texte sur les oeuvres, exposition le sourire du chat (opus1)

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Les mots et les lettres de l’alphabet reviennent aussi constamment dans l’œuvre et composent en général un code secret que le spectateur doit déchiffrer. Même quand l’artiste ne nous dissimule rien, il nous place devant une énigme. Ici avec Rosso Palermo et Oro longchamp, le mystère réside dans l’identi- fication littérale d’une couleur avec son nom et sa référence commerciale. Cette identification est forcément ironique, car elle aboutit à souligner le décalage entre la chose elle-même et ses appellations commerciales. Ces deux œuvres amalgament les enseignements du monochrome et du Pop Art dans une époque où rien n’échappe au marché. Etienne Bossut Nature morte, 1997 ensemble de 4 moulages en résine Né à Saint Chamond, il vit à Dôle. « J’ai pendant six ans moulé de la matière plastique pour l’industrie […] Puis, vers 1980, j’ai décidé de réduire ma production industrielle pour commencer à faire des pièces artistiques […] Je ne produis plus que de l’art maintenant. […] Pour moi, l’utilisation du plastique implique le procédé du moulage […]. » Le moulage est une technique traditionnelle dans la fabrication d’objets utilitaires comme dans le champ de la sculpture : sa reprise, améliorée au moyen de matériaux modernes (résine, fibre de verre), permet à un artiste comme Etienne Bossut de questionner la production des objets en série dans la société industrielle mais aussi d’explorer de multiples aspects de la réalité, matérielle ou immatérielle. L’humour que l’artiste met à détourner les produits du design le plus fonctionnel se retrouve aussi dans ses installations, parfois directement fondées sur un jeu de mots comme Parthénon bidon ou ici Nature morte. Il montre aussi que son travail n’est pas seulement un inventaire d’objets et que la métaphore – le déplacement de significations – y a une part essentielle. Nature morte est composée d’un Feuilles de salle entuspotruniuopelepluiepruiloezromphtref Le sourire du Chat (opus 1) œuvres de la collection du Frac des Pays de la Loire entuspotruniuopelepluiepruiloezromphtref Alighiero Boetti Rosso Palermo et Oro Lonchamp, 1967 Peinture industrielle sur carton 65 x 68 cm Né en 1940 à Turin (Italie). Décédé en 1994. Le travail d’Alighiero Boetti est reconnu en 1967 lors d’une exposition personnelle de l’artiste à Turin. En septembre de la même année, il participe à l’exposition collective organisée par Germano Celant « Arte povera », qui donnera son nom au mouvement qui le fera connaître (à côté de Mario Merz, Jannis Kounellis, Luciano Fabro, Michelangelo Pistoletto, Giulio Paolini, etc). L’œuvre d’Alighiero Boetti est une méditation sur l’identité et l’anonymat, l’ordre et le temps. Sa Lampe annuelle de 1966 (qui s’allume onze secondes chaque année) ou ses montres dont les chiffres sont ceux de l’année en cours visualisent des idées du temps. tableau d’où serait tombé le sujet : une chaise, un seau et une bassine... dans ce glissement le sujet a disparu de la toile devenue un monochrome... Cette œuvre atteste les nombreuses références à l’histoire de la peinture chez Etienne Bossut, et de son intérêt pour la couleur. Alan Charlton 7 Part line painting, 1982 Acrylique sur toile, 7 éléments 180 x 60 cm chacun, 180 x 480 cm l’ensemble Né à Sheffield en 1948 (Grande Bre- tagne), il vit à Londres. « Quand on regarde mes œuvres, je voudrais en fait qu’on ne pense pas qu’elles ont un sujet, mais qu’on ressente uniquement une sensation directe, aussi claire que possible […] Je veux toujours aller au plus simple, faire de l’art pour rien. » Depuis les années 70 Alan Charlton s’est imposé comme règle de ne peindre qu’en gris, l’intérêt pour le standard et pour la couleur grise s’enracinant chez l’artiste dans le Sheffield de son enfance. Il s’intéresse avant tout à la structure de la toile, au processus d’élaboration du tableau. Il installe et juxtapose ses panneaux dans les galeries et les musées en fonction de l’espace. « L’espace devient partie de l’œuvre ». Son approche de la peinture, loin de répondre à la définition traditionnelle - le recouvrement par un pigment d’une surface plane -, aborde le tableau lui-même comme un objet en soit dont on doit saisir et envisager toutes les dimensions. De là, ce «découpage» du tableau, sa division ... De là également la prise en compte de son épaisseur, le pigment ne recouvrant plus seulement la surface de la toile mais aussi tous ses côtés. 7 Part line painting est un tableau découpé en sept éléments identiques mais de tonalité différente. La tonalité de l’un étant modifiée par l’intensité plus faible ou plus forte de la surface qui le jouxte. La peinture est appliquée sans trace aucune de geste ou d’expression. Le mur blanc du lieu d’exposition joue un rôle actif, soulignant les lignes, les échelles, la simplicité de la géométrie.

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Oeuvres de la collection du Frac des Pays de la Loire. Alighiero Boetti, Etienne Bossut, Alan Charlton, Alain Clairet et Anne-Marie Jugnet, Willem Cole, Stéphane Dafflon, Ernest T., Bernard Frize, Fabrice Hyber, Gabriel Kuri, Bertrand Lavier, Thomas Locher, Vincent Mauger, Allan McCollum, Jonathan Monk, François Morellet, John Murphy, Bruno Peinado, Patrick Tosani, Bernard Piffaretti, Falke Pisano, Frédéric Plateus, Adrian Schiess*,Seton Smith, James Welling.

