systèmes de croisement et fécondité chez le sphagnum

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Systitmes de croisement et fbcondit6 chez le Sphagnum JosB PUJOS Laboraroire de cryptogatnie, Musium tzarional d'histoire naturelle, 12, rue Buffon, 75005 Paris, France Re~u le 22 juillet 1993 Pu~os, J. 1994. Systkmes de croisement et fCconditC chez le Sphagnum. Can. J. Bot. 72 : 1528- 1534. La sexualit6 persiste le plus souvent chez le Sphagnum, alors que la reproduction asexuCe assure l'essentiel de la pCrennitC et de la multiplication de l'espkce. La reussite de la reproduction sexuCe est CvaluCe chez deux esptces dioi'ques et quatre espkces monoi'ques-polyoi'ques, grlce au calcul du taux de ftcondation, du taux de reproduction et du succks de la reproduc- tion. L'influence des differents modes de croisement sur les paramttres pricedents est mise en evidence. Pour cela, le nombre de gynCcies, le nombre d'archtgones par gynCcie et l'abondance de sporogones ont Ctt CvajuCs dans plus de 3500 capitulums. La distribution variable des gamktanges au sein des capitulums chez les difftrentes espkces conditionne la reussite de la repro- duction sexuCe. Une interpritation Cvolutionniste de cette variation dans la repartition des gamCtanges est proposte. Mots clis : Sphagnum, systkmes de croisement, polyCcie, taux de sexualisation, succks de la reproduction. Pu~os, J. 1994. Systkmes de croisement et ftconditt chez le Sphagnum. Can. J. Bot. 72: 1528- 1534 Sexuality is most often preserved in Sphagnum while asexual reproduction remains responsible for the perennity and multi- plication of the species. Sexual reproduction success was assessed for two diecious species and four monecious-polyecious species, using fertilization rates, reproduction rates, and success of the reproduction. The effects of different crossing processes on the preceding parameters were emphasized. Accordingly, gynoecium numbers, archegone numbers per gynoecium, and sporogonia occurrences were assessed in more than 3500 capitula. Variable distribution of gametangia within capitula in different species determines the success of sexual reproduction. An evolutionary interpretation of this variation in the distribu- tion of gametangia is proposed. Key words: Sphagnunz, crossing processes, polyecious, sexualization rates, reproduction success. [Journal translation] Introduction Comme chez de nombreux autres vCgCtaux, la sexualit6 se maintient chez la plupart des espkces de Sphagnum, alors que la reproduction sexuCe produit nettement moins d'individus que la reproduction asexuke. Les sphaignes, comme les autres bryophytes, recourent de f a ~ o n massive h la reproduction vCgC- tative, pouvant rCgCnCrer un nouvel individu B partir de frag- ments de tiges, de capitulum, ou grlce au dCveloppement de bourgeons axillaires (Clymo et Duckett 1986). La reproduction sexuCe, quant B elle, n'aboutit pas frCquem- ment B la formation de sporophytes. Les spores posskdent, en culture in vitro, un taux de germination ClevC (Rudolph et al. 1988) mais leur capacitC 2 donner des protonCmas sur le ter- rain est mise en doute (Clymo et Duckett 1986). MalgrC tout, diffirents stades de dCveloppement de jeunes gamCtophytes issus de la germination de spores ont Ct6 observCs dans la nature (Lane 1977; McQueen 1985) mais aucune Ctude quantitative globale n'a CtC rCalisCe a ce jour. Toutefois, selon les espkces, on observe des colonies presentant rCgulibrement des capsules, localement abondantes, alors que d'autres ne fructifient jamais. Est-ce la repartition des sexes dans l'espace qui en est respon- sable? Est-ce la production de gamCtanges qui est deficitaire? Est-ce un dCficit partiel de production de mdles ou de produc- tion de femelles? Tout en essayant de rCpondre aux questions prCcCdentes, nous avons quantifiC la reussite de la sexualit6 dans son expres- sion la plus simple : la formation de sporophytes. Ainsi, le nombre d'archkgones par gynCcie et le nombre de gynCcies par capitulum influencent le nombre de capsules formCes. D'autre part, les modes de distribution des gamCtanges sur le gameto- phyte, dio'ique et monoique -polyoique, conditionnent la reussite du cycle sexd. Aussi, la signification Cvolutive d'un dCfaut partiel de diffkren- ciation d'une catCgorie de gamktanges chez les espbces dioi'ques ou d'un dtfaut total chez les espbces stCriles est discutCe. La perte des potentialitks mdles et femelles pourrait s'inscrire dans un processus global d'Cvolution du genre, au profit de la multiplication vCgCtative. Enfin, sont discutCs les Cventuels avantages B long terme prCsentCs par la reproduction sexuCe et la signification de sa tendance B rCgresser au profit de la reproduction asexuCe s'avC- rant plus avantageuse a court terme. Le brassage gCnCtique et le maintien de la richesse gCnCtique des populations, que la reproduction sexuCe implique, augmentent les potentialitCs Cvo- lutives, et donc les aptitudes B d'Cventuels changements envi- ronnementaux. Choix des sires de prilbvetnent La majoritt des Cchantillonnages (tableau 1) a eu lieu en France, dans les biotopes i sphaignes du piCmont pyrCnCen (376-450 m d'altitude) et des zones subalpines et alpines (1800-2260 m d'alti- tude), dans les dCpartements des Hautes-PyrCnCes et des PyrtnCes- Atlantiques, mais tgalement dans deux tourbieres de Haute-Normandie, l'une dans un mtandre de la Seine (Heurteauville, marais de la Harelle) et l'autre dans le Pays de Bray (tourbibre de MCsangueville). Seul le S. centrale, espkce rare en France et dtpourvue de sporogones, a fait l'objet d'une Ctude ponctuelle au Qutbec, d'une colonie dotCe de sporogones. Le premier critkre de selection d'un site d'tchantillonnage a CtC celui de la prtsence locale de capsules dans diverses colonies d'une mgme population, pour des espkces supposCes mono~ques ou dioyques. Ainsi, ont CtC sClectionnCes des espkces monoi'ques (ou polyoYques), localement trks fertiles : le S. jitnbriatum Wils., en Haute-Normandie, et le S. nemoreum Scop., le S. quinquefarium (Braithw.) Warnst. et le S. squarrosum Crome, dans les PyrCnCes. Ensuite, ces mgmes espkces ont Ctt Ctudites dans des situations oh elles ne produisaient pas de sporophytes. Nous avons procCd.6 de m2me pour les espkces dioi'ques, S. centrale C. Jens. et S. papillosuttz Lindb.; seule cette dernikre a CtC CtudiCe dans les deux regions. Printed in Canada / lrnprtrn6 au Canada Can. J. Bot. 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Page 1: Systèmes de croisement et fécondité chez le               Sphagnum

