Texte et photographies : Pascal Roman

Le colporteur est dessiné par Jérome Phalippou

Introduction : p 2 et 3Historique : p 4 et 5

Généralités sur les moulins : p 6 et 7Question de droit : p 8 et 9

Les roues : p 10 à 13Les biefs : p 14 et 15

Vannes et déversoirs : p 17Les moulins à farine : p 18 à 23

Des moulins sur les ponts : p 24 et 25Les moulins bateaux : p 27

Les moulins de montagne : p 28 et 29Les moulins à huile : p 30 à 33

Les moulins à marée : p 35Les scieries : p 36 et 37

Les martinets : p 38 et 39Les taillanderies : p 40

Battoirs et foulons : p 41Les papeteries : p 42Les tanneries : p 43

Les autres moulins : p 44 et 45La houille blanche : p 46 et 47

© Éditions de l'Astronome 2011F - 74550 Cervens - www.editions-astronome.com

Tous droits de traduction, de reproduction et d'adaptation strictement réservés pour tous pays.ISBN 978-2-916147-67-3

ISSN 1778-4581Dépôt légal novembre 2011

Achevé d'imprimer en octobre 2011 par Papergraf - Piazzola sul Brenta - Padova (Italie)

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SUR LES TRACES DES MOULINSLes moulins à eau, même s'il n'en resteparfois que des ruines, sontomniprésents. Quelques uns ont étérestaurés et fonctionnent toujours.D'autres, abandonnés depuis longtemps,sont toujours debout. La plupart, tombésen ruines, se laissent deviner parquelques vestiges dissimulés dans lavégétation : roues à aubes, meulescassées, canal d'alimentation en eau…Dans la majorité des cas, il n'en reste rienet seuls de nombreux noms de lieuxperpétuent encore leur souvenir (Melin,Monal, Moniaz, Moulenets, Moulin,Moulinet, Moulinets, Moulins, Mouna,Mouniaz, Mounie, Mounin, Vieux moulin,Les Moulins, Moulin neuf, Moulin Blanc,Meunière, Meuniers, Monderèche,Monderesse, Moneret, Monnat, Monin,Monnaires, Monneresse, Mounire, etc…)

QU'EST-CE QU'UN MOULIN ?Moulin vient du latin mola qui signifiemeule. Un moulin est une machineservant à moudre les grains de céréalesafin d'obtenir de la farine. Il peutégalement servir à extraire le jus ou le

suc de certains fruits ou graines (huile denoix). Par extension, on appelle moulin lebâtiment qui abrite les meules, maiségalement tout mécanisme rotatif (moulinà café, à poivre).Autrefois, les moulins étaient actionnéspar la force humaine ou animal, par l'eauou par le vent. Le présent fascicule netraitera que des moulins hydrauliques,c'est-à-dire les installations mises enmouvement par l'eau.

TOUS PAREILS, TOUS DIFFÉRENTSLes moulins fonctionnent tous sur lemême principe, mais, suivant les régionset les lieux où ils sont implantés, ilsprésentent une vaste diversitéarchitecturale. Pour conduire l'eau aumoulin l'homme a dû s'adapter au reliefdu lieu d'implantation et faire preuved'une ingéniosité toujours renouvelée.Suivant les besoins de la populationlocale, le moulin comporte une ou

Disséminés au cœurde nos campagnes,

les moulins sontencore très

présents dans lepaysage français.

Une concheet sa meule

révélantl’existence d’unancien moulin.

Moulin de montagne au début du 20ème siècle (Samoëns, Haute-Savoie).

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plusieurs paires de meules. Enfin, il n'était pasrare que le moulin à grains soit associé à un ouplusieurs autres systèmes utilisant la forcemotrice de l'eau, comme une forge ou unescierie. C'est ce qui fait que tous les moulins sontdifférents les uns des autres.

LE PAIN ET LE TRAVAILLes moulins ont longtemps eu une placeimportante dans la vie de nos sociétés. Apparustrès tôt dans l'histoire de l'humanité, ils ontfortement marqué la vie économique du monderural. Car le pain, confectionné avec la farineproduite par les moulins, a été (et est toujourssuivant les continents) une denrée primordiale del'alimentation de nombreuses populations. Si laconsommation en pain des Français a chuté denos jours (130 g par personne, au lieu de 900 en1900), elle était très importante dans les sièclespassés. Les moulins à grains produisaient doncune grande quantité de farines à partir decéréales variées : blé, orge, épeautre, sarrasin,etc… Lors d'un recensement effectué en 1809sur l'ordre de Napoléon 1er, les préfetscomptabilisèrent en France 82 300 moulins àfarine fonctionnant à l'eau et 15 857 moulinsactionnés par le vent. Ces chiffres importantsexpliquent que chaque village abritait plusieursmoulins.

DES MOULINS À TOUT FAIREIl existait des moulins à huile, des moulins àpapier, des moulins à tan où l'on broyait l'écorcede chêne afin d'en extraire le tan utilisé entannerie, et enfin, des moulins qui actionnait lesscieries et les forges. Sont également appelés moulins lesfoulons avec lesquels on travaillait le chanvre et le lin pour enfaire du fil textile, ainsi que les martinets qui pulvérisaient lesminerais. Au Moyen Âge, toutes ces installations actionnées parl'eau étaient nommées artifices. Aujourd'hui, les rares moulinsencore en activité ont été reconvertis en écomusées ou dans laproduction d'électricité.

Paysage idyllique demontagne, avec sontorrent, son pont de boiset son charmant moulin.Le bief, canal fait deplanches, conduit l'eau à laroue du moulin.(aquarelle, carte postale,début du 20ème siècle)

Savez-vous que lesutilisateurs de moulinssont également appelésdes usiniers ?

