, il s’en sert pour aller vers la complexité.

• C’est le siège préférentiel du langage, mais pas exclusivement.

• Il gère le temps, le langage, le calcul, la pensée analytique, les savoir-faire, les procédures. Bref, tout ce qui rassure… Il est le siège des affects positifs.

• Le coté gauche, lui, est attiré par la réflexion : raison et méthode.

A chaque instant, l’hémisphère gauche enregistre, comprend, utilise les fonctions verbales, séquentielles, etc. Tandis que l’hémisphère droit enregistre et comprend le global. Les deux hémisphères fonctionnent ensemble, de façon complémentaire, permettant de conceptualiser les idées, les objets.Mais les circonstances, les habitudes ou la personnalité peuvent faire qu’un hémisphère prend le pas sur l’autre, du moins pour certaines activités.

Je vais rechercher d’autres textes sur le net et la prochaine fois nous en reparlerons ensemble, j’espère bientôt.Je suis avec toi. Léonie.

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Chapitre 7

Je m’apitoie, je m’alanguis, je m’alourdis.Autour de Roy, nombres de femmes soupirent pour un regard, pour un sourire.Nous sommes encore des adorateurs. Malgré l’extinction des empereurs, le peuple adore, le peuple ignore.Il croit encore aux mensonges du sang bleu.Le sang est bleu quand il manque d’oxygène.La vie est une énergie qui nous traverse. Elle est unique en son fond et multiple dans sa forme.C’est dans cette forme que je suis.

Lui, c’est un acteur, il sait tout sur la forme, puisqu’il en change.J’ai toujours eu cette faiblesse, cet attrait pour les acteurs, depuis l’enfance. Bloquée devant le téléviseur, aspirée par les films, mon imaginaire prenait déjà de l’ampleur. Je choisissais sans le savoir l’homme à venir.

Son histoire, que j’ai découverte petit à petit me plait, ses luttes, ses peines, ses leurres.J’aime sa pensée scientifique, j’aime ses valeurs.

Dans l’hémisphère droit de mon cerveau, j’imagine la convergence de nos vies, comme un destin qui bat son plein. Le voir en photo, en vidéo attise mon fantasme qui envahit mon espace.

Hémisphère gauche, hémisphère droit.

Deux espaces dans un seul temps, le temps du présent, seule réalité, seule immensité.

Je traverse l’imaginaire et reviens au réel en un temps record, sans toutefois mon accord.Je sais déjà que l’humain se projette sans fin, mais je me questionne sur le fait d’être touchée par l’autre, de le laisser entrer.Parfois, je crois pouvoir le rencontrer, question de probabilités.L’hémisphère droit de mon cerveau pense qu’il est pour moi.Avec ces idées qui sont miennes, je l’attends, je consens.

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Je ne suis personne aux yeux de ce monde, et mon réseau est si étroit, qu’il faudrait que les dieux m’aident dans la réalisation de mon choix.Mais les dieux sont des inventions de mon hémisphère droit.Et je ne sors pas de là, ce qui me donne bien du tracas.

Comme un destin déjà tracé, comme des chemins qui ne peuvent se rater.Obliger d’écrire pour canaliser.

Je crois parfois à un chemin défini, une étrange alchimie, comme si lui et moi étions faits pour être ensemble.Complémentaires et complices.Mais peut-être que, mensonge sur mensonge, tout ceci n’est qu’un songe qui se veut réalité.Je crois encore que mes pensées, mes émotions et mes fixations vont changer mon horizon.Roy et moi, blablabla.J’ai donc cru, dans un long moment émotionnel, me faire remarquer par cet homme virtuel, tellement médiatisé, inaccessible dans sa tour.Et du virtuel je suis passée au réel, comme un recours.

J’ai écrit, j’ai agi dans cette vie. Je l’ai contacté deux fois.

Je garde dans mon esprit son image, j’ai écouté ses mots qui ressemblent aux miens, j’ai construit des rêves en mon sein, des chimères et maintenant, incapable de l’atteindre.Je suis triste, je suis triste.Aucun détour, aucun secours.

Seule, je dois trouver en moi, la force de briser ses schèmes.

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Je fais appel au champ du possible, au hasard mais à aucune nécessité.

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Chapitre 7

Chapitre 8

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Le père. Revenir là, regarder le début, comprendre la construction. C’est donc l’histoire de la petite fille, l’ébauche du moi. Son premier modèle, c’est le père. Ce n’est un homme que dans la forme. Lui, le père, il ne sait rien. Il n’a pas voulu apprendre, n’a rien voulu comprendre, n’a même pas pensé. Le père n’aimait pas, il n’aimait personne et personne ne l’aimait, sauf la mère. Au début sans doute. Le père n’avait pas de principes, il était instinctif, primaire, faible. Il devait se sentir inférieur. Il la voyait autrement sa vie, il voulait être pilote d’avion à Limoges, c’est là qu’ils se sont rencontrés, c’est là qu’il a commencé à la vouloir. Il ne savait rien de l’amour, il était dans le désir, il ignorait cette différence, avait confondu et, se trompant, lui avait demandé de l’épouser. Elle avait dit oui. Il y avait d’autres hommes autour de cette femme, ça la rendait précieuse. Elle avait dit oui. Séduite, elle pensait à la longueur de ses lettres, à l’audace de sa demande, elle croyait que son insistance était de l’amour. Elle avait dit oui. Elle était tellement heureuse à ce moment là. À ce moment précis. Il ne l’avait jamais aimée et très vite il l’avait haïe, de cette haine qui remplit la maison. Il s’était mis à boire car avec elle il s’ennuyait, il rêvait d’une autre vie, et elle retenait son rêve. Il en parlait à ses copains, ceux du bar où ils buvaient ensemble, jusqu’au coma. Il voulait oublier cette vie qu’il détestait, il buvait tous les jours.

Quand il rentrait, il ne supportait rien et la mère encore moins, il n’avait qu’une envie en la voyant, l’humilier. Il le faisait tous les jours, un rituel.

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Il pensait de plus en plus que c’était par sa faute qu’il vivait cettepetite vie. Il ne pouvait concevoir que ce fut la sienne, il n’était pas assez intelligent.Il se sentait prisonnier. Aucune issue. Alors il sombra dans la violence.