Systitmes de croisement et fbcondit6 chez le Sphagnum

JosB PUJOS Laboraroire de cryptogatnie, Musium tzarional d'histoire naturelle, 12, rue Buffon, 75005 Paris, France

R e ~ u le 22 juillet 1993

Pu~os , J. 1994. Systkmes de croisement et fCconditC chez le Sphagnum. Can. J. Bot. 72 : 1528- 1534. La sexualit6 persiste le plus souvent chez le Sphagnum, alors que la reproduction asexuCe assure l'essentiel de la pCrennitC

et de la multiplication de l'espkce. La reussite de la reproduction sexuCe est CvaluCe chez deux esptces dioi'ques et quatre espkces monoi'ques-polyoi'ques, grlce au calcul du taux de ftcondation, du taux de reproduction et du succks de la reproduc- tion. L'influence des differents modes de croisement sur les paramttres pricedents est mise en evidence. Pour cela, le nombre de gynCcies, le nombre d'archtgones par gynCcie et l'abondance de sporogones ont Ctt CvajuCs dans plus de 3500 capitulums. La distribution variable des gamktanges au sein des capitulums chez les difftrentes espkces conditionne la reussite de la repro- duction sexuCe. Une interpritation Cvolutionniste de cette variation dans la repartition des gamCtanges est proposte.

Mots clis : Sphagnum, systkmes de croisement, polyCcie, taux de sexualisation, succks de la reproduction.

Pu~os , J. 1994. Systkmes de croisement et ftconditt chez le Sphagnum. Can. J. Bot. 72: 1528- 1534 Sexuality is most often preserved in Sphagnum while asexual reproduction remains responsible for the perennity and multi-

plication of the species. Sexual reproduction success was assessed for two diecious species and four monecious-polyecious species, using fertilization rates, reproduction rates, and success of the reproduction. The effects of different crossing processes on the preceding parameters were emphasized. Accordingly, gynoecium numbers, archegone numbers per gynoecium, and sporogonia occurrences were assessed in more than 3500 capitula. Variable distribution of gametangia within capitula in different species determines the success of sexual reproduction. An evolutionary interpretation of this variation in the distribu- tion of gametangia is proposed.

Key words: Sphagnunz, crossing processes, polyecious, sexualization rates, reproduction success. [Journal translation]

Introduction Comme chez de nombreux autres vCgCtaux, la sexualit6 se

maintient chez la plupart des espkces de Sphagnum, alors que la reproduction sexuCe produit nettement moins d'individus que la reproduction asexuke. Les sphaignes, comme les autres bryophytes, recourent de f a ~ o n massive h la reproduction vCgC- tative, pouvant rCgCnCrer un nouvel individu B partir de frag- ments de tiges, de capitulum, ou grlce au dCveloppement de bourgeons axillaires (Clymo et Duckett 1986).

La reproduction sexuCe, quant B elle, n'aboutit pas frCquem- ment B la formation de sporophytes. Les spores posskdent, en culture in vitro, un taux de germination ClevC (Rudolph et al. 1988) mais leur capacitC 2 donner des protonCmas sur le ter- rain est mise en doute (Clymo et Duckett 1986). MalgrC tout, diffirents stades de dCveloppement de jeunes gamCtophytes issus de la germination de spores ont Ct6 observCs dans la nature (Lane 1977; McQueen 1985) mais aucune Ctude quantitative globale n'a CtC rCalisCe a ce jour. Toutefois, selon les espkces, on observe des colonies presentant rCgulibrement des capsules, localement abondantes, alors que d'autres ne fructifient jamais. Est-ce la repartition des sexes dans l'espace qui en est respon- sable? Est-ce la production de gamCtanges qui est deficitaire? Est-ce un dCficit partiel de production de mdles ou de produc- tion de femelles?

Tout en essayant de rCpondre aux questions prCcCdentes, nous avons quantifiC la reussite de la sexualit6 dans son expres- sion la plus simple : la formation de sporophytes. Ainsi, le nombre d'archkgones par gynCcie et le nombre d e gynCcies par capitulum influencent le nombre de capsules formCes. D'autre part, les modes de distribution des gamCtanges sur le gameto- phyte, dio'ique et monoique -polyoique, conditionnent la reussite du cycle s e x d .

Aussi, la signification Cvolutive d'un dCfaut partiel de diffkren- ciation d'une catCgorie de gamktanges chez les espbces dioi'ques

ou d'un dtfaut total chez les espbces stCriles est discutCe. La perte des potentialitks mdles et femelles pourrait s'inscrire dans un processus global d'Cvolution du genre, au profit de la multiplication vCgCtative.

Enfin, sont discutCs les Cventuels avantages B long terme prCsentCs par la reproduction sexuCe et la signification de sa tendance B rCgresser au profit de la reproduction asexuCe s'avC- rant plus avantageuse a court terme. Le brassage gCnCtique et le maintien de la richesse gCnCtique des populations, que la reproduction sexuCe implique, augmentent les potentialitCs Cvo- lutives, et donc les aptitudes B d'Cventuels changements envi- ronnementaux.

