tarmac aerosave: l’envol du recyclage des avions...en fin de vie respectueuse de...

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I l est arrivé ici en volant voici quelques jours. Dans six semai- nes, après 22 ans de bons et loyaux services, l’Airbus A310 d’Aircomet n’existera plus. Entiè- rement démonté, pièce par pièce, du moteur aux sièges en passant par le moindre boulon, l’avion sera dispersé. Les éléments réutilisables repartiront dans le circuit aéronautique après revalidation, les déchets, eux, auront tous été traités et valorisés. En face de l’aéroport de Tarbes-Lourdes-Pyré- nées, Tarmac Aerosave est entré dés- ormais en phase active, proposant « la première filière industrielle de stoc- kage et de déconstruction des avions en fin de vie respectueuse de l’envi- ronnement » selon son PDG, Philippe Fournadet. Oubliant au passage la concurrence de l’aéroport de Châ- teauroux qui s’est lui aussi lancé sur ce créneau en 2007. Il est vrai que le marché est porteur avec plus de 6000 avions actuellement en service qui devraient arrêter de voler à l’horizon 2023. Pour l’instant l’industrie aéronautique n’est sou- mise à aucune réglementation spé- cifique concernant la gestion des aéro- nefs en fin de vie, mais cela ne saurait durer. Les compagnies, surfant sur l’effet développement durable, étant nombreuses également à vouloir ver- dir leur image de marque. 85 % DE VALORISATION, UN RECORD MONDIAL Comme la France ne possède pas de désert de type californien trans- formé en véritables cimetières à avions, et qu’elle possède un réel savoir-faire en matière de mainte- nance aéronautique, ce n’est pas éton- nant qu’elle fasse figure de précur- seur dans ce domaine avec ces deux plateformes. Doté d’un gigantesque hangar de 8 000 m 2 pouvant accueillir un Airbus A380 et d’aires de stockage pour une vingtaine d’appareils, Tar- mac Aerosave mise en fait tout autant sur le stockage et la maintenance que sur la déconstruction pure des avions. « Sur cent appareils qui arriveront sur le site, 70 repartiront par les airs et 30 seront déconstruits » souligne ainsi Philippe Fournadet. UNE OFFRE GLOLABE : STOCKAGE, MAINTENANCE, DESTRUCTION Une offre globale qui est au cœur du modèle économique imaginé par les six partenaires industriels réunis dans ce projet (Voir par ailleurs) avec un agrément pour la maintenance des Airbus depuis avril dernier, l’en- treprise espérant décrocher « rapi- dement » celui de Boeing... D’ici là l’Airbus d’Aircomet n’exis- tera plus. Racheté par une société américaine pour les équipements réutilisables, il est désormais pro- priété de Tarmac aérosave en tant que déchets. Selon le process mis au point par l’entreprise, l’avion va passer par trois phases successives, dépollution, désassemblage et déconstruction avec une valorisa- tion des matériaux finaux de l’or- dre de 85 % alors qu’il n’approchait jusqu’à présent péniblement que les 60 % dans le meilleur des cas. Une fois les fluides divers, extinc- teurs, néon, et autres résidus de car- burant retirés, la douzaine de sala- riés que compte l’entreprise actuellement s’attaque à la dépose du millier d’équipements de l’ap- pareil avant de littéralement décou- per l’appareil en tranches à l’aide d’un câble serti de diamant. TRAÇABILITÉ ABSOLUE POUR RECYCLAGE OPTIMISÉ Une phase où là encore Tarmac entend faire la différence grâce à une traçabilité optimum, les divers matériaux étant diagnostiqués et cartographiés grâce à un spectro- mètre développé spécifiquement pour ce projet. Une technique qui permettra de récupérer, et reven- dre, essentiellement l’aluminium (70 % d’un avion d’une trentaine d’années), l’acier (12 %), le titane (4 %) ou les composites (4 %). À terme, l’effectif devrait monter à 70 collaborateurs, l’entreprise tablant sur le traitement de 30 à 50 avions par an, anticipant l’évolution inéluc- table de la législation européenne en matière de valorisation des pro- duits industriels en fin de vie, y com- pris les avions. Lancé très officiellement en juillet 2005 par Michèle Alliot-Marie, alors ministre de la Défense, et inscrit au titre des grands projets structurants du pôle de compétiti- vité Aerospace Valley, Tarmac Aero- save prend depuis février dernier son réel envol. Déjà un vieux Foker 100 attend son tour pour être recy- clé. Sans Tarmac il aurait été traité « à l’ancienne », simplement aban- donné au bout d’un aéroport ou détruit à grands coups de pelleteuse. Hervé chossat DU 1 ER AU 7 JUIN 2009 – N° 8158 3 - LA GAZETTE DU MIDI - www.forumeco.com ENTREPRISES Tarmac Aerosave: l’envol du recyclage des avions Aéronautique. L’entreprise basée à Ossun (65), à deux pas de l’aéroport de Tarbes, est entrée en phase active depuis quelques mois. Stockage, maintenance et déconstruction complète des avions, Tarmac Aerosave mise sur une offre globale et la structuration d’une nouvelle filière. ■■■ Tarmac (Tarbes Advan- ced Recycling & Maintenance Aircraft Company) concrétise en fait la phase industrielle du projet pilote Pamela lancé en 2003 par Airbus et Sita France (groupe Suez) destiné à tester les différentes métho- des de déconstruction d’a- vions respectueuses de l’en- vironnement. Au sein de la société on retrouve certains des partenaires initiaux de ce programme, à commencer bien sûr par Airbus qui est, rappelons-le, la première société de l’aéronautique à avoir reçu la certification envi- ronnementale Iso 14 001 pour l’ensemble de ses sites et pro- duits. Autre pilier du projet, Sita France (groupe Suez envi- ronnement), l’un des leaders européens de la gestion glo- bale des déchets. Le motoriste SNECMA (groupe Safran) est également actionnaire de Tar- mac Aerosave tout comme l’expert de l’ingénierie aéro- nautique et des services au transport aérien, le groupe Aeroconseil, et Equip’aero industrie, l’équipementier et spécialiste de la maintenance d’équipements aéronau- tiques. Au cours des vingt pro- chaines années, le nombre d’avions civils arrivant en fin de vie est estimé au minimum à 6 400 (environ 300 avions par an) et Tarmac entend bien jouer pleinement la carte de son savoir-faire à fond. « La création d’un réseau mondial, visant à favoriser le déploie- ment du processus de décons- truction et des bonnes pra- tiques associées, à partir du centre de référence Tarmac Aerosave, vers d’autres régions du monde est envisagée » sou- ligne la direction. H.C. De Pamela à Tarmac, un savoir-faire unique Initié en 2006 par Airbus et Sita, le projet Pilote Pamela a donné naissance à Tarmac Aerosave HERVÉ CHOSSAT HC Le site Tarbais peut stocker une vingtaine d’appareils, en effectuer la maintenance comme les déconstruire entièrement. HC

