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MESURES 813 - MARS 2009 - www.mesures.com 36 S olutions 37 Vu chez EADS TEST AUTOMATIQUE Un logiciel libre pour une meilleure maîtrise des outils de test EADS Test & Services conçoit des bancs de test pour l’aéronautique. A chaque banc sa configuration et son mode de pilotage. L’entreprise devait donc faire face à des problèmes de traçabilité et de centralisation des données. Elle a fait appel à Anyware Technologies afin de développer une application y remédiant. Cette solution présente la particularité d’avoir été conçue à partir d’Eclipse, une plate- forme libre de droits. Ainsi, les développeurs d’EADS Test & Services s’approprient plus facilement l’outil et gardent la maîtrise de ses évolutions. C oûts de conception réduits, maintenance facilitée, pérennité améliorée : les avantages des so- lutions “Open Source” sont bien connus. Toutefois, les contraintes de confi- dentialité inhérentes à certains secteurs tels que l’aéronautique peuvent pousser à con- tinuer d’exploiter des logiciels propriétaires. Mais il ne faut pas se fier au seul terme Open Source… En effet, il existe de nom- breux types de licences libres, et même les secteurs d’activité les plus réglementés peu- vent trouver le type de logiciel libre qui leur convient. EADS Test & Services, filiale d’EADS Defence & Security, est spécialisée dans la con- ception de bancs de test automatiques. Ces systèmes servent à valider tous les équipe- ments embarqués à bord d’appareils (avions, hélicoptères, chars, etc.). Ils délivrent les cer- tificats nécessaires à l’exploitation (un “bon pour vol”, dans le cas d’un avion). Leur ca- pacité à déceler les dysfonctionnements ne doit pas pouvoir être prise en défaut, c’est pourquoi ils doivent être supportés et main- tenus pendant toute la durée d’exploitation des appareils (qui dépasse 40 ans pour cer- tains avions). Durant une période aussi lon- gue, un banc de test aura forcément à subir des modifications pour le remplacement d’éléments défectueux ou l’ajout de nouvelles fonctions. La principale difficulté est donc de conserver en permanence une image actua- lisée de la configuration de chaque banc de test. La nécessité d’une application unique Pour ce faire, EADS Test & Services disposait déjà d’outils logiciels. Mais ceux-ci présen- taient entre eux un réel manque de synchro- nisme. Car tous les acteurs impliqués (équi- pementiers, constructeurs, exploitants) utilisaient chacun un outil particulier pour suivre leurs modifications : les informations n’étant pas centralisées, aucune mise à jour n’était effectuée automatiquement. « Pendant longtemps, cela n’a pas été considéré comme un pro- blème étant donné le faible nombre de bancs de test en fonctionnement, explique Etienne Poirier, directeur technique chez EADS Test & Services . Mais l’activité connaît une croissance très rapide. En effet, si Test & Services ne vendait pas plus d’une trentaine d’équipements par an jusqu’au milieu des années 1990 (avec un choix de quatre à cinq confi- gurations possibles), aujourd’hui ce sont plus d’une centaine de bancs qui sont vendus chaque année, avec près de 200 configurations différentes. » Deux rai- sons à cette diversification : d’une part, les clients préfèrent avoir des outils optimisés et dédiés à des fonctions spécifiques, en rem- placement de machines “à tout faire” qu’ils pouvaient posséder auparavant. C’est pour- quoi ils demandent des produits plus spé- cialisés pour leur métier, que ce soit pour des bancs neufs ou des bancs existants. D’autre part, les cartes électroniques modernes ont des durées de vie moindres par rapport à d’anciennes générations de cartes à base de processeurs programmables (FPGA). Il devenait donc indispensable de disposer d’une application capable de fédérer et de gérer toutes les configurations de bancs de test. Un logiciel adapté aux différentes utili- sations d’un banc : en conception (afin qu’un nouveau banc soit conforme à toutes les règles métier), en production (pour vé- rifier qu’un équipement répond aux spéci- fications), ou encore en maintenance (pour suivre les modifications apportées au banc pendant son exploitation). Un appel d’offres est donc lancé auprès de différents éditeurs. Plusieurs d’entre eux pro- posent des produits “sur catalogue” (qui nécessitent plus ou moins de personnalisa- tion selon les cas). Le problème est qu’il faut faire appel à l’éditeur à chaque mise à jour ou à chaque besoin d’implémentation d’une nouvelle fonction. Les responsables de Test & Services sont intéres- sés par l’offre faite par Anyware Technologies. L’éditeur ne leur soumet pas une simple solution logicielle, mais