table des matières du bulletin/mensuel de droit du …1er juin 2016 que « ne méconnaît pas...

32
N° 77 Juin 2016 1

Upload: others

Post on 23-Aug-2020

0 views

Category:

Documents


0 download

TRANSCRIPT

Page 1: Table des matières du Bulletin/Mensuel de droit du …1er juin 2016 que « ne méconnaît pas l’obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer

N° 77 Juin 2016

1

Page 2: Table des matières du Bulletin/Mensuel de droit du …1er juin 2016 que « ne méconnaît pas l’obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer

SOMMAIRE

A - CONTRAT DE TRAVAIL, ORGANISATION ET EXÉCUTION DU TRAVAIL ................................................ 3

B - DURÉE DU TRAVAIL ET RÉMUNÉRATIONS ....................................................................................... 10

C - SANTÉ ET SÉCURITÉ AU TRAVAIL ...................................................................................................... 16

D - ACCORDS COLLECTIFS ET CONFLITS COLLECTIFS DU TRAVAIL ......................................................... 19

E - REPRÉSENTATION DU PERSONNEL ET ELECTIONS PROFESSIONNELLES .......................................... 21

F - RUPTURE DU CONTRAT DE TRAVAIL ................................................................................................ 25

2

Page 3: Table des matières du Bulletin/Mensuel de droit du …1er juin 2016 que « ne méconnaît pas l’obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer

A - CONTRAT DE TRAVAIL, ORGANISATION ET EXÉCUTION DU TRAVAIL

2 - Droits et obligations des parties au contrat de travail *Harcèlement moral Soc., 1er juin 2016 Cassation partielle Arrêt n° 1068 FS-P+B+R+I N° 14-19.702 - CA Douai, 20 décembre 2013 M. Frouin, Pt. - Mme Geerssen, Rap. - M. Petitprez, Av. Gén. Sommaire Ne méconnaît pas l'obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, notamment en matière de harcèlement moral, l'employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures de prévention prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail et qui, informé de l'existence de faits susceptibles de constituer un harcèlement moral, a pris les mesures immédiates propres à le faire cesser. Viole les articles L. 1152-1, L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail, la cour d'appel qui rejette la demande d’un salarié en harcèlement moral sans qu’il résulte de ses constatations que l’employeur avait pris toutes les mesures de prévention visées aux deux derniers articles précités, notamment par la mise en oeuvre d’actions d’information et de prévention propres à en prévenir la survenance. Note : Par un arrêt du 21 juin 2006 (Soc., 21 juin 2006, pourvoi n° 05-43.914, Bull. 2006, V, n° 223), la chambre sociale de la Cour de cassation a rappelé que l’employeur est tenu envers ses salariés d’une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l’entreprise, notamment en matière de harcèlement moral, ajoutant que l’absence de faute de sa part ne peut l’exonérer de sa responsabilité. Dans le prolongement de la règle ainsi énoncée, la Cour de cassation en avait tiré toutes les conséquences dans un arrêt du 3 février 2010 (Soc., 03 février 2010, pourvoi n° 08-44.019, Bull. 2010, V, n° 30) en posant que « l’employeur, tenu d’une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs, manque à cette obligation, lorsqu'un salarié est victime sur le lieu de travail d'agissements de harcèlement moral ou sexuel exercés par l'un ou l'autre de ses salariés, quand bien même il aurait pris des mesures en vue de faire cesser ces agissements. » Cependant, la chambre sociale a récemment amorcé une évolution dans l’application qu’elle fait de l’obligation de sécurité de résultat à laquelle est tenue l’employeur, en décidant que ne méconnaît pas l’obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs l’employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail (Soc., 25 novembre 2015, pourvoi n° 14-24.444, Bull. 2015, V, en cours de publication).

3

Page 4: Table des matières du Bulletin/Mensuel de droit du …1er juin 2016 que « ne méconnaît pas l’obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer

La question était donc posée par la doctrine mais également par la Cour elle-même (commentaire de l’arrêt du 25 novembre 2015 précité, BICC n° 840, 15 avril 2016, arrêt n° 504, p. 11 et Rapport annuel 2015, p. 165) de déterminer la portée de l’évolution ainsi amorcée et notamment de savoir si elle affecterait le harcèlement moral en tant que manquement de l’employeur à l’obligation de sécurité de résultat et, dans l’affirmative, dans quelles conditions. C’est à cette question que répond l’arrêt ici commenté. La situation était assez proche de celle jugée par l’arrêt précédemment évoqué du 3 février 2010 en ce sens qu’un salarié victime d’un harcèlement moral auquel l’employeur avait mis fin, selon les constatations de la cour d’appel, avait saisi la juridiction prud’homale d’une demande en résiliation judiciaire aux torts de l’employeur. Au regard de l’application stricte de la notion d’obligation de sécurité de résultat faite dans l’arrêt de 2010, l’employeur avait certainement manqué à son obligation, quand bien même il avait pris des mesures en vue de faire cesser les agissements de harcèlement moral. Mais qu’en était-il au regard de l’évolution intervenue avec l’arrêt du 25 novembre 2015 ? Reprenant une formule proche de ce dernier arrêt, la Cour de cassation énonce dans l’arrêt du 1er juin 2016 que « ne méconnaît pas l’obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, notamment en matière de harcèlement moral, l’employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures de prévention prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail et qui, informé de l’existence de faits susceptibles de constituer un harcèlement moral, a pris les mesures immédiates propres à le faire cesser. » En d’autres termes, la solution adoptée le 25 novembre 2015 marquant une évolution jurisprudentielle dans l’application de l’obligation de sécurité de résultat est étendue à la situation de harcèlement moral en ce sens que l’employeur peut désormais s’exonérer de sa responsabilité en matière de harcèlement moral, quand un tel harcèlement s’est produit dans l’entreprise, mais pas à n’importe quelle(s) condition(s). En particulier, la seule circonstance qu’il a pris toutes les mesures immédiates propres à faire cesser le harcèlement moral et qu’il l’a fait cesser effectivement, circonstance nécessaire, n’est pas suffisante. Il importe également qu’il ait pris toutes les mesures de prévention visées aux articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail et notamment qu’il ait (préalablement) mis en œuvre des actions d’information et de formation « propres à prévenir la survenance de faits de harcèlement moral. » C’est d’ailleurs la raison pour laquelle, dans l’espèce, la décision de la cour d’appel qui avait rejeté la demande du salarié au motif que l’employeur avait introduit dans son règlement intérieur une procédure d’alerte en matière de harcèlement moral qu’il avait mise en œuvre pour y mettre fin, est censurée. Il ne résultait pas de ces seules constatations que l’employeur avait pris toutes les mesures de prévention visées aux articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail. Soc., 8 juin 2016 Rejet

4

Page 5: Table des matières du Bulletin/Mensuel de droit du …1er juin 2016 que « ne méconnaît pas l’obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer

Arrêt n° 1039 FP-P+B+R+I N° 14-13.418 - CA Nîmes, 7 janvier 2014 M. Frouin, Pt - M. Rinuy, Rap. - M. Richard de la Tour, Av. Gén. Sommaire Il résulte des dispositions des articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail que, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail. Dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Sous réserve d'exercer son office dans les conditions qui précèdent, le juge apprécie souverainement si le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et si l'employeur prouve que les agissements invoqués sont étrangers à tout harcèlement. Note : Jusqu’en 2008, la Cour de cassation n’exerçait pas de contrôle sur la qualification juridique de harcèlement moral donnée par l’article L. 1152-1 du code du travail, non plus que sur la bonne application du mécanisme probatoire prévu par l’article L. 1154-1 du même code. A partir de 2008, la Cour de cassation a décidé d’exercer un contrôle sur la qualification juridique de harcèlement moral et, notamment, sur l’application du mécanisme probatoire, essentiel pour cette qualification (Soc., 24 septembre 2008, pourvoi n° 06-43.504, pourvoi n° 06-45.579, pourvoi n° 06-45.794, Bull. 2008, V, n° 175 [3 arrêts]). Ainsi, a-t-il été jugé, en ce qui concerne la définition du harcèlement moral : - « qu'il résulte [de l'article L. 1152-1 du code du travail] que le harcèlement moral est constitué, indépendamment de l'intention de son auteur, dès lors que sont caractérisés des agissements répétés ayant pour effet une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte aux droits et à la dignité du salarié, d'altérer sa santé ou de compromettre son avenir professionnel » (Soc., 10 novembre 2009, pourvoi n° 08-41.497, Bull. 2009, V, n° 248), ce qui signifie que le harcèlement moral est caractérisé par la constatation de ses conséquences telles que légalement définies, peu important l'intention (malveillante ou non) de son auteur ; - « que peuvent caractériser un harcèlement moral les méthodes de gestion mises en œuvre par un supérieur hiérarchique dès lors qu'elles se manifestent pour un salarié déterminé par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet d'entraîner une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel » (Soc., 10 novembre 2009, pourvoi n° 07-45.321, Bull. 2009, V, n° 247), ce qui implique que le harcèlement moral peut procéder d'une organisation du travail, pour autant toutefois qu'il réponde aux conditions posées par la loi à l'égard d'un salarié déterminé ; - « qu'il résulte [de l'article L. 1152-1 du code du travail] que les faits constitutifs de

5

Page 6: Table des matières du Bulletin/Mensuel de droit du …1er juin 2016 que « ne méconnaît pas l’obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer

