syndrome d’hyperstimulation ovarienne spontanée au cours d’une grossesse normale

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Imagerie de la Femme (2014) 24, 31—33 Disponible en ligne sur ScienceDirect www.sciencedirect.com CAS CLINIQUE Syndrome d’hyperstimulation ovarienne spontanée au cours d’une grossesse normale Spontaneous ovarian hyperstimulation syndrome in a normal pregnancy Houssine Boufettal a,,b , Fatiha Essodegui b,c , Sakher Mahdoui a,b , Naïma Samouh a,b a Service de gynécologie—obstétrique « C », centre hospitalier universitaire Ibn Rochd, 6, rue Lahssen Elaarjoun, Casablanca, Maroc b Faculté de médecine et de pharmacie, université Ain Chok, BP 5366, Maarif 20000, Casablanca, Maroc c Service central de radiologie, centre hospitalier universitaire Ibn Rochd, 6, rue Lahssen Elaarjoun, Casablanca, Maroc Rec ¸u le 27 octobre 2013 ; rec ¸u sous la forme révisée le 19 novembre 2013 ; accepté le 17 ecembre 2013 Disponible sur Internet le 12 evrier 2014 MOTS CLÉS Spontaneous ovarian hyperstimulation syndrome ; Pregnancy ; Ovarian neoplasia ; Pronostic Résumé Nous rapportons la prise en charge d’un syndrome d’hyperstimulation ovarienne spontané chez une patiente de 26 ans, diagnostiqué à huit semaines d’aménorrhée. L’enquête étiologique d’un syndrome d’hyperstimulation ovarienne spontanée devra rechercher une hypersécrétion d’hormones glycoprotéiques (hCG, TSH, FSH et LH) et/ou une mutation des récepteurs de FSH et LH. Il faudra éliminer une néoplasie ovarienne débutante. L’exploration cœlioscopique peut être réalisée si le doute diagnostique persiste. © 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. KEYWORDS Spontaneous ovarian hyperstimulation syndrome; Pregnancy; Ovarian tumor; Prognosis Summary We report the management of a spontaneous ovarian hyperstimulation syndrome in a patient of 26 years. It is diagnosed at eight weeks gestation. The etiological investigation of a spontaneous ovarian hyperstimulation syndrome should seek hypersecretion of glycoprotein hormones (hCG, TSH, FSH and LH) and/or mutation of FSH and LH receptors. It will eliminate incipient ovarian neoplasia. The laparoscopic exploration can be performed if diagnostic doubt persists. © 2014 Elsevier Masson SAS. All rights reserved. Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (H. Boufettal). 1776-9817/$ see front matter © 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. http://dx.doi.org/10.1016/j.femme.2013.12.001

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Page 1: Syndrome d’hyperstimulation ovarienne spontanée au cours d’une grossesse normale

Imagerie de la Femme (2014) 24, 31—33

Disponible en ligne sur

ScienceDirectwww.sciencedirect.com

CAS CLINIQUE

Syndrome d’hyperstimulation ovariennespontanée au cours d’une grossessenormale

Spontaneous ovarian hyperstimulation syndrome in a normalpregnancy

Houssine Boufettal a,∗,b, Fatiha Essodeguib,c,Sakher Mahdouia,b, Naïma Samouha,b

a Service de gynécologie—obstétrique « C », centre hospitalier universitaire Ibn Rochd, 6, rueLahssen Elaarjoun, Casablanca, Marocb Faculté de médecine et de pharmacie, université Ain Chok, BP 5366, Maarif 20000,

Casablanca, Marocc Service central de radiologie, centre hospitalier universitaire Ibn Rochd, 6, rue Lahssen

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Elaarjoun, Casablanca, Mar

Recu le 27 octobre 2013 ; recudecembre 2013Disponible sur Internet le 12 fev

MOTS CLÉSSpontaneous ovarianhyperstimulationsyndrome ;Pregnancy ;Ovarian neoplasia ;Pronostic

Résumé Nous rapportons la pspontané chez une patiente de 2étiologique d’un syndrome d’hhypersécrétion d’hormones glycrécepteurs de FSH et LH. Il faudcœlioscopique peut être réalisé© 2014 Elsevier Masson SAS. Tou

KEYWORDSSpontaneous ovarianhyperstimulationsyndrome;Pregnancy;Ovarian tumor;Prognosis

Summary We report the manain a patient of 26 years. It is diaga spontaneous ovarian hyperstimhormones (hCG, TSH, FSH and Lincipient ovarian neoplasia. Thepersists.© 2014 Elsevier Masson SAS. All

∗ Auteur correspondant.Adresse e-mail : [email protected] (H. Boufettal).

1776-9817/$ — see front matter © 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droitshttp://dx.doi.org/10.1016/j.femme.2013.12.001

sous la forme révisée le 19 novembre 2013 ; accepté le 17

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rise en charge d’un syndrome d’hyperstimulation ovarienne6 ans, diagnostiqué à huit semaines d’aménorrhée. L’enquêteyperstimulation ovarienne spontanée devra rechercher uneoprotéiques (hCG, TSH, FSH et LH) et/ou une mutation desra éliminer une néoplasie ovarienne débutante. L’exploration

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ntroduction

e syndrome d’hyperstimulation ovarienne comprend uneugmentation de la taille des deux ovaires, une ascite,ne hémoconcentration, un déséquilibre électrolytique, uneligurie, un épanchement pleural ou péricardique et uneypercoagulabilité [1—3]. Il est très souvent de cause iatro-ène, compliquant une procréation médicalement assistée1,4]. Très rarement, ce syndrome peut être spontanémentu au cours d’une grossesse et pose le problème du diag-ostic différentiel, notamment avec un cancer ovarien [5].l est de gravité variable, allant d’une légère distensionbdominale ne nécessitant qu’une simple surveillance, à desomplications majeures, mettant en jeu le pronostic vital etécessitant des mesures de réanimation [6].