propose d’utiliser des technologies basées sur la plate-forme Open Source Eclipse. Ces dernières présen- tent l’avantage de proposer un nouveau mode de gestion des licences et impliquent de nouvelles méthodes de conception. Des briques logicielles libres de droits « Le développement d’applications sous Eclipse repose un peu sur le principe du jeu de Lego, avance Jean- François Pinson, ingénieur d’affaires chez Anyware Technologies. On dispose de briques logi- cielles de base, gratuites, qu’il convient d’adapter afin de réaliser les fonctions souhaitées. Le code de ces bri- ques est mature car elles sont éprouvées par toute la communauté Eclipse. » La conception d’un lo- giciel sous Eclipse s’effectue en trois princi- pales étapes. Tout d’abord, on choisit un “moteur” pour l’application, qui détermine le principe de fonctionnement global du système. Puis on lui ajoute des composants (appelés “plug-ins”) qui peuvent être récu- pérés tels quels ou faire l’objet de dévelop- pements plus ou moins poussés. Enfin, l’ap- plication définitive est générée grâce à un compilateur. ATE Builder, l’application créée pour EADS, utilise le moteur Equinoxe. Proposé par la communauté Eclipse, ce moteur est compa- tible avec la norme OSGI (Open Service Gateway Initiative), une norme qui définit des interfaces de communication entre composants logi- ciels. Au sein d’une application OSGI, les composants peuvent être écrits dans des lan- gages hétérogènes. Ils sont interchangeables, isolables, lançables ou non au démarrage, et l’application reste modifiable à tout moment (contrairement à un logiciel compilé de ma- nière classique). La conception des briques logicielles a fait l’objet de développements spécifiques.Après avoir conçu l’interface graphique d’ATE Builder et réalisé les connecteurs pour la liaison avec les différentes bases de données, Anyware Technologies travaille avec les ingé- nieurs de Test & Services afin d’intégrer toutes les règles métier propres à la conception de bancs de test. Des règles nombreuses et va- riées, bien maîtrisées par le personnel d’EADS, mais qu’il fallait davantage formaliser pour éviter certaines erreurs et faciliter la transmission du savoir d’un ingénieur à l’autre. Les règles intégrées au logiciel con- cernent diverses compétences : en traitement du signal (pour l’acquisition des données), en électrotechnique (pour éviter de faire véhiculer un signal basse tension trop près d’un signal haute fréquence, par exemple), en modélisation (pour simuler le compor- tement d’équipements absents lors du test) ou encore en mécanique. Le concepteur doit notamment veiller à ce que le poids total d’un banc ne dépasse pas une valeur limite, et à ce que les éléments les plus lourds soient placés dans le bas du banc de test, afin de favoriser sa stabilité. Ces dernières règles peuvent paraître triviales, mais la plus grande difficulté est surtout de concevoir un sys- Les évolutions d’un banc de test aéronautique sont difficiles à gérer en raison de sa longue durée de vie. EADS Test & Services a fait appel à Anyware Technologies pour la conception d’un logiciel de gestion des bancs de test. Leur choix : une solution libre de droits, basée sur Eclipse. Le logiciel est utilisé pour répondre aux appels d’offres, concevoir des bancs de test et assurer la maintenance. L’essentiel EADS Test & Services EADS Test & Services est une entité intégrée d’EADS Defence & Security, spécialisée dans le test des équipements électroniques aéronautiques et de systèmes d’armes (marchés civil et militaire). Elle vend des bancs de test pour des équipements avioniques embarqués sur avions Airbus et Bœing, et soutient également les matériels de l’armée française : test des hélicoptères Tigre et CH47, des avions Mirage 2000 ou Rafale, des chars Leclerc ou encore du porte-avions Charles de Gaulle. L’activité d’EADS Test & Services couvre toutes les étapes de la vie d’un appareil. Ses bancs de test sont en service chez les constructeurs et leurs équipementiers, chez les utilisateurs finaux (forces armées et compagnies aériennes ont besoin de contrôler fréquemment leurs appareils) ainsi que chez les sociétés de maintenance et de réparation. Dès qu’un défaut est identifié, l’équipement mis en cause est déposé. L’appareil n’obtiendra l’autorisation de voler qu’une fois que l’équipement aura été remplacé et que le comportement de l’ensemble aura été validé. Selon les tests à effectuer, un banc peut intégrer différents types de ressources matérielles (appareils d’acquisition et de mesure) mais aussi logicielles (tests SIL, ou Software In the Loop). MESURES 813 - MARS 2009 - www.mesures.com Reportage EADS EADS

