thèse oruezabala gwenaelle 09 12 2009
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UNIVERSITÉ DE PARIS OUEST NANTERRE LA DÉFENSE – UPX UFR DE SCIENCES ÉCONOMIQUES, GESTION, MATHÉMATIQUE, INFORMATIQUE
ÉCOLE DOCTORALE ÉCONOMIE, ORGANISATION ET SOCIÉTÉ
LABORATOIRE CEROS
THÈSE Pour obtenir le grade de
DOCTEUR DE L’UNIVERSITÉ DE PARIS OUEST NANTERRE LA DÉFENSE
Discipline : Sciences de Gestion
présentée et soutenue publiquement
par
Gwenaëlle ORUEZABALA
Le 9 décembre 2009
LA RELATION FOURNISSEUR À L’ÉPREUVE DE LA GLOBALISATION DES ACHATS :
QUELLE PLACE POUR L’IMPROVISATION ?
JURY Directeur de thèse Monsieur Christophe BENAVENT Professeur à l’université de Paris Ouest Nanterre La Défense Rapporteurs Madame Ulrike MAYRHOFER Professeur à l’université de Lyon III Monsieur Olivier de la VILLARMOIS Professeur à l’université de Lille I Suffragants Monsieur Jean-Philippe DENIS Professeur à l’université de Paris Ouest Nanterre La Défense Monsieur Hervé FENNETEAU Professeur à l’université de Montpellier I
UNIVERSITÉ DE PARIS OUEST NANTERRE LA DÉFENSE – UPX UFR DE SCIENCES ÉCONOMIQUES, GESTION, MATHÉMATIQUE, INFORMATIQUE
ÉCOLE DOCTORALE ÉCONOMIE, ORGANISATION ET SOCIÉTÉ
LABORATOIRE CEROS
THÈSE Pour obtenir le grade de
DOCTEUR DE L’UNIVERSITÉ DE PARIS OUEST NANTERRE LA DÉFENSE
Discipline : Sciences de Gestion
présentée et soutenue publiquement
par
Gwenaëlle ORUEZABALA
Le 9 décembre 2009
LA RELATION FOURNISSEUR À L’ÉPREUVE DE LA GLOBALISATION DES ACHATS :
QUELLE PLACE POUR L’IMPROVISATION ?
JURY Directeur de thèse Monsieur Christophe BENAVENT Professeur à l’université de Paris Ouest Nanterre La Défense Rapporteurs Madame Ulrike MAYRHOFER Professeur à l’université de Lyon III Monsieur Olivier de la VILLARMOIS Professeur à l’université de Lille I Suffragants Monsieur Jean-Philippe DENIS Professeur à l’université de Paris Ouest Nanterre La Défense Monsieur Hervé FENNETEAU Professeur à l’université de Montpellier I
L’université n’entend donner aucune approbation, ni
improbation aux opinions émises dans cette thèse.
Ces opinions doivent être considérées comme propres à
leur auteur.
REMERCIEMENTS
Cette recherche est le résultat de trois années de travail au cours desquelles j’ai pu bénéficier
du soutien, de la disponibilité et de l’aide de nombreuses personnes que je tiens ici à
remercier.
Mes premiers remerciements vont au professeur Christophe Benavent qui a su m’accorder sa
confiance et m’accompagner tout au long de ce travail. J’ai pu notamment apprécier la
qualité de ses conseils et la pertinence de son questionnement.
Je tiens également à remercier les membres du jury. J’exprime toute ma gratitude aux
professeurs Ulrike Mayrhofer et Olivier de la Villarmois pour l’honneur qu’ils me font
d’avoir accepté d’évaluer mon travail de recherche en tant que rapporteurs de cette thèse. Et
j’exprime ma reconnaissance aux professeurs Jean Philippe Denis et Hervé Fenneteau pour
l’honneur qu’ils me font d’avoir accepté de participer à ce jury en tant que suffragants.
Je tiens aussi à remercier les directeurs achats qui ont accepté de me recevoir à plusieurs
reprises durant la phase exploratoire de ma recherche terrain et qui n’ont pas hésité à
m’accorder leur confiance et leur temps lors de la validation des synthèses de nos rencontres.
Je tiens à souligner leur disponibilité, leur ouverture d’esprit et la pertinence de leurs
interventions. J’aimerais remercier tout particulièrement les trois directeurs achats, de
Microcar, de Vendée Mécanique Industrie et de la Cecab, qui m’ont ouvert les portes de leurs
entreprises respectives, de leur département et de leur réseau. Ils m’ont ainsi permis
d’appréhender concrètement leur « savoir-faire relationnel » à la base d’une gestion de la
relation fournisseur qu’ils s’attachent à consolider à l’international.
D’autres acteurs ont contribué à faire aboutir et à finaliser ce travail de thèse. Je remercie,
pour leurs encouragements, mes collègues et tout le personnel de l’Université de Bretagne
Sud. Ils m’ont toujours soutenue durant ces trois années de travail et notamment lors de mes
déplacements entre Nanterre où se tenaient les réunions de laboratoire (CEROS) et Vannes
où j’exerce mes enseignements (UFR DSEG).
J’associe à ces remerciements le personnel de l’école doctorale de Paris X pour sa
disponibilité et sa réactivité, notamment dans les derniers temps de la thèse.
Enfin, ce travail aurait certainement été plus laborieux et finalement moins constructif sans le
soutien, la bienveillance et l’aide rassurante de mes proches. Ils ont eu à supporter avec moi
les moments difficiles et les phases de découragement inhérents à ce travail exigeant de la
recherche. Qu’ils en soient tous ici sincèrement remerciés.
SOMMAIRE DÉTAILLÉ INTRODUCTION GÉNÉRALE PARTIE I - LES FONDEMENTS CONCEPTUELS DE LA RECHERCHE : RÉDUIRE L’INCERTITUDE ET RÉSOUDRE L’IMPRÉVU CHAPITRE 1 : MANAGEMENT DES ACHATS, ENJEUX ET DÉFIS DE L’INTERNATIONAL 1. DU PROCESSUS ACHATS A UNE RELATION INITIÉE PAR LE « SOURCING » 1.1. Le management des achats, un processus résolument séquentiel 1.2. Une littérature récente centrée sur le «sourcing » global 2. L’INTERNATIONALISATION DES ACHATS : ENTRE INCERTITUDES ET CONTRÔLE 2.1. La coexistence des processus par étapes et à grande vitesse 2.2. La confrontation aux distances et aux risques CHAPITRE 2 : DU CONTRÔLE À L’IMPROVISATION 1. LES AJUSTEMENTS DE LA RELATION FOURNISSEUR 1.1. Le contrôle des processus achats, une maîtrise partielle 1.2. L’apprentissage de la relation internationale, une découverte permanente 1.3. La récurrence des imprévus 2. LA CONCEPTUALISATION DE L’IMPROVISATION 1.1. L’improvisation, un processus cognitif d’acquisition de connaissances 1.2. L’improvisation organisationnelle, des contours fluctuants CHAPITRE 3 : CHOIX MÉTHODOLOGIQUES 1. CHOIX MÉTHODOLOGIQUES RELATIFS À LA COLLECTE DES DONNÉES 1.1. Une étude qualitative fondée sur une double approche d’exploration et d’approfondissement 1.2. L’exploration du terrain par des entretiens auprès d’ « experts » 1.3. L’approfondissement du terrain au travers de trois monographies de PMI 2. CHOIX MÉTHODOLOGIQUES RELATIFS À LA RESTITUTION DES DONNEES 2.1. Les méthodes d’analyse des informations collectées 2.2. Le codage des entretiens 2.3. La catégorisation
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SOMMAIRE DÉTAILLÉ
PARTIE II - RÉSULTATS EMPIRIQUES : PRÉVOIR L’APPRENTISSAGE ET LE CONTRÔLE ET PRÉPARER L’IMPROVISATION CHAPITRE 4 : APPRENTISSAGE ET CONTRÔLE, AJUSTEMENTS PRÉVUS DE LA RELATION 1. LA PERCEPTION DE DISTANCES ET DE RISQUES SUPPLEMENTAIRES 1.1. Les résultats de la confrontation aux valeurs, au temps et au langage de l’autre 1.2. Les résultats de la confrontation aux risques 2. LA NÉCESSAIRE ADAPTATION DE LA RELATION 2.1. L’ajustement comportemental : la réduction des distances par l’apprentissage 2.2. L’ajustement des processus : le contrôle des risques par la formalisation 2.3. L’ajustement des stratégies : réfléchie ou contrainte, sélection ou séduction, mise en compétition ou coopération CHAPITRE 5 : IMPROVISATION, RÉPONSE A L’IMPRÉVU 1. L’IMPRÉVU, UN FAIT NOUVEAU RÉCLAMANT UNE SOLUTION IMMÉDIATE 1.1. La construction du sens donné à l’inattendu en situations d’achats 1.2. Proposition d’une catégorisation des déterminants de situations inattendues 2. LE RECOURS A L’IMPROVISATION, UN AJUSTEMENT PONCTUEL DE LA RELATION 2.1. Le « bricolage » des PMI 2.2. L’alignement stratégique des grandes entreprises
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SOMMAIRE DÉTAILLÉ CONCLUSION GÉNÉRALE 1. MISE EN PERSPECTIVE DES RÉSULTATS 2. SYNTHÈSE DES RÉSULTATS 3. CONTRIBUTIONS DE LA RECHERCHE 2.1. Contributions théoriques et conceptuelles 2.2. Contributions méthodologiques 2.3. Contributions managériales 3. LIMITES DE LA RECHERCHE 3.1. Limites théoriques 3.2. Limites conceptuelles 3.3. Limites méthodologiques 4. PERSPECTIVES DE RECHERCHE BIBLIOGRAPHIE ANNEXES
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Introduction générale
1
INTRODUCTION GÉNÉRALE
« La mondialisation continue de l'économie a poussé de nombreuses entreprises à adopter le
« sourcing » international comme modèle économique. Il s’agit de chercher et de référencer
des fournisseurs à l’échelle mondiale. L'ampleur et l'impact de ce phénomène sont néanmoins
difficiles à mesurer car on ne dispose pas de statistiques harmonisées et comparables »
(Eurostat, 2009).
Dans les pratiques managériales, l’activité de sourcing est généralement associée aux achats.
Le sourcing désigne l'action de recherche d’une source, c’est-à-dire la localisation et
l’évaluation d'un fournisseur capable de répondre à un besoin identifié et formulé par
l’entreprise. Les achats concernent un ensemble plus large de tâches multiples :
référencement et sélection de fournisseurs (sourcing), actes d’achat donnant lieu à une
contractualisation, gestion des commandes (procurement) et évaluation permanente des panels
de fournisseurs. Les activités de sourcing et d’achats sont par conséquent fortement
interdépendantes, le sourcing constituant la première étape d’un processus achats.
D’un point de vue académique, plusieurs définitions ont été proposées. Lysons et Gillingham
(2003) notent que le terme achats (purchasing) manque d’une délimitation claire car il est
souvent associé à d’autres domaines tels que celui de la logistique et de la supply chain. Ils
proposent de considérer l’activité achats comme « la rationalisation de la base fournisseurs,
l’évaluation de leur performance, leur coordination et le développement de leur potentiel ».
Dans cette définition, nous remarquons que le sourcing n’est pas mentionné mais qu’il est
néanmoins implicite puisqu’il correspond à la rationalisation de la base fournisseurs. Les
termes employés ici pour décrire l’activité achats sont particulièrement forts et clairement
axés autour de l’idée d’évaluation des fournisseurs.
De son côté, Ellegaard (2006) propose de qualifier le terme achats « d’ombrelle recouvrant
diverses activités ». Selon l’auteur, la « structure achat » se réfère à la stratégie, à
l’infrastructure et à l’aspect organisationnel. Cette structure achat supporte cinq facettes de la
démarche : le management du réseau, incluant la sélection des fournisseurs à l’échelle
mondiale, la négociation et la contractualisation, la mesure de la performance des
Introduction générale
2
fournisseurs, le processus de développement de produits et la gestion de la relation
fournisseurs. Nous relevons dans ces propos d’une part que le sourcing est bien considéré
comme une étape de l’activité globale d’achats et d’autre part que la relation fournisseurs est
envisagée comme une activité classique de gestion incluant sélection et évaluation.
Quant à Trent et Monczka (2002), ils identifient des différences entre achat international et
sourcing global. Ces auteurs définissent l’achat international comme une transaction
commerciale entre un acheteur et un fournisseur situés dans des pays différents. Dans ce cas,
les firmes peuvent se contenter d’une simple adaptation de la gestion de la relation fournisseur
mise en oeuvre sur le marché domestique, en fonction des variables classiques des termes de
l’échange international telles que les fluctuations des devises ou les impératifs logistiques et
douaniers. Ils avancent l’idée que le sourcing global diffère de l’achat international en
ampleur et en complexité. Selon eux, le sourcing global implique une approche coordonnée
pour l’ensemble des directions de l’entreprise en termes de volumes, de processus, de
technologies et de relation fournisseurs au travers de différentes implantations à l’étranger
pour la conception, la fabrication et les approvisionnements. C’est une stratégie qui requiert
par conséquent non seulement une intégration horizontale entre la conception de produit et la
planification des activités achats mais également une intégration verticale avec les
fournisseurs. Ils schématisent ainsi l’engagement à l’international en matière d’achats par cinq
niveaux :
Niveau 1 Niveau 3 Niveau 4Niveau 2
Achat international Sourcing global
Achatsdomestiquesuniquement
Achats ponctuels à
l’international
Stratégied’internationalisation
des achats
Stratégiede sourcing
basée sur desbureaux d’achats
Stratégiede sourcing
global
Niveau 5
Figure 0.1. Cinq niveaux de sourcing, adapté de Trent et Monczka (2002)
Il est intéressant de souligner que cette proposition est élaborée à l’inverse des deux
précédentes. En effet, nous relevons que Trent et Monczka incluent les achats dans l’activité
de sourcing qu’ils considèrent comme plus globale, plus intégrée.
Introduction générale
3
Quelle que soit l’approche retenue, les travaux académiques convergent pour souligner les
avantages de cette orientation stratégique de sourcing et d’achat à l’international. Trent et
Monczka (2002) affirment que la stratégie de sourcing global influe fortement sur la
performance des firmes. Kotabe et Murray (2004) relèvent que chercheurs et praticiens
justifient des niveaux accrus d'activités externalisées à l'échelle mondiale par l’avantage
compétitif obtenu lors de ces opérations.
Deux idées principales ressortent des approches managériales et académiques. D’abord, nous
retenons que les activités de sourcing et d’achats, tout en étant distinctes, sont fortement
imbriquées. Ensuite, nous observons que la tendance à les situer à l’échelle mondiale est de
plus en plus forte. Les directions achats sont certes motivées par les différences importantes
de coût d’achat mais également par l’ampleur, l’accessibilité, la diversité et la qualité de
l’offre de fournisseurs partout dans le monde.
Ces réflexions ont constitué le point de départ de notre intérêt pour ce sujet de recherche, la
globalisation du sourcing et des achats. Présenté comme la simple systématisation des
opérations d’achats à l’échelle internationale, le sourcing ne constitue cependant pas un
phénomène nouveau. L’originalité de notre approche vient de l’angle d’analyse que nous lui
donnons, celui du cadre de la relation fournisseur.
En effet, nous avons été attirés par l’apparente contradiction entre la tendance vers un
processus de plus en plus systématique de référencement et d’évaluation des fournisseurs face
à la complexité de l’environnement international. La première orientation induit une structure
d’achat relativement simple s’appuyant sur une adaptation des processus et des outils
formalisés pour le marché domestique, comme par exemple les cahiers des charges, les
contrats, les technologies de l’information (TI)1 supports aux achats (solutions logicielles d’e-
sourcing). La deuxième option tend à orienter les entreprises vers des structures achats plus
complexes pour gérer la diversité géographique et culturelle des fournisseurs distants. Elle
nécessite des changements comportementaux et organisationnels importants s’appuyant sur de
nouveaux apprentissages et de nouveaux mécanismes de contrôle.
Trautmann et al. (2009) suggèrent à ce propos aux firmes opérant sur des marchés où la
compétition est globale de faire évoluer leurs structures vers une organisation plus complexe.
1 Les "TI" se réfèrent à l’utilisation des logiciels et équipements informatiques qui collectent, transmettent, traitent et diffusent de l’information et permettent de supporter les activités de l’entreprise (King et al. 1986
Introduction générale
4
Ils recommandent notamment de mettre en place des structures hybrides qui distinguent les
activités achats à intégrer transversalement afin de maximiser les synergies, des activités
achats qui peuvent rester autonomes dans les entités diversement localisées. Se confronter à
l’international exige par conséquent de la part des entreprises non seulement une remise en
cause des stratégies habituelles et une adaptation à de nouveaux environnements d’affaires
mais également une réflexion sur les structures et les processus.
La diversité et la complexité de la dimension internationale ont d’ailleurs été soulignées par
de nombreux auteurs. Nous pouvons notamment citer les travaux de D’Iribarne (1998) qui
met en lumière la dimension culturelle « plus l’internationalisation devient réalité, plus il est
clair que les cultures demeurent », ceux de Johanson et al., (2003) qui insistent sur les
dimensions institutionnelles et juridiques « la découverte des marchés étrangers révèle des
situations économiques, institutionnelles, juridiques et culturelles différentes de celles
auxquelles les entreprises sont habituées » ou bien encore ceux de Barmeyer et Mayrhofer
(2009) qui soulignent la dimension organisationnelle « les performances atteintes par le biais
des opérations de rapprochement connaissent de fortes divergences, notamment en raison de
la gestion des différences culturelles et organisationnelles entre les entités associées ».
Notre analyse de ces premières observations nous conduit à émettre des interrogations. D’une
part, comment les entreprises vont-elles gérer les incertitudes générées par l’éloignement des
sources ? En d’autres termes, quelles sont les modalités d’apprentissage à mettre en œuvre ?
D’autre part, quelles sont les stratégies de gestion de la relation fournisseur - supplier
relationship management (SRM) - adéquates pour travailler avec des interlocuteurs de plus
en plus distants ? En d’autres termes, quels sont les mécanismes de contrôle à instaurer ?
Argyris et Schön (1978) distinguent deux types d’apprentissage, individuel et organisationnel.
Ces auteurs définissent l’apprentissage individuel comme une activité qui permet à une
personne d’acquérir ou d’approfondir des connaissances et ainsi de développer de nouvelles
aptitudes. Ils le différencient de l’apprentissage organisationnel qu’ils considèrent comme un
phénomène collectif d’acquisition de compétences qui permettent d’agir de façon appropriée
et durable sur les situations rencontrées.
Dans le domaine de l’internationalisation des activités, cette vision d’un cycle d’apprentissage
destiné à acquérir des connaissances sur les marchés étrangers, a été largement développée
Introduction générale
5
dans les modèles par étapes de Johanson et Valhne (1977), de Bilkey et Tésar (1977) ou bien
encore de Cavusgil (1980). L’apprentissage y est envisagé comme un processus dynamique
permettant aux organisations de s’engager progressivement à l’international. Mais ces
modèles ne s’attachent pas vraiment à en expliquer les modalités.
Quant aux modalités de contrôle de la relation avec des fournisseurs méconnus, il semble
certes opportun de revoir les dispositifs élaborés pour le marché domestique et peut-être de les
formaliser davantage. Mais dans le même temps, il est également important de laisser une
marge de manœuvre et des possibilités d’adaptation qui permettent de construire une stratégie
pérenne. Denis (2002) souligne que « architecturer un système de contrôle de la stratégie,
cohérent et pertinent, n’est assurément pas suffisant dans un univers complexe et paradoxal ».
Il suggère d’envisager le contrôle de gestion davantage comme une conduite de stratégie dans
l’action plus que comme sa maîtrise. Cette vision du contrôle appliquée à notre domaine de
recherche conduirait ainsi à envisager l’adaptation de la relation fournisseur (conduite de
stratégie) plutôt que son contrôle (maîtrise).
En effet, chaque nouveau marché source est susceptible de générer des situations incertaines,
non maîtrisées. Un conflit politique dans les Balkans, des problèmes douaniers en Russie, une
épidémie en Asie du sud-est, sont autant de situations exogènes qui peuvent affecter fortement
la relation fournisseur et constituer des épisodes relationnels imprévus. Les événements
rencontrés posent alors deux types de problèmes. Le premier est relatif à l'apprentissage des
références qui permettent d’appréhender la relation dans son contexte et ainsi de réduire
l’incertitude. Le deuxième concerne la construction ad hoc de nouvelles normes relationnelles
qui contribuent à réguler l’interaction avec le fournisseur et ainsi à résoudre les situations non
maîtrisées, inattendues. La difficulté majeure pour les directions achats réside cependant dans
l’impératif de l’action et dans l’immédiateté de la réponse à apporter.
L’objet de notre travail de recherche doctorale consiste par conséquent, non seulement à
appréhender la réalité du phénomène de sourcing2, mais également à l’élargir à l’activité
achats confrontée à la globalisation des marchés sources, selon une perspective relationnelle
de gestion des fournisseurs.
2 Nous précisons que nous utiliserons le terme anglais de sourcing de préférence au terme français de sourçage, proposé par le journal officiel du 11 octobre 1991, mais résolument absent des publications professionnelles et académiques. En revanche, le terme achats étant largement diffusé, nous l’utiliserons de préférence au terme anglais de purchasing, même si les directeurs achats se présentent fréquemment comme « purchasing manager ».
Introduction générale
6
La problématique de notre recherche se situe dans la logique des modes de gestion de la
relation fournisseur dans un contexte de globalisation des achats et nous conduit à formuler la
question de recherche suivante : Comment les entreprises gèrent-elles l’inattendu,
paramètre inévitable d’une relation fournisseur élargie à l’international ?
Avant de présenter les objectifs que nous fixons à notre recherche et le dispositif
méthodologique adapté pour explorer notre question, nous développons l’intérêt managérial
de nos travaux et le contexte théorique dans lequel ils se situent. Nous terminerons cette
introduction par la présentation des différents chapitres de la thèse.
1. La contradiction de la rationalisation du sourcing dans un contexte globalisé
Les achats représentent souvent plus de la moitié du coût de revient d’un produit fini, cette
part pouvant monter jusqu’à 75% de la valeur d’un véhicule chez Renault, voire 85% de la
valeur d'un avion chez Dassault. « Renault achète actuellement l’équivalent de 20 milliards
d’euros environ de produits chaque année, auprès de plus de 500 fournisseurs. Les achats
sont essentiellement réalisés dans les pays développés. Les pays émergents ne nous
fournissent aujourd’hui que 4 % de nos achats, même si ce pourcentage tend à augmenter
rapidement. » (Salih Karli, directeur du département international et achats pièces de
rechange3). Les grandes entreprises ont donc pour la plupart pris conscience de la dimension
stratégique de la globalisation des achats et structurent leurs directions achats par zone
géographique et/ou par famille de produits à acheter (Kotabe et Murray, 2004).
Quant aux PME-PMI, une enquête menée en 2005 par la Compagnie des acheteurs de France
(CDAF) en collaboration avec la revue professionnelle La Lettre des Achats4 confirme les
mêmes intentions d’orientations stratégiques que les grandes entreprises. A la question
« Quels sont vos axes de travail prioritaires ? », 92% déclarent vouloir « travailler plus
étroitement avec les fournisseurs » et 85% « développer l’achat à l’international ». Et à une
autre question « Par quels moyens pensez-vous que vos achats peuvent être optimisés ? », 3 Propos publié dans INSEE, collection méthodes, N° 107, octobre 2004. 4 La Lettre des Achats, www.lettredesachats.fr, Enquête PME- PMI, 2005)
Introduction générale
7
76% pensent à la globalisation des achats et à l’utilisation d’outils informatiques –système
d’information (ERP) et applications en ligne (solutions d’e-achat) -.
La globalisation des achats représente par conséquent une des préoccupations actuelles
prioritaires dans les entreprises de toutes tailles et l’acronyme SRM – supplier relationship
management - est apparu en 2000 pour qualifier la gestion de la relation fournisseur qui en
découle. Introduit par l'éditeur américain I2 Technologies, positionné historiquement sur la
gestion de la chaîne logistique, le SRM consistait au départ à relier un ensemble de processus
technologiques non pris en charge dans leur continuité et de proposer une solution logicielle
globale. Cette offre répondait ainsi au besoin croissant des entreprises de disposer d’outils les
aidant à piloter les relations entretenues avec les composantes extérieures à l’organisation:
prestataires de transports, prestataires de services, et bien sûr les fournisseurs. Le SRM a donc
été adopté comme une technologie avant d’être rapidement considéré comme une démarche
stratégique.
L’évolution contextuelle vers la globalisation des marchés et l’objectif de rationalisation des
coûts d’approvisionnement ont naturellement incité les directeurs achats à réfléchir aux
enjeux et aux résultats attendus d’une orientation SRM. Au titre des enjeux, les managers
intègrent progressivement la nécessité de comprendre les facteurs de changement, tant
exogènes - hausse des matières premières, développement durable, etc. – qu’endogènes -
professionnalisation des achats, coût total, externalisation -. Selon un cheminement classique
d’analyse stratégique, l’élaboration d’une stratégie SRM découlant de ce diagnostic consiste
alors à réaliser une segmentation des achats et à identifier les fournisseurs stratégiques et le
potentiel de la relation. Le déploiement et le pilotage de la démarche SRM consistent ensuite
à se doter des outils adéquats et à définir les indicateurs de performance.
Nous soulignons que cette évolution des pratiques consistant à donner la priorité à la réflexion
stratégique avant l’implémentation des outils est récente. Elle concerne essentiellement les
grandes entreprises suffisamment structurées pour gérer les achats à l’international comme
des projets et allouant les ressources nécessaires à l’appropriation des technologies support.
Quelques exemples nous permettent d’illustrer ces propos.
Introduction générale
8
Le groupe British Petroleum (BP) a lancé son programme SRM en 2003 sur le constat que
45% des salariés étaient en contact avec des firmes étrangères. Bill Knittle, Global
Procurement Director du groupe BP, n’hésite pas à parler de “bataille qui laisse des
cicatrices” estimant que « la mise en œuvre d’un programme SRM nécessite 70% de
changement comportemental et 30% d’ajustement des process »5.
Le groupe Danone n’a véritablement structuré sa stratégie de gestion fournisseurs qu’en 2007,
année au cours de laquelle le groupe a mis en place des accords de coopération avec dix
fournisseurs clés. Des plateformes d'innovation ont été créées, composées d'équipes associant
les fonctions marketing, recherche-développement et achats du groupe et des équipes dédiées
chez les fournisseurs. Ce travail collaboratif est considéré par Danone comme un facteur
majeur de différenciation. «Cela nous permet de construire notre stratégie en amont et sur le
long terme. Nous pouvons ainsi nous concentrer sur l'innovation, élément-clé de la
compétitivité globale de l'entreprise» explique Philippe Bassin, directeur achats monde au
sein du pôle produits laitiers frais.6
Le groupe Essilor a également finalisé son SRM en 2007 en déployant une plateforme de
gestion des achats qui consolide les données extraites de ses huit ERP (Enterprise Ressource
Planning ou Progiciel de Gestion Intégrée). La solution logicielle a été déployée en trois
temps: d'abord dans 13 filiales européennes de février à mai, puis dans les usines asiatiques de
mai à septembre et enfin dans le reste des filiales et usines depuis septembre 2007. « Une
administration centralisée a été mise en place pour animer le programme Smart (Spend
Management Analysis & Reporting Tool) qui avait trois objectifs: offrir une vision consolidée
des dépenses, améliorer la préparation des négociations et définir des priorités dans la
stratégie achats » justifie Jean de Mesmay, chargé de mission à la direction achats d'Essilor.7
Ces quelques situations attestent de la récence de la réflexion stratégique de la gestion de la
relation fournisseur dans les grands groupes. Quant aux petites et moyennes entreprises, les
témoignages d’implémentation et d’utilisation de ce type d’outils sont à l’heure actuelle
inexistants.
5 Propos recueillis lors de l’ intervention de Bill Knittle à la conférence « Strategic Purchasing and Procurement Forum 2008 » Stockholm, août 2008. 6 Interview dans la revue Décision Achats N° 112, 01/03/2008 7 Interview dans la revue Décision Achats N° 112, 01/03/2008
Introduction générale
9
Sur le plan technique, le développement des technologies de l’information (TI) supports aux
achats offre des capacités démultipliées de collecte, traitement, échange et stockage de
l’information. Les techniques rendent possible le travail collaboratif entre des équipes
distantes ainsi que des échanges asynchrones, la mise en commun d’informations
(connaissance partagée), le stockage et la consultation aisée de documents. Cependant, face à
cette circulation accélérée de l’information, la phase de réflexion préparant la décision d’achat
reste incompressible. Il apparaît nécessaire de s’appuyer sur des outils d’aide à la décision
pour adapter les durées d’élaboration des processus achats aux nécessaires raccourcissements
des délais de mise en marché. Les solutions d’e-SRM (gestion de la relation fournisseur en
ligne) représentent l'ensemble de toutes les relations entre l'entreprise et ses fournisseurs. Ces
outils visent à optimiser non plus seulement l’étape "approvisionnement", mais l’intégralité de
la chaîne des opérations d’achats. Ils instrumentalisent non seulement les processus amont
(évaluation et recrutement de nouveaux fournisseurs) mais également les opérations aval :
traitement des factures, rapprochement entre bons de commande, bons de réception, factures
et paiement. Ils associent par conséquent les solutions de gestion des achats et
d’approvisionnements en ligne (e-procurement) à des outils de sourcing (e-sourcing) et
d'analyse.
Ce bref historique de la systématisation du sourcing montre qu’à l’instar de la relation client –
Customer relationship management (CRM)-, une tendance à la standardisation des relations
fournisseurs est en œuvre. Cette orientation n’est-elle pas contradictoire par rapport à
l’évolution vers la diversité des marchés sources ?
2. La contradiction de l’approche relationnelle dans un contexte incertain Pour analyser les problèmes posés par les nouvelles pratiques de sourcing et d’achats à
l’échelle internationale, deux éléments théoriques sont à prendre en compte. D’une part, la
gestion relationnelle des sources lointaines est-elle opportune et quels en sont les principaux
déterminants ? D’autre part est-il envisageable de réduire durablement les incertitudes de
l’environnement international et par quels moyens ?
Introduction générale
10
� L’opportunité de l’approche relationnelle
La littérature marketing B2B, historiquement construite sur une approche transactionnelle des
échanges a intégré au cours des années quatre-vingts une dynamique plus relationnelle.
Les travaux de l’Industrial Marketing and Purchasing (IMP) Group (Hakansson, 1982) et
ceux de Berry (1983) ont initié l’intérêt porté à l’approche relationnelle construite sur
l’analyse des interactions et des réseaux, dans un contexte inter-organisationnel. Dans cette
optique, ont été analysées les stratégies d’expansion internationale et plus précisément
l’impact du manque de connaissances des marchés étrangers sur les décisions d’engagement à
l’international (Johanson et Vahlne, 1977, 2003, 2005 ; Barkema et al., 1996 ; Cavusgil,
1998 ; Czinkota et Rokainen, 2003).
La recherche relative aux achats B2B a suivi cette évolution conceptuelle en passant elle aussi
i) d’une vision transactionnelle des processus achats à une perspective relationnelle
des échanges acheteur-fournisseur, jusqu’à voir émerger ces dernières années des
travaux relevant de l’approche collaborative,
ii) d’analyses centrées sur l’incertitude du contexte international à des travaux portant
sur l’acquisition d’informations sur les marchés étrangers et sur le partage des
connaissances, rendus possibles par l’implémentation de systèmes d’information
(SI) et de technologies de l’information (TI) adaptées aux achats,
iii) d’une analyse de la gestion de la relation fournisseurs basée sur une reproduction
des processus achats déployés sur le marché domestique à des travaux portant sur
les attitudes formalisées pour l’international, incluant des processus
d’apprentissage et de contrôle.
Dès les années soixante, un grand nombre d’études ont porté sur le comportement des
acheteurs industriels avec pour objectif la compréhension des décisions d’achat et de choix de
fournisseurs. Les modèles fondateurs ont proposé une approche globale de modélisation du
processus achat (Robinson et Faris,1967 ; Ozanne et Churchill, 1971 ; Webster et Wind,
1972 ; Sheth, 1973 ; Hillier, 1975 ; Choffray et Lilien, 1978). La dynamique relationnelle a
commencé à constituer un sujet de recherche en marketing dans les années quatre-vingts.
L’échange relationnel, initialement défini par MacNeil (1980), se différencie des transactions
discrètes, notamment sur les dimensions temporelle, stratégique et sociale. En marketing
Introduction générale
11
achat B2B, la perspective relationnelle est prise en compte dans deux courants de recherche
apportant une contribution nouvelle par rapport aux précédents travaux: le courant inductif et
le courant interactif.
L’approche inductive proposée par Möller (1986) puis par Woodside et Vyas (1987) décrit le
fonctionnement dynamique d’un « groupe d’achat » -ensemble des acteurs concernés par le
choix de fournisseurs dans une organisation- à travers une collecte directe de données
qualitatives et sans hypothèses théoriques préalables.
Le courant interactif porte son attention sur l’interaction émanant des échanges inter-
organisationnels. Deux modèles principaux s’inscrivent dans ce courant de pensée : le modèle
dyadique, dénommé modèle d’échange en marketing industriel (Bonoma et Johnston, 1978) et
le modèle d’interaction de l’Industrial Marketing and Purchasing (IMP) Group (Håkansson,
1982).
Le modèle dyadique analyse cinq types d’interrelations - cinq dyades - combinant deux par
deux individus et organisations des parties prenantes dans la relation. Ces travaux de Bonoma
et Johnston ont initié la recherche nord-américaine sur l’analyse de la relation à long terme
entre fournisseur et acheteur industriel. Ils ont été suivis de nombreuses études empiriques
aux résultats fondamentaux pour conforter l’orientation relationnelle. Dwyer, Schurr et Oh
(1987) proposent un cadre de développement du processus relationnel et postulent que la
relation génère des avantages pour les deux parties mais également des coûts, ce qui ne la
rend pas forcément pérenne. Morgan et Hunt (1994) démontrent que le degré d’engagement et
la confiance dans le partenaire déterminent le succès de la relation.
Le modèle d’interaction (Håkansson, 1982) repose sur une représentation des rôles actifs de
l’acheteur et du fournisseur dans un climat dénommé atmosphère de la relation et dans un
environnement général rendant compte du contexte international. L’école de pensée IMP,
reflet de la pensée scandinave et plus généralement européenne, postule que la stratégie d’une
organisation est à la fois contrainte et stimulée par les relations avec l’environnement et par la
position occupée au sein de réseaux. Inspiré par la théorie de l’échange social et les théories
des organisations, ce courant retient les concepts clés, d’adaptation des
acteurs/ressources/activités -modèle « ARA » - (Håkansson et Johanson, 1992),
d’interdépendance et d’interaction. En France, ces travaux ont été relayés notamment par
Cova et Salle (1992).
Introduction générale
12
Nous situons nos travaux de recherche dans le courant interactif en retenant comme objet
d’étude la relation établie avec les fournisseurs étrangers dans un contexte de réseaux
d’affaires générant de nombreuses interactions. Dans ce cadre, nous cherchons à identifier les
comportements opportuns des responsables achats face à la diversité et à la complexité des
situations rencontrées à l’international. Ce choix nous conduit à retenir comme angle
d’analyse la gestion de la relation fournisseur selon la seule perspective de l’acheteur et
comme unité d’observation, non pas la dyade acheteur-fournisseur, mais l’entreprise qui
achète confrontée à l’élaboration d’une stratégie de globalisation des achats et à la mise en
œuvre des processus achats adéquats.
Nous nous appuyons sur la suggestion des auteurs de décrire le contenu d’une relation à trois
niveaux d’analyse :
- au niveau des acteurs concernés par la relation. Il s’agit de décrire les liens
interpersonnels naissant de l’interaction.
- au niveau des ressources, l’idée est de comprendre comment les moyens - humains,
financiers et techniques - sont adaptés aux situations d’achats rencontrées à
l’international.
- au niveau des activités, il s’agit de s’intéresser au degré d’intégration et de
coordination des différentes tâches constitutives du processus achats : exploration des
marchés sources potentiels et sélection de fournisseurs, sélection des produits qui
feront l’objet des achats, négociation et contractualisation, et enfin évaluation et suivi
des fournisseurs (Van Weele, 2004).
La littérature académique marketing centrée sur les achats interentreprises des années quatre-
vingts et quatre-vingt-dix a essentiellement porté sur le changement de paradigme, d’une
approche basée sur la transaction à une analyse centrée sur la relation (Sheth et Sharma,
1997) :
« Organizational buying is dramatically shifting from the transaction oriented to
the relational oriented philosophy, and will shift from a buying process to a
supplier relationship process. This shift toward supplier relationships will change
the role, processes, and strategies of firms and, therefore, new areas of inquiry
will emerge. »
Introduction générale
13
Les développements ultérieurs ont conduit les chercheurs à moduler la dualité et à reconnaître
la complémentarité des deux approches –transactionnelle et relationnelle-. La volonté de
l’entreprise qui achète de s’engager sur le long terme ne peut concerner tous les fournisseurs
mais seulement les fournisseurs clés, ce qui justifie la coexistence de transactions discrètes et
de relations durables (Sheth et Shah, 2003, Pillai et Sharma, 2003).
L’activité achats en B2B peut aller de la simple transaction – achat récurrent d’un composant
standard - à la gestion de projet complexe – achat d’une solution fonctionnelle, sur mesure-.
Ce coeur de l’activité – transactions simples et complexes - explique que l’angle d’analyse
retenu a longtemps été influencé par l’analyse économique des coûts de transaction
(Williamson, 1975, 1985, Coase, 1991). Il ressort des travaux de Williamson une conception
des échanges qui reconnaît l’importance des rapports contractuels dans la gestion des
transactions. En revanche, le fait que les échanges se situent dans des environnements
comportant diverses dimensions économiques, sociales et culturelles n’est pas pris en compte.
Or, dans certains cas, la coordination des échanges régie par des règles trop formelles peut
s’avérer inefficace, ce qui est le cas du contexte international. La méconnaissance des
marchés, le temps nécessaire à l’acquisition des connaissances adéquates ou à l’élaboration
d’une relation de confiance rendent les coûts de transaction plus élevés et impliquent de
réfléchir à de nouveaux modes de coordination des échanges.
La vision contractuelle des échanges ainsi mise en lumière se retrouve dans l’approche
transactionnelle des recherches en marketing portant sur l’internationalisation des activités
(Johanson et Valhne, 1977 ; Bilkey et Tésar, 1977 ; Cavusgil, 1980) et sur les processus
achats (Robinson et Faris, 1967 ; Choffray et Lillien, 1978 ; Van Weele, 2004). Tous les
travaux convergent pour situer la « transaction achats » dans un processus d’échanges
structuré par des règles, des normes, des contrats.
Les comportements observables dans la pratique des achats industriels justifient l’orientation
relationnelle. D’une part, l’acheteur joue un rôle actif dans la définition des produits
recherchés et d’autre part, il se crée une forte interdépendance entre acheteur et fournisseur
tout au long du processus. Les situations d’achat sont des situations d’échanges – de produits,
d’informations, de flux financiers, techniques et humains – qui, bien que centrées sur une
transaction, se déroulent dans un contexte relationnel impliquant un grand nombre d’acteurs.
Introduction générale
14
� Les incertitudes du contexte international
La littérature marketing considère l’incertitude et le manque de connaissances des marchés
étrangers comme deux éléments centraux expliquant l’intensité et le rythme
d’internationalisation des activités (Johanson et Vahlne, 1977, Cavusgil, 1998, Czinkota et
Ronkainen, 2003). De nombreux travaux ont ainsi analysé le degré d’engagement ou le choix
du mode d’entrée sur les marchés distants en fonction des situations environnementales
(Anderson et Coughlan, 1987; Klein, Frazier, et Roth, 1990). Le terme « d’incertitude »
renvoie à l’impossibilité de prévoir les variables organisationnelles et environnementales qui
influencent la performance d’une firme (Miles et Snow, 1978).
La capacité d’une organisation à réduire cette incertitude revient dès lors à maîtriser ses
déterminants : la distance séparant acheteur et fournisseurs, les risques encourus sur des
marchés méconnus et le contexte économique et culturel des pays ciblés. Les différences de
langue, de valeurs, de système de gestion et de droit font que l’éloignement affecte la relation.
En effet, la confiance et l’engagement dans la relation sont des concepts plus difficiles à gérer
dans le cadre international que sur le marché domestique (Bello et al., 2003). Et l’exercice
d’une forme coercitive de pouvoir dans le cadre d’une relation acheteur-fournisseur à
l’international est source de conflit et réduit la satisfaction (Leonidou et al., 2008). La
recherche de stabilité dans la gestion de la relation achat à l’international est par conséquent
contrainte par la réduction de l’incertitude et des risques encourus, d’autant plus quand les
partenaires sont particulièrement distants.
Pour certains auteurs, la réduction des incertitudes passe par l’apprentissage (Calantone et al.,
2002, Johanson et Vahlne, 2005) ou l’expérience (Barkema et Drogndijk, 2007), pour d’autres
par la mise en œuvre de processus spécifiques de contrôle (Eisenhardt, 1985, Flamholtz,
1996, Nogatchewski, 2003). Dans nos travaux, l'apprentissage peut être considéré comme le
processus par lequel le groupe d’achat "découvre"8 les règles du jeu, ou les signes qui
permettent d'accorder la confiance aux fournisseurs. Quant au contrôle, il peut être conçu
comme le processus de création de règles communes et de leur application, aux différentes
étapes de la relation d’achat. La dimension normative de la relation apparaît dès lors comme
un système de droits pour les deux parties, fournisseur et acheteur.
8 Le terme de découverte est utilisé par Johanson et al., (2003): « Market discovery », terme déjà présent dans les travaux de Kirzner (1973).
Introduction générale
15
En dépit des procédures d’apprentissage et de contrôle spécifiques mises en place pour gérer
la relation avec les fournisseurs distants, la dimension culturelle de la relation demeure
importante. Selon d’Iribarne (1998), « la culture est un système de sens à travers lequel
l'individu perçoit et interprète une situation ou une action concrète. Il partage ce système de
sens avec les autres membres de sa communauté, qui a, au cours de son histoire, élaboré ce
système de sens ». Pour l’auteur, l'individu n'est pas déterminé dans son comportement et ses
valeurs, qui appartiennent à sa personnalité et son histoire propre. En revanche, ses réactions à
une situation ou une action donnée seront fonction de son interprétation, donc de ce système
de sens. Selon Brugier-Verre (2006), « le contexte de mondialisation incite les entreprises à
développer un management multiculturel, à avoir le souci de l’intérêt commun et à respecter
différentes valeurs culturelles afin de ne pas heurter les sensibilités nationales : connaître,
comprendre, accepter et s’adapter ».
Au terme de ces développements, nous relevons deux contradictions majeures. La première
concerne la compatibilité d’une gestion relationnelle et d’une gestion contractuelle des
échanges, la seconde porte sur la difficulté à concilier la nécessité de nouveaux apprentissages
dans un cadre de gestion de plus en plus contrôlé.
Premièrement, nous nous interrogeons en effet sur la capacité des firmes opérant sur les
marchés internationaux à mettre en œuvre une gestion relationnelle qui repose de manière
classique sur un climat de confiance établi entre l’acheteur et le fournisseur. Le sourcing
global consiste à imposer des règles au partenaire commercial depuis son référencement
jusqu’à l’évaluation de sa production ou de sa prestation. Ces règles sont d’ailleurs
explicitement formulées dans les contrats fixant les termes des transactions. Comment, dans
ce cas, concilier la construction du climat de confiance avec un fournisseur que l’on a choisi
de retenir et la maîtrise du processus achats fondée sur la défiance et le contrôle des écarts ?
Deuxièmement, nous nous interrogeons également sur la capacité des entreprises s’orientant
vers une organisation complexe de globalisation de leurs achats à concilier les mécanismes
d’apprentissage, individuel et organisationnel, nécessaires à une bonne compréhension des
marchés étrangers avec les mécanismes de contrôle renforcé du processus achats, nécessaires
Introduction générale
16
pour amener les interlocuteurs étrangers à se conformer aux règles du groupe d’achat.
Comment dans ce cas relier l’envie d’apprendre et la nécessité de contrôler ?
Ces interrogations justifient à nos yeux un approfondissement théorique et empirique qui ne
peut s’envisager que de manière exploratoire.
3. Notre méthodologie exploratoire de recherche
Nous nous sommes proposés d’examiner dans le détail la manière dont les entreprises mettent
en œuvre leurs nouvelles pratiques de sourcing dans une perspective relationnelle de gestion
des fournisseurs. Nous avons opté pour une approche qualitative d’exploration de ce
phénomène récent, tant sur le plan académique que managérial.
En sciences de gestion, l’analyse qualitative peut être définie comme « une démarche
discursive de reformulation, d’explicitation ou de théorisation d’un témoignage, d’une
expérience ou d’un phénomène » (Paillé, 1996). Une méthode qualitative vise par conséquent
à chercher du sens et à comprendre des phénomènes ou des comportements, ce qui est notre
intention au travers de l’analyse du comportement des acteurs de la relation fournisseur à
l’international.
Nous avons choisi de mener une investigation auprès de vingt trois entreprises - seize grandes
entreprises et sept PMI - ayant déjà initié l’internationalisation de leurs achats production. La
taille de cet échantillon se justifie tant sur le plan méthodologique que pratique. D’une part, le
caractère exploratoire de notre recherche autorise un échantillon de petite taille. Selon Glaser
et Strauss (1967), la taille d’un échantillon doit permettre de trouver un équilibre entre la
compréhension en profondeur du phénomène observé et le besoin de trouver des bases de
comparaisons. D’autre part, l’accessibilité à un terrain d’investigation compétent de haut
niveau – directeurs achats – est une contrainte particulièrement importante. Nous avons pu
accéder à vingt-trois de ces managers par recommandations. Et il est illusoire d’envisager
d’en contacter un grand nombre sans ces ouvertures. Nos informants représentent la diversité
de l’achat industriel dans différents secteurs d’activité.
Introduction générale
17
Notre collecte d’informations s’est effectuée sur une durée de 30 mois, de janvier 2007 à juin
2009. Nous avons conduit une démarche dynamique basée sur des allers-retours entre la
théorie et le terrain de notre investigation empirique avec pour objectif de formaliser un
modèle théorique. Notre recherche ne visait pas à confronter des hypothèses établies à la
réalité étudiée mais ne tenait pas non plus à écarter les travaux antérieurs sur le sujet. Notre
intention était d’identifier des comportements caractérisant la relation fournisseur dans un
contexte international à partir d’informations et d’analyses - témoignages de directeurs achats
et études de cas – et de confrontations à des connaissances théoriques.
Notre protocole de recherche s’est articulé en deux phases. Une première exploration combine
des données collectées lors d’entretiens semi-directifs auprès des directeurs achats des vingt-
trois entreprises contactées et de données issues d’une analyse complémentaire documentaire
(plaquettes d’entreprise, sites internet, articles de la presse spécialisée). Une deuxième
exploration a consisté à approfondir les résultats obtenus au travers de l’analyse plus poussée
de trois des PMI de l’échantillon.
La méthode d’analyse utilisée consiste par conséquent en une double approche : une analyse
de contenu des vingt-trois premiers entretiens menés et une étude de cas au travers de trois
monographies d’entreprises de taille moyenne. L’approfondissement du terrain auprès de trois
PMI ayant accepté de nous ouvrir largement leurs portes a constitué une seconde phase
d’exploration particulièrement riche pour l’orientation de notre sujet de recherche.
Selon Yin (2003), l’étude de cas est une stratégie de recherche pertinente lorsque les
questions « pourquoi » et « comment » se posent, lorsque le chercheur a peu de contrôle sur
les événements et lorsque l’objet de la recherche porte sur un phénomène contemporain
observable dans la réalité. Selon Eisenhardt (2007), il est envisageable de construire une
théorie à partir d’études de cas puisqu’ils permettent d’élaborer des construits théoriques et
des propositions basées sur des données empiriques.
Au cours de notre recherche, un phénomène important que nous n’avions pas envisagé au
départ s’est peu à peu dégagé des entretiens. Nous avons identifié et analysé qu’en dépit des
procédures d’apprentissage et de contrôle, mises en place pour aborder de nouveaux marchés
sources à l’international, un problème récurrent était exprimé par les directeurs achats, celui
Introduction générale
18
de faire face à des situations inattendues. Ce constat nous a conduit à réinterpréter le corpus
initialement obtenu à l’aune d’une autre grille de lecture, celle de l’improvisation.
Si l’on se réfère à l’univers musical, improviser consiste à concevoir et interpréter une
musique au fur et à mesure de son développement. Dans la littérature académique, la
métaphore du jazz a permis d’établir le concept d’improvisation (Weick, 1993 et 1998,
Moorman et Miner, 1998) et de démontrer que la convergence dans le temps d’une idée et de
sa mise en œuvre pouvait constituer un modèle organisationnel pertinent. Weick (1998)
définit l’improvisation comme « ce qui traite de l’imprévu, de l’inattendu »9. D’autres auteurs
ont contribué à établir le concept dans la littérature. Moorman et Miner (1998) définissent
l’improvisation organisationnelle comme « le degré de convergence entre la conception d’une
action et son exécution dans le temps. Plus la conception et l’exécution sont proches, plus
l’activité est improvisée. Cette perspective reflète la relation au temps en se référant à la
simultanéité entre l’émergence de l’idée et sa mise en œuvre». Benavent et Verstraete (2000)
postulent que certains types d’organisation favorisent l’improvisation, indispensable pour
faire face à des situations changeantes : « mélange de structures claires, construites autour de
priorités et de responsabilités bien définies et d’un style de management qui donne une large
place à la communication et à la liberté de conception ».
Nous avons par conséquent complété notre grille de lecture initiale fondée sur l’apprentissage
et le contrôle par celle de l’improvisation.
4. La présentation de la recherche
Cette thèse suggère qu’en dépit de la mise en œuvre de dispositifs de contrôle étroit et d’un
accroissement des capacités d’apprentissage de l’entreprise, l’incertitude de l’environnement
international ne peut être entièrement maîtrisée. Cette incertitude se manifeste fréquemment
sous la forme de situations d’achats « inattendues », nécessitant une capacité supplémentaire
de gestion. Elle se trouve dans la notion d’improvisation.
9 « Improvisation deals with the unforeseen, it works without a prior stipulation, it works with the unexpected » Weick, 1998.
Introduction générale
19
Le plan de la présentation de notre recherche s’articule en deux parties et cinq chapitres.
La première partie analyse notre exploration du concept d’improvisation dans la gestion de la
relation fournisseur (SRM). A l’origine de cette recherche, nous avions relevé deux
contradictions. D’une part, il nous semblait que la gestion relationnelle des fournisseurs
atteint des limites lorsque l’horizon s’élargit à l’échelle internationale. D’autre part, nous nous
interrogions sur la capacité des entreprises à s’ouvrir à de nouveaux apprentissages tout en
souhaitant renforcer les dispositifs de régulation de la relation. Au fil des travaux, une idée
force a surgi, celle de la rémanence de situations inattendues. Nous avons alors cherché des
éléments de réponse dans un autre cadre conceptuel que ceux d’apprentissage et de contrôle.
Et cette nouvelle orientation nous a conduit à recenser le concept d’improvisation.
Le premier chapitre a pour objectif de situer la gestion de la relation fournisseur dans la
littérature marketing B2B et de montrer que la gestion globale peut contribuer à la création de
valeur. A partir des travaux académiques et des pratiques managériales portant sur la
perspective « achats » de la relation, nous soulignons le caractère bidimensionnel de la
gestion de la relation fournisseur. Nous identifions d’abord une orientation « processus » qui
reflète les différentes étapes du processus achats et nécessite l’implémentation d’outils
permettant les flux d’information. Nous la différencions ensuite de l’approche
comportementale qui caractérise l’organisation des ressources en vue d’optimiser la stratégie
achats.
Le deuxième chapitre présente une revue de littérature sur l’improvisation organisationnelle.
Nous y détaillons les principales définitions de ce concept qui a commencé à s’établir en
sciences de gestion depuis une dizaine d’années. Nous en précisons les contours dans le cadre
de notre recherche centrée sur la relation fournisseur.
Le troisième chapitre justifie nos choix méthodologiques. La globalisation des achats et du
sourcing représentant un phénomène récent tant sur le plan managérial que académique, nous
avons opté pour une investigation exploratoire s’appuyant sur des entretiens et des cas
d’entreprise. Nous mettons l’accent sur les apports de la méthode des cas permettant dans un
premier temps l’exploration, la confrontation et la comparaison des données collectées et dans
un deuxième temps la recherche de sens par le rapprochement avec des construits théoriques.
Introduction générale
20
La deuxième partie de la thèse est consacrée à l’analyse des résultats de nos investigations.
Suite à la mise en évidence, dans la revue de littérature, du manque de travaux empiriques
concernant les pratiques de sourcing et d’achats à l’international des entreprises et notamment
des PMI, nous avons procédé à une analyse des données collectées, selon deux grilles de
lecture. La première permet d’interpréter les informations obtenues au regard des modes de
gestion classiques d’apprentissage et de contrôle. La deuxième s’attache à faire ressortir les
caractéristiques d’un mode de gestion d’une autre nature, l’improvisation, en réponse aux
situations inattendues rencontrées sur les marchés étrangers.
Dans le chapitre 4, nos résultats mettent tout d’abord en lumière les deux invariants majeurs
auxquels les acteurs sont confrontés, les distances et les risques. Puis, nous analysons la
relation fournisseur comme le cadre de la mise en oeuvre des ajustements nécessaires pour
réduire les incertitudes, notamment par l’apprentissage et le contrôle.
Les résultats de la deuxième exploration du terrain sont analysés dans le chapitre 5. Ils nous
conduisent à mettre en lumière une caractéristique particulière de l’incertitude : l’inattendu de
certaines situations d’achats. Nous détaillons cette notion en proposant une catégorisation des
situations inattendues dans la relation fournisseur. Puis, à partir d’un approfondissement de
l’analyse des cas et entretiens, nous suggérons que l’improvisation peut constituer une
réponse adéquate.
La pluralité des modes de gestion opportuns pour structurer la relation fournisseur en contexte
international nous conduit à réfléchir, en conclusion, à la dynamique entre apprentissage,
contrôle et improvisation. L’ensemble du travail de terrain nous amène, en effet, à suggérer
que les firmes ont à résoudre un double problème dans leurs pratiques de sourcing. Elles
doivent d’abord réduire les incertitudes, c’est-à-dire la probabilité qu’elles se réalisent. Puis,
elles ont à faire face à des situations inattendues qu’elles résolvent ponctuellement par
l’improvisation. Nous élaborons un schéma d’articulation de ces variables et formulons trois
propositions.
Introduction générale
21
Management des achats, enjeux et défis de l’international
Chapitre 1
Du contrôleà l’improvisation
Chapitre 2
Méthodologie de la recherche: 23 entretiens d’exploration / 3 cas d’approfondissement
Chapitre 3
Apprentissage et Contrôle,ajustements prévus
Improvisation, réponse à l’imprévu
Mise en perspective et synthèse des résultats
Chapitre 4 Chapitre 5
Conclusion
Question de rechercheComment les entreprises gèrent-elles l’inattendu,
paramètre inévitable d’une relation fournisseur élargie à l’international ?
PARTIE 1: LES FONDEMENTS CONCEPTUELS : RÉDUIRE L’INCERTITUDE ET RÉSOUDRE L’INATTENDU
PARTIE 2: RÉSULTATS EMPIRIQUES : PRÉVOIR L’APPRENTISSAGE ET LE CONTRÔLE ET PRÉPARER L’IMPROVISATION
Figure 0.2. Architecture de la recherche
22
23
PARTIE I
LES FONDEMENTS CONCEPTUELS DE LA
RECHERCHE :
RÉDUIRE L’INCERTITUDE
ET
RÉSOUDRE L’INATTENDU
Chapitre 1 : Management des achats, enjeux et défis de l’international
25
CHAPITRE 1
MANAGEMENT DES ACHATS, ENJEUX ET DEFIS DE L’INTERNATIONAL
Management des achats, enjeux et défis de l’international
Chapitre 1
Du contrôleà l’improvisation
Chapitre 2
Méthodologie de la recherche: 23 entretiens d’exploration / 3 cas d’approfondissement
Chapitre 3
Apprentissage et Contrôle,ajustements prévus
Improvisation, réponse à l’imprévu
Mise en perspective et synthèse des résultats
Chapitre 4 Chapitre 5
Conclusion
Question de rechercheComment les entreprises gèrent-elles l’inattendu,
paramètre inévitable d’une relation fournisseur élargie à l’international ?
PARTIE 1: LES FONDEMENTS CONCEPTUELS : RÉDUIRE L’INCERTITUDE ET RÉSOUDRE L’INATTENDU
PARTIE 2: RÉSULTATS EMPIRIQUES : PRÉVOIR L’APPRENTISSAGE ET LE CONTRÔLE ET PRÉPARER L’IMPROVISATION
Chapitre 1 : Management des achats, enjeux et défis de l’international
26
Depuis une trentaine d’années, les relations entre acheteurs et fournisseurs retiennent
l’attention des chercheurs et le pluralisme des travaux a permis de mettre en lumière la
coexistence de différentes visions de l’échange. Dès 1975, Bagozzi suggère de différencier
trois types d’échanges : l’échange « réduit » représentant des transactions simples entre deux
acteurs, l’échange « généralisé » qui se réfère à une suite de transactions entre au moins trois
acteurs et l’échange « complexe » concernant les relations entre de multiples acteurs. Si les
deux premiers - échanges transactionnels - se déroulent normalement à court terme, l’échange
complexe - relationnel - en revanche situe les échanges dans une perspective de long terme.
L’analyse de ces relations interorganisationnelles – également dénommées dans la littérature
académique relations « interentreprises », relations « client-fournisseur » ou relations
« acheteur-fournisseur » – constitue l’objet du marketing relationnel. Cette discipline a
souvent été envisagée du point de vue du vendeur, soulignant ainsi l’importance du rôle de
« mise en marché » du marketing. Cependant le marketing amont s’intéressant à la relation
avec les fournisseurs joue un rôle non moins important dans l’élaboration d’une offre
commerciale cohérente.
Le concept de marketing achat et l’importance de son rôle dans les transactions sont apparus
dans les années soixante-dix avec l’analyse de « l’état d’esprit » adopté par l’acheteur qui
pratique le marketing (Kotler et Lévy, 1973). Ces auteurs considèrent que l’acheteur fait
preuve d’un esprit marketing lorsque, par l’incitation, la persuasion ou l’éducation, il amène
les fournisseurs à lui proposer une offre satisfaisante. Dans cette même logique, Tarondeau
(1981, p. 45) suggère que le marketing amont consiste à « chercher à paraître attractif en tant
que client » et Gauchet (1981, p. 13) conseille « de donner l’envie au fournisseur de travailler
avec nous, de nous concéder certains avantages en contrepartie des séductions que nous
aurons fait valoir ».
Une symétrie apparaît bien évidemment entre la vente et l’achat si l’on prend en compte
l’objectif général de contribution du marketing à la performance de l’entreprise. Holbrook
(1994) postule que la création de valeur est un pilier fondamental de toute activité marketing:
« Value has always been the fundamental basis for all marketing activity ». Cependant les
spécificités du processus achats confèrent au marketing amont des caractéristiques différentes.
L’objectif d’une direction achats n’est pas forcément d’obtenir le prix le plus bas mais de
Chapitre 1 : Management des achats, enjeux et défis de l’international
27
contribuer à améliorer la performance globale en recherchant les produits et services adaptés
aux besoins de l’organisation (Fenneteau, 1992).
Les objectifs du marketing achat sont dès lors spécifiques (Malaval et Bénaroya, 2005) :
- suivre les différents marchés amont pour identifier les fournisseurs les plus compétitifs
et fournir ainsi un avantage concurrentiel à l’entreprise
- savoir présenter l’organisation de façon attrayante aux fournisseurs potentiels et leur
donner envie de travailler avec elle en fondant l’argumentaire sur le potentiel d’achat
- formuler de façon précise pour les fournisseurs les attentes et besoins des
interlocuteurs internes de l’organisation
- alimenter l’outil de production en termes de quantités nécessaires et qualités
souhaitées
- faciliter l’élaboration des propositions des fournisseurs en leur transmettant les
informations utiles
- représenter une force de proposition en termes d’amélioration des développements de
produit.
Il ressort de ces attributions que l’acheteur se situe en position d’interface entre fournisseurs
et services internes (Cf. figure 1.1.)
• .
Acheteur
Marketing externe
Formuler des propositions d’achattenant compte des capacités
des fournisseurset permettant d’établir
des relations d’échange
CLIENTvis-à-vis des fournisseurs
Marketing interne
Anticiper les demandesen faisant découvrir
les potentialités du marché amont
VENDEURvis-à-vis des services internes
Figure 1.1. La double position de l’acheteur et ses objectifs, selon Malaval et Bénaroya (2005)
Chapitre 1 : Management des achats, enjeux et défis de l’international
28
Pour certains auteurs, le marketing achat s’inscrit dans un schéma plus global de
« management des achats » (Calvi, 1999 ; Bruel, 2007), cette vision stratégique de l’activité
achats incluant dès lors la gestion de la relation fournisseur (Cf. figure 1.2.).
.
Management des achats
Gestion duportefeuille fournisseursMarketing achat
Spécificationdu
besoin
Sélection des
fournisseursNégociation
Traitementde la
commande
Évaluationdes achats et
des fournisseurs
Pérennisation ou non de la relation
Figure 1.2. Le management des achats,
Source : auteur, inspiré de Calvi (1999)
Cette figure donne une image opérationnelle du processus achats et en démontre néanmoins la
complexité. Calvi identifie donc trois catégories de « métiers d’achat », chacun comportant
chacune un ensemble d’activités mobilisées dans le processus :
- Le marketing achat concerne les activités visant à préparer l’acte d’achat. L’analyse
des marchés fournisseurs, tant d’un point de vue commercial que technologique, est au
centre de ce métier d’achat. Les activités qu’il regroupe agissent sur la création de
l’offre de l’entreprise et sont surtout importantes pour les achats « impliquants » ou
« stratégiques ».
- La gestion du portefeuille fournisseurs concerne les activités liées à l’acte d’achat
(traitement des commandes) mais aussi à la surveillance et au développement des
fournisseurs de l’entreprise.
- Le management des achats regroupe l’ensemble des activités de direction,
d’organisation et de contrôle du service achat.
Chapitre 1 : Management des achats, enjeux et défis de l’international
29
On peut s’interroger sur la signification à donner à l’expression management des achats.
Drucker (2002) définit le management comme « l’activité visant à obtenir des hommes un
résultat collectif en leur donnant un but commun, des valeurs communes, une organisation
convenable et la formation nécessaire pour qu’ils soient performants et puissent s’adapter au
changement ». La multiplicité des activités relevant du management des achats rend difficile
toute définition.
Nous suggérons de retenir que le management des achats consiste pour un dirigeant d’une part
à organiser les processus permettant de référencer et d’évaluer les fournisseurs adaptés aux
besoins de l’organisation et d’autre part à combiner un ensemble de ressources – humaines,
techniques et financières- en vue d’atteindre les objectifs de la stratégie achats.
Ces stratégies achats sont orientées depuis plusieurs années, selon un objectif principal de
rationalisation des coûts (Gadde et Håkansson, 2001). Ces auteurs postulent que la
contribution de la stratégie achats au développement d’une firme repose essentiellement sur la
rationalisation des coûts dans trois domaines : la définition précise des besoins et des produits
ou composants à acheter, les activités logistiques et les routines administratives. L’objectif de
rationalisation trouve aujourd’hui une justification supplémentaire dans les opportunités
offertes par le contexte actuel de globalisation des marchés (Czinkota et Ronkainen, 2005).
Ces deux déterminants importants –rationalisation et globalisation – conduisent les entreprises
de manière tout à fait récente vers un élargissement de leur horizon de sources
d’approvisionnement à l’échelle internationale. Kotabe et Murray (2004) soulignent au travers
d’une synthèse de recherches portant sur l’avantage compétitif du sourcing global que
chercheurs et praticiens justifient des niveaux accrus d'activités externalisées à l'échelle
mondiale par les aspects bénéfiques de ces opérations.
Le management des achats nécessite dès lors une démarche spécifique adaptée à la diversité
des nombreux marchés sources potentiels. C’est la finalité de notre recherche. Nous retenons
comme objet d’étude la gestion de la relation fournisseur (SRM) en situation d’achats
complexes à l’international et nous synthétisons cette approche relationnelle des fournisseurs
distants dans la figure suivante (1.3.).
Chapitre 1 : Management des achats, enjeux et défis de l’international
30
Acheteurou centre d’achat
Élaborationde la stratégie achats
Organisationdes processus achats
Fournisseur distant
Savoir-faireSpécificités
Pratiques différentes
Transmettreattentes et besoins
Référencer etévaluer
les fournisseursadéquats
Figure 1.3. La relation fournisseur en contexte international du point de vue de l’acheteur
Nous nous situons du point de vue de l’acheteur et nous nous intéressons à la relation selon
une perspective où les contacts sont initiés par le centre d’achat mais se poursuivent par des
échanges dans le temps. Il s’agit pour nous de prendre en compte le management des achats
dans sa globalité, ce qui inclut de fait le marketing achat et la gestion du portefeuille de
fournisseurs.
Pour analyser la problématique actuelle du management des achats en contexte international,
il convient (1) d’utiliser la perspective bien établie de la relation et (2) de recenser la
littérature concernant l’internationalisation de l’activité achats. Dans la première section, nous
montrons qu’il est pertinent d’enrichir la linéarité du processus achats séquentiel et
transactionnel par une approche relationnelle et collaborative de l’échange. Cette gestion
différenciée des fournisseurs conduit à mettre plus particulièrement en lumière leur sélection.
