The LP CollectionLes trésors

cachés de la musique underground

50 albums

emblématiques

Vol. 1

Laurent Schlittler &Patrick Claudet

Le Cap, Brno, Lille, Wichita, Pusan, Caracas, Bethlehem, Coire, Man-

chester, Beyrouth, etc. : la musique underground n’a pas de frontières. Et

ses ambassadeurs ne reculent devant aucun sacrifice pour repousser les

limites de la création musicale. De Johnny Staco à Two Shakes of A Lamb’s

Tail, en passant par La Jezira, Les Glaives ou Mouna Box, cette anthologie

lève le voile sur des projets musicaux à la singularité inversement pro-

portionnelle à la notoriété. La faute au choix exclusif du vinyle comme

support d’enregistrement, à une production artisanale et à une diffusion

inexistante. Sensibles à l'anachronisme de la démarche, les deux auteurs

rendent hommage à ces albums qui, bien que discrets, redéfinissent le

paysage musical mondial.

L’ouvrage « The LP Collection : les trésors cachés de la musique under-

ground – 50 albums emblématiques » chronique 50 albums représentatifs

d’une collection qui en compte 6000 à ce jour. autant de raretés accu-

mulées à travers le monde par les auteurs, qui inaugurent ici une série

d’ouvrages documentant cette musique à la marge de la marge.

Laurent Schlittler et Patrick Claudet, respectivement écrivain et scénariste,

partagent le même bureau et une passion frénétique pour la musique.

Ils sont aussi les concepteurs et animateurs de la plateforme musicale :

www.thelpcollection.com.

A paraître chez LP Publishing en 2013 :

« The LP Collection : les trésors cachés de la musique underground –

50 albums qui n’auraient pas dû voir le jour »

www.thelpcollection.com

2322

KLEE Kill Your Darlings (2001)

Post punkKlagenfurt, Autriche

Sous les gravas de l’empire déchu, une pépite. Nouveau prodige de la

scène indie autrichienne, Klee a pris tout le monde par surprise. Non pas

que le groupe soit né en territoire vierge – on se rappelle tous des rockeurs

à peau dur de Rentokil, Summoning et Die Verbannten Kinder Evas. Mais

entre la rencontre des musiciens sur les bancs de l’Université de Klagen-

furt et la sortie de leur premier album, six mois seulement se sont écoulés.

La fulgurance du « phénomène Klee » est d’autant plus remarquable qu’il

s’appuie sur une maturité peu commune chez des gamins de 19-20 ans,

tous inscrits à la Faculté des sciences économiques et d’informatique, sauf

le chanteur Matthias Klinger, apprenti grutier. Là où d’autres auraient

choisi de rôder leurs compositions sur le campus, le sextuor a voulu se

confronter d’emblée à l’épreuve du studio. Résultat : une collection de

perles aux guitares rutilantes qui réhabilitent le stop-and-go des Pixies

(« Blue » comme un clin d’œil à « River Euphrates »), avec une touche locale

(allusion au dragon de Neuer Platz dans « Satan Is A Poet ») et un délite-

ment progressif des sons qui fait de « Kill Your Darlings » un trait d’union

entre « Surfer Rosa » et « In Utero » – excusez du peu ! Steve Albini ne renierait

sans doute pas « Dolly » ou « Blow ! », éruption contrôlée de testostérone (le

solo à une note du premier morceau, la puissance de la caisse claire du

second). Attention toutefois à ne pas classer le groupe de Carinthie dans

le sous-genre du pop punk. Le combo est certes plus malin que virtuose,

mais Klinger la belle gueule ose une réflexion sur la place du désir dans

la société à travers des textes où pointe l’influence de Zweig et Apolli-

naire. Une critique un peu théorique du « tout, tout de suite », mais qui fait

mouche grâce à la sobriété de la production.

