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L’artiste a posé pour nous en assumant son côté féminin.

Marc Lavoine débute au théâtre dans

un rôle ambigu

LeTIERCÉ

CLAP DE FIN POUR LES

GUICHETIERS

genreidéal

ÉDUCATIONICI, ON TESTE LA RÉFORME DU COLLÈGE

JOURNÉES DU PATRIMOINE 1 600 VISITES EN ÎLE-DE-FRANCE

ÉTATS-UNISDONALD TRUMP,

CANDIDAT MÉGALO

GUIDE

SPÉCIAL

32 PAGES

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12 MAGAZINE DU VENDREDI 18 sEptEMbRE 2015

week-end I le phénomène culturel

GenreidéalPour ses débuts au théâtre, cet

habitué des rôles de séducteur

brouille les contours du masculin

et du féminin. Tout en délicatesse.

pAR NEDJMA VAN EGMOND pHOtOs RÜDY WAKS

Marc Lavoine

Les hommes sont des femmes comme

les autres. » C’est lui qui le chantait, en

1997, en duo avec Princess Erika. Marc

Lavoine ? Un artiste aux multiples

facettes et au succès intact après trente

ans de carrière. Le chanteur à tubes

– Elle a les yeux revolver… ou Toi mon amour, pour

ne citer que ceux-là – est aussi acteur, abonné aux

rôles de séducteur. Dans L’Enfer, de Claude Chabrol

(1994), il interprète un bellâtre que les maris jaloux…

jalousent. Dans Le Cœur des hommes, de Marc

Esposito (2003), il se mue en irréductible coureur

de jupons. Ce touche-à-tout a aussi publié en jan-

vier dernier, chez Fayard, un joli best-seller intitulé

L’Homme qui ment. Dès le 23 septembre, il sera sur

les planches du théâtre parisien La Pépinière, dans

Le Poisson belge, pièce de Léonore Confno. A 53 prin-

temps, belle gueule au regard clair, il est l’incarnation

du gendre idéal. Côté pile, masculin, il fait fantasmer

les dames : l’homme, solide. Côté face, il ne masque

rien de ses fragilités, assume sa part de féminité et

refuse les cases. Pour ses premiers pas au théâtre, il

incarne justement « Grande Monsieur », un homme

en qui sommeille une femme. Un rôle qui COIFFURE JULIE SÉDILLE, MAQUILLAGE ISABELLE LOGAN, STYLISME VIRGINIE FAUCONNIER ET GENTIANE LENHARD ACCESSOIRES PAULINE GLAIZAL CHEMISE FAÇONNABLE COSTUME ET CRAVATE DIOR ESCARPINS CHRISTIAN LOUBOUTIN

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Dans la pièce

Le Poisson belge,

Marc Lavoine

joue un homme

à l’identité trouble.

Le 27 août, à Paris,

il s’est prêté au jeu

pour notre magazine.

UN HOMME PLURIEL

6 août 1962 Marc Lavoine naît

à Longjumeau (Essonne). C’est

le fils de Micheline, secrétaire,

et de Lucien, employé des PTT.

1985 Il sort son premier

album, Marc Lavoine, sur

lequel figurent les tubes

Pour une biguine avec toi

et Elle a les yeux revolver…

1994 Il incarne Martineau

dans le film L’Enfer, de Claude

Chabrol. Neuf ans plus tard,

il sera Alex dans Le Cœur

des hommes – le film réalisé

par Marc Esposito totalise

1,5 million de spectateurs.

2015 Il publie L’Homme qui ment

en janvier. Il montera pour

la première fois sur les planches

mercredi 23 septembre.




résonne particulièrement avec l’histoire per-sonnelle de l’artiste, dont la mère aurait préféré avoir une flle. Lavoine porte parfaitement le costard, la chemise et la cravate, mais dotez-le d’une paire de boucles d’oreilles, d’un fume-cigarette ou d’escar-pins glamour (lire aussi page 78), et il jouera avec. Cet homme est une femme comme les autres ?