Dans une seconde section, nous observons que les pratiques achats placent de plus en plus la
relation dans un espace particulier, celui de l’international et de l’interculturel. Nous mettons
alors l’accent sur le double problème de la confrontation aux distances et aux risques.
Chapitre 1 : Management des achats, enjeux et défis de l’international
31
1. DU PROCESSUS ACHATS À UNE RELATION INITIÉE PAR LE « SOURCING » L’approche processus est largement utilisée dans les pratiques managériales, comme dans la
littérature académique, pour décrire la démarche achats comme séquentielle et s’appuyant sur
une succession de phases dans un ordre établi. Nous montrons dans une première sous-section
que les modélisations évoluent au fil des années, mais que ces approches processuelles sont
toujours d’actualité, reflétant notamment l’intégration des nouvelles technologies. Elles
gagnent néanmoins à être complétées par une perspective relationnelle dès lors que le
management des achats se fixe un objectif de régulation. Les travaux des vingt dernières
années montrent que le lissage de l’activité d’approvisionnement, la recherche d’adéquation
des fournisseurs et de l’innovation qu’ils sont susceptibles de proposer poussent les
entreprises à s’engager dans une relation plutôt que dans une suite de transactions. C’est ce
que nous étudions dans la deuxième sous-section. Ces évolutions de perspectives nous
conduisent à constater dans la troisième sous-section que les travaux académiques récents
dans le domaine des achats se focalisent principalement sur le « sourcing » élargissant ainsi
tout naturellement la démarche à l’horizon international.
1.1. Le management des achats, un processus résolument séquentiel
Sur le plan managérial, l’approche processus prônée par la normalisation internationale peut
constituer une aide à la structuration de la démarche achats en permettant de conceptualiser
les tâches et activités. Le processus achats fait l’objet d’une norme spécifique, la norme FDX
50-128, dont nous reproduisons ci-après un extrait du texte ISO (International Standard
Organisation) et le schéma correspondant.
Chapitre 1 : Management des achats, enjeux et défis de l’international
32
7.4 Achats
7.4.1 Processus d'achat
L'organisme doit assurer que le produit acheté est conforme aux exigences d'achat spécifiées. Le type et l'étendue de la maîtrise appliquée au fournisseur et au produit acheté doivent dépendre de l'incidence du produit acheté sur la réalisation ultérieure du produit ou sur le produit final.
L'organisme doit évaluer et sélectionner les fournisseurs en fonction de leur aptitude à fournir un produit conforme aux exigences de l'organisme. Les critères de sélection, d'évaluation et de réévaluation doivent être établis. Les enregistrements des résultats des évaluations et de toutes les actions nécessaires résultant de l'évaluation doivent être conservés).
7.4.2 Informations relatives aux achats
Les informations relatives aux achats doivent décrire le produit à acheter, y compris, selon le cas :
a) les exigences pour l'approbation du produit, des procédures, des processus et des équipements b) les exigences pour la qualification du personnel c) les exigences relatives au système de management de la qualité.
L'organisme doit assurer l'adéquation des exigences d'achat spécifiées avant de les communiquer au fournisseur.
7.4.3 Vérification du produit acheté
L'organisme doit établir et mettre en œuvre le contrôle ou autres activités nécessaires pour assurer que le produit acheté satisfait aux exigences d'achat spécifiées.
Lorsque l'organisme ou son client a l'intention d'effectuer des vérifications chez le fournisseur, l'organisme doit faire état, dans les informations relatives aux achats, des dispositions pour la vérification et des modalités de libération du produit prévues.
Figure 1.4. Norme ISO FDX 50-128 : Le processus achats
Chapitre 1 : Management des achats, enjeux et défis de l’international
33
Cette norme présente l’intérêt de constituer un outil de standardisation de la démarche achats,
applicable à toute entreprise quelle que soit sa taille ou son secteur d’activité. Le découpage
par tâches permet d’établir des mesures précises à différents endroits de la chaîne d’activités,
ce qui contribue à améliorer l’efficacité globale du processus achats ou du moins à repérer les
points faibles. De plus, les recommandations établissent très clairement la responsabilité de
l’entreprise qui achète dans la mise en œuvre du contrôle du produit acheté. C’est pourquoi,
des mises en garde précises portent sur la maîtrise des risques, notamment celle du triptyque
coût/délai/ qualité et rendent le directeur achats responsable des conséquences qui en
découlent. Au delà de l’approche normative, cette utilisation du processus représente un outil
concret de management permettant de diffuser de la connaissance au sein des équipes achats.
Sur le plan académique, les modélisations des processus achats ont été développées dès les
années soixante-dix. Historiquement construite sur une vision transactionnelle des échanges,
la démarche achats a suivi au cours des années quatre-vingts une dynamique plus relationnelle
et a encore évolué récemment pour intégrer l’influence des nouvelles technologies. Dans les
développements qui suivent, nous passons successivement en revue ces trois perspectives qui
nous permettent d’affirmer que l’organisation séquentielle du processus achats est toujours
d’actualité pour conceptualiser cette démarche de manière opérationnelle.
� Les modèles fondateurs du processus achats, un enchaînement de phases
L’analyse économique a longtemps influencé les travaux des chercheurs en marketing et a
focalisé leur attention sur la transaction. En effet, dans la théorie économique classique, les
transactions et les acteurs économiques sont envisagés comme indépendants les uns des
autres, sous l’hypothèse de concurrence pure et parfaite. Les échanges entre acteurs
économiques sont considérés comme ponctuels et la perspective temporelle adoptée est le
court terme. Cette approche a conduit les gestionnaires à qualifier l’échange entre acheteur et
fournisseurs de transfert de biens et à mettre l’accent sur les caractéristiques du produit, objet
de la transaction (Payne, 1998). En marketing amont, le coût d’achat joue ainsi un rôle central
en révélant les préférences des acheteurs pour des produits répondant à leurs objectifs de
rationalisation des coûts. Le mode de contact entre interlocuteurs est discontinu car la
dimension sociale de l’échange n’est pas prise en compte et le processus d’achat prend fin
Chapitre 1 : Management des achats, enjeux et défis de l’international
34
avec la transaction. Les recherches académiques issues de ce courant de pensée ont
essentiellement porté sur le comportement des acheteurs industriels avec pour objectif la
compréhension des décisions d’achat et de choix de fournisseurs. Six principaux modèles ont
ainsi servi à conceptualiser la démarche achats, la décomposant en étapes successives qui
correspondent à l’enchaînement des tâches caractéristiques d’une transaction.
Robinson et Faris (1967) sont les premiers à identifier dans leur modèle des situations d’achat
sous la forme de trois scénarios – nouvel achat, rachat modifié, rachat à l’identique – et huit
phases, depuis la reconnaissance du besoin jusqu’à l’évaluation du produit acheté et la
remontée d’informations.
Par la suite, le marketing s’articulant autour de la notion d’échange (Kotler, 1972 ; Bagozzi
1975), cinq autres modélisations ont été développées :
- le modèle d’adoption de biens industriels d’Ozanne et Churchill (1971)
- le modèle de comportement d’achat industriel de Webster et Wind (1972)
- le modèle de comportement des acheteurs industriels de Sheth (1973)
- le modèle d’achat industriel de Hillier (1975)
- et le modèle de réponse des marchés industriels de Choffray et Lilien (1978).
Tous ces modèles ont contribué à enrichir la compréhension du phénomène complexe d’achat
industriel. Ils présentent des similitudes sur un grand nombre de points, notamment le
déroulement du processus d’achat industriel en différentes phases – le nombre de phases étant
variable selon les modèles-. Le processus peut être représenté schématiquement comme suit
(Cf. figure 1.5.) :
.
Formulation d’un besoin
Définition des caractéristiques,techniques et fonctionnelles, du produit à acheter
Recherche et comparaison des fournisseurs
Analyse des offres et négociations
Sélection du ou des fournisseurs
Évaluation du produit acheté
Rétroaction
Figure 1.5. Processus d’achat industriel en six phases, adapté de Dayan (1999)
Chapitre 1 : Management des achats, enjeux et défis de l’international
35
Cette analyse séquentielle des tâches permet de contribuer à l’optimisation de l’activité par
anticipation des comportements. En revanche, ces modèles sont statiques. Ils décrivent des
liens de causalité entre une variable donnée et la décision d’achat mais ne rendent aucunement
compte de la manière dont les acteurs s’y prennent ni des motivations qui guident leurs
actions.
� Les modèles séquentiels de processus achats des années quatre-vingts : l’importance
de la présélection
Un autre courant de la pensée économique néoclassique a influencé les travaux des chercheurs
en marketing. Il s’agit des développements portant sur les coûts de transaction (Williamson,
1975, 1985, Coase, 1991). Cette école remet en cause l’hypothèse de concurrence pure et
parfaite et introduit les notions de hiérarchie entre les acteurs sur le marché, de rationalité
limitée et surtout de comportements opportunistes.
Ces avancées ont contribué à enrichir la réflexion en marketing B2B qui a ainsi porté son
attention sur les comportements des acheteurs et sur la réduction des coûts de transaction par
des modifications apportées à la gestion de l’échange (Anderson et Gatignon, 1986 ; Heide et
John, 1990). Les échanges sont envisagés comme pouvant s’inscrire dans la durée, sous la
forme d’une succession de transactions ponctuelles mais la continuité de la relation n’est pas
prise en compte. De plus, Heide (1994) montre qu’un comportement opportuniste peut
conduire au dysfonctionnement de la relation d’échange et à l’augmentation des coûts de
transaction.
Une nouvelle forme d’investigation du comportement d’achat industriel, le courant inductif,
émerge au cours de cette décennie quatre-vingts. Il apporte une contribution nouvelle par
rapport aux travaux précédents en proposant une méthode d’analyse incorporant moins de
théorisation et de modélisation préalables et qui s’appuie sur une collecte directe de données
qualitatives. L’unité d’analyse retenue est le « groupe d’achat », c’est-à-dire l’ensemble des
acteurs concernés par le choix de fournisseurs dans une organisation. Selon cette approche,
deux modèles ont particulièrement contribué à l’enrichissement des connaissances sur les
processus achats : le « Matbuy model » de Möller (1986) comportant huit phases et le
« Supplier choice model » en cinq phases développé par Woodside et Vyas (1987) (Cf. figure
1.6.).
Chapitre 1 : Management des achats, enjeux et défis de l’international
36
Figure 1.6. Le supplier choice model, Wooside et Vyas, 1987
L’innovation de ces deux modèles du courant inductif par rapport aux travaux fondateurs est
d’introduire une phase de présélection de fournisseurs au milieu du processus achat.
Une analyse comparative des différents modèles est proposée par Cova et Salle (1992)
Modèles fondateurs Matbuy model (Möller, 1986)
Supplier choice model (Wooside et Vyas, 1987)
Reconnaissance du besoin Initiation de l’achat - Définition des spécifications
Définition des critères d’évaluation
Préparation de l’appel d’offres
Recherche de fournisseurs Recueil d’informations sur les fournisseurs Recherche de fournisseurs
- Présélection Présélection Analyse des propositions Analyse des propositions Analyse des propositions - Négociation - Choix Choix Choix Contrôle des performances Mise en place -
Tableau 1.1. Analyse comparative des modèles de processus achats, Cova et Salle (1992)
Chapitre 1 : Management des achats, enjeux et défis de l’international
37
Tous ces modèles décrivant le management des achats comme une succession de phases dans
le temps restent principalement centrés sur la transaction. Or, économistes et gestionnaires se
sont progressivement heurtés à l’impuissance de la théorie néo-classique face au
développement croissant de relations durables, contractuelles et coopératives entre les agents
économiques. La vision traditionnelle focalisée sur le transfert de biens – la transaction -, par
essence ponctuelle et basée sur la discontinuité des échanges, s’est élargie à une approche
relationnelle centrée sur l’interaction entre acheteur et fournisseur et privilégiant le
développement des relations à long terme.
� L’approche relationnelle en marketing achat
Les définitions du marketing relationnel sont nombreuses. Quelques extraits peuvent nous
aider à situer l’activité achats dans le cadre plus général de la relation (Cf. tableau 1.2.).
Berry (1983) « Le marketing relationnel consiste à attirer, à maintenir et à renforcer la relation avec le client »
Grönroos (1990)
« Le marketing relationnel vise à établir, maintenir et développer les relations avec les clients et les autres partenaires, à un certain niveau de profit, de manière à ce que les objectifs des parties se rejoignent; ceci
sera atteint par un échange mutuel et l’accomplissement des promesses »
Morgan et Hunt (1994)
« Le marketing relationnel réfère à l’ensemble des activités marketing orientées vers l’établissement, le développement et le maintien
d’échanges relationnels fructueux»
Gummesson (1994) « Le marketing relationnel est le marketing conçu comme des relations, des réseaux et des interactions ».
Sheth et Parvatiyar (1995)
« Le marketing relationnel réfère à la compréhension, l’explication et le management des relations d’affaires sous la forme d’une collaboration
continue entre des fournisseurs et des clients »
Gronroos (1997)
« C’est l’identification, l’établissement, le maintien et le développement de relations avec les clients et les autres partenaires, avec profit, de manière à ce que les objectifs des parties impliquées
soient rencontrés. Ceci est atteint suite à un échange mutuel et à l’accomplissement des promesses faites »
Marion (2001) « Le marketing relationnel est le résultat de l’intensification
concurrentielle et de la prolifération des instruments de communication à la disposition des individus »
Tableau 1.2. Quelques définitions du marketing relationnel
Chapitre 1 : Management des achats, enjeux et défis de l’international
38
L’échange relationnel est établi en gestion par les travaux de Berry (1983) qui est le premier à
utiliser le terme de « marketing relationnel » pour caractériser le fait d’ « attirer, maintenir et
renforcer la relation client ». La relation interorganisationnelle n’est définie que plus
tardivement. Anderson et Narus (1991) la décrivent comme « un processus dans lequel deux
organisations forment au cours du temps des liens puissants et étendus, de types social,
économique, technique et de service dans le but de réduire les coûts et/ou d’augmenter la
valeur reçue, retirant ainsi un bénéfice mutuel ». Cette définition met en évidence la finalité
de l’échange orienté vers les retombées escomptées et la création de valeur. Elle illustre la
mutation de l’économie qui est passée d’une « économie des transactions » à une « économie
des contrats » (Brousseau, 1993).
Malgré la diversité des définitions, les chercheurs s’accordent à reconnaître que l’échange
relationnel se différencie des transactions discrètes sur plusieurs points, notamment pour tout
ce qui concerne les dimensions temporelle, sociale et stratégique.
D’abord, l’échange relationnel se situe dans le long terme et s’oppose ainsi à l’échange
« discret » initialement défini par Mac Neil (1980). Il intègre une dimension historique et
contextuelle qui se forme à partir du cycle de vie de la relation, caractérisé par les étapes de
création, de maintien et éventuellement de rupture des échanges.
Puis, la dimension sociale concerne la nature, l’intensité et l’importance des contacts
interpersonnels contribuant au développement des relations interorganisationnelles sur le long
terme (Håkansson, 1982). Les acteurs retirent de l’échange relationnel « des avantages
personnels, des satisfactions non économiques, les engageant dans un échange social »
(Dwyer et al., 1987).
Enfin, la dimension stratégique se concrétise par les nécessaires investissements techniques et
humains permettant de mieux connaître le partenaire et rendant difficile la rupture de la
relation du fait des coûts importants de changement.
Pour ce qui est du domaine interentreprises, l’évolution vers le relationnel est perceptible dès
la fin des années soixante-dix au travers du courant interactif qui se focalise sur une unité
d’étude différente, la dyade acheteur-fournisseur. Cet angle d’analyse centre ainsi l’objet de la
recherche sur la relation et sur l’interaction émanant des échanges inter-organisationnels.
Deux modèles principaux s’inscrivent dans ce courant de pensée : le modèle dyadique,
Chapitre 1 : Management des achats, enjeux et défis de l’international
39
dénommé modèle d’échange en marketing industriel (Bonoma et Johnston, 1978) et le modèle
d’interaction de l’Industrial Marketing and Purchasing (IMP) Group (Håkansson, 1982).
Le modèle dyadique reposant sur les travaux de Bonoma et Johnston (1978) a initié la
recherche nord-américaine sur l’analyse de la relation à long terme entre fournisseur et
acheteur industriel. Celui-ci combine deux par deux individus (acheteur et vendeur) et
organisations (fournisseur et groupe d’achat) pour analyser les relations dans les dyades.
L’apport majeur de ces auteurs est de postuler que les actions dépendent moins de variables
rationnelles que de facteurs de pouvoir (confiance, loyauté, coopération, engagement).
Ces travaux théoriques ont été suivis de nombreuses études empiriques aux résultats
fondamentaux pour conforter l’orientation relationnelle. Dwyer, Schurr et Oh (1987)
proposent un cadre de développement du processus relationnel et postulent que la relation
génère des avantages pour les deux parties mais également des coûts, ce qui ne la rend pas
forcément pérenne. Morgan et Hunt (1994) définissent le marketing relationnel comme les
« activités marketing orientées vers l’établissement, le développement et le maintien
d’échanges relationnels fructueux », ce qui constitue le point de départ de leur théorie sur
l’engagement et la confiance, paramètres essentiels du succès de la relation.
En Europe, les travaux relevant du marketing relationnel en B2B reposent sur le modèle
d’interaction de l’IMP (Håkansson, 1982). Il s’agit d’une représentation des rôles actifs de
l’acheteur et du fournisseur dans un climat dénommé atmosphère de la relation et dans un
environnement général rendant compte du contexte international (Cf. figure 1.7.).
Environnement
Atmosphère
Interaction
Acheteur Fournisseur
Figure 1.7. Le modèle d’interaction, Håkansson, 1982
Chapitre 1 : Management des achats, enjeux et défis de l’international
40
L’école de pensée IMP postule que la stratégie d’une organisation est à la fois contrainte et
stimulée par les relations avec l’environnement et par la position occupée au sein de réseaux.
Inspiré par la théorie de l’échange social et celles des organisations, ce courant retient les
concepts clés, d’adaptation acteurs/ressources/activités, d’interdépendance et d’interaction.
Cette riche littérature des années quatre-vingts et quatre-vingt-dix a permis d’affirmer non
seulement l’importance du courant interactif dans la recherche nord-américaine et européenne
en marketing B2B mais surtout l’évolution du concept d’échange d’une orientation fondée sur
la transaction à une analyse centrée sur la relation (Sheth et Parvatiyar, 1995).
Les incidences de cette nouvelle orientation pour la perspective « achats » sont clairement
identifiées par Sheth et Sharma dès 1997 :
« Organizational buying is dramatically shifting from the transaction oriented to
the relational oriented philosophy, and will shift from a buying process to a
supplier relationship process. This shift toward supplier relationships will change
the role, processes, and strategies of firms and, therefore, new areas of inquiry
will emerge. »
Ces auteurs annoncent que le « processus achats » va évoluer vers une « gestion de la relation
fournisseur » qui changera les rôles, les processus et les stratégies.
Notre problématique du management des achats s’inscrit dans cette vision relationnelle et
interactive de l’échange. Quant à l’horizon international dans lequel cette activité se déroule
aujourd’hui, il représente un élément essentiel susceptible de faire varier les déterminants de
la relation. Nous avons donc choisi de retenir le support théorique de l’IMP et son modèle
d’interaction comme cadre de notre travail de recherche.
Les développements des années deux mille ont conduit les chercheurs à moduler la dualité
entre approches transactionnelle et relationnelle et à reconnaître leur coexistence. Coviello et
al. (2002) postulent que les deux approches ne sont pas des paradigmes différents,
mutuellement exclusifs, à l’opposé l’un de l’autre mais que le marketing est caractérisé par
des processus multiples et complexes qui se manifestent de quatre façons différentes dans les
pratiques :
Chapitre 1 : Management des achats, enjeux et défis de l’international
41
- le marketing transactionnel a pour objectif de gérer les variables du mix dans le but
d’attirer et de satisfaire les clients
- le marketing de base de données utilise les technologies pour cibler et retenir les
clients
- le marketing d’interaction vise à développer les relations interpersonnelles afin de
créer les conditions nécessaires à l’interaction entre acheteurs et vendeurs en vue d’en
retirer un bénéfice mutuel
- le marketing des réseaux concerne le développement des relations
interorganisationnelles afin de permettre la coordination des multiples parties
prenantes.
Coviello et al. (2002) arrivent ainsi à la conclusion qu’il est possible d’observer dans les
pratiques managériales des formes de gestion de la relation à prédominance transactionnelle
ou à prédominance relationnelle ou bien encore des formes hybrides transactionnelle /
relationnelle à la fois. Ils suggèrent par conséquent d’envisager les approches marketing
comme plurielles et réfutent le changement de paradigme en soi.
Dans le domaine des achats, cette coexistence trouve également sa justification, non
seulement en termes stratégiques mais également pour s’aligner sur les technologies supports.
L’approche relationnelle s’est en effet concrétisée par une modification des objectifs
stratégiques des directions achats qui sont passés du référencement d’un grand nombre de
fournisseurs à la sélection de fournisseurs clés. « La volonté de l’acheteur de s’engager sur le
long terme ne peut concerner tous les fournisseurs mais seulement les fournisseurs clés, ce
qui justifie la coexistence de transactions discrètes et de relations durables » (Sheth et Shah,
2003, Pillai et Sharma, 2003).
Par ailleurs, la vision d’un processus achats « transactionnel » est rendue nécessaire pour
l’utilisation des nouvelles technologies. Selon Favier et Allal-Chérif (2008), les processus de
sélection de fournisseurs en ligne (e-sourcing) et de commandes en ligne (e-procurement) ont
évolué au cours des dix dernières années mais restent résolument séquentiels. A partir du
modèle économique des places de marché électroniques, ils analysent la mutation du
processus achats d’une logique transactionnelle (figure 1.8.) vers la logique relationnelle
actuelle des modèles de « business intelligence » (figure 1.9.). Le processus transactionnel
classique se décompose de la façon suivante :
Chapitre 1 : Management des achats, enjeux et défis de l’international
42
Préparation à la
transactionde marché
Transactioncommerciale
Transactionprix
Transactionphysique
Transactionfinancière
Bilanqualitatif
duprocessus
Figure 1.8. Modèle économique classique d’e-sourcing et d’e-procurement, Favier et al. (2008)
Selon les auteurs, les transactions sont au coeur des préoccupations des managers de places de
marché. En tant que sources de revenus, les transactions font donc l’objet de tous leurs efforts.
Le processus transactionnel actuel de « business intelligence » se déroule dans une
perspective relationnelle :
Préparation à la
transactionde marché
Transactioncommerciale
Transactionprix
Transactionphysique
Transactionfinancière
Bilanqualitatif
duprocessus
Relationà
long terme
Figure 1.9. Modèle économique actuel d’e-sourcing et d’e-procurement, Favier et al. (2008)
Au-delà du cas des places de marché électroniques, il ressort de ces travaux que
l’implémentation et l’utilisation des technologies dans la gestion des achats nécessitent
toujours une décomposition des activités en différentes phases. Cet enchaînement d’étapes
inscrit de fait la démarche achats dans une approche processus. En revanche, cette analyse
statique mérite d’être enrichie d’une vision dynamique en y rajoutant la dimension
temporelle. En effet, ce qui est susceptible de varier d’une organisation à l’autre, c’est la
vitesse à laquelle le processus séquentiel de management des achats est confronté à la réalité
du contexte d’affaires. Les auteurs prévoient l’émergence d’une logique collaborative de
traitement de l’information inscrivant définitivement le processus dans le long terme et la
création mutuelle de valeur provenant alors de l’engagement conjoint des parties prenantes.
Chapitre 1 : Management des achats, enjeux et défis de l’international
43
� L’approche collaborative
Dans les années deux mille, la perspective relationnelle s’est enrichie de travaux portant sur la
dimension collaborative de la relation. Une relation collaborative peut se définir comme « une
relation de long terme dans laquelle les participants coopèrent, partagent de l’information et
travaillent ensemble pour élaborer, voire modifier leurs pratiques managériales afin
d’améliorer ensemble la performance » (Whipple et al., 2009). Coviello et al. (2002)
soulignent que contrairement aux échanges transactionnels qui peuvent être qualifiés
d’impersonnels même s’ils se répètent dans le temps, les échanges collaboratifs sont
interpersonnels et continuels. Spekman et Carraway (2006) postulent que la relation peut être
qualifiée de collaborative « lorsque acheteur et fournisseur pensent ‘nous’ et non plus ‘je’ ».
Plusieurs raisons peuvent expliquer l’orientation collaborative d’une organisation. Deux
déterminants principaux émergent des travaux de recherche. D’une part, la coopération
permet aux acteurs d’accroître leur performance (Anderson et Narus, 2004, Daugherty et al.,
2006, Håkansson et Snehota, 2006). D’autre part, la création et l’exploitation conjointe de
ressources par l’acheteur et le fournisseur sont sources de création de valeur (Dyer et Singh,
1998, Möller et Törrönen, 2003, Ulaga, 2003, Ulaga et Eggert, 2005, 2006).
Anderson et Narus (2004) affirment que les partenariats reposent sur une forme de commun
accord ayant pour objectif une performance supérieure pour les deux parties. Håkansson et
Snehota (2006) confirment que l’interaction permanente implique la prise en compte des
partenaires de la relation dans l’allocation des ressources internes d’une organisation, ce qui
autorise de nouvelles potentialités en termes d’efficacité organisationnelle. Daugherty et al.
(2006) postulent qu’une relation collaborative améliore la performance qu’ils mesurent par
plusieurs critères: meilleure visibilité en termes d’information, meilleur niveau de service,
flexibilité accrue et surtout réduction des délais. Ils soulignent néanmoins que la collaboration
nécessite un degré important de formalisation pour être efficace, ce qui passe par une
clarification des termes contractuels de la relation, la standardisation des processus, la
définition précise des informations partagées et des accès à ces informations.
Chapitre 1 : Management des achats, enjeux et défis de l’international
44
En complément de la performance accrue, l’approche collaborative participe selon certains
auteurs à la création de valeur. Möller et Törrönen (2003) définissent le processus de création
de valeur comme une agrégation de différentes composantes: valeur issue de la transaction,
valeur additionnelle générée par la relation et valeur future escomptée de la pérennité de la
relation. Pour ces auteurs, la collaboration ainsi fondée sur l’utilisation par l’acheteur de
toutes les capacités du fournisseur conduit à une valeur démultipliée et donc accrue. Selon
cette même perspective de valeur considérée comme un spectre balayant différentes
dimensions, Ulaga et Eggert (2005) ont établi que les relations inter-organisationnelles
engendrent des bénéfices à plusieurs niveaux. Ils identifient comme importants, notamment
l’échelle des produits fabriqués, les services offerts, la livraison et le temps de mise en
marché, le savoir et le savoir-faire de l’entreprise ainsi que les interactions personnelles entre
gestionnaires (Cf. figure 1.10.).
• . Qualité du produit
Performance Fiabilité
Suivi
Délais de livraison
A tempsFlexibilitéExactitude
Temps de développement
ConceptionPrototype
Tests et validation
Coûts directs (prix)
Supérieurs, inférieurs, alignéssur concurrence
Ristournes annuellesProgrammes de réduction de coûts
Services support
Suivi produitInformations client
Sous-traitance
Savoir-faire fournisseur
Connaissance marchéAmélioration produits existants
Innovation
Interaction
CommunicationRésolution de problèmes
Objectifs communs
Coûts des process
Passation de commandesAudits
Production
Figure 1.10. Déterminants de création de valeur dans la relation acheteur-fournisseur selon Ulaga (2003)
La mise en place de partenariats est un processus consommateur de temps (Johnson et Selnes,
2004) mais les investissements spécifiques consentis - financiers et non financiers- sont
générateurs de valeur (Ploetner et Ehret, 2006). La transition vers une approche collaborative
de la relation n’est pas simple et ne peut par conséquent concerner que certains fournisseurs
clés. Spekman et Carraway (2006) synthétisent les éléments fondamentaux du processus de
transition et formulent quelques recommandations afin de surmonter les barrières à la
collaboration. Selon ces auteurs, la collaboration nécessite une intégration simultanée côté
acheteur et côté fournisseur de différentes composantes : individus, processus, structures et
Chapitre 1 : Management des achats, enjeux et défis de l’international
45
technologies de l’information. Cette intégration facilitant la réussite de l’approche
collaborative repose sur deux piliers: la vision systémique de la relation –ce qui est bénéfique
pour l’une des parties l’est aussi pour l’autre - et l’implémentation de nouvelles mesures de
performance en lien avec cette réflexion globale, c’est-à-dire portant sur l’ensemble de
l’organisation, ses process et ses résultats.
Des effets pervers peuvent cependant naître d’une pression trop forte exercée sur les
fournisseurs. Il arrive fréquemment qu’en insistant trop sur la réduction des coûts de
transaction, la qualité des produits achetés diminue, voire qu’elle fasse disparaître des
fournisseurs. Le développement de partenariats va à l’encontre du modèle économique
originel. Il s’agit de mieux gérer les risques liés aux achats, d’anticiper les échanges, de faire
de la veille stratégique, de standardiser les procédures, de capitaliser les connaissances et de
s’adapter aux évolutions du marché. Dans cette perspective, ce sont les échanges
d’informations qui doivent conduire naturellement les entreprises vers les échanges
commerciaux. Whipple et al. (2009) démontrent que l’approche collaborative permet
d’atteindre des degrés accrus de satisfaction et de performance et que les bénéfices retirés par
les deux parties de ce mode relationnel compensent largement les investissements consentis.
Ces comportements coopératifs renvoient d’une part à la théorie des réseaux, notamment à la
notion de gouvernance de la relation fournisseur et à la modification de la dimension
structurelle qu’elle implique, et, d’autre part, à la théorie de la coopération et au modèle du
« donnant-donnant » (Axelrod, 1984).
En effet, une nouvelle forme de gestion et de coordination des échanges émerge,
l’ « organisation réseau » en réaction à un environnement d’affaires complexe et turbulent
(Anderson et al., 1994 ; Poulin et al., 1994 ; Achrol, 1997 ; Ritter, 1999). La perspective de
« faire ensemble » plutôt que celle de « faire ou acheter » donne alors lieu au développement
de réseaux et de partenariats stratégiques (Jarillo, 1988 ; Achrol et Kotler, 1999 ; Ford, 2002 ;
Dyer et Hatch, 2004, Freytag et Ritter, 2005, Hakansson et Snehota, 2006).
Dans ce contexte de réseaux, différentes stratégies d’interaction entre les membres d’un
groupe sont envisageables. Parmi celles-ci, le modèle dit donnant – donnant reflète le
principe de coopération qui consiste à interagir sur un mode coopératif avec un partenaire tant
que celui-ci fait de même.
Chapitre 1 : Management des achats, enjeux et défis de l’international
46
En termes de management des achats, cette littérature conduit à postuler que l’approche
collaborative oriente les objectifs stratégiques des directions achats dans le sens de la
rétention des fournisseurs préférés, la mise en œuvre opérationnelle consistant à intégrer ces
partenaires dans l’allocation des ressources internes.
Nous retenons de cette section que l’étude des relations acheteur-fournisseur est marquée par
la coexistence des approches transactionnelle, relationnelle et collaborative en management
des achats. La justification de cette coexistence se fonde sur deux raisons principales. D’une
part, les situations d’achat sont des situations d’échange – de produits, d’informations, de flux
financiers, techniques et humains – centrées sur des transactions mais dans un contexte
relationnel impliquant un grand nombre d’acteurs. D’autre part, les deux parties prenantes –
acheteur et fournisseur - jouent un rôle actif dans la continuité des échanges. Les objectifs de
rationalisation des coûts ne peuvent concerner toutes les catégories de produits de la même
manière, ce qui se traduit par une recherche de fournisseurs répondant à des critères
spécifiques. L’évolution de la relation vers la création de valeur conjointe apparaît
particulièrement pertinente dès lors être que l’entreprise envisage de retenir certains
fournisseurs clés.
Au regard des recherches présentées, nous suggérons de considérer que le processus achats,
tout en étant basé sur une approche transactionnelle du transfert de biens – transaction
commerciale, transaction prix, transaction physique, transaction financière- (Favier et al.,
2008), s’inscrit résolument dans une dynamique relationnelle et interactive de l’échange entre
acheteur et fournisseur, d’autant plus lorsque ce dernier est distant.
Nous synthétisons ces réflexions dans le tableau suivant (Cf. tableau 1.3.)
Chapitre 1 : Management des achats, enjeux et défis de l’international
47
Approche Transactionnelle
Approche Relationnelle
Approche Collaborative
But de l’échange
Transaction économique/
Transfert de biens
Relation interactive entre acheteur et
fournisseur
Relation de coopération
Fondements théoriques
Théorie économique Théorie des coûts de
transaction
Théorie de l’échange social
Théorie des réseaux Théorie de la coopération
Perspective temporelle Court terme Moyen /Long terme Long terme
Mode des contacts Discrets Continus Continus et
interactifs
Type de contact Impersonnel
Interpersonnel fondé sur confiance et
engagement
Interpersonnel et Inter organisationnel fondé sur le partage d’informations et l’action conjointe
Formalisation de l’échange Formel
Formel et informel aux niveaux
économique et social
Formel et informel à tous niveaux
Objectif stratégique
Référencer un grand nombre de
fournisseurs (prix/qualité/délais)
Sélectionner les fournisseurs clés
Retenir les fournisseurs préférés
Mise en œuvre
opérationnelle Mise en concurrence
Constitution de panels fournisseurs
segmentés
Intégrer les partenaires dans l’allocation des
ressources internes
Tableau 1.3. Synthèse des approches marketing des échanges acheteur-fournisseur
La différence majeure entre les trois approches se situe au niveau de l’objectif visé :
référencer un grand nombre de fournisseurs, sélectionner les fournisseurs clés ou retenir les
fournisseurs préférés. C’est tout l’enjeu du sourcing, oeuvrant à l’élaboration de panels
fournisseurs segmentés. La littérature que nous présentons dans la sous-section suivante
atteste de l’intérêt récent et croissant pour ce phénomène de sourcing global
Chapitre 1 : Management des achats, enjeux et défis de l’international
48
1.2. Une littérature récente centrée sur le « sourcing » global
Une brève bibliométrie nous permet d’affirmer que le domaine des achats manque d’un
positionnement académique clair. Premièrement, les travaux en B2B sont essentiellement
diffusés dans des revues de stratégie et de management. Deuxièmement, le marketing achats
constitue un sujet beaucoup moins traité que la perspective vente. De ce fait, les revues
spécifiques « marketing B2B » sont peu nombreuses. Troisièmement, les travaux récents
traitent indifféremment les achats et le sourcing au travers d’une approche globale de
sélection de fournisseurs à l’échelle internationale, le sourcing global.
Tout d’abord, le classement des revues en Économie Gestion, publiée par le CNRS en 2008
révèle le peu de revues consacrées explicitement aux relations B2B. Le domaine des affaires
est essentiellement représenté dans les revues dont le titre inclut les termes de « Business » ou
de « Management », ce qui renvoie à un classement dans le domaine
« Stratégie/Management » (Cf. figure 1.11.). Et à l’intérieur de cette catégorie, la perspective
internationale n’apparaît pas toujours spécifiquement. Quelques titres seulement comportent
le terme international, le « Journal of International Business Studies », par exemple.
En ce qui concerne les revues françaises, la « Revue Française de Gestion » propose
régulièrement des articles traitant des relations interorganisationnelles. Mais lorsque nous
avons effectué une recherche par mots-clés avec le terme « Achats », celle-ci n’a donné qu’un
seul résultat. L’article sélectionné, « Entre achats et approvisionnements » (Caby-Guillet et
al., 2007), traite des achats sous l’angle outils électroniques, ce qui n’est pas le cœur de notre
problématique. Par ailleurs, nous avons certes relevé un numéro entier de la revue consacré à
la « Supply Chain », en 2006, mais le domaine des achats n’y est pas traité spécifiquement. Il
est plutôt associé aux approvisionnements et à la logistique. Ces quelques recherches dans les
revues généralistes de gestion dénotent toute la difficulté de recenser les publications traitant
des achats selon la perspective de l’activité concernant la gestion des fournisseurs.
Ensuite, les travaux relevant du marketing B2B dans le classement CNRS se trouvent dans
quelques revues telles que le « Journal of Marketing » de catégorie un, ou bien dans le
« Journal of Business Research » de catégorie trois, ou encore dans la revue « Industrial
Marketing Management », de catégorie trois, qui relaye les travaux de l’IMP. Nous constatons
qu’en comparaison du nombre important d’articles concernant le B2C, les publications B2B
sont peu nombreuses, ce qui limite les recherches d’articles de référence. (Cf figure 1.12.).
Chapitre 1 : Management des achats, enjeux et défis de l’international
49
Figure 1.11. Le B2B dans le domaine « Stratégie/Management », Classement des revues en Économie Gestion, CNRS, 2008
Figure 1.12. Le B2B dans le domaine du « Marketing » Classement des revues en Économie Gestion, CNRS, 2008
Chapitre 1 : Management des achats, enjeux et défis de l’international
50
Dans les revues françaises de marketing, « Recherche et Applications en Marketing » ainsi
que « Décisions Marketing », nous avons également effectué une recherche par mots-clés sur
le terme « achats ». Nous avons obtenu des articles concernant le comportement d’achat en
B2C mais aucun article récent sur la gestion des fournisseurs selon une perspective
interorganisationnelle. Nous avons alors procédé à une autre recherche concernant le terme
clé de « fournisseur » et nous avons obtenu une dizaine d’articles portant sur la relation client-
fournisseur et ses déterminants – confiance, satisfaction, etc. -. Malgré l’intérêt de la
perspective relationnelle qui y est développée, ces recherches n’ont pas alimenté notre sujet
sur les achats.
Enfin, le domaine des achats se trouve associé à la « Logistique » (figure 1.13.). Une seule
revue, de catégorie quatre, comporte le terme « Purchasing ».
Figure 1.13. Les achats dans le domaine de la « Logistique », Classement des revues en Économie Gestion, CNRS, 2008
Nous précisons que cette revue « Journal of Purchasing and Supply Management » compile
dans des numéros spéciaux les communications de la conférence annuelle de l’IPSERA -
International Purchasing and Supply Education and Research Association – une des seules
associations rassemblant académiques et praticiens sur le thème spécifique des achats.
Chapitre 1 : Management des achats, enjeux et défis de l’international
51
Nous avons analysé plus en détail cette revue « Journal of Purchasing and Supply
Management » sur les cinq dernières années de 2005 à 2009, ce qui représente la publication
de 105 articles. En effectuant une recherche par mots clés sur les titres de ces 105 articles,
nous obtenons les résultats suivants :
Terme Fréquence
Purchasing (Achat) 25
Procurement (Approvisionnement) 15
Relationship (Relation) 13
Sourcing (Sélection fournisseurs) 7
Supply management (gestion des achats) 6
International / Internationalisation 5
Involvement (Engagement) 4
Collaboration 3
Tableau 1.4. Fréquence de mots clés associés à l’activité achats dans les titres, Revue « Journal of Purchasing and Supply Management », 2005 à 2009
Nous constatons que, dans cette revue dédiée aux achats, les différentes phases du processus
achats – purchasing, procurement, sourcing – représentent logiquement le plus grand nombre
de publications. Le management des achats – supply management – est moins présent dans les
titres (6 citations). Cependant, cette faiblesse est compensée par la mention de la perspective
relationnelle, explicite dans 13 titres sur 105. Cette notion est de plus implicitement présente
dans des termes tels que « involvement » - engagement- (4 citations) ou « collaboration » (3
citations).
La perspective internationale n’est explicitement citée dans les titres que cinq fois, ce qui
pourrait laisser supposer que ce n’est pas un centre d’intérêt prédominant. Toutefois, il
convient de souligner que la revue a consacré un numéro spécial au « global purchasing » en
juillet 2006 qui démontre l’importance de la prise en compte du contexte international.
Quintens et al. (2006) y publient un article de référence, relevant le manque de travaux dans
ce domaine et posant les bases conceptuelles de la globalisation des achats en termes
d’approche processus. Ils définissent la notion d’achat global de la manière suivante :
Chapitre 1 : Management des achats, enjeux et défis de l’international
52
« Nous définissons l'achat global comme l'activité de recherche et d'obtention de biens,
services et autres ressources à l'échelle mondiale pour satisfaire les besoins de l'entreprise en
vue de poursuivre et de renforcer sa position concurrentielle. »10
Ce concept de globalisation des achats implique bien évidemment une stratégie d’achat global
- global purchasing strategy- (Quintens et al., 2006) mais il convient de souligner qu’elle est
initiée par l’étape cruciale du « sourcing » qui représente en soi une stratégie spécifique de
sélection des fournisseurs à l’échelle mondiale –global sourcing strategy- (Trent et Monczka,
2002; Kotabe et Murray 2004).
Nous avons dès lors procédé à une investigation dans les bases de données Ebsco et Elsevier
centrée sur les mots clés de « global purchasing » et « global sourcing. Nous avons obtenu un
résultat mentionnant une vingtaine de publications entre 1993 et 2009.
L’examen de cette littérature sur l’achat global et le sourcing global permet de classer les
principaux travaux selon trois thèmes : les étapes du processus de globalisation, les
déterminants de la globalisation et les stratégies d’achat global (Cf. tableaux 1.5., 1.6., et 1.7.)
10 “We define global purchasing as the activity of searching and obtaining goods, services and other resources on a possible worldwide scale, to comply with the needs of the company and with a view to continuing and enhancing the current competitive position of the company”. (Quintens et al., 2006)
Chapitre 1 : Management des achats, enjeux et défis de l’international
53
Thème Auteurs Contexte Objet d’étude Résultats
Monczka et Trent (1991)
28 grandes entreprises industrielles européennes, japonaises et américaines
Coordination du sourcing entre les unités de production
Processus de sourcing global en 4 étapes
Giunipero et Monczka (1997)
Grandes entreprises américaines
Gestion d’un réseau mondial de fournisseurs
Approche organisationnelle en deux étapes, opérationnelle / stratégique
Bozarth, Handfield, Das (1998)
97 grandes entreprises américaines
Lien entre sourcing international et performance des fournisseurs
Usure de la relation fournisseur lors des dernières étapes du processus de globalisation des achats
Trent et Monczka (2002)
169 entreprises américaines, canadiennes, européennes et asiatiques
Différences entre achat international et global sourcing
Processus de sourcing global en 5 étapes
Agndal (2006)
10 cas de PME suédoises
Modes d’entrée sur les marchés sources étrangers
Réticence des PME à sélectionner des fournisseurs à l’international. Comportement réactif et opportuniste
Processus de globalisation par étapes
Monczka, Trent et Petersen (2008)
180 firmes américaines
Enjeux du sourcing global
Facteurs de succès d’une stratégie de sourcing global. Prévision d’une évolution massive vers une stratégie de sourcing global intégré
Tableau 1.5. Principaux travaux sur l’achat global et le sourcing global, selon le processus de globalisation par étapes
Chapitre 1 : Management des achats, enjeux et défis de l’international
54
Thème Auteurs Contexte Objet d’étude Résultats
Alguire et al. (1994)
115 entreprises de différentes nationalités
Déterminants du sourcing global
Le déterminant principal de l’avantage comparatif est le coût d’achat.
Cho et Kang (2001)
148 entreprises américaines du secteur de l’habillement
Contribution du sourcing global à la performance
Performance basée sur les volumes importants
Kotabe et Murray (2004)
-
Synthèse de recherches portant sur l’avantage compétitif du sourcing global
Limites et conséquences négatives de l’outsourcing
Quintens et al. (2006) -
Revue de littérature (123 articles) sur l’achat global 1990-2005
Antécédents et conséquences du processus de globalisation des achats
Kotabe et al. (2008)
1100 entreprises industrielles néerlandaises
Contribution de l’outsourcing à la performance
Existence d’un degré optimal d’outsourcing
Steinle et Schiele (2008)
2 études de cas, secteurs médical et de l’énergie
Limites du sourcing global
Le sourcing global ne réduit pas toujours les coûts. Statut de client préféré plus facile en sourcing local
Déterminants de la globalisation des achats
Kotabe et Mudambi (2009)
Éditorial de numéro spécial
Contribution du sourcing global à la création de valeur
Synthèse d’arguments pour et contre l’outsourcing
Tableau 1.6. Principaux travaux sur l’achat global et le sourcing global, selon les déterminants de la globalisation des achats
Chapitre 1 : Management des achats, enjeux et défis de l’international
55
Thème Auteurs Contexte Objet d’étude Résultats
Arnold (1999)
8 grandes entreprises
Degré de centralisation du sourcing global
Définition du sourcing global en termes d’extension de la stratégie d’achats à l’échelle mondiale
Rozemeijer et al. (2003)
152 grandes entreprises cotées à la bourse d’Amsterdam
Organisation de la globalisation des achats
Facteurs de contingence influençant la stratégie globale d’achats
Quintens et al. (2006)
150 entreprises belges
Centralisation / Standardisation des achats
Conceptualisation et mesure de la stratégie d’achat global – global purchasing strategy-
Hartmann et al. (2008)
8 grandes entreprises allemandes
Implications organisationnelles du sourcing global
Nécessité de mettre en œuvre des mécanismes de control : coordination des achats à l’international et implémentation de technologies de l’information
Stratégies globales d’achats
Trautmann et al. (2009)
Étude de cas : une grande entreprise allemande de l’industrie chimique
Synergies des différentes structures d’achats
Modèle de portefeuille d’achats présentant la valeur ajoutée par la coordination des structures d’achats.
Tableau 1.7. Principaux travaux sur l’achat global et le sourcing global, selon les stratégies globales d’achats
Chapitre 1 : Management des achats, enjeux et défis de l’international
56
Plusieurs travaux empiriques démontrent ainsi que la sélection des fournisseurs à l’échelle
mondiale –global sourcing strategy- (Trent et Monczka, 2002; Kotabe et Murray 2004) et les
stratégies d’achat global -global purchasing strategy- (Quintens et al., 2006) influent
positivement sur la performance de l’entreprise.
Dans leur récent article, Trent et al. (2008) annoncent que d’importants changements de
comportement sont à attendre dans le futur proche (3 à 5 ans) de la part des entreprises en
termes de stratégies de sourcing global - en tant que stratégie de sélection de fournisseurs et
d’achat intégrée à l’échelle mondiale -. Ils fondent leur argumentation sur les témoignages de
cent quatre-vingt firmes américaines qui leur indiquent leur situation actuelle et leurs projets à
moyen terme concernant le sourcing global. Leurs résultats démontrent que la grande majorité
des changements se fera au niveau le plus intégré du sourcing global.
En nous appuyant sur ces travaux, nous nous intéressons dans la section suivante au processus
d’internationalisation de l’activité achats. Nous allons montrer qu’en dépit des incertitudes, la
gestion de la relation fournisseur à l’échelle mondiale semble désormais incontournable.
Chapitre 1 : Management des achats, enjeux et défis de l’international
57
2. L’INTERNATIONALISATION DES ACHATS : ENTRE INCERTITUDES ET CONTRÔLE
Les stratégies d’internationalisation des organisations, le plus souvent décidées au niveau des
directions générales, fixent aux directions achats des objectifs de contribution à l’amélioration
de l’avantage compétitif. L’internationalisation des achats peut alors être envisagée comme
une trajectoire longuement mûrie et mise en place par étapes mais peut également être très
rapide et résulter d’opportunités découvertes sur les nouveaux marchés sources. Dans les deux
cas, les incidences affectent les processus et la relation. Tout d’abord, les processus achats se
trouvent modifiés par les incertitudes naissant des distances et des risques supplémentaires.
Ensuite, la relation fournisseur s’enrichit de nouvelles expériences qui contraignent les
équipes à adopter des comportements d’apprentissage face aux situations d’achats
inhabituelles et à mettre en place de nouvelles formes de contrôle.
2.1. La coexistence des processus par étapes et à grande vitesse
Les travaux fondateurs des années soixante-dix traitant de l’expansion internationale des
activités commerciales envisagent le processus comme essentiellement incrémental et
cumulatif (Ageron et Huault, 2002). Des travaux ultérieurs en ont cependant démontré les
limites, notamment le courant anglo-saxon à travers les notions d’ « International new venture
(INV) » (Oviatt et Mac Dougall, 1994) ou de « Born Global firms » (Knight et Cavusgil,
1996). Tous ces modèles contribuent néanmoins à la compréhension du processus
d’internationalisation des firmes et présentent l’avantage de pouvoir fournir des cadres
explicatifs aux orientations stratégiques nouvelles que nous observons dans le domaine des
achats.
� Les modèles fondateurs des processus d’internationalisation par étapes
Dans les années soixante-dix, deux courants de recherche portant sur les processus
d'internationalisation des entreprises ont émergé simultanément en Europe et aux États-Unis.
Ces modèles originaux, désignés par Andersen (1993) comme « modèle d’internationalisation
d’Uppsala (U-Model) » de Johanson et Vahlne (1977) et « modèle d’internationalisation liée à
Chapitre 1 : Management des achats, enjeux et défis de l’international
58
l’innovation (I-Model) » (Bilkey et Tesar, 1977; Cavusgil, 1980 ; Cinzkota, 1982 et Reid,
1981) soutiennent que les entreprises optent pour une voie internationale de manière lente et
progressive en raison du manque de connaissances des marchés étrangers, de la crainte des
risques et de l'incertitude.
En analysant l’internationalisation comme un cycle d’apprentissage graduel, le modèle
d’Uppsala retient comme facteur clé de l’internationalisation l’expérience acquise
progressivement sur les marchés étrangers. Le processus d’internationalisation résulte ainsi
d’une série de décisions incrémentales correspondant à quatre formes d’engagement et de
présence à l’international (Cf. figure 1.14.) :
- activités d’exportations irrégulières et opportunistes
- exportation via un agent indépendant
- implantation d’une succursale/filiale de vente
- production dans le pays étranger.
Connaissance du marché
Eng
agem
ent s
ur le
mar
ché
Activitéexport irrégulière
Filiale deproduction
Filiale commerciale
Export via desagents indépendants
Figure 1.14. Processus d’internationalisation, modèle d’Uppsala, Source : auteur, adapté de Johanson et Vahlne (1977)
Le modèle d’innovation (I-Model) conçoit l’internationalisation comme un enchaînement
d'actions innovantes posant la question de l'adoption de nouveaux comportements sur les
marchés étrangers. Tous les modèles concernés (Bilkey et Tesar,1977 ; Cavusgil, 1980 ;
Cinzkota, 1982 et Reid, 1981) considèrent que chaque étape à franchir constitue une
innovation pour l’entreprise, les seules différences se situant dans le choix des étapes, leur
nombre et dans le mécanisme initiateur de la stratégie d’internationalisation. Léonidou et
Chapitre 1 : Management des achats, enjeux et défis de l’international
59
Katsikeas (1996) ont suggéré de simplifier l’analyse en postulant que les étapes des différents
modèles s’inscrivant dans cette perspective d’innovation se résumaient essentiellement à trois
phases :
- Le pré-engagement correspondant à une activité essentiellement domestique
d’organisations envisageant seulement d’exporter ou d’entreprises ayant déjà exporté
puis abandonné cette activité
- La phase initiale qualifiant les exportations sporadiques d’organisations impliquées de
façon irrégulière dans la voie de l’internationalisation tout en ayant le potentiel pour
étendre leurs activités à l’étranger
- La phase avancée décrivant des formes plus engagées d’internationalisation telles que
la vente et/ou la production sur les marchés étrangers.
Il convient de souligner que les deux courants de recherche (U-Model et I-Model)
conceptualisent par conséquent de manière similaire l’internationalisation comme un
processus linéaire et séquentiel composé d’un ensemble d’étapes appelé chaîne
d’établissement (Coviello et McAuley, 1999). Blomstermo et Sharma (2003) synthétisent les
caractéristiques des différents modèles d’internationalisation de la manière suivante :
Auteurs Johanson et
Vahlne (1977)
Bilkey et Tesar (1977)
Cavusgil (1980)
Czinkota (1982) Reid (1981)
Nombre d’étapes 4 6 5 6 5
Théorie support Apprentissage Innovation Apprentissage Innovation Théorie des
organisations Attitude /
export Adaptative Réactive Réactive Pro-active Pro-active
Entreprises concernées Toutes PME PME PME PME
Temporalité Illimitée Limitée Limitée Limitée Limitée Tableau 1.8. Caractéristiques des modèles incrémentaux d’internationalisation
Ce type de conceptualisation a été largement utilisé comme support à de nombreux travaux
empiriques confirmant l'idée que les entreprises s'internationalisent souvent comme des
«anneaux dans l'eau», essayant d’acquérir progressivement la connaissance des marchés visés,
réduisant ainsi l'incertitude et les risques.
Chapitre 1 : Management des achats, enjeux et défis de l’international
60
Toutefois, ces modèles bien que généralement admis ne sont pas exempts de limites. Plusieurs
chercheurs ont a accusé les modèles par étapes d'être trop déterministes, notamment dans le
choix des pays d’exportation – le processus commençant par les pays proches puis s’étendant
vers les pays éloignés – ainsi que dans le degré de l’engagement – d’investissements légers et
flexibles à des engagements lourds et irréversibles. De plus, ces modèles n’explicitent pas
vraiment les raisons ni les modalités de passage d’une étape à l’autre. Andersen (1993) en
conclut que leurs limites théoriques, leur pouvoir explicatif et leur opérationnalisation
méritent d’être étudiés selon une perspective longitudinale. Il faut attendre la fin des années
quatre-vingt-dix pour voir apparaître de nouveaux modèles comportementaux du processus
d’internationalisation, modèles intégrant explicitement la dimension entrepreneuriale.
� L’accélération de l’internationalisation, les processus à grande vitesse
Les travaux de recherche de ces quinze dernières années remettent en effet en question la
portée générale des modèles fondateurs en s’appuyant sur des contre-exemples. Plusieurs
chercheurs (Fischer et Reuber, 1997 ; Gankema et al., 2000 ; Wolff et Pett, 2000) observent
que certaines PME attaquent directement plusieurs marchés et ne suivent pas nécessairement
la recommandation de débuter dans les pays proches puis d’aller vers les pays plus éloignés.
Ils remarquent également que d’autres organisations sautent des étapes intermédiaires ou
choisissent un stade particulier et interrompent leur processus d’internationalisation avant
d’avoir atteint la dernière étape. Enfin, certaines entreprises s’implantent directement par le
biais de filiales. Ils en concluent que le processus d’apprentissage n’est pas la seule façon de
développer ses activités à l’étranger et que de multiples facteurs liés à l’entreprise et à son
environnement sont à prendre en compte (Gemser et al., 2004).
Selon cette logique, un nombre croissant d'entreprises se développent à l’international dès leur
création ou dans les toutes premières années qui suivent leur création, ce qui vient infirmer la
théorie du processus incrémental (McDougall et Oviatt, 1994, 2000 ; Knight et Cavusgil,
1996 ; Torrès, 2004). Ainsi, les entreprises «nées globales »11 ne respectent pas le processus
d’internationalisation par étapes mais se développent à l’étranger en fonction des opportunités 11 Mac Dougall et Oviatt ont développé dès 1994 le concept d’« International entrepreneurship ». Les auteurs retiennent les termes de « International new ventures – INV » ou de «born globals»
Chapitre 1 : Management des achats, enjeux et défis de l’international
61
d’affaires et l’ordre dans lequel elles abordent les marchés proches ou distants n’est pas
corrélé à la distance psychique (Madsen et Servais, 1997). Ces travaux ont contribué à
l’émergence d’un nouveau champ, l’« International entrepreneurship ». Ce courant de
recherche s’est dans un premier temps focalisé sur les objets étudiés : les INV (International
New Venture) (Oviatt et Mac Dougall, 1994) ou les « Born Globals » (Rennie, 1993 ; Knight
et Cavusgil, 1996). Plus récemment, la définition de ce nouveau champ s’est centrée sur le
postulat que l’internationalisation est un processus entrepreneurial fondé sur l’exploitation
d’opportunités (Mac Dougall et Oviatt, 2003)12.
Dans le domaine des achats, ces créations spontanées d’entreprises internationales
« acheteuses » ont connu un fort développement lorsqu’il s’est agi d’approcher les marchés
distants, asiatiques notamment. Plusieurs auteurs se sont ainsi intéressés à la contribution des
bureaux d’achats à l’international – IPO, International purchasing office – (Nassimbeni et
Sartor, 2006). Il est démontré que ces prestataires de services sont nées de l’opportunité de la
demande de la part des entreprises européennes de disposer d’intermédiaires locaux leur
assurant entre autres fonctions, la réduction des distances culturelles, la sélection de
fournisseurs fiables puis le contrôle de leur performance tant en termes de qualité que de
respect des délais (Pedersen, 2004).
� L’utilisation des processus incrémentaux dans les achats
Le modèle de maturité à l’international de Trent et Monczka (2002) faisant le lien entre la
nature des achats et le degré de maîtrise des opérations à l’international reprend l’idée d’un
processus par étapes (Cf. figure 1.16.)
12 “International Entrepreneurship is the discovery, enactment, evaluation and exploitation of opportunities across national borders to create future goods and services” (Mac Dougall et Oviatt, 2003)
Chapitre 1 : Management des achats, enjeux et défis de l’international
62
Niveau 1 Niveau 3 Niveau 4Niveau 2
Achat international Sourcing global
Achatsdomestiquesuniquement
Achats ponctuels à
l’international
Stratégied’internationalisation
des achats
Stratégiede sourcing
basée sur desbureaux d’achats
Stratégiede sourcing
global
Niveau 5
Figure 1.15. Les niveaux d’achat à l’international, Source : auteur, adapté de Trent et Monczka (2002)
Trent et Monczka (2002) identifient ainsi des différences entre achat international et sourcing
global et postulent que le développement d’un avantage concurrentiel durable repose en
grande partie sur une approche intégrée de sourcing global. Ils définissent l’achat international
comme une transaction commerciale entre un acheteur et un fournisseur situés dans des pays
différents. Les organisations peuvent alors se contenter d’adapter la gestion de la relation en
fonction des variables classiques des termes de l’échange international telles que les
fluctuations des devises, les impératifs logistiques et douaniers, les différences dans les
comportements et communications. Le sourcing global diffère en ce sens de l’achat
international en ampleur et en complexité. Il implique une approche coordonnée pour
l’ensemble des directions de l’entreprise en termes de volumes, de processus, de technologies
et de relations fournisseurs au travers de différentes implantations à l’étranger pour la
conception, la fabrication et les approvisionnements. C’est une stratégie qui requiert par
conséquent non seulement une « intégration horizontale » entre la conception de produit et la
planification des activités achats mais également une « intégration verticale » avec les
fournisseurs.
Selon cette perspective, l’internationalisation des achats commence dès les premières
opportunités d’affaires de l’entreprise sur les marchés étrangers et le processus se développe
progressivement jusqu’à une stratégie achats intégrée, définie à l’échelle mondiale. Les
auteurs définissent ainsi cinq niveaux d’engagement en matière d’achats
Chapitre 1 : Management des achats, enjeux et défis de l’international
63
Le niveau I correspond à des achats sur le marché domestique. Les entreprises concernées
manquent souvent d’expérience à l’international et afin de se procurer des produits ou
composants venant de l’étranger, elles préfèrent utiliser les services de fournisseurs locaux
qui eux réalisent leurs achats à l’extérieur.
Le niveau II reflète un comportement réactif de l’organisation qui ne trouve plus de
fournisseur adapté à ses besoins sur son marché d’origine, les fabricants de certains produits,
matières premières ou composants n’étant plus implantés en Europe. L’internationalisation
des achats est dans ce cas inévitable, contraignant les responsables achats à mettre en place
différents modes de gestion de la relation avec les fournisseurs distants et à initier l’utilisation
de technologies leur permettant de suivre les contacts ainsi que les transactions.
Les trois niveaux suivants sont généralement atteints par des entreprises possédant un niveau
de maturité achats élevé, qui ont mis en place une centralisation des achats débouchant sur
une approche globale. Au niveau III correspond l’élaboration d’une stratégie de sourcing
selon une perspective de globalisation. Réduire le coût global d’un produit est devenu
primordial pour rester compétitif dans un environnement d’affaires mondialisé. Les achats
représentent plus de la moitié du coût global pour la plupart des organisations et il apparaît
nécessaire de « sourcer » dans des pays à bas coûts de production ou à devise intéressante.
Le niveau IV d’internationalisation des achats se caractérise par une coordination d’unités
implantées à l’étranger, impliquant un système d’information (SI)13 structuré, des personnels
formés et des mécanismes de communication organisés pour l’échelle internationale.
Enfin, les organisations opérant au niveau V consolident le processus initié au niveau IV en
intégrant en plus les compétences d’autres partenaires commerciaux. Connecter les équipes et
les technologies passe alors par une urbanisation du système d’information à l’échelle
globale.
« Il est difficile d'imaginer le succès d’une stratégie de sourcing global sans l'accès à
des informations fiables et actualisées telles que par exemple une liste des fournisseurs
et des contrats existants, des rapports sur les performances et capacités de ces
fournisseurs, des projections de volumes d’achats par zones géographiques et des
informations sur d'éventuels nouveaux fournisseurs. La capacité à fournir ces données
requiert l'élaboration de systèmes d'information intégrés » (Trent et Monczka, 2002).
13 SI, Système d’information : ressources informatiques permettant d’acquérir, traiter, stocker et communiquer des informations sous forme de données, de textes, d’images et de sons. (Reix, 2003).
Chapitre 1 : Management des achats, enjeux et défis de l’international
64
Cette stratégie de sourcing global rejoint le concept développé par Quintens et al. (2006) de
« stratégie d’achat global » qui représente « la réponse fonctionnelle d’une organisation aux
défis et opportunités liés aux achats ». Ils définissent cette stratégie selon quatre dimensions :
centralisation et coordination des activités achats, normalisation du processus achats,
standardisation des produits achetés et organisation des équipes achats. Ces auteurs soulignent
la nécessité de recourir aux technologies de l’information (TI)14 d’une part pour faciliter la
standardisation des processus et d’autre part pour permettre l’alignement des quatre
dimensions en contexte international. Dans ces travaux, le processus incrémental est induit
par le temps nécessaire à l’alignement stratégique des technologies et des stratégies achats.
Nous retenons de toute cette littérature que l’internationalisation des achats peut être élaborée
de manière incrémentale ou selon un processus à grande vitesse se fondant notamment sur
l’utilisation d’intermédiaires. Dans les deux cas, l’élargissement à d’autres horizons culturels
implique des incertitudes naissant de la confrontation à des distances et des risques
additionnels.
2.2. La confrontation aux distances et aux risques
Sur les nouveaux marchés sources, les risques d’incompréhension sont plus importants que
sur le marché domestique: barrière de la langue, problèmes de spécifications ou de
référentiels, de non respect des engagements, etc. Les processus achats formalisés pour le
marché domestique ne sont pas toujours opérationnels sur les marchés géographiquement et
culturellement distants car l’attitude et les pratiques professionnelles des interlocuteurs
étrangers diffèrent de celles des fournisseurs nationaux avec lesquels une entreprise a
l’habitude de travailler. Il devient de plus en plus difficile pour des partenaires commerciaux
éloignés de bien se connaître (Samiee & Walters, 2003). Le suivi des conditions de marché et
l’anticipation des évolutions constituent une tâche intrinsèquement difficile, compliquée à
l’international par la séparation géographique des marchés, la distance culturelle et
l’asymétrie d’information (Skarmeas et al., 2008).
14 TI, Technologies de l’information : se réfèrent à l’utilisation des logiciels et équipements informatiques. (King et al. 1986).
Chapitre 1 : Management des achats, enjeux et défis de l’international
65
La spécialisation des entreprises sur leur cœur de métier d’une part et le phénomène de
globalisation d’autre part incitent les organisations de toutes tailles à se tourner vers les
marchés étrangers afin de s’assurer des meilleures ressources. Mais, acheter à l’international
ajoute des difficultés et de nouveaux défis par rapport à une démarche achats sur le marché
domestique en raison des incertitudes générées par l’éloignement des sources
d’approvisionnement. En effet, « la découverte15 des marchés étrangers révèle des situations
économiques, institutionnelles, juridiques et culturelles différentes de celles que les
entreprises connaissent »16 (Johanson et al., 2003).
Selon la théorie de la contingence, il n’y a pas de mode de gestion universel selon la théorie
de la contingence et le modèle optimal d’organisation dépend de diverses contraintes -facteurs
de contingence- internes et externes (Lawrence et Lorsch, 1989). Afin de comprendre
comment les organisations intègrent la dimension internationale dans leur gestion de la
relation fournisseurs, il est important de mettre en évidence ces facteurs de contingence
contextuels et organisationnels.
La littérature académique considère « l’incertitude » et le manque de connaissances comme
deux éléments centraux expliquant l’intensité et le rythme d’internationalisation des activités
(Johanson et Vahlne, 1977, Cavusgil, 1998, Czinkota et Ronkainen, 2003). De nombreux
travaux ont ainsi analysé le degré d’engagement ou le choix du mode d’entrée sur les marchés
étrangers en fonction des situations d’échange observées. Les résultats convergent sur le fait
que l’incertitude influence l’organisation des activités et que la capacité d’une organisation à
réduire cette incertitude revient dès lors à maîtriser ses déterminants. Les principaux éléments
explicatifs avancés et testés par les auteurs sont : la distance séparant l’acheteur du
fournisseur, les risques encourus sur des marchés méconnus et le contexte économique des
pays ciblés. Nous synthétisons ces facteurs environnementaux dans le tableau 1.9.
15 Le terme utilisé par Johanson et al., (2003) est « Market discovery », terme déjà présent dans les travaux de Kirzner (1973). Nous le traduisons ici par découverte des marchés. 16 Traduction de l’auteur du texte original de Johanson et al., 2003, p.1, “When firms enter foreign markets, they face cultural, political, economic, and institutional settings that may differ from those they know.”
