systèmes multi-échelles : modélisation et simulation (mathématiques et applications)

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MATHÉMATIQUES & APPLICATIONS Directeurs de la collection: G. Allaire et M. Benaïm 47

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Page 1: Systèmes multi-échelles : Modélisation et simulation (Mathématiques et Applications)

MATHÉMATIQUES&

APPLICATIONSDirecteurs de la collection:

G. Allaire et M. Benaïm

47

Page 2: Systèmes multi-échelles : Modélisation et simulation (Mathématiques et Applications)

M A T H É M A T I Q U E S & A P P L I C A T I O N SComité de Lecture / Editorial Board

Grégoire AllaireCMAP, École Polytechnique, Palaiseau

[email protected]

Michel BenaïmMathématiques, Univ. de Neuchâtel

[email protected]

Thierry ColinMathématiques, Univ. de Bordeaux 1

[email protected]

Marie-Christine CostaCEDRIC, CNAM, Paris

[email protected]

Gérard DegrezInst. Von Karman, Louvain

[email protected]

Jean Della-DoraLMC, IMAG, [email protected]

Jacques DemongeotTIMC, IMAG, Grenoble

[email protected]

Frédéric DiasCMLA, ENS Cachan

[email protected]

Nicole El KarouiCMAP, École Polytechnique Palaiseau

[email protected]

Marc HallinStat. & R.O., Univ. libre de Bruxelles

[email protected]

Laurent MicloLATP, Univ. de Provence

laurent:[email protected]

Huyen PhamProba. et Mod. Aléatoires, Univ. Paris 7

[email protected]

Valérie PerrierLMC, IMAG, [email protected]

Dominique PicardProba. et Mod. Aléatoires, Univ. Paris 7

[email protected]

Robert RoussarieTopologie, Univ. de Bourgogne, Dijon

[email protected]

Claude SamsonINRIA Sophia-Antipolis

[email protected]

Bernard SaramitoMaths Appl., Univ. de Clermont 2

[email protected]

Annick SartenaerMathématique, Univ. de [email protected]

Zhan ShiProbabilités, Univ. Paris 6

[email protected]

Sylvain SorinEquipe Comb. et Opt., Univ. Paris 6

[email protected]

Jean.Marie ThomasMaths Appl., Univ. de Pau

[email protected]

Alain TrouvéInst. Galilée, Univ. Paris 13

[email protected]

Jean-Philippe VialHEC, Univ. de Genève

[email protected]

Bernard YcartMaths Appl., Univ. Paris 5

[email protected]

Enrique ZuazuaMatemáticas, Univ. Autonóma de Madrid

[email protected]

Directeurs de la collection:G. Allaire et M. Benaïm

Instructions aux auteurs:Les textes ou projets peuvent être soumis directement à l’un des membres du comité de lecture avec

copie à G. Allaire ou M. Benaïm. Les manuscrits devront être remis à l’Éditeursous format LaTEX 2e.

Page 3: Systèmes multi-échelles : Modélisation et simulation (Mathématiques et Applications)

Claude Le Bris

Systemesmulti-echellesModelisation et simulation

With 35 Figures

123

Page 4: Systèmes multi-échelles : Modélisation et simulation (Mathématiques et Applications)

Claude Le Bris

École Nationale des Ponts et Chausséesavenue Blaise Pascal 6-8

77455 Marne La Vallée Cedex 2, [email protected]

Library of Congress Control Number: 2005926659

Mathematics Subject Classification (2000): 35xx, 49xx, 60Hxx, 65xx, 74Bxx,76Dxx, 81Vxx

ISSN 1154-483XISBN-10 3-540-25313-0 Springer Berlin Heidelberg New York

ISBN-13 978-3-540-25313-6 Springer Berlin Heidelberg New York

Tous droits de traduction, de reproduction et d’adaptation réservés pour tous pays.La loi du 11 mars 1957 interdit les copies ou les reproductions destinées à une utilisation collective.

Toute représentation, reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentementde l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et suivants

du Code pénal.

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Preface

Ce cours est une introduction a la problematique des systemes multi-echellesdu point de vue du mathematicien applique. Il se compose d’une mosaıqued’exemples dont le seul lien est d’appartenir a la tres grande famille desproblemes issus de la physique au sens large qui presentent pour leur modelisa-tion et leur simulation cette difficulte essentielle de comporter en leur sein desechelles de temps ou d’espace tres differentes.

Nous n’avons aucune pretention a la generalite. Le choix des sujets evoquesici est une pure affaire de circonstances (les sujets sont, plus ou moins, dansle domaine de competence de l’auteur1). En revanche le choix est delibered’avoir choisi d’aborder

– des domaines aussi differents que la mecanique des solides, la mecaniquedes materiaux lamellaires, la chimie moleculaire, la dynamique desfluides polymeriques, la cinetique des reactions chimiques,

– sous des points de vue aussi differents (mais aussi intimement lies) quela physique, l’analyse mathematique, l’analyse numerique, la program-mation.

L’ordre dans lequel ces modelisations et techniques de simulation sontpresentees est relativement modulable. Le lecteur pourra se reporter directe-ment a sa discipline de predilection sans pour autant trop souffrir de fairel’impasse sur les autres chapitres, qui ont volontairement ete concus commeindependants. Cela dit, on ne saurait trop l’encourager a tout lire. Il trouveraalors peut-etre une unite insoupconnee dans ce texte, et, au-dela de ce simpletexte, dans le traitement des systemes multiechelles.

Schematiquement, devant un probleme presentant diverses echelles detemps ou d’espace, le mathematicien dispose des strategies suivantes

– 1 - attaquer directement le systeme tel quel en le simulant avec destechniques tres efficaces (mais peut-etre couteuses) ; un exemple est le

1ou au moins dans le champ de competence de ses collegues les plus proches !

Page 6: Systèmes multi-échelles : Modélisation et simulation (Mathématiques et Applications)

VI Preface

cas des schemas implicites pour les systemes d’equations differentiellesraides que nous verrons au Chapitre 5,

– 2 - effectuer un pretraitement du systeme visant a faire disparaıtre lespetites echelles pour ne laisser a simuler que les grandes ; un exempleest la theorie et la pratique de l’homogeneisation que nous presenteronsau Chapitre 2 ; un autre celui de la dynamique adiabatique pour lessystemes moleculaires au Chapitre 3 (lie a l’exemple de la reduction desystemes dynamiques au Chapitre 5)

– 3 - choisir de gerer conjointement, mais de facons differentes, les petiteset les grandes echelles dans le systeme ; il en va ainsi de la mecaniquepour les materiaux a microstructure, qu’ils soient solides et nous lesverrons au Chapitre 1, ou fluides, et nous les aborderons au Chapitre 4.

Ce qui motive le choix d’une strategie est comme d’habitude un com-promis. Mais, encore schematiquement, on pourrait dire que c’est aussi ladisproportion entre les echelles petites et grandes qui contribue grandementa la decision. Pour un probleme ou les echelles sont franchement separees, deplusieurs ordres de grandeur au besoin, tout plaide pour la strategie 2, maisla 3 peut aussi convenir. La premiere n’est pas conseillee. Pour les problemesou la disproportion n’est pas si grande, l’approche 1 est possible, mais lesapproches 2 et 3 pourront aussi etre envisagees.

Le lecteur pourra se faire lui-meme son opinion sur certains cas pratiquesapres la lecture de ce document. Parcourons-le rapidement.

Le Chapitre 1 presente une strategie permettant de coupler, pour la simu-lation de la deformation d’un corps solide, une description microscopique dela deformation du materiau dans les regions tres fortement deformees, avecune description plus classique en termes de mecanique des milieux continusen d’autres zones du materiau. On manipulera dans ce chapitre les equationsde l’elasticite ⎧

⎨⎩

−divT = f, dans le materiau

T · n = g, sur son bord(0.1)

ou T designe le tenseur des contraintes mais aussi une description atomiquedes solides. Une logique de changement d’echelle sera aussi abordee, donnantainsi un exemple d’un cas ou le niveau microscopique va nourrir le niveaumacroscopique en lui fournissant une information.

Le Chapitre 2 est le plus mathematique de tous. On y expliquera lestechniques d’homogeneisation d’abord sur le plan de l’analyse mathematique,puis sur le plan de sa pratique numerique. L’exemple canonique est celui del’equation

− d

dx(a(

x

ε)

d

dxuε) = f, (0.2)

ou la fonction a(x

ε) est une fonction periodique de petite periode ε. Plutot

que d’attaquer la resolution de cette equation, on va chercher l’equation limite

Page 7: Systèmes multi-échelles : Modélisation et simulation (Mathématiques et Applications)

Preface VII

obtenue quand ε −→ 0 et resoudre cette equation limite. On detaillera cettestrategie, et on l’appliquera ensuite non seulement a une equation, mais aussiaux conditions aux bords d’une equation, abordant ainsi le traitement descouches limites (en thermique, en turbulence,...).

Au Chapitre 3, on traite des systemes moleculaires modelises par la chimiequantique. Les objets qu’on manipule sont des electrons (legers et rapides) etdes noyaux (lourds et lents). Comprendre comment l’equation de Schrodinger

i∂

∂tΨ = H Ψ, (0.3)

tres belle mais non traitable dans la pratique numerique, peut etre rem-placee par une de ses approximations plus abordable numeriquement, serale coeur du debat. On verra aussi dans ce chapitre comment modeliser et si-muler un systeme moleculaire en phase condensee, ce qui est un autre type deprobleme multiechelle, et un autre genre de traitement couple de deux echellesdifferentes.

Le Chapitre 4 presentera la modelisation des fluides polymeriques par lesmethodes dites micro-macro, dans l’esprit du Chapitre 1. En chaque point dufluide, dont l’evolution est regie par les equations de la mecanique des fluidescomme l’equation de Navier-Stokes, on calcule le tenseur des contraintes entenant compte de la presence des millions de chaınes polymeriques qui sonttendues, distordues, cassees a l’echelle microscopique par le bombardementmoleculaire et les effets des deformations macroscopiques. Les techniquesnumeriques allieront des techniques deterministes et des techniques de latheorie des probabilites.

Le Chapitre 5 introduit aux techniques de simulation pour la cinetiquechimique, qu’on rencontre par exemple dans la modelisation en genie chimique,ou dans la meteorologie. Les systemes en jeu sont par exemple

⎧⎪⎪⎪⎪⎨⎪⎪⎪⎪⎩

dy1

dt= −k1y1 +k2y2

dy2

dt= k1y1 −k2y2 +k3y3

dy3

dt= −k3y3

(0.4)

avec des constantes de reaction ki tres differentes. On presentera les rudimentsde simulation numerique des equations differentielles ordinaires, juste ceuxnecessaires pour aborder la simulation des systemes multiechelles dits raidesdans ce contexte. On parlera donc de methodes de decomposition d’operateurset de reductions de systemes dynamiques.

Enfin, un court sixieme chapitre donne une vision synthetique du travaileffectue et ouvre vers le monde de la recherche.

Ce cours a ete enseigne a partir de l’annee scolaire 2001-2002 aux eleves detroisieme annee de l’Ecole Polytechnique au sein de la majeure consacree aux

Page 8: Systèmes multi-échelles : Modélisation et simulation (Mathématiques et Applications)

VIII Preface

Sciences de l’Ingenieur. Au premier chef, je souhaite remercier Yvon Madaypour l’aide qu’il m’a apportee dans la definition et l’elaboration du programmescientifique enseigne, et pour ces annees de collaboration dans l’enseignement.Ma gratitude va aussi a Gregoire Allaire, pour son soutien dans cette entre-prise, depuis la creation du cours jusqu’a la publication du present livre.

A l’automne 2004, ce cours a ete enseigne en temps que cours commun(ISM-CRM) a l’Universite de Montreal et a l’Universite McGill. Je tiens aremercier Anne Bourlioux et Michel Delfour pour leur collaboration, leursremarques et leur hospitalite.

Des remerciements sont enfin dus a de nombreux collegues, notamment dede l’Ecole Nationale des Ponts et Chaussees, qui ont aimablement autorise le“pillage” de leurs travaux pour rediger certaines sections de ce texte, ou onteffectue une relecture attentive du document : Eric Cances, Bruno Sportisse,Xavier Blanc, Frederic Legoll, Tony Lelievre.

Champs sur Marne,Mars 2005. Claude Le Bris

Page 9: Systèmes multi-échelles : Modélisation et simulation (Mathématiques et Applications)

Table des matieres

1 Modeles micro-macro pour les solides . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11.1 Elements de mecanique des milieux continus . . . . . . . . . . . . . . . . 11.2 De l’echelle atomique a l’energie elastique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 51.3 Une methode couplee micro-macro . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12

1.3.1 Le modele . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 131.3.2 La discretisation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 151.3.3 Utilisation de E(ϕ) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19

1.4 Introduction a la topologie faible . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 211.5 Vers le calcul des variations . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 24

1.5.1 Quelques problemes modeles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 261.5.2 Techniques pour les microstructures . . . . . . . . . . . . . . . . . 32

1.6 Bibliographie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 37

2 Techniques d’homogeneisation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 392.1 Le cas monodimensionnel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 402.2 Deux cas bidimensionnels . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 45

2.2.1 Les materiaux lamelles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 452.2.2 Le resultat general . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 482.2.3 Un vrai cas 2D . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 50

2.3 Des cas plus compliques : la convergence a deux echelles . . . . . . 522.3.1 L’Ansatz et le developpement a deux echelles . . . . . . . . . 532.3.2 L’interpretation energetique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 592.3.3 Retour sur le cas monodimensionnel . . . . . . . . . . . . . . . . . 622.3.4 Retour sur le cadre general . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 67

2.4 A lire en 2eme lecture : Vers des methodes multiechellesavancees . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 70

2.5 Questions de couche limite . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 732.5.1 Deux cas simples . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 742.5.2 Couche limite rugueuse . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 76

2.6 Quand ca se passe mal ... . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 832.7 Bibliographie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 87

Page 10: Systèmes multi-échelles : Modélisation et simulation (Mathématiques et Applications)

X Table des matieres

3 Simulation moleculaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 893.1 Modelisation d’un systeme moleculaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 89

3.1.1 Les modeles complets . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 893.1.2 Decouplage des echelles pour le probleme statique . . . . . 923.1.3 Decouplage des echelles pour le probleme dynamique . . . 933.1.4 Approximation du probleme electronique . . . . . . . . . . . . . 98

3.2 Simulation numerique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1023.2.1 Discretisation du probleme Hartree-Fock . . . . . . . . . . . . . 1023.2.2 Discretisation de la dynamique newtonienne . . . . . . . . . . 1083.2.3 Methodes d’acceleration de la dynamique moleculaire . . 114

3.3 Modelisation de la phase liquide . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1183.3.1 Le modele de continuum . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1183.3.2 Resolution numerique des modeles de continuum . . . . . . 1223.3.3 Notions sur les methodes integrales . . . . . . . . . . . . . . . . . . 122

3.4 Bibliographie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 127

4 Modeles micro-macro pour les fluides . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1294.1 Elements de mecanique des fluides incompressibles . . . . . . . . . . . 1294.2 Modelisation micro-macro des fluides polymeriques . . . . . . . . . . 133

4.2.1 Le modele de la chaıne libre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1364.2.2 Le modele d’halteres . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1384.2.3 Les equations . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 139

4.3 Simulation numerique de l’Ecoulement de Couette . . . . . . . . . . . 1434.3.1 Le modele micro-macro . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1444.3.2 La discretisation du probleme macroscopique . . . . . . . . . 1464.3.3 La discretisation du probleme microscopique : Methode 11504.3.4 La discretisation du probleme microscopique : Methode 21534.3.5 Un resultat numerique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 164

4.4 A lire apres le Chapitre 5 : notions de base d’analysenumerique des EDS . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1654.4.1 Convergence forte du schema . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1664.4.2 Convergence faible du schema . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1694.4.3 Stabilite asymptotique du schema . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 170

4.5 Bibliographie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 171

5 Cinetique chimique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1735.1 Modelisation de la cinetique chimique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1735.2 Notions rapides d’analyse numerique des EDO . . . . . . . . . . . . . . 174

5.2.1 Generalites et schema d’Euler explicite . . . . . . . . . . . . . . . 1755.2.2 Schema d’Euler implicite . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1785.2.3 Precision, stabilite et convergence . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 179

5.3 Les problemes raides . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1825.4 Methodes de separations d’operateurs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 187

5.4.1 Le cas simple . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1885.4.2 Le cas raide . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 189

Page 11: Systèmes multi-échelles : Modélisation et simulation (Mathématiques et Applications)

Table des matieres XI

5.5 Reduction de systemes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1925.6 Bibliographie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 198

6 Vers une unite des approches . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1996.1 Des classifications des problemes rencontres . . . . . . . . . . . . . . . . . 1996.2 L’unite des approches . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2006.3 Sur le front de la recherche . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 202

References . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 205

Index . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 211

Page 12: Systèmes multi-échelles : Modélisation et simulation (Mathématiques et Applications)
Page 13: Systèmes multi-échelles : Modélisation et simulation (Mathématiques et Applications)

1

Modeles micro-macro pour les solides

Nous decrivons dans ce premier chapitre une strategie permettant de cou-pler, pour la simulation de la deformation d’un corps solide, une descrip-tion microscopique (allant jusqu’au niveau atomique) de la deformation dumateriau la ou c’est necessaire, avec une description plus classique en termesde mecanique des milieux continus en d’autres zones du materiau. Au pas-sage, l’approche decrite ici permet aussi de definir des modeles de mecaniquemacroscopiques pour des materiaux qui ne sont pas decrits par les hypotheseshabituelles. Dans un premier temps (Sections 1.1 a 1.3), nous elaborons l’ap-proche sans nous preoccuper de proprietes mathematiques : les calculs sontmenes formellement, les justifications rigoureuses etant (un peu) laissees aulecteur et (surtout) releguees dans la bibliographie. De meme, nous decrivonsla strategie numerique associee en termes purement factuels, sans aucune ana-lyse numerique. Dans un second temps (Sections 1.4 et 1.5), nous abordonsl’analyse mathematique de modeles proches de ceux derives aux premieressections. En particulier, la Section 1.4 est consacree a l’introduction d’un ou-til crucial pour l’etude des systemes multiechelles, la notion de topologie dela convergence faible pour les fonctions. Cet outil mathematique est, dans unecertaine mesure, l’essence meme des problemes multiechelles.

1.1 Elements de mecanique des milieux continus

Commencons par quelques rappels rapides sur la mecanique des milieux conti-nus et l’elasticite tridimensionnelle. Nous ne donnons ici qu’une presentationcourte et donc un peu approximative, et renvoyons a la bibliographie pourune presentation plus rigoureuse et plus etoffee.

Pour decrire la deformation d’un corps solide remplissant le domaine dereference Ω, on utilise une fonction ϕ : Ω −→ IR3, dite deformation. Il estutile aussi d’introduire la fonction u(x) = ϕ(x)−x definissant le deplacement .Le gradient de deformation est bien sur la fonction

Page 14: Systèmes multi-échelles : Modélisation et simulation (Mathématiques et Applications)

2 1 Modeles micro-macro pour les solides

F = ∇ϕ : Ω −→ M3,

ou M3 designe l’espace des matrices carre de taille 3. Les coefficients de

la matrice F (x) sont les∂ϕi

∂xj(x). Ayant decrit la cinematique, passons a la

dynamique.

Fig. 1.1. Champ de deformation d’une configuration vers une autre.

Les equations qui traduisent l’equilibre du corps (dans la configuration dereference Ω) sont

−div T = f, dansΩT · n = g, sur ∂Ω

(1.1)

ou T designe le tenseur des contraintes (premier tenseur des contraintes dePiola-Kirchhoff), f les forces de volume appliquees au corps, g les forces desurface, et n le vecteur unitaire normale exterieure a ∂Ω.

Pour determiner la position du corps etudie, il est necessaire de fermer lesysteme, c’est-a-dire d’etablir une relation entre le tenseur des contraintes Tet les elements de nature cinematique ϕ, u ou F :

T = T (x, ϕ(x), ...). (1.2)

Cette relation est dite relation constitutive, ou aussi loi de comportement.Elle depend evidemment de la nature physique du materiau considere. Il estimportant de noter que l’ecriture (1.2) est formelle, au sens ou au membre dedroite peuvent intervenir des derivees d’ordre superieur de ϕ, des valeurs deϕ et de ses derivees en des points autres que x (eventuellement a des instantsanterieurs que l’instant t considere si on est dans un cadre dependant dutemps), etc...

Page 15: Systèmes multi-échelles : Modélisation et simulation (Mathématiques et Applications)

1.1 Elements de mecanique des milieux continus 3

Un corps est dit elastique si le tenseur T (x) ne depend que du point x etdu gradient de deformation F (x)

T = T (x, F (x)). (1.3)

Ceci signifie en particulier que ni la deformation ϕ elle-meme, ni ses deriveesd’ordre superieur a 1 n’interviennent 1, et que seul le point x considere (eten fait l’instant t considere) entre en jeu (voir Figure 1.2). Nous verrons auChapitre 4 une situation toute differente, celle des fluides non newtoniens oul’histoire du materiau joue un role : l’etat de deformation en des points autresque x, a des instants anterieurs, a un impact sur l’etat de contrainte en x autemps t.

En plus de cette hypothese d’elasticite, il est courant de faire l’hypothesesupplementaire (dite d’hyperelasticite) qu’un materiau elastique ne dissipepas d’energie durant une deformation cyclique. On en deduit alors l’existenced’une densite d’energie elastique W qui, pour des raisons d’invariance, dependde F seulement a travers tFF . La densite W et le tenseur des contraintes Tsont alors relies par

T (F ) =∂W

∂F(F ), (1.4)

et on peut alors reconnaıtre les equations d’equilibre (1.1) comme les equationsd’Euler-Lagrange (c’est-a-dire les equations d’optimalite) pour la minimisa-tion d’une fonctionnelle d’energie du type

Ω

W (F (x)) dx + termes dependant de f, g (1.5)

sur toutes les deformations possibles2 ϕ, i.e.

ϕ ∈ A = ϕ compatible avec les conditions aux limites imposees

en deformation, s’il y en a, et de regularite suffisante

pour donner un sens aux quantites manipulees.

Sans rentrer dans le detail, le probleme a la forme

infϕ∈A

Ω

W (∇ϕ(x)) dx −∫

Ω

f ϕ −∫

∂Ω

g ϕ. (1.6)

La determination de la relation constitutive (1.2), ou de facon equivalentedans le cadre de l’elasticite, de la densite W , n’est pas une tache facile, et

1Une des conclusions de l’etude mathematique esquissee dans la Section 1.2 estque cette hypothese est correcte au premier ordre pour un materiau cristallin.

2En fait, en plus des conditions enoncees, il existe d’autres conditions pourqu’une deformation soit mecaniquement admissible, la condition d’injectivite et depreservation de l’orientation. Nous omettons ces conditions dans la suite, notammentcar leur traitement mathematique rigoureux est epineux.

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4 1 Modeles micro-macro pour les solides

requiert tout l’art du mecanicien. Autant de materiaux, sous autant de condi-tions, autant de relations (1.2) ou de densites W . Nous verrons plus loin dansce Chapitre que l’approche multiechelle decrite ici est en fait un moyen, al-ternatif a l’experience par exemple, de determiner une formule (1.2), ou unefonction W (voir notamment l’Exercice 1.8 a ce sujet).

En attendant, une simplification supplementaire est possible : celle del’elasticite lineaire. On considere alors que le tenseur des deformations

e =1

2(tFF − 1) =

1

2(∇u +t ∇u +t ∇u · ∇u)

peut etre approche par sa version linearisee

ε =1

2(∇u +t ∇u),

et que le tenseur des contraintes T s’exprime de facon lineaire par rapport a ε

T = Aε ouA est un tenseur d’ordre 4.

L’energie elastique qui correspond a l’elasticite linearisee est alors

W =1

2εA ε,

et la determination de l’etat de deformation du materiau passe alors par laresolution du probleme de minimisation

infu

1

2

Ω

εA ε −∫

Ω

f u −∫

∂Ω

g u. (1.7)

Exercice 1.1. Ecrire precisement les equations d’optimalite de (1.6) et re-trouver les relations (1.1) et (1.4). Particulariser au cas de l’elasticite lineaire(1.7).

Remarque 1.2. On ne presume pas de l’existence et de l’unicite des solutionsdes problemes de minimisation comme (1.7) qui peuvent necessiter des hy-potheses supplementaires.

Munis de ces elements, nous sommes maintenant en mesure d’enoncer les ques-tions sur lesquelles nous allons nous concentrer dans la suite de ce chapitre.

– 1 - Une approche multiechelle, allant chercher l’information au niveaumicroscopique pour l’inserer au niveau macroscopique permet-elle dedefinir une forme particuliere de densite d’energie elastique W ?

– 2 - Comment peut-on s’y prendre dans les cas difficiles ou la deformationsubie par le materiau presente de fortes heterogeneites (certaines regionstres localisees sont tres fortement deformees, d’autres, couvrant la ma-jeure partie du domaine, le sont beaucoup moins) au point qu’un trai-tement macroscopique complet du materiau n’a pas de sens, ou qu’unerelation de fermeture est trop difficile a postuler ?

Page 17: Systèmes multi-échelles : Modélisation et simulation (Mathématiques et Applications)

1.2 De l’echelle atomique a l’energie elastique 5

Τ

e

T

e

t

e

Τ>0 Τ=0

Fig. 1.2. Differents comportements mecaniques : a gauche l’elasticite (la de-formation e depend seulement du tenseur des contraintes T et a la meme valeurau chargement et au dechargement) ; a droite la plasticite (cette fois la deformationn’est pas la meme lors du dechargement, le materiau garde la memoire) ; en bas laviscoelasticite et la viscoplasticite (le temps joue un role : apres une deformationmaximale, la contrainte se relache)

1.2 De l’echelle atomique a l’energie elastique

Nous allons montrer dans cette section une derivation simple d’une densited’energie macroscopique a partir d’informations recueillies au niveau micro-scopique, c’est-a-dire au niveau atomique.

Pour simplifier, nous supposons que les forces f appliquees en volume etles donnees au bord g sont nulles. Notre objectif est donc de determiner,par une inspection a l’echelle microscopique, une forme explicite de densited’energie elastique W a inserer dans l’expression (1.5) de l’energie elastiquedu materiau, a savoir ∫

Ω

W (F (x)) dx. (1.8)

Nous choisissons pour cela un materiau cristallin parfait, c’est-a-direque nous supposons qu’a l’echelle atomique notre materiau est un cristalperiodique parfait, sans defaut, remplissant la totalite du domaine Ω. Il s’agitbien sur d’une hypothese simplificatrice pour l’expose car un tel materiaun’existe que rarement. Un veritable solide est en fait dans le meilleur des casl’agregation de tels cristaux parfaits (on parle de monocristaux agreges en un

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6 1 Modeles micro-macro pour les solides

polycristal, voir la Figure 1.3). La demarche que nous decrivons ci-dessouspourrait s’appliquer a de tels cas plus realistes, avec bien entendu de severescomplications techniques. Elle pourrait meme s’appliquer a des materiauxamorphes. Nous renvoyons pour cela a la bibliographie.

Fig. 1.3. Un veritable solide est l’agregation de grains de cristaux parfaits agencesdans differentes directions (la fleche figure symboliquement l’orientation du reseaucristallin a l’interieur de chaque grain)

Pour simplifier l’expose, mais ce n’est maintenant qu’une hypothese tech-nique, nous choisissons une maille cristalline cubique de cote ε (qu’on neconfondra bien sur pas avec le tenseur des deformations linearise ε de lasection precedente). Les atomes du reseau sont places aux sommets descubes. D’autres configurations avec plus de contenu physique et d’authenticitemecanique pourraient de meme etre envisagees.

Reprenons notre deformation ϕ a l’echelle macroscopique de notre mate-riau, et utilisons une loupe pour regarder son effet a l’echelle atomique. Ilsemble tres raisonnable (bien qu’en fait d’autres approches, beaucoup plussophistiquees mathematiquement, existent) de considerer que chaque atomedu reseau initialement place en Xi = i1e1 + i2e2 + i3e3 ou i1, i2, i3 decriventZZ

3 et (e1, e2, e3) est la base canonique de IR3 ici alignee avec les cotes de lamaille cubique, se deplace sous l’effet de ϕ en une nouvelle position donnee(c’est la l’hypothese) par

X ′i = ϕ(Xi).

Pour une deformation ϕ ne presentant pas d’irregularite flagrante, ceci estplausible. Choisissons maintenant un modele simpliste pour decrire l’energiemicroscopique d’un reseau cristallin parfait. Par definition, nous dirons quel’energie du cristal parfait decrit ci-dessus est

E =1

2

xk∈ZZ3,xk =0

V (xk), (1.9)

ou V (r) = V (|r|) est un potentiel d’interaction suppose regulier (de classeC∞(IR3)) et a support compact. Expliquons d’ou vient l’energie (1.9).

Page 19: Systèmes multi-échelles : Modélisation et simulation (Mathématiques et Applications)

1.2 De l’echelle atomique a l’energie elastique 7

Pour cela, il ne faut pas perdre de vue que l’energie est une grandeurextensive, c’est-a-dire une grandeur qui depend lineairement de la quantitede matiere consideree (contrairement a une grandeur intensive comme latemperature, qui n’en depend pas). Comme un cristal periodique est pardefinition infini, la seule grandeur energetique qui a un sens est l’energie paratome constituant le cristal. Autrement dit, chaque atome place en xi inter-agissant avec ses voisins places en les xj par le potentiel V (xi − xj), l’energiequi a un sens est

limP−→+∞

1

(2P + 1)31

2

xi = (i1, i2, i3) ∈ Z3,−P ≤ i1, i2, i3 ≤ P

xj = (j1, j2, j3) ∈ Z3,−P ≤ j1, j2, j3 ≤ P,xj = xi

V (xi − xj),

(1.10)

ou le nombre d’atomes consideres est N 3 = (2P +1)3. Le facteur1

2est present

pour eviter de compter deux fois l’interaction entre les atomes en xi et xj . Enutilisant la periodicite du reseau cristallin, on peut montrer que cette limitea bien un sens, et qu’elle vaut (1.9). On peut aussi montrer qu’elle ne dependpas de la maniere dont l’ensemble limite Z3 est approche (ici le grand cube[−P, P ]3).

Exercice 1.3. Montrer dans le detail que la formule (1.10) est bien definie etdonne (1.9) dans le cas d’un reseau periodique monodimensionnel.

Revenons maintenant a notre materiau. En chaque point x macroscopique,nous savons qu’il existe un materiau cristallin parfait microscopique (toujoursle meme d’un point x a un autre dans ce modele simplifie) dont l’energie estdecrite par (1.9). Pour trouver une expression de l’energie du materiau macro-scopique ainsi forme, qui plus est quand ce materiau subit une deformation ϕ,nous allons raisonner comme suit.

Nous remplissons le domaine Ω avec un reseau cristallin parfait de maillecubique de cote ε = 1

N de sorte que nous avons N = 2P +1 points par dimen-sion. Pour simplifier Ω est suppose etre de taille 1, egal au cube [− 1

2 ,+ 12 ]3

centre en 0, et nous prenons un nombre impair de points par dimension, maistout ceci n’est qu’une affaire technique. Le nombre d’atomes contenus dansΩ est alors N3 = (2P + 1)3 et l’energie du systeme ainsi constitue est, paratome,

1

N3

1

2

xi = ε(i1, i2, i3)(i1, i2, i3) ∈ Z3

−P ≤ i1, i2, i3 ≤ P

xj = ε(j1, j2, j3)(j1, j2, j3) ∈ Z3,−P ≤ j1, j2, j3 ≤ Pxj = xi

V (xi − xj),

Une modification s’impose alors. Comme les positions des sommets dureseau periodique sont sensees refleter les positions d’equilibre du materiau

Page 20: Systèmes multi-échelles : Modélisation et simulation (Mathématiques et Applications)

8 1 Modeles micro-macro pour les solides

(on part de la configuration de reference d’equilibre, qu’on deformera ensuitesous l’effet de certaines forces), il est necessaire de changer l’echelle a laquelle

on regarde le potentiel d’un facteur ε =1

N, de sorte que l’energie par atome

est

EN =1

N3

1

2

xi

xj =xi

V(xi − xj

ε

).

ou pour alleger la formule on n’a pas repete le detail sur les sommations enxi et xj . Appliquons alors notre deformation ϕ. L’energie devient

EϕN =

1

N3

1

2

xi

xj xi

V(ϕ(xi) − ϕ(xj)

ε

). (1.11)

On va alors faire tendre ε vers zero : on change d’echelle, puisque l’echellemicroscopique figuree par ε devient nulle et laisse la place a l’echelle ma-

croscopique qui nous interesse seulement. Comme ε =1

Ncela est equivalent

a faire tendre N vers +∞ : on considere de plus en plus d’atomes qui rem-plissent Ω. La deformation ϕ consideree etant prise tres reguliere, il est naturelde faire le developpement de Taylor :

ϕ(xi) − ϕ(xj)

ε= N

(ϕ(

i

N) − ϕ(

j

N))

= ∇ϕ(j

N) · (i − j) (1.12)

en negligeant les termes d’ordre superieur et en notanti

Nle multi-indice

(i1N

,i2N

,i3N

) et de meme pourj

N. L’energie de notre materiau est donc

limN−→+∞

1

N3

1

2

i

j

V(∇ϕ(

j

N) · (i − j)

).

A quelques termes de bord pres dont le lecteur pourra verifier qu’ils sontnegligeables asymptotiquement, on peut changer i − j en k de sorte que l’ona affaire a

limN−→+∞

1

N3

1

2

(j1, j2, j3) ∈ Z3,−P ≤ j1, j2, j3 ≤ P

(k1, k2, k3) = 0 ∈ Z3

−P ≤ k1, k2, k3 ≤ P

V(∇ϕ(

j

N) · k).

(1.13)Pour une fonction Ψ qui vaut asymptotiquement

Ψ(x) =1

2

k =0∈ZZ3

V(∇ϕ(x) · k

),

ceci est de la forme

Page 21: Systèmes multi-échelles : Modélisation et simulation (Mathématiques et Applications)

1.2 De l’echelle atomique a l’energie elastique 9

limcard yj−→+∞

1

card yj∑

yj

Ψ(yj),

ou les yj sont equirepartis sur un domaine de volume unite. La formule (1.13)n’est donc rien d’autre qu’une somme de Riemann qui converge quand N tendvers l’infini vers

1

2

Ω

k =0∈ZZ3

V(∇ϕ(x) · k

)dx (1.14)

Notre but est donc atteint. Nous avons bien determine la fonction de den-site d’energie elastique W a inserer dans (1.8) :

W (F )(x) = W (∇ϕ(x)) =1

2

k =0∈ZZ3

V(∇ϕ(x) · k

)(1.15)

Cette formule (1.15) est l’exacte analogue de (1.9) pour le reseau deforme parl’application lineaire ∇ϕ(x). En chaque point x, cette fonction ne depend quede la valeur ponctuelle du gradient de deformation F (x) = ∇ϕ(x) (en fait detFF , voir l’Exercice 1.6) et bien sur de la nature du materiau considere, ici unreseau cristallin parfait dont les interactions sont regies par le potentiel V . Aumoins dans ce cadre, nous avons donc demontre que l’hypothese d’elasticite(1.3) etait fondee.

Remarque 1.4. Rappelons ici que, pour simplifier, nous avons suppose que Ωetait le cube de taille unite et que, dans leur configuration d’equilibre, lesatomes etaient aussi espaces de 1 sur chaque dimension (avant changementd’echelle). Cela explique pourquoi la formule (1.15) peut apparaıtre commenon homogene (une densite d’energie a gauche, une energie a droite). Il estinstructif de retablir les unites. Soit a l’unite de longueur a l’echelle atomique,de sorte que la maille du reseau a l’equilibre est le cube de cote a, et que Ωest (par exemple) le cube de cote Na. Alors, apres changement d’echelle, les

N3 atomes sont espaces deNa

Nsur chaque dimension. On obtient alors a la

place de (1.14) l’energie par nombre de particules

1

(Na)31

2

Ω

k =0∈ZZ3

V(∇ϕ(x) · k a

)dx (1.16)

ce qui, sachant qu’il y a N 3 particules dans l’echantillon “reel”, donne l’energietotale

1

a3

1

2

Ω

k =0∈ZZ3

V(∇ϕ(x) · k a

)dx (1.17)

et, donc, a la place de (1.15) la densite d’energie

W (F )(x) = W (∇ϕ(x)) =1

a3

1

2

k =0∈ZZ3

V(∇ϕ(x) · k a

). (1.18)

Page 22: Systèmes multi-échelles : Modélisation et simulation (Mathématiques et Applications)

10 1 Modeles micro-macro pour les solides

Exercice 1.5. On suppose que la deformation ϕ est un C∞-diffeomorphismede Ω dans IR3, c’est-a-dire qu’en particulier elle verifie

∃a, b > 0, / ∀x, y ∈ Ω, a|x − y| ≤ |ϕ(x) − ϕ(y)| ≤ b|x − y|. (1.19)

On suppose que V est une fonction C∞ a support compact. On se place endimension 1, et Ω est le segment [−1/2,+1/2]. Montrer rigoureusement laformule (1.14).

Exercice 1.6. Verifier que la densite W definie (1.15) ne depend en fait quede tFF et pas de F = ∇ϕ(x) lui-meme.

Une formule comme (1.14) met bien en evidence le caractere multiechelledu materiau : en chaque point macroscopique, la densite d’energie elastiques’evalue en calculant l’energie du cristal deforme present en x.

Evidemment, nous l’avons demontree dans un cadre tres academique etsous des hypotheses simplificatrices, mais sous la forme

Ω

W (F (x)) dx =

Ω

energie du reseau cristallin place en x

et deforme par F (x) dx(1.20)

elle s’applique dans des cas de modelisation beaucoup plus generaux. Parexemple, nous n’avons considere que des potentiels de paire (au niveau ato-mique, nous avons dit que les atomes interagissaient deux a deux et pasdans leur ensemble), mais nous pourrions appliquer la demarche dans unmodele plus complexe en tenant compte meme de la presence de la structureelectronique du reseau cristallin. Du point de vue numerique, l’evaluation dela densite d’energie sera compliquee d’autant.

Soulignons l’interet de l’approche microscopique qui a ete menee ici surun exemple simple. Pour les materiaux standards, utilises dans des conditionsstandard (i.e. sous des deformations raisonnables), la fermeture des equationsde l’elasticite par une relation constitutive (1.2) liant contrainte et deformation(puis la discretisation numerique du systeme d’equations ainsi obtenu) reste lamethode de choix. D’un point de vue numerique, une telle modelisation resteaussi la plus economique. Mais, des que l’on sort de ces conditions standard(materiau nouveau mal connu, materiau connu mais place sous des charge-ments inhabituels,...) on peut se trouver dans une situation ou il n’existe pasde relation constitutive appropriee car les relations existantes sont en echec.Typiquement, la raison de cet echec est que de telles formules sont deriveesdans des situations “ecole”, sous des conditions standard, que le cas specifiquenouveau ne connaıt pas forcement. Dans une telle situation, retenons qu’il estpossible d’envisager une modelisation par systeme multiechelle, et donc pos-sible, dans l’esprit de ce qui a ete fait ici, de descendre a l’echelle atomique.D’ailleurs, meme sous des conditions standard, on peut vouloir verifier que larelation constitutive postulee est la bonne, et l’echelle atomique peut venir enaide sur ce point (voir a ce sujet l’Exercice 1.8).

Page 23: Systèmes multi-échelles : Modélisation et simulation (Mathématiques et Applications)

1.2 De l’echelle atomique a l’energie elastique 11

En anticipant sur les chapitres suivants (voir notamment la formule (2.46)donnant l’interpretation variationnelle de l’homogeneisation elliptique au cha-pitre 2, et le systeme micromacro (4.28) pour les fluides a microstructures),terminons cette section en isolant bien la forme du probleme de minimisationobtenu. Symboliquement, il s’ecrit

⎧⎪⎪⎪⎪⎪⎪⎪⎨⎪⎪⎪⎪⎪⎪⎪⎩

inf

E(ϕ) −

Ω

f ϕ −∫

∂Ω

/ϕ ∈ A

,

E(ϕ) =

Ω

W (ϕ(x)) dx =

Ω

energie du reseau cristallin place en x

et deforme par∇ϕ(x) dx(1.21)

Nous allons evoluer dans tout ce cours avec des modeles presentant la memeforme, au sens large, que (1.21).

Remarque 1.7. A l’inverse, la strategie que nous venons de decrire peut etrevue comme un moyen explicite de calculer l’energie au niveau microscopique.Prenons en effet le point de vue suivant. Nous modelisons l’energie du materiau(deforme par ϕ) entierement a l’echelle microscopique, c’est-a-dire atomique,par une formule du type (1.11), recrite ici sous la forme compacte (se reportera (1.11) pour l’expression exacte)

EϕN =

1

N3

1

2

xi ∈ AN

xj = xi ∈ AN ,

V(ϕ(xi) − ϕ(xj)

ε

), (1.22)

ou AN est un ensemble de points, inclus dans (εZ)3, de cardinal d’ordre N3. Enpratique, N3 est de l’ordre du Nombre d’Avogadro (1023) et une telle sommen’est donc pas calculable. Cependant, en adoptant le procede precedent, onvoit que cette somme peut en fait, pour ε d’ordre 1/N , etre reconnue commeune somme de Riemann et calculee par une methode de discretisation adequatepour l’integrale correspondante qui n’est autre que (1.8) pour W definie par(1.15).

Exercice 1.8. On se place en dimension 1, sur le segment [0, 1] sur lequel on

place N atomes espaces de ε =1

N − 1et places en les xi =

i − 1

N − 1, 1 ≤ i ≤

N . On impose a ces atomes une deformation ϕ, fonction reguliere supposeestrictement croissante (Pourquoi ?). L’energie du materiau est alors definiepar la formule suivante :

EϕN =

1

N

1

2

N∑

i=1

V(ϕ(xi) − ϕ(xi−1)

ε

), (1.23)

ou V est le potentiel d’interaction defini par

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12 1 Modeles micro-macro pour les solides

V (r) = k(r − 1)2, r > 0 (1.24)

avec k une constante strictement positive fixee. Expliquer pourquoi l’energie(1.23) est dite energie des plus proches voisins. Montrer que lorsque ε tendvers 0, l’energie Eϕ

N tend vers la fonctionnelle d’energie elastique linearisee

∫ 1

0

k |u′|2, (1.25)

definie sur la deformation u(x) = ϕ(x)−x. En deduire que, au moins dans cecas, le modele atomique permet de retrouver un modele macroscopique bienconnu.

Exercice 1.9. On se place dans les conditions de l’Exercice 1.5, mais on sup-pose cette fois que la portee δ du potentiel d’interaction au niveau atomiqueest bien plus longue que la distance interatomique ε = 1

N , ce qui se traduit

mathematiquement parε

δ−→ 0 au lieu de ε = δ. Au niveau microscopique,

l’energie par atome est donc :

EϕN =

1

N

1

2

xi

xj

V(ϕ(xi) − ϕ(xj)

δ

).

avec xi = εi et i ∈ ZZ. Montrer alors que la meme construction que ci-dessusconduit a

limN−→+∞

ε

δEϕ

N =1

2

(∫

R

V

) ∫

Ω

1

|det (∇ϕ(x))| dx. (1.26)

1.3 Une methode couplee micro-macro

Il n’est pas rare de voir des situations ou la deformation que subit le materiaupresente de grandes inhomogeneites. Dans une majeure partie du materiau, ladeformation peut etre consideree comme “gentille”, alors que dans une zoneprecise, on s’attend a des deformations importantes et irregulieres. On pourrapar exemple se faire une idee sur le cas ou on appuie une pointe sur une table(voir Figure 1.4). Au voisinage de la pointe (dans la pointe et dans la table),on s’attend a de forts gradients, ailleurs on est plus serein. Un autre exempleest celui d’un materiau en train de se fracturer (voir Figure 1.5). Dans la zoned’ouverture, il est clair que la situation est difficile. A titre d’exemple, et sansaucune pretention a la generalite, nous allons presenter dans cette sectionune methode possible pour traiter de telles situations. Il s’agit d’une methoderecente, datant des annees 90, due essentiellement a une equipe de chercheursamericains en Mecanique. Comme il sera de nombreuses fois d’usage dans cecours, nous en presentons une version simplifiee destinee avant tout a fairesentir l’approche sans surcharger l’expose de details techniques.

Nous allons en fait nous appuyer sur le travail effectue dans la sectionprecedente.

Page 25: Systèmes multi-échelles : Modélisation et simulation (Mathématiques et Applications)

1.3 Une methode couplee micro-macro 13

Fig. 1.4. Experience dite d’indentation : on appuie une pointe sur une table : lesdeformations attendues a l’impact (a l’interieur du cercle) sont fortes.

Fig. 1.5. Un materiau se dechire selon une fracture : au voisinage de la fracture, ilest impensable d’utiliser seulement l’echelle macroscopique.

1.3.1 Le modele

Supposons encore notre materiau compose a l’echelle microscopique d’atomesrepartis sur un reseau cristallin periodique parfait, dont la taille de la maille estnotee ε. Ce materiau remplit un domaine Ω. Comme a la section precedente,nous gardons a l’esprit dans notre vision macroscopique qu’en chaque point xdu domaine Ω existe un reseau periodique parfait microscopique sous-jacent.Pour simplifier, nous allons supposer que nous travaillons dans une coupe bi-dimensionnelle du materiau : Ω et donc le reseau cristallin, seront desormaisconsideres comme des objets bidimensionnels plans. De meme la deformationϕ envoie le plan sur lui-meme. Quant a l’energie microscopique, elle est prisecomme l’analogue bidimensionnel de l’energie (1.9).

Calculer l’etat du materiau sous la deformation ϕ revient a savoir evaluerl’energie de toute configuration deformee par ϕ. Compte-tenu de la descriptionfaite a la section precedente, il est raisonnable de definir cette energie par

Ω

W (ϕ)(x) dx,

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14 1 Modeles micro-macro pour les solides

ou on a note W la densite d’energie. Un point important est a noter ici. Commeon a pour objectif d’attaquer les situations difficiles, on ne se restreint pas aucas de l’elasticite ou W depend de ϕ a travers ∇ϕ seulement. On autorise Wa dependre explicitement de ϕ lui-meme, et de ses derivees, comme dans laforme generale (1.2). Deux situations sont alors possibles pour chaque pointmacroscopique x :

1 soit le point x se situe dans une zone, notee Ωreg (comme “reguliere”),ou la deformation ϕ attendue est reguliere, c’est-a-dire ne presentepas de variations fortes a petite echelle. On s’attend alors a ce quele developpement de Taylor (1.12) et le processus limite effectues a lasection precedente soient valables localement autour de x, et il est alorsraisonnable de poser

W (ϕ)(x) = W (∇ϕ(x)) =1

2

k =0∈ZZ2

V (∇ϕ(x) · εk) (1.27)

ou ε designe la taille de la maille cristalline (voir la Remarque 1.4 et, ci-dessous, la Remarque 1.11 ; pour alleger on oublie dans (1.27) et (1.28) lecoefficient de normalisation). Tout se passe dans une telle zone comme sile reseau cristallin microscopique present en x etait deforme lineairementen un autre reseau cristallin par l’application lineaire ∇ϕ(x),

2 soit le point x se situe dans une zone critique, notee Ωsing (comme “sin-guliere”), ou la deformation ϕ est attendue comme heterogene. Rien nedit alors que le calcul de la section precedente soit correct (et en fait toutdit meme le contraire), et il est indispensable de regarder explicitementcomment se deforme le reseau cristallin. Une facon de faire est de choisirun atome representatif de ce reseau (celui place a l’origine par exemple)et de poser

W (ϕ)(x) =1

2

k =0∈ZZ2

V (ϕ(x + εk) − ϕ(x)). (1.28)

Chaque atome du reseau initialement place en x + εk a ete deplace enϕ(x + εk) et interagit avec l’atome d’origine place desormais en ϕ(x).

Remarque 1.10. Dans l’un comme l’autre des cas, il faut noter que si V est unpotentiel d’interaction a support compact, les deux sommes (1.27) et (1.28)sont en fait finies. Si V est seulement un potentiel qui decroit vite a l’infini,il faudra en pratique realiser des troncatures pour calculer ces sommes.

Remarque 1.11. Dans la pratique numerique, la taille caracteristique du reseaucristallin microscopique est ε et pas exactement zero comme dans le proces-sus limite mathematique qui permet de trouver la densite. On ne peut passe permettre, en un certain sens, de passer a la limite ε −→ 0 mais on doitgerer explicitement un ε ridiculement petit mais non nul. Nous rencontre-rons a plusieurs reprises cette difference entre analyse mathematique (ou un

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1.3 Une methode couplee micro-macro 15

petit parametre ε tend vers zero) et pratique numerique (ou le meme petitparametre est petit mais non nul) dans la suite de ce cours.

L’energie totale du materiau deforme par ϕ sera la somme des densites detype (1.27) et (1.28) selon les zones :

E(ϕ) =1

2

Ωreg

k =0∈ZZ2

V (∇ϕ(x) · εk) dx

+1

2

Ωsing

k =0∈ZZ2

V (ϕ(x + εk) − ϕ(x)) dx. (1.29)

Remarque 1.12. Bien noter que dans ce modele, les zones Ωreg et Ωsing

dependent de la fonction ϕ. On ne detaille d’ailleurs pas cette dependance (ondit seulement de facon floue que Ωreg est la zone ou ϕ est “assez reguliere”).L’etat de l’art n’est encore pas clair sur ce point. Il s’agit quoi qu’il en soitd’un modele hautement non lineaire, difficile a mettre en oeuvre quand leszones Ωreg et Ωsing ne sont pas fixees a priori.

Il est maintenant temps de voir comment on procede dans la simulationnumerique pour calculer E(ϕ) et pour appliquer le traitement adequat suivantla zone ou se trouve le point courant x.

Zone macroscopique

Couronnes (modèle microscopique)

Fig. 1.6. On traite differemment les differentes zones : dans la zone grisee centraleon s’attend a une deformation irreguliere ; dans une couronne autour, on s’attend aune deformation reguliere. Dans une zone peripherique plus large, ou la deformationest tout a fait standard, on peut meme envisager, par souci d’economie, d’utiliserune relation de fermeture du type (1.2).

1.3.2 La discretisation

Realisons d’abord une triangulation T du domaine Ω, au sens des triangula-tions regulieres des maillages des elements finis. Pour des notions de base sur

Page 28: Systèmes multi-échelles : Modélisation et simulation (Mathématiques et Applications)

16 1 Modeles micro-macro pour les solides

ces maillages, nous renvoyons a la bibliographie. Nous rappelons seulement iciquelques notions de base sur la methode des elements finis.

Un maillage regulier d’un domaine etant donne, on peut considerer l’appro-ximation elements finis d’une fonction qui consiste a approcher cette fonctionpar une combinaison lineaire de fonctions de base. Ces fonctions de base sontdependantes du maillage en ce qu’elles engendrent un sous espace vectoriel dedimension finie forme des fonctions polynomiales par maille. Ainsi, l’approxi-mation dite P0 consiste a approcher l’espace L2(Ω) par l’espace de dimensionfini des fonctions constantes par maille (polynome de degre zero par maille,d’ou l’appellation P0)

V 0N = u ∈ L2(Ω), u =

j

ujψj(x) (1.30)

ou

ψj =

= 1 sur le triangleTj

= 0 ailleurs.(1.31)

Ici, la dimension N est bien sur le nombre de triangles dans le maillage.De meme, l’approximation P1 consiste a choisir l’espace de dimension finie

des polynomes de degre 1 par maille triangulaire. On en construit une baseen considerant les noeuds yi de la triangulation (les sommets des triangles) etles fonctions “pyramidales”, lineaires par morceau

φk =

= 1 au noeud yk

= 0 en tous les autres noeuds.(1.32)

L’espace de discretisation est alors (par exemple en se restreignant auxnoeuds strictement interieurs a Ω ce qui a pour effet de ne considerer que lesfonctions nulles en l’approximation polygonale ∂Ωh du bord ∂Ω)

V 1N = u ∈ H1

0 (Ωh), u =∑

k

ukφk(x). (1.33)

Supposons alors que le probleme a resoudre est une equation aux deriveespartielles sur le domaine Ω du type

−∆u = fu|∂Ω = 0

(1.34)

pour une certaine fonction f ∈ L2(Ω).On en realise la formulation faible, aussi dite formulation variationnelle,

Trouver u ∈ H10 (Ω) telle que∀v ∈ H1

0 (Ω),

Ω

∇u · ∇v =

Ω

fv. (1.35)

On approche alors cette formulation faible par la formulation faible discrete(ou formulation variationnelle discrete)

Page 29: Systèmes multi-échelles : Modélisation et simulation (Mathématiques et Applications)

1.3 Une methode couplee micro-macro 17

Trouver uN ∈ V 1N telle que∀vN ∈ V 1

N ,

Ω

∇uN · ∇vN =

Ω

fvN . (1.36)

L’etape suivante est de transformer cette formulation discrete en une equationalgebrique. Il est en effet clair que la traduction de (1.36) en termes des coef-ficients uk de la fonction solution uN est une egalite algebrique AU = B,ou la matrice A est associee a la representation de la forme bilineaire

(uN , vN ) −→∫

Ω

∇uN · ∇vN dans la base de V 1N , ou B est le vecteur colonne

des

Ω

fφj et ou U est le vecteur colonne des ukN .

Finalement, on resout cette equation algebrique par un algorithme deresolution de systeme lineaire et on obtient l’approximation recherchee uN

de la solution u du probleme original (1.34) :

uN =∑

k

ukN φk(x).

De la meme maniere, on peut avec cette methode attaquer un probleme deminimisation comme celui qui nous interesse. Par exemple, on peut rechercherl’approximation de

inf

1

2

Ω

|∇u|2 −∫

Ω

fu, u ∈ H10 (Ω)

(1.37)

pour f fixee dans L2(Ω), probleme qui est rigoureusement equivalent a laresolution de (1.34). On approche alors ce probleme par

inf

1

2

Ω

|∇uN |2 −∫

Ω

fuN , uN ∈ V 1N

(1.38)

ce qui est encore equivalent a la formulation faible discrete donnee ci-dessus.Pour que la solution discrete ainsi obtenue par l’une ou l’autre des voies

(c’est la meme) soit une approximation correcte et asymptotiquement exacte(quand le parametre de taille caracteristique du maillage tend vers 0) dela solution exacte u du probleme de depart, il faut certaines proprietesmathematiques de ce probleme. Ces proprietes sont effectivement verifieespar (1.34) et (1.37). On admettra qu’elles le sont aussi pour notre problemede mecanique. Il faut aussi pour le maillage de bonnes proprietes de regulariteet d’homogeneite (relatives a la forme et la taille des triangles, a leur recollagemutuel). Nous admettrons que notre maillage possede de telles bonnes pro-prietes. Nous pouvons donc appliquer la discretisation elements finis a notreprobleme de minimisation (sous la forme (1.37)). Concentrons-nous alors surles aspects multiechelles.

Notons (Tj) les differents triangles du maillage, et discretisons la deforma-tion ϕ par elements finis P1. Chaque coordonnee ϕα de ϕ, α = 1, 2 sedecompose donc selon

Page 30: Systèmes multi-échelles : Modélisation et simulation (Mathématiques et Applications)

18 1 Modeles micro-macro pour les solides

ϕα(x) =∑

i

ϕαi φi(x),

ou les φi sont les elements finis associes au maillage T .Correlativement, le gradient de deformation est discretise selon les elements

P0 sur les triangles, notes ψi,

∂ϕα

∂xβ(x) =

l

gα,βl ψl(x), α = 1, 2 β = 1, 2

Par definition, ψl est la fonction constante de valeur un sur le triangle Tl.Designons maintenant par ξj les noeuds de quadrature associes a la trian-

gulation effectuee. Cela signifie que, de facon generale, une integrale

Ω

ψ(x) dx (1.39)

d’une fonction arbitraire ψ, pas necessairement dans l’espace d’elements finis,sera approchee par ∫

Ω

ψ(x) dx ≈∑

j

ωjψ(ξj) (1.40)

ou les ωj sont les poids de la formule de quadrature. Nous prenons ici laformule de quadrature la plus simple qui consiste a choisir un seul noeud danschaque triangle Tj , precisement son barycentre ξj , et a lui affecter le poidsωj = |Tj |. Nous utilisons donc la formule de quadrature

Ω

ψ(x) dx ≈∑

ξj barycentre deTj

|Tj |ψ(ξj) (1.41)

L’evaluation de l’integrale (1.29) se fera par cette formule de quadrature,et tout se ramene alors au calcul des

W (ϕ)(ξj) quandϕ est dans l’espace d’elements finis P1

pour pouvoir ensuite l’inclure dans une boucle de minimisation sur ϕ.

Suivant que ζj et les ζj + εn appartiennent a Ωreg ou Ωsing (voir la Fi-gure 1.8), on choisit respectivement la formule (1.27), d’ou

W (ϕ)(ξj) =1

2

k

V (∇ϕ(ξj) · εk),

ou la formule (1.28) d’ou

W (ϕ)(ξj) =1

2

k

V (ϕ(ξj + εk) − ϕ(ξj)).

Page 31: Systèmes multi-échelles : Modélisation et simulation (Mathématiques et Applications)

1.3 Une methode couplee micro-macro 19

Pour calculer ces deux series de la forme∑

k∈ZZ2

f(k) au membre de droite de

(1.27) et (1.28), une maniere de proceder est de les remplacer par des sommes

finies∑

k ∈ ZZ2

k ∈ Brc(0)

f(k) ou rc est un rayon de coupure.

Zone de faibles gradients:

le modèle macroscopique est suffisant

le modèle microscopique est nécessaire

Zone de forts gradients:

Fig. 1.7. Choix des zones

1.3.3 Utilisation de E(ϕ)

A ce stade, nous savons donc, pour un maillage donne et une discretisation deϕ donnee, calculer l’energie mecanique E(ϕ) de la transformation ϕ. Le resteest une affaire d’algorithme d’optimisation : il faut lancer une minimisationde l’energie mecanique donnee par (1.29), i.e. resoudre

⎧⎪⎪⎪⎪⎪⎪⎪⎪⎪⎨⎪⎪⎪⎪⎪⎪⎪⎪⎪⎩

inf

E(ϕ) −

Ω

f ϕ −∫

∂Ω

/ϕ ∈ A

,

E(ϕ) =1

2

Ωreg

k =0∈ZZ2

V (∇ϕ(x) · εk) dx

+1

2

Ωsing

k =0∈ZZ2

V (ϕ(x + εk) − ϕ(x)) dx

(1.42)

Page 32: Systèmes multi-échelles : Modélisation et simulation (Mathématiques et Applications)

20 1 Modeles micro-macro pour les solides

ou f et g ont la meme signification que dans la premiere section de ce chapitre.

Fig. 1.8. En chaque point macroscopique, on regarde la deformation subie par lecristal microscopique : elle peut etre reguliere (une simple application lineaire ∇ϕ(x),en haut), ou peut etre beaucoup plus “chaotique” (en bas)

Remarque 1.13. Signalons que les questions de determination d’etats de defor-mation statiques comme celles que nous avons traitees ci-dessus sont claire-ment cruciales, mais que, au-dela, les applications d’interet pratique sont leplus souvent des problemes dependant du temps, comme par exemple la pro-pagation d’une fracture. La technologie developpee ci-dessus permet d’avoir aumoins une strategie pour ce type de problemes, a savoir la strategie dite quasi-statique, qui consiste a considerer que l’evolution en temps n’est rien d’autrequ’une succession d’etats d’equilibres calcules chacun par un probleme de mi-nimisation du type (1.42). Nous renvoyons le lecteur a la bibliographie pouren apprendre plus.

On attaque (1.42) de la facon suivante. Apres avoir postule une formepour ϕ0, on batit une suite d’iterees ϕk, par exemple via un algorithme degradient pour tenter de minimiser l’energie. A chaque iteration, il faut calculer

E(ϕk) et eventuellement∂

∂ϕE(ϕk) ce qui dans les deux cas fait intervenir

un calcul du type de celui detaille ci-dessus. Au besoin, il faut raffiner lemaillage la ou on detecte des apparitions d’irregularites dans ϕk. Il existe pour

Page 33: Systèmes multi-échelles : Modélisation et simulation (Mathématiques et Applications)

1.4 Introduction a la topologie faible 21

cela des strategies automatiques que nous n’exposerons pas ici. De meme,la partition du domaine Ω en les parties Ωreg et Ωsing pourra evoluer aucours des iterations selon les inhomogeneites constatees sur ϕk. Que le lecteurretienne simplement que la partie specifiquement de nature multiechelle dutravail est maintenant connue de lui. Il ne reste apres que des techniquesstandard de calcul scientifique.

Cependant, un point capital demeure. Bien qu’on sache effectivement at-taquer en pratique la minimisation du probleme (1.42), de nombreux progresrestent a faire, notamment car on ne dispose pas a ce jour d’une analysenumerique du probleme (1.42), et ce, d’abord, parce qu’on ne dispose pas nonplus d’une analyse mathematique. Certes, de recents efforts de recherche dansce domaine visent a combler ce manque, mais dans l’etat actuel des connais-sances, on a peu d’elements d’analyse, et donc on paie un inevitable prix dansla technique numerique.

Faute de pouvoir faire l’analyse de (1.42), ou de (1.21), on peut donnerquelques elements d’analyse pour un probleme purement macroscopique dutype

infϕ∈A

Ω

W (ϕ(x),∇ϕ(x)) dx −∫

Ω

f ϕ −∫

∂Ω

g ϕ. (1.43)

Il est clair qu’un probleme comme (1.42) ou meme sa forme simplifiee (1.21)(pour laquelle Ω = Ωreg), contient au moins les difficultes mathematiques duprobleme (1.43). Et nous allons voir que ces difficultes sont enormes.