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Les mots et les lettres de l’alphabet reviennent aussi constamment dans l’œuvre et composent en général un code secret que le spectateur doit déchiffrer. Même quand l’artiste ne nous dissimule rien, il nous place devant une énigme. Ici avec Rosso Palermo et Oro longchamp, le mystère réside dans l’identi-fication littérale d’une couleur avec son nom et sa référence commerciale. Cette identification est forcément ironique, car elle aboutit à souligner le décalage entre la chose elle-même et ses appellations commerciales. Ces deux œuvres amalgament les enseignements du monochrome et du Pop Art dans une époque où rien n’échappe au marché.

Etienne BossutNature morte, 1997ensemble de 4 moulages en résine

Né à Saint Chamond, il vit à Dôle.

« J’ai pendant six ans moulé de la matière plastique pour l’industrie […] Puis, vers 1980, j’ai décidé de réduire ma production industrielle pour commencer à faire des pièces artistiques […] Je ne produis plus que de l’art maintenant. […] Pour moi, l’utilisation du plastique implique le procédé du moulage […]. »

Le moulage est une technique traditionnelle dans la fabrication d’objets utilitaires comme dans le champ de la sculpture : sa reprise, améliorée au moyen de matériaux modernes (résine, fibre de verre), permet à un artiste comme Etienne Bossut de questionner la production des objets en série dans la société industrielle mais aussi d’explorer de multiples aspects de la réalité, matérielle ou immatérielle. L’humour que l’artiste met à détourner les produits du design le plus fonctionnel se retrouve aussi dans ses installations, parfois directement fondées sur un jeu de mots comme Parthénon bidon ou ici Nature morte. Il montre aussi que son travail n’est pas seulement un inventaire d’objets et que la métaphore – le déplacement de significations – y a une part essentielle.Nature morte est composée d’un

Feuilles de salleentuspotruniuopelepluiepruiloezromphtref

Le sourire du Chat (opus 1)œuvres de la collection du Frac des Pays de la Loire

entuspotruniuopelepluiepruiloezromphtref

Alighiero BoettiRosso Palermo et Oro Lonchamp, 1967Peinture industrielle sur carton65 x 68 cm

Né en 1940 à Turin (Italie). Décédé en 1994.

Le travail d’Alighiero Boetti est reconnu en 1967 lors d’une exposition personnelle de l’artiste à Turin. En septembre de la même année, il participe à l’exposition collective organisée par Germano Celant « Arte povera », qui donnera son nom au mouvement qui le fera connaître (à côté de Mario Merz, Jannis Kounellis, Luciano Fabro, Michelangelo Pistoletto, Giulio Paolini, etc).

L’œuvre d’Alighiero Boetti est une méditation sur l’identité et l’anonymat, l’ordre et le temps. Sa Lampe annuelle de 1966 (qui s’allume onze secondes chaque année) ou ses montres dont les chiffres sont ceux de l’année en cours visualisent des idées du temps.

tableau d’où serait tombé le sujet : une chaise, un seau et une bassine... dans ce glissement le sujet a disparu de la toile devenue un monochrome... Cette œuvre atteste les nombreuses références à l’histoire de la peinture chez Etienne Bossut, et de son intérêt pour la couleur.

Alan Charlton7 Part line painting, 1982Acrylique sur toile, 7 éléments180 x 60 cm chacun, 180 x 480 cm l’ensemble

Né à Sheffield en 1948 (Grande Bre-tagne), il vit à Londres.

« Quand on regarde mes œuvres, je voudrais en fait qu’on ne pense pas qu’elles ont un sujet, mais qu’on ressente uniquement une sensation directe, aussi claire que possible […] Je veux toujours aller au plus simple, faire de l’art pour rien. »

Depuis les années 70 Alan Charlton s’est imposé comme règle de ne peindre qu’en gris, l’intérêt pour le standard et pour la couleur grise s’enracinant chez l’artiste dans le Sheffield de son enfance. Il s’intéresse avant tout à la structure de la toile, au processus d’élaboration du tableau. Il installe et juxtapose ses panneaux dans les galeries et les musées en fonction de l’espace. « L’espace devient partie de l’œuvre ». Son approche de la peinture, loin de répondre à la définition traditionnelle - le recouvrement par un pigment d’une surface plane -, aborde le tableau lui-même comme un objet en soit dont on doit saisir et envisager toutes les dimensions. De là, ce «découpage» du tableau, sa division ... De là également la prise en compte de son épaisseur, le pigment ne recouvrant plus seulement la surface de la toile mais aussi tous ses côtés.

7 Part line painting est un tableau découpé en sept éléments identiques mais de tonalité différente. La tonalité de l’un étant modifiée par l’intensité plus faible ou plus forte de la surface qui le jouxte. La peinture est appliquée sans trace aucune de geste ou d’expression. Le mur blanc du lieu d’exposition joue un rôle actif, soulignant les lignes, les échelles, la simplicité de la géométrie.

Né à Neyruz (Suisse), en 1972.

Stéphane Dafflon semble s’inscrire, par une apparente proximité formelle, dans une mouvance de transmission de l’art abstrait. Spécialement créée pour la collection du Frac des Pays de la Loire, cette œuvre, aux dimensions variables, est un wall painting conçu pour s’adapter à différents lieux d’exposition.Elle instaure une partition chromatique qui vient contrecarrer la perception habituelle de l’espace, par l’instauration d’une rythmique et d’une sonorité visuelles spécifiques. La peinture de Stéphane Dafflon reprend à son compte et recycle les méthodes de production et les formes du design industriel et du graphisme. Ainsi, avant de les réaliser, il conçoit chacun de ses tableaux par ordinateur, à l’aide de logiciels dédiés. L’image peinte déborde souvent le strict périmètre de la toile sur châssis, pour prendre corps avec l’architecture.Les titres des œuvres de Stéphane Dafflon, malgré leur étrangeté, ne sont pas des termes cabalistiques, ils indiquent ce que les œuvres sont, leur numéro et leur position dans l’ordre de création. PM indique qu’il s’agit d’une peinture murale.