harcèlement moral peuvent se dérouler sur une brève période » (Soc., 26 mai 2010, pourvoi n° 08-43.152, Bull. 2010, V, n° 111) ; - « que l’employeur [devant] répondre des agissements des personnes qui exercent, de fait ou de droit une autorité sur les salariés, [il importe peu que l'auteur des faits de harcèlement moral soit un tiers dès lors qu'il était] chargé par l'employeur de mettre en place de nouveaux outils de gestion, devait former la responsable du restaurant et son équipe et pouvait dès lors exercer une autorité de fait sur les salariés » (Soc., 1er mars 2011, pourvoi n° 09-69.616, Bull. 2011, V, n° 53). S’agissant de la bonne application du mécanisme probatoire de l’article L. 1154-1 du code du travail, après avoir rappelé qu’au regard de ce texte, « le salarié n’est tenu que d’apporter [au juge] des éléments qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral » (Soc., 30 avril 2009, pourvoi n° 07-43.219, Bull. 2009, V, n° 120, la Cour de cassation a retenu successivement : - « qu’en application [des articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail], lorsque le salarié établit la matérialité de faits précis et concordants constituant selon lui un harcèlement, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral et, dans l'affirmative, [qu’] il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement » (Soc., 25 janvier 2011, pourvoi n° 09-42.766, Bull. 2011, V, n° 30) ; - « qu’il [appartient au juge] de dire si, pris dans leur ensemble, les éléments matériellement établis, dont les certificats médicaux, laissaient présumer l'existence d'un harcèlement moral » (Soc., 6 juin 2012, pourvoi n° 10-27.766, Bull. 2012, V, n° 170) ; - « que le juge doit se prononcer sur l'ensemble des éléments invoqués par le salarié afin de dire s'ils laissent présumer l'existence d'un harcèlement moral et, dans l'affirmative, apprécier les éléments de preuve fournis par l'employeur pour démontrer que les mesures en cause sont étrangères à tout harcèlement » (Soc., 19 décembre 2012, pourvoi n° 11-21.008). C’est au regard de ces solutions désormais acquises que doit se comprendre l’arrêt ici commenté qui, sans remettre en cause le contrôle exercé par la Cour de cassation sur la bonne application par les juges du fond du mécanisme probatoire, essentiel à la qualification du harcèlement moral, n’étend pas pour autant ce contrôle à l’appréciation des éléments de fait et de preuve que la Cour de cassation réserve traditionnellement au pouvoir souverain des juges du fond. Rappelant d’abord les dispositions légales régissant la définition juridique du harcèlement moral (article L. 1152-1 du code du travail) et le mécanisme probatoire (article L. 1154-1 du code du travail), la Cour de cassation reprend ensuite les solutions qu’elle a précédemment adoptées et qui viennent d’être énoncées en ce qui concerne l’office s’imposant au juge du fond, en vertu de ce mécanisme probatoire, pour la détermination de son appréciation sur la qualification juridique de harcèlement moral, avant de conclure que, sous réserve d’exercer son office dans les conditions ainsi décrites, le juge du fond apprécie souverainement, d’une part, si le salarié établit des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement, d’autre part, si l’employeur prouve que les agissements invoqués sont étrangers à tout harcèlement. Même si l’arrêt commenté ne concerne pas à proprement parler la définition proprement dite du harcèlement moral, il va de soi que les règles dégagées par la Cour de cassation relativement à cette définition et qui ont été rappelées plus haut sont maintenues et s’imposent

6

Page 7: Table des matières du Bulletin/Mensuel de droit du …1er juin 2016 que « ne méconnaît pas l’obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer

toujours au juge du fond. Mais, par cet arrêt rendu en formation plénière de la chambre sociale, la Cour de cassation retient désormais une voie médiane en matière de contrôle : ce contrôle, qui a permis depuis 2008 de mieux encadrer la démarche à suivre par le juge, n’est pas totalement abandonné aux juges du fond, mais il devient limité et recentré sur la vérification du respect par le juge du fond des règles s’imposant à lui pour la détermination de son appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve. On ajoutera que l’arrêt ici commenté constitue une nouvelle illustration d’une motivation enrichie à laquelle se livre la Cour de cassation depuis quelque temps dans certaines de ses décisions, puisqu’au lieu du paragraphe unique formulant la règle énoncée, l’arrêt explicite la règle en trois paragraphes constituant une argumentation (pour un autre exemple, voir Soc., 3 mai 2016, pourvoi n° 15-11.046, Bull. 2016, V, en cours de publication). *Respect des libertés individuelles et collectives du salarié Soc., 30 juin 2016 Cassation partielle Arrêt n° 1309 FS-P+B+R+I N° 15-10.557 - CA Basse-Terre, 13 octobre 2014 M. Frouin, Pt - Mme Mariette, Rap. - Mme Berriat, Av. Gén. Sommaire En raison de l'atteinte qu'il porte à la liberté d'expression, en particulier au droit pour les salariés de signaler les conduites ou actes illicites constatés par eux sur leur lieu de travail, le licenciement d'un salarié prononcé pour avoir relaté ou témoigné, de bonne foi, de faits dont il a eu connaissance dans l'exercice de ses fonctions et qui, s'ils étaient établis, seraient de nature à caractériser des infractions pénales, est atteint de nullité. Note : Depuis quelques années le législateur est intervenu pour protéger contre les mesures de représailles les salariés qui dénoncent des faits répréhensibles dont ils ont connaissance dans le cadre de leurs fonctions. L'alerte professionnelle telle qu'elle est conçue par les pouvoirs publics vise un objectif bien particulier : celui de mettre fin à une atteinte à un intérêt légalement protégé, ou à un comportement illégal. Il s’agit d’un droit d’alerte sur des sujets relevant de l’intérêt général. Ce que recouvre l’intérêt général a été progressivement précisé par la loi : il peut s’agir de faits de corruption (article 9 de la loi n° 2007-1598 du 13 novembre 2007 relative à la lutte contre la corruption, créant l’article L. 1161-1 du code du travail), d’agissements contraires au principe de non-discrimination (articles L. 1132-1 et L. 1132-4 du code du travail), de faits constitutifs de harcèlement sexuel ou moral (articles L. 1152-2 et L. 1152-3 du code du travail), de situations de conflit d’intérêts (article 25 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique).

7

Page 8: Table des matières du Bulletin/Mensuel de droit du …1er juin 2016 que « ne méconnaît pas l’obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer

Dernièrement, la loi n° 2013-1117 du 6 décembre 2013 relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière a inséré dans le code du travail l’article L. 1132-3-3 qui dispose notamment qu'aucune personne ne peut faire l'objet d'une mesure discriminatoire « pour avoir relaté ou témoigné, de bonne foi, de faits constitutifs d'un délit ou d'un crime dont il aurait eu connaissance dans l'exercice de ses fonctions », une telle mesure étant sanctionnée par la nullité de la mesure ou du licenciement, en application de l’article L. 1132-4 du même code. Le salarié doit agir de « bonne foi ». Ce principe de bonne foi, retenu par le droit français comme par la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, permet ainsi d’évaluer le sérieux de la démarche au service de l’intérêt général, davantage que l’exactitude de l’information révélée : il est un principe protecteur pour le lanceur d’alerte prudent et il lui garantit, en quelque sorte, un droit à l’erreur raisonnable, l’information révélée pouvant s’avérer par la suite inexacte, malgré des apparences solides de véracité. Dans l’affaire soumise à la chambre sociale de la Cour de cassation, le salarié, engagé en qualité de directeur administratif et financier par une association ayant pour mission de gérer un centre d’examen de santé partie intégrante du dispositif de santé publique en Guadeloupe, avait été licencié, en mars 2011, pour faute lourde, après avoir dénoncé au procureur de la République les agissements d’un membre du conseil d’administration et du président de l’association susceptibles de constituer une escroquerie ou un détournement de fonds publics. Si la cour d’appel a jugé ce licenciement sans cause réelle et sérieuse aux motifs que le salarié, dont la bonne foi ne pouvait être mise en cause, n’avait commis aucune faute en révélant les faits aux autorités judiciaires, elle a en revanche refusé d’annuler le licenciement, considérant que la nullité ne pouvait être prononcée en l’absence de texte la prévoyant puisque l’article L. 1132-3-3 du code du travail, issu de la loi du 6 décembre 2013, sanctionné par l’article L. 1132-4, précités, n’était pas applicable lors des faits. Dans le prolongement des décisions de la Cour européenne des droits de l'homme qui considèrent que les sanctions prises à l’encontre de salariés ayant critiqué le fonctionnement d’un service ou divulgué des conduites ou des actes illicites constatés sur leur lieu de travail constituent une violation de leur droit à la liberté d’expression au sens de l’article 10, §1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (CEDH, arrêt du 18 octobre 2011, Sosinowska, c. Pologne, n° 10247/09 ; CEDH, arrêt du 12 février 2008, Guja c. Moldavie, n° 14277/04), et de sa propre jurisprudence qui admet la nullité du licenciement ou de toute mesure de rétorsion qui portent atteinte à une liberté fondamentale du salarié (Soc., 6 février 2013, pourvoi n° 11-11.740, Bull. 2013, V, n° 27 ; Soc., 29 octobre 2013, pourvoi n° 12-22.447, Bull. 2013, V, n° 252), la chambre sociale de la Cour de cassation censure l’arrêt de la cour d’appel et affirme pour la première fois qu’ « en raison de l'atteinte qu'il porte à la liberté d'expression, en particulier au droit pour les salariés de signaler les conduites ou actes illicites constatés par eux sur leur lieu de travail, le licenciement d'un salarié prononcé pour avoir relaté ou témoigné, de bonne foi, de faits dont il a eu connaissance dans l'exercice de ses fonctions et qui, s'ils étaient établis, seraient de nature à caractériser des infractions pénales, est frappé de nullité ». Une telle décision est de nature à protéger les lanceurs d'alerte dans la mesure où, par ailleurs, la chambre sociale instaure cette immunité non seulement lorsque les faits illicites sont portés, comme en l’espèce, à la connaissance du procureur de la République, mais également, de façon plus générale, dès lors qu'ils sont dénoncés à des tiers.

8

Page 9: Table des matières du Bulletin/Mensuel de droit du …1er juin 2016 que « ne méconnaît pas l’obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer

3 - Modification dans la situation juridique de l'employeur Soc., 1er juin 2016 Rejet Arrêt n° 1075 FS-P+B N° 14-21.143 - CA Aix-en-Provence, 12 juin 2014 M. Frouin, Pt - Mme Depelley, Rap. - M. Petitprez, Av. Gén. Sommaire Lorsque l'application de l'article L. 1224-1 du code du travail entraîne une modification du contrat de travail autre que le changement d'employeur, le salarié est en droit de s'y opposer. Il appartient alors au cessionnaire, s'il n'est pas en mesure de maintenir les conditions antérieures, soit de formuler de nouvelles propositions, soit de tirer les conséquences de ce refus en engageant une procédure de licenciement. Doit être approuvée une cour d’appel qui a constaté que le transfert de l’entité économique à laquelle était rattaché le salarié avait entraîné par lui-même une modification de son contrat de travail et en a déduit que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse. Note : Les transferts d'entités économiques entraînant un transfert des contrats de travail en application de l'ancien article L. 122-12, devenu L. 1224-1, du code du travail, ont donné lieu à un important contentieux, souvent focalisé sur la définition de l'entité économique autonome. La présente espèce a permis à la Cour de cassation de se prononcer sur une autre question, à savoir les conséquences pour les salariés d'un tel transfert. En l'espèce, la salariée avait été embauchée en qualité de secrétaire comptable à compter du 15 novembre 2005. Elle exerçait ses fonctions à La Seyne sur Mer, dans le Var. Par lettre du 15 octobre 2011, son employeur l'a informé de la cession de sa branche d'activité à un nouvel employeur, et de ce que les modalités de son contrat restaient acquises à l'exception de son lieu de travail, désormais situé à Lyon. Par lettre du 21 octobre 2011, la salariée refusait la modification du fait de son éloignement géographique et des conséquences pour sa vie privée. Elle était licenciée pour cause personnelle le 25 novembre 2011 du fait du refus de changement dans ses conditions de travail. Contestant le bien-fondé de son licenciement, la salariée saisissait alors le conseil de prud'hommes de Toulon, qui la déboutait de ses demandes par jugement du 3 avril 2013. La cour d'appel d'Aix en Provence confirmait pour l'essentiel le jugement par arrêt du 12 juin 2014. La salariée formait alors un pourvoi, invoquant, notamment, que la possibilité pour la salariée de s'opposer à la modification du contrat de travail résultant du changement d'employeur ne pouvait constituer un motif de licenciement. Ce moyen a conduit la chambre sociale à préciser sa jurisprudence antérieure. En effet, dans un arrêt du 30 mars 2010 (Soc., 30 mars 2010, pourvoi n° 08-44.227, Bull. 2010, V, n° 79 (rejet)), la chambre avait jugé que « lorsque l'application de l'article L. 1224-1 du code du travail entraîne une modification du contrat de travail autre que le changement d'employeur,

