thème 3 dynamiques des grandes aires continentales...

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Thème 3 – Dynamiques des grandes aires continentales. Question 2 - L’Afrique : les défis du développement. Introduction générale : Longtemps laissé à l’écart du développement mondial et longtemps déconsidéré dans les représentations géopolitiques et géoculturelles par les grandes puissances, l’Afrique devient un espace convoité et riche de contrastes et de ressources : le continent vient de passer le milliard d’habitants. Si une partie du continent est encore touchée par les conflits, les situations de mal développement (famines, malnutrition), et si les dictatures ont souvent dominé, le développement durable semble s’y enraciner et de nouveaux systèmes politiques émerger. Les richesses du sol et du sous-sol sont mieux explorées et exploitées, participant à l’intégration économique mondiale, alors qu’internet et le téléphone mobile le relient au reste du monde. Cependant les déséquilibres sont parfois dramatiques au niveau des populations, de même que ce sont souvent les investisseurs étrangers qui profitent de l’essentiel des richesses. L’Afrique du Sud reflète à elle seule les contrastes de ce vaste continent et est le symbole de ses mutations actuelles. Le pays fait partie des BRICS et est la 1 ère puissance économique et politique africaine, mais subit une société et un territoire fragmentés, héritage d’un passé colonial et dans un contexte d’entrée rapide dans le processus de mondialisation. Quelle est la situation de l’Afrique face aux questions de développement ? Quels défis démographiques, économiques, environnementaux et politiques l’Afrique doit-elle encore relever ? Notions-clés Mal-développement : la notion renvoie au déficit qualitatif du développement associé à une mauvaise gestion politique et économique (corruption, clientélisme), et à une mauvaise répartition des richesses entre populations (dimension sociale) et entre territoires (dimension spatiale). Dans les États du Maghreb, riches en ressources énergétiques, les revenus auraient pu contribuer davantage au développement des économies locales et au mieux-être des populations. Économie de rente : la richesse du pays est fondée sur l’exploitation d’une ou de quelques ressources privilégiées (le pétrole, le gaz, le plus souvent), ce qui produit fréquemment des tensions entre ceux qui les détiennent et les autres. En Algérie, le développement urbain des villes sahariennes a pu se faire grâce à la rente pétrolière et l’essence est très bon marché dans tout le pays ; cependant, cette richesse est étroitement liée aux cours du brut sur les marchés inter- nationaux et elle suscite la convoitise des investisseurs étrangers – chinois en particulier. Enjeu géopolitique : l’expression renvoie aux conflits et tensions entre acteurs dans des territoires déterminés ; par exemple entre États (entre le Soudan et le Soudan du Sud), ou entre groupes et États (cas des conflits touarègues). On y intègre aussi les acteurs internationaux (grandes puissances, organisations internationales comme l’ONU ou FTN) qui interviennent localement. L’exemple de la révolution et de la guerre civile libyenne illustre bien cette association d’acteurs et d’échelles. Chapitre 1 - Le Sahara : ressources, conflits (étude de cas). Introduction : Le Sahara est un espace de fortes contraintes physiques, mais disposant de vastes ressources. Le nom même, al-sahra (désert), de cet immense espace (8,5 millions de km²) suggère la contrainte radicale de l’aridité. Peu peuplé hormis le couloir du Nil, il dispose de ressources, principalement souterraines et il est aussi propice à un tourisme d’aventure contrarié par une insécurité endémique. C’est un ensemble politiquement fractionné, source de contestations par les populations locales, de revendications territoriales, de conflits et de mouvements de populations réfugiées. Pour les États du Maghreb ou du Machreq tournés vers la Méditerranée, les territoires sahariens constituent des arrières pays en voie d’intégration, et parfois l’enclavement s’ajoute à l’aridité. C’est enfin un espace convoité entre de multiples acteurs internes à l’Afrique ou extérieurs : zones d’influence, contrôles de territoires, exploitation de ressources. Ces convoitises se manifestent dans les investissements étrangers et s’expriment dans des conflits intra et interétatiques dont les populations subissent les effets, conjugués à ceux de la mal gouvernance. Quels sont les enjeux économiques et géopolitiques de l’ensemble saharien au regard des ressources qu’il recèle ?

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Thème 3 – Dynamiques des grandes aires continentales.

Question 2 - L’Afrique : les défis du développement.

Introduction générale :

Longtemps laissé à l’écart du développement mondial et longtemps déconsidéré dans les représentations

géopolitiques et géoculturelles par les grandes puissances, l’Afrique devient un espace convoité et riche de

contrastes et de ressources : le continent vient de passer le milliard d’habitants. Si une partie du continent est

encore touchée par les conflits, les situations de mal développement (famines, malnutrition), et si les

dictatures ont souvent dominé, le développement durable semble s’y enraciner et de nouveaux systèmes

politiques émerger. Les richesses du sol et du sous-sol sont mieux explorées et exploitées, participant à

l’intégration économique mondiale, alors qu’internet et le téléphone mobile le relient au reste du monde.

Cependant les déséquilibres sont parfois dramatiques au niveau des populations, de même que ce sont

souvent les investisseurs étrangers qui profitent de l’essentiel des richesses. L’Afrique du Sud reflète à elle

seule les contrastes de ce vaste continent et est le symbole de ses mutations actuelles. Le pays fait partie des

BRICS et est la 1ère

puissance économique et politique africaine, mais subit une société et un territoire

fragmentés, héritage d’un passé colonial et dans un contexte d’entrée rapide dans le processus de

mondialisation.

Quelle est la situation de l’Afrique face aux questions de développement ? Quels défis démographiques,

économiques, environnementaux et politiques l’Afrique doit-elle encore relever ?

Notions-clés

Mal-développement : la notion renvoie au déficit qualitatif du développement associé à une mauvaise gestion

politique et économique (corruption, clientélisme), et à une mauvaise répartition des richesses entre populations

(dimension sociale) et entre territoires (dimension spatiale). Dans les États du Maghreb, riches en ressources

énergétiques, les revenus auraient pu contribuer davantage au développement des économies locales et au mieux-être

des populations.