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Page 1: Tarmac Aerosave: l’envol du recyclage des avions...en fin de vie respectueuse de l’envi-ronnement» selon son PDG, Philippe Fournadet. Oubliant au passage la concurrence de l’aéroport

Il est arrivé ici en volant voiciquelques jours. Dans six semai-nes, après 22 ans de bons etloyaux services, l’Airbus A310d’Aircomet n’existera plus. Entiè-

rement démonté, pièce par pièce, dumoteur aux sièges en passant par lemoindre boulon, l’avion sera dispersé.Les éléments réutilisables repartirontdans le circuit aéronautique aprèsrevalidation, les déchets, eux, auronttous été traités et valorisés. En facede l’aéroport de Tarbes-Lourdes-Pyré-nées, Tarmac Aerosave est entré dés-ormais en phase active, proposant«la première filière industrielle de stoc-kage et de déconstruction des avionsen fin de vie respectueuse de l’envi-ronnement» selon son PDG, PhilippeFournadet. Oubliant au passage laconcurrence de l’aéroport de Châ-teauroux qui s’est lui aussi lancé surce créneau en 2007.

Il est vrai que le marché est porteuravec plus de 6000 avions actuellementen service qui devraient arrêter devoler à l’horizon 2023. Pour l’instantl’industrie aéronautique n’est sou-mise à aucune réglementation spé-cifique concernant la gestion des aéro-nefs en fin de vie, mais cela ne sauraitdurer. Les compagnies, surfant surl’effet développement durable, étantnombreuses également à vouloir ver-dir leur image de marque.

85 % DE VALORISATION,UN RECORD MONDIAL

Comme la France ne possède pasde désert de type californien trans-formé en véritables cimetières àavions, et qu’elle possède un réelsavoir-faire en matière de mainte-

nance aéronautique, ce n’est pas éton-nant qu’elle fasse figure de précur-seur dans ce domaine avec ces deuxplateformes. Doté d’un gigantesquehangar de 8000m2 pouvant accueillirun Airbus A380 et d’aires de stockagepour une vingtaine d’appareils, Tar-mac Aerosave mise en fait tout autantsur le stockage et la maintenance quesur la déconstruction pure des avions.« Sur cent appareils qui arriveront surle site, 70 repartiront par les airs et 30seront déconstruits » souligne ainsiPhilippe Fournadet.

UNE OFFRE GLOLABE : STOCKAGE,MAINTENANCE, DESTRUCTION

Une offre globale qui est au cœurdu modèle économique imaginé parles six partenaires industriels réunisdans ce projet (Voir par ailleurs) avecun agrément pour la maintenancedes Airbus depuis avril dernier, l’en-treprise espérant décrocher « rapi-dement » celui de Boeing...