9

Page 10: Table des matières du Bulletin/Mensuel de droit du …1er juin 2016 que « ne méconnaît pas l’obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer

le salarié est en droit de s'y opposer ; qu'il appartient alors au cessionnaire, s'il n'est pas en mesure de maintenir les conditions antérieures, soit de formuler de nouvelles propositions, soit de tirer les conséquences de ce refus en engageant une procédure de licenciement. » En l'espèce, et contrairement à l'employeur dans l'affaire qui avait donné lieu à l'arrêt du 30 mars 2010, le cessionnaire avait entamé une procédure de licenciement. La Cour de cassation a donc été amenée à préciser que, dès lors que la modification du contrat de travail était entraînée par le changement d'employeur lui-même, et ne relevait pas d'une modification unilatérale du contrat par ce dernier, le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse. Et ce, alors même que le refus de la salariée d'accepter la modification de son contrat de travail n'était pas fautif. Il s'agit là d'un motif de licenciement autonome, comme l'avait anticipé le commentaire à la Revue de Droit Social (Revue Droit Social 2010, 856) de l'arrêt du 30 mars 2010 précité. Le pourvoi devait donc être rejeté. *Cession de l’entreprise dans le cadre d’une procédure de liquidation judiciaire Soc., 30 juin 2016 Rejet Arrêt n° 1306 FS-P+B N° 14-26.172 - CA Reims, 10 septembre 2014 M. Frouin, Pt - M. Chauvet, Rap. - Mme Berriat, Av. Gén. Sommaire L'employeur peut s'engager à prendre en charge, dans le cadre d'un plan de cession adopté parle tribunal de commerce, dont les salariés peuvent se prévaloir, des droits acquis attachés aux contrats de travail transférés et doit dès lors garantir le cédant du montant des créances salariales dues au titre du travail accompli au service de ce dernier.

B - DURÉE DU TRAVAIL ET RÉMUNÉRATIONS 1- Durée du travail, repos et congés *Durée du travail des cadres Soc., 22 juin 2016 Cassation partielle Arrêt n° 1284 FS-P+B+R N° 14-29.246 - CA Paris, 22 octobre 2014 M. Frouin, Pt. - Mme Goasguen, Rap. - M. Beau, Av. Gén. Sommaire Selon l’article L. 3111-2 du code du travail, sont considérés comme ayant la qualité de cadres dirigeants les cadres auxquels sont confiées des responsabilités dont l’importance implique une grande indépendance dans l’organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à

10

Page 11: Table des matières du Bulletin/Mensuel de droit du …1er juin 2016 que « ne méconnaît pas l’obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer

prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans leur entreprise ou établissement. Si les trois critères fixés par ce texte impliquent que seuls relèvent de cette catégorie les cadres participant à la direction de l’entreprise, il n’en résulte pas que la participation à la direction de l’entreprise constitue un critère autonome et distinct se substituant aux trois critères légaux. Note : Cet arrêt s’inscrit dans le prolongement d’un précédent du 31 janvier 2012 (Soc., 31 janvier 2012, pourvoi n° 10-24.412, Bull. 2012, V, n° 45), publié et commenté au BICC et au Rapport annuel (BICC n° 761, 1er mai 2012, n° 632, p. 44 ; Rapport 2012, p. 414 ); dont il est apparu nécessaire de clarifier la portée en ce qu’il précise, à propos de la notion de cadre dirigeant au sens de l’article L. 3111-2 du code du travail, que les trois critères cumulatifs énoncés par ce texte « impliquent que seuls relèvent de cette catégorie les cadres participant à la direction de l’entreprise ». Il s’agissait alors d’une salariée cadre – responsable de la collection hommes dans l’industrie de l’habillement – qui, bien que réunissant les trois critères légaux (autonomie dans la prise de décision, dans l’organisation de son emploi du temps et niveau élevé de rémunération), avait été jugée comme ne pouvant relever de la catégorie de cadre dirigeant au motif qu’elle n’était pas associée à la direction de l’entreprise. La « participation à la direction de l’entreprise » introduite par l’arrêt précité n’a pas été conçue comme un quatrième critère du cadre dirigeant, ce qui aurait été contraire au texte. Il s’agissait, dans une perspective de cantonnement de cette catégorie de cadre exclue de la réglementation de la durée du travail, de mettre en évidence la caractéristique permettant aux juges du fond de distinguer le cadre dirigeant d’un cadre supérieur susceptible de réunir les trois critères légaux sans pour autant peser sur la politique économique, financière, commerciale et sociale de l’entreprise, ce qui ne concerne que des situations assez rares (commerciaux, créatifs dans l’industrie du luxe...). Ainsi que l’indiquait le Rapport annuel 2012 précité (p. 415 ; BICC n° 761 préc. p. 45) : « On comprend bien que, sans constituer à proprement parler un critère supplémentaire, la participation à la direction de l’entreprise est induite par la notion même de cadre dirigeant telle qu’elle est caractérisée par le texte ». Pourtant, force est de constater une tendance des juridictions du fond à faire de la participation à la direction de l’entreprise un critère autonome, distinct, voire unique, comme c’était le cas dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 22 juin 2016 ici commenté. En l’espèce, la salariée était directrice commerciale d’une société relevant de la convention collective nationale du commerce de détail de l’habillement. Pour condamner l’employeur à lui payer des heures supplémentaires, l’arrêt avait retenu qu’elle était à tort considérée comme un cadre dirigeant au sens de l’article L. 3111-2 du code du travail dès lors qu’il n’était pas démontré que l’intéressée participait réellement à la direction de l’entreprise, ce qui supposait un partage des responsabilités avec le gérant. En substituant aux trois critères légaux celui de la participation à la direction de l’entreprise,

11

Page 12: Table des matières du Bulletin/Mensuel de droit du …1er juin 2016 que « ne méconnaît pas l’obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer

qu’elle caractérise de surcroît comme un « partage des responsabilités » avec le gérant, alimentant ainsi la confusion entre dirigeant de l’entreprise et cadre dirigeant, cette décision illustre une forme de dérive, peut-être encouragée par quelques précédents qui ont censuré des cours d’appel pour n’avoir pas caractérisé la participation du salarié à la direction de l’entreprise (Soc., 26 novembre 2013, pourvoi n° 12-22.200, Bull. 2013, V, n° 283, s’agissant d’un vice-président recherche et développement ; Soc., 2 juillet 2014, pourvoi n° 12-19.759, Bull. 2014, V, n° 174 s’agissant d’une directrice d’agence immobilière). Un recentrage était nécessaire, d’où cet arrêt du 22 juin 2016, dont le chapeau se limite à la reproduction du texte de l’article L. 3111-2 du code du travail et dans lequel la chambre sociale de la Cour de cassation précise que « si les trois critères fixés par l’article L. 3111-2 du code du travail impliquent que seuls relèvent de la catégorie des cadres dirigeants les cadres participant à la direction de l’entreprise, il n’en résulte pas que la participation à la direction de l’entreprise constitue un critère autonome et distinct se substituant aux trois critères légaux ». Le présent arrêt peut se lire en creux comme un retour aux sources (le texte légal) sans renonciation à l’idée dont il est porteur, à savoir que si le cadre dirigeant au sens de l’article L. 3111-2 du code du travail doit s’entendre de manière stricte, il ne se confond pas avec le dirigeant de l’entreprise. *Congés payés Soc., 22 juin 2016 Cassation partielle Arrêt n° 1289 FS-P+B+R+I N° 15-20.111 - CA Reims, 22 avril 2015 M. Frouin, Pt - M. Flores, Rap. - M. Beau, Av. Gén. Sommaire n° 1 La cour d'appel, qui a constaté que la société était délégataire de l'exploitation d'un réseau de transport en commun intérieur, qu'un tel délégataire assurait un service public dont l'étendue, les modalités et les tarifs étaient fixés par l'autorité publique organisatrice et que les agents du réseau de transport public étaient habilités par la loi et le règlement à constater des contraventions, a ainsi caractérisé l'existence d'un organisme chargé en vertu d'un acte de l'autorité publique d'accomplir, sous le contrôle de cette dernière, un service d'intérêt public et disposant à cet effet de pouvoirs exorbitants par rapport aux règles applicables dans les relations entre particuliers, qui peut se voir opposer les dispositions d'une directive susceptible d'avoir des effets directs. Sommaire n° 2 Si des dispositions ou pratiques nationales peuvent limiter le cumul des droits au congé annuel payé d’un travailleur en incapacité de travail pendant plusieurs périodes de référence consécutives au moyen d’une période de report à l’expiration de laquelle le droit au congé annuel payé s’éteint, dès lors que cette période de report dépasse substantiellement la durée de la période de référence pour laquelle elle est accordée, l’article L. 3141-5, 5°, du code du travail a pour objet de limiter à un an la période pendant laquelle un salarié en arrêt de maladie pour cause d’accident du travail ou de maladie professionnelle peut acquérir des