43

TraCkLiST

FACE ABlue 3:21 Open Your Eyes 4:40 Satan Is A Poet 6:21Bring Me Back My Remington 5:04

FACE BDolly 4:12Warsaw 4:57 Nick Jagger 3:56Blow ! 5:23

4746

PRINCE ARTHUR 3,14 Reasons (2007)Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? Avec Prince

Arthur, la question ne se pose pas : à l’écoute de ce « 3,14 Reasons », la

complication n’est rien d’autre qu’un trait de caractère. Car si Arto Schmi-

diger élève haut l’art de la complication, il le fait sans y toucher, désin-

volte presque. Autrichien de naissance, résidant à Reykjavik (Islande),

l’ingénieur forestier livre ici une pop savante, précise et tortueuse, entre

Sufjan Stevens pour la subtilité mélodique et les Fiery Furnaces pour les

bifurcations intempestives. Si la pièce est chargée – et parfois crispante à

l’écoute –, la pompe est évitée ; grâce en soit rendue aux huit musiciens

qui traversent ce Grand Huit sans une larme, sans un cri, imperturbables

à la tâche (partageraient-ils le même sort que ces hommes s’exécutant

derrière leur machine à écrire ?). Mais n’enlevons rien – ou si peu – au Arto

et à son talent bigarré : rocksteady (« Our Romantic Expedition »), bossa

(« Tinkle »), no-wave (« Ironic Alphabet »), musette (« Mustaches »), reggae

(« Cloud ») ou jazz manouche (« Mr. Pi »), l’homme maîtrise le coq-à-l’âne

avec une décontraction confondante, comme prodigieusement ennuyé

de lui-même. Si musicalement le rapport est forcé, on pense à Gruff Rhys

pour l’attitude : même autisme joyeux, chevillé à la création, avec ce que

cela suppose d’égarements et de divagations, douloureux parfois, mais

tellement profitables pour la musique.

PopReykjavik, Islande31

TraCkLiST

FACE APure Spirit 3:11Our Romantic Expedition 3:24We Know What We Do 5:06Tinkle 2:52Ironic Alphabet 4:22

FACE BOne Two Three 4:24Mustaches 2:36Cloudy 3:23Lost Solutions 4:41Mr. Pi 3:14By Heart 2:27

8584

O’GONZO Vigorous Kids (2007)

Industriel rockCincinnati, USA

Cuir rugueux et couture apparente d’un vieux falzar de Jim Morrison ? La

couverture de « Vigorous Kids » sonne comme l’apologie ultime de l’acces-

soire de mode. En réalité : un énième pied de nez de la part d’un groupe

qui refuse tout mercantilisme (impossible de trouver le moindre t-shirt ou

sweat à capuche à son effigie) et autre starification (leurs visages sont

dissimulés derrière des masques de soudeur). Originaire de Cincinnati,

O’Gonzo moque depuis toujours les dérives des majors, et, plus encore,

celles des groupes qui jouent leur jeu. Dans cet opus, Travis Jones et

consort tirent à boulets rouges sur ceux qu’ils surnomment les « sick show-

biz freaks », ces musiciens davantage portés sur leur compte en banque

que leur probité artistique. Leur munition ? Un métal industriel aux riffs

tranchants comme des scies circulaires, capables de débiter les « baby

stars » en tranches comme dans « Red Carpet », titre d’ouverture lourd et

suffocant. Les influences (Nine Inch Nails, Ministry, Rammstein, entre

autres) sont passées au broyeur et régurgitées à un tempo ritenuto, lent

comme un continent qui s’enfonce, avec la menace toujours omnipré-

sente d’un séisme. D’ailleurs, les chocs sont nombreux tout au long de

l’album, de l’explosion de décibels de « Slain (Touch My Skin) » qui parle

de nécrophilie à Hollywood à « Between My Legs » et ses hurlements stri-

dents de femmes en détresse, en passant par le carnage commis dans

un bled texan par un nourrisson de six mois (« W.T.F. », satire sur le thème

du 2e amendement). Souvent comparé à Killdozer, O’Gonzo entretient

ses pulsions morbides sans se départir d’un certain humour (très noir) ;

il maîtrise de surcroît son art et sait s’arrêter juste avant la nausée. Pour

preuve : « Martin Sheen Memories » et son staccato rafraîchissant, plein

d’allant, qui ferait presque oublier que le refrain est vomi à travers un

mégaphone. Un répit bienvenu avant la montée en puissance des trois

derniers morceaux (sublimissime « Catalina »), reflet subjectif d’un monde

en péril. La musique gonzo est née.