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L'utilisation de laforce de l'eau

remontepratiquement à

l'aube del'humanité.

LA PRODUCTION DE LA FARINEL'homme de Néandertal utilisait déjà desoutils sommaires, comme des galets, pourécraser des substances végétales afin deles manger. Depuis plusieurs milliersd'années, donc, nos ancêtres utilisent dessystèmes rudimentaires pour broyer oumoudre : des pilons, comme ceux encoreutilisés dans de nombreuses régions, etdes meules domestiques actionnées à lamain. Les premiers moulins actionnés parla force de l'eau auraient été inventés dansle Croissant Fertile (cette région deMésopotamie et de la côte orientale de laMéditerranée très humide et trèsproductive).

LA ROUE AVANT LE MOULINLa roue est une pièce mécanique de formecirculaire tournant autour d'un axe passanten son centre. Cette invention trèsancienne, que les spécialistes situentgénéralement vers 3 500 avant Jésus-Christ, en Basse Mésopotamie, a été d'uneimportance capitale, puisqu'elle permet dedéplacer des charges très lourdes etsurtout parce qu'elle est à l'origine destechnologies des transports. Les premièresroues en pierre, taillées d'une seule pièce,

étaient pleines et lourdes. Les roues enbois étaient généralement faites de trois ouquatre pièces assemblées. Les roues àrayons et à jantes, bien plus légères, n'ontété inventées qu'environ 2 000 ans avantJ.C. Quant aux roues à aubes et à augets,leur invention date du 2ème siècle avant J.C.

LES PREMIERS MOULINSLe tout premier moulin connu aurait étécelui du roi Mithridate, souverain duroyaume du Pont (situé dans l'actuelleTurquie), qui a vécu un siècle avant JésusChrist. Quelques années plus tard,l'architecte romain Vitruve décrit un moulinà eau à roue verticale dans son Traitéd'Architecture. Le principe du moulin à eau,plus ancien que le moulin à vent, est doncconnu en Europe depuis l'antiquité. Lascierie de Hiérapolis, en Turquie, datant du3ème siècle après J.C., est la plus anciennemachine à eau connue utilisant un systèmede bielles et de manivelles. Grâce à uneroue hydraulique, la scierie actionnait deuxscies destinées à couper la pierre.

LES MOULINS À SANGDurant l'antiquité, les moulins étaientessentiellement mus par la force

Moulin àhuile d’olives en

Kabylie. C’estainsi que devaitfonctionner lestous premiers

moulins à sang.(carte postale,

vers 1950).

Genève et lelac Léman, fin

du 16ème siècle.Au premier plan

on remarquedes moulins surpilotis installés

sur le Rhône(dessin de

ClaudeChastillon,

topographe duroi Henri IV).

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musculaire, humaine ou animale, d'où l'appellation de cesinstallations, qualifiées de moulins "à sang et à sueur". Cette forcemotrice a été utilisée très longtemps, même si la technique dumoulin à eau était bien connue, car à cette époque, les esclaveset les prisonniers de guerre coûtaient moins chers qu'unmécanisme hydraulique complexe.

AU MOYEN ÂGEAvec la disparition progressive de l'esclavage, la force motricehumaine va laisser peu à peu la place à la force hydraulique et lesmoulins à eau vont apparaître le long des cours d'eau, sur lesponts et au bord des mers. Durant cette période, l'énergie produitepar l'eau (et par le vent) a contribué à la naissance des premièresindustries. L'eau, comme le vent, est une source d'énergie gratuiteet l'on comprend l'intérêt de son utilisation. Plus tard, desinventions comme l'arbre à cames (voir p 39) ont permis demécaniser les manufactures de tissus et de donner un essorimportant à la métallurgie. Autour du moulin, un petit mondeindustrieux va s'organiser, car à côté du moulin à farine, d'autresartifices sont installés : pressoir, battoir, foulon, forge, martinet,scierie, etc…

LA RÉVOLUTION DES MOULINSEn abolissant les privilèges de banalité (voir p 8), la RévolutionFrançaise va favoriser la construction d'une multitude de moulinsqui s'installent le long du moindre cours d'eau. Pour que personnene s'approprie l'eau à son seul profit et éviter les querelles, unrèglement sera mis en place par l'État. Puis, à partir du 19ème

siècle, les moulins à eau vont peu à peu disparaître, supplantéspar la machine à vapeur, et enfin par le moteur électrique.

Scierie installée dans la vallée de Chamonix au 19ème siècle.

LES MOULINSDE BARBEGAL

Situés à proximité dela ville d'Arles,l'aqueduc et la

meunerie de Barbegalsont considérés

comme la plusimportante

concentration connuede puissance

mécanique du monderomain. L'aqueduc a

été mis en place pouralimenter la ville au

début du 1er siècle. Audébut du siècle

suivant, un complexede 2 rangées de 4

moulins a étéconstruit sur le flanc

de la colline ausommet de laquelle

aboutissait l'aqueduc.Deux canaux

fournissaient l'énergiehydraulique pour

actionner 2 séries de4 roues disposées lesunes après les autres.

Chaque roue mettaiten mouvement

2 paires de meules.Ainsi, jusqu'à la fin du3ème siècle, 16 meules

ont produitquotidiennement bien

plus de farine qu'iln'en fallait pour

nourrir les 12 500habitants de la

ville d'Arles. De ceformidable complexeindustriel, il ne reste

plus que des vestigespartiellement classésMonument Historique

en 1937.

Moulin à sangactionné par unchien. La roue enbois danslaquelle avançaitl'animal servait àattiser le feu de laforge d’unfabricant declous.