Économie de rente : la richesse du pays est fondée sur l’exploitation d’une ou de quelques ressources privilégiées (le

pétrole, le gaz, le plus souvent), ce qui produit fréquemment des tensions entre ceux qui les détiennent et les autres. En

Algérie, le développement urbain des villes sahariennes a pu se faire grâce à la rente pétrolière et l’essence est très bon

marché dans tout le pays ; cependant, cette richesse est étroitement liée aux cours du brut sur les marchés inter-

nationaux et elle suscite la convoitise des investisseurs étrangers – chinois en particulier.

Enjeu géopolitique : l’expression renvoie aux conflits et tensions entre acteurs dans des territoires déterminés ; par

exemple entre États (entre le Soudan et le Soudan du Sud), ou entre groupes et États (cas des conflits touarègues). On

y intègre aussi les acteurs internationaux (grandes puissances, organisations internationales comme l’ONU ou FTN)

qui interviennent localement. L’exemple de la révolution et de la guerre civile libyenne illustre bien cette association

d’acteurs et d’échelles.

Chapitre 1 - Le Sahara : ressources, conflits (étude de cas).

Introduction :

Le Sahara est un espace de fortes contraintes physiques, mais disposant de vastes ressources. Le nom même,

al-sahra (désert), de cet immense espace (8,5 millions de km²) suggère la contrainte radicale de l’aridité.

Peu peuplé hormis le couloir du Nil, il dispose de ressources, principalement souterraines et il est aussi

propice à un tourisme d’aventure contrarié par une insécurité endémique. C’est un ensemble politiquement

fractionné, source de contestations par les populations locales, de revendications territoriales, de conflits et

de mouvements de populations réfugiées. Pour les États du Maghreb ou du Machreq tournés vers la

Méditerranée, les territoires sahariens constituent des arrières pays en voie d’intégration, et parfois

l’enclavement s’ajoute à l’aridité. C’est enfin un espace convoité entre de multiples acteurs internes à

l’Afrique ou extérieurs : zones d’influence, contrôles de territoires, exploitation de ressources. Ces

convoitises se manifestent dans les investissements étrangers et s’expriment dans des conflits intra et

interétatiques dont les populations subissent les effets, conjugués à ceux de la mal gouvernance. Quels sont

les enjeux économiques et géopolitiques de l’ensemble saharien au regard des ressources qu’il recèle ?

I - Les ressources du Sahara sont-elles moteur du développement ?

→ Des ressources abondantes qui profitent peu aux populations sahariennes

A/ Le Sahara est un espace contraignant et peu peuplé mais qui dispose de nombreuses ressources.

Le poids démographique, économique et politique des régions littorales et urbanisées, où se situent les

capitales et les grandes villes, contraste avec les faibles densités du Sahara, peuplé par des groupes

minoritaires. Longtemps considéré comme une marge peu développée, laissée aux oasiens et aux nomades,

le Sahara a suscité récemment l’intérêt des États, notamment depuis la découverte des ressources de son

sous-sol qui sont en grande partie destinées aux villes littorales.

B/ Ressources alimentaires et aménagements hydrauliques variés mais qui profitent peu.

La mise en valeur des ressources en eau, par des équipements modernes puisant dans la nappe fossile non

renouvelable, pose la question de la durabilité. Ces aménagements nécessitent aussi de lourds

investissements, au détriment de l’agriculture oasienne traditionnelle des paysans qui peut être menacée.

L’agriculture des périmètres irrigués est destinée aux citadins et à l’exportation, alors que les rivières

artificielles libyennes alimentent le littoral. Ainsi, le décalage est grand entre les aménagements étatiques et

leurs retombées pour la population saharienne.

C/ L’exploitation des énergies n’impulse pas le développement.

L’exploitation du pétrole, du gaz et des ressources minières génère des revenus considérables pour les États,

mais se développent en parallèle, et non en complémentarité, des activités locales. Ainsi, les signes de faible

développement persistent : faible IDH, fort taux de chômage et de pauvreté. Au sud, la mise en valeur des

ressources est moindre, plus récente et les ressources sont moins diversifiées, ce qui explique le mal-

développement et l’insécurité alimentaire persistante.

II - Pourquoi le Sahara est-il un espace géopolitique fractionné ?

→ Le Sahara est une zone d’instabilité sous dépendance

A/ Le Sahara est un espace politiquement instable.

Le Sahara a connu ces dernières décennies des conflits interétatiques, des attentats et des guerres civiles.

L’absence de démocratie a conduit aux révolutions de 2011. Dans le cas de la Libye, cette révolution s’est

accompagnée d’une guerre civile et du soutien militaire aux insurgés de la France, de l’Angleterre et des

États-Unis. Ces conflits provoquent des morts et des blessés dans la population civile, mais aussi des

déplacements de population qui trouvent refuge dans les camps de réfugiés, où les conditions de vie sont

extrêmement difficiles.

B/ Les tensions sahariennes dépassent les frontières de la région.

La dimension humanitaire, le rôle de l’ONU dans la gestion des camps de réfugiés ou pour l’observation des

conflits, font que les enjeux dépassent à nouveau les frontières de la région saharienne. La dimension

économique explique aussi l’intérêt que les États étrangers portent à la région, à l’exemple de l’uranium du

Niger exploité par Areva. Enfin, la dimension sécuritaire, liée aux deux précédentes, fait du Sahara un

espace stratégique : aux trafics d’armes et de drogue s’ajoutent le phénomène des migrations et la menace

terroriste qui inquiètent au plus haut point la communauté internationale.

C/ Longtemps à la marge, l’espace saharien est au cœur de la géopolitique internationale.

Pour tenter de limiter les migrations clandestines, l’Europe a établi une barrière de surveillance et négocie

avec les États sahariens le contrôle des migrations, ce qui se traduit par des mesures de répression à

l’encontre des migrants emprisonnés dans des camps d’internement. Les FTN sont aussi concernées par le

terrorisme d’Al-Aqmi, qui s’est concrétisé par des attentats et des enlèvements. Or, le terrorisme s’exporte

aussi hors du Sahara et la sécurisation de la zone, par le biais d’accords de coopération militaire, est une

préoccupation des États étrangers qui y ont des intérêts. Elle pose la question de la mise sous dépendance du

Sahara.

III - Pourquoi le Sahara est-il un espace convoité ?

→ L’accès aux ressources entraîne des tensions à toutes les échelles

A/ Les États et les FTN profitent le plus de ces ressources.