Choix des sires de prilbvetnent La majoritt des Cchantillonnages (tableau 1) a eu lieu en France,

dans les biotopes i sphaignes du piCmont pyrCnCen (376-450 m d'altitude) et des zones subalpines et alpines (1800-2260 m d'alti- tude), dans les dCpartements des Hautes-PyrCnCes et des PyrtnCes- Atlantiques, mais tgalement dans deux tourbieres de Haute-Normandie, l'une dans un mtandre de la Seine (Heurteauville, marais de la Harelle) et l'autre dans le Pays de Bray (tourbibre de MCsangueville). Seul le S. centrale, espkce rare en France et dtpourvue de sporogones, a fait l'objet d'une Ctude ponctuelle au Qutbec, d'une colonie dotCe de sporogones.

Le premier critkre de selection d'un site d'tchantillonnage a CtC celui de la prtsence locale de capsules dans diverses colonies d'une mgme population, pour des espkces supposCes mono~ques ou dioyques. Ainsi, ont CtC sClectionnCes des espkces monoi'ques (ou polyoYques), localement trks fertiles : le S. jitnbriatum Wils., en Haute-Normandie, et le S. nemoreum Scop., le S. quinquefarium (Braithw.) Warnst. et le S. squarrosum Crome, dans les PyrCnCes. Ensuite, ces mgmes espkces ont Ctt Ctudites dans des situations oh elles ne produisaient pas de sporophytes. Nous avons procCd.6 de m2me pour les espkces dioi'ques, S. centrale C. Jens. et S. papillosuttz Lindb.; seule cette dernikre a CtC CtudiCe dans les deux regions.

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TABLEAU 1. Localisation des populations chez les espkces CtudiCes

Espkce Section

CoordonnCes gkographiques Altitude

Latitude Longitude (m)

S. nemoreum Acutifolia PCdestarrks (Pyr.-Atl.) La Soula (Htes-Pyr.) Baranette (Htes-Pyr.) Lac des Nymphes (Htes-Pyr.) Aygues-Tortes (Htes-Pyr.)

S. fimbriatum Acutifolia Heurteauville (Seine-Marit.) MCsangueville (Seine-Marit.)

S. quinquefarium Acutifolia La Soula (Htes-Pyr.) Pouchergues (Htes-Pyr.)

S. squarrosum Squarrosa La Soula (Htes-Pyr.) Baranette (Htes-Pyr.)

S. centrale Palustria Baranette (Htes-Pyr.) Lac Gosselin, canton de Garreau, QuCbec

S. papillosum Palustria Heurteauville (Seine-Marit.) Misangueville (Seine-Marit.) Garaison (Htes-Pyr.) La Soula (Htes-Pyr.)

. . NUTA : Htes-Pyr., Hautes-PyrtnCes; Pyr.-Atl., PyrCnCes-Atlanriques; Seine-Marit., Seine-Maritime. . . .

~chantillonnage et modalitPs de dissection Le rythme d'ichantillonnage a CtC conditionnC par les diffirentes

Ctapes du cycle de dCveloppement : des prClkvements ont CtC effectuCs dks la fin de 1'CtC et tout au long de l'automne, lors de la formation des gamktanges, et pendant le printemps, a I'issue de la fkcondation (Pujos 1992). L'Ctude a port6 sur prks de cinq cycles annuels (d'aoOt 1988 i juin 1993). Les Cchantillons de sphaignes ont CtC prClevCs au hasard dans la colonie et non seulement dans les zones pourvues de sporophytes, repCrCes par des piquets numirotCs. 11s ont CtC consenCs dans des sacs plastiques i 5°C avant d'Ctre sexes sous la loupe bino- culaire. Dix individus de chaque prClkvement (20 chez les espkces dioi'ques) ont CtC CtudiCs.

La recherche des gynCcies et des andrCcies a CtC menCe dans chaque capitulum, mais Cgalement le long de la tige, afin de retrouver d'Cven- tuels vestiges de gynCcies formies lors des Cpisodes sexuCs prCcCdents,. et qui souvent perdurent pendant de nombreuses annCes. Dix rameaux prCsumCs miles en fonction de leur forme et de leur pigmentation ont CtC systCmatiquement dissCquCs dans 10 capitulums pris Cgalement au hasard dans la colonie. Cela nous a permis d'estimer l'abondance des andrCcies au sein d'un capitulum.

Plus de 3500 individus ont CtC sexCs i ce jour, mais seuls figurent ici les rCsultats des prClkvements effectuis lors de la pCriode habi- tuelle de formation des gamCtanges jusqu'i la fkcondation, soit de septembre i avril pour nos deux rCgions (Pujos 1992).

TABLEAU 2. Expression de la sexualit6 et systkmes de croisement chez les diffirentes espkces CtudiCes

Espkce Systkme de croisement ns nir (%)

S. nemoreum Monoi'que - polyoi'que 1260 752 59,7 S. fimbriatum Monoi'que - poly oi'que 300 209 69,7 S. quinquefarium Monoi'que- polyoi'que 200 160 89,s S. squarrosum Monoi'que- polyoi'que 100 97 93,O S. centrale Dioi'que 94 80 85,l S. papillosum Dioi'que 1020 650 63,7

NOTA : t ~ , ~ , nombre d'individus fertiles; ! I , , , nombre total d'individus ttudits; T,, taux de sexualisation.

Organisation de l'appareil reproducteur tnrile SituCes au-dessous des rameaux archkgoniaux, les anthiridies sont

localisCes aux aisselles de feuilles pkrigoniales reconnaissables par leur pigmentation pourpre ou orangie selon les espkces. Par ailleurs, le tissu plus liche et la forme rhomboi'dale de ces feuilles permettent de les distinguer des feuilles ramkales (Pujos 1992). Les rameaux anthkridiaux sont reconnaissables par leur aspect claviforme.