Chapitre 1 : Management des achats, enjeux et défis de l’international
66
Facteurs Auteurs
Environnement économique Miller (1992), Tsoukas (1996), Kotabe et Murray (2004), Czinkota et Ronkainen (2005), Samiee et Walters (2006)
Distances psychique, culturelle, institutionnelle, technologique
Johanson et Vahlne (1977, 1990), Kogut et Singh (1988), Kostova (1997), Shenkar (2001), Johanson et al. (2003), Vassolo et al. (2004), Barkema et Drogendijk (2007), Shenkar et al. (2008), Dikova (2009)
Risques / Environnement légal et institutionnel
Root (1987), Agarwal et Ramaswami (1992), Brouthers et Brouthers (2001), Grewal et Dharwadkar (2002), Cavusgil, Deligonul et Zhang (2004), Rasheed (2005)
Tableau 1.9. Facteurs de contingence externes –contextuels- influençant l’internationalisation des achats
La notion d’ « incertitudes environnementales » au pluriel a été développée pour la première
fois par Miller en 1992. Il s’étonne de l’emploi du terme singulier d’ « incertitude », définie
comme ce qui se rapporte à l’imprévisibilité de l’environnement, affirmant que ce terme n’est
pas adapté à la prise de décisions stratégiques. Il propose une catégorisation des incertitudes
rencontrées par les organisations travaillant à l’international afin de mieux identifier les
risques. Il élabore ensuite cinq types de réponse permettant de concevoir la gestion des
risques stratégiques.
Tsoukas (1996) affirme que les organisations sont confrontées à une incertitude « radicale »
car « les entreprises n’ont pas, ne peuvent pas avoir les informations dont elles ont besoin »17.
Pour cet auteur, les connaissances sur lesquelles les entreprises vont s’appuyer sont à priori
indéterminées et peuvent émerger à tout moment. Individus et organisations sont par
conséquent en apprentissage permanent du contexte local et l’élaboration du savoir
organisationnel revêt un caractère complexe.
17 Tsoukas (1996, p. 22): “Firms are faced with radical uncertainty: they do not know, they cannot know, what they need to know”.
Chapitre 1 : Management des achats, enjeux et défis de l’international
67
� La diversité du concept de distance
Le concept de distance psychique développé par Johanson et Vahlne (1977) dans le modèle
d’internationalisation – dénommé Modèle d’Uppsala ou modèle U- décrit la perception de
l’éloignement culturel d’un marché étranger par rapport au marché domestique d’une
organisation. Les auteurs définissent cette distance psychique comme « l’ensemble des
facteurs – langue, culture, systèmes juridique, politique, d’éducation - rendant difficile la
connaissance et la compréhension des marchés étrangers». Ils postulent alors que le degré
d’internationalisation des activités est directement corrélé à la distance psychique: plus les
pays sont éloignés, moins les entreprises allouent de ressources pour s’engager sur ces
marchés. Le développement international des entreprises commence donc plus fréquemment
par les pays considérés comme proches selon le critère de distance psychique et se poursuit
graduellement vers les pays distants. L’apport de ces travaux à la compréhension des
stratégies d’internationalisation a été indéniable à l’époque où ils ont été menés. Leurs limites
ont été néanmoins soulignées par des recherches ultérieures. La seule activité exportatrice ne
peut constituer le portefeuille d’activités de l’entreprise (Leonidou et Katsikeas, 1996). Le
modèle n’explique ni pourquoi le processus démarre ni comment s’effectue le passage d’une
étape à une autre (Andersen, 1993). Les auteurs du modèle U eux-mêmes (Johanson et
Vahlne, 2003) reconnaissent que la corrélation entre distance psychique et ordre de priorité
dans la sélection des marchés étrangers peut avoir diminué du fait des connaissances acquises
sur les marchés distants mais ils continuent de penser que ce concept reste important dans la
production d’incertitudes. Dikova (2009) a d’ailleurs récemment démontré qu’un impact
négatif de la distance psychique sur la performance d’une organisation ne se vérifie qu’en
l’absence de connaissances sur le marché étranger.
La distance culturelle est une notion introduite par Kogut et Singh (1988) pour mesurer par un
index agrégé les quatre dimensions culturelles de Hofstede (1980), à savoir la distance
hiérarchique, l’orientation individualiste ou communautaire, la relation à l’incertitude ou à
l’ambiguïté et l’orientation masculine ou féminine des valeurs. Cette notion de « distance »
est devenue un thème central des recherches en management international au point de faire
émerger d’autres constructions telles que la distance institutionnelle (Kostova, 1997) ou la
distance technologique (Vassolo et al., 2004).
Chapitre 1 : Management des achats, enjeux et défis de l’international
68
Pour Shenkar (2001), la distance culturelle est une dimension illusoire qui ne peut mesurer
l’étendue des différences ou des similitudes entre cultures, tant cette notion est complexe et
difficile à conceptualiser. Cet auteur démontre que les propriétés attribuées à la distance
culturelle dans certains travaux académiques - symétrie, stabilité, linéarité, causalité et
divergence – sont contestables tant sur le plan conceptuel que méthodologique. Shenkar
suggère de remplacer le terme de distance par celui de friction qu’il définit comme la nature
et la mesure de la confrontation entre organisations et individus de cultures différentes. La
friction peut ainsi provenir du degré de contrôle qui s’établit entre les firmes. Plus l’un des
acteurs souhaite contrôler l’autre, plus le risque de friction est important. Le contrôle n’est
donc pas à considérer seulement comme le résultat d’une supposée distance culturelle mais
comme un déclencheur potentiel de « friction culturelle ».
De leur côté, Brouthers et Brouthers (2001) postulent que la distance culturelle n’est qu’un
paradoxe et que le degré d’engagement sur un marché étranger est davantage lié à la notion de
risque de l’investissement.
� Le concept de risque
Le concept de risque lié aux transactions sur les marchés étrangers a donné lieu à de
nombreux travaux académiques relevant de l’analyse de l’environnement légal et
institutionnel que Grewal et Dharwadkar (2002) décrivent comme 1) des mécanismes de
contrôle, les lois par exemple, 2) des institutions normatives tels que les organismes
professionnels et 3) des règles cognitives comme les routines administratives. Ils postulent
que ces trois dimensions de l’environnement institutionnel influencent les relations
commerciales. Pour Root (1987), le risque relatif à cet environnement est un concept global
qui inclut le risque d’instabilité générale -incertitude portant sur la viabilité du système
politique mis en place par le gouvernement du pays d’accueil-, le risque concernant les droits
de propriété des investisseurs étrangers, les risques de sanctions sur les opérations
commerciales et financières et le risque de non transfert des capitaux. Cette notion de risque
global est reprise par Rasheed (2005) qui confirme l’existence d’un lien entre le risque pays et
la performance des transactions réalisées sur les marchés étrangers, ce qui lui permet
d’avancer des recommandations concernant la gestion de l’incertitude.
Chapitre 1 : Management des achats, enjeux et défis de l’international
69
Agarwal et Ramaswami (1992) ont examiné l’incertitude naissant des risques liés aux
contrats. Pour ces auteurs, les contrats commerciaux sont signés dans certaines conditions
économiques et politiques assurant la rentabilité des opérations à l’étranger mais ces
conditions ne sont pas forcément pérennes. Dans la même perspective, Cavusgil et al. (2004)
ont confirmé que les contrats passés avec des partenaires commerciaux étrangers intègrent
l’influence parfois hostile de l’environnement du pays en incluant des clauses spécifiques de
protection. Mais ils affirment que la confiance dans le partenaire permet de minimiser les
incertitudes qui ne sont pas toutes prévisibles dans les contrats.
Nous retenons de ces nombreux travaux que le contexte international génère effectivement
des facteurs de contingence spécifiques conditionnant l’approche des marchés étrangers en
termes d’achats et de gestion des fournisseurs.
L’adaptation d’une organisation aux différentes situations d’achat dépend alors de multiples
facteurs explicatifs internes. Les déterminants principalement avancés sont évidement sa
taille, sa structure achats et son degré de maturité à l’international. Mais des éléments tels que
la dimension attitudinale ainsi que les technologies et systèmes d’information déployés sont
également cités dans la littérature.
Tout d’abord, il est communément admis que les problèmes rencontrés par une organisation
sont caractéristiques de sa taille (Orser et al., (2000). Ces auteurs démontrent que les
entreprises de petite taille ont davantage de difficulté à gérer leur stratégie de croissance du
fait d’un manque d’informations, d’expertise et de ressources, notamment humaines et
financières. Selon ces travaux, il serait par conséquent plus compliqué pour les PME-PMI de
se structurer pour acheter à l’international. Une solution peut consister à intégrer des
fournisseurs afin de mieux exploiter les capacités existantes. Diez-Vial (2009) démontre que
l’impact de l’intégration verticale est plus perceptible dans les petites organisations. En effet,
l’intégration permet dans un premier temps de réduire la dépendance vis-à-vis d’un
fournisseur et de donner plus de souplesse. La taille de l’entreprise augmentant, il est ensuite
plus facile de se concentrer sur les capacités de levier de la chaîne de valeur en exploitant de
façon conjointe les capacités existantes de deux partenaires.
Ensuite, la structure de l’organisation qui achète joue un rôle non négligeable dans la maîtrise
des situations d’achats sur les marchés internationaux. Les différentes spécialisations des
Chapitre 1 : Management des achats, enjeux et défis de l’international
70
acheteurs – acheteur production, acheteur projet, etc. – rencontrées dans les grandes
entreprises rendent possibles la gestion de portefeuilles fournisseurs spécifiques en fonction
de la catégorie de produits sourcés (Kraljic, 1983 ; Olsen et Ellram, 1997 ; Bensaou, 1999).
Enfin, la maturité de l’organisation à l’international, pouvant être mesurée entre autres par le
type de sourcing ou d’achat effectué – occasionnel, récurrent, avec présence sur place – (Trent
et Monczka, 2002) est également déterminante dans l’orientation des choix stratégiques. Nous
synthétisons les facteurs de contingence internes dans le tableau 1.10. ci-après.
Facteurs Auteurs
Taille de l’entreprise Orser et al. (2000), Wolff et Pett (2006), Díez-Vial (2009),
Structure achats et Catégorie de produits achetés
Kraljic (1983), Olsen et Ellram (1997), Bensaou (1999), Bhutta et Huq (2002), Van Weele (2004), Malaval (2005, 2009)
Degré de maturité à l’international et Stratégie d’internationalisation
Sheth et Sharma (1997), Carr et Smeltzer (1999), Monczka et Morgan (2000), Petersen et al. (2000), Gadde et Håkansson (2001), Knight (2001), Trent et Monczka (2002), Håkansson et Ford (2002), Dubois (2003), Kotabe et Murray (2004), Caniëls et Gelderman (2005), Quintens et al. (2006), Barkema et Drogendijk (2007), Kotabe et al. (2008)
Comportements d’achats / dimension attitudinale
Samiee (1998, 2008), Samiee & Walters (2003), Caligiuri et al. (2004), Nummela et al. (2004), Johnsen et Ford (2006), Ploetner et Ehret (2006), Ulaga et Eggert (2006), Freeman et Cavusgil (2007), Leonidou et al. (2008)
Systèmes d’information (SI) / Technologies de l’information (TI)
Deeter-Schmelz et al. (2001), Carter et Monczka (2005), Sanders et Premus (2005), Nagle et al. (2007)
Tableau 1.10. Facteurs de contingence internes –organisationnels- influençant l’internationalisation des achats
Ces facteurs de contingence se combinent de multiples manières dans les organisations, ce qui
rend chaque cas unique et chaque trajectoire à l’international différente des autres. La théorie
de la contingence affirme d’ailleurs qu’il n’y a pas un seul modèle organisationnel efficace
mais plutôt différentes réponses optimales possibles. Ces observations nous conduisent à
envisager la relation comme un mode d’ajustement face aux incertitudes puisqu’elle permet
de mettre en œuvre des procédures d’apprentissage et de contrôle. Mais l’incertitude ne peut
être complètement maîtrisée et des imprévus surgissent régulièrement. La question qui se
pose est alors de savoir comment les directions achats font face aux situations inattendues.
Chapitre 1 : Management des achats, enjeux et défis de l’international
71
CONCLUSION DU CHAPITRE 1
Ce premier chapitre était consacré à la présentation des relations acheteur-fournisseur sur les
marchés interentreprises dans un contexte d’internationalisation des achats. Nous avons
successivement présenté l’évolution du processus achats vers une gestion relationnelle des
fournisseurs distants puis les défis de l’internationalisation de l’activité achats.
Dans la première section, nous avons mis en évidence la coexistence des approches
transactionnelle, relationnelle et collaborative dans la gestion de la relation fournisseur. Cette
dernière forme de management, fondée sur le potentiel de création de valeur conjointement
avec certains fournisseurs clés, met en lumière le rôle des panels fournisseurs. La nécessaire
sélection qui en découle fait ressortir l’importance de la phase de recherche et de
référencement de fournisseurs, d’autant plus lorsque l’horizon s’élargit à l’échelle mondiale.
Cet intérêt managérial se retrouve dans la littérature académique qui porte depuis quelques
années une attention croissante au phénomène d’achat global et de sourcing global.
Cette section nous a permis d’affiner le positionnement de notre recherche qui se situe à un
niveau de management des achats dans une perspective de globalisation.
Dans la deuxième section, nous avons constaté que les modèles d’internationalisation par
étapes ne permettent pas d’expliquer toutes les dynamiques de développement des achats sur
les marchés étrangers. Certaines entreprises choisissent d’accélérer le processus en utilisant
des prestataires locaux. Le management des achats n’en demeure pas moins complexe puisque
l’international génère des incertitudes caractérisées par des distances et des risques
supplémentaires. Dès lors, l’adaptation du management de la relation fournisseur s’avère
nécessaire et nous concluons ce chapitre en soulevant la question du mode de gestion adéquat
en situation inattendue.
Chapitre 2 : Du contrôle à l’improvisation
73
CHAPITRE 2
DU CONTRÔLE À L’IMPROVISATION
Management des achats, enjeux et défis de l’international
Chapitre 1
Du contrôleà l’improvisation
Chapitre 2
Méthodologie de la recherche: 23 entretiens d’exploration / 3 cas d’approfondissement
Chapitre 3
Apprentissage et Contrôle,ajustements prévus
Improvisation, réponse à l’imprévu
Mise en perspective et synthèse des résultats
Chapitre 4 Chapitre 5
Conclusion
Question de rechercheComment les entreprises gèrent-elles l’inattendu,
paramètre inévitable d’une relation fournisseur élargie à l’international ?
PARTIE 1: LES FONDEMENTS CONCEPTUELS : RÉDUIRE L’INCERTITUDE ET RÉSOUDRE L’INATTENDU
PARTIE 2: RÉSULTATS EMPIRIQUES : PRÉVOIR L’APPRENTISSAGE ET LE CONTRÔLE ET PRÉPARER L’IMPROVISATION
Chapitre 2 : Du contrôle à l’improvisation
74
Comme nous l’avons évoqué dans le chapitre précédent, l'international est une situation où les
différences de langues, de valeurs, de système de gestion, de droit affectent la relation. Les
incertitudes considérables générées de manière continue provoquent des surprises et des
situations inattendues auxquelles les équipes achats doivent faire face. Le contrôle et
l’apprentissage sont deux logiques complémentaires permettant aux acteurs de gérer ces
situations. Mais l’incertitude ne peut être complètement maîtrisée et les imprévus demeurent.
Quel lien faut-il alors faire entre une situation risquée et une situation inattendue ? La gestion
des risques sur les marchés étrangers – risques pays, risque fournisseur – recouvre-t-elle
également la gestion de l’inattendu ?
L’inattendu est cité dans quelques travaux académiques, notamment ceux de Weick (1998)
qui caractérise « ce qui traite de l’imprévu, de l’inattendu » comme de l’improvisation
organisationnelle. L’auteur postule que l’improvisation ne cherche pas à éviter l’incertitude
mais plutôt à gérer efficacement les situations qui se présentent.
Ce deuxième chapitre est consacré à l’analyse des modes d’ajustement de la relation avec les
fournisseurs distants. Dans un premier temps, nous nous attachons aux modes d’ajustements
classiques de la relation par le contrôle et l’apprentissage, ce qui nous conduit à soulever
l’existence de situations imprévues, inattendues. Nous nous interrogeons alors dans un
deuxième temps sur le mode de gestion adéquat de ces épisodes dans le cadre relationnel.
Nous appuyant sur les travaux de Weick (1998) et de Moorman et Miner (1998), nous nous
focalisons sur la conceptualisation du phénomène d’improvisation et sur sa mobilisation pour
comprendre la gestion des processus achats en situation inattendue.
Chapitre 2 : Du contrôle à l’improvisation
75
2. LES AJUSTEMENTS DE LA RELATION FOURNISSEUR
L’incertitude générée par la méconnaissance des nouveaux fournisseurs et de leurs pratiques
professionnelles demande aux directions achats des efforts d’adaptation. Ceux-ci prennent de
façon classique les formes du contrôle et de l’apprentissage. En effet, la découverte des
marchés étrangers concerne à la fois l’exploration d’un environnement différent et
l’exploitation des opportunités qui y sont décelées (Johanson et al., 2003). La sélection de
nouveaux fournisseurs nécessite dès lors des processus spécifiques de contrôle (Eisenhardt,
1985, Flamholtz, 1996, Nogatchewski, 2003) ainsi que des comportements d’apprentissage
consistant à acquérir des connaissances à deux niveaux, environnemental et organisationnel
(Johanson et al., 1997 ; Johanson et Vahlne, 2005 ; Weick, 1991).
1.1. Le contrôle des processus achats, une maîtrise partielle
Selon Bouquin (2001), un processus de contrôle de gestion est toujours délicat à définir. Et
dans la littérature, les expressions contrôle de gestion et contrôle organisationnel se recoupent
souvent. Pour Flamholtz (1996), « Le contrôle organisationnel est un processus qui permet
d’influer sur le comportement des individus, membres de l’organisation, afin qu’ils réalisent
les objectifs définis ». Ce type de définition assez large permet de considérer les systèmes de
contrôle selon une vision analytique comme un ensemble d’outils ou de moyens. Ouchi
(1979) propose ainsi de distinguer le contrôle par les résultats, par les comportements et par
les processus. Cette définition du contrôle organisationnel admet également une vision
synthétique qui se traduit par des grilles d’analyse variées en termes de dimensions, de
finalités ou de configurations (de la Villarmois et Benavent, 2006).
En tant que processus, le contrôle organisationnel se déroule en différentes phases et Bouquin
(2001) en identifie quatre : sélection, définition des objectifs et des moyens, suivi du
déroulement du processus (pilotage) et évaluation accompagnée par la mise en place de
sanctions ou de récompenses-.
Chapitre 2 : Du contrôle à l’improvisation
76
Dans le domaine des achats, nous avons précédemment démontré que le processus est
également séquentiel. Une des conceptualisations généralement admise est l’enchaînement
de quatre étapes proposé par Van Weele (2004) :
1) exploration des marchés sources et sélection de fournisseurs,
2) sélection des produits qui feront l’objet des achats,
3) négociation et contractualisation,
4) évaluation et suivi des fournisseurs.
Le rapprochement de ces travaux permet de considérer que les processus élaborés et mis en
place à chaque étape d’une opération d’achats constituent des mécanismes de contrôle qui
vont lier acheteur et fournisseur pour la durée de la relation. Concrètement, il s’agit des
cahiers des charges, des contrats, des normes, des démarches de certification. (Antia et
Frazier, 2001).
Le cahier des charges revêt une importance particulière en ce qui concerne les achats
complexes qui correspondent souvent à des produits sur mesure, hors catalogues-. La
minimisation des risques encourus dépend en grande partie de la précision apportée aux
documents écrits. Une des solutions consiste à rédiger des cahiers des charges très détaillés –
techniques et fonctionnels- laissant le moins de marge d’interprétation possible aux
fournisseurs.
Lié au cahier des charges, le contrat reflète la continuité de la procédure de contrôle. En B2B,
les transactions sont fondées sur des contrats qui peuvent être plus ou moins formalisés. Pour
Lusch et Brown (1996), les échanges entre firmes peuvent être régulés par deux types de
contrats, «explicite» ou « normatif ». Un contrat de type explicite porte de manière classique
sur les droits et les obligations de chacune des parties, sur les conditions détaillées de
l’achat/vente, sur les modalités de contrôle et sur les sanctions ou pénalités applicables en cas
de non respect des articles. Un contrat de type normatif – ou implicite – renvoie à un
ensemble d’attentes mutuelles. Il est basé sur un fort degré de compréhension et sur une
gestion concertée des contingences futures. Ces ententes implicites conduisent acheteurs et
fournisseurs à adopter des normes relationnelles qui se traduisent par des comportements tels
que l’entraide, l’échange d’information, la flexibilité, la réciprocité, la solidarité, la constance
Chapitre 2 : Du contrôle à l’improvisation
77
dans l’échange, la retenue dans l’exercice du pouvoir et les efforts pour résoudre les conflits
(Heide et John, 1992 ; Cannon et al., 2000).
Pour Mac Neil (1980), tous les contrats utilisés dans une relation d’échange sont destinés à
réduire le risque et l’incertitude. Cependant, en situation d’achats à l’international, la relation
se complexifie du fait des distances interpersonnelles et interorganisationnelles. D’une part,
l’asymétrie d’informations dont disposent les contractants (Williamson 1979, 1985) ne permet
pas toujours d’établir des contrats exhaustifs. Et d’autre part, il se peut que des situations
imprévues conduisent les parties prenantes à modifier certains aspects du contrat initialement
signé.
La démarche qualité par exemple est un domaine où se manifestent de profondes différences
en fonction de l’éloignement géographique, puisque la qualité obtenue habituellement par le
respect des normes européennes et américaines peut être remise en question sur les marchés
sources lointains. La distance renforce en effet les difficultés d’appréciation de la qualité
attendue et nécessite des vérifications supplémentaires par rapport à des fournisseurs
européens. Le contrôle s’effectue alors essentiellement sous forme d’audits permettant de
vérifier le respect des certifications demandées.
Mukherjee et al. (1998) démontrent que le système de pilotage de la qualité affecte les
construits de l’apprentissage. Ils postulent que la démarche qualité affecte la façon dont les
individus intègrent un nouvel apprentissage, ce qui influence à son tour l’efficience de
l’apprentissage organisationnel. La formalisation d’un contrat entre acheteur et fournisseur
étranger constitue par conséquent un enjeu important de la relation d’achat.
Des travaux récents réaffirment la dimension plurielle des processus de contrôle. « Le
contrôle est plus qu’un dispositif contractuel ou qu’un mécanisme d’incitation décidé ex ante.
Il s’inscrit tout au long de la coopération et vise à mieux connaître l’autre, l’influencer,
coordonner ses activités aussi bien par des mécanismes formels qu’informels »
(Nogatchewsky, 2003).
Nous retenons de ces travaux que les processus de contrôle organisationnel sont plus
complexes à mettre en œuvre lorsque les partenaires commerciaux sont issus d’un autre cadre
culturel de référence. Le processus achats ne peuvent être que partiellement maîtrisés –
contrats non exhaustifs et révisables -. Ils semblent dès lors indubitablement liés à des
comportements d’apprentissage de l’autre, de ses pratiques et de son environnement. C’est ce
que nous étudions dans la sous-section suivante.
Chapitre 2 : Du contrôle à l’improvisation
78
1.2. L’apprentissage de la relation internationale, une découverte permanente
Argyris et Schön (1978) définissent l’apprentissage individuel comme une activité qui permet
à une personne d’acquérir ou d’approfondir des connaissances théoriques et pratiques, de
développer des aptitudes. C’est un processus d’acquisition de nouvelles connaissances et un
résultat par l’intégration de nouvelles compétences. Ils le distinguent de l’apprentissage
organisationnel qu’ils considèrent comme un phénomène collectif d’acquisition de
compétences qui permettent d’agir de façon appropriée et durable sur les situations
rencontrées.
L’intérêt porté à l’apprentissage organisationnel et à la création de connaissances trouve ses
sources dans l’observation selon laquelle « les environnements des organisations sont
marqués par des modifications rapides, une complexité plus grande et une incertitude plus
prononcée. Cela se traduit par un besoin d’apprentissages plus rapides et plus efficaces. »
(Koenig, 1993).
Plusieurs travaux se sont intéressés au phénomène d’apprentissage sous sa forme cyclique.
Kim (1993) fait le lien entre apprentissage organisationnel et apprentissage individuel. Cet
auteur démontre que le cycle commence par l’observation et l’expérience individuelles,
suivies d’une phase de conceptualisation qui permet aux individus d’apporter des réponses
aux événements observés. Le processus se termine par l’implémentation de solutions au
niveau organisationnel, ce qui laisse place à un nouveau cycle (Cf. figure 2.1.).
.Apprentissage
conceptuel
Apprentissageopérationnel
Observation
Implémentation
Évaluation
Conception
Figure 2.1. Les niveaux conceptuel et opérationnel de l’apprentissage, adapté de Kim (1993)
Chapitre 2 : Du contrôle à l’improvisation
79
Dans le même ordre d’idée, Nonaka et Takeuchi (1997) propose un modèle de création et de
capitalisation des connaissances selon un processus en spirale. Ils suggèrent quatre modes de
« conversion des connaissances » nées des interactions entre connaissances tacites et
connaissances explicites à différents niveaux – individuel, groupe, organisation, inter-
organisations-. (Cf. figure 2.2.)
.
Connaissancetacite
Connaissanceindividuelle
CombinaisonIntériorisation
ArticulationSocialisation
Connaissanceexplicite
Connaissancecollective
Figure 2.2. La spirale de création des connaissances, Adapté de Nonaka et Takeuchi (1997)
Les connaissances tacites sont étroitement liées à l’expérience de ceux qui les détiennent. Il
peut s’agir d’un art ou d’un talent particulier des individus mais aussi d’une intériorisation de
connaissances explicites passées, qui sont devenues progressivement inconscientes au fur et à
mesure de leur assimilation, et qui se traduisent par des automatismes. Elles recouvrent aussi
les impressions individuelles et les intuitions. Les auteurs ont insisté sur la difficulté de
communiquer les connaissances tacites. C’est pour cette raison que l’apprentissage est
souvent réalisé par l’observation, l’imitation et l’expérience. Les connaissances tacites
collectives font, pour Nonaka et Takeuchi, partie intégrante de la base de connaissances de
l’organisation. Elles peuvent donc se traduire dans des éléments relatifs au « savoir-être » et
aux comportements partagés. L’apprentissage se fait alors par la participation à une
communauté d’interactions.
Les connaissances explicites peuvent être considérées comme des connaissances devenues
conscientes. Elles sont apprises et prennent la forme de « savoirs ». Ces connaissances sont
dès lors codifiées et transmissibles dans un langage formel.
Chapitre 2 : Du contrôle à l’improvisation
80
D’autres travaux se sont intéressés aux objectifs de l’apprentissage. Lambert et Ouédraogo
(2006) ont démontré que si une organisation peut atteindre ses objectifs à court terme en se
focalisant sur l’apprentissage opérationnel, orienté exploitation des anciennes découvertes,
l’atteinte des objectifs à long terme exige qu’elle explore de nouvelles pistes de recherche,
tout en étant capable de mettre en oeuvre les découvertes déjà réalisées.
La réduction des incertitudes du contexte international par l’apprentissage (Calantone et al.,
2002) semble donc devoir s’inscrire dans une démarche ouverte et de long terme tant au
niveau organisationnel qu’individuel.
L’apprentissage organisationnel est un processus qui a donné lieu à de nombreux travaux.
Johanson et Vahlne (1977) décrivent le cycle d’apprentissage des marchés étrangers comme
un processus dynamique permettant à l’entreprise de renforcer son engagement à
l’international. L’acquisition des connaissances développée au travers de ces cycles est
d’autant plus importante que l’entreprise évolue avec l’aide de réseaux (Hakansson et al.,
1999). Dyer et Hatch (2004) vont plus loin en suggérant d’utiliser les réseaux des fournisseurs
pour apprendre encore plus vite. Enfin, Selnes et Sallis (2003) affirment que fournisseur et
acheteur peuvent tirer avantage de la relation en développant des activités d’apprentissage en
commun. Ils démontrent que l’apprentissage ne peut être imposé par l’une ou l’autre des
parties mais repose sur la volonté des deux de coopérer dans des activités d’équipes,
organisées dans un cadre collaboratif.
L’apprentissage individuel de l’orientation internationale est en revanche peu étudié (Freeman
et Cavusgil, 2007). Les comportements des « top managers » sont cependant importants à
identifier et analyser puisqu’ils influencent directement par leur vision et leurs décisions
l’attitude adoptée au niveau organisationnel face à l’internationalisation des activités
(Caligiuri et al., 2004). Petersen et al. (2000) démontrent que l'efficacité d'une stratégie
globale d'achat repose sur des structures et des processus, mais également sur des capacités
managériales, des compétences en langues vivantes et un engagement de la direction.
Pour Nummela et al. (2004), le succès d’une stratégie d’internationalisation repose en grande
partie sur l’état d’esprit global des top managers, tout particulièrement dans les PME-PMI. Ils
identifient quatre éléments contribuant au succès de l’internationalisation: l’orientation
Chapitre 2 : Du contrôle à l’improvisation
81
globale, l’aptitude au management international, la perception du contexte international et
l’ouverture à l’international. L’orientation globale se réfère à l’attitude positive des managers
à l’engagement sur les marchés internationaux, à leur vision internationale et à leur
comportement pro-actif. L’aptitude au management international reflète pour sa part leur
propension à prendre des risques et à innover. La perception du contexte international fait
quant à lui référence à la capacité de ces managers à percevoir les différences entre le marché
domestique et les marchés étrangers. Enfin, l’ouverture à l’international vient de leurs
caractéristiques personnelles - formation initiale, parcours professionnel et maîtrise de
langues étrangères entres autres-. Les managers présentant cet esprit d’ouverture acceptent
plus volontiers la distance psychique avec les interlocuteurs étrangers ainsi que la prise de
risque. Ils sont moins résistants au changement et ont une attitude positive quant à
l’internationalisation des activités.
Freeman et Cavusgil (2007) s’appuient également sur cette notion d’état d’esprit global pour
proposer une typologie de comportements facilitant l’accélération de l’internationalisation des
activités. Ils distinguent quatre catégories d’attitudes des directeurs achats en contexte
international, à savoir l'expérimentateur, le répondant, l’opportuniste et le stratège. Leur
typologie est fondée sur deux axes. Le premier représente le degré de prise en compte du
partenaire commercial dans la relation, ce que Freeman et Cavusgil dénomment l’orientation
vers l’autre – other-oriented behavior - ou la recherche de son propre intérêt – self-oriented
behavior -. Le deuxième axe concerne l'implication personnelle du manager dans l'interaction
qui peut être importante et directe ou faible et indirecte. Selon ces critères, le répondant,
l’opportuniste et l’expérimentateur travaillent à court terme et cherchent principalement dans
la relation la compétitivité et l’intérêt de leur entreprise. A l’inverse, le stratège se caractérise
par un comportement collaboratif contribuant à la pérennisation des relations clés.
Nous retenons de ces travaux que l’apprentissage de la relation fournisseur à l’international
est une découverte permanente des interlocuteurs et de leurs pratiques, tant sur le plan
individuel qu’organisationnel. Ces comportements d’apprentissage ne sont pas exempts de
surprises puisqu’ils reposent sur les expériences des individus et des organisations.
L’exploration de nouvelles pistes de recherche, notamment la recherche de nouveaux
fournisseurs sur des zones géographiquement distantes, implique tout naturellement d’être
confrontés à des situations inattendues, imprévues.
Chapitre 2 : Du contrôle à l’improvisation
82
1.3. La récurrence des imprévus
Les enseignements qui peuvent être tirés des travaux sur l’apprentissage et le contrôle d’une
relation internationale sont que les incertitudes ne peuvent être totalement maîtrisées. La
réalisation de certains risques sur certaines zones géographiques est tout à fait probable.
Cependant, elle laisse souvent les directions achats démunies face à des situations auxquelles
elles ne s’attendent pas. La question que l’on peut se poser est pourquoi les firmes en arrivent
à considérer ces situations comme « non prévues ». La métaphore de la gestion des risques
naturels – tempête, tremblement de terre, etc. - peut nous aider à distinguer les significations
de ces termes. Une tempête est tout à fait probable à certaines périodes de l’année mais n’est
jamais vraiment prévisible quant à son déclenchement, à son ampleur et à ses conséquences. Il
en va de même pour les situations d’achats sur les marchés étrangers. Dans certains pays, il
est probable que certains risques se réalisent – fraude, corruption, etc. – et perturbent
fortement une relation fournisseur, même bien établie. Néanmoins, ces situations sont très peu
prévisibles dans leur survenance et dans l’intensité des perturbations provoquées. Lorsqu’elles
surviennent, ces situations sont par conséquent considérées comme inattendues et les
directions achats doivent imaginer rapidement des solutions.
Dans les dictionnaires conventionnels, les lexicographes définissent l’inattendu comme
« un événement auquel on ne s’attend pas et qui surprend »18.
Nous avons approfondi cette recherche lexicale par une investigation proxémique – étude de
relations spatiales entre différents termes- sur le site du CNRTL qui comporte une ressource
intitulée « Proxémie ». Il s’agit de repérer les termes présentant une similitude de sens. Nous
présentons le graphe obtenu pour le terme « inattendu » dans la figure suivante :
18 Définition du CNRTL, Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales, www.cnrtl.fr
Chapitre 2 : Du contrôle à l’improvisation
83
Figure 2.3. Investigation proxémique pour « inattendu »
Nous constatons que les termes reconnus comme proches en terme de sens de l’adjectif
« inattendu » renvoient principalement aux notions de nouveauté, d’imprévu, d’étrange et de
piquant. Ils permettent de compléter la définition lexicale portant sur le « non attendu » et la
« surprise » et de souligner la perception de l’inattendu comme un fait nouveau.
L’effet de surprise, la nouveauté sont des caractéristiques qui appellent des réponses
spécifiques. En situations d’achats inattendues, les modes de gestion classiques de la relation
constitués par le contrôle et l’apprentissage ne semblent pas mobilisables en raison de la
réactivité à mettre en œuvre. Traiter l’inattendu demande un autre mode de gestion plus
« improvisé ».
La littérature académique offre quelques travaux portant sur l’imprévu, notamment Weick
(1998) qui définit l’improvisation organisationnelle comme « ce qui traite de l’imprévu, de
l’inattendu ». S’appuyant sur l’observation très concrète d’une intervention de pompiers sur
un incendie, ses résultats montrent que l’improvisation est une forme de management qui ne
cherche pas à éviter l’incertitude mais plutôt à gérer efficacement les situations qui se
présentent.
De manière à cerner correctement la réponse que peut constituer l’improvisation à une
situation d’achats inattendue, nous nous attachons dans la section suivante à la raison d’être et
à la conceptualisation de la notion d’improvisation. A l’issue de réflexions théoriques, nous
serons dès lors en mesure de préciser les modalités d’évaluation de ce phénomène dans la
relation fournisseur.
Chapitre 2 : Du contrôle à l’improvisation
84
2. LA CONCEPTUALISATION DE L’IMPROVISATION
Avant d’exposer une proposition de conceptualisation de l’improvisation en sciences de
gestion, nous en délimitons les contours par une lecture pluridisciplinaire en sciences
humaines et sociales. Cet élargissement de champ nous permet de bien cerner qu’avant d’être
un comportement organisationnel mesurable, l’improvisation est une capacité individuelle et
collective à construire une interaction sur la base d’acquisition de connaissances.
2.1. L’improvisation, un processus cognitif d’acquisition de connaissances
2.1.1. Historique de l’improvisation
Le verbe improviser vient du latin improvisus composé de « provisus », participe passé du
verbe providere signifiant prévoir et de « im » pour la négation. La traduction littérale
correspond par conséquent à non prévu ou imprévu. C’est d’ailleurs la traduction proposée
par le dictionnaire Gaffiot 19 : Improvisus, a, um : imprévu.
Selon le dictionnaire d’étymologie du CNRTL, la forme italienne découlant de ces origines
latines est « improvissare » et est utilisée en 1547 dans le domaine artistique. La langue
française empreinte le terme à l’italien vers 1642, toujours dans le domaine artistique, pour
signifier « chanter ou composer sans préparation ». Puis, un sens complémentaire du verbe
apparaît dans la langue française en 1670 (de Raymond, 1980) pour qualifier une pratique
naturelle d’imprévoyance.
Un siècle et demi plus tard, en 1807, Madame de Staël introduit le substantif
« improvisation » en se référant à « une capacité susceptible d’apprentissage ».
De Raymond souligne un glissement de sens. La signification se rapportant au verbe relevait
d’une pratique vécue naturellement. Elle diffère du sens attribué par le substantif
correspondant à une pratique caractérisée d’exceptionnelle. Cette constatation le conduit à
distinguer deux pratiques : la pratique improvisatrice reflétant ce qui aurait dû être organisé et
son résultat dans le sens d’action immédiate.
19 http://www.dicfro.org/?dict=gaffiot&word=improviser
Chapitre 2 : Du contrôle à l’improvisation
85
De nos jours, le sens commun attribué au verbe improviser est principalement20 : « Faire
quelque chose, sans préparation et sur-le-champ ». Le dictionnaire informatisé Trésor de la
langue française21 va plus loin en précisant que l'accent peut être mis sur différentes idées :
l'absence de préparation, un résultat peu cohérent, la rareté de l’action.
Le substantif « improvisation », défini comme l’action d’improviser, concerne différents
domaines. Dans le domaine artistique, l’improvisation est l’action de composer et d'exécuter
(musique) ou d’exprimer (littéraire) simultanément. Dans les autres domaines, l’improvisation
est présentée comme l’action de créer et de réaliser subitement quelque chose, sans
préparation, au dernier moment.
Nous avons cherché à savoir si le même phénomène pouvait s’observer dans la langue
anglaise. L’apparition du substantif « improvisation » remonte à 178622. Le terme est
emprunté au français et signifie « fait d’improviser musicalement ». Le verbe « to improvise »
est enregistré à partir de 1826. Comme en français, il renvoie de nos jours à deux sens
communs : « Faire quelque chose rapidement, avec ce qui est disponible et sans préparation »
et « Composer un morceau de musique, un discours, dans le courant de l’action »23.
A partir de toutes ces définitions, nous pouvons repérer deux sens dominants du terme
improvisation dans le langage courant : 1) le manque de préparation et 2) la simultanéité de la
composition et de l’action. Les deux sens historiques du terme, l’imprévoyance et
l’immédiateté, se retrouvent ainsi en quelque sorte intégrés au sein d’une même définition.
Le thème de l’improvisation ne fait pas en soi l’objet de développements théoriques en
sciences humaines et sociales, même s’il y est fait allusion depuis l’Antiquité dans la
littérature philosophique. Selon De Raymond (1980), « La mythologie a légué des figures de
héros qui sont des exemples d’improvisateurs. Ulysse incarne l’improvisation aventureuse du
navigateur aux prises avec l’imprévu des événements. Il surmonte toujours les obstacles si
bien que les Stoïciens voyaient en lui une sorte de modèle du sage dans l’action et le triomphe
de l’intelligence pratique. Orphée symbolise l’improvisateur capable de parler la musique ‘il
20 Dictionnaire Littré http://littre.reverso.net/dictionnaire-francais 21 Dictionnaire informatisé Trésor de la langue française : http://atilf.atilf.fr 22 http://www.etymonline.com 23 http://www.collinslanguage.com: improvise vb (-vising, -vised)
Chapitre 2 : Du contrôle à l’improvisation
86
parlait en chantant’ (Monteverdi, Lettres, 1616). […] La littérature campe l’improvisateur
comme un héros, tel Cyrano de Bergerac dont le brillant panache éclate dans la rhétorique ».
De Raymond s’appuie sur ces exemples de héros pour postuler que « l’improvisation touche
personnellement chaque individu qui fonde l’espoir de paraître intelligent et brillant, à l’aise
dans n’importe quelle situation et prompt à la réplique».
En anthropologie, psychologie et sociologie, quelques définitions de l’improvisation sont
proposées à partir des années mille neuf cent quatre-vingts (Cf. tableau 2.1.).
Discipline Auteurs Définitions
Anthropologie Machin et Carrithers (1996)
L’improvisation n’est pas une réponse stable à un stimulus externe mais plutôt la création de réponses différentes en fonction des circonstances.
Sociologie Sharron (1983) Processus spontané de création
Psychologie Erickson (1982)
Action d’adaptation stratégique. Construction de nouveaux sens, ensemble, lors de l’adaptation aux circonstances fortuites du moment.
Psychologie Southworth (1983) Elle naît du moment présent, est susceptible d’évoluer en permanence et peut se révéler non conventionnelle
Psychologie Scribner (1986) L’esprit en action
Psychologie Gardner et Rogoff (1990)
L’improvisation consiste à adapter les prévisions aux circonstances.
Tableau 2.1. Quelques définitions de l’improvisation en Sciences humaines et sociales, adapté de Cunha et al., 1999
Il convient de souligner que les travaux évoqués se réfèrent à l’improvisation non pas en tant
qu’objet de recherche mais plutôt comme outil permettant d’atteindre d’autres objectifs.
En analysant le sens donné à l’improvisation dans ces disciplines et en le comparant aux
significations usuelles présentées précédemment, nous remarquons qu’il existe un décalage.
Une thérapie qui évolue en permanence ou une adaptation de prévisions à des circonstances
ne peuvent refléter le manque de préparation que le langage courant souligne de manière
importante. Cette remarque nous incite à réfléchir à un paradoxe : l’improvisation doit-elle
être préparée ?
Chapitre 2 : Du contrôle à l’improvisation
87
Des éléments de réponse peuvent être apportés par l’utilisation faite de l’improvisation. Sur la
prescription de sociologues et psychologues, l’improvisation théâtrale est souvent
recommandée aux patients souffrant de phobie sociale dans un objectif de développement
personnel, voire de thérapie. Elle constitue alors un moyen ludique pour l’individu de se
positionner dans un groupe et d’accepter le regard des autres.
Nous illustrons ces propos par les matchs d’improvisation qui sont aujourd’hui des spectacles
recherchés par le public pour l’inattendu des situations auxquelles ils vont assister. Pour les
acteurs en revanche, ce sont des compétitions pour lesquelles ils ont suivi un véritable
entraînement. Les acteurs sont sur la scène, en état de jeu, avec chacun une interprétation du
thème qui leur a été donné en début de spectacle et qu’ils ont commencé à enrichir de leur
propre imaginaire. Ils ne savent rien de l’autre, ils ne connaissent pas l’autre joueur. Dès le
coup de sifflet, ils sont en état d’improvisation, c’est-à-dire que tout ce qu’ils font, ou disent a
un sens pour l’autre joueur et également pour le public. Plus rien n’est gratuit. Si l’un d’eux
fait un geste, il sera interprété. Si personne ne fait rien, cela sera également interprété comme
faisant partie de l’histoire qu’ils sont en train de raconter. La plus grande difficulté pour un
acteur est de rencontrer l’autre joueur, de le découvrir, sachant qu’ils doivent entamer une
histoire commune ensemble. Plusieurs entraîneurs aiment à comparer l’improvisation avec un
mur de briques. Chaque joueur doit donner des briques pour construire un mur commun. Il ne
s’agit pas de construire deux murs distincts, ni un mur avec les briques d’un seul, mais bien
un mur avec les briques des deux. Plus il y aura de briques, plus le mur pourra être haut et
solide. Nous remarquons dès lors que les entraîneurs procèdent avec méthode et envisagent
des mécanismes qui mènent à l’interaction.
La notion d’interaction est essentielle dans l’improvisation théâtrale ou musicale. Elle repose
sur la vision du construit en psychologie sociale. L’encadré suivant expose brièvement les
apports des travaux de ce champ disciplinaire pour notre compréhension de la notion
d’interaction.
Chapitre 2 : Du contrôle à l’improvisation
88
Encadré 2.1 : La notion d’interaction
à la base des travaux sur la dynamique de groupe
Définition :
“L’interaction a lieu lorsqu’une unité d’action produite par un sujet A agit comme stimulus
d’une unité-réponse chez un autre sujet B, et vice-versa. Ainsi l’interaction constitue-t-elle
un processus circulaire; elle peut d’ailleurs se produire, non seulement entre deux individus,
mais entre un individu et un groupe, ou entre deux groupes” (Maisonneuve, 1968).
Mécanisme :
L’interaction mise en œuvre dans un match d’improvisation se construit à partir d’une action
initiée par un des acteurs sur laquelle un autre acteur réagit et ainsi de suite jusqu’à construire
une histoire commune.
Application à notre recherche :
L’interaction entre deux partenaires commerciaux – acheteur et fournisseur – est la
construction d’une histoire commune (la relation) à l’initiative de l’un ou l’autre des acteurs.
Dans un match d’improvisation, l’interaction se construit généralement en trois étapes :
action, réaction, interaction. La première mission du joueur est de donner des éléments
compréhensibles soit par ce qu’il fait, soit par ce qu’il dit. Chaque joueur permet ainsi à
l’autre de comprendre qui il est par son action. La réaction consiste, d’une part, à vérifier que
les actions du premier joueur ont été bien comprises, et d’autre part, à réagir aux informations
envoyées. Chaque joueur doit réagir au travers de son personnage. Sa réaction est prétexte à
donner de nouvelles informations, tout en les adaptant aux informations de l’autre. Les
actions et les réactions vont s’enchaîner, s’imbriquer, s’agglomérer. Une fois que chaque
joueur a assez d’éléments sur l’histoire de l’autre, les deux personnages vont pouvoir entamer
une histoire commune. Cela nécessite qu’il n’y ait plus aucun mystère sur l’autre, et qu’il y ait
une volonté commune d’entrer en interaction, c’est-à-dire dans l’écriture de la même histoire.
Chapitre 2 : Du contrôle à l’improvisation
89
L’interaction devient donc la résultante des mécanismes préalables d’appréhension et de
découverte de l’autre.
Ce processus en trois étapes nécessite une grande écoute et une forte capacité des joueurs à
s’adapter. Les acteurs accomplissent une sorte de célébration des « rites d’interaction » tels
que les décrivait Goffman (1974). Cet auteur utilise la métaphore du rituel pour rendre
compte de rencontres face à face. Il considère que l'interaction sociale est guidée par le souci
de ne pas perdre la face. En interaction avec d'autres, la règle fondamentale que doit respecter
tout individu est de préserver sa face et celle de ses partenaires.
Ces travaux relevant de la dynamique de groupe en psychologie sociale contribuent à enrichir
l’étude de l’interaction dans notre domaine de recherche. En effet, les situations d’achat
mettent en scène des acteurs – acheteur et fournisseur – qui ont chacun leur rôle à jouer tout
en construisant une histoire commune et en préservant les intérêts de l’interlocuteur. Chacun
va se faire connaître et donner à comprendre de lui-même en utilisant ses propres outils de
référence. Tout comme un joueur d’improvisation, chacun construit son personnage en
utilisant sa propre culture et les ressources qu’il est en capacité de mettre en œuvre. Nous
retenons également que l’interaction naît de l’action, ce qui constitue un élément essentiel à
incorporer dans tout travail de définition de l’improvisation. Enfin, le mécanisme
d’interaction en trois étapes – action, réaction, interaction- décrit dans les travaux de
psychologie sociale est tout à fait transposable à d’autres disciplines et permet de présumer
que l’improvisation est un processus qui s’inscrit dans un espace temps à définir.
En nous préoccupant de l’improvisation à travers son évolution historique et des
convergences émanant des définitions dans différents domaines, nous arrivons à cerner une
première dimension de l’improvisation. C’est un processus cognitif basé sur une acquisition
de connaissances.
Chapitre 2 : Du contrôle à l’improvisation
90
2.1.2. L’acquisition de connaissances, élément essentiel à l’improvisation
Le manque de connaissances des marchés étrangers, du fonctionnement des fournisseurs, du
comportement des interlocuteurs rencontrés implique pour les équipes achats une adaptation
permanente aux situations nouvelles et un apprentissage des pratiques.
L’étude de travaux en Sciences de l’éducation et en Psychologie cognitive peut apporter un
éclairage intéressant sur la manière dont les individus acquièrent des connaissances. Les
premiers travaux datant du début du XXème siècle, connus sous le nom de behaviorisme, se
sont ainsi penchés sur l’étude des comportements. Ils ont été suivis d’autres courants de
pensée tels que le néo-behaviorisme et le cognitivisme. C’est ce dernier courant de recherche
qui a retenu notre attention et plus particulièrement le concept d’adaptation de Piaget et
Inhelder (1992). Selon ces auteurs, l’adaptation est « la réorganisation interne des
connaissances chez un être en développement, évoluant dans un milieu qui se modifie ».
Piaget (1998) développe notamment les thèmes d’ « assimilation » qu’il définit comme la
répétition d’actions qui permet à un individu de les intérioriser et d’« accommodation » qu’il
définit comme l’acquisition de connaissances par un sujet pour s’adapter au monde lorsque ce
dernier se construit de manière incohérente.
Afin de concevoir le monde de façon cohérente –équilibration- le sujet construit des
« schèmes » de deux sortes : présentatifs pour comprendre le monde et opératifs pour agir sur
le monde. Ces deux catégories de schèmes sont liées entre elles en fonction de l’interaction
entre les individus.
L’encadré 2.2. relève les éléments utiles pour notre compréhension de la notion d’adaptation.
Chapitre 2 : Du contrôle à l’improvisation
91
Encadré 2.2. : Le concept d’adaptation
à la base des travaux sur l’appropriation des connaissances, d’après Piaget
Définition :
« L’adaptation est « la réorganisation interne des connaissances chez un être en
développement, évoluant dans un milieu qui se modifie » Piaget et Inhelder (1992).
Mécanisme :
Processus individuel qui a lieu entre l’individu et son milieu. Suite à une perturbation de son
environnement, l’individu par un mouvement d’assimilation et d’accommodation va
rééquilibrer sa structure cognitive. Par assimilation, l’individu appréhende d’abord l’objet
avec sa structure actuelle. Puis par accommodation, l’individu modifie ses actions pour
s’ajuster à son nouvel environnement.
Application à notre recherche :
Confronté à un nouvel environnement d’affaires sur un marché étranger, l’acheteur va
enclencher un processus d’apprentissage à partir de ses propres acquis (assimilation). Puis il
va s’ajuster aux pratiques des fournisseurs rencontrés (accommodation).
Les nouvelles situations d’achats sont constitués d’événements auxquels les acheteurs n’ont
pas eu l’habitude d’être confrontés ou auxquels ils ne s’attendent pas. Ces situations
imprévues, inattendues appellent des modes d’adaptation ou d’ajustements différents. Cette
pratique correspond à la caractérisation de l’improvisation développée par Weick (1998)24 :
« l’improvisation traite de l’imprévu, gère l’inattendu sans stipulation préalable ».
24 « Improvisation deals with the unforeseen, it works without a prior stipulation, it works with the unexpected » Weick, 1998
Chapitre 2 : Du contrôle à l’improvisation
92
Le processus d’improvisation correspond à une action orientée vers la découverte, destinée à
explorer des opportunités inattendues ou à neutraliser des menaces imprévues (Cunha et al.,
2003). Ces auteurs emploient le terme de processus considérant l’improvisation comme une
série de tâches - actions, réactions - réalisées en vue d’atteindre l’objectif de construction
d’une histoire commune d’exploration d’opportunités, tout en gérant les aléas inhérents aux
situations imprévues.
En reliant tous ces travaux, nous suggérons que l’improvisation en tant que mode d’adaptation
aux nouvelles situations d’achats rencontrées sur les marchés étrangers peut être envisagée
comme un processus cognitif contribuant à l’apprentissage et à l’acquisition des
connaissances. Cette orientation nécessite toutefois la préparation des équipes achats, ce qui
conduit à déplacer la réflexion du seul plan individuel au niveau organisationnel.
2.2. L’improvisation organisationnelle, des contours fluctuants
En sciences de gestion, le concept d’improvisation est explicitement analysé depuis la fin des
années 1980. Cunha et al. (1999) recensent une quarantaine de définitions dans ce champ
disciplinaire. Le qualificatif « organisationnelle » lui est presque systématiquement attaché,
reflétant la dimension collective de l’improvisation. Miner et al. (1996) postulent que « les
actions sont organisationnelles si elles sont effectuées par un ou plusieurs individus pour le
compte d’une équipe, d’une organisation et/ou d’un projet ». Avant de nous attarder sur les
définitions proposées en gestion, nous proposons un bref historique de l’évolution des travaux
portant sur l’improvisation organisationnelle.
Chapitre 2 : Du contrôle à l’improvisation
93
2.2.1. Des angles d’étude évolutifs
Selon Cunha et al. (1999), deux générations d’auteurs ont analysé le phénomène
d’improvisation organisationnelle (Cf. tableau 2.2.)
Génération Objectifs Auteurs
1ère
Utiliser la métaphore du jazz ou de l’improvisation théâtrale pour présenter les déterminants et les caractéristiques du concept. Puis les transposer au contexte organisationnel
Bastien et Hostager (1988), Eisenberg (1990), Weick (1993a, 1999), Kamoche et Cunha (1997, 1998), Barrett (1998), Meyer (1998), Mirvis (1998), Pasmore (1998), Peplowski (1998), Hatch (1999)
2nde Proposer une définition de l’improvisation organisationnelle
Perry (1991), Weick (1993b), Moorman et Miner (1995, 1998), Crossan et al. (1996), Miner et al. (1996), Orlikowski (1996), Crossan (1997, 1998), Crossan et Sorrenti (1997), Miner et al. (2001), Chedotel (2005), Vera et Crossan (2005), Johanson et Johanson (2006), Hmieleski et Corbett (2008)
Tableau 2.2. L’improvisation organisationnelle : deux générations d’auteurs,
adapté de Cunha et al., 1999
La première génération d’auteurs a centré ses travaux de recherche sur l’observation du
phénomène d’improvisation dans le domaine des arts, notamment l’univers musical et
l’univers théâtral. Les formations et concerts de jazz ainsi que les spectacles d’improvisation
théâtrale ont constitué des terrains d’analyse et permis aux auteurs de transposer les
caractéristiques identifiées au contexte organisationnel. La contribution majeure de ces
travaux à la compréhension de l’improvisation porte sur la définition des compétences
nécessaires qu’une organisation doit posséder afin d’improviser de manière efficace. En
revanche, le principal reproche qui a été souligné concerne le manque d’analyse des limites de
l’improvisation.
La seconde génération d’auteurs a pris comme point de départ des situations du domaine des
affaires pour analyser directement au travers d’études empiriques l’improvisation qu’ils
pouvaient observer. Utilisant parfois encore la métaphore du jazz, mais de façon plus légère,
ces auteurs se sont donnés pour objectifs de proposer une définition de l’improvisation
organisationnelle et d’en montrer la pertinence dans des environnements turbulents. Ils ont
Chapitre 2 : Du contrôle à l’improvisation
94
élaboré des propositions portant sur les déterminants de l’improvisation et les ont testées en
mobilisant entre autres la théorie de l’enracinement (grounded theory).
Ces travaux ont permis à l’improvisation d’émerger en tant qu’objet de recherche en sciences
de gestion. Ils ont également fait ressortir un consensus autour de la définition de
l’improvisation en stabilisant l’idée de convergence entre la conception d’une action et son
exécution. Cependant, ces travaux ne permettent pas de cerner les limites de l’improvisation
en contexte organisationnel.
2.2.2. Des définitions diverses
La revue de littérature réalisée par Cunha et al. (1999) répertorie quarante et une définitions
de l’improvisation en management. Ils soulignent que deux éléments principaux ressortent des
définitions :
- l’improvisation nécessite l’existence préalable de ressources, quelque soit leur nature
–plan stratégique, connaissances, structure- sur lesquelles baser les évolutions
(Orlikowski et Hoffman, 1997)
- les acteurs qui improvisent ne peuvent attendre de disposer des ressources optimales et
doivent prendre des décisions en comptant sur les ressources disponibles en temps
réel.
Les auteurs retiennent un ordre alphabétique pour classer les travaux, ce qui à notre sens ne
permet pas de cerner l’évolution du concept au cours des vingt années observées (1980-
1999). Nous avons repris et complété leur travail de recension par les travaux postérieurs à
1999. Nous présentons dans le tableau suivant selon un ordre chronologique les auteurs, leur
thème de recherche et leur définition de l’improvisation (Cf. tableau 2.3.).
Chapitre 2 : Du contrôle à l’improvisation
95
Années Auteurs Thèmes de recherche
Définitions ou citations Improviser / Improvisation
1988 Bastien et Hostager
Innovation organisationnelle
Comportement individuel d’invention et de déploiement de nouvelles idées dans une dynamique de performance de groupe.
1991 Perry Stratégie Concevoir et déployer simultanément des stratégies en temps réel.
1993 Weick Changement organisationnel
Il n’y a pas d’écart entre la création et la production
1995 Eisenhardt et Tabrizzi
Développement de nouveau
produit / Innovation
Se fier à son intuition et construire rapidement des solutions flexibles afin de s’adapter à un environnement peu lisible et changeant.
1995 Moorman et Miner
Développement de nouveau
produit Action délibérée et impromptue25
1996 Ciborra Structure organisationnelle
Improviser consiste à trouver de nouvelles combinaisons de ressources, routines et structures afin de faire face aux circonstances turbulentes du présent.
1996 Crossan et al. Stratégie
Prendre des décisions pour s’adapter aux conditions et aux besoins de changement […] Tirer avantage des opportunités qui se présentent.
1996 Orlikowski Changement organisationnel
Adaptation aux contingences journalières, dysfonctionnements, exceptions et conséquences inattendues.
1997 Brown et Eisenhardt
Changement organisationnel
En situation d’innovation, l’improvisation consiste à créer un nouveau produit tout en s’adaptant aux évolutions des marchés et des technologies. L’improvisation repose alors sur deux points clés: une communication intensive en temps réel et un processus structuré par un petit nombre de règles spécifiques.
1997 Crossan Management Spontanéité de l’action et degré élevé d’intuition
1997 Crossan et Sorrenti
Apprentissage organisationnel
Intuition guidant l’action de manière spontanée
1997 Eisenhardt Stratégie S’organiser de telle sorte que les acteurs puissent à la fois innover de manière adaptative et exécuter de manière efficiente
1997 Hatch Management Intuition guidant spontanément l’action mais dans un contexte caractérisé par un historique
25 Traduction proposée par le dictionnaire Merriam Webster pour “extemporaneous and deliberate action”
Chapitre 2 : Du contrôle à l’improvisation
96
Années Auteurs Thèmes de recherche
Définitions ou citations Improviser / Improvisation
1997 Kamoche et Cunha Apprentissage Capacité à concevoir et à produire
simultanément
1997 Orlikowski et Hoffman
Système d’information
Série d’innovations qui améliorent la structure envisagée, répondent à des opportunités inattendues et apportent un enrichissement au fil du temps
1998 Barrett Management
Improviser consiste à inventer des réponses sans suivre de plan prévisionnel et sans aucune certitude de résultat. La situation nouvelle créée par l’action se découvre au fur et à mesure de son déroulement.
1998 Berkiner Management Devenir des managers qui agissent
1998 Crossan Management Action réalisée de manière spontanée et intuitive
1998 Meyer Organisation Elaborer des solutions ingénieuses à des problèmes insolubles en juste-à-temps
1998 Mirvis Management Avancer en prenant les choses comme elles viennent
1998 Moorman et Miner Marketing
L’improvisation organisationnelle est le degré de convergence dans le temps entre la conception d’une action et son exécution. Plus ces deux phases sont proches, plus l’action est improvisée.
1998 Weick Management L’improvisation est un mode de gestion des situations imprévues, inattendues.
1999 Ciborra Système d’information
C’est un comportement humain utile qui semble être régi à la fois par l’intuition, la compétence et la chance.
1999 Cunha, Vieira et Kamoche Organisation
Conception d’une action en cours de déroulement, reposant sur des ressources disponibles, tant matérielles que cognitives, affectives et sociales.
1999 Hatch Organisation Utiliser la structure de façon créative afin de faire évoluer les fondements structurels de la performance.
2001 Miner, Bassoff et Moorman
Apprentissage
L’improvisation peut être considérée comme un type d’apprentissage en temps réel à court terme mais est liée à l’apprentissage organisationnel sur le long terme.
2002 Agkun, Lynn et Reily
Développement de nouveau
produit / Innovation
L’improvisation a un impact positif sur l’accélération de la mise en marché, particulièrement dans les environnements technologiques turbulents
2003 Cunha et Cunha
Changement organisationnel
L’improvisation est un outil efficace pour conduire le changement organisationnel
Chapitre 2 : Du contrôle à l’improvisation
97
Années Auteurs Thèmes de recherche
Définitions ou citations Improviser / Improvisation
2003 Cunha, Kamoche et Cunha
Management
Le processus d’improvisation correspond à une action orientée vers la découverte, destinée à explorer des opportunités inattendues ou à neutraliser des menaces imprévues.
2005 Chedotel Management
Loin d’être une action sans réflexion, préparation ou apprentissage, elle demande une démarche continue d’acquisition de compétences improvisationnelles qui concernent la structure du projet, sa mémoire, les incitations des intervenants.
2005 Vera et Crossan Management
L’improvisation d’une équipe est un processus créatif et spontané visant à atteindre un objectif d’une manière nouvelle.
2006 Johanson, Johanson et Hohenthal
Marketing/ Business studies
L'essence de l'improvisation, c'est que l'entreprise ne sait pas à l'avance ce qu’elle va découvrir.
2006 Leybourne et Sadler-Smith Management L’improvisation consiste en une combinaison
d’intuition, de créativité et de bricolage.
2008 Hmieleski et Corbett Management
Capacité des entrepreneurs à concevoir et exécuter de façon impromptue de nouveaux plans […] L’improvisation nécessite que chacun ait confiance dans ses propres compétences.
Tableau 2.3. L’improvisation organisationnelle: références en sciences de gestion
Ce tableau met en évidence l’importance du nombre de travaux en gestion centrés sur le
concept d’improvisation. En marketing, deux auteurs ont particulièrement approfondi le
sujet : Moorman et Miner (1995, 1998, 2001) qui ont axé leurs recherches sur le
développement de nouveaux produits.
Nous constatons que de nombreuses publications datent des années 1997/1998 et émanent
essentiellement d’auteurs américains. Une des explications tient au fait qu’un concert de jazz
a été organisé par l’académie de management de Vancouver en 1995 et que la revue
Organization Science décida de consacrer un numéro spécial au thème de l’improvisation,
autour de la métaphore du jazz (volume 9, numéro 5, septembre-octobre, 1998).
Chapitre 2 : Du contrôle à l’improvisation
98
2.2.3. La métaphore du jazz et sa mobilisation dans le cadre relationnel
La métaphore du jazz permet d’éclairer notre compréhension du phénomène individuel et
collectif de l’improvisation. Comme nous l’avons recensé dans la bibliométrie précédente,
plusieurs auteurs ont travaillé cette métaphore dans le contexte du concert de jazz de
l’académie de management de Vancouver (Preston, 1991, Moorman et Miner, 1998, Weick
1998). Nous en présentons quelques éléments fondamentaux et les appliquons à notre sujet de
recherche, la relation fournisseur à l’international.
Le premier élément est le répertoire. Lorsqu’il est maîtrisé par le groupe de musiciens, il leur
permet d’improviser, c’est-à-dire de répondre immédiatement à une sollicitation inattendue
telle qu’un changement de rythme, un changement de ton. Individuellement, chaque musicien
a en mémoire des phrases musicales, des règles d'harmonie qui font que collectivement le
résultat de l’improvisation est cohérent.
A l’international, les équipes achats ont leur spécificité, par familles de produits ou par zones
géographiques. Nous appuyant sur les travaux de Miner et al. (2001) qui démontrent le lien
existant entre apprentissage organisationnel et improvisation, il est raisonnable de penser que
plus les acheteurs maîtrisent leur métier, plus ils seront capables de réagir à un événement
imprévu. Ils seront aptes à trouver les ressources nécessaires, en harmonie avec l’ensemble
des interlocuteurs externes et internes pour produire une solution au problème rencontré.
Le deuxième élément est le tempo –rythme et temps d’arrêt- donné par un des musiciens, le
batteur en général, ou par le chef d'orchestre si le groupe est plus important. Chaque musicien
suit le tempo de sa propre partition et peut être en mesure d’improviser lorsque le groupe lui
laisse l’opportunité de jouer en solo. En revanche, cette improvisation individuelle devra être
coordonnée avec celle des autres musiciens dès que le groupe se lance dans une improvisation
collective.
Les directeurs achats font souvent office de chef d’orchestre tant au niveau interne qu’externe.
Nous avons montré dans le chapitre un qu’ils sont chargés de coordonner les intérêts des
différents prescripteurs internes – bureau d’études, production, marketing, etc.-. Ils doivent
également intégrer les contraintes des différents interlocuteurs externes – prestataires et
fournisseurs-. Leur mission de coordination se complique à l’international puisque les
rythmes de travail sont largement influencés par les pratiques locales, le rapport au temps
Chapitre 2 : Du contrôle à l’improvisation
99
notamment. Ils peuvent ainsi choisir de laisser leurs équipes improviser en fonction des
capacités individuelles de chacun - spécialisation par zone géographique ou par famille de
produits des acheteurs par exemple -. Ils peuvent également décider d’une action concertée
incitant l’équipe achats à trouver une solution collective improvisée à une sollicitation.
Un troisième élément est la simultanéité. Les musiciens conçoivent la partition au moment
même où ils la jouent. Cette simultanéité est le thème central des travaux de Moorman et
Miner (1998) qui définissent l’improvisation organisationnelle comme « le degré de
convergence entre la conception d’une action et son exécution dans le temps. Plus la
conception et l’exécution sont proches, plus l’activité est improvisée».