Captée par les États, la rente pétrolière est source de violence pour la population : peu redistributeur de

revenus, le système de rente explique en partie les tensions locales ou la contestation de ceux qui s’estiment

laissés pour compte. Les investissements des FTN sont également peu destinés aux populations locales et

peuvent être en concurrence avec celles-ci, comme pour le tourisme. Les FTN sont surtout intéressées par

l’exploitation des hydrocarbures ainsi que le montre la forte présence chinoise en Algérie ou au Soudan.

Leurs investissements se négocient avec des États caractérisés par des pratiques de corruption et le

clientélisme.

B/ Des conflits sont générés, directement ou indirectement, par ces ressources.

L’eau et l’agriculture suscitent des conflits d’usage et des tensions interethniques au sein des États. À

l’échelle régionale, ce sont encore les ressources énergétiques, ou l’espoir de découvrir des ressources

minières ou en hydrocarbures, qui expliquent en grande partie les conflits armés régionaux et la convoitise

sur les territoires des États voisins. Le conflit du Sahara Occidental entre le Maroc et l’Algérie ou la guerre

de la Bande d’Aozou, entre le Tchad et la Libye qui espérait y trouver du pétrole, ou encore la guerre entre

le Nord et le Sud Soudan, témoignent de l’enjeu stratégique que représentent ces ressources.

C/ L’essor des trafics au Sahara a pris une ampleur internationale.

Face à cette situation tendue, à l’échec des politiques de développement local et à des conditions de vie

difficiles, certains groupes ont mis en place des activités illicites, voire criminelles, bien que protégées par

les responsables politiques et militaires. Les trafics de drogue, d’armes et de contrebande sont mis en œuvre

par des réseaux mafieux, bien au-delà des frontières sahariennes même si certaines villes, au cœur du

carrefour, sont des plaques tournantes de ces trafics.

Chapitre 2 - Le continent africain face au développement et à la mondialisation.

Introduction :

[Accroche] Continent en devenir, l’Afrique est un espace de défis multiples qui connaît une évolution

actuelle rapide face à la mondialisation, alors que les inégalités de développement à toutes les échelles sont

encore très prégnantes.

[Enjeux, limites…] Longtemps mise à l’écart du développement et mise en situation de dépendance extrême

vis-à-vis des puissances occidentales riches, l’Afrique a cumulé de lourds handicaps sur les plans

économique, sanitaire, démographique, politique ou encore alimentaire. Qu’il s’agisse du Sahel, pour lequel

le géographe et agronome René Dumont (premier candidat écologiste aux présidentielles en 1974) avait

lancé une célèbre alerte (Pour l’Afrique, j’accuse !), ou de quelque autre partie du continent, les éléments de

dynamisme ont toujours été présents mais mal développés et mal exploités. Aujourd’hui en pleine expansion

démographique (1 milliard d’habitants), urbaine (villes multimillionnaires : Lagos, Le Caire…),

économiques (ressources d’une grande diversité et richesse), et alors que les vieux conflits politiques

semblent s’apaiser, l’Afrique entre de plain-pied dans la mondialisation et est appelée à y jouer un rôle

majeur d’ici peu.

[Problématique] À quels défis l’Afrique est-elle confrontée face aux défis de la mondialisation et du

développement ?

Plans possibles :

I - Un continent à l’écart du développement et du monde ? I – L’Afrique face aux défis du développement.

II - De nouvelles perspectives pour l’Afrique ? II – Un continent en transition, entre conflits et tensions.

III - Mais encore de nombreux défis à relever. III – Face à la mondialisation : une ou des Afriques ?

I – L’Afrique face aux défis du développement.

A/ Sortir de « la décennie du chaos ».

Selon l’expression consacrée de la géographe Sylvie Brunel, l’Afrique a traversé durant les années 1990 une

décennie de conflits socio-économiques, politiques, militaires liés au mal-développement et au sous-

développement, et au pillage des ressources du sol et du sous-sol par les entreprises étrangères et au profit de

potentats locaux (dictateurs, familles dirigeantes, dynasties, hiérarchies militaires…).

En effet, le continent cumule les indicateurs les plus faibles au monde, signes d’un état de désœuvrement

politique et économique : l’IDH moyen est de 0,46 c’est-à-dire faible et l’on trouve en Afrique 33 des 48

PMA du monde.

Dans ce cadre économique, les structures sont fragiles, avec une faiblesse de l’industrie, des infrastructures

et une quasi absence de nouvelles technologies. Le secteur informel est très présent et assure la survie d’un

grand nombre. Paradoxalement, ce sont ces réseaux illicites qui parasitent l’économie et les investissements

productifs, et aujourd’hui plus de 40% de la population africaine reste en-dessous du seuil mondial de

pauvreté (1,25 dollar/jour).

B/ De forts obstacles au développement.

Alors que la majeure partie des pays africains sont encore dans la transition démographique, leur population

augmente rapidement : elle atteint le milliard d’habitants aujourd’hui en majorité de moins de 15 ans (41%).

Dans le même temps, l’espérance de vie est très faible (55 ans contre 78 ans en France par exemple) par

rapport à la moyenne mondiale (68 ans), pourtant la mortalité baisse relativement. Si la lutte contre le

paludisme depuis les années 1950 porte ses fruits, les très nombreuses guerres des années 1990 et la

pandémie du Sida ont largement fait reculer l’espérance de vie : Rwanda, Sierra Leone, Botswana ont des

taux très faibles. Le sida touche près de 4% de la population du continent contre 0,8% pour l’ensemble du

monde. Le nombre d’enfants par femme reste très fort en Afrique subsaharienne (7 à 8) mais est plus faible

dans les villes et dans les pays arabes de l’Afrique (2 à 3/femme).

Cette population doit faire face à de graves problèmes sanitaires :

D’une part rares sont les réseaux d’égouts et d’assainissement performants : en Afrique subsaharienne, seuls

31% de la population sont raccordés à une installation de base, contre 89% en Afrique du Nord.