Les deux prochaines sections sont consacrees a l’etude mathematique (in-troductive) des problemes de type (1.43). La Section 1.5 peut etre omise enpremiere lecture, notamment par le lecteur qui n’est pas un “fana maths”. Lalecture de la Section 1.4 est en revanche indispensable car on y presente unoutil capital pour l’etude des problemes multiechelles, la topologie faible.

1.4 Introduction a la topologie faible

Nous commencons par definir la notion de topologie faible sur L2(]0, 1[), etnous verrons des extensions a peine plus compliquees plus tard.

Definition 1.14. Une suite un de fonctions de L2(]0, 1[) est dite convergerfaiblement vers la fonction u ∈ L2(]0, 1[) si pour toute fonction v ∈ L2(]0, 1[),on a

limn−→+∞

∫ 1

0

un v =

∫ 1

0

u v. (1.44)

L’exemple le plus simple est celui de la suite

un(x) = sin (2π nx) (1.45)

qui converge faiblement vers la fonction nulle sur le segment ]0, 1[. Le lecteursait en effet que par une simple integration par parties, il est facile de montrer

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22 1 Modeles micro-macro pour les solides

que (1.44) est vraie avec u = 0 pour toute fonction v de classe C1 par exemple.On procede ensuite par densite pour etendre le resultat a toutes les fonctionsde L2(]0, 1[).

Exercice 1.15. Formaliser le raisonnement precedent.

Il est clair que pour autant cette suite ne converge pas vers zero pourla topologie habituelle de L2(]0, 1[), celle definie par : un tend vers u si etseulement si

limn−→0

∫ 1

0

|un − u|2 = 0 (1.46)

(pour differencier, on parlera souvent de convergence forte dans ce cas). Eneffet,

∫ 1

0

|un − u|2 =

∫ 1

0

sin2(2πnx) =

∫ 1

0

(1

2− 1

2cos(4πnx)) =

1

2.

En revanche, c’est une simple application de l’inegalite de Cauchy-Schwarzque de montrer que si une suite un converge vers u fortement, alors elleconverge faiblement. La notion de convergence faible (comme son nom l’in-dique) est donc une notion plus faible que celle de convergence forte.

Des maintenant, on peut comprendre pourquoi topologie faible et proble-mes a plusieurs echelles sont lies. Si la suite un definie par (1.45) est un courantelectrique, il s’agit d’un courant qui oscille tres rapidement. En le mesurant(c’est le role de la fonction v qui figure l’appareil de mesure, lequel n’est pasinfiniment precis, donc a une “largeur” (le support de v)), on ne voit asymp-totiquement qu’un signal nul (la fonction limite faible u = 0). La fonctionoscille tellement qu’en moyenne (ou, plus trivialement, vue de loin) elle estnulle. Dit en d’autres termes, elle est non nulle quand on la regarde avec un“microscope” (un appareil de mesure tres precis, ou en termes mathematiquesavec la topologie forte), mais nulle quand on la regarde “macroscopiquement”(en termes mathematiques avec la topologie faible).

Encore dit differemment, la limite faible u0 d’une suite de fonctions uε

definit le comportement moyen (macroscopique) de la suite.De la meme facon que nous avons defini la topologie faible sur L2(]0, 1[),

nous pouvons definir la topologie faible sur un espace de Hilbert V de produitscalaire (·, ·) par

un tend faiblement versu dansV si (un, v)n−→+∞−→ (u, v) ∀v ∈ V. (1.47)

Ceci permet notamment de definir par exemple la topologie faible de L2(Ω)pour Ω ⊂ IRN (par la meme definition que (1.44)), ou celle de H1(0, 1) :

un tend faiblement versu dansH1(0, 1) si∫ 1

0

(u′nv′ + unv)

n−→+∞−→∫ 1

0

(u′v′ + uv) ∀v ∈ H1(0, 1),

Page 35: Systèmes multi-échelles : Modélisation et simulation (Mathématiques et Applications)

1.4 Introduction a la topologie faible 23

ou encore celle de H1(Ω), pour Ω ⊂ IRN .

Nous pouvons aussi definir la topologie faible sur les espaces Lp, 1 ≤ p ≤+∞, en dimension quelconque.

Definition 1.16. Soit Ω un ouvert de IRN , N ≥ 1. Soit 1 ≤ p < +∞, nousdirons que la suite un ∈ Lp(Ω) converge faiblement vers u ∈ Lp(Ω) si pour

toute fonction v ∈ Lq(Ω),1

p+

1

q= 1,

limn−→+∞

Ω

un v =

Ω

u v. (1.48)

Dans le cas p = ∞, il y a une petite nuance : nous dirons qu’une suiteun ∈ L∞(Ω) converge faiblement-⋆ vers u ∈ L∞(Ω) si pour toute fonctionv ∈ L1(Ω), (1.48) a lieu.

Dans tous les cas, il est commode de noter

unn→∞ u, (1.49)

pour indiquer la convergence faible, tandis que la convergence forte est denoteepar l’habituel

unn→∞−→ u. (1.50)

Cette definition nous permet d’envisager les produits de suite. En effet, lelecteur sait que si la suite un converge vers u dans Lp et la suite vn convergevers v dans Lq, 1 ≤ p ≤ +∞, 1

p + 1q = 1, alors la suite unvn converge dans L1

vers uv. Ceci se montre par une simple application de l’inegalite de Holder, asavoir

‖uv‖L1(Ω) ≤ ‖u‖Lp(Ω)‖v‖Lq(Ω), (1.51)

pour toute fonction u dans Lp(Ω), v dans Lq(Ω),1

p+

1

q= 1.

La proposition suivante, dont la preuve est laissee au lecteur, montre queles choses ne sont pas aussi simples pour la topologie faible.

Proposition 1.17. Soit 1 ≤ p ≤ +∞ et q tel que1

p+

1

q= 1.

– (i) Si un converge fortement vers u dans Lp(Ω), et vn converge faible-ment vers v dans Lq(Ω), alors unvn converge faiblement vers uv dansL1(Ω),

– (ii) Si un converge faiblement (respectivement faiblement-⋆ si p = +∞)vers u dans Lp(Ω), et vn converge faiblement vers v dans Lq(Ω), alorson ne peut rien dire de la convergence du produit unvn.

Exercice 1.18. Montrer (i) en utilisant l’inegalite de Holder, et donner uncontrexemple pour (ii).

Enfin, une propriete essentielle de la topologie faible est la suivante

Page 36: Systèmes multi-échelles : Modélisation et simulation (Mathématiques et Applications)

24 1 Modeles micro-macro pour les solides

Proposition 1.19. Toute suite un bornee dans Lp(Ω), 1 < p < +∞, (res-pectivement p = ∞) admet une sous suite convergente pour la topologie faible(respectivement la topologie faible-⋆).

Remarque 1.20. Noter que le cas p = 1 est exclu et que le cas p = ∞ requiertun traitement special. Cette remarque vaudra dans toute la suite.

Remarque 1.21. Cette proposition est en fait la raison d’etre de la topologiefaible, qui cree des objets (les limites) en etant moins exigeante sur la notionde convergence. Charge ensuite au mathematicien de montrer que cette limitefaible est eventuellement une limite pour la topologie forte si tel est le cas.

La preuve de cette proposition sera admise. Cependant, la preuve du casparticulier p = 2 fait l’objet de l’exercice suivant.

Exercice 1.22. On se place sur L2(]0, 1[). Soit ek une base hilbertienne de cetespace. Soit un une suite de L2(]0, 1[) qu’on suppose bornee. On decompose un

selon la base des ek en un =

+∞∑

k=1

un,kek ou, pour chaque n, un,k ∈ l2. Montrer

que pour chaque k, la suite des coefficients un,k est bornee dans R. En deduirequ’a extraction pres, la suite un converge faiblement.

La derniere propriete que nous allons mentionner ici est un resultat decompacite que nous ne sommes pas en mesure de demontrer et que nousadmettrons (voir par exemple la reference [2] a la fin de ce chapitre pour unedemonstration).

Proposition 1.23. dit Theoreme de Rellich On suppose que le domaineΩ est un borne regulier de IRN . Alors une suite faiblement convergente dansH1(Ω) est a extraction pres fortement convergente dans L2(Ω).

Remarque 1.24. Au vu des deux propositions precedentes, le lecteur peut fairel’observation suivante. Si une suite de fonctions un de L2(]0, 1[) (par exemple)est bornee, alors une de ses sous suites converge faiblement. Si de plus la suitedes derivees u′

n est bornee dans L2(]0, 1[), alors une sous suite de un convergefortement.

De nombreuses autres proprietes permettent de relier convergence faible etconvergence forte. Nous ne nous y attarderons pas plus et renvoyons le lecteura la bibliographie de ce chapitre pour une etude plus approfondie.

1.5 Vers le calcul des variations

Muni de l’outil “topologie faible”, abordons l’etude d’un probleme modele, asavoir le probleme (1.43) que nous recrivons ici, en supposant les donnees fet g nulles, juste pour comprendre (en d’autres termes, nous cherchons l’etatd’equilibre du materiau sans qu’on ne le soumette a aucune force),

Page 37: Systèmes multi-échelles : Modélisation et simulation (Mathématiques et Applications)

1.5 Vers le calcul des variations 25

infϕ∈A

Ω

W (ϕ(x),∇ϕ(x)) dx. (1.52)

Ce probleme est ici representatif des bien plus complexes problemes de type(1.21), et au-dela encore de type (1.42). Il nous arrivera aussi de ne garderque la dependance en ∇ϕ, pour nous restreindre au cas de l’elasticite, et doncde traiter

infϕ∈A

Ω

W (∇ϕ(x)) dx. (1.53)

Quelle est la difficulte dans les problemes (1.52) et (1.53) ? Elle tient endeux mots : la non convexite de W .

Deja, quand la fonctionnelle d’energie est convexe, un probleme de mini-misation peut ne pas etre trivial, au sens ou il peut ou non admettre un mi-nimiseur (minimiser t2, ou au contraire, e−t sur la droite reelle), mais quandelle est non convexe, les difficultes deviennent terribles.

Pourquoi W est-elle par nature non convexe (sauf dans le cas tres simple del’elasticite linearisee, ou on est en train de minimiser une “parabole”) ? Pour lecomprendre, il suffit par exemple de regarder la densite d’energie W que nousavons construite plus haut en (1.20) et qui provient de l’echelle atomique :

W (F (x)) = energie du reseau cristallin place en x et deforme par F (x).

Une telle fonctionnelle n’est generalement pas convexe. En effet, pour unreseau atomique tridimensionnel, il n’est pas rare qu’il existe plusieurs confi-gurations d’energie minimale (plusieurs mailles periodiques qui minimisentl’energie), et toute application lineaire qui fait passer de la configuration dereference a l’une d’entre elles sera donc un minimiseur pour W . En langagemecanique, le passage d’une configuration d’energie minimale a une autre estappelee une transition de phase, et l’on voit ainsi se developper dans desmateriaux reels differentes zones, selon la configuration (la phase) du reseaulocal. D’ailleurs meme s’il n’existe qu’une seule configuration d’energie mini-

male, disons un carre en dimension 2, alors les rotations d’angleπ

2, π,

2la

changent en elle-meme est donc il est exclus que le potentiel W soit convexe,sauf a etre constant. En resume, W a plusieurs puits, et en consequence,l’energie

infϕ∈A

Ω

W (F (x)) dx

admet beaucoup (voire une infinite) de minimiseurs, formes de fonctions F (x)qui vont “visiter” tous les puits. Minimiser une telle energie devient donc unetache difficile.

Dans le cas non convexe, 3 situations sont donc possibles

(i) il n’existe pas de minimiseur

(ii) il existe un unique minimiseur

(iii) il existe plusieurs (une infinite de) minimiseurs.

Page 38: Systèmes multi-échelles : Modélisation et simulation (Mathématiques et Applications)

26 1 Modeles micro-macro pour les solides

Encore une fois, nous ne pouvons pas faire l’analyse mathematique de(1.52) et (1.53). Nous allons en fait prendre des problemes modeles3, mo-nodimensionnels, qui exhibent les memes caracteristiques, presentent donc lesmemes difficultes, et sur lesquels nous allons comprendre en detail la phenome-nologie de la situation et examiner les techniques appropriees, surtout du pointde vue mathematique et un peu du point de vue numerique.

1.5.1 Quelques problemes modeles

Commencons par la minimisation d’une fonctionnelle du type (1.53), a savoir

inf

∫ 1

0

(ϕ′(x)2 − 1)2 dx, ϕ ∈ W 1,4([0, 1]), ϕ(0) = ϕ(1) = 0

, (1.54)

ou l’on a designe par W 1,4([0, 1]) l’espace fonctionnel

W 1,4([0, 1]) = ϕ ∈ L4([0, 1]) / ϕ′ ∈ L4([0, 1]). (1.55)

Comme on peut le voir sur la Figure 1.9, le potentiel W (ϕ′) = (ϕ′(x)2 −1)2 est un potentiel a deux puits. Phenomenologiquement, on doit penser lespoints -1 et 1 qui sont les points ou sont localises les deux puits commeles transformations lineaires (les ∇ϕ) qui font passer du reseau de referencea deux configurations differentes d’energie minimale, ou autrement dit auxdeux phases du materiau a l’echelle microscopique.

Une analyse simple montre que

le probleme (1.54) a une infinite de minimiseurs.

En effet, la fonction

ϕ1(x) =

x si 0 ≤ x ≤ 1/2,1 − x si 1/2 ≤ x ≤ 1

a pour energie zero et verifie bien les conditions aux limites. Ceci montre quel’infimum (1.54) vaut zero. Il existe en fait une infinite de fonctions donnantl’energie zero (voir de telles fonctions sur la Figure 1.10), d’ou une infinite deminimiseurs.

Remarque 1.25. Rappelons le vocabulaire suivant : l’infimum d’un problemede minimisation

infE(x), x ∈ Xest la valeur du nombre I = infE(x), x ∈ X (eventuellement = −∞).Quand I > −∞ et qu’il existe un x0 ∈ X tel que E(x0) = I, l’infimum Iest atteint et est dit un minimum. Le point x0 est un minimiseur .

Page 39: Systèmes multi-échelles : Modélisation et simulation (Mathématiques et Applications)

1.5 Vers le calcul des variations 27

A B

Fig. 1.9. Potentiel a deux puits modelisant une eventuelle transition entre deuxphases (2 configurations cristallines d’energie minimale).

0 1

Fig. 1.10. Quelques minimiseurs pour le probleme (1.54).

Remarque 1.26. Dans le probleme (1.54), on a, par souci de simplicite, fixe lacondition ϕ(1) = 0, ce qui peut etre troublant dans le contexte mecanique, ouϕ est la deformation. En fait, une condition plus satisfaisante mecaniquementest une condition ϕ(1) = a, pour un reel a < 1. On a alors les memes conclu-sions que pour a = 0 (le faire en exercice). Quant au cas a = 1, on va leregarder maintenant.

Definissons maintenant

3les anglophones parlent de toy-model, litteralement modele-jouet.

Page 40: Systèmes multi-échelles : Modélisation et simulation (Mathématiques et Applications)

28 1 Modeles micro-macro pour les solides

inf

∫ 1

0

((ϕ′(x)2 − 1)2 dx, ϕ ∈ W 1,4([0, 1]), ϕ(0) = 0, ϕ(1) = 1

, (1.56)

En changeant seulement de maniere adequate la condition aux limites, ona totalement modifie le paysage, puisque

le probleme (1.56) a un unique minimiseur.

En effet, la fonction ϕ(x) ≡ x sur [0, 1] a pour energie zero, donc l’infimum(1.56) vaut toujours zero. Un minimiseur quelconque verifie donc ϕ′(x)2 = 1d’ou

1 = ϕ(1) − ϕ(0) =

∫ 1

0

ϕ′(x) dx ≤∫ 1

0

dx = 1

d’ou l’egalite dans tous les termes et donc ϕ(x) ≡ x.

La comparaison de (1.54) et (1.56), et le role capital joue par les conditionsaux limites, nous amenent aux commentaires suivants. Changer les conditionsaux limites est un moyen (parmi d’autres, voir la Remarque 1.28 ci-dessous) dechanger l’espace fonctionnel sur lequel on minimise. Et en fait, l’occurence detel ou tel comportement depend non seulement de la fonctionnelle d’energiequ’on minimise, mais aussi precisementde l’ensemble sur lequel on la mini-mise. Trivialement, e−t2 a deux minimiseurs sur [−1, 1] mais n’en a aucunsur IR. Ceci nous conduit a souligner un point qui a ete totalement passesous silence dans les sections precedentes. Nous nous sommes attaches, avecbeaucoup d’efforts, a determiner a partir du niveau atomique une forme dedensite W a inserer dans le probleme de minimisation (1.21), mais poser ri-goureusement ce probleme requiert de preciser l’espace fonctionnel ou varie lafonction ϕ (on parle de l’espace variationnel), ce qui est une vraie question ensoi. Au niveau macroscopique, c’est une question qui n’admet pas de reponseclaire4, et donc tout element d’information qui proviendrait du niveau micro-scopique serait formidablement utile. Et ce d’autant plus que le probleme deminimisation est, comme on vient de le voir ci-dessus, precisement tres sen-sible au choix de l’espace variationnel. Malheureusement, a ce jour, on n’a pasencore compris comment faire. On est donc oblige de considerer une varieted’espaces fonctionnels differents.

Exercice 1.27. Que dire du cas ϕ(1) = a > 1 dans (1.54) ?

Remarque 1.28. Un autre exemple de dependance forte du probleme de mi-nimisation par rapport a l’espace fonctionnel est le suivant. Cette fois ladependance ne tient pas aux conditions aux bords, mais a la regularite dela fonction sur tout le domaine, et elle se manifeste non sur l’existence d’unminimiseur mais sur la valeur de l’infimum. On peut montrer que le probleme

4Il y a autant de debats sur l’espace variationnel que sur la forme de la fonction-nelle elle-meme.

Page 41: Systèmes multi-échelles : Modélisation et simulation (Mathématiques et Applications)

1.5 Vers le calcul des variations 29

Ip = inf∫ 1

0

(ϕ(x)3−x)2 (ϕ′(x))6 dx, / ϕ ∈ W 1,p([0, 1]), ϕ(0) = 0, ϕ(1) = 1

ou W 1,p([0, 1]) est defini comme dans (1.55), verifie

Ip > I1 = 0, pour tout p ≥ 3/2.

En d’autres termes, pour p = 1 (et en fait pour tout p <3

2) l’infimum est

zero (considerer la fonction ϕ0(x) = x1/3), mais si on prescrit une regularitea peine plus forte, alors l’infimum augmente strictement.

Revenons maintenant a (1.54) et modifions maintenant le modele, enconsiderant cette fois le modele suivant, de la forme (1.52)

inf

∫ 1

0

((ϕ′(x)2 − 1)2 dx +

∫ 1

0

ϕ(x)2 dx, ϕ ∈ W 1,4([0, 1]), ϕ(0) = ϕ(1) = 0

,

(1.57)Cette fois,

le probleme (1.57) n’a aucun minimiseur.

En effet, en construisant la fonction

ϕε(x) =

x si 0 ≤ x ≤ ε,2ε − x si ε ≤ x ≤ 2ε

et en la reproduisant de maniere 2ε-periodique sur le segment [0, 1], on voitqu’on construit une suite de fonctions (dessinees en Figure 1.11) qui est telleque

0 ≤∫ 1

0

((ϕ′ε(x)2 − 1)2 dx +

∫ 1

0

ϕε(x)2 dx ≤ 0 + ε2,

ce qui montre que l’infimum defini par (1.57) vaut zero. Mais alors, s’il existaitun minimiseur ϕ0 de ce probleme on aurait

∫ 1

0

((ϕ′0(x)2 − 1)2 dx +

∫ 1

0

ϕ0(x)2 dx = 0,

d’ou les exigences contradictoires ϕ0 ≡ 0 et |ϕ′0| ≡ 1.

Ce troisieme exemple est particulierement interessant, car on y voit s’ydevelopper un veritable phenomene multiechelle, assez proche de ce qui peutse produire sur un cas reel du type (1.52) ou (1.53).

Pour minimiser l’energie, la suite minimisante de la Figure 1.11 se met aexhiber des structures de plus en plus fines, en fait jusqu’a une finesse mi-croscopique infinie, sans qu’il existe asymptotiquement un minimum. Il s’agitd’un phenomene que nous retrouverons plus loin dans ce cours : la suite ϕε

converge faiblement, mais pas fortement, dans H1.

Page 42: Systèmes multi-échelles : Modélisation et simulation (Mathématiques et Applications)

30 1 Modeles micro-macro pour les solides

Supposons qu’on veuille approcher ce probleme par une methode elementsfinis, P1 par exemple. Pour une taille de maillage h fixee, seules les fonctions ϕε

avec ε ≥ h appartiendront a l’espace variationnel, d’ou une borne inferieuresur les microstructures due a la discretisation elle-meme. Il existera alors unminimiseur, mais qui n’aura aucun caractere intrinseque, puisqu’il oscillera deplus en plus quand h diminuera.

En fait, il est meme possible de prouver, par une etude mathematique tresfine, que le probleme discretise possede, a h fixe, un tres grand nombre deminimiseurs locaux, non globaux, tres proche en energie du minimiseur global(a h fixe), ce qui causera d’enormes difficultes quand on tentera de minimiserle probleme avec un algorithme de minimisation directe.

Si la discretisation peut borner inferieurement la taille des microstruc-tures, un terme additif dans la fonctionnelle d’energie peut jouer le memerole. Considerons en effet

inf

∫ 1

0

((ϕ′(x)2 − 1)2 dx +

∫ 1

0

ϕ(x)2 dx + η2

∫ 1

0

(ϕ′′(x))2 dx, /

ϕ ∈ W 1,4([0, 1]), ϕ′′ ∈ L2([0, 1]),

ϕ(0) = ϕ(1) = 0

, (1.58)

et

inf

∫ 1

0

((ϕ′(x)2 − 1)2 dx + η2

∫ 1

0

(ϕ′′(x))2 dx, /

ϕ ∈ W 1,4([0, 1]), ϕ′′ ∈ L2([0, 1]),

ϕ(0) = ϕ(1) = 0

, (1.59)

ou η est un petit parametre. Ainsi definis,

les problemes (1.58) et (1.59) ont (au moins) un minimiseur.

L’idee est que le terme additif amene de la viscosite : il permet de montrer

que la derivee seconde d’une suite minimisante est bornee dans L2 par1

η, et

donc que la taille de la microstructure (i.e. des oscillations) ne peut pas etreinferieure a η. Nous laissons au lecteur, dans l’Exercice 1.29 ci-dessous, le soinde formaliser ce raisonnement.

Exercice 1.29. Sur les problemes (1.58) et (1.59), formaliser avec rigueurle raisonnement ci-dessus (on utilisera sans necessairement la demontrer lapropriete suivante : la norme L2 est semi continue inferieurement pour latopologie faible).

Page 43: Systèmes multi-échelles : Modélisation et simulation (Mathématiques et Applications)

1.5 Vers le calcul des variations 31

Remarque 1.30. Noter qu’on pourrait aussi bien, pour cet exemple (1.57), sup-primer la condition au bord ϕ(0) = ϕ(1) = 0 et minimiser sur toutes lesfonctions de W 1,4([0, 1]) tout en obtenant la meme situation. On pourraitaussi raisonner sur d’autres conditions de Dirichlet, an amendant legerementle raisonnement.

A ce stade et avant de continuer sur le traitement mathematique de cesproblemes modeles, il est utile de s’arreter un peu sur la demarche generale.

Les problemes comme (1.54) sont symboliques de problemes de la meca-nique ou une fonctionnelle de densite d’energie, bien que ne faisant pas ap-paraıtre explicitement de petites echelles, en fait apparaıtre implicitement lorsde sa minimisation. Le gradient ϕ′

n de la suite minimisante ϕn oscille entredifferentes valeurs, et ce a des echelles de plus en plus petites, pour permettrea la suite ϕn d’approcher asymptotiquement la valeur de l’infimum d’energie.Ces petites echelles peuvent devenir infiniment petites. On argumentera alorsque ce dernier point n’est pas possible. En effet, si la fonction ϕ figure unedeformation, la deformation ne peut pas varier a une echelle infiniment petite,car l’echelle la plus fine a laquelle elle peut varier est l’echelle atomique, et enfait en general une echelle sensiblement superieure. Que s’est -il donc passe ?

0 1

Fig. 1.11. Suite minimisante pour (1.57).

En fait,

- d’un cote, ces oscillations infiniment petites sont un artefact de la modeli-sation, car pour des raisons physiques elles devraient etre bornee inferieure-

Page 44: Systèmes multi-échelles : Modélisation et simulation (Mathématiques et Applications)

32 1 Modeles micro-macro pour les solides

ment (et donc on peut inserer cela “au forceps” dans le modele par exemplepar l’introduction d’un terme de viscosite comme dans (1.59)5)

- mais d’un autre cote, du point de vue de la modelisation (et aussi surtout dupoint de vue du calcul scientifique), meme si ces oscillations sont borneesa une echelle tres fine, cette derniere peut s’averer tellement fine qu’il vautmieux la considerer en pratique comme nulle. Ainsi, quelques Angstromsvalent zero a l’echelle du metre car gerer 10−10 numeriquement n’est pasfacile.

Il ressort de cela qu’une strategie tout a fait raisonnable peut etre dedeliberement attaquer ces problemes avec microstructures infiniment fines,plutot que de traiter explicitement la petite echelle. Nous prenons ici le contre-pied de l’approche que nous prendrons dans d’autres chapitres de ce cours.

Certes. Mais comment traiter de tels problemes, et que faut-il calculerdans de telles situations pour obtenir la “mecanique” des choses ? Nous allonsle voir maintenant.

1.5.2 Techniques pour les microstructures

Il est instructif de revenir d’abord sur la notion de convergence faible :rappelons-nous la suite sin (2πnx), qui converge faiblement dans L2([0, 1])vers 0 (et en fait dans tous les Lp, 1 ≤ p < +∞ et dans L∞([0, 1]) faible-⋆).La bonne facon de decrire son comportement macroscopique a ete de ne pasessayer de suivre ses oscillations de plus en plus fines mais de tout simplementconsiderer sa limite faible, a savoir zero.

Appliquons la meme technique a la suite minimisante de la Figure 1.11.Elle converge fortement vers zero, mais on peut decrire le comportement desa derivee par limite faible : sa derivee converge faiblement vers zero. En uncertain sens, la fonction nulle est donc le “minimiseur” du probleme (1.57).

Cela dit, cette notion de limite faible ne renseigne pas beaucoup sur laforme de la suite minimisante de la Figure 1.11. On peut en fait decrire demaniere plus detaillee le comportement d’une suite qui converge faiblementmais pas necessairement fortement. C’est l’objet de la Proposition suivante,qui introduit la notion de mesure de Young6

Proposition 1.31. Soit (un) une suite de fonctions de Ω ⊂ IRN a valeursdans IRp (il peut donc s’agir de fonctions a valeurs vectorielles). Supposonsque cette suite est bornee, independamment de n, dans L∞(Ω, IRp). Alors, ilexiste une sous-suite, que nous denoterons encore un, et pour chaque x ∈ Ω

5Un terme de ce type est par exemple le terme d’energie d’interface microsco-pique, qui suffit le plus souvent a borner les variations de deformation microscopique.

6Pour les fanas maths, signalons que les mesures de Young sont une facon, parmid’autres, de quantifier la non compacite d’une suite, c’est-a-dire de quantifier a quelpoint la convergence faible n’est pas forte. On parle de defaut de compacite, et ainside mesures de defaut.

Page 45: Systèmes multi-échelles : Modélisation et simulation (Mathématiques et Applications)

1.5 Vers le calcul des variations 33

une mesure de probabilite dνx (appelee une mesure de Young generee par lasuite (un)) telle que pour toute fonction f continue sur IRp, on ait

f(un)n−→+∞

IRp

f(λ) dνx(λ) (1.60)

dans L∞(Ω) faible-⋆.

Si la convergence de un vers sa limite u est forte, on sait que f(un) convergevers f(u) (par continuite de f) et alors dνx(λ) = δ(λ− u(x)). En revanche, sielle n’est pas forte, cette Proposition affirme que f(un) tend vers une valeurponderee : pour chaque λ, la mesure de Young nous dit a quel point un chargeλ a la limite, et la valeur de lim f(un) s’en deduit par somme (i.e. integration).

En appliquant cette Proposition aux derivees (ϕε)′ des fonctions ϕε de la

Figure 1.11, on peut en fait montrer (nous l’admettons) que dans ce cas, lamesure de Young qui apparaıt est independante du point x ∈ [0, 1] et vaut

dνx(λ) = dν(λ) =1

2(δλ=−1 + δλ=1).

Heuristiquement, cela signifie qu’en tous les points x ∈ [0, 1], la derivee vautasymptotiquement autant de fois −1 que 1, ce qu’on comprend bien intuiti-vement a partir de la Figure 1.11. D’une certaine maniere, la connaissance dedνx(y) permet d’imaginer que le comportement est celui de la Figure 1.11,sans pour autant le decrire dans le detail. On a ainsi l’intuition de la formedes microstructures qui apparaissent asymptotiquement.

Exercice 1.32. On considere le probleme de minimisation de la forme (1.53)suivant

inf

∫ 1

0

((∂ϕ

∂x

)2 − 1)2 +(∂ϕ

∂y

)2dx dy /ϕ ∈ W 1,4([0, 1] × [0, 1]),

ϕ = 0 sur ∂([0, 1] × [0, 1]

). (1.61)

Montrer que cet infimum vaut zero, en en construisant une suite minimisanteparticuliere. Expliquer (sans demonstration) pourquoi il est naturel que lamesure de Young

dνx,y(λ, µ) = dν(λ, µ) =1

2

(δλ=−1,µ=0 + δλ=1,µ=0

)

apparaisse a la limite.

En toute generalite et en dimension 3, la mesure de Young pour la suitedes gradients de la suite minimisante determine, comme le faisait la limitefaible, le gradient de deformation macroscopique ∇ϕ0 par la relation

Page 46: Systèmes multi-échelles : Modélisation et simulation (Mathématiques et Applications)

34 1 Modeles micro-macro pour les solides

∇ϕ0(x) =

M3

Adνx(A) (1.62)

ou M3 designe, on le rappelle, l’espace des matrices 3 × 3. Du point de vueenergetique, ∫

M3

W (A) dνx(A)

est la densite d’energie macroscopique au point x, correspondant a l’energiemicroscopique

W (∇ϕn)

de la suite minimisante.

Mieux, cette notion de mesure de Young nous fournit en fait une approchealgorithmique pour les problemes de minimisation du type (1.52) et (1.53).Cette approche est une version de la Theorie de la relaxation. L’idee de re-laxation consiste a modifier le probleme de minimisation de la facon suivante.

Au lieu de tenter de minimiser (1.53), i.e.

infϕ∈A

Ω

W (∇ϕ(x)) dx,

ce qui, on l’a mentionne ci-dessus peut etre une tache insurmontable a causede l’apparition de microstructures tres fines, et de kyrielles de minimiseurslocaux pour le probleme discretise, on attaquera la minimisation de

infν, ϕ telles que∀x ∈ Ω∫

M3

Adνx(A) = ∇ϕ(x)

Ω

M3

W (A) dνx(A) dx (1.63)

On notera bien sur que le probleme de minimisation (1.63) generalise (re-laxe !) le probleme (1.53) : il suffit de prendre dνx ≡ δ(A −∇ϕ(x)).

Evidemment, cette relaxation a un prix : l’espace variationnel a doublepuisqu’il faut non seulement discretiser (par exemple par elements finis) lesdeformations ϕ, mais aussi, en chaque point x (c’est-a-dire en fait au niveaudiscret en chaque maille du maillage elements finis), discretiser l’espace desmesures de Young.

Nous ne rentrons pas dans le detail de ces techniques, ni de leurs ameliora-tions possibles, et renvoyons a la bibliographie. Mentionnons simplement queleur mise en oeuvre pratique est tres lourde et que des efforts sont encore afournir pour elargir l’applicabilite de ces methodes.

Remarque 1.33. Le lecteur retrouvera ce schema tout au long du cours : ily a un maillage macroscopique, et pour chacune de ses mailles, une fibre,c’est-a-dire un nouvel espace a discretiser. Voir a ce sujet la recapitulation duChapitre 6.

Page 47: Systèmes multi-échelles : Modélisation et simulation (Mathématiques et Applications)

1.5 Vers le calcul des variations 35

Pour terminer ce chapitre, abordons une autre notion tres importante pourles problemes variationnels de la mecanique que nous traitons ici, la quasicon-vexite.

Nous l’avons dit, la difficulte provient du fait que la densite d’energie Wdans (1.53) n’est pas convexe. Il s’agit donc d’affaiblir la notion de convexitepour comprendre.

Definition 1.34. Une fonction W definie sur les matrices de taille M × Net a valeurs dans IR ∪ +∞ est dite quasiconvexe si

Ω

W (∇v) dx ≥∫

Ω

W (A) dx

(= |Ω| .W (A)

)(1.64)

pour toute matrice A de taille M ×N , toute fonction v telle que v(x)−Ax ∈C∞

0 (Ω, IRM ), et tout domaine Ω (et en fait il en suffit d’un).

Quand M = 1 (et quand W est a valeurs dans IR), la notion de quasicon-vexite coıncide avec la notion de convexite, mais des la dimension M ≥ 2, laquasiconvexite est une notion strictement plus faible que la convexite.

Mecaniquement, cette propriete de quasiconvexite signifie que quand ladensite W est quasiconvexe, un (des) minimiseur(s) du probleme

inf

Ω

W (∇ϕ(x)) dx, /ϕ = Ax sur le bord ∂Ω

,

c’est-a-dire un etat de deformation du systeme sous deformation lineaire dubord consiste precisement en une deformation lineaire ϕ(x) ≡ Ax du domainetout entier.

Pour une densite W generale, cette notion permet en fait de relaxerle probleme de minimisation dans un esprit un peu different de la sectionprecedente. En effet, on remplace par exemple (1.53) par

infϕ∈A

Ω

W ∗∗(∇ϕ(x)) dx. (1.65)

ou la fonction W ∗∗ est l’enveloppe quasiconvexe de W , c’est-a-dire pardefinition, la plus grande fonction quasiconvexe minorant W . On l’appelleaussi la fonctionnelle d’energie relaxee. Sous de bonnes hypotheses sur W ,cette enveloppe quasiconvexe peut s’ecrire

W ∗∗(F ) = inf

1

|ω|

ω

W (∇ψ(y)) dy, / ψ = Fy sur le bord ∂ω

,

ou l’on peut en fait montrer que le membre de droite ne depend pas du domaineω choisi. On verra deux exemples importants d’enveloppes quasiconvexes surla Figure 1.12 ; noter cependant qu’en general l’enveloppe quasiconvexe d’unefonction est tres dure, voire quasiment impossible, a calculer, ce qui rend

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36 1 Modeles micro-macro pour les solides

l’approche decrite ici difficile a mettre en oeuvre dans la pratique. Sous debonnes hypotheses sur W , les deux valeurs des infima (1.53) et (1.65) sontegales, c’est-a-dire

infϕ∈A

Ω

W (∇ϕ(x)) dx =

infϕ∈A

Ω

(inf

1

|ω|

ω

W (∇ψ(y)) dy, / ψ = ∇ϕ(x)y sur le bord ∂ω

)dx

.

Mais le probleme (1.65), au membre de droite, au contraire eventuellement dumembre de gauche (1.53), admet un minimiseur. Ce minimiseur decrit en fait,d’un certain point de vue, le comportement macroscopique, et a ete obtenuen moyennant sur les petites echelles.

Remarque 1.35. La quasiconvexite de W est en fait une condition necessairepour que le probleme (1.53) admette un minimiseur.

Enfin, signalons que les deux techniques, mesure de Young d’une part etquasiconvexite d’autre part, sont reliees, puisque le minimiseur ϕ0 de (1.65)(ou un des minimiseurs de (1.65)) a son gradient donne par (1.62). En parti-culier, la relaxation par les mesures de Young conserve plus d’information auniveau microscopique que la relaxation par quasiconvexification.

Fig. 1.12. Deux fonctions et leurs enveloppes quasiconvexes (A gauche un potentiel

a 2 puits, a droite un potentiel de Lennard-Jones1

r12− 1

r6.

Exercice 1.36. On considere le probleme de minimisation suivant

I = inf∫ L

0

W (ϕ′(x)), ϕ ∈ H1([0, L]), ϕ′ > 0, ϕ(0) = 0, ϕ(L) = a, (1.66)

ou L > 0 et a > 0 sont fixes, et W est le potentiel de Lennard-Jones dela Figure 1.12, normalise de sorte que son minimum soit atteint en r = 1.Montrer que l’on a, pour tout a > 0,

Page 49: Systèmes multi-échelles : Modélisation et simulation (Mathématiques et Applications)

1.6 Bibliographie 37

I = L .W ∗∗( a

L

),

et que l’infimum (1.66) est atteint seulement poura

L≤ 1 alors que l’infimum

I = inf∫ L

0

W ∗∗(ϕ′(x)), ϕ ∈ H1([0, L]), ϕ′ > 0, ϕ(0) = 0, ϕ(L) = a,

(1.67)est toujours atteint. On precisera dans chacun des deux cas les minimiseurs.

1.6 Bibliographie

Pour des elements sur la mecanique des milieux continus, nous renvoyonsaux livres de J. Salencon [69], Ph. G. Ciarlet [25], Y. Bamberger [10]. Ladiscretisation par elements finis en general est exposee dans le cours de G. Al-laire [2], et par exemple dans les livres [33], et [67]. Pour son adaptationspecifique aux problemes d’elasticite on renvoie a l’ouvrage de P. Le Tal-lec [53]. Des informations sur la facon de deriver des modeles macroscopiquesa partir d’informations a l’echelle atomique peuvent etre par exemple trouveesdans le livre d’A. Askar [7].

La derivation mathematique rigoureuse de densites d’energie mecaniquepeut se lire dans le recent article X. Blanc, C. Le Bris et P.L. Lions [15].

La methode numerique exposee dans la Section 1.3 est connue sous le nomde Quasi continuum method et a ete introduite, et successivement amendee,dans E.B. Tadmor, R. Phillips [81], E.B. Tadmor, M. Ortiz, R. Phillips [82],V.B. Shenoy, R. Miller, E.B. Tadmor, D. Rodney, R. Phillips, M. Ortiz [75],J. Knap, M. Ortiz [51]. Pour des exemples d’application, on pourra voirE.B. Tadmor, G.S. Smith, N. Bernstein, E. Kaxiras [80], V.B. Shenoy, R.Miller, E.B. Tadmor, R. Phillips, M. Ortiz [74], R. Miller, E.B. Tadmor, R.Phillips, M. Ortiz [59]. Nous en avons presente ici la version “historique”, es-sentiellement pour des raisons pedagogiques. La version “actuelle” est un peudifferente a la fois dans son esprit (tout a fait dans la veine de la Remarque 1.7)et dans sa realisation. On renvoie bien evidemment a la bibliographie.

Pour plus de details sur les simulations multiechelles en science desmateriaux, on pourra consulter les ouvrages “professionnels” : P. Deak, Th.Frauenheim, M. R. Pederson [27] (et en particulier l’article R. E. Rudd &J. Q. Broughton [68] des pages 251-291 de [27]), D. Raabe [66], O. Kirchner,LP. Kubin, V. Pontikis [49], VV. Bulatov et coll. [18].

Pour en savoir plus sur la notion de topologie faible et ses multiples pro-prietes, on pourra consulter, dans l’ordre croissant de difficulte, le cours deG. Allaire [2], le livre de H. Brezis [16] ou le remarquable petit fascicule deL.C. Evans [35]. L’analyse mathematique des problemes de calcul des varia-tions du type de ceux abordes dans la Section 1.5 fait l’objet d’une litteraturede recherche abondante. L’essentiel de ce qui a ete expose ci-dessus est tire

Page 50: Systèmes multi-échelles : Modélisation et simulation (Mathématiques et Applications)

38 1 Modeles micro-macro pour les solides

d’un article de J. Ball [8] (voir aussi [9] pour une mise en perspective). On aaussi utilise le livre de M. Chipot [24], les excellentes notes de S. Muller etcoll. [13], les livres de G. Buttazzo et coll. [19], de E. Giusti [38], de P. Pedre-gal [64]. Une reference pour les aspects numeriques est C. Carstensen [23].

A la frontiere de ce que nous avons expose ici se trouve la mecanique de lafracture, qui, elle aussi, fait un usage grandissant des simulations multiechelles.On pourra par exemple se faire une idee en consultant H. Kitagawa et al. [50].

Page 51: Systèmes multi-échelles : Modélisation et simulation (Mathématiques et Applications)

2

Techniques d’homogeneisation

Nous allons dans ce chapitre presenter sous une forme simple une strategiecourante pour attaquer les problemes multiechelles a savoir la strategie de l’ho-mogeneisation. Nous la verrons aussi bien sous ses aspects de technique d’ana-lyse mathematique que sous ses aspects de technique d’analyse numerique (onparle dans ce second cas d’homogeneisation numerique).

En termes simples, le constat est le suivant. Prenons comme support unprobleme aux limites monodimensionnel. Nous considerons une fonction a dela variable reelle, supposee periodique de periode 1, minoree par une constantestrictement positive, et pour une constante ε supposee petite, nous cherchonsla fonction uε, de [0, 1] dans IR, solution de l’equation differentielle

− d

dx(a(

x

ε)

d

dxuε) = f, (2.1)

verifiant les conditions aux limites uε(0) = uε(1) = 0. Dans l’equation ci-dessus, f est une fonction reguliere fixe donnee, supposee telle que (2.1) aitune solution unique. Il est clair qu’on peut s’attendre a ce que la solution uε

varie a l’echelle ε, et donc si on veut resoudre numeriquement l’equation (2.1),par exemple par un schema aux differences finies, il nous faudra prendre unpas de taille h au moins plus petit que ε. Sinon, en effet, on ne verra rien

des oscillations de la fonction a(·ε) qui se produisent a l’echelle ε, et donc a

fortiori nous ne pourrons pas nous attendre a calculer uε correctement. Celarisque donc de couter cher.

Une strategie envisageable est de chercher si quand ε tend vers zero notreequation converge vers une equation limite, dite alors equation homogeneisee.On pourra alors tenter de resoudre l’equation ainsi obtenue, dans laquelle εaura disparu. La solution u⋆ du probleme homogeneise aura de bonnes chances(et c’est bien sur en fait le cas) de ressembler a uε pour ε petit, la fonctionuε oscillant en effet autour de u⋆. Son approximation numerique pourra secalculer avec un maillage de taille h (pour les elements finis), ou un pas h(pour la methode des differences finies) qui ne sera plus necessairement aussipetit que ε.

Page 52: Systèmes multi-échelles : Modélisation et simulation (Mathématiques et Applications)

40 2 Techniques d’homogeneisation

Nous menerons ce travail a bien sur l’equation (2.1) dans la Section 2.1ci-dessous.

Ensuite, nous enchaınerons sur des situations en dimension 2, et sur descas beaucoup plus compliques. Nous verrons aussi (Section 2.5) que ce qui aete employe sur les equations peut l’etre aussi sur les conditions aux bords, etce sera pour nous l’occasion d’aborder les problemes dits de couche limite quisont eux aussi a ranger dans la classe des problemes multiechelles. Enfin, enSection 2.6, nous constaterons, sur un exemple, que toutes les equations ne seplient pas a l’homogeneisation avec autant de “simplicite” que les equationsde type (2.1) (qu’on appelle elliptiques).

2.1 Le cas monodimensionnel

Nous reprenons (2.1) :

⎧⎪⎨⎪⎩

− d

dx(a(

x

ε)

d

dxuε) = f, dans ]0, 1[

uε(0) = uε(1) = 0

Rappelons que a est periodique de periode 1. Nous supposons de plus quecette fonction est bornee, positive et isolee de zero, c’est-a-dire qu’il existedeux constantes 0 < c1 ≤ c2 < +∞ telles que

0 < c1 ≤ a(x) ≤ c2, ∀x ∈]0, 1[. (2.2)

Nous supposons que f ∈ L2(]0, 1[). Toutes ces hypotheses peuvent etre lar-gement relaxees au prix de complications mathematiques inutiles pour cetexpose introductif.

Soit uε la solution de (2.1). Nous ne detaillons pas les raisons pourlesquelles une telle fonction uε existe. Il suffit par exemple d’appliquer leTheoreme de Lax-Milgram, ou de montrer l’existence d’un minimiseur dans

H10 (]0, 1[) a la fonctionnelle fortement convexe

1

2

∫ 1

0

a(x

ε)|dv

dx|2 −

∫ 1

0

fv. Nous

renvoyons pour les details a la bibliographie.

Qui peut le plus peut le moins ! Si on veut determiner la “forme” de uε

solution de (2.1) pour ε petit, et sa “limite” u⋆ quand ε tend vers 0, il fautau moins que nous sachions

(a) d’abord definir avec precision le comportement de a(·ε) pour ε petit,

(b) ensuite resoudre le meme probleme (determiner la “forme” de uε pour εpetit) quand il n’y a pas d’operateur differentiel dans (2.1)1.

1Contrairement au point (a), ce point (b) n’est pas stricto sensu necessaire pourla suite du raisonnement. Mais il va bigrement nous aider a comprendre.

Page 53: Systèmes multi-échelles : Modélisation et simulation (Mathématiques et Applications)

2.1 Le cas monodimensionnel 41

La topologie de la convergence faible va nous fournir les elements pourresoudre le point (a).

Proposition 2.1. Soit a une fonction dans L∞(IR), supposee periodique de

periode 1. Alors la suite de fonctions a(·ε) converge faiblement-⋆ vers la fonc-

tion constante notee < a >, dite moyenne de a, et de valeur

< a >=

∫ 1

0

a. (2.3)

Preuve :Il s’agit de montrer que pour toute fonction v ∈ L1(IR), on a

∫a(

x

ε)v(x) dx −→

∫ 1

0

a

∫v.

On montre en fait cela pour v une fonction caracteristique, puis il suffira d’uti-liser la densite des fonctions en escalier dans l’espace L1(IR). Nous sommesdonc ramenes a montrer que pour α < β, on a

∫ β

α

a(x

ε) dx −→ (β − α)

∫ 1

0

a.

On recrit simplement, en utilisant la periodicite et en notant [x] la partieentiere de x,

∫ β

α

a(x

ε) dx = ε

∫ βε

αε

a(y) dy

= ε([βε

]−[αε

]+ 1) < a > +ε

∫ [ αε]+1

αε

a(y) dy + ε

∫ βε

[ βε]

a(y) dy

= (β − α) < a > +O(ε)

Ceci conclut la preuve. ♦A partir du resultat ci-dessus, une vision naıve des choses pourrait faire

penser sur la base de (2.1) que la limite de l’equation est

− d

dx(< a >

d

dxu⋆) = f,

puisqu’il “suffit” de remplacer a par sa moyenne. Pour tester si les choses sontaussi spontanees que cela, nous allons maintenant attaquer le point (b).

Effacons par la pensee l’operateur differentiel dans (2.1) de sorte que uε

devient la solution de−a(

x

ε)uε = f, (2.4)

Page 54: Systèmes multi-échelles : Modélisation et simulation (Mathématiques et Applications)

42 2 Techniques d’homogeneisation

c’est-a-dire

uε = − f(x)

a(x

ε).

A la limite ε −→ 0, en vertu de la Proposition 2.1 appliquee a la fonction1

a,

on sait donc que

uε u⋆ = − <1

a> f

faiblement (dans L2). L’equation limite (on dira bientot homogeneisee) obte-nue a partir de (2.4) est donc

− 1

< 1a >

u⋆ = f, (2.5)

En d’autres termes, ce n’est pas < a > qui va compter, comme l’aurait fait

croire l’approche naıve, mais l’inattendu1

< 1a >

(qui est bien sur different, sauf

miracle, de < a >, voir l’Exercice 2.2). Autrement dit encore, la connaissancede la statistique de la fonction a ne suffit pas a connaıtre le comportementmoyen de uε. Que la statistique de l’entree a ne suffise pas a connaıtre cellede la sortie uε est en fait naturel car (2.4), comme (2.1), est un problemenon lineaire (a multiplie uε). Dans le cas (2.4), et aussi nous le verrons dansle cas (2.1) ou l’operateur differentiel est retabli, l’analyse montre qu’il faut

connaıtre la statistique de1

a. Bizarre ! C’est pourtant le cas le plus simple pos-

sible, et, dans des cas a peine plus compliques, avoir l’intuition du coefficient

homogeneise, le1

< 1a >

qui va apparaıtre, est une tache impossible.

Exercice 2.2. Soit a une fonction periodique telle que 0 < m ≤ a ≤ M pour

deux constantes m et M . Montrer que1

< 1a >

=< a > si et seulement si a est

constante.

Nous sommes maintenant en mesure de revenir a l’etude de notre probleme(2.1) et d’etablir la

Proposition 2.3. La solution uε ∈ H10 (]0, 1[) de

− d

dx(a(

x

ε)

d

dxuε) = f,

converge dans L2(]0, 1[) vers la solution u⋆ ∈ H10 (]0, 1[) de l’equation dite

homogeneisee

− d

dx(

1

< 1a >

d

dxu⋆) = f, (2.6)

Page 55: Systèmes multi-échelles : Modélisation et simulation (Mathématiques et Applications)

2.1 Le cas monodimensionnel 43

Remarque 2.4. Le resultat de la Proposition 2.3 est en fait un cas particulierexplicite du resultat de la Proposition 2.12, plus generale, que nous verronsci-dessous.

Remarque 2.5. Bien sur, compte-tenu de notre travail preliminaire sur l’equa-tion sans operateur differentiel (2.4), l’apparition du coefficient homogeneise

1

< 1a >

ne nous surprend pas.

Preuve de la Proposition 2.3En multipliant l’equation par uε et en realisant une integration par parties,

on constate que ∫ 1

0

a(x

ε)| d

dxuε|2 =

∫ 1

0

f uε

d’ou par application de l’inegalite de Cauchy-Schwarz

c1‖d

dxuε‖2

L2(]0,1[) ≤∫ 1

0

a(x

ε)| d

dxuε|2 ≤ ‖f‖L2(]0,1[)‖uε‖L2(]0,1[)

Comme uε est nulle en 0 et en 1, nous utilisons alors l’inegalite de Poincare(voir l’exercice 2.6 ci-dessous) pour obtenir, pour une certaine constante c > 0

c‖uε‖2L2(]0,1[) ≤ ‖f‖L2(]0,1[)‖uε‖L2(]0,1[),

et donc que la suite uε et la suited

dxuε sont toutes les deux bornees dans

L2(]0, 1[), ce qui revient a dire que uε est bornee dans H10 (]0, 1[). Quitte a

extraire une sous-suite, ce que nous faisons sans changer de notation, nouspouvons donc supposer que uε converge fortement dans L2 vers une certaine

fonction u⋆, alors qued

dxuε converge faiblement dans L2 vers

d

dxu⋆. Par

construction, la limite u⋆ appartient aussi a H10 (]0, 1[).

Integrons alors (2.1) :

−a(x

ε)

d

dxuε =

∫ x

0

f + cε, (2.7)

ou a cause des bornes sur a et sur uε qu’on vient de montrer, la suite de reelscε est une suite de reels bornee. A extraction pres, on peut donc sans pertede generalite supposer que cε converge vers un certain c. Recrivons alors

− d

dxuε =

1

a(x

ε)(∫ x

0

f + cε

). (2.8)

Comme la suite1

aest aussi dans L∞ et periodique (en vertu des proprietes

de a), on peut lui appliquer la Proposition 2.1, et on sait donc que la suite

− d

dxuε converge faiblement dans L2 vers la fonction <

1

a>(∫ x

0

f + c), d’ou

Page 56: Systèmes multi-échelles : Modélisation et simulation (Mathématiques et Applications)

44 2 Techniques d’homogeneisation

− d

dxu⋆ =<

1

a>(∫ x

0

f + c). (2.9)

La limite u⋆ de la suite uε solution de (2.1) est donc solution de

− d

dx(

1

< 1a >

d

dxu⋆) = f, (2.10)

complementee des conditions au bord u⋆(0) = u⋆(1) = 0. Il nous reste aremarquer que pour une autre extraction de uε nous obtiendrions la meme

equation limite et la meme fonction limite, car c’est toute la suite1

a(·ε) qui

converge vers la moyenne <1

a>, et que la solution de (2.10) est en fait unique.

Donc la limite u⋆ que nous avons obtenue ne depend pas de la sous-suiteconsideree, ce qui montre que toute la suite uε converge vers cette limite. ♦

Exercice 2.6. Montrer que toute fonction de H1(]0, 1[) admet un representantcontinu qui s’ecrit

u(x) = u(0) +

∫ x

0

du

dx.

En deduire qu’il existe une constante C telle qu’on ait l’inegalite de Poincare :

∫ 1

0

u2 ≤ C

∫ 1

0

|du

dx|2 pour tout u ∈ H1

0 (]0, 1[).

La strategie que l’on peut employer pour approcher la solution de (2.1)numeriquement est donc de

– calculer d’abord le coefficient homogeneise <1

a>

– resoudre ensuite (2.6) avec un pas h adequat, non necessairement petit ;et ceci au lieu de tenter de discretiser directement (2.1) avec un pas de maillageplus petit que ε, ce qui serait juste mais trop couteux, ou de discretiser di-rectement (2.1) avec un pas de maillage plus grand que ε, ce qui serait moinscouteux certes, mais faux (voir l’Exercice 2.10 ci-dessous).

Nous verrons que cette strategie en deux etapes se retrouvera dans dessituations plus complexes.

Remarque 2.7. Il faut bien noter que l’etape 1 peut se faire avant l’etape 2

car le coefficient homogeneise1

< 1a >

ne depend pas de la fonction f . Nous

retrouverons ce point capital a la Proposition 2.12 et dans les remarques quila suivent.

Remarque 2.8. En fait, numeriquement, on peut proceder en gerant conjoin-tement les echelles et non pas en deux temps comme indique ci-dessus, maisnous verrons cela plus loin.

Page 57: Systèmes multi-échelles : Modélisation et simulation (Mathématiques et Applications)

2.2 Deux cas bidimensionnels 45

Remarque 2.9. Il faut remarquer que dans la preuve de la proposition ci-

dessus, nous n’utilisons le caractere periodique de la fonction a(·ε) que pour

determiner explicitement sa limite faible-⋆. La preuve est donc encore vraiepour une suite de fonctions aε qui serait bornee dans L∞(]0, 1[) et telle que0 < c1 ≤ aε(x) ≤ c2, ∀x ∈]0, 1[ pour deux constantes c1 et c2 independantes

de ε. Bien sur, c’est l’inverse de la limite faible de1

aqui remplace alors

1

< 1a >

dans l’equation homogeneisee et le resultat tient seulement pour une extrac-tion (lorsque cette limite n’est pas unique).

Exercice 2.10. On decide d’attaquer directement la resolution par elementsfinis P1 de l’equation (2.1) avec un pas de maillage h nettement plus grandque ε. Montrer que l’on obtient alors un resultat faux, qui revient en fait aapprocher numeriquement la solution de

− d

dx(< a >

d

dxu) = f, (2.11)

et non pas de (2.10).

2.2 Deux cas bidimensionnels

En dimension 2, la situation va s’averer beaucoup plus complexe car les ques-tions de geometrie vont entrer en jeu.

2.2.1 Les materiaux lamelles

Commencons par un cas de dimension 2 qui ressemble a un cas de dimension 1 :le cas des materiaux lamelles.

Fig. 2.1. Materiau lamelle (on dit aussi “lamine”) : la structure est invariante selonx2 et periodique de periode ε selon x1.

Regardons en effet l’equation aux derivees partielles

Page 58: Systèmes multi-échelles : Modélisation et simulation (Mathématiques et Applications)

46 2 Techniques d’homogeneisation

−div

((a(x1

ε) 0

0 a(x1

ε)

)∇uε(x1, x2)

)= f (2.12)

qui s’ecrit aussi

−div (a(x1

ε)( ∂

∂x1uε(x1, x2)e1 +

∂x2uε(x1, x2)e2

)) = f. (2.13)

On a note (e1, e2) la base canonique de vecteurs unitaires du plan. Onconsidere cette equation sur le carre Q = [0, 1]2 et on lui adjoint des conditionsnulles au bord de ce carre. Ici et dans toute la suite de ce chapitre, la fonctionuε prend ses valeurs dans IR.

Dans cette equation, la fonction a est encore une fonction periodique deperiode 1, verifiant la propriete (2.2). Le point important est qu’elle dependseulement de la premiere coordonnee x1 du point x = (x1, x2). Typiquement,elle figure un coefficient qui depend de la nature du materiau modelise. Parexemple, il s’agit d’une conductivite thermique, u etant alors la temperatureet f la source de chaleur, ou d’une conductivite electrique, et u est alors lepotentiel electrique, et f la charge. Dans tous les cas, on considere un materiaubidimensionnel dont les proprietes ne dependent que de x1. Par exemple, si aest la fonction

a(x1) =

α si 0 ≤ x1 ≤ 1/2β si 1/2 < x1 ≤ 1

(2.14)

alors on peut penser a (2.12) comme un modele pour un materiau fait d’unassemblage de lamelles de coefficient α et β, chacune d’epaisseur ε/2 et as-semblees dans le sens x1 (voir Figure 2.1).

Le probleme obtenu a partir de (2.12) en laissant ε tendre vers 0 est enoncedans la proposition suivante :

Proposition 2.11. Quand ε tend vers 0, la solution uε du probleme (2.12)tend vers la solution u⋆ de

−div

(( 1

< 1a >

0

0 < a >

)∇u⋆

)= f (2.15)

c’est-a-dire de

−div (1

< 1a >

∂x1u⋆(x1, x2)e1+ < a >

∂x2u⋆(x1, x2)e2

)) = f.

On peut comprendre (2.15) par le raisonnement intuitif suivant. Dans ladirection x1, le materiau est rigoureusement identique au materiau monodi-mensionnel etudie precedemment, et il est donc naturel de voir la quantite

1

< 1a >

apparaıtre comme coefficient homogeneise. Dans la direction x2, le

materiau n’a pas d’heterogeneite a l’echelle ε, et il est donc aussi naturel

Page 59: Systèmes multi-échelles : Modélisation et simulation (Mathématiques et Applications)

2.2 Deux cas bidimensionnels 47

que sa “reponse” dans cette direction soit la moyenne (au sens habituel, soit< a >) des reponses des materiaux constitutifs.

Nous ne sommes pas en mesure de presenter ici tous les details techniquesde la preuve de cette proposition. Cependant, nous en indiquons les grandeslignes, en admettant un ou deux points au cours de la preuve.

Preuve de la Proposition 2.11 :

Comme dans la section precedente, les bornes sur a permettent de montrer

facilement que la suite uε et les suites∂

∂xiuε sont bornees dans L2(Q), ou

ce qui revient au meme, que uε est bornee dans H10 (Q). A extraction pres,

nous pouvons donc supposer la convergence faible de ces suites respectivement

vers u⋆ et les∂

∂xiu⋆. Mieux, a cause du theoreme de Rellich (Proposition 1.23),

nous pouvons meme supposer que la convergence de uε vers u⋆ dans L2(Q)est forte.

Notons maintenant, pour i = 1, 2,

σεi = a(

x1

ε)

∂xiuε(x1, x2).

Il est clair que1

a(x1

ε )σε

1 =∂

∂x1uε

∂x1u⋆. (2.16)

D’autre part, en utilisant les bornes sur a et celles sur∂

∂x1uε, nous avons

facilement σε1 bornee dans L2(Q). De plus, a cause de l’equation,

− ∂

∂x1σε

1 = f +∂

∂x2σε

2

est bornee independamment de ε dans un certain espace fonctionnel, a savoirL2

x1(H−1

x2). On admet que les deux proprietes d’avoir σε

1 bornee dans L2(Q)

et∂

∂x1σε

1 bornee dans L2x1

(H−1x2

) impliquent qu’a extraction pres σε1 converge

fortement (dans L2x1

(H−1x2

)) vers un certain σ1. Cela entraıne la convergencefaible

1

a(x1

ε )σε

1 <1

a> σ1 (2.17)

grace a un produit d’une convergence faible (celle de 1a ( ·

ε ) vers sa moyenne) parune convergence forte (celle de σε

1 vers σ1) et l’application de la Proposition1.17. Nous deduisons alors de (2.16) et (2.17) que

σ1 =1

< 1a >

∂x1u⋆.

Page 60: Systèmes multi-échelles : Modélisation et simulation (Mathématiques et Applications)

48 2 Techniques d’homogeneisation

D’autre part, nous avons, puisque a ne depend pas de la coordonnee x2

(la est le point cle de la demonstration),

σε2 = a(

x1

ε)

∂x2uε =

∂x2

(a(

x1

ε)uε).

Or, encore par produit de la suite uε qui converge fortement dans L2 et de

la suite a(x1

ε) qui converge faiblement-⋆ dans L∞, nous avons la convergence

faible dans L2

a(x1

ε)uε < a > u⋆,

et donc la convergence faible dans H−1

σε2 σ2 =< a >

∂x2u⋆

En regroupant ce que nous avons obtenu, nous aboutissons bien a la pro-position. ♦

2.2.2 Le resultat general

Il est temps, avant de passer a un cas plus complique, de citer un resultatcentral, que nous ne demontrerons pas et qui est clairement la generalisationdes cas que nous avons rencontres jusqu’ici.