Organisation des systimes de croisement Trois types de disposition des gamCtanges sont connus chez le

Manifestation de la sexualit6 genre Sphagnum : ( i ) la diicie : les gamitanges miles et femelles se forment toujours

Dans le genre Sphagnum, les gamCtanges sont toujours produits sur sur des individus diffkrents; c'est le cas de l'ensemble des espkces des rameaux diffCrenciCs i cette fin. De plus, des gamCtanges des de la section Palustria CtudiCes : le S. papillosum et le S. centrale; deux sexes ne sont jamais produits sur un mCme rameau. I1 existe (i i) la rnonoicie, type autoi'que : les gamitanges miles et femelles donc des rameaux anthkridiaux et des rarneaux archkgoniaux. sont groupCs au sein d'un mCme capitulum, les gamktanges femelles

Organisation de l'appareil reproducteur femelle Les rameaux archkgoniaux se diffirencient dans 1'extrCmitC centrale

du capitulum, i partir d'un bourgeon fertile situC i I'aisselle des rameaux stCriles regroup& en un fascicule. La croissance de la tige amkne ensuite l'ensernble de ces fascicules (rameaux divergents, rameaux pendants et rarneau archCgonia1) en position axillaire. Les rameaux archkgoniaux ont la forme de petits bourgeons allongCs et arquis, constituCs par 1'archCgone (ou les archigones) central entour6

Ctant situCs au-dessus des garnktanges miles; (iii) la rnonoicie, type polyoique : outre le type d'organisation

rnonoi'que autoi'que dCcrit prCcCdemment, selon les populations, les espkces de ce type produisent aussi des individus ne portant soit que des gamCtanges miles, soit que des garnCtanges femelles.

La rnajoriti des espkces CtudiCes sont de type monoi'que-polyoi'que (tableau 2). Les deux espkces de la section Palustria sont de type dioique.

de feuilles transforrnees, les feuilles involucrales. AccolC i la base du Sexualisation des individus pied de l'archCgone, se trouve un verticille de petites feuilles de forme Dans l'ensemble des colonies de sphaignes CtudiCes, une partie seule- rhornboi'dale et i tissu trks liche, les feuilles pCrichCtiales (Pujos 1992). ment des individus examinis portait des gamitanges. La proportion

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1530 CAN. J. BOT. VOL. 72, 1994

TABLEAU 3. Variation du nombre de gynCcies et d'archB gones chez quelques espkces de sphaignes

Nombre moyen

GynCcies par ArchCgones par Espkce capitulum gy nCcie

S. centrale* 3 (1 -4) 3 (1 -4) S. papillosum 3,7 (1 -7) 3 (1 -4) S. jimbriatum 9,9 (1 - 12) 1 S. nemoreurn 2,08 (1 -4) 1 S. quinquefarium 3,92 (1 - 13) 1 S. squarrosurn 7 (1 - 14) 3 (1-5)

NOTA : Les maximums et minimums Rgurent entre parentheses. *Ces rtsultats ont i t i obtenus grice a I'ttude de specimens ricoltts

au Qutbec.

des individus fertiles chez chacune des espkces CtudiCes est indiquCe au tableau 2.

Chez toutes les espkces, au moins la moitiC des individus produi- sent des gamktanges. Toutes espkces et populations confondues, le taux de sexualisation s'Clkve B 65%. On notera les valeurs ClevCes des taux de sexualisation chez le S. quinquefarium et le S. squarrosurn.

La reproduction sexuCe demeure donc un Cvknement majeur pour ce groupe de vCgCtaux dont on ne retient souvent que la puissance de sa multiplication vtgCtative. Mais la formation de gamCtanges ne dCbouche pas obligatoirement sur l'aboutissement de la reproduction sexuke, c'est-B-dire la 1ibCration de spores mCiotiques. Deux Ctapes prCalables doivent Ctre franchies : la rencontre des gamktes suivie par la fkcondation, puis le dCveloppement du sporophyte.

Variation du nombre de gamdtanges (tableau 3) Le nombre d'archtgones par gynCcie varie de un B cinq selon les

espkces. Par contre, le nombre de gynCcies par rameau fertile est fixe : une seule.

La section Acutifolia s'illustre par la presence d'un seul archCgone par gynCcie. Ce caractere a CtC Cgalement vCrifiC chez d'autres espkces de cette m&me section, chez le S. fiscum (Schimp.) Klinggr., le S. russowii Warnst. et le S. subnitens Russow & Warnst.

Les sections Palustria et Squarrosa se caracterisent par la prCsence d'archkgones multiples au sein d'une gynCcie.

Le nombre d'anthkridies formees B l'aisselle des feuilles pCrigoniales est stable : une seule. Par contre, le nombre d'anthkridies par andr6 cies, comme le nombre d'andrCcies par capitulum, est trks variable. Nous n'avons pas pu estimer le r61e prCcis que pourrait jouer le nombre d'andrCcies par capitulum sur la fertilitC d'une espkce. Les rameaux anthkridiaux contiennent quelques dizaines d'antheridies, chacune IibCrant un nombre trks ClevC de spermatozo'ides. Aussi, un seul rameau antheridial semble trks souvent suffire B fkconder les individus voisins, que ce soit chez une espkce dio'ique ou une espkce mono'ique allogame, ou les gynCcies voisines chez une espkce mono- 'ique autogame.

Les valeurs du tableau 3 rendent compte de l'amplitude de variation de la quantitC de gynCcies et d'archegones en fonction des espkces. Ces valeurs varient entre les individus, dans une mCme colonie et entre les diverses populations. Le nombre d'archkgones par gynCcie, exception faite a la section Acutifolia, varie selon les facteurs du milieu. Le maximum de quatre archkgones chez le S. papillosum n'a CtC observC que dans les tourbikres de Haute-Normandie, oh le climat rCgional est moins rigoureux qu'en milieu montagnard dans les PyrC- nCes. De mCme, la variation du nombre de gynCcies par capitulum est sous I'influence des facteurs du milieu.