12

TraCkLiST

FACE ARed Carpet 3:22Slain (Touch My Skin) 2:40Mae West 1:12Radical Mind 2:01Between My Legs 3:34

FACE BW. T. F. 3:06Martin Sheen Memories 2:50 The Murder Of Me 4:01 Beautiful Faggots 1:58 Catalina 0:35

9998

TraCkLiST

FACE AThis Is The End 12:24 Muzak 5:34Kibetan Trance 7:14

FACE BMy My Your Your 4:50Septuor 6:12A Divine Spirit (Part One) 2:56Adagio 4:04

KATCHATURIANThis Is The End (2011)

ElectroLisbonne, Portugal

« This Is The End », terrain miné, il fallait oser. Ces mots comme arrachés aux

cordes vocales d’un mythe carbonisé : Jim Morrison. Ces mots toujours,

comme volés aux images d’un Vietnam à l’agonie sous les giclées de

napalm des hélicoptères américains : « Apocalypse Now ». Sons, images,

« les quatre mots de la fin » sont lourdement référencés. Ajoutez à cela le

no issue abondamment chroniqué par le rock’n’roll, complaisamment

souvent, comme si hurler l’impasse délivrait un certificat d’authenticité

à sa rage. Devant pareille surcharge, le collectif lisboète Katchaturian

est bien inspiré de ne pas hurler avec les loups. Affirmé d’emblée pour

mieux être évacué, « This Is The End » installe une chronologie d’après

le cataclysme, champ libre pour piqueter en sept morceaux la trame

d’une ère nouvelle. Discours d’espoir et de renouveau à l’heure même

de la fin annoncée (les deux manières d’envisager la montagne sur la

pochette : impasse/frontière avec l’espoir d’un monde meilleur de l’autre

côté). Depuis leur studio BFMI du Barrio Alto, les douze membres du collec-

tif délivrent leur sens du nappage sonore (mille-feuilles synthétique par-

semé d’échantillons organiques – le bruit du vent, d’un éboulement, de

la pluie) et donnent chair à leur utopie en invitant un instrumentiste par

morceau : les averses de harpe de Miranda Bentoiu sur « Adagio », le trom-

bone ensorcelé de Jaime Battista sur « Muzak » (hommage à Brian Eno), les

percussions abrasives de Calakuta sur « Septuor », les guitares furibardes

de Wolfram Feuz sur « Kibetan Trance » (expérimental à la Merzbow)…

Ainsi se conçoit la musique de Katchaturian, ouverte et nuancée, nouvel

oxygène pour un monde saturé. Ironique aussi, à l’image de cet emprunt

gratuit à l’un des compositeurs classiques officiels de l’Union Soviétique :

Aram Khatchatourian (1903-1978).

5

AA Certain Ratio > 53

Alamo Track Race > 25Steve Albini > 23, 75

Dave Allen > 53Aphex Twin > 37Arcade Fire > 73

Arno > 53

BBurt Bacharach > 79

Joan Baez > 87Brigitte Bardot > 79Meriel Barham > 33

Basement 5 > 53Beastie Boys > 75

Beat Happening > 95The Beatles > 15, 19

Beirut > 107David Bendeth > 87Matt Berninger > 105

Steven J. Bernstein > 95Marc Berry > 9Big Black > 75Bikini Kill > 41

Black Sabbath > 27The Blues Explosion > 13

Blur > 21Boss Hog > 13

Abdelah Boulkhair El Gourd > 69David Bowie > 19, 83

Bratmobile > 41The Breeders > 41

The Brian Jonestown Massacre > 105Harold Budd > 37R. L. Burnside > 13Butcher Babies > 11