D’autre part l’accès à l’eau potable n’est pas assuré pour la majorité, d’autant que l’urbanisation rapide et

anarchique ne résout pas les problèmes, au contraire : les bidonvilles s’étendent et se densifient, 62% des

habitants des villes d’Afrique subsaharienne y vivent. Cette extrême pauvreté se traduit aussi par une sous-

alimentation importante. 230 millions d’habitants connaissent la malnutrition et les émeutes de la faim sont

récurrentes : c’est le fait d’agricultures d’exportation exclusivement (cacao, café, coton) qui détruisent

l’environnement et font délaisser les agricultures vivrières : l’érosion des sols, la déforestation, la

désertification ont des conséquences dramatiques.

Enfin, les conflits armés touchent plus de 20% de la population, notamment des jeunes qui sont

instrumentalisés par les chefs de guerre, dans le cadre de luttes tribales (Somalie) et/ou religieuses (Éthiopie,

Mali, Niger, etc…), pour la prise de contrôle des « diamants de sang » (trafics de diamant en Angola,

Libéria, RDC), ou du pétrole (Sud Soudan et Darfour, Tchad) : ces guerres entrainent invariablement des

famines régulières aggravées par le manque d’infrastructures d’encadrement social.

Toutes ces raisons expliquent pour beaucoup le très fort taux de mortalité infantile : 78‰ en Afrique

subsaharienne.

C/ Les leviers actuels du développement.

Dans un premier temps, les villes sont un levier de développement. La croissance urbaine prend son essor

dans les années 1950, passant de 15% d’urbains à 40% aujourd’hui. Une forte accélération s’est produite au

moment des décolonisations au début des années 1960, créant de gigantesques mégapoles : Le Caire, Lagos,

Abidjan, Kinshasa, Johannesburg. Lagos et le littoral du Golfe de Guinée sont l’un des lieux les plus peuplés

d’Afrique. On considère qu’à ce stade, le taux de 50% d’urbains sera dépassé en 2030.

L’urbanisation est un atout de développement : les conditions de vie sont meilleures en ville qu’à la

campagne, l’accès à la santé, l’eau potable, l’éducation, les services, les technologies y sont moins difficiles.

Ensuite, c’est la démocratisation qui semble depuis la fin des années 2000 s’affirmer. Le premier exemple

fort est le passage d’une société de ségrégation en Afrique du Sud à la « nation arc-en-ciel » des vœux de

Mandela et Frederik de Klerk . Mais en 2011 la fin des dictatures en Tunisie, Libye, Égypte, l’instauration

de la démocratie au Ghana, des élections libres organisées au Libéria en 2006 avec Ellen Johnson-Sirleaf

devenue 1ère

femme présidente sur l’ensemble du continent africain. Prix Nobel de la paix en 2011, elle est

l’emblème d’une avancée dans la scolarisation des femmes, et d’une amélioration des conditions des

femmes, très relative toutefois. Aujourd’hui encore, les dictatures sont plus nombreuses que les démocraties.

D’autre part, on trouve des taux de croissance assez forts dans plusieurs pays africains : entre 2 et 6%, ce qui

permet une intensification des échanges et du commerce. Ici, les PAS (plans d’ajustement structurels du

FMI) ont permis une réduction de la dette des États et ont encouragé la suppression des droits de douane. La

contrepartie est bien sûr la forte concurrence des produits importés de l’étranger qui pénalisent les

producteurs et artisans locaux.

Cependant les déséquilibres de développement sont très forts, entre États et au sein des États : l’Afrique du

Sud représente à elle seule 23% du PIB du continent, puis vient l’Égypte, le Nigéria et l’Algérie (10%

chacun), enfin la Libye, Maroc, Angola, Éthiopie et Tunisie (5%). De ce fait l’aide internationale au

développement apportée par le FMI, la Banque mondiale et autres institutions reste capitale, bien que

plongeant le continent dans une situation de grande dépendance.

II – Un continent en transition, entre conflits et tensions.

A/ Vers le décollage économique.

Plusieurs pays africains connaissent une croissance moyenne de 5% par an dans la décennie 2000-2010, ce

qui fait dire à certains que la situation du continent est identique à celle de l’Asie des années 1970 avec

l’émergence des 4 Dragons du fait de la combinaison de la croissance démographique, de l’urbanisation, de

la hausse du cours des matières premières, etc.

Dans ce contexte, une classe moyenne émerge, et c’est classiquement sur elle que la croissance s’appuie :

environ 100 millions d’individus en Afrique, essentiellement urbains et jeunes : c’est cette classe qui attire

les investisseurs et les FTN. Cependant cette classe est encore faible et les économies encore trop

dépendantes du secteur primaire (matières premières), et du secteur informel.

L’Afrique s’appuie donc sur ses immenses réserves en hydrocarbures et en minerais : Algérie, Libye,

Nigéria, Angola disposent de réserves prouvées abondantes en pétrole et gaz ; le Ghana et le Mali disposent

d’or ; l’Afrique du Sud et la Sierra Leone de diamants ; la Mauritanie de fer ; le cuivre de Zambie ; la

bauxite de Guinée, l’uranium du Niger, mais aussi les bois tropicaux (Gabon, Congo).

La plupart de ces ressources sont très convoitées du fait de la très forte demande mondiale donc c’est un

enjeu stratégique pour la plupart des pays africains rentiers : les pays producteurs sont avant tout des

économies de rente, et sont donc dépendants des cours mondiaux. Ils n’ont fait que peu d’investissements

dans les autres domaines d’activité et n’anticipent quasiment pas sur l’avenir et l’épuisement des ressources.

Pourtant si les États sont riches de ressources du sous-sol, leur populations sont souvent pauvres voire très

pauvres : la redistribution des richesses se fait donc mal.

Enfin, l’autre ressource essentielle des pays africains est l’agriculture qui profite d’immenses étendues

cultivables et de grandes ressources en eau : présence de fleuves majeurs (Nil, Niger, Orange, Sénégal,

Congo, Zambèze) et de grands lacs (Malawi, Victoria, Tanganyika, Turkana, Tchad, …). Cependant les

rendements actuels sont faibles par manque de moyens et de techniques adaptées (irrigation, machines-outils

performantes, engrais…) : l’autosuffisance alimentaire est loin d’être assurée.

Aujourd’hui de trop nombreux obstacles sont à surmonter pour sortir plus rapidement du sous-

développement : infrastructures routières et ferroviaires faibles, régions très enclavées, manque d’électricité

grave en regard des potentialités en hydroélectricité.