L'extrCme abondance potentielle des archCgones par capitulum chez le S. squarrosum est remarquable : si le nombre maximum d'archC- gones observCs par gynCcie (5) est multipliC par Le nombre maximum de gynCcies par capitulum (14), on obtient un nombre aussi ClevC que 70 archkgones pour un seul capitulum. Nous n'avons toutefois observe jusqu'ici qu'un maximum de 44 archCgones au sein d'un mCme capi- tulum chez cette espkce.

TABLEAU 4. RCpartition des sexes, taux de sexualisation et succks de la reproduction chez le S. papillosum, une espkce dio'ique

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" i t " i n f 0- 9 , " , i s > , "tics I

1020 (100) 370 (36,3) 435 (42,6) 215 (21,l) 28 (2,7) T, (%) 63,7 s, (%) 13,O

NOTA : Les donnies entre parentheses sont les pourcentages. n,f , nombre d'individus fertilcs; ni,,, nombre d'individus stiriles; nil, nombre total d'individus itudits; n,i , nombre total d'individus avec au moins une capsule; I I , , ~ ~ , , nombre total d'indivf&ds avec au moins une gynicie; S,:succks de la reproduction; T,, taux de sexualisation.

TABLEAU 5. Variation de la production d'archkgones, du taux de fkcondation et du taux de reproduction chez deux

colonies du S. papillosum

Colonie

" i t 80 80 "ligs - I 17 3 "a /g 2,13 (1-3) 2,36 (1-4)

"at 57 8 " a f 11 4 Tf - (%) 19,3 50 ng/c 1,57 (1-5) 1,13 (1-3) T, (%) 30,3 56,5

NOTA : Les donnies entre parentheses sont les intervalles. n,,, nombre d'archtgones ficondts; iT,,E, nombre moyen d'archtgones par gyntcie; n,,, nombre total d'archtgones observts; Tipie, norn- bre moyen de gyntcies par capitulum; nil, nombre total d'individus ktudits; n,,YzI, nornbre total d'individus avec au moins une gyntcie; T,, faux de ficondation; T,, taux de reproduction. Les pourccntages ci-dessus sont calculis en fonction de n,, observts chez les individus femelles et du iigic calcult dans ces colonies et non B I'aide des valeurs rnoyennes de I'espkce figurant au tableau 3.

Reproduction selon le mode de rkpartition des gametanges Les pourcentages de pieds femelles dotes de sporogones ne rendent

compte que du taux de fkcondation par capitulum (ou succks de la repro- duction). Or, sauf dans quelques cas exceptionnels, un seul archigone est fCcondC par gynCcie (observations personnelles). GCnCralement, lors de ficondations multiples, comme l'indiquent les renflements des vaginules, seul l'embryon le plus prCcoce termine son dCveloppement aux dCpens de son c cadet B. Mais parfois les embryons peuvent per- sister et donner naissance i des sporophytes anormaux (Gyorffy 1931).

Par conskauent. c'est le taux de fkcondation des gynCcies (ou taux * . -- de reproduction) qui conditionnera le nombre de sporophytes portCs par le gamCtophyte. La reussite de la fkcondation a CtC CvaluCe grdce i u calcul des pourcentages suivants :

oh, respectivement, T, et Tf sont les taux de sexualisation et de fCcon- dation, nif et nil, les nombres d'individus fertiles et totaux, puis n,, et n,,, les nombres d'archkgones fCcondCs et totaux par capitulum. C'est une mesure B 1'Cchelle de la population, qui peut atteindre 100% chez les Acutifolia, les gynCcies ayant un seul archCgone. Par contre, il sera toujours plus faible chez les reprksentants des autres sections, un seul archCgone Ctant fecondC par gynCcie.

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PUJOS

TABLEAU 6. RCpartition des sexes et variation du taux de sexualisation et du succks de la reproduction chez le S. papillosum

Colonie nit n~nf w Q ' ntis,l " ~ i , ~ 1

1 80 (100) 34 (42,50) 29 (36,25) 17 (21,25) 4 (5,001 T, (%I 57,50 sr 23,52

2 80 (100) 19 (23,75) 58 (72,50) 3 (3,75) 3 (3,751 T, (%I 76,25 Sr (%I 100

N a r ~ : Les donnies entre parentheses sont les pourcentages. nil, nombre d'individus fertiles; I I , , ~ , nombre d'individus stiriles; n,,, nombre total d'individus itudiis; I I , ~ ' , ~ , , nombre total d'individus avec au moins une capsule; n, ,** , , nombre total d'individus avec au moins une gynicie; S,, succes de la reproduction; T,, taux de sexualisation.

oh Tr est le taux de reproduction, puis ngf et n,,, les nombres de gynCcies fCcondCes et totaux par capitulum. I1 s'agit d'une mesure individuelle, qui peut atteindre 100% chez tous les individus femelles de toutes les espbces.

, oh Sr est le succbs de la reproduction, n ,lc2 et nt les nombres totaux d'individus avec, respectivement, au moins une capsule et une gynCcie. I1 rend compte de l'aptitude des individus femelles i donner une descendance.

Cas d'espdces dioi'ques : S . centrale et S. papillosum (tableaux 4- 7) Aucun individu bisexuC n'a CtC observe chez les 11 14 individus des

deux espbces Ctudites. Le tableau 4 donne une vue gCnCrale du comportement sexuel du

S, papillosum : on notera la dominance des individus mgles et les taux mtdiocres de sexualisation et de reproduction.

Des etudes stationnelles plus prCcises ont CtC rCalisCes afin d'Cva- luer la variabilitk des diffkrents taux CtudiCs, au cours du temps et selon les IocalitCs. Seuls 260 individus ont fait l'objet de ce travail, dont 160 pendant la pCriode de reproduction.

Colonie 1 Dans cet tchantillonnage, 11 des 57 archCgones observ6s chez les

17 individus femelles avaient CtC fCcondCs, soit 115 des archCgones. Un seul archegone Ctant fCcondC par gynCcie et le nombre moyen de gynCcies Ctant de 1,57 chez cette espbce, on peut estimer le taux de reproduction par capitulum a 30,3% (tableau 5).