CJ.J. Cale > 15

Can > 45Caribou > 91

Cat Power > 41Johnny Cash > 93

Nick Cave > 77Luz Casal > 87

Céu > 87The Chemical Brothers > 39Francis James Child > 29

The Clash > 53Kurt Cobain > 95

Cocteau Twins > 67Leonard Cohen > 73

Cornelius > 89The Cramps > 71

Ian Curtis > 61

DDaft Punk > 81

Deus > 25Hazel Dickens > 15

Die Verbannten Kinder Evas > 23The Dresden Dolls > 73

Nick Drake > 49Martin Duffy > 55Bob Dylan > 51

E Stephan Eicher > 37Brian Eno > 37, 99

Erasure > 21ESG > 53

FFad Gadget > 21John Fahey > 15

James Fearnley > 59The Feelies > 65

Felt > 55The Fiery Furnaces > 47

The Flaming Sideburns > 31The For Carnation > 45Aretha Franklin > 31

Liz Fraser > 67

INDEX A-O

108

Fright Wig > 41The Furious Five > 97

G Gang Of Four > 53Genitorturers > 11

Godspeed You ! Black Emperor > 75Gordon Gano > 77

Ghinzu > 25Bebel Gilberto > 87David Gilmour > 79

Kim Gordon > 41Gran Coquivacoa > 87Grandmaster Flash > 97

Green River > 95Johnny Greenwood > 29

Dave Grohl > 79Gronibard > 25

HHandsome Furs > 19

The Happy Mondays > 9Lawrence Hayward > 55

The Heartbrakers > 57The Hives > 31

Mark Hollis > 107House Of Love > 33

Hüsker Dü > 95Hynnner Versus Hant1s3 > 25

IIsolée > 91

JMichael Jackson > 53

The Jam > 63Rick James > 83

The Jesus Lizard > 75The Jesus and Mary Chain > 65, 105

Joan Jett > 67Brian Jones > 89

Joy Division > 39, 105Junior Murvin > 21

KOum Kalthoum > 87

Aram Khatchatourian > 99Killdozer > 85

Kool Herc > 97Kruder & Dorfmeister > 87

LLady Gaga > 83Lead Belly > 15

The Lemonheads > 103Liliput > 37Luna > 33

Lydia Lunch > 75The Lundegaards > 31

MM83 > 19

Macacaibo 15 > 87Ray Manzarek > 59Luis Mariano > 87Johnny Marr > 55

Chan Marshall > 61Masaha > 49

MC5 > 75The Melvins > 95

Wim Mertens > 107Merzbow > 99M.I.A. > 101Ministry > 85

Mogwai > 27, 75Brian Molko > 83

Momus > 89Mando Diao > 31The Monks > 31

Marylin Monroe > 79Morphine > 107

Ennio Morricone > 79Jim Morrison > 99Mudhoney > 95

Rajko Müller > 91My Bloody Valentine > 43

NSarah Neufeld > 73

New Order > 39The New York Dolls > 57, 83

Nine Inch Nails > 85Nirvana > 75, 95

OOTH > 25

109

INDEX P-Z

PPalace Music > 75

The Pale Saints > 33Papas Fritas > 81

Peaches > 77Neil Peart > 35

Gilles Peterson > 87Pink Floyd > 19

The Pixies > 23, 75Pizzicato Five > 89

PJ Harvey > 75John Prine > 15

Public Enemy > 75, 97Pussy Galore > 13

QQueens of The Stone Age > 95

RThe Raincoats > 41

Rage Against The Machine > 75Rammstein > 85

The Ramones > 35Joey Ramone > 35Otis Redding > 31Lou Reed > 103Vini Reilly > 107

Rentokil > 23Gruff Rhys > 47

The Rolling Stones > 15Rock Bitch > 11

Luigi Russolo > 29

SThe Saints > 31Eric Satie > 107

Giacinto Scelsi > 105Screaming Trees > 95

The Seeds > 61The Sex Pistols > 19Kevin Shields > 43

Silver Apples > 21Talvin Singh > 37

Siouxsie & The Banshees > 21David Sitek > 63The Smiths > 55

Suraphon Sombatjalern > 49Sonic Youth > 41The Sonics > 31

Soundgarden > 95The Specials > 63Spiritualized > 27The Standells > 31Sufjan Stevens > 47

Barbara Streisand > 79The Style Council > 21

The Sugarhill Gang > 97Suicide > 107

Summoning > 23Sunn O))) > 27

Supergrass > 63Swallow > 95

TTad > 95

The Talking Heads > 53T.C. Matic > 53

Sebastien Tellier > 81Thug Gang Crew > 69Johnny Thunders > 57

T-Model Ford > 13Amon Tobin > 37

Tricky > 21TV On The Radio > 63

Rob Tyner > 35

UUnderworld > 91

VCaetano Veloso > 87Justin Vernon > 51

Violent Femmes > 77

WThe Walkabouts > 95Randy Weston > 69

The Who > 63Brian Wilson > 65Tony Wilson > 53Wolf Parade > 19

Shannon Wright > 75

XX > 95

Y Yo La Tengo > 103

Neil Young & The Crazy Horse > 17

ZZita Swoon > 25

110 111