Quand Marc s’appelait BrigitteQuand Marc Lavoine voit le jour, en août 1962, à Longjumeau (Essonne), ses parents ont déjà un fls, de cinq ans son aîné. Pour sa mère, pas de doute, le deuxième enfant sera une fille. Elle l’appellera Brigitte, prénom le plus en vogue du moment, folie Bardot oblige. Mais l’enfant est un garçon. Rejet et lourde dépression de sa mère. « Je n’étais pas une flle, juste un garçon, rien qu’un bébé masculin dont elle ne voulait pas », écrit-il dans son livre L’Homme

qui ment. Elle fnit par l’accepter, mais lui laisse les cheveux longs et lui met des vêtements féminins durant ses premières années. « Bien sûr que ça marque, confie-t-il aujourd’hui. Ça peut détermi-ner une forme d’hyper sensibilité ou, au contraire, de rejet. La mère de John Wayne (1907-1979) aus-si voulait une fille. Elle l’a longtemps surnommé Marion et habillé en robe. Ça a quand même donné, au cinéma, la plus grande incarnation de cow-boy de tous les temps, le héros de La Chevauchée fantastique (de John Ford, sorti en 1939, NDLR) ! Parfois, il faut peut-être s’allonger chez le psy une saison ou deux et puis voir, en se relevant, si on se sent mieux ou pas. J’ai toujours refusé les flms sur ce sujet parce que ce n’était pas complètement juste et que je ne voulais pas faire commerce de ce thème homme/femme, de la confusion des genres. »

Un héros baptisé « Grande Monsieur »Pour ses débuts sur scène, l’acteur partage l’afche avec la jeune comédienne Géraldine Martineau. Elle est « Petit Fille ». Il est « Grande Monsieur » : « Depuis que je suis en âge de marcher, une fille pousse clandestinement sous ma poitrine », livre son personnage. « Oui, ce texte peut faire écho à mon histoire, mais ce n’est pas pour ça que je l’ai choisi. Je le trouve délicat et audacieux, souligne l’acteur. Il ne parle pas de sexualité, mais plutôt d’identité pro-fonde, de diférence, de tolérance et d’êtres blessés qui souffrent de discrimination. Ça me gêne qu’on

juge, qu’on distribue des bons et des mauvais points dès l’enfance. Un garçon qui fait pipi dans sa culotte devant tout le monde parce qu’il est intimidé, on va le traiter de “fllette”, et ce terme aura une connotation très péjorative. C’est regrettable. »De son côté, Léonore Confno, l’auteure de la pièce, explique pourquoi l’acteur était la personne idéale pour le rôle : « Il possède à la fois la gravité et la fémi-nité, la légèreté et la profondeur nécessaires. Nous vivons dans un monde où on doit toujours choisir son camp. Mais il faut faire attention aux cases. La plu ralité est bénéfique, nécessaire. Marc est d’ac-cord avec cette idée. »

Le fils de Lulu et MichouLe récit L’Homme qui ment est une tendre évocation de son père, Lucien Lavoine, alias Lulu, disparu en 2006. Séducteur invétéré, militant communiste et cégétiste, père aimant et mari cavaleur. Menteur, oui, mais surtout « enjoliveur », il faisait tout pour rendre la vie plus belle. Morte en 2011, sa femme, Micheline, surnommée Michou, a souffert de ces tromperies, mais a continué de porter la petite famille. « J’ai hérité de deux sentiments essentiels, confe Marc Lavoine. Ma mère m’a légué une mélan-colie avec laquelle je me sens bien, car elle est créa-tive. Et puis la culpabilité par anticipation, celle qui

Un artiste « incasable »Ça me gêne qu’on

distribue bons et mauvais points dès l’enfance

ACTEUR. Marc Lavoine a tourné dans une vingtaine de films pour

des réalisateurs éclectiques, d’Elie Chouraqui (Celle que j’aime,

2009) à Tony Gatlif (Liberté, en 2010). Ici aux côtés de Jean-Pierre

Darroussin, Gérard Darmon et Bernard Campan (de g. à dr.) dans

le premier volet du Cœur des hommes, de Marc Esposito (2003).