La mère supportait cet enfer car elle ne savait pas où aller et puis elle avait peur, elle était comme surprise par cette vie. Elle n’aurait jamais pensé avoir une telle vie, et ça lui arrivait. Elle n’avait pas su quoi faire au début, elle ne pensait pas à le quitter. On ne quittait pas alors l’homme qu’on avait épousé. Elle subissait. Elle ne voulait pas que les autres sachent. Elle était battue mais restait fière. Elle a supporté cette vie treize ans.Le père de la petite fille était devenu méchant au fil du temps. Violent.Alcoolique.Il ne pouvait pas être son père. Alors elle s’est éloignée de lui, de l’intérieur.Elle ne voulait pas aimer le père, elle aimait qu’il ne l’aime pas, il lui faisait honte. Un père comme ça, qui voudrait de lui ?Les trois enfants étaient pour lui ceux de la mère. C’était elle qui les avait faits. Lui, non.La petite fille ne se souvient pas du père.Opaque est l’enfance, enfer est l’enfance,. Elle a tout enfoui au plus profond de sa personne, elle ne l’a pas vraiment choisi, ça s’est fait.Elle est morte quelque part comme d’autres à cet endroit, dedans.Elle a fermé la porte pour toujours. Pas de mémoire et pas de douleur.Mais c’est écrit quand même : l’environnement marque l’intériorité, l’intimité, la psyché.La petite était là, à voir le drame, à voir la violence du père sans comprendre, mais elle ne se souvient pas de son odeur, de son visage, de son corps. Elle a tout oublié.Elle le voyait au quotidien, sans doute avait-elle peur de lui, surtout quand il criait et qu’il frappait la mère. Que peut faire l’enfant, sinon mourir en lui-même ?Sûrement que dans son coeur de petite fille, elle aurait voulu aimer le père, lui parler, lui dire pour le mal causé au jour le jour.Malgré la peur qu’il lui inspirait, elle devait probablement s’avancer. Elle ne sesouvient pas. Peut-être qu’il la repoussait, elle ne sait plus.C’est comme un néant.

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Elle le détestait d’être, elle aurait voulu sa mort. Mais les petites filles ne savent rien de la mort. Elle avait mal c’est sûr, voilà pourquoi elle a tout occulté. Elle devait fermer les yeux, attendre la fin.

Elle aussi rêvait d’une autre vie.

Dans son corps de petite fille et dans le cœur même, le désordre devint complet. Un insupportable malaise organisé du dehors. Cet homme mettait en elle un chaos, un désordre immense dans les émotions, une grande souffrance et une destruction. La petite fille, le soir, entendait les bruits, les coups, les cris, les pleurs, toute cette violence imprimée sur sa mère, dans le corps, sur la peau. Elle ne se souvient pas de la mère non plus. Pourtant, la mère a dit qu’elle était là, à tout voir. Souffrant de la souffrance de sa mère.

Le cœur débordant de haine pour le père. Peut-être. Elle ne se souvient pas. Elle ne se souvient pas d’avoir prononcé une seule fois ce mot : papa. Le père, ce héros du mal, ce maître de la douleur. Pour arrêter le malheur en elle, ne supportant pas cette violence, elle a effacé la haine et le père d’un coup, un jour. Elle ne sait pas quand. Elle trouvait injuste le choix de la mère pour ce père, donné. Elle était très en colère. Elle n’avait que l’imaginaire comme réconfort d’une autre vie. La petite fille commençait à se raconter des histoires pour survivre. Ensemble, le père et la mère ne pouvaient vivre en paix. Ils devaient sûrement manger à table avec elle… Pourtant elle ne voit pas la table. Ils n’ont jamais mangé.

Elle a onze ans. Elle finit par croire qu’elle est née à cet âge là. Peut-être qu’elle a été adoptée ? Mais non, elle sent un lien, elle sait qu’elle a un frère et une sœur mais quand ? À onze ans ? La mère lui rappelle le passé, mais rien ne vient, aucune image, aucun mot. L’absence d’elle en elle. La petite fille a dans le corps l’écriture sombre de l’homme qui était son père. Souffrait-elle de ne pas être aimée de lui ? Elle ne le croit pas.

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Haine et amour, déjà, luttaient dans son petit cœur de petite fille. La petite fille a su avant tout autre chose que l’homme était violent, que l’homme donnait la peur, que l’homme tuait de l’intérieur. Son premier homme fut celui-là, un esclave du mal, une brute qui domine. Un alcoolique.

La petite fille aurait voulu être grande pour partir. Mais ce n’était pas possible alors elle a effacé onze ans d’un coup. Elle ne sait pas quand, elle ne sait pas comment, cela c’est fait. C’était bien ainsi. Et puis un soir, sa sœur devenue grande, vint à la maison avec son homme. Le même que le père. Elle l’ignorait, il ne s’était pas encore dévoilé. Mais la violence était en lui, la même. Le père était là, l’homme était là. Le père était saoul, l’homme l’a poussé et ils se sont battus. La mère et les enfants avaient peur. L’homme se battait contre le méchant père. Et cela les peinait, et cela les apaisait qu’il frappe sur lui et qu’il le mette dehors. Ils étaient contents, il était sorti, il ne reviendrait plus. À partir de ce jour, le père n’a plus été là. Il dormait dans la cave.

Possible qu’elle invente…

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Douze ans. Elle voit ses premiers films à la télévision. C’est dans ces films qu’elle rencontre des hommes différents du père. Ce sont les hommes acteurs. Ils lui ont montré d’autres valeurs, attachées bien serrées dans leur coeur.

Sans doute confondait-elle l’homme et l’acteur. Mais c’était encore une petite fille.

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Chapitre 9

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1La grande sœur, Elle.Conversation dans le salon.Depuis plus d’une heure…La grande sœur, sourcils levés : -Tu ne le rencontreras jamais, c’est impossible.Elle, chantonnant : -Moi je crois que oui.La grande sœur : -Le verbe croire est imprécis, vaniteux.Elle, têtue : -Peu m’importe, je le crois quand mêmeLa grande sœur : -Comment peux-tu ?Elle, sérieuse : -Si je ne sais pas le comment, je sais le pourquoi.La grande sœur : -Pourquoi ?Elle : -Il fait parti de mon tout cohérent.La grande sœur, déstabilisée : -Je ne comprends pas, mais je me souviens que très jeune, déjà, tu était attirée par les acteurs, tu voulais les connaître.Elle, tenace : -C’est dans les films que j’ai vu des hommes de bien, des hommes intelligents et dignes.La grande sœur, lassée : -Je sais, tu me l’as dit cent fois mais c’est là que tu as commencé à t’inventer des histoires. Souvent dans le rêve et rarement dans la réalité.Elle : -Oui c’est vrai, c’est pourquoi j’envisage les évènements sous un aspect différent.La grande sœur, soucieuse : -J’ai peur que tu te perdes.Elle : -Où veux-tu que je me perde ?La grande sœur : -Dans le vaste imaginaire.