Proposition 2.12. Soit Ω un ouvert borne de IRN , et soit Aε une suite dematrices inversibles a coefficients dans L∞(IRN ) et verifiant Aε ≥ c1Id et(Aε)−1 ≥ c2Id (au sens ou ∀x ∈ IRN , (Aεx, x) ≥ c1‖x‖2, et de meme pour(Aε)−1) pour deux constantes ci > 0 ne dependant pas de ε. Alors, il existeune matrice A⋆ verifiant les memes proprietes que Aε et une sous suite Aε′

de Aε telles que, pour toute fonction f ∈ H−1(Ω), si uε est la solution dansH1

0 (Ω) de−divAε∇uε = f, (2.18)

alors on ait les convergences

uε′

u⋆ , Aε′∇uε′

A⋆∇u⋆ , Aε′∇uε′ · ∇uε′

A⋆∇u⋆ · ∇u⋆ (2.19)

respectivement dans H10 (Ω)-faible, L2(Ω)-faible, et D′(Ω) et de plus

Ω

Aε′∇uε′ · ∇uε′

dx −→∫

Ω

A⋆∇u⋆ · ∇u⋆ dx, (2.20)

ou u⋆ est la solution dans H10 (Ω) de

−divA⋆∇u⋆ = f, (2.21)

Page 61: Systèmes multi-échelles : Modélisation et simulation (Mathématiques et Applications)

2.2 Deux cas bidimensionnels 49

Il est tout a fait essentiel de bien comprendre la portee (theorique) de ceresultat :

– • le premier point est que la matrice A⋆ et la sous suite ε′ ne dependentpas du second membre f de l’equation. En un sens mecanique, celadit qu’il existe un materiau equivalent (on dit homogeneise) et quece materiau est le meme quel que soit le chargement que le materiaude depart subit. On a bien observe cette propriete sur les deux casprecedents ou la matrice homogeneisee ne depend que des moyennes de

a ou1

aet de rien d’autre (cf. la Remarque 2.7).

– • le second point est que l’important n’est pas qu’il existe une limite ala suite de solution uε, mais que cette limite soit solution d’une equationde meme type que celle de depart !

En revanche, le “gros defaut” de ce resultat theorique est que tout en affir-mant qu’il existe une matrice homogeneisee A⋆, il ne fournit pas l’expressionexplicite de cette matrice, et a fortiori l’expression de la limite u⋆. Commenous le verrons plus loin (dans la Section 2.3.4), on peut en fait completerce resultat par un autre, qui precisera un peu plus qui est A⋆, mais pas aupoint d’en obtenir une expression aussi explicite que revee. Pour le moment,seule la consideration de cas tres particuliers (a la Section suivante) va nouspermettre de trouver explicitement A⋆ et u⋆. De meme, l’application d’unetechnique complementaire (dite de la convergence a deux echelles) nous per-mettra dans le cas “general” periodique (a la Section 2.3) de quantifier A⋆

et u⋆.

Exercice 2.13. En echo a la Remarque 2.4, montrer que la Proposition 2.3est compatible avec le resultat general de la Proposition 2.12. En particulier,verifier que toutes les convergences de l’enonce de la Proposition 2.12 ont bienlieu dans le cadre de la Proposition 2.3.

Une autre remarque est la suivante : en fait les conditions aux limites (ici ona pris les solutions uε dans H1

0 ) ne jouent pas de role. Ainsi, on a

Lemme 2.14. Dans les conditions de la proposition precedente, si on a unefonction f ∈ H−1(Ω) et une suite de fonctions de H1(Ω), notee vε′

telle que

−divAε′∇vε′

= f

etvε′

v dans H1(Ω),

alors

Aε′∇vε′

A⋆∇v dans L2(Ω), et donc − divA⋆∇v = f.

Remarque 2.15. Bien sur, ajoutons aussi le commentaire que la Proposi-tion 2.12 et le Lemme 2.14 depassent largement le cadre periodique que nousmanipulerons ici par souci de simplicite.

Page 62: Systèmes multi-échelles : Modélisation et simulation (Mathématiques et Applications)

50 2 Techniques d’homogeneisation

La Proposition 2.12 va nous permettre d’aborder un cas plus difficile. Sursa base, nous saurons deja que la matrice homogeneisee existe, il restera a ladeterminer.

2.2.3 Un vrai cas 2D

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2 2 22 2 2

3 33 3

4 4 44 4 44 4 44 4 4

5 5 55 5 55 5 55 5 56 6 66 6 66 6 66 6 66 6 6

7 77 77 77 77 7

8 8 88 8 88 8 8

9 9 99 9 99 9 9

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A A AA A AA A A

B B BB B B

C CC C

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E E EE E EE E EE E EF F FF F FF F FF F FF F F

G GG GG GG GG G

H H HH H HH H H

I I II I II I I

J J JJ J J

K KK K

L L LL L LL L LL L L

M M MM M MM M MM M MN N NN N NN N NN N NN N N

O OO OO OO OO O

P P PP P PP P P

Q Q QQ Q QQ Q Q

R R RR R R

S SS S

T T TT T TT T TT T T

U U UU U UU U UU U UV V VV V VV V VV V VV V V

W WW WW WW WW W

X X XX X XX X X

Y Y YY Y YY Y Y

Z Z ZZ Z Z

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a a aa a aa a a

b b bb b b

c cc c

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g gg gg gg gg g

h h hh h hh h h

i i ii i ii i i

j j jj j j

k kk k

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m m mm m mm m mm m mn n nn n nn n nn n nn n n

o oo oo oo oo o

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Fig. 2.2. Materiau periodique bidimensionnel : il est clair que le volume de chaquephase est le meme que dans le materiau lamelle de la Figure 2.1. Pourtant l’equationhomogeneisee est differente.

On considere un materiau periodique bati a la maniere d’un echiquier.Ainsi, on prend une fonction a(x1, x2) periodique sur le carre Q, et constantepar morceau, avec des valeurs α et β, toutes deux strictement positives, selonla Figure 2.2. On construit alors la matrice Aε = a(x1

ε , x2

ε ) Id et on regardela solution uε dans H1

0 (Q) de

−divAε∇uε = f, (2.22)

ce qui s’ecrit aussi

−div

((a(x1

ε,x2

ε) 0

0 a(x1

ε,x2

ε)

)∇uε(x1, x2)

)= f

ou encore

−div (a(x1

ε,x2

ε)( ∂

∂x1uε(x1, x2)e1 +

∂x2uε(x1, x2)e2

)) = f.

Nous avons alors la

Proposition 2.16. La solution uε de (2.22) converge a extraction pres versu⋆ ∈ H1

0 (Ω) de−divA⋆ · ∇u⋆ = f, (2.23)

ou la matrice A⋆ vautA⋆ =

√αβ Id. (2.24)

Page 63: Systèmes multi-échelles : Modélisation et simulation (Mathématiques et Applications)

2.2 Deux cas bidimensionnels 51

Preuve de la Proposition 2.16 :Il est clair que la matrice Aε que nous avons construite remplit les condi-

tions de la Proposition 2.12. Il existe donc une matrice homogeneisee A⋆, etil s’agit maintenant de la determiner.

Soit λ ∈ IR2 et soit u une fonction de H1(Q) verifiant les conditionsperiodiques au bord de Q et −div (A∇u) = div (Aλ), ou A est bien sur lamatrice Aε pour ε = 1. Notons v = ∇u+λ, qui est donc aussi periodique. Onnotera que < v >= λ car < ∇u >= 0 puisque u est periodique.

Commencons par montrer que necessairement

A⋆ < v >=< Av > . (2.25)

Pour cela, on considere la suite uε = (λ, x) + ε u(xε ). En appliquant la Propo-

sition 2.1, on sait que ∇uε(x) = v(xε ) converge faiblement vers < v > dans

L2(Q). De meme, u(xε ) converge faiblement vers < u > dans L2(Q), d’ou uε

converge faiblement vers u0(x) = (λ, x) dans H1(Q). En utilisant le fait que−div (Aε∇uε) = −div (Aεv(x

ε )) = 0 et le Lemme 2.14, on sait que Aε∇uε

converge faiblement vers A⋆∇u0 = A⋆λ = A⋆ < v >. D’autre part, en ap-pliquant directement la Proposition 2.1 a la fonction periodique Av on saitque Aε∇uε = (Av)(x

ε ) converge faiblement vers < Av >. On a donc l’egalite(2.25).

Revenons maintenant a la matrice A particuliere que nous avons choisieet qui modelise la structure en echiquier. Si on note σ la rotation d’angle π/2dans le plan, il est clair que l’on a

A(x)A σ(x) = αβ Id.

On peut donc ecrire

A σ(x)v(σ(x)) = αβ(A(x))−1 v(σ(x)).

On ecrit alors

A⋆ < v > = < Av > en vertu de (2.25)

= < (Av) σ(x) > car σ ne change pas la moyenne

Or

div (A(x)(A(σ(x))v(σ(x)))) = αβdiv (v(σ(x))) = αβdiv (∇u(σ(x))) = 0,

etrot (A(σ(x))v(σ(x))) = div (A(x)v(x)) = 0,

par un calcul simple (exploitant le fait que l’on travaille en dimension 2 ) doncla fonction w(x) = A(σ(x))v(σ(x)) peut s’ecrire w(x) = ∇h(x)+ < w > ou hest periodique et verifie div (Aw) = 0. Donc la relation (2.25) etablie ci-dessuspour v peut s’appliquer aussi a w pour avoir :

Page 64: Systèmes multi-échelles : Modélisation et simulation (Mathématiques et Applications)

52 2 Techniques d’homogeneisation

A⋆ < A(σ(x))v(σ(x)) >=< A(x)(A(σ(x))v(σ(x)) >= αβ < v(σ(x)) > .

Donc

A⋆ < v > = αβ(A⋆)−1 < v(σ(x)) >

= αβ(A⋆)−1 < v > car σ ne change pas la moyenne.

On a donc obtenu A⋆λ = αβ(A⋆)−1λ pour tout λ ∈ IR2, ce qui impose

A⋆ = αβ(A⋆)−1,

ce qui pour une matrice verifiant (A⋆x, x) ≥ c1‖x‖2 pour tout x et c1 > 0 ,impose A⋆ =

√αβId. ♦

Remarque 2.17. On notera dans la preuve ci-dessus que la determination deA⋆ requiert, d’apres la formule (2.25), deux calculs : pour < v >= (1, 0) et< v >= (0, 1) (les deux vecteurs de base de IR2), on doit determiner A⋆ < v >.En fait, a cause ici de la geometrie particuliere du probleme, la seconde partiede la preuve montre que ces deux calculs sont inutiles, et peuvent etre evitespar un petit raisonnement. Dans les cas plus complexes que nous verronsci-dessous, on retrouvera le fait qu’il faut pour determiner A⋆, autant decalculs que de dimensions. Et dans ces cas plus compliques, il n’y aura pas de“seconde partie de preuve”, basee sur une geometrie particuliere, pour nousfaire economiser ces calculs.

Remarque 2.18. Le cas ci-dessus, qui est un authentique cas bi-dimensionnelen comparaison du cas lamelle vu precedemment, montre qu’a partir de la di-mension 2, la geometrie entre en jeu. En dimension 1, seule la proportion des

materiaux compte (penser au calcul de <1

a>), peu importe la maniere dont

ils sont repartis. Ici, ce n’est plus le cas : le materiau lamelle et le materiau enechiquier peuvent etre composes des memes materiaux en meme proportion,ils ne conduisent pas a la meme matrice homogeneisee et donc au meme com-portement macroscopique. Cela donne naissance a une question interessante,a laquelle des recherches sont consacrees : etant donnee une proportion demateriaux constitutifs fixee, quelles sont les matrices homogeneisees qu’onpeut obtenir, en faisant varier la repartition geometrique de ces materiaux.

2.3 Des cas plus compliques : la convergence a deux

echelles

Jusqu’a maintenant, la determination de l’equation homogeneisee a pu se faire“simplement”. En fait, rares sont de tels cas. Dans la plupart des situations, lamatrice homogeneisee ne s’exprime pas aussi simplement. Bien que l’on sacheson existence, par la Proposition 2.12, il reste a la determiner de maniere

Page 65: Systèmes multi-échelles : Modélisation et simulation (Mathématiques et Applications)

2.3 Des cas plus compliques : la convergence a deux echelles 53

explicite, ou en d’autres termes d’ecrire le probleme homogeneise. Nous al-lons regarder une strategie typique pour une telle situation, celle dite de laconvergence a deux echelles, que nous mettrons en oeuvre sur le cas particulierperiodique.

Considerons un ouvert regulier Ω de IRN , et une matrice symetrique Acarree de taille N qui est supposee avoir ses coefficients bornes et periodiquesau sens ou la fonction y −→ A(y) est une fonction periodique de cellule deperiodicite Y = [0, 1]N . Comme d’habitude, nous supposons que A verifie lapropriete (dite de coercivite) (A(y)z, z) ≥ c‖z‖2 pour une certaine constantec > 0 ne dependant pas de z ∈ IRN et de y ∈ Y . Pour une fonction fappartenant disons a L2(Ω), nous voulons resoudre

−div (A(x

ε ) · ∇uε) = f, dansΩ,uε = 0, sur ∂Ω,

(2.26)

ou ε est une petite constante. Plutot que d’attaquer directement la resolutionnumerique de (2.26) qui pourrait couter trop cher, nous nous proposons commeci-dessus de determiner un probleme dont la resolution donnera une bonne ideede la solution uε de (2.26) pour ε petit.

2.3.1 L’Ansatz et le developpement a deux echelles

Pour cela, nous commencons par postuler une forme de uε (en analysenumerique comme en physique, un tel postulat s’appelle parfois un Ansatz ).Il s’agit d’ecrire uε comme le developpement en ε suivant :

uε(x) = u0(x,x

ε) + εu1(x,

x

ε) + ε2u2(x,

x

ε) + ..., (2.27)

ou la fonction uk apparaissant a l’ordre k en ε a ete supposee dependre de deux

variables, l’une macroscopique x, l’autre microscopiquex

ε. Cette fonction est

de plus supposee etre periodique de sa seconde variable y =x

ε, c’est-a-dire

y −→ uk(x, y) est periodique de celluleY = [0, 1]N . (2.28)

Tout se passe comme si en chaque point macroscopique x on avait une modula-tion de la fonction uk(x, ·) due aux petites echelles presentes dans le problemeau point x et representees par la partie uk(·, x

ε ) de la fonction uk (penserpar exemple, mais pas seulement, a un produit f(x)g( x

ε )). Injectons alorscette forme de fonction uε dans le probleme (2.26) pour voir les conditionsnecessairement verifiees par les fonctions uk. Le calcul est un peu fastidieux,mais sans difficulte. On ne devra pas oublier que, par la regle de derivation

des fonctions composees, quand on calcule le gradient de v(x,x

ε), on a en fait :

∇(v(x,

x

ε))

= (∇xv)(x, y) +1

ε(∇yv)(x, y), ou y =

x

ε, (2.29)

Page 66: Systèmes multi-échelles : Modélisation et simulation (Mathématiques et Applications)

54 2 Techniques d’homogeneisation

et ou on a symboliquement note ∇x et ∇y les derivees partielles de v(x, y) res-pectivement par rapport a son premier argument x et son second y (Bien noter

que chacune est un N -uplet de derivees partielles du type (∂

∂x1, ...,

∂xN)).

Nous avons donc :

−div (A(y) · ∇uε)

= − 1

ε2divy(A(y) · ∇yu0(x, y))

−1

ε

[divx(A(y) · ∇yu0(x, y)) + divy(A(y) · ∇xu0(x, y))

+divy(A(y) · ∇yu1(x, y))

]

−[divx(A(y) · ∇xu0(x, y)) + divy(A(y) · ∇xu1(x, y))

+divx(A(y) · ∇yu1(x, y)) + divy(A(y) · ∇yu2(x, y))

]

+O(ε). (2.30)

Imposer (2.26) revient donc a exiger d’abord que le coefficient de1

ε2soit nul,

i.e.divy(A(y) · ∇yu0(x, y)) = 0. (2.31)

Ceci impose∇yu0(x, y) = 0. (2.32)

En effet, on a

c

Y

∣∣∇yu0(x, y)∣∣2 ≤

Y

(A(y)∇yu0(x, y),∇yu0(x, y)) dy

par coercivite de A

= −∫

Y

divy(A(y) · ∇yu0(x, y))u0(x, y) dy

+

∂Y

(A(y) · ∇yu0(x, y)) · n u0(x, y),

ou le premier terme est nul a cause de (2.31) et le second terme est nul enraison de la periodicite de u0(x, y) par rapport a y. Dans la formule ci-dessus,n designe bien sur la normale unitaire sortante sur ∂Y .

La formule (2.32) signifie que la fonction u0 ne depend en fait que de lavariable macroscopique x :

u0 = u0(x). (2.33)

A l’ordre1

εmaintenant, on obtient, en utilisant l’information precedente :

Page 67: Systèmes multi-échelles : Modélisation et simulation (Mathématiques et Applications)

2.3 Des cas plus compliques : la convergence a deux echelles 55

−divy(A(y) · (∇xu0(x) + ∇yu1(x, y))) = 0.

L’equation verifiee par la fonction u1 est donc−divy(A(y) · (∇xu0(x) + ∇yu1(x, y))) = 0, dansY,

u1 periodique au bord ∂Y.(2.34)

Si l’on suppose connaıtre u0 (que l’on determinera en fait dans un instant, voirci-dessous), la solution de cette equation est en fait entierement determineeexplicitement. Il s’agit de

u1(x, y) =

N∑

i=1

∂u0

∂xi(x)wi(y), (2.35)

pour les wi fonctions solution des problemes dits sous-maille−divy(A(y) · (ei + ∇ywi(y))) = 0, dansY,

wi periodique au bord ∂Y.(2.36)

ou ei, i = 1, ...N designe le i-eme vecteur de base de IRN .

Remarque 2.19. En fait, comme seulement la derivee ∇yu1(x, y) intervientdans (2.34) et pas la fonction u1(x, y) elle-meme, l’equation a donnee au bordperiodique (2.34) ne determine u1 selon (2.35) qu’a l’addition d’une fonctionv(x) de la seule variable x pres (de meme dans (2.36) les wi peuvent etredecalees d’une constante en y). Mais on peut toujours supposer cette fonctionv(x) identiquement nulle, d’ou la definition (2.35). Ceci ne modifie pas2 l’ex-pression de la matrice homogeneisee A⋆ (v(x) disparaıt immediatement dans(2.37)) ci-dessous, et donc la valeur de u0. De meme, il faut en toute rigueurprendre en compte cette fonction dans le developpement (2.27) si l’on cherchea calculer mieux que le seul ordre zero en ε. On se reportera a ce sujet al’Exercice 2.27 et a la discussion de la Section 2.3.4.

Exercice 2.20. Verifier que si wi est solution de (2.36), alors u1 donne par(2.35) est bien l’unique solution (a l’addition d’une fonction de x pres) de(2.34).

Remarque 2.21. L’equation (2.34) qui definit u1, et qui, on le verra, va per-mettre de definir la matrice homogeneisee A⋆ est vue ici comme une equation

(parametree en x) de la variable y. Si on se souvient que y =x

ε, elle est

donc, en toute rigueur, posee sur le domaine1

εΩ. En la considerant comme

parametree par x et posee pour y ∈ Y , on fait le triple raccourci suivant :

2Pour le lecteur exigeant, il est bon de savoir que, dans le cas de l’homoge-neisation non periodique, il n’est pas evident (et il peut s’averer faux) de negligercette fonction v(x). Ici, dans le cas de l’homogeneisation periodique, on beneficied’un cadre particulierement simple.

Page 68: Systèmes multi-échelles : Modélisation et simulation (Mathématiques et Applications)

56 2 Techniques d’homogeneisation

(i) on desolidarise x de y, alors qu’ils sont lies par y =x

ε,

(ii) on assimile1

εΩ a IRN , de sorte que (2.34) devient posee sur l’espace tout

entier,

(iii) puis on fait usage de la periodicite postulee en (2.28), et on ramene cetteequation sur la seule maille Y .

Aucun de ces trois raccourcis n’est en fait evident. Ils sont valides par la phasede “remontee”, qui consiste en la preuve mathematique (que nous ne feronspas ici en toute generalite, mais seulement en dimension 1) du fait que ledeveloppement que nous allons trouver est en fait le bon. Dans des cadresdifferents de celui de l’homogeneisation periodique avec donnee de Dirichletau bord, ces points (i)-(ii)-(iii) peuvent poser probleme. Sans aller dans de telsdeveloppements, il est bon de garder en tete que, structurellement, l’equation(2.34) est en fait posee sur un tres grand domaine3 (voire sur tout l’espace),et que c’est seulement la periodicite qui la ramene ici a un probleme pose surune maille periodique.

Il nous reste maintenant a determiner u0. Pour cela, on retourne audeveloppement (2.30) et a son terme d’ordre 0 qu’on doit donc egaler a fpour que (2.26) soit verifiee :

−divy(A(y) · (∇xu1(x, y) + ∇yu2(x, y))) =

divx(A(y) · (∇yu1(x, y) + ∇xu0(x))) + f, (2.37)

assorti des conditions de periodicite au bord de Y pour la fonction u2.

Remarquons alors qu’une condition necessaire (et en fait suffisante) pourque la fonction u2 existe et soit periodique est que l’integrale du membre degauche sur la cellule de periodicite Y soit nulle. En effet, si g est une fonctionperiodique a valeurs vectorielles, on a

Y

div g(y) dy =

∂Y

g(y) · n = 0, par periodicite.

Donc l’integrale du membre de droite de (2.37) est aussi nulle ce qui se traduitpar

−divx

(∫

Y

A(y) · (∇yu1(x, y) + ∇xu0(x)) dy)

= f(x)

puisque l’integrale en la variable y “traverse” la derivation en x.

Compte-tenu de la valeur determinee (2.35) de u1 en fonction des wi, onobtient

3Et ceci est normal car, a l’echelle microscopique, le domaine macroscopique estimmense !

Page 69: Systèmes multi-échelles : Modélisation et simulation (Mathématiques et Applications)

2.3 Des cas plus compliques : la convergence a deux echelles 57

−divx

(∫

Y

A(y) ·N∑

j=1

∂u0

∂xj(x)(∇ywj(y) + ej) dy

)= f(x). (2.38)

A ce stade, on remarque

Y

A(y) ·N∑

j=1

∂u0

∂xj(x)(∇ywj(y) + ej) dy

=

Y

A(y) ·N∑

j=1

(∇u0(x))j(∇ywj(y) + ej) dy

=

N∑

j=1

(∇u0(x))j

(∫

Y

A(y) · (∇ywj(y) + ej) dy

)

=

N∑

i=1

( N∑

j=1

N∑

k=1

Y

Aik(y)(∇ywj(y) + ej)k dy (∇u0(x))j

)ei

=

N∑

i=1

( N∑

j=1

A⋆ij(∇u0(x))j

)ei

= A⋆ · ∇u0(x)

ou les termes de la matrice A⋆ sont donnes, pour i, j = 1...N par

A⋆ij =

N∑

k=1

Y

Aik(y)(∇ywj(y) + ej)k dy

=

Y

(A(y) · (∇ywj(y) + ej), ei) dy. (2.39)

En fait, on peut montrer (voir l’Exercice ci-dessous) que les coefficients de A⋆

peuvent s’ecrire

A⋆ij =

Y

(A(y)(ei + ∇ywi), (ej + ∇ywj)

)dy. (2.40)

L’equation (2.38) peut en fait se recrire sous la forme du probleme ho-mogeneise

−div (A⋆ · ∇u0) = f, dansΩ,u0 = 0, sur ∂Ω,

(2.41)

Exercice 2.22. En utilisant le caractere symetrique de A et la definition(2.36) des wj , montrer dans le detail comment on passe de (2.39) a (2.40).

A ce stade, nous avons donc determine les deux premiers termes u0 et u1

du developpement limite de uε en fonction de ε. Dans l’ordre,

Page 70: Systèmes multi-échelles : Modélisation et simulation (Mathématiques et Applications)

58 2 Techniques d’homogeneisation

(i) on determine wi par resolution des problemes sous-maille (2.36) sur lacellule de periodicite

(ii) on calcule les termes de la matrice A⋆ par (2.40)

(iii) on resout le probleme homogeneise (2.41) pour trouver u0

(iv) on calcule u1 par (2.35), si on souhaite avoir le terme d’ordre 1

(v) on peut ensuite resoudre (2.37) si on souhaite le terme suivant dudeveloppement, et ainsi de suite...

Notons que les etapes [i] et [ii] sont les precalculs qui permettent commedans les cas plus simples des sections ci-dessus de determiner les termes dela matrice homogeneisee A⋆. On voit que, cette fois, ce precalcul est en faitla resolution d’un ensemble de problemes aux limites (en fait autant que dedimensions) et pas seulement un “simple” calcul de moyenne d’une fonctionperiodique. De tels calculs, plus l’assemblage de la matrice A⋆, ne sont pasgratuits ! Il faudra bien en etre conscient avant d’entamer cette strategie depassage a la limite.

Remarque 2.23. On reviendra utilement a la Remarque 2.17.

Remarque 2.24. En fait, on est ici dans un cas simple car l’hypothese deperiodicite faite sur A entraıne que la determination de A⋆ ne depend enfait pas du point macroscopique x. Dans un milieu plus complique ou on au-rait une matrice A(x, x

ε ), on devrait resoudre les problemes de type (2.36) enchaque point x macroscopique4. Ce qui est bien sur beaucoup plus cher, memesi on peut en fait faire cela en parallele, et une seule fois pour tous les secondsmembres f .

Il est utile de remarquer que ce que nous avons obtenu a la limite est enfait une hierarchie d’equations

⎧⎪⎪⎨⎪⎪⎩

u0 en fonction de f et A⋆ via (2.41)u1 en fonction de u0 via (2.34)u2 en fonction de u1 et u0 via (2.37)...

L’interet pratique est clair (meme si on le repete tout n’est pas gratuitdans cette approche) : on n’a pas a discretiser le domaine de depart avec uneechelle aussi fine que ε dans un calcul couple avec l’echelle 1. Il s’agit d’unprecalcul (la resolution de (2.36) a une echelle fine) qui est ensuite injectedans le calcul avec maillage grossier (2.41) via la formule (2.40).

En resume, en resolvant d’abord les N problemes (2.36) sur la maille, onest en mesure d’obtenir pour tous les seconds membres f , une bonne approxi-mation de la solution uε de (2.26) rien qu’en resolvant (2.41) a l’echelle 1.

4En un certain sens, cette observation prepare ce que nous verrons au Chapitre 4.

Page 71: Systèmes multi-échelles : Modélisation et simulation (Mathématiques et Applications)

2.3 Des cas plus compliques : la convergence a deux echelles 59

−div( x) grad u*)= fΑ∗(

Α∗=...

Fig. 2.3. En chaque maille de taille macroscopique, on resout le probleme sous-maille pour determiner les termes de la matrice homogeneisee.

Autrement dit, connaıtre uε a l’ordre 0 en ε (et en fait quasiment al’ordre 1, modulo de subtiles questions de couche limite qu’on mentionnerarapidement plus loin) nous coute N + 1 calculs sur un maillage standard, aulieu d’un calcul sur un maillage de taille ε (qui certes nous donnerait uε atous les ordres). Et la situation est d’autant meilleure que l’on veut resoudre(2.26) pour beaucoup de seconds membres.

Cependant, malgre cet evident succes, le lecteur doit garder a l’esprit quepremierement, nous n’avons rien prouve (tout le travail ci-dessus est a cestade purement formel), et deuxiemement le passage a la limite brutal “onremplace ε par zero” a ses propres carences.

Dans les sections qui viennent, nous allons successivement regarder le tra-vail effectue avec un point de vue sensiblement different, le point de vueenergetique ou variationnel (Section 2.3.2), puis revenir, en Section 2.3.3, surle cas monodimensionnel pour constater la consistance du travail effectue iciavec le travail effectue en Section 2.1. Ceci nous permettra aussi de fournir,en dimension 1, une preuve du fait que le developpement effectue est le bon.Puis, au contraire, nous retournerons en Section 2.3.4 vers le cadre generalde la Section 2.2.2 pour voir en quoi notre cas periodique rejoint ce cadregeneral, et en quoi le developpement fait ici est mieux que formel. Pour tenterde repondre a l’objection “ε n’est pas zero”, nous allons rapidement esquisserensuite en Section 2.4 des methodes plus sophistiquees.

2.3.2 L’interpretation energetique

Commentons un peu la definition (2.40) de la matrice homogeneisee A⋆ avecle point de vue energetique.

En fait, parce qu’elle est symetrique, la matrice A⋆ peut de facon equiva-lente etre definie par

Page 72: Systèmes multi-échelles : Modélisation et simulation (Mathématiques et Applications)

60 2 Techniques d’homogeneisation

∀z ∈ IRN , z A⋆ z = inf

∇u periodique∫

Y

∇u = z

Y

(∇u(y) , A(y) · ∇u(y)) dy. (2.42)

En effet (on peut le montrer en exercice ; c’est facile en dimension 1, et c’estplus difficile en dimension quelconque), si ei est un vecteur de la base cano-nique, alors il est equivalent de considerer toutes les fonctions u, de gradient

periodique, telles que

Y

∇u = ei et toutes les fonctions u s’ecrivant u = xi+w

ou w est une fonction periodique. Donc le probleme de minimisation (2.42) serecrit dans ce cas

ei A⋆ ei = inf

w periodique

Y

((ei + ∇w(y)) , A(y) · (ei + ∇w(y))) dy. (2.43)

Or, par une preuve simple de calcul des variations, le minimiseur de ceprobleme (2.43) est exactement wi defini par (2.36), et vaut donc

ei A⋆ ei = inf

w periodique

Y

((ei + ∇w(y)) , A(y) · (ei + ∇w(y))) dy

=

Y

((ei + ∇wi(y)) , A(y) · (ei + ∇wi(y))) dy. (2.44)

On retrouve la formule (2.40) pour i = j. En calculant plus generalementx A⋆x pour tout x, on peut reconstruire tous les coefficients et retrouver (2.40)pour tout i, j.

D’un point de vue heuristique, en se souvenant que l’on est parti de lasolution uε de (2.26) qui est aussi le minimiseur de

inf

u ∈ H10 (Ω)

1

2

Ω

(∇u(x) , A(x

ε) · ∇u(x)) dx −

Ω

f(x)u(x) dx, (2.45)

on constate qu’il est “naturel” que le probleme de minimisation (2.42) entreen jeu.

Ce que l’on a en fait montre, c’est que la solution homogeneisee u0, ap-proximation de uε minimiseur de (2.45) etait le minimiseur de

Page 73: Systèmes multi-échelles : Modélisation et simulation (Mathématiques et Applications)

2.3 Des cas plus compliques : la convergence a deux echelles 61

inf

u ∈ H10 (Ω)

1

2

Ω

(inf

∇v periodique∫

Y

∇v = ∇u(x)

Y

(∇v(y) , A(y) · ∇v(y)) dy

)dx−

Ω

fu,

(2.46)Ceci est l’interpretation variationnelle de la demarche que nous avons eue

dans le langage des equations aux derivees partielles.Elle peut etre utilement rapprochee de ce que nous avons vu au premier

Chapitre, et notamment de la formule (1.20). L’integrande dans le premierterme de (2.46) est une facon d’exprimer la densite d’energie macroscopique :il suffit de noter

W (F ) = inf

∇v periodique∫

Y

∇v = F (x)

Y

(∇v(y) , A(y) · ∇v(y)) dy

)dx

On la calculera en resolvant le probleme a l’echelle microscopique, comme oncalculait au Chapitre 1 pour (1.20)

energie du reseau cristallin place en x et deforme par F (x)

laquelle etait aussi, implicitement, un probleme de minimisation.

Remarque 2.25. Cette interpretation variationnelle, symbolisee par la formule(2.46), est en fait plus generale que l’interpretation EDP que nous avonspresentee precedemment (sous reserve, bien sur, d’avoir dans le problemeune energie sous-jacente, c’est-a-dire, dans le cas quadratique, une matricesymetrique). Elle permet alors de traiter des cas plus compliques que le “sim-ple” cas periodique que nous traitons ici, comme des fonctionnelles d’energienon quadratiques, des coefficients aleatoires,... Une ecriture plus generale (unpeu formelle) de la formule (2.46), et qui permet d’ailleurs d’encore mieuxcomprendre ce qui a ete fait ici, est la suivante :

inf

u ∈ H10 (Ω)

1

2

Ω

(inf

〈∇v〉 = ∇u(x)

〈 Energie de∇v 〉)

dx −∫

Ω

fu,

(2.47)ou le signe 〈·〉 designe la moyenne sur un element representatif (dans le cas

periodique, il s’agit de l’integrale sur la cellule de periodicite 〈·〉 =

Y

·(y) dy).

De plus, cette approche est intimement liee a la theorie dite de la Γ -convergence, qui permet de definir la limite d’une suite de problemes de mi-nimisation, et de reconnaıtre cette limite comme un nouveau probleme deminimisation.

Page 74: Systèmes multi-échelles : Modélisation et simulation (Mathématiques et Applications)

62 2 Techniques d’homogeneisation

2.3.3 Retour sur le cas monodimensionnel

A ce stade, il est utile de revenir en detail sur le probleme monodimensionnel(2.1). A la Section 2.1, nous avons vu que le probleme homogeneise corres-pondant s’ecrit (2.6), a savoir

− d

dx(

1

< 1a >

d

dxu⋆) = f,

assorti des conditions aux limites u⋆(0) = u⋆(1) = 0. La limite de uε est :

u⋆ =<1

a>

(−x

∫ x

0

f(t) dt +

∫ x

0

tf(t) dt + x(∫ 1

0

f(t) dt −∫ 1

0

tf(t) dt))

,

(2.48)de derivee

(u⋆)′ =<1

a>

(−∫ x

0

f(t) dt +(∫ 1

0

f(t) dt −∫ 1

0

tf(t) dt))

. (2.49)

Alternativement, le resultat de la methode de convergence a deux echellesde la Section 2.3 nous enseigne que, si le developpement est bon, alors le termed’ordre zero en ε est solution de (2.41), qui s’ecrit ici

− d

dx(a⋆ d

dxu0) = f, dans [0, 1],

u0 = 0, en 0 et 1,

ou le coefficient homogeneise a⋆ s’exprime selon (2.40) et donc ici

a⋆ =

∫ 1

0

a(y)(1 + w′(y))2 dy, (2.50)

et ou la fonction w (il n’y en a qu’une ici puisqu’on travaille en une dimension)est solution de (2.36), ici

⎧⎨⎩

− d

dy(a(y)(1 +

d

dyw(y))) = 0, dans [0, 1],

w periodique de periode 1.

On deduit de cette equation que

a(y)(1 +d

dyw(y)) = constante,

et on identifie la constante en imposant la condition periodique w(0) = w(1),

a(y)(1 +d

dyw(y)) =

1

< 1a >

. (2.51)

Page 75: Systèmes multi-échelles : Modélisation et simulation (Mathématiques et Applications)

2.3 Des cas plus compliques : la convergence a deux echelles 63

Plus explicitement, la valeur de la fonction w (definie on le rappelle a uneconstante additive pres en y) est donc

w(y) = −y +1

< 1a >

∫ y

0

1

a(2.52)

de derivee

w′(y) = −1 +1

< 1a >

1

a(y). (2.53)

En injectant (2.53) dans (2.50), on trouve la valeur du coefficient homogeneise

a⋆ =

∫ 1

0

a(y)(1 + w′(y))2 dy =

∫ 1

0

a(y)1

< 1a >2

1

a(y)2dy =

1

< 1a >

qui est bien la valeur trouvee a la Section 2.1. Il s’ensuit evidemment quela fonction u⋆ est bien egale a u0, et donc la Section 2.1 prouve que ledeveloppement a deux echelles est au moins correct pour son ordre zero, a sa-voir que uε converge faiblement vers u0 dans H1([0, 1]). C’est le seul exempleou nous pourrons effectivement prouver cela dans ce cours.

Soyons curieux. La convergence de uε vers u0 est-elle forte dans H1 ? Celarevient a se poser la question suivante : la derivee (uε)′ tend-elle fortementvers (u0)

′ dans L2([0, 1]) ?

L’interet de la dimension 1 est que nous pouvons tout calculer explicite-ment. Ainsi, il est possible en suivant la demarche de la preuve de la Propo-sition 2.3, de resoudre (2.1) pour chaque ε > 0 et de trouver

uε(x) = −(

cε +

∫ x

0

f(t) dt

) ∫ x

0

1

a(t

ε) dt +

∫ x

0

(∫ t

0

1

a(t′

ε) dt′)f(t) dt (2.54)

ou la constante cε (celle de (2.7)) vaut

cε =

−∫ 1

0

1

a(t

ε) dt

∫ 1

0

f(t) dt +

∫ 1

0

(∫ t

0

1

a(t′

ε) dt′)f(t) dt

∫ 1

0

1

a(t

ε) dt

. (2.55)

La derivee (uε)′ est bien entendu donnee par (2.7).Formons alors la difference (uε)′ − (u0)

′ et evaluons-la :

(uε)′ − (u0)′ =

(−1

a(x

ε)+ <

1

a>

)(cε +

∫ x

0

f(t) dt

)

− <1

a>

(cε +

∫ 1

0

f(t) dt −∫ 1

0

tf(t) dt

).

Le second terme du membre de droite est une constante reelle qui tend vers 0avec ε. En effet, nous remarquons alors que

Page 76: Systèmes multi-échelles : Modélisation et simulation (Mathématiques et Applications)

64 2 Techniques d’homogeneisation

cε +

∫ 1

0

f(t) dt −∫ 1

0

tf(t) dt =

∫ 1

0

(∫ t

0

1

a(t′

ε) dt′ − t

∫ 1

0

1

a(t′

ε) dt′)

f(t) dt

∫ 1

0

1

a(t

ε) dt

,

ou, en designant par [y] la partie entiere de y,

∥∥∥∥∫ t

0

1

a(t′

ε) dt′ − t

∫ 1

0

1

a(t′

ε) dt′∥∥∥∥

L∞

= ε

∥∥∥∥∥

∫ tε

0

1

a(t′) dt′ − t

∫ 1ε

0

1

a(t′) dt′

∥∥∥∥∥L∞

= ε

∥∥∥∥∥

∫ tε

[ tε]

1

a− t

∫ 1ε

[ 1ε]

1

a+ O(1)

∥∥∥∥∥L∞

= O(ε).

(2.56)

Nous avons donc

cε +

∫ 1

0

f(t) dt −∫ 1

0

tf(t) dt = O(ε). (2.57)

Quant au premier terme, il tend faiblement vers 0 dans L2 par produit : la

fonction1

a(x

ε)− <

1

a> converge faiblement vers 0 dans L2, et la fonction

cε +

∫ x

0

f(t) dt converge fortement dans L∞, et ce vers la fonction

−∫ 1

0

f(t) dt +

∫ 1

0

tf(t) dt +

∫ x

0

f(t) dt.

Par consequent, a cause de ce premier terme, on retrouve que

(uε)′ − (u0)′

tend faiblement vers 0, et pas fortement. Pour s’en convaincre, il suffit de

fixer une fonction f et de prendre un exemple de fonction1

a(x

ε)− <

1

a> qui

converge faiblement et pas fortement vers 0.

Obtenir une convergence forte de (uε)′ vers (u0)′ dans L2([0, 1]) est

precisement le but de la presence du terme d’ordre 1 dans le developpementa deux echelles.

Considerons en effet maintenant la difference

(uε(x))′ − (u0(x) + εu′0(x)w(

x

ε))′,

que nous evaluons

Page 77: Systèmes multi-échelles : Modélisation et simulation (Mathématiques et Applications)

2.3 Des cas plus compliques : la convergence a deux echelles 65

(uε(x))′−(u0(x)+εu′

0(x)w(x

ε))′

= (uε(x))′−(1+w′(x

ε))(u0)

′−ε(u0)′′(x)w(

x

ε).

(2.58)Le dernier terme vaut

ε(u0)′′(x)w(

x

ε) = −ε <

1

a> f(x)

(−x

ε+

1

< 1a >

∫ xε

0

1

a

)

=(−x <

1

a> +

∫ x

0

1

a(t

ε) dt)f(x),

et est donc une fonction qui tend vers zero en norme L2 en O(ε) par le memeraisonnement que pour (2.56). Et l’on peut donc recrire, en tenant compte dela valeur de 1 + w′,

(uε(x))′ −(u0(x) + εu′

0(x)w(x

ε))′

= (uε(x))′ − 1

< 1a >

1

a(xε )

u′0(x) + OL2(ε)

= −1

a(x

ε)

(cε +

∫ 1

0

f(t) dt −∫ 1

0

tf(t) dt

)

+OL2(ε). (2.59)

A cause de (2.57), nous avons donc maintenant bien la convergence forte de(uε(x))′ − (u0(x) + εu′

0(x)w(xε ))′ vers 0 dans L2, et donc

uε(x) − (u0(x) + εu′0(x)w(

x

ε)) tend fortement vers 0 dansH1(Ω), (2.60)

(puisque le terme εu′0(x)w(

x

ε) ne modifie pas la convergence L2 precedemment

prouvee).

Remarque 2.26. Nous retrouverons a la Section suivante le fait qu’il est im-portant d’obtenir une telle convergence forte.

Exercice 2.27. En reprenant le detail des calculs precedents pour une fonc-tion w s’ecrivant

w(x, y) = h(x) − y +1

< 1a >

∫ y

0

1

a

(ou h(x) est arbitraire), montrer que le fait qu’on ait pris dans la definitionde w la “constante” d’integration h(x) nulle ne modifie en rien la convergence(2.60).

Pourquoi ne pas pousser l’analyse plus loin en se demandant : pouvons-nous dire a quel ordre en ε la convergence de (uε(x))− (u0(x) + εu′

0(x)w(xε ))

vers 0 dans H1 a lieu ?

Encore une fois, comme nous disposons en dimension 1 des expressionsexplicites, il suffit de mener le calcul. Nous venons de montrer avec (2.59) et(2.57) que

Page 78: Systèmes multi-échelles : Modélisation et simulation (Mathématiques et Applications)

66 2 Techniques d’homogeneisation

∥∥∥(uε(x))′ − (u0(x) + εu′0(x)w(

x

ε))′∥∥∥

L2= O(ε),

et en fait pas mieux que cela (Le verifier en exercice).

Avec un plus d’effort, on peut faire le meme travail sur la fonction uε(x)elle-meme. On a en effet

uε(x) − (u0(x) + εu′0(x)w(

x

ε))

= −(

cε +

∫ 1

0

f(t) dt −∫ 1

0

tf(t) dt

)(∫ x

0

1

a(t

ε) dt

)

+

∫ x

0

(∫ t

0

1

a(t′

ε) dt′ − t <

1

a>

)f(t) dt,

ou chacun des deux termes est un O(ε) en norme L∞ (et donc en normeL2([0, 1])) en vertu de raisonnements deja effectues ci-dessus.

Nous avons donc∥∥∥uε(x) − (u0(x) + εu′

0(x)w(x

ε))∥∥∥

H1= O(ε). (2.61)

Au moins deux commentaires s’imposent a ce stade.

Premierement, on n’a pas mieux que l’ordre ε. Il suffit pour le voir dechoisir une fonction f et une fonction a non triviales particulieres et de verifierque la convergence est alors exactement d’ordre ε.

Deuxiemement, on pourrait a premiere vue etre “decu” par cette conver-gence d’ordre ε. En effet, pour un developpement limite “classique”, on s’at-tend typiquement a ce que une difference vε − v0 − εv1 soit d’ordre o(ε), voireO(ε2). Il ne faut pas se faire abuser ici ! Comme

(u0(x) + εu′

0(x)w(x

ε)

)′

= (u0)′(x) + (u0)

′(x)w′(x

ε) + ε(u0)

′′(x)w(x

ε),

le terme d’ordre 1 cache en fait un terme d’ordre 0 pour la derivee (a cause de

l’argumentx

εdans w). La convergence a l’ordre o(1) pour la convergence H1

est donc en fait le resultat naturel que l’on peut attendre, et une convergencea l’ordre O(ε) est donc un resultat non trivial5.

Remarque 2.28. Cette convergence a l’ordre ε ne sera en fait pas necessaire-ment vraie dans le cas general (voir la Section 2.3.4), en partie a cause d’unedifficulte due aux conditions aux limites, et reliee au point qui suit.

5On pourrait cependant attendre O(ε2) pour la norme L2.

Page 79: Systèmes multi-échelles : Modélisation et simulation (Mathématiques et Applications)

2.3 Des cas plus compliques : la convergence a deux echelles 67

Terminons cette section en signalant un point jusqu’ici passe sous silence.

La fonction u0(x) + εu′0(x)w(x

ε ) approche bien uε, mais ne verifie en faitpas la condition au bord de nullite en 0 et 1. Ici on peut encore faire le calculet obtenir d’une part exactement

u0(0) + εu′0(0)w(

0

ε) = 0

et d’autre part

u0(1) + εu′0(1)w(

1

ε) = 0 −

(∫ 1

0

tf(t) dt

)(− <

1

a> +ε

∫ 1ε

0

1

a

),

qui n’est pas exactement zero en general mais est un O(ε) (encore par le memeraisonnement que ci-dessus).

Exercice 2.29. L’objet de l’exercice est de montrer la convergence forte deuε(x) − (u0(x) + εu′

0(x)w(xε )) vers 0 dans L2 par une autre methode que la

methode ci-dessus. Nous nous placons au stade ou nous savons que (uε(x))′−(u0(x)+εu′

0(x)w(xε ))′ converge fortement dans L2 vers 0, et ce comme un O(ε).

En integrant alors cette fonction, et en utilisant notamment la remarque surles conditions aux bords ci-dessus, conclure.

Exercice 2.30. Montrer que si on avait une convergence o(ε) pour la normeH1 alors la condition au bord devrait au moins etre verifiee a l’ordre o(ε) pres.Verifier que ce n’est pas le cas en general.

2.3.4 Retour sur le cadre general

Dans la section 2.3.1, nous avons seulement travaille par conditions neces-saires, de maniere formelle, sans nous preoccuper de notre bon droit quandnous utilisions des derivees. Nous avons montre que si uε admet un develop-pement limite du type (2.27) alors les premiers termes sont necessairementdonnes par les u0 et u1 determines ci-dessus. Dans le cadre monodimensionnel,nous avons pu fournir la preuve, mais en toute generalite, il reste a fonder cecimathematiquement. Nous ne sommes malheureusement pas en mesure de fairececi ici, preferant nous consacrer a d’autres aspects. En fait, sous de bonnesconditions sur les donnees, on peut montrer que le developpement (2.27) est

legitime, au sens ou uε − u0(·) − εu1(·,·ε) tend effectivement fortement vers

0 dans H1.Cependant, des l’ordre 1 en ε, et a fortiori pour les ordres suivants, la

situation n’est pas simple, notamment car des couches limites aux bords dudomaine rentrent en jeu. Ceci peut deja se comprendre de la facon suivante.Comme indique en fin de Section precedente, un point est passe relativementinapercu dans notre analyse de la section 2.3.1 : la condition au bord uε = 0

Page 80: Systèmes multi-échelles : Modélisation et simulation (Mathématiques et Applications)

68 2 Techniques d’homogeneisation

est certes verifiee par u0, mais pas par u1 (voir la formule (2.35)), et donc pas

par u0(·) + εu1(·,·ε). Ainsi, en dimension 1, nous avons vu que la condition

au bord n’etait en general verifiee qu’a l’ordre O(ε). Il s’ensuit notamment(une preuve precise peut etre faite) que la vitesse en ε pour la convergence

dans H1 de la fonction uε − u0(·) − εu1(·,·ε) vers 0 n’est pas forcement celle

attendue6. Rappelons en effet que, par exemple, a cause des proprietes del’application Trace, la norme H1(Ω) sur le domaine majore (a constante mul-tiplicative pres) la norme L2(∂Ω), et donc si la convergence au bord n’est pasbonne, la convergence de la derivee sur tout le domaine ne peut pas l’etre nonplus. Un terme parasite du aux conditions aux limites apparaıt ainsi dans ledeveloppement limite (2.27), qu’il faut ainsi corriger. Aux ordres superieurs,on anticipe de facon analogue des difficultes certaines pour montrer la validitedu developpement (et il arrive effectivement qu’il soit faux).

Quoi qu’il en soit, la convergence a deux echelles developpee ci-dessus estun moyen explicite de rendre forte une convergence faible H1, celle de uε versu0. De ce point de vue, il s’agit d’un cas particulier d’un resultat generalque nous citons maintenant, et qui, comme annonce, prolonge et complete lesresultats de la Proposition 2.12. Dans cette derniere, la convergence H1 deuε′

vers u⋆ est faible (voir Figure 2.4), et donc on n’a pas convergence fortedes derivees, en particulier dans L1 et donc presque partout. Pour ameliorerla situation, il faut adjoindre des termes correctifs a u⋆, comme nous l’avonsfait en adjoignant εu1 a u0 dans le developpement a deux echelles.

Proposition 2.31. dite Theoreme des correcteurs Nous nous placonsdans les conditions de la Proposition 2.12. Alors il existe N suites de fonctionszε′

i dans H1(Ω) verifiant

zε′

iε′−→0 0, faiblement dansH1(Ω), (2.62)

et

−divAε′(ei + ∇zε′

i

) ε′−→0−→ 0, fortement dansH−1(Ω), (2.63)

telles que

∇uε′ −(Id + ∇zε′)∇u⋆ ε′−→0−→ 0, fortement dans (L1(Ω))N . (2.64)

Les fonctions zi sont dites les correcteurs, au sens ou, grace a leur presence,la formule (2.64) permet d’obtenir la convergence forte de la derivee de uε′

vers celle de u⋆.

Nous ne demontrerons pas la Proposition ci-dessus, et renvoyons une foisde plus a la bibliographie. Disons cependant que le debut de la preuve consiste

6Typiquement, on peut obtenir un ordre O(√

ε).

Page 81: Systèmes multi-échelles : Modélisation et simulation (Mathématiques et Applications)

2.3 Des cas plus compliques : la convergence a deux echelles 69

a construire “explicitement” les correcteurs en les definissant comme les solu-tions d’un probleme du type

−divAε(ei + ∇zε′

i

)= 0, (2.65)

avec zεi ∈ H1

0 (Ω), puis a verifier que de tels zεi tendent effectivement faiblement

vers 0 dans H1(Ω).En fait, les correcteurs permettent mieux que simplement corriger la

convergence, car ils permettent aussi d’obtenir une expression de la matricehomogeneisee et donc de determiner u⋆. C’est l’objet du

Corollaire 2.32. Toujours sous les conditions de la Proposition 2.12, la ma-trice homogeneisee A⋆ s’exprime par

A⋆ = limfaible dans (L2(Ω))N×N

Aε′ (Id + ∇zε′)

. (2.66)

Remarque 2.33. La convergence (2.64) est bien sur la generalisation de (2.60),laquelle est basee sur (2.58).

Remarque 2.34. De meme, (2.66) generalise (2.50) et aussi (2.39)-(2.39).

A ce stade, nous savons donc que grace a la resolution prealable des Nproblemes du type (2.65), nous obtiendrons, pour chaque fonction f une bonneapproximation de uε par la seule resolution du probleme homogeneise. Ceciest tout a fait la situation constatee pour la convergence a deux echelles.

Pour autant, il ne faut pas sombrer dans l’euphorie. En fait, l’expression(2.66) n’est pas vraiment explicite, car calculer cette limite n’est pas simple :il y a un produit de fonctions au membre de droite. Dans le cas periodique, laconvergence a deux echelles pour le cas periodique rend cette formule vraimentexplicite et independante de l’extraction. C’est ce que nous avons vu plus haut.On obtient d’un seul coup le correcteur et la matrice homogeneisee. En toutegeneralite, tout reste a faire !

Remarque 2.35. Pour etre rigoureux, nous devrions preciser que l’expression(2.66) est bien une definition au sens ou la valeur ne depend pas du correcteurchoisi, c’est-a-dire que quelles que soient les fonctions zi remplissant les condi-tions de la Proposition 2.31 le resultat sera le meme. C’est en fait le cas, nousl’admettons en toute generalite, et l’exercice ci-dessous eclaircira la situationsur le cas de la dimension 1.

Exercice 2.36. Sur le cas de la dimension 1, montrer que (2.66) est bien unedefinition legitime.

Exercice 2.37. Reprendre le cas de la convergence a deux echelles sur lecas periodique de la Section 2.3.1 largement explore ci-dessus : contruire descorrecteurs, et montrer que l’expression (2.66) coıncide bien avec l’expression(2.40).

Page 82: Systèmes multi-échelles : Modélisation et simulation (Mathématiques et Applications)

70 2 Techniques d’homogeneisation

u

u ε

*

u ’ε

u*’

Fig. 2.4. A gauche, la limite u⋆ donne le comportement moyen de uε qui presentedes oscillations d’amplitude ε a l’echelle ε. Pourtant, a droite, sa derivee (u⋆)′ estune tres mauvaise approximation de la derivee (uε)′ (qui oscille avec une amplitudeunite). u⋆ est peut-etre la limite faible dans H1 de uε, mais certainement pas lalimite forte.

2.4 A lire en 2eme lecture : Vers des methodes

multiechelles avancees

Les difficultes soulevees ci-dessus soulevent en fait la difficulte plus generaledu calcul du comportement de uε “a tout ordre” c’est-a-dire pour ε petitmais non nul. Il est en effet clair que le passage a la limite que nous avons ef-fectue en remplacant ε par zero peut etre un peu troublant. Dans un problemedonne, ε vaut par exemple 10−5 et pas zero ! Evidemment, on peut, suivant latechnologie developpee a la section precedente, se dire que l’on va calculer ri-

Page 83: Systèmes multi-échelles : Modélisation et simulation (Mathématiques et Applications)

2.4 A lire en 2eme lecture : Vers des methodes multiechelles avancees 71

goureusement le developpement complet, c’est-a-dire comprendre precisementle comportement de uε quand il tend vers u0, en calculant les correcteurs atout ordre. Dans certains cas (comme le cas periodique), ces correcteurs sontexplicites (quoique pas gratuits !), mais dans beaucoup de cas ils ne le sont pas,et les determiner peut s’averer dans la pratique aussi difficile que de resoudrele probleme initial. Il y a donc de la place pour des strategies alternatives :on peut imaginer que passer a la limite ε −→ 0 n’est pas la seule strategienumerique. Certaines techniques (tout a fait dans l’esprit de celles de la Sec-tion 1.3) consistent a gerer explicitement l’echelle ε conjointement a l’echelle1 (i.e. l’echelle macroscopique).

L’idee est de s’inspirer du developpement (2.27), sous sa forme

uε(x) = u0(x) + ε

N∑

i=1

∂u0

∂xi(x)wi(

x

ε).

Certes ce developpement n’est pas toujours correct en theorie, mais ilsuggere malgre tout de rechercher7, pour ε fixe non nul, une approximationnumerique de la solution uε comme superposition (et/ou produits) de fonc-tions oscillant a l’echelle 1 et a l’echelle ε. L’objectif est alors clair : il faut,d’une maniere ou d’une autre, inserer dans l’espace d’elements finis consideresa la fois des fonctions qui oscillent a l’echelle 1 et des fonctions qui oscillenta l’echelle ε, pour avoir une chance de bien representer la fonction uε, quipresente les deux comportements.

Remarque 2.38. La demarche que nous employons, consistant a nous inspirerd’un developpement theorique, non necessairement rigoureux en theorie, pouren deduire une strategie d’approximation numerique, qui elle sera rigoureuse,est tres courante en analyse numerique.

Si on utilise des fonctions oscillantes a l’echelle ε generiques, il y a toutes leschances qu’il en faille un nombre enormement grand, et on est alors ramene ala difficulte mentionnee au debut de chapitre : on se retrouve avec par exempleune base d’elements finis de taille ε, ce qui est precisement ce qu’on voulaiteviter.

Si au contraire on particularise trop, et qu’on incorpore l’asymptotiquede uε explicitement dans l’espace d’elements finis, cela revient au cas de la

section precedente, ou l’on calcule uε sous la forme u0(·) + εu1(·,·ε) ou u0 et

u1 sont definies par le probleme homogeneise et le probleme periodique.Une idee naturelle est alors de rechercher un compromis entre les deux

strategies extremes ci-dessus. Il existe differentes facons de mettre en oeuvrecette idee.

En premier lieu, on peut vouloir incorporer l’information a l’echelle ε dansles fonctions de base elements finis elle-meme. Pour cela, on considere des

7et ce meme hors du cadre periodique de la Section precedente

Page 84: Systèmes multi-échelles : Modélisation et simulation (Mathématiques et Applications)

72 2 Techniques d’homogeneisation

elements finis qui vont jouer en fait le role des fonctions wi(·ε) de la section

precedente.

Brievement dit, une des techniques consiste a mailler le domaine selon desmailles grossieres (i.e. a l’echelle 1, par exemple en dimension 2 par des carres(de sommets notes xj) ce qui est bien adapte a la cellule de periodicite Y =[0, 1]2), et considerer comme espace d’elements finis un espace de fonctionsqui sont somme de deux types de fonctions : d’une part, les fonctions Q1habituelles (notees ψi et verifiant ψi(xj) = δij) et d’autre part des fonctionstests qui oscillent a l’echelle ε. Par exemple, on peut determiner les fonctionsηε

i solutions de−div (A(x

ε ) · ∇(ηiε + ψi)) = 0, dans la maille de taille 1,

ηiε = 0, au bord de la maille,

puis poser ϕiε = ηi

ε + ψi, qui est alors solution de⎧⎨⎩

−div (A(xε ) · ∇ϕi

ε) = 0, dans la maille de taille 1ϕi

ε(xj) = δij , en les sommets xj , du carreϕi

ε est continu a travers le changement de maille,

et utiliser la base des ϕiε comme base d’elements finis. Cette base contient

des oscillations a l’ordre ε, a cause de la presence des ηiε ( ce sont elles qui

jouent en fait, pour ε = 0, le role des fonctions wi(·ε) de la section precedente,

avec cet avantage supplementaire qu’elles verifient les bonnes conditions auxbords).

La resolution numerique du probleme original se presente alors encore endeux etapes : un precalcul ou on evalue les ϕi

ε sur chaque maille, puis un calculsur le maillage a l’echelle 1 de la solution uε de l’equation developpee sur lesϕi

ε.

Une alternative, dans le meme esprit mais avec une realisation pratiqueun peu differente, est de considerer des fonctions de base a l’echelle ε qui sontperiodiques.

Plus precisement, on definit la solution φ(y, ε, t) de−e−iεty divy (A(y) · ∇y(eiεty φ(y, ε, t))) = ε2, sur la maille periodique Y,

φ(y, ε, t) periodique au bord.

En echantillonnant φ(y, ε, t) pour differents t = tj , on construit une familled’elements finis φ(y, ε, tj) a l’echelle fine. Ensuite, en faisant le produit tenso-riel de cette famille par une famille d’elements finis a l’echelle 1, on construitune base globale, dans laquelle on approchera uε. Une telle strategie peuts’interpreter comme issue de la decomposition par transformee de Fourier

uε(x) =1

(2π)n/3

t∈IRn

f(t) eitx φ(x

ε, ε, t) dt, (2.67)

Page 85: Systèmes multi-échelles : Modélisation et simulation (Mathématiques et Applications)

2.5 Questions de couche limite 73

decomposition qui serait rigoureuse si on travaillait sur un domaine infini.La fonction φ(y, ε, t) apparaıt alors comme la reponse, a l’echelle ε, a uneexcitation eitx a l’echelle 1. La solution uε est donc vue comme une fonctionuε(x) = Uε(x,

x

ε), c’est-a-dire une fonction de la variable x a valeurs dans les

fonctions de la variablex

ε. A ces deux niveaux, on utilise une base d’elements

finis differente.

En allant une etape plus loin, on peut meme construire une variante decette technique : plutot que d’inserer directement les φ(y, ε, t) dans l’espaced’elements finis a l’echelle ε, on se souvient seulement de la regularite de cesfonctions φ(y, ε, t) (elle se determine par une analyse mathematique) et onchoisit un espace d’elements finis “classiques”, dont on choisit la forme et ledegre en fonction de ce qui est attendu sur les φ(y, ε, t). L’espace d’elementsfinis global est alors le produit tensoriel de deux espaces adaptes aux echellesrespectives 1 et ε. Et on peut meme, en allant encore plus loin dans l’effica-cite, realiser une tres bonne approximation en effectuant un produit tensoriel“creux” (consistant a prendre seulement un sous-espace bien choisi du produittensoriel).

Quelle que soit leur declinaison, toutes ces techniques “avancees” consistentpeu ou prou a remplacer le probleme initial −divAε(x)∇uε(x) = f , qui estmultiechelle mais fonction d’une variable seulement, par un probleme va-riationnel, essentiellement a une seule echelle, mais sur plusieurs variables(d’ou par exemple un produit tensoriel d’elements finis8). On peut donc lesvoir comme des techniques preferant gerer conjointement les echelles, quesequentiellement. Progressivement, on s’eloigne donc de la methodologie ini-tiale de ce chapitre, pour se rapprocher de techniques que nous verrons auChapitre 4.

Pour en savoir plus sur ces techniques multiechelles qui sont actuellementen pleine evolution, nous conseillons au lecteur de se reporter a la bibliographiede ce chapitre, qui servira de point d’entree dans une litterature beaucoup pluslarge.

2.5 Questions de couche limite

Dans les sections precedentes, nous nous sommes interesses au cas ou les pe-tites echelles intervenaient uniformement sur tout le domaine, ce qui est le

cas pour un coefficient periodique oscillant vite a(x

ε). Il arrive que l’interven-

tion des petites echelles du probleme ne soit sensible que le long des paroisdu domaine. C’est par exemple le cas des couches limites dans les problemes

8Une autre approche encore consiste a introduire une somme d’espace d’elementsfinis, comme dans les methodes multiechelles reliees a la technique d’elements-bulles,voir les travaux de F. Brezzi, D. Marini, E. Suli [17, 22].

Page 86: Systèmes multi-échelles : Modélisation et simulation (Mathématiques et Applications)

74 2 Techniques d’homogeneisation

de thermique ou de mecanique des fluides. Ainsi, on sait que dans certainsecoulements de fluide, la viscosite du fluide ne joue en fait un role que le longde la paroi (penser aux calculs d’epaisseur de couche limite que le lecteur apeut-etre deja rencontres), alors que partout ailleurs, loin de la paroi, le fluides’ecoule comme s’il etait parfait, i.e. sans viscosite.