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MAGAZINE DU VENDREDI 18 sEptEMbRE 2015 15

permet d’éviter de faire du mal aux autres. Mon père, lui, m’a transmis l’enthousiasme, la créativité, l’inté-rêt pour tous les arts. Il me parlait de Claude Chabrol (1930-2010, NDLR), avec qui j’ai eu la chance de tourner, et de Louis Aragon (1897-1982, NDLR), que j’ai côtoyé quand je travaillais comme placeur à l’Olympia, à l’âge de 17 ans. D’une certaine façon, j’avais l’impression d’être dans le flm que mon père avait écrit pour moi. »

Le sac à main des boxeusesLe nombre et le genre sont des thèmes qui pas-sionnent l’artiste. « Qu’est-ce qui est singulier ? Qu’est-ce qui est pluriel ? Qu’est-ce qui est

CHANTEUR.

Il a enregistré

onze albums

studio et deux

live. Habitué des

duos, il a chanté

avec Catherine

Ringer, Souad

Massi ou encore

Bambou.

ENGAGÉ.

Longtemps

militant aux

Restos du cœur

(photo), il a lancé

l’appel à la

solidarité pour

les migrants

et parrainera

la prochaine

édition

du Téléthon,

en décembre.

ÉCRIVAIN. Depuis janvier,

150 000 exemplaires

de son récit L’Homme qui ment,

ont été vendus. Marc Lavoine

l’adapte actuellement pour

le cinéma. Une édition

collector avec livre audio

paraîtra le 12 octobre.

STAR. Le chanteur

a vendu 2,5 millions

d’albums,

dont 280 000

exemplaires de

son dernier opus

sorti en 2012,

Je descends du singe.

Tous ont été disques

d’or, de platine

ou double platine.

L aManu faC tu r e

d esLum i è r e s

Pont de SèvresMusée de Sèvres

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photo

©HervéPlumet



masculin ? Qu’est-ce qui est féminin ? La tour Eiffel par exemple, selon la lumière, l’heure de la journée, le regard qu’on a sur elle, peut donner l’im-pression de porter une robe, d’être une princesse, surtout quand elle pétille la nuit. Mais elle a aussi une attitude masculine : elle a résisté, elle a tenu bon, elle a aussi choqué. Quant à l’Arc de Triomphe, il est certainement masculin. Tout cela est très sub-jectif. Sans doute en fait-on trop sur la question du genre. » Les mots, eux aussi, prennent part au débat. « Parmi ceux que je préfère, il y a le mot “chagrin”, masculin. C’est un enfant qui a crevé son petit bal-lon, un terrain vague, un objet décoifé, mal fchu, pas dans son assiette, mais qui l’avoue tranquille-ment. Et puis la “matinée”, féminin. C’est beau, une matinée, c’est une promesse sans certitude, une nouvelle journée qui s’ouvre. » On lâche l’expression « confusion des genres », il réagit : « Ce sont les ghet-tos et les petites cases qui créent la confusion. Le fait pour une femme d’aimer les rallyes automobiles ne fait pas d’elle un homme. Une femme qui boxe reste une femme, avec des seins et un petit sac à main et du bordel dedans (rires). Et qu’un homme aime les feurs ou afche une sensibilité plus féminine ne fait pas de lui une femme. »

Maître(sse)s à penserEn se racontant, Lavoine use de mille références à des œuvres, à des artistes : les poètes Arthur Rimbaud et Louis Aragon, l’écrivain Albert Camus, le peintre Pablo Picasso. Et les femmes dans tout ça ? « Je ne les oublie pas ! Marguerite Yourcenar, Marguerite Duras, Simone de Beauvoir, Françoise Giroud sont des créatrices, mais aussi des êtres

Un duo sensible au théâtre

Qu’un homme aime les fleurs ne fait pas de lui une femme

Dans la pièce Le Poisson belge,

de Léonore Confino, l’irruption de Petit Fille

(Géraldine Martineau) dans la vie de Grande

Monsieur (Marc Lavoine) va bouleverser les

habitudes de ce grand solitaire.