D’ici là l’Airbus d’Aircomet n’exis-tera plus. Racheté par une sociétéaméricaine pour les équipementsréutilisables, il est désormais pro-

priété de Tarmac aérosave en tantque déchets. Selon le process misau point par l’entreprise, l’avion vapasser par trois phases successives,dépollution, désassemblage etdéconstruction avec une valorisa-tion des matériaux finaux de l’or-dre de 85 % alors qu’il n’approchaitjusqu’à présent péniblement queles 60 % dans le meilleur des cas.

Une fois les fluides divers, extinc-teurs, néon, et autres résidus de car-burant retirés, la douzaine de sala-riés que compte l’entreprise

actuellement s’attaque à la déposedu millier d’équipements de l’ap-pareil avant de littéralement décou-per l’appareil en tranches à l’aided’un câble serti de diamant.

TRAÇABILITÉ ABSOLUEPOUR RECYCLAGE OPTIMISÉ

Une phase où là encore Tarmacentend faire la différence grâce àune traçabilité optimum, les diversmatériaux étant diagnostiqués etcartographiés grâce à un spectro-mètre développé spécifiquementpour ce projet. Une technique quipermettra de récupérer, et reven-dre, essentiellement l’aluminium(70 % d’un avion d’une trentained’années), l’acier (12 %), le titane(4 %) ou les composites (4 %). Àterme, l’effectif devrait monter à 70collaborateurs, l’entreprise tablantsur le traitement de 30 à 50 avionspar an, anticipant l’évolution inéluc-table de la législation européenneen matière de valorisation des pro-duits industriels en fin de vie, y com-pris les avions.

Lancé très officiellement enjuillet 2005 par Michèle Alliot-Marie,alors ministre de la Défense, etinscrit au titre des grands projetsstructurants du pôle de compétiti-vité Aerospace Valley, Tarmac Aero-save prend depuis février dernierson réel envol. Déjà un vieux Foker100 attend son tour pour être recy-clé. Sans Tarmac il aurait été traité« à l’ancienne », simplement aban-donné au bout d’un aéroport oudétruit à grands coups de pelleteuse.

Hervé chossat

DU 1ER AU 7 JUIN 2009 – N° 8158 3

- L A G A Z E T T E D U M I D I -

www.forumeco.com

ENTREPRISES

Tarmac Aerosave: l’envoldu recyclage des avions

Aéronautique. L’entreprise basée à Ossun (65), à deux pas de l’aéroport de Tarbes, est entréeen phase active depuis quelques mois. Stockage, maintenance et déconstruction complète desavions, Tarmac Aerosave mise sur une offre globale et la structuration d’une nouvelle filière.

■■■ Tarmac (Tarbes Advan-ced Recycling & MaintenanceAircraft Company) concrétiseen fait la phase industrielledu projet pilote Pamela lancéen 2003 par Airbus et SitaFrance (groupe Suez) destinéà tester les différentes métho-des de déconstruction d’a-vions respectueuses de l’en-vironnement. Au sein de lasociété on retrouve certainsdes partenaires initiaux de ce

programme, à commencerbien sûr par Airbus qui est,rappelons-le, la premièresociété de l’aéronautique àavoir reçu la certification envi-ronnementale Iso 14001 pourl’ensemble de ses sites et pro-duits. Autre pilier du projet,Sita France (groupe Suez envi-ronnement), l’un des leaderseuropéens de la gestion glo-bale des déchets. Le motoristeSNECMA (groupe Safran) est

également actionnaire de Tar-mac Aerosave tout commel’expert de l’ingénierie aéro-nautique et des services autransport aérien, le groupeAeroconseil, et Equip’aeroindustrie, l’équipementier etspécialiste de la maintenanced’équipements aéronau-tiques. Au cours des vingt pro-chaines années, le nombred’avions civils arrivant en finde vie est estimé au minimum

à 6400 (environ 300 avions paran) et Tarmac entend bienjouer pleinement la carte deson savoir-faire à fond. « Lacréation d’un réseau mondial,visant à favoriser le déploie-ment du processus de décons-truction et des bonnes pra-tiques associées, à partir ducentre de référence TarmacAerosave, vers d’autres régionsdu monde est envisagée » sou-ligne la direction. H.C.

De Pamela à Tarmac, un savoir-faire uniqueInitié en 2006 par Airbus et Sita, le projet Pilote Pamela a donné naissance à Tarmac Aerosave

HERVÉ C

HOSSA

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HC

Le site Tarbais peut stocker une vingtaine d’appareils, en effectuer la maintenance comme les déconstruire entièrement.

HC