C’est un cas de ce type que nous allons regarder. Mais tout d’abord, don-nons un apercu sur les cas simples.

2.5.1 Deux cas simples

Dans un certain nombre de problemes, on s’attend sur le bord du domainede calcul a l’existence d’une couche limite dans la solution uε d’epaisseur ηε

liee a ε. Toujours pour des raisons d’efficacite, on ne souhaite pas realiser ladiscretisation de l’equation avec un pas de discretisation h de l’ordre de ε maisbien plus grand que ε. Generalement, la couche limite d’epaisseur ηε est doncune petite partie de la premiere maille. La resolution aboutira donc sur cettepremiere maille a une solution discrete fausse, et cela peut meme polluer lesmailles suivantes.

L’idee simple est alors la suivante : eliminer la couche limite du domainede calcul pour

– ne pas avoir a la mailler finement,– ne pas avoir d’erreur quand on la maille grossierement.

La difficulte est bien sur qu’on dispose d’une condition sur le bord Γ dudomaine physique et qu’il faut donc determiner une condition equivalente aubord Γ de la couche limite (voir Figure 2.5).

Il nous faut donc resoudre d’une maniere simplifiee a l’interieur de lacouche limite pour trouver la bonne condition a mettre au bord Γ .

Nous raisonnons en dimension 1 pour simplifier, mais tout peut s’adap-ter sans probleme aux dimensions superieures pour des parois regulieres enevoluant selon la normale a la paroi. Notre cas d’ecole consiste a resoudreune certaine equation sur le segment [0, 1], pour des conditions aux bords deDirichlet u(0) = u(1) = 0. On s’attend a une couche limite au voisinage de0+. Le bord gauche du domaine physique est donc le point x = 0, et le bordde la couche limite est le point x = ηε.

La strategie la plus simple consiste a ne resoudre aucune equation que cesoit sur la couche limite, meme pas une equation approchee, mais a seulementutiliser un simple developpement de Taylor pour ecrire

uε(0) = uε(ηε) − ηεduε

dx(ηε) + o(ηε),

et donc imposer

uε(ηε) − ηεduε

dx(ηε) = 0 (2.68)

Page 87: Systèmes multi-échelles : Modélisation et simulation (Mathématiques et Applications)

2.5 Questions de couche limite 75

au lieu de uε(0) = 0. Cela fournit la condition au bord manquante pour laresolution du probleme sur [ηε, 1].

Bien sur, ceci a le merite de la simplicite, mais presente deux desavantages :

– la validite du developpement de Taylor suppose l’existence d’une deriveeseconde bien reguliere de uε,

– on ne peut pas attendre des miracles de cette technique puisqu’on n’uti-lise rien du probleme sur [0, ηε].

Une technique plus sophistiquee consiste donc

– a d’abord resoudre une equation simplifiee sur le segment [0, ηε] avec la

donnee au bord uε(ηε), de sorte de determiner en sortieduε

dx(ηε), qui

sera donnee (ou approchee) par une formule

duε

dx(ηε) = g

(uε(ηε)

)(2.69)

qui peut etre en particulier de la forme (2.68) mais pas seulement,

– resoudre ensuite sur le segment [ηε, 1] avec la condition (2.69) au bordx = ηε.

Les deux cas ci-dessus recouvrent par exemple les questions de couchelimite pour les ecoulements turbulents. Une formule de type (2.69) s’appellealors une loi de paroi.

Fig. 2.5. Couche limite en 0+ : il s’agit pour batir une discretisation efficace dedeplacer le bord du domaine de calcul (ici le bord gauche en 0) pour eliminer lacouche limite ; mais il faut aussi trouver la “nouvelle” condition a imposer sur le“nouveau” bord. On parle de condition equivalente.

Exercice 2.39. Comme exemple simple, considerons en 1D l’equation⎧⎪⎨⎪⎩

−ε2 d2

dx2uε + (1 + x2)uε = 0,

uε(0) = 1,uε −→ 0, quandx −→ +∞

Page 88: Systèmes multi-échelles : Modélisation et simulation (Mathématiques et Applications)

76 2 Techniques d’homogeneisation

sur la demie-droite x > 0. Pour eviter de devoir resoudre dans la couche limiteau voisinage de 0+, on veut trouver une condition equivalente. L’etablir.

2.5.2 Couche limite rugueuse

Nous etudions dans cette section le probleme plus complexe de l’ecoulementde fluide visqueux le long d’une paroi rugueuse. Pour les besoins de l’etude,nous supposons que les rugosites de la paroi sont periodiques.

On se place en dimension 2. Les coordonnees sont (x1, x2). Le fluide occupeun domaine, infini vers le haut, du demi plan superieur x2 > 0. La paroiinferieure du domaine n’est pas exactement la droite Γ0 = x2 = 0. Elle n’enest pas tres eloignee, mais c’est une courbe Γε presentant une periodicite al’echelle ε dans le sens x1 et une “hauteur” ε dans le sens x2. On se reporteraa la Figure 2.6. Le domaine Ωε occupe par le fluide est delimite par la paroiΓε vers le bas et est infini vers le haut. On note par ailleurs Ω0 le demi-planx2 > 0. L’ecoulement stationnaire du fluide est suppose regi par l’equation deStokes ⎧

⎨⎩

−ν∆uε + ∇pε = f dansΩε

divuε = 0 dansΩε

uε = 0 sur Γε.(2.70)

La forme des asperites de la paroi est, on l’a dit, periodique, de sorte quele domaine Ωε peut etre decoupe en une collection de domaines ε×Y accollesselon Ox1. La cellule de periodicite (au sens des sections precedentes ) estdonc le domaine Y : infini vers le haut, periodique de largeur 1 dans le sensx1.

Brutalement, une idee naturelle est de remplacer le domaine Ωε par ledomaine Ω0, ce qui revient a supposer que la vitesse du fluide est nulle surle bord x2 = 0 (on parle d’une condition de non glissement sur Γ0), alorsqu’en fait elle est nulle sur la paroi rugueuse Γε. La vitesse obtenue par cettesimplification est la solution u0 de

⎧⎨⎩

−ν∆u0 + ∇p0 = f dansΩ0

divu0 = 0 dansΩ0

u0 = 0 sur Γ0.(2.71)

Pour des raisons d’origine physique que nous ne detaillons pas, mais quirendent exactement le probleme interessant pour notre etude, nous regardonsle probleme dans le regime ou la viscosite du fluide ν verifie

ν = µε avec µ constante fixe (2.72)

lorsque ε tend vers zero. Il s’agit donc d’une viscosite “petite”. Une deuxiemehypothese que nous ferons est de supposer que

√ε∂u0

∂x2, ε

∂2u0

∂x22

,√

ε∂2u0

∂x1∂x2sont d’ordreO(1) en tous les points deΓ0.

(2.73)

Page 89: Systèmes multi-échelles : Modélisation et simulation (Mathématiques et Applications)

2.5 Questions de couche limite 77

ε x Y Ωε

Γ ε

Ω0

Γ0

Fig. 2.6. Geometrie de la paroi rugueuse Γε. On a fait figurer la cellule de periodiciteε × Y . En premiere approximation, on remplacerait Γε par Γ0. On va faire mieux.

Ces hypotheses correspondent a un ecoulement non turbulent.

Il est clair que l’approximation de uε par u0 est un peu brutale. Plusprecisement, comme uε n’est pas nulle sur Γ0 mais y est approximativementnulle (a l’ordre 1 en ε), on commet une erreur en approchant uε par u0 qu’ilva nous falloir corriger. Voyons comment.

Nous allons montrer la

Proposition 2.40. La solution (uε, pε) peut etre approchee plus precisementpar le couple (u1, p1) solution du probleme suivant :

⎧⎪⎪⎪⎨⎪⎪⎪⎩

−µε∆u1 + ∇p1 = f, dansΩ0

divu1 = 0, dansΩ0

εµ∂u1

∂n+

µ

vu1

1 = 0, sur Γ0

u12 = 0, sur Γ0

(2.74)

ou le scalaire v est defini de la maniere suivante : on cherche le seul triplet(v, v, q) tel que

– v et q sont periodiques dans la direction x1,– v − v et q et leurs derivees sont a decroissance exponentielle quand

y2 =x2

ε−→ +∞,

et le couple (v, q) est solution du probleme de Stokes suivant sur la cellule deperiodicite Y

⎧⎨⎩

−µ∆v + ∇q = 0, dansYdiv v = 0, dansY

v = −y2e1, sur le bord des asperites.(2.75)

Pour approcher la solution (uε, pε) de (2.70), on procedera donc comme suit :

– 1 - on determinera la solution (v, q) (et v) du probleme de Stokes sur lacellule de periodicite,

Page 90: Systèmes multi-échelles : Modélisation et simulation (Mathématiques et Applications)

78 2 Techniques d’homogeneisation

– 2 - on resoudra alors le probleme de Stokes (2.74) sur le domaine Ω0.

Dans la suite de cette section, nous allons “justifier” cette Proposition 2.40.

Elements de preuve de la Proposition 2.40 :

Nous commencons par ecrire le developpement

⎧⎨⎩

uε(x) = u0(x) + εuc(x,x

ε),

pε(x) = p0(x) + εpc(x,x

ε),

(2.76)

dans l’esprit du developpement a deux echelles que nous avons vu dans lasection precedente. L’indice superieur c figure la correction microscopique duea la couche limite. Dans notre cas, nous exigeons les proprietes suivantes surle couple (uc, pc) : les deux fonctions decroissent a vitesse exponentielle quandx2

εtend vers +∞, et sont periodiques en la variable

x1

ε. D’autre part, les

fonctions (u0, p0) sont les corrections macroscopiques de premier ordre (en ε)

car elles ne dependent pas de la variable rapidex

ε.

Evaluons maintenant l’erreur que nous effectuons en remplacant commenous l’avons fait ci-dessus brutalement le couple (uε, pε) par le couple (u0, p0).Comme l’equation ne change pas et que seul change le bord, l’integralite del’erreur que nous commettons est due au fait que nous imposons a tort u0(x2 =0) = 0 au lieu de l’imposer le long de Γε. Or

u0(x1, x2) = u0(x1, 0) + x2∂u0

∂x2(x1, 0) +

1

2x2

2

∂2u0

∂x22

(x1, ζ(x1, x2)x2)2,(2.77)

pour un certain ζ(x1, x2) ∈]0, 1[. Nous avons u0(x1, 0) = 0, et x22

∂2u0

∂x22

= O(ε)

des que x2 est de l’ordre ε (ce qui est le cas pour (x1, x2) ∈ Γε) au vu de l’hy-

pothese (2.73). De plus, comme u0 est nul sur Γ0, on sait∂u0

∂x1(x1, 0) = 0,

et en utilisant le caractere a divergence nulle de u0 qui se traduit par∂u0

2

∂x2(x1, 0) = −∂u0

1

∂x1= 0, cela entraıne donc

∂u0

∂x2(x1, 0) =

∂u01

∂x2(x1, 0)e1.

En reportant ces resultats dans (2.77), on obtient

u0(x1, x2) =∂u0

1

∂x2(x1, 0) x2 e1 + O(ε), (2.78)

pour tout (x1, x2) place sur Γε. C’est au premier ordre en ε l’erreur que nousavons commise en remplacant uε par u0.

Page 91: Systèmes multi-échelles : Modélisation et simulation (Mathématiques et Applications)

2.5 Questions de couche limite 79

Une recriture de la formule ci-dessus est

u0(x1, x2) = ε∂u0

1

∂x2(x1, 0)

x2

εe1 + O(ε), (2.79)

et fait apparaıtre au membre de droite un produit d’une fonction ε∂u0

1

∂x2(x1, 0)

de la variable macroscopique x1 par une fonction de la variable microscopiquex2

εet periodique de la variable macroscopique x1. Ceci donne l’idee de chercher

la correction (uc, pc) sous la meme forme, a savoir

⎧⎪⎪⎪⎨⎪⎪⎪⎩

uc(x,x

ε) =

∂u01

∂x2(x1, 0) (v(

x

ε)− < v >),

pc(x,x

ε) =

∂u01

∂x2(x1, 0) q(

x

ε),

(2.80)

ou v(·) et q(·) sont periodiques (de periode 1) en y, et ou nous allons im-poser (nous admettons que cette exigence est compatible avec ce que nous

imposerons ensuite) que v(·ε)− < v > et q(

·ε) decroissent exponentiellement

rapidement en y2 quand y2 −→ +∞.En reportant cette forme de (uc, pc) dans (2.76) et en inserant (uε, pε)

ainsi obtenus dans l’equation de la premiere ligne de (2.70), on trouve (apresun long calcul sans difficulte que le lecteur peut verifier)

−µε∆u0 + ∇p0 +∂u0

1

∂x2(x1, 0) [−µ∆v(

x

ε) + ∇q(

x

ε) ]

−2µε

(( ∂2u01

∂x1∂x2(x1, 0), 0

)· ∇)

v(x

ε)

+εq(x

ε)( ∂2u0

1

∂x1∂x2(x1, 0), 0

)− µε

∂3u01

∂x21∂x2

(x1, 0)(v(

x

ε)− < v >

)= f.

(2.81)

Comme v et q sont exponentiellement decroissants par rapport a la variable y2

quand celle-ci tend vers l’infini, on sait que les termes de l’equation ci-dessusqui contiennent v et q sont exponentiellement petits quand ε tend vers 0. Onadmet qu’il en est de meme pour les termes contenant des derivees de v et q.L’ordre dominant est donc

−µε∆u0 + ∇p0 = f,

ce qui redonne la premiere ligne de (2.71). Ensuite, on utilise (2.73) pouraffirmer que parmi les termes exponentiellement decroissants l’ordre dominantest

∂u01

∂x2(x1, 0) [−µ∆v(

x

ε) + ∇q(

x

ε)] = 0.

Page 92: Systèmes multi-échelles : Modélisation et simulation (Mathématiques et Applications)

80 2 Techniques d’homogeneisation

En effet, on peut considerer (le raisonnement est un peu formel) que

∂u01

∂x2(x1, 0) est exactement d’ordre

1√ε, (2.82)

au lieu d’etre seulement O(1√ε) selon l’hypothese (2.73). De meme, on

considere que

∂2u01

∂x1∂x2(x1, 0) et

∂3u01

∂x21∂x2

(x1, 0) =∂

∂x1

∂2u01

∂x1∂x2(x1, 0), 0

)

sont exactement d’ordre1√ε. (2.83)

On notera que la derniere quantite est une derivee tangentielle le long de Γ0

et herite donc des proprietes de la fonction sur cette meme frontiere. Ensuite,on admet que v, q, et leurs derivees sont essentiellement tous du meme ordre,de sorte que par leur multiplication, ils ne perturbent pas l’ordre en ε desquantites precedentes. En etudiant tous les termes restants de (2.81), on realisealors bien que c’est le deuxieme terme qui domine quand ε −→ 0. On choisitdonc naturellement (v, q) tels que

−µ∆v + ∇q = 0. (2.84)

De la meme maniere, la seconde ligne de (2.70) s’ecrit

divu0 + ε divx uc = 0,

c’est-a-dire

divu0 +∂u0

1

∂x2(divy v)(

x

ε) + ε

∂2u01

∂x1∂x2(x1, 0) (v1(

x

ε)− < v >1) = 0.

En raisonnant identiquement, on retrouve divu0 = 0, puis, a l’ordre dominanten ε,

divy v = 0. (2.85)

Enfin, la condition au bord uε = 0 sur Γε se traduit par

u0 + ε uc = ε∂u0

1

∂x2(x1, 0)

[x2

εe1 + v(

x

ε)− < v >

]+ O(ε) = 0,

ou l’on a utilise (2.78) pour evaluer u0 sur Γε.

Pour tenter d’ameliorer cette condition au bord, on pose donc

v(x

ε) = −x2

εe1 sur le bordΓε, (2.86)

de sorte que

Page 93: Systèmes multi-échelles : Modélisation et simulation (Mathématiques et Applications)

2.5 Questions de couche limite 81

u0 + ε uc = −ε < v >∂u0

1

∂x2(x1, 0) + O(ε), (2.87)

ce qui, on le notera, est un developpement en puissance de√

ε puisque lepremier terme est precisement d’ordre

√ε.

Si l’on resume les conditions imposees sur (v, q), nous avons exige (2.84),(2.85), (2.86), ce qui donne bien (2.75). Nous admettons qu’il existe un uniquecouple (v, q) et une unique moyenne < v > tels que v, q soient solutions dusysteme (2.75), avec les proprietes de decroissance et de periodicite annonceesdans la Proposition 2.40. Nous admettons de plus que necessairement nousavons alors

< v >= v e1.

L’idee est alors la suivante. Pour compenser le terme d’ordre ε dans (2.87),nous remplacons le couple (u0, p0) dans le developpement (2.76) par le couple(u1, p1) solution de la meme equation de Stokes (2.74) a savoir

−µε∆u1 + ∇p1 = f, dansΩ0

divu1 = 0, dansΩ0(2.88)

mais cette fois avec la condition au bord

u1 = ε < v >∂u0

1

∂x2(x1, 0) sur Γ0. (2.89)

En reportant cette nouvelle valeur au bord dans le developpement (2.77), onobtient cette fois a la place de (2.87) que

u1 + ε uc = O(ε), (2.90)

ce qui gagne un ordre en√

ε.

Le programme de travail est a ce stade le suivant : on resout le problemede Stokes (2.71) pour trouver (u0, p0), puis le probleme (2.75) sur la cellulede periodicite, et enfin le probleme de Stokes (2.88)-(2.89) pour determiner(u1, p1). C’est clairement un peu trop lourd. Donc une astuce est de remplaceru0 par u1 dans les membres de droite de (2.89) et de (2.80), ce qui s’ecrit

u1 = ε v∂u1

1

∂x2(x1, 0) e1 sur Γ0, (2.91)

ou encore comme la troisieme ligne de (2.74). L’interet est que cette foison peut oublier completement le probleme (2.71), et ne resoudre donc qu’endeux etapes au lieu de trois : la resolution du probleme (2.75) sur la cellulede periodicite, puis la resolution du probleme de Stokes (2.74) avec la bonnecondition au bord. Ceci conclut la “preuve” de la proposition. ♦.

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82 2 Techniques d’homogeneisation

Remarque 2.41. Encore une fois, le lecteur peut constater qu’on suit lesdesormais habituelles deux etapes pour la resolution.

Remarque 2.42. Dans la droite ligne de ce que nous mentionnons pour laconvergence a deux echelles a la Section 2.3, insistons sur le fait que toutceci est pour le moment un raisonnement formel. On a postule une forme(2.76) avec (2.80) (un tel postulat s’appelle, on le rappelle, un Ansatz ). On aensuite admis un certain ordre en ε pour chacune des fonctions dans les cal-culs, et on a donc propose une equation pour u1. Il resterait maintenant, pouretre complet, a “remonter” le raisonnement, c’est-a-dire a considerer (u0, p0)solution de (2.71) (dont il faudrait montrer qu’il obeit a (2.73), (2.82), (2.83)),(v, q) solution de (2.75) (dont il faudrait montrer qu’il existe avec le bon com-portement asymptotique), puis (u1, p1) solution de (2.74), a former (uc, pc) via(2.80), puis verifier que (uε − u0 − εuc, pε − p0 − εpc) tend bien vers 0 quandε −→ 0, avec un ordre en ε meilleur que la convergence de (uε − u0, pε − p0)vers 0. Tout ce travail a ete effectue (voir les references bibliographiques),mais il depasse le cadre de ce cours.

Il subsiste en fait une petite difficulte pratique pour mettre en oeuvre laresolution de (2.74). C’est l’objet de l’exercice suivant que d’identifier cettedifficulte et une facon de la contourner.

Exercice 2.43. Realiser la formulation variationnelle de (2.74). Montrer quepour v < 0, la forme bilineaire n’est pas necessairement coercive. En utilisantun developpement de Taylor, montrer alors qu’on peut resoudre plutot

⎧⎪⎪⎪⎨⎪⎪⎪⎩

−µε∆u1 + ∇p1 = f, dansΩδ

divu1 = 0, dansΩδ

εµ∂u1

∂n+

µ

v + δu1

1 = 0, sur Γδ

u12 = 0, sur Γδ

(2.92)

ou l’ouvert Ωδ a pour bord inferieur Γδ = δ e2 + Γ0 pour un certain δ > 0bien choisi.

Terminons par un commentaire qui reunit les deux paragraphes de cettesection. On peut remarquer que dans (2.74) la condition au bord sur Γ0

(εµ

∂u1

∂n+

µ

vu1

1

)(x1, 0) = 0

est equivalente par une simple application de la formule de Taylor a l’ordre 1a

u1(x1,−ε v) = 0.

En d’autres termes, ceci n’est rien d’autre qu’une condition de non glissementde type u = 0, mais posee sur une paroi a la hauteur −ε v. Tout le calculprecedent peut etre vu comme une “simple” evaluation de la bonne hauteur alaquelle placer cette paroi equivalente, exactement dans l’esprit des cas simplesdemontres au debut de cette section.

Page 95: Systèmes multi-échelles : Modélisation et simulation (Mathématiques et Applications)

2.6 Quand ca se passe mal ... 83

2.6 Quand ca se passe mal ...

Pour terminer ce chapitre, citons un cas qui va montrer que tout ne se passepas forcement aussi bien dans tous les cas que dans ce chapitre. En d’autrestermes, montrons que la forme du probleme obtenu par passage a la limitequand les petites echelles tendent vers zero n’est pas forcement identique acelle du probleme original. Jusqu’a maintenant quand on partait de

−div (Aε · ∇uε) = f, (2.93)

on obtenait comme probleme homogeneise un probleme

−div (A⋆ · ∇u⋆) = f, (2.94)

de meme type avec A⋆ dependant (certes plus ou moins simplement) de A.

Nous allons ici considerer un cas ou le probleme homogeneise obtenu n’estpas de meme type que le probleme original. A titre d’exemple, nous consideronsun probleme dependant du temps (motive en fait par des questions d’absorp-tion en electromagnetisme), mais des exemples tout aussi convaincants pour-raient etre choisis sur des cas stationnaires, dans le cadre des milieux poreuxou de la physique des particules. Le probleme d’evolution que nous etudionsest le suivant

⎧⎪⎨⎪⎩

∂tuε(t, x) + a(

x

ε)uε(t, x) = 0 pour t > 0

uε(t = 0, x) = v(x)

(2.95)

ou v ∈ L2([0, 1]) est fixee, et a est une fonction periodique de la variablereelle, de periode 1, verifiant 0 < c1 ≤ a(x) ≤ c2 pour deux constantes ci nedependant pas de x quelconque dans IR.

La solution de cette equation est connue et vaut

uε(t, x) = v(x) e−ta(

x

ε), (2.96)

de sorte queu⋆(t, x) = lim

ε−→0uε(t, x) = v(x) b(t),

ou

b(t) = limε−→0

e−ta(

x

ε)

=< e−ta >

en utilisant de nouveau la Proposition 2.1 pour chaque t > 0 fixe.Il n’y a en general aucune raison qu’il existe un reel a∗ tel que

b(t) = e−ta∗

(2.97)

Page 96: Systèmes multi-échelles : Modélisation et simulation (Mathématiques et Applications)

84 2 Techniques d’homogeneisation

uniformement en t > 0, et c’est d’ailleurs faux des que a n’est pas une fonctionconstante. Et donc il n’est pas possible que la limite u⋆ verifie une equation dememe type que (2.95). En passant a la limite ε −→ 0, la forme de l’equationa change. Nous allons montrer (ici sur un cas simple de fonction a) que u⋆

verifie en fait une equation d’evolution avec retard du type

∂tu⋆(t, x)+ < a > u⋆(t, x) =

∫ t

0

K(t − s)u⋆(s, x) ds, (2.98)

pour la meme donnee initiale que (2.95), et pour une certaine fonction K = 0que l’on peut determiner explicitement d’apres a (voir la formule (2.112) ci-dessous). Pour mener le calcul avec les outils les plus simples possibles (mais enfait le resultat qualitatif menant de (2.95) a (2.98) est plus general que cela),nous allons choisir comme fonction a la fonction constante par morceaux

a(x) =

a1 si x ∈ [0, α1],a2 si x ∈]α1, 1],

(2.99)

ou a1, a2 sont deux constantes strictement positives, α1 ∈]0, 1[, et on notedesormais α2 = 1 − α1.

Remarque 2.44. Pour montrer que l’equation (2.98) est verifiee par u⋆, onpourrait tout simplement calculer u⋆, compte-tenu de l’expression (2.99) :

u⋆(t, x) = v(x)(α1 e−ta1 + α2 e−ta2

),

puis inserer brutalement ceci dans (2.98) et verifier qu’il existe un K conve-nable (et qui est bien sur celui qu’on va trouver en (2.112)). La demarchequ’on va employer ici est plus generale.

Nous procedons de la facon suivante. Vue l’expression (2.96), la suiteuε(t, x) est bornee dans L∞([0,+∞[, L2([0, 1])) (ce qui signifie que la normeL2 en x de uε(t, ·) est bornee independamment de t ∈ [0,∞[ et de ε). Onpeut donc supposer, quitte a en extraire une sous-suite, qu’elle converge versune certaine fonction u⋆ pour la topologie faible de cet espace fonctionnel,c’est-a-dire la topologie L∞ faible-⋆ en temps, et L2 faible en espace.

Exercice 2.45. En fait, il n’y a pas besoin de l’expression (2.96) pour mon-trer que la suite uε(t, x) est bornee dans L∞([0,+∞[, L2([0, 1])). On peuten effet etablir directement a partir de (2.95), ce qu’il est d’usage d’appelerune estimation a priori, c’est-a-dire montrer que la suite uε est bornee dansune certaine norme, sans pour autant calculer explicitement uǫ. En integrant(2.95) contre une fonction bien choisie, mener a bien cette estimation a priori.

Nous integrons alors l’equation (2.95) contre e−pt pour p > 0, faisant ainsiapparaıtre la transformee de Laplace

Luε(p, x) =

∫ ∞

0

e−pt uε(t, x) dt, pourx ∈ [0, 1], p > 0, (2.100)

de la fonction uε.

Page 97: Systèmes multi-échelles : Modélisation et simulation (Mathématiques et Applications)

2.6 Quand ca se passe mal ... 85

Remarque 2.46. La transformee de Laplace est l’outil numero un pour changerun probleme d’evolution en temps en un probleme stationnaire.

Nous avons∫ ∞

0

e−pt ∂

∂tuε(t, x) dt + a(

x

ε)

∫ ∞

0

e−pt uε(t, x) dt = 0,

i.e., par integration par parties du premier terme

−v(x) + pLuε(p, x) + a(x

ε)Luε(p, x) = 0,

et donc l’expression

Luε(p, x) =1

p + a(x

ε)

v(x). (2.101)

Pour p > 0 fixe, le passage a la limite ε −→ 0 donne donc la convergencefaible dans L2([0, 1])

Luε(p, x)ε−→0 <

1

p + a> v(x). (2.102)

Mais par ailleurs, nous savons deja que uε converge faiblement vers u⋆, etil s’ensuit que Luε converge faiblement vers Lu⋆. En effet, si ϕ(x) est unefonction fixee de L2([0, 1]), nous avons

∫ 1

0

(Luε − Lu⋆)(p, x)ϕ(x) dx =

∫ 1

0

∫ ∞

0

e−ptϕ(x) (uε − u⋆)(t, x) dt dx

ε−→0−→ 0,

car la fonction e−ptϕ(x) appartient a L1([0,+∞[, L2([0, 1])).Nous avons donc, par unicite de la limite faible

Lu⋆ =<1

p + a> v(x). (2.103)

Admettons alors pour un instant que u⋆ est solution de l’equation (2.98)pour une fonction K de la forme

K(t − s) = α e−β(t−s), (2.104)

ou α et β sont deux constantes et ou nous supposons β > 0. Effectuons alorsune transformee de Laplace de (2.98) ; nous trouvons

−v(x) + (p+ < a >)Lu⋆(p, x) =

∫ ∞

0

∫ t

0

α e−β(t−s) e−pt u⋆(s, x) ds dt

Par application du theoreme de Fubini, le second membre s’ecrit

Page 98: Systèmes multi-échelles : Modélisation et simulation (Mathématiques et Applications)

86 2 Techniques d’homogeneisation

∫ ∞

0

∫ t

0

α e−β(t−s) e−pt u⋆(s, x) ds dt =

∫ ∞

0

∫ ∞

s

α e−β(t−s) e−pt u⋆(s, x) dt ds,

=

∫ ∞

0

u⋆(s, x)α eβs

(∫ ∞

s

e−(β+p)t dt

)ds

β + p

∫ ∞

0

u⋆(s, x) e−ps ds

β + pLu⋆(p, x).

Nous avons donc

−v(x) +(p+ < a > − α

β + p

)Lu⋆(p, x) = 0, (2.105)

et donc, vue l’expression (2.103),

−1 +(p+ < a > − α

β + p

)<

1

p + a>= 0. (2.106)

En regardant la limite p −→ 0 de cette equation, il est facile d’identifier que

necessairement le quotientα

βvaut

α

β=< a > − 1

< 1a >

, (2.107)

d’ou, en reportant dans (2.106),

((β+ < a >) p + p2 + β

1

< 1a >

)<

1

p + a>= β + p. (2.108)

A ce stade, nous utilisons le fait que a est la fonction constante par morceauxdonnee par (2.99), d’ou la valeur de la moyenne

<1

p + a>=

α1

p + a1+

α2

p + a2, (2.109)

pour chaque p ≥ 0 fixe. De la, (2.108) devient

((β+ < a >) p + p2 + β

1

< 1a >

)(α1

p + a1+

α2

p + a2

)= β + p. (2.110)

Cette equation peut se mettre sous la forme d’une equation polynomiale en lavariable p, et l’on constate alors (voir l’Exercice 2.47 ci-dessous) que la valeur

β =< a2 > − < a >2

< a > − 1

< 1a >

(2.111)

Page 99: Systèmes multi-échelles : Modélisation et simulation (Mathématiques et Applications)

2.7 Bibliographie 87

est l’unique valeur rendant exactement l’egalite possible pour tout p > 0. Ilest facile de voir (c’est l’objet de l’Exercice 2.48 ci-dessous) que cette valeurest bien strictement positive, ce qui est compatible avec l’hypothese faite plushaut.

Ceci marque la fin du raisonnement par conditions necessaires. On conclutalors de la facon suivante. On fixe β par (2.111) et ensuite α selon (2.107).On fixe

K(t) = (< a2 > − < a >2) exp

(−< a2 > − < a >2

< a > − 1

< 1a >

t

). (2.112)

On sait que la fonction Lu⋆, transformee de Laplace de u⋆ limite faible de uε,est donnee par (2.103). Elle verifie donc (2.105), puisque cette derniere s’ecrit(2.106) et est equivalente a (2.110). Par ailleurs, la transformee de Laplace dela solution (notee momentanement9 u0) de (2.98) (toujours pour α, β, et Kfixes comme ci-dessus) verifie aussi (2.105). L’unicite evidente de la solutionde (2.105) permet alors d’affirmer que Lu⋆ = Lu0, i.e. L(u⋆−u0) = 0, et doncu⋆ = u0 est bien solution de (2.98) pour la valeur de K donnee par (2.112).

Exercice 2.47. Montrer dans le detail que (2.110) est possible pour toutp > 0 si et seulement si β est donne par (2.111).

Exercice 2.48. Montrer que β donne par (2.111) est strictement positif. Endeduire que le calcul menant de (2.98) a (2.106) a bien un sens.

Exercice 2.49. Montrer que si la fonction a est constante (i.e. a1 = a2) alorsil n’y a pas de terme de retard dans (2.98). On retrouve alors la situation“miraculeuse” de (2.97).

2.7 Bibliographie

La theorie de l’homogeneisation dont on a montre le B.A.BA et la conver-gence a deux echelles peuvent etre lues dans le premier chapitre du livre G.Allaire [3], dans le livre d’E. Sanchez-Palencia [70], et dans F. Murat et L.Tartar [60], ces deux derniers auteurs etant deux des “peres fondateurs” decette theorie. La convergence a deux echelles, initialement introduite dans[61], peut etre lue pour le cas periodique dans l’article G. Allaire [4]. Pour laProposition 2.16, et d’autres points de ce chapitre, on renvoie aussi au livrede V.V. Zhikov, S.M. Kozlov, O.A. Olejnik [84].

Pour les methodes multiechelles de la Section 2.4, on renvoie a Hou,Thomas Y. ; Wu, Xiao-Hui [46], A.M. Matache et Ch. Schwab [57], Ch.

9on admet que cette solution existe pour v suffisamment reguliere, ce qui peutetre montre soit directement, soit en utilisant precisement la transformee de Laplaceinverse de Lu⋆

Page 100: Systèmes multi-échelles : Modélisation et simulation (Mathématiques et Applications)

88 2 Techniques d’homogeneisation

Schwab [73], A.M. Matache et Ch. Schwab [58]. La section 2.5 s’inspirefidelement d’une etude recente effectuee dans Y. Achdou, O. Pironneau, etF. Valentin [1] sur un cas plus complique que le probleme de Stokes. Enfin,l’exemple de la Section 2.6 est classique, et par exemple tire des travaux deF. Golse, voir [39] et ses references.

Page 101: Systèmes multi-échelles : Modélisation et simulation (Mathématiques et Applications)

3

Simulation moleculaire

Un systeme moleculaire est un exemple parfait de systeme multiechelle. Ils’agit d’un assemblage de noyaux et d’electrons, dont les premiers sont lourds,et reagissent selon des constantes de temps “longues”, et les seconds sontlegers et reagissent presque instantanement. Les premiers obeissent le plussouvent aux regles de la mecanique classique alors que les seconds doiventetre modelises a l’aide de la mecanique quantique. Aussi bien dans unemodelisation stationnaire que dans une modelisation dependante du temps,il faudra donc gerer les uns et les autres differemment, par deux physiquesdifferentes, avec des echelles de temps et d’espace differentes. Nous verronscomment.

De plus, un systeme moleculaire n’est jamais isole, sauf dans les tres rarescas d’un gaz a faible pression. Il est inclus dans une phase condensee, liquideou solide, et la presence de cet environnement modifie bien sur son etat etsa reponse a des sollicitations exterieures. D’ou, en plus des deux echellesmentionnees ci-dessus, une troisieme, plus macroscopique, qui va interagiravec les deux premieres. Nous detaillerons ce qu’il en est pour l’exemple d’unsysteme moleculaire en phase liquide. C’est le cas typique d’application de labiologie ou de la chimie du vivant.

3.1 Modelisation d’un systeme moleculaire

3.1.1 Les modeles complets

Dans la grande majorite des cas, le comportement d’un systeme moleculaireest completement decrit avec une excellente precision par l’equation deSchrodinger qui lui est associee. Savoir exploiter cette equation permet doncen theorie de calculer toutes les proprietes (chimiques, mecaniques, optiques,magnetiques, ...) de ce systeme. Les modeles les plus sophistiques sont dits abinitio parce qu’ils sont des modeles quantiques directement issus de l’equationde Schrodinger. Les briques elementaires de la matiere sont a ce niveau de

Page 102: Systèmes multi-échelles : Modélisation et simulation (Mathématiques et Applications)

90 3 Simulation moleculaire

description les noyaux atomiques et les electrons. La plus grande des echellesd’espace pertinentes est l’Angstrom (10−10 metre), taille typique d’un nuageelectronique, alors que la plus petite est de l’ordre de 10−15 metre, tailledu noyau. La plus grande des echelles de temps est la femtoseconde (10−15

seconde), echelle de la vibration d’une liaison moleculaire, alors qu’une struc-ture electronique se met a jour en mille fois moins de temps. Ces modeles abinitio ne font intervenir que les constantes fondamentales de la physique etne comportent donc aucun parametre empirique. Ils permettent aujourd’huid’effectuer des calculs sur l’etat stationnaire de systemes moleculaires com-portant jusqu’a 100 ou meme 1000 atomes. Les calculs sur la dynamique sonttres lourds mais deviennent accessibles ; ils restent cependant limites a desechelles de temps tres courtes, de l’ordre de la picoseconde (10−12 s). Pouraller au-dela et atteindre des echelles de temps plus longues (pour la biologiepar exemple), on fait appel a des modeles moins sophistiques (qui ne serontpas abordes ici).

Considerons un systeme moleculaire isole forme de M noyaux et de Nelectrons. En mecanique quantique non relativiste, ce systeme est complete-ment decrit par une fonction d’onde

Ψ(t; x1, σ1; · · · ; xM , σM ;x1, σ1; · · · ;xN , σN )

a valeur dans C| , t designant la variable de temps, xk et σk les variables deposition et de spin du k-ieme noyau, xi et σi les variables de position et despin du i-ieme electron. Les variables xk et xi sont des variables continues quiappartiennent a IR3 ; les variables de spin rendent compte de l’etat de spin dela particule ; ce sont des variables discretes.

D’un point de vue physique |Ψ(t; x1, σ1; · · · ; xM , σM ;x1, σ1; · · · ;xN , σN )|2represente la densite de probabilite de mesurer simultanement a l’instant t lenoyau k en xk avec un spin σk et l’electron i en xi avec un spin σi pour tout1 ≤ k ≤ M et tout 1 ≤ i ≤ N . Pour avoir une realite physique, une fonctionΨ(t, ·) doit verifier a tout instant t les deux proprietes suivantes : etre normeepour la norme L2, et respecter un principe d’indiscernabilite des particulesidentiques qui implique selon les cas une symetrie ou une antisymetrie de Ψpar rapport a ses variables. On note H l’espace fonctionnel correspondant.

L’evolution en temps du systeme est regie par l’equation de Schrodinger

i∂

∂tΨ = H Ψ, (3.1)

dans laquelle l’operateur

H = −M∑

k=1

1

2mk∆xk

−N∑

i=1

1

2∆xi

−N∑

i=1

M∑

k=1

zk

|xi − xk|(3.2)

+∑

1≤i<j≤N

1

|xi − xj |+

1≤k<l≤M

zk zl

|xk − xl|

Page 103: Systèmes multi-échelles : Modélisation et simulation (Mathématiques et Applications)

3.1 Modelisation d’un systeme moleculaire 91

designe le hamiltonien du systeme. On a note mk la masse du noyau k et zk

sa charge. De plus, on a adopte un systeme d’unites tel que

me = 1, e = 1, h = 1,1

4πǫ0= 1

ou me designe la masse de l’electron, e la charge elementaire, h la constantede Planck reduite h = h/2π, et ǫ0 la constante dielectrique du vide. Le Ha-miltonien ci-dessus s’obtient a partir de celui de la mecanique classique

Hcl :=

M∑

k=1

p2xk

2mk+

N∑

i=1

p2xi

2−

N∑

i=1

M∑

k=1

zk

|xi − xk|

+∑

1≤i<j≤N

1

|xi − xj |+

1≤k<l≤M

zk zl

|xk − xl|

par les regles de correspondance x → x et px → −i∇x. On voit ainsi quedans l’expression (3.2) de l’hamiltonien quantique H, les deux premiers termescorrespondent a l’energie cinetique des noyaux et des electrons respectivementet les trois derniers a l’energie d’interaction electrostatique entre electrons etnoyaux, entre electrons et entre noyaux respectivement.

De meme qu’on peut regarder l’evolution en temps du systeme moleculairevia (3.1), on peut rechercher son etat fondamental en cherchant a resoudre

inf 〈Ψ,HΨ〉, Ψ ∈ H, ‖Ψ‖ = 1 (3.3)

Un tel etat Ψ est alors solution de l’equation de Schrodinger stationnaire

H Ψ = E Ψ, (3.4)

E designant l’energie de Ψ .

La recherche du fondamental d’un systeme moleculaire isole est le problemecentral de la chimie quantique. C’est notamment un probleme cle car il consti-tue souvent une etape preliminaire incontournable a la determination des pro-prietes physico-chimiques du systeme.

Il est difficile d’attaquer directement le probleme dependant du temps (3.1)ou le probleme stationnaire (3.3) (eventuellement sous sa forme (3.4)), et cepour deux raisons

[i] l’espace des fonctions d’onde est trop gros,[ii] le Hamiltonien couple les differentes variables entre elles,

les deux points augurant d’une impossible discretisation du probleme. Nous al-lons donc faire une serie d’approximations, qui vont rendre ces deux problemestraitables numeriquement.

Remarque 3.1. D’un point de vue theorique, ces deux problemes sont trai-tables. C’est d’un point de vue pratique pour la simulation qu’ils sont insur-montables.

Page 104: Systèmes multi-échelles : Modélisation et simulation (Mathématiques et Applications)

92 3 Simulation moleculaire

3.1.2 Decouplage des echelles pour le probleme statique

Commencons par diminuer la taille de l’espace des fonctions d’ondes (difficulte[i] ci-dessus) par ce qui est connu sous le nom d’approximation de Born-Oppen-heimer. Cette approximation repose sur le fait que les noyaux sont beaucoupplus lourds que les electrons (de trois a cinq ordres de grandeur selon lesnoyaux : en unites atomiques, la masse d’un electron vaut 1, celle d’un proton1836, celle d’un neutron 1839).

Cette disproportion des masses rend legitime le fait de supposer qu’on peutfactoriser la fonction d’onde Ψ en le produit d’une fonction d’onde nucleaireψn (element d’un espace Hn, que nous ne preciserons pas) et d’une fonctiond’onde electronique ψe (element d’un espace He). On peut donc approcher leprobleme (3.3) par

inf 〈Ψ,HΨ〉, Ψ = ψnψe, ψn ∈ Hn, ‖ψn‖ = 1, ψe ∈ He, ‖ψe‖ = 1 .

On voit alors facilement que ce probleme se recrit sous la forme

inf

M∑

k=1

1

2mk

IR3M

|∇xkψn|2 +

IR3M

W |ψn|2, ψn ∈ Hn, ‖ψn‖ = 1

(3.5)avec

He =

N∧

i=1

L2(IR3 × |+〉, |−〉 ,C| ) (3.6)

W (x1, · · · , xM ) = U(x1, · · · , xM ) +∑

1≤k<l≤M

zk zl

|xk − xl|(3.7)

U(x1, · · · , xM ) = inf 〈ψe,He(x1, · · · , xM ) · ψe〉, ψe ∈ He, ‖ψe‖ = 1 (3.8)

He(x1, · · · , xM ) = −N∑

i=1

1

2∆xi

−N∑

i=1

M∑

k=1

zk

|xi − xk|+

1≤i<j≤N

1

|xi − xj |.

L’hamiltonien He(x1, · · · , xM ), appele hamiltonien electronique, n’agit que surles variables electroniques. Les variables de position xk des noyaux y fontfigures de simples parametres. Le potentiel U peut etre interprete comme unpotentiel effectif cree par les electrons et subi par les noyaux.

En faisant alors tendre les masses mk vers l’infini, on peut montrer que, ala limite, l’infimum du probleme (3.5) vaut

infW (x1, · · · , xM ), (x1, · · · , xM ) ∈ IR3M

. (3.9)

La resolution du probleme (3.3) est ainsi ramenee a la minimisation deW , fonction de IR3M a valeurs dans IR, elle-meme definie par (3.7)-(3.8)en tout point de IR3M comme l’infimum d’un probleme variationnel surψe ∈ He, ‖ψe‖ = 1. Calculer W en un point (x1, · · · , xM ) ∈ IR3, c’est-a-dire en pratique resoudre (3.8), c’est resoudre le probleme electronique pour

Page 105: Systèmes multi-échelles : Modélisation et simulation (Mathématiques et Applications)

3.1 Modelisation d’un systeme moleculaire 93

une configuration nucleaire donnee. Quant a la resolution du probleme (3.9),dit probleme d’optimisation de geometrie, elle ne sera pas abordee ici (maisest aussi en un certain sens la resolution d’un probleme multi-echelle).

En tout cas, grace aux approximations faites ci-dessus, on a decouple lesdeux echelles du probleme presentes dans (3.3) et ramene ce probleme d’uneenorme minimisation a une paire de problemes de minimisation imbriques l’undans l’autre.

Remarque 3.2. La logique est exactement la meme qu’au Chapitre 2 : enchaque “point” correspondant a l’echelle la plus grande, c’est-a-dire ici enchaque configuration de noyaux (x1, · · · , xM ), on resout un probleme corres-pondant a l’echelle la plus petite, ici le probleme de minimisation electronique(3.8).

La meme strategie de decouplage en fonction des echelles physiques vamaintenant etre appliquee au probleme dependant du temps. Cette fois, biensur, il s’agira d’echelles de temps, et non plus d’echelles d’espace (ou de masse).

3.1.3 Decouplage des echelles pour le probleme dynamique

Les reactions chimiques sont des phenomenes fondamentalement dynamiques.Pour les etudier, il est necessaire de simuler l’evolution du systeme, autrementdit de resoudre l’equation de Schrodinger dependant du temps.

Comme dans le cadre stationnaire, on ne peut attaquer directement laresolution numerique de l’equation de Schrodinger (3.1) que pour des systemestres simples sans grand interet pour les applications. Il faut donc avoir recoursa des approximations de cette equation. On peut distinguer deux grandesclasses d’approximation, qui sont les approximations non adiabatiques et lesapproximations adiabatiques.

Une approximation non adiabatique

Dans l’esprit de ce qui a ete fait pour obtenir l’approximation de Born-Oppenheimer, on peut considerer que les noyaux sont des particules classiquesponctuelles tout en conservant la dynamique quantique des electrons, ce quifait que l’etat du systeme moleculaire a l’instant t est decrit par

(xk(t),

dxk

dt(t)

1≤k≤M

, ψe(t)

)∈ IR6M ×He,

ou xk(t) etdxk

dt(t) designent respectivement la position et la vitesse du noyau

k et ψe(t) la fonction d’onde electronique a l’instant t. Le mouvement deselectrons est decrit par l’equation de Schrodinger electronique

Page 106: Systèmes multi-échelles : Modélisation et simulation (Mathématiques et Applications)

94 3 Simulation moleculaire

i∂ψe

∂t= He(t)ψe, (3.10)

ou l’hamiltonien electronique s’ecrit

He(t) = −N∑

i=1

1

2∆xi

−N∑

i=1

M∑

k=1

zk

|xi − xk(t)| +∑

1≤i<j≤N

1

|xi − xj |.

La dynamique des noyaux est decrite par l’equation de Newton

mkd2xk

dt2(t) = −∇xk

W (t; x1(t), · · · xM (t)) (3.11)

avec

W (t; x1, · · · , xM ) = −M∑

k=1

IR3

zk ρ(t, x)

|x − xk|dx +

1≤k<l≤M

zk zl

|xk − xl|. (3.12)

ou

ρ(t, x) = N∑

σ1,σ2,···,σN

IR3(N−1)

|ψe|2(t;x, σ1;x2, σ2; · · · ;xN , σN ) dx2 · · · dxN

designe la densite electronique a l’instant t. Chaque noyau se deplace doncselon une dynamique newtonienne dans le potentiel cree par les autres noyauxet par la distribution electronique moyenne ρ.

Fig. 3.1. Dynamique non adiabatique : les noyaux sont geres par la dynamiquenewtonienne, et les etats electroniques evoluent par l’equation de Schrodinger.

Page 107: Systèmes multi-échelles : Modélisation et simulation (Mathématiques et Applications)

3.1 Modelisation d’un systeme moleculaire 95

Cette methode d’approximation est dite non adiabatique. Le systeme glo-bal lui correspondant est

⎧⎪⎪⎪⎪⎪⎪⎪⎪⎪⎪⎨⎪⎪⎪⎪⎪⎪⎪⎪⎪⎪⎩

mkd2xk

dt2(t) = −∇xk

W (t; x1(t), · · · xM (t))

W (t; x1, · · · , xM ) = −M∑

k=1

IR3

zk N

|x − xk|∑

σ1,...,σN

IR3(N−1)

|ψe|2 dx2...dxN dx

+∑

1≤k<l≤M

zk zl

|xk − xl|

i∂ψe

∂t= He(t)ψe,

(3.13)Nous verrons ci-dessous que ce systeme n’est en pratique simule que sous uneforme simplifiee (par exemple, sous la forme du systeme (3.30).

L’approximation adiabatique

L’approximation adiabatique est la version dependante du temps de l’ap-proximation de Born-Oppenheimer introduite a la section ci-dessus dans uncontexte stationnaire.

D’un point de vue pratique, l’approximation adiabatique consiste a consi-derer que les electrons s’adaptent instantanement aux positions des noyaux,car l’echelle de temps de la dynamique des electrons par l’equation deSchrodinger (3.10) est beaucoup plus petite que l’echelle de temps de la dyna-mique des noyaux par (3.11). Ceci fait que tout se passe comme si les noyauxevoluaient dans le potentiel moyen

W (x1, · · · , xM ) = U(x1, · · · , xM ) +∑

1≤k<l≤M

zk zl

|xk − xl|. (3.14)

En regle generale, on suppose que les electrons sont dans leur etat fonda-mental et U est alors donne par (3.8).

Remarque 3.3. On peut cependant aussi effectuer une dynamique adiabatiquesur chacune des surfaces de Born-Oppenheimer, la k-ieme surface de Born-Oppenheimer etant definie par la fonction

(x1, · · · , xM ) → Uk(x1, · · · , xM ),

ou Uk(x1, · · · , xM ) designe l’energie du k-ieme etat excite electronique (le(k + 1)-ieme etat propre de l’hamiltonien He) pour les positions x1, · · · , xM

des noyaux. Tout ce qui sera dit plus bas peut s’adapter a un tel cas.

Pour calculer le mouvement des noyaux dans le potentiel moyen W , le plusfrequent est d’utiliser la dynamique newtonienne

Page 108: Systèmes multi-échelles : Modélisation et simulation (Mathématiques et Applications)

96 3 Simulation moleculaire

mkd2xk

dt2(t) = −∇xk

W (x1(t), · · · , xM (t)). (3.15)

L’approximation adiabatique est valable dans beaucoup de situations et enparticulier quand on cherche a calculer des proprietes physiques comme parexemple les diagrammes de phase qui indique l’etat physique (liquide, solide,gazeux) d’un compose en fonction des conditions externes (temperature,...),ainsi que pour la simulation de la plupart des reactions chimiques. En re-vanche, il existe des situations importantes (comme des collisions) ou plusieursetats electroniques du systeme jouent simultanement un role determinant etou l’approximation adiabatique est mise en defaut.

Fig. 3.2. Dynamique adiabatique : les noyaux sont geres par la dynamique newto-nienne, et pour chaque nouvelle position, on calcule l’etat electronique.

Le systeme global pour une simulation adiabatique s’ecrit donc en regrou-pant (3.8), (3.14) et (3.15)⎧⎪⎪⎪⎪⎨⎪⎪⎪⎪⎩

mkd2xk

dt2(t) = −∇xk

W (x1(t), · · · , xM (t))

W (x1, · · · , xM ) = U(x1, · · · , xM ) +∑

1≤k<l≤M

zk zl

|xk − xl|U(x1, · · · , xM ) = inf 〈ψe,He(x1, · · · , xM ) · ψe〉, ψe ∈ He, ‖ψe‖ = 1

(3.16)Nous verrons ci-dessous (voir le systeme (3.29)) qu’il nous faut en pratiqueencore le simplifier en adoptant une approximation de U(x1, · · · , xM ).

Remarque 3.4. Il faut bien comprendre que la disproportion des echelles detemps est telle ici que c’est un avantage pour realiser le decouplage.

Page 109: Systèmes multi-échelles : Modélisation et simulation (Mathématiques et Applications)

3.1 Modelisation d’un systeme moleculaire 97

Le cout numerique de la methode adiabatique reside principalement dansla resolution a chaque pas de temps du probleme de minimisation electronique.On s’attend donc (et cela semble paradoxal a premiere vue puisque c’est leprobleme comportant le plus de simplifications) a ce que le probleme adiaba-tique soit d’un certain point de vue plus dur a resoudre que le probleme nonadiabatique. En effet, il est plus facile d’avancer en temps, que de minimiserune fonction a chaque pas de temps, car dans ce second cas, on est d’une cer-taine maniere “condamne” a ce que l’algorithme de minimisation ait convergeavant de pouvoir passer au pas de temps suivant. Ceci a souvent en pratiquel’effet de conduire a une reduction du pas de temps de la dynamique new-tonienne, pour que chaque minimisation ne soit qu’une petite perturbationde la minimisation au pas de temps precedent. En fait, cette impression doitetre modulee par le fait que la simulation non adiabatique n’est pas simplenon plus, pour des questions subtiles de stabilite et de precision sur les longstemps d’integration (ne pas se meprendre sur le mot “long” qui veut dire iciquelques infimes fractions (10−12) de seconde). Elle est en tout cas une mo-tivation pour developper aussi des approximations intermediaires entre cesdeux approches. L’une d’elle est presentee dans la remarque suivante.

Remarque 3.5. L’approximation de Car-Parrinello consiste a remplacer le pro-bleme de minimisation a chaque pas de temps par une dynamique fictive (nonphysique) du type suivant

⎧⎪⎪⎪⎨⎪⎪⎪⎩

mkd2xk

dt2(t) = −∇xk

E(xk(t) , Ψe(t))

µ∂2ψe

∂t2(t) = F (ψe).

(3.17)

Le coefficient µ figure une masse fictive, qui doit etre judicieusement ajusteedans les simulations, de sorte que la deuxieme ligne de (3.17) approche cellede (3.16).

La mise en oeuvre de cette approximation autorise un pas de temps plusgrand que pour l’approximation non adiabatique (3.13), ce qui la rend plusavantageuse. Par ailleurs, comme aucune minimisation n’est requise au pas detemps courant, et bien que ce pas de temps doive etre significativement pluspetit que celui de la simulation adiabatique, la methode de Car-Parrinellopeut globalement s’averer plus payante que la simulation adiabatique (3.16).

L’accroissement des possibilites informatiques fait que cette methode, quipermet de simuler des situations inaccessibles aux autres methodes, tend aetre supplantee des que possible, par les approches adiabatiques et non adia-batiques, mieux fondees physiquement, plus precises, et necessitant moins de“reglages” (cf. la masse fictive µ).

Page 110: Systèmes multi-échelles : Modélisation et simulation (Mathématiques et Applications)

98 3 Simulation moleculaire

3.1.4 Approximation du probleme electronique

Dans cette section, nous nous interessons a la resolution du probleme electro-nique (3.8) pour une configuration donnee des noyaux, qu’on recrit pour sim-plifier les notations

U = inf 〈ψe,Heψe〉, ψe ∈ He, ‖ψe‖ = 1 (3.18)

L’espace variationnel choisi est He donne par (3.6), ou par souci de simpliciteon oublie desormais la variable de spin (ceci ne change quasiment rien a lasuite, a part des details techniques)

He =N∧

i=1

L2(IR3,C| ). (3.19)

Le Hamiltonien est

He = −N∑

i=1

1

2∆xi

+

N∑

i=1

V (xi) +∑

1≤i<j≤N

1

|xi − xj |

V (x) = −M∑

k=1

zk

|x − xk|

les xk etant ici des parametres de IR3 fixes. Il s’agit de bien comprendre que lesxk sont en fait typiquement une position de noyaux au cours d’une dynamiquenewtonienne, ou une iteration d’un algorithme d’optimisation de geometrie.Ce que nous regardons ici est donc une “sous-boucle” d’un algorithme.

En raison de la taille de l’ensemble des fonctions d’onde admissibles, on nepeut encore pas attaquer directement la resolution numerique de ce problemede minimisation pour des molecules interessantes (on peut seulement le fairepour des molecules ridiculement petites). En effet, le lecteur sait que realiserune approximation de dimension finie d’un espace de fonctions comme L2(IR3)n’est deja pas simple (penser aux methodes d’elements finis, qui sont beaucoupplus dures a mettre en oeuvre en 3D qu’en 2D). Il peut alors s’imaginer latache insurmontable en pratique de tenter d’approcher un espace comme He

(voir (3.6)) qui est en fait un sous-ensemble de L2(IR3N ) (aux variables despin pres), pour un entier N de l’ordre de 100.

Il va donc nous falloir encore simplifier le probleme.

La methode de Hartree-Fock est une approximation variationnelle duprobleme electronique (3.18) consistant a restreindre l’ensemble de minimi-sation

ψe ∈ He, ‖ψe‖ = 1aux seules fonctions d’onde ψe qui s’ecrivent comme un determinant de Slater

Page 111: Systèmes multi-échelles : Modélisation et simulation (Mathématiques et Applications)

3.1 Modelisation d’un systeme moleculaire 99

ψe =1√N !

det(φi(xj)) (3.20)

de N fonctions d’onde monoelectroniques orthonormees φi appelees orbitalesmoleculaires, en se basant sur l’idee qu’un prototype d’une fonction anti-symetrique de N variables est un produit antisymetrise de fonctions d’unevariable. On note

WN = Φ = φi1≤i≤N , φi ∈ H1(IR3,C| ),

(φi, φj) =

IR3

φi(x)∗ φj(x) dx = δij , 1 ≤ i, j ≤ N (3.21)

l’ensemble des configurations de N orbitales moleculaires. Par souci de sim-plicite, nous avons omis, et nous omettons desormais, les variables de spin.

En designant par SN l’ensemble des determinants de Slater

SN :=

ψe ∈ He / ∃Φ = φi1≤i≤N ∈ WN , ψe =

1√N !

det(φi(xj))

,

le probleme de Hartree-Fock s’ecrit

inf 〈ψe,Heψe〉, ψe ∈ SN .

Soit Φ = φi1≤i≤N ∈ WN et ψe ∈ SN le determinant de Slater issu de Φ.En notant :

τΦ(x;x′) =

N∑

i=1

φi(x)φi(x′)∗, (3.22)

ρΦ(x) := ρψe(x) =

N∑

i=1

|φi(x)|2, (3.23)

on obtient apres un calcul simple l’expression de 〈ψe,Heψe〉 en fonction des φi :

EHF (Φ) = 〈ψe,Heψe〉

=

N∑

i=1

1

2

IR3

|∇φi|2

+

IR3

ρΦ V +1

2

IR3

IR3

ρΦ(x) ρΦ(x′)

|x − x′| dx dx′

−1

2

IR3

IR3

|τΦ(x;x′)|2|x − x′| dx dx′. (3.24)

Exercice 3.6. En utilisant les proprietes algebriques d’un determinant, etablirla formule (3.24).

Page 112: Systèmes multi-échelles : Modélisation et simulation (Mathématiques et Applications)

100 3 Simulation moleculaire

Dans le membre de droite de cette expression, le premier terme representel’energie cinetique de la fonction d’onde et le deuxieme terme l’interactionelectrostatique entre noyaux et electrons. La repulsion interelectronique semanifeste dans le troisieme terme, dit de repulsion coulombienne, qui peuts’interpreter comme l’energie coulombienne classique de la densite electroniquemoyenne ρΦ, ainsi que dans le quatrieme terme, dit terme d’echange, qui estd’origine quantique : il resulte de l’antisymetrie de la fonction d’onde. On peutdonc ecrire le probleme de Hartree-Fock sous la forme

infEHF (Φ), Φ ∈ WN

, (3.25)

ou EHF (Φ) est donne par (3.24) et WN par (3.21). Notons qu’en simplifiantl’ensemble de minimisation, on a complique la fonctionnelle d’energie a mini-miser, puisque celle-ci a perdu son caractere quadratique.

Une des consequences est que l’equation d’optimalite du probleme de mini-misation (3.25) n’est plus une equation lineaire comme l’equation de Schrodin-ger mais une equation non lineaire, ou plus exactement un systeme de Nequations non lineaires couplees

−1

2∆φj +

M∑

k=1

zk

| · −xk|φj +

(N∑

i=1

|φi|2 ⋆1

|x|

)φj −

N∑

i=1

(φ∗

i φj · ⋆1

|x|

)φi = λjφj ,

(3.26)pour des multiplicateurs de Lagrange λj qui s’interpretent en fait comme desenergies d’ionisation, et qui sont eux aussi a determiner. Les equations (3.26)sont donc un systeme d’equations non lineaires aux valeurs propres.

Exercice 3.7. Etablir (3.26).

Remarque 3.8. Il nous faut mentionner que l’approximation de Hartree-Fockn’est pas la seule possible pour approcher le probleme de minimisation dedepart et le rendre traitable numeriquement. On peut aussi employer l’ap-proximation dite de Kohn-Sham, qui consiste d’une certaine facon a renoncera connaıtre la fonction d’onde de chaque electron et a se concentrer sur laconnaissance de leur densite globale ρΦ (celle de (3.23)) issue de leur fonctiond’onde complete Φ. L’energie obtenue admet en fait une forme assez prochede celle de Hartree-Fock, bien que les φi y figurant ne signifient pas physi-quement la meme chose. Dans le modele Kohn-Sham, les φi sont les fonctionsd’onde monoelectroniques d’un systeme a electrons sans interactions differentdu systeme reel mais lui correspondant (en un certain sens). Il est sage pournous de ne les voir que comme une decomposition mathematique particulierede la densite ρΦ. L’energie s’ecrit :

EKS(xk , φi) =

N∑

i=1

IR3

|∇φi|2 −∫

IR3

(M∑

k=1

zk

|x − xk|

)ρΦ(x) dx

+1

2

IR3

ρΦ(x) ρΦ(x′)

|x − x′| dx dx′ + Exc(ρΦ),

Page 113: Systèmes multi-échelles : Modélisation et simulation (Mathématiques et Applications)

3.1 Modelisation d’un systeme moleculaire 101

ou ρΦ =∑N

i=1 |φi|2 et Exc(ρΦ) est une certaine fonctionnelle dependant dusysteme etudie.