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qui ont eu sur la société un impact colossal. Enfn, Simone Veil est pour moi l’une des plus belles fgures du XXe siècle. Cette femme a été traumatisée, sa famille a été assassinée (pendant la seconde guerre mondiale, NDLR), mais elle a recommencé, contre le ressentiment, à apprendre, à comprendre, à aimer, à transformer la société, à pardonner jusqu’à l’oubli. »

Hommes à femmesSon père était un homme à femmes, Marc Lavoine l’a longuement raconté. Troublante coïncidence, bien avant la parution de L’Homme qui ment, et alors qu’il ne connaît rien de l’histoire de l’acteur, le réalisateur Marc Esposito lui confe, en 2003, le rôle d’Alex dans le film Le Cœur des hommes, qui deviendra une trilogie. Alex ? Un autre coureur de jupons. « Le tournage de certaines scènes a résonné tristement, car je pensais à mon père. Alex est un type sympa, qui aime ses copains, sa femme, mais lui est infdèle, soufre et la fait soufrir. Pour moi, l’adultère n’est pas proprement masculin. Je sais qu’un sondage m’a propulsé fantasme numéro 1 des femmes infdèles (dans ce sondage réalisé par le site de rencontres extraconjugales Gleeden en juin 2014,

70 % des femmes interrogées l’ont désigné, devant M. Pokora, David Hallyday et Julien Clerc, NDLR). Ça me fait plutôt plaisir ! Et ça me questionne : pour-quoi les femmes qui rêvent de tromper leur mari souhaitent-elles le faire avec moi ? Peut-être parce qu’elles me font confance, elles pensent que je ne les juge pas et sentent que je suis un être totalement inofensif. Quitte à être infdèles à l’homme qu’elles aiment, autant qu’elles le soient avec un type comme moi (rires) ! »

On doit à l’auteure Léonore Confino et à la metteuse

en scène Catherine Schaub deux comédies

grinçantes sur le couple (Ring, en 2013) et sur

la famille (Les Uns sur les autres, en 2014). Dans

Le Poisson belge, Marc Lavoine et Géraldine Martineau

incarnent deux solitudes, un homme et une gamine

paumée qui se rencontrent, s’apprivoisent et se

trouvent des points communs. Tendre et profond.

> Le Poisson belge. A partir du 23 septembre à La Pépinière, à Paris (2e). www.theatrelapepiniere.com

UNE PLONGÉE DANS L’ÂME

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Troublants jeux de rôles

GUILLAUME GALLIENNE DANs LUCRÈCE BORGIA (2014)Le sociétaire de la Comédie-Française a montré son don pour le travestissement en campant sa mère dans la pièce Les Garçons et Guillaume, à table ! (2008) puis dans le film du même nom, qu’il réalise en 2013. Au printemps 2014, Denis podalydès lui confie le rôle-titre de la pièce Lucrèce Borgia, écrite par Victor Hugo (1802-1885). Avec sa longue robe noire et sa traîne de velours rouge, le comédien impressionne en héroïne tragique et ambivalente.> Reprise du 22 janvier au 30 avril 2016 à la Comédie-Française, à Paris (1er). www.comedie-francaise.fr

Bien avant Marc Lavoine dans Le Poisson belge, de nombreux comédiens se sont inscrits dans la longue tradition du travestissement au théâtre.

LEs COMÉDIENs DE SHAKESPEARE Du temps du dramaturge anglais William shakespeare (1564-1616), seuls les hommes avaient le droit de monter sur scène. Les jeunes comédiens dont la voix n’avait pas encore mué interprétaient les personnages féminins. C’est ce qu’évoque le film de John Madden, Shakespeare in Love (1998), dans lequel Gwyneth paltrow (photo) se travestit pour jouer un rôle… de femme !

SARAH BERNHARDT DANs HAMLET (1886 Et 1899)« On m’a souvent demandé pourquoi j’aime tant à représenter des rôles d’hommes… En réalité, je ne préfère pas les rôles d’homme, mais les cerveaux d’homme », clamait la tragédienne sarah bernhardt (1844-1923), qui joua Hamlet, de William shakespeare (en 1886 et en 1899), Lorenzaccio, d’Alfred de Musset (1896) ou L’Aiglon, d’Edmond Rostand (1900).

LE THÉÂTRE KABUKI AU JApONLe kabuki est un art théâtral né au XVIIe siècle au Japon. Les pièces étaient à l’origine jouées par des femmes déguisées en hommes, avant qu’elles ne soient interdites de scène. Les hommes se métamorphosent alors pour interpréter les rôles féminins. On les appelle onnagata. La coutume subsiste aujourd’hui, mais, en marge des institutions, certaines troupes emploient à nouveau des femmes.

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