Dans le cadre de la relation fournisseur à l’international, la capacité des acheteurs à prendre
rapidement des décisions peut leur permettre de saisir des opportunités ou de trouver une
solution à des événements imprévus.
Enfin, un quatrième élément est l'imagination. Les musiciens doivent faire preuve de
créativité pour pouvoir improviser. Comme dans les matchs d’improvisation théâtrale, ils vont
s’appuyer sur les éléments dont ils disposent – notes précédentes jouées par les autres
musiciens - pour rebondir et imaginer la suite.
Dans la relation fournisseur, le contexte rencontré est déterminant de la manière dont les
équipes achats imaginent l’interaction, que ce soit lors des premières rencontres avec les
interlocuteurs étrangers ou dans la conception d’un nouveau produit avec le partenaire distant
ou encore dans la mise en œuvre opérationnelle des approvisionnements.
En réutilisant la métaphore du jazz dans le domaine de la relation fournisseur dans le contexte
de globalisation des chats, nous comprenons que l’improvisation est bien une capacité
individuelle (compétences de chaque acheteur) mise en œuvre dans un cadre collectif
(stratégie relationnelle de l’entreprise sur les nouveaux marchés sources). Afin d’agir et de
réagir aux situations nouvelles qui se présentent sur les marchés étrangers, les entreprises
s’appuient dans un premier temps sur les ressources et compétences existantes, au niveau
individuel et collectif (phase d’assimilation du cycle d’adaptation). Ce n’est qu’ensuite
qu’elles seront capables d’ajuster leur mode de gestion, (phase d’accommodation au nouveau
Chapitre 2 : Du contrôle à l’improvisation
100
marché source). La relation fournisseur pourra dès lors prendre un rythme différent en
fonction des capacités individuelles de chacun des acteurs.
La métaphore du jazz met l’accent sur le fait que les seules compétences de niveau individuel
ne sont pas suffisantes pour produire un ensemble harmonieux. Weick (1993) nous rappelle
que les organisations peuvent se tromper dans leurs prises de décisions en raison d’un défaut
de construction de sens. Les représentations cognitives individuelles des acteurs sont
insuffisantes pour intégrer tous les éléments contextuels conduisant à une action stratégique
appropriée.
Miner et al., (2001) démontrent que les dérives de l’improvisation organisationnelle ont
tendance à se produire lorsque l’équipe se contente de s’adapter à l’imprévu dans l’instant.
Ces auteurs préconisent donc de mettre en place une démarche d’apprentissage à long terme
par laquelle les équipes concernées cherchent à tirer des enseignements suivant une logique
d’essais et d’erreurs. Baker et Miner (2003) identifie ainsi deux niveaux d’improvisation :
stratégique et tactique. Pour ces auteurs, l’improvisation tactique imprègne tous les processus
quotidiens. En effet, un individu peut avoir un comportement d’improvisation à tout moment
en fonction d’un problème qui se présente, d’une opportunité pour laquelle l’acteur n’a pas de
solution toute prête ou tout simplement parce qu’il souhaite essayer quelque chose de
nouveau de manière spontanée. Néanmoins cette improvisation de nature opérationnelle
(tactique) peut contribuer à l’élaboration d’objectifs stratégiques. Baker et al. (2003)
suggèrent que l’improvisation stratégique consiste soit à laisser une marge de manœuvre pour
voir dans quelle mesure les ressources existantes peuvent permettre d’atteindre des objectifs
prédéfinis, soit à explorer les implications d’un comportement improvisé. L’improvisation
peut alors être envisagée comme un comportement efficient face à un environnement
changeant. Cette logique organisationnelle -tactique / stratégique- s’inscrit naturellement dans
le temps.
Dans la même logique, Chedotel (2005) tentant de comprendre comment une équipe peut
concilier formalisation et flexibilité postule que, loin d’être une action sans réflexion,
l’improvisation organisationnelle nécessite une préparation, un apprentissage et une démarche
continue d’acquisition de connaissances.
Chapitre 2 : Du contrôle à l’improvisation
101
2.2.4. Les apports de la littérature à notre problématique
La contribution majeure de la littérature est tout d’abord d’avoir permis de relier le concept
d’improvisation aux processus d’organisation. Plusieurs études se sont focalisées sur les liens
entre improvisation et développement de nouveaux produits. Eisenhardt et Tabrizzi (1995) ont
comparé l’improvisation à un processus classique et rationnel de développement de produit.
Leurs résultats montrent qu’une approche pratique en temps réel a tendance à être plus
efficace que les approches traditionnelles orientées sur la recherche d’efficience. Moorman et
Miner (1998b) apportent des éléments d’explication en démontrant que les turbulences
environnementales, la mémoire de l’organisation et les flux d’information en temps réel
affectent effectivement le degré d’efficacité d’une démarche improvisée.
En termes d’apports conceptuels, nous pouvons noter que le sujet enrichit autant le
marketing que le management. En effet, plusieurs auteurs publiant dans le « Journal of
Marketing » se sont penchés sur les liens entre improvisation et innovation au travers du
développement d’un produit nouveau (Eisenhardt et Tabrizzi, 1995 ; Miner et al., 1996 ;
Moorman et Miner, 1998). Dans l’approfondissement de leurs recherches, Miner, Bassoff et
Moorman (2001) vont jusqu’à affirmer que l’improvisation peut être incorporée de façon
formelle dans ces activités de développement afin que les organisations puissent planifier
l’improvisation. Akgun et al. (2002) portant leur attention sur les équipes chargées du
développement de produits nouveaux ont démontré que l’improvisation peut avoir un impact
positif sur la mise en marché en permettant de raccourcir le cycle. Au travers de la
formalisation des tâches régissant le lancement d’un nouveau produit, ces auteurs suggèrent
ainsi le lien entre improvisation et processus de contrôle.
D’autres auteurs ont analysé la relation entre improvisation et évolution organisationnelle,
stratégie ou encore apprentissage. Pour Weick (1998), « c’est un mode gestion ». Crossan
(1998) apporte une contribution supplémentaire en reliant l’improvisation à l’intuition. Pour
Orlikowski (1996) ainsi que Cunha et Cunha (2003), l’improvisation peut constituer un levier
utile pour conduire le changement organisationnel. De façon similaire, pour Chedotel (2005)
« c’est une démarche continue d’acquisition de compétences ». Ces auteurs relient donc tout
particulièrement l’improvisation à l’apprentissage.
Chapitre 2 : Du contrôle à l’improvisation
102
Ces différentes visions de l’improvisation nous permettent de constater que le concept n’est
pas totalement établi et qu’il fluctue souvent entre le niveau individuel et le niveau
organisationnel. Vera et Crossan (2005) proposent une relecture critique du concept
d’improvisation. Selon ces auteurs, deux idées fausses ont entravé la compréhension par les
gestionnaires du phénomène d’improvisation collective. Tout d'abord, l'aspect spontané de
l'improvisation a tendance à être trop amplifié, et en second lieu, l’hypothèse que
l'improvisation conduit toujours à une performance positive est discutable. Vera et Crossan se
proposent par conséquent de dissiper les confusions conceptuelles en décrivant les différents
aspects de la préparation qui sont nécessaires à une improvisation. Elles démontrent que les
principes du théâtre d’improvisation tels que «pratique», «collaboration», «accepter, et
ajouter", "être présent dans le moment» peuvent être utilisés pour comprendre ce qu'il faut
mettre en œuvre pour que les équipes de travail improvisent correctement et pour créer un
contexte favorisant ces efforts.
En termes de gestion de la relation fournisseur à l’international, l’improvisation de nature
tactique correspond à la possibilité laissée aux équipes achats de saisir les opportunités
lorsqu’elles se présentent ou de trouver des solutions aux nouvelles problématiques de chaque
marché source. En revanche, ces actions quotidiennes s’appuient sur un apprentissage
permanent (répertoire) et un respect de la formalisation des processus de contrôle (harmonie)
relevant quant à eux d’une improvisation de nature plus stratégique.
Les définitions présentées dans la section précédente révèlent des similitudes et des
divergences. Nous nous sommes appuyés sur ces conceptualisations et sur les différentes
dimensions qui en découlent pour élaborer la définition retenue dans la suite de nos travaux.
En tenant compte des spécificités de la relation fournisseur présentées dans la revue de
littérature du chapitre un :
- la gestion de la relation fournisseur est un processus d’acquisition de connaissances,
d’autant plus important que les partenaires sont distants
- la dimension attitudinale des managers et de leurs équipes achats est primordiale pour
l’ouverture à l’international
et des caractéristiques de l’improvisation mises en évidence dans cette section :
- l’improvisation est une capacité qui doit s’appréhender tant au niveau individuel
qu’organisationnel
- c’est un mode de gestion et une pratique marketing,
Chapitre 2 : Du contrôle à l’improvisation
103
Nous arrivons au résultat suivant : l’improvisation est un concept à trois dimensions :
1. un processus cognitif basé sur une acquisition de connaissances
2. une capacité individuelle au service d’un intérêt collectif,
3. une pratique qui s’inscrit dans le temps selon une logique organisationnelle.
Cette analyse nous conduit à suggérer une définition de l’improvisation qui sera retenue dans
le cadre de cette recherche:
L’improvisation est un comportement humain se construisant dans l’action, permettant
d’affronter des situations d’incertitude grâce à une acquisition de connaissances accumulées
sur le long terme selon une logique organisationnelle.
Cette définition diffère des définitions proposées jusqu’à présent dans la littérature marketing
car elle considère l’improvisation comme un concept attitudinal affecté par l’incertitude et le
risque perçu entraînant ainsi une relation d’interaction vis-à-vis de l’autre.
Elle se rapproche de la conception anglo-saxonne du construit proposée par Moorman et
Miner (1998) et par Weick (1998) en ce sens qu’elle présente trois composantes :
- une composante cognitive renvoyant à des enchaînements d'opérations mentales en
relation avec la saisie d’informations, leur stockage et leur traitement. Les processus
cognitifs s'appliquent particulièrement à ce qui relève de la perception, de la mémoire,
de la résolution de problème, de la prise de décision, tous ces éléments étant
particulièrement présents dans les situations d’achats à l’international.
- une composante affective, basée sur l’intuition des managers, particulièrement
nécessaire lors de l’exploration des nouveaux marchés sources et de la sélection de
fournisseurs inconnus mais à qui l’organisation va accorder sa confiance.
- une composante conative qui pousse une partie à s’en remettre à l’autre tout au long
de l’interaction présidant à la relation acheteur-fournisseur.
De plus, elle intègre, une caractéristique dont l’importance n’est pas suffisamment soulignée
dans les cadres théoriques portant sur le concept d’improvisation. Cette notion est celle de la
préparation nécessaire à la mise en œuvre de l’improvisation.
Chapitre 2 : Du contrôle à l’improvisation
104
Pour conclure sur l’improvisation organisationnelle, nous soulignons qu’il n’existe qu’un seul
outil permettant l’évaluation du concept. Il s’agit de l’échelle de mesure proposée par
Moorman et Miner (1998a) dans leur analyse du rôle de la mémoire dans le développement
d’un nouveau produit. Ces auteurs partent du constat que le marketing stratégique retient
comme postulat que les actions doivent d’abord être planifiées à partir d’une analyse fine de
l’environnement avant d’être mises en œuvre. Remettant cette affirmation en question, elles
affirment que dans certains cas, la conception et l’exécution d’une action convergent dans le
temps et qu’à la limite ces deux événements peuvent même être simultanés. S’appuyant sur
leur définition de l’improvisation comme « la convergence entre la conception et l’action »,
elles élaborent une grille d’évaluation mesurant le phénomène d’improvisation par le temps
séparant ces deux tâches - conception et action -. Leur grille comporte deux types d’échelles :
une échelle d’Osgood en sept points pour évaluer le degré d’improvisation d’une action, puis
une échelle de Lickert en sept points pour évaluer les changements induits par l’action
improvisée. (Cf. annexe 1).
A notre connaissance, cette échelle de mesure n’a pas donné lieu à des réplications
ultérieures. Il est donc difficile d’en évaluer sa pertinence pour d’autres sujets d’analyse que
celui de Moorman et Miner (le développement de nouveaux produits). C’est néanmoins le
seul outil qui existe pour une évaluation de l’improvisation en marketing.
Notre investigation qualitative de l’improvisation dans la gestion de la relation fournisseur ne
comportant pas de mesure, nous n’avons pas choisi de retenir cet outil d’évaluation. En
revanche, nous nous en sommes inspiré pour initier les entretiens portant sur la gestion des
situations inattendues.
Chapitre 2 : Du contrôle à l’improvisation
105
CONCLUSION DU CHAPITRE 2
Ce deuxième chapitre était consacré à la mobilisation du concept d’improvisation
organisationnelle dans notre cadre de gestion relationnelle des fournisseurs à l’international.
Dans une première section, nous avons présenté les développements portant sur deux
modes classiques de gestion de la relation, le contrôle et l’apprentissage. Nous avons
montré que les mécanismes de contrôle - cahier des charges, approche contractuelle -
portent autant sur la transaction par la mise en place de processus formalisés explicites que
sur la relation par des mécanismes implicites destinés à renforcer la dimension
collaborative. Puis, de la vaste littérature sur l’apprentissage nous avons extrait les éléments
pouvant s’appliquer au processus achats. Nous avons mis en évidence que les deux niveaux
d’apprentissage, individuel et organisationnel, influencent l’orientation et le rythme de
développement des achats à l’international. Nous avons notamment montré que la prise en
compte des caractéristiques individuelles des managers, au travers de leur état d’esprit
global, est primordiale dans l’établissement et la pérennisation des relations.
Dans une seconde section, nous avons fait émerger trois dimensions principales du concept
d’improvisation. Il s’agit d’un processus cognitif d’acquisition de connaissances, d’une
capacité individuelle au service de l’intérêt collectif de l’entreprise et d’une pratique
organisationnelle à la fois tactique et stratégique, s’inscrivant de ce fait dans la durée.
Chapitre 3- Choix méthodologiques
107
CHAPITRE 3 : CHOIX MÉTHODOLOGIQUES
DE COLLECTE ET DE RESTITUTION DES DONNÉES
Management des achats, enjeux et défis de l’international
Chapitre 1
Du contrôleà l’improvisation
Chapitre 2
Méthodologie de la recherche: 23 entretiens d’exploration / 3 cas d’approfondissement
Chapitre 3
Apprentissage et Contrôle,ajustements prévus
Improvisation, réponse à l’imprévu
Mise en perspective et synthèse des résultats
Chapitre 4 Chapitre 5
Conclusion
Question de rechercheComment les entreprises gèrent-elles l’inattendu,
paramètre inévitable d’une relation fournisseur élargie à l’international ?
PARTIE 1: LES FONDEMENTS CONCEPTUELS : RÉDUIRE L’INCERTITUDE ET RÉSOUDRE L’INATTENDU
PARTIE 2: RÉSULTATS EMPIRIQUES : PRÉVOIR L’APPRENTISSAGE ET LE CONTRÔLE ET PRÉPARER L’IMPROVISATION
Chapitre 3- Choix méthodologiques
108
Après une revue de la littérature sur l’improvisation et sur les relations acheteur-fournisseur
dans un contexte international, une analyse complémentaire de nature qualitative est
nécessaire pour apporter une compréhension plus fine des perceptions des situations d’achats.
Cette étape est destinée à compléter notre approche théorique et à approfondir les
connaissances relatives aux comportements des acheteurs professionnels confrontés à
l’imprévu. Ce travail est particulièrement délicat dans le cadre de l’étude des relations B2B.
En effet, le domaine du marketing B2B est porteur d’interrogations particulières. La relation
fournisseur est-elle un objet accessible par le sens ? Les connaissances acquises sur la gestion
de la relation sont-elles rationnelles ou empiriques ? Sur quelles théories reposent les
recommandations d’optimisation de la gestion de la relation ?
Derrière ces questions, il apparaît que l’approche en termes de marketing B2B dans un
contexte international doit répondre à des enjeux de sens, le « sensemaking » à la manière de
Weick (1995). Or, face à la globalisation des marchés et aux fortes incertitudes générées, les
communautés marketing académiques et managériales s’interrogent sur la fiabilité des
modèles utilisables. Les praticiens se trouvent souvent face à des situations qu’ils sont
incapables de prédire, d’expliquer et de contrôler. Ce constat conduit Micallef (1991) à prôner
l’approche contingente : « le marketing doit s’ouvrir à un corps de connaissances théoriques
qui soit le plus large possible dans un cadre méthodologique rigoureux ». Selon lui, cette
perspective permet de relier théorie et unicité de chaque cas étudié. La validité de la recherche
marketing qui en découle s’illustre ensuite par les choix méthodologiques effectués. Pour
l’auteur, le marketing a par conséquent tout intérêt à sortir du conformisme afin de trouver de
nouvelles méthodes répondant mieux à ses préoccupations.
Notre démarche de recherche a pour but de comprendre des situations d’achats complexes
évoluant dans le temps et impliquant de multiples acteurs dans un environnement turbulent.
Nous considérons que cette réalité concernant l’objet « relation fournisseur à l’international»
existe et que la connaissance de ce réel donné est engendrée par la découverte et l’explication.
Cet objet de recherche nous est totalement exogène, assurant ainsi notre indépendance par
rapport à nos travaux. En revanche, la dimension exploratoire de l’investigation nous « met en
situation » au travers d’entretiens avec des directeurs achats et de l’analyse des cas qu’ils nous
ont soumis. Dès lors, ce positionnement nous impose une posture d’empathie pour « tenter de
Chapitre 3- Choix méthodologiques
109
comprendre le sens que les acteurs attribuent à la réalité, inconnaissable dans son essence »
(Giordano, 2003, p. 20).
Notre recherche ne vise pas à confronter des hypothèses établies à la réalité étudiée, ce qui
exclut la démarche déductive. Nous ne tenons pas non plus à écarter les travaux antérieurs sur
le sujet et de ce fait, notre démarche ne peut pas être qualifiée de purement inductive. Notre
intention est d’identifier des comportements caractérisant la relation fournisseur dans un
contexte international à partir d’informations et d’analyses - témoignages de directeurs achats
et études de cas – et de confrontations à des connaissances théoriques.
Nous avons par conséquent conduit une démarche dynamique basée sur des allers-retours
entre la théorie et le terrain de notre investigation empirique avec pour objectif de formaliser
un modèle conceptuel. Notre collecte d’informations s’est effectuée en plusieurs vagues sur
une durée de 30 mois, de janvier 2007 à juin 2009. Pendant cette période, nous avons opéré
plusieurs allers-retours entre les informations collectées et les théories mobilisées afin de
trouver des explications pertinentes.
Charreire et Durieux (2003, p.70) qualifient ce type de démarche « d’exploration hybride qui
consiste à procéder par allers-retours entre des observations et des connaissances théoriques
tout au long de la recherche. Le chercheur a initialement mobilisé des concepts et intégré la
littérature concernant son objet de recherche. Il va s’appuyer sur cette connaissance pour
donner du sens à ses observations empiriques en procédant par des allers-retours fréquents
entre le matériau empirique recueilli et la théorie »
Pour présenter le fruit de nos recherches, ce chapitre se compose de deux sections.
Dans la première section, nous détaillons les choix méthodologiques qui nous ont permis de
structurer et de conduire cette étude. Nous mettons l’accent sur les apports de la méthode des
cas permettant l’exploration, la confrontation et la comparaison des données collectées puis la
recherche de sens par le rapprochement avec des construits théoriques.
Dans une seconde section, nous serons conduits à préciser nos méthodes de traitement et
d’analyse des données. Nous conclurons sur la conduite dans le temps de ce travail doctoral
en détaillant les principales étapes de notre design de recherche.
Chapitre 3- Choix méthodologiques
110
1. CHOIX MÉTHODOLOGIQUES RELATIFS A LA COLLECTE DES DONNÉES
Dans cette section, nous détaillons successivement nos options concernant le caractère
qualitatif de notre étude, le terrain d’enquête, l’apport de la méthode des cas et le traitement
des données. Chacun de ces choix méthodologiques a été déterminé par les objectifs de notre
recherche, conformément aux préconisations de Thiétart et al. (1999).
1.1. Une étude qualitative fondée sur une double approche d’exploration et d’approfondissement
Le domaine des achats à l’international se caractérise par un petit nombre d’acteurs –
directions achats spécifiques -. Notre choix d’approche qualitative pour appréhender ce terrain
a par conséquent été guidé par deux raisons principales : l’impossibilité de recueillir un
volume important d’informations (étude quantitative) et un objectif de validité des résultats.
La première raison résulte de la difficulté de mener une recherche de nature quantitative sur
les relations interorganisationnelles dans le secteur industriel en France, tout particulièrement
dans le domaine des achats. Il n’existe aucun annuaire ni aucune base de données accessible
répertoriant les coordonnées de directeurs achats. La CDAF – compagnie des dirigeants et
acheteurs de France – organisation professionnelle active et reconnue dans l’activité achats,
est une association qui ne divulgue pas ces informations. Le Kompass, annuaire d’entreprise
ne permet pas de faire des requêtes sur la fonction achats. La première difficulté d’accès au
terrain consiste par conséquent à obtenir des coordonnées. Ensuite, les personnes compétentes
pour répondre aux interrogations de niveau stratégique font partie des directions, ce qui limite
leur disponibilité et leur intérêt pour participer à des enquêtes. L’option d’une étude
qualitative auprès d’un échantillon de directeurs achats de petite taille mais avec une forte
expertise semblait donc une solution appropriée.
La seconde raison ayant guidé notre orientation qualitative tient à la validité recherchée des
résultats. Selon Vernette (2004), les techniques qualitatives n'ont pas encore pleinement
bénéficié de I'ouverture marketing vers la recherche du sens d'un acte. Comprendre le sens
d'une action, c'est d'abord comprendre I'imaginaire, les représentations, les appartenances et
les identités multiples des acteurs. Dano et al. (2004) se sont interrogées sur la qualité des
Chapitre 3- Choix méthodologiques
111
études qualitatives. Elles postulent que les techniques qualitatives sont tout aussi rigoureuses
que des techniques quantitatives à condition de s’appuyer sur cinq critères de validité : la
crédibilité et la conformité des résultats, l’intégrité des réponses des informants, la stabilité de
la mesure sur laquelle est élaborée l’interprétation et enfin la transférabilité à d’autres
contextes similaires.
D’une part, l’option qualitative nous permettait au travers d’une analyse en profondeur du
management des achats –entretiens semi-directifs - de bien comprendre le sens des actions,
contribuant ainsi à la crédibilité et à la conformité de nos résultats. D’autre part, l’expérience
de nos informants – directeurs achats - nous assurait l’intégrité des réponses. Quant à la
validité externe, notre orientation qualitative a permis de dégager des implications
managériales qu’il sera possible de tester auprès d’autres échantillons par la suite.
Nous avons procédé selon une démarche séquentielle comportant une phase d’exploration et
une phase d’approfondissement.
La première approche du terrain avait pour objectif de cerner les enjeux et défis d’une gestion
de la relation fournisseur s’élargissant à l’horizon mondial. Notre travail s’est structuré autour
d’une question principale : Quels sont les changements induits par la dimension
internationale, tant en termes de processus achats qu’en termes de comportements dans la
relation fournisseur ? Cette première exploration s’est appuyée principalement sur vingt-trois
entretiens auprès de directeurs achats, que nous détaillons dans la sous-section suivante. Au
cours de notre recherche, un phénomène important que nous n’avions pas envisagé au départ
s’est peu à peu dégagé des entretiens. Nous avons identifié et analysé qu’en dépit des
procédures d’apprentissage et de contrôle, mises en place pour aborder de nouveaux marchés
sources à l’international, un problème récurrent était exprimé par les directeurs achats, celui
de faire face à des situations inattendues. Ce constat nous a conduit à réinterpréter le corpus
initialement obtenu à l’aune d’une autre grille de lecture, celle de l’improvisation.
La deuxième approche du terrain se donnait pour objectif de clarifier les modes de gestion
adéquats en réponse aux situations inattendues détectées lors de l’analyse précédente. Notre
travail s’est structuré autour de la question principale : Quels sont les ajustements nécessaires
de la relation fournisseur afin de résoudre les situations inattendues? Cette deuxième phase
représente un approfondissement de la réflexion et s’adosse essentiellement sur trois études de
cas de PMI issues de l’échantillon précédent.
Chapitre 3- Choix méthodologiques
112
Afin de répondre aux questions posées, nous avons procédé à un recueil d’informations selon
le protocole détaillé dans les figures suivantes :
Figure 3.1. : Détail de notre protocole de recherche pour la première investigation
Phase 1
Objet de recherche :
Le processus achats à l’épreuve de l’international,
quels changements ?
Phase 2
Objet de recherche :
La gestion de la relationavec les fournisseurs distants,
quelles représentations ?
Phase 3
Mise en perspective des résultats
Apprentissage et Contrôle,ajustements de la relation,prévus mais insuffisants
� Nécessité de poursuivre la recherche sur les réponses apportées à l’inattendu
� Figure 3.2.: Détail de notre protocole de recherche pour la deuxième investigation
Phase 1
Objet de recherche :
L’inattendu,quelles spécificités ?
Phase 2
Objet de recherche :
La gestion de la relation,quels ajustements ?
Phase 3
Mise en perspective des résultats
L’Improvisationen réponse à l’inattendu
Chapitre 3- Choix méthodologiques
113
Chaque investigation se caractérise par trois phases de réflexion. Les phases 1 et 2 sont
simultanées et concernent l’analyse des discours ainsi que celle des cas, tant sur le plan des
processus que sur celui des comportements. Puis, dans la phase 3, nous cherchons à mettre en
perspective les concepts et à vérifier leur pertinence.
1.2. L’exploration du terrain par des entretiens auprès d’ « experts »
Notre objectif dans cette recherche est de mettre en perspective les modes de gestion de la
relation fournisseur face aux situations d’achats complexes dans le contexte de globalisation.
Pour cette raison, nous avons choisi d’effectuer la collecte des données auprès d’ « experts »
des relations fournisseurs à l’international et des achats B2B dans le secteur industriel.
Nous présentons successivement la nature de l’échantillon, le contexte des entretiens, les
guides d’entretien utilisés et enfin les sources de données complémentaires aux entretiens.
1.2.1. Nature de l’échantillon
Le caractère exploratoire de notre recherche autorise un échantillon de petite taille. Selon
Glaser et Strauss (1967), la taille d’un échantillon doit permettre de trouver un équilibre entre
la compréhension en profondeur du phénomène observé et le besoin de trouver des bases de
comparaisons. Nous avons constitué un échantillon de vingt trois entreprises européennes –
vingt et une organisations de nationalité française et deux belges - pratiquant l’importation de
produits – matières premières, composants ou produits finis-, c’est-à-dire ayant déjà initié
l’internationalisation de leurs achats production. Afin de prendre en compte les facteurs de
contingence que sont la taille de l’entreprise, sa maturité à l’international et les diverses
situations d’achat B2B, l’échantillon est composé de seize grands comptes et de sept PMI.
Nous présentons dans le tableau suivant (3.1.) l’échantillon en détaillant
- le secteur d’activité de l’entreprise et son activité de production
- la taille de cette organisation selon deux critères : grand compte (GC) ou PMI, en
précisant pour ces dernières le nombre de salariés
- l’âge de nos informants
- leur genre
- le codage qui sera utilisé par la suite, notamment dans l’analyse des discours.
Chapitre 3- Choix méthodologiques
114
Entretien Secteur d’activité
Grand compte (GC)
ou PMI (nb salariés)
Age du répondant
Genre du répondant Codage
1 Industrie Pharmaceutique Fabrication de médicaments et vaccins GC 58 ans Homme E1/GC/Pharma
2 Commerce Fabrication et commerce de meubles GC 38 ans Femme E2/GC/Commerce
3 Industrie de transformation de métaux Fabrication de blocs forés hydrauliques PMI (140) 45 ans Homme E3/PMI/Ind
4 Télécommunications
Solutions de télécommunications pour entreprises
GC 40 ans Homme E4/GC/Telecom
5 Industrie de transformation de plastiques Fabrication de films plastiques GC 42 ans Homme E5/GC/Ind
6 Automobile Fabrication de véhicules sans permis PMI (150) 40 ans Femme E6/PMI/Auto
7 Télécommunications Fabrication d’autocommutateurs GC 58 ans Homme E7/GC/Telecom
8 Automobile Fabrication de camping-cars PMI (150) 34 ans Homme E8/PMI/Auto
9 Industrie d’équipements industriels Fabrication de pétrins PMI (250) 44 ans Femme E9/PMI/Ind
10 Industrie Pharmaceutique Fabrication de médicaments GC 55 ans Homme E10/GC/Pharma
11 Agro-alimentaire Transformation de légumes GC 55 ans Homme E11/GC/IAA
12 Commerce Interentreprises Négoce de produits finis plastiques PMI (15) 34 ans Homme E12/PMI/Commerce
13 Industrie d’équipements de loisirs Fabrication de résidences mobiles PMI (250) 38 ans Femme E13/PMI/Ind
14 Agro-alimentaire Transformation de légumes PMI (50) 43 ans Homme E14/PMI/IAA
15 Industrie d’équipement de bureau Fabrication de matériel d’écriture GC 44 ans Homme E15/GC/Ind
16 Industrie d’articles de sports Fabrication de matériels GC 57 ans Homme E16/GC/Ind
17 Industrie nautique Fabrication de bateaux de plaisance GC 40 ans Homme E17/GC/Ind
18 Energie Production et distribution d’électricité GC 35 ans Homme E18/GC/Énergie
19 Industrie Pharmaceutique Fabrication de médicaments et vaccins GC 57 ans Homme E19/GC/Pharma
20 Industrie de transformation de métaux Fabrication de fixations métalliques GC 51 ans Homme E20/GC/Ind
21 Automobile Fabrication d’équipements GC 29 ans Homme E21/GC/Auto
22 Grande distribution GC 43 ans Homme E22/GC/Commerce
23 Énergie Services à la production d’énergie GC 28 ans Femme E23/GC/Énergie
Tableau 3.1. : Échantillon et profil des directeurs achats interviewés
Chapitre 3- Choix méthodologiques
115
L’observation des pratiques managériales nécessitait des entretiens avec des professionnels
expérimentés, ayant une vision suffisamment globale des activités achats pour pouvoir
identifier les dimensions comportementales pertinentes à l’international. Nous avons choisi de
contacter des praticiens appartenant au top management, ayant la fonction de directeurs des
achats et travaillant dans des entreprises ayant déjà initié l’internationalisation de leurs achats
- matières premières, composants ou produits finis-. Les contacts ont été difficiles à obtenir.
Ces managers ne sont pas joignables directement et la mise en contact n’a été rendue possible
que par recommandation.
Vingt et un de nos interlocuteurs occupent effectivement la fonction de directeurs achats.
Deux informants sont des responsables achats spécialisés dans une famille de produits. Les
vingt-trois peuvent être qualifiés d’« experts » des marchés internationaux. La notion
d’expertise qualifie des personnes «ayant une vue globale des problèmes et capables de
combiner des sources multiples » (Blattberg et Hoch, 1991). L’« expertise » de notre
échantillon est assurée par la position hiérarchique des répondants. Ce sont tous des
décideurs clés – plusieurs d’entre eux font partie du comité de direction de leur entreprise- et
forts de plusieurs années d’expérience dans leur activité. Leurs profils sont variés : âges
différents, ce qui permet d’intégrer le critère d’expérience, formation initiale différente – des
ingénieurs et des commerciaux principalement- et parcours professionnels divers reflétant les
spécificités de l’achat industriel.
Nous avons pu constater au cours des entretiens que tous ces répondants présentent les
caractéristiques personnelles et managériales de « l’état d’esprit global » décrites par
Nummela et al. (2004). Ces auteurs identifient quatre éléments contribuant au succès de
l’internationalisation d’une activité: l’orientation globale, l’aptitude au management
international, la perception du contexte international et l’ouverture à l’international.
L’orientation globale se réfère à l’attitude positive des managers à l’engagement sur les
marchés internationaux, à leur vision internationale et à leur comportement pro-actif.
L’aptitude au management international reflète leur propension à prendre des risques et à
innover. La perception du contexte international fait référence à la capacité de ces managers à
percevoir les différences entre le marché domestique et les marchés étrangers. Enfin,
l’ouverture à l’international vient de leurs caractéristiques personnelles - formation initiale,
parcours professionnel et maîtrise de langues étrangères –. Les managers présentant cet esprit
Chapitre 3- Choix méthodologiques
116
d’ouverture acceptent plus volontiers la distance psychique (Johanson et Vahlne, 1977) avec
les interlocuteurs étrangers ainsi que la prise de risque. Ils sont moins résistants au
changement et ont une attitude positive quant à l’internationalisation des activités.
En ce qui concerne la répartition sectorielle de notre échantillon, nous avons souhaité refléter
la diversité des achats industriels. Nous avons ainsi opté pour un terrain d’investigation multi
sectoriel (Cf. figure 3.3.)
Industies diverses: 8
Commerce: 3Automobile: 3
Pharmacie, Chimie: 3
Agroalimentaire: 2
Energie: 2
Télécommunications : 2
Figure 3.3. : Répartition sectorielle de notre échantillon
Compte tenu de la faible disponibilité de nos informants du fait de nombreux déplacements à
l’étranger et de leur emploi du temps extrêmement chargé, il n’était pas envisageable de les
réunir sous forme de focus group. La seule possibilité de recueillir leur témoignage consistait
à les interviewer individuellement et à suggérer un feed-back de validation.
Chapitre 3- Choix méthodologiques
117
1.2.2. Le contexte des entretiens
Nous avons mené des entretiens individuels en tant que « procédé d’investigation scientifique,
utilisant un processus de communication verbale, pour recueillir des informations en relation
avec le but fixé » (Grawitz, 2001). Ces entretiens nous ont permis d’accéder aux faits, aux
représentations et aux interprétations des acteurs sur les situations vécues (Wacheux, 1996).
L’objectif était de comprendre la perception du contexte international par les directeurs
achats. Toutefois, notre analyse se situant dans le cadre d’un modèle conceptuel existant - le
modèle d’interaction -, les entretiens semi-directifs ont été préférés à des entretiens non
directifs. Cette technique nous permettait de recentrer la discussion sur les quatre thématiques
du modèle théorique.
Dans ce type d’entretien, semi-directif, seuls les thèmes sont précisés à l’avance et les
questions ne sont pas formulées de manière définitive. Notre guide d’entretien a ainsi évolué
en fonction des interlocuteurs et des développements qu’ils proposaient. Ce mode
d’administration se base sur les recommandations de Rubin et Rubin (2005) qui définissent
trois types de questions :
- les questions principales reflétant le guide d’entretien
- les questions d’investigation destinées à compléter ou clarifier une réponse
- les questions d’implication qui visent à élaborer avec précision une idée ou un
concept.
Dans nos entretiens, les trois catégories de questions ont été utilisées tout en laissant un degré
significatif de liberté au répondant pour approfondir l’orientation qu’il donnait à son discours.
L’empathie et la flexibilité ont guidé notre comportement.
Quinze entrevues se sont déroulées sur le lieu de travail des répondants, ce qui a permis, avant
ou après l’entretien, de visiter aussi les locaux de production. La zone géographique couverte
s’étend du Finistère à la Vendée en passant par les Côtes d’Armor, l’Ile et Vilaine, le
Morbihan et la Loire-Atlantique.
Huit entretiens se sont déroulés par téléphone pour des raisons d’éloignement géographique
des interlocuteurs. Cinq d’entre eux sont localisés en région parisienne ou dans le sud de la
France et trois sont en poste à l’étranger, deux en Belgique et un en Suède.
Chapitre 3- Choix méthodologiques
118
L’accueil a été chaleureux dans tous les cas et les interviewés n’ont manifesté aucune gêne ou
méfiance, étant donné que la mise en relation s’était faite par connaissances ou par
recommandation. Nous pouvons ainsi affirmer que les biais inhérents aux entretiens semi-
directifs, tels que cités par Grawitz (2001) – l’enquêté peut ne pas répondre, être gêné ou
modifier la vérité – étaient limités du fait du climat de confiance instauré.
Chaque entretien a duré entre une heure et deux heures, en fonction de la disponibilité des
informants. Tous les entretiens ont été enregistrés et retranscrits. Ils ont généré un corpus
d’environ 150 pages.
1.2.3. Les guides d’entretien
Le guide d’entretien de la première exploration a été construit en nous inspirant du modèle
d’interaction de l’IMP que nous avons adapté à notre contexte de recherche de la manière
suivante (Cf. figure 3.4.):
Facteurs organisationnels• Rationalisation des coûts•Taille/Structure achats/Maturité• Ressources humaines
Facteurs technologiques•ERP,
•Solutions logicielles:e-sourcing, e-procurement….
Acheteur
Stratégie achatsà l’international
Processus achats
Fournisseurdistant
Pratiques différentes
Environnement
Atmosphère
Interaction
Facteurs environnementaux•Sourcing global•Complexification des opérations
Gestion globaleGlobal SRM
Figure 3.4. : Le modèle d’interaction adapté à notre problématique « relation fournisseur », d’après le modèle de l’IMP (Håkansson, 1982)
Chapitre 3- Choix méthodologiques
119
Les quatre thématiques abordées lors des entretiens sont issues de ce modèle d’interaction
adapté. Elles concernent (1) l’environnement international de l’activité achats, (2) les acteurs
en présence et notamment la localisation des sources d’approvisionnement, (3) l’atmosphère
de la relation fournisseur, particulièrement avec des fournisseurs distants situés sur des
marchés lointains tels que l’Asie ou l’Inde, et (4) l’interaction dans le processus achats, avec
une attention particulière portée sur l’utilisation de technologies supports spécifiques aux
achats.
Ce guide d’entretien de la première investigation (Cf. encadré 3.1.) n’était pas communiqué
aux informants, sauf demande de leur part, ce qui s’est produit à trois reprises. Il a alors été
envoyé par courrier électronique lors de la confirmation du rendez-vous.
A ce stade de notre recherche, nous envisagions d’analyser les réponses obtenues selon quatre
thèmes, deux relevant de notre sujet, le processus achats et l’interaction entre acheteur et
fournisseur et deux autres thèmes découlant de notre problématique, l’apprentissage et le
contrôle. Nous explicitons notre démarche de codage et de catégorisation dans la section
suivante, relative au traitement des données.
Chapitre 3- Choix méthodologiques
120
Encadré 3.1. : Guide d’entretien de la première investigation
. 1) Environnement
Quelles sont les spécificités de l’international dans votre domaine d’activité ? Quelles sont les difficultés/barrières rencontrées dans un contexte international ?
2) Acteurs en présence Pouvez-vous préciser votre mission de directeur achats ? Qui sont vos fournisseurs étrangers ? où sont-ils situés ? Vous semblent-ils « proches » ou « éloignés » ?
3) Atmosphère de la relation Quelles sont les tactiques mises en place pour contourner les difficultés ? Quelle est votre dépendance par rapport aux fournisseurs étrangers ? (nature, niveau) Qu’attendez-vous de leur implication ? Quels sont les éléments d’atmosphère auxquels vous êtes sensible ? Quels sont vos objectifs si établissement de relation pérenne ? (réduction des coûts, des délais, de l’incertitude) ?
4) Interaction et processus achats
Dans le processus achat dans votre entreprise, quelle est la place des technologies : Internet/ Extranet / EDI / Places de marché / Tel – SMS ? Selon vous, quelles sont les utilisations possibles de ces technologies pour votre mission ? Pensez-vous que vos interlocuteurs ont suffisamment de connaissances sur ces TIC ? Pensez-vous que les TIC ont une influence sur votre stratégie d’achats?
Informations sur l’E : Taille de l’E : nombre de salariés/ CA total / CA achats Degré d’internationalisation : % CA achats à l’import / CA achats Maturité des relations internationales : achats ponctuels selon les besoins stratégie de sourcing bureaux d’achats dans le monde
Profil de l’informant : Age, Fonction, Formation, Ancienneté dans les achats
Chapitre 3- Choix méthodologiques
121
Un phénomène s’est dégagé lors des entretiens de la première investigation du terrain: les
situations inattendues, dans les achats à l’international, sont fréquentes et appellent une
capacité de gestion complémentaire à celles de contrôle et d’apprentissage. Le guide
d’entretien que nous avions utilisé n’était donc pas suffisant pour caractériser ce phénomène
et pour saisir les réponses apportées par les directions achats. Nous avons par conséquent
élaboré un second support d’entretien (Cf. encadré 3.2.) destiné à compléter notre analyse. Ce
nouveau support devait nous permettre, d’une part, de cerner la perception de « l’inattendu »
par les acteurs de l’achat et, d’autre part, de recueillir les modalités des ajustements opérés. Il
est composé de deux parties distinctes. La première partie s’appuie sur la présentation par les
directeurs achats d’une expérience récente d’interaction avec un fournisseur étranger. Nous
l’avons adressée par mail aux trois directeurs achats de PMI qui ont accepté de nous
accompagner lors de notre phase d’approfondissement en leur demandant de réfléchir à leur
mode de gestion de l’inattendu.
Encadré 3.2. (partie I): Support d’entretien de la deuxième investigation
Pouvez-vous décrire une situation inattendue à laquelle vous avez été confronté récemment (vous ou votre équipe) dans vos pratiques achats sur les marchés étrangers ? Quelle était votre action initiale ? /Quelle a été la réaction de votre fournisseur ? / Quelle a été l’interaction qui s’en est suivie ?
Pour les entretiens qui ont suivi cette phase de réflexion individuelle, nous avons préparé
quelques questions destinées à nous servir de fil directeur. Mais, nous précisons que ces
questions n’étaient en aucun cas posées sous forme de questionnaire. Elles orientaient et
recadraient simplement la discussion sur le sujet de l’inattendu et du mode de gestion qui
semblait pouvoir apporter des éléments de réponses, l’improvisation.
Encadré 3.2. (partie II) : Support d’entretien de la deuxième investigation
- Avez-vous construit l’action au fur et à mesure ou aviez-vous des objectifs bien
définis à atteindre ?
- Vous êtes-vous adapté pendant l’action ou avez-vous suivi strictement un plan prédéfini ?
Chapitre 3- Choix méthodologiques
122
- Diriez-vous que cette situation était imprévue ou non ?
- Cette situation a-t-elle entraîné un changement, défini comme une modification de vos
pratiques achats habituelles ?
- Avez-vous beaucoup échangé avec votre fournisseur dans cette situation inattendue, en face à face, au téléphone ou par courrier électronique ?
- Dans cette situation inattendue, votre équipe avait-elle des procédures bien définies,
une approche standard, des connaissances, des compétences ?
- En termes de produit, cette situation inattendue a eu ou est susceptible d’avoir un effet sur la conception des produits futurs, sur le niveau de qualité attendue, sur le coût d’achat, dur les délais de livraison, etc. ?
- En termes de processus, cette situation inattendue a eu ou est susceptible d’avoir un
effet sur les apprentissages, sur les mécanismes de contrôle ?
Ces questions guidant la deuxième entrevue n’ont pas été fournies à l’avance à nos
informants. L’entretien a par conséquent évolué en lien avec la situation inattendue présentée
et au fil de l’orientation que le directeur achats choisissait.
Chapitre 3- Choix méthodologiques
123
1.2.4. Les sources de données complémentaires aux entretiens
Parallèlement aux entretiens administrés, nous avons collecté un certain nombre de données
secondaires qui nous ont permis de compléter notre connaissance des vingt-trois entreprises.
� Consultation des sites Internet des entreprises
Nous avons mené un suivi du contenu des sites web des entreprises. Ces observations nous
ont été particulièrement utiles pour
- compléter l’historique des sociétés, ce qui n’avait pas fait l’objet de question
spécifique lors des entretiens. Ce type d’information nous a servi à comprendre les
orientations stratégiques et à nous forger une idée de la trajectoire à l’international.
- prendre connaissance des valeurs annoncées, ce qui permet de comprendre les
comportements organisationnels. Ce type d’information concerne notamment la
responsabilité sociale de l’entreprise, à fortiori sur les marchés étrangers ou encore les
types d’engagement en termes de développement – « achats verts » ou « achats
durables » par exemple.
- situer les organisations sur leurs marchés avals. En effet, le site internet décline
généralement l’offre produit destinée au client final, ce qui permet de mieux cerner les
choix possibles en termes d’inputs et donc de composants qui sont achetés.
- situer les organisations par rapport aux concurrents. Les organisations affichent
parfois leurs résultats commerciaux sous forme de parts de marché détenues. Ces
renseignements peuvent là encore permettre de comprendre les choix tactiques opérés
en termes d’engagement sur les marchés internationaux.
- suivre l’« actualité » de l’entreprise, par exemple au travers de ses déplacements et de
sa participation à des salons internationaux.
Chapitre 3- Choix méthodologiques
124
� Consultation de la presse économique
Nous avons enrichi les informations dont nous disposions sur les organisations par des articles
de la presse économique – Les Echos, L’usine nouvelle, Le Monde, etc.-. Les données
collectées concernent essentiellement la vie des groupes, notamment les opérations
d’acquisition ou de rachat. Ce type d’information peut aider à donner du sens aux événements
correspondant à des ruptures dans les trajectoires de développement à l’international. C’est le
cas pour l’une des entreprises de notre échantillon faisant l’objet d’un des trois cas
approfondis – rachat par un groupe concurrent -.
� Consultation de la presse spécialisée
Différentes sources spécialisées ont retenu notre attention. Nous avons collecté des
informations relatives aux achats dans les supports qui lui sont dédiés, notamment la revue
professionnelle « La Lettre des Achats ». Cette presse propose de nombreux témoignages de
décideurs de la fonction achats ainsi que des dossiers sur les stratégies achats – exemple
« Sourcing dans les pays à bas coûts » (numéro de juillet-août 2009) - ainsi que sur les outils
d’achats en ligne – exemple « Fusions-acquisitions : unifier l’e-achat pour favoriser les
synergies » (numéro de juillet-août 2009)-.
Notre échantillon se composant de seize grandes entreprises, certaines d’entre elles sont
parfois citées ; c’est le cas dans l’article sur « l’e-achat ». Ces données ont par conséquent été
très utiles pour enrichir la connaissance de notre échantillon.
Chapitre 3- Choix méthodologiques
125
1.3. L’approfondissement du terrain au travers de trois monographies de PMI
1.3.1. Le choix de la méthode des cas
Notre choix d’études de cas découle du problème étudié et des contraintes qui lui sont
associées. Pour Yin (2003), le choix de la stratégie de recherche dépend de trois critères : le
type de question de recherche posée, la nécessité de contrôler les comportements des
individus observés et l’importance des événements contemporains par rapport aux
événements historiques.
Comment se situe notre recherche, par rapport à ces critères ?
Premièrement, notre question de recherche vise à comprendre les enjeux d’une gestion
globale de la relation fournisseur dans un contexte international tout en identifiant les
pratiques correspondantes. L’interrogation correspondante est une question « comment ». Yin
(2003) indique que trois stratégies sont alors appropriées : l’expérimentation, l’approche
historique et l’étude de cas.
Deuxièmement, nous ne pouvons exercer aucun contrôle sur les comportements des décideurs
en action. Il nous était en effet impossible de les observer sur le terrain en participant à leurs
déplacements et prises de décisions. L’expérimentation est de ce fait exclue.
Troisièmement, l’approche historique n’est pas indispensable dans la mesure où nous nous
intéressons aux pratiques actuelles des entreprises. L’importance des événements
contemporains prime sur les événements historiques. En revanche, l’analyse de trajectoires
des organisations est primordiale afin de comprendre les choix actuels issus de l’évolution de
leurs stratégies achats.
Au vu de ces critères, l’étude de cas se justifie par le caractère émergent de notre champ
d’investigation – l’improvisation dans la relation fournisseur - et par le fait que notre
recherche vise à explorer des mécanismes encore peu étudiés.
Chapitre 3- Choix méthodologiques
126
Wacheux (1996) définit l’étude de cas comme « une analyse spatiale et temporelle d’un
problème complexe par les conditions, les événements, les acteurs et les implications ». Il met
l’accent sur l’importance du contexte de l’étude, ce qui correspond à notre recherche située
dans un contexte international particulièrement turbulent.
Dans la même logique, Yin (2003) confirme l’importance du contexte et définit l’étude de cas
comme « une investigation empirique qui étudie un phénomène actuel dans le cadre de son
contexte réel lorsque les frontières entre phénomène et contexte ne sont pas clairement
évidentes et pour laquelle plusieurs sources de données sont utilisées » (p. 13).
Pour Eisenhardt (1989), l’étude de cas va au-delà de la simple présentation des faits et vise à
comprendre les dynamiques qui caractérisent les environnements spécifiques. Cette approche
méthodologique permet ainsi d’explorer, de décrire ou d’expliquer en détail un phénomène
particulier (Benbasat et al., 1987 ; Yin, 2003), voire être à l’origine de la construction de
théorie (Glaser et Strauss, 1987 ; Eisenhardt, 1989). L’étude de cas est par conséquent adaptée
pour donner une vision holiste d’un phénomène en restituant sa complexité et en montrant ses
intrications (Yin, 2003,Wacheux, 2005).
1.3.2. Notre protocole de recherche concernant les cas
Concrètement, l’approche d’un terrain par la méthode des cas permet de mettre en perspective
quatre phases non séquentielles qui se chevauchent dans le temps, selon Hlady Rispal (2002):
- l’invention qui dénote la préparation, l’élaboration du canevas de recherche
- la découverte, période de collecte de données, d’observation et de mesure, qui fournit
une information
- l’interprétation, phase d’évaluation et d’analyse, qui produit la compréhension
- l’explication ou phase de communication et de mise en forme en vue de transmettre un
message.
Notre analyse des trois cas correspond à ce protocole puisque
Chapitre 3- Choix méthodologiques
127
- la phase de préparation a consisté à sélectionner des organisations permettant d’opérer
des comparaisons de pratiques afin d’élaborer une grille de lecture unique
- la phase de découverte s’est composée d’allers-retours entre le terrain (entretiens) et
les informations secondaires disponibles dans les organisations elles-mêmes ou sur
Internet
- la phase d’interprétation a pu commencer dès les premiers entretiens, ce qui a parfois
orienté la recherche vers la collecte de nouvelles informations
- la phase d’explication permettant de clarifier les propositions a souvent été menée en
parallèle à l’analyse et à la compréhension des témoignages.
Cette vision rejoint le modèle proposé par Bonoma (1985) :
Figure 3.5. : Processus de recherche par la méthode des cas, Bonoma (1985)
Sur ce schéma, l’axe vertical se lit de haut en bas et représente la progression du niveau de
compréhension d’un cas. L’axe horizontal représente de manière classique la progression de
la recherche dans le temps.
Dans nos études de cas, notre niveau de compréhension a progressé de cette façon, passant
d’un niveau d’exploration à une étape de connaissances permettant de formuler des
propositions.
Chapitre 3- Choix méthodologiques
128
1.3.3. Le choix des trois cas
L’étude de cas est une narration qui doit, pour être intéressante et intelligible, fournir
suffisamment de détails sur les acteurs, leur contexte d’action et sur les événements qui sont
survenus durant la période étudiée (Revault d’Allones, 1989 ; Wolcott, 1990). Selon Yin
(2003), le lecteur se sent ainsi impliqué dans la situation décrite par le cas.
Notre choix d’approfondir trois cas plus particulièrement s’est effectué sur les critères
suivants :
- Le manque de travaux empiriques concernant les PME-PMI nous a incité à centrer
notre analyse sur les organisations de taille moyenne plutôt que sur les grandes.
- Parmi les sept PMI avec lesquelles nous étions en contact, nous avons choisi de tenir
compte du facteur de contingence « taille de l’entreprise » mis en lumière dans la
revue de littérature. Les entreprises choisies emploient respectivement 50, 150 ou 250
salariés, ce qui reflète la diversité de la « taille moyenne ».
- La littérature portant sur le sourcing international ayant fait ressortir l’importance des
systèmes d’information (SI) support, nous souhaitions observer et analyser des
structures achats s’appuyant sur un minimum de technologies d’information (TI) leur
permettant de s’adapter aux évolutions du contexte international.
Afin d’effectuer un choix combinant ces différents critères, nous avons élaboré un tableau
nous permettant de comparer les sept PMI (Cf. tableau 3.2.).
Chapitre 3- Choix méthodologiques
129
Entretien / code Secteur d’activité PME (nb
salariés) Support du
SI TI Achats
3 E3/PMI/Ind
Industrie de transformation de
métaux Fabrication de blocs forés hydrauliques
PMI (140) Internet Non
6 E6/PMI/Auto
Automobile Fabrication de véhicules sans
permis
PMI (150) ERP* groupe
Place de marché
Sourcing Parts
8 E8/PMI/Auto
Automobile Fabrication de camping-cars
PMI (150)
ERP groupe depuis 2007 Non
9 E9/PMI/Ind
Industrie d’équipements
industriels Fabrication de
pétrins
PMI (250) ERP / SAP** 2 critères
prix, délais
12 E12/PMI/Commerce
Commerce Interentreprises
Négoce de produits finis plastiques
PMI (15) Internet Non
13 E13/PMI/Ind
Industrie d’équipements de
loisirs Fabrication de
résidences mobiles
PMI (250) Internet Non
14 E14/PMI/IAA
Agro-alimentaire Transformation de
légumes
PMI (50)
ERP « maison » Projet
Tableau 3.2.: PMI et Structure Achats
*ERP = Enterprise Resource Planning ou PGI progiciel de gestion intégré **SAP = Systems, Applications, and Products for data processing, nom d’un progiciel de gestion intégré
En croisant les différents critères exposés précédemment, nous avons retenu les entreprises 6,
9 et 14. Ces trois cas balaient le champ des PMI en termes de taille, de diversité de secteur
d’activité et d’adoption de technologies supports aux achats.
Chapitre 3- Choix méthodologiques
130
Nous allons maintenant spécifier les principales caractéristiques de ces trois entreprises afin
de mieux comprendre leur expérience de gestion globale de la relation fournisseur. La
présentation se fait dans l’ordre des entretiens retenu dans les tableaux précédents. Afin de
faciliter la lecture et la comparaison des situations, nous respectons un plan de présentation
identique pour les trois entreprises :
- présentation de la PMI et du groupe auquel elle est rattachée
- présentation de l’activité de production et de commercialisation
- présentation de l’activité achats et des fournisseurs
Nous rappelons que le recueil des informations s’est déroulé en deux temps : le premier
entretien avec le directeur achats, au printemps 2008, portait sur les enjeux et défis de
l’internationalisation de son activité. Le second entretien, au printemps 2009, était focalisé sur
les situations inattendues et les solutions apportées. Les informations primaires issues de ces
entretiens ont été complétées entre temps par des informations secondaires -documents
papiers ou électroniques-, collectées dans les organisations elles-mêmes ou sur Internet.
Chapitre 3- Choix méthodologiques
131
1.3.3.1. Microcar, un cas de management pro-actif des achats à l’international
� L’évolution de Microcar au sein de trois groupes
Créée en 1981, Microcar (petite voiture) est un constructeur automobile commercialisant des
véhicules sans permis (VSP). Historiquement, la société avait pris naissance au sein du
groupe Jeanneau, constructeur vendéen de bateaux de plaisance. Puis elle était devenue une
filiale du groupe Bénéteau lors du rachat des chantiers Jeanneau en 1996 par Bénéteau.
Microcar est néanmoins une PMI indépendante au statut juridique de société par action
simplifiée (SAS) contribuant à hauteur 4% au chiffre d’affaires total de Bénéteau. C’est
également une PMI autonome en terme de décisions d’investissement et de management.
En 2008, le groupe Bénéteau se recentre sur ses pôles plaisance et habitat de loisir et cède le
pôle automobile Microcar à un holding formé par Automobiles Ligier et par 21 Centrale
Partners, une société de gestion apparentée à la famille Benetton. Cette opération de fusion
prévoit que les deux sociétés précédemment concurrentes Microcar – numéro 2 détenant 21%
du marché européen - et Ligier -basé à Vichy et numéro 3 sur le marché des VSP- gardent
leurs marques, leurs salariés et leurs réseaux commerciaux. L’objectif annoncé est de réunir
leurs forces pour concurrencer le n° 1 français, Aixam (13 980 ventes en 2007 contre 6894
pour Microcar et 6628 pour Ligier). « Le rapprochement de Ligier et de Microcar devrait
permettre des économies d’échelle, notamment sur les achats » affirmait le président du
directoire de la holding lors du rapprochement des sociétés en septembre 2008.
� L’activité de Microcar : une montée en puissance régulière
Microcar emploie 150 salariés sur un seul site de production de plus de 10 000 m², situé en
Vendée (Montaigu). L’usine produit 7000 voitures par an, selon une cadence quotidienne
moyenne de 35 véhicules/jour. Ce site s’est doté récemment d’un atelier de thermoformage,
investissement lourd mais qui permet à l’entreprise de réduire sa dépendance fournisseurs sur
les coques produites. Le chiffre d’affaires généré était de 58 millions d’euros en 2007.
Chapitre 3- Choix méthodologiques
132
Concernant la commercialisation, la société est présente dans quatorze pays via un réseau de
800 distributeurs en Europe, dont 80 en France. Ils sont en contact avec le siège de Microcar
via un outil de type extranet qui leur permet de gérer en direct et en temps réel les demandes
de prise de garantie, les commandes de pièces de rechange et d’être livrés – pour les 80
distributeurs métropolitain- sous 24 heures. Les véhicules commercialisés évoluent en
permanence. Depuis le premier modèle en 1981 à moteur thermique jusqu’à la voiture
électrique lancée au salon mondial de l’automobile en 2008, l’entreprise a toujours fait
évoluer sa gamme pour intégrer des équipements innovants et centré sur la sécurité (1985 :
ceinture de sécurité, 1997 : 3ème feu stop et feux de détresse, 2005 : Air bag adapté VSP). En
28 ans, une dizaine de projets de conception de nouveaux produits ont vu le jour, soit un cycle
de développement de produit de trois ans en moyenne.
Nous notons que la démarche qualité de l’entreprise est particulièrement valorisée par les
certification ISO 9001 et ISO 14001, ce qui en fait le seul constructeur de voitures sans
permis certifié en France et constitue un avantage distinctif significatif.
� L’activité achats : huit années de structuration des processus
Concernant les achats de production, Microcar travaille avec environ 150 fournisseurs partout
dans le monde. L’entreprise est à la recherche permanente d’innovation et souhaite s’assurer
les meilleures sources d’approvisionnement quelque soit leur localisation géographique. Le
nombre de références à sourcer est d’environ 900.
L’organisation du service achats a débuté en 2001 avec l’arrivée d’une directrice des achats
ayant pour objectif de faire évoluer la fonction d’une stratégie d’approvisionnement locale à
une stratégie achats orientée vers un sourcing plus global. L’équipe composée de quatre
personnes s’est donc peu à peu frottée aux marchés internationaux pour rechercher de
nouveaux fournisseurs et des produits répondant aux exigences de qualité de l’entreprise.
L’objectif de rationalisation des coûts est important puisque les achats de composants –
vitrages, châssis, roues, etc.- d’équipements – autoradios, miroirs, etc. - et de solutions
fonctionnelles – circuit électrique par exemple- représentent 70% du coût de revient final du
Chapitre 3- Choix méthodologiques
133
véhicule. La contribution des achats à la valeur ajoutée est donc incontestable. En revanche, la
direction des achats se montre exigeante en termes de qualité des produits achetés, non
seulement pour assurer la technicité de ses innovations mais encore pour répondre aux normes
de sécurité particulièrement importantes dans le secteur automobile.
L’évolution du sourcing s’est déroulée progressivement pour ne pas rompre trop brutalement
les habitudes de travail. Le service achats s’est d’abord tourné vers des pays proches en
Europe puis vers les pays du Maghreb. Le sourcing lointain vers l’Asie est beaucoup plus
récent. Dans tous les cas, Microcar souhaite garder une certaine proximité avec les
fournisseurs qu’elle sélectionne et les accompagne si besoin dans leur démarche de progrès.
Les déplacements et la présence auprès des fournisseurs sont donc réguliers et fréquents.
Microcar utilise différents modes de présence: en direct, par des agents et par des bureaux
d’achats professionnels ou par des sociétés de sourcing.
« Avec les trois formules, on se fait sa propre idée de ce qu’est le marché, de ce que
l’on peut en attendre, de quels sont les enjeux, les risques. Et cela permet aussi de mûrir
ce que l’on peut en retirer et comment. Il n’y a pas de formule magique. Moi je crois
qu’il n’y en a pas. Par contre, le fait d’avoir utilisé les trois formules permet aussi
d’avoir une idée de leurs apports » (Directrice Achats).
Nous représentons par le schéma suivant le processus d’internationalisation des achats de
Microcar :
.
Achats
domestiques
en direct
Europe
Direct +
Agents commerciaux
Pays
du Maghreb
Direct +
Agents
2001 2009
Asie
Bureaux
d’achats +
Sociétés de
sourcing
Engagement à l’international
(Trent, Monczka,2002) Internationalisation des achats de Microcar
Aucun
Achats à l’international
Sourcingglobal
Figure 3.6. Processus d’internationalisation des achats de Microcar
Chapitre 3- Choix méthodologiques
134
Il s’agit d’un processus par étapes relativement rapide (8ans) combinant différentes modes de
présence sur différentes zones géographiques, la logique de la politique d’achats étant de
tendre vers le sourcing global.
Actuellement sur 900 références représentant la totalité des achats, 40% sont des achats
domestiques et 60% proviennent de l’étranger.
Chapitre 3- Choix méthodologiques
135
1.3.3.2. Vendée Mécanique Industrie (VMI), un cas d’internationalisation partielle des achats
� L’évolution de VMI au sein de groupes internationaux
Créée en 1960 à Montaigu, l’entreprise Vendée Mécanique est à l’origine spécialisée dans la
fabrication de mélangeurs industriels et d’agitateurs pour l’industrie pharmaceutique. En
1978, elle oriente son savoir-faire vers la fabrication de pétrins pour le secteur de la
boulangerie. L’entreprise développe cette activité d’une part en rachetant des marques
renommées telles que Phébus et Mahot et d’autre part en consacrant des ressources à la
recherche-développement afin de déposer des brevets de fabrication. Dans les années quatre-
vingts, VMI conçoit plusieurs systèmes de pétrissage automatisés qui lui permettent de
confirmer son positionnement de spécialiste des pétrins. L’entreprise prend pour raison
sociale le nom de Vendée Mécanique Industrie (VMI) et entre en bourse. En 1992, VMI
fusionne avec l’entreprise Rayneri, spécialiste des mélanges industriels et toute l’activité du
groupe est alors centralisée sur le seul site de Montaigu. Devenu la propriété du groupe Suez
(actionnaire unique) en 1994, VMI initie son expansion commerciale internationale en 1995
en créant deux filiales en Italie, Sigma et VMI Berto. VMI réalise ainsi dès 1996 40% de son
chiffre d’affaires à l’export. En 1998, la propriété de VMI passe au groupe Bretèche Industrie
fédérant des PMI fournisseurs d’équipements alimentaires. Le Groupe Bretèche Industrie est
actuellement constitué de 9 sites industriels en Europe (6 en France, 1 en Allemagne, 1 en
Italie, 1 en République Tchèque) et de deux implantations commerciales (en Espagne et en
Russie). Entre temps, l’internationalisation des activités commerciales de VMI a repris en
2007 par l’implantation de VMI aux Etats-Unis au travers d’une nouvelle filiale, VMI North
America Inc.
� L’activité de VMI: la spécialisation dans le pétrin
L’entreprise emploie aujourd’hui 250 salariés et dispose d’un parc installé de 170 000
machines sur le site de Montaigu comportant 17 000m² de bureaux et d’ateliers. Le chiffre
d’affaires généré en 2007 était de 53 millions d’euros.
Chapitre 3- Choix méthodologiques
136
VMI commercialise une gamme étendue de solutions d’équipements adaptés à divers
mélanges de matières. L’activité peut être résumée en deux grandes familles :
- fabrication de pétrins et mélangeurs pour les filières agro-alimentaires, notamment
pour les secteurs de la boulangerie et pâtisserie artisanale et industrielle
- fabrication de pétrins et mélangeurs pour les filières industrielles, dont l’industrie
chimique et pharmaceutique ou encore le secteur des cosmétiques.
Concentrée depuis l’origine sur le segment de la boulangerie-viennoiserie-pâtisserie (BVP),
les produits phares sont les pétrins que l’entreprise répartit en différentes gammes qualifiées
de la manière suivante:
- Pétrins à bras plongeants, le pétrissage à l’ancienne
- Pétrins Mahot, la tradition par excellence
- Pétrins à axe oblique cuve fixe, le pétrissage à la française
- Pétrins à axe oblique pour pains spéciaux, la tradition diversifiée
- Pétrins à axe oblique cuve sortante, la productivité et la tradition
- Pétrins à axe oblique à déversement, l’automatisation et la qualité
- Pétrins à spirale cuve fixe, la rapidité et la logeabilité
- Pétrins à spirale cuve sortante, la productivité par excellence
- Pétrins à spirale à déversement, les performances extrêmes
Encadré 3.3. Extraits du site www. vmi.fr , gammes de produits
Le pétrissage constitue par conséquent le cœur des recherches et des développements de
l’entreprise. Les machines emblématiques sont les premiers pétrins à spirale conçus par VMI
en 1980, les systèmes de pétrissage automatisé élaborés spécifiquement pour certains clients
en 1988, 1989 et 1991 puis le premier pétrin horizontal à cuve refroidie créé en 2001.
En ce qui concerne les autres produits commercialisés, mélangeurs, agitateurs, émulseurs,
batteurs, l’entreprise propose également une gamme évolutive au gré des innovations. Les
derniers développements en 2007 concernaient par exemple des systèmes automatisés de
fermentation.