Elle baisse les yeux, baisse la tête.La grande sœur ne dit rien. Que peut-elle faire devant tant d’illusions.Elle sait que sa petite sœur est une artiste, une rêveuse, mais croire àun avenir avec cet acteur ? Les bras lui en tombent.La grande sœur : -Tu devrais consulter un psy, pour voir ce qu’il en pense.Elle, regardant la grande sœur, un peu de tristesse dans les yeux :-J’irai pour te faire plaisir. UNE FOIS.

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2Elle est dans la salle d’attente de la psy.

La psy, ouvrant la porte : -Entrez, Madame.Elle entre et s’assoit.La psy : -C’est la première fois que vous venez ?La patiente : -Oui. Vous pouvez me tutoyer.La psy : -Je ne peux pas, il faut respecter la distance.La patiente : -Quelle distance ?La psy, sérieuse : -Nous sommes dans une relation professionnelle donc, pas d’intimité.La patiente : -Certes, mais ce que je vais vous dire est complètement intime.La psy, directive : -Allongez-vous sur le divan.

La patiente se lève pour aller s’étendre sur le divan ; de cette façoninstallée, elle ne la voit plus. Elle l’imagine sur son fauteuil, derrière son bureau, crayon en main.

La psy, doucement : -Je vous écoute…La patiente : -Voilà je suis intéressée par un homme. Un acteur qui vit au Québec. -Je l’ai vu jouer dans un film et depuis, il me semble que nous sommes faits l’un pour l’autre.La psy, hochant la tête : -Je vois.La patiente, se retournant : -Vous avez de la chance, moi je ne voisrien.La psy : -C’est une façon de parler.La patiente : -Ah bon…La psy : -Depuis combien de temps ?La patiente : -Depuis le mois de mai.La psy, les sourcils levés. Un soupir : -Continuez.La patiente : -Il y a six mois, je regarde un film : J’ai serré la mains du diable. Et là, j’ai su que je voulais rencontrer cet homme.

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Depuis j’ai vu tous ses films, écouté toutes ses interviews, lu tout ce qui le concerne.La psy : -Vous avez pris contact avec lui ?La patiente : -J’ai essayé par le biais d’une fondation dont il est le président mais il n’a reçu ni la lettre ni la peinture que je lui avais faites.Trop de fans, trop d’intermédiaires.La psy ne dit mot.La patiente : -Il faut savoir que j’ai toujours eu un imaginaire débordant. J’en parlais justement avec ma sœur la semaine dernière, c’est pour cela que je suis venue vous voir. Elle s’inquiète pour moi. C’est elle qui m’a demandé de consulter et qui m’a dit que vous auriez des réponses pour moi.La psy, très solennelle : Ce qu’il faut savoir dans la démarche thérapeutique, c’est que vous êtes celle qui va trouver les solutions, moi je ne suis qu’une oreille.La patiente : -C’est terrible de n’être qu’une oreille quand on sait que tout le corps est présent…La psy reste silencieuse.La patiente, se levant : -Je pense que cela ne va pas m’intéresser. Je veux quelqu’un qui me parle, qui me donne des pistes.La psy : -Comme vous voulez, mais c’est là le principe de la thérapie : vous parlez, j’écoute.La patiente : -Je vais partir, c’est mieux. Combien je vous dois ?La psy, fermée : -Rien. Mieux pour qui ?La patiente, sortant en souriant : -Pour nous deux.

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3De retour à la maison, Elle téléphone à la grande sœur.

Elle : -Je sors de chez la psy.La grande sœur : Alors ?

Elle : -Elle m’a dit que la solution était en moi et qu’elle n’était qu’une oreille.

La grande sœur, éclatant de rire : -Quelle drôle de réponse !

Elle : -Je n’irai plus. Elle ne parle pas, elle veut que je cherche seule, ce que je fais déjà.

La grande sœur : -Tu vas contacter quelqu’un d’autre ?

Elle : -Oui. Il faudrait quelqu’un d’expérimenté en matière d’imaginaire.

La grande sœur : -C’est sûr. Il faut te renseigner.

Elle : -Je vais le faire, je vais chercher. A bientôt, je te rappelle.

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4La cliente entre et sonne.Large sourire de la conseillère qui lui tend la main et l’introduit dansson bureau.L’endroit est chaleureux, plein de couleurs, les murs sont couverts delivres et de tableaux. La cliente s’assoit.La conseillère : -Vous savez que le premier rendez-vous est gratuit. On voit si l’on peut s’entendre, comme je vous l’ai dit au téléphone. Vous voulez un café ? -Un thé ?Elle revient bientôt avec un plateau.La conseillère : -Je vous écoute.La cliente : -Mon imaginaire m’enchaîne et complique mes choix.La conseillère, avec un sourire : -Il m’en faut plusLa cliente : -Je voudrais ne plus imaginer.La conseillère : -On ne peut pas.La cliente : -Vous croyez ?La conseillère : -J’en suis sûre. L’imaginaire fait partie de la vie, même les animaux en ont un. Vous pensez que vous en avez trop et que cela fausse votre choix ?La cliente sourit à son tour et la regarde.La cliente : -Oui, c’est exactement ça.La conseillère : -Et que dit-il, cet imaginaire débordant ?La cliente : -Il me dit que je vais aller vivre au Québec. Que Roy et moi sommes faits pour être ensemble et blablabla.La conseillère : -Une histoire d’amour, donc.La cliente, hésitante : -Pas tout à fait, je ne connais pas ce Roy, et il ne sait pas que j’existe.La conseillère : -Ah ! D’où le problème !La cliente : -C’est ça.La conseillère : -Parlez moi de lui.La cliente, ravie : -C’est un acteur. J’ai essayé de le contacter à la fondation qu’il préside, je lui ai envoyé un présent et une lettre. Je sais qu’il ne les a pas reçus, détournés de leur trajectoire par une certaine Gabrielle, coordinatrice et méfiante. Cet homme a beaucoup de fans, surtout des femmes, vous comprenez ?