12

Page 13: Table des matières du Bulletin/Mensuel de droit du …1er juin 2016 que « ne méconnaît pas l’obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer

droits à congés payés et non d’organiser la perte de droits acquis qui n’auraient pas été exercés au terme d’un délai de report. Sommaire n° 3 Aux termes de l'article 7 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail, les Etats membres prennent les mesures nécessaires pour que tout travailleur bénéficie d'un congé annuel d'au moins quatre semaines, conformément aux conditions d'obtention et d'octroi prévues par les législations et/ou pratiques nationales. Viole ces dispositions précises et inconditionnelles dont elle faisait une application directe, la cour d'appel qui a accordé au salarié des droits à congés payés supérieurs à quatre semaines. Note : Conformément à l’article L. 3141-3 du code du travail, les salariés ont droit à un congé payé de deux jours et demi ouvrables par mois de travail effectif chez le même employeur. L’acquisition des droits à congé payé reposant sur le travail effectif, un salarié absent n’en acquiert aucun. L’article L. 3141-5 introduit toutefois quelques correctifs en assimilant certaines absences à du travail effectif, comme par exemple les périodes de congé payé, de congé maternité ou paternité, ou encore les périodes pendant lesquelles l’exécution du contrat de travail est suspendue pour cause d’accident du travail ou de maladie professionnelle, mais dans la limite d’une durée ininterrompue d’un an. De son côté le droit de l’Union européenne garantit un droit à congé payé annuel d’une durée de quatre semaines (directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail, article 7). Contrairement à ce que prévoit le code du travail français, ce droit à congé n’est pas subordonné à l’exécution d’un travail effectif. Au contraire, la Cour de justice de l’Union Européenne considère de façon constante qu’il s’agit d’un principe du droit social de l’Union européenne revêtant une importance particulière, auquel il ne peut être dérogé que dans les conditions prévues par la directive (CJUE, arrêt du 24 janvier 2012, Dominguez, C-282/10). Ce droit à congé payé est attaché à la qualité de travailleur et celui-ci ne peut pas en être privé en cas d’absence indépendante de sa volonté, comme un arrêt pour cause de maladie (CJCE, arrêt du 20 janvier 2009, Schultz-Hoff e.a., C-350/06). La contrariété entre les exigences du droit de l’Union européenne et le code du travail a conduit la Cour de cassation à suggérer une réforme de ce dernier afin de le mettre en conformité avec la directive du 4 novembre 2003 (Rapport Annuel 2013, p. 66 ; Rapport annuel 2014, p. 43, Rapport annuel 2015, p. 33). En l’état des textes, il incombe au juge d’appliquer les règles de droit interne, et, en faisant application des méthodes d’interprétation prévues par celui-ci, d’aboutir à une solution conforme à la finalité poursuivie par la directive. C’est ce qui a été fait par la chambre sociale de la Cour de cassation lorsque, après renvoi préjudiciel à la Cour de justice de l’Union européenne (Soc., 2 juin 2010, pourvoi n° 08-44.834 ; CJUE, arrêt du 24 janvier 2012, Dominguez, C-282/10, préc.), elle a, dans un premier temps, opéré un revirement par rapport à sa jurisprudence antérieure (Soc., 11 mai 2005, pourvoi n° 04-44.065, Bull. 2005, V, n° 163 ; Soc. 7 mars 2007, pourvoi n° 05-46.025, Bull. 2007, V, n° 40) en décidant que les périodes limitées à une durée ininterrompue d'un an pendant lesquelles l'exécution du contrat de travail est suspendue pour cause d'accident du travail ou de maladie professionnelle entrent en ligne de compte pour l'ouverture

13

Page 14: Table des matières du Bulletin/Mensuel de droit du …1er juin 2016 que « ne méconnaît pas l’obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer

du droit à congé régi par l'article L. 3141-3 du code du travail. Dans un second temps, et toujours afin d’assurer l’effectivité de la directive, elle a considéré que l’absence pour cause d’accident de trajet devait être assimilée à l’absence pour cause d’accident du travail (Soc., 3 juillet 2012, pourvoi n° 08-44.834, Bull. 2012, V, n° 204). Mais, l’office du juge dans la conciliation du droit de l’Union et du droit interne se heurte à l’impossibilité de se livrer à une interprétation contra legem de ce dernier. C’est ainsi que la chambre sociale a jugé que la directive 2003/88/CE ne permettant pas, dans un litige entre des particuliers, d'écarter les effets d'une disposition de droit national contraire, un salarié ne pouvait prétendre au paiement d’une indemnité compensatrice de congés payés au titre d’une période de suspension du contrat de travail ne relevant pas de l’article L. 3141-5 du code du travail (Soc., 13 mars 2013, pourvoi n° 11-22.285, Bull. 2013, V, n° 73). Telle était la situation en l’espèce puisque le salarié sollicitait le paiement d’une indemnité de congés payés pour une période d’accident de travail excédant la durée ininterrompue d’un an à laquelle l’article L. 3141-5 limite l’assimilation à du travail effectif. Pour autant, le juge devait vérifier si le litige ne relevait pas d’une hypothèse d’effet direct vertical, où les termes mêmes de la directive peuvent être opposés à l’employeur. En effet, la CJUE considère qu’un Etat membre ne doit pas pouvoir tirer avantage de sa méconnaissance du droit de l’Union (CJCE, arrêt du 26 février 1986, Marschall/Southampton and South-West Hampshire Area Health Authority, C-152/84 ; CJCE, arrêt du 12 juillet 1990, A. Foster e.a./Bristish Gas plc., C-188/89). Or, un particulier peut se prévaloir d’une directive à l’encontre d’un Etat, quelle que soit la qualité de ce dernier au moment où il agit, employeur ou autorité publique. La jurisprudence de la CJUE retient en conséquence que constitue une entité qui peut se voir opposer les dispositions d’une directive susceptible d’avoir des effets directs un organisme qui, quelle que soit sa forme juridique, a été chargé en vertu d’un acte de l’autorité publique d’accomplir, sous le contrôle de cette dernière, un service d’intérêt public et qui dispose à cet effet, de pouvoirs exorbitants par rapport aux règles applicables dans les relations entre particuliers (CJCE, arrêt du 12 juillet 1990, A. Foster e.a./Bristish Gas plc., C-188/89, préc.). Tel était également le cas en l’espèce : certes, l’employeur était une société de droit privé, mais la cour d’appel avait constaté que celle-ci était délégataire de l’exploitation d’un réseau de transports en commun intérieurs, assurait un service public dont l’étendue, les modalités et les tarifs étaient fixés par l’autorité publique et que les agents du réseau de transport public étaient habilités par la loi et le règlement à constater les contraventions. Dès lors, les critères de la jurisprudence Foster de la CJUE étaient réunis pour opposer à l’employeur les dispositions précises et inconditionnelles de l’article 7 de la directive (CJUE, arrêt du 24 janvier 2012, Dominguez, C-282/10, préc.). Le salarié avait donc droit, en vertu du droit de l’Union, au paiement d’une indemnité compensatrice de congé payé qui lui était refusée par le code du travail. Cependant, dès lors qu’elle faisait application des dispositions de l’article 7 de la directive 2003/88/CE précitée, la cour d’appel aurait dû en rester aux termes de celle-ci. Or, elle a accordé une indemnité de congés payés supérieure aux quatre semaines garanties par la directive, en se fondant sur les calculs faits par le salarié sur la base du droit interne, dans une hypothèse où celui-ci n’ouvre pourtant pas de tels droits à congé payé. C’est pourquoi, après avoir approuvé la cour d’appel en ce qu’elle avait reconnu l’effet direct des dispositions précises et inconditionnelles de l’article 7 de la directive, La Cour de cassation censure néanmoins l’arrêt au visa de ce texte, en ce qu’il avait accordé des droits supérieurs à ce que

14

Page 15: Table des matières du Bulletin/Mensuel de droit du …1er juin 2016 que « ne méconnaît pas l’obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer

prévoit le droit de l’Union européenne. *Convention de forfait jours Soc., 22 juin 2016 Cassation partielle Arrêt n° 1286 FS-P+B N° 14-15.171 - CA Agen, 4 février 2014 M. Frouin, Pt. - Mme Aubert-Monpeyssen, Rap. - M. Beau, Av. Gén. Sommaire Le non-respect par l'employeur de l'obligation de consulter le comité d'entreprise sur le recours au forfait en jours, n'a pas pour effet la nullité de la convention individuelle de forfait en jours. 2- Rémunérations Soc., 22 juin 2016 Rejet Arrêt n° 1288 FS-P+B N° 15-15.986 - CA Limoges, 2 février 2015 M. Frouin, Pt - M. Flores, Rap. - M. Beau, Av. Gén. Sommaire La détermination de la résidence habituelle du salarié, sur la base de laquelle ce dernier peut, conformément à l'article L. 3261-2 du code du travail, solliciter la prise en charge par l'employeur des titres d'abonnement souscrits pour les déplacements entre celle-ci et le lieu de travail, relève du pouvoir souverain des juges du fond. *Salaire (à travail égal, salaire égal) Soc., 8 juin 2016 Cassation partielle sans renvoi Arrêt n° 1040 FP-P+B+R+I N° 15-11.324 - CA Rouen, 25 novembre 2014 M. Frouin, Pt - Mme Ducloz, Rap. - M. Richard de la Tour, Av. Gén. Sommaire Les différences de traitement entre catégories professionnelles ou entre des salariés exerçant, au sein d'une même catégorie professionnelle, des fonctions distinctes, opérées par voie de convention ou d'accord collectifs, négociés et signés par les organisations syndicales représentatives, investies de la défense des droits et intérêts des salariés et à l'habilitation desquelles ces derniers participent directement par leur vote, sont présumées justifiées de sorte qu'il appartient à celui qui les conteste de démontrer qu'elles sont étrangères à toute considération de nature professionnelle. Note :

15

Page 16: Table des matières du Bulletin/Mensuel de droit du …1er juin 2016 que « ne méconnaît pas l’obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer

Par des arrêts du 27 janvier 2015 (Soc., 27 janvier 2015, pourvoi n° 13-14.773, Bull. 2015, V, n° 8 ; Soc., 27 janvier 2015, pourvoi n° 13-22.179, Bull. 2015, V, n° 9 ; Soc., 27 janvier 2015, pourvoi n° 13-25.437, Bull. 2015, V, n° 10), la chambre sociale de la Cour de cassation, rompant avec sa jurisprudence antérieure (Soc., 8 juin 2011, pourvoi n° 10-11.933, Bull. 2011, V, n° 143 et Soc., 8 juin 2011, pourvoi n° 10-14.725, Bull. 2011, V, n° 155), a jugé que les différences de traitement entre catégories professionnelles opérées par voie de conventions ou d'accords collectifs, négociés et signés par des organisations syndicales représentatives, investies de la défense des droits et intérêts des salariés et à l'habilitation desquelles ces derniers participent directement par leur vote, sont présumées justifiées de sorte qu'il appartient à celui qui les conteste de démontrer qu'elles sont étrangères à toute considération de nature professionnelle. Il a ainsi été créé une présomption de justification des différences de traitement entre catégories professionnelles distinctes résultant d’accords collectifs, et c’est désormais au salarié qui entend renverser cette présomption d’établir que ces différences sont étrangères à toute considération de nature professionnelle. Le fondement de cette présomption est que les négociateurs sociaux agissent par délégation de la loi et qu’ils doivent, en conséquence, disposer, dans la mise en œuvre du principe d’égalité de traitement, d’une marge d’appréciation comparable à celle que le Conseil constitutionnel reconnaît au législateur dans le contrôle qu’il exerce sur le respect par celui-ci du principe constitutionnel d’égalité. Par la décision ici commentée, la chambre sociale de la Cour de cassation ne limite plus le champ d’application de cette présomption de justification aux seules différences de traitement entre catégories professionnelles, mais l’étend aux différences de traitement opérées par voie d’accord collectif entre des salariés exerçant, au sein d'une même catégorie professionnelle, des fonctions distinctes. Le fait que les différences de traitement entre catégories professionnelles ou entre des fonctions distinctes au sein d’une même catégorie professionnelle procèdent toutes d’une même source, à savoir un accord collectif négocié par les partenaires sociaux représentatifs, commandait une identité de régime et donc l’extension du champ d’application de la présomption de justification à laquelle procède la chambre sociale.