De plus, l’intégration régionale est encore très faible du fait de frontières très fermées du fait de conflits et

tensions : les échanges économiques transfrontaliers sont faibles, et si les organisations régionales existent,

elles n’ont que peu de poids encore.

Enfin, les économies sont très peu développées, outre le secteur primaire : la plupart des pays sont des

« pays carrières » qui ne font qu’extraire les matières premières sans même les transformer du fait d’un

secteur industriel basique.

B/ Des tensions et conflits perpétuels…

Plusieurs pays connaissent des périodes d’instabilité de longue durée, la Somalie en étant un exemple

parlant : en guerre civile depuis 1991 du fait de conflits tribaux, le pays n’a plus connu de gouvernement

légitime depuis plus de 20 ans et la situation économique, sanitaire, sociale et alimentaire est totalement

détériorée. C’est de ce pays que la piraterie maritime s’est intensifiée autour de la Corne africaine sur la

route du détroit de Bab al-Mandeb et autour du Yémen. Malgré les interventions extérieures, humanitaires

ou armées, la Somalie reste en guerre : l’opération américaine « Restore Hope » en 1992, celle de l’ONU,

n’ont rien donné à ce jour.

Les conflits sont donc un facteur aggravant de sous-développement : le Libéria a connu plusieurs années de

guerre civile et ne se reconstruit que depuis 2006 alors que ses structures politiques, financières, éducatives,

sanitaires, etc. étaient réduites à rien.

Enfin les conflits touchent souvent plusieurs pays à la fois, du fait de déplacements massifs de population :

ainsi lorsque le Darfour connaît depuis 2008 un conflit lié à l’exploitation du pétrole, des centaines de

milliers de réfugiés quittent le Soudan pour le Tchad voisin, à son tour déstabilisé.

C/ … qui engendrent tensions sociales et environnementales.

Les sociétés sont très marquées par les guerres, notamment dans les pays où les enfants ont été embrigadés

(Sierra Leone, Libéria en particulier). De plus sur les deux dernières décennies les orphelins se comptent en

dizaines ou centaines de milliers, du fait des guerres et épidémies (palu, sida) et vivent dans les rues, surtout

dans les capitales où ils espèrent mendier plus facilement : à Kinshasa en RDC, à Ndjamena au Tchad, à Dar

es Salam en Tanzanie, Monrovia au Liberia, etc.

Par ailleurs les tensions ethniques ou religieuses débouchent sur des situations de crises extrêmes : au

Rwanda avec le génocide des Hutus contre l’ethnie minoritaire Tutsi en 1994 ; en Côte-d’Ivoire, Mali,

Nigéria, Éthiopie, etc. ce sont des conflits religieux entre chrétiens et musulmans qui aboutissent à des

situations politiques difficiles : par exemple en Côte d’Ivoire le président Laurent Gbagbo prétend conserver

le pouvoir à l’issue d’un scrutin défavorable en 2010 face à son opposant Alassane Ouattara. A ces tensions

s’ajoutent le rejet toujours très fort de populations venues des pays voisins : la xénophobie est une donnée

sociale importante dans quelques pays africains, en particulier Côte-d’Ivoire, Kenya, Afrique du Sud.

Enfin nombre de pays connaissent des situations de malaise social intense du fait de situations économiques

et alimentaires catastrophiques : le taux de chômage est globalement supérieur à 50% parmi les jeunes

d’Afrique subsaharienne, mais reste encore très élevé en Afrique du Nord (près de 40%) qui ne tire pas

vraiment son épingle du jeu : le manque de débouchés, associé à la corruption généralisée des classes

politiques et économiques ont été le facteur déclenchant des vastes émeutes des Printemps arabes en Tunisie,

Égypte et Libye en 2011 pour plus de démocratie et de libertés. Cependant les victoires de ces mouvements

sont aujourd’hui plus que relatives face à la récupération par des élites religieuses extrémistes en Égypte et

en Tunisie, ce qui pousse certains à reprendre le flambeau de la révolte. Et à la même époque, entre 2008 et

2011, les mêmes pays ont connu de véritables émeutes de la faim du fait de l’augmentation très forte du prix

des matières premières et denrées de première nécessité.

D’un autre côté, l’Afrique est un continent traversé de tensions environnementales menaçant les

écosystèmes du continent, et du monde de par l’ampleur des impacts mesurés. Dans un premier temps, c’est

l’exploitation des matières premières qui crée une situation dramatique avec la présence de mines à ciel

ouvert exploitées sans prudence ni prévention : les pollutions connues sont déjà d’une ampleur

catastrophique alors que les gouvernements et les FTN étrangères qui exploitent les sites masquent

largement la réalité des phénomènes : fleuves, rivières, nappes phréatiques sont parfois polluées à l’extrême

alors que les populations de villes entières vivent de ces eaux souvent distribuées sans système

d’assainissement. Les littoraux sont épuisés par de multiples marées noires, en particulier dans le Golfe de

Guinée, mais les contrôles sur les navires poubelles sont quasi inexistants : ce sont des milliers de pêcheurs

qui ne peuvent plus travailler et des millions de personnes qui ont un accès toujours plus limité aux

ressources halieutiques. Et pour finir, la plupart des entreprises, africaines ou étrangères exploitent souvent

une main-d’œuvre très bon marché, l’Afrique devenant en cela l’un des nouveaux eldorados de la

délocalisation, la Chine en tête. Ce même Golfe de Guinée est aujourd’hui sur la liste des espaces menacés

gravement par une possible montée des eaux du fait d’un réchauffement climatique, or cela concerne l’un

des espaces les plus peuplés du continent, autour de la capitale du Nigéria (Lagos : 8 millions d’habitants).

Les ONG africaines et internationales (type Greenpeace) n’ont encore que peu de poids face aux grands

exploitants de ressources minières, forestières ou pétrolières venus du monde entier.

III – Face à la mondialisation : une ou des Afriques ?

A/ La place de l’Afrique dans la mondialisation.

La plupart des États d’Afrique sont des économies de rente, basées sur leurs ressources du sous-sol et du sol,

et ce sont des économies extraverties, c’est-à-dire qu’elles échangent davantage avec l’étranger qu’entre

elles et sont tournées essentiellement vers l’exportation et très peu vers les marchés intérieurs, cela du fait de

plusieurs facteurs.