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Il est inaccessible.La conseillère : -Et ensuite ?La cliente, complice : -Ensuite je viens vous voir.La conseillère, en souriant : -D’accord, d’autres choses que je dois savoir ?La cliente : -Oui. Elle respire lentement.J’ai développé une idée, je l’appelle le principe de cohérence.La conseillère : -Très intéressant, continuez.La cliente : -Je pense que pour choisir un homme, il faut bien se connaître et rester cohérent avec ce que l’on est réellement. Quand j’ai vu ce film, et que je l’ai vu, lui, j’ai su que c’était le genre d’homme que je voulais, qu’il « s’intégrait » parfaitement dans mon tout cohérent.La conseillère : -Je comprends mieux votre souci. Au prochain rendez-vous,nous explorerons ce sujet. Lundi prochain, 10 heures, cela vous convient ?La cliente, levant les sourcils : -C’est très court…La conseillère, souriante : Toujours, la première fois. C’est assez cependant pour savoir s’il est utile de continuer.La cliente : -D’accord. À lundi.La conseillère : -Vous m’apporterez la lettre ? J’aimerais la lire.La conseillère se lève et raccompagne la cliente à la porte.Elles se saluent. -La cliente sort.

5La grande sœur et Elle.Conversation téléphonique.Elle, excitée : -J’ai rencontré une conseillère ! Je vais faire un travailavec elle. Elle me plait, elle parle, j’adore. Elle ne met pas de distance entre nous. Nous sommes égales. C’est important pour moi.La grande sœur : -Tu la connais d’où ?Elle : -Sur le net. Le premier rendez-vous était gratuit, il dure dix minutes.J’y suis allée.La grande sœur, en paix : -C’est bien, j’aime quand tu cherches. Tu sais qu’il faut regarder les choses en face.

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6Lundi 13 décembre. 10 heures.Deuxième rendez-vous. Même endroit, même personne, même histoire.La cliente est assise, le café est sur la table.La séance commence.La cliente, en souriant : -Vous pouvez m’appeler Terez.La conseillère : -D’accord, moi c’est Thelma. On peut se tutoyer, si vous voulez.Terez : -Quand j’étais petite, tous les hommes, et mon père en particulier, étaient violents et ignorants. Premier modèle, mauvais modèle. Un jour, ma mère achète la télévision. J’ai douze ans. Je regarde des films et je vois que les hommes peuvent être grands et bons. Je me mets à confondre le personnage avec l’acteur, mais je suis une enfant… Je pense qu’ainsi, j’ai pu choisir, en dehors de mon environnement, les hommes de ma vie à venir.Thelma : -Je vois que tu as déjà beaucoup réfléchi. C’est ce qu’il fallait pour comprendre et faire des liens.Terez : -J’ai compris quelques liens. Mais le pire, je te le dis franchement, c’est de croire qu’il est fait pour moi, cet homme, cet inconnu.Thelma, sincère : -Tu sais que les émotions doivent partager l’espace avec la raison. Les émotions sont un moteur, pas un maître.Terez : -J’approuve cette façon de voir.Thelma : -Alors, qui est le maître ?Terez : -Ce désir de le rencontrer.Thelma : -Ce n’est pas vraiment une émotion, mais je comprends.Terez : -C’est-à-dire, je le sens de tout mon corps parfois.Thelma, attentive : -Sentir est une chose, savoir en est une autre.Terez, inquiète : -Comment choisir ? Quelle voie suivre ?Thelma : -Est-ce que tu connais bien les émotions qui sont dans la nature humaine ?Terez : -Oui, en tout cas les essentielles : l’amour, la peur, la haine, la colère, la tristesse, la joie. Toutes les autres découlent de celles-là.Thelma : -Parfait. Mais l’amour n’est pas une émotion. C’est un sentiment qui s’installe dans la durée. Nous aimons le connu et sommes attirés par l’inconnu. Je pense qu’il faut être précis avec les mots.Terez : -c’est vrai.

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Thelma : -Ton histoire avec l’amour, raconte-moi-làTerez : -Plus jeune je ne savais rien de l’amour, je n’étais que dans la passion brûlante et déchirante, dans l’amour névrosé. J’étais tellement chaotique...Aucune maitrise des émotions, submergées par elle, en déséquilibre permanent. Maintenant je les nomme, je les accepte et je canalise. Quand à l’amour, eh bien petit à petit, j’ai appris à aimer.

Aujourd’hui je suis prête.Thelma : -Le savoir est important mais s’il reste théorique, il est vain.Terez : -Je l’ai bien compris. Mais pour l’imaginaire, que faire?Thelma : -Attends, tu vas trop vite. Pourquoi as-tu dit, je te cite : le pire c’est de croire que cet homme est pour moi ?Terez : -Parce que le verbe croire est émotionnel et infantilisant.Thelma : -Certes.Terez, souriant lentement : -Et parce que j’ai pu l’inventer. Je me dis que c’est une construction mentale, l’imagination qui, une fois de plus, envahit ma réalité.Thelma, concentrée : -L’imaginaire seul est source de confusion mais pas quand il se mélange à la raison. Et je sais que tu en as. Envoyer un cadeau à un homme qui habite loin, ce n’est pas de l’imaginaire, c’est du réel, et je ne vois rien de grave dans cette action.Terez, plaintive : -Oui. Mais je n’arrête pas de penser à lui.Thelma : -C’est normal que tu penses à lui, tu es dans le désir et en plus tu attends une réponse. Tu es juste impatiente.Terez : -C’est vrai.Thelma : -Les pensées, tu le sais, ça va, ça vient. Elles suivent le mouvement émotif et se calquent sur l’environnement interne ou externe. Elles ne sont pas la vérité. Et d’ailleurs, tu as du le remarquer, elles ne font que passer. C’est toi qui les retient.Terez : -Je le comprends, je vois de mieux en mieux ces pensées qui passent ou qui restent selon mon choix, conscient ou inconscient.Thelma, hochant là tête : -C’est pas simple tout ça.Un silence s’installe, un silence de réflexion.

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Terez : -j’ai écrit un livre. Un livre qui parle de lui et de moi, du virtuel et du réel, des informations sur la construction de notre personnalité, avec des peintures qui illustrent les différents textes.