L’approximation de Hartree-Fock peut aussi s’adapter pour fournir uneapproximation de l’equation de Schrodinger dependante du temps (3.10).Elle devient alors l’approximation Hartree-Fock dependante du temps quiconsiste (pour un modele sans spin pour simplifier) a forcer la fonction d’ondeelectronique ψe(t) a evoluer sur la variete des determinants de Slater

SN =

ψe =

1√N !

det(φi(xj)), φi ∈ H1(IR3,C| ),

IR3

φi · φ∗j = δij

La dynamique decoulant de la stationnarite de l’action∫ T

0

〈ψe(t), (i∂t − He(t)) · ψe(t)〉 dt,

les equations du mouvement s’ecrivent alors en fonction des orbitales φi sousla forme

i∂φi

∂t= F(DΦ)φi (3.27)

ou F(DΦ) designe l’operateur de Fock defini comme dans le cadre stationnairepar

F(DΦ) = −1

2∆+

M∑

k=1

zk

| · −xk|+

(N∑

i=1

|φi|2 ⋆1

|x|

)−

N∑

j=1

(φ∗

j · ⋆1

|x|

)φj . (3.28)

Revenons maintenant a nos modeles dependant du temps. On peut doncregrouper ce qui precede pour les ecrire, dans le cas adiabatique

⎧⎪⎪⎪⎪⎨⎪⎪⎪⎪⎩

mkd2xk

dt2(t) = −∇xk

W (x1(t), · · · , xM (t))

W (x1, · · · , xM ) = U(x1, · · · , xM ) +∑

1≤k<l≤M

zk zl

|xk − xl|U(x1, · · · , xM ) = infEHF (Φ), Φ ∈ WN

(3.29)

ouEHF (Φ) est donne par (3.24) et WN par (3.21), et dans le cas non adiaba-tique

⎧⎪⎪⎪⎪⎪⎪⎪⎪⎪⎪⎪⎨⎪⎪⎪⎪⎪⎪⎪⎪⎪⎪⎪⎩

mkd2xk

dt2(t) = −∇xk

W (t; x1(t), · · · xM (t))

W (t; x1, · · · , xM ) = −M∑

k=1

IR3

zk ρ(t, x)

|x − xk|dx +

1≤k<l≤M

zk zl

|xk − xl|

ρ(t, x) =N∑

i

φ∗i φi

i∂φi

∂t= F(DΦ)φi

(3.30)

Page 114: Systèmes multi-échelles : Modélisation et simulation (Mathématiques et Applications)

102 3 Simulation moleculaire

ou F(DΦ) est donne par (3.28).

Il va maintenant nous falloir attaquer la resolution numerique de telssystemes.

3.2 Simulation numerique

Pour resoudre numeriquement les systemes ci-dessus, il faut etre capable

– pour le probleme adiabatique, de savoir resoudre pour chaque posi-tion de noyaux le probleme de minimisation Hartree-Fock, et de savoirdiscretiser en temps l’equation de Newton,

– pour le probleme non adiabatique, de savoir discretiser en temps l’equa-tion de Hartree-Fock dependante du temps et encore de savoir discretiseren temps l’equation de Newton.

Commencons par la resolution du probleme de minimisation Hartree-Fock,puis nous verrons la dynamique newtonienne. Pour la resolution de l’equationde Hartree-Fock dependante du temps, nous renvoyons le lecteur a la biblio-graphie.

3.2.1 Discretisation du probleme Hartree-Fock

Avant tout, nous allons recrire le probleme Hartree-Fock sous une forme pluscompacte, celle fournie par le formalisme des matrices densites.

Le formalisme matrices-densites

Il est possible d’ecrire l’energie electronique d’un determinant de Slater apartir du seul operateur densite :

D(x, y) =

N∑

i=1

φ∗i (x)φi(y). (3.31)

On a ainsi〈ψe,Heψe〉 = EHF (Φ) = EHF (DΦ),

avec

EHF (D) := Tr(hD) +1

2Tr(G(D) · D)

ou

h := −1

2∆ + V

designe le hamiltonien de coeur du systeme moleculaire et ou pour tout φ ∈H1(IR3,C| ) et tout x ∈ IR3

Page 115: Systèmes multi-échelles : Modélisation et simulation (Mathématiques et Applications)

3.2 Simulation numerique 103

(G(D) · φ)(x) :=

(ρΦ ⋆

1

|y|

)(x)φ(x) −

IR3

τΦ(x;x′)

|x − y| φ(x′) dx′,

en utilisant τΦ et ρΦ definis par (3.22) et (3.23).En outre, il est facile de caracteriser l’ensemble des operateurs densites

d’ordre 1 issus d’un determinant de Slater d’energie finie : ce sont les pro-jecteurs orthogonaux de rang N sur L2(IR3,C| ) a image dans H1(IR3,C| ). Leprobleme de Hartree-Fock (3.25) est donc equivalent au probleme

infEHF (D), D/ D2 = D = D∗, Tr(D) = N

, (3.32)

Les equations de Hartree-Fock se recrivent alors

F(D) · ψi = −λiψi (3.33)

ouF(D) := h + G(D) (3.34)

est l’operateur de Fock associe a l’operateur densite D =∑N

i=1(φi, ·)φi, ce quidonne de facon plus explicite

(F(D) · φ)(x) = −1

2∆φ(x) + V (x)φ(x) +

(ρD ⋆

1

|y|

)(x)φ(x)

−∫

IR3

τD(x;x′)

|x − y| φ(x′) dx′, (3.35)

en notant ρD et τD au lieu de ρΦ et τΦ.

L’espace de discretisation

Pour approcher le probleme de minimisation de Hartree-Fock (3.25), lamethode la plus efficace consiste a utiliser une approximation de Galerkin.On approche le probleme (3.25) par

inf

EHF (Φ) , Φ ∈ WN (V)

(3.36)

avec

WN (V) =

Φ = φi , φi ∈ V,

IR3

φiφ∗j = δij 1 ≤ i, j ≤ N

,

ou V est un sous-espace de l’espace H1(IR3,C) de dimension finie n.

Soit χk1≤k≤n une base de V et S ∈ M(n, n) la matrice hermitienne des

produits scalaires

IR3

χ∗i χj . Le probleme de minimisation (3.36) peut s’ecrire

sous la forme

Page 116: Systèmes multi-échelles : Modélisation et simulation (Mathématiques et Applications)

104 3 Simulation moleculaire

infEHF (C) , C ∈ M(n,N) , C∗SC = IN

soit encore, dans le formalisme des matrices densites,

infEHF (D), D ∈ M(n, n), DSD = D∗ = D, Tr(D) = N

,

avec⎧⎪⎪⎪⎪⎪⎪⎪⎪⎨⎪⎪⎪⎪⎪⎪⎪⎪⎩

EHF (C) = Tr(hD) + 12Tr(G(D)D) = h : D + 1

2D : A : DD = CC∗

hij =1

2

IR3

∇χ∗i · ∇χj +

IR3

V χ∗i χj

G(D) = A : D avec Aijkl = (ij|kl) − (ik|jl)(ij|kl) =

IR3

IR3

χi(x)χj(x)∗χk(x′)∗χl(x′))

|x − x′| dx dx′

C, D, h et A designant respectivement les expressions dans la base χk1≤k≤n

de la matrice des coefficients des orbitales moleculaires occupees φi1≤i≤N

(φi =∑n

j=1 Cjiχj , pour tout 1 ≤ i ≤ N), de la matrice densite, de la matrice

du hamiltonien de coeur − 12∆+V et du tenseur des integrales bielectroniques.

Les equations d’Euler-Lagrange relatives au probleme de minimisation (3.36)s’ecrivent usuellement (apres diagonalisation de la matrice des multiplicateursde Lagrange)

F (D)C = SCE

avecD = CC∗, F (D) = h + G(D) = h + A : D,

E designant une matrice diagonale. En pratique, on choisit en general pour Vl’espace engendre par n orbitales atomiques (OA), une OA etant une fonctiond’onde monoelectronique localisee autour d’un noyau donne. On parle alorsd’approximation LCAO (linear combination of atomic orbitals).

Il est tentant de prendre comme OA des orbitales de Slater, ie des fonctionsde la forme

ζs(r, θ, φ) = P (r)Y ml (θ, φ)e−αr (3.37)

ou P est un polynome, α > 0 et Y ml une harmonique spherique, puisque les

fonctions propres du seul systeme atomique calculable analytiquement, a sa-voir l’atome hydrogenoıde, sont effectivement de la forme (3.37). L’interet deces fonctions de base est qu’elles representent bien la decroissance exponen-tielle a l’infini de la densite electronique et que peu d’entre elles suffisent abien representer les singularites des orbitales monoelectroniques au voisinagedes noyaux. Le premier point se comprend bien car, loin de tous les noyaux,tout se passe comme si toute la charge etait concentree en un seul atome (c’estle theoreme de Gauss de l’electrostatique, pour le cas de la moyenne spheriqueau moins), et la densite electronique d’un atome decroıt effectivement expo-nentiellement vite a l’infini. Le second point se comprend encore mieux, car

Page 117: Systèmes multi-échelles : Modélisation et simulation (Mathématiques et Applications)

3.2 Simulation numerique 105

au voisinage d’un noyau donne, tout se passe comme si un electron ne voyaitque ce noyau particulier, et pas les autres. Il est donc naturel que sa fonc-tion d’onde soit proche d’une fonction d’onde de l’atome hydrogenoıde. Cettebase est donc de qualite puisque peu d’elements suffisent a bien discretiser lasolution. C’est en effet de cette maniere qu’on juge de la qualite d’une basede fonctions en analyse numerique, et le plus grand nombre d’elements debase est souvent “consomme” pour la representation des singularites, car lesparties regulieres de la solution ne “coutent” pas grand chose.

Cependant, le plus souvent, on prend comme OA, non pas des orbitales deSlater, mais des “gaussiennes contractees” soit en d’autres termes des combi-naisons lineaires finies de gaussiennes-polynomes :

χi(x) =

d∑

k=1

ck xαk

1 xηk

2 xγk

3 e−δk|x|2

ou les αk, ηk, γk sont des entiers positifs et les δk des reels positifs, l’en-semble etant optimise de sorte d’approcher au mieux des orbitales de Slater.L’interet de telles fonctions est double. D’abord, parce qu’elles approchent lesorbitales de Slater, elles representent avec precision les singularites des orbi-tales monoelectroniques. Ensuite, parce que ce sont des gaussiennes, elles sepretent facilement au calcul des n4 integrales bielectroniques

(ij|kl) =

IR3

IR3

χi(x)χj(x)∗χk(x′)∗χl(x′)

|x − x′| dx dx′, (3.38)

qui est l’etape limitante de la methode Hartree-Fock en termes de temps decalcul. Plus precisement, on montre que les quantites (3.38) qui s’exprimenta priori par des integrales sur IR6 peuvent en fait se ramener a des integralessur IR du type

F (w) =

∫ 1

0

e−w s2

ds

lorsque les χi sont des gaussiennes et on traite le cas general des gaussiennes-polynomes en s’appuyant sur des relations de recurrence, ce qui reduitconsiderablement les temps de calcul.

Remarque 3.9. Le fait que la base d’orbitales de Slater soit une base efficace(et donc avec elle la base de gaussiennes contractees, lesquelles ne sont qu’unhabillage numerique supplementaire pour ensuite pouvoir rapidement calculerles integrales bielectroniques) est a relier a l’idee suivante. Pour un problemedonne, arbitraire, on ne peut pas esperer qu’une base de fonctions passe-partout (penser a des elements finis par exemple) donne le meilleur resultat.La genericite est contradictoire avec l’optimalite. Au contraire, il faut pourapprocher l’optimalite, choisir une base de fonctions qui ont un rapport avecle probleme donne lui-meme. Idealement, la meilleure base est celle constitueed’un seul element, la solution ! Cette idee est celle de la synthese modale, ou

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106 3 Simulation moleculaire

au-dela celle des bases reduites. On construit dans un premier temps une basede fonctions adaptees au probleme (par exemple les solutions d’un problemesimplifie, ici les solutions du probleme de l’atome hydrogenoıde), et dans unsecond temps on developpe sur cette base. Cette methodologie s’applique abeaucoup de champs du calcul scientifique.

Algorithmes de resolution numerique

Pour resoudre numeriquement un probleme de Hartree-Fock on peut oubien minimiser directement la fonctionnelle d’energie, ou bien resoudre lesequations d’Euler-Lagrange associees a ce probleme de minimisation, c’est-a-dire les equations de Hartree-Fock.

Le plus souvent, on a interet pour optimiser le temps de calcul, a resoudreles equations d’Euler-Lagrange plutot qu’a minimiser directement la fonction-nelle d’energie. Pour cela, il faut utiliser une procedure iterative en raison de lanon-linearite de ces problemes. On appelle une telle procedure un algorithmeSCF (self-consistent field). La difficulte vient alors du fait que rien s’assurealors a priori la decroissance de l’energie et que des difficultes de convergencepeuvent apparaıtre.

Remarque 3.10. Noter que minimiser directement la fonctionnelle d’energieet resoudre les equations d’Euler-Lagrange ne sont pas theoriquement deuxstrategies equivalentes puisque nous travaillons ici sur une fonctionnelle d’ener-gie non convexe. Du point de vue pratique, minimiser directement, c’estprendre le risque de rester “bloque” dans un minimum local, non global (pourune fonctionnelle du type Hartree-Fock, il y a des milliers de tels points).Resoudre les equations d’Euler-Lagrange, c’est aussi prendre le risque dedeterminer un point critique qui n’est pas minimum global. Beaucoup pour-rait donc etre dit, du point de vue pratique, sur la comparaison des deuxstrategies. On se reportera a la bibliographie. Contentons-nous de dire, maisc’est une evidence, que la meilleure strategie consiste a combiner les deuxstrategies.

Les algorithmes SCF de resolution des equations de Hartree-Fock sedecrivent bien dans le formalisme des operateurs densites. Ils consistent aresoudre les equations de Hartree-Fock par une technique iterative de pointfixe de forme generale

(SCF ) (Dk)0≤k≤n1−→ Fn

2−→ Dn+1.

L’etape 1 consiste a construire un pseudo-operateur de Fock Fn a partirdes operateurs densites (Dk)0≤k≤n calcules lors des iterations precedentes et

l’etape 2 a definir le nouvel operateur densite Dn+1 a partir de Fn.

L’algorithme de Roothaan est l’algorithme le plus naturel quand on ecritles equations de Hartree-Fock sous la forme

Page 119: Systèmes multi-échelles : Modélisation et simulation (Mathématiques et Applications)

3.2 Simulation numerique 107

F(DΦ)φi = −ǫi φi, 1 ≤ i ≤ N.

Il est defini par Fn = F(Dn) et par le principe aufbau qui consiste aprendre pour Dn+1 un minimiseur du probleme

inf

Tr(FnD), D ∈ PN

. (3.39)

En termes d’orbitales moleculaires, le principe aufbau consiste a prendreDn+1 = DΦn+1

, ou Φn+1 est une configuration Hartree-Fock obtenue en choi-

sissant n’importe quel ensemble d’orbitales moleculairesφn+1

i

correspon-

dant aux N plus petites valeurs propres (en tenant compte des multiplicites

s’il y a lieu) −ǫn+1i de Fn, c’est-a-dire en peuplant les N orbitales moleculaires

de plus basse energie.L’algorithme de Roothaan peut donc se resumer par le schema

Dn −→ Fn = F(Dn)aufbau−→ Dn+1. (3.40)

Tel quel, cet algorithme presente certains defauts techniques, qu’on saittres bien corriger en amendant un peu la construction de l’algorithme ci-dessus. Mais dans la mesure ou ces algorithmes plus sophistiques sont basessur le meme type d’idees, nous n’en dirons pas plus ici et renvoyons a labibliographie.

A ce stade, nous savons donc, au moins dans le principe, commentdiscretiser les equations de Hartree-Fock et les resoudre, de sorte d’obtenirpour une configuration donnee de noyaux le potentiel U a inserer dans (3.29).

Remarque 3.11. En fait, le lecteur attentif aura remarque que ce n’est pasreellement de U dont nous avons besoin mais de ∇xi

U pour pouvoir calculer∇xi

W et l’inserer au membre de droite de l’equation de Newton. Il se trouveque le calcul de ce gradient peut etre fait tres rapidement quand on connaıtU . Ceci fait l’objet de l’exercice suivant.

Exercice 3.12. - Derivees analytiques1 - Montrer que, une fois discretise, le potentiel W de la formule (3.29)

s’ecrit sous la forme

W = U + Vnuc = h : D +1

2D : A : D + Vnuc

ou on identifiera les termes h, D, A, et ou Vnuc =∑

1≤k<l≤M

zk zl

|xk − xl|designe

le potentiel de repulsion internucleaire. Soit alors λ un parametre qui peutetre une coordonnee nucleaire. Montrer que

∂W

∂λ=

∂h

∂λ: D +

1

2D :

∂A

∂λ: D + F (D) :

∂D

∂λ+

∂Vnuc

∂λ.

2 - En utilisant l’equation de Hartree-Fock F (D)C = SCE, montrer

Page 120: Systèmes multi-échelles : Modélisation et simulation (Mathématiques et Applications)

108 3 Simulation moleculaire

F (D) :∂D

∂λ= Tr(E(C∗S

∂C

∂λ+

∂C∗

∂λSC)).

3 - Utiliser alors la condition d’orthonormalite C∗SC = IN , et en deduire

∂W

∂λ=

∂h

∂λ: D +

1

2D :

∂A

∂λ: D − Tr(CEC∗ ∂S

∂λ) +

∂Vnuc

∂λ(3.41)

4 - Expliquer alors pourquoi le calcul de ∇xiW est “gratuit”.

3.2.2 Discretisation de la dynamique newtonienne

Nous allons voir ici un exemple de schema numerique mis en oeuvre pourresoudre les equations de la dynamique newtonienne (3.15), et tenter defaire sentir au lecteur pourquoi ce schema presente des proprietes specifiquesinteressantes.

Que ce soit dans le cas adiabatique ou dans le cas non adiabatique, ondoit simuler la dynamique newtonienne. Nous examinons le cas adiabatiquesous la forme academique suivante (le cas non adiabatique necessite quelquesadaptations mineures).

Il s’agit de determiner l’evolution des positions de N particules dans IR3.Les positions des N particules sont notees x1, x2, ..., xN , et sont donc desvariables de IR3. Les N particules interagissent par un potentiel d’interactionV (x1, ..., xN ), ce qui veut dire que −∇x1

V (x1, ..., xN ) designe la force exerceepar l’ensemble des N particules sur la particule numero 1. Dans le cadrede la mecanique newtonienne, les equations qui regissent le mouvement desparticules sont donc :

⎧⎪⎪⎪⎨⎪⎪⎪⎩

d2xi

dt2= −∇xi

V (x1, ..., xN ), 1 ≤ i ≤ N,

xi(0) = xi0, 1 ≤ i ≤ N,dxi

dt(0) = x1

i0, 1 ≤ i ≤ N,

(3.42)

Pour simplifier l’expression de la loi de Newton, on a normalise les masses desparticules.

En introduisant la notation q = (x1, ..., xN ) ∈ IR3N , et

p = (dx1

dt, ...,

dxN

dt) ∈ IR3N

et la fonction H(p, q), dite Hamiltonien du systeme, definie par

H(p, q) =p2

2+ V (q), (3.43)

on voit facilement que le systeme (3.42) se recrit sous la forme

Page 121: Systèmes multi-échelles : Modélisation et simulation (Mathématiques et Applications)

3.2 Simulation numerique 109

⎧⎪⎪⎪⎪⎪⎨⎪⎪⎪⎪⎪⎩

dp

dt= −∂H

∂q,

dq

dt=

∂H

∂p,

p(0) = p0,q(0) = q0

(3.44)

Un systeme de la forme (3.44) ci-dessus est dit systeme hamiltonien.

Exercice 3.13. Montrer que le systeme (3.44) a une solution pour tout t > 0sous des conditions raisonnables sur V qu’on precisera.

Il est facile de voir, a cause de la forme particuliere de (3.44), que leHamiltonien H(p(t), q(t)) est une constante du mouvement, ce qui modelisele fait que l’energie d’un systeme isole est conservee au cours du temps. Eneffet,

d

dtH(p(t), q(t)) =

∂H

∂p

dp

dt+

∂H

∂p

dq

dt= −∂H

∂p

∂H

∂q+

∂H

∂q

∂H

∂p= 0.

Le systeme (3.44) est une forme particuliere du systeme plus generald’evolution

dy

dt= f(y),

y(0) = y0(3.45)

ou y(t) = (p(t), q(t)) et y0 = (p0, q0). A la fois y(t) et y0 sont dans IRM . Dansnotre cas, M = 6N . Pour simplifier, on suppose que la fonction f : IRM −→IRM est de classe C1.

Pour un tel systeme, on introduit la notion de flot au temps t. Il s’agit dela fonction Ψt de IRM dans lui-meme, qui a y0 associe la solution du systeme(3.45) au temps t, autrement dit la position y au temps t de la particule quise trouvait au temps t = 0 en y = y0.

On prendra bien garde au fait que, dans notre cas ou y(t) designe le couplevitesse/position (p(t), q(t)) solution de (3.44), le flot agit sur le couple vi-tesse/position, qui est la variable “position” en termes du systeme (3.45) (voirl’Exercice 3.14).

Pour le systeme (3.45), une consequence directe de la definition de Ψt(y)est que l’on a

d

dtΨt(y

0) = f(Ψt(y0)),

et donc que

Ψt(y0) = y0 + tf(y0) + o

(t), quand t −→ 0. (3.46)

A partir de (3.46), on peut montrer une importante propriete de conser-vation du volume. Soit D(0) une region de IRM . Designons par D(t) la region

Page 122: Systèmes multi-échelles : Modélisation et simulation (Mathématiques et Applications)

110 3 Simulation moleculaire

D(t) = Ψt(D(0)) = y ∈ RM ; ∃y0 ∈ D(0) y = Ψt(y0)

qui est la “deformee” au temps t de D(0). Soit VΨ (t) le volume de D(t),c’est-a-dire

V(t)Ψ (t) =

D(t)

dy1 ... dyM ,

integrale dont on suppose qu’elle existe pour tout temps. On a alors la pro-priete

VΨ (t) = VΨ (0) pour tout t > 0 si et seulement si f est a divergence nulle(3.47)

En effet, on peut ecrire, pour t petit,∫

D(t)=Ψ(t)(D(0))

dy1 ... dyM =

D(0)

∣∣∣∣det∂Ψ(t)i

∂y0j

∣∣∣∣ dy01 ... dy0

M

=

D(0)

∣∣det (IdM + t∇f + o(t))∣∣ dy0

1 ... dy0M

=

D(0)

∣∣(1 + tdiv f + o(t))∣∣ dy0

1 ... dy0M

en utilisant successivement un changement de variable dans l’integrale, laformule (3.46), et la propriete

det (IdM + tA) = 1 + tTrace A + o(t).

Il s’ensuit que

d

dt

D(t)

dy1 ... dyM

∣∣∣∣t=0

=

D(0)

div f dy01 ... dy0

M .

Ce qui vient d’etre fait en t = 0+ peut etre fait de meme en un quelconquet > 0 (juste en appliquant les arguments ci-dessus au flot Ψs−t defini a partirde l’instant t, pour s > t). Nous avons donc

d

dt|∫

D(t)

dy1 ... dyM =

D(t)

div f dy1 ... dyM ,

et ceci montre l’assertion (3.47).Nous revenons maintenant au systeme (3.44) et utilisons sa forme parti-

culiere pour obtenir que son flot, note Φt, conserve le volume dans l’espace desphases. Cette propriete est liee a ce qu’on appelle le caractere symplectique dusysteme (3.44) (voir les commentaires plus loin). Elle fait l’objet de l’exercicesuivant.

Exercice 3.14. En particularisant le raisonnement fait ci-dessus sur (3.45),au cas du systeme (3.44), montrer que le flot Φt de ce systeme preserve levolume dans l’espace des phases, i.e. l’espace des couples vitesse/position(p, q) ∈ IR3N × IR3N

Page 123: Systèmes multi-échelles : Modélisation et simulation (Mathématiques et Applications)

3.2 Simulation numerique 111

Attaquons maintenant la resolution numerique. Pour integrer numeri-quement (3.44), un des schemas les plus populaires est le schema suivant

⎧⎪⎨⎪⎩

pn+1i = pn

i − ∆t∇qiV (qn

1 +1

2∆t pn

1 , ..., qnN +

1

2∆t pn

N ),

qn+1i = qn

i + ∆t pni − 1

2(∆t)2 ∇qi

V (qn1 +

1

2∆t pn

1 , ..., qnN +

1

2∆t pn

N )

(3.48)

ou on a note pi =dqi

dt. On appelle ce schema l’algorithme de Verlet. Pour

simplifier, on ne considere dans la suite qu’une seule particule, c’est-a-direque l’indice i ne prend qu’une seule valeur, et on l’oublie donc desormais.L’adaptation du raisonnement au cas de plusieurs particules est immediate.

L’algorithme que l’on considere est donc :⎧⎪⎨⎪⎩

pn+1 = pn − ∆t∇xV (qn +1

2∆t pn),

qn+1 = qn + ∆t pn − 1

2(∆t)2 ∇xV (qn +

1

2∆t pn)

(3.49)

En s’inspirant de la definition de Φt, on definit le flot numerique associepour n ≥ 0 au schema (3.49). Il s’agit de l’application Φn qui associe lecouple (pn+1, qn+1) au couple (pn, qn). Au vu de (3.49), cette application estdifferentiable et un calcul simple montre que sa differentielle est l’applicationlineaire de IR3× IR3 dans lui-meme de matrice (ecrite ici sous forme de 4 blocsde taille 3×3) :

Jn =

⎛⎝

1 − 12 (∆t)2 ∇2V (qn + 1

2∆t pn) −(∆t)∇2V (qn + 12∆t pn)

∆t − 14 (∆t)3 ∇2V (qn + 1

2∆t pn) 1 − 12 (∆t)2 ∇2V (qn + 1

2∆t pn)

⎞⎠

(3.50)Si l’on considere maintenant un domaine Dn de l’espace des phases pour

une particule IR3 × IR3, on peut voir que ce domaine voit son volume exacte-ment conserve par le flot numerique Φn. En effet,

Dn+1=Φn(Dn)

dpn+1 dqn+1 =

Dn

|detJn| dpn dqn =

Dn

dpn dqn,

puisque, par un calcul immediat, detJn = 1. Cette propriete de conservationdu volume au niveau discret fait le grand interet de ce schema numerique,puisqu’il reproduit les proprietes du niveau continu.

Les deux exercices suivant permettent d’apprehender l’impact qu’ont surla conservation de l’energie deux proprietes bien differentes : d’une part laconservation de l’energie a un ordre approche, pas de temps par pas de temps,et d’autre part la propriete de conservation exacte du volume dans l’espacedes phases. Ils seront ensuite completes par les commentaires finaux de cettesection.

Page 124: Systèmes multi-échelles : Modélisation et simulation (Mathématiques et Applications)

112 3 Simulation moleculaire

Exercice 3.15. Definir l’energie au temps discret tn. Calculer a quel ordre en∆t l’energie est conservee par le schema (3.48).

Exercice 3.16. Expliquer pourquoi un algorithme qui augmenterait sanscesse le volume dans l’espace des phases serait tres susceptible d’amener degrosses erreurs sur la conservation de l’energie a long terme au niveau discret.

Terminons cette section par quelques commentaires.

Le flot Φt d’un systeme hamiltonien est en fait toujours une application ditesymplectique, c’est-a-dire une application g possedant la propriete suivante

∀ (p, q) ∈ IR2M , (∇g(p, q))t

(0 IdM

−IdM 0

)(∇g(p, q)) =

(0 IdM

−IdM 0

)

(3.51)Cette propriete entraıne la propriete de conservation du volume dans l’espacedes phases

∀ t > 0, ∀A ⊂ IR2M , vol (Φt(A)) = vol (A) (3.52)

(cf. l’Exercice 3.14 ci-dessus), et d’ailleurs en dimension 1 (c’est-a-dire quandM = 1) la symplecticite est equivalente a la propriete de conservation duvolume.

On dit alors d’un schema numerique qu’il est symplectique si, lorsqu’ilest mis en oeuvre sur un systeme hamiltonien, le flot numerique Φn que leschema definit est une application symplectique (i.e. verifie (3.51)). En uti-lisant un tel schema, on est donc assure de preserver exactement le volumedans l’espace des phases (cf. le raisonnement ci-dessus). On observe en faitdans la pratique numerique qu’un tel schema exhibe le plus souvent une pro-priete supplementaire, a priori miraculeuse (voir cependant l’Exercice 3.16) :il conserve presque exactement l’energie du systeme hamiltonien, et ce memesur les longs temps d’integration, ce qui est une propriete redoutablementinteressante. Cette propriete peut s’expliquer par l’analyse numerique. En ef-fet, on peut montrer que le flot numerique associe a un schema numerique sym-plectique est (quasiment) le flot exact d’un systeme hamiltonien qui approchele systeme original. En realite, si on veut etre plus rigoureux, ce flot numeriqueest exponentiellement proche du flot exact d’un systeme hamiltonien, l’expres-

sion exponentiellement proche signifiant proche a l’ordre exp(− 1

∆t). En tant

que (quasiment) flot exact, ce flot conserve donc exactement l’energie associeea ce nouveau systeme hamiltonien, laquelle est proche de l’energie du systemeoriginal. D’ou la conservation approchee de l’energie du systeme original, en

fait sur des intervalles de temps de longueur exp(1

∆t), propriete capitale pour

la pratique. Nous renvoyons le lecteur qui veut en savoir plus a la bibliographiede la fin de ce chapitre.

Page 125: Systèmes multi-échelles : Modélisation et simulation (Mathématiques et Applications)

3.2 Simulation numerique 113

A ce stade, il est aussi utile de commenter un peu plus sur l’utilisationde ces techniques d’integration. Un des objectifs premiers de la dynamiquemoleculaire est le calcul de moyennes statistiques. Brievement dit, l’objectif desimuler une evolution du systeme sur un temps long n’est pas la connaissancede l’etat final de ce systeme quand son etat initial est donne (cela peut biensur etre une motivation, mais ce n’est pas la seule). Il s’agit plutot d’unmoyen d’echantillonner l’espace des phases. On se base en effet sur l’hypothesedite ergodique pour affirmer que la moyenne < A > d’un operateur A (uneobservable au sens de la mecanique quantique) sur le systeme peut s’obtenirpar le calcul de

< A >= limT−→+∞

1

T

∫ T

0

A(p(t), q(t)) dt,

ou (p(t), q(t)) est une trajectoire en temps du systeme. D’ou la necessite decalculer cette trajectoire en temps long, et les questions soulevees dans cettesection. Mais, a partir de la, on peut remarquer que le point de vue change sen-siblement : on ne s’interesse pas vraiment a la precision dans la determinationd’une trajectoire donnee (dont la condition initiale est d’ailleurs mal connue,voire arbitraire et de toute facon indifferente), mais plutot a la reproductionen temps long du flot de l’equation. Il y a une certaine “globalisation” du pointde vue : la notion de flot, ensemble de toutes les trajectoires, se substitue a lanotion de trajectoire. C’est cette modification du point de vue qui conduit aprendre en compte des proprietes de nature geometrique, comme la symplec-ticite. Nous verrons plus en detail au Chapitre 5 des questions de precisionsur les schemas de resolution des equations differentielles ordinaires, dans lecontexte plus classique ou l’on cherche a determiner precisement une evolutionparticuliere. Dans une certaine mesure, notre ignorance de telles questions ace stade du cours ne nous penalise pas ici, ou l’objectif est different.

Remarque 3.17. Dans cette section, on s’interesse a des trajectoires hamilto-niennes du systeme, donc des evolutions a energie constante. De telles trajec-toires parcourent un sous-ensemble de l’espace des phases qui correspond a uneseule valeur de l’energie. On genere ainsi, sous l’hypothese ergodique, tout l’en-semble microcanonique (N,V,E), i.e. nombre de particules, volume et energieconstante. D’autres simulations peuvent par exemple etre destinees a decrirel’ensemble canonique (N,V, T ), i.e. cette fois la temperature du systeme, etnon l’energie, est gardee constante (remarquer qu’asymptotiquement pour unnombre infini de particules, ou en volume infini, tous les ensembles statis-tiques donnent la meme valeur des moyennes). Pour parcourir cet ensemble,on suit donc des dynamiques qui ne sont pas les dynamiques hamiltoniennesvues ci-dessus. On peut par exemple utiliser des systemes dynamiques avecthermostat (des variables annexes, formellement du type multiplicateur de La-grange) qui ont pour but de maintenir la temperature du systeme constante :on parle de dynamique de Nose-Hoover, par exemple. On peut aussi utili-ser une simulation par dynamique de Langevin, qui consiste a introduire un

Page 126: Systèmes multi-échelles : Modélisation et simulation (Mathématiques et Applications)

114 3 Simulation moleculaire

terme de frottement dans la dynamique hamiltonienne, de sorte encore degarder la temperature constante. Les problematiques numeriques sont un peudifferentes de celles decrites ici, mais la meme preoccupation sur le temps longd’integration, qu’on va voir maintenant, reste.

Enfin, il est instructif en cette fin de section de resumer ce que signifieen pratique simuler une dynamique adiabatique, c’est-a-dire le systeme (3.29)(par exemple). La simulation est donc une succession de trois etapes effectueesa chaque pas de temps de longueur ∆t,

(1) la resolution du probleme electronique de type (3.36) pour la confi-guration de noyaux courante (cette etape est elle-meme un algorithmeiteratif du type (3.40) ou chaque iteration est une diagonalisation desysteme lineaire) ; a la fin de cette etape, on dispose donc de l’etatelectronique et du potentiel U(x1, ..., xN )

(2) un calcul des derivees ∇xiU(x1, ..., xN ) par technique de derivees ana-

lytiques (cf. l’Exercice 3.12),(3) une avancee d’un pas de temps, par un schema du type (3.48) (ou W

remplace V ), des equations de la dynamique moleculaire en y inserantles valeurs de

∇xiW (x1, ..., xN ) = ∇xi

U(x1, ..., xN ) + ∇xi

( ∑

1≤k<l≤M

zk zl

|xk − xl|

)

Le lecteur mesure sans peine la lourdeur d’une telle simulation. Il est ce-pendant possible d’encore compliquer les choses ! On peut par exemple cou-pler de telles simulations de dynamique moleculaire avec des simulations detype elements finis pour atteindre des tailles macroscopiques. Ceci se faitdans l’esprit de ce qui a ete montre, dans un cadre stationnaire, au Cha-pitre 1. Ainsi, il existe des simulations couplees chimie quantique/dynamiquemoleculaire/elements finis de dynamique de fracture au sein des materiauxpar exemple.

3.2.3 Methodes d’acceleration de la dynamique moleculaire

Dans cette courte section, nous voudrions aborder une des difficultes cru-ciales de la dynamique moleculaire : la nature multiechelle en temps de ceprobleme. En effet, aussi efficaces soient-elles, les techniques exposees a laSection precedente (schemas symplectiques pour les temps longs) restent en-core parfois (voire souvent, suivant les domaines d’application) incapables desimuler des phenomenes se deroulant sur quelques millisecondes.

Qu’on y pense en effet. Typiquement, sans meme parler du problemeelectronique qui evolue a une vitesse mille fois superieure voire plus, l’echellecaracteristique de la vibration d’une courte liaison atomique est de l’ordre dela femtoseconde. Dans une molecule biologique vont figurer des liaisons qui

Page 127: Systèmes multi-échelles : Modélisation et simulation (Mathématiques et Applications)

3.2 Simulation numerique 115

vibrent a cette vitesse, d’autres a des vitesses mille a cent mille fois inferieures.La simulation devra s’accommoder de telles disproportions. Mais malheureu-sement, il y a pire. La simulation devra en plus porter sur un temps physiquede l’ordre de la milliseconde ou de la seconde (par exemple, un phenomenecapital de la biologie, a savoir le repliement d’une proteine, s’effectue dans unefourchette allant de la milliseconde a la seconde). Si un pas de temps est del’ordre de la femtoseconde, ou de la picoseconde, il faut donc envisager 109 pasde temps, au bas mot, 1012 ou 1015 souvent. Ce n’est pas possible. Si on oubliele monde de la biologie et qu’on regarde celui de la science des materiaux, ontrouve des disproportions analogues (questions de sauts de lacunes dans desmateriaux irradies, ou dynamique de dislocations dans des materiaux qui sedegradent, par exemple).

Bref, les techniques d’equations differentielles ordinaires les meilleures dumoment, comme celles de la Section precedente, ne suffisent pas a couvrirles besoins en simulation en temps long1. Quelles sont donc les alternativespossibles ?

Commencons par l’observation suivante. Dans la plupart des situationsd’evolution d’un systeme moleculaire (par exemple), si un phenomene prend“beaucoup” de temps, c’est parce que la majeure partie du temps, le systemene fait rien, ou pas grand chose. Typiquement, l’evolution d’un systeme est lasuivante : le systeme passe son temps a osciller au voisinage d’etats metastables(on baptise ainsi les etats du systeme qui “vivent” lontemps), le passage d’unetat a un autre etant un phenomene rapide, mais qu’il faut attendre longtemps(on parle d’un evenement rare). Petit a petit, le systeme atteint ainsi sonetat final. Cette succession de longues plages d’immobilite entrecoupees detransitions quasi immediates est un drame pour la simulation numerique (voirFigure 3.3). Elle fait accroıtre le nombre de pas de temps, tout en interdisantd’en sauter, faute de rater l’evenement important.

Cette observation est a la base d’un certain nombre de techniques ditesd’acceleration de la dynamique moleculaire. Nous en citerons une commeexemple, celle connue sous le nom de technique de Monte-Carlo cinetique.

Elle a pour base un substantiel changement de point de vue. Plutot quede regarder l’evolution du systeme, on va regarder le paysage energetique.Imaginons par exemple que l’etat du systeme soit regi par le Hamiltonien(3.43) de la section precedente

H(p, q) =p2

2+ V (q).

Alors on peut bien sur suivre l’etat du systeme au cours du temps par unedynamique. C’est l’approche de la Section precedente. Mais on peut aussichercher dans l’espace des positions q du systeme les etats metastables ou

1encore une fois, par “en temps long”, on entend “long par rapport a l’echellede temps elementaire presente dans le probleme”. On ne se meprendra pas sur levocabulaire “long”, “court”, “rapide”, ... employe dans toute cette section.

Page 128: Systèmes multi-échelles : Modélisation et simulation (Mathématiques et Applications)

116 3 Simulation moleculaire

stables (les cuvettes du potentiel V (q)), les seuils de reactions (les points-sellesde V (q)), et de cette facon imaginer quelle serait la dynamique du systemepour aller d’une position a une autre.

On procede donc comme suit. On se place en un etat stable (ou metastable),disons A0.

On commence par identifier d’abord, a la proximite de A0, les fonds decuvette de potentiel et dans un second temps les points-selles qui separentces cuvettes. Ceci requiert d’effectuer un grand nombre de simulations dedynamique moleculaires assez courtes : on part d’un point et on regarde ouon aboutit. Nous ne decrivons pas de telles techniques qui requierent ellesaussi beaucoup d’ingeniosite, preferant esquisser l’approche complete. Il suffiten fait de savoir que c’est dans cette phase que l’on va utiliser les techniqueshabituelles de simulation d’equations differentielles de la Section precedente,mais aussi d’autres techniques, complementaires, de localisation de points-selles.

Ceci etant fait, on a alors la liste de tous les etats stables voisins de A0,disons les N etats Ai, et de leur barriere de potentiel ∆Ei > 0, compte tenudes points-selles qui y conduisent. On emploie alors un modele pour evaluerle taux de reaction probable de A0 vers Ai, par exemple la loi d’Arrhenius

ri = exp

(−∆Ei

kT

)

ou T est la temperature, k la constante de Boltzmann. Le nombre ri est dans

]0, 1] et mesure (une fois normalise, i.e. divise par

N∑

j=1

rj) la probabilite d’aller

de A0 a Ai. Ce qui interesse est alors la double question : vers quel etat lesysteme en A0 va-t-il aller et combien de temps cela va-t-il prendre ?

On part de la remarque suivante. Si N evenements sont independants etont des temps d’occurences qui suivent chacun une loi exponentielle, de pa-rametre λi (c’est-a-dire ont une densite λie

−λix1x>0), alors un calcul simplede theorie des probabilites montre que l’evenement “le premier d’entre eux

se produit” suit aussi une loi exponentielle, cette fois de parametreN∑

j=1

λj .

L’esperance du temps de ce premier evenement (quel qu’il soit) est donc1

∑Nj=1 λj

. La probabilite que le premier evenement qui se produise soit

l’evenement i0 vautλi0∑Nj=1 λj

. En vertu de cette remarque, on admet que,

dans notre cas, les transitions vers les etats Ai sont independantes entre elleset que chacune suit effectivement une loi exponentielle, et on procede commesuit : on tire au sort le passage vers les Ai en affectant a chaque Ai la proba-

biliteri∑N

j=1 rj

; on deplace alors le systeme en l’etat Ai obtenu, et on avance

Page 129: Systèmes multi-échelles : Modélisation et simulation (Mathématiques et Applications)

3.2 Simulation numerique 117

le temps horloge de1

∑Nj=1 rj

(on peut aussi, pour cette seconde etape, tirer

au sort le temps de sortie suivant la loi exponentielle de parametre

N∑

j=1

rj au

lieu de prendre simplement comme valeur de temps l’esperance) . On continueensuite en revenant a l’etape preliminaire de determination des points selles etdes etats stables voisins du nouvel etat courant. Ainsi, on peut determiner latrajectoire en temps long, et, si necessaire, calculer une moyenne d’operateurle long de cette trajectoire en ponderant la valeur de cet operateur sur chaqueetat stable Ai par le temps passe dans cet etat (ou en realite au voisinage decet etat).

Remarque 3.18. Si l’on y regarde bien, la morale de l’histoire est qu’on aechange une longue dynamique contre un ensemble de petites, plus quelquestirages au sort. Cette methodologie est en fait la ligne directrice de beaucoupde methodes efficaces en dynamique moleculaire, aussi bien pour le calcul demoyennes statistiques que pour le calcul d’evolutions particulieres.

Remarque 3.19. On peut le voir ci-dessus, le travail devient plus facile quandla temperature est plus elevee, car alors le systeme visite spontanement plusde puits de potentiel (les barrieres energetiques sont moins hautes, cf. l’ex-ponentielle). Beaucoup de techniques d’acceleration, complementaires de laprecedente ou alternatives directes, consistent donc a chauffer artificiellementle systeme, simuler alors son evolution, et en deduire (c’est la phase la plus“acrobatique”) ce que cette evolution aurait ete a la bonne temperature. Onpeut aussi, par exemple, utiliser des techniques stochastiques pour s’echapperdes cuvettes de minima plus facilement.

A

B

C

Fig. 3.3. Une trajectoire de dynamique moleculaire reste longtemps dans le puitsA, avant de passer rapidement, via le point-selle C, vers le puits B.

Page 130: Systèmes multi-échelles : Modélisation et simulation (Mathématiques et Applications)

118 3 Simulation moleculaire

3.3 Modelisation de la phase liquide

La plupart des reactions chimiques, et en particulier la quasi-totalite de cellesintervenant en biologie, se deroulent en phase liquide et de nombreuses preuvesexperimentales confirment que les effets de solvant jouent un role crucial dansces processus. Il est donc fondamental en vue des applications de parvenir amodeliser le comportement de la phase liquide a l’echelle moleculaire. Pourmodeliser une molecule solvatee dans un cadre quantique, la premiere ideeconsiste a effectuer un calcul sur une supermolecule, c’est-a-dire sur un systememoleculaire forme de la molecule de solute et des quelques molecules de sol-vant qui l’entourent (Fig. 3.4). Mais cette methode atteint vite ses limitescar la presence d’interactions a grande distance fait qu’il est necessaire deconsiderer un grand nombre de molecules de solvant pour obtenir un resultatrealiste, ce qui fait rapidement exploser les temps de calcul. Il faut donc trou-ver un autre traitement numerique, plus adapte. Il s’agira d’une strategie trai-tant differemment les deux echelles presentes dans le probleme : d’une partl’echelle microscopique constituee par la molecule solvatee simulee au niveauquantique, et d’autre part l’echelle macroscopique, constituee par le solvants’etendant a l’infini (ce mot s’entend par rapport a la molecule solvatee) si-mulee par les lois de l’electrostatique du continuum.

Remarque 3.20. En fait, le modele de la supermolecule est surtout couteuxquand la molecule solvatee a etudier est petite, car, proportionnellement,tout le temps de calcul est alors consomme sur les molecules du solvant.En revanche, quand la molecule solvatee est elle-meme enorme (penser a unemolecule biologique, type ADN, composee de dizaines de milliers d’atomes), lenombre de molecules de solvant dont on doit l’entourer pour simuler la solva-tation n’est pas proportionnellement si grand. Dans une telle situation (encorerarissime aujourd’hui car elle demande des capacites de calcul phenomenales),le modele de la supermolecule devient competitif.

Pour simplifier, nous considerons le seul calcul de l’etat fondamental de lamolecule, et ce dans le cadre de l’approximation Hartree-Fock. Le problemeque nous souhaitons attaquer est donc la resolution (theorique et pratique) duprobleme (3.25) quand le systeme moleculaire est immerge dans un solvant.

Tout ce que nous allons faire peut etre adapte aux situations plus difficilespresentees dans les sections precedentes pour un systeme isole. Par exempleon peut tres bien faire de la dynamique adiabatique au sein du solvant, et lestechniques qui seront alors utiles sont des excroissances de celle qui va etrepresentee.

3.3.1 Le modele de continuum

Les methodes de continuum fournissent une alternative a la technique dela supermolecule. Elles consistent a considerer que l’ensemble des molecules

Page 131: Systèmes multi-échelles : Modélisation et simulation (Mathématiques et Applications)

3.3 Modelisation de la phase liquide 119

O

H

H

H

O

H

O

H

H

O

H

H

O

H

H

O

H

H

O

H

H

O

H

H

O

H

H

O

H

H

H

H

O

H

H

O

H

O

H

O

H

H

O

H

HO

H

H

H

H

O

O

H

H

H

O

H

O

H

H

O

H

H

O

H

H

H

O

H

O

H

H

O

H

H

O

H

H

O

H

H

O

H

H

C

Fig. 3.4. H2CO en solution aqueuse : modele de la supermolecule.

de solvant peut etre modelise par un continuum dielectrique qui agit surla molecule de solute en modifiant les interactions electrostatiques entre lescharges qu’elle porte (charges ponctuelles en dynamique moleculaire, noyauxet electrons en chimie quantique). Deux modeles, a deux echelles differentes,sont donc conjointement geres.

Dans le modele du continuum standard, la molecule de solute est ainsiplacee dans une cavite Ω representant le “volume” qu’elle occupe, le reste del’espace etant constitue d’un milieu dielectrique lineaire, homogene et isotropede constante dielectrique egale a la constante dielectrique macroscopique dusolvant (qui vaut par exemple 78.6 pour l’eau a temperature ambiante). Onverra un exemple sur la Figure 3.5.

La presence du continuum polarisable modifie l’interaction entre les dis-tributions de charge portees par la molecule de solute et donc sa geometrieet ses proprietes. En effet, dans le vide, l’energie d’interaction entre deuxdistributions de charge ρ1 et ρ2 est donnee par

E(ρ1, ρ2) =

IR3

ρ1V2 =

IR3

ρ2V1 =1

IR3

∇V1 · ∇V2

avec−∆Vk = 4πρk.

En presence du continuum dielectrique, cette energie s’ecrit

Es(ρ1, ρ2) =

IR3

ρ1Vs2 =

IR3

ρ2Vs1 =

1

IR3

∇V s1 · ∇V s

2 ,

Page 132: Systèmes multi-échelles : Modélisation et simulation (Mathématiques et Applications)

120 3 Simulation moleculaire

ε= sε

C

H

H

O

ε =1

Fig. 3.5. H2CO en solution aqueuse : modele du continuum. On definit une ca-vite occupee par H2CO dans laquelle les molecules de solvant ne penetrent pas.Eventuellement, la surface de cette cavite est regularisee ensuite.

avec cette fois les potentiels V si definis par

−div (ǫ∇V sk ) = 4πρk,

le champ scalaire ǫ etant defini par

ǫ(x) =

1 si x ∈ Ω,ǫs si x ∈ IR3 \ Ω.

Il est utile de decomposer le potentiel V s solution de l’equation

−div (ǫ(x)∇V s(x)) = 4πρ(x), (3.53)

en la somme

– du potentiel electrostatique

φ := ρ ⋆1

|x|

qu’engendrerait la distribution de charge ρ dans le vide,– et du potentiel de reaction

V r := V s − φ. (3.54)

L’interet de cette decomposition reside en ce que le potentiel V r sera ex-primable en fonction de la solution d’une equation (dite integrale, voir (3.61)et (3.63) ci-dessous) plus facile a resoudre.

Page 133: Systèmes multi-échelles : Modélisation et simulation (Mathématiques et Applications)

3.3 Modelisation de la phase liquide 121

En simulation moleculaire, on rencontre exclusivement les cas suivants :(a) ρ est une masse de Dirac interieure a la cavite, (b) ρ est une fonction deL1(IR3)∩L∞(IR3), (c) ρ est une combinaison lineaire finie de distributions decharges de type (a) ou (b). L’equation −∆φ = 4πρ n’a evidemment pas unesolution unique dans D′(IR3) : φ est definie a une fonction harmonique pres.La solution “physique” que l’on retient est l’unique solution qui s’annule al’infini : elle est donnee par le produit de convolution φ = ρ ⋆ 1

|x| qui a en

particulier un sens dans D′(IR3) des que ρ est a support compact ou dansL1(IR3), ce qui couvre tous les cas intervenant en simulation moleculaire. Onadmettra de meme qu’il existe un bon cadre fonctionnel tel que l’on puissedefinir de maniere unique V r et V s.

En notant G(x, y) = 1|x−y| le noyau de Green de l’operateur − 1

4π ∆,

Gs(x, y) le noyau de Green de l’operateur − 14π div (ǫ∇·) avec ǫ(x) = 1 ou

ǫ(x) = ǫs selon que x est interieur ou non a la cavite Ω, et Gr(x, y) :=Gs(x, y) − G(x, y), on a formellement les relations

V s(x) =

IR3

Gs(x, y) ρ(y) dy,

φ(x) =

IR3

G(x, y) ρ(y) dy,

V r(x) =

IR3

Gr(x, y) ρ(y) dy.

On peut decomposer l’energie Es(ρ1, ρ2) d’interaction entre les charges ρ1

et ρ2 en presence de solvant en la somme

Es(ρ1, ρ2) = D(ρ1, ρ2) + Er(ρ1, ρ2) (3.55)

ou

D(ρ1, ρ2) :=

IR3

IR3

ρ1(x)ρ2(y)

|x − y| dx dy

designe l’energie d’interaction dans le vide et ou

Er(ρ1, ρ2) :=

IR3

ρ1Vr2 =

IR3

ρ2Vr1 =

IR3

IR3

ρ1(x)Gr(x, y) ρ2(y) dx dy

traduit l’energie de ρ1 dans le potentiel de reaction engendre par ρ2, ou viceversa. Pour coupler un modele moleculaire a un modele de continuum, il fautremplacer dans les termes d’origine electrostatique de l’energie totale de lamolecule dans le vide, le noyau de Green G(x, y) = 1

|x−y| par le noyau de

Green Gs(x, y). Cela traduit la modification de l’interaction electrostatiqueentre les distributions de charge correspondant a deux particules differentes.Il faut en outre tenir compte de l’influence du potentiel de reaction cree parune particule representee par la distribution de charge ρ sur cette particuleelle-meme, en ajoutant a l’energie le terme

Page 134: Systèmes multi-échelles : Modélisation et simulation (Mathématiques et Applications)

122 3 Simulation moleculaire

1

2Er(ρ, ρ) =

1

2

IR3

IR3

ρ(x)Gr(x, y) ρ(y) dx dy.

3.3.2 Resolution numerique des modeles de continuum

Pour realiser le couplage entre un modele de continuum et un modele quan-tique ab initio, il suffit d’etre a meme de calculer des quantites de la forme

Er(ρ, ρ′) =

IR3

ρ′V r (3.56)

avec V r = V s − φ et φ = ρ ⋆ 1|x| , V s designant l’unique solution tendant vers

zero a l’infini de l’equation (3.53).

En effet, on remarque par exemple dans la fonctionnelle d’energie deHartree-Fock (3.24) qu’on y trouve deux types de termes : le terme d’energiecinetique qui se calculera de la meme maniere que dans le vide puisqu’il n’estpas directement concerne par la presence du solvant ; et les autres termes quipeuvent tous se mettre sous la forme (3.55) et dont la determination se ramenedonc a celle d’un terme de type (3.56).

Le probleme du calcul du potentiel de reaction V r presente les ca-racteristiques suivantes : il est pose sur IR3, il comporte une interface, etde part et d’autre de l’interface, l’equation aux derivees partielles (3.53) estlineaire et l’operateur est a coefficients constants. Ces trois caracteristiquesfont qu’il est naturel d’envisager une solution par methode integrale : onramene ainsi ce probleme tridimensionnel pose sur un non-borne (ici IR3) aun probleme bidimensionnel pose sur un borne (ici l’interface Γ = ∂Ω).

Exercice 3.21. Ecrire explicitement les equations de Hartree-Fock en presen-ce du solvant.

3.3.3 Notions sur les methodes integrales

Nous enoncons sans demonstration quelques resultats de base sur les equationsintegrales. Pour plus de details, le lecteur pourra consulter les references.

Aspects theoriques

Considerons en toute generalite une fonction V verifiant⎧⎨⎩

−∆V = 0 dans Ω−∆V = 0 dans IR3 \ Ω,V −→ 0 a l’infini,

et dont les traces interieures Vi,∂V∂n

∣∣i

et exterieures Ve , ∂V∂n

∣∣e

sur Γ = ∂Ωsont definies et continues. En notant

Page 135: Systèmes multi-échelles : Modélisation et simulation (Mathématiques et Applications)

3.3 Modelisation de la phase liquide 123

[V ] := Vi − Ve et

[∂V

∂n

]:=

∂V

∂n

∣∣∣∣i

− ∂V

∂n

∣∣∣∣e

,

on peut ecrire les formules de representation suivantes : la fonction V verifiepour tout x /∈ Γ ,

V (x) =

Γ

1

4π|x − y|

[∂V

∂n

](y) dy −

Γ

∂ny

(1

4π|x − y|

)[V ](y) dy (3.57)

et pour tout x ∈ Γ ,

Vi(x) + Ve(x)

2=

Γ

1

4π|x − y|

[∂V

∂n

](y) dy −

Γ

∂ny

(1

4π|x − y|

)[V ](y) dy.

(3.58)Pour x ∈ Γ , on a en outre formellement

1

2

(∂V

∂n

∣∣∣∣i

+∂V

∂n

∣∣∣∣e

)(x) =

Γ

∂nx

(1

4π|x − y|

)[∂V

∂n

](y) dy

−∫

Γ

∂2

∂nx∂ny

(1

4π|x − y|

)[V ](y) dy. (3.59)

Revenons maintenant a notre cas precis. Nous cherchons a calculer l’energie

Er(ρ, ρ′) =

IR3

ρ′V r,

le potentiel de reaction V r engendre par ρ etant defini par

V r := V s − φ, −div (ǫ(x)∇V s(x)) = 4πρ(x), −∆φ = 4πρ, (3.60)

avec ǫ(x) = 1 dans la cavite Ω et ǫ(x) = ǫs dans le domaine exterieur IR3 \ Ω.On verifie que V r est de classe C2 dans Ω et dans IR3 \ Ω, et qu’il satisfait(etant donne que la fonction ρ est nulle en dehors de la cavite)

⎧⎪⎪⎨⎪⎪⎩

−∆V r = 0 dans Ω−∆V r = 0 dans IR3 \ Ω[V r] = 0 sur ΓV r → 0 a l’infini.

Les formules de representation (3.57)-(3.58) permettent donc d’ecrire lepotentiel de reaction V r sous la forme d’un potentiel dit de simple couche

V r(x) =

Γ

σ(y)

|x − y| dy, ∀x ∈ IR3, (3.61)

avec σ =1

[∂V r

∂n

]∈ H−1/2(Γ ) (noter qu’on a utilise la continuite de V r

pour regrouper les deux formules (3.57)-(3.58) en une seule). Determiner V r

revient donc a determiner σ.

Page 136: Systèmes multi-échelles : Modélisation et simulation (Mathématiques et Applications)

124 3 Simulation moleculaire

Pour obtenir σ, il suffit d’ecrire la formule de representation (3.59)

1

2

[∂V r

∂n

∣∣∣∣i

+∂V r

∂n

∣∣∣∣e

]= D∗ · σ

ou

(D∗ · σ)(x) =

Γ

∂nx

(1

|x − y|

)σ(y) dy, (3.62)

et la condition de saut a l’interface issue de (3.60)

0 =∂V s

∂n

∣∣∣∣i

− ǫs∂V s

∂n

∣∣∣∣e

=∂V r

∂n

∣∣∣∣i

− ǫ∂V r

∂n

∣∣∣∣e

+ (1 − ǫ)∂φ

∂n,

ce qui conduit immediatement a ecrire que σ est solution de l’equationintegrale (

2πǫs + 1

ǫs − 1− D∗

)· σ =

∂φ

∂n. (3.63)

Voyons comment mettre en oeuvre la resolution numerique de cetteequation.

Aspects numeriques

Pour resoudre numeriquement une equation integrale comme (3.63), onutilise ici une methode de Galerkin, sur une base d’elements finis surfaciques.

On raisonne sur une equation integrale lineaire qui s’ecrit formellement

A · σ = g, (3.64)

ou l’inconnue σ est dans Hs(Γ ) et le second membre g dans Hs′

(Γ ), etou l’operateur integral A ∈ L(Hs(Γ ),Hs′

(Γ )) est caracterise par le noyaua(x, y) :

(A · σ)(x) =

Γ

a(x, y)σ(y) dy, ∀x ∈ Γ.

Ce cas couvre celui de (3.63). Considerons un maillage (Ti)1≤i≤n de Γque nous supposons dans un premier temps effectivement trace sur la surfacecourbe Γ (on n’utilise pas d’approximation de la surface Γ ) et designonspar xi un point representatif de l’element Ti (typiquement son “centre”). Laresolution de (3.64) par methode de Galerkin avec element fini P0 fournitune approximation de σ dans l’espace V des fonctions constantes sur chaqueelement Ti du maillage. On cherche σ ∈ V verifiant

∀τ ∈ V, 〈A · σ, τ〉Γ = 〈g, τ〉Γ .

Page 137: Systèmes multi-échelles : Modélisation et simulation (Mathématiques et Applications)

3.3 Modelisation de la phase liquide 125

ce qui conduit a l’equation matricielle,

[A] · [σ] = [g]

avec

[A]ij =

Tj

Tj

a(x, y) dx dy, [g]i =

Ti

g,

[σ]i designant la valeur de σ sur Ti sous l’approximation de Galerkin P0.

Remarque 3.22. La matrice A correspond typiquement a la discretisationd’operateurs de convolution comme celui de la formule (3.62). Du point de vuealgebrique, il s’agit donc d’une matrice, certes de petite taille (car un maillagede surface est beaucoup plus petit qu’un maillage de volume !), mais pleine (i.e.avec beaucoup de coefficients non nuls). La situation algebrique est donc radi-calement differente de celle rencontree pour un systeme lineaire type issu d’unediscretisation elements finis “habituelle”. La matrice y est alors de grandetaille, mais souvent creuse et meme du type “bande”, car elle correspond a ladiscretisation d’un operateur differentiel, donc local (generalement un lapla-cien). Les techniques optimales de stockage de la matrice et de resolution dusysteme lineaire ne sont donc pas les memes dans les deux cas. En particulier,les methodes directes pour resoudre les systemes lineaires sont plus volontierscompetitives dans le cas de petites matrices pleines.

Remarque 3.23. Du point de vue pratique, signalons un point important. Lessurfaces moleculaires utilisees en pratique en simulation moleculaire sontformees de morceaux de spheres et de tores raccordes et on peut envisagerde mailler directement ces surfaces moleculaires dont on connaıt des expres-sions analytiques simples dans des cartes locales. On peut alors mener a bienun calcul d’elements finis surfaciques directement sur la surface Γ . C’est ceque nous avons decrit ci-dessus. Cependant, il est possible d’avoir recoursalternativement a une approximation polyedrique de la surface, notammentdans le but d’accelerer les calculs (pour d’autres types de surface, ce recoursest meme indispensable). On utilise souvent alors l’approximation polyedriqueΓ de l’interface Γ obtenue en considerant comme plans les elements Ti consti-tuant le maillage (Fig. 3.6). L’approximation de la surface Γ par une surfacepolyedrique Γ introduit une erreur pour laquelle on dispose d’une estimationdonnee par l’analyse numerique de la methode.

Connaissant σ a ce stade, il suffit maintenant pour calculer Er(ρ, ρ′), deremarquer que

Er(ρ, ρ′) =

IR3

ρ′V r

=

IR3

ρ′(x)

(∫

Γ

σ(y)

|x − y| dy

)dx

Page 138: Systèmes multi-échelles : Modélisation et simulation (Mathématiques et Applications)

126 3 Simulation moleculaire

Points de la surfacemoléculaire

Points de Gauss sur T

Surface moléculaire

Triangle plan T Triangle courbei

i

Fig. 3.6. Approximation polyedrique d’une surface moleculaire.

=

Γ

σ(y)

(∫

IR3

ρ′(x)

|x − y| dx

)dy

=

Γ

σφ′ (3.65)

avec φ′ = ρ′ ⋆ 1|x| .

Sur un plan numerique, le calcul de Er(ρ, ρ′) s’effectue donc selon lesmodalites decrites en cinq etapes :

1. maillage de Γ avec approximation polyedrique (on se place dans ce cas)par des triangles (ou/et des quadrilateres) ;

2. assemblage de la matrice

[A]ij =

[2π

ǫs + 1

ǫs − 1− D∗

]

ij

= 2πǫs + 1

ǫs − 1aire(Ti)aire(Tj) −

Tj

(∫

Ti

∂nx

(1

|x − y|

)dx

)dy

par integration analytique sur Ti et integration par points de Gauss surTj ;

3. assemblage du second membre

[g]i =

Ti

∂φ

∂n

par integration par points de Gauss ;

4. resolution du systeme lineaire [A] · [σ] = [g] ;

5. evaluation de Er(ρ, ρ′) par la formule approchee

Er(ρ, ρ′) ≃n∑

i=1

σi

Ti

φ′,

Page 139: Systèmes multi-échelles : Modélisation et simulation (Mathématiques et Applications)

3.4 Bibliographie 127

les integrales

Ti

etant calculees par points de Gauss.