C - SANTÉ ET SÉCURITÉ AU TRAVAIL 5- Travailleur victime de l’amiante *Préjudice d’anxiété Soc., 22 juin 2016 Cassation partielle Arrêt n° 1258 FS-P+B N° 14-28.175 - CA Aix-en-Provence, 3 octobre 2014 M. Frouin, Pt - Mme Mariette, Rap. - Mme Robert, Av. Gén. Sommaire

16

Page 17: Table des matières du Bulletin/Mensuel de droit du …1er juin 2016 que « ne méconnaît pas l’obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer

Même s'il est éligible à l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (ACAATA), le salarié ne peut obtenir réparation d'un préjudice spécifique d'anxiété par une demande dirigée contre une société qui n'entre pas dans les prévisions de l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998. Note : L’article 41 de la loi n° 98-1194 de financement de la sécurité sociale pour 1999 du 23 décembre 1998, modifié par la loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012, a institué, en faveur des travailleurs qui ont été particulièrement exposés à l’amiante salariés, un mécanisme de départ anticipé à la retraite. Sous certaines conditions, tenant à l’âge des salariés, à la période de travail dans l’établissement et à l’inscription de ce dernier sur une liste établie par arrêté conjoint des ministres chargés du travail, de la sécurité sociale et du budget, les intéressés peuvent ainsi prétendre au versement d’une allocation de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante (dite ACAATA), et ce, jusqu’au moment de leur admission au bénéfice d’une pension de vieillesse à taux plein. Très vite en effet s’est posée la question de savoir si le bénéfice de l’ACAATA constituait l’unique indemnisation du risque subi par le salarié, ou si ce dernier pouvait solliciter devant les tribunaux une indemnisation complémentaire, en faisant état d’un préjudice lié à son angoisse de tomber malade. Dans un arrêt de principe rendu en formation plénière le 11 mai 2010, la Haute Juridiction a accepté la revendication de travailleurs de l’amiante tendant à la réparation de leur préjudice spécifique d’anxiété (Soc., 11 mai 2010, pourvoi n° 09-42.241, Bull. 2010, V, n° 106). Ce préjudice, qui ne résulte pas de la seule exposition à un risque créé par l’amiante, est constitué par les troubles psychologiques qu’engendre la connaissance de ce risque par les salariés (Soc., 2 juillet 2014, pourvoi n° 12-29.788, Bull. 2014, V, n° 160) y compris ceux liés au bouleversement dans les conditions d’existence, résultant du risque de déclaration à tout moment d’une maladie liée à cette substance (Soc., 2 avril 2014, pourvoi n° 12-29.825, Bull. 2014, V, n° 95 ; Soc., 3 mars 2015, pourvoi n° 13-20.474, Bull. 2015, V, n° 42 ; Soc., 27 janvier 2016, pourvoi n° 15-10.640, Bull. 2016, V, en cours de publication). En revanche, la réparation de ce préjudice spécifique est réservé aux seuls salariés travaillant dans les établissements inscrits sur liste ministérielle. Ainsi, le salarié exposé à l’amiante au cours de son activité professionnelle, mais dans un établissement non inscrit sur liste ministérielle ne peut prétendre à cette réparation (Soc., 3 mars 2015, pourvoi n° 13-20.486, Bull. 2015, V, n° 31 ; Soc., 3 mars 2015, pourvoi n° 13-26.175, Bull. 2015, V, n° 41). A l’inverse, ce préjudice spécifique peut être invoqué par un salarié travaillant dans un établissement inscrit sur la liste des sites ouvrant droit au bénéfice de l’ACAATA, sans avoir, pour autant, opté pour ce dispositif (Soc., 3 mars 2015, pourvoi n° 13-20.486, préc.).

17

Page 18: Table des matières du Bulletin/Mensuel de droit du …1er juin 2016 que « ne méconnaît pas l’obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer

Si les règles paraissent ainsi bien établies s’agissant du titulaire du droit à réparation, les contentieux récents ont toutefois fait apparaître de nouvelles difficultés s’agissant de l’entreprise tenue à l’indemnisation. L’arrêt commenté nous en fournit une parfaite illustration. En l’espèce, une société exerçant son activité dans le secteur de l’industrie chimique avait mis ses salariés à disposition d’une autre société dont les établissements fabriquaient des matériaux contenant de l’amiante. Les intéressés avaient été affectés pendant plusieurs années sur un site figurant sur la liste, établie par l’arrêté ministériel du 24 avril 2002, des établissements ouvrant droit à l’ACAATA. Trente-deux de ces salariés ont saisi initialement le conseil de prud’hommes de demandes tendant à faire reconnaître l’inexécution, par leur employeur, de ses obligations en matière de participation. Devant la cour d’appel, ces derniers ont appelé en la cause la société d’accueil et, ajoutant à leurs prétentions initiales, sollicité sa condamnation in solidum avec leur employeur à leur payer des dommages-intérêts en réparation de leur préjudice d’anxiété. Après avoir déclaré irrecevables l’intervention forcée de l’entreprise d’accueil et les demandes formulées à son encontre, les juges d’appel ont condamné l’employeur à payer à chacun de ses salariés une somme à titre d’indemnisation du préjudice d’anxiété. La décision était motivée, notamment, par le fait que les salariés avaient travaillé dans un atelier de fabrication de chlore près de sources d’amiante sans protection particulière, et étaient intervenus dans des postes électriques dans lesquels les planchers étaient en fibro-amiante, sans que l’employeur ne prenne à leur égard toutes les mesures nécessaires à la protection de leur santé et de leur sécurité. C’est contre cette décision que l’employeur a formé pourvoi. En l’occurrence, la difficulté posée tenait au fait que, si les salariés avaient bien travaillé sur un site inscrit par arrêté ministériel sur la liste des établissements susceptibles d’ouvrir droit à l’ACAATA, cet établissement n’appartenait pas à leur employeur, mais à une société liée contractuellement à ce dernier. L’employeur des requérants ne faisait donc l’objet d’aucune inscription au sens de l’article 41 de la loi de 1998 précitée. Pour autant, pouvait-il être déclaré débiteur de l’obligation de réparer le préjudice d’anxiété de ses salariés ? La Haute juridiction répond négativement à cette question, en jugeant que « même s’il est éligible à l’allocation de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante, le salarié ne peut obtenir réparation d’un préjudice spécifique d’anxiété par une demande dirigée contre une société qui n’entrait pas dans les prévisions de l’article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 ». C’est dire que seuls les employeurs dont les établissements sont mentionnés à l’article 41 et figurent sur une liste établie par arrêté ministériel sont responsables du préjudice d’anxiété subi par leurs salariés et doivent le réparer.

18

Page 19: Table des matières du Bulletin/Mensuel de droit du …1er juin 2016 que « ne méconnaît pas l’obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer

La décision de la cour d’appel devait donc être cassée, en ce qu’elle avait étendu le droit à indemnisation des travailleurs de l’amiante au-delà des limites fixées par la loi. Cette solution se situe dans la droite ligne d’un arrêt du 15 décembre 2015 au terme duquel la chambre sociale avait décidé que même s’il est éligible à l’ACAATA, le docker professionnel ne peut obtenir réparation d’un préjudice spécifique d’anxiété par une demande dirigée contre une société d’acconage, faute pour cette dernière d’entrer dans les prévisions légales (Soc., 15 décembre 2015, pourvoi n° 14-22.441, Bull. 2015, V, en cours de publication).

D - ACCORDS COLLECTIFS ET CONFLITS COLLECTIFS DU TRAVAIL

1- Accords et conventions collectives *Champ d’application Soc., 1er juin 2016 Cassation partielle sans renvoi Arrêt n° 1071 FS-P+B+I N° 15-12.276 - CA Paris, 16 octobre 2014 M. Frouin, Pt - Mme Mariette, Rap. - M. Petitprez, Av. Gén. Sommaire n° 1 Le Conseil constitutionnel, dans sa décision n° 2013-672 DC du 13 juin 2013, a énoncé que la déclaration d'inconstitutionnalité de l'article L. 912-1 du code de la sécurité sociale n'était pas applicable aux contrats pris sur ce fondement, en cours lors de la publication de sa décision et liant les entreprises à celles qui sont régies par le code des assurances, aux institutions relevant du titre III du code de la sécurité sociale et aux mutuelles relevant du code de la mutualité. Il en résulte que les contrats en cours sont les actes ayant le caractère de conventions ou d'accords collectifs ayant procédé à la désignation d'organismes assureurs pour les besoins du fonctionnement des dispositifs de mutualisation que les partenaires sociaux ont entendu mettre en place, voire les actes contractuels signés par eux avec les organismes assureurs en vue de lier ces derniers et de préciser les stipulations du texte conventionnel de branche et ses modalités de mise en oeuvre effective. Est en conséquence cassé l'arrêt qui énonce que les pharmacies d’officine qui n’avaient pas encore, au jour de la publication de la décision du Conseil constitutionnel du 13 juin 2013, satisfait à l’obligation d’adhérer aux contrats types avec l’organisme gestionnaire du régime de prévoyance désigné par les partenaires sociaux aux termes de l’accord de branche du 8 décembre 2011, ne peuvent plus y être contraintes, alors que cet accord collectif étendu par arrêté du 19 décembre 2012 était en cours lors de la publication de la décision du Conseil constitutionnel, de sorte que l’ensemble des entreprises entrant dans le champ d’application de l’accord restait tenu d’adhérer au régime géré par l’organisme désigné par les partenaires sociaux. Sommaire n° 2

19

Page 20: Table des matières du Bulletin/Mensuel de droit du …1er juin 2016 que « ne méconnaît pas l’obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer

Il résulte de l'arrêt du 17 décembre 2015 de la Cour de justice de l'Union européenne (C-25/14 et C-26/14) que c'est l'intervention de l'autorité publique - par le biais de l'arrêté d'extension - qui est à l'origine de la création d'un droit exclusif et qui doit ainsi, en principe, avoir lieu dans le respect de l'obligation de transparence découlant de l'article 56 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE). S'agissant de la décision d'extension prise par l'autorité publique, la Cour de justice, dans le même arrêt, a jugé que sans nécessairement imposer de procéder à un appel d'offres, l'obligation de transparence implique un degré de publicité adéquat permettant à l'autorité publique compétente de tenir compte des informations soumises, relatives à l'existence d'une offre plus avantageuse. Les accords collectifs de branche instituant un régime de protection sociale complémentaire ne relèvent donc pas du champ d'application de l'article 56 du TFUE qui n'impose aucune obligation de transparence aux partenaires sociaux lesquels ne sont pas un pouvoir adjudicateur soumis aux règles régissant les marchés publics ou la commande publique et ne peuvent être liés, le cas échéant, que par les règles conventionnelles qu'ils ont pu établir relativement aux conditions de choix de l'organisme assureur. Note : Cet arrêt est l’occasion pour la chambre sociale de rappeler une nouvelle fois la portée de la décision n° 2013-672 DC du 13 juin 2013 du Conseil constitutionnel en matière d’accords de prévoyance qui, tout en déclarant l'article L. 912-1 du code de la sécurité sociale inconstitutionnel au nom d'une atteinte disproportionnée à la liberté contractuelle et à la liberté d'entreprendre, prévoit que cette déclaration d’inconstitutionnalité « n'est toutefois pas applicable aux contrats pris sur ce fondement, en cours lors de cette publication et liant les entreprises à celles qui sont régies par le code des assurances, aux institutions relevant du titre III (1) du code de la sécurité sociale et aux mutuelles relevant du code de la mutualité » (considérant 14). La notion de “contrat en cours” doit-elle s’entendre des actes contractuels en cours liant les entreprises relevant du champ d’application de la convention collective de la boulangerie aux organismes assureurs désignés par les partenaires sociaux, comme l’a jugé en l’espèce la cour d’appel, ou s’agit-il de l’acte de nature conventionnelle signé par les partenaires sociaux désignant le gestionnaire du régime de prévoyance ? Le Conseil d’Etat, saisi par le Premier ministre de l’interprétation de cette décision du Conseil constitutionnel, dans son avis du 26 septembre 2013 (CE, avis n° 387895), a privilégié la seconde interprétation. Cette solution a été adoptée également par la chambre sociale de la Cour de cassation dans un précédent arrêt du 11 février 2015 (Soc., pourvoi n°14-13.538, Bull. 2015, V, n° 28), que la chambre sociale réaffirme aujourd’hui. En conséquence tous les dispositifs conventionnels, conventions et avenants conclus avant le 13 juin 2013, en cours, continuent d’être régis par l’article L. 912-1 du code de la sécurité sociale et de s’imposer aux entreprises jusqu’à leur terme. Plusieurs arguments permettent de justifier ce choix : - la formulation du considérant 14 de la décision du Conseil constitutionnel ne mentionne pas les "contrats souscrits entre" les entreprises et les organismes assureurs mais les "contrats pris sur le fondement" de l' article L. 912-1 du code de la sécurité sociale, lequel vise les accords collectifs professionnels et interprofessionnels;

20

Page 21: Table des matières du Bulletin/Mensuel de droit du …1er juin 2016 que « ne méconnaît pas l’obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer

- le considérant 11 qui vise un contrat négocié au niveau de la branche et au contenu totalement prédéfini invite à considérer que l'acte visé est celui de nature conventionnelle signé par les partenaires sociaux; - le commentaire diffusé par le Conseil constitutionnel, figurant aux Nouveaux Cahiers du Conseil constitutionnel (p.16) précise que « la censure de l’article L. 912-1 du code de la sécurité sociale doit (...) conduire à ce qu’aucune nouvelle convention ne soit passée sur le fondement de ces dispositions. Les conventions déjà conclues continueront de produire leurs effets jusqu’à leur terme normal ». Le terme de convention fait manifestement référence à l'institution propre au droit social qu'est la convention collective. Une autre interprétation aurait conduit à priver de base légale les clauses de désignation et de migration figurant dans un nombre important d’accords de branche et à remettre ainsi en cause l’obligation généralisée à l’ensemble des entreprises de la branche de souscrire un contrat auprès de l’organisme gestionnaire désigné par les partenaires sociaux, ce qui n’aurait pas manqué d’affecter l’économie des régimes de prévoyance mis en place dont l’équilibre repose exclusivement sur leur caractère obligatoire, alors que ce mécanisme de gestion de la protection sociale complémentaire a été jugée compatible avec les règles européennes en matière de concurrence par la Cour de justice de l'Union européenne. Comme l’a souligné le Conseil d'Etat dans son avis précité, ces accords de branche sont révisables tous les cinq ans.

E - REPRÉSENTATION DU PERSONNEL ET ELECTIONS PROFESSIONNELLES

2 - Représentation du personnel 2.2 Institutions représentatives du personnel *Mandat de représentation (dispositions communes) Soc., 30 juin 2016 Rejet Arrêt n° 1305 FS-P+B N° 15-12.982 - CA Bordeaux, 10 décembre 2014 M. Frouin, Pt - Mme Lambremon, Rap. - Mme Berriat, Av. Gén. Sommaire Si, pour se prévaloir de la protection attachée à son mandat de conseiller du salarié mentionné par l'article L. 2411-1, 16°, du code du travail, le salarié doit, au plus tard lors de l'entretien préalable au licenciement, ou, s'il s'agit d'une rupture ne nécessitant pas un entretien préalable, au plus tard avant la notification de l'acte de rupture, avoir informé l'employeur de l'existence de ce mandat ou rapporter la preuve que l'employeur en avait alors connaissance, son obligation d'information ne s'étend pas aux conséquences pécuniaires attachées à la violation du statut protecteur. 2-3 Exercice du mandat de représentation Soc., 1er juin 2016 Rejet Arrêt n° 1072 FS-P+B

21

Page 22: Table des matières du Bulletin/Mensuel de droit du …1er juin 2016 que « ne méconnaît pas l’obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer

N° 15-15.202 - CA Paris, 21 janvier 2015 M. Frouin, Pt - Mme Mariette, Rap. - M. Petitprez, Av. Gén. Sommaire Si un délégué syndical ou un représentant du personnel ne peut être privé, du fait de l'exercice de ses mandats, du paiement d'une indemnité compensant une sujétion particulière de son emploi qui constitue un complément de salaire, il ne peut, en revanche, réclamer le paiement de sommes correspondant au remboursement de frais professionnels qu'il n'a pas exposés. Constituent, nonobstant leur caractère forfaitaire, un remboursement de frais, les indemnités de déplacement prévues par les articles 111 à 124 de la directive RH 0131 de la SNCF qui ont pour objet de compenser les frais supplémentaires engagés par les agents de conduite à l'occasion de leur service en cas de déplacements liés à la conduite d'un train ou lorsqu'ils restent en réserve à disposition dans un local dédié, prêts à partir pour remplacer immédiatement un conducteur prévu mais absent, dès lors que ces indemnités ne sont pas versées aux agents de conduite en service facultatif qui n'implique pas de déplacement. 3. Protection des représentants du personnel 3-1 Protection contre le licenciement *Annulation de l’autorisation administrative de licencier – Portée Soc., 30 juin 2016 Cassation partielle Arrêt n° 1308 FS-P+B N° 15-11.424 - CA Bastia, 15 janvier 2014 M. Frouin, Pt. - Mme Farthouat-Danon, Rap. - Mme Berriat, Av. Gén. Sommaire Si l’absence de cause réelle et sérieuse du licenciement d’un salarié protégé ne résulte pas, en soi, de l’annulation de l’autorisation de licenciement, la décision du juge administratif qui annule cette autorisation en raison du lien existant entre la procédure de licenciement et les fonctions représentatives exercées par l’intéressé s’oppose à ce que le juge judiciaire considère que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse. *Domaine d’application Soc., 1er juin 2016 Rejet Arrêt n° 1077 FS-P+B N° 14-26.928 - CA Orléans, 23 septembre 2014 M. Frouin, Pt. - Mme Slove, Rap. - M. Petitprez, Av. Gén. Sommaire Il résulte des articles L. 231-11 du code de la sécurité sociale, L. 2411-1 et L. 2411-18 du code du travail que seuls les licenciements des vingt membres du conseil d'administration et des

22

Page 23: Table des matières du Bulletin/Mensuel de droit du …1er juin 2016 que « ne méconnaît pas l’obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer

administrateurs des URSSAF sont soumis à l'autorisation de l'inspecteur du travail et que les salariés, élus en qualité de représentant du personnel auprès du conseil d'administration ne bénéficient pas de ce statut de salarié protégé. Note : Cet arrêt est l'occasion, pour la chambre sociale de la Cour de cassation, d'apporter des précisions sur le champ d'application du statut protecteur de membre du conseil d'administration et des administrateurs de l'URSSAF. En l'espèce, un salarié engagé par l'URSSAF du Loir-et-Cher en 1989 a été élu représentant du personnel suppléant au conseil d'administration de l'URSSAF le 13 octobre 2011. Mais le 24 octobre 2011, il a été convoqué à un entretien préalable, avant d'être licencié pour insuffisance professionnelle par lettre du 21 novembre 2011. Il a alors saisi le conseil de prud'hommes d'une demande tendant notamment à l'annulation de son licenciement du fait du non-respect du statut protecteur des membres du conseil d'administration de l'URSSAF. Débouté de ses demandes, il a interjeté appel de ce jugement en se prévalant notamment d'une circulaire DSS/42 du 27 décembre 1990 relative à l'élection de représentants du personnel, dans laquelle le ministère des affaires sociales et de la solidarité indiquait que les représentants du personnel étaient soumis aux mêmes droits et obligations que les autres administrateurs et que par conséquent, les dispositions protectrices des articles L. 231-9 à L. 231-12 du code de la sécurité sociale leur étaient applicables. Par un arrêt du 23 septembre 2014, la cour d'appel a confirmé le jugement du conseil de prud'hommes en retenant qu'il ressort des dispositions des articles L. 2411-18 du code du travail, L. 2411-3 du même code et L. 231-11 du code de la sécurité sociale que « seuls sont désignés comme étant bénéficiaires de la protection contre les licenciements les personnes exerçant les mandats de membres du conseil d'administration ou d'administrateurs, aucun de ces textes ne mentionnant ou ne faisant référence aux représentants du personnel au conseil d'administration ». Elle ajoute que « l'article L. 213-2 du code de la sécurité sociale [...] énumère limitativement les vingt membres composant le conseil d'administration » et que « par suite, [l'appelant] ne peut se prévaloir des dispositions de la circulaire DSS/A2 du 26 mars 1991 relative à l'élection des représentants du personnel qui est dépourvue de valeur normative et non créatrice de droits ». Faisant valoir que l'article L. 2411-1 du code du travail visait indifféremment l'ensemble des « membres du conseil ou administrateurs » sans distinction selon la qualité ou le statut de ces membres, le salarié a formé un pourvoi en cassation. La question de droit soumise à la chambre sociale était donc celle de savoir si les représentants du personnel qui siègent au conseil d'administration de l'URSSAF avec voix consultative bénéficient, en cas de licenciement, du statut protecteur accordé par l'article L. 231-11 du code de la sécurité sociale. Rappelons qu'aux termes de cet article, « l'exercice du mandat de membre du conseil ou d'administrateur ne peut être une cause de rupture par l'employeur du contrat de travail, à peine de dommages et intérêts au profit du salarié.