Ernest TSans titre. Toile n°1471990Acrylique sur toile, photographie noir et blancToile : 24 x 25 cmL’ensemble : 120 x 136 x 1 cm

Né en 1943, vit à Paris.

Les Peintures nulles d’Ernest T. – l’un des pseudonymes sous lesquels l’artiste réalise une œuvre protéiforme – signale d’emblée la dimension humoristique du travail de l’artiste. Elles sont identifiables entre toutes, pour la bonne raison qu’elles ont été conçues pour cela. Déclinée dans les trois couleurs primaires, la lettre “T” y constitue un module reproduit sur toute la surface, de sorte que le tableau n’est que la répétition d’une signature. Inséré dans un dessin humoristique que l’artiste s’approprie, cette peinture souligne en particulier tout ce qui touche à la réception des œuvres. Sont

Alain ClairetAnne-Marie JugnetFishing with John, 2003 The Baby of Macon, 2001Acrylique sur toile140 x 190 cm

Anne-Marie Jugnet est née en 1958 à La Clayette, Alain Clairet est né en 1950 à Saint-Maur-des-Fossés, ils vivent à Santa Fe (États-Unis).

A la base de toutes les réalisations d’Anne-Marie Jugnet et Alain Clairet il y a l’image. C’est dans ce questionnement de l’image au bord de l’épuisement que se situe leur réflexion. La série des peintures intitulées « Tape Series » à laquelle appartiennent les deux œuvres du Frac, est issue du retraitement informatique des effets de l’avant ou l’après image vidéo enregistrée (début de bande avant le film ou fin de bande), ou encore de l’usure de la bande. Les images sont capturés directement sur écran de télévision diffusant la bande vidéo. « Nous ne produisons pas de formes abstraites, la question de l’abstraction est étrangère à notre travail. Nous nous intéressons aux bords de l’image, aux marges, à l’image en formation ou en déformation, aux lieux où l’information est rare et souvent peu observée ». Neiges électroniques pour The baby of Macon (titre d’un film de Peter Grennaway et accidents de la bande-vidéo pour Fishing with John (titre d’un film de Jim Jarmush), deviennent les sujets des peintures réalisées par les artistes à partir d’une photographie d’écran.

Willem ColeJe vous donne des fleurs, 1989Aluminium, vase en cristal et fleurs fraîches70 x 70 x 30 cm

Né en 1957 à Gand (Belgique) où il vit.

Dans l’œuvre de Willem Cole acquise par le Frac, Je vous donne des fleurs, une plaque d’aluminium accrochée au mur comme un tableau cache au regard du visiteur un bouquet de fleurs fraîches que l’on ne découvre que par un détour, un regard latéral. C’est l’expression d’une générosité tempérée par une pudeur extrême... donner et en même temps dérober, offrir et cacher. L’élan qui pousse Cole vers autrui, signifiant ainsi la place de l’artiste dans la société, est immédiatement réfréné par le sentiment très vif de l’impossibilité à communiquer. L’emploi de matériaux froids, l’économie de moyens, le vocabulaire minimaliste qu’il utilise apparaissent comme les indices de cette difficulté. Son œuvre est une exploration prudente du monde qui l’entoure. Expérience uniquement basée sur des relations humaines, elle fait fonction d’une quête sur la possibilité ou l’impossibilité des rapports humains. « Dans ma vie, puisqu’il faut l’appeler ainsi, il y eut trois choses, l’impossibilité de parler, l’impossibilité de me taire, et la solitude, physique bien sûr, avec ça je me suis débrouillé ». (Samuel Beckett, L’Innommable, 1953)

Stéphane DafflonPM045, 2005Acrylique sur mur d’après mode d’emploi fourni, impression encadrée

Dimensions variables

A l’origine des Inhabités, Fabrice Hyber pointe la question de l’impossible représentation de la nature, de la subtilité de ses détails à son immensité. Six panneaux, qui déclinent un même motif (une cascade), vu de face, de dessous, en relief, sous le soleil ou en coupe.

Fabrice Hyber, dès ses débuts dans les années 80, expérimente la construction d’une œuvre faite de différents matériaux (on parle à ce sujet d’œuvre « hybride ») où le dessin occupe une place de plus en plus grande. Avec la multiplication de dessins auxquels peuvent s’ajouter des photos ou des objets, il maintient l’œuvre ouverte à un dynamisme dont se privait la toile achevée. D’un point de vue formel, il la transforme en une vaste installation d’éléments, relevant de l’accrochage dans l’espace plus que du montage séquentiel entre plusieurs pièces.Fabrice Hyber donne à cette forme de peinture le titre de «Peinture homéopathique», nom qui traduit l’idée d’une multiplicité active constituée d’infimes éléments accumulés.

Gabriel KuriAn immediate indexiction of possibilities as a consummation of all desire, 2Impression couleur sur toile, bois, bambou603 x 160 cm

Né en 1970 à Mexico (Mexique), il vit à Bruxelles.