3.4 Bibliographie

Pour la description plus fine des modeles de simulation moleculaire, nousconseillons la lecture des livres A. Szabo et NS. Ostlund [79], WJ. Hehre,et al. [44], RM. Dreizler et EKU. Gross [30]. Pour les algorithmes de simu-lation pour la dynamique moleculaire, on peut se reporter specifiquement aD. Frenkel et B. Smit [36], T. Schlick [72], P. Deuflhard et al. [31], le der-nier decrivant des methodes et des applications plus avancees. Un survol dequelques methodes d’acceleration de la dynamique moleculaire est presentedans A. Voter [83].

L’analyse numerique pour les methodes d’integration pourra se lire dansM. Crouzeix & A. L. Mignot [26], J.M. Sanz-Serna & M. P. Calvo [71], E.Hairer, C. Lubich, & G.Wanner [43]. Les modeles pour la phase liquide etleur couplage avec les modeles quantiques sont exposes dans M.P. Allen etD.J. Tildesley [5], B.Y. Simkin et II. Sheikhet [76].

La theorie et la pratique numerique des equations integrales fait l’ob-jet d’une importante litterature, dont par exemple B. Lucquin et O. Piron-neau [54].

Sur l’integralite des sujets abordes dans ce chapitre, on pourra se reportersoit au cours E. Cances, C. Le Bris, Y. Maday [20], soit au volume C. LeBris [52], et en particulier a la contribution [21].

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4

Modeles micro-macro pour les fluides

Nous abordons dans ce chapitre un autre genre de probleme multiechelle. Ils’agit de la modelisation des fluides polymeriques. Ces fluides sont des solu-tions diluees de polymeres (penser a de la colle a papier-peint,...) dont lesproprietes mecaniques a l’echelle macroscopique dependent crucialement dela microstructure du fluide a l’echelle microscopique. Pour de tels fluides, ilest tres difficile de faire une modelisation purement macroscopique, et il fautgerer une modelisation conjointe aux deux echelles. La simulation qui s’ensuitest dans l’esprit de celle du Chapitre 1, mais il s’agit cette fois de problemesdependant du temps (les problemes stationnaires dans ce cadre n’ont guerede sens), et de fluides au lieu de solides.

4.1 Elements de mecanique des fluides incompressibles

Nous commencons par quelques elements de base sur la modelisation desfluides incompressibles en termes de mecanique des milieux continus, et surleur simulation numerique. Cela nous permettra de souligner ensuite lesdifferences avec les modelisations micro-macro que nous developperons.

Considerons un fluide visqueux de masse volumique ρ et de vitesse u,soumis a une densite volumique de forces exterieures f . Soit T le tenseur descontraintes.

L’equation de conservation de la masse pour ce fluide s’ecrit

∂ρ

∂t+ div (ρu) = 0. (4.1)

Quant a la conservation de la quantite de mouvement, elle s’ecrit

∂(ρu)

∂t+ div (ρu ⊗ u) − divT = ρf (4.2)

Pour un fluide visqueux, le tenseur des contraintes s’exprime comme

Page 142: Systèmes multi-échelles : Modélisation et simulation (Mathématiques et Applications)

130 4 Modeles micro-macro pour les fluides

T = −p Id + τ, (4.3)

ou p est la pression et τ le tenseur des contraintes visqueuses. Pour fermer cesequations, il nous faut une relation constitutive liant le tenseur des contraintesvisqueuses τ et le champ de vitesse u, c’est-a-dire une relation

τ = τ(u, ρ, ...). (4.4)

Remarque 4.1. Bien noter que cette relation est symbolique, dans la mesureou elle peut aussi faire figurer des derivees en temps et en espace des quantitesimpliquees τ , u, ρ, ...

Sous les hypotheses que τ est une fonction lineaire de u, que τ est inva-riant par changement de referentiel galileen, et que le fluide a des proprietesphysiques isotropes, on peut affirmer que la forme de la relation liant τ et uest necessairement

τ = λ (divu) Id + 2µd (4.5)

ou λ et µ sont deux coefficients reels (dits les coefficients de Lame), en toutegeneralite fonctions de ρ et de la temperature, et ou d est le tenseur desdeformations linearise

d =1

2(∇u +t ∇u). (4.6)

Sous de telles hypotheses, on parle de fluide newtonien. La theorie cinetique

des gaz permet de plus de montrer que λ = −2

3µ, et il est courant de prendre

ces coefficients constants.

L’ensemble des equations (4.1)-(4.2)-(4.3)-(4.5)-(4.6) permet alors de decri-re le mouvement du fluide. Quand on prend en compte les phenomenes liesa la temperature, il faut adjoindre a ces equations une equation d’evolutionde l’energie et une equation d’etat reliant la pression p, la masse volumiqueρ et la temperature T . Ici, nous ferons abstraction de tels phenomenes. Lesequations (4.1)-(4.2)-(4.3)-(4.5)-(4.6) suffisent alors, car la determination dela pression se fera via l’hypothese supplementaire d’incompressibilite que nousdetaillons maintenant.

Supposons alors de plus que le fluide est incompressible,i.e.

divu = 0 (4.7)

et de masse volumique constante (on parle de fluide homogene)

ρ = ρ0 = 1 (pour fixer les idees).

La conservation du mouvement se recrit alors

∂u

∂t+ (u · ∇)u − µ∆u + ∇p = f, (4.8)

Page 143: Systèmes multi-échelles : Modélisation et simulation (Mathématiques et Applications)

4.1 Elements de mecanique des fluides incompressibles 131

equation qui, assortie de la condition divu = 0, forme ce que le lecteur re-connaıt comme l’equation de Navier-Stokes des fluides newtoniens visqueuxincompressibles homogenes.

Cependant, pour un fluide (visqueux incompressible et homogene) quin’obeirait pas aux hypotheses simplificatrices menant a (4.5), il faudrait uti-liser le systeme

∂u

∂t+ (u · ∇)u − µ∆u + ∇p − div τp = f

divu = 0(4.9)

ou le tenseur des contraintes visqueuses τ a ete decompose selon

τ = τn + τp (4.10)

avec τn sa partie newtonienne (c’est-a-dire s’exprimant par (4.5)) et τp

(p comme polymere) qui figure la partie du tenseur des contraintes τ quin’obeirait pas a la simple modelisation newtonienne, et qui pourrait fairel’objet d’une relation non standard du type (4.4). C’est un tel fluide que nousallons etudier desormais.

Pour un tel fluide, il existe des modelisations purement macroscopiques,c’est-a-dire des modelisations basees uniquement sur la mecanique des mi-lieux continus (meme si la derivation de tels modelisations peut en fait faireintervenir des notions autres, il ne reste in fine qu’un modele en termes demecanique du continuum).

L’idee est d’ecrire une equation sur l’evolution de la partie non newtonien-ne τp du tenseur des contraintes, et/ou sur la relation entre τp et les autresgrandeurs caracterisant la dynamique du fluide comme ∇u ou le tenseur desdeformations d. Cette equation s’ecrit par exemple

Dτp

Dt= F (τp,∇u), (4.11)

ou on a noteDτ

Dtla derivee convective du tenseur τ , a savoir

Dt=

∂τ

∂t+ (u · ∇) τ.

Quand on choisit une relation du type (4.11) pour exprimer τp, on dit qu’onadopte un modele differentiel pour le fluide non newtonien. Un exemple derelation (4.11) est l’equation (4.37) dite de Oldroyd B, evoquee a l’Exercice 4.8,ainsi qu’a la Remarque 4.5.

Une autre option consiste a choisir un modele dit modele integral

τp(t, x) =

∫ t

−∞

m(t − t′)St′dt′, (4.12)

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132 4 Modeles micro-macro pour les fluides

ou la quantite St′ designe une quantite dependant de ∇u, et ou l’integrale estprise le long d’une ligne de courant passant par x.

Que ce soit sur l’une ou l’autre des formes (4.11) et (4.12), on constateque le point crucial est que le tenseur des contraintes τp(t, x) ne depend passeulement de la deformation au point x et au temps t, comme dans une for-mule du type (4.5), mais depend de l’histoire de la deformation en tous lespoints de la ligne de courant amenant a x pour les instants anterieurs t′. C’estparticulierement explicite sur la forme (4.12), mais ceci se lit aussi sur (4.11).

En pratique, le systeme global qu’on devra simuler est

⎧⎪⎪⎪⎨⎪⎪⎪⎩

∂u

∂t+ (u · ∇)u − µ∆u + ∇p − div τp = f,

divu = 0Dτp

Dt= F (τp,∇u),

(4.13)

Un tel systeme est appele probleme a trois champs : la vitesse u, la pression p,la contrainte τp. Il est donc significativement plus complique a resoudre quele “simple” probleme newtonien (4.9) avec τp = 0, ou figurent seulement deuxchamps a determiner, la vitesse et la pression (le tenseur des contraintes s’endeduit).

Sa simulation numerique peut s’averer tres lourde. Cependant, le prin-cipal souci avec ce type de systemes est une difficulte essentielle liee a lamodelisation : il faut etablir une relation du type (4.11) ou (4.12) a partir dela connaissance (partielle souvent) des proprietes physiques du fluide. Pour denombreux fluides, on ne sait pas trouver une bonne loi.

Il est donc utile de disposer d’une approche alternative, basee directementsur le niveau microscopique. Cette approche permettra d’aborder des cas ouon ne connaıt pas necessairement bien le comportement macroscopique dufluide. Plus precisement, une telle approche permettra d’eviter de faire deshypotheses simplificatrices superflues dans le but de vouloir a tout prix ob-tenir une relation du type (4.11) ou (4.12). De telles hypotheses, appeleeshypotheses de cloture, sont en effet particulierement dangereuses dans les casmal connus, car on ne sait pas bien mesurer leur impact sur la qualite de lasimulation finale. Mieux vaut donc s’en affranchir, et decider de se concentrersur l’echelle microscopique en faisant directement passer son information auniveau macroscopique, sans passer par le biais simplificateur d’une relationdu type (4.11) ou (4.12)

Malheureusement, une telle approche a aussi un prix : la lourdeur descalculs, et c’est pourquoi dans les simulations numeriques actuelles, on uti-lise alternativement les systemes du type (4.13) ou les systemes micro-macroque nous allons voir. D’un point de vue industriel, les systemes (4.13) sontclairement plus employes (et d’ailleurs la litterature qui est consacree a detels modeles est enorme), mais les systemes micro-macro ont sans doute plus

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4.2 Modelisation micro-macro des fluides polymeriques 133

d’avenir. Une autre observation qui plaide pour investir dans l’approche micro-macro est qu’elle constitue aussi un moyen de tester et deriver des approxima-tions (4.11) ou (4.12) sur des cas d’ecoulements simples (mais pour des fluidesayant une physique complexe), approximations qui seront ensuite injecteesdans des systemes (4.13) avec lesquels on simulera le cas reel.

4.2 Modelisation micro-macro des fluides polymeriques

La modelisation micro-macro consiste a utiliser une expression explicite dutenseur τp en chaque point et a chaque instant en fonction de la dynamiquemicroscopique des microstructures qui composent le fluide. Dans le cas quenous allons considerer dans ce chapitre, le fluide est un fluide polymerique(en fait, nous le verrons, une solution infiniment diluee de polymeres) et cesmicrostructures sont donc des chaınes polymeriques. Mais bien d’autres casde microstructures sont possibles : des cristaux liquides, des flocons dans laneige, des agregats mesoscopiques dans de la boue, des granulats dans dubeton, etc...

Avant d’aller plus loin dans la modelisation, il est utile, pour comprendrele contexte et saisir les objectifs et defis de la simulation numerique, de direquelques mots des proprietes mecaniques generales des fluides polymeriques.

Un polymere est, par definition, une molecule formee par la repetitiond’un grand nombre de motifs chimiques, appeles monomeres, lies entre euxde maniere covalente (c’est-a-dire qu’ils partagent entre eux des electrons).S’il y a plusieurs motifs de base, on parle de copolymeres. Les polymeres sonta la base d’une foule de materiaux naturels (le caoutchouc naturel, le bois, lecuir,...) ou transformes (le caoutchouc vulcanise, la laine, les carburants,...).Ils peuvent se classer par leur degre de polymerisation, c’est-a-dire le nombreN de monomeres constituant le polymere : N = 1 a 4 pour les gaz, N = 5a 15 pour les carburants, N = 25 pour les solides cassants comme la bou-gie, N > 2000 pour les films plastiques. Lorsque N croıt, la temperaturede fusion augmente et les proprietes polymeriques s’affirment : elles com-mencent pour N = 100 et deviennent veritables pour N = 1000. Dans tousles cas, liquides ou solides, ce sont les longues chaınes qui donnent au materiauses proprietes mecaniques specifiques, franchement differentes des proprietesmecaniques d’un materiau constitue de molecules isolees. Ainsi, la longueurdes chaınes empeche le materiau de s’ordonner parfaitement lors de la solidi-fication, d’ou une souplesse des materiaux solides polymeriques a cause deszones restees desordonnees (penser a un pneu) ; de meme, les longues chaınesconferent aux polymeres liquides une viscosite de 6 a 8 ordres de grandeursuperieure a d’autres liquides (penser a de l’huile de vidange).

Pour les polymeres en solution liquide, on aura le cas des bons solvantsdans lesquels les polymeres se gonflent (une peinture dans un dissolvant), et

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134 4 Modeles micro-macro pour les fluides

celui des mauvais solvants dans lesquels les polymeres se recroquevillent (unepeinture dans de l’eau).

Differents cas se presentent aussi du point de vue de la concentrationde la solution. La solution peut etre peu concentree, et plus precisement, cequi est le cas particulier que nous considererons dans toute la suite, infini-ment diluee, ce qui signifie que les chaınes polymeriques qui “flottent” dansle solvant n’interagissent pas les unes avec les autres car elles sont loin lesunes des autres. Ceci est clairement une restriction, une immense majoritedes fluides polymeriques “interessants” etant ce qu’on appelle des polymeresfondus, ou la densite de polymeres est beaucoup plus importante. Dans cecas, la solution est suffisamment concentree pour que les differentes chaıness’interpenetrent. Les polymeres fondus se comportent comme un plat de spa-ghettis entrelaces et la dynamique du fluide est alors franchement differentedu cas que nous allons regarder ici. La modelisation d’une telle dynamiqueest basee sur le concept de reptation introduit par De Gennes : une chaınepolymerique rampe dans le tube forme par les chaınes qui l’entourent. Dansle cas des polymeres concentres, des modeles purement macroscopiques et desmodeles micro-macro existent aussi. Il sont bases sur une physique un peudifferente et certainement plus complexe, mais vont comporter des difficultessimilaires pour la simulation numerique. Il est donc legitime de traiter dansce cours introductif des solutions infiniment diluees.

Dans le cas des solutions concentrees, on peut alors eventuellement creerdes liaisons (des ponts) entre les chaınes : on parle de polymeres reticules. Si letaux de reticulation est suffisant, il se forme alors un veritable reseau qui a uneresistance mecanique et se comporte comme un solide. Le solvant exerce unepression sur le reseau, le maintenant en l’etat, et reciproquement, le reseauemprisonne le solvant, l’empechant de couler. Ainsi, un exemple de polymeremoderement reticule est l’elastomere du materiau caoutchouteux constitutifdes pneus (le solvant est le polymere lui-meme), et un exemple de polymeretres reticule est une resine, un plastique rigide. L’etude des materiaux caou-tchouteux des pneus peut aussi etre abordee par des methodes micro-macro, ala fois dans l’esprit de celles decrites dans ce chapitre et se rapprochant aussides methodes du Chapitre 1.

Focalisons-nous maintenant sur la modelisation micromacro d’une solutionpolymerique infiniment diluee.

En chaque point macroscopique x du fluide, on regarde donc avec une“loupe” (voir Figure 4.1), pour tenter d’evaluer la contribution τp au tenseurdes contraintes qu’apporte la presence de chaınes polymeriques qui s’agitentdans le fluide.

Chimiquement, une chaıne polymerique est, on l’a dit, une longue chaıne,comme par exemple le polyethylene (CH3) − (CH2)n − (CH3). Pour nous,une chaıne polymerique est modelisee comme un objet de la Figure 4.2. Onla voit donc comme un objet purement mecanique. On oublie ici les subtilitesliees a sa structure electronique, a sa modelisation quantique, etc... toutes

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4.2 Modelisation micro-macro des fluides polymeriques 135

subtilites qui ne peuvent raisonnablement pas etre prises en compte dansla simulation macroscopique pour des raisons evidentes de cout calcul, etdont il n’est d’ailleurs pas evident qu’elles aient reellement un impact sur lesphenomenes qu’on regarde dans ce chapitre.

Fig. 4.1. En chaque point de la trajectoire d’une particule fluide se trouve unecollection de chaınes polymeriques

u1

u 2

r

θ,φ

Fig. 4.2. Une chaıne polymerique : les uj sont les vecteur de liaisons entre lesdifferents “atomes”, chacun a un couple d’angles (θi, ϕi), et fait une longueur a ; levecteur bout-a-bout est r.

La configuration d’une chaıne est donc donnee par une collection de posi-tions des “atomes” qui la composent, ou alternativement par une collection delongueurs interatomiques et d’angles dans l’espace. Chaque “atome” est com-pose d’une vingtaine de monomeres, et donc de plusieurs centaines d’atomesau sens chimique du terme.

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136 4 Modeles micro-macro pour les fluides

Sous l’effet des forces mecaniques presentes dans le fluide, mais aussi sousl’effet de l’intense bombardement moleculaire auquel la chaıne est soumisede la part des molecules qui composent le solvant, la chaıne s’agite et sedeforme. Les angles entre liaisons changent, les liaisons s’allongent, et dansdes situations extremes, les chaınes peuvent meme se casser.

La contribution au tenseur des contraintes τp(t, x) est la resultante dela reaction de chaque chaıne a ces sollicitations, sommee sur le nombreconsiderable de chaınes polymeriques presentes au point macroscopique x.

Explicitons cela.

4.2.1 Le modele de la chaıne libre

Il n’est pas raisonnable de vouloir traiter explicitement la dynamique dechaque chaıne et d’ensuite sommer sur toutes les chaınes. Il vaut mieux rai-sonner en termes de physique statistique, c’est-a-dire choisir un representantde l’ensemble des chaınes, regarder son evolution, et effectuer une moyenne.Autrement dit, en chaque point x on introduit une densite de probabilite ψqui est definie sur l’espace

(l1, l2, ..., lN−1, θ1, ϕ1, ..., θN−1, ϕN−1)

des longueurs atomiques et angles de la chaıne type. Ainsi

ψ(l1, l2, ..., lN−1, θ1, ϕ1, ..., θN−1, ϕN−1) (4.14)

sera la probabilite que la chaıne ait pour longueur interatomique entre sesatomes 1 et 2 la longueur l1, etc... Nous allons alors ecrire une equationd’evolution sur cette probabilite ψ, equation qui tiendra compte de l’environ-nement de la chaıne. On exprimera alors la contribution au tenseur descontraintes comme la somme ponderee par ψ de la reponse de la chaıne danschacune de ses configurations. Mettons en oeuvre cela sur un cas simple.

On suppose desormais que la chaıne est un assemblage lineaire de N boules(ses atomes) reliees entre elles par des tiges sans masse (les liaisons). Signalonstout de suite que les boules pouvent aussi bien representer des “atomes” quedes groupes d’ ”atomes” (lesquels sont des groupes de monomeres), de sorteque le nombre N peut etre considerablement plus faible que le nombre reeld’atomes (au sens chimique) composant la chaıne polymerique. On prendraplus loin N = 2 pour simuler des chaınes de plusieurs milliers d’atomes.Le modele est bien sur phenomenologique. L’assemblage ainsi constitue estsuppose totalement libre, c’est a dire qu’il ne resiste pas aux rotations. Lalongueur des liaisons, elle, est supposee fixee definitivement a une valeur a, desorte que li = a pour tout i dans (4.14).

On introduit aussi le vecteur r (note exceptionnellement en gras danstoute la suite pour qu’on ne confonde pas vecteur et longueur) appele vecteur

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4.2 Modelisation micro-macro des fluides polymeriques 137

bout-a-bout (ou connecteur) et qui relie la premiere boule a la N -ieme (voirFigure 4.2). Ce vecteur peut s’ecrire comme la somme

r =N−1∑

i=1

aui (4.15)

ou le vecteur ui est le vecteur unitaire definissant la direction de la i-emeliaison.

En toute generalite (on extrait pour un instant la chaıne polymerique dusolvant ou elle se trouve, et on la regarde a l’equilibre), la probabilite que lai-eme liaison figure avec le couple d’angles d’Euler (θi, ϕi) est

ψi(θi, ϕi) =1

4πsin θi,

dans ce modele simple. Il suffit pour le voir de realiser qu’on a choisi au hasardun point sur la sphere unite avec la probabilite uniforme.

Comme chaque liaison est supposee orientee independamment de la prece-dente, la probabilite d’avoir la chaıne complete dans la configuration d’angles

(θ1, ϕ1, ..., θN−1, ϕN−1)

est le simple produit

ψ(θ1, ϕ1, ..., θN−1, ϕN−1) =

(1

)N−1 N−1∏

i=1

sin θi. (4.16)

Toute quantite B qui depend de l’etat de conformation de la chaıne pourraalors etre calculee par la moyenne

< B >=

∫B(θN−1, ϕN−1)ψ(θN−1, ϕN−1) dθN−1 dϕN−1 (4.17)

ou on a note θN−1 = (θ1, ..., θN−1), ϕN−1 = (ϕ1, ..., ϕN−1).

L’exercice suivant illustre l’utilisation de cette formule pour une grandeurB particuliere qui va jouer un role dans la suite.

Exercice 4.2. On veut evaluer la moyenne < r2 > du carre du module duvecteur bout-a-bout r. Utiliser la formule (4.17) pour montrer que

< r2 >= (N − 1)a2 (4.18)

ou, on le rappelle, a est la longueur de liaison entre deux boules consecutives.

Dans le but de simplifier le modele, on va alors se concentrer sur le vecteurbout-a-bout r. La probabilite qu’il ait precisement la valeur r est

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138 4 Modeles micro-macro pour les fluides

P (r) =

∫δ(r −

N−1∑

i=1

aui)ψ(θN−1, ϕN−1) dθN−1 dϕN−1, (4.19)

ou δ est la masse de Dirac et ui est le vecteur unitaire d’angles d’Euler (θi, ϕi).En introduisant alors la valeur de ψ donnee par (4.16), on peut montrer parun calcul simple mais un peu fastidieux qu’une bonne approximation de P ,pour N grand, est

P (r)N grand

≈(

3

2π(N − 1)a2

)3/2

e−3r2/2(N−1)a2

. (4.20)

C’est l’approximation que nous adoptons desormais de sorte que la distribu-tion du vecteur bout-a-bout est une loi gaussienne. L’exercice suivant permetde montrer qu’on n’a pas fait trop d’erreur par cette approximation.

Exercice 4.3. Calculer de nouveau la moyenne < r2 >, cette fois a l’aide dela probabilite (4.20). Comparer a (4.18).

L’idee est alors de purement et simplement se debarrasser de la descriptiondes N boules liees par N − 1 liaisons et de ne regarder que le vecteur bout-a-bout r pour definir la configuration de la chaıne polymerique (voir Figure 4.3).On parle alors de modele d’haltere, puisqu’il ne subsiste de la chaıne que deuxboules reliees par une tige.

4.2.2 Le modele d’halteres

Il nous faut maintenant donner une raideur a la tige r. Cette raideur traduirale fait que la chaıne polymerique a plus ou moins de configurations possiblesselon que |r| est grand ou petit. En effet, par exemple pour |r| = (N − 1)a, lachaıne est forcement completement tendue (tous les angles sont nuls), et doncil n’y a qu’une seule configuration de la chaıne a N boules qui correspond aune elongation r telle que |r| = (N − 1)a. En revanche pour |r| < (N − 1)a,plusieurs configurations bien differentes de la chaıne peuvent aboutir in fineau meme vecteur r. Evaluons cela.

Fig. 4.3. Une chaıne polymerique reelle d’une trentaine d’ ”atomes” et samodelisation phenomenologique sous forme d’haltere.

Page 151: Systèmes multi-échelles : Modélisation et simulation (Mathématiques et Applications)

4.2 Modelisation micro-macro des fluides polymeriques 139

La mecanique statistique enseigne que pour un systeme dont la distributionest definie par la loi (4.20), l’energie libre est donnee par

A(r) = A0 − kT lnP (r)

ou T designe la temperature, A0 une constante, et k la constante de Boltz-mann. Quand la configuration r de la chaıne est donc modifiee de dr, l’energielibre est modifiee de

dA = −kT d ln P (r)

=3kT

(N − 1)a2r · dr, (4.21)

d’apres la formule (4.20).Mais d’autre part, pour une modification de ce type a temperature

constante, la modification d’energie libre est reliee a la tension F de la chaınepar

dA = F (r) · dr. (4.22)

En comparant (4.21) et (4.22), on trouve donc l’expression de la valeur de latension

F (r) =3kT

(N − 1)a2r. (4.23)

La force de rappel est l’oppose de cette tension. Tout se passe donc comme si

on avait a faire a deux boules reliees par un ressort r de raideur K =3kT

(N − 1)a2.

Il s’agit cependant de bien comprendre que la raideur de ce ressort n’est pasla consequence de forces de rappel de nature interatomique qui rappelleraientun atome pres d’un autre. C’est une raideur de nature entropique, due au faitqu’une chaıne allongee explore moins de configurations qu’une chaıne repliee,et donc que l’agitation tient a raccourcir une chaıne allongee, pour augmenterl’entropie du systeme.

Bref, quoi qu’il en soit, la chaıne polymerique de depart se resume a unehaltere r de raideur K. Attachons nous maintenant a decrire la dynamique decette haltere, puis a determiner la facon dont elle contribue a τp.

4.2.3 Les equations

Notons desormais ψ(t, x, r) la densite de probabilite de r au point macrosco-pique x au temps t. Cela signifie donc qu’au point x et au temps t, la probabi-lite de trouver une chaıne polymerique representative dans l’etat d’haltere ra dr pres est ψ(t, x, r)dr. L’evolution de ψ d’un instant a un autre au memepoint x doit tenir compte du fait que les chaınes polymeriques presentes aupoint x sont aussi celles qui ont ete amenees par le flot macroscopique a la

vitesse u, donc la variation de ψ n’est pas donnee par∂ψ

∂tseulement, mais

aussi par le transport u · ∇ψ.

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140 4 Modeles micro-macro pour les fluides

La variation totale∂ψ

∂t+ u · ∇ψ de ψ est alors la resultante de plusieurs

phenomenes :

– 1 - une force hydrodynamique : l’haltere est allongee (ou raccourcie) parun effet du a une interaction avec le fluide ; chacun des deux bouts del’haltere est freine par le fluide avec une force proportionnelle a la vitesse(via un coefficient de friction ζ), mais comme cette vitesse differe de ∇u rd’un bout a l’autre de l’haltere, il en resulte une force d’elongation ; cetteforce subie par l’haltere s’exprime donc en fonction de ζ∇u r ;

– 2- une force intrapolymerique : une autre partie des forces est due a la“force de rappel entropique ” du “ressort” r ;

– 3 - enfin, une force brownienne : la chaıne est bombardee par lesmolecules du solvant, ce qui modifie sa configuration, ici le vecteur r.

Le bilan est formalise par l’equation d’evolution de ψ qu’on appelleequation de Fokker-Planck :

∂ψ(t, x, r)

∂t+ u · ∇xψ(t, x, r) = −divr

((∇x ur − 2K

ζr)ψ(t, x, r)

)

+2kBT

ζ∆rψ(t, x, r),

(4.24)

ou ζ est un coefficient de friction, T est la temperature, et kB la constantede Boltzmann. Dans cette equation, on reconnaıt au membre de droite, dansl’ordre, les trois termes de force qui s’appliquent sur la chaıne polymeriques.Pour qu’il n’y ait pas d’ambiguite, on a fait figurer en indice des operateursdifferentiels la variable par rapport a laquelle on derivait. Au membre degauche, le transport est un transport macroscopique (variable x). Au membrede droite, on gere l’evolution en la variable de configuration r, donc lesoperateurs divergence divr et laplacien ∆r sont par rapport a cette variable.Par exemple, la force de rappel entropique fait passer d’un r a un r plus petit,mais n’a aucun rapport avec la variable de position “geographique” x de lachaıne au sein du fluide macroscopique.

Une fois ceci fait, il nous reste a exprimer le tenseur des contraintes. Phy-siquement, la contribution de la chaıne est la suivante. On sait que l’on trouvela valeur de la contrainte au sein d’un materiau en imaginant qu’on coupe cemateriau par un plan (de vecteur normal n) et en evaluant la force de reactionagissant sur chacun des deux plans ainsi obtenus par separation. Cette forcevaut τ ·n. En faisant varier n, on identifie ainsi toutes les composantes du ten-seur des contraintes τ . Faisons cette experience mentale ici. En decoupant lefluide, on tranche inevitablement bon nombre de chaınes polymeriques, dontla reaction va contribuer (via τp) a la force de reaction globale des deux plansde fluide separes. La reaction de chaque chaıne dependra de son orientation r.L’agregation de la reponse de toutes les chaınes suivant leur position donnerala reponse totale (voir Figure 4.4). Un calcul montre que cette contributionest donnee par la formule de Kramer

Page 153: Systèmes multi-échelles : Modélisation et simulation (Mathématiques et Applications)

4.2 Modelisation micro-macro des fluides polymeriques 141

τp(t, x) = −npkT Id + np

∫(r ⊗ F (r))ψ(t, x, r) dr (4.25)

ou np designe le nombre total de polymeres par unite de volume. On peutremarquer que le premier terme sera simplement une constante additive a lapression, et peut donc desormais etre oublie. Seul compte le second terme. Lemodele global que nous avons donc obtenu est le suivant (avec un leger abusde notation, on y oublie le terme −npkT Id dans τp, preferant l’inclure dansla pression p)⎧⎪⎪⎪⎪⎪⎪⎪⎪⎪⎪⎨⎪⎪⎪⎪⎪⎪⎪⎪⎪⎪⎩

∂u

∂t+ (u · ∇)u − µ∆u + ∇p − div τp = f,

divu = 0

τp(t, x) = np

∫(r ⊗ Kr)ψ(t, x, r) dr

∂ψ(t, x, r)

∂t+ u · ∇xψ(t, x, r) = −divr

((∇x ur − 2K

ζr)ψ(t, x, r)

)

+2kBT

ζ∆rψ(t, x, r).

(4.26)Bien noter que l’equation de Fokker Planck a la troisieme ligne est a resoudreen chaque point macroscopique x. La valeur du tenseur τp fait appel a ψqui contient la memoire des deformations subies. La nature multiechelle dusysteme est evidente.

n

Fig. 4.4. Formule de Kramer : la contribution des chaınes polymeriques au tenseurdes contraintes s’obtient en sommant sur toutes les chaınes “coupees” par le planconsidere.

Arretons-nous un instant sur la forme du systeme (4.26). Au vu de (4.9)et (4.11), la modelisation purement macroscopique consiste en un systeme dela forme ⎧

⎪⎪⎨⎪⎪⎩

Du

Dt= F(τp,u),

Dτp

Dt= G(τp,u),

(4.27)

ou D designe la derivee convective, ou la premiere ligne figure symbolique-ment l’equation de conservation de la quantite de mouvement (Navier-Stokes)

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142 4 Modeles micro-macro pour les fluides

et la seconde l’evolution du tenseur des contraintes (on oublie la variablepression pour alleger, elle ne joue pas de role dans l’aspect decrit ici). Lamodelisation micro-macro introduit, elle, une etape supplementaire qui n’ecritpas d’evolution explicite du tenseur des contraintes τp, mais le calcule “pointpar point” en fonction d’une variable microscopique Σ (dans (4.26), la densiteψ dans l’espace de configuration des chaınes polymeriques) dont on modelisel’evolution en temps, ⎧

⎪⎪⎪⎪⎪⎪⎨⎪⎪⎪⎪⎪⎪⎩

Du

Dt= F(τp,u),

τp = τp(Σ)

Dt= Gµ(Σ,u),

(4.28)

La forme (4.28) se generalise a tous les systemes a microstructures (poly-meres fondus, boues, cristaux liquides, ...) : la variable Σ porte en elle toutela part de la modelisation microscopique, ou mesoscopique. De ce point devue, notre propos va etre tout a fait general.

Remarque 4.4. On se souviendra ici des problemes de minimisation (1.21) auChapitre 1 et (2.46) au Chapitre 2.

Le lecteur s’imagine sans peine que la simulation numerique de (4.26) n’estpas une affaire simple. Meme dans ce modele tres simple d’halteres, il faut unschema numerique de type elements finis pour les equations macroscopiquescouple avec un schema pour resoudre l’equation (de type parabolique) deFokker Planck en chaque point (c’est-a-dire en chaque noeud de quadraturedans la formulation elements finis). Nous n’allons donc le faire que dans uncas ultra simple, celui de l’ecoulement de Couette qui est en fait un cas mo-nodimensionnel. Ceci permettra au lecteur de toucher du doigt les difficultesposees par la discretisation de (4.26), et lui montrera une strategie tres efficacepour simuler l’equation de Fokker-Planck, strategie basee sur une methode denature stochastique.

Remarque 4.5. En fait, le modele d’haltere a force de rappel lineaire (on parlede modele hookeen) que nous avons decrit ici est equivalent a un modele pure-ment macroscopique de type (4.13), connu sous le nom de modele d’Oldroyd B,identifie et employe bien avant l’emergence des modeles micro-macro que nousexposons ici (voir l’Exercice 4.8 sur ce point). Tel quel, le modele (4.26) n’estdonc jamais simule dans la pratique. Il l’est seulement a titre pedagogique, etpour tester des methodologies numeriques. Pourquoi ? Parce que des que lemodele d’halteres n’a plus une tension F (r) = Kr, ou des que le modele dechaıne polymerique est plus sophistique, l’equivalence avec un modele pure-ment macroscopique n’est plus vraie. Pour une force F (r) plus generale parexemple, les deux dernieres lignes de (4.26) sont a changer en

Page 155: Systèmes multi-échelles : Modélisation et simulation (Mathématiques et Applications)

4.3 Simulation numerique de l’Ecoulement de Couette 143

⎧⎪⎪⎪⎪⎪⎨⎪⎪⎪⎪⎪⎩

∂ψ(t, x, r)

∂t+ u · ∇xψ(t, x, r) = −divr

((∇x ur − 2

ζF (r))ψ(t, x, r)

)

+2kBT

ζ∆rψ(t, x, r),

τp(t, x) = np

∫(r ⊗ F (r))ψ(t, x, r) dr

(4.29)On entre alors dans un champ de modelisation nouveau, non couvert parles modeles macroscopiques. Avoir prepare le terrain sur le simple modeled’halteres lineaires est alors de premiere utilite.

4.3 Simulation numerique de l’Ecoulement de Couette

Nous nous interessons ici a la simulation d’un ecoulement simple de type “plande Couette” (cf. Figure 4.5) : le fluide s’ecoule entre deux plans paralleles. Al’instant initial (t = 0), le fluide est au repos. Le plan inferieur (y = 0) est alorsmis en mouvement avec une vitesse V (t) (qu’on supposera plus loin constanteet egale a V ≡ 1 pour tout t > 0, pour simplifier), tandis que le plan superieur(y = L) est maintenu fixe. On parle d’un flot de start-up.

Le fluide polymerique que nous considerons est visqueux, incompressible ethomogene. Son tenseur des contraintes comporte une partie τp due a la contri-bution des chaınes polymeriques. Les equations qui regissent son mouvementsont les equations (4.9) que nous reproduisons ici :

∂u

∂t+ (u · ∇)u − µ∆u + ∇p − div τp = f

divu = 0(4.30)

Vu la geometrie particuliere de l’ecoulement de Couette, il est legitime defaire l’hypothese que l’ecoulement est laminaire, ce qui signifie qu’en chaquepoint de l’ecoulement, la vitesse est purement colineaire au vecteur ex, a savoiru = ux(x, y, t) ex. La contrainte d’incompressibilite impose alors qu’en fait lavitesse ne depende pas de la variable x, d’ou u = ux(y, t) ex. Desormais, nousomettons l’indice inferieur x dans ux. La determination de la vitesse

u = u(y, t) ex (4.31)

se reduit donc a la determination du champ scalaire u(y, t).L’objet de l’exercice suivant est d’etudier le cas plus simple du fluide new-

tonien, i.e. τp ≡ 0 dans les equations ci-dessus.

Exercice 4.6. Montrer que pour un fluide incompressible newtonien, moyen-nant une hypothese sur la pression (qu’on justifiera), u(y, t) verifie

Page 156: Systèmes multi-échelles : Modélisation et simulation (Mathématiques et Applications)

144 4 Modeles micro-macro pour les fluides

y=0x

y=L

y

V

Fig. 4.5. Ecoulement de type “plan de Couette” ; le profil des vitesses representeici correspond a l’ecoulement stationnaire d’un fluide newtonien.

⎧⎪⎪⎪⎪⎨⎪⎪⎪⎪⎩

∂u

∂t(y, t) = µ

∂2u

∂y2(y, t)

u(y, 0) = 0u(0, t) = V (t)u(L, t) = 0

(4.32)

Il faut bien comprendre le “miracle” qui permet de simplifier considerable-ment le probleme dans le cas specifique de l’ecoulement de Couette. Le faitque u = u(y, t) ex entraıne deux simplifications. Premierement, la proprieted’incompressibilite est automatiquement verifiee, puisqu’elle est inscrite dansla forme de u. Ceci nous evite d’avoir a gerer explicitement l’incompressibi-lite comme une contrainte, ce qui conduirait a de grosses difficultes tech-niques (penser a la resolution du probleme de Stokes, qui est beaucoupplus compliquee que celle du probleme de Laplace). Deuxiemement, le terme(u · ∇)u (dit de Navier) disparaıt pour des raisons algebriques, liees encorea la forme particuliere de u. La disparition de cette non linearite, qui faittoute la difficulte theorique et pratique de l’equation de Navier-Stokes, estparticulierement heureuse.

4.3.1 Le modele micro-macro

Nous considerons maintenant un fluide non newtonien dont, en toute generali-te, l’evolution couplee micro-macro est decrite par le systeme suivant

Page 157: Systèmes multi-échelles : Modélisation et simulation (Mathématiques et Applications)

4.3 Simulation numerique de l’Ecoulement de Couette 145

⎧⎪⎪⎪⎪⎪⎪⎪⎪⎪⎪⎪⎪⎪⎪⎪⎨⎪⎪⎪⎪⎪⎪⎪⎪⎪⎪⎪⎪⎪⎪⎪⎩

∂u

∂t+ (u · ∇)u = −∇p∗ + µ∆u +

1

ρsdiv τp,

div u = 0

τp(x, y, t) = np K∫

IRd

(r ⊗ r)ψ(t, x, y, r) dr

∂ψ

∂t(t, x, y, r)

+ (u(x, y, t) · ∇x)ψ(t, x, y, r) = −div r

((∇xu(x, y, t) · r − 2K

ζr)ψ(t, x, r)

)

+σ2

ζ2∆rψ(t, x, y, r)

(4.33)complemente des memes conditions au bord et initiales :

⎧⎨⎩

u(x, y, 0) = 0u(x, y = 0, t) = V (t) ex, ∀t > 0u(x, y = L, t) = 0, ∀t > 0

(4.34)

Il s’agit au niveau microscopique d’un modele d’halteres lineaire : le vecteurbout-a-bout r est un vecteur de dimension 2, la force de rappel est propor-

tionnelle a l’elongation (cf. le coefficient2Kζ

).

Nous avons fait figurer dans ce systeme toutes les constantes physiquesdu probleme (que nous avions souvent “oubliees” precedemment dans ce cha-pitre). Ainsi, np est la concentration volumique du polymere, i.e. le nombrede chaınes par unite de volume, µ est la viscosite du solvant, ρs est la densitedu solvant, ζ est un coefficient de frottement visqueux. L’intensite σ de la dif-fusion depend de la temperature du solvant : l’agitation thermique augmenteavec la temperature. Enfin, K est encore la constante de raideur du ressortentropique.

Au vu de la geometrie et de l’incompressibilite, nous avons fait l’hypothese(4.31) sur la forme du champ de vitesse. L’objectif de l’exercice ci-dessous estde verifier que ceci est compatible avec les equations (4.33), et de les simplifieralors, de sorte d’obtenir le systeme

⎧⎪⎪⎪⎪⎪⎪⎪⎪⎪⎨⎪⎪⎪⎪⎪⎪⎪⎪⎪⎩

∂u

∂t(y, t) = µ

∂2u

∂y2(y, t) +

1

ρs

∂τ

∂y(y, t)

τ(y, t) = np K∫

IR2

P Qψ(t, y, P,Q) dP dQ

∂ψ

∂t(t, y, P,Q) = − ∂

∂P

((∂u

∂y(y, t)Q − 2K

ζP ) ψ(t, y, P,Q)

)

+∂

∂Q

(2Kζ

Q ψ(t, y, P,Q)

)+

σ2

ζ2

(∂2

∂P 2+

∂2

∂Q2

)ψ(t, y, P,Q)

(4.35)ou P et Q designent les composantes du vecteur bout-a-bout r sur les axes xet y respectivement, et τ(y, t) est la composante xy du tenseur τp.

Page 158: Systèmes multi-échelles : Modélisation et simulation (Mathématiques et Applications)

146 4 Modeles micro-macro pour les fluides

Exercice 4.7. Montrer qu’a cause de la geometrie particuliere du problemeconsidere et de (4.31), le systeme (4.33) se recrit sous la forme (4.35) enverifiant que la pression p∗ et les coefficients diagonaux du tenseur τp nejouent pas de role dans la determination du champ de vitesse, et qu’on peuta bon droit supposer l’independance en x de u, ψ et τ .

Exercice 4.8. L’objectif de cet exercice est de verifier, sur le cas de l’ecoule-ment de Couette (mais le resultat est vrai pour tout ecoulement) que lemodele micro-macro d’halteres lineaires est en fait equivalent a un modelepurement macroscopique, comme nous l’avons signale a la Remarque 4.5.On se concentre sur les deux dernieres equations de (4.35), et on consideremomentanement la vitesse u comme connue. Montrer que si l’on part, pour

l’equation de Fokker-Planck, d’une fonction ψ0 qui verifie

R2

Q2ψ0 =1

npKet

R2

PQψ0 = τ0, et si l’on suppose np =2ζ

σ2alors la fonction τ obtenue est

exactement la solution de∂τ

∂t+ λτ =

∂u

∂y, (4.36)

pour la donnee initiale τ0 et un certain λ qu’on identifiera.Montrer alors que l’equation (4.36) est la simplification dans la geometrie

de Couette de l’equation d’Oldroyd B

∂σ

∂t+ u.∇σ − σ t∇u −∇uσ + λσ = λ (∇u +t ∇u). (4.37)

lorsque la vitesse u = u(y, t)ex et lorsque le tenseur des contraintes σ estsuppose dependre seulement des variables (y, t). On reliera la fonction τ a undes termes du tenseur des contraintes σ.

La suite de cette section est consacree a la description de la discretisationdu systeme (4.35). On s’interesse d’abord a la partie macroscopique desequations, c’est-a-dire a la determination de u par la premiere equation de(4.35) quand on considere la contrainte τ connue. Puis, on examinera deuxmethodes differentes pour simuler la partie microscopique (lignes suivantes de(4.35)). Bien sur, ce decoupage est purement pedagogique, car dans la simula-tion reelle, les deux parties sont couplees (voir la fin de la sous-section 4.3.4).

4.3.2 La discretisation du probleme macroscopique

Dans un premier temps, nous considerons le champ de contraintes τ(y, t)connu, et nous nous focalisons sur la determination de la vitesse. Cettedetermination va se faire par une discretisation en elements finis (cf. AnnexeA pour des rappels de base). Tout commence par la formulation variationnellede l’equation de la premiere ligne de (4.35) :

Page 159: Systèmes multi-échelles : Modélisation et simulation (Mathématiques et Applications)

4.3 Simulation numerique de l’Ecoulement de Couette 147

∂u

∂t(y, t) = µ

∂2u

∂y2(y, t) +

1

ρs

∂τ

∂y(y, t)

La question est

⎧⎪⎪⎪⎪⎪⎪⎨⎪⎪⎪⎪⎪⎪⎩

Chercher u : [0, T ] −→ H1(0, L) tel que∂u

∂t(y, t) = µ

∂2u

∂y2(y, t) +

1

ρs

∂τ

∂y(y, t)

u(y, 0) = 0u(0, t) = V (t)u(L, t) = 0

(4.38)

Nous en faisons la formulation variationnelle suivante :⎧⎪⎪⎨⎪⎪⎩

Chercher u : [0, T ] −→ H1V (t)(0, L) tel que

∀v ∈ H10 (0, L),

d

dt(u(t), v)L2 = −µ(∂yu(t), ∂yv)L2 − 1

ρs(τ(t), ∂yv)L2

u(y, 0) = 0(4.39)

ou on a utilise la notation

H1V (t)(0, L) =

v ∈ H1(0, L), v(0) = V (t), v(L) = 0

.

Exercice 4.9. Verifier qu’une solution de (4.39) est solution de (4.38).

Passons a la discretisation. Comme annonce et dans un but de simplifica-tion, on choisit desormais L = 1 et la condition au bord

V (t) =

∣∣∣∣0 si t ≤ 01 si t > 0

(4.40)

Il est alors naturel d’effectuer une discretisation par elements finis de lavariable d’espace y, qui sera suivie d’une discretisation par differences finiesde la variable temps t. En d’autres termes, on procede comme suit.

On realise un maillage du segment [0, 1] par N intervalles de longueur

identique h = ∆y =1

N. On discretise la contrainte τ par elements finis P0

et la vitesse u par elements finis P1. Plus precisement, on introduit pour0 ≤ i ≤ N ,

ϕi(y) =

⎧⎪⎪⎪⎪⎨⎪⎪⎪⎪⎩

1 si y = iN

affine sur [ i−1N , i

N ] et [ iN , i+1

N ]

0 si y ∈ [0, i−1N ] ∪ [ i+1

N , 1]

(4.41)

(avec les adaptations evidentes pour les cas i = 0 et i = N) et, pour 1 ≤ i ≤ N ,

χi(y) =

1 si y ∈ [ i−1

N , iN [

0 sinon ,(4.42)

Page 160: Systèmes multi-échelles : Modélisation et simulation (Mathématiques et Applications)

148 4 Modeles micro-macro pour les fluides

Les familles (ϕi)i=0,...,N , (ϕi)i=1,...,N−1, (χi)i=1,...,N realisent asymptotique-ment (quand N −→ +∞) une base des espaces H1(]0, 1[), H1

0 (]0, 1[), L2(]0, 1[),respectivement. On construit alors une approximation de τ et u par ladecomposition

τh(y, t) =

N∑

i=1

(τh)i(t)χi(y), (4.43)

uh(y, t) =

N∑

i=0

(uh)i(t)ϕi(y).

En raison de la condition au bord, on voit que l’on a necessairement (uh)0(t) =0 pour tout t ≥ 0, (uh)N (t) = 1 pour tout t > 0 (et (uh)N (0) = 0). Lesinconnues sur la vitesse sont donc seulement les (uh)j , j = 1, ..., N − 1 et onreconstruit pour t > 0 la vitesse uh par

uh(y, t) =

N−1∑

i=1

(uh)i(t)ϕi(y) + ϕN (y),

uh(y, 0) = 0. (4.44)

Remarque 4.10. Les conditions aux bords ne sont pas toujours eliminees aussisimplement que dans la situation presente, ou il a suffi d’enlever deux incon-nues (uh)0 et (uh)N . Cependant, la prise en compte de ces conditions auxbords reste souvent une difficulte d’ordre secondaire.

A ce stade, on a donc approche le probleme (4.39) par le probleme

⎧⎪⎪⎨⎪⎪⎩

Chercher les (uh)j : [0, T ] −→ IRpour j = 1, ...N − 1tels que uh(y, t) donne par (4.44) verifie

∀i = 1, ...N − 1,d

dt(uh, ϕi)L2 = −µ(∂yuh, ∂yϕi)L2 − 1

ρs(τh(y, t), ∂yϕi)L2

(4.45)Ce systeme est en fait un systeme d’equations differentielles ordinaires sur lesinconnues (uh)j , qui sont des fonctions du temps t seulement.

On realise maintenant une discretisation par differences finies. Plus preci-sement, on emploie pour le terme visqueux un schema d’Euler implicite (voirau Chapitre 5 une analyse precise de ce schema), qui consiste a approcher une

equationd

dtw = f(t, w(t)) par le schema

wn+1 − wn

∆t= f(tn+1, wn+1)

et pour le terme de contrainte un schema d’Euler explicite (voir aussi auChapitre 5 une analyse precise de ce schema), qui consiste a approcher une

equationd

dtw = f(t, w(t)) par le schema

Page 161: Systèmes multi-échelles : Modélisation et simulation (Mathématiques et Applications)

4.3 Simulation numerique de l’Ecoulement de Couette 149

wn+1 − wn

∆t= f(tn, wn)

Ici, cela revient a approcher la valeur des fonctions (uh)j(t) aux instants tn =n∆t par les (uh)n

j verifiant

⎧⎪⎪⎪⎪⎪⎪⎪⎪⎪⎪⎪⎨⎪⎪⎪⎪⎪⎪⎪⎪⎪⎪⎪⎩

Chercher les (uh)nj pour j = 1, ...N − 1 et pourn ≥ 0

tels que (uh)0j ≡ 0 et ∀i = 1, ...N − 1,

(N−1∑

j=1

(uh)n+1j ϕj(y) −

N−1∑

j=1

(uh)nj ϕj(y)

∆t, ϕi

)

L2

= −µ

(∂

∂y

(N−1∑

j=1

(uh)n+1j ϕi(y) + ϕN (y)

), ∂yϕi

)

L2

− 1

ρs((τh)n, ∂yϕi)L2

(4.46)ou (τh)n designe bien sur l’approximation par differences finies en temps deτh au temps tn.

Cet enonce est la formulation mathematique de l’equation

un+1 − un

∆t− µ

∂2

∂y2un+1 =

1

ρs

∂τn

∂y, (4.47)

ou on a employe des notations plus compactes evidentes. Sur cette forme (ditesemi-discretisee en temps), on peut comprendre que le travail de discretisationen temps qu’on a effectue revient a ramener le probleme d’evolution a une suitede probleme stationnaires. En effet, (4.47) s’ecrit aussi

(1

∆t− µ

∂2

∂y2)un+1 = fn,

et est donc formellement analogue a une equation de type Stokes (correspon-dant a la determination d’un etat stationnaire du fluide)

(1 − ∆)u + ∇p = f,

ou l’inconnue est un+1.

Une fois traduit en termes du vecteur colonne

Un =

⎛⎜⎜⎝

(uh)n1

...

...(uh)n

N−1

⎞⎟⎟⎠ . (4.48)

le systeme (4.46) s’ecrit sous forme du systeme algebrique

MUn+1 − Un

∆t= −µAUn+1 − 1

ρsGSn + Bn, (4.49)

Page 162: Systèmes multi-échelles : Modélisation et simulation (Mathématiques et Applications)

150 4 Modeles micro-macro pour les fluides

Dans ce systeme algebrique, le terme de contrainte (dernier terme de (4.46))apparaıt sous la forme du produit matrice× vecteur GSn ou Sn est le vecteurcolonne des (τh)n

j , j = 1, ..., N et G la matrice de taille N − 1 × N

G =

[∫ 1

0

∂yϕi χj

]. (4.50)

Les autres matrices et vecteurs apparaissant dans (4.49) sont faciles a deter-miner.

Exercice 4.11. Identifier les matrices M et A en termes des fonctions χi etϕi, ainsi que le vecteur colonne Bn.

Pour resoudre (4.49) et determiner Un+1 pour chaque n, il nous faut main-tenant expliquer comment mettre a jour Sn en Sn+1, i.e. evaluer (τh)n+1

j

pour chaque j, ce qui correspond au niveau continu a evaluer le tenseur descontraintes en un point macroscopique en fonction du niveau microscopique.Nous allons faire ceci par deux methodes differentes.

4.3.3 La discretisation du probleme microscopique : Methode 1

Nous nous interessons maintenant a la discretisation de la deuxieme equationd’evolution de (4.35), a savoir

∂ψ

∂t(t, y, P,Q) = − ∂

∂P

((∂u

∂y(y, t)Q − 2K

ζP ) ψ(t, y, P,Q)

)

+∂

∂Q

(2Kζ

Qψ(t, y, P,Q)

)+

σ2

ζ2

(∂2

∂P 2+

∂2

∂Q2

)ψ(t, y, P,Q).

(4.51)

Il faut bien comprendre que dans cette equation la variable y est un pa-rametre, au sens ou il y a (au niveau continu) autant d’equations que depoints y et que les operateurs differentiels ne portent pas sur cette variabled’espace physique mais sur les variables d’espace (P,Q) qui sont l’espace deconfiguration pour l’haltere.

Plus precisement, au niveau discret, il y a, dans notre cas, N equations dela forme (4.51), chacune d’entre elles etant associee a un intervalle [ i−1

N , iN ] (et

donc a une fonction de base χi, i = 1, ..., N), et fournissant ensuite la valeurde (τh)n

i au pas de temps courant.

Commencons par remarquer que l’equation (4.51) est de la forme

∂ψ

∂t(t, P,Q) = f(t, P,Q)

∂ψ

∂P+ g(t, P,Q)

∂ψ

∂Q+ a

(∂2

∂P 2+

∂2

∂Q2

)ψ(t, P,Q).

(4.52)

Page 163: Systèmes multi-échelles : Modélisation et simulation (Mathématiques et Applications)

4.3 Simulation numerique de l’Ecoulement de Couette 151

Dans (4.52), on a note a le coefficient constant (positif) devant le Lapla-cien et on a omis un terme “constant” en ψ (qui ne pose pas de difficulte,changer mentalement ψ en et ψ), ainsi que la dependance des fonctions f ,g, ψ par rapport au parametre y. Il s’agit donc formellement d’une equationd’advection-diffusion dans le plan (P,Q). L’advection correspond au terme dederivee premiere et la diffusion au Laplacien en les variables P et Q.

Nous discretisons cette equation par un schema aux differences finies (onpourrait faire aussi une discretisation par elements finis). Nous imposons donca la fonction ψ d’etre nulle pour |P | ou |Q| plus grand qu’une grande constanteM (en pratique, il faut quantifier ce M) et nous discretisons l’equation avecdonnee au bord nulle sur le carre [−M,M ]2. Pour cela, une des techniquespossibles est la technique de separation d’operateurs (ou splitting). Cette tech-nique sera etudiee en plus grand detail dans le Chapitre 5. Elle peut ici etreappliquee a deux niveaux. A un premier niveau, on decompose l’equation(4.52) en deux equations, l’une d’advection

∂ψ

∂t(t, P,Q) = f(t, P,Q)

∂ψ

∂P+ g(t, P,Q)

∂ψ

∂Q. (4.53)

et l’autre de diffusion

∂ψ

∂t(t, P,Q) = a

(∂2

∂P 2+

∂2

∂Q2

)ψ(t, P,Q). (4.54)

On fera evoluer sur chaque pas de temps ∆t la fonction ψ successivement parun schema aux differences finies pour (4.53) et un schema aux differences finiespour (4.54) (pour les details, le lecteur pourra anticiper sur le Chapitre 5, Sec-tion 5.4). A un deuxieme niveau, pour discretiser chacune des equations (4.53)et (4.54), qui sont posees sur le plan (P,Q), on peut utiliser la technique dedecomposition d’operateurs pour avancer successivement dans la direction Pet dans la direction Q (on parle de methode des directions alternees). Parexemple, pour l’equation d’advection (4.53), on peut resoudre successivement

∂ψ

∂t(t, P,Q) = f(t, P,Q)

∂ψ

∂P. (4.55)

∂ψ

∂t(t, P,Q) = g(t, P,Q)

∂ψ

∂Q. (4.56)

Bien sur, aux deux niveaux, d’autres techniques sont possibles. Par exemple,au deuxieme niveau, on peut discretiser par differences finies directementl’equation de diffusion (4.54) en deux dimensions (P,Q). La raison pour la-quelle nous insistons ici sur la technique de decomposition est la suivante. Ilne faut pas perdre de vue que nous decrivons ici un cas simplissime, ou le po-lymere est modelise dans un espace de configuration a 2 dimensions (le plan(P,Q)). Lorsque l’espace de configuration devient plus grand (disons 4), iln’est plus possible d’attaquer directement la resolution par differences finies,

Page 164: Systèmes multi-échelles : Modélisation et simulation (Mathématiques et Applications)

152 4 Modeles micro-macro pour les fluides

la technique de separation va s’imposer. En fait, tres vite, l’attaque directede (4.51) par une methode de differences finies (ou, le constat serait le meme,par une methode d’elements finis) devient impossible. D’ou la necessite d’uneapproche alternative, qui sera expliquee dans la sous-section suivante.

Revenons pour le moment a notre simple cas de la dimension 2. Nous avonsdonc ramene le probleme de la simulation de (4.51) par differences finies a unesuccession d’equations d’advection ou de diffusion monodimensionnelles. Ilexiste beaucoup de techniques pour realiser les discretisations par differencesfinies de ces equations. Le lecteur se reportera a la bibliographie. On donneseulement ici un exercice sur une discretisation de l’equation de diffusion, puison s’interesse a une specificite liee a notre modelisation.

Exercice 4.12. On suppose que la solution ψ(t, P ) de l’equation de diffusion

∂ψ

∂t(t, P ) = a

∂2

∂P 2ψ(t, P )

(avec donnee initiale ψ0 et donnee au bord nulle) est de classe C4. Montrer laconvergence du schema implicite

ψn+1j − ψn

j

∆t− a

ψn+1j+1 − 2ψn+1

j + ψn+1j−1

(∆P )2= 0.

Les deux exercices suivants etudient comment une propriete particulie-rement importante dans notre cas est ou non assuree par les schemas nume-riques employes. Cette propriete est la propriete de positivite de ψ. En effet,par rapport a une situation generique ou on resout une equation du typeadvection-diffusion, la particularite de notre probleme reside en ce que, parconstruction, ψ est une densite de probabilite (cf. (4.14)), ce qui signifie que,

pour tout temps, ψ ≥ 0 partout et

∫ψ = 1. La discretisee de ψ doit donc

conserver les deux memes proprietes au cours du temps dans la simulationnumerique. C’est a la premiere exigence que nous nous interessons. La seconde,qui est une exigence globale (contrairement a la premiere qui est locale) est enfait beaucoup plus dure a assurer de facon rigoureuse, et on procede souventpar une renormalisation pour l’assurer.

Exercice 4.13. Le schema de Lax-Wendroff pour l’equation d’advectionlineaire

∂ψ

∂t+ c

∂ψ

∂P= 0

s’ecrit

ψn+1j − ψn

j

∆t+ c

ψnj+1 − ψn

j−1

2∆P− c2 ∆t

2

ψnj+1 − 2ψn

j + ψnj−1

(∆P )2= 0, (4.57)

ou ∆P et ∆t designent respectivement les pas d’espace et de temps de ladiscretisation par differences finies, et ψn

j la valeur au noeud Pj = j ∆P au

Page 165: Systèmes multi-échelles : Modélisation et simulation (Mathématiques et Applications)

4.3 Simulation numerique de l’Ecoulement de Couette 153

temps tn = n∆t. On introduit le coefficient µ = c∆t

∆P, dit nombre de Courant.

Montrer que le schema de Lax-Wendroff possede la propriete suivante, diteprincipe du maximum discret,

a ≤ ψ0j ≤ b, ∀j implique a ≤ ψn

j ≤ b, ∀n ≥ 0, ∀j, (4.58)

(pour deux constantes arbitraires a et b) seulement quand µ = −1, 0, ou1. Expliquer pourquoi il est naturel d’exiger le principe du maximum discretpour un schema ayant pour objectif de simuler l’equation d’advection lineaire.

Exercice 4.14. On s’interesse a la discretisation de l’equation de diffusion

∂ψ

∂t(t, P,Q) = a

∂2

∂P 2ψ(t, P,Q).

Montrer que le schema de Richardson

ψn+1j − ψn−1

j

2∆t− a

ψnj+1 − 2ψn

j + ψnj−1

(∆P )2= 0, (4.59)

ne preserve pas le principe du maximum, alors que le schema de Dufort-Frankel

ψn+1j − ψn−1

j

2∆t− a

ψnj+1 − ψn+1

j − ψn−1j + ψn

j−1

(∆P )2= 0 (4.60)

le preserve sia∆t

(∆P )2≤ 1

2.

Remarque 4.15. L’enseignement des exercices ci-dessus n’est pas que nous nedevons pas ici employer un schema comme par exemple celui de Lax-Wendroff,mais plutot qu’il faudra etre vigilant sur la positivite de ψ si on l’emploie.