Chapitre 3- Choix méthodologiques
137
VMI est par conséquent une entreprise qui adapte en permanence son offre produit aux
évolutions des procédés de fabrication de ses clients de l’agro-alimentaire et de l’industrie
pour lesquels le mélange, le pétrissage, le malaxage, l’homogénéisation, la dispersion ou
l’émulsion constituent des étapes importantes. L’entreprise a ainsi acquis des savoirs au
contact de ces différentes filières et les a constamment intégrés dans ses propres travaux en
recherche et développement. L’équipe R&D est constituée d’ingénieurs et de techniciens,
compétents dans les domaines de la mécanique, de l’électronique, de l’automatisme, ce qui a
permis à VMI de déposer une vingtaine de brevets de fabrication au cours des dix dernières
années. Deux laboratoires d’essais permettent non seulement de tester les avancées
technologiques mais également d’inciter les clients à venir valider de manière conjointe
l’adéquation des machines à leurs besoins. L’écoute du client est ainsi poussée jusqu’à
modifier certains paramètres de fabrication des machines. Les bureaux d’études vérifient
ensuite l’optimisation des différents procédés à mettre en œuvre. Ils sont constitués d’une
cinquantaine de personnes réparties en trois équipes spécialisées : filière boulangerie, filière
industrielle, automatismes. En termes de fabrication, les machines sont entièrement
assemblées sur le site vendéen et tous les automatismes sont testés. Puis, les machines sont
démontées et expédiées chez le client où elles sont une nouvelle fois assemblées par une
équipe VMI. Un même chef de projet supervise le montage dans les ateliers de l’usine puis le
montage final sur site jusqu’à la mise en route en présence du client.
L’entreprise s’appuie sur un réseau de distribution mondial. En France, VMI compte 300
distributeurs susceptibles de fournir pétrins, batteurs et mélangeurs aux artisans boulangers,
aux pâtissiers et aux collectivités. A l’international, VMI est présente dans 90 pays sur les
cinq continents au travers d’agents locaux spécialement formés à la maîtrise des produits. Au
siège, ce sont trois équipes commerciales distinctes qui sont chargées des relations client : une
équipe « Artisanat », une équipe « BVP industrielle » et une équipe « Rayneri ». Le service
d’administration des ventes traite 600 dossiers par mois et organise plus d’une centaine
d’installations sur site par an. Quant aux pièces détachées relevant du service après-vente, la
majorité d’entre elles sont livrées dans la journée en France et en quelques jours à l’étranger.
L’écoute des besoins du client, la capacité d’innovation, le professionnalisme de la fabrication
et l’organisation logistique constituent par conséquent les avantages distinctifs de l’entreprise
VMI.
Chapitre 3- Choix méthodologiques
138
� L’activité achats : pièce maîtresse dans le cadre d’une entreprise d’assemblage
VMI ne fabrique aucun composant, c’est une entreprise qui assemble. Tous les éléments
constitutifs des machines sont par conséquent achetés et ce mode de production rend la
direction des achats particulièrement stratégique. Les achats sont d’ailleurs répartis en deux
grandes catégories : les achats stratégiques (20% des achats mais 80% de la valeur totale des
produits achetés) et les achats non stratégiques.
Le nombre de références stockées en permanence sur le site vendéen est de 11 000 et le
nombre de produits achetés chaque année s’élève à 150 000. La direction des achats passe
pour cela 4500 lignes de commandes par mois pour un montant global de 24 millions d’euros.
Les relations avec les fournisseurs sont de deux natures :
- la sous-traitance qui permet de garder la maîtrise technique des produits. VMI
demande à des prestataires qui ont des compétences en usinage ou autres de réaliser un
produit sur plans, selon des spécifications précises. Ce type d’achats représente la
moitié du montant total, 12 millions d’euros.
- les achats de composants industriels pour un montant équivalent de 12 millions
d’euros. Dans ce cas, VMI achète une « solution » fonctionnelle et laisse la
responsabilité technique au fournisseur. « Si on achète un câble électrique, la fonction
que l’on demande c’est que le câble conduise d’un point à un autre. C’est de la
responsabilité du fournisseur de proposer une solution ». (Directrice des achats)
Cette répartition par nature d’achats a déterminé l’organisation du service de quinze
personnes au total y compris la directrice achats. Elles sont réparties en trois pôles
représentant les spécificités des produits achetés :
- un pôle « composants industriels » qui est chargé des achats de fournitures
« catalogue ». Il est constitué de six personnes sous la responsabilité d’un responsable
achats composants industriels
- un pôle « sous-traitance » qui est chargé des achats sur plans. Il se compose de sept
personnes sous la responsabilité d’un responsable sous-traitance
- et un pôle « expédition transport » qui est chargé de l’achat des services logistiques (1
personne)
Chapitre 3- Choix méthodologiques
139
La sélection des fournisseurs (sourcing) et l’international sont réalisés par la directrice des
achats qui, selon ses propos « débroussaille le terrain, voyage et tisse un réseau ». Une fois
que les produits sont homologués par la directrice achats, la relation fournisseur est confiée
aux responsables achats afin qu’ils mettent en œuvre la contractualisation et
l’industrialisation.
Les panels fournisseurs sont différenciés selon la nature des produits achetés. VMI travaille
avec environ 500 fournisseurs pour les composants industriels et 350 fournisseurs au niveau
de la sous-traitance où il y a un travail de fidélisation plus important. En effet, sur des
produits techniques comme ceux de VMI, la phase d’homologation des produits est
relativement longue - trois mois par exemple pour un moteur – ce qui incite l’entreprise à
garder les fournisseurs qu’elle connaît et qui donnent satisfaction plutôt que d’en changer.
Pour chacun des panels, VMI a mis en place en 2008 une politique de double sourcing. La
direction des achats a identifié toutes les pièces à risques et tous les fournisseurs défaillants. A
partir de cette double analyse sur ces deux paramètres, le sourcing a été doublé. Cela signifie
que l’entreprise dispose en permanence de deux fournisseurs : un préférentiel et un outsider
auquel elle donne quelques commandes pour le motiver. Ce qui a orienté VMI dans cette
démarche, c’est aussi la préoccupation de ne pas représenter un poids trop important chez un
fournisseur.
Le double sourcing est également lié au développement des achats à l’international dans les
pays « low cost ». Sur certaines pièces qui ne sont pas stratégiques, l’entreprise a mis en place
une politique de « low cost » de manière à pouvoir baisser le coût de revient de ses machines
dans un objectif de compétitivité accrue. La direction des achats a par conséquent identifié les
pièces qui ne sont pas stratégiques et pour lesquelles elle sait qu’elle pourra se fournir en
France en cas de défaillance du fournisseur étranger – essentiellement pour des questions de
délais –.
Le sourcing international concerne donc uniquement les achats non stratégiques (80% du
total). Et la répartition entre achats domestiques et achats sur les marchés étrangers est
environ deux tiers / un tiers. Les achats ponctuels à l’étranger ont été initiés il y a une
quinzaine d’années à l’époque où l’entreprise a créé deux filiales en Italie. Mais ils n’ont
longtemps représenté qu’un très faible pourcentage du total des achats et ont été réalisés
essentiellement en Europe (pays de l’est notamment). Le décollage de l’internationalisation
des achats s’est vraiment effectué en 2008 avec l’arrivée d’une nouvelle directrice des achats
Chapitre 3- Choix méthodologiques
140
qui a immédiatement lancé le sourcing en Chine, en Thaïlande et en Inde en complément de
l’Europe de l’est. Sur les marchés européens, les achats sont réalisés en direct. En revanche,
sur les marchés distants, une présence locale sur place est considérée comme indispensable
par l’entreprise qui utilise alors les services d’un agent dans chacun des pays. Ces agents,
parlant parfaitement la langue locale sont chargés de mettre en œuvre les contrôles
systématiques des processus de fabrication demandés par VMI.
L’objectif de rationalisation des coûts de revient est omniprésent et justifie le sourcing
international. « Si on veut diminuer nos coûts de revient, pour nous l’international est
incontournable. C’est un rapport de 1 à 10. Je vous donne un exemple. Je sous-traite tous
mes roulements – non stratégiques - en Chine. J’avais un portefeuille de 130 000 €. Je les
achète en Chine 20 000 €, contrôles compris, transport compris. Et l’usine que j’ai choisie,
elle est ‘ nickel’ ». (Directrice des achats).
Nous représentons par le schéma suivant le processus d’internationalisation des achats de
VMI :
.
Achats domestiques
en direct
Europe(principalement Pays de l’est)
en direct
1995 2009
Chine, Inde
Thaïlande
Agents
commerciaux
Engagement à l’international
(Trent, Monczka,2002)
Internationalisation des achats de Vendée Mécanique Industrie (VMI)
Aucun
Achats à l’international
Sourcingglobal
2008Nouvelle
Directrice des
achats
Europe
en direct
Figure 3.7. Processus d’internationalisation des achats de VMI
Il s’agit d’un processus par étapes relativement lent (15 ans) combinant deux modes de
présence sur des zones géographiques limitées. La logique de la politique d’achats est au
développement du sourcing international depuis l’arrivée de la nouvelle directrice achats en
2008.
Chapitre 3- Choix méthodologiques
141
1.3.3.3. CECAB, un cas d’initialisation des achats à l’international
� CECAB, un groupe agroalimentaire de forme coopérative dirigé comme une PMI
Le groupe CECAB ou Centrale Coopérative Agricole Bretonne a été créé en 1968. La
CECAB naît du regroupement de cinq coopératives morbihannaises. A cette époque, la
CECAB rassemble principalement des activités de production (céréales, pommes de terre,
légumes, porcs), transformation (conserves), service (collecte, transport et stockage des
productions agricoles, approvisionnement et suivi technique des exploitations). Très vite, la
CECAB rassemble un nombre de plus en plus important d'adhérents et de productions
agricoles, tout d'abord dans le Morbihan, puis au-delà même du département et de la région.
En parallèle, elle investit dans les moyens nécessaires pour transformer et commercialiser les
productions de ses adhérents.
En 1979, le groupe acquiert la Compagnie générale de conserve (CGC). Outre l’acquisition de
plusieurs usines, ce rachat permet à la CECAB de devenir propriétaire de la marque d’Aucy.
Cinq ans plus tard, en 1984, la marque d’Aucy devient leader sur le marché des légumes
appertisés en France. Ce développement autour du légume en conserve apporte à la CECAB
de nouveaux moyens financiers, ce qui lui permet de s’orienter vers de nouveaux métiers,
proches par leur technologie (plats cuisinés et aliments pour chiens et chats en conserve) ou
par la nature des produits (surgelés).
En quarante ans, la CECAB est devenu un des premiers groupes agro-alimentaires français
réunissant sous forme coopérative 8000 producteurs adhérents. Le groupe réalise un chiffre
d’affaires de 1,4 milliard d’euros (chiffre en 2007) au travers de 36 unités industrielles -en
France mais aussi en Espagne, Hongrie, Pays-Bas, Pologne et Russie- et de filiales
commerciales en Europe -Allemagne, Espagne, Grande-Bretagne, Italie, Hongrie, Pays-Bas,
Pologne- ainsi qu’au Brésil, au Japon et en Russie.
Le groupe CECAB se situe sur les marchés comme un groupe agroalimentaire important.
Néanmoins, en termes de gouvernance, ce groupe est dirigé comme une PMI. L’organe de
direction, constitué en groupement d’intérêt économique (GIE), fonctionne avec seulement
cinquante personnes. Le comité de direction n’est composé que de douze membres: un
directeur général, quatre responsables de branches (d’Aucy long life, d’Aucy frozen food,
Chapitre 3- Choix méthodologiques
142
activités agricole et œufs) et sept directeurs de services fonctionnels (direction Finances et
Planification stratégique, Secrétariat général, direction Technique, direction des Ressources
Humaines, direction Informatique, direction des Marchés et Produits et direction des Achats).
Chacune des directions fonctionnelles ne compte par conséquent que quelques salariés.
� L’activité du groupe CECAB et du pôle légumes : une place de challenger dans une
logique d’internationalisation
Aujourd’hui, les activités du groupe CECAB sont réparties en cinq branches :
- d’aucy long life. Cette branche produit les appertisés (conserves) : légumes, plats
cuisinés et aliments pour chiens et chats, grâce à 18 unités industrielles. C’est le cœur
de métier du groupe, la branche contribue à 39% du CA. Gestion de la marque
d’Aucy.
- viandes: porc et dinde. 1 unité industrielle. 24% du CA
- activités agricoles : productions végétales et animales. 1 unité industrielle. 19% du CA
- d’aucy frozen food : Légumes et fruits surgelés. 9 unités industrielles. 9% du CA
- oeufs: oeufs coquilles, ovoproduits et produits élaborés. 7 unités industrielles. 9% du
CA. Gestion de la marque Mâtines.
Des regroupements transversaux sont effectués. Ainsi, le « pôle légumes » regroupe les
légumes appertisés et surgelés. Ce pôle est chargé de commercialiser la production de 1650
producteurs adhérents en France et de quelques quatre cents producteurs à l’étranger –
Espagne, Hongrie, Pologne, Russie -. Le pôle légumes représente 48% du chiffre d’affaires du
groupe et lui permet d’obtenir la place de 2ème producteur français de légumes transformés
(40% de la production française) derrière Bonduelle et la deuxième place également sur le
marché européen.
A l’export, la recherche de nouveaux débouchés sur les marchés étrangers a débuté dès 1979,
date à laquelle le groupe s’étoffe d’un réseau de distribution en Allemagne grâce au rachat de
la Compagnie générale de conserve (CGC). En 1990, le groupe s’étend de nouveau à
l’international en achetant une conserverie en Espagne, la Horticola del Ebro ainsi qu’une
Chapitre 3- Choix méthodologiques
143
conserverie française -Peny- qui dispose d’un réseau de distribution en Grande-Bretagne. Le
développement international est ensuite en sommeil jusqu’aux années 2000.
En 2006, le groupe CECAB achète une société hongroise – Globus -. Et en 2007, 53 millions
d'euros sont investis à l'international notamment en Hongrie, Pologne et Russie où une
conserverie a été mise en service, avec une capacité de production de 80 millions de boîtes de
petits pois et de maïs sous les marques Globus et D'Aucy. La CECAB réalise ainsi 380
millions d'euros de chiffres d'affaires à l'étranger en 2007, soit 27% du chiffre d’affaires total.
� L’activité achats : une ouverture à l’international minime et récente
La création de la direction achats dans sa configuration actuelle date de 2006, époque à
laquelle le directeur des achats a été recruté pour son expérience dans le domaine
agroalimentaire mais également pour son expérience de l’international. Elle s’est ainsi
structurée pour remplacer un service approvisionnements et donner aux achats plus
d’importance. Le directeur des achats est d’ailleurs membre du comité de direction.
La direction des achats emploie huit personnes pour effectuer les achats centralisés du groupe.
Outre deux assistantes, six personnes constituent véritablement l’équipe achats: le directeur
des achats, quatre responsables achats – Services, Transports, Emballages, Ingrédients et
matières premières- et un acheteur de services. Il existe par ailleurs sept « coordinateurs
achats » situés dans les branches (branche œufs) ou filiales du groupe (un en Russie et un en
Pologne par exemple). Ces coordinateurs n’ont qu’une dépendance fonctionnelle et non
hiérarchique par rapport au directeur des achats. Les responsables achats sont spécialisés par
types de produits achetés.
Les achats centralisés d’ingrédients et de matières premières (principalement des légumes)
sont liés aux productions des adhérents. Il convient de les considérer comme des achats
domestiques. En cas de rupture dans la production de l’un ou l’autre des légumes, des achats
complémentaires sont effectués auprès de producteurs non adhérents à la coopérative mais
toujours en France. Dans les pays où le groupe possède des implantations industrielles -
Espagne, Hongrie, Pologne et Russie-, les achats sont effectués par les coordonnateurs locaux
Chapitre 3- Choix méthodologiques
144
et ne concernent que l’organisation des approvisionnements depuis les producteurs ayant
adhéré au groupement.
Les achats centralisés de transports sont également des achats domestiques. En effet, le
transport des légumes vers les usines pour l’appertisation et la surgélation (transports frigo)
est très contraignant et nécessite la proximité du prestataire entre les lieux de production et les
ateliers de transformation.
Les achats centralisés de services concernent notamment les achats de voyages pour les
déplacements des membres du groupe, les prestations de communication et les prestations
informatiques. Tous ces achats sont uniquement domestiques. Sous cette bannière sont
également effectués les achats généraux de toutes sortes (fournitures de bureau classiques
mais également fournitures d’équipement du personnel des usines, telles que des chaussures
de sécurité par exemple). Pour ces dernières fournitures, quelques demandes de devis et des
commandes tests ont été passées à l’étranger. Mais cette approche est encore embryonnaire.
Les achats centralisés d’emballages en revanche font l’objet d’une ouverture à l’international.
En effet les achats des divers contenants - bocaux en verre, boîtes de conserve, sachets en
aluminium, barquettes en plastique, etc. – sont considérés comme des achats production
stratégiques. Le coût de revient d’un bocal de légumes peut être fortement affecté par
l’évolution des prix du verre. Et les fournisseurs de ce type de produit sont de grands groupes
qui répercutent les variations sur leurs prix de vente. De plus, ils sont très peu nombreux et
leurs prix sont pratiquement toujours alignés. Pour les autres types d’emballages, la
concentration des fournisseurs est un peu moins forte mais la recherche de fournisseurs est
complexifiée par l’existence de normes spécifiques pour les emballages de produits
alimentaires. De ce fait, la relation avec des fournisseurs étrangers est rendue difficile en
raison du niveau de qualité attendue par le groupe CECAB et de la détermination des seuils de
tolérance qu’elle est susceptible d’accepter.
Actuellement le panel de fournisseurs étrangers est par conséquent très restreint et les achats à
l’international représentent à peine 5% du total des achats. Le sourcing international et le
référencement de fournisseurs qui pourraient être des partenaires commerciaux réguliers est
en cours mais seulement en phase de démarrage. La recherche de fournisseurs étrangers se
limite à quelques pays : Chine, Inde et Turquie. Elle s’effectue en direct par le directeur des
achats qui utilise ponctuellement les services d’agents commerciaux spécialisés dans le
matériau recherché.
Chapitre 3- Choix méthodologiques
145
Comme pour les deux cas précédents, nous représentons par le schéma suivant le processus
d’internationalisation des achats du groupe CECAB :
.
Achats domestiques
en direct
1995 2009
Chine, Inde,
Turquie
Direct + Agents
commerciaux
Engagement à l’international
(Trent, Monczka,2002)
Internationalisation des achats du groupe CECAB
Aucun
Achats à l’international
Sourcingglobal
2006
Recrutement d’un directeur
des achats
2008
Figure 3.8. Processus d’internationalisation des achats du groupe CECAB
Il s’agit d’un processus en phase de démarrage (depuis 2008) suite au recrutement d’un
directeur des achats en 2006. Les zones géographiques de recherche de fournisseurs sont
limitées aux pays « low cost » (Asie essentiellement). La contrainte de rationalisation des
coûts de revient des emballages incite toutefois au développement des achats à l’international.
Chapitre 3- Choix méthodologiques
146
Nous synthétisons dans le tableau suivant la présentation des trois PMI :
E6/PMI/Auto Microcar
E9/PMI/Ind Vendée Mécanique
Industrie (VMI)
E14/PMI/IAA CECAB
Date de création 1980 1960 1968
Forme juridique Société par Action Simplifiée (SAS) Société anonyme GIE (Groupement
coopératif)
Groupe d’appartenance
- Jeanneau 1980 - 1996 - Bénéteau 1996 - 2008 - Drive Planet depuis sept. 2008
VMI / Rayneri Groupe CECAB
Effectif 150 250 50 (gouvernance)
CA brut 58 Millions € (2007) 53 Millions € (2007) CA groupe : 1,4 Milliard € (2007)
Place / marché 3ème européenne 1er en France 2ème européenne
Produits commercialisés
Véhicules sans permis (7000 véhicules produits / an)
- Matériel pour le secteur agro-alimentaire - Matériel pour d’autres filières industrielles
- Légumes appertisés et surgelés (48% A) -Viandes (24% CA) - Activités agricoles (19% CA) - Œufs (9% CA)
Création direction achats 2001 2000 2006
Effectifs Achats 4 (2008) / 3 (2009) 15 6
Produits achetés Achats production
- Moteurs - Métaux / Plastiques - Accessoires automobiles (Solutions fonctionnelles complètes)
- Moules - Composants - Produits finis (solutions fonctionnelles)
- Matières 1ères (légumes, viandes, oeufs) - Emballages (verre, métal, carton…)
Critères principaux de sélection d’un fournisseur
- Sa motivation - Sa stratégie export - % dans son CA
- Son savoir-faire - Sa capacité de progression
- Traçabilité - Sécurité
Tableau 3.3. : Caractéristiques principales des trois PMI
Chapitre 3- Choix méthodologiques
147
2. CHOIX METHODOLOGIQUES RELATIFS A LA RESTITUTION DES DONNÉES
Dans cette section, nous détaillons les méthodes d’analyse retenues afin de traiter les
informations collectées, le codage du contenu des entretiens et la catégorisation réalisée.
2.1. Les méthodes d’analyse des informations collectées
Nos données sont issues de plusieurs sources: des entretiens semi-directifs, des analyses de
discours et des études de cas. Les informations collectées lors des vingt-trois premiers
entretiens constituent un corpus d’environ 150 pages. Les informations obtenues par la suite
grâce à la veille sur les sites Internet, la documentation papier et lors des trois entretiens
approfondis constituent un corpus complémentaire de données textuelles.
La première étape du traitement des vingt-trois entretiens a été réalisée manuellement dans un
premier temps : codage et catégorisation de toutes les informations audio retranscrites sous
forme textuelle. Il s’agissait pour nous de faire ressortir les idées centrales des interviewés sur
les thématiques du guide d’entretien initial : l’environnement international, l’atmosphère de la
relation, la perception des acteurs et les résultats attendus de l’interaction.
Une synthèse des entretiens a été réalisée faisant ressortir les principales observations sous
forme d’enjeux et de défis. Elle a été soumise aux vingt-trois experts pour validation. Neuf
d’entre eux ont à nouveau apporté leurs commentaires pour enrichir la synthèse finale que
nous produisons en annexe 2
Dans un second temps, nous avons complétée l’analyse manuelle par une analyse automatisée
à l’aide du logiciel Alceste qui est conçu pour rendre compte de l’organisation interne d’un
discours. Alceste génère automatiquement une classification hiérarchique descendante qui
permet de faire émerger des catégories. L’interprétation des classes se fonde dans un premier
temps sur les formes graphiques les plus caractéristiques. Il est ensuite nécessaire de revenir
aux verbatims les plus significatifs. Par défaut, ils sont proposés par Alceste. Le traitement
informatisé des données, basé sur la proximité entre les mots employés par les répondants et
un calcul des fréquences d’occurrence de mots permet de mettre en évidence des classes qu’il
convient ensuite d’interpréter. Dans notre dispositif méthodologique, ce mode de traitement des
informations a permis de confirmer les thèmes et catégories issus du traitement manuel.
Chapitre 3- Choix méthodologiques
148
2.2. Le codage des entretiens
L’exploitation des entretiens semi-directifs a été réalisée par codage ce qui correspond à « une
transformation des données brutes du texte, transformation qui, par découpage, agrégation et
dénombrement, permet d’aboutir à une représentation du contenu, ou de son expression »
(Bardin, 2007, p. 134). Notre démarche de codage a ainsi consisté à découper nos données
(entretiens retranscrits) en unités d’analyse, à définir des catégories et à placer les unités mises
à jour dans les catégories définies. Cette démarche se rapproche du « codage ouvert » de
Glaser et Strauss (Glaser et Strauss, 1967 ; Strauss et Corbin, 1990) et des techniques de
catégorisation et de qualification proposées par Huberman et Miles (1991).
L’unité d’analyse qui nous a semblé pertinente pour saisir le sens attribué à l’influence du
contexte international sur la gestion de la relation fournisseur correspond ici à une unité de
sens que l’on retrouve dans les phrases ou les paragraphes. De chacune de ces unités, nous
avons extrait les mots et concepts caractérisant au mieux le sens exprimé. Nous détaillons ci-
dessous un exemple de codage d’un entretien.
Chapitre 3- Choix méthodologiques
149
Encadré 3.4. Analyse de l’entretien n°19 / E19/GC/Pharma
Discours Codage - Quelles sont les difficultés rajoutées par le contexte international ? Eh bien un certain nombre de difficultés, la première étant d’ailleurs celle de l’évaluation de ces fournisseurs puisque plus ils sont loin et plus ils sont durs à connaître et à évaluer. Et donc toute la phase de sourcing en achats est contrariée par l’éloignement, …ça c’est la 1ère difficulté, …c’est-à-dire que lorsqu’on va …moi j’ai dans ma vie professionnelle été amené à rechercher des sources de fournitures en Chine et en Inde par exemple, ce sont deux pays dans lesquels on fait beaucoup d’erreurs de casting, c’est-à-dire que, …si on ne va pas voir directement les gens sur place pour les évaluer finement grâce à des audits fournisseurs préparés, on passe à côté de beaucoup de choses et on peut se tromper souvent. Alors, il y a des outils pour ça quand on est dans la mission achat internationale avec un certain nombre de personnes dédiées à ce sujet-là, au sourcing « exotique » entre guillemets, ce qui était mon cas puisque dans mon organisation, j’avais à peu près 750 acheteurs dont une partie était dans ces zones là et une partie dédiée justement à l’évaluation des sources d’approvisionnement, pour la plupart des matières 1ères d’ailleurs, dans ces 2 pays la Chine et l’Inde. Donc on procédait avec eux, euh……..on avait un outil de e-sourcing qui nous permettait de faire des RFI, c’est-à-dire des…je suis désolé car il y a beaucoup d’anglicismes dans mon vocabulaire, donc des Request for Information auprès des fournisseurs qui permettait donc d’évaluer les sources sollicitées par ces…comment dire, par ces sourceurs et à partir de reportages photographiques numériques d’ailleurs, on prenait des photos des installations, des procédés, etc., de façon à ce que le directeur des achats concerné par ces produits-là se fasse une idée à distance avant de se déplacer pour valider et pour référencer une source parce que, il s’était malheureusement beaucoup déplacé pour rien et il avait constaté en arrivant dans les entreprises chinoises par exemple que, comme on dit dans les bons guides, ça valait le détour. Donc ça c’est la 1ère difficulté rencontrée. La 2ème difficulté qu’on a rencontré dans ces pays-là, c’est euh…euh… le peu de cas que l’on fait de la propriété intellectuelle et industrielle… c’est-à-dire que à chaque fois que vous choisissez un fournisseur chinois, les indiens également, mais les Indiens sont rentrés dans un processus de reconnaissance des brevets qui doit aboutir d’ici un an ou deux d’ailleurs parce que ça fait maintenant 4 à 5 ans qu’ils y travaillent et ils ont compris que pour devenir des fournisseurs dignes, euh internationaux, il fallait qu’ils reconnaissent les brevets occidentaux. Les chinois sont toujours euh…sont toujours dans une période de non reconnaissance ce qui fait qu’à chaque fois que vous transmettez une partie de votre savoir-faire dans ce pays-là, vous prenez le risque de la copie. Donc ça c’est un vrai, ça c’est un vrai… un vrai problème, euh…ce qui fait qu’on était obligé de travailler d’une façon très parcellaire avec eux, dans la pharmacie, enfin dans l’industrie pharmaceutique. Quand on faisait faire une molécule là-bas, on s’arrangeait pour ne faire qu’un intermédiaire de synthèse, euh…pour éviter qu’ils aient toute la chaîne, qu’ils aient connaissance de toute la chaîne de fabrication de la molécule parce qu’on savait qu’autrement, immanquablement on la retrouverait sur Internet. Alors, ça nous avait d’ailleurs amenés à créer une nouvelle responsabilité de la fonction achats dans ces pays-là qui était en fait la veille, euh…la veille défensive... Je veux dire par là que euh…nous…nos acheteurs locaux étaient formés à la recherche de copies mais en amont de la copie, pas, pas, euh pas, comment dire une fois qu’elle était faite mais euh…ils étaient formés à déceler, lors des visites qu’ils faisaient de ces usines de fournisseurs à déceler les tentatives de détournement de nos brevets de façon à alerter, alors ils n’étaient pas ce que l’on appelle le service action , il y avait pour cela dans l’entreprise une direction de la sûreté du patrimoine qui est chargée de l’action en contentieux, mais par contre, au niveau du repérage et de la veille, les acheteurs étaient…faisaient partie d’une cellule très très active de veille défensive pour essayer de repérer les tentatives d’intrusion dans nos brevets, dans notre propriété intellectuelle. Donc voilà, ça c’est une des grandes difficultés qu’on a rencontré dans
Difficultés Sourcing Évaluation Risque d’erreurs Audits Opportunités Outils Pré-sélection à distance Temps de référencement Inattendu Propriété industrielle Brevets Risques de copie Prudence dans le produit à acheter Veille défensive Contrôle Détournement de Propriété Industrielle Risques de d’intrusion
Chapitre 3- Choix méthodologiques
150
ces pays-là, euh…outre le fait qu’à chaque fois qu’on s’éloignait géographiquement, euh…vous complexifiez tous les paramètres de l’équation que vous avez à résoudre, hein, que ce soient les délais, que ce soit la surveillance de la qualité. Alors nos fameux petits veilleurs chinois et indiens par exemple avaient également pour mission de vérifier la qualité de nos fabrications localement avant expédition vers des usines consommatrices des produits. Donc ils étaient à la fois formés sur le plan de la fonction achat, de la veille et de l’assurance qualité. Ils ont reçu des formations à l’assurance qualité de la maison pour bien vérifier que la qualité produite était conforme à ce que l’on attendait, parce que dans ces pays-là, euh….même si vous référencez un fournisseur et un site de production, rien ne vous dit qu’il n’y aura pas sous-traitance à d’autres. Et alors là, vous ne maîtrisez plus rien puisque en fait, même si vous mettez dans les contrats que la sous-traitance est interdite, euh…si vous n’avez pas un réseau de gens qui font de la surveillance active, rien ne vous dit que ce ne sera pas sous-traité à quelqu’un d’autre et dans ce cas-là, la qualité peut varier de….de…du tout au tout. - Les gens sur place sont salariés de votre entreprise ? Absolument. C’est quelque chose….alors maintenant il existe des …une forme d’externalisation de ces services-là. Mais alors, c’est plus dirigé vers d’autres paramètres qu’on a découverts d’ailleurs un petit peu plus tard et qui sont venus également complexifier cette fameuse équation achat, qui sont ceux du développement durable, euh, c’est-à-dire, euh…le respect de l’éthique, de la citoyenneté, euh du respect de l’environnement etc., puisque maintenant, encore, encore plus dans ces pays-là, il y a pas mal de dérives dans ces domaines de l’éthique et du respect de l’environnement donc euh…, c’est comment dire, euh, ces personnes étaient également chargées de vérifier que eh bien par exemple les usines dans lesquelles on produisait ne faisaient pas travailler des enfants. Malheureusement parfois on se rend compte que même si les process de fabrication sont corrects, derrière, il peut y avoir une pollution immonde autour de l’usine. Donc là, tous les rejets etc. sont examinés. Cà, c’est venu complexifier notre travail de référencement de fournisseurs dans ces pays-là. - L’entreprise acheteuse est donc toujours en apprentissage ? La découverte, je dirais, elle est permanente. Je pense que ce serait de la forfanterie que de dire, euh…que de dire qu’on sait tout à propos de tout. Non, je crois que malheureusement la, la,… les choses varient en fonction des zones géographiques et évoluent dans le temps, vous avez les 2 éléments qui bougent. Et donc ça peut évoluer dans le bon sens d’ailleurs comme l’Inde par exemple. Il fut un temps où l’Inde était un pays hyper risqué avec des problèmes de formation terribles. Et ce sont des gens qui se sont mis à un niveau extrêmement digne et qui en plus ont fait des efforts sur les aspects de propriété intellectuelle, donc les choses bougent et peuvent évoluer favorablement. Donc c’est vrai que cet apprentissage est…est permanent et…et… l’acheteur continue je dirais à se parfaire dans ce domaine là. Alors, les outils puisque là on est en plein dans le sujet du SRM, hein, supplier relationship management, dans le SRM aujourd’hui, euh….même si les process sont plus importants que les outils, et j’insiste toujours beaucoup là-dessus, ce sont les process qui drivent les outils et pas l’inverse. Il y a beaucoup de gens malheureusement qui, ignorant les process, croient qu’ils vont les acquérir en installant les outils, c’est une erreur euh…une erreur totale mais malheureusement ou heureusement je ne sais pas comment dire, les outils viennent quand même sous-tendre les process et les outils sont très importants. Et dans le domaine du SRM aujourd’hui, du sourcing en particulier, les outils évoluent également très, très vite. Donc il y a beaucoup de choses qui se passent dans le domaine des outils. - Est-ce que cela nécessite un accompagnement des fournisseurs ? Est-ce que la mission de l’acheteur va jusque là ? Bien sûr, ça va jusque là parce qu’à partir du moment où vous mettez vos panels fournisseurs sur des outils de e-sourcing, euh…ce sont des outils interactifs, il faut absolument que les fournisseurs puissent, euh…puissent agir, intervenir dans ces bases de données, ne serait-ce que pour renseigner ce que l’on appelle les RFI,
Équation Complexité Délais, Qualité Contrôle Conformité aux attentes Surveillance active Découverte Faits prévisibles Inattendu Complexité Découverte Apprentissage Outils Processus e-sourcing Interaction
Chapitre 3- Choix méthodologiques
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Request for Information. C’est le fournisseur qui les remplit. Donc si lui-même fait évoluer son entreprise, il faut qu’il fasse évoluer son information vis-à-vis de ses clients. Donc ça passe par une formation à l’utilisation de nos plateformes d’e-sourcing, oui bien sûr. - L’utilisation des outils est-elle systématique ? ou est-elle réservée à un certain type d’achats, un certain volume d’achats ? Alors bon, c’est vrai que l’on retrouve toujours dans l’utilisation des outils une espèce de …comment dire, de… euh, de Pareto hein, avec une classe A qui sera traitée différemment, une classe B encore différemment et puis le gros des fournisseurs qui sera traité encore différemment. Donc, on n’échappe pas à ce traitement en…en Pareto. Mais globalement quand un réseau interne d’acheteurs travaille avec une plateforme d’e-sourcing, c’est l’ensemble des panels fournisseurs qui y figurent. Alors, après, c’est vrai qu’on va utiliser les fonctionnalités en fonction des panels c’est-à-dire que le RFI par exemple, tout le monde va y participer mais ensuite quand on va faire du RFP Request for Proposal ou RFQ Request for Quotation, c’est vrai que là, euh…on ne va pas le faire pour tous les fournisseurs, on va choisir des panels. Et puis derrière à la limite, si on veut aller jusqu’aux enchères inversées puisque c’est quelque chose qui est proposé également dans ces outils, on va réserver ces enchères inversées à un certain type de fournisseurs et à certaines catégories d’achats. On ne peut pas le faire pour tout. Moi je sais que les reverse auctions chez nous, c’est moins de 5% des transactions. C’est même plus près de 2% que de 5%, voyez. Donc ce sont des fenêtres de tir qui sont utilisées vraiment très, très spécifiquement. Ca dépend aussi de la connaissance qu’a le category manager de son marché fournisseurs. Hein, s’il connaît parfaitement son marché fournisseurs, il va choisir le panel de référence qu’il doit consulter en fonction de ce qu’il connaît de chacun et du besoin qu’il a à traiter. Et donc là, il va choisir un panel qui répond parfaitement à la définition du besoin. Euh, dans ce cas-là, il également connaît parfaitement ses prix de marché, il ne sera pas nécessaire d’opérer une enchère inversée pour être sûr qu’on est bien dans le prix de marché. Par contre, si c’est un marché un peu plus exotique qu’il n’a pas traité depuis un moment et qu’il a une hésitation sur le niveau des conditions du marché, à ce moment-là, rien n’empêche de faire une reverse auction pour vérifier que effectivement on est bien dans le coût économique. - Comment sont formés vos acheteurs ? C’est le point crucial. D’abord ils sont formés avant d’être embauchés c’est-à-dire qu’on ne prend que des acheteurs qui ont fait un master achat. Donc le master, c’est le niveau de recrutement de nos acheteurs mais ce n’est pas pour autant que l’on va se satisfaire de leur formation de base. Il y a une académie interne, une formation interne qui est dispensée à tous les acheteurs et qui est destinée à transmettre à la fois la vision achats de la maison à tout un chacun et puis à donner un tronc commun de culture achat à l’ensemble des acheteurs, qu’ils soient français, allemands, américains, américains du sud, vietnamiens, etc. Donc euh cette formation est dispensée par l’EIPM, European Institute of Purchasing Management, basé près de Genève et qui a toujours formé nos acheteurs sur un programme fait sur mesure pour nous. Donc tout le monde suit ce programme et puis ensuite en fonction je dirais de l’évolution des outils, il y a des formations ciblées sur l’utilisation de tel ou tel outil d’e-sourcing en particulier et en fonction de la maturité des organisations parce que malheureusement vous avez beau essayer d’aligner tout un réseau d’acheteurs sur un tronc commun, vous n’y arrivez pas parce qu’il y a des différences culturelles terribles. Je parlais d’un acheteur vietnamien tout à l’heure parce qu’on en a et avec un acheteur européen ou américain, il y a un gap énorme, outre la culture de l’un et de l’autre. Donc là vous êtes obligé de faire des formations ciblées quelquefois sur des process parce que les achats aujourd’hui dans la pharmacie, c’est 1/3 d’achats de production et 2/3 d’achats de services de protection intellectuelle. Donc ça veut dire que l’industrie pharmaceutique dépensant beaucoup en communication, en publicité, en séminaires, en symposiums, etc., eh bien il faut que les acheteurs sachent acheter une prestation hôtelière par exemple. Donc là, on allait carrément dans les zones géographiques un peu éloignées leur apprendre et leur donner la connaissance de ces process, comment acheter, comment négocier avec une agence de publicité, comment négocier avec un
Apprentissage Outils Panels Enchères Transactions Relation Apprentissage Valeurs de l’entreprise Culture achats Différences Culturelles Apprentissage
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hôtel. La formation pouvait aller jusqu’à un coaching très très rapproché, très serré, c’est ce que l’on appelle d’ailleurs l’auto-école chez nous, c’est vraiment apprendre à conduire, je trouve que l’expression est bien choisie, l’auto-école… - Au niveau des outils et des process, il y a donc convergence ? Oui. - Mais au niveau humain, les différences restent ? quand vous embauchez un acheteur vietnamien, c’est parce qu’il a une compétence culturelle ? Non, c’est parce que nous avons une filiale là-bas, nous avons deux usines là-bas et donc comme il y a des installations, on a besoin d’avoir des acheteurs locaux. C’est pour satisfaire des besoins locaux, mais avec une culture locale. Quand on va au Vietnam, on sait très bien que par exemple euh, la corruption est endémique …et que les acheteurs, si vous ne les briefez pas sur euh, sur les problèmes d’éthique, ils vont se laisser aller je dirais aux démons du pays, ils vont aussi corrompre, etc. Donc déjà la moindre des choses c’est de les rémunérer correctement pour les inciter à ne pas se rémunérer autrement, voilà le genre de choses que l’on découvre dans certains pays dont le Vietnam mais pas seulement au Vietnam … Donc, c’est toujours pour satisfaire en général un besoin local puisque dans nos usines vietnamiennes, quand on fait des médicaments pour le marché local, tout sera acheté sur place. Ils ne peuvent pratiquement rien importer. - Vous recrutez donc vos équipes achats localement ? Absolument. Alors, ce que l’on essaye de faire dans la mesure du possible, c’est d’y mettre, euh… un coach international. Ce qu’on faisait d’ailleurs souvent, c’est qu’on prenait des jeunes en master achat et on les plaçait grâce aux programmes d’expatriés, VIE, on les mettait 2 ans localement pour à la fois surveiller un petit peu les équipes sur place et pour donner aux gens un petit peu plus de culture européenne occidentale dans leurs process. - La mission était d’apporter une vision européenne ? Oui. C’était des missions de formation longue qu’avaient reçue ces jeunes et les acheteurs locaux gagnaient à en profiter. Et en même temps ça nous servait un petit peu, non pas d’œil de Moscou mais de surveillance et … et …et d’avis sur le personnel local. Quand on est loin, on a beau faire des séminaires internationaux, c’est mieux d’avoir quelqu’un qui donne un avis autorisé après y avoir passé du temps. - Donc, l’idée, c’est d’avoir des relais sur place ? On est dans des organisations matricielles. Donc les acheteurs locaux sont des acheteurs opérationnels qui répondent fonctionnellement à une direction achats corporate mais qui répondent hiérarchiquement à un patron local. Donc déjà, il faut définir qui va être le patron de la fonction achat localement. Moi j’avais fait un choix qui était de les rattacher systématiquement à la direction financière locale parce que j’ai remarqué que c’était à la fois le meilleur raccordement possible dans la mesure où il y avait quand même beaucoup d’achats de prestations et de services, les raccorder au manufacturing ou à la production, c’était un non sens parce que ça les privait de leur crédibilité vis-à-vis de leurs clients qui étaient des chefs de produits marketing par exemple. Le principal client interne d’un acheteur dans la pharmacie, c’est le marketing. Vous avez beaucoup de dépenses de promotion des ventes et donc si je raccordais mes acheteurs au manufacturing, même s’ils achetaient des emballages et des matières 1ères, les gens du marketing auraient dit, attendez, vous ne comprenez rien à nos problématiques, laissez-nous travailler tout seuls, les fournisseurs on les connaît, c’est nous qui les choisirons, c’est nous qui négocierons, ce que j’ai cassé comme réflexe, comme logique de l’entreprise, de façon à associer chaque titulaire d’une dépense à une compétence achat et pour ça, il fallait donc trouver un rattachement intelligent à la fonction et localement, j’avais trouvé que c’était la finance qui était le plus approprié. Et donc un acheteur local répondait à un responsable achat local qui lui-même répondait au directeur financier ainsi qu’à moi ou à un de mes collaborateurs dans l’organisation corporate. Donc, c’était une matrice
Apprentissage Présence Proximité Fait prévisible Découverte Adaptation Contrôle Culture Adaptation
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fonctionnelle opérationnelle. Alors si ce n’est que quand je vous dis que c’était une matrice à double …euh, non, c’était même une matrice tri dimensionnelle puisque comme on avait également une zone management c’est-à-dire que j’avais nommé des responsables achats de zones en définissant plusieurs zones. Il y avait la zone Europe, Europe centrale d’ailleurs, Europe de l’est puisque à l’époque l’Europe n’était pas encore bien définie, donc on avait créé une zone Europe de l’est, une zone Afrique -Moyen Orient, une zone Amérique du nord, une zone Amérique latine et une zone Asie Pacifique. Donc chacune de ces zones était dotée d’une petite direction achats fonctionnelle qui me reportait directement et donc les acheteurs locaux passaient en plus par le filtre de cette…de cette organisation en zone management. Donc c’est une matrice à 3 dimensions en fait. - L’équation se complexifie Oui, vous savez ….elle se complexifie, on ne peut pas faire autrement car il n’y a pas de réponse simple à des problèmes complexes. Donc j’avais tout essayé et …. aucune des fusions….à chaque fois qu’il y a eu fusion et j’en ai connu 3. Dans la dernière, j’ai fait toute l’intégration pour la direction des achats et du patrimoine parce que j’avais les 2 – dans le patrimoine, j’avais l’immobilier, la sûreté du patrimoine, etc. et au niveau intégration c’était assez complexe- et donc à chaque fois qu’il y a fusion entre 2 entreprises, il y a régression sur le plan des…sur le plan des cultures et des process et en particulier dans les achats. Donc vous êtes obligé de recomplexifier un petit peu votre organisation parce que sinon vous laissez dériver cette immaturité qui est malheureusement de mise lors d’une fusion. - Comment voyez-vous l’avenir du SRM ? Euh, moi je crois que euh…euh, il faut que les acheteurs continuent à s’organiser sur les vraies finalités en fait du SRM qui sont euh…je crois qu’il faut qu’ils continuent parce que ce n’est pas suffisant, je pense que l’effort est toujours à produire, il y a toujours beaucoup de… beaucoup d’interrogations par rapport au SRM. La doctrine est un petit peu floue, hein, est un petit peu floue. Je pense qu’on gagnerait assez à la…à la…à bien la dessiner, je crois qu’il faut que les acheteurs travaillent sur 2 axes on va dire du SRM. Le 1er eh bien c’est de garantir à son entreprise qu’elle possède en permanence la meilleure qualité de panel fournisseurs, celle qui est adaptée à ses besoins parce que ça je pense que c’est quand même une des grandes richesses de l’entreprise ces panels fournisseurs et d’ailleurs ça devient une bonne partie de ses actifs immatériels, hein, et quand il y a fusion, absorption ou cession, les financiers ne manquent pas de valoriser ces actifs immatériels. Donc c’est important de savoir que les panels fournisseurs font maintenant partie dans les grandes entreprises des grands actifs immatériels de la maison.
- Vous faites des catégories dans vos panels? Tout à fait. Ca faisait partie de ….si vous êtes d’accord, je termine sur cette 1ère idée de constituer les panels fournisseurs et je vous parlerai après de la répartition dans les panels. La 1ère idée c’est qu’il faut que les acheteurs soient conscients que les panels fournisseurs, c’est quelque chose d’extrêmement important pour leur entreprise et que de toutes façons, si on ne fait pas appel en permanence aux meilleurs fournisseurs mondiaux pour animer les consultations, on a de mauvais résultats… parce que consulter de mauvais fournisseurs, ça donne immanquablement de mauvais résultats. Donc après derrière, il y a des…il y a des paramètres à bien optimiser à savoir ce que j’appelle le taux de dynamisme déjà des fichiers fournisseurs. Bon, dans mes fichiers fournisseurs, j’ai combien d’entrants et combien de sortants par exemple hein…parce que je pense que même si les processus de référencement se sont complexifiés, euh… je pense qu’il faut savoir référencer les fournisseurs, enfin les bons fournisseurs et à l’inverse aussi savoir en …savoir en déréférencer. Donc, c’est combien j’en fait entrer, combien j’en fait sortir et ça, ça va constituer un petit peu mon dynamisme de …de…des panels fournisseurs. Donc, la 1ère idée c’est garantir l’entreprise qu’elle a en permanence les meilleurs fournisseurs du moment pour euh… pour faire ses appels d’offre.
Complexité Panels de qualité Sourcing global Référencement
Chapitre 3- Choix méthodologiques
154
La 2ème idée c’est …une fois qu’on est sûr d’avoir les bons panels, c’est est-ce qu’on est sûr de bien les utiliser …hein, parce qu’on peut très bien avoir de bons panels et mal les utiliser, et là la réponse passe effectivement par une bonne segmentation…une bonne segmentation de ces panels… dans le but de cibler un peu ces appels d’offre sur les marchés de référence, ceux qui sont vraiment à même de répondre au besoin exprimé. On sait tous maintenant qu’il est contre productif de consulter la terre entière puisqu’on risque d’épuiser à la fois l’écoute, la disponibilité et la motivation des fournisseurs qui ne sont pas retenus. Je pense à l’achat public entre autres qui dans le code des marchés est obligé de répondre…ou plutôt de solliciter tous les fournisseurs qui se présentent, c’est un non sens sur le plan de…je dirais des bonnes pratiques et ça c’est absolument contre productif. Bon je pense qu’aujourd’hui le code des marchés dans le secteur public les oblige à ça mais dans le privé, c’est quelque chose qu’on évite soigneusement. Et on va chercher des petits marchés, des petits panels fournisseurs, 4, 5 maximum pour lancer des appels d’offre très très ciblés sur des fournisseurs qui sont vraiment, vraiment experts du sujet que l’on a à traiter. Et là si vous voulez dans la segmentation pour revenir à cette question, je pense que à minima…il faut avoir 3 catégories, je dis bien à minima hein, parce que ce n’est pas suffisant mais déjà avoir…définir ceux avec lesquels on va, on va construire des partenariats stratégiques, hein qui sont bâtis sur des échanges à long terme déjà, là on est dans le long terme, dans …dans du SRM à long terme avec ces fournisseurs-là. Alors ces échanges sont bâtis sur une forme de… communauté d’intérêts bien sûr et ceux-la d’ailleurs au passage vont constituer ce que l’on appelle l’entreprise étendue, hein… c’est-à-dire qu’ils font vraiment presque partie de l’entreprise. Donc ça ce sont des partenariats stratégiques, là on est dans une espèce de sommet de la classe A de ces panels fournisseurs, dans le Pareto de ces fichiers fournisseurs. 2ème catégorie que l’on peut imaginer pour faire simple hein, c’est ceux qui seront considérés comme des « preferred suppliers » hein, donc des fournisseurs préférentiels et dont d’ailleurs on deviendra également les « preferred customers », parce que la notion de preferred customers en achat est très, très importante,hein… Ce qu’un acheteur doit bien faire comprendre à un fournisseur c’est qu’il doit être traité spécialement, que son entreprise doit être traitée spécialement, euh…et non pas comme l’ensemble de ses clients. Donc ça, c’est une…c’est une 2ème catégorie, par exemple ça peut…on peut choisir ces fournisseurs-là sur leur capacité d’innovation. Et à ce moment-là, les accords qui vont nous lier seront basés sur des accords de développement, mais à moyen terme, hein à moyen terme, ça va être 2 ans, 3 ans. On n’est plus dans le long terme comme avec les partenaires stratégiques. Et puis la 3ème catégorie, toujours pour faire simple, et ce sera la grande majorité, ce sera un petit peu la classe C des fournisseurs d’un panel, on peut les qualifier sans connotation négative de fournisseurs courants et là, le référencement sera plus à court terme et ce sont des fournisseurs dont on va plus exploiter…je dirais la concurrence par tous les moyens y compris d’ailleurs les enchères inversées si ça s’avère nécessaire. Et donc là si vous voulez on a 3 catégories par exemple euh…. pour lesquelles il va bien falloir utiliser…et avoir des politiques achats extrêmement différenciées, hein… Donc les stratégies achats vont découler de cette segmentation, de ce classement. - Finalement, la localisation géographique du fournisseur ne vient qu’après ? Ca ne vient qu’après. C’est pour ça que je vous demandais dites-moi ce qu’est qu’un achat international. Pour moi, pour moi, c’est devenu un pléonasme, hein. Euh, ce n’est même plus un achat international, l’achat est devenu mondial. La mondialisation de l’économie, les outils, etc. font qu’aujourd’hui, euh…euh… bon même si c’est plus dur de traiter avec un fournisseur chinois ou indien qu’avec un fournisseur français quand on est en France, euh…ça n’a presque plus d’importance dans le… dans le choix final…
Segmentation Consultations Stratégies différenciées Partenariats Fournisseurs préférentiels Accords de développement Mise en concurrence Mondialisation
Chapitre 3- Choix méthodologiques
155
2.3. La catégorisation
« La catégorisation est une opération de classification d’éléments constitutifs d’un ensemble
par différenciation puis regroupement par genre (analogie) d’après des critères
préalablement définis » (Bardin, 2007, p. 150). Selon Allard-Poési (2003), les catégories
retenues peuvent impliquer des niveaux d’inférence différenciée allant de la description à
l’interprétation des observations codées (Cf . Figure 3.9.)
Description Interprétation
MotsConcepts
Expressionsde signification
procheCatégories
ComportementsVerbaux ounon verbaux
ThèmesUnités renvoyant
au même phénomène Méta- catégories
Regroupementsrendant comptede récurrences
Figure 3.9. Les différents niveaux d’inférence pour la formation des catégories, selon Allard-Poesi (2003)
La catégorisation peut s’effectuer « à priori » en définissant les catégories avant le codage à
partir de l’expérience ou de résultats de recherches antérieures (Allard-Poesi et Drucker-
Godard, 1999). Le procédé conduit le chercheur à utiliser ces catégories comme grilles de
lecture préalables au codage et à l’interprétation des données, ce qui peut laisser échapper des
phénomènes importants qui n’étaient pas prévu par le guide d’entretien de départ.
La catégorisation peut aussi s’effectuer « à posteriori » durant le processus de codage. La
logique est alors inductive, plus exploratoire, les catégories naissant du contenu (Allard-Poesi
et Drucker-Godard, 1999). Elles sont suggérées par les données et émergent à la suite d’une
répétition observée dans le corpus. Elles procèdent d’un codage ouvert au sens de Strauss et
Corbin (1990). Ce procédé présente des limites dans la mesure où les résultats obtenus sont
nécessairement plus subjectifs. Mais la richesse vient de l’objectif final de la démarche qui est
Chapitre 3- Choix méthodologiques
156
de « mettre en cohérence les observations avec une théorie ou une série de construits » (Miles
et Huberman, 2003)
Dans notre analyse, nous avons cherché à dégager des thèmes et des catégories. Le mode de
catégorisation que nous avons retenu est composé des deux procédés « à priori » et « à
posteriori ».
Nous avons tout d’abord créé un plan de codage qui s’appuie sur les connaissances issues des
champs théoriques présentés dans la revue de littérature. Cela nous a conduit à retenir quatre
thèmes. Deux thèmes se dégagent directement de notre sujet de recherche, le processus achats
et l’interaction. Deux autres thèmes découlent de notre problématique, l’apprentissage et le
contrôle.
Puis, à partir du codage des entretiens, présenté précédemment, nous avons classé les mots et
concepts selon les quatre thèmes retenus. Cette analyse de contenu manuelle des entretiens a
confirmé à posteriori les thèmes envisagés à priori.
Enfin, nous avons cherché à regrouper les thèmes en catégories. Deux grandes orientations
ont émergé de cette recherche de sens dans les entretiens. Nous avançons l’idée que la relation
fournisseur peut être caractérisée selon deux catégories: une orientation comportementale et
une orientation processus (Cf tableau 3.4.).
Chapitre 3- Choix méthodologiques
157
Mots / Concepts Thèmes Catégories
Adaptation Apprendre Comprendre Connaître/Connaissances Culture Expérience(s) Habitudes Langues/Langage Savoir(s) Savoir-être Savoir-faire Us et coutumes
Apprentissage
Échange Engagement Potentiel Relation Transactions
Interaction
Comportements
Audits Contrôle Évaluation Outil (s)
Contrôle
Affaires Appel d’offres Cahier des charges Contrat Coût Décalage horaire Délais Distance Enchères Négociation Panel Prix Qualité Segmentation Sourcing Temps
Processus achats
Processus
Tableau 3.4. Plan de codage et catégorisation des entretiens
Chapitre 3- Choix méthodologiques
158
Chapitre 3- Choix méthodologiques
159
CONCLUSION DU CHAPITRE 3 En conclusion de ce chapitre, nous voudrions décrire le déroulement chronologique de notre
design de recherche. Un point important de notre démarche réside dans les allers-retours que
nous avons réalisés entre la revue de littérature – initiale puis relecture théorique - et le
terrain d’investigation – entretiens, collecte de données secondaires et études de cas-. (Cf.
figure 3.10.)
Figure 3.10. Modélisation de la recherche
Observation - Interprétation
Revue de littérature Collecte des données Études de cas
Formalisation
Relecture théoriqueRecherche d’explications
pertinentes
Comparaison des casRecherche de régularitésModèle conceptuel
Notre programme de travail s’est déroulé sur trois ans, de janvier 2007 à décembre 2009.
La première année a été consacrée à la revue de littérature, en nous focalisant sur la
relation acheteur-fournisseur en B2B, sous l’angle de la gestion fournisseur (SRM) ainsi
que sur le contexte international de l’activité achats.
Un premier travail de collecte de données secondaires s’est déroulé dans le courant de
cette première année afin de prendre des contacts utiles en vue des entretiens et de
construire progressivement les cas.
Chapitre 3- Choix méthodologiques
160
La deuxième année a été consacrée au terrain d’investigation. Les entretiens ont permis
de clarifier les spécificités de l’international dans l’activité achats, de concrétiser
l’inattendu des situations rencontrées et de faire émerger le concept d’improvisation
comme mode d’ajustement de la gestion des fournisseurs lorsque ces derniers sont
distants. La présentation de l’avancée de nos travaux au colloque doctoral de l’IMP nous
a incité à approfondir de manière théorique cette orientation. Un retour sur la littérature
portant spécifiquement sur l’improvisation a alors été réalisé.
En troisième année, nous avons réalisé un travail approfondi des études de cas en portant
notre attention sur la recherche de régularités et d’explications au travers de la
comparaison des cas. Nous avons également mené une nouvelle phase de collecte de
données primaires en revenant vers les directeurs achats des trois PMI étudiées.
La finalisation du travail de terrain s’est achevée au début de l’été 2009. Et la fin de cette
même année a été consacrée à la rédaction finale de la thèse (Cf. tableau 3.5.)
Chapitre 3- Choix méthodologiques
161
Tableau 3.5. Déroulement chronologique de la recherche
Janvier – Décembre
2007
Janvier – Décembre
2008
Janvier – Décembre
2009
Analyse théorique
La relation fournisseur (SRM)
sous l’angle de
l’achat B2B à l’international
L’improvisation Intégration des deux
concepts :
SRM et Improvisation
Analyse empirique
Prise de contacts pour la constitution d’un
échantillon représentatif de directeurs achats
Collecte de données secondaires dans la presse
spécialisée « Achats »
Première exploration :
L’international, multiplicateur de
situations inattendues
Collecte de données primaires :
Entretiens auprès de directeurs achats dans 23 organisations (16 grandes
entreprises et 7 PMI)
Collecte de données secondaires sur les
entreprises de l’échantillon
Deuxième exploration :
L’improvisation, mode d’ajustement en réponse
à l’inattendu
Collecte de données primaires :
Deuxième entretien auprès des 3 directeurs achats des PMI faisant l’objet des cas
Collecte de données secondaires sur les trois
cas de PMI
Résultats
Revue de littérature sur l’impact du contexte international comme
générateur de situations inattendues
Mise en évidence de facteurs de contingence –
taille, expérience, équipements SI/TI
Intuitions sur l’improvisation comme
mode de gestion adéquat
Formalisation conceptuelle
Eclairage sur le rôle de l’improvisation dans la gestion de la relation
fournisseur
162
163
PARTIE II
RÉSULTATS EMPIRIQUES :
PRÉVOIR L’APPRENTISSAGE ET LE CONTRÔLE
ET PRÉPARER L’IMPROVISATION
164
Chapitre 4 : Apprentissage et contrôle, ajustements prévus de la relation
165
CHAPITRE 4 : APPRENTISSAGE ET CONTRÔLE, AJUSTEMENTS PRÉVUS DE LA RELATION
Management des achats, enjeux et défis de l’international
Chapitre 1
Du contrôleà l’improvisation
Chapitre 2
Méthodologie de la recherche: 23 entretiens d’exploration / 3 cas d’approfondissement
Chapitre 3
Apprentissage et Contrôle,ajustements prévus
Improvisation, réponse à l’imprévu
Mise en perspective et synthèse des résultats
Chapitre 4 Chapitre 5
Conclusion
Question de rechercheComment les entreprises gèrent-elles l’inattendu,
paramètre inévitable d’une relation fournisseur élargie à l’international ?
PARTIE 1: LES FONDEMENTS CONCEPTUELS : RÉDUIRE L’INCERTITUDE ET RÉSOUDRE L’INATTENDU
PARTIE 2: RÉSULTATS EMPIRIQUES : PRÉVOIR L’APPRENTISSAGE ET LE CONTRÔLE ET PRÉPARER L’IMPROVISATION
Chapitre 4 : Apprentissage et contrôle, ajustements prévus de la relation
166
Le champ économique des échanges, historiquement lié à un état national, se trouve
désormais élargi à l’échelle mondiale. C’est par conséquent au sein d’un champ économique
international – entre nations - que les entreprises doivent se positionner, non seulement en tant
qu’acteurs opérant des transactions mais aussi et surtout en tant qu’acteurs d’une relation avec
des partenaires commerciaux méconnus. Le fonctionnement du champ s’en trouve dès lors
affecté puisque chaque acteur apporte à la relation ses propres codes culturels, que ce soit
ceux de son pays d’origine – capital culturel national -, ceux de son organisation – culture
d’entreprise- ou encore les siens en tant qu’individu. Le passage d’un champ national à un
champ international n’est donc pas anodin et demande que l’on approfondisse les
représentations présentes dans l’économie symbolique de la relation fournisseur.
La revue de littérature a fait ressortir une idée importante : le contexte international est
méconnu - au niveau économique, culturel, institutionnel - (Johanson et al., 2003). Notre
première investigation a donc consisté à faire préciser par nos informants les significations
qu’ils accordent à leur environnement international d’affaires ainsi que les réponses qu’ils
apportent en termes d’adaptation de la relation. Comment les perceptions des marchés
étrangers se structurent-elles ? Et quels sont alors les ajustements adéquats de la relation?
Nous articulons la présentation des résultats détaillés de cette première exploration en deux
sections.
Dans une première section, nous montrons que les acteurs attribuent au contexte international
un ensemble de significations qui s’appuient sur leur perception de deux invariants
fondamentaux, les distances culturelles et les risques. Les acteurs formulent les significations
associées à la distance au travers de leur perception de différences de valeurs, de langage et de
temps. Le résultat de cette confrontation est qu’en dépit des distances, une gestion globale de
la relation fournisseur constitue un enjeu stratégique prioritaire. En ce qui concerne
l’appréhension des risques, les acteurs affirment l’intégrer très en amont des prises de
décisions stratégiques. L’orientation internationale naît alors de la perspective de gains pour
les deux parties.
Dans une deuxième section, nous mettons en perspective ces résultats en nous appuyant sur
les concepts classiques d’apprentissage organisationnel et de contrôle de la relation
développés dans la revue de littérature. Nous montrons que, face à la variété des situations
d’achats, les acteurs s’adaptent en ajustant leurs comportements, les processus et les
stratégies.
Chapitre 4 : Apprentissage et contrôle, ajustements prévus de la relation
167
1. LA PERCEPTION DE DISTANCES ET DE RISQUES SUPPLEMENTAIRES
Dans cette première section, nous montrons que deux invariants majeurs déterminent
l’orientation de la gestion de la relation à l’international : la perception des distances et celle
des risques. Une analyse sémantique, manuelle, du corpus issu des discours de nos vingt-trois
experts nous permet de recenser les termes utilisés par nos répondants pour caractériser le
contexte international (Cf. tableau 4.1.). Dans notre comptage, nous avons retenu comme
unités de sens non seulement les mots mais également les concepts associés à la vision de
l’international par les acteurs. Si l’unité de sens est présente dans le discours, nous attribuons
le chiffre 1. Nous précisons qu’à ce stade de l’analyse, nous n’avons pas effectué de relevé de
fréquences, le concept pouvant être présent à plusieurs reprises dans un même entretien.
Chapitre 4 : Apprentissage et contrôle, ajustements prévus de la relation
168
Tableau 4.1. : Analyse sémantique Perception du contexte international par les directeurs achats
Quelles sont pour vous les spécificités de l’international ?
N°répondant -> Mots/Concepts
utilisés � 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 Total
Culture 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 18 Risque 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 14 Différences 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 13 (s') Adapter 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 11 Contact(s) 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 11 Langues/Langage 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 10 Présence 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 10 Communication 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 10 Affaires/Business 1 1 1 1 1 1 1 1 1 9 Approche 1 1 1 1 1 1 1 1 1 9 Démarche 1 1 1 1 1 1 1 1 1 9 Coût 1 1 1 1 1 1 1 1 8 Difficultés 1 1 1 1 1 1 1 1 8 Echange 1 1 1 1 1 1 1 1 8 Habitudes 1 1 1 1 1 1 1 1 8 Prudence/Vigilance 1 1 1 1 1 1 1 1 8 Produit 1 1 1 1 1 1 1 7 Relation 1 1 1 1 1 1 1 7 Contrat 1 1 1 1 1 1 6 Prix 1 1 1 1 1 1 6 Temps 1 1 1 1 1 1 6 Comprendre 1 1 1 1 1 5 Décalage horaire 1 1 1 1 1 5 Délais 1 1 1 1 1 5 Négociation 1 1 1 1 1 5 Complexité 1 1 1 1 4 Marchés 1 1 1 1 4 Processus/Process 1 1 1 1 4 Engagement 1 1 1 3 Qualité 1 1 1 3 Savoir-faire 1 1 1 3 Frein 1 1 2 Réseaux 1 1 2 Apprendre 1 1 Contrainte 1 1 Contrôle 1 1 Distance 1 1 Expérience(s) 1 1 Négoce 1 1 Patience 1 1 Savoir(s) 1 1 Savoir-être 1 1 Us et coutumes 1 1 Valeur ajoutée 1 1
En zone grisée : les PMI
Chapitre 4 : Apprentissage et contrôle, ajustements prévus de la relation
169
Plusieurs résultats ressortent de cette analyse sémantique :
- Le contexte international est perçu comme une échelle différente composée d’une
variété de cultures (18 répondants sur 23) générant des risques (14/23) et des
différences (13/23) auxquelles il est nécessaire de s’adapter (11/23).
- Les achats sont un métier de contacts (11/23) et de communication (10/23) nécessitant
une présence sur le terrain (10/23) et la maîtrise des langues (10/23) afin de
comprendre le langage de l’autre.
- La relation fournisseur est une approche (9/23), une démarche (9/23) dont l’objectif
principal est l’intérêt du « business » (9/23) pour les deux parties.
- L’éloignement des sources d’approvisionnement est justifié par les avantages
compétitifs qui sont retirés en termes de coûts (8/23) et de prix (6/23).
- L’éloignement implique cependant des difficultés supplémentaires (8/23). Elles
concernent les habitudes de travail (8/23) et la relation au temps qui s’exprime de
diverses manières : délais (5), décalages horaires (5) et temps nécessaire pour faire
aboutir le processus achats (6).