En effet, les États ne contrôlent en fait ni capitaux, ni technologies, ni le marché, ni les prix qui sont fixés et

détenus généralement par les acteurs économiques des pays riches (EU, UE, Japon) et de plus en plus par les

pays émergents (Chine, Brésil) et les États pétroliers du Golfe arabo-persique (Qatar, Émirats).

L’Afrique ne représente que 3,5% à 4% du commerce mondial de marchandises, et il s’agit quasi

exclusivement de produits non transformés (donc des matières premières : pétrole et minerais en tête) Les

premiers partenaires de l’Afrique sont la Chine, l’Europe et les EU qui viennent exploiter les ressources

africaines avec leurs propres technologies, souvent leur propre personnel technique et leurs cadres, ce qui ne

contribue que très peu au développement de l’emploi industriel en Afrique. Ces investisseurs étrangers ont

pour objectif une poignée de pays (10) et y développent largement leurs activités depuis le début des années

2000 : Afrique du Sud, Égypte, Ghana, Maroc, Algérie, Tunisie, Libye, Angola, Nigéria ou Kenya qui

captent les 2/3 des IDE. Les pays émergents se distinguent donc de plus en plus en Afrique, notamment

Chine et Brésil, récemment pour l’achat de terres agricoles. Mais ces pays investissent également dans les

infrastructures (ferroviaires surtout) pour désenclaver les pays d’Afrique e t en faire des pôles stratégiques

dans les années à venir.

De ce fait, les migrations à travers l’Afrique sont importantes mais elles se font surtout entre pays africains,

et finalement peu en direction de l’Europe ou des EU. Les migrations de travail se font entre pays

frontaliers : les plus pauvres vont le moins loin, et ce sont au contraire les plus riches et les mieux éduqués

qui parviennent à quitter l’Afrique pour les pays riches d’Occident. Trois pays se distinguent dans l’accueil

d’immigrés, Libye, Afrique du Sud et Côte d’Ivoire, voyant arriver des populations cherchant un meilleur

cadre de vie. L’autre situation de migration qui prévaut en Afrique est bien sûr la déshérence, c’est-à-dire la

fuite face à des situations insupportables (guerres, famines, épidémies), mais ce type de migration se fait

entre pays d’Afrique subsaharienne (migrations Sud-Sud).

Au final, la majeure partie des pays africains est enclavée et faiblement insérée à la mondialisation :

- accès internet faible malgré les progrès récents. Ce sont les pays du Maghreb les mieux connectés

(jeunes notamment avec les réseaux sociaux qui peuvent jouer le rôle de tribune politique dans les

dictatures lors des Printemps arabes), alors que les pays d’Afrique subsaharienne restent mal reliés et

pour des tarifs très élevés. Les disparités sont donc fortes entre Maghreb et Afrique du Sud qui

concentrent la moitié des internautes, et le reste de l’Afrique.

- Ports à faible capacités, mal reliés aux arrière-pays, peu d’infrastructures, peu de multimodalité : les

ports les plus développés sont Durban en Afrique du Sud et Tanger au Maroc.

- Même si les échanges avec l’Asie (Chine, Inde) se développent, les pays africains n’ont pas su

encore adapter leurs capacités portuaires et leurs réseaux de transport pour gérer l’afflux de

marchandises.

Les réseaux illégaux restent en fait très puissants à travers l’Afrique qui joue le rôle de plaque tournante

internationale entre aires productrices et aires de consommation : la cocaïne produite en Amérique latine

transite par le Mali ou le Nigéria avant d’arriver en Europe. De plus les contrebandiers et le braconnage sont

choses courantes car les États africains ne peuvent investir beaucoup dans les services de surveillance et

sécurité : le trafic d’ivoire, de pierres précieuses ont de belles années de développement encore. À cela

s’ajoute le trafic d’armes, massif en Afrique, mais aussi d’êtres humains pour la prostitution ou pour le trafic

d’organes. Enfin, de même qu’en Inde pour les carcasses de navires, les pays africains jouent le rôle de

recycleurs de déchets informatiques et de médicaments, avec le risque extrême de contaminations diverses

aux produits à haute toxicité.

B/ L’Afrique est bien un nouvel acteur de la géopolitique mondiale.

Dans le cadre de la lutte contre le terrorisme international, les EU et l’Europe surveillent de plus en plus

quelques régions africaines, et en particulier le Sahara et la Somalie qui abritent de multiples bases affiliées

à al-Qaïda, ou à la piraterie maritime. Ainsi au large de la Somalie patrouillent les flottes américaine et

française notamment pour surveiller l’entrée de la Mer rouge, passage stratégique vers le canal de Suez et

route du pétrole importante.

D’autre part les littoraux africains s’avèrent de plus en plus des espaces intéressant le commerce

international car ils peuvent jouer le rôle d’interface entre Amérique et Asie. Mais c’est avant tout pour ses

ressources que le continent est aujourd’hui l’une des aires les plus convoitées au monde et le sera davantage

dans le futur : l’Afrique détient 12% des réserves mondiales de pétrole, 60% des réserves de terres

cultivables, elle possède le 2e espace forestier au monde, et actuellement elle détient 80% des réserves de

coltan : minerai utilisé dans la fabrication de composants pour les téléphones portables et appareils

électroniques de grande diffusion.

Enfin, dans la production minière mondiale, l’Afrique du Sud en particulier détient les premières et

deuxièmes places mondiales pour le platine, chrome, or, manganèse ou titane, la RDC est le premier

producteur de diamant et de cobalt… Il s’agit bien là du nouvel eldorado minier mondial.

C/ Les Afriques : un continent d’inégalités.

Les contrastes sont très marqués dans tous les domaines, si bien qu’il faut parler plus justement des

Afriques.

D’abord, au niveau des densités et de la répartition des populations, le contraste est majeur entre zones de

très forte densité sur les littoraux : Golfe de guinée, littoral maghrébin, région des grands lacs. A l’inverse,

des régions vides de population : déserts du Sahara ou de Namibie, forêt tropicale d’Afrique centrale.