Colonie 2 Dans ce cas, la moitiC des archCgones (quatre des hult archegones

observCs chez les trois individus femelles) avait CtC fCcondte, soit un taux de reproduction de 56,5% (tableau 5).

L'extrgme abondance des pieds miles autour des pieds femelles, contrairement aux observations rCallsCes dans la colonie 1, pourrait expliquer une amClioration du taux de fCcondation dans cette colonie En effet, chez une espkce dioique, 1'Cloignement des pieds miles et des pieds femelles ne dolt pas exceder les possibilitts de diplacement des spermatozoides estimCes 2 2,2 cm (McQueen 1985). Le succks de la reproduction exceptionnel (100%) observt localement dans cette colonie (tableau 6) illustre le r61e majeur que joue la distribution rela- tive des sexes au sein des populations chez les espbces dioiques.

La population de S. centrale CtudiCe (tableau 7), espkce peu frC- quente en France et dans les Pyrenees, se caracterise par l'absence d'individus femelles.

Cas d'espdces monoi'ques -polyoi'ques (tableau 8) Chez le S. fimbriatum, de nombreux avortements se produisent,

mais il est possible d ' o b s e ~ e r 10 sporogones en cours de dCveloppe- ment sur un m&me capitulum. I1 s'agit, de loin, de l'espkce la plus prolifique en capsules (voir taux et succks de la reproduction).

TABLEAU 7. RCpartition des sexes et variation du taux de sexualisation et du succks de la reproduction chez le

S. centrale, une espkce dioique

94 (100) 14 (14,9) 80 (85,l) 0 0 T, (%) 85,l sr (%) 0

NOT& : Les donnies entre parenthtses sont les pourcentages. ?I , ( , nombre d'individus fertiles; ninf, nombre d'individus stiriles; ni,, nombre total d'individus itudits; n,,,,l, nombre total d'individus avec au moins une gynicie; S, succes de la reproduction; T,, taux de sexualisation.

Discussion 1 . L'Ctude de 1'Cvolution des systemes de croisement montre

le passage graduel des especes polyoi'ques, oh les proportions d'individus unisexuCs et d'individus autoi'ques varient inverse- ment l'une de l'autre, du S. nemoreum au S. fimbriatum, vers la situation rCsolument dioi'que chez certaines espkces (telles les Palustria). Le tableau 9 rend compte, de droite a gauche de la rCgression, du succes de la reproduction ( i ) des especes a popula- tions monoi'ques - autoi'ques dominantes (51 %), S. fimbriatum; (i i) en passant par des especes a populations monoi'ques - autoyques rCduites ( 1 1,7 %), S. nemoreum; (iii) vers des especes rCsolument dioi'ques, quelles que soient les populations, S. papil- losum; le stade ultime de cette perte progressive de la capacitC a produire des sporogones ttant atteint chez le S. centrale.

2. Toutes les especes monoi'ques CtudiCes prCsentent des taux de reproduction supirieurs a ceux observCs chez l'espece dioi'que ou dans les populations polyoi'ques du S. nemoreum. Deux obstacles majeurs viennent hypothtquer la fecondation chez les especes dioi'ques : ( i ) la distance des individus mlles et femelles et la densit6 variable des individus mlles autour des individus femelles et (i i) une mauvaise synchronisation dans la maturation des gamCtanges, et donc de la 1ibCration et de la rencontre des gametes.

Or, lors de nos multiples Cchantillonnages, nous avons pu observer l'absence quasi totale de mtlange dans la rCpartition des sexes au sein des populations dioi'ques, et donc le peu d'intrication entre les clones mPles et femelles. Le r61e majeur que joue la multiplication vegetative (63,7 % d'individus stkriles) peut Ctre responsable du peu de mklange des clones de sexes diffkrents.

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TABLEAU 8. Repartition des sexes et variation du taux de sexualisation et du succks de la reproduction chez des espkces mono'iques-polyoiques

Unisexuts "&a I T. T. S.

- 8

" i t " i n f w , n i l BisexuCs ( ) Unisexuts BisexuCs (%) (%)

S. firrzbriaturn 300 (100) 91 (30,3) 0 (0) 56 (18,7) 153 (51) 69,7 0 (0) 153 (100) 63,O 73,2 S. squarrosum 100 (100) 7 (6,7) 14 (14,O) 34 (34) 45 (45) 93,O 0 (0) 37 (82,2) 55,O 46,8 S. quinquefari~ml 200 (100) 21 (10,5) 37 (18,5) 64 (32) 78 (39) 89,5 0 (0) 61(78,2) 51,4 42,9 S. nemoreum 1260 (100) 508 (40,3) 245 (19,4) 360 (28,6) 147 (11,7) 59,7 36 (10) 33 (22) 53,5 13,6

NOTA : Les donntes entre parentheses sont les pourcentages. I t i f , nombre d'individus fertiles; ni,,, nombre d'individus sttriles; ?I, , , nombre total d'individus t tudi ts ; r r , i c z , , nombre total d'individus avec au moins une capsule; I I , ~ ~ , nombre total d'individus avec au moins une gynCcee. S,, succks de la reproduction; T,, taux d e reproduction; T,, faux dc sexuali- sation.