Thelma, surprise : -Tu as écris un livre?Terez : -Oui, et je l’ai envoyé à son agence.Thelma, sincère : -Tu m’épates.Terez sourit et son visage resplendit.Thelma : -Et alors ?Terez : -Eh bien j’ai écrit un mail à l’agence pour savoir s’il l’avait reçu. C’est bien le cas et Roy doit passer le prendre, mais comme il est très occupé...Thelma : -T’es pas contente ?Terez : -Oui et non. Je pense que c’est l’agent qui va lire mon courrier. C’est sans fin, les intermédiaires.Thelma : -En tout cas, il faut de l’audace et tu en as. Je ne vois rien d’alarmant dans ce que tu racontes et dans ce que tu vis.Terez, plaintive : -Mais j’ai peur de me raconter des histoires.Thelma : -Nous nous racontons tous des histoires, elles sont juste différentespour chacun. Et s’il ne te répond pas, tu seras juste déçue et triste, et tu canaliseras ces émotions comme tu me l’as si bien dit.Terez : -C’est juste ça finalement, une histoire d’émotions et de canalisations.Terez éclate de rire.Thelma, rassurante : -Tu es créative, tu peins, tu écris, et c’est là ce qu’il faut faire. Le reste ne dépend pas de toi, mais de lui. Tu ne crois pas ?Terez regarde Thelma, apaisée. Elle se lève, marche un peu, se retournevers Thelma.Terez : -Tu as raison.Thelma : -Je pense que l’entretien est fini. Elle lui tend un papier. Prends, tu le liras après.Terez : -J’ai la lettre.Thelma : -Je n’ai plus besoin de la lire, garde-là.Terez paie. Thelma la prend dans ses bras.Thelma : -Plein d’amour pour toi.Terez sort légère, souriante, sautillante dans la rue.

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A peine dix pas, et elle lit le papier.

Carl Gustav JUNG, « Autant que je puisse en juger, le seul but de l’existence humaine est d’allumer une lumière dans l’obscurité de l’être ! »Elle met son casque, allume la musique et marche.Ravie et en totale harmonie.

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Chapitre 10

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J’ai toujours voulu savoir le pourquoi de notre présence dans ce monde.J’ai toujours voulu savoir le comment.Et j’ai toujours voulu savoir qui j’étais.Au tout début de ma recherche, j’étais pour ainsi dire inconsciente mais j’avais soif de savoir.Elevée dans un environnement chaotique, je me suis vite sentie perdue. Rien n’avait de sens, je survivais.J’étais toute de colère, de haine et de passion.J’ai connu le monde à travers l’imaginaire, et rien, autour et à l’intérieur de moi, n’était en adéquation.Je vivais en perpétuelle incohérence.Je voulais savoir comment fonctionnait la nature humaine et puis après…Zoom sur moi…La psychologie, j’en ai pris les bases, mais je me suis égarée dans les méandres de mon histoire personnelle, encore et encore. J’y suis restée enfermée longtemps. Puis, j’ai fini par comprendre mon fonctionnement.D’abord, on naît tous pareils, bébés avec ou sans amour, puis l’éducation, avec ou sans attention, l’environnement, hostile ou amical, les idées, claires ouconfuses, les rencontres, ouvertes ou fermées, les choix inconscients ou conscients.Je voulais être consciente.Puis j’ai survolé ce qu’on appelle l’ésotérisme. J’y ai trouvé des mondes parallèles, virtuels où l’on transcende la réalité en passant par l’astrologie, la spiritualité. Tous ces livres qui parlent d’autres visions de notre vie sur terre, je les ai lus et j’ai su toutes les croyances.Déjà j’allais mieux mais je me sentais toujours perdue.Pendant deux ans j’ai visité l’idée de Dieu. J’étais sceptique mais ma soif de vérité et de paix m’y ont attachée.Là j’ai trouvé une forme d’amour : dans la Bible, derrière tout le décor, il y a l’histoire de l’amour. J’ai donc étudié la Bible et j’ai eu accès aux symboles.

J’ai réfléchi à mon histoire avec l’amour. Comment était sa forme en moi ?Et là vraiment, mes yeux se sont ouverts.Je n’étais plus perdue.

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Jésus super philosophe ! Mais son « père » à lui ne me plaisait pas. Trop jaloux, trop en colère, trop injuste. Dès le début, avec Adam et Eve…Je ne pouvais plus croire, je voulais savoir.

Je me suis intéressée au bouddhisme, au tao, et j’ai compris que la culture judéo-chrétienne m’avait enfermée dans ces deux notions du bien et du mal sans autre alternative. En lisant les philosophies orientales, je suis sortie du binaire pour accéder au concept de la complémentarité. J’ai saisi la chaîne des causes et des effets.Je n’étais plus en colère et presque en paix.J’ai lu des livres de plus en plus précis, j’ai étudié les émotions, leurs charges, leurs noms, leur nécessité et plus que tout, je connaissais leurs mouvements : urgence, dispersion, confusion, information.L’ émotion, quand tu l’écoutes, elle te raconte une histoire.Elle est créative, riche en possibilités, en inventions, en suppositions.Mais elle peut être tyrannique.Avant je croyais que l’émotion était une vérité et que dans son intensité se trouvait une intention. J’avais tort.En regardant les émotions comme des objets, j’ai créé une distance entre moi et mes sentiments. Enfin !Je ressentais les émotions mais elles ne me submergeaient plus ; je les contenais, je les canalisais, je les nommais.J’ai regardé dans la psychanalyse : trop long, trop de symboles, pas les miens, ceux de l’imaginaire collectif, une interprétation fictive et un grossissement de l’ego. Mais je généralise : j’ai lu Jung longtemps.J’aime ce qu’il dit.

Ainsi, à force de lire, de comprendre, d’ouvrir, d’éclaircir, de choisir… J’allais bien. De mieux en mieux.Mais mon imaginaire était encore tout puissant.Et puis j’ai rencontré la science grâce à mon mentor, mon Gandalf le gris, le père de ma fille, qui m’a expliqué pendant des années l’histoire de l’univers : le Big Bang, les premiers atomes, l’évolution et toutes ses émergences, jusqu’à celles des hommes.