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S olutions

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S olutions Vu chez EADS

TEST AUTOMATIQUE

Un logiciel libre pour une meilleure maîtrise des outils de test

EADS Test & Services conçoit des bancs de test pour l’aéronautique. A chaque banc sa configuration et son mode de pilotage. L’entreprise devait donc faire face à des problèmes de traçabilité et de centralisation des données. Elle a fait appel à Anyware Technologies afin de développer une application y remédiant. Cette solution présente la particularité d’avoir été conçue à partir d’Eclipse, une plate-forme libre de droits. Ainsi, les développeurs d’EADS Test & Services s’approprient plus facilement l’outil et gardent la maîtrise de ses évolutions.

Coûts de conception réduits, maintenance facilitée, pérennité améliorée : les avantages des so-lutions “Open Source” sont bien

connus. Toutefois, les contraintes de confi-dentialité inhérentes à certains secteurs tels que l’aéronautique peuvent pousser à con-

tinuer d’exploiter des logiciels propriétaires. Mais il ne faut pas se fier au seul terme Open Source… En effet, il existe de nom-breux types de licences libres, et même les secteurs d’activité les plus réglementés peu-vent trouver le type de logiciel libre qui leur convient. EADS Test & Services, filiale d’EADS Defence & Security, est spécialisée dans la con-ception de bancs de test automatiques. Ces

systèmes servent à valider tous les équipe-ments embarqués à bord d’appareils (avions, hélicoptères, chars, etc.). Ils délivrent les cer-tificats nécessaires à l’exploitation (un “bon pour vol”, dans le cas d’un avion). Leur ca-pacité à déceler les dysfonctionnements ne doit pas pouvoir être prise en défaut, c’est pourquoi ils doivent être supportés et main-tenus pendant toute la durée d’exploitation des appareils (qui dépasse 40 ans pour cer-tains avions). Durant une période aussi lon-gue, un banc de test aura forcément à subir des modifications pour le remplacement d’éléments défectueux ou l’ajout de nouvelles fonctions. La principale difficulté est donc de conserver en permanence une image actua-lisée de la configuration de chaque banc de test.

La nécessité d’une application uniquePour ce faire, EADS Test & Services disposait déjà d’outils logiciels. Mais ceux-ci présen-taient entre eux un réel manque de synchro-nisme. Car tous les acteurs impliqués (équi-

pementiers, constructeurs, exploitants) utilisaient chacun un outil particulier pour suivre leurs modifications : les informations n’étant pas centralisées, aucune mise à jour n’était effectuée automatiquement. « Pendant longtemps, cela n’a pas été considéré comme un pro-blème étant donné le faible nombre de bancs de test en fonctionnement, explique Etienne Poirier, directeur technique chez EADS Test & Services. Mais l’activité connaît une croissance très rapide. En effet, si Test & Services ne vendait pas plus d’une trentaine d’équipements par an jusqu’au milieu des années 1990 (avec un choix de quatre à cinq confi-gurations possibles), aujourd’hui ce sont plus d’une centaine de bancs qui sont vendus chaque année, avec près de 200 configurations différentes. » Deux rai-sons à cette diversification : d’une part, les clients préfèrent avoir des outils optimisés et