TABLEAU 9. Variation, en pourcentage, des taux de sexualisation, de fkcondation et de reproduction ainsi que du succks de la reproduction chez des espkces mono'iques -polyo'iques en comparaison avec deux espkces dio'iques

DioYque Poly o'ique

S. centrale S. papillos~rm S. nemoreurn S. quinquefarium S. squarrosum

UnisexuCs Mdles Fernelles

BisexuCs Unisexuts + sporogone BisexuCs + sporogone Ts Tf Tr sr

La juxtaposition des garnttanges au sein d'un capitulum et une meilleure synchronisation de la libtration des gamktes assurent un avantage incontestable a la reproduction sexute des especes monoi'ques. Ceci confirmerait l'opinion largement rtpandue selon laquelle l'autogamie serait de rkgle chez les bryophytes monoi'ques (Smith 1978; Anderson 1980). La moindre abon- dance des capitulums pourvus de sporophytes chez les individus unisexuts des populations polyoi'ques (voir S. nemoreum) pro- viendrait de l'allogamie obligatoire, en partie semblable a celle des especes dioi'ques. Les faibles succes de la reproduction obtenus chez le S. nemoreum (13,6%) et chez le S. papillosum (13 %) confirment la moindre efficacitt de l'allogamie, que les pieds miles et femelles soient tout pres (S. nemoreum) ou stparts dans l'espace (S. papillosum). La difftrence majeure entre ces deux catCgories reside dans le mode de distribution des sexes au sein des colonies, qui tend B stparer dans l'espace les clones mdles et femelles de f a ~ o n plus radicale dans le cas d'une espece dioi'que. En effet, le mode polyoi'que assure une plus grande intrication entre les clones de sexes difftrents.

3. Contrairement a l'opinion jusqu'ici admise, selon laquelle : cc The majority of Sphagnum species are unisexual (dioecious), though a few are monoecious (autoecious) . . . ,> (Daniels et Eddy 1985), il existerait peu d'especes dioi'ques strictes (Palustria), mais surtout des espkces polyoi'ques (Acutifolia, Squarrosa) comprenant des populations unisexutes et des populations autoi'ques en proportion variable selon les espkces. D'autres especes de la section Acutijiolia, partiellement ttudites, entrent dans cette dernikre cattgorie : S. fuscum, S. girgensohnii Russ., S. russowii et S. subnitens.

4. La moindre abondance gtntraliste des individus unisexuts miles en regard du nombre d'individus unisexuts femelles au

sein des populations polyoi'ques (tableau 9) pourrait illustrer une tendanie a l'abandon ~ r o ~ r e s s i f . au cours de l'tvolution . u

de la sexualite, des potentialitts miles, par tconomie du coOt de la production des mdles )) (Williams 1975; Maynard Smith 1978) Les formes sttriles re~rtsenteraient donc les stades les plus tvoluts dans ce processus de rtgression de la sexualisation, avantageux a court terme. Ainsi, au stade monoi'que avec auto- gamie (le plus fertile; S. jimbriatum) aurait succtdt l'ttat dioi'que avec allogamie (S. papillosum), en passant par des intermb diaires, fixts ou non, correspondant aux especes polyoi'ques autogames ou allogames (du S. squarrosum au S. nemoreum).

~ a i s a ce jour, rien ne permetd'affirmer que les individus unisexuts sont le rtsultat de l'intervention tventuelle de gknes de rtgulation, modifiant l'expression du sexe sous l'action du milieu (Meagher 1988) qui aboutirait a une expression partielle d'un genotype codant la monotcie. On peut tgalement penser qu'il existe deux gtnotypes difftrents, un gtnotype l'origine d'individus unisexuts et un autre dtbouchant sur le dtveloppe- ment d'individus bisexuts. Ainsi, Bauer (1963) a pu induire la formation d'organes sexuels miles chez des individus femelles d'une espkce dioi'que haploi'de de Splachnum rubrum Hedw.

On devra tmettre la m&me rtserve pour les populations caracttristes par la prtsence d'individus sttriles. Seules des cultures en conditions contr6ltes, i partir de spores, permet- traient de conclure sur la monotcie, la ditcie ou la sttrilitt de ces especes.

5. Le taux de reproduction est semblable chez les difftrentes especes, seul le S. jimbriatum prtsente une ftconditt plus t levte (tableau 9). La prtsence de plusieurs archtgones dans une gynCcie ne semble pas favoriser le taux de reproduction : le S. squarrosum avec trois archtgones par gyntcie ne prtsente

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pas un meilleur taux de reproduction que le S. jmbriatum avec un seul archCgone par gynCcie. Par contre, le succbs de la reproduction est d'autant plus important que le nombre de gynCcies est ClevC (diminution de cette valeur, du S. jmbriatum au S. nemoreum dans le tableau 9).

6. Le taux de sexualisation tend B diminuer chez les espbces polyoi'ques, en liaison avec la diminution du succbs de la repro- duction. La stabilitC des microconditions Ccologiques qui rtgis- sent les tourbikres aurait pu favoriser les formes non sexutes, 1'Cventuelle variabilitk gCnCtique issue de la reproduction sexuk n'ayant pas, dans ces conditions, plus d'avantage sklectif (Cmm 1972; Longton 1976). On peut concevoir un stade primitif au cours duquel la reproduction sexuCe, jouant un r61e majeur, aurait produit une grande diversit6 de formes possCdant de fortes capacitks B coloniser divers milieux, grlce B la variabi- lit6 issue du brassage gCnktique. Actuellement, la multiplica- tion vCgCtative tendrait B supplanter la reproduction sexute en possibilitCs de multiplication. Le S. jmbriatum, espbce primi- tive en regard de la valeur ClevCe du succbs de la reproduction, produit de nombreuses capsules mais demeure dans I'incapacitC B coloniser de nouveaux milieux. C'est une espkce cantonnCe aux aulnaies-saulaies et elle ne s'y trouve jamais en quantitk importante. Ceci pourrait s'expliquer par I'homogCnkitC des spores rCsultant d'une autogamie trop importante. I1 serait utile de comparer ces Ctudes rkalisCes dans des zones refuges et extrCmes, la France Ctant en limite meridionale des zones bio- gkographiques favorables aux sphaignes, avec des donntes relevCes dans les tourbikres de la ceinture borCo-arctique. Les manifestations de la sexualit6 y sont-elles plus importantes ou bien moindres?