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J’ai pu nommer les choses en moi comme celles en dehors de moi.Je me sentais éclairée.La raison était devenue mon amie.Quant aux pensées, celles qui couraient dans ma tête, celles qui se fixaient à l’intérieur de moi, j’avais vu leur façon de naître et d’évoluer, leur emprise.Je savais que les pensées n’étaient pas des faits.Je suis un enroulement de l’univers sur lui-même. J’ai lu Reeves, Pelt, Einstein, Paccalet, Monod, Jacquard et bien d’autres.Des documents sur les atomes, la matière, l’énergie, la cellule. J’étais fascinée.Ces nouvelles informations ont complètement transformé ma vision du monde.

Comme Reeves le dit :« En créant l’homme, l’univers a pris conscience de son existence »Incroyable, palpitant ! Nous sommes DE l’univers.Nous sommes faits de la poussières des étoiles, ce qui est une façon poétique de dire que nous sommes fait d’atomes, comme tout le reste du vivant et du non-vivant. Nous sommes une infime partie du tout.Et puis j’ai vu les liens qui unissent toute chose, infiniment matériels, vibratoires, psychologiques, sociaux, locaux, qui nous font devenir ce que noussommes.Je me sers des outils dont dispose l’homme en lui : émotion, pensée, imaginaire, concept, raison…J’ai enfin des réponses à certaines de mes questions.

Qui sommes nous ?Homo sapiens sapiens, structure spatio-temporelle, matière vivante, agissante et pensante de l’univers.

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Où allons-nous ?A aucun endroit précis, c’est ça le plus dur à comprendre, il n’y a aucun but précis, nul plan particulier.C’est à nous de donner du sens à l’univers, et par conséquent à notre vie.D’où venons nous ?Nous faisons partie de l’univers, faits de particules de matière, de l’évolution lente des organismes, une étape dans la grande complexité. Nous faisonspartie du vivant. Nous vivons par ses lois.La nature nous a façonné dans sa lente programmation et nous faisons partie d’elle, comme une émergence.La connaissance par la science avait répondu à mes questions d’une façon objective.Les réponses trouvées par le biais de mes émotions semblaient plaisantes, mais trop instables, injustes, extatiques. Trop limitées à ma personne.Mon imagination n’était pas efficace pour connaître le monde.Par contre, en utilisant la raison, j’ai constaté qu’elle m’ouvrait d’autres horizons.J’en étais là. À jour.Puis Léonie, il n’y a pas si longtemps, m’a parlé du cerveau et de son fonctionnement.J’ai donc étudié des livres qui expliquaient le cerveau.J’étais très impressionnée, tout se bousculait, je n’étais plus moi.J’étais un assemblage, une construction hautement mécanique et sensible dotée d’une mémoire, et tout ça, dans un corps éponge.Je suis une forme du vivant.Chaque forme est liée à sa nature et à son environnement.Tout le reste n’est qu’émotion et interprétation. Je suis matière à forme humaine, faite de chair et de sang, un organisme complexe avec une mémoire classée qui me fait croire à une identité, à la possibilité d’une éternité.Et dans le tourbillon des mots et des sentiments, il me semble être.

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Et au milieu de tout ça, un jour, après un film :

Roy.

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Je devais voir ce qu’il faisait en moi et pourquoi il habitait mes pensées, mon espace-temps.Pourquoi il retenait mon attention.En plus je détestais être fan.Alors que je m’apitoyais encore sur cet imaginaire débordant, un concept en moi s’imposait. Son nom : le principe de cohérence.La cohérence, c’est le fait d’être en accord avec toutes ses parties d’une manière pacifique et authentique. C’est pourquoi Roy répond à ce principe, simplement parce qu’il correspond à une parcelle en moi. Il est acteur, il aime la France, il est homme, il est scientifique, il est entier, il est célibataire. Il aime les arbres et moi je les peins. Et il m’a touché plus que de raison.C’est donc devenu cohérent de le rencontrer, de le voir, un jour.J’allais profiter de son intrusion dans ma vie pour la transformer en création.Et depuis je peins,j’écris,j’envoie,je formule,je stocke les informations et les émotions.

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Chapitre 11

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Roy Dupuis vient de finir son dernier film. Cyanure.Fatigué physiquement et nerveusement, il s’autorise quelques semaines de repos avant de repartir sur son nouveau projet. Il sait qu’il a besoin de s’éloigner, de prendre du temps pour faire le point sur lui, sur sa vie et sur ce qu’il veut vraiment.Des lettres s’entassent sur son bureau.Il reçoit beaucoup de propositions mais avec le temps, il est devenu très sélectif.Alors qu’il se décide à ouvrir son courrier, une enveloppe venue de France retient son attention. Il aime la France. Après tout, le français est sa langue maternelle.Il ouvre le courrier et voit un DVD puis une lettre.Il s’assoit près de la fenêtre et lit.Il est surpris de son contenu mais reste très inattentif. Il regarde le DVD, qui d’après la lettre contient le texte d’une pièce de théâtre mais choisit de ne pas l’ouvrir. Il n’a pas envie de lire cette pièce, pas maintenant. La lettre parle aussi d’un cahier que l’inconnu lui aurait envoyé et qu’il n’a jamais reçu.Mais pour l’heure, il est très pris par les préparatifs de son prochain voyage.Il part en l’Inde, pour deux mois et demi, bientôt. Il est tellement heureux de faire ce pélerinage.Il va visiter le sud. Première étape : Bombay. Il ne prend que son sac à dos. Cette fois-ci, il n’a rien prévu, il veut laisser les évènements arriver.Il rencontrera des gens sur place. Voyager lui fait toujours un si grand bien, il se trouve toujours plus clair quand il revient. Et puis un peu d’anonymat, être seulement un homme qui s’aventure, immergé dans un autre environnement, lui fera un bien fou.Il ne pense qu’à ce voyage, le départ est pour bientôt. Demain.Ses pensées s’agitent en tout sens, l’inconnue qui lui écrit de France est oubliée.Pourtant vers 1 heure cette nuit-là il envoie un mail à Gabrielle, coordinatrice de la fondation.« Salut. Je voulais savoir si tu peux m’envoyer le cahier de Theze, la peintre, que tu as du recevoir au mois de juillet. Merci et à bientôt.»