dédiés à des fonctions spécifiques, en rem-placement de machines “à tout faire” qu’ils pouvaient posséder auparavant. C’est pour-quoi ils demandent des produits plus spé-cialisés pour leur métier, que ce soit pour des bancs neufs ou des bancs existants. D’autre part, les cartes électroniques modernes ont des durées de vie moindres par rapport à d’anciennes générations de cartes à base de processeurs programmables (FPGA).Il devenait donc indispensable de disposer d’une application capable de fédérer et de gérer toutes les configurations de bancs de test. Un logiciel adapté aux différentes utili-sations d’un banc : en conception (afin qu’un nouveau banc soit conforme à toutes les règles métier), en production (pour vé-rifier qu’un équipement répond aux spéci-fications), ou encore en maintenance (pour suivre les modifications apportées au banc pendant son exploitation).Un appel d’offres est donc lancé auprès de différents éditeurs. Plusieurs d’entre eux pro-posent des produits “sur catalogue” (qui nécessitent plus ou moins de personnalisa-tion selon les cas). Le problème est qu’il faut faire appel à l’éditeur à chaque mise à jour ou à chaque besoin d’implémentation d’une nouvelle fonction.Les responsables de Test & Services sont intéres-sés par l’offre faite par Anyware Technologies. L’éditeur ne leur soumet pas une simple solution logicielle, mais propose d’utiliser des technologies basées sur la plate-forme

Open Source Eclipse. Ces dernières présen-tent l’avantage de proposer un nouveau mode de gestion des licences et impliquent de nouvelles méthodes de conception.

Des briques logicielles libres de droits« Le développement d’applications sous Eclipse repose un peu sur le principe du jeu de Lego, avance Jean-François Pinson, ingénieur d’affaires chez Anyware Technologies. On dispose de briques logi-cielles de base, gratuites, qu’il convient d’adapter afin de réaliser les fonctions souhaitées. Le code de ces bri-ques est mature car elles sont éprouvées par toute la communauté Eclipse. » La conception d’un lo-giciel sous Eclipse s’effectue en trois princi-pales étapes. Tout d’abord, on choisit un “moteur” pour l’application, qui détermine le principe de fonctionnement global du système. Puis on lui ajoute des composants (appelés “plug-ins”) qui peuvent être récu-pérés tels quels ou faire l’objet de dévelop-pements plus ou moins poussés. Enfin, l’ap-plication définitive est générée grâce à un compilateur.ATE Builder, l’application créée pour EADS, utilise le moteur Equinoxe. Proposé par la communauté Eclipse, ce moteur est compa-tible avec la norme OSGI (Open Service Gateway Initiative), une norme qui définit des interfaces de communication entre composants logi-ciels. Au sein d’une application OSGI, les composants peuvent être écrits dans des lan-gages hétérogènes. Ils sont interchangeables,

isolables, lançables ou non au démarrage, et l’application reste modifiable à tout moment (contrairement à un logiciel compilé de ma-nière classique).La conception des briques logicielles a fait l’objet de développements spécifiques. Après avoir conçu l’interface graphique d’ATE Builder et réalisé les connecteurs pour la liaison avec les différentes bases de données, Anyware Technologies travaille avec les ingé-nieurs de Test & Services afin d’intégrer toutes les règles métier propres à la conception de bancs de test. Des règles nombreuses et va-riées, bien maîtrisées par le personnel d’EADS, mais qu’il fallait davantage formaliser pour éviter certaines erreurs et faciliter la transmission du savoir d’un ingénieur à l’autre. Les règles intégrées au logiciel con-cernent diverses compétences : en traitement du signal (pour l’acquisition des données), en électrotechnique (pour éviter de faire véhiculer un signal basse tension trop près d’un signal haute fréquence, par exemple), en modélisation (pour simuler le compor-tement d’équipements absents lors du test) ou encore en mécanique. Le concepteur doit notamment veiller à ce que le poids total d’un banc ne dépasse pas une valeur limite, et à ce que les éléments les plus lourds soient placés dans le bas du banc de test, afin de favoriser sa stabilité. Ces dernières règles peuvent paraître triviales, mais la plus grande difficulté est surtout de concevoir un sys-

Les évolutions d’un banc de test aéronautique sont difficiles à gérer en raison de sa longue durée de vie.