Deuxième contraste, celui de la mosaïque linguistique et culturelle : s’il y a 6 grandes langues officielles

(anglais, arabe, français, portugais, espagnol et swahili), il existe des centaines de langues et dialectes à

travers les 54 États qui composent ce continent. Mais surtout il existe de très nombreuse ethnies dont la

répartition fût souvent très mal opérée par les colonisateurs qui tracèrent les frontières au mépris des

territoires tribaux et ethniques, ce qui est aujourd’hui source de graves tensions du Nord au Sud du

continent. Enfin les religions sont très diverses, outre les deux grands monothéismes qui dominent

(christianisme et islam) il existe une multitude de pratiques religieuses (animisme, vaudouisme, fétichismes

divers), quasiment autant que d’ethnies : on parle généralement de religions traditionnelles de l’Afrique.

Celles-ci se teintent parfois de pratiques chrétiennes ou musulmanes (syncrétisme religieux).

Le troisième contraste est celui du climat et des paysages : en effet, sur 7600km d’Est en Ouest et 7000km

du Nord au Sud, la variation climatique est ample et les paysages aussi extrêmes que désert au climat aride

et sec et forêt tropicale au climat très humide accompagnée de mousson.

Hormis ces contrastes géographiques et culturels, le continent semble partagé économiquement en trois :

- L’Afrique émergente, celle de l’Afrique du Sud, la seule puissance complète du continent, intégrée à

la finance mondiale autour de la place de Johannesburg.

- Les puissances régionales, comme le Nigéria, l’Égypte, les pays du Maghreb, l’Éthiopie et la Côte-

d’Ivoire qui ont un fort potentiel de développement, mais qui connaissent pour certains depuis 2011

une période de grande mutation socio-politique (Printemps arabes).

- Les pays de l’Afrique subsaharienne, majoritairement des PMA : économies rentières, totalement

dépendantes, parfois en situation critique, et certaines enclavées (sans accès à la mer ni aux axes

majeurs d’échanges).

On peut enfin distinguer une Afrique rurale, très pauvre, en grande détresse et éloignée de tout service et

accès aux soins, éducation, etc.. et une Afrique urbaine où les classes moyennes se forgent et s’associent aux

diasporas étrangères (libanais, indiens, chinois) : au Kenya, Ghana, …alors qu’à l’inverse les populations

des bidonvilles sont les laissés pour compte et les candidats à la migration.

Chapitre 3 – L’Afrique du Sud, un pays émergent.

Introduction :

[Accroche] Première économie du continent africain et pilier de son développement, l’Afrique du Sud est

l’emblème de la sortie possible du mal-développement et de l’entrée dans la mondialisation, en tant que

nouvel acteur de la scène globale dans de nombreux domaines.

[Limites, enjeux, acteurs] Depuis la fin de l’apartheid (« séparation » en afrikaner) en 1991 et l’accession de

Nelson Mandela à la présidence en 1994, la « nation arc-en-ciel » fait figure d’exemple de réussite à

l’échelle régionale, continentale et mondiale avec son entrée dans le club des BRICS à la fin des années

2000. Cependant si le pays est un pivot politique et économique du continent, attirant touristes et

investisseurs du monde entier (Coupe du Monde de football en 2010), il est encore le lieu de criantes

inégalités qui entretiennent les violences, la ségrégation raciale laissant place à une ségrégation sociale et

alors que la question sanitaire reste un enjeu crucial (sida par exemple). Autour de quelques métropoles

(Johannesburg, Pretoria) se constitue une vitrine nouvelle pour le pays désormais inclus à l’archipel des

métropoles mondiales mais en réalité encore sérieusement fragmenté au niveau économique et social.

[Problématique] Quelles sont les caractéristiques de l’émergence économique de l’Afrique du Sud ?

I – L’Afrique du Sud, pays émergent aux inégalités fortes.

A/ La première économie du continent africain.

La puissance économique de l’Afrique du Sud s’est d’abord construite sur les richesses de son territoire, en

minerais principalement : le pays est passé d’une situation d’économie de rente à une situation de puissance

industrielle complète grâce à une diversification.

À l’origine, l’AS a su exploiter les vastes richesses minières en or et diamants, charbon et fer, éléments très

demandés sur le marché mondial. Le pays a su mettre en valeur ces richesses et s’est appuyé pour cela sur

une main-d’œuvre noire facilement exploitable et peu chère venue de tout le sud du continent africain. Ce

secteur des matières premières a donné naissance à de puissantes firmes et ont assuré la prospérité du

secteur financier. Sur les 500 premières entreprises africaines, 127 sont sud-africaines, et présentes dans tous

les domaines (électricité, téléphonie mobile, grande distribution, …). Aujourd’hui les secteurs minier et

industriel constituent encore les 2/3 du PIB sud-africain.

Le secteur minier assure la moitié des exportations du pays autour de FTN puissantes (Anglo Platinum, De

Beers), le reste étant composé des produits industriels et de l’agroalimentaire : céréaliculture intensive et

élevage intensif, vastes cultures tropicales destinées à l’exportation car l’AS est aujourd’hui autosuffisante.

Mais l’essentiel des zones cultivables est détenu par les grands propriétaires terriens dont les exploitations

immenses sont un héritage colonial. A l’inverse l’AS importe surtout des produits manufacturés dont les

deux premiers fournisseurs sont l’UE, les États-Unis et de plus en plus la Chine : ces pays sont également les

principales destinations des exportations sud-africaines.

Par ailleurs, le secteur tertiaire s’est développé autour du tourisme, haut de gamme en particulier : safaris

dans les parcs nationaux, tourisme littoral fort. Et les services connaissent un essor considérable, ainsi que le

domaine de la recherche biomédicale qui donne lieu à un tourisme médical venu de tout le continent.

Au final, l’AS est une économie émergente, avec le premier PIB du continent (c’est-à-dire ¼ du PIB

continental), mais un IDH encore faible de 0.619 en 2011 (au 123 rang sur 169 !), mais en évolution

constante d’une année à l’autre (IDH de 0,597 en 2010).

B/ Des inégalités persistantes.

La « nation arc-en-ciel » voulue par Mandela et de Klerk dès 1991 avec la fin de l’apartheid n’a pas signifié

pour autant la fin des tensions raciales : près de 80% de noirs, 9% de blancs, 9% de métis et 2% d’asiatiques

constituent la population d’AS, mais les inégalités sociales sont criantes et touchent souvent les noirs. Par

ailleurs 17% de la population vit sous le seuil de pauvreté et la plus grande partie de l’appareil économique

appartient à des groupes financiers blancs.