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Le matin, il règle les derniers détails, laisse là tout son courrier, prend son sac. Il est comme étourdi de bonheur. C’est le grand jour, il part.Deux jours plus tard, dans sa boite mail :« Salut Roy.Prêt pour ton départ ? Oui je l’ai reçu, je ne te l’ai pas donné car il concernait un projet dont tu ne faisais pas parti. Je te le poste dès quepossible. A plus tard. Gabrielle. »

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Chapitre 12

Mi avril.Roy est de retour. Il est posé, calme, limpide comme l’eau d’une source. Ce voyage l’a ravi, dans tous les sens du mot. Il a vécu tellement d’émotions, de rencontres. Il est rempli de vie.Il est là depuis quelques jours quand il se décide à ouvrir son courrier. Il voit une grande enveloppe qui vient de la fondation. Il ne sait plus pour le cahier, pour la lettre, pour l’inconnue, tout ça est si loin, plus de deux mois sont passés.Il ouvre, voit le cahier peint et trouve la lettre, le lien ne se fait pas de suite dans son esprit, c’est une fois avancé dans ce courrier qu’il se souvient de la pièce de théâtre. Il lit toute la lettre et comprend que cette femme partage ses idées et son goût pour la science. Il voit qu’elle est peintre et qu’on peut regarder ses tableaux sur son site Internet. Il ne le fait pas. Il ne lit pas la pièce. Plus tard.Des lettres il en reçoit plein, des cadeaux aussi. Il est tellement sollicité que pour le moment rien ne retient son attention.Mais à chaque fois qu’il passe devant son bureau, il voit le cahier, et il se souvient du dvd.Un jour il s’approche, l’ouvre, met le cd dans son ordinateur et commence à lire la pièce.C’est l’histoire d’un père et de sa fille en grande conversation sur l’amour. Il aime l’idée des personnages comme la raison, l’amour et le temps qui sont représentés par des statues immobiles. Pourtant cette pièce ne réveille en lui aucun écho.

Il se souvient alors que c’est un cadeau. Il s’étonne.Cette inconnue l’intrigue.Ce soir là alors qu’il n’arrive pas à dormir il consulte Internet, il tape sans hésiter sur google : Theze galerie création : Le premier tableau qu’il voit c’est un couple. Il ne s’attarde pas.

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Il lit le titre des galeries : les romantiques : les penseurs, les dieux imaginaires, les conceptuels, les messagers. Ces mots le touchent profondément, un écho se fait en lui, et une grande curiosité l’envahit. Il regarde tous les tableaux un par un : il en aime les couleurs vives et la composition. Il aime la présentation de l’artiste, son parcours artistique.Il est stupéfait quand il reconnaît son propre visage dans les peintures, mais ensuite lorsqu’il comprend qu’elle s’adresse à lui à travers les tableaux, il vit une émotion si intense qu’il en retient son souffle.Elle lui propose une rencontre.Il est comme saisi.C’est à cet instant précis qu’au plus profond de lui-même naît le désir  : celui de la connaître. Sa curiosité en éveil, il ressent comme un élan de vie, une chaleur immense l’envahit. Mille pensées tournent dans sa tête. Il lit tous les textes.Il finit par se coucher, il pense à ces tableaux, à ces textes et s’endort avec elle.

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Chapitre 13

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Terez pense à Roy.Souvent.

C’est l’ouverture de l’ère virtuelle qui crée ce phénomène : elle peut à sa guise, dès que sa pensée se fixe sur lui, aller voir sur le net à n’importe quel moment du jour ou de la nuit ; les informations sont là et suivent ses mouvements, elles lui parlent de lui, de ce qu’il vit en ce moment. Toutes ces informations s’agglomèrent, formant dans son cerveau une mémoire virtuelle quoique réelle. Les émotions engendrent le désir de savoir.

Et là, elle fixe de nouveau, elle pose son regard sur lui.Etrange et stupéfiant ce monde des interactions : elles viennent du dehors, impriment le dedans, s’unissent, tissent des réseaux, des connexions et se transforment en souvenirs. L’humain est stupéfiant.

Terez ne sait toujours pas si Roy a lu sa pièce de théâtre. Elle croit que non.Son DVD doit se mélanger aux courriers qui s’entassent sur la table en bois dans la plus grande pièce de la maison, la pièce où se trouve le piano.

Mais peut-êre qu’il ne pense plus au travail, peut-être se fixe-t-il sur les préparatifs du voyage... Un mois déjà s’est écoulé.Elle se désole tranquillement. Elle a lu sur le Net qu’il aime « ce qui vient le chercher ». Mais le temps, l’espace, les probabilités, sa gloire rendent le hasard plus hasardeux encore.

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Juillet 2012Terez reçoit un mail :« De passage à Paris, serait partant pour te rencontrer à Toulouse pour je l’avoue satisfaire ma curiosité. Roy »Sa joie est immense, colossale. Elle sourit radieusement, seule devant son ordinateur. Elle a peur aussi, un peu. Les pensées tourbillonnent dans sa tête. Mille, deux milles idées à la seconde, presque aussi vite que la lumière. Elle ne répond pas tout de suite, elle attend, un peu de calme. Elle est tellement heureuse d’être.Le lendemain elle écrit :  «Ok, bonne idée, tu prends l’avion jusqu’à Toulouse et puis le taxi à l’adresse suivante : 6 rue des chênes. Villeneuve Tolosane. Je t’attends. Mon téléphone : 0673058375  tu m’appelles quand tu es à l’aéroport. Thez »

Le mail est envoyé. L’euphorie est intense, la panique totale, comme toujours lorsque les émotions sont trop fortes. Elle s’assoit dans le salon et respire profondément, elle doit se calmer.Elle ne sait pas exactement quand il arrivera. Bientôt. Demain ? Des avions dans le ciel, à toute heure. Transe intérieure.Stress. Liesse. Attente fiévreuse.Il réserve l’avion, il sera à Toulouse demain vers 15 h30.Elle reçoit un appel vers 16 heures, c’est lui.Elle : oui… - Salut c’est Roy, je suis arrivé à l’aéroport, je récupère ma valise et je prends un taxi, t’es chez toi ? Elle reconnaît sa voix, son cœur se serre, la chaleur de son corps augmente d’un coup.

- Oui, je t’attends. Tu as l’adresse ?- Bien sûr.- A tout de suite. Elle raccroche. Dans une demie heure il sera là

devant elle. Elle ne peut rien faire si ce n’est attendre et...

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....Elle le verra réellement.