L’œuvre de l’artiste mexicain Gabriel Kuri, est composée d’une toile sur laquelle se décline un nuancier monumental, tendu du sol au plafond. Deux palettes (ou châssis) constituent le socle et le plafond de l’œuvre, de façon symétrique. De part et d’autre de la toile tendue, une échelle de mesure et des logos de grandes marques internationales de peinture industrielle proposent une graduation abstraite. Le bambou disposé au centre offre aussi une

Fabrice Hyber Un Mètre carré de rouge à lèvres, 1981 Rouge à lèvres sur bois102 x 102 cm encadrée

Né à Luçon en 1961, il vit à Paris.

Inspiré d’une peinture du tchèque Kupka (Le rouge à lèvres réalisé en 1908 et conservé au Musée d’art moderne de la Ville de Paris), Un mètre carré de rouge à lèvres est une œuvre réalisée par Fabrice Hyber alors qu’il est encore étudiant à l’école des Beaux-arts de Nantes. « Dans le tableau de Kupka, où l’on voit une femme qui se met du rouge à lèvre, le fond du tableau et le personnage féminin elle-même sont en ronde-bosse, en dégradé, en ombres et lumières. Le traitement du rouge à lèvre et des lèvres est différent, c’est entièrement plat et cette platitude est assez sensuelle dans cette peinture. »*

On est frappé ici par la remarquable puissance picturale de la surface du mètre carré de rouge à lèvres, autant que par la qualité matérielle, l’expressivité et la sensualité du médium ici utilisé par Fabrice Hyber : le rouge à lèvres. Pour ce faire, l’artiste a mis à contribution une grande marque de rouge à lèvres, pratique qu’il réitère régulièrement dans les années 1980 jusqu’à créer en 1992 sa propre entreprise, Unlimited Responsability (UR), qui atteste des liens étroits entre artistes et entreprises.

S’intéressant à la peinture dès ses débuts dans les années 1980, Fabrice Hyber expérimente la construction d’une œuvre faite de différents matériaux, puisés directement dans le réel.

*propos de l’artiste

Les inhabités, 19866 éléments, huile sur toile, bois et plexiglas120 x 150 cm 1 élément et 150 x 120 cm les 5 autresL’ensemble : 150 x 800 cm

«La totalité est la non vérité»Adorno

ainsi visés les comportements des collectionneurs, des institutions et des critiques, comme l’attitude des artistes vis-à-vis de ces derniers.

Dans le Sans titre, Toile n°147 appartenant au Frac des Pays de la Loire, le dessin satirique met en scène trois protagonistes : deux collectionneurs et un galeriste. Les échanges des personnages portent ici sur la confusion et le double sens du mot école, entendu soit comme établissement d’enseignement, soit comme mouvement artistique.

Bernard FrizeSuite Segond, 1980 Peinture Alkyd-uréthane sur toile

116 x 89 cm

Né en 1945 à Saint-Mandé, il vit à Paris.

A partir des années 1970, Bernard Frize s’intéresse non pas aux images mais à « la présence de la surface peinte, celle de la toile conçue comme un écran sur lequel les images défilent. » Il met en jeu une pratique qui lui permet de s’exclure au maximum, de se situer en retrait, d’éviter tout affect.Dans la série Suite Segond, Bernard Frize utilise directement la pellicule de peinture séchée qui se forme à la surface du pot mal refermé. Il prélève ces pellicules et les transpose sur une toile. « À ce moment-là j’étais préoccupé par l’ajustement, la correspondance du dessin et de la couleur. Avec les fonds de pots tout était fabriqué, couleur et dessin. Je pense que pour que le hasard arrive, il faut fabriquer les conditions du hasard et ça prend beaucoup de temps ». Il y a là un écho fait à l’adage de Maurice Denis, pour qui la peinture n’est essentiellement « qu’une surface plane recouverte de couleurs en un certain ordre assemblées. »

Thomas LocherEins bis vierzehn (Un à quatorze), 1989 Cibachrome sous verre et cadre en métal galvanisé140 x 120 x 4 cm Né en 1956 à Munderkingen (Alle-magne). Vit à Cologne.

Thomas Locher appartient à la catégorie des artistes qui questionne les problématiques liées au classement, à l’ordre, à la logique et l’organisation du langage.Son désir d’ordre, de classification presque obsessionnelle, cette recherche de systèmes, de hiérarchisations, de logique dans le choix de ses sujets est contrebalancé par ses réalisations plastiques où Locher fait place à l’imagination, à la subjectivité. C’est cette coexistence entre l’ordre et la rationalité dans la pensée et le souhait d’organiser visuellement ses arrangements sans contrainte, qui crée la dynamique de son travail.La photographie présentée, indexe de un à quatorze les différentes pièces de bois qui sont rangées de façon méthodique dans l’espace de représentation. Maquette, jeu de logique, plan ? Si le doute subsiste sur l’identification de ce qui s’offre à notre vision, il demeure que l’artiste tente de définir, d’analyser, de décortiquer le sujet. Thomas Locher livre ainsi un inventaire méthodique de signes et de codes, énumérés, classés, en un certain ordre assemblés .

Vincent MaugerSans titre, 2008Tubes plastiques polyéthylène et colle60 x 250 x 195 cm

échelle graduée ... nous sommes donc face à un dispositif de mesure... mais de quel type ? « À force d’interroger l’objet, celui-ci finira bien par céder et révéler son identité cachée » (G. Kuri) Dans une société de consommation qui propose une référence commerciale pour chaque nuance de peinture étalonnée ici, Gabriel Kuri questionne notre rapport au désir, à mesurer sur une échelle illusoire.

Bertrand Lavier

Rue Réaumur #1, 2001Report photographique par jet d’encre sur toileTirage unique

Né en 1949 à Châtillon/Seine, vit à Aignay-le-Duc.