EADS Test & Services a fait appel à Anyware Technologies pour la conception d’un logiciel de gestion des bancs de test.

Leur choix : une solution libre de droits, basée sur Eclipse.

Le logiciel est utilisé pour répondre aux appels d’offres, concevoir des bancs de test et assurer la maintenance.

L’essentiel

EADS Test & ServicesEADS Test & Services est une entité intégrée d’EADS Defence & Security, spécialisée dans le test des équipements électroniques aéronautiques et de systèmes d’armes (marchés civil et militaire). Elle vend des bancs de test pour des équipements avioniques embarqués sur avions Airbus et Bœing, et soutient également les matériels de l’armée française : test des hélicoptères Tigre et CH47, des avions Mirage 2000 ou Rafale, des chars Leclerc ou encore du porte-avions Charles de Gaulle. L’activité d’EADS Test & Services couvre toutes les étapes de la vie d’un appareil. Ses bancs de test sont en service chez les constructeurs et leurs équipementiers, chez les utilisateurs finaux (forces armées et compagnies aériennes ont besoin de contrôler fréquemment leurs appareils) ainsi que chez les sociétés de maintenance et de réparation.

Dès qu’un défaut est identifié, l’équipement mis en cause est déposé. L’appareil n’obtiendra l’autorisation de voler qu’une fois que l’équipement aura été remplacé et que le comportement de l’ensemble aura été validé.

Selon les tests à effectuer, un banc peut intégrer différents types de ressources matérielles (appareils d’acquisition et de mesure) mais aussi logicielles (tests SIL, ou Software In the Loop).

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tème les satisfaisant toutes, de la plus sim-ple à la plus complexe. Et il faut savoir que dès que l’on déplace un élément du banc, tout doit être recalculé. Pour le test d’une valeur de résistance ou de capacité par exem-ple, il faut prendre en compte l’atténuation due à la longueur des câbles ainsi que les pertes dues aux connecteurs. Ces calculs étaient effectués manuellement (avec le risque d’erreurs que cela implique), et devaient être recommencés à chaque modification.De par leur expérience, les concepteurs par-venaient à intégrer toutes ces règles, mais celles-ci n’avaient encore jamais été réelle-ment formalisées. En confiant ce genre de

calculs au logiciel, le risque d’erreurs diminue et les concepteurs peuvent désormais s’atteler à d’autres tâches. Car disposer d’un logiciel centralisé leur ouvre de nouvelles perspecti-ves. Ils développent notamment des modules auxquels ils n’avaient pas songé jusqu’alors. Ainsi, comme l’explique Etienne Poirier (EADS Test & Services) « grâce à des connecteurs entre ATE Builder et notre ERP, le prix des composants à intégrer dans le banc peut être remonté automatique-ment pour faciliter l’édition des devis. Une liaison est aussi établie avec l’état des stocks : lorsqu’un banc tombera en panne quelque part dans le monde, on saura si la pièce de rechange est disponible. Enfin, il est prévu d’ajouter des modules pour le calcul vibra-

toire (analyse modale du banc complet), ainsi que des modules de dynamique des fluides pour dimensionner le système de refroidissement du banc ». Ces mo-dules pourront être développés par les ingé-nieurs d’EADS sans faire appel à l’éditeur.