23

Page 24: Table des matières du Bulletin/Mensuel de droit du …1er juin 2016 que « ne méconnaît pas l’obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer

Le licenciement par l'employeur d'un salarié exerçant le mandat de membre du conseil ou d'administrateur ou ayant cessé son mandat depuis moins de six mois est soumis à la procédure prévue par l'article L. 412-18 du code du travail [devenu l'article L. 2411-3]. Il en est de même du licenciement des candidats aux mandats de membre du conseil ou d'administrateur dès la publication des candidatures et pendant une durée de trois mois (...) ». En miroir de cette disposition, l'article L. 2411-1 du code du travail prévoit que « bénéficie de la protection contre le licenciement prévue par le présent chapitre, y compris lors d'une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire, le salarié investi de l'un des mandats suivants : (...) 13° Membre du conseil ou administrateur d'une caisse de sécurité sociale mentionné à l'article L. 231-11 du code de la sécurité sociale ». En outre, l'article L. 2411-18 du même code dispose que « conformément à l'article L. 231-11 du code de la sécurité sociale, la procédure d'autorisation de licenciement et les périodes et durées de protection du salarié membre du conseil ou administrateur d'une caisse de sécurité sociale sont celles applicables au délégué syndical, prévues par l'article L. 2411-3 », soit un licenciement après autorisation de l'inspecteur du travail. Par ailleurs, l'article L. 213-2 du code de la sécurité sociale prévoit que les conseils d'administration de l'URSSAF sont composés d'une part de vingt administrateurs et d'autre part de trois représentants du personnel élus qui y siègent avec voix consultative. Les vingt membres du conseil d'administration sont, par ailleurs, énumérés par l'article R. 213-2 du même code. Les trois représentants du personnel élus qui siègent au conseil d'administration avec voix consultative ne figurent donc pas dans cette liste. La Cour de cassation en déduit qu' « il résulte des articles L. 231-11 du code de la sécurité sociale, L. 2411-1 et L. 2411-18 du code du travail que, seuls, les licenciements des vingt membres du conseil d'administration et des administrateurs des URSSAF sont soumis à l'autorisation de l'inspecteur du travail et que le salarié, élu en qualité de représentant du personnel auprès du conseil d'administration, ne bénéficie pas de ce statut de salarié protégé » et rejette donc le pourvoi. Sont donc exclus du statut protecteur prévu pour les membres du conseil d'administration et les administrateurs de l'URSSAF, les représentants de salariés élus à un conseil d'administration à défaut de texte le prévoyant. Dans un arrêt du 14 octobre 2015, la chambre sociale avait déjà retenu une solution semblable pour le représentant des salariés au conseil d'administration d'un établissement public local d'enseignement et de formation professionnelle agricole, en se fondant sur l'absence de texte particulier prévoyant d'accorder au représentant des salariés au conseil d'administration de ce type d'établissement, la protection prévue pour les délégués du personnel (Soc., 14 octobre 2015, pourvoi n°14-14.196, Bull. 2015, V, … (1) en cours de publication).

24

Page 25: Table des matières du Bulletin/Mensuel de droit du …1er juin 2016 que « ne méconnaît pas l’obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer

F - RUPTURE DU CONTRAT DE TRAVAIL 2 - Licenciements 2.3. Licenciements disciplinaires *Avis du conseil de discipline Soc., 30 juin 2016 Cassation partielle Arrêt n° 1304 FS-P+B N° 15-10.410 – CA Poitiers, 12 novembre 2014 M. Frouin, Pt – Mme Lambremon, Rap. - Mme Berriat, Av. Gén. Sommaire Selon le paragraphe 2321 de la circulaire PERS 846 prise en application du statut des industries électriques et gazières, une personne ayant assisté l'agent faisant l'objet de poursuites disciplinaires au cours de sa commission ne doit pas, pour en assurer l'impartialité, prendre part aux délibérations de la commission secondaire du personnel. Statue par des motifs inopérants l'arrêt qui retient qu'une telle participation ne peut avoir fait grief au salarié dès lors que les courriers du délégué syndical qui l'assistait caractérisent une intervention manifestement favorables à ses intérêts. Note : Selon le paragraphe 2321 de la circulaire PERS 846 des industries électriques et gazières, "pour en [i.e. de la commission secondaire] assurer l'impartialité, ne doit prendre part ni aux débats, ni aux délibérations, en qualité de membre de la commission secondaire : - tout agent qui s'est trouvé mêlé directement et à titre personnel aux faits motivant la comparution de l'agent incriminé devant la commission (3), - toute personne ayant assisté l'intéressé au cours de sa comparution". La présente affaire posait la question de l'impartialité de la commission secondaire prévue par la circulaire PERS 846. En l'espèce, le requérant, technicien des industries électriques et gazières, avait fait l'objet d'une sanction de rétrogradation en raison d'un manquement grave constaté au cours d'une inspection. Au cours de la procédure disciplinaire prévue par la circulaire PERS 846, la commission secondaire du personnel s'était réunie une première fois avant un entretien avec le directeur et la notification de la sanction de rétrogradation, puis une seconde fois à la suite du recours du technicien contre cette décision néanmoins maintenue. Le requérant avait été assisté, pour son premier entretien avec le rapporteur de la commission, par un autre salarié qui, lors de la seconde saisine de la commission secondaire a participé aux débats et délibéré cette fois-ci en qualité de membre de ladite commission. Le requérant avait alors saisi la juridiction prud'homale en annulation de la sanction disciplinaire de rétrogradation, avec toutes conséquences de droit sur la reconstitution de sa classification. Le conseil de prud'hommes avait fait partiellement droit à sa demande en le

25

Page 26: Table des matières du Bulletin/Mensuel de droit du …1er juin 2016 que « ne méconnaît pas l’obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer

déboutant néanmoins de sa demande de repositionnement au grade qu'il occupait précédemment. L'enjeu du litige consistait à déterminer si la participation aux débats et au délibéré de la commission secondaire de la personne qui, dans une phase antérieure de la procédure disciplinaire a assisté l'agent poursuivi, répondait à l'exigence d'impartialité. D'une manière constante, la chambre sociale considère que les dispositions issues d'un règlement intérieur ou d'une convention collectives relatives à l'avis, la consultation, la comparution devant une commission disciplinaire constitue une garantie de fond (Soc., 23 mars 1999, pourvoi n° 97-40.412, Bull. 1999, V, n°134 ; Soc., 28 mars 2000, pourvoi n° 97-43.411, Bull. 2000, V, n° 136 (2) ; Soc., 11 juillet 2000, pourvoi n° 97-45.781, Bull. 2000, V, n°272 ; Soc., 16 janvier 2001, pourvoi n° 98-43.189, Bull. 2001, V, n°9 ; Soc., 31 janvier 2006, pourvoi n° 03-43.300, Bull. 2006, V, n° 45), notamment lorsque le texte conventionnel institue une protection des droits de la défense supérieure à celle prévue par la loi (Soc., 9 janvier 2013, pourvoi n° 11-25.646, Bull. 2013, V, n°1). Dans des arrêts concernant plus précisément la composition des organes disciplinaires, la chambre sociale a renforcé les garanties de fond prévues par les conventions collectives en contrôlant l'impartialité desdits organes (Soc. 16 décembre 2014, pourvoi n° 13-23.375, Bull. 2014, V, n° 292 ; Soc., 17 décembre 2014, pourvoi n° 13-10.444, Bull. 2014, V, n° 297). Récemment et au visa de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, outre le visa de l'article L. 1333-2 du code du travail et du paragraphe 2321 de la circulaire PERS 846, la chambre sociale a cassé l'arrêt de la cour d'appel estimant régulière la composition de la commission secondaire du personnel, dont un membre siégeant en qualité de membre de la direction avait été témoin des faits reprochés au salarié et y avait produit son témoignage sans que son objectivité n'ait été contestée par le salarié (Soc., 22 septembre 2015, pourvoi n°14-12.516, Bull. 2015, V, en cours de publication). Dans la présente affaire, la cour d'appel a néanmoins retenu que la participation de la personne, dénoncée par le requérant comme contraire à l'exigence d'impartialité « ne peut avoir causé grief, car, si la circulaire 846 précise que ce principe est prévu pour assurer l'impartialité des membres de la commission secondaire de discipline, les courriers [de cette personne] caractérisent une intervention manifestement favorable aux intérêts [de l'agent]. Plus particulièrement, entendu par le rapporteur [de la seconde commission secondaire], [la personne qui l'avait assisté] a d'autorité mis fin à son audition sans répondre aux questions posées, en quittant les lieux sans signer le procès verbal [et] a insisté à titre liminaire sur sa volonté de participer à la commission secondaire de discipline devant apprécier le recours [de l'agent] ». L'arrêt du 30 juin 2016 présentement commenté se situe dans la droite ligne de la jurisprudence récente de la Cour de cassation, guidée par le souci de faire prévaloir l'impartialité objective des commissions disciplinaires et particulièrement celles résultant du statut du personnel d'EDF-GDF. En effet, la chambre sociale de la Cour de cassation a cassé l'arrêt rendu et rappelé, selon le paragraphe 2321 de la circulaire PERS 846, « que, pour en assurer l'impartialité, ne doit

26

Page 27: Table des matières du Bulletin/Mensuel de droit du …1er juin 2016 que « ne méconnaît pas l’obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer

prendre part ni aux débats, ni aux délibérations, en qualité de membre de la commission secondaire, toute personne ayant assisté l'intéressé au cours de sa comparution » . 2.4 Licenciement économique *Mesures d’accompagnement Soc., 22 juin 2016 Cassation partielle Arrêt n° 1287 FS-P+B N° 14-18.675 - CA Toulouse, 4 avril 2014 M. Frouin, Pt - M. Flores, Rap. - M. Beau, Av. Gén. Sommaire n° 1 Pendant la période du congé de reclassement excédant la durée du préavis, le salarié bénéficie d’une rémunération mensuelle à la charge de l’employeur dont le montant est au moins égal à 65 % de sa rémunération mensuelle brute moyenne soumise aux contributions de chômage au titre des douze derniers mois précédant la notification du licenciement. Les sommes issues de l’utilisation, par le salarié, des droits affectés sur son compte épargne-temps ne répondent à aucune périodicité de la prestation de travail ou de sa rémunération puisque le salarié et l’employeur décident librement de l’alimentation de ce compte et que sa liquidation ne dépend que des dispositions légales et conventionnelles applicables. Dès lors, ces sommes n’entrent pas dans l’assiette de calcul de l’indemnité de congé de reclassement. Sommaire n° 2 Du fait de sa nature contractuelle, la prime versée au salarié en contrepartie de son engagement de rester au service de l’employeur pendant un an, a une nature salariale et entre dans l’assiette de calcul de l’indemnité de congé de reclassement. Il appartient toutefois au juge de vérifier que l’indemnité versée par l’employeur représente au moins 65 % de la rémunération mensuelle brute moyenne soumise aux contributions de chômage, en tenant compte des plafonds éventuellement applicables, au titre des douze derniers mois précédant la notification du licenciement. 5. Retraite et préretraite 5-2 – Retraite Soc., 1er juin 2016 Cassation partielle

Arrêt n° 1070 FS-P+B N° 14-24.812 – CA Versailles, 23 juillet 2014 M. Frouin, Pt – M. Maron, Rap. - M. Petitprez, Av. Gén.