Ces résultats peuvent être regroupés en deux grandes idées exprimées par nos informants :
l’échelle internationale multiplie les distances et les risques. Ces perceptions sont certes
fondées sur des différences effectives mais elles sont à notre sens certainement amplifiées par
des représentations stéréotypiques qui peuvent être sources d’incompréhensions et de
malentendus. C’est ce que nous allons démontrer dans les deux sous-sections suivantes.
D’une part, les experts évoquent majoritairement l’accroissement des distances culturelles
naissant de l’environnement international d’affaires. Nous analysons leur discours en essayant
d’avoir un regard critique sur leurs affirmations. En effet, il s’agit de leur vision du contexte
international et des représentations qu’ils se font de leurs interlocuteurs. Elles peuvent résulter
de leur manque de connaissances culturelles des marchés abordés (défaut d’apprentissage)
Chapitre 4 : Apprentissage et contrôle, ajustements prévus de la relation
170
même s’ils considèrent l’éloignement des marchés sources comme incontournable et qu’ils
élaborent des mécanismes de contrôle pour étayer leur sourcing international.
D’autre part, en ce qui concerne l’atmosphère de la relation fournisseur, l’idée majeure
ressortant de l’analyse des entretiens est que la gestion de la relation est plus risquée avec des
fournisseurs distants. Ici encore, nous nous interrogeons sur leur niveau d’appréhension des
risques. Même si l’éloignement génère effectivement des problèmes supplémentaires, nous
nous attachons à garder un sens critique dans l’analyse des discours. La confiance qui est
l’élément fondamental de toute la littérature relationnelle atteindrait-elle ses limites lorsque la
relation concerne des fournisseurs distants ? Selon nos informants, la prudence est nécessaire
avant d’engager l’organisation dans une démarche d’internationalisation des achats. L’objectif
de gagnant/gagnant oriente néanmoins l’élaboration et la pérennisation de la relation
fournisseur à l’échelle globale, ce qui nous porte à penser que, dans certains cas, cette relation
est « arrangée » et non plus fondée sur une confiance mutuelle.
1.1. Les résultats de la confrontation aux valeurs, au langage et au temps de l’autre
Les experts de notre échantillon évoquent une vision plurielle des cultures. Dix-huit
répondants sur vingt-trois évoquent spontanément l’influence des codes culturels sur leur
activité achats. Ils l’expriment en se référant de manière classique aux différences de valeurs,
de langage et de relation au temps. Néanmoins, ils estiment qu’une gestion globale de la
relation fournisseur représente un enjeu stratégique prioritaire du fait des avantages retirés en
termes de coûts.
Nous structurons notre analyse de la manière suivante. Nous partons des verbatims pour
concrétiser et mettre en relief les faits principaux et nous les commentons en mettant en
lumière les éléments qui nous ont semblé invariants dans les discours. Puis, nous confrontons
nos résultats aux concepts théoriques de contrôle et d’apprentissage afin d’en confirmer la
pertinence.
Chapitre 4 : Apprentissage et contrôle, ajustements prévus de la relation
171
1.1.1. Les différences perçues de valeurs influencent le cycle de vie de la relation
Avant d’engager leur entreprise dans une relation avec un fournisseur distant, ce qui inscrit
inévitablement le processus achats dans un temps de développement et de mise en marché
plus long que celui du marché domestique, les directeurs achats s’interrogent – consciemment
ou non - sur la vie de cette relation. Faut-il la démarrer, l’entretenir, l’arrêter ? Nos résultats
démontrent l’influence de la perception des différences de valeurs sur ce cycle de vie.
Nous avons souvent relevé que l’absence d’éthique des fournisseurs pose un problème sérieux
et une remise en question de la relation. Cette perception de l’éthique se retrouve dans les
valeurs telles que le travail, la morale, le respect.
Le travail des enfants n’est pas toléré :
« Il est certain que dans les pays en voie de développement, je fais très attention aux conditions de travail. Je souhaite travailler avec des fournisseurs qui respectent l’OIT, donc ça peut proscrire éventuellement certaines sources. » (E9/PMI/Ind) « Vous avez des conditions de travail, des choses comme ça qui sont un petit peu difficiles à supporter. En l’occurrence, l’année dernière je suis allé faire un tour en Asie, j’ai visité dix fournisseurs que je n’avais jamais visités et j’ai arrêté de travailler avec cinq, soit pour les conditions de travail, soit parce qu’on constate qu’ils emploient des enfants… alors qu’ils ont tous signés des chartes décentes. » (E15/GC/Ind)
La corruption, même si elle est prévisible, est sanctionnable. Elle est dès lors sanctionnée
ou fait l’objet de prévention, par des récompenses notamment.
« Si vous allez faire un sourcing dans un pays difficile, en Russie par exemple où le contexte politique ou social est particulièrement difficile, quand vous savez que la corruption, les bakchichs, etc. sont quasiment inévitables, vous allez vous retrouver exposé à des autorités qui vont vous demander de payer, pour n’importe quoi » (E14/PMI/IAA) « La fraude en Inde, c’est culturel mais c’est… conscient […] je crois que c’est un problème de ce pays-là, l’éthique. La corruption existe, elle existe malheureusement […] On vient de renvoyer tout un département complet d’achats, dix personnes étaient impliquées, de mèche avec les fournisseurs. Et ça, même quand on pense qu’on a les meilleures recrues…ça nous tombe sur le nez.» (E2/GC/Commerce) « Quand on va au Vietnam, on sait très bien que la corruption est endémique …et que les acheteurs, si vous ne les briefez pas sur les problèmes d’éthique, ils vont se laisser aller je dirais aux démons du pays, ils vont aussi corrompre, etc. Donc déjà la moindre des choses c’est de les rémunérer correctement pour les inciter à ne pas se rémunérer
Chapitre 4 : Apprentissage et contrôle, ajustements prévus de la relation
172
autrement, voilà le genre de choses que l’on découvre dans certains pays. » (E19/GC/Pharma)
Le respect de la propriété industrielle est attendu :
« En Chine, ils n’ont pas exactement les mêmes règles morales que nous. N’oublions pas que la Chine n’est pas une démocratie et je crois que ça se retrouve dans la culture. Un Indien par exemple, s’il a un partenariat avec vous, bon sauf exception, il y a des exceptions partout, il ne volera pas votre propriété intellectuelle … même si les lois indiennes ne vont pas dans ce sens là. Le chinois, je suis beaucoup moins sûr. » (E10/GC/Pharma)
Ainsi que celui de l’environnement, dans une optique de développement durable :
« Je n’ai rien contre les espagnols, mais force est de constater qu’ils n’ont pas, quand on parle de cette culture et de cette maturité… par rapport à la législation, par rapport aux risques encourus, par rapport à l’environnement, euh… ils n’ont pas cette maturité. » (E11/GC/IAA)
Il se dégage de ces extraits de discours que les acteurs perçoivent les différences en fonction
de leur cadre culturel de référence. Les normes et devoirs auxquels ils se réfèrent
habituellement sont perturbés par les pratiques différentes qu’ils découvrent sur les marchés
étrangers.
Mais si ces valeurs sont perçues comme différentes, cela ne tient pas tant à l’existence
objective de différences de comportements mais à plutôt à la force des stéréotypes. En effet,
les problèmes délictueux tels que le mensonge ou le manque d’éthique sont présents dans de
nombreux pays. Or, il ressort des discours une idée de valeurs radicalement différentes dans
certains pays, ce qui est source d’incompréhension. Nous interprétons ces formulations assez
radicales comme une amplification des phénomènes par les stéréotypes.
L’incompréhension, les conflits dans une relation proviennent souvent d’une mauvaise
interprétation de la situation ou d’une simplification de la réalité au travers de préjugés et de
stéréotypes. Un préjugé consiste à parvenir à une conclusion – juger- avant même d’avoir
tous les éléments pour pouvoir le faire – donc prématurément – ce qui renvoie à un
comportement subjectif. Les préjugés se définissent par conséquent comme une évaluation
généraliste sans fondement rationnel ou empirique. Ce n’est pas tellement le terme approprié
pour qualifier les discours de nos répondants.
Chapitre 4 : Apprentissage et contrôle, ajustements prévus de la relation
173
Les stéréotypes se distinguent des préjugés dans la mesure où ils portent sur des éléments
descriptifs. Ce sont des croyances que les individus portent les uns sur les autres en établissant
des catégories qui permettent d’attribuer certaines caractéristiques à tous les membres sans
distinction. Les stéréotypes culturels peuvent être particulièrement présents à l’esprit lors des
premiers échanges avec des partenaires commerciaux étrangers. Nous en avons ici quelques
exemples : « les espagnols n’ont pas de maturité par rapport à l’environnement», « les indiens
sont corrompus et fraudent », « le chinois ne respecte pas la propriété intellectuelle ». C’est
ce que nous interprétons ici comme une amplification des distances perçues.
Cette vision plutôt nationaliste des valeurs culturelles renvoie aux travaux de d’Iribarne
(1998) pour lequel la mondialisation de l'économie n'est pas forcément synonyme de pensée
unique. Selon cet auteur, l'individu n'est certes pas déterminé dans son comportement et ses
valeurs, qui appartiennent à sa personnalité et à son histoire propre. Mais ses réactions à une
situation ou une action donnée seront fonction de son interprétation, donc de son système de
sens. Il démontre que les cultures marquent les organisations ainsi que les manières dont les
acteurs coopèrent ou rentrent en conflit. Ses études comparatives le conduisent à postuler que
les Etats-Unis sont caractérisés par le respect des contrats, les Pays-Bas par un système basé
sur la concertation, le consensus et l’intégration dans la communauté. La France est
caractérisée par l’attachement à l’honneur et une importance capitale accordée à l’individu.
D’Iribarne en conclut qu’il est important de prendre en compte la diversité culturelle comme
un potentiel frein organisationnel. Il préconise de développer des méthodes de gestion
appropriées au contexte culturel du pays.
Revenant à nos grilles de lecture théorique, nous pouvons alors nous interroger sur la capacité
des équipes achats à « apprendre » puisque apparemment, elles ne comprennent pas les faits et
bien souvent ne les acceptent pas. Elles souhaitent plutôt « contrôler » la situation. Mais
comment contrôler l’incontrôlable - des fournisseurs menteurs ou corrompus -?
Les réponses apportées influent sur le cycle de vie de la relation. En effet, la différence perçue
de valeurs peut entraîner
- le non référencement de sources si certaines conditions de travail ne sont pas
respectées (E9)
Chapitre 4 : Apprentissage et contrôle, ajustements prévus de la relation
174
- l’instabilité de la relation en cas de non respect de règles telles que la propriété
intellectuelle (E10) ou la responsabilité environnementale (E11)
- la fin de la relation en cas de corruption (E2) ou de travail des enfants (E15).
Nous avançons dès lors un premier résultat. Le contrôle des interlocuteurs distants reste
prioritaire et les modalités de sa mise en œuvre déterminent le cycle de vie de la relation. Les
perceptions des managers définissent en effet les règles de l’échange que se donne l’entreprise
acheteuse, depuis l’établissement ou non de la relation jusqu’à sa stabilité et sa pérennisation.
1.1.2. Le langage de l’autre influence l’orientation internationale de la relation
Une autre variable de distance concerne les modes d’échanges d’informations entre acteurs.
Onze répondants sur vingt-trois considèrent la relation avec les fournisseurs comme un métier
de contacts et dix répondants accordent de l’importance à la communication. Pour autant
l’interprétation du langage utilisé peut poser problème car les significations accordées aux
termes ne sont pas forcément les mêmes que celles de l’acheteur.
« En Inde, on ne va pas vous dire non. Il faut connaître suffisamment pour savoir qu’il y a des manières de dire oui qui veulent dire « je n’arriverai pas à le faire ». Ça c’est quelque chose, si on n’est pas habitué à la culture indienne, on a des problèmes parce qu’en général, le fournisseur dit oui et il faut bien connaître pour savoir si c’est un « oui, je vais essayer » ou si c’est un « oui, je vais y arriver » (E10/GC/Pharma)
Ceci pose à la fois un problème concret d’apprentissage - sens à donner au vocabulaire
employé - mais également une difficulté supplémentaire de contrôle – résultat à attendre du
fournisseur -. L’interprétation du langage verbal va d’ailleurs très vite se concrétiser par des
barrières à la contractualisation. Même si les acheteurs internationaux parlent anglais dans
leur grande majorité, saisir les subtilités d’une langue dans des situations précises de
conception de produit ou de négociation n’est pas à la portée de tous.
« Il y a des marchés qui sont extrêmement difficiles par les langues. On parle bien anglais quand on arrive à des postes d’achats internationaux, mais on a en face des gens qui ne le maîtrisent pas forcément aussi bien. Je pense à l’Asie par exemple qui parle parfois anglais très mal et puis toutes les subtilités techniques et les subtilités juridiques sont très difficiles à appréhender en anglais même pour un bon niveau. Donc ça rajoute de la difficulté parce qu’il faut être très précis et faire très attention
Chapitre 4 : Apprentissage et contrôle, ajustements prévus de la relation
175
puisqu’en fait, il y a quand même beaucoup de notions dans les contrats qui sont très sensibles. » (E6/PMI/Auto)
L’apprentissage d’un langage commun pour faire aboutir une relation n’est donc pas
considéré par les directeurs achats dans un seul sens. Ce n’est pas forcément à l’acheteur
d’apprendre le langage de l’autre. Il est aussi de la responsabilité du fournisseur de se mettre
au niveau auquel l’acheteur l’attend pour passer contrat.
Le langage non verbal peut également représenter une difficulté supplémentaire car il faut
interpréter la gestuelle de l’interlocuteur, ce qui, là encore, renvoie à l’apprentissage.
L’acheteur ne peut avoir les éléments pour décrypter le message que s’il a vécu des
expériences similaires précédemment.
« Je ne pense pas que l’Inde soit plus compliqué, j’entends un peu la même chose pour la Chine. Par exemple le ‘oui’, la différence culturelle du ‘oui’ est flagrante. En Inde, ils dodelinent de la tête sur le côté, ce n’est pas notre oui en avant, c’est une façon différente. Et ils dodelinent de la tête toujours de la même façon. Alors des fois, ça veut dire oui, ou peut-être, non… c’est une interprétation, ce n’est jamais un oui franc. » (E2/GC/Commerce)
A l’inverse, le langage technique peut donner l’occasion aux acteurs, acheteur comme
fournisseur, d’être plus précis dans leur mode de communication, en utilisant les visuels, les
schémas. De ce fait, la compréhension s’accroît et la relation a plus de chance d’aboutir. Le
langage technique étant relativement normalisé, les acheteurs se sentent rassurés de trouver un
langage commun.
« Alors, en Chine aujourd’hui, même l’anglais pour eux est difficile. Ça c’est clair qu’il y a une barrière de compréhension de langue. Pour autant, j’ai vu des choses formidables de gens qui ne parlaient pas la même langue mais qui se comprenaient parce qu’autour d’un plan, d’un schéma…là y a une normalisation, un mètre c’est un mètre, un angle droit c’est un angle droit » (E5/GC/Ind)
La notion importante qui ressort de ces discours est que les acteurs recherchent avant tout un
langage commun. Les différences de langage sont perçues comme une contrainte ou comme
une opportunité mais, dans tous les cas, demandent une adaptation du mode de
fonctionnement dans la relation, de part et d’autre.
Chapitre 4 : Apprentissage et contrôle, ajustements prévus de la relation
176
Les difficultés à communiquer ne sont cependant pas spécifiques à la dimension
internationale. Elles renvoient aux modèles de communication développés dans les années
soixante, introduisant les notions de rétroaction et de contexte (Riley et Riley; Jakobson). La
rétroaction montre l’existence d’un phénomène de réciprocité et d’influence mutuelle des
acteurs. Elle permet de considérer l’interaction dans la relation fournisseur comme un moyen
de réguler l’échange d’informations. Et c’est bien ce dont il est question ici, imposer des
règles de communication, et donc, mettre en place le dispositif qui permettra de contrôler son
interlocuteur, plutôt que d’apprendre un nouveau langage. Il s’agit d’un contrôle par les
résultats dont les conséquences portent sur l’existence même de la relation. Si la
communication est impossible ou quasi impossible, il n’y aura pas de relation. En effet, les
incompréhensions résultant des échanges verbaux et non verbaux peuvent
- diminuer la stabilité de la relation (E6)
- réduire la motivation à passer à l’acte d’achat à l’étranger (E10)
- ou au contraire, faciliter la communication au travers de visuels, de schémas ou de
plans (E5).
Les réponses apportées par nos répondants aux difficultés à communiquer soulignent une
nouvelle fois l’influence directe des variables de distance sur l’orientation de la relation
fournisseur à l’international. Il s’agit d’un second résultat confirmant le premier : le contrôle
d’un langage commun est prioritaire et s’appuie sur la recherche d’instruments (langage
technique ou autre) qui permet d’établir et de maintenir la communication.
Ce résultat peut constituer un des éléments d’explication de l’orientation vers les processus et
les outils tels que les plateformes et logiciels de sourcing qui ont effectivement pour objet de
standardiser la communication.
En revanche, ce résultat représente une nouvelle démonstration d’une des contradictions
précédemment évoquées, la limite du modèle relationnel. En effet, les informants affirment
majoritairement que les achats à l’international sont un métier de contacts nécessitant de
bonnes capacités de communication, notamment en langues étrangères. Et la moindre
difficulté de compréhension, associée dans leurs représentations à une défaillance du contrôle,
les incite à remettre en question la relation.
Chapitre 4 : Apprentissage et contrôle, ajustements prévus de la relation
177
1.1.3. Les différentes relations au temps : temps maîtrisé versus temps subi
La relation au temps est exprimée de diverses manières dans nos entretiens: délais (5),
décalages horaires (5) et temps nécessaire pour faire aboutir le processus achats (6). Nos
informateurs ont bien conscience que le temps n’est pas maîtrisé partout de la même manière
et que des ajustements seront nécessaires.
Les acheteurs évoquent leur vision du temps de l’autre et nous soulignons une nouvelle
fois que les stéréotypes peuvent amplifier les décalages réels :
« Le court terme, c’est vraiment propre à l’Inde je pense. Dès qu’on essaie de planifier à l’avance, ça foire… l’immédiat, trouver une solution dans l’immédiat, ils sont débrouillards mais ils perdent le contrôle du temps dès qu’il faut planifier » (E2/GC/Commerce)
Le trait culturel de la relation au temps, le court terme en Inde, est ici appliqué sans
distinction à tous les fournisseurs. Il s’agit pourtant d’une directrice des achats qui était en
poste en Inde pendant plusieurs années et qui avait une bonne connaissance du terrain.
Nous analysons par conséquent ce genre de stéréotype comme l’expression d’une difficulté
plus profonde : la difficulté d’apprendre et de mettre en place les modalités d’apprentissage
afin de former ses équipes aux différents contextes culturels.
Il semble que les stéréotypes culturels servent par conséquent à exprimer des craintes.
« Avec les interlocuteurs chinois, ça reste assez difficile d’un point de vue très industriel, pas de faire confiance mais d’avoir des certitudes avec eux, ils ne sont pas forcément très organisés. C’est un peu au jour le jour, je ne dirai pas que c’est carpe diem avec eux mais c’est difficile de prévoir à assez long terme » (E5/GC/Ind)
La difficulté sous-jacente ici n’est pas seulement les problèmes posés par l’organisation à
court terme des fournisseurs chinois, mais plutôt la crainte de l’incapacité du fournisseur à
respecter ses engagements. Et cette crainte soulève l’interrogation de la confiance à
accorder à l’interlocuteur. Il s’agit pourtant d’une grande entreprise, avec de gros volumes
et budgets consacrés aux achats sur les marchés étrangers. Le directeur achats est
expérimenté à l’international (même fonction dans différents grands groupes) et applique
des processus achats très formalisés. Nous analysons par conséquent le stéréotype qu’il
exprime comme la crainte d’être rendu responsable d’un mauvais choix de fournisseur
après un processus de référencement relativement long. Il perçoit l’apprentissage des codes
relatifs au temps comme quasiment impossible.
Chapitre 4 : Apprentissage et contrôle, ajustements prévus de la relation
178
Il est intéressant de souligner que les stéréotypes peuvent également avoir un effet
bénéfique sur l’organisation de l’entreprise qui achète lorsque celle-ci peut intégrer dans
son processus achats une échéance qu’elle pense connaître. Dans ce cas, le contrôle est
facilité par les apprentissages antérieurs :
« Avoir un peu de retard avec des italiens… il n’y a pas de soucis on le comprend très bien, en tout cas ça fait partie un petit peu de l’environnement commercial. Avoir un retard sur un délai annoncé avec un allemand c’est inconcevable,…entre le caractère latin et le caractère germanique, si on peut différencier ça en Europe, il y a vraiment des différences » (E3/PMI/Ind)
« L’interlocuteur allemand a besoin de préparer son dossier et d’avoir une visibilité, pas au lendemain mais au surlendemain voire à 2 ou 3 échéances plus tardives. Il y a un besoin de préparation, donc on peut dire qu’il n’y a peut-être pas de réactivité immédiate […] La démarche allemande, on doit avoir un plan de route relativement clair… ça se nivelle une fois que ça fait quelque temps qu’on travaille ensemble, mais il y a une feuille de route » (E5/GC/Ind)
Cette connaissance des comportements des fournisseurs est rassurante pour les directeurs
achats. Et cette perception est en soi une modalité de contrôle : l’acheteur maîtrise ainsi
une partie du temps de l’autre et ne le subit pas comme dans les cas précédents. Cette
capacité à maîtriser le temps correspond d’ailleurs à leurs habitudes :
« La seule chose quand on a un fournisseur éloigné, c’est qu’il faut bien avoir à l’esprit qu’on travaille avec des mois d’anticipation. Alors que quand je travaille avec un allemand, je vais travailler avec 1 mois et demi / 2 mois d’anticipation. » (E22/GC/Commerce) Dans notre raisonnement français, je dirais qu’on essaie d’aller le plus loin possible, c'est-à-dire qu’on essaie de résoudre des problèmes qui n’ont pas encore émergé, donc on travaille beaucoup dans l’anticipation et beaucoup dans la réflexion, dans l’analyse de risques. Des interlocuteurs de type je dirais américain, c’est de l’itération au coup par coup » (E5/GC/Ind).
La capacité d’anticipation est un élément du processus de régulation. Elle entre parfois en
contradiction avec l’incapacité perçue des fournisseurs à anticiper. Ces discours illustrent une
autre limite de la gestion relationnelle et nous permettent de formuler un troisième résultat. La
distinction court terme/long terme existe quelque soit la culture d’origine des interlocuteurs.
En revanche, la pression externe du temps empêche l’établissement d’une bonne relation
lorsqu’il est subi et non maîtrisé.
Chapitre 4 : Apprentissage et contrôle, ajustements prévus de la relation
179
En conclusion de ce point sur la confrontation des acteurs aux distances culturelles, nous
soulignons la convergence entre les pratiques et les travaux théoriques. Nous retrouvons en
effet dans les discours le concept de distance développé par Johanson et Vahlne dès 1977
dans le modèle d’internationalisation. Les facteurs – économiques, politiques, culturels –
rendent difficile la connaissance et la compréhension des marchés sources. La réduction des
distances passe alors par un cycle d’apprentissage individuel et organisationnel. Mais la
difficulté d’apprendre que nous avons soulignée rend parfois la relation presque impossible.
La priorité est par conséquent donnée à la mise en place de dispositifs de contrôle
supplémentaires. Nos experts préconisent notamment de dégager davantage de ressources :
humaines, afin de renforcer la présence sur place, et financières, afin de réaliser des
investissements plus importants en outils et processus.
La distance ne représente cependant pas un frein insurmontable puisque l’enjeu de
l’internationalisation des achats est majoritairement considéré comme stratégique, ce que
nous développons dans le point suivant.
1.1.4. La gestion globale de la relation, un enjeu stratégique prioritaire
Les directeurs achats ont affirmé être soumis à une forte pression des directions générales en
termes de contribution à la création de valeur globale pour l’entreprise. Dans cette
perspective, les experts référencent les fournisseurs étrangers en fonction de leur compétitivité
et de la rentabilité des opérations de sourcing international.
« Si vous gagnez 3% sur vos prix d’achat, ça équivaut à une augmentation de chiffre d’affaires de 25%. Donc la pression des dirigeants est vraiment importante. » (E9/PMI/Ind) « Ce qui justifie d’aller si loin et d’avoir un processus de qualification qui est long et un risque qui est plus élevé et qui augmente, c’est parce que derrière il y a compétitivité et rentabilité, les achats rentrant entre 60 et 70% de notre prix de revient. » (E6/PMI/Auto)
En ce qui concerne plus particulièrement la compétitivité, les pratiques confirment bien que
dans le contexte actuel de globalisation croissante des marchés et de la compétition (Czinkota
et Ronkainen, 2005), les entreprises réfléchissent désormais de manière systématique à la
globalisation de leurs sources d’approvisionnement
Chapitre 4 : Apprentissage et contrôle, ajustements prévus de la relation
180
« En Allemagne, on a un très gros fournisseur qui est spécialisé dans notre domaine et qui est incontournable. Il est très reconnu et certaines choses, il n’y a que lui qui sait les faire ou qui veut les faire. » (E8/PMI/Auto)
« Pour nos matières premières, les zones incontournables sont l’Inde, le Japon, la Chine et la Corée. L’Europe et l’Amérique du Nord sont des sources normales d’approvisionnement. L’Europe n’est plus compétitive s’il s’agit des produits de la chimie de base, si c’est de la chimie élaborée, oui car il y a de la valeur ajoutée et de l’innovation. » (E10/GC/Pharma) « Parfois, nous devons aller acheter plus loin pour des raisons de capacité de production, limitées en France parce que ce sont des métiers difficiles, je pense à la fonderie de grosses pièces par exemple, ou alors pour faire des choses plus belles sur des produits à très forte valeur ajoutée où il faut passer énormément d’heures. Une fabrication française est impensable parce que pas abordable alors qu’une fabrication, Afrique du nord, Europe de l’est ou Asie est possible. Donc, il n’y a pas, il n’y a pas une seule motivation pour aller dans les pays lointains, il y en a beaucoup. » (E17/GC/Ind)
Le sourcing international systématique ne se justifie donc pas seulement par des coûts
d’achats avantageux. Le savoir-faire et la qualité des prestations de certains fournisseurs
étrangers peuvent également les rendre incontournables.
En ce qui concerne la rentabilité, les pratiques de nos répondants rejoignent les travaux
empiriques démontrant que la sélection des fournisseurs à l’échelle mondiale –global sourcing
strategy- (Trent et Monczka, 2002; Kotabe et Murray 2004) et les stratégies d’achat global -
global purchasing strategy- (Quintens et al., 2006) influent positivement sur la performance
de l’entreprise.
« En Asie, tout d’abord, il y a le coût de la main d’œuvre, ils sont toujours moins chers. C’est un coût sur lequel on ne peut pas lutter ici en Europe. » (E1/GC/Pharma) « Partir à l’étranger, ça veut dire avoir une valeur ajoutée supplémentaire ou un coût meilleur mais il faut qu’il y ait un avantage [….] Il y a des cycles aussi. Il y a quelques années la Pologne et la Roumanie étaient très intéressantes et ne le sont plus aujourd’hui puisque leur niveau de vie a augmenté. Comme c’est assez cyclique, tous les 3-4 ans il faut changer de pays si on veut rentrer dans cette logique là.» (E8/PMI/Auto) « Il est très important de faire une classification du portefeuille achats, justement pour voir quels sont les types d’achats qui sont intéressants à pratiquer dans les pays en sourcing low cost… on parle beaucoup de la Chine comme low cost country mais il y a aussi les low cost currency areas…parce qu’en zone dollar aujourd’hui, il faut vraiment se poser la question,…Est-ce qu’il n’est pas intéressant de sourcer dans la zone dollar ? » (E14/PMI/IAA)
Chapitre 4 : Apprentissage et contrôle, ajustements prévus de la relation
181
Nos experts sélectionnent les marchés sources en fonction des avantages qu’ils peuvent en
retirer et n’hésitent pas à changer de zone géographique. Nous ne retrouvons pas dans ces
pratiques l’idée d’un processus incrémental décrit dans le modèle d’internationalisation de
Johanson et Vahlne (1977), fondé sur un cycle d’apprentissage qui permet de s’engager. Nous
retenons plutôt comme élément invariant des discours que le sourcing international constitue
désormais un enjeu stratégique prioritaire, certes déclenché et guidé par la réduction des coûts
d’achats mais également par de nombreux autres paramètres, environnementaux – faible coûts
de main d’œuvre, devise intéressante- ou organisationnels tels que le savoir-faire, la qualité et
la diversité de l’offre des fournisseurs.
1.2. Les résultats de la confrontation aux risques
Nos informants ont pleinement conscience des risques que représente une démarche d’achats
hors des frontières et ils affirment ne prendre que des risques calculés. Cependant, étant donné
le caractère incontournable de la scène internationale, ils sont enclins à accompagner quelques
fournisseurs avec lesquels ils estiment pouvoir construire une relation présentant des
perspectives de gains pour les deux parties.
1.2.1. La prise de risques est calculée
Un des facteurs de contingence, mis en évidence dans la revue de littérature, et orientant le
développement international d’une organisation, concernait les risques liés aux transactions
sur des marchés méconnus (Johanson et al., 2003). L’analyse de contenu de nos entretiens
nous permet d’affiner cette idée et de caractériser l’appréhension des risques par les directeurs
achats en deux niveaux différents, stratégique et opérationnel.
Chapitre 4 : Apprentissage et contrôle, ajustements prévus de la relation
182
Le niveau de risque stratégique se caractérise tout d’abord par la méfiance exprimée vis-à-vis
de fournisseurs méconnus pour ce qui concerne
- les risques produits
« Les doutes qu’on a toujours, c’est sur des achats stratégiques. […] On a du mal à référencer un nouveau fournisseur d’un pays exotique, on va dire, ça c’est clair, on fait un peu attention (E3/PMI/Ind)
- les risques de non paiement
« Alors où on doit être extrêmement prudent, c’est sur la solidité des sociétés, l’aspect bilan financier, et lorsque l’on travaille avec ces sociétés, il faut uniquement travailler sur base de crédit documentaire, confirmé d’ailleurs par des banques de 1er rang international. » (E1/GC/Pharma)
- les risques de contrefaçon
« Je n’irais pas aujourd’hui en Chine pour la simple raison qu’ils ne respectent pas la propriété industrielle.» (E10/GC/Pharma)
Le second niveau de risque est d’ordre opérationnel. Il concerne la réponse inadéquate aux
attentes en termes de
- produit
Il y a un risque à ça c’est qu’on peut tomber sur une matière qui ne corresponde pas à ce qu’on souhaite en terme des cahiers des charges, d’usinabilité puisque c’est ce qui nous concerne…et là au lieu de mettre une heure pour fabriquer une pièce on peut en mettre deux » (E3/PMI/Ind) - respect des délais
« Les produits, on doit les faire acheminer et plus ils vont être loin, plus on va avoir affaire à des risques logistiques, de durée, de délai, de coût. Donc je dirais, faire ses achats le plus loin possible n’est pas en soi un objectif. L’international peut être nécessaire dans certains cas où c’est un produit qu’on n’arrive pas à sourcer localement ou géographiquement au plus proche. » (E5/GC/Ind)
- ou de qualité
« Les chinois ont tendance à ne pas prendre les meilleurs composants ou des composants qui sont approuvés. Donc il faut peut-être visser un petit peu plus, il faut être plus prudent. » (E4/GC/Telecom)
Chapitre 4 : Apprentissage et contrôle, ajustements prévus de la relation
183
Ces extraits de discours démontrent que la démarche des organisations européennes
souhaitant construire une relation achats de long terme avec les fournisseurs étrangers
consiste donc tout d’abord à s’interroger sur le niveau d’exigence à fixer à l’international. La
démarche qualité, par exemple, constitue un domaine où se manifestent de profondes
différences. La qualité obtenue habituellement par le respect des normes européennes et
américaines est remise en question sur les marchés sources distants. La relation ne sera dès
lors établie et pérennisée qu’à condition de faire intégrer par le partenaire étranger les normes
que l’on attend qu’il respecte. En effet, les discours démontrent assez clairement que le
problème à résoudre n’est pas tant celui d’apprendre que celui de faire apprendre à l’autre.
Les deux niveaux d’appréhension des risques -stratégiques et opérationnels-, analysés à la
lumière de notre grille de lecture apprentissage / contrôle, nous permettent de mettre en
évidence un résultat assez surprenant. La logique semblant présider à l’orientation
internationale de la relation serait liée à la capacité du groupe d’achat à socialiser ses
fournisseurs étrangers. En d’autres termes, il s’agit de leur faire apprendre ce que l’on attend,
quitte à transformer leurs processus, afin de mieux les contrôler. Nous revenons encore une
fois à l’affirmation de la priorité donnée au contrôle par rapport à l’apprentissage.
En fonction des risques perçus, l’organisation acheteuse décide d’organiser sa politique
d’achats à l’échelle internationale en sélectionnant si possible les fournisseurs qui accepteront
de s’adapter. Ce n’est que par la suite qu’un accompagnement des fournisseurs « préférés »
peut être envisagé afin que chacun trouve son intérêt dans la relation. Nous développons cette
proposition dans le point suivant.
1.2.2. Les fournisseurs préférés sont accompagnés dans une perspective de gagnant-gagnant
Sans aller jusqu’à signer des accords de partenariat, une stratégie préférentielle est une forme
de relation collaborative, source de création de valeur pour les deux parties qui renvoie à la
littérature présentée dans le chapitre un sur la gestion collaborative de la relation (Håkansson
et Snehota, 2006 ; Ulaga et Eggert, 2005, 2006).
Chapitre 4 : Apprentissage et contrôle, ajustements prévus de la relation
184
Dans les discours dont nous disposons, la stratégie d’accompagnement des fournisseurs
évoquée consiste à considérer certains acteurs comme des « fournisseurs préférés »
« Certains fournisseurs seront considérés comme des « preferred suppliers », donc des fournisseurs préférentiels et dont d’ailleurs on deviendra également les « preferred customers », parce que la notion de preferred customers en achat est très, très importante,hein… Ce qu’un acheteur doit bien faire comprendre à un fournisseur c’est qu’il doit être traité spécialement, que son entreprise doit être traitée spécialement, euh…et non pas comme l’ensemble de ses clients » (E19/GCPharma) « Je pense que la relation fournisseur, c’est de la plus haute importance… parce qu’un avantage concurrentiel très fort, c’est de développer la stratégie du client préféré. C’est-à-dire que si vous êtes le client préféré de votre fournisseur, je peux vous assurer que vous allez obtenir beaucoup plus de la part du fournisseur que ce que vous obtiendrez en lui tapant sur la tête.» (E14/PMI/IAA)
Ici encore, nous analysons les discours selon la logique de socialisation. Les acheteurs
cherchent à influencer leurs interlocuteurs par des mécanismes plus informels que formels
« développer la stratégie du client préféré », « bien faire comprendre au fournisseur de traiter
l’entreprise spécialement ». Il s’agit d’un processus « d’éducation », du fournisseur par
l’acheteur, ce qui revient à établir une modalité de contrôle.
« Il faut leur expliquer, il faut leur apprendre. Si c’est vraiment un fournisseur qui est très intéressant avec qui nous avons déjà fait un essai et que ça c’est bien déroulé, nous devons l’éduquer à travailler selon les normes européennes et américaines. » (E1/GC/Pharma)
Cette vision de l’ « accompagnement » des fournisseurs se traduit concrètement par de la
formation ou une assistance technique si nécessaire
« A priori, les chinois ou d’autres ne sont pas moins capables que des européens d’avoir une production de bonne qualité. C’est un problème d’accompagnement, de moyens qu’on va mettre pour éventuellement apprendre au fournisseur à faire de la qualité, du moins comme on l’entend. » (E18/GC/Énergie) « La formation pouvait aller jusqu’à un coaching très très rapproché, très serré, c’est ce que l’on appelle d’ailleurs l’auto-école chez nous » (E19/GC/Pharma) « Il faut que les fournisseurs soient forts financièrement, il faut qu’ils aient leur marge. Pour aider à trouver un meilleur coût sur le produit, on envoie nos ingénieurs pour voir comment on peut améliorer la chaîne de production » (E2/GC/Commerce)
L’accompagnement est parfois aussi envisagé selon une réelle perspective collaborative
« Sur certains fournisseurs, on a une position de force parce qu’on représente beaucoup chez eux, mais on ne l’applique pas forcément pour pousser les prix. Là c’est
Chapitre 4 : Apprentissage et contrôle, ajustements prévus de la relation
185
du partenariat, on essaie d’équilibrer les choses …donc c’est un accompagnement aussi » (E8/PMI/Auto)
Spekman et Carraway (2006) postulent que la collaboration nécessite une intégration
simultanée côté acheteur et côté fournisseur de différentes composantes : individus,
processus, structures et technologies de l’information. Cette intégration facilitant la réussite
de l’approche collaborative reposent sur deux piliers: la vision systémique de la relation –ce
qui est bénéfique pour l’une des parties l’est aussi pour l’autre - et l’implémentation de
nouvelles mesures de performance en lien avec cette réflexion globale, c’est-à-dire portant sur
l’ensemble de l’organisation, ses process et ses résultats.
La proposition théorique de ces auteurs trouve toute sa justification dans certains de nos
discours. L’apprentissage mutuel permet un contrôle par les comportements, les process et les
résultats.
Nous concluons cette première section en postulant que l’international représente un défi
supplémentaire dans la gestion de la relation fournisseur. Relever le défi interculturel consiste,
selon Brugier-Verre (2006), à s’approprier un certain nombre de « savoirs » stratégiques dont
le savoir être, savoir respecter le temps, savoir attendre, savoir apprendre, savoir écouter,
savoir comprendre, savoir communiquer, savoir travailler autrement. Nous avons démontré
que la plupart de ces termes ont été utilisés par nos informants. En revanche, nous soulignons
à nouveau le décalage existant entre leur discours – ouverture à de nouveaux apprentissages –
et leurs pratiques – éducation des fournisseurs – qui démontrent que l’élargissement de la
relation fournisseur à l’échelle internationale n’est pas simple.
L’appréhension de se retrouver face à des situations qu’ils ne comprennent pas, qu’ils
n’acceptent pas et qu’ils n’arrivent pas à maîtriser passe alors par le renforcement des
dispositifs de contrôle tant formels qu’informels. Ce processus complexe d’interaction entre
acheteur et fournisseur nécessite par conséquent des ajustements de la relation que nous
développons dans la section suivante.
Chapitre 4 : Apprentissage et contrôle, ajustements prévus de la relation
186
2. LA NÉCESSAIRE ADAPTATION DE LA RELATION
Nous avons montré dans la section précédente que la relation achats est fragilisée à
l’international du fait de la perception de distances et de risques. La relation demeure toujours
par conséquent incertaine dans son déclenchement et dans sa pérennisation. Dans cette
deuxième section, notre analyse porte sur l’interaction dans le processus achats. Nous
montrons qu’en développant des stratégies relationnelles à l’égard de leurs fournisseurs, les
entreprises attribuent progressivement des significations aux phases d’action, de réaction et
d’interaction caractérisant le processus achats. Nos résultats soulignent que dans le contexte
d’incertitude caractérisant la relation fournisseur à l’international, l’interaction constitue ainsi
une actualisation permanente de la relation au travers d’ajustements des comportements, des
processus et des stratégies.
2.1. L’ajustement comportemental : la réduction des distances par l’apprentissage
Les arguments employés par les directeurs achats nous permettent de comprendre qu’au début
d’un processus de découverte de nouveaux marchés sources, l’apprentissage est individuel.
«Il n’y a qu’en forgeant que l’on devient forgeron, donc quand on aborde un nouveau pays, on essuie des plâtres. C’est sûr. On ne peut pas avoir du jour au lendemain une expérience personnelle. Je pense qu’il faut se retrousser les manches et puis,… y aller et essayer de sentir les choses. » (E14/PMI/IAA)
Il peut même être négatif dans un premier temps puisqu’il se fait souvent par l’erreur.
« Plus vous allez avoir d’expériences malheureuses, plus vite, vous allez apprendre » (E17/GC/Ind) «En Inde, je me suis pris de bonnes raclées la première année. Je me basais sur la confiance, comme quand je travaillais en Espagne avant, habituée à ce que les gens disent les choses en face quand il y a un problème. Mais là-bas, ça ne marche pas. Donc après de bonnes claques, eh bien, on apprend » (E2/GC/Commerce) « Vous entendez toujours avec vos collègues quelques petits clichés, donc vous savez qu’il faut faire attention. Après, il y a votre propre expérience, c’est aussi la méthode des erreurs » (E4/GC/Telecom)
Chapitre 4 : Apprentissage et contrôle, ajustements prévus de la relation
187
En revanche, l’apprentissage individuel permet d’accompagner le changement
organisationnel.
« Il y a un problème de learning curve, c’est-à-dire d’apprentissage chez nous de la définition du produit qu’on approvisionne… il est important de choisir des solutions techniques qui soient ad hoc vis-à-vis de nos process de réalisation. Il y a beaucoup de choses à apprendre » (E15/GC/Ind)
L’analyse des discours nous permet d’une part de répertorier et de classer les déterminants
déclenchant l’activation de l’apprentissage et d’autre part d’en analyser les modalités en
termes de comportements individuels et organisationnels.
� Les déterminants de l’apprentissage
Des extraits de discours, il semble se dégager un consensus sur la nature des déterminants de
l’apprentissage. Nous les classons en trois catégories :
- les déterminants internes tels que la formation des équipes, la gestion du risque
produit, la qualité attendue et la contribution à l’aboutissement de la négociation.
- les déterminants externes : acquisition de connaissances, d’expérience, de savoir-faire,
adéquation aux process de fabrication des fournisseurs, utilisation de ressources
existantes.
- et les déterminants naissant de l’interaction : amélioration de la communication,
maintien d’une bonne relation, respect de pratiques différentes et prévisibilité des
comportements.
Chapitre 4 : Apprentissage et contrôle, ajustements prévus de la relation
188
� Les modalités de l’apprentissage
Le vécu des directeurs achats nous conduit à affirmer que l’activation de l’apprentissage se
situe tant au niveau individuel qu’organisationnel selon des modalités touchant aux
comportements comme aux processus.
L’exploration de nouveaux marchés sources induit tout d’abord un apprentissage individuel se
caractérisant par l’observation des situations rencontrées. Cet apprentissage se fait au moyen
d’une accumulation d’expériences qui sont parfois malheureuses - apprentissage par l’erreur-.
Les observations portent sur les procédés de travail, les processus et sur les comportements
des interlocuteurs. Afin d’évaluer l’importance des différentes modalités, nous avons réalisé
un comptage manuel de leur présence dans chacun des entretiens. Nous synthétisons nos
observations dans le tableau suivant en distinguant les deux types d’apprentissage, individuel
et organisationnel.
Objet de l’apprentissage
Type d’apprentissage Modalités Fréquence*
Individuel
Apprentissage de la langue Déplacements sur les salons Dialogue avec fournisseur via Internet, tél. Échanges avec collègues expérimentés Expériences négatives / Erreurs Internet / Recherche de documentation Formation par organisme Participation aux négociations Présence sur place / mission, poste Utilisation de bureaux, filiales de l’entreprise Utilisation d’intermédiaires locaux (CCI,…)
23 3
18 10 7
15 2 5
19 8 6
Comportements
Organisationnel
Charte interne Lettre aux fournisseurs Travail en équipes (achats, design, qualité, …) Utilisation des technologies
5 1 7 9
* Nombre d’entretiens où la catégorie « objet/type/modalité » se retrouve
Tableau 4.2. : Modalités de l’apprentissage individuel et organisationnel dans la relation fournisseur élargie à l’international
Chapitre 4 : Apprentissage et contrôle, ajustements prévus de la relation
189
Ces résultats sont en cohérence avec les travaux théoriques portant sur le cycle
d’apprentissage Nous retrouvons dans les discours l’idée que l’apprentissage s’intéresse en
premier lieu à l’acquisition de connaissances (apprentissage des langues, apprentissage des
protocoles, visites). Cette constatation rejoint les travaux de Kim (1993) postulant que le
cycle d’apprentissage commence par l’observation et l’expérience individuelles. Puis il
s’ensuit une adaptation suite aux expériences et aux connaissances acquises. Cette phase de
conceptualisation permet aux individus d’apporter des réponses aux événements observés
(dialogue avec les fournisseurs). Enfin, le processus se termine par l’implémentation de
solutions au niveau organisationnel (utilisation des technologies par exemple). Nous
retrouvons également les deux niveaux d’acquisition de connaissances, environnemental et
organisationnel (Weick, 1991 ; Johanson et al., 1997 ).
2.2. L’ajustement des processus : le contrôle des risques par la formalisation
Nous avons vu précédemment que la notion de risque se manifeste par des incompréhensions
en termes de langage, des réponses inadéquates aux normes attendues -problèmes de
spécifications ou de référentiels-, et des comportements inhabituels - non respect des
engagements -. Toutes ces difficultés ralentissent voire limitent l’implication de l’entreprise
acheteuse à l’international et justifient aux yeux des managers la mise en place de procédures
de contrôle à tous les niveaux de la relation fournisseur, de l’exploration à l’évaluation, en
passant par la contractualisation.
Comme pour l’apprentissage, nous partons de quelques extraits de discours pour catégoriser
les déterminants et les modalités du contrôle de la relation.
La formalisation du contrôle commence dès l’exploration des marchés sources potentiels. Il
s’agit pour les directions achats de formaliser les règles du jeu, puis de s’assurer que leur
sélection de fournisseur sera respectée
« Quelqu’un qui démarre à travailler avec un fournisseur chinois sans l’avoir visité, il prend un risque majeur. Si vous êtes dans un contrat assez important, je ne vois pas comment on peut faire l’économie d’aller sur le terrain, ce qui permet de rencontrer les gens et eux de vous connaître» (E16/GC/Ind)
Chapitre 4 : Apprentissage et contrôle, ajustements prévus de la relation
190
« La sous-traitance c’est la plus difficile à contrôler. On a essayé ces dernières années de savoir où nos propres usines en Inde sous-traitaient […] avoir l’information de où, quand, comment, combien,… ils sont réticents à nous donner ce genre d’information » (E2/GC/Commerce)
Ensuite, la formalisation concerne bien sûr toutes les étapes du processus achats en lui-même
depuis le cahier des charges et l’appel d’offres jusqu’à la rédaction du contrat
En ce qui concerne le cahier des charges, nous avons observé qu’il s’agit d’une étape cruciale
pour l’ensemble de nos informants. Ils y consacrent par conséquent du temps et attachent un
soin particulier à sa rédaction
« Il faut un cahier des charges technique d’abord, avant d’être fonctionnel. Il est hyper structuré, c’est-à-dire qu’on y note tout…, de telle sorte que l’on ne laissera pas au sous-traitant ou au fabricant, la possibilité de dériver » (E9/PMI/Ind) «Le cahier des charges est vraiment de notre responsabilité y compris jusqu’à la nuance matière utilisée. Donc ça ne laisse aucune possibilité au sous-traitant ou au fournisseur de pouvoir faire différemment. » (E13/PMI/ Ind) « Il faut des cahiers des charges de plus en plus bétonnés, notamment sur des marchés comme l’Asie… il ne faut pas laisser d’ouverture. Si on sait ce qu’on veut, il faut écrire tout ».(E6/PMI/Auto)
Cette rédaction soignée permet ainsi de structurer l’appel d’offres, aussi bien pour les équipes
en interne qu’en vue de l’utilisation des outils informatiques
« Ça implique pour moi d’avoir un combat permanent avec le marketing et les équipes techniques pour que le produit soit mieux défini, sachant que quand vous achetez en Asie, la définition du produit est très importante. Alors, cahier des charges systématique » (E15/GC/Ind) « Un des fondements de réussite d’un bon appel d’offres informatisé, c’est qu’il n’y ait aucune ambiguïté sur le cahier des charges, autrement vous allez avoir des réponses biaisées avec des risques majeurs» (E16/GC/Ind)
Ce temps passé à rédiger les cahiers des charges trouve ensuite sa justification dans l’étape
qui concerne la contractualisation.
« Le cahier des charges est un document qui deviendra contractuel, donc le fournisseur devra s’y conformer. » (E1/GC/Pharma) «L’Asie, il faut tout écrire, il faut avoir tout regardé, tout vérifié et il n’y a que comme ça que ça marche. C’est très long, donc première contrainte c’est que ça prend du temps. » (E6/PMI/Auto)
Chapitre 4 : Apprentissage et contrôle, ajustements prévus de la relation
191
La formalisation de la relation par des documents écrits - normes, contrats – devient donc
systématique et permet ainsi de renforcer les contrôles, y compris en faisant appel à des
intermédiaires
« On est parmi les industries les plus réglementées. Les autorités de tutelle nous demandent de nous assurer de la conformité des produits. Donc même si nous avons un fournisseur indien, c’est nous qui sommes responsables. Nous avons tout un département qui ne fait que du contrôle qualité» (E10/GC/Pharma) « On passe par des sourceurs pour une question de gestion de risque puisque le risque ne devient le nôtre que quand on reçoit la marchandise… travailler avec les asiatiques c’est gérer le risque en fait, c’est ça qu’il faut savoir faire » (E8/PMI/Auto) « Des contrôleurs qualité sont mandatés par l’entreprise pour, au moment de l’enlèvement de la marchandise, vérifier que la qualité du produit correspond bien au cahier des charges tel que ça avait été demandé. » (E22/GC/Commerce)
Enfin, la formalisation du contrôle passe par l’application de règles strictes de contrôle de
gestion, notamment pour assurer la couverture des risques financiers
« Il y a tellement tout et n’importe quoi en Chine, vu que c’est vraiment un pays émergent, que sans la bonne vérification sur la société… avec notre contrôleur de gestion, on peut faire des recherches au niveau de la stabilité, de la solidité des fournisseurs, mais vu que c’est tellement loin, ça peut parfois être vraiment très compliqué. Donc, on fait des lettres de crédit, etc., etc., mais malgré ça, il faut vraiment être très, très vigilants » (E13/PMI/Ind) « Bien sûr on est exigeant, très très exigeant. Dès qu’il y a une erreur sur le plan social ou environnement, on est très strict, c’est-à-dire qu’on peut même finir avec nos relations ou leur mettre un plan d’action en disant comment rectifier » (E2/GC/Commerce)
Les arguments déployés nous conduisent à formuler les deux propositions suivantes : le
contrôle se justifie dans la perspective de renforcement de la relation sur le long terme et le
contrôle contribue à la réduction des incertitudes au travers de diverses modalités formalisant
la relation achats.
Chapitre 4 : Apprentissage et contrôle, ajustements prévus de la relation
192
� Les déterminants du contrôle
Il ressort des discours une forte convergence sur deux déterminants fondamentaux du contrôle
de la relation : la rationalisation des coûts d’achats et l’évaluation des fournisseurs.
La rationalisation de coûts est dans la plupart des entreprises un objectif stratégique général. Il
se répercute au niveau des directions achats en leur imposant une recherche de fournitures à
moindre prix (sourcing low cost) ou du moins une vigilance sur le rapport qualité obtenue /
coût d’achat. Cette première catégorie de déterminants se concrétise par des termes tels que
compétitivité, rentabilité, qualité du produit, maîtrise du risque.
L’évaluation des fournisseurs est le deuxième déterminant important du contrôle de la relation
fournisseur. Nous classons dans cette catégorie les références à la fiabilité du fournisseur, la
vérification des informations qu’il produit, la responsabilité produit, la prévisibilité, la
sécurité, la traçabilité, le respect des engagements.
� Les modalités du contrôle
En termes de modalités d’application du contrôle, des procédures formalisées semblent
indispensables. Si l’élaboration de documents écrits très précis revient comme un leitmotiv
dans la plupart des entretiens, le contrôle des fournisseurs distants s’apprécie également par
une acquisition d’informations sur les partenaires au travers de différents moyens tels que les
visites de leurs installations ou les prises de renseignements auprès d’informateurs sur place.
Nous synthétisons dans le tableau suivant (4.3.) les pratiques de contrôle les plus
significatives mises en œuvre dans les entreprises de notre échantillon.
Chapitre 4 : Apprentissage et contrôle, ajustements prévus de la relation
193
Objet du contrôle
Type de contrôle Modalités Fréquence*
Individuel
Apprentissage des protocoles Observation des savoir-faire Utilisation de bureaux, filiales de l’entreprise Utilisation d’intermédiaires locaux (CCI,…) Utilisation des technologies de l’information Visites d’usines
15 14 6 2
17 9
Processus, Comportements,
Résultats
Organisationnel
Analyse des risques Audits Cahier des charges Compréhension de l’enchaînement des opérations Demande d’échantillons Élaboration de contrats internationaux Élaboration de plans, de schémas Fixation de normes Matrice de sélection de fournisseurs Observation des procédés de fabrication Observation des spécifications étrangères
10 12 15
3 4
12 8
14 7 6 3
* Nombre d’entretiens où la catégorie « objet/type/modalité » se retrouve
Tableau 4.3. : Modalités du contrôle individuel et organisationnel dans la relation fournisseur élargie à l’international
Ce tableau fait émerger les pratiques de contrôle les plus significatives. Elles concernent (1) la
rédaction de cahiers des charges très détaillés incluant la demande de respect de normes
précises, puis (2) l’élaboration de documents contractuels adaptés, toutes ces précautions
nécessitant (3) des mesures de suivi et de vérification, notamment au travers d’audits confiés
à des organismes extérieurs spécialisés et par une analyse permanente des risques.
Ces pratiques managériales sont en cohérence avec les mécanismes de contrôle mis en
évidence dans la revue de littérature : cahiers des charges, contrats, normes, démarches de
certification, etc. (Antia et Frazier, 2001). Concrètement, les dispositifs mis en œuvre portent,
selon la vision analytique de Ouchi (1979), à la fois sur les processus - utilisation des
technologies, apprentissage des protocoles, rédaction de cahier des charges, élaboration de
contrats internationaux –, sur les résultats – audits - et sur les comportements – observation
des savoir-faire, visites d’usines -. La pression sur les comportements peut être considérée
Chapitre 4 : Apprentissage et contrôle, ajustements prévus de la relation
194
comme un mécanisme de contrôle plus informel que formel dans la mesure où les échanges
entre individus prennent plutôt la forme de recommandations. En revanche l’élaboration des
documents écrits représente assurément des procédures de contrôle formel.
Pour conclure sur ce point, le contrôle par la formalisation, nous pouvons nous interroger sur
la finalité de rendre explicite ce qui ne l’est pas et donc sur la finalité du contrôle qui vise
moins à influencer le comportement de l’autre qu’à le rendre intelligible.
2.3. L’ajustement des stratégies
Le « business » prime sur les difficultés, ce qui conduit les entreprises à élaborer des
stratégies achats opportunes en fonction du contexte environnemental et organisationnel.
Selon les cas, les orientations stratégiques se traduisent par des approches réfléchie ou
contrainte des nouveaux marchés. Ensuite, au niveau de la relation commerciale l’approche
des fournisseurs peut également varier. Certains managers pensent qu’une remise en cause
permanente des fournisseurs est souhaitable afin de retirer le maximum d’avantages d’une
stratégie de mise en compétition. D’autres préfèrent inscrire la relation dans une stratégie de
coopération à plus long terme, notamment avec les fournisseurs préférés.
2.3.1. Approche des nouveaux marchés, stratégie réfléchie ou contrainte
Toutes les organisations n’agissent pas de la même façon en fonction de leur contexte
international. Certaines entreprises recherchent des partenaires commerciaux avec lesquelles
elles pensent pouvoir construire une relation correspondant à leur activité et à leurs attentes.
D’autres sont en revanche contraintes dans leur choix de zones d’approvisionnement.
Les stratégies d’achats réfléchies concernent de manière classique les achats stratégiques. Les
organisations sont plus vigilantes dans le référencement de fournisseurs distants et s’attachent
au « profil » du fournisseur plutôt qu’à sa localisation géographique. La taille de l’entreprise
Chapitre 4 : Apprentissage et contrôle, ajustements prévus de la relation
195
ne semble pas être un facteur freinant l’orientation internationale puisque grands comptes et
PMI adoptent la même attitude.
« Donc en général, on a une rencontre avec la direction parce que c’est elle qui nous permet de sonder le profil du fournisseur et sa façon de travailler et ce qu’il a comme envie de développer ce marché avec nous. » (E6/PMI/Auto) « D’abord, il faut que le fournisseur, quelque soit sa localisation géographique corresponde quand même au profil de ce que l’on recherche. Si vous êtes, par exemple en pharmacie, un producteur de génériques, ce n’est pas tout à fait la même approche que si vous êtes producteur de produits innovants. » (E10/GC/Pharma)
En revanche, les facteurs pouvant influencer, voire contraindre le choix d’une zone
géographique sont :
- la nature du produit recherché
« Alors avec notre principal fournisseur c’est plus de la dépendance parce qu’il a une exclusivité sur un produit, donc là on a pas d’autres choix que de passer par lui. » (E3/PMI/Ind) « Pour le bois, on travaille avec les finlandais. Forcément, ils sont les plus forts, les finlandais, les scandinaves et les russes. Pour le bois de jardin, on travaille avec la Pologne parce que la Pologne livre 90% de tout le bois de jardin vendu en Europe. » (E13/PMI/Ind)
« Sur le marché du bocal verre, ce type de bocaux dans lequel nous mettons des légumes, on a une problématique parce que le marché est verrouillé par trois gros fournisseurs sur le marché européen » (E14/PMI/IAA)
Le choix de sources éloignées s’impose parfois, soit lorsque les matières premières telles que
le bois, l’acier, les légumes ne sont disponibles que dans certaines zones spécifiques, soit
lorsque les fournisseurs locaux ou européens n’existent plus pour certains produits ou
composants. Leur localisation détermine alors la source majeure d’approvisionnement.
- la qualité attendue
« C’est soit on cherche une qualité extrême et on ira moins facilement sur des pays low-cost, soit on cherche le prix » (E8/PMI/Auto) « En Russie compte tenu de la difficulté à contracter avec des agriculteurs qui jusqu’ici n’avaient pas…euh la rigueur suffisante pour apporter les résultats que nous attendons, nous avons loué des terres, loué les services des agriculteurs et c’est nous qui pilotons. » (E11/GC/IAA)
Chapitre 4 : Apprentissage et contrôle, ajustements prévus de la relation
196
La distance renforce les difficultés d’appréciation de la qualité attendue et nécessite soit de
prendre un temps de réflexion supplémentaire, soit une reprise en main du contrôle de la
relation.
- le coût d’achat
« Si vous en achetez des produits en grandes quantités, de façon répétitive, l’Asie est très intéressante parce que vous pouvez avoir un écart de prix d’achat de l’ordre de 30%. Et si vous avez une présence sur place, pour suivre le projet, ça va peut-être vous coûter 10% du coût, donc, vous gagnez encore 20% » (E14/PMI/IAA)
Les points de vue des experts convergent sur le fait que gagner un certain pourcentage sur les
coûts d’achats assure une augmentation de chiffres d’affaires. Il leur semble dès lors
intéressant de se tourner vers les pays compétitifs, notamment en termes de coûts de main
d’œuvre.
Le contexte n’est pourtant pas le seul déterminant des stratégies achats. Les acteurs eux-
mêmes et l’intérêt qu’ils accordent à la construction d’une relation constituent le moteur des
transactions. En effet, certains groupes intéressent les fournisseurs étrangers par l’importance
de leurs volumes d’achats et peuvent de ce fait se permettre d’être sélectifs dans leur choix de
fournisseurs. Les PMI en revanche ont plus de difficultés à attirer l’attention des fournisseurs
distants et doivent dès lors déployer des stratégies de séduction.
2.3.2. Approche des nouveaux fournisseurs, stratégie de sélection ou de séduction
Certains grands groupes peuvent se permettre de sélectionner leurs fournisseurs grâce aux
volumes d’achats qu’ils représentent
« Si j’ai besoin d’un produit, je saisis dans une fonctionnalité [de notre base informatique] « voilà ce que je veux, voilà ses caractéristiques » et ensuite c’est éclaté automatiquement vers nos bureaux de sourcing dans le monde qui eux-mêmes sont en relation avec tous leurs fournisseurs potentiels. » (E22/GC/Commerce)
En revanche, pour d’autres entreprises, notamment les PMI, le choix est beaucoup moins
évident
Chapitre 4 : Apprentissage et contrôle, ajustements prévus de la relation
197
« Nous on a une contrainte de marché majeure, c’est que l’on n’a que des petits volumes, 7000 véhicules par an c’est tout petit… Donc pour les séduire, il faut que l’on représente quelque chose et souvent, c’est ce que l’on a développé ces dernières années, ce sont des entreprises qui ont une volonté d’être présentes à l’export et pour eux on est une carte de visite, même si on est un petit chiffre. » (E6/PMI/Auto) « Nous on n’est pas attrayants puisqu’on n’a pas de volumes globalement. Je préfèrerais traiter en direct, soyons clairs mais bon, il faut être réaliste. Si vous faites 50 000€ d’achats en Chine, ce n’est pas suffisant pour avoir toute l’attention. Donc vous avez intérêt à passer par une société de sourcing. Moi personnellement, je n’aime pas trop mais je n’ai pas d’état d’âme à le faire. » (E4/GC/Telecom)
Les stratégies de séduction peuvent ainsi être élaborées à deux niveaux :
- en direct, elles consistent à séduire le fournisseur potentiel en lui servant de tremplin
vers les marchés européens. C’est le rôle de la « carte de visite »
- via des intermédiaires qui vont assurer le regroupement des commandes et ainsi
proposer un volume d’affaires conséquent aux interlocuteurs étrangers.
Les divergences d’orientation stratégique – sélection ou séduction - relèvent donc davantage
du secteur d’activité, des produits recherchés et des volumes d’achats que de la taille de
l’entreprise acheteuse.
2.3.3. Entretien de la relation, stratégie de mise en compétition ou de coopération
La taille d’une entreprise ainsi que son pouvoir dans la relation orientent les stratégies
relationnelles.
Les stratégies de consultation et de mise en compétition systématique des fournisseurs
dépendent essentiellement du degré de dépendance des acteurs. Si l’acheteur est en position
de force, il peut effectivement se permettre d’imposer ses conditions, que ce soit en amont des
transactions
« Avant de m’engager avec un fournisseur en série, je vais le tester sur un achat non stratégique. Alors, je vais tester plusieurs aspects : la qualité des relations que j’ai avec le service commercial mais aussi avec les autres services, le service qualité, le service logistique et surtout tester la réactivité et le respect des engagements. » (E21/GC/Auto)
ou que ce soit dans le pilotage de la relation
Chapitre 4 : Apprentissage et contrôle, ajustements prévus de la relation
198
« On consulte les fournisseurs, on n’a pas le choix, mais enfin bon… on joue dans la cour où on est. Il faut être clair, si vous achetez chez un fournisseur 50 000€ avec un seul composant, ce n’est pas la même chose que si vous achetez 5 millions d’euros chez ce même fournisseur.» (E4/GC/Telecom)
En revanche, la recherche de stabilité de la relation peut aussi conduire les directions achats à
proposer une sorte de « coopération » aux fournisseurs qui leur donnent satisfaction.
« Remettre en cause sans arrêt ça ne permet pas de construire, donc on essaie d’avoir des accords. Bien sûr il y a un acte d’achat mais au-delà de l’acte d’achat, on s’engage sur des volumes, on essaie d’avoir le meilleur prix et une stabilité de prix la plus cohérente possible par rapport aux évolutions, et d’accéder à d’autres services par exemple d’avoir un stock tampon pour répondre à des problèmes d’approvisionnement, de disposer d’un stock consignation ou des choses comme ça, qui ne sont pas toujours évidentes. Là il y a des enjeux financiers, donc ce qu’on obtient on le paye forcément d’une façon ou d’une autre.» (E3/PMI/Ind) « Je travaille principalement avec 3 gros contacts en Asie et j’essaie de tout acheter chez eux. On leur assure une activité, on leur assure un plan d’occupation de leurs machines peut-être de 5 ou 6% sur l’année depuis quatre ans, et là pour eux, ça devient quelque chose d’intéressant et de rentable. » (E22/GC/Commerce)
Nous concluons en soulignant que le fait « d’investir » dans la relation ne signifie pas
forcément que le relation est bonne. Simplement, elle peut constituer la seule source
d’apprentissage ou de contrôle possible.
Nous synthétisons les différents résultats de ce chapitre dans le tableau suivant :
Chapitre 4 : Apprentissage et contrôle, ajustements prévus de la relation
199
Thématiques abordées Éléments invariants Variations
Environnement
international
1. La dimension internationale, une affaire de distances culturelles :
valeurs, langage et temps diffèrent
2. Mais un enjeu stratégique prioritaire : la réduction des coûts
des achats justifie le sourcing international
Achats stratégiques
-> stratégie réfléchie
ou
Zones géographiques incontournables
-> stratégie contrainte
Les fournisseurs lointains ne sont pas intéressés par les petits volumes
d’achats
-> stratégie de séduction
ou
L’importance des volumes d’achats permet de choisir ses fournisseurs
-> stratégie de sélection
Atmosphère
de la relation
1. Les risques de la relation à distance impliquent prudence et
vigilance
2. Les fournisseurs préférés sont accompagnés, dans un objectif de
gagnant/gagnant
Remise en cause permanente
-> stratégie de mise en compétition
ou
Investissement dans la relation
-> stratégie de coopération
Tableau 4.4. : Synthèse des résultats sur les ajustements des comportements, des processus et des stratégies d’achats
Chapitre 4 : Apprentissage et contrôle, ajustements prévus de la relation
200
Chapitre 4 : Apprentissage et contrôle, ajustements prévus de la relation
201
CONCLUSION DU CHAPITRE 4
Dans ce chapitre, nous avons montré que l’échelle mondiale pour concevoir et organiser
la gestion de la relation fournisseur est désormais considérée comme incontournable par
les directions achats. Cette orientation nécessite la préparation des individus et des
organisations à affronter les variations d'un environnement changeant et à faire face à la
complexité des situations.