Une nouvelle approche de la conception logicielleDès le début du projet, il était convenu que Test & Services maîtrise entièrement sa solution. Une nouvelle approche de conception a donc été adoptée. « Nous avons voulu appliquer les principes d’une méthode de développement “agile”, commente Jean-François Pinson. Cela signifie que des interactions très fortes ont été maintenues entre Anyware et EADS tout au long du développe-ment d’ATE Builder. Des versions intermédiaires ont été présentées à intervalles de temps réduits. D’abord, les dérives par rapport au cahier des charges sont iden-tifiées au plus tôt. Mais surtout, cela impose au client à s’intéresser de très près à son logiciel. »Dans une approche classique, l’éditeur livre à la fin du temps imparti un produit aussi conforme que possible aux besoins expri-més dans le cahier des charges. Avec une approche “agile”, certaines exigences peuvent évoluer au fur et à mesure de l’avancement du projet. « Le client reste maître de son projet, poursuit Jean-François Pinson. On s’aperçoit même que des besoins exprimés sur le tard se révèlent souvent plus utiles ou plus pertinents que ceux qui étaient spécifiés dès le début, comme cela fut le cas chez Test & Services. Avec une méthode “agile”, nous ne nous engageons plus à fournir des logiciels qui répondent à un besoin exprimé dans un cahier des charges. Nous nous engageons à fournir une solution qui réponde aux besoins réels du client. »

Comment revendre un logiciel libre ?En ayant opté pour une solution logicielle libre plutôt que propriétaire, Test & Services a acquis la maîtrise de son application. Mais en devient-il propriétaire ? Oui, car le sys-tème de licences instauré par la fondation Eclipse prend en compte de tels projets. Ces derniers bénéficient d’une licence EPL (Eclipse Public Licence). Grâce à elle, Test & Services revend son logiciel à des clients, mais reste proprié-taire de ce qu’il a développé. Seule la “base” Eclipse est libre de droit. Pour commercialiser un logiciel réalisé sous Eclipse, il suffit sim-plement de ne pas fournir son code source. L’intérêt de cette licence est que toute société qui incorpore un savoir-faire particulier sur la base de composants Eclipse devient si elle le souhaite éditeur de logiciel.ATE Builder est entré en service cou-rant 2008, et les ingénieurs de Test & Services sont autonomes sur cette application depuis

le début de l’année 2009. Mais le logiciel est toujours en cours de déploiement car d’autres services s’y ajoutent, à l’image des connecteurs avec les différentes bases de données. Ce déploiement progressif est rendu possible par la nature même du logi-ciel : Eclipse génère en effet des applications RCP (Rich Client Protocol). Une application

RCP intègre un ensemble de mécanismes prédéfinis qui assurent la gestion des mises à jour et la gestion des profils utilisateurs. Pour ce dernier aspect, ATE Builder se décline en deux versions, selon qu’il s’agit d’utilisa-teurs internes à EADS ou non. Les collabora-teurs l’utilisent en conception (pour créer les bancs en respectant les règles) ou en pro-duction (pour adapter les spécifications de la machine à ce qui a été réellement installé). Les clients l’utilisent pour avoir certains as-pects économiques (réponse à appel d’offres, gestion des références) et maintenance (états des stocks, dates de contrôles, etc.).

Un bilan d’exploitation déjà positifLe bilan d’exploitation complet est prévu d’ici à trois ans. Mais Etienne Poirier relève d’ores et déjà que « l’utilisation d’ATE Builder a entraîné un gain de temps d’environ 30 à 40 % sur

certaines étapes : en phases de conception et de fabri-cation des bancs de tests, ainsi que pour les réponses à appel d’offres ». Plus besoin désormais de faire appel à un grand nombre d’interlocu-teurs pour rajouter un composant à un banc, car le logiciel connaît toutes les règles métier, quels que soient les services (mécanique, développement logiciel, service achats, etc.). Sans compter que la gestion des configura-tions, autrefois faite à la main, a été considé-rablement facilitée, entraînant au sein de Test & Services un grand bond en avant pour tout ce qui concerne la traçabilité.