4.3.4 La discretisation du probleme microscopique : Methode 2

Comme nous l’avons laisse entendre ci-dessus, les techniques de discretisationpar differences finies et elements finis sont tres vite mises en echec sur uneequation du type (4.51) quand la dimension ambiante (ici 2) devient egale a 4,5 ou plus. Elles deviennent inaccessibles au dela de la dimension 6 (certainesrecherches en cours visent a temperer ce constat). Sur notre cas simple bidi-mensionnel, nous developpons maintenant une methode de discretisation quiest, elle, “insensible” a l’accroissement de la dimension : sa mise en oeuvreest quasiment independante de la dimension, et son cout en termes de tempscalcul est lineaire par rapport a la dimension. En une phrase, disons que cettemethode consiste a evaluer τ(y, t), non pas via la resolution de l’equationde Fokker-Planck, mais en simulant le systeme d’equations differentielles sto-chastiques associees. Pour decrire cette nouvelle methode, nous devons doncfaire de brefs rappels de theorie des probabilites. Le lecteur savant sur de tels

Page 166: Systèmes multi-échelles : Modélisation et simulation (Mathématiques et Applications)

154 4 Modeles micro-macro pour les fluides

sujets, ou seulement interesse par le cote formel et pret a faire confiance peutaisement omettre les lignes qui suivent et se reporter directement a la soussection 4.3.4. Comme d’habitude dans ce cours, on insiste sur le fait que lasous section 4.3.4 ne se substitue pas a un authentique cours de Probabilites.

Notions rapides de theorie des probabilites

Soit Ω un ensemble (figurant l’espace du hasard), et A un sous-ensemble del’ensemble P(Ω) des parties de Ω. On dit que A (qui figure alors l’infor-mation disponible) est une tribu si A est stable par intersection et reuniondenombrables, par passage au complementaire et si elle contient les elements∅ et Ω. Sur un ensemble Ω muni d’une tribu A, on peut definir une probabiliteP, c’est-a-dire une mesure positive de masse totale 1 definie sur A. Rappe-lons qu’une mesure (positive) sur Ω est une fonction de Ω dans IR+ ∪ +∞

telle que P(∅) = 0 et P(∪+∞i=1 Ai) =

+∞∑

i=1

P(Ai) pour toute famille denombrable

d’elements Ai de A disjoints deux a deux. On dit qu’une propriete est verifieepresque surement si l’ensemble des ω ∈ Ω pour lesquels elle n’est pas verifieeest de mesure nulle pour P. Le triplet (Ω,A,P) s’appelle un espace de proba-bilite.

On peut alors definir la notion de variable aleatoire (a valeurs reelles) : onappelle ainsi une application X de Ω dans IR mesurable par rapport a la tribuA, c’est-a-dire que pour tout borelien B de IR, l’ensemble ω ∈ Ω/X(ω) ∈ Bappartient a A. Pour chaque ω ∈ Ω, X(ω) est une realisation de la variablealeatoire X. La loi de X est la mesure P X−1 definie par

IE(f(X)) =

∫f(x)d(P X−1)(x),

pour toute f bornee.

L’esperance de la variable aleatoire X (d’abord construite pour les va-riables aleatoires positives, puis etendue aux variables aleatoires de signe quel-conque pourvu que l’esperance de leur valeur absolue existe) est definie par

IE(X) =

Ω

X(ω) dP(ω)

On dit alors que la variable aleatoire X admet (par rapport a la mesurede Lebesgue) une densite, p(x) (fonction positive integrable, d’integrale sur IRegale a 1), si pour toute fonction bornee mesurable f , on a

IE(f(X)) =

IR

f(x) p(x) dx.

La loi de X s’ecrit donc p(x) dx. Une des densites les plus celebres est ladensite gaussienne

Page 167: Systèmes multi-échelles : Modélisation et simulation (Mathématiques et Applications)

4.3 Simulation numerique de l’Ecoulement de Couette 155

p(x) =1

σ√

2πe−

(x−m)2

2σ2

de moyenne m et de variance σ2. On dit alors que la variable aleatoire Xest gaussienne. L’esperance vaut IE(X) = m et la variance est Var (X) =IE((X − IE(X))2) = IE(X2) − (IE(X))2 = σ2.

En pratique, l’esperance de la variable aleatoire X peut etre approchee (onparle de methode de Monte-Carlo) en moyennant les valeurs de X, trouveespar un tirage au sort suivant la loi de X. La fondation de cette pratique estla Loi forte des grands nombres : si (Xi, i ≥ 1) est une suite de variablesaleatoires independantes, toutes de meme loi que la variable aleatoire X, etsi IE(|X|) < ∞, alors pour presque tout ω,

IE(X) = limn−→+∞

X1(ω) + ... + Xn(ω)

n.

Le Theoreme de la limite centrale precise la qualite de cette convergenceen stipulant que, sous les memes conditions et la condition supplementaireIE(X2) < ∞, la variable aleatoire definie par

√n

σ

(X1(ω) + ... + Xn(ω)

n− IE(X)

)

(ou σ designe la variance de X) converge en loi vers une variable aleatoire G, la

loi de G etant la loi gaussienne centree reduite p(x) =1√2π

e−x2

2 . Rappelons

qu’une suite de variables aleatoires Yn converge en loi vers G si IE(f(Yn))tend vers IE(f(G)) pour toute fonction f continue bornee. Ce resultat ex-plique evidemment le role crucial joue par la loi gaussienne en theorie desprobabilites.

Introduisons maintenant une dependance en temps des objets ci-dessus.

Un processus stochastique (a temps continu et a valeurs reelles) est unefamille (Xt)t≥0 de variables aleatoires indicees par le temps, definies sur unespace de probabilite (Ω,A,P).

Une filtration (Ft, t ≥ 0) est une suite croissante, indicee par le temps,de sous tribus de la tribu A. Un processus stochastique Xt est dit Ft-adaptesi, pour chaque t, Xt est une variable aleatoire mesurable par rapport a Ft.A l’inverse, un processus stochastique Xt etant fixe, la filtration naturelleassociee a Xt est la filtration Ft formee, pour chaque t ≥ 0, de la plus petitetribu rendant les applications ω −→ Xs(ω) mesurables pour 0 ≤ s ≤ t.

On peut maintenant definir la notion de mouvement brownien. Un pro-cessus (a valeurs reelles) Xt est un mouvement brownien si c’est un processusa trajectoires presque surement continues (i.e. en dehors d’un ensemble deprobabilite nulle, les fonctions s −→ Xs(ω) sont continues), a accroissementsindependants (si s ≤ t, la variable aleatoire Xt − Xs est independante dela tribu “naturelle” Fs, i.e. pour tout A ∈ Fs, et toute fonction f bornee

Page 168: Systèmes multi-échelles : Modélisation et simulation (Mathématiques et Applications)

156 4 Modeles micro-macro pour les fluides

mesurable IE(1Af(Xt−Xs)) = IE(f(Xt−Xs))P(A)), et a accroissements sta-tionnaires (si s ≤ t, la loi de Xt − Xs est identique a celle de Xt−s − X0).En fait ces trois proprietes impliquent conjointement (ce n’est pas immediat)que la variable aleatoire Xt − X0 suit necessairement une loi gaussienne demoyenne rt (pour un certain r) et de variance σ2t (pour un certain σ). Il n’estpas evident qu’un mouvement brownien existe, mais c’est vrai.

La derniere etape des elements de theorie des probabilites que nous don-nerons ici concerne les equations differentielles stochastiques, et cette etapen’est en fait pas un rappel, car le niveau de ces notions depasse largement lecadre de ce cours, et d’un cours de deuxieme cycle de probabilites.

Considerons un ensemble Ω = Ω1×Ω2 (Ω1 sera l’espace du hasard pour ladonnee initiale, Ω2 l’espace du hasard pour les trajectoires browniennes dans letemps), muni d’une probabilite P (produit de deux probabilites sur Ω1 et Ω2).Considerons aussi une tribu F , une filtration Ft et un mouvement brownienFt-adapte, note Bt. Soit σ > 0 une constante fixee, appelee dispersion. Soitf(t, x) une fonction reguliere, souvent appelee drift (ou derive en francais). Lecadre mathematique naturel est f mesurable par rapport a t, et lipschitzienneet a croissance au plus lineaire (i.e. |f(t, x)| ≤ C(1 + |x|) pour tout t, x) parrapport a x, la constante de Lipschitz et la constante C etant uniforme ent ∈ [0, T ]. On introduit alors l’equation differentielle stochastique

dXt = f(t,Xt) dt + σ dBt, (4.61)

avec comme condition initiale la variable aleatoire X0(ω1), definie sur Ω1.Cette ecriture (4.61) est formelle. Elle a le sens mathematique suivant : on ditque Xt est solution de (4.61) si

Xt(ω1, ω2) = X0(ω1) +

∫ t

0

f(s,Xs(ω1, ω2)) ds + σ Bt(ω2), (4.62)

presque surement, l’integrale s’entendant au sens habituel de Lebesgue.

Nous sommes alors (enfin !) en mesure d’enoncer la propriete capitale pournotre methode de resolution.

Sous de bonnes hypotheses, si Xt est solution de l’equation differentiellestochastique (4.61) alors la densite de Xt, notee p(t, x), est solution del’equation de Fokker Planck

∂p

∂t(t, x) +

∂x(f(t, x) p(t, x)) − σ2

2

∂2p

∂x2(t, x) = 0. (4.63)

Bien sur, pour que ceci ait lieu, il faut que les donnees initiales des deuxequations se correspondent, a savoir que p(t = 0, x) soit fixee a la valeur p0

densite de la variable aleatoire X0 donnee initiale pour l’equation differentiellestochastique.

Nous allons utiliser ce changement de point de vue pour batir notredeuxieme methode de discretisation. La seule petite nuance par rapport au

Page 169: Systèmes multi-échelles : Modélisation et simulation (Mathématiques et Applications)

4.3 Simulation numerique de l’Ecoulement de Couette 157

cadre developpe ci-dessus est que nous allons travailler en dimension 2 au lieude 1.

Remarque 4.16. S’il est juste (sous les bonnes conditions evoquees ci-dessus,lesquelles reviennent grosso modo a supposer que la solution de l’equationde Fokker-Planck est unique) que tout processus Xt solution de l’equationdifferentielle stochastique a sa densite qui verifie l’equation de Fokker-Planck,la reciproque est fausse, en toute generalite : tout processus qui a pour densitep n’est pas forcement solution de l’equation differentielle stochastique. Ainsi,un contrexemple est fourni par l’Exercice 4.19. En fait, ceci se comprend engardant a l’esprit qu’il y a plus d’information dans le processus que danssa densite, puisqu’on peut avec lui calculer plus que de simples esperancesIE(ϕ(Xt)) (comme par exemple IE(ψ(Xt,Xs))). Il est donc “normal” qu’a unedensite correspondent beaucoup de processus. Si la densite est une solutiond’une equation de Fokker-Planck, il peut y avoir beaucoup de processus l’ayantpour densite et n’entretenant aucun rapport avec l’equation differentielle sto-chastique sous-jacente.

Remarque 4.17. Dans le cas qui nous interesse, nous sommes seulement interes-ses par les esperances figurant dans la definition du tenseur des contraintes.Elles sont les seules quantites pertinentes du point de vue de la modelisation.Il y a donc toutes les raisons, au vu de la Remarque qui precede, de se concen-trer sur le point de vue Fokker-Planck et il peut alors paraıtre paradoxal defaire appel a l’approche equation differentielle stochastique qui privilegie unprocessus particulier ayant cette densite, a savoir la solution de l’equationdifferentielle stochastique. Seuls des aspects d’efficacite numerique justifienten fait un tel changement de point de vue.

Remarque 4.18. Nous n’avons volontairement rien dit de l’existence et de l’uni-cite de la solution Xt de l’equation differentielle stochastique. Il existe biensur tout un cadre theorique qui formalise des theoremes d’existence et d’uni-cite pour de telles equations. En fait, pour l’unicite, la bonne notion est leplus souvent du point de vue pratique la notion d’unicite en loi (aussi ap-pelee unicite faible), qui est vraie quand toutes les solutions Xt donnent lameme densite p et donc les memes esperances calculees. Peu importe en faitle processus particulier Xt.

En fait, il est utile de signaler que la presentation que nous venons defaire d’une equation differentielle stochastique est une presentation simplifiee.Consacrons quelques lignes a une presentation plus generale. Notre motiva-tion est que pour d’autres modeles de polymeres, comme ceux formes d’unassemblage de barres rigides et non de ressorts, l’objet mathematique obtenulors de la modelisation est bien une equation differentielle stochastique maispas une de la forme simple (4.61).

A l’aide d’un mouvement brownien standard (de moyenne nulle (r = 0)et de variance t (σ = 1)), note Bt, on peut construire la notion d’integrale

Page 170: Systèmes multi-échelles : Modélisation et simulation (Mathématiques et Applications)

158 4 Modeles micro-macro pour les fluides

d’Ito. Cette integrale est construite a la maniere de l’integrale de Riemann,en la definissant d’abord pour les fonctions en escalier puis en approchantune fonction plus generale par une suite de fonctions en escaliers. Pour undecoupage s0 = 0, ..., sj , ..., sn = t de [0, t] et un processus

Ys(ω) =

n∑

j=1

Yj−1(ω)1]sj−1,sj ](s)

bati avec des variables aleatoires Yj (telles que IE(|Yj |) < +∞), on pose

∫ t

0

Ys dBs =

n∑

j=1

Yj−1 (Bsj− Bsj−1

).

Puis, par un procede dit d’approximation, cela permet de definir un nouveauprocessus stochastique, dit integrale d’Ito du processus (Yt)0≤t≤T

∫ t

0

Ys dBs,

des que

∫ T

0

Yt(ω)2 dt < +∞, pour presque tout ω (cette condition est par

exemple remplie des que Yt est un processus continu). Dans le cas simple ouYt ≡ 1, on retrouve bien sur

∫ t

0

dBs = Bt.

Reprenons alors l’ensemble Ω = Ω1 ×Ω2 introduit ci-dessus, une tribu F ,une filtration Ft et un mouvement brownien Ft-adapte, note Bt. Consideronsde nouveau un drift regulier f , mais aussi une dispersion qui est main-tenant une fonction σ reguliere (ayant typiquement les memes proprietesmathematiques que celles mentionnees ci-dessus pour f). On introduit alorsl’equation differentielle stochastique

dXt = f(t,Xt) dt + σ(t,Xt) dBt, (4.64)

avec comme condition initiale la variable aleatoire X0(ω1), definie sur Ω1.Comme ci-dessus, il s’agit d’une ecriture formelle. On dit que Xt est solutionde (4.64) si

Xt(ω1, ω2) = X0(ω1) +

∫ t

0

f(s,Xs(ω1, ω2)) ds +

(∫ t

0

σ(s,Xs) dBs

)(ω1, ω2),

(4.65)presque surement, la premiere integrale s’entendant au sens habituel de Le-besgue, et la seconde au sens d’Ito. Les equations differentielles stochastiquescomme (4.65) font aujourd’hui l’objet d’une importante litterature et appa-raissent dans de nombreux champs de la modelisation (l’un des plus celebresetant la finance mathematique).

Page 171: Systèmes multi-échelles : Modélisation et simulation (Mathématiques et Applications)

4.3 Simulation numerique de l’Ecoulement de Couette 159

Exercice 4.19. On considere l’equation differentielle stochastique

dXt = −1

2Xt dt + dWt, (4.66)

pour la donnee initiale X0, de loi la gaussienne centree reduite. Montrer quesa solution est donnee par

Xt = e−t/2X0 +

∫ t

0

e(s − t)/2dWs,

et verifier que la loi de Xt est la gaussienne centree reduite. Montrer aussi quel’equation de Fokker-Planck associee a (4.66) est

∂p(t, x)

∂t− 1

2

∂x(xp(t, x)) − 1

2

∂2

∂x2p(t, x) = 0, (4.67)

avec la donnee initiale p(0, x) =1√2π

e−x2/2. Verifier alors que le processus

constant gaussien centre reduit Yt = G a sa densite qui verifie (4.67) alors quebien sur lui-meme ne verifie pas l’equation differentielle stochastique (4.66).Conclure.

Application a une methode alternative de discretisation

On choisit d’evaluer τ(y, t), non pas via la resolution de l’equation de Fokker-Planck

∂ψ

∂t(t, y, P,Q) = − ∂

∂P

((∂u

∂y(y, t)Q − 2K

ζP )ψ(t, y, P,Q)

)

+∂

∂Q

(2Kζ

Qψ(t, y, P,Q)

)+

σ2

ζ2

(∂2

∂P 2+

∂2

∂Q2

)ψ(t, y, P,Q),

(4.68)

mais en simulant le systeme d’equations differentielles stochastiques associe,qui s’ecrit

⎧⎪⎪⎨⎪⎪⎩

dP (y, t) =

(∂u

∂y(y, t)Q(t) − 2K

ζP (y, t)

)dt +

√2σ

ζdVt

dQ(t) = −2Kζ

Q(t)dt +

√2σ

ζdWt

(4.69)

ou Vt et Wt sont deux mouvements browniens monodimensionnels indepen-dants.

On peut alors montrer (cf. la section ci-dessus) que la densite ψ(P,Q, t) dela variable aleatoire (P (t), Q(t)) est solution de (4.68). On rappelle, d’apres le

Page 172: Systèmes multi-échelles : Modélisation et simulation (Mathématiques et Applications)

160 4 Modeles micro-macro pour les fluides

paragraphe precedent, que, par definition, a chaque instant t, et pour chaquey fixe,

IE(f(P (t), Q(t))) =

∫f(P,Q)ψ(P,Q, t) dP dQ

pour toute fonction f mesurable bornee. On admettra que ceci entraıne aussi,dans les conditions ou nous sommes, en choisissant f(a, b) = ab, que le tenseurdes contraintes s’ecrit, pour tout instant t, des deux facons suivantes

τ(y, t) = np K∫

IR2

P Qψ(t, y, P,Q) dP dQ = np K IE(P (y, t)Q(t)). (4.70)

C’est bien sur de la seconde facon que nous choisissons maintenant de lecalculer.

Remarque 4.20. Cette seconde vision des choses, qui revient aux processusstochastiques plutot qu’a leur loi, est en fait dans notre cas un juste retouraux sources. Nous revenons a la simulation d’une haltere generique, dont levecteur bout-a-bout a pour coordonnees (Pt, Qt) un couple de processus sto-chastiques dont l’evolution est regie par une equation differentielle stochas-tique. Le tenseur des contraintes s’evalue alors par une esperance, c’est-a-diredans la discretisation par une moyenne sur les configurations des differentspolymeres en un point de l’espace. Cette vision est tout-a-fait naturelle dansnotre contexte.

On complemente le systeme (4.69) de conditions initiales homogenes eny, et on note que Q ne depend pas de la variable d’espace y. On utilise unschema d’Euler explicite pour integrer les deux EDS. On obtient ainsi unsysteme discret de la forme⎧⎪⎪⎨⎪⎪⎩

Pn+1i = ∆t

Un+1i − Un+1

i−1

∆yQn +

(1 − 2K∆t

ζ

)Pn

i +

√2∆tσ

ζV n

i

Qn+1 =

(1 − 2K∆t

ζ

)Qn +

√2∆tσ

ζWn

(4.71)

pour 1 ≤ i ≤ N , ou V ni et Wn representent des variables gaussiennes centrees

reduites independantes. Ainsi,√

∆tV ni est une approximation discrete de la

variable aleatoire accroissement Vtn+∆t − Vtn dans la maille [i − 1

N,

i

N[. On

evalue alorsτn+1i = np K IE(Pn+1

i Qn+1) (4.72)

Pour evaluer la contrainte (τh)i, on engendre en pratique J realisations desvariables aleatoires P n

i et Qn :

Pn+1i,j = ∆t

Un+1i − Un+1

i−1

∆yQj

n +

(1 − 2K∆t

ζ

)Pn

i,j +

√2∆tσ

ζV n

i,j (4.73)

Qn+1j =

(1 − 2K∆t

ζ

)Qn

j +

√2∆tσ

ζWn

j

Page 173: Systèmes multi-échelles : Modélisation et simulation (Mathématiques et Applications)

4.3 Simulation numerique de l’Ecoulement de Couette 161

pour 1 ≤ j ≤ J (ou les variables V ni,j et Wn

j sont des gaussiennes centrees

reduites independantes), et on obtient (τh)n+1i en calculant l’esperance empi-

rique (cf. la loi forte des grands nombres) :

(τh)n+1i =

npKJ

J∑

j=1

Pn+1i,j Qn+1

j (4.74)

Il reste enfin a preciser les conditions initiales sur P et Q. Le fluide etant aurepos a l’instant initial, on prend naturellement (τh)0i = 0 pour tout i, et pourcela on choisit pour P 0

i et Q0 des gaussiennes centrees independantes.

A ce stade, on sait donc simuler completement le systeme (4.35) sous laforme (4.49)-(4.73)-(4.74).

Une remarque tres importante s’impose alors : comme la contrainte(τh)n+1

i discrete s’exprime par une moyenne empirique (4.74), elle est doncaussi une variable aleatoire, alors que tant qu’on n’a pas discretise au niveauMonte-Carlo, elle est encore une variable deterministe (l’esperance (4.72) estune variable deterministe). Il s’ensuit que, dans cette deuxieme methode baseesur une technique stochastique, et contrairement a la premiere methode pure-ment deterministe, la vitesse macroscopique du fluide, qui depend de (τ h)n+1

i

via l’equation macroscopique (4.46), est aussi une variable aleatoire !Ceci a la consequence inattendue suivante : pour calculer avec cette se-

conde methode une vitesse du fluide, ou une champ de contrainte, il faudramoyenner le resultat sur plusieurs experiences numeriques.

Meme moyennee, une telle simulation rencontre les habituelles difficultesdes simulations de type Monte-Carlo, comme la presence de bruit. Nous ter-minons donc cette section par des notions plus avancees sur ce type de simu-lation, que le lecteur peu attire par ces aspects peut aisement omettre, sansprejudice pour la suite du cours.

Si on dispose de J realisations independantes (Xi)1≤i≤J d’une variablealeatoire X dont on cherche a calculer l’esperance, on a par le theoreme de lalimite centrale

P

(1

J

J∑

i=1

Xi ∈[IE(X) − 1.96

σ√J

, IE(X) + 1.96σ√J

])≈ 0.95

ou σ2 = Var (X) = IE((X − IE(X))2) designe la variance de X.

Exercice 4.21. Montrer le resultat suivant, qui donne egalement une estima-tion de l’erreur d’approximation, mais cette fois en norme L2 :

IE

⎛⎝(

1

J

J∑

i=1

Xi − IE(X)

)2⎞⎠ ≤ σ2

J.

Page 174: Systèmes multi-échelles : Modélisation et simulation (Mathématiques et Applications)

162 4 Modeles micro-macro pour les fluides

On voit donc qu’a nombre de realisations fixe, plus la variance est petite,meilleure est l’approximation.Pour reduire la variance et ameliorer ainsi la convergence, on peut mettre enoeuvre des methodes dites de reduction de variance. En voici deux exemples.

La premiere methode consiste a correler en espace les trajectoires des Pi.L’idee est de diminuer le bruit du aux variations du brownien en espace dansle calcul du tenseur des contraintes. Concretement, cette methode consiste aprendre comme condition initiale sur les Pi : P 0

i,j = P 0j , P 0

j designant desgaussiennes centrees ne dependant pas de i et a remplacer (4.73) par

Pn+1i,j = ∆t

Un+1i − Un+1

i−1

∆yQj

n +

(1 − 2K∆t

ζ

)Pn

i,j +

√2∆tσ

ζV n

j . (4.75)

Noter que V nj a remplace V n

i,j .

La seconde methode (de portee plus generale) consiste a utiliser des va-riables de controle. Il s’agit de ne pas calculer directement IE(PQ), maisseparement chacun des deux termes de la somme

IE(PQ) = IE(P Q) + IE(PQ − P Q)

ou P et Q sont deux processus aleatoires (definis par des EDS) tels que

– IE(P Q) soit facile a calculer ”analytiquement” (tout au moins sans si-mulation stochastique)

– P Q soit proche de PQ de telle sorte que Var(PQ − P Q) << Var(PQ).

Les deux choix extremes sont les suivants :

– P = Q = 0 auquel cas IE(P Q) est tres facile a calculer mais on n’a riengagne en variance ;

– P = P et Q = Q auquel cas Var(PQ− P Q) = 0 mais IE(P Q) n’est alorspas plus facile a calculer que IE(PQ) !

Il s’agit donc de trouver un compromis entre deux exigences incompatibles.Dans le cas qui nous interesse, on peut definir P et Q par les EDS verifieespar P et Q respectivement en l’absence de cisaillement. On obtient ainsi

dP (t) = −2Kζ

P (t)dt +

√2σ

ζdVt

dQ(t) = −2Kζ

Q(t)dt +

√2σ

ζdWt.

On observe qu’alors Q et Q verifient la meme EDS et que P ne depend plusde y. Par ailleurs, on a evidemment IE(P Q) = 0 car P et Q sont independants,et chacun d’esperance nulle (c’est un simple calcul sur l’EDS ci-dessus). Poursimuler IE(PQ − P Q) on utilise le schema d’Euler explicite. On pose donc,pour chaque n, Qn

j = Qnj et

Page 175: Systèmes multi-échelles : Modélisation et simulation (Mathématiques et Applications)

4.3 Simulation numerique de l’Ecoulement de Couette 163

Pn+1i,j =

(1 − 2K

ζ

)Pn

i,j +

√2∆tσ

ζV n

i,j . (4.76)

Exercice 4.22. Pour obtenir effectivement une reduction de variance, il estnecessaire d’utiliser pour simuler P les memes V n

i,j que ceux utilises poursimuler P . Pour quelle raison ?

Pour calculer (τh)n+1i on utilise donc finalement, en lieu et place de (4.74),

(τh)n+1i = np KIE(PQ)

= np K(IE(P Q) + IE(PQ − P Q))

= np K(0 + IE(PQ − P Q))

≈ np KJ

J∑

j=1

(Pn+1i,j Qn+1

j − Pn+1i,j Qn+1

j )

≈ np KJ

J∑

j=1

((Pn+1i,j − Pn+1

i,j )Qn+1j ) (4.77)

Avant de passer a un resultat numerique, il est utile de d’abord synthetiserla demarche en indiquant ce que represente globalement la simulation nume-rique. A chaque instant tn, connaissant ((uh)n, (τh)n), on avance en tempsd’un pas de longueur ∆t de la maniere suivante :

(1) connaissant les (τh)ni pour tous les intervalles indices par i, on insere

ces valeurs dans la discretisation elements finis en espace (y) et dif-ferences finies en temps (4.49) de l’equation macroscopique fluide ; onen deduit les nouvelles valeurs de la vitesse Un+1

i (1 ≤ i ≤ N − 1).(2) en chaque intervalle de longueur ∆y,

(2.1) on simule une collection de J realisations des processus deWiener V n

i,j et Wnj (1 ≤ j ≤ J) (en fait les seconds sont independants

de l’intervalle, mais c’est une singularite due a la simplicite du casque nous avons choisi) ; si on adopte une methode de reduction devariance par variables de controle, on met a jour la variable Pi,j par(4.76) ;

(2.2) en utilisant les valeurs de Un+1i (1 ≤ i ≤ N − 1), on realise

l’avancee d’un pas de temps des schemas aux differences finies (4.73)discretisant les equations differentielles stochastiques (4.69), d’ou lesvaleurs de P n+1

i,j et Qn+1j ;

(2.3) en moyennant sur les J realisations, on obtient la moyenneempirique (4.74) donnant la valeur du tenseur des contraintes (τh)n+1

i

au nouveau pas de temps, et on boucle.

Page 176: Systèmes multi-échelles : Modélisation et simulation (Mathématiques et Applications)

164 4 Modeles micro-macro pour les fluides

Remarque 4.23. Il faut bien sur noter que les sous-etapes (2.1)-(2.2)-(2.3) peu-vent etre effectuees en parallele (ce qui peut etre un gain de temps colossal,vu le nombre d’intervalles). Dans un gros calcul, sur un gros ordinateur, ondistribue sur chaque processeur un certain nombre de tels intervalles en espace.Charge a chacun de faire evoluer d’un pas de temps “ses” halteres. De meme(mais le gain est moins important, et on pourrait faire autrement), les etapes(1) et (2) decrites ci-dessus peuvent etre faites simultanement.

Remarque 4.24. On remarquera qu’il y a exactement autant d’equations diffe-rentielles stochastiques que de dimensions dans l’espace de configuration. Ilest donc clair que le cout du calcul est proportionnel a la dimension, et nonexponentiel comme dans le cas des discretisations de l’equation de Fokker-Planck (en effet, s’il faut N points pour une discretisation differences finiesen 1D, il faudra, pour obtenir la meme precision, grosso modo N d points endimension d).

Ayant decrit les deux approches Fokker-Planck (methode 1 de la Sec-tion 4.3.3) et Equations differentielles Stochastiques (methode 2 de la Sec-tion 4.3.4), il est utile de commenter leurs interets respectifs.

La methode 1 est pour l’instant restreinte aux cas de petites dimensions,vu les questions de complexite evoquees dans la Remarque 4.24. Cependant,quand elle est possible, elle est plus rapide que la methode 2 (dans cettederniere, la generation du hasard, plus la gestion des differentes realisationsdes processus prennent du temps), et ceci se comprend d’un point de vueheuristique si on se souvient de la Remarque 4.17 : la methode 1 ne calculeque ce qui est requis par le modele, a savoir la densite, alors que la methode 2calcule plus que cela, a savoir le processus. Le bilan actuel de la rechercheen ce domaine est donc : on utilise la methode 1 des que cela est possible, asavoir pour les cas de petite dimension, et la methode 2 pour traiter les plusgrandes dimensions. Les efforts portent a la fois sur des tentatives d’extensionde la methode 1 a des plus grandes dimensions, et des accelerations de lamethode 2 en grandes dimensions. Bien entendu, cela n’empeche pas de testeret ameliorer la methode 2 des la petite dimension, c’est ce que nous avons faitici.

4.3.5 Un resultat numerique

Le resultat ci-dessus met en evidence l’effet d’overshoot : lorsqu’on met enmouvement un fluide viscoelastique dans un plan de Couette par un echelonde vitesse (4.40), la vitesse peut prendre localement des valeurs superieures ala vitesse d’equilibre asymptotique

u(y) = 1 − y

H,

Page 177: Systèmes multi-échelles : Modélisation et simulation (Mathématiques et Applications)

4.4 A lire apres le Chapitre 5 : notions de base d’analyse numerique des EDS 165

0 1

0

1

1.5

I=100 N=20

x

u

Fig. 4.6. Evolution du profil de vitesse au cours du temps. I designe le nombre depas de discretisation en espace et N le nombre de pas de temps.

ce qui n’arrive jamais avec un fluide newtonien.L’interpretation est la suivante. Quand les polymeres ne sont pas orientes

dans le sens de l’ecoulement, le gradient de vitesse les reoriente, tout en lesetirant. Les ressorts stockent alors de l’energie. Une fois qu’ils sont orientes,les ressorts peuvent se detendre (ils ne sentent plus de gradients de vitesse)et ils liberent alors de l’energie dans le fluide qui s’accelere au-dela de lavitesse asymptotique. Ce phenomene a par exemple l’application suivante :on rajoute parfois des polymeres dans l’eau des lances d’incendie pour qu’apuissance egale leur jet porte plus loin.

4.4 A lire apres le Chapitre 5 : notions de base d’analyse

numerique des EDS

Nous donnons ici quelques elements d’analyse numerique pour les schemas dediscretisation des equations differentielles stochastiques. Comme l’indique sontitre, cette section est a lire en deuxieme lecture, quand le Chapitre 5, ou fi-gurent notamment les notions de base pour l’analyse numerique des equationsdifferentielles ordinaires, c’est-a-dire deterministes, aura ete etudie.

Pour notre expose, nous allons prendre comme prototype d’equationdifferentielle stochastique l’equation suivante

dXt = f(Xt) dt + σ(Xt) dBt, (4.78)

de donnee initiale X0, pour des donnees f et σ suffisamment regulieres (i.e.lipschitziennes et a croissance au plus lineaire). Des extensions a de telles

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166 4 Modeles micro-macro pour les fluides

fonctions f et σ dependant explicitement du temps (i.e. f(t,Xt) et σ(t,Xt))peuvent etre envisagees, mais elles ne le seront pas ici. De meme que ne leseront pas le cas de donnees f et σ moins regulieres.

Comme d’habitude, on rappelle que (4.78) n’est qu’une notation pourl’equation

Xt = X0 +

∫ t

0

f(Xs) ds +

∫ t

0

σ(Xs) dBs, (4.79)

vraie presque surement, et pour tout temps t. Pour l’approximation de lasolution Xt de cette equation aux temps tn = n∆t par une variable aleatoireen temps discret Xn, le schema le plus simple est le schema dit schema d’Euler-Maruyama suivant, tres intuitif,

Xn+1 = Xn + f(Xn)∆t + σ(Xn) (Btn+1− Btn

). (4.80)

C’est en fait le schema que nous avons spontanement utilise en (4.71). Dansla pratique, comme l’accroissement Btn+1

− Btnest une variable aleatoire

gaussienne centre de variance tn+1 − tn = ∆t, on simulera

Xn+1 = Xn + f(Xn)∆t + σ(Xn)√

∆tN (0, 1), (4.81)

ou N (0, 1) est une variable aleatoire gaussienne centree reduite.Comme Xtn

, solution exacte de (4.78) au temps tn = n∆t, et Xn sontdes variables aleatoires, toutes les normes ne sont pas equivalentes pourevaluer leur difference. Il s’ensuit differentes notions de convergence du schemanumerique.

4.4.1 Convergence forte du schema

La premiere notion de convergence est la suivante.

Definition 4.25. Le schema numerique pour la simulation de l’equationdifferentielle stochastique est dit avoir l’ordre α > 0 de convergence fortes’il existe une constante C, eventuellement dependant de l’intervalle [0, T ] desimulation, telle que, pour toute discretisation de pas ∆t, on a, pour tout n,

IE(∣∣Xn − Xtn

∣∣) ≤ C (∆t)α. (4.82)

A l’aide de cette definition, regardons en detail la discretisation que nousavons effectuee en (4.71). Nous avons ecrit une approximation du type

Xn+1 − Xn =

∫ tn+1

tn

f(Xt) dt +

∫ tn+1

tn

dBt

≈ f(Xn)∆t + (Btn+1− Btn

) (4.83)

pour une equation differentielle stochastique en fait de la forme (4.61) i.e.

dXt = f(t,Xt) dt + σ dBt.

Page 179: Systèmes multi-échelles : Modélisation et simulation (Mathématiques et Applications)

4.4 A lire apres le Chapitre 5 : notions de base d’analyse numerique des EDS 167

Il est intuitif de voir (et ceci peut evidemment se montrer rigoureusement)que l’ordre de cette approximation est ∆t, puisque l’erreur d’approximationest entierement due au premier terme d’integrale et est celle de l’habituelschema d’Euler explicite. Cependant, cette situation simplifiee ou σ ≡ 1 (ladispersion est constante devant le brownien) est une situation trompeuse. Enfait, en toute generalite, on peut montrer que le schema d’Euler-Maruyamaest fortement convergent d’ordre α = 1/2 seulement.

On peut en fait interpreter cet ecart d’un demi-ordre entre le schema etson analogue deterministe comme une “erreur de calcul” dans l’etablissementdu schema d’Euler-Maruyama. D’une certaine maniere, on a mene pour ecrirele schema (4.80) a partir de l’equation (4.78) un calcul differentiel habituel(c’est-a-dire deterministe) alors qu’on aurait du faire un calcul differentielparticulier, dit calcul d’Ito, tenant compte du fait que le mouvement brownienn’est pas a variation quadratique bornee (ou, en termes plus simples, que(dBt)

2 est d’ordre dt).

Une maniere de faire percevoir l’erreur commise est la suivante. Pourl’integrale de Lebesgue, il est evident que

∣∣∣∣N−1∑

n=0

∫ tn+1

tn

(σ(t) − σ(tn)) dt

∣∣∣∣ ≤ ‖σ′‖L∞

N−1∑

n=0

(tn+1 − tn

)2= O(dt). (4.84)

Mais pour l’integrale d’Ito, la meme strategie de majoration donne formelle-ment

∣∣∣∣N−1∑

n=0

∫ tn+1

tn

(σ(Bt) − σ(Btn)) dBt

∣∣∣∣ ≤ ‖σ′‖L∞

N−1∑

n=0

(Btn+1

− Btn

)2= O(1),

(4.85)en vertu de la loi forte des grands nombres (les variables aleatoires

(Btn+1

−Btn

)2sont independantes et toutes d’esperance tn+1 − tn = dt). Approcher la

fonction par la fonction en escalier “naturelle” ne conduit donc pas a la qualited’approximation voulue. Alternativement, au niveau continu, cela correspondau fait que la loi de derivation des fonctions composees n’est pas celle du cadredeterministe (on parle de formule d’Ito pour une telle loi).

Precisons un peu cela. Avec un calcul differentiel classique, on ecrit a partirde (4.78), c’est-a-dire de la forme integree (4.79),

Xn+1 − Xn =

∫ tn+1

tn

f(Xt) dt +

∫ tn+1

tn

σ(Xt) dBt

≈ f(Xn)∆t + σ(Xn) (Btn+1− Btn

) (4.86)

ou l’approximation de la seconde integrale est simplement

∫ tn+1

tn

σ(Xt) dBt ≈ σ(Xn)

∫ tn+1

tn

dBt = σ(Xn) (Btn+1− Btn

) (4.87)

Page 180: Systèmes multi-échelles : Modélisation et simulation (Mathématiques et Applications)

168 4 Modeles micro-macro pour les fluides

d’ou le schema (4.80). Cette approximation (4.87) n’est pas exacte a l’ordre∆t, mais a l’ordre (∆t)1/2 parce qu’elle consiste a negliger la derivee de σ(Xs)(ce qui n’a aucune influence dans le cas ou σ est constant, conformement ace qu’on a vu ci-dessus). On a en fait oublie un terme d’ordre superieur a ∆t,rendant impossible d’obtenir un schema fortement convergent d’ordre 1.

En fait, la bonne facon de proceder est de faire un calcul d’Ito sur σ(Xt)qui s’ecrit (on l’admet)

σ(Xt) = σ(Xtn) +

∫ t

tn

σ(Xs)σ′(Xs) dBs

+

∫ t

tn

(σ′(Xs)f(Xs) +

1

2σ′′(Xs)σ

2(Xs))ds.

Cette relation est la forme mathematique de

d(σ(Xt)) = σ′(Xt) dXt +1

2σ′′(Xt)σ

2(Xt)dt,

qui est une loi des fonctions composees differente du cas deterministe. Elleconduit donc a approcher σ(Xt) selon

σ(Xt) ≈ σ(Xtn) +

∫ t

tn

σ(Xs)σ′(Xs) dBs ≈ σ(Xtn

) + σ(Xn)σ′(Xn) (Bt − Btn)

En inserant cela dans l’integrale (4.87), on obtient donc

∫ tn+1

tn

σ(Xt) dBt

≈ σ(Xtn) (Btn+1

− Btn) + σ(Xn)σ′(Xn)

∫ tn+1

tn

(Bt − Btn) dBt

= σ(Xtn) (Btn+1

− Btn) + σ(Xn)σ′(Xn)

((Btn+1

− Btn)2 − ∆t

)

En regroupant, on a introduit le schema dit schema d’Euler-Milstein

Xn+1 − Xn = f(Xn)∆t + σ(Xn) (Btn+1− Btn

)

+1

2σ(Xn)σ′(Xn)

((Btn+1

− Btn)2 − ∆t

) (4.88)

Ce schema est, lui, fortement convergent d’ordre 1 pour la discretisationde (4.78) (avec des donnees f et σ assez regulieres), comme son analoguedeterministe, le schema d’Euler explicite. On notera bien sur que, quand leterme σ devant le brownien est une fonction constante, ce qui est le cas dansnotre simulation de fluides polymeriques, les deux schemas d’Euler-Maruyamaet Euler-Milstein sont identiques.

Page 181: Systèmes multi-échelles : Modélisation et simulation (Mathématiques et Applications)

4.4 A lire apres le Chapitre 5 : notions de base d’analyse numerique des EDS 169

4.4.2 Convergence faible du schema

La notion d’ordre de convergence forte mesure l’ecart entre simulation numeri-que et solution exacte en termes d’esperance, c’est-a-dire en moyenne. Elle anotamment une implication sur l’ecart pour chaque realisation, puisque desque les variables aleatoires |Xn − Xn∆t| sont d’esperance bornee, on peutaffirmer

IP(|Xn − Xtn| ≥ a) ≤ 1

aIE(|Xn − Xtn

|), (4.89)

et donc, dans la situation d’un schema d’ordre 1/2,

IP

(|Xn − Xtn

| ≥ (∆t)1/4

)≤ C(∆t)1/4, (4.90)

ce qui donne une evaluation, realisation par realisation, de l’erreur numeriquerealisee.

On peut etre moins exigeant que la convergence forte, qui demande laconvergence en moyenne, et introduire la.

Definition 4.26. Dans les memes conditions que la Definition precedente, ondit que le schema a l’ordre β de convergence faible, s’il existe une constanteC telle que ∣∣∣∣IE

(ϕ(Xn)

)− IE

(ϕ(Xn∆t)

)∣∣∣∣ ≤ C (∆t)β , (4.91)

pour toute fonction ϕ de classe C∞, telle qu’elle-meme et toutes ses deriveessoient a croissance polynomiale a l’infini.

Cette definition se justifie en ce que, dans la plupart des situations pratiques,on ne cherche pas a calculer veritablement le processus Xt lui-meme, maisseulement une esperance batie a partir de ce processus, ne faisant donc inter-venir que la densite de ce processus, ou en d’autres termes des IE

(ϕ(Xn∆t)

),

dont la precision est precisement regie par cette notion de convergence faible.Ceci est exactement la situation pour notre simulation de fluides polymeriques,puisque les equations differentielles stochastiques sont alors utilisees pourcalculer le tenseur des contraintes par la formule (4.70), c’est-a-dire uneesperance.

On peut montrer que le schema d’Euler-Maruyama est faiblement conver-gent d’ordre β = 1 pour l’approximation de l’equation differentielle stochas-tique (4.78) avec des donnees f et σ suffisamment regulieres. La notion deconvergence faible permet donc de retrouver le resultat d’ordre du cadredeterministe.

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170 4 Modeles micro-macro pour les fluides

4.4.3 Stabilite asymptotique du schema

Introduisons une derniere notion. Pour juger de la qualite d’un schema dediscretisation numerique sur les longs temps d’integration, nous avons intro-duit pour les equations differentielles ordinaires la notion de stabilite, mesuresur l’equation prototype (5.22) a savoir

y′(t) = λ y(t)

pour λ ∈ C| . Nous mesurions alors la capacite d’un schema a reproduire laconvergence en temps long vers zero, lorsque λ a une partie reelle negative.Ici, pour notre cadre stochastique, nous introduisons de meme l’equationdifferentielle stochastique

dXt = λXt dt + µXt dBt, (4.92)

ou λ et µ sont deux complexes fixes. Il est facile de voir que selon la positionde λ et µ dans le plan complexe, on a le comportement suivant de la solutionde (4.92) quand t −→ +∞,

limt−→+∞

IE(X2t ) = 0 si et seulement si Re(λ) +

1

2|µ|2 < 0 (4.93)

ce qu’on appelle stabilite en moyenne et

limt−→+∞ |Xt| = 0avec probabilite 1si et seulement si Re(λ − 1

2 µ2) < 0(4.94)

ce qu’on appelle stabilite asymptotique. Noter que les deux notions de stabilitecoıncident dans le cas deterministe µ = 0, et redonnent ce qui est connu. Dela, la double definition suivante.

Definition 4.27. On appelle domaine de stabilite en moyenne, et respective-ment domaine de stabilite asymptotique, d’un schema numerique donne lesdomaines des valeurs de (∆t, λ, µ) dans IR+ × C| 2 pour lesquelles le schemanumerique reproduit pour la solution discrete les comportements des membresde gauche de (4.93) et (4.94).

Pour le schema d’Euler-Maruyama, on peut montrer

limn−→+∞

IE(X2n) = 0 si et seulement si |1 + ∆tλ|2 + ∆t |µ|2 < 1

(4.95)et

limn−→+∞ |Xn| = 0 avec probabilite 1

si et seulement si IE

(Log

∣∣1 + ∆tλ +√

∆t µN (0, 1)∣∣)

< 0(4.96)

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4.5 Bibliographie 171

En conclusion de cette section sur les equations differentielles stochas-tiques, soulignons le fait que l’on ne doit pas s’etonner du fait que les resultatsd’analyse numerique sur la simulation de ces equations sont beaucoup pluspauvres que leurs analogues sur les equations deterministes. La raison est es-sentiellement que les difficultes sont plus grandes, et le sujet plus jeune (il aa peine 50 ans alors que la convergence du schema d’Euler a ete utilisee parCauchy pour sa preuve constructive de solution).

4.5 Bibliographie

Les modeles standards de fluides newtoniens incompressibles, ainsi que leur si-mulation numerique peuvent etre lus respectivement dans Y. Bamberger [10],B. Lucquin et O. Pironneau [54] M. Gunzburger [40] par ordre de difficulte.Pour la simulation des fluides non newtoniens par des modeles purement ma-croscopiques on pourra se reporter a R. Keunings [48].

La physique et la rheologie des polymeres font l’objet d’une litteratureimportante. Les proprietes basiques des polymeres que nous avons decritessont extraites du cours de F. Devreux [32]. Pour les modeles micro-macro pourles fluides polymeriques, les references les plus pedagogiques, avec lesquellesont ete ecrites les pages qui precedent sont constituees par les traites de M.Doi [28], M. Doi et SF. Edwards [29], R. Bird, Ch. Curtiss, C. Armstrong, O.Hassager [14], HC. Ottinger [62]. Une autre excellente reference est le livre deR. Owens et T. Phillips [63].

On pourra lire aussi dans [62] des elements de theorie des probabilitesadaptes aux modeles etudies. Pour une introduction tres pedagogique a lasimulation des equations differentielles stochastiques, on recommande l’articlede D. J. Higham [45].

Enfin, signalons que l’analyse mathematique et numerique de modelesmicro-macro abordes rapidement ici fait l’objet d’une serie de travaux recentspar B. Jourdain, T. Lelievre et C. Le Bris inities dans [47]. On pourra lireaussi des travaux effectues par d’autres groupes (notamment celui de WeinanE a Princeton, celui de Felix Otto a Bonn, et celui de Pingwen Zhang a Pekin)sur les memes sujets ou des sujets relies.

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5

Cinetique chimique

Nous allons voir dans ce dernier chapitre un exemple de systemes multiechellesen temps, les equations de la cinetique chimique. Ces equations decriventl’evolution des concentrations d’especes chimiques dans un reacteur chimique,ou dans l’atmosphere par exemple. Elles font intervenir plusieurs echellesde temps, parfois differentes de plusieurs ordres de grandeur. Les simulernumeriquement est donc particulierement difficile. On peut certes choisir unpas de temps numerique de l’ordre de la plus petite des echelles de temps,mais alors on n’aura aucune chance de simuler le systeme sur un intervallede temps suffisamment grand pour voir evoluer significativement les especesles plus lentes. On ne peut pas non plus choisir un pas de temps grand,dans l’idee d’atteindre une plus grande efficacite, car alors il serait impos-sible de suivre l’evolution des petites echelles de temps. Donc il faut trouverune solution numerique adaptee. Nous en presentons ici trois : l’adoptionde schemas numeriques efficaces, la decomposition en sous-etapes adaptees achaque echelle de temps, et la reduction du systeme qui consiste a eliminerles echelles de temps les plus courtes.

5.1 Modelisation de la cinetique chimique

On considere un systeme reactif comportant Ne especes chimiques Yi, danslequel Nr reactions peuvent avoir lieu. Ces reactions s’ecrivent

Ne∑

i=1

ν−irYi

kr−→Ne∑

i=1

ν+irYi,

ou kr designe le taux de reaction de la reaction r, les coefficients ν−ir et ν+

ir etantles coefficients stoechiometriques de l’espece Yi comme reactif et produit de lareaction r. L’equation differentielle qui donne la variation de la concentrationyi de l’espece Yi est donc :

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174 5 Cinetique chimique

dyi

dt=

Nr∑

i=1

kr(ν+ir − ν−

ir)

Ne∏

j=1

yν−

jr

j .

Si pour simplifier on ne prend par exemple que trois especes et trois reactions

Y3k3−→ Y2

k2−→ Y1k1−→ Y2,

on voit que le systeme s’ecrit

⎧⎪⎪⎪⎪⎪⎪⎪⎪⎨⎪⎪⎪⎪⎪⎪⎪⎪⎩

dy1

dt= −k1y1 +k2y2

dy2

dt= k1y1 −k2y2 +k3y3

dy3

dt= −k3y3

(5.1)

Pour certains triplets (k1, k2, k3) le systeme differentiel ci-dessus va s’averertres difficile a simuler, ceci se produisant des que les taux de reaction kr

presentent des ordres de grandeur tres differents. Nous allons voir pourquoi,et presenter des solutions. Signalons que les techniques que nous allons decrirenon seulement s’appliquent aux systemes lineaires comme (5.1), mais aussis’adaptent a des systemes non lineaires (presence de termes du type y1y2 parexemple au membre de droite de (5.1)). Commencons par une introduction ra-pide a l’analyse numerique des methodes utilisees pour simuler numeriquementun systeme d’equations differentielles ordinaires comme (5.1). Comme d’ha-bitude dans ce cours, on donne cette introduction dans le but de faciliter latache du lecteur, mais une telle introduction ne se substitue pas a un vraicours centre sur le sujet.

5.2 Notions rapides d’analyse numerique des EDO

Fixons un intervalle I de la droite reelle de la forme [0, T ] ou T > 0 vauteventuellement +∞. On se donne y0 ∈ IRm et une fonction f definie surI × IRm a valeurs dans IRm, et on cherche a trouver une fonction y continueet derivable sur I, a valeurs dans IRm telle que,

y′ = f(t, y(t)) pour tout t ∈ I,y(t = 0) = y0.

(5.2)

Ce probleme s’appelle un probleme de Cauchy. La valeur y0 est sa donneeinitiale, aussi appelee condition de Cauchy. Dans toute la suite, une fonctiony continue et derivable sur I, a valeurs dans IRm, qui verifie (5.2) est ditesolution du probleme de Cauchy (5.2).

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5.2 Notions rapides d’analyse numerique des EDO 175

5.2.1 Generalites et schema d’Euler explicite

Nous supposons que le probleme de Cauchy (5.2) admet une unique solutionsur un intervalle [0, T ] (T fini), ce qui va en particulier etre assure par lacondition de Lipschitz suivante : on suppose que la fonction f est continuesur I × IRm et de plus qu’il existe un reel L (dit constante de Lipschitz de lafonction f) tel que

∀t ∈ I, ∀y, z ∈ IRm, |f(t, y) − f(t, z)| ≤ L|y − z|. (5.3)

Une variante de (5.3) est : il existe une fonction l ∈ L1(I) telle que

∀t ∈ I, ∀y, z ∈ IRm, (f(t, y) − f(t, z), y − z) ≤ l(t)|y − z|2. (5.4)

Pour simplifier, nous supposons desormais que y est a valeurs reelles (m = 1),sauf mention explicite du contraire.

Pour resoudre numeriquement (5.2), la methode naturelle est de decouperl’intervalle [0, T ] en N intervalles, de longueurs non necessairement identiques0 = t0 < t1 < t2 < ... < tN−1 < tN = T , de poser hn = tn+1 − tn,h = max0≤n≤N−1hn, et d’utiliser le schema dit schema d’Euler explicite

yn+1 = yn + hnf(tn, yn), 0 ≤ n ≤ N − 1 (5.5)

avec la donnee initiale y0 figurant dans (5.2).

L’objectif de l’analyse numerique in fine est de savoir a quel point la so-lution numerique yn (0 ≤ n ≤ N) sera une approximation convenable dela solution exacte y(t) prise aux instants t0, t1, ..., tN correspondants. Nousdefinissons donc l’erreur au temps tn par

en = y(tn) − yn. (5.6)

Le schema definit une approximation numerique convergente (voir la Defini-tion 5.10 plus loin) si lim

h−→0max0≤n≤N |en| = 0.

A l’instant tn+1, l’erreur en+1, qui represente la difference entre la solutionexacte y(tn+1) et la solution approchee yn+1, peut etre decomposee de la faconsuivante :

• l’erreur qui vient juste d’etre faite sur le pas de temps [tn, tn+1]

• et l’erreur qui venait de tous les pas de temps anterieurs.

Pour quantifier la premiere erreur, on peut imaginer la situation ou on auraitcalcule de facon parfaite jusqu’a l’instant tn : on aurait donc la valeur exactey(tn) a l’instant tn. En inserant cette valeur dans le schema numerique, onferait, sur le pas de temps [tn, tn+1], une erreur liee seulement au schemanumerique lui-meme qui serait

εn = y(tn+1) −[y(tn) + hnf(tn, y(tn))

].

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176 5 Cinetique chimique

Cette erreur, commise specifiquement sur le pas de temps [tn, tn+1], est ap-pelee erreur locale de troncature au temps tn, et est mesuree par la notionde precision du schema. En particulier, le schema sera dit consistant si cetteerreur decroit strictement plus vite que h, en un sens que nous preciseronsplus loin.

Quant a la seconde erreur, elle n’est pas locale, mais globale. Elle a commeorigine l’accumulation des erreurs locales de troncature a tous les pas de tempsprecedents. Cette erreur peut etre controlee par une notion dite de stabilite.

Si on arrive a construire un schema permettant de maıtriser a la fois lepremier type d’erreur et le second, il y a toutes les chances que ce schemafournisse une approximation convergente. Nous verrons que c’est effectivementle cas a l’Exercice 5.11 (pour l’exemple des schemas a un pas).

t

y0

y

solution exacte y(t)

εn

tn+1tn

en solution numérique yn

Fig. 5.1. L’erreur de troncature εn et l’erreur globale en.

Dans le cadre du schema (5.5), l’erreur de troncature s’ecrit

εn = y(tn+1) −[y(tn) + hnf(tn, y(tn))

]=

∫ tn+1

tn

(y′(t) − y′(tn)) dt (5.7)

et peut donc etre controlee, des que la solution exacte y est de classe C2 (cequi est le cas des que la fonction f est C1) par

|εn| ≤ hn

∫ tn+1

tn

|y′′(t)| dt, (5.8)

ce qui montre en particulier que la methode est donc consistante. On controlealors l’accumulation des erreurs en examinant l’erreur en+1, qu’on decompose

Page 189: Systèmes multi-échelles : Modélisation et simulation (Mathématiques et Applications)

5.2 Notions rapides d’analyse numerique des EDO 177

sous la forme

en+1 = en + hn(f(tn, y(tn)) − f(tn, yn)) + εn.

Si f verifie la condition de Lipschitz (5.3), on en deduit |en+1| ≤ (1+Lh)|en|+|εn|. A l’aide d’un raisonnement par recurrence sur n, avec e0 = 0, il estbasique de voir que ceci implique l’estimation suivante, qui exprime en fait lastabilite du schema :

|en| ≤n−1∑

k=0

|εk|eL(tn−tk+1), (5.9)

On deduit de (5.8) et (5.9) :

|en| ≤ h

n−1∑

k=0

eL(tn−tk+1)

∫ tk+1

tk

|y′′(t)| dt

≤ h

n−1∑

k=0

∫ tk+1

tk

|y′′(t)|eL(tn−t) dt

≤ h

∫ tn

0

|y′′(t)|eL(tn−t) dt.

Nous avons prouve le resultat suivant.

Theoreme 5.1. Quand la fonction f verifie la condition de Lipschitz (5.3),le schema d’Euler explicite est convergent. Si la solution exacte y est de plusde classe C2, on peut estimer l’erreur par

|en| ≤ h

∫ tn

0

|y′′(t)|eL(tn−t) dt. (5.10)

Le cout d’une methode comme (5.5) est seulement determine par lesevaluations de la fonction f a chaque pas de temps. Economiser du tempsde calcul necessite donc de reduire le nombre de pas de temps, ou, ce quirevient au meme, d’augmenter les hn. L’idee motrice est de se dire que quandon remarque que l’erreur qu’on commet est tolerable, on s’autorise pour lesquelques pas de temps qui suivent un pas de temps plus large, et quand aucontraire, on decele une erreur devenant dangereusement grande, on raffinelocalement le pas de temps. On parle d’une strategie de controle du pas, la-quelle peut etre tres difficile a mettre en oeuvre, surtout sur les problemesmultiechelles qui nous occuperont plus loin.

Exercice 5.2. L’objet de l’exercice est de montrer que le schema d’Eulerexplicite necessite de petits pas de temps. On considere

y′ = −20 y pour tout t ∈ [0, 1],y(t = 0) = 1.

(5.11)

Page 190: Systèmes multi-échelles : Modélisation et simulation (Mathématiques et Applications)

178 5 Cinetique chimique

Comme la solution exacte est y(t) = e−20t, on s’attend a ce que, meme sur lesegment [0,1], la solution s’ecrase vite vers 0. Calculer (a la main !) la solutionnumerique obtenue via le schema d’Euler explicite pour le pas de temps ∆t =1/10, puis pour ∆t = 1/20. Commenter.

Programmer la resolution pour ∆t = 1/40.

5.2.2 Schema d’Euler implicite

On introduit le schema suivant, dit schema d’Euler implicite

yn+1 = yn + hnf(tn+1, yn+1), 0 ≤ n ≤ N − 1 (5.12)

pour la resolution du systeme (5.2).La denomination implicite est claire : yn+1 est une fonction implicite

de yn, et cela justifie retrospectivement la denomination explicite pour leschema (5.5). En pratique, il ne sera pas forcement facile de calculer yn+1

a partir de yn via la relation (5.12). Ceci peut par exemple necessiter unalgorithme de resolution de type Newton, lequel necessitera lui-meme uneresolution de systeme lineaire a chaque iteration. Dans l’evaluation du coutd’une methode implicite, on devra tenir compte, non seulement comme dansle cas des methodes explicites du nombre de pas de temps, mais du cout dechacun des pas de temps.

L’erreur de troncature du schema d’Euler implicite est la meme que pourle schema d’Euler explicite, mais la difference cruciale entre les deux schemasse situe dans l’analyse de la stabilite. Nous rappellerons la definition exactede la stabilite ci-dessous (stabilite et stabilite absolue, respectivement auxDefinitions 5.8 et 5.12). Regardons ici un critere lie a cette notion de stabilite,a savoir le fait de pouvoir affirmer sur la resolution de

y′ = −λy,y(0) = y0

(5.13)

avec λ > 0, que |yn| est uniformement borne en n.Il est immediat de verifier que le schema (5.12) s’ecrit alors (1+λhn)yn+1 =

yn, d’ou

yn+1 =

n∏

k=0

1

1 + λhky0. (5.14)

On deduit de (5.14) que |yn| reste borne (par |y0| ici) pour tout n,independamment d’ailleurs du choix des pas hk. Il est instructif de faire lacomparaison avec le schema d’Euler explicite qui donne :

yn+1 =

n∏

k=0

(1 − λhk)y0, (5.15)

et qui donc ne fournira une solution bornee pour tout n que sous une contraintesur les pas hk. Pour un schema comme le schema d’Euler implicite on pourra

Page 191: Systèmes multi-échelles : Modélisation et simulation (Mathématiques et Applications)

5.2 Notions rapides d’analyse numerique des EDO 179

donc economiser du temps calcul en choisissant un pas de temps plus grand,contrepartie du fait que chaque iteration “implicite” est plus couteuse.

Remarque 5.3. On ne doit pas penser pour autant que le schema d’Euler impli-cite est parfait ! Pour l’equation (5.13) avec λ < 0, il fournit une approximationyn qui tend vers 0 quand n −→ +∞ alors que la solution exacte explose vers+∞.

Nous avons le resultat suivant, que nous admettons (voir cependant un casparticulier en exercice) :

Theoreme 5.4. On suppose que la fonction f verifie la condition (5.4) et quepour tout n, hnl(tn+1) < 1. Alors, la formule de recurrence (5.12) definit bienune valeur unique de yn+1 et la methode d’Euler implicite est convergente.

Exercice 5.5. On applique le schema d’Euler implicite sur l’equation (5.13),avec λ > 0 grand. Montrer que l’erreur s’ecrit pour tout n

en =

n−1∑

l=0

( n−1∏

k=l+1

1

1 + λhk

)εl. (5.16)

En deduire une estimation de |en| quand le pas h est constant. Comparer avecle cas du schema d’Euler explicite. Montrer que le schema d’Euler impliciteest convergent pour l’equation (5.13).

On peut en fait remarquer que prouver la convergence d’un schema im-plicite quand le pas h tend vers zero est un peu une coquetterie. En effet,cela revient a montrer que quand le pas de temps tend vers zero, les choses sepassent bien, alors que dans la pratique tout l’interet d’un schema impliciteest de pouvoir prendre un pas de temps grand, meme quand les constantes deLipschitz sont grandes ! A cela, deux reponses au moins :

- il est utile de verifier la convergence quand h −→ 0 pour avoir une idee dela qualite du schema ;

- il existe d’autres etudes de convergence des schemas implicites, valablesprecisement dans un contexte ou on n’a pas h petit a L grand donne, maispar exemple hL −→ +∞, ce qui est plus proche de la realite ; ces etudessont le fait des “professionnels” de la resolution numerique des equationsdifferentielles ordinaires difficiles (“raides”, au sens d’une definition quenous verrons plus loin), et depassent largement, par leur technicite, lecadre de ce cours. Nous verrons cependant des idees dans la meme direc-tion a la section 5.3.

5.2.3 Precision, stabilite et convergence

Nous rappelons maintenant dans le cadre simplifie qui est le notre ici lesnotions de precision, consistance, stabilite d’une methode que nous avons in-troduites ci-dessus dans le cas des schemas d’Euler.

Page 192: Systèmes multi-échelles : Modélisation et simulation (Mathématiques et Applications)

180 5 Cinetique chimique

Definition 5.6. Nous appelons ordre du schema

yn+1 = yn + hnΦ(tn, yn;hn), (5.17)

le plus grand entier p tel que l’erreur locale de troncature verifie

y(t + h) − y(t) − hΦ(t, y(t);h) = O

(hp+1

). (5.18)

pour toute fonction f qui est p fois continument derivable et toute solutiony(t) de (5.2). Nous dirons de facon equivalente qu’il est precis a l’ordre p+1.Le schema sera dit consistant s’il est d’ordre p ≥ 1.