27

Page 28: Table des matières du Bulletin/Mensuel de droit du …1er juin 2016 que « ne méconnaît pas l’obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer

Sommaire Le départ à la retraite d'un salarié est un acte unilatéral par lequel celui-ci manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat de travail en respectant un préavis dont la durée est déterminée conformément à l'article L. 1234-1 du code du travail. Par ailleurs, le service d'une pension de vieillesse prenant effet postérieurement au 31 mars 1983 est subordonné à la rupture de tout lien avec l'employeur. Il en résulte que lorsqu'un salarié a notifié à son employeur son intention de partir à la retraite en respectant un préavis dont il a fixé le terme, le préavis dont l'exécution est suspendue pendant la durée d'un arrêt de travail consécutif à un accident du travail n'est susceptible d'aucun report. Note : A quelques jours d'intervalle, la chambre sociale publie deux arrêts comparables, qui apportent une réponse quant aux conséquences sur la durée du préavis de départ à la retraite d'un salarié, victime d'un accident du travail avant l'échéance de ce préavis. En effet, le présent arrêt est à lire en parallèle avec l'arrêt n° 1011 du 25 mai 2016 (Soc., 25 mai 2016, pourvoi n° 15-10.637, Bull. 2016, V, en cours de publication, commenté au Mensuel de droit du travail de mai 2016). En l'espèce, un conducteur-receveur employé d'une société de cars avait informé son employeur le 3 juin 2005 de ce qu'il entendait faire valoir ses droits à la retraite à compter du 1er septembre suivant. Mais en cours de préavis, le 15 juillet 2005, il était victime d'un accident de la circulation survenu dans le cadre de son activité professionnelle. Près de cinq ans plus tard, et alors qu'il avait obtenu des organismes de sécurité sociale la liquidation de ses droits à la retraite depuis le 1er septembre 2015, il a contesté devant la juridiction prud'homale la rupture de son contrat de travail, estimant avoir été mis à la retraite d'office par son employeur durant la suspension de ce contrat. L'enjeu du litige consistait à déterminer si la date de fin de préavis fixée par le salarié lors de sa demande de départ à la retraite peut être prorogée lorsque le contrat de travail est suspendu par la survenance d'un accident du travail lors de l'exécution de ce préavis. Dans la présente affaire, la cour d'appel avait jugé que l'accident de travail dont le salarié avait été victime avait suspendu son contrat de travail, ce dont il résultait qu'en faisant passer le salarié au statut de retraité, l'employeur devait être considéré comme l'ayant mis d'office à la retraite, mise à la retraite qui devait être déclarée nulle. Mais confirmant la solution donnée quelques jours plus tôt dans l'arrêt du 25 mai 2016 précité, lorsqu'elle avait dû pour la première fois trancher cette question, la chambre sociale de la Cour de cassation a considéré que le préavis dû en cas de départ à la retraite du salarié n'était susceptible d'aucun report. En effet, la mise à la retraite (à l'initiative de l'employeur) ou le départ à la retraite (à l'initiative du salarié) constitue un mode de rupture autonome du contrat de travail.

28

Page 29: Table des matières du Bulletin/Mensuel de droit du …1er juin 2016 que « ne méconnaît pas l’obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer

En effet, l'article L. 1237-9 du code du travail dispose que "tout salarié quittant volontairement l'entreprise pour bénéficier d'une pension de vieillesse a droit à une indemnité de départ à la retraite". L'article L. 1237-10 du même code ajoute que " le salarié demandant son départ à la retraite respecte un préavis dont la durée est déterminée conformément à l'article L.1234-1". En outre, il résulte des articles L. 161-22, alinéas 1 et 2 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction applicable aux faits de la cause que "le service d'une pension de vieillesse prenant effet postérieurement au 31 mars 1983, liquidée au titre du régime général de sécurité sociale, du régime des salariés agricoles ou d'un régime spécial de retraite au sens de l'article L. 711-1 et dont l'entrée en jouissance intervient à compter d'un âge fixé par décret en Conseil d'Etat, ou ultérieurement, est subordonné à la rupture de tout lien professionnel avec l'employeur ou, pour les assurés exerçant une activité non salariée relevant du ou desdits régimes, à la cessation de cette activité (...)". La chambre sociale de la Cour de cassation en déduit que, comme la démission, le départ volontaire à la retraite est un acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat de travail (Soc., 15 mai 2013, pourvoi n° 11-26.784, Bull. 2013, V. n°120 ; Soc., 20 octobre 2015, pourvoi n° 14-17.473, Bull. 2015, V, en cours de publication). En matière de départ à la retraite, le salarié prenant l'initiative de rompre le contrat doit à son cocontractant, l'employeur, une période de préavis qui permet à ce dernier de s'adapter à la nouvelle situation, par exemple en recrutant un nouveau salarié. Par ailleurs, l'accident ou la maladie entraînant un arrêt de travail, suspend l'exécution du contrat. Or selon l'article L. 1226-9 du code du travail, "au cours des périodes de suspension du contrat de travail, l'employeur ne peut rompre ce dernier que s'il justifie soit d'une faute grave de l'intéressé, soit de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l'accident ou à la maladie". La rupture prononcée en violation de ces dispositions est nulle (article L. 1226-13), comme l'a jugé la chambre sociale dans un arrêt de 2007, à propos d'une mise à la retraite décidée par l'employeur au cours d'une période de suspension du contrat de travail (Soc., 7 mars 2007, pourvoi n° 05-42.279, Bull. 2007, V, n° 42) . Mais il résulte des termes mêmes de l'article précité que rien n'interdit au salarié en période de suspension de son contrat de travail de quitter volontairement l'entreprise et de faire valoir ses droits à la retraite. Dans le raisonnement suivi par la chambre dans l'arrêt ici commenté, il est également tenu compte des dispositions du code de la sécurité sociale en matière de retraite, dispositions dont l'article L. 161-22 précité lie le service d'une pension vieillesse à la cessation de l'activité. Ainsi, la chambre sociale, au visa des articles L. 1237-9, L. 1237-10 du code du travail et L. 161-22 du code de la sécurité sociale, casse l'arrêt de la cour d'appel et dit qu'il n'y a pas lieu a renvoi en retenant "qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que la rupture du contrat de travail résultait d'une volonté claire et non équivoque du salarié de partir à la retraite le 1er septembre 2005, la cour d'appel a violé les textes susvisés". Par cet arrêt, la Cour de cassation réaffirme que la survenance d'une cause de suspension au cours de la période de préavis ne peut avoir pour effet de remettre en cause la date de départ à la retraite déjà notifiée par le salarié à condition que la décision de départ à la retraite ne soit pas entachée d'un vice du consentement.

29

Page 30: Table des matières du Bulletin/Mensuel de droit du …1er juin 2016 que « ne méconnaît pas l’obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer

8- Rupture d’un commun accord 8-1 Rupture conventionnelle homologuée Soc., 22 juin 2016 Rejet Arrêt n° 1259 FS-P+B N° 15-16.994 - CA Grenoble, 24 février 2015 M. Chollet, f.f. Pt. - Mme Ducloz, Rap. - Mme Robert, Av. Gén. Sommaire Si la fraude peut conduire à écarter la prescription annale prévue à l'article L. 1237-14 du code du travail, c'est à la condition que celle-ci ait eu pour finalité de permettre l'accomplissement de la prescription. 8-2 Rupture d’un commun accord hors dispositif légal Soc., 8 juin 2016 Cassation partielle Arrêt n° 1042 FP-P+B+R+I N° 15-17.555 - CA Chambéry, 5 mars 2015 M. Frouin, Pt - Mme Ducloz, Rap. - M. Richard de la Tour, Av. Gén. Sommaire Les dispositions de l’article L. 1237-11 du code du travail relatives à la rupture conventionnelle entre un salarié et son employeur ne sont pas applicables à une convention tripartite conclue entre un salarié et deux employeurs successifs ayant pour objet d’organiser, non pas la rupture du contrat, mais sa poursuite. Note : La loi n° 2008-596 du 25 juin 2008 a créé un nouveau mode de rupture bilatérale du contrat de travail qu’elle encadre de manière spécifique : la rupture conventionnelle.

La rupture d’un commun accord du contrat de travail étant désormais expressément prévue et réglementée par le code du travail, la chambre sociale a jugé, en application du principe specialia generalibus derogant que, sauf dispositions légales contraires, la rupture du contrat de travail ne peut intervenir que dans les conditions prévues par les articles L. 1237-11 et suivants du code du travail relatifs à la rupture conventionnelle (Soc. 15 octobre 2014, pourvoi n° 11-22.251, Bull. 2014, V, n° 241).

La question s’était rapidement posée, après cet arrêt du 15 octobre 2014, de ses conséquences sur les mutations intra ou inter groupes et sur les transferts conventionnels de contrats de travail.

Ces mutations ou ces transferts conventionnels de contrat de travail prennent en effet très souvent la forme d’une convention tripartite signée entre le salarié et ses deux employeurs successifs, aux termes de laquelle il est, d’une part, mis fin au contrat de travail initial avec le

30

Page 31: Table des matières du Bulletin/Mensuel de droit du …1er juin 2016 que « ne méconnaît pas l’obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer

premier employeur, d’autre part, conclu un nouveau contrat de travail avec le nouvel employeur.

Dès lors que cette convention tripartite fait apparaître la rupture d’un commun accord du premier contrat de travail, faut-il que les règles relatives à la rupture conventionnelle, qui prévoient notamment la tenue d’un entretien entre le salarié et l’employeur, l’homologation de la convention de rupture par l’administration, et qui ouvrent droit au versement, au profit du salarié, d’une indemnité dont le montant est au moins équivalent à l’indemnité de licenciement, soient respectées ?

La chambre sociale répond, dans la présente décision, par la négative à cette question, jugeant que les dispositions de l’article L. 1237-11 du code du travail relatives à la rupture conventionnelle entre un salarié et son employeur ne sont pas applicables à une convention tripartite conclue entre un salarié et deux employeurs successifs ayant pour objet d’organiser, non pas la rupture du contrat, mais sa poursuite.

La ratio legis des règles relatives à la rupture conventionnelle est en effet de sécuriser la rupture du contrat de travail qui entraîne la perte définitive de l’emploi.

Les conventions tripartites, qui opèrent le transfert du contrat de travail d’un salarié au profit d’un nouvel employeur, ont quant à elles pour objet de garantir à l’intéressé la continuité de la relation de travail.

Rien ne justifiait donc que les dispositions du code du travail relatives à la rupture conventionnelle s’appliquent à ces conventions tripartites, sans que l’on puisse pour autant en conclure que la présente décision serait en contradiction avec l’arrêt rendu par la chambre sociale le 15 octobre 2014, qui ne visait que la rupture du contrat de travail emportant la perte définitive de l’emploi.

31

Page 32: Table des matières du Bulletin/Mensuel de droit du …1er juin 2016 que « ne méconnaît pas l’obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer

5 quai de l’Horloge TSA 79201 – 75055 Paris cedex 01

Site internet : www.courdecassation.fr

Twitter : @courdecassation

ISSN 2269-7217

32