Même si la classe moyenne noire progresse et que la discrimination positive entraine l’emploi de personnes

de couleur, les communautés se renforcent en AS et ne se mélangent pas.

Le cas de l’AS est celui du passage de la ségrégation raciale à la ségrégation sociale : cela a lieu dans les

townships, les zones urbaines réservées aux non-blancs à l’époque de l’apartheid, à l’écart des centres-villes

et constituées de petites maisons identiques (matchboxes : « boîtes d’allumettes »). Ces quartiers constituent

des ghettos souvent privés d’eau courante et parfois d’électricité, qui sont alimentés par l’exode rural

constant et qui connaissent de fréquentes émeutes.

A l’opposé de ces classes pauvres, la classe moyenne noire se développe : ce sont surtout de jeunes urbains

surnommés « Black diamonds » : ils forment un marché de consommation majeur pour le développement

économique du pays.

Enfin, trois causes expliquent aujourd’hui nombre de difficultés du pays :

- Le sida fait des ravages dans la population, il est la première cause de mortalité et fait chuter

l’espérance de vie de 59 ans en 1990 à 52 ans en 2010 ! Près de 18% de la population des 15-49 ans

est touchée par le VIH.

- Si l’apartheid fut une période de violences policières, de déplacements de population et de tensions

sociales, l’après-apartheid reste encore dominé par ce même type de tensions, en particulier vis-à-vis

des femmes et des Africains étrangers au pays.

- La période coloniale fut celle de l’exploitation des terres par et pour les blancs, or la restitution de

ces terres n’est pas encore faite, et l’exemple du Zimbabwe fait peur : en l’an 2000 les fermiers

blancs y ont été expulsés dans la plus grande violence et les terres accaparées par les proches du

dictateur Robert Mugabe.

II – Une nouvelle puissance à toutes les échelles.

A/ Une puissance à l’échelle régionale.

Les relations diplomatiques se sont détendues depuis la fin de l’apartheid avec les voisins de l’AS : les

frontières avec le Mozambique, le Zimbabwe et le Botswana se sont rouvertes et les échanges économiques,

culturels et les politiques de développement durable s’opèrent désormais entre ces pays.

D’autre part, l’AS étant la puissance économique dominante du continent, les pays voisins tentent de s’y

allier par le biais de coopérations régionales dont deux organisations majeures : la SACU (Union douanière

de l’Afrique Australe) et la SADC (Communauté de développement de l’Afrique australe) créée en 1980 :

l’Afrique du Sud y entre en 1994 au moment où Mandela devient président et mène une politique de

réconciliation qui lui donne une aura morale sans précédent. Sur le modèle de l’UE, l’Afrique du Sud a

voulu instaurer une zone monétaire commune entre plusieurs pays : la monnaie utilisée est le rand.

Parmi tous les pays du continent, l’AS attire le plus d’immigration, légale pour le travail, mais aussi 3 à 4

millions d’illégaux.

La meilleure preuve du centrage de l’AS vers le continent est la concentration des activités économiques

autour du bipôle Prétoria-Johannesburg (Nord-Est du pays) dans la région motrice qu’est le Gauteng. De

plus le pays est signataire du NEPAD, à savoir la charte de bonne conduite économique et politique pour les

États africains depuis 2001.

Enfin, l’Afrique du Sud est une grande puissance diplomatique à l’échelle du continent, ayant joué un rôle

important dans la création de l’UA (Union africaine) en 2002 : c’est une organisation regroupant tous les

pays d’Afrique qui possède une armée pouvant intervenir comme force d’interposition dans les conflits.

Même si les désaccords sont très nombreux avec les autres puissances continentales, l’Afrique du Sud est

intervenue à de multiples reprises dans les crises : RDC, Sud Soudan, Libéria, etc. le seul véritable rival du

pays au niveau économique et diplomatique est le Nigéria mais encore assez loin derrière.

B/ Une puissance à l’échelle mondiale.

En 2011, les BRIC se sont réunis et ont accueilli l’Afrique du Sud dans leurs rangs : on parle désormais plus

communément des BRICS (Brazil, Russia, India, China, South Africa), pour autant l’AS est loin d’avoir le

même poids économique, commercial et diplomatique que les 4 autres pays.

De même, l’AS fait partie du G20 et à ce titre intensifie ses relations avec l’ensemble des partenaires, en

priorité l’UE, la Chine, et aujourd’hui le Brésil et l’Inde. L’UE reconnaît l’AS comme un interlocuteur

privilégié et aujourd’hui le pays est candidat à un siège permanent au Conseil de Sécurité de l’ONU. Or ce

siège ne serait ouvert qu’en cas de réforme réelle des institutions onusiennes, ce qui n’est pour le moment

pas évident car les 5 membres permanents actuels font barrage et se disputent de futures alliances.

Ensuite l’AS est tournée de mieux en mieux vers les échanges mondiaux, preuve en est le développement de

métropoles littorales : Le Cap, Port-Elizabeth et surtout Durban dont les façades sont de véritables interfaces

vers les grands océans et les espaces dominants de la mondialisation.

Durban est d’ailleurs devenue l’un des premiers centres touristiques de l’AS, dans un contexte où le pays

reçoit chaque année toujours plus de touristes internationaux (6 millions en 2011). Plusieurs événements ont

contribué ces 20 dernières années à donner à créer pour le pays un soft power remarquable : depuis la

fameuse coupe du monde de Rugby de l’après-apartheid (1995 : voir le film Invictus), la Coupe d’Afrique

des nations (CAN en 1996), ou le Mondial de football en 2010, mais encore plus avec le Sommet de la Terre

à Johannesburg en 2003 qui donne au pays une stature internationale dans les débats sur le développement

durable et la Conférence des Nations Unies sur le changement climatique qui a eu lieu à Durban en 2011.

L’ensemble de ces manifestations a apporté des investissements majeurs pour le pays et permis le

développement d’infrastructures essentielles : l’AS s’est ainsi donné l’image d’une nation unie malgré les

tensions qui persistent.