Il y a des œuvres de Bertrand Lavier qui « tournent autour » de la sculpture et puis il y en a d’autres qui « tournent autour » de la peinture.Lavier n’est pas à proprement parler ni un peintre ni un sculpteur.“ Outils de vision ”, pour reprendre l’expression de Buren, les pièces de Bertrand Lavier sont aussi des objets à voir, et c’est au croisement de ces deux exigences que le regardeur trouve plaisir et intérêt.À première vue, lorsq’on regarde Rue Réaumur, on pense à une peinture, abstraite, monochrome de surcroît, mais vigoureusement gestuelle. Cependant il s’agit d’un report photographique, une reproduction à échelle 1, par jet d’encre de vitres badigeonnées de grands et larges tracés blancs, à l’image de ces vitrines de magasins vides.Photographie de ces vitrines de magasins passées au blanc d’Espagne afin de protéger l’intérieur de la boutique, prise rue Réaumur, à Paris. Il s’agit donc bien de photographie, qui représente la peinture.

Walt Disney Productions, 1947-1984, 1984Photographie Cibachrome contrecollée sur PVC

Diamètre : 120,5 cm

Walt Disney Productions 1947-1995, n°1, 1995Peinture sur résine de polyester163 x 86 x 50 cm

Bertrand Lavier interroge la nature de l’art et ses rapports avec le quotidien, comme dans sa série des Walt Disney Productions, dont le Frac possède plusieurs œuvres. Ces “productions” sont tout droit sorties de Mickey au musée d’art moderne, l’une des aventures imaginées par Walt Disney pour son héros. Figure de l’Américain moyen, personnage d’un monde voulu sans dissidence, Mickey ne peut visiter qu’un musée reflétant la vision d’un art moderne stéréotypé. Isolant de la vignette de bande dessinée le “tableau” ou la “sculpture”, Lavier procède à leur agrandissement. Dans la mesure où les œuvres-modèles n’ont d’existence que de papier, l’artiste doit trouver l’échelle qui lui paraît la plus juste. Les dimensions de Walt Disney production – une projection photographique sur toile – et de Walt Disney production 1947-1997 – un volume en résine peinte – correspondent potentiellement à celles d’œuvres abstraites des années 40. Le procédé de réduplication mécanique d’un déjà-là pictural fait de la première une réalisation qui recoupe peinture, photographie et ready-made. S’agissant de la sculpture, Lavier doit choisir le matériau grâce auquel il va conférer une existence tridimensionnelle à une image. Réalisations à deux auteurs, dont pourtant aucun n’a imaginé ou réalisé la forme, les Walt Disney productions oscillent entre fiction et réalité.

Tout l’art de Monk repose sur cette dualité historique et esthétique : l’art mythique, sublime et indiscuté versus le football, le rock’n roll et la vie de tous les jours. La pratique de cet artiste se caractérise autant par l’usage profane et insolent qu’elle réserve à l’Art que par ces expériences qui consistent pour l’artiste à retourner sur les traces de ses aînés et à rejouer la grande aventure artistique du XXe siècle en s’appliquant à lui-même les meilleures épisodes.

Somethings just are, 199510 tableaux au mur (acrylique sur toile) et 10 disques vinyl 45 tours, 1 tourne-disque, moteur et 2 haut-parleurs

170 x 370 x 140 cm

Somethings just are comprend dix petits tableaux monochromes accrochés au mur et encadrés par deux haut-parleurs ; au sol, un tourne-disque et dix 45 tours de variété française.L’artiste prétend que c’est l’écoute de cette musique qui a permis le choix et la réalisation de ces sublimes monochromes. Il ajoute que le spectateur, écoutant à son tour ces disques, peut réitérer cette précieuse expérience esthétique.Tout l’art de Monk repose sur cette dualité historique et esthétique : l’art mythique, sublime et indiscuté versus le football, le rock’n roll et la vie de tous les jours. Jonathan Monk réinterprète des œuvres et des anecdotes de l’histoire de l’art ou de la musique dans des installations pouvant regrouper objets, photographies, vidéos, peintures, musique. Il crée un personnage quelque peu désinvolte, qui propose une vision tout à fait désacralisée de la vie et de l’art.

Pour écouter un 45 tours de son choix, merci de s’adresser à un médiateur qui pourra selon sa disponibilité, actionner le dispositif.

François MorelletGeometree n°106, 1986

York.

Chacune des séries d’Allan Mc Collum comprend un très grand nombre de pièces qui malgré leur apparente similitude, sont toutes différentes les unes des autres (en taille et couleur). La particularité de la présentation, qui met l’accent sur la quantité, fait allusion à la notion de collection et aux codes muséographiques en même temps qu’elle questionne le statut de marchandise de l’œuvre et ses modes de distribution. Dès la fin des années 1960, Mc Collum s’engage dans un travail d’analyse et de définition de la peinture et du mode de production des œuvres. Il réalise ainsi des tableaux en bois constitués d’un rectangle central, d’un passe-partout et d’un cadre entièrement recouvert d’une seule couleur. Les 10 Sans titres de la collection du Frac des Pays de la Loire sont issues de ces séries, que l’artiste déclinera ensuite en noir et blanc, en clin d’œil à la photographie.

Jonathan Monk Salon Ryman, 1996Installation au mur : 4 tableaux (peinture à huile et cheveux sur toile) et 3 miroirs dont 2 face à face sur 1 étagère en bois peint - Au sol : cheveux naturels, 1 film vidéo couleur muet sur moniteur.Dimensions variables, toiles et miroirs : 75 x 75 cm chacunFormat : Toiles et miroirs : 75 x 75 cm chacun

Né en 1969 à Leicester (Grande-Bre-tagne), vit à Glasgow.