Conclusion La reproduction sexuke, sOrement apparue trks t6t dans

l'Cvolution, tend B &tre considCrCe comme vestigiale chez de nombreuses bryophytes (Mishler 1988). Chez le Sphagnum, la sexualitk demeure un kvbnement majeur et la rkussite de la reproduction sexuCe reste importante, notamment chez le S. jmbriatum.

Cependant, la multiplication vtgttative reprCsente le principal mode de reproduction des sphaignes et le plus efficace, aussi bien dans les populations oh elle est obligatoire (populations stCriles ou unisexuees) que dans les populations produisant des spores. Ainsi, la prCdominance de la multiplication vCgCtative dCcoulerait d'une regression de la sexualitC, se traduisant, au cours de l'Cvolution, par l'abandon des formes monoiques les plus fertiles au profit momentan6 des formes unisexuCes B la reproduction plus alCatoire, pour finir par l'affranchissement total du coDt de la mCiose et de la production des msles, chez les formes stkriles.

Quant aux spores mkiotiques, dont on connait ma1 le taux de germination en milieu nature1 (Lane 1977; McQueen 1985), lequel est supposC faible pour les raisons mentionnkes ci-dessus, il est frCquent d'invoquer leurs possibilitCs de dispersion par l'eau ou par le vent, modes avantageux dans la conqu&te de nouveaux milieux.

Cette capacitt de colonisation des milieux par une espkce peut s'estimer par sa frkquence de rkpartition sur un vaste territoire. Or, en France, les espbces les plus courantes ne recourent plus aujourd'hui a la reproduction par spores, notam- ment les espbces a pionnikres n. D'autre part, le S. jmbriatum qui produit des sporogones en quantitC massive est particulib- rement peu frCquent sur notre territoire, en comparaison avec le S. papillosum ou le S. nemoreum qui sont nettement moins

performants dans la production de sporogones. Pourtant, la reproduction sexuCe permet aux espbces de

s'adapter rapidement aux changements des conditions du milieu, lorsqu'elle assure un brassage gCnCtique permettant l'acquisi- tion de nouvelles potentialitks. Chez les bryophytes B cycle de dkveloppement B phase haploi'de prkdominante, telles que les Sphagnum, l'acquisition de nouveaux alkles ne peut se produire que lors du croisement de gamCtophytes de gCnotypes diffk- rents (allogamie obligatoire dans le cas des espkces dioi'ques, Cventuelle chez les espbces monoi'ques). Cette variabilitk est amplifiCe si des phCnom6nes de recombinaison ou de mutation somatique se produisent. Au contraire, l'autogamie qui semble de rkgle chez les espbces monoi'ques, aboutit au dCveloppe- ment de sporophytes dont les spores mkiotiques seront gCnCti- quement Cquivalentes aux formes de multiplication vCgCtatives rCalisCes par leurs parents gamCtophytiques (Wyatt et al. 1989).

Ainsi, une uniformit6 des spores mkiotiques resultant soit de l'autogarnie ou d'une absence he combinaisons nouvelles lors de croisements allogames, pourrait &tre B l'origine de cette inca- pacitC a coloniser de nouveaux milieux chez le S. jmbriatum.

L'autogamie est le mode de reproduction sexuCe le plus fkcond chez le Sphagnum, mais ne prksente, pour les raisons invoquCes ci-dessus, aucun avantage gCnCtique pour une meil- leure adaptation B de nouvelles conditions environnementales. Or, les sphaignes vivent dans des milieux caractCrisCs par une relative homogCnCitC et surtout une stabilitC des conditions environnementales (Anderson 1963; Cmm 1972). Aussi, la sexualit6 prtsente pour elles de nombreux dksavantages par rapport a la reproduction asexute, beaucoup plus efficace pour produire des descendants.

Cependant, chez le S. jmbriatum ou chez le S. nemoreum, les sous-populations d'une m&me localit6 recourant B la repro- duction sexuCe prCsentent une variabilitC gtnttique importante (Pujos, donnCes non publikes). Cela laisserait supposer que chez les espkces monoi'ques recourant B la reproduction sexuCe et prCsentant une variabilitk gCnCtique, aussi bien B l'inttrieur des populations qu'entre les populations, l'autogamie joue un r61e moins important que celui suppost prCcCdemment.

Mais l'intervention de la reproduction sexuCe dans ces processus de variabilitC gCnCtique au sein des populations de sphaignes demande B &tre rtellement Ctablie. En effet, des populations pour lesquelles la reproduction asexuCe prCdomine prCsentent une variabilitk ClectrophorCtique importante (Daniels 1982), voire plus ClevCe que celle observCe dans des popula- tions produisant rkgulibrement des sporophytes (Daniels 1985a, 1985b). D'autre part, le r61e que pourraient jouer les phCno- mbnes de mutation somatique chez les haploi'des reste B Ctablir. Les sphaignes, comme les autres bryophytes, peuvent, lors des phCnombnes de multiplication vCgCtative, rCgCnCrer de nouveaux individus a partir d'une cellule initiale. Toute mutation non defavorable, lors de la rCplication dans cette initiale peut s'exprimer chez le nouvel individu, et ce variant sera clone abondamment.

NOTE AJOUTEE A L'ETAPE DE L'EPREUVE : Depuis la soumis- sion de cet article, est pam l'article suivant, dont il n'a pu Ctre tenu compte : Cronberg, N. 1993. Reproductive biology of Sphagnum. Lindbergia, 17 : 69 - 82.

Remerciements L'auteur tient B exprimer sa gratitude au professeur L. Lacoste,

directeur du Laboratoire de cryptogamie du Mustum national d'histoire naturelle, qui a ttC l'initiateur de la prCsente Ctude,

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ainsi qu' i R. Gauthier, professeur h 1'Universitt Lava1 de Quebec, pour les corrections et conseils apportts tout au long de ce travail. I1 est reconnaissant h H. Bischler-Causse, M.-C. Boisselier-Dubayle et Denis Lamy, du meme labora- toire, pour leur aide i la realisation de cette ttude.

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