Noter qu’avec Φ(t, y;h) = f(t, y) on retrouve ci-dessus le schema d’Eulerexplicite. Le schema d’Euler implicite (5.12) se met aussi sous la forme ci-dessus en choisissant hΦ(t, y;h) = Ψ(t, y;h)− y, ou Ψ(t, y;h) est (sous reservede bonnes conditions sur la fonction f) l’unique solution z de z = y + hf(t +h, z).

Remarque 5.7. On pourrait se poser la question suivante : pourquoi la pro-priete minimale exigee est-elle O

(h2)

et pas O(h)? ou, en d’autres termes,

pourquoi la consistance est-elle associee a p = 1 et non a p = 0 pour l’erreurde troncature ? La raison est qu’on ne s’interesse pas tant a une erreur detroncature, mais a la somme d’entre elles. Si on impose (5.18) avec p ≥ 1, onvoit que

N−1∑

n=0

∣∣y(t + h) − y(t) − hΦ(t, y(t);h)∣∣ ≤

N−1∑

n=0

O(h2)

=(N−1∑

n=0

h)O(h)

= T O(h)−→ 0,

ce qui ne serait pas vrai pour (5.18) avec seulement p = 0. Certains auteurschoisissent ainsi de definir la consistance de maniere un peu differente, maisavec le meme objectif.

Passons maintenant a la stabilite.

Definition 5.8. Le schema (5.17) est dit stable si il existe h∗ > 0 et une

constante M independante de h∗ et deT

∑Nn=1 hn

(mais dependant eventuel-

lement de T ) telle que, pour toutes les suites hn ≤ h∗, yn, zn, δn verifiant,pour 0 ≤ n < N , yn+1 = yn+hnΦ(tn, yn;hn), zn+1 = zn+hnΦ(tn, zn;hn)+δn,on a

max0≤n≤N |zn − yn| ≤ M

[|y0 − z0| +

0≤n<N

|δn|]. (5.19)

Page 193: Systèmes multi-échelles : Modélisation et simulation (Mathématiques et Applications)

5.2 Notions rapides d’analyse numerique des EDO 181

Le lecteur comparera cette definition de stabilite “discrete” portant sur leschema numerique avec la formulation “continue” de stabilite suivante portantsur l’equation elle-meme, qu’il connaıt sans doute et que nous rappelons ici.

Definition 5.9. Un probleme de Cauchy du type (5.2) est dit stable si il existeune constante C telle que pour tout ε > 0 fixe et pour toute perturbation δ0 ∈IRm et δ(t) ∈ C0(I, IRm) des donnees satisfaisant |δ0| ≤ ε, |δ(t)| ≤ ε, ∀t ∈ I,la solution z du probleme de Cauchy perturbe

z′ = f(t, z) + δ(t) pour tout t ∈ I,z(t = 0) = y0 + δ0,

(5.20)

verifie |z(t) − y(t)| ≤ Cε ou, ce qui est une variante1,

|z(t) − y(t)| ≤ C|δ0| + C

∫ t

0

|δ(s)| ds, ∀t ∈ I.

Pour T < +∞, et f continue verifiant la condition de Lipschitz (5.3),on peut montrer que le probleme de Cauchy (5.2) est stable (au sens de ladefinition ci-dessus). De meme, sous des conditions raisonnables sur Φ (Φest lipschitzienne par rapport a la variable y, et ce uniformement en h ett ∈ [0, T ]), le schema (5.17) est stable. Reste a definir la convergence.

Definition 5.10. Le schema (5.17) est dit convergent si

limh−→0

max0≤n≤N |en| = 0. (5.21)

Exercice 5.11. Montrer qu’un schema de type (5.17) consistant et stable estconvergent. On exprime souvent ceci en disant stabilite + consistance =⇒convergence

L’exercice precedent montre donc que les proprietes de consistance et destabilite sont suffisantes pour assurer la convergence du schema. La consis-tance exprime que le schema est, pas par pas, proche de l’equation, la stabiliteexprime que “la derivee du resultat par rapport a des perturbations repetees”est bornee, et donc, quand h tend vers zero, on obtient asymptotiquement lasolution exacte. Certes. Mais on se souvient que le schema d’Euler explicite estconsistant, stable et convergeant, au sens des definitions ci-dessus, ce qui nel’empeche pas d’etre peu efficace dans les situations difficiles. Par ces notions,nous sommes donc rassures sur les proprietes theoriques du schema, mais peurenseignes sur ses reelles performances dans la pratique, notamment en ce quiconcerne les temps longs d’integration. Il nous faut donc une autre definition.Pour poser cette definition, qui sera celle de la stabilite absolue d’une methode,nous aurons besoin d’un probleme de Cauchy de reference. Ce probleme serale probleme lineaire du type (5.13) que nous recrivons ici de la facon suivante.

1non rigoureusement equivalente mais utilisee en pratique

Page 194: Systèmes multi-échelles : Modélisation et simulation (Mathématiques et Applications)

182 5 Cinetique chimique

On considere le probleme de Cauchy lineaire

y′(t) = λ y(t) pour tout t > 0,y(0) = 1,

(5.22)

ou λ ∈ C et y est a valeurs dans C. Bien sur, sa solution est y(t) = eλ t. Enparticulier, pour Re(λ) < 0, cette solution tend vers zero quand le temps tendvers l’infini. Il est courant de juger d’une methode numerique en constatant sioui ou non elle sait reproduire ce comportement. Pour cela, on a la definitionsuivante.

Definition 5.12. Soit yn la solution fournie par une methode numeriquedonnee sur l’equation (5.22) pour un certain λ ∈ C fixe, et en prenant unpas constant h. Nous nous interessons a la propriete

limn−→+∞

|yn| = 0, (5.23)

que nous appelerons propriete de stabilite absolue pour l’accroissement hλ.Nous definissons l’ensemble

D = z = hλ ∈ C ; (5.23) est vraie.Cet ensemble est appele le domaine de stabilite absolue de la methode. Lorsquece domaine contient C− = z ∈ C; Re(z) ≤ 0, la methode est dite incondi-tionnellement absolument stable.

Avec cette definition, le schema d’Euler explicite, dont on rappelle qu’il eststable, n’est pas inconditionnellement absolument stable alors que le schemad’Euler implicite est, lui, inconditionnellement absolument stable.

5.3 Les problemes raides

Pour l’essentiel des problemes de Cauchy apparaissant naturellement en CalculScientifique, on rencontre des difficultes quand on utilise une methode dediscretisation explicite. L’exemple de l’exercice suivant met en scene de tellesdifficultes (qu’on a en fait deja rencontrees a l’Exercice 5.2 ci-dessus).

Exercice 5.13. On veut resoudre⎧⎨⎩

y′′ = 100y pour tout t ∈ [0, 1],y(t = 0) = 1,y′(t = 0) = −10.

(5.24)

Identifier la solution exacte. Pour calculer cette solution, nous mettons (5.24)sous la forme

d

dt

(yy′

)=

(0 1

100 0

)(yy′

)

Verifier, en programmant le schema d’Euler explicite pour les pas de temps∆t = 1/10, ∆t = 1/10000 que le comportement est celui de la Figure 5.2.Comparer a la solution exacte.

Page 195: Systèmes multi-échelles : Modélisation et simulation (Mathématiques et Applications)

5.3 Les problemes raides 183

0 10.5

-30

-20

-10

0

10

20

schéma d’Euler 10 passchéma d’Euler 10 000 passolution exacte

Fig. 5.2. Resultats pour l’Exercice 5.13 avec le schema d’Euler explicite.

De meme que dans l’Exercice, un exemple d’une situation difficile est lesuivant. On cherche a resoudre le systeme differentiel du premier ordre suivant

⎧⎪⎪⎨⎪⎪⎩

u′ = 998u + 1998 v,v′ = −999u − 1999 v,u(0) = 1,v(0) = 0.

(5.25)

La solution exacte peut etre determinee par un astucieux changement devariable et vaut :

u = 2e−t − e−1000t,v = −e−t + e−1000t.

Evidemment, aucun ordinateur ne calcule a une precision telle qu’on puisseesperer detecter le terme en e−1000t (une echelle de temps tres tres rapidecachee dans le systeme) et donc on s’attend raisonnablement2 a trouver grossomodo, pour tout t > 0,

u = 2e−t, v = −e−t.

Ces deux fonctions sont des fonctions a priori bien inoffensives. Pourtant,en integrant le systeme (5.25) par le schema d’Euler explicite, on trouve lesresultats indiques dans la figure 5.3. On a represente la fonction u, qui devraitressembler a 2e−t. Les trois courbes ont ete obtenues pour ∆t = 1/400, ∆t =1/500, ∆t = 1/1000. On a represente les solutions numeriques sur l’intervallede temps [0, 0.1], et encore ! On a du tronquer la premiere courbe car elleexplosait. La seconde oscille autour de ce qui semble etre la bonne solution ;la troisieme semble bonne, au moins sur cet intervalle de temps.

2encore qu’il y ait un piege, qu’on decouvrira en examinant les conditions initialesde (5.25)

Page 196: Systèmes multi-échelles : Modélisation et simulation (Mathématiques et Applications)

184 5 Cinetique chimique

0 0.10.05

0

10

5

schéma d’Euler 400 pas schéma d’Euler 500 pas schéma d’Euler 1000 pas

Fig. 5.3. Resultats pour le systeme (5.25)

Notre analyse d’un tel cas debute par une definition, assez heuristique, desproblemes raides.

Definition 5.14. On dira qu’un probleme de Cauchy est raide si l’exigencede stabilite de la methode numerique employee (si on se restreint a un inter-valle de temps [0, T ] pas trop grand, ou alternativement l’exigence de stabiliteabsolue si on s’interesse a un intervalle de temps [0, T ] grand ou a [0,+∞[)induit sur le pas de temps une contrainte beaucoup plus forte que l’exigencede precision.

Remarque 5.15. Evidemment, un systeme peut en pratique etre raide danscertains intervalles de temps et pas dans d’autres, et donc la definition ci-dessus doit etre modulee de sorte de s’adapter au cas que le lecteur a entete.

Explicitons un peu cela sur deux exemples.

Regardons d’abord l’exemple du probleme (5.2), dans le cas scalaire (m =1) sur l’intervalle [0, T ], T fini, pour une fonction f lipschitzienne, avec uneconstante de Lipschitz L moralement grande. Pour simplifier encore plus, onse restreint au probleme lineaire

y′ = −Lyy(0) = 1

(5.26)

On choisit de discretiser l’equation avec le schema d’Euler explicite, et hn ≡ h.L’erreur de troncature est controlee via la formule (5.8), qui peut ici s’ecrire

|εn| ≤ h

∫ tn+1

tn

|y′′| ≤ h2L2e−Ltn .

Page 197: Systèmes multi-échelles : Modélisation et simulation (Mathématiques et Applications)

5.3 Les problemes raides 185

Parallelement, l’erreur |en| est controlee par la relation (5.10), qui donne pourtn = T :

|eN | ≤ h

∫ T

0

y′′(s)eL(T−s) ds ≤ 1

2hLeLT .

Des lors, on constate le fait suivant. Si L est raisonnablement grand mais si eLT

est enorme, alors, bien qu’on ait un bon controle de l’erreur de troncature,on controle tres mal l’erreur globale. A contrario, pour controler tres bien|eN |, il faut imposer au pas h d’etre formidablement petit par rapport a larelativement faible contrainte imposee par le controle de l’erreur de troncature.La difference vient bien sur de la contrainte de stabilite tres forte dans le casdu schema d’Euler explicite applique a cette equation.

Examinons maintenant le cas d’un systeme lineaire

y′ = Ay, (5.27)

ou la matrice A est choisie, encore pour simplifier, diagonale

A =

⎛⎜⎜⎝

−λ1

−λ2

...−λN

⎞⎟⎟⎠ .

On suppose que les −λi sont N reels strictement negatifs, classes comme suit :0 > −λ1 > ... > −λN . On se place alors dans la situation ou λN est tres granddevant λ1. On discretise encore par la methode d’Euler explicite. L’erreur detroncature peut s’estimer de la facon suivante :

|εn| ≤ h

∫ tn+h

tn

|y′′(s)| ds = h

∫ tn+h

tn

N∑

i=1

λ2i e

−sλi ds,

et donc

|εn| ≤ h2N∑

i=1

λ2i e

−tnλi .

Comme tous les rapports λi/λ1 sont strictement plus grands que 1, on endeduit que des que le temps tn est grand, seul compte dans cette somme leterme d’indice 1, et l’erreur de troncature est donc grosso modo controlee par

|εn| ≤ h2λ21e

−tnλ1 .

La contrainte de stabilite absolue est quant a elle obtenue en ecrivant que |yn|doit tendre vers 0 pour les grands indices de n. Comme yn = (1 + hA)ny0,on voit que ceci est equivalent a |1 − hλi| < 1 pour tous les indices i, cequi est equivalent dans notre situation a la contrainte |1 − hλN | < 1 (quiest la plus exigeante de toutes), c’est-a-dire a hλN < 2. Comparons alors

Page 198: Systèmes multi-échelles : Modélisation et simulation (Mathématiques et Applications)

186 5 Cinetique chimique

les deux contraintes de precision et de stabilite absolue : comme le rap-port λN/λ1 est tres grand, la seconde est enormement plus exigeante. Onest bien dans le cas d’un probleme raide au sens de notre definition. Le lec-teur comprendra aisement que le raisonnement que nous avons mene seraitencore valable pour une matrice diagonale faite de valeurs propres complexesdont les parties reelles sont negatives, ou encore pour une matrice quelconque(quitte a la rendre triangulaire) verifiant la meme propriete, ou encore pourun systeme quelconque dont la linearisation (locale en temps) partagerait cescaracteristiques. Ceci permet donc d’isoler une categorie de systemes qui sontnecessairement raides : Un systeme differentiel (i.e. m > 1 dans (5.2)) estraide au moins dans la situation suivante : sur au moins une partie de l’in-

tervalle de temps qu’on considere, la matrice jacobienne( ∂fi

∂yj(t, y)

)ij

a ses

valeurs propres λi verifiant pour tout temps

0 ≥ Re(λ1) ≥ ... ≥ Re(λN ),

avec |Re(λN )| grand devant |Re(λ1)|.

Exercice 5.16. Expliquer les difficultes rencontrees aux Exercices 5.2 et 5.13.

La raideur d’un probleme est essentiellement due a la presence dans leprobleme de Cauchy de plusieurs echelles de temps radicalement differentes.Dans le cas du systeme differentiel ci-dessus, les λi peuvent typiquementrepresenter des constantes de temps de l’evolution des differentes variablesdu systeme physique, et la raideur signifie qu’une des variables evolue incom-parablement plus vite qu’une autre. On repensera bien sur au systeme decinetique chimique (5.1). La variete des echelles de temps est claire. Pour lecas d’une equation (et non d’un systeme), il faut comprendre que la varietedes echelles de temps s’inscrit plus sequentiellement que parallelement commedans le cas du systeme : au debut (cf. l’Exercice 5.2) la “pente” est grande,ceci etant lie au fait que L est grand, autrement dit la variable varie vite,puis, quand le temps devient grand, la variable varie plus lentement. La est lavariete des echelles de temps. Quoi qu’il en soit, la raideur est intrinsequementliee a un comportement dynamique.

Une solution technique adaptee sera donc de laisser de cote toute methodeexplicite et d’adopter systematiquement une methode implicite, par exemplele schema d’Euler implicite vu ci-dessus. Ce schema est en fait un cas par-ticulier simple d’une famille generale, connue sous le nom de methodes dedifferentiation retrograde, ou plus couramment methode BDF, d’apres sonacronyme anglais pour Backward Differentiation Formulae.

yn+1 =

p∑

j=0

ajyn−j + hb−1f(tn+1, yn+1). (5.28)

Page 199: Systèmes multi-échelles : Modélisation et simulation (Mathématiques et Applications)

5.4 Methodes de separations d’operateurs 187

Une telle methode est dite multipas puisque la valeur de yn+1 est batie a partirnon seulement de la valeur de yn, mais aussi de celles de yn−1, yn−2,...

Le coefficient b−1, suppose par construction non nul (il faut bien tenircompte au moins une fois de f !), et les aj sont choisis de la maniere suivante :on fait l’approximation de la fonction t −→ y(t) par le polynome prenant auxp + 2 noeuds tn−p = tn − ph, tn−p+1 = tn − (p − 1)h, ..., tn+1 les valeursrespectives yn−p, yn−p+1, ..., yn+1 ; on en deduit par simple derivation de cepolynome une approximation de la derivee y′(tn+1). On pose ensuite que cettevaleur est egale a f(tn+1, yn+1) en vertu de ce que y est solution du problemede Cauchy.

Le cas p = 0 redonne la methode d’Euler implicite, et en prenant parexemple p = 2, on trouve

yn+1 =1

11

[18yn − 9yn−1 + 2yn−2

]+

6

11hf(tn+1, yn+1). (5.29)

L’analyse numerique generale de ces methodes nous emmenerait trop loin.Il s’agit seulement de retenir ici que les notions de precision, stabilite et conver-gence introduites ci-dessus peuvent etre etendues au cas plus complexe comme(5.28). Cette analyse montre la tres bonne stabilite de telles methodes, et doncleur aptitude a simuler les systemes raides.

5.4 Methodes de separations d’operateurs

Nous avons vu a la section precedente une strategie pour simuler numerique-ment les systemes multiechelles en temps du type de ceux de la cinetiquechimique. On pourrait brievement resumer cette strategie par utiliser desschemas implicites, et non des schemas explicites.

La difficulte est alors la suivante. Chaque pas de temps coute cherpuisque l’on doit determiner yn+1 a partir de yn (et eventuellement des iteresprecedents dans le cadre d’une methode multipas) via la resolution d’uneequation (comme par exemple (5.12) ou (5.29)). Ceci peut etre tres consom-mateur en temps calcul. On pensera au cas ou l’equation d’evolution est enfait un enorme systeme d’equations differentielles. Un tel cas n’est pas rareen cinetique chimique ou on va traiter parfois des centaines d’especes et desmilliers de reactions. Chaque pas de temps coutera alors une resolution d’ungros systeme lineaire.

Il est donc utile dans un tel cas de disposer d’une strategie permettant dedecoupler un certain nombre d’equations ou de variables pour ne pas avoira les traiter dans une lourde resolution implicite. L’une des techniques est latechnique de separation d’operateurs.

L’idee est de realiser l’integration en temps en plusieurs etapes. Typi-quement, chaque pas de temps ∆t ne sera pas une avancee globale pour lesysteme complet mais 2 avancees pour les deux sous-systemes constitues l’un

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188 5 Cinetique chimique

par les variables evoluant lentement, l’autre par les variables evoluant rapi-dement. Chaque sous-systeme sera alors traite par une methode d’integrationnumerique specifique, ou le sous-pas de temps pourra etre choisi de faconadaptee. Ainsi, le pas de temps ∆t sera choisi grand ; on integrera une par-tie du systeme (la partie raide) par une methode implicite en un seul pas detemps ∆t et l’autre partie pourra etre integree avec un schema explicite endecoupant le pas ∆t en plus petits pas δt. Detaillons ceci.

5.4.1 Le cas simple

Pour l’analyse, nous considerons d’abord le cas ou les operateurs corres-pondent a des vitesses de meme ordre. Considerons l’exemple suivant

dz

dt= Cz = Az + Bz (5.30)

assorti de la condition initiale z(0) = z0. Dans cette equation, z est un vecteurde IRN , A, B et C sont trois matrices de taille N . Les matrices A et B sontissues d’un decoupage de la matrice originale C et figurent deux parties del’operateur d’evolution (on pensera bientot a une partie qui figure l’evolutiondes especes rapides, l’autre celle des especes lentes, mais ce n’est pas le castout de suite).

La methode de separation la plus naturelle est de resoudre sur chaque pasde temps de longueur [n∆t, (n + 1)∆t] les deux systemes

dz∗

dt= Az∗

z∗(n∆t) = z(n∆t),(5.31)

(ce qui fournit z∗((n + 1)∆t) et permet d’enchaıner avec)

dz∗∗

dt= Bz∗∗

z∗∗(n∆t) = z∗((n + 1)∆t),(5.32)

et de poser a l’issue z((n + 1)∆t) = z∗∗((n + 1)∆t).Chacun des deux systemes (5.31) et (5.32) sera simule numeriquement par

une methode adequate, du type de celles introduites a la section precedente.Le gain provient evidemment du fait que si l’on a bien partitionne C

selon A + B (l’une des deux matrices ne contient que des evolutions lenteset l’autre que des evolutions rapides), on va pouvoir traiter differemment lesdeux systemes (5.31) et (5.32).

D’un autre cote, il y a un prix a payer pour cette simplification. Endecoupant chaque pas de temps du probleme (5.30) en deux sous-problemes,on a introduit une erreur dite erreur de decomposition.

Evaluons cette erreur dans notre cas simple. La valeur exacte de z((n +1)∆t) obtenue en partant de z(n∆t) est

Page 201: Systèmes multi-échelles : Modélisation et simulation (Mathématiques et Applications)

5.4 Methodes de separations d’operateurs 189

z((n + 1)∆t) = exp ((A + B)∆t)z(n∆t).

D’autre part, la valeur obtenue via la decomposition d’operateurs est

z∗∗((n + 1)∆t) = exp (B∆t) exp (A∆t)z(n∆t).

L’erreur faite au cours du pas de temps est donc

z∗∗((n + 1)∆t) − z((n + 1)∆t) = −1

2(AB − BA) (∆t)2 z(n∆t) + O((∆t)3),

(5.33)sans bien sur parler de l’erreur issue des discretisations numeriques de cha-cun des systemes. On s’interesse ici seulement a l’erreur induite par ladecomposition, tous les autres calculs etant supposes faits de maniere exacte.

L’exercice suivant montre comment obtenir a peu de frais une meilleureprecision.

Exercice 5.17. Au lieu de decomposer en les deux sous-etapes (5.31) et(5.32), on decompose en les trois sous-etapes suivantes :

dz∗

dt= Bz∗ sur [n∆t, (n + 1

2 )∆t]

z∗(n∆t) = z(n∆t),(5.34)

dz∗∗

dt= Az∗∗ sur [n∆t, (n + 1)∆t]

z∗∗(n∆t) = z∗((n + 12 )∆t),

(5.35)

dz∗∗∗

dt= Bz∗∗∗ sur [(n + 1

2 )∆t, (n + 1)∆t]

z∗∗∗((n + 12 )∆t) = z∗∗((n + 1)∆t),

(5.36)

Montrer que l’erreur induite par cette decomposition est d’ordre 3, et non 2comme dans (5.33).

Exercice 5.18. Expliquer pourquoi, a une operation pres sur le premier despas de temps et sur le dernier, les deux schemas (5.31)-(5.32) et (5.34)-(5.35)-(5.36) sont en fait les memes. Quelle analyse de precision est la bonne ? Com-menter.

5.4.2 Le cas raide

Appliquons maintenant la technique ci-dessus au cas precis d’un systeme detype (5.30) qui exhibe deux echelles de temps radicalement differentes. Unefacon de formaliser cela est de supposer que le systeme s’ecrit

dz

dt= Az +

B

εz (5.37)

Page 202: Systèmes multi-échelles : Modélisation et simulation (Mathématiques et Applications)

190 5 Cinetique chimique

ou ε est un coefficient tres petit, et ou les matrices A et B sont du meme

ordre de grandeur. La matrice A figure donc l’evolution lente et la matriceB

εl’evolution rapide. Plus concretement, prenons le systeme a deux dimensions

d

dt

(xy

)=

(−1 01ε − 1

ε

) (xy

)=

(−1 00 0

) (xy

)+

(0 01ε − 1

ε

) (xy

). (5.38)

On reconnaıt que x est la variable lente et y la variable rapide. Le decouplage

en les operateurs A etB

εcorrespond donc a l’evolution separee de la variable

lente et de la variable rapide.

Nous avons dans l’idee d’utiliser un pas de temps ∆t grand pour simulernumeriquement ce systeme, au sens ou ce pas de temps doit etre calibre surles echelles de temps lentes presentes dans ce systeme (ici 1) et non les echellesrapides (ici ε). Dans la suite, nous avons donc ∆t >> ε.

La solution exacte pour le passage du temps n∆t au temps (n + 1)∆t estbien sur :

x((n + 1)∆t) = e−∆t xn

y((n + 1)∆t) =xn

1 − εe−∆t + (yn − xn

1 − ε) e

−∆tε .

(5.39)

Nous allons montrer dans ce qui suit que le fait que ∆t soit “grand” meten defaut l’analyse numerique faite ci-dessus sur la decomposition pour lesysteme (5.30).

D’abord, remarquons que si l’analyse numerique precedente etait encorevraie ici (i.e. encore vraie pour un ∆t grand), alors l’erreur locale admettraitun developpement du type (5.33), c’est-a-dire ici

(AB

ε− B

εA)O((∆t)2) + O((∆t)3).

Ceci semblerait dire que plus ε est petit, plus l’erreur de decomposition com-mise est importante. Ceci n’est pas conforme a l’intuition selon laquelle ona d’autant plus interet a utiliser une methode de decouplage que les echellesde temps sont vraiment differentes. Verifions maintenant quelle est la bonneanalyse numerique.

Sur l’exemple (5.37), on peut d’abord imaginer de realiser la decomposition

ou on integre d’abordB

εpuis A. On obtient alors

yn+1 = xn + (yn − xn) e

−∆tε

xn+1 = e−∆t xn

(5.40)

La variable lente x est donc correctement integree, et l’erreur sur la variabley rapide est

Page 203: Systèmes multi-échelles : Modélisation et simulation (Mathématiques et Applications)

5.4 Methodes de separations d’operateurs 191

yn+1 − y((n + 1)∆t) = xn(1 +ε

1 − εe

−∆tε − 1

1 − εe−∆t),

= xn(− ε

1 − ε+

∆t

1 − ε)

+termes d’ordres superieurs et transitoires

(5.41)

ce qui est d’ordre ∆t (on rappelle∆t

ε>> 1). Cependant, il faut remarquer

que si on change les donnees (xn, yn) au temps tn en des donnees perturbees(xn + αn, yn + βn), alors la valeur obtenue au temps tn+1 est

yn+1 = xn + αn + (yn + βn − xn − αn) e

−∆tε

xn+1 = e−∆t (xn + αn)(5.42)

et l’on constate donc que l’erreur βn sur la composante rapide y est rapi-dement amortie (elle est seulement dans le second terme, et donc tuee par

l’exponentielle e−∆t

ε ).

Alternativement, si on commence par appliquer l’operateur A puisB

ε, on

obtient la valeur au temps suivant

xn+1 = e−∆t xn

yn+1 = xn+1 + (yn − xn+1) e−∆t

ε(5.43)

Cette fois, l’erreur sur y est

yn+1 − y((n + 1)∆t) = xn(−ε

1 − εe−∆t − (e−∆t +

1

1 − ε)e

−∆tε )

= xn−ε

1 − εe−∆t

+ termes d’ordres superieurs et transitoires.

(5.44)

On peut remarquer que cette erreur est d’ordre ε (donc d’ordre << ∆t),contrairement a l’erreur (5.41).

A l’issue de ces deux calculs d’erreur, on peut remarquer

– que l’erreur n’est dans aucun des deux cas d’ordre 2 en ∆t, ce qui auraitete prevu par l’analyse d’erreur du cas standard,

– que l’erreur n’est pas la meme selon qu’on integre d’abord l’operateur

A ou l’operateurB

ε(alors que dans le cas standard, elle est la meme en

valeur absolue, cf. la relation (5.33)),– que l’analyse montre qu’il vaut mieux integrer d’abord l’operateur lent

puis l’operateur rapide, pour avoir une meilleure borne sur l’erreur.

Page 204: Systèmes multi-échelles : Modélisation et simulation (Mathématiques et Applications)

192 5 Cinetique chimique

Exercice 5.19. Montrer que quand on l’applique a l’equation (5.37), leschema de l’Exercice 5.17 n’est pas d’ordre trois.

On concluera donc que dans les cas difficiles comme le cas des systemesraides, il faut mener une analyse numerique tres particuliere, bien moins naıveque la simple analyse numerique ∆t −→ 0. Ceci est bien naturel puisque cesont des schemas implicites qu’on a alors en tete d’exploiter. Une fois cetteanalyse numerique faite, on a en particulier une fidele estimation du cout enprecision de la technique de decomposition d’operateurs. Cette technique per-mettra de reduire avantageusement la taille du systeme resolu implicitement.

Voyons maintenant une autre technique pour la aussi reduire le cout.

5.5 Reduction de systemes

Dans cette section, on a en tete deux observations :

– beaucoup de systemes d’equations de la cinetique chimique mettent enjeu des centaines d’equations et des centaines d’especes alors que in fineon est seulement interesse a connaıtre l’evolution de quelques especesparmi elles,

– si le systeme global est raide on devra resoudre d’enormes systemes, enmajeure partie pour rien.

L’idee est donc de reduire le systeme en eliminant un certain nombred’equations et de variables. Il s’agit des variables qui evoluent rapidementet/ou atteignent rapidement un etat d’equilibre. Typiquement, on s’attenda observer d’abord une evolution des variables rapides, jusqu’a un etatd’equilibre, puis seules subsistent dans l’evolution du systeme les variableslentes. Il suffira alors de considerer seulement ces dernieres. Bien sur, au lieud’employer le mot “reduire” qui est d’usage dans ce contexte, on pourraittout aussi bien, pour souligner le parallele avec le Chapitre 2, employer le mot“homogeneiser”, puisqu’ici aussi on fait disparaıtre les petites echelles. Avantde mettre en oeuvre cette idee, revenons de maniere generale sur un systemeraide.

L’approche la plus feconde pour comprendre le phenomene de raideur estprobablement l’approche systemes dynamiques. Bien que ce soit une approchequi meriterait un long expose, nous nous contentons d’en decrire les grandeslignes.

Une facon de reconsiderer (5.26) avec L grand est de regarder cetteevolution comme la convergence rapide vers un etat stationnaire (ou perma-nent) du systeme physique, ici l’etat y = 0. Nous avons constate que dans laphase de convergence rapide vers cet etat (intuitivement les temps tn petits),la contrainte de precision et celle de stabilite etaient comparables. C’est seule-ment pour les temps grands qu’on avait disparite de ces deux contraintes. De

Page 205: Systèmes multi-échelles : Modélisation et simulation (Mathématiques et Applications)

5.5 Reduction de systemes 193

la meme maniere, dans le cas du systeme differentiel (5.27), la valeur propre−λ1 de petit module regit le comportement a long terme de la solution, etfournit la contrainte de precision, alors que la valeur propre −λN de grandmodule domine seulement le comportement a court terme, mais pourtant regitla contrainte de stabilite. Autrement dit, il est numeriquement facile de s’ap-procher de l’etat stationnaire, mais rester ensuite longtemps a son voisinageest une gageure. Cette observation est generale. La convergence vers un regimepermanent est typiquement le cas ou on rencontre la raideur.

Exercice 5.20. On considere le probleme de Cauchy suivant sur l’intervalle[0,+∞[

dy

dt= −1

ε(y − g(t)) + g′(t)

y(0) = y0

(5.45)

ou g(t) est une fonction C1 donnee.1 - Ecrire la solution exacte de (5.45). Que se passe-t-il si y0 = g(0) ?2 - On discretise l’equation par le schema d’Euler explicite. Montrer que lacontrainte de precision est tres forte sur le segment [0, ε]. Montrer que lacontrainte de stabilite est tres forte sur [ε,+∞[. En deduire que le probleme(5.45) n’est pas raide sur [0, ε] (alors que pourtant la “pente” y est grande)mais seulement sur [ε,+∞[ ou pourtant la “pente” est faible.

Dans l’exercice ci-dessus, la fonction g figure le regime permanent dusysteme physique. Trouver le comportement a long terme du systeme requiertde s’approcher aussi pres que possible de cette fonction g et de rester a sonvoisinage. Un peu caricaturalement, on pourrait dire que peu importe la facondont on converge vers cette fonction, il faut y arriver le plus vite possible : c’estde toute facon indifferent pour ce qui se passera aux temps longs. Si on re-garde l’evolution du systeme comme une courbe tracee dans l’espace des etatsy, l’ensemble y = g(t); t ≥ 0 est une courbe vers laquelle les trajectoiresconvergent rapidement. En termes de systemes dynamiques, cette courbe estun attracteur. Une bonne facon de resoudre le probleme de la raideur est dese debarrasser du comportement transitoire (donc des variables qui regissentce comportement transitoire) pour ne garder que le comportement en tempslong, ce qui revient a identifier ex nihilo sur le probleme de Cauchy lui-memeles variables interessantes parmi l’ensemble des variables de depart. Une foisce tri fait, le systeme dynamique est exempt de sa raideur : on se “promene”sur la variete qui decrit le regime permanent, et on n’en sort plus. Des lors,toutes les techniques numeriques peuvent etre adoptees sans crainte. C’est laproblematique de la reduction de systemes.

Page 206: Systèmes multi-échelles : Modélisation et simulation (Mathématiques et Applications)

194 5 Cinetique chimique

g(t)

y(t)

t

y

données initiales y(0)

ESPACE DES ETATS

régime permanent

Fig. 5.4. Convergence du systeme dynamique vers un regime permanent

L’outil mathematique qui va nous permettre de formaliser la reduction dessystemes raides est la theorie de la perturbation singuliere, que nous verronsseulement via le resultat suivant

Theoreme 5.21. - dit Theoreme de TikhonovOn considere le systeme d’evolution

⎧⎪⎨⎪⎩

dx

dt= f0(x, y) + ε f1(x, y),

εdy

dt= g0(x, y) + ε g1(x, y),

(5.46)

ou x ∈ IRn−p, y ∈ IRp, complemente des conditions initiales

x(0) = x0,y(0) = y0.

(5.47)

Dans ces equations, ε est un petit parametre decrivant comme d’habitude lerapport entre les echelles de temps rapides et les echelles de temps lentes. Lesfonctions f0, f1, g0, g1 sont supposees regulieres (de classe C1 par exemple).

Page 207: Systèmes multi-échelles : Modélisation et simulation (Mathématiques et Applications)

5.5 Reduction de systemes 195

On suppose que la fonction g0 verifie

∂g0

∂xest inversible, pour tout (x, y) verifiant g0(x, y) = 0, (5.48)

ce qui entraıne qu’il existe une fonction h telle que

(x, y) /g0(x, y) = 0 = (x, y) / y = h(x). (5.49)

Alors, pour t > 0, le systeme (5.46)-(5.47) peut etre approche au premierordre en ε par le systeme suivant, dit systeme reduit

dx

dt= f0(x, y) + ε f1(x, y)

0 = g0(x, y)(5.50)

complemente des conditions initiales

x(0) = x0,y(0) = h(x0)

(5.51)

Heuristiquement, ce resultat signifie que, apres une couche limite petitea droite de t = 0, et dont le seul but est de fournir une “nouvelle condi-tion initiale” (5.51), tout se passe comme si la variable rapide y avait atteintson equilibre, et que la dynamique du systeme soit entierement donnee parl’evolution de la variable lente x. C’est bien d’un tel resultat dont nous avionsbesoin.

Le lecteur rapprochera utilement ce resultat

– d’une part de l’approximation adiabatique pour l’evolution d’un systememoleculaire,

– d’autre part des etudes de couche limite en espace que nous avons meneesanterieurement.

Bien sur, nous ne demontrerons pas ce theoreme et nous contenterons dele mettre en oeuvre sur des cas simples.

Commencons par une application directe dans l’exercice suivant.

Exercice 5.22. On considere le systeme differentiel suivant⎧⎪⎨⎪⎩

dy1

dt= −y1,

εdy2

dt= εy1 − y2

(5.52)

de donnees initiales y1(0) = y10, y2(0) = y20. Le parametre ε est supposepetit. Ce systeme modelise la cinetique chimique

Y11−→ Y2

1/ε−→ Y3,

Page 208: Systèmes multi-échelles : Modélisation et simulation (Mathématiques et Applications)

196 5 Cinetique chimique

ou on oublie l’espece Y3.1 - Calculer la solution exacte.2 - Montrer que ce systeme differentiel est raide pour ε > 0 petit.3 - Montrer qu’a part pour t petit, la solution est approchable, a un ordre enε qu’on precisera, par celle du systeme dit algebro-differentiel suivant

⎧⎪⎨⎪⎩

dy1

dt= −y1,

y2 = εy1

(5.53)

Verifier qu’on peut sans difficulte approcher ce probleme par un schema d’Eu-ler explicite par exemple.4 - Montrer que l’espece Y2 devient rapidement negligeable. Quelle est lasolution du systeme (5.52) si l’on substitue y2 = 0 pour tout temps a laseconde equation differentielle. Cette approximation est-elle aussi satisfaisanteque celle de la question precedente ?5 - Montrer qu’on peut retrouver directement (5.53) a partir de (5.52) et d’une

hypothese surdy2

dt. En deduire une strategie (parmi d’autres !) pour supprimer

la raideur pour des systemes du type (5.52).

Un commentaire s’impose : tous les systemes que l’on veut reduire n’appa-raissent pas spontanement sous la forme (5.46), et un certain travail preli-minaire peut etre necessaire. Ainsi, considerons le systeme :

⎧⎪⎨⎪⎩

εdx

dt= M g0(x, y) + ε f1(x, y),

εdy

dt= g0(x, y) + ε g1(x, y),

(5.54)

Ici, les especes x et y respectivement de dimension n − p et p sont supposeesgouvernees par une dynamique de meme vitesse a priori, et on ne sait pasdiscriminer qui est rapide et qui est lent. Ce qui est identifiable ici est lecouplage rapide entre les deux especes via la fonction g0 qui apparaıt aux deuxmembres de droite (diviser les deux equations par ε pour s’en rendre compte).On veut eliminer ce couplage rapide grace a une reduction du systeme. Pourcela, on introduit la variable

u = x − My, (5.55)

de sorte que, en ne gardant que les variables (u, y), le systeme s’ecrit de faconequivalente :

⎧⎪⎨⎪⎩

du

dt= −M g1(u + My, y) + f1(u + My, y),

εdy

dt= g0(u + My, y) + ε g1(u + My, y),

(5.56)

Page 209: Systèmes multi-échelles : Modélisation et simulation (Mathématiques et Applications)

5.5 Reduction de systemes 197

ou u apparaıt comme une variable lente. On reconnaıt la forme (5.46). Onpeut donc remplacer ce systeme (5.56) par le systeme reduit

du

dt= −Mg1(u + My, y) + f1(u + My, y)

0 = g0(u + My, y)(5.57)

et resoudre ce nouveau systeme (la deuxieme ligne definit y comme fonctionde u, et on l’insere dans la premiere ligne).

Regardons un dernier exemple, explicite en termes de chimie.

On etudie le schema de cinetique atmospherique

⎧⎪⎨⎪⎩

O + O21−→ O3 ,

NO2 + lumiere2−→ NO + O ,

NO + O33−→ NO2 + O2 ,

(5.58)

En plus des especes ci-dessus, on note par c le vecteur concentration detoutes les autres especes presentes. On suppose que les trois reactions ecritesci-dessus sont rapides et que toutes les autres reactions possibles soit entreles especes chimiques ci-dessus, soit entre ces especes et les especes c d’autrepart, sont lentes.

On pose alors

x =

[NOO3

], y =

[NO2

O

]

L’evolution du systeme est alors regie par

⎧⎪⎪⎪⎪⎨⎪⎪⎪⎪⎩

dc

dt= a(c, x, y)

εdx

dt= f0(x, y) + ε f1(c, x, y),

εdy

dt= g0(x, y) + ε g1(c, x, y),

(5.59)

ou a, f1 et g1 modelisent les termes de reaction lents alors que f0 et g0

modelisent les rapides. Ces derniers valent precisement :

f0(x, y) =

[ω2 − ω3

ω1 − ω3

], g0(x, y) =

[−ω2 + ω3

ω2 − ω1

]

et ou l’on designe parωi

εle taux de reaction de la reaction rapide numero i

de (5.58).En notant

M =

[−1 0−1 −1

]

et en posant

Page 210: Systèmes multi-échelles : Modélisation et simulation (Mathématiques et Applications)

198 5 Cinetique chimique

u = x − My =

[NO + NO2

O3 + NO2 + O

]

on retrouve exactement le cadre academique precedent. La consideration detelles combinaisons d’especes chimiques pour reduire la complexite du systemeoriginal etait une technique bien identifiee dans le monde de la cinetique chi-mique, avant l’introduction de la theorie d’analyse numerique indiquee ici.

Terminons par deux commentaires.

Dans tout ce qui precede on a suppose avoir deja identifie les especes lenteset les especes rapides (ou les reactions lentes et les reactions rapides), et quebien sur dans la pratique ce n’est pas necessairement le cas. Il faut doncdes algorithmes particuliers pour discriminer entre les differentes variables desorte de pouvoir ensuite utiliser la technologie de la reduction de systeme.

La determination et la resolution du systeme reduit (5.50) conduit engeneral a une simulation numerique bien plus efficace que celle du systemeoriginal (5.46). Cependant, les cas ne sont pas rares ou, en termes de tempscalcul, la resolution est seulement un peu meilleure, mais pas forcement mira-culeusement meilleure. Il faut en effet tenir compte notamment de la resolutionnumerique de l’equation algebrique de la seconde ligne de (5.50), laquelle doitse faire a chaque pas de temps. Dans de tels cas, c’est surtout du point devue qualitatif que le systeme reduit presente des avantages sur le systemeoriginal. On va pouvoir lui appliquer des techniques plus sophistiquees, com-prendre beaucoup plus profondement les phenomenes numeriques observes,donc mieux savoir remedier aux difficultes rencontrees.

5.6 Bibliographie

L’analyse numerique des equations differentielles ordinaires peut etre lue dansles traites A. Quarteroni, R. Sacco & F. Saleri [65], M. Crouzeix & A. L.Mignot [26], E. Hairer, S. P. Norsett & G. Wanner [41] (une des references pourles specialistes, suivi d’un deuxieme tome [42] plus particulierement consacreaux systemes raides), ces traites etant cites par ordre de difficulte croissante.

Pour l’application a la simulation numerique de la cinetique des reactionschimiques, une bonne reference est constituee par les travaux de B. Sportisse etde ses collaborateurs sur la modelisation de la pollution atmospherique. Pourla reduction de systemes, on pourra par exemple consulter l’article B. Sportisseet R. Djouad [77], et pour la decomposition d’operateurs B. Sportisse [78].

Page 211: Systèmes multi-échelles : Modélisation et simulation (Mathématiques et Applications)

6

Vers une unite des approches

L’objet de ce court chapitre est de retablir une unite dans ce qui est peut-etreapparu, malgre nos efforts pour lier les chapitres les uns aux autres, comme unemosaıque de problemes et de techniques tous decorreles. Un objectif secondaireest de montrer a quel point ce que nous avons vu ensemble est proche du frontde la recherche en calcul scientifique.

6.1 Des classifications des problemes rencontres

Une idee naturelle serait de separer les problemes multiechelles que nous avonsvus en ceux dependant du temps et en ceux statiques, mais ceci n’est pas lebon point de vue. L’ensemble des problemes multiechelles que nous avons vupeut etre plus avantageusement classe en deux categories :

i les problemes ou les deux (ou plus) echelles sont presentes dans tout ledomaine de calcul

ii ceux ou les deux echelles ne coexistent que sur le(s) bord(s) du domaine decalcul, l’interieur du domaine ne presentant pas de caractere multiechelle.

Par domaine de calcul, et donc par bord, on entend aussi bien la variabled’espace que la variable de temps. Ainsi, dans la categorie (i), on peut classer

a le probleme micromacro pour les solides cristallins du Chapitre 1,

b le probleme d’homogeneisation periodique elliptique du Chapitre 2,

c la simulation ab initio adiabatique pour la dynamique moleculaire du Cha-pitre 3,

d la modelisation micromacro pour les fluides polymeriques du Chapitre 4,

D’un autre cote, on peut classer dans la categorie (ii)

a les problemes de couche limite le long de parois rugueuses du Chapitre 2,

b le probleme de dynamique des especes rapides convergeant vers un regimepermanent du chapitre 5,

Page 212: Systèmes multi-échelles : Modélisation et simulation (Mathématiques et Applications)

200 6 Vers une unite des approches

Dans chacune de ces deux categories, le choix est, comme nous l’avons diten Introduction

- soit d’attaquer le systeme tel quel, ce qui n’est pas possible si la petiteechelle est trop petite (ce qui est le cas pour les problemes du Chapitre 1ou 4)

- soit de faire disparaıtre la petite echelle en l’homogeneisant de sorte d’ob-tenir un probleme a l’echelle macroscopique seulement (cf. le Chapitre 2,ou la reduction des sytemes dynamiques au Chapitre 5)

- soit de la traiter conjointement avec l’echelle macroscopique (cf. les Cha-pitres 1 et 4)

6.2 L’unite des approches

Concentrons-nous ici sur les problemes multiechelles ou petite et grandeechelles coexistent sur tout le domaine. Qu’on decide de “supprimer” la petiteechelle (i.e. de faire ε = 0) ou de la traiter conjointement avec l’echelle ma-croscopique, le probleme final obtenu possede sensiblement la meme forme, asavoir ⎧

⎪⎪⎪⎪⎪⎪⎪⎪⎨⎪⎪⎪⎪⎪⎪⎪⎪⎩

Equation regissant l’echelle MACRO

Expression d’une (ou plus) des variables

MACRO en fonction de l’echelle micro

Equation regissant l’echelle micro

(6.1)

Ainsi, au Chapitre 1,

⎧⎪⎪⎪⎪⎪⎪⎪⎨⎪⎪⎪⎪⎪⎪⎪⎩

inf

E(ϕ) −

Ω

f ϕ −∫

∂Ω

/ϕ verifie les conditions au bord imposees

E(ϕ) =

Ω

W (ϕ)(x) dx

W (ϕ)(x) = energie du reseau cristallin place en x et deforme par∇ϕ(x)

et aussi les techniques rapidement evoquees autour des methodes de relaxationet des mesures de Young (cf. la Remarque 1.33), puis au Chapitre 2,

inf

u ∈ H10 (Ω)

1

2

Ω

(inf

∇v periodique∫

Y

∇v = ∇u(x)

Y

(∇v(y) , A(y) · ∇v(y)) dy

)dx−

Ω

fu,

Page 213: Systèmes multi-échelles : Modélisation et simulation (Mathématiques et Applications)

6.2 L’unite des approches 201

puis, au Chapitre 3,⎧⎪⎪⎪⎪⎨⎪⎪⎪⎪⎩

mkd2xk

dt2(t) = −∇xk

W (x1(t), · · · , xM (t))

W (x1, · · · , xM ) = U(x1, · · · , xM ) +∑

1≤k<l≤M

zk zl

|xk − xl|U(x1, · · · , xM ) = inf 〈ψe,He(x1, · · · , xM ) · ψe〉, ψe ∈ He, ‖ψe‖ = 1

et au Chapitre 4 ⎧⎪⎪⎪⎪⎪⎪⎨⎪⎪⎪⎪⎪⎪⎩

Du

Dt= F(τp,u),

τp = τp(Σ)

Dt= Gµ(Σ,u),

On constate que les problemes micro et macro qui coexistent alors peuventetre

- issus ou non du meme type de modelisation physique (le plus souvent ilsne le sont pas, comme par exemple dans le couplage de la mecaniquequantique pour les electrons et de la mecanique classique pour les noyauxdans la dynamique moleculaire du Chapitre 3)

- formalises ou non par une equation mathematique de meme nature (le plussouvent encore ils ne le sont pas, comme par exemple le cas des fluidespolymeriques ou peuvent etre couplees une equation aux derivees partiellesdeterministe et des equations differentielles stochastiques).

Quand la nature des deux problemes n’est pas, pour quelque raison quece soit, la meme, ceci a pour consequence que les techniques mathematiquesa employer sont radicalement differentes, et que le traitement d’un problememultiechelle demande des competences mathematiques variees.

On peut aussi mieux comprendre la logique de la demarche (6.1) et mesurersa generalite si l’on change legerement le vocabulaire. Changeons en effet lemot “micro” en le mot local et le mot “macro” en le mot global. Le schemadevient un couplage du type

⎧⎪⎪⎪⎪⎪⎪⎪⎪⎨⎪⎪⎪⎪⎪⎪⎪⎪⎩

Schema de resolution GLOBALE

Operation pour obtenir certains elements du

GLOBAL en fonction du local

Schema de resolution locale

(6.2)

ou le couplage entre global et local se fait souvent par moyennisation de lavariable locale pour n’en retenir qu’une information globale.

Page 214: Systèmes multi-échelles : Modélisation et simulation (Mathématiques et Applications)

202 6 Vers une unite des approches

Remarque 6.1. On pourrait aussi parler de schema grossier et de schema fin,pour elargir encore le debat.

Sous cette forme (6.2), on peut reconnaıtre beaucoup de schemas nume-riques bien connus. Par exemple, le lecteur est peut-etre familier avec leschema de Godunov pour les equations hyperboliques. En deux mots, ceschema (de type volumes finis) consiste a faire evoluer, sur chaque intervallede temps ∆t, une fonction constante sur chaque maille [xi, xi+1]. A chaquediscontinuite xi, on resout alors un probleme local, le probleme de Riemann,pour obtenir le flux moyen (ou global) passant par la discontinuite. Cetteresolution locale, requise pour faire avancer d’un pas de temps la resolutionglobale, peut se faire de maniere completement differente que la resolutionglobale : analytiquement, ou par un schema numerique qui peut reposer surla meme physique ou sur une physique differente (schemas de type Boltzmann,dynamique moleculaire,..).

On pourrait ainsi multiplier les exemples (techniques multigrille, ...). D’uncertain point de vue, de telles similitudes montrent pourquoi le monde dessystemes multiechelles est proche de celui des techniques multiechelles. Lespremiers sont intrinsequement multiechelles a cause de la physique sous ja-cente. Dans les secondes, la nature multiechelle peut etre issue d’un decoupage“artificiel” du probleme dans un but d’efficacite. Elle peut meme etre un purartefact : c’est la technique numerique elle-meme, qui, batie pour accroıtrel’efficacite, a ipso facto introduit de nouvelles echelles (par exemple une dis-continuite locale) qui doivent alors etre traitees.

6.3 Sur le front de la recherche

Ce que nous avons decrit dans les pages qui precedent ne recouvre bien surpas l’integralite des problemes multiechelles qui se posent, et des techniquesqu’on emploie pour les analyser puis les simuler numeriquement.

Ainsi, meme sur les sujets que nous avons abordes, par exemple la sciencedes materiaux, nous aurions pu parler des approches, employees par exemplepar M. Luskin [55, 56], ou l’echelle macroscopique est couplee non pasavec l’echelle atomistique (comme au Chapitre 1), mais avec une echellemesoscopique decrivant les microstructures apparaissant dans le materiau(dans l’esprit des microstructures de la Figure 2.1 du Chapitre 2, penser a deslamelles de materiaux differents a une echelle intermediaire du micrometrepar exemple). De meme, nous aurions pu introduire l’immense champ del’homogeneisation stochastique defriche il y a plusieurs decennies par A. Ben-soussan, J-L. Lions et G. Papanicolaou [12], mais encore en pleine evolution.

Dans cette theorie, le coefficient a(x

ε) de l’equation modele (2.1) du Chapitre 2

est aleatoire. Plutot par exemple que de partir d’une fonction a(x) periodiquede periode 1, e.g. (2.14), on a une fonction a(x, ω) prenant aleatoirement sur

Page 215: Systèmes multi-échelles : Modélisation et simulation (Mathématiques et Applications)

6.3 Sur le front de la recherche 203

−div( x) grad u*)= fΑ∗(

Α∗=...

Fig. 6.1. Petite et grande echelle dans chacun des problemes des Chapitres 1,2,3 et4. Pour chacun d’eux, on insere une information calculee a l’echelle microscopiquedans le modele macroscopique.

chaque intervalle [p, p+1/2[ et [p+1/2, p+1[ (p entier) la valeur α ou β. Ce “ha-sard” est en fait typiquement lie (comme c’est quasiment toujours le cas) a unemeconnaissance du materiau (le materiau est bel et bien deterministe, mais onn’en a pas une connaissance suffisante pour savoir determiner en chaque maillela valeur de a, on ne sait que probabiliser cette valeur). On parle typiquementde milieu aleatoire ou de milieu mal connu. Dans la meme veine, nous au-rions aussi pu parler de methodes comme la methode Virtual Internal Bondde [37], qui realise en quelque sorte une alliance entre les methodes type QCMdu Chapitre 1 et la simulation des materiaux polymeriques du Chapitre 4.Dans une telle methode, on s’interesse a la deformation microscopique d’unmateriau qui n’est pas si bien ordonne qu’un cristal, a savoir un materiauplus amorphe. Nous aurions pu decrire la methodologie generale introduitepour ces problemes multiechelles par E et Engquist [34]. De meme encore,lorsque nous avons decrit les systemes multiechelles en temps au Chapitre 5,nous n’avons pas aborde ceux ou l’echelle de temps rapide reste presente toutau long de la simulation, preferant nous concentrer sur le cas typique de la

Page 216: Systèmes multi-échelles : Modélisation et simulation (Mathématiques et Applications)

204 6 Vers une unite des approches

cinetique chimique ou l’echelle rapide amenait une couche limite en temps,a savoir une phase transitoire, laissant ensuite le systeme converger vers unregime permanent regi par les echelles lentes. Nous aurions pu alternativementaborder les questions d’oscillations rapides couplees avec des oscillations lentes(ce qui est en fait le cas de la dynamique moleculaire du Chapitre 3, certainsliaisons interatomiques vibrant plusieurs ordres de grandeur fois vite que leursvoisines) et montrer les techniques pour les traiter1.

Au-dela, il y a beaucoup de problemes dont nous n’avons absolument pasparle : ainsi la simulation de la dynamique des dislocations est un enjeu co-lossal en science des materiaux. Une dislocation est ainsi un defaut dans lamaille cristalline qui se propage d’un bout a l’autre d’un solide metallique(par exemple). Le comportement du materiau est alors dicte par le mou-vement de ces dislocations, qui sont des defauts de grande taille devantl’echelle atomique, et qui interagissent entre eux a longue distance a tra-vers la deformation elastique du cristal. Il s’agit precisement d’un problememultiechelle, dependant du temps, ou beaucoup de choses restent a faire. Dememe pour la dynamique des joints de grain, ces interfaces qui separent lescristaux parfaits entre eux. Cette dynamique conduit ensuite a la dynamiquede la fracture, et donc a la simulation de l’endommagement et de l’usure desmateriaux. Voici des champs de la science ou la simulation numerique n’a pasencore donne sa pleine puissance.

Du point de vue de l’analyse mathematique, et de toutes les problematiquesde changement d’echelle, que nous avons abordees au Chapitre 1 en expli-quant comment deriver une loi constitutive a partir de l’echelle atomique,l’effort porte actuellement (entre autres sujets) sur les problemes dependantdu temps : nous savons comment deduire l’etat d’equilibre d’un materiau apartir de l’etat d’equilibre des atomes qui le composent (et encore...), maisnous sommes loin de savoir deduire la dynamique du materiau de celle de sesatomes.

Pour en savoir plus sur toutes ces questions et decouvrir plus en detail lesquestions sur lesquelles les chercheurs de ce domaine travaillent aujourd’hui,on pourra par exemple consulter les ouvrages suivants, qui rassemblent beau-coup de contributions, emanant de groupes de chercheurs aux competences etaux interets varies : Antonic et al. [6], T. J. Barth et al. [11], VV. Bulatov etcoll. [18], P. Deak et al [27] (y lire en particulier R. E. Rudd & J. Q. Brough-ton [68]), O. Kirchner et al. [49], et bien d’autres.

1D’un autre point de vue, on peut dire que nous avons aborde les systemesdissipatifs, et laisse de cote ceux du type ondes

Page 217: Systèmes multi-échelles : Modélisation et simulation (Mathématiques et Applications)

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Index

ab initio (modeles), 89adiabatique (approximation -), 95Ansatz, 53Aufbau (principe -), 107

bases reduites, 106BDF (methodes), 186Born-Oppenheimer

approximation de -, 92, 95surface de -, 95

Car-Parrinello (methode de -), 97Cauchy (probleme de), 174coefficients de Lame, 130configuration

electronique, 99nucleaire, 93

consistantschema a un pas, 180

continuum (modele de -), 118convergence faible, 21convergence forte, 22convergent

schema numerique, 181convergente (approximation

numerique), 175

deformation, 1deplacement, 1densite d’une variable aleatoire, 154domaine de stabilite absolue, 182

Echangeterme d’-, 100

Elasticitecorps elastique, 3densite d’energie elastique, 3hyperelasticite, 3lineaire, 4

Equation differentielle stochastique,156, 158

Equation integrale, 124erreur numerique

pour une EDO, 175erreur locale de troncature

d’un schema a un pas, 180du schema d’Euler explicite, 176

esperance d’une variable aleatoire, 154Euler explicite (schema d’), 175Euler implicite (schema d’), 178extensivite, 7

flotd’un systeme, 109numerique, 111

Fokker-Planck (equation de), 140fondamental (etat), 91formulation

faible, 16faible discrete, 16variationnelle, 16variationnelle discrete, 16

Gamma-convergence, 61

halteres (modele d’), 138Hamiltonien

electronique, 92

Page 223: Systèmes multi-échelles : Modélisation et simulation (Mathématiques et Applications)

212 Index

de coeur, 102moleculaire, 91

Hartree-Fockdependant du temps, 101methode de -, 98

homogeneise(e)equation, 39, 42coefficient, 42

hypotheses de cloture, 132

indentation, 13infimum, 26integrale bielectronique, 104intensivite, 7

Kohn-Sham (approximation de), 100Kramer (formule de), 140

Lax-Wendroff (schema de), 152Lipschitz (constante de), 175loi de comportement, 2loi de paroi, 75Loi forte des grands nombres, 155

Matrice densite, 104minimiseur, 26minimum, 26monomeres, 133Monte-Carlo cinetique, 115mouvement brownien, 155

newtonien (fluide), 130non adiabatique (approximation -), 95

Operateurde Fock, 103densite, 103

Optimisation de geometrie, 93orbitale

atomique, 104moleculaire, 99

ordred’un schema a un pas, 180

plasticite, 5poids (d’une formule de quadrature), 18

polymeres, 133fondus, 134infiniment dilues, 134

potentiel de reaction, 120principe du maximum discret, 152processus stochastique, 155

quasi-statique, 20quasiconvexe (enveloppe), 35quasiconvexite, 35

reduction de systemes dynamiques, 193raide

probleme de Cauchy, 184systeme differentiel, 186

relation constitutive, 2reptation, 134Roothaan (algorithme de -), 106

SCF (algorithme -), 106Schrodinger (equation de -), 90Slater

determinant de, 98orbitale de, 104

sous-maille (probleme), 55spin, 90stable

probleme de Cauchy, 181schema a un pas, 180

supermolecule, 118symplectique

application, 112schema numerique, 112

synthese modale, 105

tenseur des contraintes, 2transition de phase, 25

variable aleatoire, 154variance (d’une variable aleatoire), 154vecteur bout-a-bout, 137Verlet (algorithme de), 111viscoelasticite, 5viscoplasticite, 5

Young (mesure de), 33

Page 224: Systèmes multi-échelles : Modélisation et simulation (Mathématiques et Applications)

Déjà parus dans la même collection

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26. L. HörmanderLectures on Nonlinear HyperbolicDifferential Equations. 1997

27. J. F. Bonnans, J. C. Gilbert,C. Lemaréchal, C. SagastizabalOptimisation numérique. 1997

28. C. Cocozza-ThiventProcessus stochastiques et fiabilité dessystèmes. 1997

29. B. Lapeyre, É. Pardoux, R. SentisMéthodes de Monte-Carlo pour leséquations de transport et de diffusion.1998

30. P. SagautIntroduction à la simulation des grandeséchelles pour les écoulements de fluideincompressible. 1998

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Déjà parus dans la même collection

31. E. RioThéorie asymptotique des processusaléatoires faiblement dépendants.1999

32. J. Moreau, P.-A. Doudin,P. Cazes (Eds.)L’analyse des correspondances et lestechniques connexes. 1999

33. B. ChalmondEléments de modélisation pourl’analyse d’images. 1999

34. J. IstasIntroduction aux modélisationsmathématiques pour les sciences duvivant. 2000

35. P. RobertRéseaux et files d’attente: méthodesprobabilistes. 2000

36. A. Ern, J.-L. GuermondEléments finis: théorie, applications,mise en œuvre. 2001

37. S. SorinA First Course on Zero-Sum RepeatedGames. 2002

38. J. F. MaurrasProgrammation linéaire, complexité.2002

39. B. YcartModèles et algorithmes Markoviens.2002

40. B. Bonnard, M. ChybaSingular Trajectories and their Role inControl Theory. 2003

41. A. TsybakovIntrodution à l’estimationnon-paramétrique. 2003

42. J. Abdeljaoued, H. LombardiMéthodes matricielles – Introduction àla complexité algébrique. 2004

43. U. Boscain, B. PiccoliOptimal Syntheses for Control Systemson 2-D Manifolds. 2004

44. L. YounesInvariance, déformations etreconnaissance de formes. 2004

45. C. Bernardi, Y. Maday, F. RapettiDiscrétisations variationnelles deproblèmes aux limites elliptiques.2004

46. J.-P. FrançoiseOscillations en biologie: Analysequalitative et modèles. 2005

47. C. Le BrisSystèmes multi-échelles: Modélisationet simulation. 2005

48. A. Henrot, M. PierreVariation et optimisation de formes:Une analyse géometrique. 2005

49. B. Bidégaray-FesquetHiérarchie de modèles en optiquequantique: De Maxwell-Bloch àSchrödinger non-linéaire. 2005

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