Salon Ryman est composé notamment de toiles monochromes peintes à la manière de Robert Ryman, artiste américain né dans les années 1930, dont l’œuvre est vouée à l’interrogation de chacun des constituants de la peinture : format, châssis, nature du support, pinceau, ton du blanc (son unique couleur), accrochage, etc. Les toiles blanches de Jonathan Monk sur lesquelles l’artiste a collé des mèches de cheveux sont disposées en regard de miroirs de la même taille et d’un moniteur sur lequel on peut voir une vidéo montrant l’artiste en train de peindre dans le salon de coiffure qui lui a servi d’atelier.

Né en 1976, vit à Saint-Germain-sur-Moine (49).

Le travail de Vincent Mauger se situe entre matérialisation et dématérialisation de l’objet. « Vincent Mauger propose des va-et-vient constants entre construction volumineuse (plaisir d’exploration du matériau, défi du chantier parfois monumental) et légèreté virtuelle. Dans les effusions numériques de notre ère contemporaine, il réintroduit du jeu, couplant une dimension plus primitive, un imaginaire plus artisanal à la sophistication des logiciels 3D. L’installation Sans titre présentée ici confirme ce pouvoir d’hybridation : des lignes souples sculptent la surface alvéolaire de tubes PVC assemblés verticalement, et cet ensemble convoque instantanément son double modélisé, sa représentation virtuelle. Le système de construction (basé sur la multiplication, le foisonnement) permet de poursuivre mentalement la pièce, d’en imaginer les prolongements bien au-delà du lieu d’exposition, dans une dynamique de l’expansion et de l’envahissement. »*Une sculpture entre objet fait-main et forme conçue par ordinateur.

* texte d’Eva Prouteau

Alan Mc CollumSans titre, 1979-80Série de 10 panneauxAcrylique sur carton et bois

Dimensions variables

Né en 1944 à Los Angeles. Vit à New

Acrylique sur toile, bois60x240x7 cm

Né en 1926 à Cholet où il vit.

François Morellet partage avec quelques artistes français le privi-lège d’une reconnaissance nationale et internationale.

François Morellet a fait très tôt le choix de l’abstraction géométrique et de l’intervention minimale, avec le souci d’éviter tout effet sensible, mais avec un égal souci de désamorcer l’esprit de sérieux et d’échapper aux dogmes qu’engendre trop souvent ce type d’engagement. Le rôle décisif de l’artiste se porte avant tout sur le protocole. Il définit la mise au point d’un processus à partir duquel l’œuvre va se constituer. Si la méthode est rigoureuse, s’il s’interdit de biaiser avec le mode opératoire une fois que celui-ci est arrêté, François Morellet prend soin, dès la conception, de faire le paramètre qui permettra au résultat de faire une part réjouissante au hasard, et – sans jamais trahir la logique – d’engendrer l’imprévisible.

A partir de 1983, François Morellet s’est consacré à de nouvelles expériences qui apparaissent formellement très différentes de ses recherches antérieures. Avec ses Geometree (jeu de mot entre « géométrie » et « tree » qui signifie « arbre » en anglais), l’artiste s’est servi de branchages, de brindilles diverses ramassées dans la nature. A partir de cet élément, l’artiste prolonge, complète, souligne ses caractéristiques après l’avoir mis en page avec soin. François Morellet réduit son intervention au choix de branches dont les formes induisent le programme de construction du tableau. Chaque Geometree, c’est-à-dire chaque nouvelle espèce végétale d’où provient l’échantillon utilisé, a suscité sa propre règle. Il peut ainsi marier des contraires, l’élément naturel et la géométrie, l’artificiel et l’organique.

John MurphySunk Into Solitude, 1987Huile sur toile290 x 290 cm

Né en 1945 à Saint-Albans (Royaume-

Uni), il vit à Londres.« Pareil au rhinocéros, je suis

enfoncé dans la solitude. J’habitais l’arbre derrière moi… »Gustave Flaubert, La Tentation de Saint-Antoine.

L’œuvre de John Murphy ne tient pas exclusivement à une tradition picturale. La place qu’y tiennent les mots, certains animaux ainsi que le thème du voyage contribuent à rapprocher ses travaux de la tradition littéraire des cabinets de curiosité du XVIIème siècle.

Sunk Into Solitude a été réalisée à l’Abbaye de Fontevraud dans le cadre des Ateliers Internationaux des Pays de la Loire en 1987. De grand format, ayant nécessité beaucoup de temps et de lenteur (plusieurs couches de couleurs différentes ont, par remontées successives du fond vers la surface, permis à l’artiste de traduire l’effet de relative transparence de la carapace du rhinocéros), ce tableau est la transposition figurée d’une arithmétique à la fois simple et compliquée. Les deux paires de cornes renvoient en effet à la fois à deux rhinocéros que rien ne distingue et dont rien ne garantit non plus absolument l’existence, et à la solitude de l’animal face à lui-même, à son reflet ou tout simplement à l’impossibilité de communiquer.On pourra bien reconnaître dans ces cornes surgies d’une espèce de brouillard ocre et rose cette sorte d’ambivalence, de suspension du sens et de la vraisemblance à l’œuvre dans les livres de Lewis Carroll et qu’emblématise parmi toutes la « figure » du Chat perché du Cheshire.

Bruno PeinadoSans titre, California Custom Game Over, 2007(7 parallélépipèdes)Peinture automobile sur aluminium250 x 60 x 30 cm environ

Né en 1970 à Montpellier, il vit à Douarnenez.