Et depuis plus d’un an l’espace incommensurable des possibilités et des choix.

Fascinant.

Un taxi jaune s’arrête devant le portail, c’est lui, elle n’a jamais vu de taxi jaune en France, c’est déjà irréaliste. Elle n’a plus de voix, elle étouffe. Respirer, se calmer, c’est tout ce qu’il faut faire.Elle descend les escaliers doucement.

Elle ouvre la porte, et là devant elle, à sept pas : ROY.

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Poème :J’attendais, le cœur comprimé, de le voir. Je n’avais nul abri, et surtout pas dans son regard.Cette rencontre m’affolait.Je devais montrer un visage impassible, retenir avec respect la montée de l’invisible. Contenir intacte l’émotion. Observer ce mouvement intérieur et connaître sa valeur.Je me consumais du désir de prendre. Enfouir cette envie qui me révélait. Accepter ce besoin immense, enfermer en moi ce désir du corps. Attendre d’être nue contre sa peau.

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Chapitre 14

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Juillet 2012

Roy Dupuis est en France. Roy est à Paris.

A l’instant même, il est avec un ami.

Il lui parle avec enthousiasme de son voyage en Inde, explique la raison de sa visite à Paris, son nouveau film et... Il veut rencontrer une femme. Il raconte ce qu’il sait d’elle, les tableaux, les textes, le cahier, la pièce et ce livre qu’il n’a pas encore reçu, ni lu. Il n’a plus qu’une idée en tête : la connaître.L’ami, souriant :

- Tu veux vraiment la voir ?!Roy : - Je ne pense qu’à ça et je suis très impatient de lire ce roman.L’ami ne cesse de sourire. :

- Incroyable cette histoire. Et tu veux lui rendre visite quand ?Roy, le regard malicieux.

- Le plus vite possible, je suis tellement intrigué, séduis. Et puis tu le sais je n’aime pas la relation virtuelle, j’ aime le concret, le face à face.

L’ami intéressé:- Elle sait que tu es là ?

Roy baisse les yeux.- Non. Je vais lui envoyer un mail et je verrais bien. Mais je pense

sincèrement qu’elle m’attend, enfin presque.L’ami surpris :

- C’est quel style de femme. Tu as une idée ?Roy regarde son ami dans les yeux :

- C’est une homo sapiens, sapiens, faber, peintre et écrivain, romantique et rebelle, chercheuse de sens et de savoir, scientophile et cinéphile. C’est sa présentation sur son site, j’adore. Il précise :

- Dans une de ces lettres, elle dit qu’elle aime mes pensées et mes choix de

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vie et qu’elle se sent en cohérence avec moi. - Ce mot cohérence a résonné dans ma tête et depuis comme je te l’ai déjà dit,

je veux la voir. L’ami n’en revient pas. Roy : - Tu comprends maintenant mon désir? Et cette pièce qu’elle m’a offerte pour que je m’en inspire. Elle ouvre le chemin du partage. Cela me touche profondément.Roy est ému, presque essouflé :

- Il faut vraiment que je la vois, et puis comme tu le sais je suis libre, cette histoire avec Céline… Il hésite. En Inde j’ai vraiment tourné la page. Je ne l’oublierai jamais, certes, mais il faut que je passe à autre chose. Et puis nous deux c’était la fin.

L’ami sérieusement :- Tu as pensé qu’elle était peut-être fanatique. Tu as pensé au risque qu’elle

s’enflamme ou pire, enfin tu vois ?Roy :

- J’y ai pensé mais cela me parait improbable, et puis j’ai confiance en mon instinct , il faut que j’aille à Toulouse. Je trouve cette femme incroyable. Elle voulait que je la découvre parmi les mille autres qui m’écrivent. Voilà qui est fait.

L’ami :- Le mail ? Envoie-le maintenant. Je vais préparer le repas pendant ce temps.

Ah au fait, tu me montreras son site ? Roy envoie le mail.Téléphoner, il ne peut pas. Trop brutal et pourtant il a très envie d’entendre sa voix.Contenu du mail : « De passage sur Paris, serait partant pour venir te rencontrer à Toulouse pour, je l’avoue, satisfaire ma curiosité. Roy ».

Le lendemain il reçoit la réponse. « Ok, bonne idée, tu prends l’avion jusqu’à Toulouse et puis le taxi à l’adresse suivante : 6 rue des chênes. Villeneuve Tolosane. Je t’attends. Mon téléphone : 0673058375  tu m’appelles quand tu es à l’aéroport de Blagnac.

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Thez »

Il dort très peu cette nuit là. Trop d’idées galopent dans son esprit. Il élabore mille scénarios, il éprouve mille émotions. Tout est possible se dit-il. Il est impatient de la voir, son style, sa présence, ses mots. Et puis tout ce qu’elle a déjà fait et qui le concerne. Il pense qu’elle n’est pas insensible à son charme…et puis il s’endort.

Il part le lendemain, très excité, très agité, .Anarchie des pensées et des émotions. L’avion se pose, son cœur bat, son corps est envahi de chaleur et de tumulte. « Calme toi», se dit-il tout bas, plusieurs fois. » Respiration profonde.Il l’appelle, elle répond, il entend sa voix, enfin.Il est ému mais trouve facilement ses mots.

- Salut c’est Roy, je suis arrivé à l’aéroport, je récupère ma valise et je prend un taxi, t’es chez toi ?

- Oui, je t’attends. Tu as l’adresse ?- Bien sûr.- A tout de suite. Elle raccroche.

Le taxi jaune s’arrête devant chez elle. L’émotion est à son comble. Il respire profondément, passe la main dans ses cheveux, prend son sac et ouvre le portail.

La porte s’ouvre. Et là devant lui, à sept pas : TEREZ.

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La phéromone femelle B6 fut saisie lors de sa rencontre avec la phéromone mâle B9.Attirance réciproque. Ravissement. Envahissement. A l’état de vapeur.Puissant. Ardent. Etourdissant.

Elles étaient là dans le vide quantique à se connecter en tout sens, se mêlant joyeusement.Cet échange dura des heures. Elles se consumaient d’être…Les phéromones B6-B9 s’agitèrent tellement que le désir les enflamma. L’attirance devint complète mais resta secrète.

Les corps, éloignés,Sont enserrés par des fils invisiblesQui donnent des idées et des motsDevenus sensibles, à toutes leurs projections intimes.

FIN……84