Dans la première section, nous avons analysé la perception de la dimension internationale
par les acteurs de terrain. Il en ressort que la relation fournisseur à l’international est
certes complexifiée par la perception de distances culturelles et de risques
supplémentaires. Mais les différences perçues sont également amplifiées par la force de
stéréotypes. Les interlocuteurs étrangers se réfèrent à des valeurs, un langage et un temps
que les acheteurs ne comprennent pas, n’acceptent pas. La difficulté d’apprendre justifie
dès lors la mise en œuvre de mécanismes de contrôle renforcé, tant formels qu’informels.
Néanmoins, les opportunités d’affaires justifient plus que jamais le sourcing international.
Dans la deuxième section, nous démontrons que l'efficacité d'une stratégie globale de
gestion de la relation fournisseur repose sur des ajustements de comportements, de
processus et de stratégies. L’adaptation aux marchés étrangers nécessite des ajustements
comportementaux basés sur l’apprentissage individuel et organisationnel. Elle suppose
également la mise en place d’ajustements des processus et notamment des procédures de
contrôle afin de sécuriser et pérenniser la relation. Pour ces deux modes d’ajustement de
la relation – apprentissage et contrôle -, l’analyse de contenu des discours nous a permis
d’en déterminer les déterminants et modalités. Enfin, nous avons mis en lumière que les
contraintes environnementales et organisationnelles influencent les stratégies d’approche
des fournisseurs étrangers de diverses manières, remettant même parfois en question le
mode de gestion relationnelle.
Chapitre 5: Improvisation, réponse à l’imprévu
203
CHAPITRE 5 : IMPROVISATION, RÉPONSE À L’IMPRÉVU
Management des achats, enjeux et défis de l’international
Chapitre 1
Du contrôleà l’improvisation
Chapitre 2
Méthodologie de la recherche: 23 entretiens d’exploration / 3 cas d’approfondissement
Chapitre 3
Apprentissage et Contrôle,ajustements prévus
Improvisation, réponse à l’imprévu
Mise en perspective et synthèse des résultats
Chapitre 4 Chapitre 5
Conclusion
Question de rechercheComment les entreprises gèrent-elles l’inattendu,
paramètre inévitable d’une relation fournisseur élargie à l’international ?
PARTIE 1: LES FONDEMENTS CONCEPTUELS : RÉDUIRE L’INCERTITUDE ET RÉSOUDRE L’INATTENDU
PARTIE 2: RÉSULTATS EMPIRIQUES : PRÉVOIR L’APPRENTISSAGE ET LE CONTRÔLE ET PRÉPARER L’IMPROVISATION
Chapitre 5: Improvisation, réponse à l’imprévu
204
Nous avons montré dans le chapitre précédent que le management des achats dans le contexte
de globalisation obéit à des processus formalisés d’apprentissage et de contrôle. Les pratiques
managériales observées sur les marchés étrangers sont prises en compte et intégrées le plus en
amont possible dans la conduite de la relation. En revanche, un certain nombre de
comportements et surtout de modes de pensée demeurent profondément liés à la culture des
interlocuteurs et font de chaque processus achats à l’international une expérience unique.
L’analyse de contenu de nos entretiens a permis de faire émerger progressivement la notion
d’imprévu. En effet, en dépit de l’acquisition de connaissances rendant de nombreuses
situations prévisibles, certains événements surgissent quand même de manière imprévue.
L’inattendu de ces situations d’achats peut-il alors bouleverser les processus mis en place,
voire générer de nouveaux comportements dans la relation ?
Dans ce chapitre, nous nous intéressons à la manière dont les experts perçoivent et évoquent
les situations inattendues dans leur domaine d’expertise et aux réponses qu’ils apportent. Nos
résultats montrent, premièrement que les PMI utilisent le cadre relationnel pour gérer
l’immédiat et, deuxièmement, qu’un mode de gestion de nature différente apparaît -
l’improvisation -.
Dans une première section, nous mettons en lumière le sens donné à l’inattendu par les
directeurs achats des trois PMI, ce qui nous conduit à souligner la différence de contenu par
rapport à la notion d’incertitude évoquée dans la revue de littérature. C’est un fait nouveau
réclamant une solution immédiate. La relecture de l’ensemble des entretiens à la lumière de
ces trois expériences nous permet de proposer une catégorisation des déterminants des
situations inattendues.
Dans une deuxième section, nous analysons les réponses apportées par les entreprises et nous
mettons en perspective le concept d’improvisation, défini par Weick (1998) par rapport aux
modes de gestion classiques d’apprentissage et de contrôle. Nous démontrons que le recours à
l’improvisation est pertinent dans le cadre d’un ajustement ponctuel de la relation.
Chapitre 5: Improvisation, réponse à l’imprévu
205
1. L’IMPRÉVU, UN FAIT NOUVEAU RÉCLAMANT UNE SOLUTION IMMÉDIATE
Dans le corpus d’entretiens, nous avons relevé plusieurs fois l’évocation d’un effet de
surprise. Il provient, dans la plupart des cas, d’étonnement par rapport aux routines mises en
place dans le processus achats - sélection des fournisseurs, définition des produits,
négociation et évaluation -.
Certains marchés sources ne sont pas considérés comme pouvant détenir un savoir-faire
hautement qualifié et les acheteurs peuvent ainsi s’étonner de l’avance technologique de
zones géographiques auxquelles ils n’avaient pas pensé. «Parfois la haute technologie, moi
j’ai été surpris, elle se trouve du côté de Singapour et de l’Asie » (E1/GC/Pharma).
Par ailleurs, les directeurs achats pensent que le travail rigoureux de sélection sécurise le
processus achats en leur assurant les fournisseurs répondant vraiment à leurs besoins et sur
lesquels ils pourront compter. Les surprises viennent alors de comportements auxquels ils ne
s’attendent pas. « Même quand on pense qu’on a les meilleures recrues…ça nous tombe sur le
nez» (E2/GC/Commerce).
Ensuite, lorsque la relation est établie, les directeurs achats sont généralement confiants dans
le déroulement des opérations. Ils sont dès lors surpris lorsqu’un événement déroge à ce qui
était prévu. « Entre ce qui est écrit dans un mail et ce que l’on va recevoir, on aura peut-être
des surprises » (E9/PMI/Ind).
Enfin, l’évaluation des fournisseurs étant une étape importante du processus achats, les
entreprises y portent généralement une attention particulière. L’étonnement survient lorsque,
en dépit des contrôles effectués, elles s’aperçoivent à posteriori qu’elles n’ont finalement pas
pu tout contrôler. « C’est très nébuleux la Chine. Nos acheteurs chinois appréhendent ça
correctement et ils nous guident du point de vue de qui fait quoi dans une structure chinoise,
parce qu’on peut avoir des surprises. Il y a beaucoup de clients européens ou américains qui,
après les faits se rendent compte que leur production a été déménagée d’une usine à une
autre 2000Kms plus loin et ils n’en ont jamais rien su » (E17/GC/Ind).
Chapitre 5: Improvisation, réponse à l’imprévu
206
Ces observations nous ont conduit à nous interroger sur le sens à donner à cet effet de
surprise, générant apparemment des situations auxquelles les directeurs achats ne semblaient
pas s’attendre. Dans un premier temps, nous avons exploré le concept en cherchant à
caractériser la perception de l’inattendu dans les trois cas de PMI. Nous rappelons que cette
investigation a été menée au cours de la seconde exploration du terrain par l’envoi d’un
support d’entretien (Cf. chapitre 3) aux trois directeurs achats, suivi d’une entrevue
approfondie permettant de préciser les réponses. Ces nouveaux entretiens étaient la deuxième
occasion de rencontrer les trois managers, ce qui a facilité l’échange d’informations en le
focalisant directement sur l’inattendu. Puis, nous avons procédé à une nouvelle analyse de
l’ensemble des discours, ce qui a permis de qualifier et de classer les situations inattendues.
Nous structurons la présentation des résultats en deux sous-sections. Nous relevons tout
d’abord dans les réponses écrites des directeurs achats les termes clés se référant à l’inattendu.
Cette analyse nous permet de construire le sens donné à l’imprévu par les acteurs de terrain.
Puis, nous complétons les trois situations par les informations obtenues au cours de l’entretien
afin de qualifier les déterminants des imprévus rencontrés.
1.1. La construction du sens donné à l’inattendu en situations d’achats
La première partie du support d’entretien s’appuyait sur la présentation par nos informants
d’une situation issue d’une expérience récente d’interaction avec un fournisseur étranger et
qu’ils considéraient comme inattendue. « Pouvez-vous décrire une situation inattendue à
laquelle vous avez été confronté récemment (vous ou votre équipe) dans vos pratiques achats
sur les marchés étrangers ? ». Cette brève description a constitué le point de départ de
l’échange en face à face. Pour chacun des cas, nous reproduisons une partie de la réponse du
directeur achats. Puis, à partir des mots-clés (surlignés) de leur discours, nous commentons et
analysons la situation.
Chapitre 5: Improvisation, réponse à l’imprévu
207
� Le cas de Microcar (E6/PMI/Auto)
« Un nouveau fournisseur chinois, équipementier automobile de feux, qui ne livre pas
en temps ni en quantités notre site et engendre des ruptures récurrentes sur nos
véhicules.
Nous avons pré sélectionné ce fournisseur très en amont, audité ses usines et ses
services. Pourtant le service n’est pas à la hauteur des attentes. Un conflit s’ensuit,
pour des raisons de difficulté de livraison, pour des raisons de litige financier. Nous
devons être en permanence derrière lui, assumer les frais engendrés et baisser la garde
pour protéger le client. Bref un contexte tendu et délicat d’autant que nous n’avons pas
d’autres solutions faciles car il y a des investissements conséquents (outillages).
J’imagine en ce moment une mission d’un prestataire sur 1 mois sur place pour mieux
diagnostiquer les problèmes et trouver la voie de sortie. » (Directrice des achats)
Cette PMI structure depuis huit années sa démarche achats et est donc particulièrement
expérimentée dans le référencement de fournisseurs. Un nouveau fournisseur ne devrait donc
pas poser de problème puisque Microcar a suivi rigoureusement les étapes de son processus
de sélection. La directrice achats s’est déplacée à plusieurs reprises en Chine pour rencontrer
le partenaire chinois et établir un lien relationnel fort, élément sur lequel elle fonde une
grande partie de son jugement et de ses décisions. Elle a également contrôlé la capacité du
fournisseur chinois en visitant ses installations, accompagnée de son responsable qualité. De
plus, en phase de pré-sélection, elle a souhaité montrer au fournisseur potentiel le niveau
d’exigence qu’elle attendait en faisant procéder par un prestataire extérieur à des audits
qualité. Elle s’assurait ainsi que le choix de ce fournisseur était cohérent par rapport à ses
attentes. Elle a ensuite formalisé les conditions d’achats au travers du contrat, élaboré avec
minutie et traduit en anglais par un cabinet spécialisé.
Ce mode de fonctionnement témoigne de la mise en œuvre de procédures de contrôle
renforcées pour un marché, la Chine, que notre directrice achats qualifie de « peu fiable ».
Elle a de l’expérience et estime bien connaître la culture du pays pour s’être rendue à de
nombreuses reprises en Chine. En termes d’apprentissage, elle dispose donc d’un bon niveau
de connaissances sur les pratiques des interlocuteurs chinois. On peut dès lors s’interroger sur
la raison ayant poussé la directrice achats de Microcar à nous présenter cette rupture de
contrat – non respect des délais ni des quantités- comme inattendue.
Chapitre 5: Improvisation, réponse à l’imprévu
208
Nous analysons la situation de la manière suivante. Dans l’esprit de la directrice achats et de
son équipe transversale (achats, qualité, méthodes), l’inattendu n’est pas fondé, étant donnés
son niveau élevé de connaissances sur ce marché source et les modalités de contrôle renforcé
élaborées pour s’assurer du bon déroulement opérationnel des approvisionnements.
L’inattendu de la situation provient donc vraisemblablement de la remise en question
individuelle et organisationnelle : et si l’entreprise avait fait le mauvais choix de fournisseur ?
Les termes utilisés sont révélateurs de cet état d’esprit « nous devons assumer ». En effet cette
expérience a des conséquences, immédiates puisqu’il faut trouver une solution au problème
qui se présente et futures puisqu’elle remet en cause les choix de sourcing et de stratégie
achats. Dans l’immédiat, la directrice achats doit gérer la situation d’une part pour ne pas
enrayer le planning de la production et notamment pour ne pas arrêter la chaîne de montage
de ce véhicule et d’autre part pour donner rapidement satisfaction au client et ne pas perdre de
chiffre d’affaires. La solution « improvisée » c’est-à-dire imaginée à chaud par la directrice
achats pour réduire le temps de conflit est le recours à un prestataire extérieur qui va prendre
le temps, sur place, de bien identifier les causes du problème et de proposer une solution de
résolution de conflit. Nous remarquons que c’est bien par manque de ressources internes –
quatre personnes seulement aux achats – et non par manque de compétences que l’idée de
recours à un renfort externe est envisagée. Il est bien compréhensible que ce type
d’improvisation ne peut être que ponctuel - mission de un mois – étant donné le coût de
l’imprévu. Non seulement le coût de la mission externalisée est important mais les coûts
internes de déstabilisation de la production sont également conséquents. En revanche, cette
expérience malheureuse est riche d’enseignements. D’une part, elle alimente l’apprentissage
organisationnel provoquant une réflexion transversale et systémique au sein des directions
achats, qualité, méthodes et production. D’autre part, elle pousse l’équipe achats à revoir sa
démarche sur certaines zones géographiques et à réfléchir à l’allocation des ressources tant
humaines que financières.
Pour en revenir aux concepts théoriques, nous retenons de cette expérience que
l’improvisation peut être considérée comme un mode de gestion opportun d’une situation
d’achats imprévue. Ce concept vient dès lors, non seulement compléter les deux autres –
apprentissage et contrôle- mais également les enrichir. Nous soulignons son caractère
provisoire, imposé par la nécessité de faire converger l’idée de la solution avec sa mise en
œuvre. Nous rejoignons en cela les travaux de Moorman et Miner (1998a) décrivant
Chapitre 5: Improvisation, réponse à l’imprévu
209
l’improvisation organisationnelle comme « le degré de convergence dans le temps entre la
conception d’une action et son exécution ».
� Le cas de VMI (E9/PMI/Ind)
« Nous avons demandé des certificats matières inox en français ou anglais à un
nouveau fournisseur potentiel chinois. Nous avons souhaité tester sa capacité à
répondre à notre protocole achats basé sur la norme FDX50-128. Il est resté flou dans
sa gestion documentaire, pas de confirmation de notre demande entre autres. Puis, il
nous a envoyés des certificats en chinois. Nous n’avons pas passé de commande et nous
n’avons pas référencé ce fournisseur. C’est vrai que nous avons peut-être été trop
exigeants. Entre notre cahier des charges et la réalité chinoise que l’on prévoyait, on
aurait pu imaginer un compromis. » (Directrice des achats)
Cette PMI a initié le sourcing en Chine très récemment, en 2008, lors de l’arrivée d’une
nouvelle directrice des achats. Par conséquent, le niveau de connaissances de ce nouveau
marché source n’est pas très important au niveau organisationnel. Il n’y pas à l’heure actuelle
d’historisation d’apprentissages antérieurs. En revanche, au niveau individuel, les
compétences existent. La directrice achats est expérimentée, ayant construit tout son
développement de carrière sur l’aspect international de sa fonction achats. Elle parle d’ailleurs
plusieurs langues, s’est rendue pour de précédentes missions dans de nombreux pays et
enrichit sa perception de l’interculturel, qui lui tient particulièrement à cœur, en se
documentant sur les pays où elle travaille, y compris en lisant la littérature d’auteurs locaux.
Les compétences « internationales » sont également présentes au sein des équipes, que ce soit
dans le pôle sous-traitance ou dans le pôle composants industriels puisque le nombre
d’acheteurs a fortement augmenté ces cinq dernières années passant de quatre personnes à
quinze. Les recrutements récents ont privilégié la compétence technique bien sûr mais
également la curiosité et la capacité d’écoute.
Afin d’atteindre un objectif de rationalisation des coûts fixé par la direction générale, la
direction achats de VMI s’oriente vers un sourcing « low cost » en Asie. Elle se donne
toutefois les moyens de sécuriser son processus achats, d’une part, comme nous l’avons
expliqué dans le chapitre trois, en mettant en place un processus de double sourcing dans le
Chapitre 5: Improvisation, réponse à l’imprévu
210
cas d’une sélection de fournisseur distants. Cette procédure consiste à garder également dans
les panels des fournisseurs européens capables de suppléer aux défaillances des fournisseurs
éloignés. D’autre part, l’entreprise s’appuie sur la norme concernant les processus achats
(FDX 50-128) afin de guider sa démarche que l’on peut qualifier d’apprenante sur ces
marchés. Les moyens de contrôle du processus achats semblent donc en place pour aborder de
nouveaux marchés sources méconnus. Ici encore, nous nous interrogeons sur la raison ayant
poussé la directrice achats à nous présenter le constat de réponse non appropriée d’un
fournisseur potentiel comme une situation inattendue.
La directrice achats a de l’expérience et sait que les fournisseurs chinois n’ont pas la culture
de l’écrit ni le respect des engagements écrits comme peuvent l’avoir les fournisseurs
européens. Les termes utilisés le démontrent, « la réalité chinoise que l’on prévoyait ». De
plus, il s’agissait seulement d’un test correspondant à une étape de pré-sélection, très en
amont d’un référencement définitif. La solution choisie consistant à mettre fin rapidement au
processus de référencement peut paraître dans ce cas assez radicale.
Nous interprétons ce comportement comme l’appréhension du risque de ne pas pouvoir établir
une relation forte avec un fournisseur en qui la directrice achats n’a pas eu confiance au
départ. En effet, elle conçoit sa fonction comme axée principalement sur l’établissement du
cadre relationnel pour que ses équipes puissent ensuite travailler sans problèmes. Ses propos
en témoignent « je débroussaille le terrain, je voyage et tisse un réseau ». Le contrôle de ces
nouveaux interlocuteurs ne lui semblait donc pas suffisant pour être en cohérence avec les
protocoles normalisés mis en place.
Le recours à l’improvisation est toutefois envisagé : « on aurait pu imaginer un compromis ».
Il est raisonnable de penser que la solution à apporter à un problème de langage – certificats
envoyés en chinois - pouvait être trouvée assez rapidement en recourant à un cabinet
extérieur, spécialisé en traduction. Et cette solution improvisée ponctuelle aurait sans doute
permis de résoudre cet épisode relationnel inattendu.
Ici encore, l’analyse de ce cas nous permet de revenir vers les concepts théoriques. La mise en
place de procédures formalisées de contrôle n’est pas suffisante pour supporter
l’improvisation comme mode d’ajustement de la relation fournisseur. L’improvisation
nécessite également de s’appuyer fortement sur l’apprentissage. En d’autres termes,
l’improvisation nécessite d’être préparée.
Chapitre 5: Improvisation, réponse à l’imprévu
211
� Le cas de la Cecab (E14/PMI/IAA)
« Nous attendons une livraison d’un fournisseur russe incontournable. Un
intermédiaire de transport russe nous a été imposé. Le transport en conteneur par mer
de Russie vers la France est bloqué à Novorosirsk qui est un port dont le développement
est financé par Moscou mais situé dans la république d’Abkhazie, indépendante. Il
s’avère impossible de débloquer le conteneur pour des problèmes de formalités
administratives. De nombreux échanges de mails et de coups de téléphone s’ensuivent.
Et finalement, nous utilisons des relais locaux pour démêler la situation. Ils engagent
des recours auprès de tiers institutionnels (ministères) ».
Le directeur achats est récemment arrivé dans l’entreprise (en 2006), après avoir travaillé pour
de grands groupes dans lesquels il a acquis une forte compétence pour les achats à
l’international. Il est par conséquent expérimenté en ce qui concerne les comportements
d’interlocuteurs étrangers. De plus, en Russie, il peut s’appuyer sur un coordonnateur local
qui s’occupe des achats et de la relation avec les fournisseurs adhérents de la coopérative.
Nous pouvons donc estimer que les niveaux d’apprentissage individuel de ces deux personnes
sont adaptés aux faibles volumes d’achats destinés à la France. Le directeur achats choisit
cependant de qualifier d’inattendue une situation de blocage administratif d’un conteneur
dans un port russe.
Nous rappelons que la Cecab est un groupe agroalimentaire présent sur les marchés étrangers
pour les ventes (27% du chiffre d’affaires). En revanche, en ce qui concerne les achats, le
sourcing à l’international est en phase de démarrage. Les procédures de contrôle des
fournisseurs distants ne sont pas encore totalement maîtrisées. L’équipe achats du siège n’est
d’ailleurs composée que de six personnes et le directeur achats affirme qu’il ne dispose pas
des ressources humaines adéquates pour développer des modalités de contrôle élaborées pour
l’international. Elles sont de plus contraintes par des engagements dus à la forme coopérative
du groupe « fournisseurs incontournables ». Les coordonnateurs locaux, comme c’est le cas
en Russie, contribuent néanmoins à la mise en œuvre du contrôle des opérations.
La situation de blocage d’un conteneur dans un port Abkhaze, découlant d’un conflit entre la
Géorgie et la Russie, était prévisible et le directeur achats en est conscient « En Russie, le
contexte politique ou social est particulièrement difficile. Vous savez que la corruption, les bakchichs
sont quasiment inévitables, vous allez vous retrouver exposé à des autorités qui vont vous demander
Chapitre 5: Improvisation, réponse à l’imprévu
212
de payer, pour n’importe quoi ». Le problème politique en soi n’est pas la cause de l’inattendu
de la situation présentée. L’inattendu provient plutôt ici du rapport à l’événement. L’acheteur
ne peut prévoir, ni le moment où son entreprise sera confrontée au problème, ni l’ampleur des
conséquences. Il lui semble donc d’imaginer des solutions à l’avance. Néanmoins, le moment
venu, les acteurs sont capables d’improviser grâce au relais local qui fait lui-même intervenir
des tiers extérieurs. La solution « improvisée » s’appuie donc sur une préparation en amont.
Le coordonnateur local doit pouvoir disposer d’un réseau de contacts qu’il peut mobiliser si
besoin.
Notre analyse théorique de ce cas nous porte à penser que l’improvisation déclenchée par la
survenance d’un événement prévisible mais demandant une solution immédiate doit s’appuyer
sur une préparation en amont, c’est-à-dire sur un apprentissage et des modalités de contrôle,
organisés à l’avance.
En synthèse de ces trois cas, nous constatons que les directeurs achats nous racontent des
histoires que l’on pourrait qualifier de « prévisibles » en commerce international. La barrière
de la langue, les conflits politiques, les ruptures relationnelles, souvent évoqués comme des
difficultés rajoutées par le contexte international mais intégrées par les acheteurs
internationaux - bon niveau de langues étrangères, formation achats, expérience - sont quand
même perçus comme des événements générant de l’imprévu. Alors, quelles sont les
caractéristiques contribuant à l’inattendu de la situation ?
Tout d’abord, nous notons le critère de nouveauté de la situation par rapport aux expériences
précédemment vécues. Un conflit politique ou une déception par rapport aux attentes malgré
de nombreuses précautions sont des événements que le groupe d’achat n’a pas encore
expérimentés sur d’autres marchés et qui surgissent sans qu’il s’y attende vraiment.
Puis, nous relevons la nécessité de réagir dans l’immédiat pour trouver une solution. Même si
la situation est prévisible, ce qui est par exemple le cas des difficultés de livraison en
provenance de Chine ou de la corruption en Russie, le directeur achats ne sait pas quel rapport
il aura à cet événement. Chaque histoire est spécifique et les acteurs n’envisagent pas à
l’avance les réponses qu’ils apporteront. Ils se retrouvent dans l’obligation d’élaborer une
Chapitre 5: Improvisation, réponse à l’imprévu
213
solution immédiate permettant de mettre fin au problème rencontré et c’est l’interaction
naissant des divers échanges qui conduit à la « voie de sortie ».
Ces deux critères sont déterminants. L’entreprise qui achète n’a pas le temps d’apprendre du
fait de la nouveauté et elle ne contrôle plus la situation en raison de l’échéance immédiate. Il
s’agit alors de mobiliser l’imagination des équipes afin de faire converger l’idée d’une
solution et sa réalisation. Cette approche des situations inattendues est à rapprocher des
matchs d’improvisation, cités dans le chapitre deux. Les acteurs « improvisent » la conduite à
tenir en fonction des éléments sur lesquels ils peuvent s’appuyer au moment où ils sont
confrontés à l’inattendu.
La question de la distinction entre l’inattendu et l’incertitude, terme souvent utilisé dans la
littérature peut ici être soulevée. Nous voyons une différence majeure. L’« incertain » est
défini dans les dictionnaires conventionnels comme « ce qui n’est pas prévisible, dont le
résultat n’est pas connu d’avance ou qui n’est pas connaissable avec précision ». Or, nous
avons constaté que les situations inattendues exposées par les directeurs achats sont, la plupart
du temps, prévisibles. Et nous avons relevé dans l’analyse des cas que c’est le rapport à
l’événement qui crée le concept d’inattendu.
Afin d’approfondir ce concept d’inattendu, nous avons opéré une relecture de l’ensemble des
vingt-trois entretiens de la première exploration. Nous avons cherché à retrouver les
principales similarités de sens, issues de l’analyse proxémique dans laquelle « inattendu » est
relié à « nouveau », « piquant », « étrange », « imprévu ».
� Le caractère de « nouveauté » est effectivement présent dans la plupart des discours
Ce constat est cohérent avec l’organisation de l’activité achats puisque le processus achats
débute par la phase de sourcing consistant à se rendre sur de nouveaux marchés pour y
rencontrer de nouveaux fournisseurs. Il correspond à l’exploration de nouveaux territoires et à
la découverte de l’autre. Il est également en cohérence avec l’analyse sémantique présentée
dans le chapitre quatre dont un des résultats importants est que le contexte international est
Chapitre 5: Improvisation, réponse à l’imprévu
214
perçu comme une échelle différente composée d’une variété de cultures (18 répondants sur
23) générant des différences (13/23) auxquelles il est nécessaire de s’adapter (11/23).
Les directeurs achats sont conscients des différences d’us et coutumes que leurs équipes vont
rencontrer sur les nouveaux marchés sources. « Pour moi, il faut aller sur place de façon à
prendre connaissance de la façon de travailler » (E1/GC/Pharma). Mais ils ne savent pas
forcément ce qu’ils vont vraiment trouver ni surtout comment ils vont gérer ces nouvelles
situations. « Vous pouvez faire confiance à quelqu’un d’autre, vous allez apprendre des
choses, mais vous n’allez pas apprendre autant que si vous avez vous-même expérimenté la
chose. Je pense qu’il faut se retrousser les manches et puis… y aller et essayer de sentir les
choses » (E14/PMI/IAA)
Dans notre échantillon, nous relevons que certaines directions achats - plutôt dans les grandes
entreprises - essaient d’anticiper en mettant en place des actions de formation ad-hoc pour
leurs équipes. « L’exploration du marché européen a été faite sur ces 5, 6 dernières années.
On avait une équipe dédiée au sourcing sur le continent européen, donc c’était des acheteurs
plutôt expérimentés avec un profil plutôt international et des formations ad hoc pour aller
rechercher sur les marchés européens des fournisseurs nouveaux ». (E18/GC/Energie)
Mais l’élément invariant majeur qui ressort est quand même que les acheteurs sont confrontés
à la nouveauté sur le terrain (E14).
� Les notions de « piquant » et « d’étrange » ne sont pas ressorties des discours
Nous avons effectué une recherche sur l’ensemble du corpus, à partir de ces termes et de leurs
synonymes tels que « bizarre » ou « original ». Mais cette investigation n’a donné aucun
résultat.
L’interprétation que nous avançons est que les acheteurs sont recrutés pour leur esprit
d’ouverture, de curiosité et d’adaptation. Les PMI et les grandes entreprises se rejoignent
d’ailleurs sur les qualités à rechercher chez les acheteurs lors des recrutements. « L’acheteur,
c’est quelqu’un qui est curieux, qui aime voyager qui est tolérant, qui aime bien les
Chapitre 5: Improvisation, réponse à l’imprévu
215
challenges, les changements, etc., qui s’adapte facilement » (E13/PMI/Ind). « L’acheteur,
c’est quelqu’un qui est curieux par nature, qui a le goût de voir des choses nouvelles, qui
parle anglais, c’est incontournable, qui a un bon niveau culturel général et qui est capable de
comprendre le côté technique des achats. Donc quand on fait un recrutement, c’est important
de s’assurer de cette faculté d’adaptabilité » (E20/GC/Ind)
� L’imprévu est sous-jacent dans les discours
Le terme d’imprévu n’est pas véritablement employé. En revanche, le sens « d’action non
prévue » est déchiffrable entre les lignes. La notion d’imprévu émerge ainsi de tous les
entretiens en tant que fait fréquent et récurrent, demandant une adaptation permanente au
contexte.
Nous avons précédemment évoqué l’imprévu naissant du contexte économique et politique.
Mais l’imprévu provient aussi fréquemment de la relation elle-même et notamment
d’initiatives prises par les fournisseurs auxquelles les acheteurs ne s’attendent pas. « Notre
sous-traitant a voulu faire des économies sans nous en parler. Au lieu de laizes en 140, il a
absolument voulu avoir des laizes en 280 qui n’existent pas aujourd’hui. Donc, ils ont étiré
les cellules du tissu. Et nous, quand on a découvert les rideaux pour présentation au client, on
était catastrophés » (E13/PMI/Ind). La situation inattendue provient ici du désaccord de
l’entreprise avec la prise d’initiative du fournisseur considérée comme intempestive. Même
dans les relations que l’on pense bien établies, l’étonnement est récurrent. « Si on n’a pas une
relation bien huilée avec un fournisseur asiatique, on s’expose au « casse pipe » à chaque
fois […] Il faut éviter toute interprétation … ‘on n’avait pas demandé ça’, ‘oui mais vous
n’avez rien demandé de spécial, alors on a fait ça’… » (E15/GC/Ind).
Ces situations non prévues demandent alors des réponses immédiates. Une fois l’effet de
surprise passé, le directeur achats a pour mission d’imaginer les solutions qui lui permettront
de gérer les problèmes qui en découlent – insatisfaction du client entre autres-.
Chapitre 5: Improvisation, réponse à l’imprévu
216
Nous concluons cette quête de sens à donner à l’inattendu dans les situations d’achats à
l’international par la mise en lumière des caractéristiques de ce concept. Nous suggérons de
retenir que l’inattendu est un phénomène
- présentant un caractère de nouveauté par rapport aux situations précédemment
expérimentées (exploration /découverte)
- générant des situations d’achats imprévues, auxquelles l’acheteur ne s’attend pas,
même si l’événement peut être prévisible
- nécessitant une solution « dans l’immédiat »
- et demandant de l’imagination pour trouver la solution appropriée (diagnostic/voie de
sortie).
Nous schématisons le processus de la manière suivante :
.
Apparition d’un problème dans la relation fournisseur(y compris faits prévisibles)
Comparaison / situations connues
Nouveauté / Non prévues
Imagination de solutions « immédiates »
Convergence entre l’élaboration de la solution et sa mise en oeuvre
Fin de conflit /Évaluation de la relation -> pérennisation ou arrêt
Figure 5.1. : Processus de gestion de situations inattendues. Source : auteur
Nous avons constaté à la relecture des entretiens que les événements susceptibles de générer
de l’inattendu dans la relation fournisseur sont nombreux, ce qui ne facilite pas l’identification
de ces situations. Il nous a dès lors semblé opportun de proposer une catégorisation des
différents déterminants.
Chapitre 5: Improvisation, réponse à l’imprévu
217
1.2. Proposition d’une catégorisation des déterminants de situations inattendues Nous nous sommes appuyés sur le concept de catégorisation pour identifier et classer les
déterminants de situations inattendues. En effet, l’organisation catégorielle des connaissances
permet de réduire la complexité de l’information à laquelle l’individu est confronté, et ainsi
d’améliorer l’efficience du traitement de l’information (Cohen et Basu, 1987).
Nous retenons de ces travaux l’apport méthodologique et utilisons la catégorisation du modèle
IMP pour classer les événements pouvant générer des situations inattendues. Nous structurons
par conséquent notre analyse selon des critères environnementaux, individuels,
organisationnels et relationnels correspondant aux quatre thématiques abordées lors des
entretiens.
Chapitre 5: Improvisation, réponse à l’imprévu
218
Tableau 5.1. : Catégorisation des déterminants de situations considérées comme inattendues
Déterminants générant des situations inattendues négatives Déterminants générant des situations inattendues positives
Environnement international
Événements liés aux risques pays et aux incertitudes qui en découlent (adaptation de la catégorisation de Miller et Kent, 1992) :
- Politiques : corruption, guerre, coup d’état, changement gouvernemental, autres
- Economiques : inflation, taux de change, taux d’intérêt, etc.
- Sociaux : grèves, mouvements terroristes, manifestations
- Naturels : mauvaises récoltes, incendies, ouragans, tremblements de terre, autres désastres
Événements liés aux évolutions :
- Technologiques : développement de réseaux informatiques et de communication
- Économiques : baisse prix matières 1ères
- Sociales : formation de personnel qualifié
Atmosphère de la relation
Événements liés au risque fournisseur :
- Non respect du cahier des charges
- Non respect des normes
- Non respect du contrat
- Modification des conditions de ventes
Reconnaissance de la propriété industrielle et intellectuelle
Adoption de standards internationaux
Chapitre 5: Improvisation, réponse à l’imprévu
219
Déterminants générant des situations inattendues négatives Déterminants générant des situations inattendues positives
Acteurs
- Au niveau organisationnel :
Défaillance de l’outil de production
Défaillance de l’entreprise
Manque d’éthique
Rachat du fournisseur / Fusion-acquisition
- Au niveau individuel :
Manque de fiabilité
Manque d’organisation
- Au niveau organisationnel :
Equipements modernes
Savoir-faire
Stratégie export du fournisseur
- Au niveau individuel :
Compétence
Débrouillardise
Persévérance
Interaction dans le
processus achats
Formalités administratives
Problèmes de logistique
Initiatives prises par le fournisseur
Chapitre 5: Improvisation, réponse à l’imprévu
220
2. LE RECOURS A L’IMPROVISATION, UN AJUSTEMENT PONCTUEL DE LA
RELATION Comment apporter une réponse immédiate et gérer la relation conflictuelle résultant des
ruptures de livraison ou autres « surprises » survenant de manière récurrente? Nous émettons
la proposition que, dans ces situations inattendues, l’ajustement de la relation s’effectue par
l’adaptation ponctuelle des comportements. Nous distinguons toutefois deux perspectives
différentes selon la taille de l’entreprise, les ressources allouées à la résolution des imprévus
n’étant pas d’un même ordre de grandeur dans une PMI et dans une grande entreprise.
Les PMI s’attachent plutôt à consolider la relation en procédant par utilisation des ressources
existantes. Confrontées à un environnement non anticipé, elles élaborent des solutions
relevant du « bricolage » à la manière de Ciborra et al. (2001) qui le définissent comme « le
ré-ordonnancement des personnes et des ressources, un essai constant d'expérimentation
caractérisant le véritable changement organisationnel ».
Les grandes entreprises en revanche dégagent de nouveaux moyens afin d’aligner leur
stratégie globale de sourcing et d’achats sur les évolutions technologiques. La mutation des
grands groupes vers une appropriation poussée des TI – ERP, places de marché, e-sourcing –
pour structurer l’internationalisation de leur activité achats peut être analysée à la lumière du
modèle d’alignement stratégique proposé par Henderson, et al. (1993).
2.1. Le « bricolage » des PMI Les entretiens ont confirmé l’idée que les processus achats formalisés pour le marché
domestique ne sont pas toujours opérationnels sur les marchés distants - géographiquement et
culturellement-. L’attitude et les pratiques professionnelles des interlocuteurs étrangers
diffèrent de celles des fournisseurs nationaux avec lesquels une entreprise a l’habitude de
travailler. Cette nouvelle donne nécessite de la part des directeurs achats une capacité
d’adaptation dont ils ont bien conscience. L’analyse sémantique présentée dans le chapitre
précédent a fait ressortir cette idée d’adaptation (11 répondants /23) ainsi que des termes et
expressions allant dans le même sens : « comprendre » (5/23), « s’imprégner »
(E1/GC/Pharma), « présence pour avoir une meilleure démarche » (E2/GC/Commerce).
Chapitre 5: Improvisation, réponse à l’imprévu
221
Nous avons dès lors cherché à analyser les modalités d’ajustement des PMI et nous constatons
qu’il s’agit essentiellement d’une adaptation des comportements ne s’appuyant pas sur les
technologies supports aux achats, ce qui renvoie aux travaux de Ciborra et al. (2001).
� La faible contribution des technologies supports aux achats
Plusieurs raisons sont invoquées par les PMI de notre échantillon pour justifier l’organisation
de leur activité achats à l’international sans le support de technologies autres que Internet. La
taille constitue un premier frein. « On n’a pas la structure pour avoir un chef de produit
propre à l’usine. Donc on a un comité produit où il y a le directeur général, le responsable de
production, enfin un peu tout le monde pour créer nos gammes. Ensuite les achats
interviennent avec un cahier des charges informel. On n’a pas le temps de construire un
cahier des charges précis parce qu’on change à peu près 30% de la gamme chaque année»
(E8/PMI/Auto). Le coût des outils est également évoqué « Une assistante coûte moins cher
qu’un abonnement à une place de marché. Donc tant que l’on arrive à rationaliser avec les
moyens que l’on a, ça suffit » (E13/PMI/Ind). Enfin, le manque de retour sur l’investissement
financier et non financier – temps à passer sur l’outil - freine les PMI. « Il y a quatre ou cinq
ans, les enchères inversées permettaient de diminuer les coûts d’achat de -15 à -20%.
Aujourd’hui, ça ne marche pas aussi bien et cela fait du dégât dans la relation fournisseurs »
(E14/PMI/IAA).
Les entretiens avec les sept PMI de notre échantillon nous ont permis de dresser un bilan de
l’implémentation et de l’utilisation des technologies. Ce bilan est assez révélateur du manque
de moyens technologiques supports aux achats dans les entreprises de taille petite et moyenne.
Quatre d’entre elles déclarent que leur entreprise dispose d’un progiciel de gestion intégré –
PGI ou ERP, Enterprise Resource Planning –. Mais seulement deux directions achats
disposent de ressources dédiées à leur activité, l’une (E9/PMI/Ind) au travers d’un module
d’e-sourcing ne comportant que deux critères d’interrogation des fournisseurs – prix et délai-,
l’autre (E6/PMI/Auto) en étant abonné à une plateforme d’e-sourcing.
Nous synthétisons ces pratiques des PMI de notre échantillon concernant l’utilisation des TI
achats dans le tableau suivant (Oruezabala, 2009).
Chapitre 5: Improvisation, réponse à l’imprévu
222
Entretien Secteur d’activité PME (nb salariés)
Support du SI
TI Achats
Mutation fonction achats
E3/PMI/Ind
Industrie de transformation de
métaux Fabrication de
blocs forés hydrauliques
PME (140) Internet Non Non
E6/PMI/Auto
Automobile Fabrication de véhicules sans
permis
PME (150)
ERP groupe
Place de marché
Sourcing Parts
En cours
E8/PMI/Auto Automobile
Fabrication de camping-cars
PME (150)
ERP groupe
nouveau > 2007
Non Non
E9/PMI/Ind
Industrie d’équipements
industriels Fabrication de
pétrins
PME (250)
ERP / SAP
2 critères prix, délais
Non
E12/PMI/Commerce
Commerce Interentreprises
Négoce de produits finis plastiques
PME (15) Internet Non Non
E13/PMI/Ind
Industrie d’équipements de
loisirs Fabrication de
résidences mobiles
PME (250) Internet Non Non
E14/PMI/IAA Agro-alimentaire
Transformation de légumes
PME (50) ERP Projet
(SRM) Non
Tableau 5.2. Utilisation de technologies supports aux achats par les PMI
NB : Extrait d’un tableau général (PMI et grandes entreprises) proposé en annexe 3
Nous confortons nos observations du terrain par une information complémentaire apportée
par une enquête de la revue professionnelle « La Lettre des achats ». S’adressant à un
échantillon représentatif de PME-PMI, l’enquête annuelle menée en 2007-2008 portant sur
l’utilisation des outils d’e-achat démontre que les outils actuellement utilisés pour servir la
Chapitre 5: Improvisation, réponse à l’imprévu
223
stratégie globale ne concernent pour l’instant que Internet et les ERP. En revanche, les
intentions des PMI à moyen terme portent sur l’implémentation d’outils de sourcing et d’e-
achat (Cf. annexe 4).
Les propos de tous ces managers montrent que les entreprises de petite taille ne comptent pas
actuellement sur l’appui des technologies pour organiser leur management des achats, et
encore moins pour résoudre une situation imprévue. En conséquence, elles mobilisent de
façon importante les moyens humains dont elles disposent.
Ces comportements renvoient au concept de bricolage défini par Ciborra et al., (2001) comme
le « ré-ordonnancement des personnes et des ressources ». Pour ces auteurs, « le bricolage
est l’approche la plus fréquente, que la stratégie soit planifiée ou qu’elle réagisse aux
contingences ». Il ne s’agit cependant pas d’expériences aléatoires mais plutôt de trouver des
leviers à partir d’une situation observée. C’est ce que nous avons constaté dans l’analyse des
comportements des PMI de notre échantillon : les équipes achats réagissent aux contingences
et par conséquent à l’inattendu plus qu’elles ne contrôlent ou maîtrisent les situations.
Nous avons alors tenté d’évaluer le degré d’improvisation face aux situations inattendues.
Dans un premier temps, nous avons exploité les réponses des trois directeurs achats de PMI
aux questions spécifiques portant sur leur gestion des situations inattendues. Les réponses
nous ont permis d’évaluer les changements induits par les imprévus en termes de produits et
de process dans ces trois cas. Puis, nous avons complété ce premier aperçu par une recherche
confirmatoire, manuelle, des modalités de l’improvisation dans le corpus des premiers
entretiens auprès des sept PMI de l’échantillon.
Dans les trois cas, la situation rencontrée n’était pas considérée comme prévisible.
L’interaction qui s’en est suivie est donc construite au fur et à mesure, ce qui constitue une
adaptation au problème posé par l’interlocuteur étranger.
En ce qui concerne les changements induits et les conséquences sur les produits achetés et sur
les processus achats, les réponses démontrent que chaque cas d’interaction est unique.
Tout d’abord, nous relevons que deux des PMI (Microcar et VMI) constatent des
modifications de leurs pratiques habituelles d’achats. Les deux directeurs achats utilisent le
Chapitre 5: Improvisation, réponse à l’imprévu
224
verbe « imaginer » -une solution ou un compromis- pour qualifier l’interaction. Ce terme est
révélateur de l’état d’esprit d’ouverture dont font preuve ces managers pour enrichir la
relation fournisseur lors de la situation qui s’est présentée ou comme enseignement pour
résoudre de futures situations similaires.
Ensuite, les réponses convergent, de manière classique, sur les moyens à mobiliser pour
trouver une solution au problème : les situations inattendues génèrent de nombreux échanges
par téléphone et courrier électronique.
En revanche, les réponses sont particulièrement divergentes sur la mobilisation des ressources
existantes tant au niveau individuel (connaissances, compétences), qu’organisationnel
(procédures définies, approche standard). Les recherches de solutions ont été élaborées sur le
moment, au fur et à mesure de l’interaction. Dans deux cas sur trois (Microcar et Cecab), la
dépendance par rapport au fournisseur est importante –fournisseur incontournable ou imposé-,
ce qui explique l’intérêt de la pérennisation de la relation. La solution adoptée alors dans les
deux cas est la même : le recours ponctuel à des intermédiaires privés ou institutionnels.
Enfin, la situation imprévue génère logiquement des effets négatifs sur le produit en termes
de coût, de délai et dans une moindre mesure en termes de qualité attendue. Mais il est à noter
que ces situations servent d’expérience puisque deux des PMI reconnaissent que la situation a
également déclenché une nouvelle réflexion sur le produit en lui-même (conception). Cette
appréciation est confirmée dans les réponses suivantes concernant les process. Les trois PMI
affirment que leurs équipes ont plutôt appris et progressé au cours de ces expériences.
A partir de ces trois exemples, il est raisonnable de penser que la perspective relationnelle est
d’une importance capitale pour les PMI. Elles n’ont souvent pas le choix de changer de
fournisseur puisque les relations découlent d’orientations antérieures qui leur ont déjà coûté
des investissements financiers (orientation et participation à l’équipement du fournisseur) et
non financiers (déplacements, audits, présélection). Ainsi, après avoir effectué un long travail
de référencement de fournisseurs distants et mené une stratégie de séduction pour leur donner
envie de travailler avec elles, la plupart des PMI sont en quelque sorte contraintes de
pérenniser la relation afin d’obtenir un retour sur leur investissement relationnel.
Nous avons cherché à approfondir ces résultats exploratoires au travers des sept entretiens
précédents auprès des PMI. Notre analyse de verbatims, structurée selon le modèle séquentiel
de Van Weele (2004), confirme la capacité d’adaptation ponctuelle des petites et moyennes
Chapitre 5: Improvisation, réponse à l’imprévu
225
entreprises à chacune des étapes du processus achats et nous permet d’en faire émerger les
principales modalités.
� Préparation de l’improvisation lors de l’exploration des marchés sources
A cette étape du processus achats, l’ajustement porte principalement sur l’adaptation des
équipes aux différentes règles du jeu. « Si vous allez faire un sourcing dans un pays difficile,
vous n’avez pas le contrôle de votre activité. Donc il faut mettre de l’énergie et une
implication qui sont énormes par rapport au résultat que vous trouvez » (E14/PMI/IAA). Le
rapport de force n’étant pas en faveur de l’acheteur, la solution va consister à s’impliquer,
s’engager fortement dans la relation. Concrètement, cela se traduit par une présence régulière
sur place pour consolider les relations, non seulement avec le fournisseur, mais également
avec tous les autres acteurs susceptibles d’intervenir à un moment ou un autre : prestataires de
services, administrations, etc. La simple constitution d’une liste de contacts par exemple
demande beaucoup d’énergie mais est absolument nécessaire afin de pouvoir les mobiliser
rapidement en cas de problème. Ce comportement relève à la fois de l’apprentissage (qui
contacter) et du contrôle (comment les utiliser) tout en contribuant à préparer les ajustements
ponctuels d’improvisation.
� Mise en œuvre de l’improvisation lors de la définition des produits
Les échanges d’informations entre acheteurs et fournisseurs lors de la définition des produits
sont la source d’initiatives de part et d’autre. La rédaction du cahier des charges notamment
laisse parfois la porte ouverte à l’improvisation. « On fait plusieurs allers-retours, on envoie
des croquis par mail, après on se rappelle, après ils posent des questions, on répond. Les
échanges se construisent au fur et à mesure, on improvise comme si…comme si du coup…on
se voyait » (E12/PMI/Commerce). Nous relevons que l’adaptation porte ici principalement sur
la marge de manœuvre et d’initiative que l’acheteur accorde au fournisseur. Et
l’improvisation consiste alors à rompre avec les pratiques habituelles -cahier des charges figé-
pour suivre une opportunité intéressante de développement. Cette modalité d’improvisation
rejoint ainsi les modalités d’apprentissage par l’enrichissement des connaissances qu’elle
apporte.
Chapitre 5: Improvisation, réponse à l’imprévu
226
� Mise en œuvre de l’improvisation lors de la négociation
La phase de négociation laisse aux acheteurs une marge importante d’improvisation et peut
même contribuer à l’aboutissement de la contractualisation. Les discours font apparaître que
la relation fournisseur peut suivre différentes trajectoires en fonction du niveau de rapport de
force perçu par l’acheteur. « Les négociations dans les achats c’est toujours de savoir où est
le niveau d’égalité. Si votre fournisseur est plus en position de force que vous, ça va changer
complètement la définition de la relation » (E8/PMI/Auto). Concrètement, l’improvisation se
traduit alors par plusieurs scénarios possibles qui nécessitent une préparation en amont. Une
des solutions consiste, notamment, à les envisager lors de l’élaboration des argumentaires
achats. En effet, la marge de manœuvre ne peut être complètement « improvisée » à chaud
mais suppose de s’adosser à un apprentissage antérieur. Cette analyse rejoint certains résultats
présentés dans la revue de littérature portant sur la nécessaire préparation de l’improvisation
« Loin d’être une action sans réflexion, préparation ou apprentissage, elle demande une
démarche continue d’acquisition de compétences improvisationnelles » (Chedotel, 2005).
� Improvisation lors de l’évaluation de la relation
L’improvisation a enfin sa place dans la remise en question des routines. En effet, ce n’est pas
parce qu’à un moment donné, un fournisseur n’a pas donné satisfaction, qu’il est exclu de
toute consultation future. « Quand on travaille avec la Chine, les premiers produits sont très
bien mais ensuite, il peut y avoir des problèmes. Mais, on ne met jamais fin à une relation, les
contacts sont toujours préservés. C’est à eux de nous démontrer qu’ils ont amélioré tel et tel
process, qu’ils sont devenus plus compétitifs pour tel et tel produit » (E12/PMI/Commerce).
Concrètement, l’improvisation consiste, à cette étape, à entretenir les panels fournisseurs afin
de pouvoir imaginer à différentes périodes la capacité de partenaires, précédemment
référencés, à répondre à de nouvelles demandes. Cette mise à jour des bases de données
demande un investissement important en temps, surtout en l’absence d’outils informatiques
spécifiques de gestion de la relation fournisseur. Cet ajustement ponctuel par des
changements de pratiques entre passé, présent et futur représente ainsi une autre modalité
d’improvisation.
Chapitre 5: Improvisation, réponse à l’imprévu
227
En conclusion de cette relecture des entretiens avec nos sept PMI, nous avançons l’idée que
l’adaptation des comportements et des processus est incontournable pour gérer la relation
avec les fournisseurs distants afin de ne pas passer à côté d’opportunités. L’improvisation
apparaît dès lors comme un comportement opportun permettant d’optimiser la démarche
puisqu’elle est motivée par l’apprentissage et le contrôle.
Les modalités de l’improvisation peuvent être synthétisées en quatre types d’ajustements :
- ajustement aux règles du jeu de la scène internationale, notamment en utilisant des relais
locaux, que ceux-ci soient institutionnels -représentants de la France ou administrations
locales - ou en mission privée – cabinets d’audits internationaux ou prestataires locaux
ayant une bonne connaissance des réseaux d’influence sur place-.
- ajustements du processus achats par un renforcement ad-hoc des éléments de contrôle,
audits ou déplacements supplémentaires par exemple.
- ajustements des comportements individuels, ce qui nécessite de disposer d’acheteurs
recrutés pour leur capacité à improviser.
- ajustements organisationnels par une remise en cause des routines.
Dans les quatre formes d’adaptation, la perspective relationnelle oriente l’action, et les
ajustements sont considérés comme ponctuels. Le recours aux institutions, par exemple, ou la
redéfinition de la qualité du produit par un déplacement supplémentaire ne vont être, ni
systématisés, ni constituer des étapes formalisées des relations futures. En revanche, les PMI
affirment que ces adaptations leur servent d’expérience et que cet apprentissage nourrit les
futures improvisations.
Un retour sur la métaphore du jazz est ici intéressant pour établir un parallèle avec le mode de
gestion de l’imprévu d’une situation d’achat. En effet, un morceau improvisé dans une
partition globale permet au groupe de musiciens de faire émerger ponctuellement de la
créativité, qui ne sera pas forcément reprise de la même manière lors d’une nouvelle
Chapitre 5: Improvisation, réponse à l’imprévu
228
représentation. Néanmoins, le groupe de musiciens mémorise la solution ponctuelle apportée
à une sollicitation, ce qui enrichit son répertoire.
En conclusion de cette revue des pratiques de PMI, il nous semble pertinent de considérer que
l’improvisation est un mode opportun de gestion de l’imprévu lorsqu’il repose sur la capacité
des équipes à modifier leurs pratiques habituelles (partition) tout en apprenant
(enrichissement du répertoire) et en contrôlant l’interaction (harmonie).
2.2. L’alignement stratégique des grandes entreprises
Suite à l’analyse thématique, manuelle, des informations collectées, nous avons procédé à un
traitement informatisé du corpus des vingt-trois premiers entretiens, à l’aide du logiciel
Alceste. Les résultats de ce traitement ont permis, d’une part, de confirmer les deux
dimensions de la gestion de la relation fournisseur exposées précédemment – une orientation
comportementale et une orientation processus -, et d’autre part, de faire apparaître un
regroupement des entreprises en quatre classes. Nous avons analysé les attitudes par classe à
la lumière de notre support théorique, le modèle d’interaction, ce qui nous conduit à formuler
une proposition de typologie orientant la relation fournisseur en contexte international. Un
résultat assez net se dégage de l’analyse : les grandes entreprises optent davantage que les
PMI pour une relation fournisseur orientée vers le contrôle des processus achats, par la mise
en place d’outils spécifiques, notamment les technologies support aux achats.
L’analyse factorielle des correspondances, générée par le logiciel Alceste, donne la
représentation suivante (Cf. figure 5.2.) :
Chapitre 5: Improvisation, réponse à l’imprévu
229
Figure 5.2. : Traitement Alceste – AFC – Répartition par classes des entreprises NB : Les entretiens entourés sont ceux des PMI
Nous avons procédé à une relecture des entretiens correspondants à chaque catégorie pour y
rechercher l’explication des axes et classes.
� La qualification des axes de la typologie
Notre typologie discrimine l'attitude des directeurs achats dans leur activité internationale
selon deux dimensions principales : l'orientation processus (axe horizontal) et l’orientation
vers l’autre (axe vertical). Nous nous sommes inspirés de Freeman et Cavusgil (2007) qui ont
également utilisé l’outil de la typologie pour comprendre le phénomène d’internationalisation
accélérée des organisations. Ils définissent l'orientation vers l’autre comme « un
comportement collaboratif conçu pour alimenter toutes les relations et les préserver sur le
long terme ». Ce type de comportement nous étant également apparu comme un élément
discriminant lors de nos entretiens, nous avons choisi de le retenir comme un des deux
critères. L’échelle de notre axe vertical décrit par conséquent la vision de la relation par les
directeurs achats. Certains d’entre eux conçoivent les opérations sur les marchés étrangers
Chapitre 5: Improvisation, réponse à l’imprévu
230
comme des opportunités ponctuelles qu’ils saisiront en fonction de leurs besoins – orientation
vers l’autre minimum –. D’autres inscrivent la démarche de sourcing et de sélection de
fournisseurs dans le long terme, allant jusqu’à intégrer les fournisseurs dans la conception des
composants souhaités et les soutenant dans leur amélioration de productivité. L’orientation
vers l’autre est alors maximum. Les deux types de démarches coexistent en fonction du degré
de maturité de la fonction achats dans l’entreprise et des moyens humains et financiers alloués
au développement des activités collaboratives.
L’orientation processus est un construit que nous suggérons, afin de rendre compte de
l’opérationnalisation de l’activité achats. Elle n’est pas évoquée dans les travaux de Freeman
et Cavusgil. L’échelle de notre axe horizontal reflète ainsi le niveau d’utilisation des
technologies pour supporter les opérations de sourcing et d’achats. Dans certains entretiens,
cette orientation apparaît très clairement par la prédominance de termes comme « outils,
utiliser, coût, délai », ce qui dénote une orientation processus maximum.
Les deux axes retenus délimitent quatre catégories d’attitudes dans la relation fournisseur en
contexte international.
� La qualification des classes
Le groupe le plus important (45% de notre échantillon, classe 1, quadrant en bas à droite) est
orienté « processus » et recherche de ses propres intérêts. Les informants de ce groupe
attachent de l’importance aux procédures formalisées, tout en ayant trois préoccupations
principales : (1) la réduction des coûts par l’exploration de pays "low cost", (2) le contrôle des
délais afin que le temps de développement de produit en interne et le cycle de mise en marché
-"time to market"- soient les plus courts possibles et (3) une exigence de qualité spécifique,
généralement détaillée dans un cahier des charges précis. Ils sont clairement axés sur la
standardisation du processus achats et estiment que son aboutissement dépend de la capacité
des fournisseurs étrangers à répondre à leurs requêtes. Ils ont donc besoin de contrôler la
relation afin de s'assurer qu'ils obtiennent ce qu'ils ont commandé et cela passe par un
ajustement des process plus que par un changement comportemental. Nous qualifions cette
classe, d’une orientation « Contrôle ».
Chapitre 5: Improvisation, réponse à l’imprévu
231
Le deuxième groupe par ordre d’importance (26% des répondants, classe 2) est orienté vers
les autres et surtout vers la découverte des marchés, ce qui est mis en évidence par les
principaux termes employés dans les discours : « culture », « langues ». Sensibilisés aux
différences culturelles, ils sont capables d'adapter leur comportement à des situations
imprévues ou inattendues. Néanmoins, travailler à l’international n’est pas un objectif en soi.
Le recours aux fournisseurs étrangers n’est envisagé que s’il est nécessaire, l’orientation
principale restant le marché domestique. La réduction de la distance acheteur-fournisseur
étranger est, dans ce cas, fondée sur l’adaptation comportementale du directeur achats et de
ses équipes. Nous qualifions cette classe d’une orientation « Apprentissage ».
Nous qualifions le troisième groupe (quadrant en bas à gauche, classe 3) d’une orientation
« Opportunisme ». Ces informants (13% de notre échantillon) cherchent leur intérêt avant
tout. Ils envisagent les processus achats à court terme, ce qui leur permet de changer de
fournisseurs en fonction des réponses à leurs besoins - recherche de sourcing low cost
notamment- .
Enfin, le quatrième groupe (14% de l’échantillon, classe 4) présente à la fois une ouverture
vers les autres et un intérêt marqué pour les processus et les technologies. Les informants de
cette catégorie ont l'intention de créer et d'entretenir des relations sur le long terme par tous
les moyens y compris en imaginant des solutions nouvelles aux difficultés qu’ils rencontrent.
Ils sont donc prêts à improviser si besoin. Ils considèrent la stratégie achats comme une
contribution à la performance globale de l’entreprise. Pour y parvenir, ils ont besoin de bien
connaître les individus comme les organisations et ils pratiquent la segmentation des panels
fournisseurs. Leur démarche achats s’appuie sur l’utilisation poussée des technologies
disponibles – sites d’enchères, outils d’e-achat ou de e-sourcing -. La création de valeur dans
le processus achats est alors axée sur l'apprentissage organisationnel, tant au niveau
comportemental qu’au niveau des processus. Nous qualifions cette attitude d’ « Alignement
stratégie / technologies ».
Selon les critères retenus, ce dernier groupe (classe 4) se caractérise par un comportement
collaboratif contribuant à la pérennisation des relations clés. A l’inverse, les répondants des
autres classes (1, 2 et 3) travaillent à plus court terme et cherchent principalement dans la
Chapitre 5: Improvisation, réponse à l’imprévu
232
relation, la compétitivité et l’intérêt de leur entreprise. Les quatre types d’attitudes contribuent
néanmoins à développer l’internationalisation de l’activité achats.
Le schéma synthétique correspondant à ces choix est représenté dans la figure suivante (5.3.).
Orientationprocessus
.Orientation vers l’autre
Opportunisme
Alignement stratégie /
technologies
Contrôle
Apprentissage
« Coût, délai, qualité »
« Utiliser, outils »« Culture, Langues »
« Aujourd’hui, Asie »
Figure 5.3. Proposition d’une typologie d’attitudes dans la relation fournisseur en contexte international
Nous synthétisons également dans le tableau suivant (5.3.) notre analyse des caractéristiques
principales de chacune des classes, structurées selon les quatre thématiques du modèle
d’interaction.
Chapitre 5: Improvisation, réponse à l’imprévu
233
Tableau 5.3. Principales caractéristiques des classes de la typologie d’attitudes des directeurs achats en contexte international Classe Classe 1 Classe 2 Classe 3 Classe 4
Part de l’échantillon 45,6% 26,3% 13,8% 14,2%
Orientation Contrôle Apprentissage Opportunisme Alignement stratégie / technologies
Entretiens N° Grande entreprise (GC)
GC : 2, 15, 22 PMI : 8, 14
GC : 1, 5, 16
GC : 7, 17 PMI : 9, 13
GC : 18, 19, 21, 23
Présences Significatives (Khi2 >0)
Produit, Coût, Prix, Qualité, Contrôler, Délai
Culture, Langues, Différent, International Aujourd’hui, Afrique, Asie, Cahier des charges, Appels d’offres,
Enchères, Outils
Absences Significatives (Khi2 <0)
Anglais, Culture, Difficulté Produit, Prix, Aujourd’hui Produit, Qualité, Devoir International, Culture, Anglais
Environnement international Existence d’opportunités Perception de la distance culturelle Comparaison des avantages par pays
ou zones géographiques Existence de fournisseurs compétents partout dans le monde
Acteurs Recherche d’intérêts gagnant-gagnant
Adaptation aux situations Capacité d’improvisation
Utilisation de relais locaux et d’intermédiaires
Recherche d’expertise fournisseur Capacité d’improvisation
Atmosphère de la relation
Orientation long terme Création d’un climat de confiance Organiser le savoir être Orientation court terme Vigilance
Accompagnement des fournisseurs
Interaction et processus achats
Analyse de faisabilité Audits qualité Formalisation des processus
Comprendre les mécanismes de fonctionnement Établir des règles ad hoc
Rendre les transactions opérationnelles
Segmentation des panels fournisseurs Utilisation systématique de technologies
Chapitre 5: Improvisation, réponse à l’imprévu
234
A partir de cette classification et de la représentation de l’analyse factorielle (figure 5.2.),
nous remarquons que les PMI – entretiens 3, 6, 8, 9, 12, 13 et 14 - se situent principalement
dans la zone proche du croisement des deux axes. Cette position reflète un manque
d’orientation stratégique spécifique. L’avantage de ce positionnement est que cela leur laisse
la possibilité de mettre en œuvre différentes logiques de gestion de la relation fournisseur en
fonction du contexte international auquel elles sont confrontées. Cette attitude reflète la
perspective relationnelle développée dans le paragraphe précédent.
Quant aux grandes entreprises de notre échantillon, elles se répartissent dans les quatre classes
de manière assez inégale. Seules deux d’entre elles adoptent clairement une attitude
opportuniste. Quelques unes se situent selon la logique attendue d’apprentissage, les
directeurs achats de ces entreprises étant particulièrement sensibles à l’interculturel. Mais la
majorité de nos informants utilise un discours qui les classe dans la partie droite du schéma de
l’AFC, c’est-à-dire selon une orientation de contrôle des processus. Il est intéressant de
relever que quatre des grandes entreprises – 18, 19, 21 et 23 - ont une attitude tentant de
concilier le contrôle de la démarche achats et l’utilisation de technologies supports aux achats.
L’évocation d’expériences plus ou moins réussies d’implémentation et d’adoption d’outils
spécifiques tient une place importante dans leur discours. Cette attitude reflète une perspective
d’alignement stratégique.
Le passage par ce prisme de la typologie nous a permis de souligner la diversité des attitudes
en contexte d'internationalisation des processus achats. Les attitudes guidées par
l’apprentissage et le contrôle se retrouvent explicitement. La capacité d’improvisation est
également présente de manière implicite, au travers de l’attitude d’ouverture caractérisant les
classes deux et quatre. Dans cette dernière classe notamment, les capacités d’adaptation tant
individuelles qu’organisationnelles sont en cohérence avec la définition de Weick (1998) qui
affirme que « l’improvisation cherche à gérer efficacement la situation qui se présente ».
En conclusion de cette revue des pratiques des grandes entreprises, nous considérons par
conséquent que l’improvisation représente un mode de gestion de la relation fournisseur
complémentaire aux pratiques d’apprentissage et de contrôle, selon une perspective
d’alignement stratégique.
Chapitre 5: Improvisation, réponse à l’imprévu
235
CONCLUSION DU CHAPITRE 5
Ce chapitre était consacré à l’exploration empirique du concept d’improvisation.
Dans la première section, nous avons contribué à clarifier la distinction entre l’incertain, le
prévisible et l’inattendu. Nous avons montré que la découverte de nouveaux marchés sources
génère des situations d’achats prévisibles, mais néanmoins considérées comme imprévues par
les acteurs en raison de la façon dont ils s’approprient les événements. L’imprévu peut ainsi
être qualifié de fait nouveau réclamant une solution immédiate.
Dans la deuxième section, nous avons mis en lumière les réponses apportées par les directions
achats à ces imprévus. Les procédures habituelles d’apprentissage et de contrôle de la relation
devenant moins opérantes lorsqu’il s’agit de résoudre rapidement des problèmes, le recours à
l’improvisation se révèle un mode d’ajustement opportun. Le prisme de la typologie nous a
alors permis de différencier les attitudes des PMI adoptant principalement un comportement
relevant du « bricolage » de celles des grandes entreprises ayant la possibilité d’aligner leur
stratégie achats sur des technologies supports.
Ces travaux empiriques nous portent dès lors à nous interroger sur la mise en perspective
théorique de ces différents concepts -apprentissage, contrôle et improvisation -, ce que nous
proposons de traiter dans le chapitre suivant.