L’œuvre de Bruno Peinado s’assimile à une vaste entreprise de recyclage de signes issus de notre univers contemporain, interrogeant le rapport que nous entretenons avec eux. Les techniques telles que le sampling, le mixage, au même titre que le dub (musique jamaïcaine) constituent autant de process, de modèles

d’activation que l’artiste reprend dans son travail.Sur le mode de la collision et du télescopage, l’artiste aime à déployer tout un réservoir de formes puisées dans les jeux vidéos, les comics, les flyers ou les pochettes de disque... Ses dessins, sculptures et peintures, constituent des productions au format résolument pop, mêlant références télévisuelles et publicitaires, et histoire de l’art.C’est à partir de ces fragments que Bruno Peinado n’a de cesse de créer et de recréer, avec juste ce qu’il faut de poésie.Grands modules multicolores extraits de la série Sans titre, California Custom Game Over rappelle la carrosserie de voitures customisées qui sont autant de clin d’œil à l’art du XXe siècle. Ces sculptures renvoient en effet au travail de l’artiste américain John Mc Cracken dans les années 1960, qui prônait un art minimal réalisé à partir de techniques industrielles notamment automobiles. Mais quelque chose s’est produit ici... ces belles surfaces de tôles lisses et colorées sont accidentées, cabossées. Hybridations, détournement, fusion des styles et des références culturelles, se combinent ici avec humour et distance critique.

Bernard Piffaretti Sans titre, 1997Acrylique sur toile249 x 195 x 4 cm

Né en 1955 à St Etienne/Loire.

Entre 1984 et 1985, le dédoublement, ou le double, devient un procédé d’exécution des peintures de Bernard Piffaretti. La toile est partagée en deux parties égales. Il exécute, soit sur la moitié gauche, soit sur la moitié droite, une peinture, puis il refait à l’identique cette peinture sur la partie vacante. Le spectateur ne sait évidement jamais qu’elle partie a été peinte en premier. Il n’y a pas deux peintures, mais une seule qui se perçoit dans sa globalité, malgré son dédoublement.Il s’agit d’éviter tout acte gestuel ou pulsionnel.La pratique de Piffaretti nie toute évolution, de chronologie, de nouveauté, de progrès ou d’homogénéité.

Dans un même temps, ces concepts étant niés, il ne reste plus qu’à faire attention à ce qui se trouve sur la toile et à prendre en compte sa singularité car il ne s’agit pas de détruire, par la reproduction, la peinture, mais d’affirmer, dans la durée de la perception, ce qui, dans le langage, échappe à toute référence.

Falke PisanoSilent element (Figures of speech), 2008panneaux de médium, peinture530 x 400 cm

Née en 1978 aux Pays-Bas, elle vit à Amsterdam.

Le travail de Falke Pisano est marqué par une véritable obsession de l’art non-figuratif du XXe siècle et des structures du langage. Ainsi ses œuvres prennent la forme de conférences-performances ou de leçons filmées en vidéo au cours desquelles elle explore le thème de l’abstraction et le passage de la théorie à la pratique sculpturale.

Silent Element (figures of speech) est une œuvre abstraite conçue comme une plateforme avec des découpes, constituant une sorte de puzzle, renvoyant aux questions de fragmentation et de déconstruction des formes et de l’objet.

Pour Falke Pisano, cette plateforme est constituée de 4 parties différentes qui sont en fait, l’association de 4 œuvres qu’elle a réalisée auparavant. Silent Element est donc la résultante d’un assemblage de travaux, une sorte de rétrospective, qui compile des strates différentes d’années de travail. Une des parties fait référence à l’œuvre de Joseph Albers, enseignant au Bauhaus et théoricien de la couleur. Une autre évoque un travail sur l’objet partant d’un questionnement sur « Comment concevoir un objet par la pensée? ». Les derniers éléments font référence à une pièce de Helio Oiticica, qui organisait dans les années 70 des performances combinant couleur, rythme et musique.. L’idée de cette plateforme pour Falke est contenue dans cette idée de rassembler différents éléments qui sont récurrents dans son travail, et de proposer une mise à plat de pièces qui peuvent être tout aussi bien des dessins, des volumes, des textes, etc.... La traduction est pour Falke un des questionnements récurrents dans son travail : ici, cette traduction s’opère dans ce passage à la forme plane.

Frédéric PlatéusDee Blunt, 2007Aluminium, plexiglass, bois75 x 100 x 61 cm

Né en 1976 à Liège, il vit à Liège.

Frédéric Platéus, autodidacte, a contribué à faire naître en Belgique le mouvement graffiti au début des années 1990. Pour lui, un graff est déjà l’élaboration de lettres en relation avec l’espace. La bombe de peinture et ses techniques particulières lui permettent de donner aux lettres des effets de perspective, de vitesse, de brillance. L’utilisation de matériaux lisses et brillants comme les panneaux composites en aluminium, le verre acrylique (Plexiglass), les polymères et le PVC lui permettent de donner à ses sculptures des lignes pures. Sa conception de la typographie tridimensionnelle s’inscrit dans un esprit d’aérodynamisme et d’élégance des formes.Dee Blunt, c’est une stylisation de la lettre «D» (dee en anglais) transposée du graffiti à la 3D et gonflée à la manière throw up, habituellement associée à la peinture à l’aérosol. Le fait qu’elle soit étirée vers l’avant renvoie à la forme d’un cigare (Blunt en anglais) dans un cendrier.Le «D» est néanmoins plutôt abstrait, issu de la conjonction de plusieurs styles appartenant à différentes traditions du graff : une langue confidentielle seulement lisible par les adeptes.