Frédéric Parisot

Une approche par modèles et par briquesPour le projet chez EADS Test & Services, Anyware Technologies a utilisé les technologies les plus récentes pour le développement sous Eclipse, avec notamment les fonctions MDA (Model Driven Approach). Elles reposent sur le principe de conception à partir de briques logicielles, reliées entre elles, qui définissent chacune l’un des besoins fonctionnels de l’applica-tion. Le MDA innove par le fait que ces fonctions sont compilées de manière isolée. Du coup, les modèles restent accessibles aux développeurs, et ces derniers peuvent les modifier à tout moment. Tous les outils nécessaires à la réalisation d’applications MDA, testés et éprouvés par la communauté, sont disponibles auprès de la fondation Eclipse. Cela facilite l’obtention des diverses certifications logicielles inhérentes au secteur aéronautique.Pour le projet ATE Builder, Anyware a employé différents composants MDA : EMF, un outil de modélisation textuelle, GMF, un outil de modélisation graphique, et GEF, un “framework” (boîte à outils) utilisée pour la génération d’éditeurs graphiques.

Dans le secteur aéronautique, les bancs de test automatiques sont employés pour détecter un mauvais fonctionnement ou une dérive sur un des équipements d’un appareil. Ils sont intégrés dans une armoire électrique regroupant diverses “ressources” pour la mesure, la génération de signaux, la commutation, l’alimentation, la connexion… Test & Services propose plus d’une centaine de ressources : du simple voltmètre jusqu’aux complexes unités cryogéniques, en passant par des gammes d’oscilloscopes, de cartes série RS-232, de générateurs de radiofréquences, d’analyseurs de spectre, d’appareils de mesure de puissance, ou encore différents outils SIL (Software In the Loop). Ces derniers simulent de manière logicielle le comportement d’équipements matériels.

Il faut distinguer deux types de bancs de test, ceux installés chez les constructeurs (et équipementiers) et ceux en fonction chez les exploitants (et agents de maintenance) :

• Les équipementiers aéronautiques doivent prouver la conformité de toutes les pièces produites. Leurs bancs de test sont donc adaptés à un domaine précis (commande de vol, centrale inertielle ou autre calculateur). Leurs tests sont fortement réglementés, aussi l’accent est-il mis sur la précision de la mesure. Les constructeurs intègrent les sous-ensembles fournis par les équipementiers. Ils vérifient leur interopérabilité et le fonctionnement de l’ensemble (calculateur de vol + cartes de communication AFDX + capteurs par exemple). Un banc de test “constructeur” demande donc moins de précision qu’un banc de test “équipementier”, mais il doit pouvoir tester les équipements au-delà de leurs spécifications.

• Du point de vue des exploitants, il s’agit d’effectuer des tests le plus souvent de manière automatique avec des bancs autonomes et polyvalents, qui embarquent une à trois baies de ressources. Contrairement aux bancs de production, les bancs utilisés pour l’exploitation doivent disposer des capacités de test pour du matériel embarqué sur les différents appareils de la flotte.

Des bancs de test pour différents métiers

Différentes vues d’écran de l’application ATE Builder. Le concepteur choisit les ressources à intégrer, et tous les calculs sont effectués automatiquement. Le logiciel génère également tous les schémas de câblage nécessaires à la fabrication du banc.

La communauté EclipseEclipse possède sa propre communauté de développeurs. Fondée par IBM, elle regroupe des groupes tels qu’Airbus ou Astrium, et des éditeurs comme Borland ou Actuate. Mais le fonctionnement d’une communauté Open Source n’est pas le même selon que le logiciel s’adresse à un marché professionnel ou grand public. Sur le secteur grand public, les contributions se font sur la base du volontariat (tout développeur qui dispose des compétences requises peut écrire du code et le soumettre aux utilisateurs). La communauté Eclipse regroupe quant à elle des contributeurs professionnels. Et pour obtenir le titre de Strategic Member, une société a l’obligation de consacrer du temps et des ressources à la communauté. Chaque contributeur (ou équipe de développeurs) peut s’inscrire dans un ou plusieurs comités, pour un composant d’Eclipse en particulier. Ce sont eux qui créent et enrichissent la plate-forme Eclipse. Dans le cas d’ATE Builder, l’éditeur a assemblé des briques provenant de la communauté, puis ils les ont adaptés en effectuant des développements spécifiques.

Simtec

Un gestionnaire de flotte doit pouvoir ajouter de nouvelles campagnes de test à mesure que sa flotte s’agrandit. Cela implique un grand nombre de modifications sur un seul banc.

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