Conclusion générale
237
CONCLUSION GÉNÉRALE : MISE EN PERSPECTIVE ET SYNTHÈSE DES RÉSULTATS
Management des achats, enjeux et défis de l’international
Chapitre 1
Du contrôleà l’improvisation
Chapitre 2
Méthodologie de la recherche: 23 entretiens d’exploration / 3 cas d’approfondissement
Chapitre 3
Apprentissage et Contrôle,ajustements prévus
Improvisation, réponse à l’imprévu
Mise en perspective et synthèse des résultats
Chapitre 4 Chapitre 5
Conclusion
Question de rechercheComment les entreprises gèrent-elles l’inattendu,
paramètre inévitable d’une relation fournisseur élargie à l’international ?
PARTIE 1: LES FONDEMENTS CONCEPTUELS : RÉDUIRE L’INCERTITUDE ET RÉSOUDRE L’INATTENDU
PARTIE 2: RÉSULTATS EMPIRIQUES : PRÉVOIR L’APPRENTISSAGE ET LE CONTRÔLE ET PRÉPARER L’IMPROVISATION
Conclusion générale
238
Nos résultats ont montré que l’échelle internationale est une dimension où les différences
perçues de valeurs, de langages, de temps, font que l’éloignement peut affecter la relation
fournisseur, voire même l'interdire. En effet, l’environnement international génère des
incertitudes considérables, de manière continue, provoquant des situations inattendues
auxquelles les équipes ne s’attendent pas. Le contrôle et l’apprentissage sont deux réponses
persistantes permettant aux acteurs de gérer l’interaction habituelle. L’apprentissage permet
certes aux directions achats de réduire une partie des incertitudes au travers de l’acquisition de
connaissances au niveau individuel et organisationnel. Mais nos travaux nous ont conduit à
découvrir que le mode apprentissage est également inversé selon une logique de socialisation.
Le groupe d’achats incite les fournisseurs distants à apprendre les normes qu’il attend. Les
procédures de contrôle viennent alors appuyer cette démarche en fixant les règles déterminant
le cycle de vie de la relation. Ces processus d’apprentissage et de contrôle sont le reflet de
l’interaction habituelle entre acheteur et fournisseurs distants. Mais l’incertitude ne peut être
complètement maîtrisée et les imprévus demeurent. Un autre mode de gestion de la relation
est dès lors à envisager afin de gérer efficacement les situations inattendues qui se présentent.
Et, dans ce cas, l’improvisation constitue une réponse immédiate opportune.
Avant de formuler la synthèse des résultats de notre recherche, nous proposons, dans un
premier point, une mise en perspective des trois concepts ayant émergé de nos investigations,
l’apprentissage, le contrôle et l’improvisation. En effet, ces variables ne sont ni isolées, ni
statiques. Il convient par conséquent d’ébaucher une dynamique que nous suggérons sous la
forme d’un schéma d’articulation des ces trois dimensions significatives. Nous relions ainsi le
concept « imprévu » d’improvisation aux comportements « prévus » d’apprentissage
organisationnel et de contrôle, en situation d’achats à l’international.
Puis de manière classique, nous concluons cette thèse par une synthèse de l’ensemble de nos
résultats, nos contributions, les limites mais également les perspectives de recherches futures.
Conclusion générale
239
1. MISE EN PERSPECTIVE DES RESULTATS
Le caractère exploratoire de notre recherche ne nous permet pas de proposer une modélisation
formelle des trois modes de gestion: apprentissage, contrôle et improvisation. Cependant, il
nous semble important de les mettre en perspective et de présenter un schéma d’articulation
montrant leur influence respective dans la construction de la relation acheteur-fournisseur.
A cette fin, nous nous réapproprions le modèle d’interaction (Hakansson, 1992) que nous
avons largement utilisé tout au long de ce travail de recherche pour l’adapter aux résultats que
nous avons fait émerger dans les chapitres quatre et cinq. (Cf. figure 6.1.)
Environnement international
Atmosphère de la relation
APPRENTISSAGE
IMPROVISATION
INATTENDU
INCERTITUDES
Réponses persistantes
Réponse immédiate
Interaction
CONTRÔLE
Acheteur
Stratégie desourcing global
Fournisseurdistant
Figure 6.1. Schéma d’articulation des variables apprentissage, contrôle et improvisation
Nous retrouvons les quatre éléments de l’architecture du modèle : l’environnement
international, l’atmosphère de la relation, les acteurs (acheteur et fournisseur) et leur
interaction. Notre apport consiste dès lors à caractériser ces éléments de structure. Ainsi, nous
proposons dans le schéma suivant d’insister sur la dimension « incertaine » de
l’environnement mais surtout d’ajouter la dimension « inattendue » de l’atmosphère de la
Conclusion générale
240
relation. Quant à l’interaction acheteur-fournisseur, nous y intégrons les trois modes de
gestion majeurs que nous avons scindés entre réponses persistantes (apprentissage/contrôle) et
réponse immédiate (improvisation).
Ce schéma nous permet de valider et de compléter l’approche relationnelle dans le domaine
spécifique des achats mais également de montrer la complexité et les limites de l’interaction
lorsque les acteurs sont confrontés à une relation « interculturelle ». Nous proposons, dans les
développements suivants, de caractériser les liens entre les variables.
Tout d’abord, nous suggérons de retenir une première proposition (P1): les incertitudes de
l’environnement international représentent un déterminant majeur de l’inattendu.
La notion d’incertitude renvoie selon Miles et Snow (1978) à l’impossibilité de prévoir les
variables organisationnelles et environnementales qui influencent la performance d’une firme.
L’« incertain » est par conséquent ce qui n’est pas prévisible, ce dont les résultats ne peuvent
être connus à l’avance. L’incertitude a été largement explorée dans la littérature portant sur
l’internationalisation des activités (Johanson et Vahlne, 1977, Cavusgil, 1998, Czinkota et
Ronkainen, 2003) et les nombreux travaux s’accordent à reconnaître une corrélation entre
l’incertain et le niveau d’engagement d’une entreprise à l’international. Les entreprises optent
pour une voie internationale de manière lente et progressive en raison du manque de
connaissances des marchés étrangers, de la crainte des risques et de l'incertitude. Nous
prenons ces résultats pour établis. Nous avons d’ailleurs pu vérifier lors de nos entretiens que
les domaines classiques de manifestation de l’incertain – les distances et les risques – sont
évoqués à de nombreuses reprises par les directeurs achats. Ils justifient ainsi leur approche
prudente de certains nouveaux marchés sources du fait de leur difficulté à prévoir les
évolutions économiques, politiques et sociales. Et ils justifient également leur prudence, voire
leur méfiance vis-à-vis de fournisseurs en raison des distances géographiques et culturelles
qu’ils perçoivent. Pris isolément, ces résultats ne sont pas en soi très originaux. Notre apport
consiste ici à relier l’incertitude à la notion d’inattendu. Ces deux notions sont proches mais
néanmoins différentes.
L’inattendu est défini comme un événement auquel les acteurs ne s’attendent pas, un fait
« non attendu ». C’est l’idée de « unexpected » de Weick (1998) lorsqu’il développe la
capacité d’improvisation des musiciens de jazz. L’auteur ne développe pas la notion
d’« inattendu », sa recherche étant focalisée sur l’improvisation, « Improvisation deals with
the unforseen, the unexpected ». Mais, nous nous appuyons sur la métaphore du jazz qu’il
Conclusion générale
241
utilise pour creuser cette simple évocation de l’inattendu. Nous avançons l’idée que les
musiciens vont chercher dans leurs connaissances, tacites (leur talent) et explicites (le
répertoire qu’ils ont appris), les éléments nécessaires à leur créativité. Et il est prévisible que
des musiciens confirmés sauront produire une partition nouvelle au moment même où ils la
jouent (improvisation). Ce qui n’est pas prévisible, et qui par conséquent crée la surprise, ce
sont les inspirations que chaque musicien va avoir à ce moment précis ainsi que l’effet produit
au niveau du groupe (harmonie). Nous interprétons dès lors le concept d’inattendu comme le
rapport des individus à l’événement.
Appliquée à notre domaine de recherche, cette manière d’appréhender l’inattendu déplace
alors le niveau d’analyse de celui des événements incertains, générés par l’environnement et
par la relation, à celui du rapport d’un individu (l’acheteur) ou de son organisation (groupe
d’achats) à ces événements. Il ne s’agit plus pour les acteurs de prendre un risque en fonction
des incertitudes mais de gérer efficacement une situation dont la survenance et l’ampleur les
surprennent lorsqu’ils y sont confrontés.
Contrairement aux incertitudes, les situations d’achats inattendues peuvent donc être
prévisibles. Nous avons cité dans nos résultats que la corruption ou encore les problèmes
douaniers ou les risques de non paiement, sont prévisibles dans certains pays. Ils constituent
néanmoins des situations inattendues pour les entreprises parce qu’elles n’imaginent pas à
l’avance les solutions qu’elles mettront en œuvre pour pouvoir les gérer efficacement. En
nous appuyant sur nos résultats du chapitre cinq, nous réaffirmons que c’est bien le rapport
aux risques qui crée l’inattendu, tant au niveau de l’environnement (risques politiques,
économiques, sociaux, naturels, technologiques), que de l’atmosphère de la relation (risque
fournisseur). Le sens de la corrélation à retenir est donc des incertitudes vers l’inattendu.
Ce développement sur la relation incertitudes/inattendu nous conduit à formuler une seconde
proposition (P2) : la réduction des incertitudes s’appuie de manière persistante sur
l’apprentissage et le contrôle.
Nous avons observé et vérifié lors des entretiens que l’environnement international représente
un nouvel espace à « s’approprier » (E18/GC/Énergie), de nouvelles habitudes dont il faut
« s’imprégner » (E1/GC/Pharma) ainsi que « des subtilités commerciales, techniques et
juridiques sont à maîtriser » (E6/PMI/Auto). La stratégie de gestion de la relation des
fournisseurs distants a par conséquent pour objectif de réduire les incertitudes générées par
l’environnement et par la relation elle-même. Les directeurs achats en sont bien conscients et
Conclusion générale
242
une partie de leur mission consiste à élaborer les dispositifs d’apprentissage et de contrôle qui
permettront à leurs équipes de gérer au quotidien l’interaction avec les fournisseurs distants.
Nous avons évoqué dans la revue de littérature que l’apprentissage – individuel et
organisationnel - est une variable permettant la création et la capitalisation de connaissances
(Nonaka et Takeuchi, 1995). La spirale de création de connaissances proposée par ces auteurs
nous permet ici de comprendre comment les directions achats capitalisent –ou pourraient
capitaliser- les connaissances issues de leur gestion habituelle de la relation fournisseur. En
effet, les acheteurs ont chacun individuellement des connaissances, tacites – bi ou pluri
linguisme, don pour la communication, intuition pour détecter les opportunités, etc. – et
explicites issues de leurs savoirs – formation achats, spécialisation dans une famille de
produit, etc.-. Ces connaissances individuelles sont « converties » au niveau de l’entreprise en
connaissances collectives, qui elles aussi peuvent être qualifiées non seulement de tacites, le
savoir-faire de l’équipe achats dans certaines négociations, mais surtout d’explicites, la
maîtrise du processus achats codifié de l’entreprise. L’apprentissage en situation d’achat à
l’international est donc une variable multidimensionnelle, individuelle et collective, mais
également multidirectionnelle. Les acheteurs apprennent eux-mêmes sur le terrain au fil de
leurs expériences, apprennent dans leur entreprise par la mise en commun avec des collègues,
apprennent de leurs interlocuteurs au fur et à mesure qu’ils les rencontrent et enfin apprennent
des organisations et de l’environnement qu’ils découvrent sur les marchés sources.
De l’autre côté de la relation, le fournisseur est également en situation d’apprentissage, que
celui-ci soit pro-actif ou simplement réactif. En effet, certains fournisseurs ont vraiment le
souhait de répondre correctement aux demandes de l’acheteur et s’engagent avec le groupe
d’achats dans la transformation de leurs processus de production (apprentissage pro-actif). Ce
comportement s’observe pour diverses raisons. Nous avons, par exemple, noté dans les
entretiens que pour de nombreux fournisseurs asiatiques, l’Europe est un de leurs objectifs
d’export. Dans ce cas, un client européen représente une carte de visite qui leur ouvrira les
portes de nouveaux marchés. D’autres fournisseurs peuvent avoir une attitude plus distante
vis-à-vis de nouveaux apprentissages, là encore pour diverses raisons. Les entretiens ont
révélé que certains ne disposent pas des ressources humaines, techniques ou financières
suffisantes.
La position des acheteurs dans ce cas est alors variable et dépend de la place qu’ils accordent
au fournisseur dans leurs panels. Soit il s’agit d’un fournisseur de premier rang, « préféré », et
Conclusion générale
243
ils engageront des moyens pour l’aider à apprendre, soit ils placent le fournisseur en second
rang et ils lui accorderont du temps pour améliorer sa prestation, soit ils ne sont pas sûrs du
potentiel du fournisseur et ils lui demanderont de faire ses preuves, notamment au travers de
commandes tests sur des achats non stratégiques.
Le sens de l’apprentissage est par conséquent très complexe à définir dans la relation
fournisseur, d’autant plus lorsque ce dernier est distant. La logique de socialisation que nous
avons évoquée dans nos résultats, c’est-à-dire influencer le fournisseur afin qu’il agisse dans
le sens que l’acheteur attend semble importante. Mais à ce stade de notre analyse, nous
n’avons pas pu le quantifier. La réflexion nous conduit néanmoins à faire le lien avec la
variable « contrôle ».
Le contrôle de la relation fournisseur s’exerce, comme nous l’avons développé dans le
chapitre deux, à la fois de manière explicite par les normes que sont les cahiers des charges et
les contrats, mais également de manière implicite – normative - (Lusch et Brown, 1996),
notamment par la flexibilité et la réciprocité dans l’échange.
Le caractère explicite des accords porte, entre autres, de façon récurrente sur le niveau de
qualité attendu de la part des fournisseurs distants. En effet, la qualité obtenue habituellement
par le respect des normes européennes et américaines est remise en question sur les marchés
sources lointains. La distance renforce les différences d’appréciation de la qualité attendue et
nécessite des vérifications supplémentaires par rapport à des fournisseurs européens. « Nous
avons des protocoles assez précis qui ont été approuvés par les différents services, par la
production, par la qualité. » (E1/GC/Pharma), « Comment s’assurer à l’international du
respect du niveau de qualité exigée ? » (E18/GC/Energie). Le contrôle s’effectue alors
essentiellement sous forme d’audits permettant de vérifier le respect des certifications
demandées. Ces procédures qualité permettent de comprendre le lien avec le processus
d’apprentissage. Nous nous appuyons sur les travaux de Mukherjee et al. (1998) qui
démontrent que le système de pilotage de la qualité affecte les construits de l’apprentissage.
Selon ces auteurs, la démarche qualité affecte la façon dont les individus intègrent un nouvel
apprentissage, ce qui influence à son tour l’efficience de l’apprentissage organisationnel. Dans
notre contexte de relation fournisseur, la formalisation d’un contrat va affecter les
apprentissages individuels et organisationnels de deux parties. «On ne peut pas signer et
engager la société sur un contrat sans connaître l’autre, que ce soit en Chine ou ailleurs. Et
un contrat international, c’est à la fois très formateur mais c’est aussi très dangereux. On
Conclusion générale
244
peut toujours tomber sur une subtilité du contrat que l’on n’a pas vue […] On fait le contrat
en français de notre côté et ensuite, je fais appel à des cabinets européens, spécialisés dans le
juridique, pour le traduire en anglais. Et de l’autre côté, de l’anglais il est traduit en chinois.
Il ne faut pas sous-estimer qu’il y a des choses très compliquées dans la partie juridique.»
(E6/PMI/Auto). Il n’est donc pas simple de rédiger un contrat international et cet extrait de
discours montre bien que le contrat constitue un enjeu important de la relation d’achat et que
son élaboration s’appuie à la fois sur l’apprentissage et sur le contrôle.
Il en va de même pour les ententes implicites - contrats normatifs - qui conduisent acheteurs
et fournisseurs à adopter des règles relationnelles se traduisant par « des comportements
d’entraide, d’échange d’information, de flexibilité, de réciprocité, de constance dans
l’échange, de retenue dans l’exercice du pouvoir et enfin dans les efforts consentis pour
résoudre les conflits » (Heide et John, 1992 ; Cannon et al., 2000). Nos résultats ont montré
que les dispositifs de contrôle mis en œuvre portent, selon la vision analytique de Ouchi
(1979), à la fois sur les processus - utilisation des technologies, apprentissage des protocoles,
rédaction de cahier des charges, élaboration de contrats internationaux –, sur les résultats –
audits - et sur les comportements – observation des savoir-faire, visites d’usines -. La pression
sur les comportements peut être considérée comme un mécanisme de contrôle plus informel
que formel dans la mesure où les échanges entre individus prennent plutôt la forme de
recommandations. En revanche l’élaboration des documents écrits représente assurément des
procédures de contrôle formel. Nos résultats rejoignent en cela la dimension plurielle des
processus de contrôle évoquée dans la littérature « Le contrôle est plus qu’un dispositif
contractuel ou qu’un mécanisme d’incitation décidé ex ante. Il s’inscrit tout au long de la
coopération et vise à mieux connaître l’autre, l’influencer, coordonner ses activités aussi bien
par des mécanismes formels qu’informels » (Nogatchewsky, 2003).
Nous concluons ce développement sur la variable contrôle en nous situant dans la lignée des
travaux de Mac Neil (1980), pour qui tous les contrats utilisés dans une relation d’échange
sont destinés à réduire le risque et l’incertitude. Quant au sens à donner à cette variable de
contrôle dans l’interaction, le terrain d’investigation que nous avons retenu, les directeurs
achats, oriente bien évidemment nos résultats vers l’idée que le contrôle du processus achats
s’opère dans le sens « de l’acheteur vers le fournisseur ». Mais, là encore des recherches
complémentaires seraient nécessaires pour approfondir l’autre sens du contrôle « du
Conclusion générale
245
fournisseur vers l’acheteur » qui a également été évoqué dans les entretiens. « On a des
fournisseurs étrangers qui nous livrent des produits à très forte valeur ajoutée, qui sont des
leaders sur le marché. Parfois, ce n’est même pas nous qui les choisissons puisqu’ils sont
tellement leaders qu’on ne peut pas mettre un autre produit…à titre d’exemple, on ne peut
pas mettre n’importe quel moteur dans tel ou tel bateau. » (E17/GC/Ind). Nous suggérons, à
ce stade de notre recherche, de retenir simplement que la variable contrôle est elle aussi, tout
comme l’apprentissage, bidirectionnelle.
Enfin, nos résultats nous portent à retenir une troisième et dernière proposition (P3) : la
gestion de l’inattendu requiert une réponse immédiate qui peut être apportée par
l’improvisation. L’analyse des ajustements de la relation fournisseur au travers des dispositifs
persistants d’apprentissage et de contrôle nous a conduit à postuler que ceux-ci sont moins
opérants lorsqu’il s’agit de gérer des situations inattendues. En effet, lorsque le groupe
d’achats ne contrôle plus la situation et qu’il n’a pas le temps d’apprendre, un autre mode de
gestion peut lui permettre de trouver une solution, l’improvisation.
Nous avons défini l’inattendu selon quatre dimensions. C’est un phénomène (1) qui présente
un caractère de nouveauté par rapport aux situations précédentes (exploration /découverte),
(2) qui génère des situations d’achats imprévues, auxquelles l’acheteur ne s’attend pas, même
si l’événement peut être prévisible, (3) qui nécessite une solution « dans l’immédiat » et enfin,
(4) qui demande de l’imagination pour trouver la solution appropriée (diagnostic/voie de
sortie). L’articulation entre inattendu et improvisation repose sur les modalités de gestion
mise en œuvre pour apporter des réponses à ces quatre dimensions. Nos résultats aboutissent à
répartir ces modalités en quatre types d’ajustements : adaptation aux règles du jeu de
l’environnement international, adaptation du processus achats, adaptation des comportements
individuels et ajustements organisationnels. Les modalités de l’improvisation affectent donc
les quatre niveaux d’analyse du modèle d’interaction, ce qui permet de positionner ce concept
au centre du dispositif, l’interaction.
Les quatre formes d’ajustements ont été considérées par nos informants comme des réponses
ponctuelles. Le recours aux institutions, par exemple, ou la redéfinition de la qualité du
produit par un déplacement supplémentaire ne vont être, ni systématisés, ni constituer des
étapes formalisées des relations futures. En revanche, les PMI affirment que ces adaptations
Conclusion générale
246
leur servent d’expérience et que cet apprentissage nourrit les futures improvisations. Ces
affirmations rejoignent les travaux de Moorman et Miner qui définissent l’improvisation
organisationnelle comme « le degré de convergence dans le temps entre la conception d’une
action et son exécution. Plus ces deux phases sont proches, plus l’action est improvisée »
(Moorman et Miner, 1998). L’idée de réponse immédiate est ici clairement mise en avant. Les
affirmations illustrent également que « L’improvisation peut être considérée comme un type
d’apprentissage en temps réel à court terme mais est liée à l’apprentissage organisationnel
sur le long terme » (Miner, Bassoff et Moorman, 2001). Dans ces travaux postérieurs, les
auteurs font explicitement le lien avec l’apprentissage.
Dans notre schéma d’articulation des variables, l’improvisation a donc toute sa place au cœur
du dispositif, l’interaction, au même titre que l’apprentissage et le contrôle. Pour terminer,
nous pouvons nous interroger sur le sens d’application de cette variable. Qui de l’acheteur ou
du fournisseur improvise in fine ? Nos trois cas approfondis nous incitent à suggérer que les
deux parties concernées, acheteur et fournisseur, ont à imaginer les solutions.
Nous concluons ce point sur l’articulation inattendu/improvisation en retenant qu’un
comportement improvisé en situation d’achats à l’international s’appuie sur un apprentissage
permanent et sur le respect de la formalisation des processus de contrôle tout en laissant la
possibilité aux équipes achats de saisir les opportunités.
Nous synthétisons nos propositions dans le tableau suivant :
P1 Les incertitudes de l’environnement international représentent un déterminant
majeur de l’inattendu.
P2 La réduction des incertitudes s’appuie de manière persistante sur l’apprentissage et
le contrôle.
P3 La gestion de l’inattendu requiert une réponse immédiate qui peut être apportée par
l’improvisation.
Tableau 6. 1. Propositions découlant de notre recherche
Conclusion générale
247
2. SYNTHESE GENERALE DE LA RECHERCHE Nous avons initié cette recherche doctorale en portant notre intérêt sur deux contradictions
inhérentes à l’élargissement du champ des transactions achats à l’horizon international. D’une
part, nous avons observé que la gestion des fournisseurs, qui s’est longtemps développée sur
un mode relationnel fondé sur la confiance dans des partenaires locaux, se trouve désormais
fragilisée par ce nouveau contexte d’affaires où prédominent certes les opportunités mais
également les incertitudes. D’autre part, nous avons relevé que la tendance à la
systématisation de l’évaluation de tous les fournisseurs, qui passe par des procédures de
contrôle renforcé, s’oppose à la sélection de fournisseurs méconnus, voire inconnus - sourcing
global –. Cette approche nécessite au contraire de nouveaux apprentissages qui réduisent les
possibilités de contrôle. Ces deux observations nous ont permis de souligner que le contexte
de l’activité achats a radicalement changé au cours de ces dernières années, l’environnement
international générant de nombreuses situations inattendues, auxquelles la plupart des
entreprises n’étaient pas préparées.
La question de recherche à laquelle nous avons alors tenté de répondre à travers cette thèse
est : « Comment les entreprises gèrent-elles l’inattendu, paramètre inévitable d’une
relation fournisseur élargie à l’international ?»
Dans la première partie de la thèse, nous avons posé les fondements conceptuels de notre
recherche portant sur ce phénomène peu étudié - l’inattendu des situations d’achats en
contexte international -. Puis, nous avons réfléchi au dispositif méthodologique adéquat pour
aborder et traiter ce sujet.
Le premier chapitre est consacré à une revue de littérature en sciences de gestion concernant
les deux courants de recherche induits par notre sujet :
- la dimension internationale des échanges interentreprises (B2B), abordée sous l’angle
spécifique des achats
- la perspective relationnelle de ces échanges B2B, également abordée selon la
perspective de l’acheteur.
Conclusion générale
248
Dans un second chapitre, nous avons démontré que les modes de gestion de la relation,
classiquement analysés sous l’angle des théories de l’apprentissage et du contrôle, pouvaient
s’enrichir d’une grille de lecture complémentaire, celle de l’improvisation.
Nous exposons dans le chapitre trois notre dispositif méthodologique. Face à un tel
phénomène aux contours non stabilisés, il nous a semblé opportun de concevoir et mettre en
œuvre une méthodologie adaptée dans sa forme et sa progression. Nous avons opté pour une
approche qualitative qui permet une étude exploratoire d’un contexte managérial particulier :
la démarche de globalisation des achats en secteur industriel. Nous avons travaillé le terrain
d’investigation en deux temps. Une première exploration a permis, au travers de vingt-trois
entretiens auprès d’experts, d’étudier l’adaptation des directions achats confrontées au
contexte international et ainsi de mieux cerner leurs modalités d’apprentissage et de contrôle.
Une deuxième exploration s’est ensuite avérée nécessaire afin d’approfondir la notion
d’inattendu ayant émergé des entretiens. Cette analyse a été portée par trois études de cas de
gestion de la relation fournisseur en PMI. Une des particularités de ce terrain est le caractère
« d’expertise » de nos informants puisqu’il s’agit d’acteurs ayant une expérience confirmée
des achats sur les marchés étrangers. Une autre particularité importante à souligner est que ces
répondants font partie des directions des entreprises –top management -, et ont ainsi une
vision globale des enjeux et des solutions à envisager, tant sur le plan organisationnel
(management des équipes achats) que technologique (sélection et mise en œuvre d’outils de
SRM). L’accès privilégié à ces managers nous a permis de collecter des données empiriques
peu accessibles et souvent sensibles.
Dans la deuxième partie de la thèse, nous avons détaillé les résultats empiriques obtenus et le
modèle théorique qu’ils nous ont conduits à élaborer.
Dans le chapitre quatre, nous avons montré que les ajustements de la relation fournisseur,
analysés selon les perspectives classiques d’apprentissage et de contrôle, apportent un résultat
inattendu. En effet, il est difficile pour les acheteurs d’apprendre dans un environnement
incertain et, de ce fait, le contrôle est renforcé afin de mieux maîtriser le fournisseur. Cette
analyse pose la question de l’opportunité de la gestion relationnelle. Celle-ci est finalement
moins fondée sur la confiance que sur les « arrangements » consentis dans la perspective
d’avantages mutuels.
Conclusion générale
249
Dans le chapitre cinq, nous démontrons qu’au-delà des ajustements en termes d’apprentissage
et de contrôle, qui étayent la relation sur le long terme, l’improvisation peut également
constituer un mode adéquat de gestion. C’est particulièrement le cas lorsque les acteurs sont
confrontés à des situations d’achats inattendues, ce qui est fréquent. En effet, le rapport à des
événements non prévus nécessite de la part des groupes d’achats d’imaginer des solutions
immédiates. La situation n’étant plus contrôlée et le temps d’apprentissage n’étant pas
suffisant, l’improvisation apporte ponctuellement une voie de sortie et une réponse immédiate
à la situation.
En conclusion, nous mettons en perspective les dimensions significatives de notre recherche
en schématisant l’articulation entre apprentissage, contrôle et improvisation. Puis, nous
synthétisons l’ensemble des résultats et soulignons les contributions et les limites de notre
recherche avant de suggérer les perspectives de recherches futures.
Conclusion générale
250
Conclusion générale
251
3. CONTRIBUTIONS DE LA RECHERCHE Nous détaillons de manière classique les apports de notre recherche en développant
successivement nos contributions théoriques, conceptuelles, méthodologiques et
managériales.
3.1. Contributions théoriques et conceptuelles
Le premier support théorique utilisé - le modèle d’interaction de l’IMP (Håkansson, 1992) -
nous permet d’apporter une explication supplémentaire sur le comportement des acteurs dans
une relation d’échanges interentreprises. Ce modèle, largement mobilisé en marketing B2B,
permet d’intégrer la dimension relationnelle de l’échange et de prendre en compte les
contingences de l’environnement d’affaires des entreprises. De nombreux travaux ont porté
sur l’interaction entre acteurs considérés comme une dyade. D’autres études se sont
intéressées à la perspective du vendeur et à l’impact de l’interaction sur les clients.
L’originalité de notre travail consiste à nous situer selon la perspective de l’acheteur (et du
groupe d’achat) dans le contexte tout à fait particulier et récent de la globalisation des achats.
Cet angle d’analyse (le point de vue de l’acheteur) est plus rarement étudié, d’autant plus
lorsqu’il est croisé avec la dimension internationale. Notre apport concerne par conséquent
l’enrichissement de la compréhension de la relation fournisseur par les déterminants et les
modalités des ajustements rendus nécessaires à l’international.
Notre contribution conceptuelle essentielle est donc d’avoir mis en perspective
l’improvisation avec les concepts plus stabilisés d’apprentissage et de contrôle dans
l’approche relationnelle. Dans nos propositions, nous insistons plus particulièrement sur les
articulations « incertitudes/inattendu » et « inattendu/improvisation ». De ce point de vue,
nous apportons une contribution au modèle de l’IMP en montrant, dans le cas des achats à
l’international, que l’improvisation peut être une réponse pertinente à l’inattendu. Nous
soulignons toutefois que paradoxalement, « l’improvisation ne s’improvise pas ». C’est par
conséquent au groupe d’achats de relever ce défi et de préparer ses équipes à ce mode de
gestion atypique.
Conclusion générale
252
Notre second apport théorique concerne la revue de littérature que nous avons effectuée dans
le domaine spécifique des achats. Cet état de l’art nous a permis de démontrer que les travaux
récents, centrés sur une approche de « sourcing global » - sélection de fournisseurs et achats à
l’échelle mondiale-, peuvent être classés selon trois thèmes principaux:
- les étapes du processus de globalisation des achats
- les déterminants de la globalisation
- les stratégies globales d’achat.
Nous avons souligné que la plupart des publications, en majorité anglo-saxonne (JPSM, IMM,
…) sont parues dans les années deux mille, ce qui permet d’affirmer le caractère tout à fait
récent des travaux académiques. Nous insistons par ailleurs sur l’ambiguïté du positionnement
des travaux concernant les achats que l’on retrouve aussi bien dans des publications
marketing que logistique, stratégie, voire systèmes d’information ou encore contrôle.
Cette catégorisation de la littérature nous permet de mettre en évidence un troisième apport
théorique, insistant sur la sémantique. Les termes de « sourcing » - recherche et sélection de
sources d’approvisionnement – et d’ « achat international » - international purchasing or
supply- sont souvent confondus dans les travaux et publications. Il convient cependant de les
distinguer plus clairement puisque, non seulement ils correspondent à des étapes différentes
du processus achats, mais encore ils s’appuient sur des technologies de l’information,
explicitement différenciées à l’heure actuelle par les éditeurs de solutions logicielles – outils
d’e-sourcing, d’e-procurement, d’e-SRM-, selon une logique d’applications métiers.
Conclusion générale
253
3.2. Contributions méthodologiques
L’apport méthodologique de cette recherche se situe dans le dispositif conçu et mis en œuvre
pour collecter les informations. L’objet de la recherche, les modes de gestion de la relation
fournisseur adéquats en contexte international, nécessite l’accès à des informations difficiles à
obtenir du fait du petit nombre d’individus en ayant la responsabilité (directeurs achats en
charge des opérations internationales). De plus, ces responsables, lorsqu’ils sont joignables,
ne sont pas naturellement prêts à répondre à des investigations académiques. Les rendez-vous
avec nos informants n’ont été obtenus que sur recommandations d’acheteurs professionnels,
ce qui a facilité par la suite l’établissement d’une atmosphère de confiance, favorable à
l’approfondissement du sujet.
La forme semi-directive des entretiens permettait aux directeurs achats de s’exprimer de
manière très spontanée sur leurs pratiques et projets de gestion de la relation fournisseur à
l’international. De notre côté, cela a abouti à faire émerger peu à peu un phénomène récurrent
des situations d’achats – l’inattendu –. Notre apport méthodologique lors de cette étape a
consisté à laisser une marge de liberté suffisante aux directeurs interrogés.
La seconde phase d’entretien avec trois directeurs achats de PMI a consisté à approfondir le
thème de la gestion de l’inattendu. Ces responsables ont mis à notre disposition les
informations nécessaires pour élaborer nos trois cas et nous ont ouvert les portes nécessaires.
Cette approche s’est révélée utile puisque la comparaison des cas nous a conduit à rechercher
des explications aux trajectoires observées et analysées. Nous avons ainsi pu identifier des
pratiques invariantes, en termes d’acquisition de connaissances - apprentissage individuel et
organisationnel - et de formalisation de la relation - procédures de contrôle- ainsi qu’un
mode de gestion plus ponctuel, pertinent pour faire face à l’inattendu – l’improvisation -.
Notre apport méthodologique à ce stade de la recherche a consisté à utiliser une grille de
lecture théorique « apprentissage/contrôle » pour retirer des enseignements des pratiques
managériales caractérisées dans les entretiens et les cas.
Notre apport méthodologique repose donc sur la construction d’un échantillon ad-hoc puis sur
la sélection de trois cas de PMI. Ce couplage entretiens/cas nous a permis d’appréhender de
façon satisfaisante, pour une exploration, le concept d’inattendu.
Conclusion générale
254
3.3. Contributions managériales
Notre premier apport managérial se rapporte à l’analyse du processus de gestion de la relation
fournisseur (SRM). Les orientations stratégiques observées nous conduisent à postuler que la
mise en place d’un projet de SRM nécessite à la fois des mutations organisationnelles –
ajustements des comportements et des processus- ainsi que des changements technologiques.
Premièrement, le pilotage du changement est comportemental et processuel. Il consiste à
préparer les équipes à s’adapter aux situations d’achats nouvelles, voire surprenantes.
L’organisation de la recension et de l’historisation des expériences sur les marchés étrangers
représente un objectif prioritaire devant permettre aux individus et à l’entreprise, non pas de
réduire totalement les incertitudes, mais du moins de fournir une préparation, un entraînement
à l’improvisation. La formation des acheteurs en ce sens est à l’heure actuelle largement sous-
estimée. Cet ajustement comportemental va de pair avec les ajustements de processus achats.
L’élaboration de documents écrits très précis – contrats, normes souhaitées, etc. – semble
devoir être envisagée de manière systématique et la plus standardisée possible afin que les
équipes prennent l’habitude de s’y référer constamment.
Deuxièmement, le pilotage du changement s’appuie sur les technologies de l’information
supports aux achats. Mais leur sélection, leur acquisition et leur déploiement ont tout intérêt à
s’aligner sur les objectifs stratégiques. Au travers du cas Microcar, nous avons en effet
démontré la faible contribution des outils d’e-achats à la gestion des situations complexes
avec des fournisseurs distants. Une des explications tient à la taille de la structure. Les PMI ne
peuvent se permettre de mobiliser du personnel sur les outils tant que des problèmes requérant
beaucoup de relationnel existent. La relecture des entretiens aboutit à confirmer que les
grandes entreprises ont la même approche prudente vis-à-vis des outils, considérant que la
formalisation des processus achats est prioritaire.
« La plateforme, on l’utilise beaucoup sur des portefeuilles achats que l’on connaît qui sont grosso modo en Europe. Et ce sont des fournisseurs qui ont accepté de rentrer dans le processus. Par contre dès que l’on va loin…non. Parmi tous les fournisseurs que l’on a en Asie, aucun n’a été trouvé grâce à ces outils. Et on n’utilise surtout pas l’outil avec eux » (E6/PMI/Ind)
Conclusion générale
255
« Dans le SRM aujourd’hui, j’insiste toujours beaucoup là-dessus, ce sont les process qui drivent les outils et pas l’inverse. Il y a beaucoup de gens malheureusement qui, ignorant les process, croient qu’ils vont les acquérir en installant les outils, c’est une erreur,…une erreur totale » (E19/GC/Pharma).
Le choix d’implémentation d’outils supports aux achats, nécessite, comme pour toute
intégration de nouvelle technologie, un juste dosage des fonctionnalités recherchées. Ensuite
l’utilisation de l’outil passe par une période d’appropriation par les acteurs et requiert qu’ils y
consacrent du temps. Notre recommandation ici est donc que les entreprises envisageant de se
doter d’outils d’e-SRM s’interrogent avant tout sur leur capacité à réaliser au mieux
l’alignement stratégique et l’intégration de ces outils au reste du système d’information (SI).
Notre second apport managérial se situe dans la mise en lumière du caractère limité de la
ressource fournisseur distant. Aussi vaste que le monde puisse paraître, les marchés sources
sont souvent réduits à quelques zones géographiques en fonction de leurs ressources
naturelles, humaines ou techniques. Dès lors, le marché des fournisseurs potentiels,
réellement intéressants pour une entreprise donnée, peut s’avérer quantitativement plus
modeste que ce qui était escompté. Nous insistons par ailleurs sur le temps nécessaire à
consacrer à de telles recherches (sourcing). Nous insistons enfin sur l’importance des coûts de
réversibilité de telles décisions. Une fois que l’entreprise qui achète s’est engagée, il lui est
difficile de faire marche arrière et d’interrompre la relation. Finalement, cette gestion globale
de la relation fournisseur (GRF/SRM) apparaît réellement spécifique en marketing amont et
diffère clairement des approches de la relation client (GRC/CRM) en marketing aval.
Notre troisième apport managérial insiste sur l’importance de l’élaboration et de la gestion
des panels fournisseurs. Les exigences de l’acheteur vis-à-vis du niveau de qualité attendu de
certains produits (achats stratégiques) obligent à tisser des liens dépassant la simple
transaction et s’inscrivant dans une logique relationnelle et collaborative. Il apparaît alors
indispensable d’individualiser la relation avec ces fournisseurs préférés.
Enfin, notre quatrième apport managérial est consacré à la mise en évidence du rôle de « chef
d’orchestre » du directeur achats et l’importance de son recrutement. Les trajectoires
d’internationalisation des achats que nous avons décrites démontrent que, dans les petites
structures, la mise en place du processus naît souvent de la volonté et des compétences de ce
manager. En effet, ce responsable doit savoir convaincre aussi bien en interne qu’en externe.
Conclusion générale
256
A l’intérieur de l’organisation tout d’abord, il doit ménager les intérêts des différents services
tout en formalisant le processus de définition des produits à sourcer. De plus, il doit savoir
motiver son équipe achats et les autres équipes appelées à travailler sur les projets – bureaux
d’études, qualité- et leur impulser le dynamisme nécessaire pour affronter des situations
complexes.
En externe, le directeur achats doit donner envie aux fournisseurs de travailler avec
l’entreprise. Les premières rencontres avec ces fournisseurs potentiels sont capitales et ce sont
alors les compétences interculturelles du directeur achats qui sont mobilisées.
Le profil de ces managers, recrutés comme directeur achats, doit donc présenter « un état
d’esprit global » tel que décrit dans la revue de littérature (Nummela et al., 2004). Ce profil se
caractérise à la fois par l’indispensable curiosité vis-à-vis des pratiques et des savoir-faire des
fournisseurs distants, par la maîtrise impérative de plusieurs langues étrangères, et enfin par
une capacité d’adaptation aux différentes cultures des interlocuteurs rencontrés.
Conclusion générale
257
3. LIMITES DE LA RECHERCHE
Notre recherche présente essentiellement trois types de limites. Nous évoquerons
successivement les limites théoriques, conceptuelles et méthodologiques.
3.1. Limites théoriques
La principale limite théorique de cette recherche est certainement que le modèle d’interaction
de l’IMP n’est pas spécifique au domaine des achats. Dans la lignée des travaux fondateurs,
ce cadre a souvent été mobilisé pour décrire « l’essence » de l’interaction, ce qui se passe
« entre » les acteurs. Nous avons cependant délibérément choisi d’adopter la perspective d’un
seul des acteurs – l’acheteur – en prenant toutefois en compte l’environnement des marchés
étrangers, l’atmosphère de la relation qui s’établit avec des interlocuteurs de culture différente
et l’interactivité effective construite avec le fournisseur. Nos résultats nous incitent à penser
que ce cadre théorique, fondé sur la gestion relationnelle avec pour principaux déterminants la
confiance et l’engagement, peut atteindre ses limites dès lors que l’environnement est
particulièrement incertain, ce qui est le cas de l’international.
3.2. Limites conceptuelles
La principale limite conceptuelle concerne l’improvisation. La littérature sur l’improvisation
organisationnelle existe depuis une quinzaine d’années mais le concept n’a pas encore été
mobilisé dans l’approche relationnelle, ce qui ne permet pas de se référer à des modalités
établies. Les travaux de Moorman et Miner (1998) constituent certes un apport majeur,
cernant le concept d’improvisation dans le champ marketing du développement de nouveaux
produits mais aucune recherche empirique n’a été conduite ultérieurement dans le même
domaine. Les travaux plus récents de Johanson et al. (2006), bien qu’intégrant le concept
d’improvisation dans leur modèle de « découverte » des marchés étrangers, portent davantage
sur les antécédents et les conséquences de ces découvertes sur l’expansion internationale de
l’entreprise, plus que sur le mode de gestion de ces problèmes ou opportunités. Ce cadre
conceptuel d’improvisation nous a cependant semblé adapté à notre problématique puisqu’il
Conclusion générale
258
permet de dépasser les modes d’ajustement plus classiques que sont l’apprentissage et le
contrôle. La question de l’acquisition de cette capacité d’improvisation reste néanmoins
posée.
3.3.Limites méthodologiques
Une des limites méthodologiques de cette recherche concerne notre collecte d’informations.
Celle-ci s’est déroulée sur un temps relativement court et mériterait d’être complété par une
étude longitudinale. Les stratégies de sourcing global constituent des pratiques managériales
récentes qu’il serait intéressant d’observer sur la durée en intégrant les évolutions
permanentes de l’environnement. De plus, le phénomène d’inattendu, qui n’est apparu qu’au
fil des entretiens, nécessiterait, lui aussi, une collecte de données supplémentaire auprès d’un
échantillon plus important, d’experts et d’autres opérateurs des achats, afin d’approfondir
davantage le sujet.
Une autre limite est liée à nos choix d’analyse des données. En dépit de la pertinence du
couplage entretiens/cas, qui a permis une analyse des discours d’acteurs de terrain, le
traitement manuel de ces données qualitatives est délicat à appréhender. Nous pensons avoir
évité le biais d’une mauvaise interprétation en nous attachant à un codage méticuleux des
entretiens. Mais une nouvelle exploitation du corpus recherchant les correspondances entre les
discours permettrait d’affiner l’analyse.
Enfin, le fait d’avoir opté pour trois études de cas de PMI restreint la portée des résultats, qui
ne peuvent être généralisés en l’état. Nous considérons toutefois que ces monographies
« pilotes », réalisées dans une perspective exploratoire, laissent envisager que notre recherche
peut s’ouvrir à d’autres types d’organisations et à d’autres secteurs d’activité.
Conclusion générale
259
4. PERSPECTIVES DE RECHERCHE
Les limites évoquées peuvent être perçues comme le point de départ de recherches futures.
Il nous semble tout d’abord important de continuer à travailler sur le sujet du sourcing global.
Les publications récentes ouvrent plusieurs voies de recherche, notamment en ce qui concerne
la contribution de la stratégie de sourcing à la performance globale de l’entreprise.
Il serait par exemple intéressant d’observer ce qu’il advient d’une stratégie de sourcing global
dans les cas de rapprochements d’entreprises. En effet, non seulement les grands groupes sont
directement concernés, mais nous avons montré dans nos travaux que les PMI sont également
affectées par le sujet. Microcar qui appartenait au groupe Bénéteau a été cédée en 2009 à un
autre groupe, Ligier, dont l’activité est résolument concurrente. Quels sont les problèmes
posés par ces rapprochements au niveau des directions achats ? Vont-elles imaginer un
sourcing commun ou assisterons-nous à des trajectoires divergentes ? Qui seront les
fournisseurs retenus in fine et selon quels critères ?
Dans le même ordre d’idée, il pourrait être également pertinent de s’intéresser aux clusters et
aux nouvelles formes organisationnelles (pôles de compétitivité, districts industriels,
entreprises étendues, …) qui posent la question de la mutualisation des achats, au moins de
façon ponctuelle (périmètre du projet) et temporaire (durée du projet). Quels processus de
sourcing global sont susceptibles de s’imposer dans ces conditions ?
D’autre part, il nous semble opportun de clarifier la distinction entre sourcing et achats. Nous
avons montré que la délimitation du périmètre de l’activité achats manque d’un
positionnement précis, tant sur le plan académique que managérial. Historiquement fondés sur
les approvisionnements, les achats ont longtemps été associés à la logistique et à la supply
chain, ce qui soulève un problème de conflit d’intérêts au niveau stratégique et opérationnel.
Faut-il continuer à considérer que achats et supply chain posent les mêmes problèmes de
gestion ? Ou bien peut-on envisager que les directions – récemment rebaptisées directions des
achats – ont des contraintes différentes appelant des contributions académiques spécifiques ?
Conclusion générale
260
Enfin, il y a lieu d’approfondir la double question de l’adoption des technologies supports
spécifiques aux achats et leur appropriation par les différents acteurs. Nous avons démontré
que l’offre de solutions logicielles - gestion du sourcing (e-sourcing), gestion des achats et des
approvisionnements (e-procurement) et de gestion de la relation fournisseur (e-SRM) - est en
plein développement et accompagne celle des progiciels de gestion intégrés (PGI/ERP). Mais,
l’intérêt de ces applications métiers pour les directions achats n’a pas encore fait l’objet de
travaux empiriques dédiés en marketing. Nous avons montré que l’alignement stratégique des
grands groupes commence à se mettre en place au travers de l’adoption de démarches SRM
structurées. Il sera intéressant d’analyser et d’évaluer les résultats de ces orientations, ce qui
apparaissait délicat jusqu’à présent étant donné le manque de recul sur l’implémentation et
l’exploitation des outils. De plus, une recherche de divergence/convergence peut également
être envisagée en comparant les trajectoires des grandes entreprises et celles des PMI.
Toutes ces pistes de recherche plaident à la fois pour l’intérêt de tels questionnements en
marketing business to business et pour la spécification du champ achats en marketing.
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299
ANNEXES
Annexes
300
ANNEXE 1 : Échelle de mesure de l’improvisation, Moorman et Miner (1998a)
Avez-vous construit l’action au fur et à mesure ou aviez-vous des objectifs bien définis à atteindre ? Situez vous sur l’échelle : Action au fur et à mesure Action a suivi les objectifs
Vous êtes-vous adapté pendant l’action ou avez-vous suivi strictement un plan prédéfini ? Situez vous sur l’échelle : Adaptation pendant l’action Suivi d’un plan prédéfini
Diriez-vous que cette situation était imprévue ou non ? Situez vous sur l’échelle : Situation imprévue Situation prévisible
Cette situation a-t-elle entraîné un changement (défini comme une modification de vos pratiques achats habituelles) ? Attribuez une note :
Note 1= aucun / 7= important Degré de changement 1 2 3 4 5 6 7
- au sein de votre direction achats - au sein de l’entreprise - chez votre fournisseur
Concernant la communication avec votre fournisseur dans cette situation inattendue, combien de temps a été consacré au
Note 1 = aucun / 7 = beaucoup Temps passé 1 2 3 4 5 6 7
face-à-face Téléphone courrier électronique logiciel de sourcing site d’enchères
Dans cette situation inattendue, mon équipe avait
Note 1 = désaccord / 7 = accord 1 2 3 4 5 6 7
des procédures bien définies une approche standard beaucoup de connaissances de grandes compétences
Annexes
301
En termes de produit, cette situation inattendue a eu ou est susceptible d’avoir un effet
Note 1 = effet négatif / 7 = effet positif 1 2 3 4 5 6 7
sur la conception / innovation produit sur le niveau qualité attendu sur le coût d’achat sur les délais de livraison du produit acheté
En termes de process, cette situation inattendue a eu ou est susceptible d’avoir un effet
Note 1 = effet négatif / 7 = effet positif 1 2 3 4 5 6 7
Délais : o Durée du processus de gestion de
projet o Rythme du processus de
développement de produit o Actualité du projet (Project
timeliness)
Fonctionnement de l’équipe : o Niveau d’engagement o Organisation de l’équipe o Enthousiasme de l’équipe
Apprentissage : o Gestion de projet o Notre niveau de certitude o Notre niveau de compréhension o Quantité de connaissances
acquises
Annexes
302
ANNEXE 2 : Synthèse des entretiens de la première étape
Internationalisation des achats : Enjeux et défis
La mondialisation des échanges commerciaux constitue un paramètre incontournable et irréversible impliquant de nouvelles réflexions et de nouvelles pratiques dans les relations commerciales inter-organisationnelles. Les achats en tant que fonction stratégique créatrice de valeur pour l’entreprise sont particulièrement concernés par ces évolutions. Cette synthèse présente quelques réflexions actuelles sur les achats industriels au-delà des frontières. Elle est le résultat d’entretiens approfondis avec vingt-trois responsables achats ou purchasing managers, experts dans leur fonction et dans leur secteur d’activité. Elle exprime des tendances comportementales ainsi que les challenges à relever par les entreprises dans leur démarche d’internationalisation des achats.
Le contexte international : une autre dimension L’environnement international présente des spécificités par rapport au cadre domestique des relations commerciales : nouvel espace à s’approprier, nouvelles habitudes dont il faut s’imprégner, subtilités commerciales, techniques et juridiques à maîtriser. Tout d’abord, le cadre des échanges s’élargit, ce qui représente un paramètre supplémentaire à intégrer par les acheteurs dans la gestion de leurs déplacements. Les distances à parcourir sont plus importantes que sur le territoire français pour rencontrer un fournisseur et les contacts en face à face sont indispensables. L’avion est le moyen de déplacement incontournable mais ce mode de transport soulève des contraintes de temps et de coûts. Faut-il se déplacer pour régler des problèmes ponctuels ? Combien de temps un responsable achats peut-il passer à l’extérieur de l’entreprise ? Quel est le budget alloué aux déplacements ? Comment l’optimiser ? Ces questions illustrent une problématique nouvelle par rapport à la gestion des contacts fournisseurs dans le cadre national.
� Défi n°1 : Comment financer et gérer les contraintes de logistique des acteurs achats ?
Ensuite, les habitudes des interlocuteurs sont différentes en termes de pratiques professionnelles. Travailler avec le continent américain, l’Asie ou l’Afrique représente un changement d’univers professionnel auquel il faut s’adapter.
� Défi n°2 : Comment s’imprégner des méthodes de travail pratiquées au-delà des frontières ?
La démarche qualité constitue une illustration où se manifestent de profondes différences qui augmentent avec l’éloignement géographique et culturel. La qualité obtenue habituellement par le respect des normes européennes et américaines est remise en question sur les marchés sources distants, non seulement lors de l’initiation du processus achat mais tout au long de la relation. La distance renforce les difficultés d’appréciation de la qualité attendue et nécessite des vérifications supplémentaires par rapport à des fournisseurs européens. De plus, il peut y avoir un décalage dans les « valeurs éthiques ». Les récents problèmes rencontrés sur les fournitures en provenance de Chine posent la question de la fiabilité du fournisseur.
� Défi n°3 : Comment s’assurer à l’international du respect du niveau de qualité exigé?
Enfin, la communication avec les fournisseurs étrangers diffère de celle établie avec les fournisseurs historiques. Le terme de « culture » est souvent évoqué pour signifier des différences de langages, de relation au temps, de relation à l’autre. Même si les acheteurs internationaux parlent anglais dans leur grande majorité, saisir les subtilités d’une langue dans des situations précises de conception de produit ou de négociation n’est pas à la
Annexes
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portée de tous. Les incompréhensions résultant d’un défaut de communication peuvent dès lors impacter la stabilité de la relation, voire la rentabilité de l’opération d’achat à l’étranger.
� Défi n°4 : Comment optimiser la communication avec les interlocuteurs étrangers ?
Les acteurs de la relation achat : centralisation et délocalisation La relation achat au-delà des frontières est une composante de la stratégie de développement industriel de l’entreprise. A ce titre, elle répond à des objectifs précis et nécessite la mise en œuvre de ressources dédiées. Une des orientations stratégiques induite par l’internationalisation des achats concerne la localisation des acheteurs. Les solutions envisagées sont multiples : de la cellule achats agissant depuis la France à la délocalisation d’équipes vers les zones géographiques prioritaires pour le sourcing de l’entreprise. Le choix est fonction de la taille de l’entreprise, des moyens techniques et humains disponibles, des investissements déjà réalisés et de la nature des produits recherchés. La centralisation des équipes achats permet une meilleure coordination de la stratégie achat. Les équipes sont souvent constituées d’ingénieurs et de commerciaux et les responsables « coordinateurs » travaillent plutôt à la gestion de projets qu’à la gestion des achats. La transversalité de la fonction achat nécessite des rapprochements permanents entre le marketing, les techniciens et les clients internes pour lesquels travaillent les acheteurs. Si l’entreprise sait ce qu’elle veut, la définition la plus précise possible des produits à acheter représente une des étapes importantes de la démarche tout en tenant compte des objectifs de chaque service et de la forte pression des dirigeants pour diminuer les coûts d’acquisition. En revanche, dans certaines situations de veille, il faut savoir être seulement fonctionnel et pas trop précis pour laisser aux fournisseurs la possibilité d’apporter leur expertise et leur innovation. Parallèlement, le choix de sources éloignées s’impose parfois lorsque les fournisseurs locaux ou européens n’existent plus pour certains produits et composants. La délocalisation d’une équipe, sous la forme de bureau d’achats, contribue à la proximité avec les fournisseurs et permet de suivre l’évolution des secteurs d’activité sur place, de saisir les évolutions, les innovations. Ces plateformes d’achat délocalisées impliquent qu’il faut gérer le risque de s’implanter et de ne plus être adaptés au bout d’un moment. Elles doivent donc être les plus mobiles possible pour suivre les opportunités de localisations des approvisionnements. Enfin, un marché cible pour les ventes de l’entreprise peut nécessiter l’implantation d’une unité industrielle. Elle permet alors de mettre en place une équipe achats pour servir les besoins locaux dans un premier temps et pour ensuite fournir le marché d’origine.
� Défi n°5 : Comment optimiser la coordination et la localisation des équipes achats à l’international ?
L’atmosphère de la relation achat : de la vigilance à la confiance, du « one shot » au partenariat La vigilance est toujours nécessaire dans une relation achats mais l’échelle mondiale demande un degré supplémentaire, ce qui impacte la démarche contractuelle. Le respect des engagements peut être très différent d’un marché source à l’autre. Et la minimisation des risques encourus dépend de la précision apportée aux documents écrits. Une des solutions consiste à rédiger des cahiers des charges très détaillés – plus techniques que fonctionnels- puis des contrats laissant le moins d’interprétation possible, ce qui demande beaucoup de temps et de compétences. Les maîtres mots sont clarté des règles du jeu, des rôles et des responsabilités.
� Défi n°6 : Comment organiser la vigilance contractuelle ? Construire une relation achats pérenne nécessite la confiance dans les fournisseurs retenus. Le contexte international complexifie cet engagement du fait des distances interpersonnelles et inter-organisationnelles. Se rapprocher des sources par le biais de relais locaux – bureaux d’achats ou autres intermédiaires de sourcing- est un moyen de renforcer la confiance mutuelle.
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� Défi n°7 : Comment construire une relation de confiance ? La création de valeur au travers des achats implique de faire appel aux fournisseurs qui répondent aux besoins de l’entreprise, quelque soit leur localisation géographique. Mais la distance rend plus délicate la constitution de panels fournisseurs. Si l’objectif recherché est uniquement la réduction du coût d’achat, il est difficile de bâtir une relation pérenne étant donnés la volatilité et le caractère opportuniste des marchés dits Low Cost. Si le fournisseur est recherché pour son expertise et son savoir-faire, il peut être considéré comme « fournisseur préférentiel » et faire l’objet d’accords de développement à moyen terme. La relation à long terme concerne un petit nombre de fournisseurs avec lesquels l’entreprise peut envisager de construire de véritables partenariats stratégiques basés sur une communauté d’intérêts.
� Défi n°8 : Avec quels fournisseurs bâtir des partenariats ?
Les processus achats : de la méthode ! Accélérer, simplifier, formaliser Le processus de qualification de nouvelles sources éloignées est plus long et présente un risque plus élevé qu’en Europe. Il faut anticiper sans arrêt ces délais et demeurer en veille permanente. D’une part, les process internes de prise de décision peuvent être complexes étant donnée la transversalité requise en amont pour concilier les objectifs des services production, marketing, qualité et autres. D’autre part, il existe des délais incompressibles entre le moment où la décision d’achat est prise et le moment où les produits seront livrés, la distance géographique augmentant encore ce délai. Il faut donc travailler avec des mois d’anticipation. « La dynamique de succès qu’il faut installer repose sur le principe PDCA : plan, do, check, act, en permanence »(expert PLB).
� Défi n°9 : Comment accélérer les processus tout en minimisant les risques ? Les procédures d’achats industriels à l’international vont bien au-delà du simple trading car il faut assurer le suivi qualité, le suivi logistique, la mise en œuvre des garanties, etc. De plus, les sources d’informations sont à la fois multiples – Internet- mais très peu spécialisées – pas d’annuaires professionnels pour acheteurs. Et les outils technologiques – bases de données, places de marchés, sites d’enchères – ne sont pas toujours simples à maîtriser. L’adaptation des pratiques achats au contexte international nécessite par conséquent d’être encadrée. En effet, « l’excès de flexibilité finit par compromettre le bon fonctionnement industriel. La réactivité, comme la qualité, supposent un niveau élevé de compétences et donc un minimum de stabilité dans le réseau. Réagir vite et bien aux signaux du marché exige des outils en parfait état de marche, des procédures bien rodées, une main d’œuvre bien formée et familiarisée avec le contexte spécifique de l’activité » (expert PJ).
� Défi n°10 : Comment simplifier les processus tout en veillant à leur formalisation ?
Conclusion- pistes de réflexion : apprentissage, contrôle, improvisation Acheter à l’international est une activité complexe pouvant mettre en danger l’entreprise et nécessitant dès lors un cadre de réflexion bien structuré. Trois concepts principaux semblent pouvoir constituer les piliers de la démarche : l’apprentissage organisationnel, le contrôle de l’activité et l’improvisation permettant d’atteindre l’objectif de réduction du time to market. L’apprentissage des règles du jeu ne peut se faire que sur le terrain et en relation avec les interlocuteurs. Le fournisseur apprend à répondre aux attentes de l’acheteur et ce dernier apprend à réagir à divers modes de fonctionnement. La synergie résultant de ces apprentissages organisationnels réciproques permet de mieux maîtriser la relation achats. Le contrôle de la démarche passe par la mise en place d’une réflexion globale en termes d’emplois/ressources. Les moyens humains et techniques à allouer spécifiquement aux activités internationales allant de la qualification à la contractualisation sont à envisager comme des investissements de long terme. « Le mot d'ordre est mutualisation du travail. Il est demandé par la direction de mettre en place le plus possible de contrats- cadres, qui seront de fait applicables sur tout le groupe et plus rentables que des commandes spécifiques récurrentes. La communication corporate et des indicateurs de suivi se mettent en place dans les différents départements d'achats pour développer cette utilisation de contrats-cadres» (expert CT).
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« L’obsession de toute organisation est d’arriver la première au marché pour prendre un avantage stratégique sur ses concurrents. La réduction du time to market –temps global de développement d’un produit- contraint par conséquent les directions achats à réduire leur propre temps de process» (expert PLL). La capacité du service achats à répondre le plus rapidement possible aux sollicitations internes, en les comprenant et en les anticipant, n’est envisageable qu’en cohérence avec les deux autres paramètres – apprentissage et contrôle. La capacité d’adaptation -ou réactivité- rejoint la traduction dans la littérature académique de la notion
d’improvisation. C’est parce que l’équipe achats connaît les règles d’un marché source et maîtrise les processus
qu’elle peut réduire le délai entre l’émergence d’une idée - opportunité d’achat- et sa réalisation – achat effectif.
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ANNEXE 3 : Appropriation des TI par les directions Achats
Entretien Secteur d’activité
Grand compte (GC)
ou PME (nb salariés)
SI
TI Achats / Intégration
SRM
Mutation fonction achats
1 Industrie Pharmaceutique Fabrication de médicaments et vaccins GC ERP AM / Complète Achevée
2 Commerce Fabrication et commerce de meubles GC ERP Complète
depuis 1998 Achevée
3 Industrie de transformation de métaux Fabrication de blocs forés hydrauliques PME (140) Internet Non Non
4 Télécommunications
Solutions de télécommunications pour entreprises
GC ERP déployé en 2006 Non Non
5 Industrie de transformation de plastiques Fabrication de films plastiques GC ERP groupe Non Non
6 Automobile Fabrication de véhicules sans permis PME (150) ERP groupe Place de marché
Sourcing Parts En cours
7 Télécommunications Fabrication d’autocommutateurs GC ERP Partielle Projet
8 Automobile Fabrication de camping-cars PME (150) ERP groupe
nouveau > 2007 Non Non
9 Industrie d’équipements industriels Fabrication de pétrins PME (250) ERP/SAP 2 critères
(prix, délais) Non
10 Industrie Pharmaceutique Fabrication de médicaments GC ERP Logiciel SRM
> 2008 En cours
11 Agro-alimentaire Transformation de légumes GC EAI, migration
2002 à 2007 AM / Partielle En cours
12 Commerce Interentreprises Négoce de produits finis plastiques PME (15) Internet Non Non
13 Industrie d’équipements de loisirs Fabrication de résidences mobiles PME (250) Internet Non Non
14 Agro-alimentaire Transformation de légumes PME (50) ERP Projet Non
15 Industrie d’équipement de bureau Fabrication de matériel d’écriture GC ERP Achevée
> 2007 En cours
16 Industrie d’articles de sports Fabrication de matériels GC ERP Non Non
17 Industrie nautique Fabrication de bateaux de plaisance GC ERP AM / Partielle En cours
18 Energie Production et distribution d’électricité GC ERP Place de marché
Hubwoo > 2002 Achevée
19 Industrie Pharmaceutique Fabrication de médicaments et vaccins GC ERP Plateforme d’e-
sourcing Achevée
20 Industrie de transformation de métaux Fabrication de fixations métalliques GC ERP
SAP >2000 Complète Achevée
21 Automobile Fabrication d’équipements GC ERP Partielle
Place de marché Achevée
22 Grande distribution GC ERP Complète Achevée
23 Energie Services à la production d’énergie GC ERP
SAP > 2007 Complète En cours
SI : EAI = Enterprise Application Integration TI : AM = Application métier
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ANNEXE 4: Axes de travail des 200 premières entreprises françaises
Top 200 : Quels sont vos axes de travail en 2008 ?
Source : La Lettre des achats- Panel de directeurs des achats des 200 premières entreprises françaises.
NB : plusieurs réponses possibles
Annexe 4 : Axes de travail des PME-PMI
Quels outils utilisez-vous dans le cadre de
votre entreprise ?
Quels outils d’achats en ligne utilisez-
vous ou pensez-vous utiliser à terme ?
Source : La Lettre des Achats.
Les outils de l’e-achat, enquête annuelle 2007-2008
Résumé La gestion de la relation fournisseur - supplier relationship management (SRM) - dans un contexte de globalisation nécessite de la part des entreprises à la fois la sélection de ces fournisseurs à l’échelle internationale - global sourcing - et la mise en œuvre de processus achats adaptés au contexte - international purchasing -. Ce travail de recherche s’intéresse à la relation en se situant résolument du côté du « groupe d’achat » et la question de recherche porte sur les modalités d’ajustement de la relation face à la complexité des situations d’achats à l’international. Le cadre conceptuel mobilisé est le « modèle d’interaction » issu des travaux de l’Industrial Marketing and Purchasing group (Håkansson, 1982). Le dispositif méthodologique s’appuie sur une exploration des pratiques, menée auprès de vingt-trois directeurs achats, qualifiés d’« experts » de l’activité à l’international. Nos résultats ont mis en lumière des modalités prévisibles d’ajustement de la relation, l’apprentissage et le contrôle. Un résultat supplémentaire a émergé de l’investigation : les situations d’achats inattendues: Une nouvelle analyse des entretiens ainsi que trois études de cas de PMI issues de l’échantillon a permis d’approfondir et de caractériser le phénomène « d’inattendu ». Les ajustements nécessaires à apporter dans l’immédiat relèvent alors essentiellement de « l’improvisation ». Les contributions managériales de la thèse soulignent l’importance d’un pilotage bidimensionnel – comportemental et processus - du changement dans une perspective de gestion globale de la relation fournisseur. Mots clés : B2B, Relation fournisseur, Achats, Sourcing, Inattendu, Improvisation.
Abstract Supplier relationship management (SRM) in a context of globalization both the selection of suppliers around the world - global sourcing - and the implementation of procurement process adapted to the context - international purchasing -. This research focuses on the relationship from the side of the "buying group". The research question addressed is how to adjust the relationship, given the complexity of international purchasing situations. The conceptual framework has mobilized the "interaction model" from the Industrial Marketing and Purchasing Group (Håkansson, 1982). The design of the research builds on a methodological exploration of practices conducted nearby twenty-three purchasing managers who can be qualified as "experts" in international business. Our results have highlighted predictable adjustments of the relationship, learning and control. An additional result emerged from the investigation: “unexpected” situations. A new analysis of interviews and three case studies of SME from the sample has led us to strengthen and characterize the phenomenon of "unexpected". Adjustments needed are immediate, so another kind of management is required. That is possible through the concept of "improvisation". Managerial contributions of this thesis emphasize the importance of steering two dimensions of SRM, behaviors and processes.
Key words: B2B, Supplier relationship management, Purchasing, Sourcing, Unexpected, Improvisation