Adrian Schiess

Sans titre, 1993Suite de dix plaques peintes double face : sur une face, dégradé de couleurs du rouge vers le brun; sur l’autre, du brun vers le bleu.Laque de voiture sur aluminium. Tasseaux de bois au sol10 x ( 109 x 298 x 2 cm)

Né en 1959 à Zurich (Suisse), il vit à

Mouans-Sartoux.

Les premières installations d’Adrian Schiess étaient constituées d’un entassement aléatoire de bouts de cartons badigeonnés de peinture, puis le bois fait son apparition sous forme de plaques informes. La géométrisation s’impose en 1986-1987, avec de grandes plaques d’aluminium découpées selon des normes et des formats industriels. Elles sont recouvertes d’une laque pour peinture automobile.Le public se retrouve en présence d’objets, de « choses » comme les appelle l’artiste, et ce qui prévaut ici n’est pas tant le « peindre » que les effets de réflexion lumineuse permis par la surface peinte. Seul compte le reflet et le fait qu’il se dérobe sans cesse dans le mouvement des déambulations. Bien que le statut d’objet au sol paraisse opposé à l’idée de peinture, la plaque devient le réceptacle et révélateur du pouvoir de la lumière sur la surface qui augmente la densité et la mouvance de la couleur. En ce qui concerne le mode de présentation de ses « peintures plates », celles-ci sont généralement posées directement sur des tasseaux de bois disposés au sol. Artiste de la couleur, Adrian Schiess fait appel à une perception chromatique du monde dans ses dégradés les plus divers.

Seton SmithBox and Cylender, 1994Diptyque, Photographie Cibachrome sous Plexiglas180 x 120 cm chaque élément

Née en 1955 aux Etats-Unis.

Seton Smith aime à explorer le rapport culture/nature. Elle confronte intérieur et extérieur, public et privé, mystère et révélation. Elle questionne la spatialisation de l’espace, en juxtaposant des détails photographiques d’architecture intérieure, isolés de leur contexte. L’artiste, par l’appareil photographique, perçoit et restitue des tonalités colorées. Le flou de l’image apporte une certaine instabilité, une incertitude sur son contenu. Ainsi l’impression visuelle suscitée serait celle due à des regards à la dérobée, glissant sur les choses, n’en retenant qu’une atmosphère. Le temps semble s’être arrêté, suspendu. Imprécises, indéfinies, muettes, ces images ne racontent aucune histoire. Pourtant

il s’agit de lieux qui en sont chargés, comme les musées et les châteaux. «Comment pouvons-nous découvrir les traces d’autres cultures à travers des objets séparés de leur temps et de leur origine, isolés dans les vitrines, éclairés par une lumière artificielle ? Est-ce que nous les imaginons dans leur contexte d’origine ou bien sommes-nous attirés par cet espace particulier, cette boîte vide, construite pour les mettre en valeur ?» (S. Smith)

Patrick TosaniLa Troisième Pluie, 1986Cibachrome encadré sous Plexiglass120 x 160 cm

Né en 1954 à Poissy-l’Aillerie. Vit à Montrouge.

« Patrick Tosani est un photographe, il veut rendre compte de la part du visible qui lui importe, ceci sous la forme d’objets photographiques qui sont des interfaces entre l’infinie complexité du réel et la pauvreté insigne du médium photographique. » Jean-Marc Huitorel, Catalogue de la collection du Frac des Pays de la Loire 2002

Chez Patrick Tosani, la photographie convoque l’audace ultime et extrême du réel. Elle dénude, acère, amplifie des objets sans pour autant les altérer.La série des pluies explore les notions de temps et d’espace. La pluie signifie l’écoulement du temps canalisé dans l’espace de l’image. Les objets mis en scène par Patrick Tosani, leur transformation sont, dans ce groupe d’œuvres, les moyens d’une mise à plat narrative du processus photographique et de sa conséquence.L’image c’est cette solitude qui se déploie et dessine la trace incisive de cet arrêt du temps.« Dans mes photographies, l’isolement des objets par le cadrage, la mise en œuvre des constituants de l’image, l’amplification du regard par l’agrandissement, la précision des points de vue sont les conditions nécessaires pour révéler la potentialité descriptive d’une chose » (P. Tosani)

James WellingDégradé (Ivym), 1989Photogramme sur plexiglas71 x 60,5 cm

Né en 1951 à Hartford aux Etats-Unis.

James Welling procède par séries, et situe sa pratique dans le champ de l’image. La répétition chez l’artiste fonctionne comme génératrice de différences. Il fait référence à l’art lui-même. Il souligne le fait de la difficulté de prétendre à l’originalité, toute œuvre n’étant que la citation d’autres. Les séries de Welling s’intéressent aux modes de production et de réception de l’image photographique, critères qui les déterminent. Il analyse ainsi les différents constituants du procédé photographique : opérations techniques, traces d’interventions de l’artiste, et différents matériaux utilisés.Dans ses photographies, James Welling explore le point de conjonction entre photographie et peinture. Le thème dominant est la lumière : la lumière en tant qu’élément indispensable à la réalisation d’une photo, et la manière dont elle enveloppe un sujet, qu’elle soit naturelle ou artificielle. Chaque série est caractérisée par une utilisation spécifique de celle-ci.

L’œuvre du Frac des Pays de la Loire est un photogramme, c’est-à-dire que l’image a été obtenue sans l’aide d’un appareil photo, mais en disposant des bandes de carton sur du papier sensible ensuite exposé à la lumière. En résulte un dégradé de couleur d’une grande intensité lumineuse, qui renvoie à la peinture abstraite.