Nous rapportons un cas de syndrome d’hyperstimulationvarienne survenue au cours d’une grossesse spontanéeormale, qui avait nécessité l’hospitalisation et dont’évolution était résolutive pour ce syndrome et favorableour la grossesse.

bservation

ne patiente âgée de 26 ans, nulligeste et nullipare,nceinte d’une grossesse de neuf semaines d’aménorrhées,tait hospitalisée pour des algies pelviennes avec une aug-entation rapide du volume abdominal en huit jours. Elle nerésentait pas de troubles de cycles dans ses antécédents, nie notion de prise d’inducteurs de l’ovulation. Elle n’avaitas d’hyperandrogénie. Elle n’avait pas d’antécédents deysthyroïdie. L’examen retrouvait une patiente dyspnéique,n index de masse corporelle à 19 kg/m2. La tension arté-ielle était à 120/60 mmHg et le périmètre ombilical était à6 centimètres. Il existait des masses abdomino-pelviennesilatérales arrivant jusqu’à trois centimètres au-dessus de’ombilic et une ascite. Il n’existait pas d’épanchementleural. L’échographie abdomino-pelvienne montrait unerossesse évolutive monofœtale intra utérine de dixemaines d’aménorrhée, avec une bonne création tro-hoblastique, des masses abdominopelviennes bilatéralesystiques et multiloculaires mesurant plus de 20 centimètrese diamètre associées à une ascite de moyenne abondanceFig. 1). Le dosage des �-hCG plasmatiques montrait unaux à 178 000 mUI/mL, légèrement élevé pour une valeur

igure 1. Échographie pelvienne montrant une grossesseonofœtale évolutive de neuf semaines d’aménorrhée, une masseultiloculaire mesurant plus de 20 centimètres et une ascite deoyenne abondance.

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ormale correspondant au terme de la grossesse de 46 500 à51 410 mUI/mL. Le dosage de l’estradiolémie plasmatiquetait très augmenté à 10 785 pg/mL, pour une valeur nor-ale au cours de la grossesse de 215 à 4 300 pg/mL. Les tauxe la FSH plasmatique, de la TSHus et de T4libre étaientormaux. Le bilan hydro-électrolytique montrait uneypoprotidémie à 55 g/L, une légère hyponatrémie et hypo-alcémie. Les taux de l’hémoglobine et de l’hématocritetaient normaux. La diurèse était conservée à 1500 mL par4 heures et la protéinurie des 24 heures était négative. Leyndrome d’hyperstimulation ovarienne spontanée sur unerossesse de neuf semaines d’aménorrhée dans sa formeodérée était retenu. L’évolution était marquée par la

égression progressive du diamètre ombilical et du poids,insi que de l’ascite pour disparaître deux mois après. Laatiente est actuellement à 22 semaines d’aménorrhée,ans aucune anomalie.

iscussion

e syndrome d’hyperstimulation ovarienne comprend uneugmentation de la taille ovarienne, par des tumeursutéiniques et des épanchements associés ou non, selones différents grades de sévérité à un déséquilibre élec-rolytique, une hémoconcentration, une oligurie et uneypercoagulabilité [1—4]. Il peut survenir au cours d’unerocréation médicalement assistée et sa fréquence varieelon les protocoles utilisés. En revanche, la survenue spon-anée au cours d’une grossesse, normale ou molaire, est trèsare [5—8]. Évoquer le diagnostic d’hyperstimulation ova-ienne spontanée au cours de la grossesse permet d’éviterne annexectomie accidentelle, rapportée dans la litté-ature [5]. Si son étiopathogénie est mal connu, certainsacteurs de risque sont retrouvés. Il s’agit de l’âge jeune,’un IMC inférieur à 20 kg/m2, de l’existence d’un syndromees ovaires polykystiques dans les antécédents, d’une hypo-hyroïdie primaire, de grossesse multiple et peut égalementurvenir chez les patientes ayant un terrain atopique [9—11].

Son mécanisme physiopathogénique comprendrait laibération de certaines substances, notamment le vascu-

ar endothelial growth factor (VEGF), les cytokines et leonoxyde d’azote, sous l’effet de l’hCG ou de la LH [10]. Ces

ubstances entraînent une augmentation de la perméabilitéapillaire, notamment des ovaires, qui deviennent élargiest la création d’un troisième secteur, expliquant les épan-hements, l’hémoconcentration, l’hypotension artérielle etar conséquent l’altération de la perfusion rénale, voire lehoc cardiorespiratoire [12—14]. Ce syndrome peut se voirn cas d’une tumeur de la granulosa, d’une mutation deSH-R [12] ou en cas de grossesse multiple. Il peut se voir, enehors d’une grossesse, au cours d’une hypothyroïdie sévèreu d’un adénome hypophysaire FSH-sécrétant [13,14].

Le syndrome d’hyperstimulation ovarienne spontanée estvoqué devant une gêne respiratoire, une augmentationu volume abdominale rapide, un épanchement abdominalu pleural, notamment au premier trimestre de gros-esse. Le diagnostic différentiel se discute avec une tumeuraligne ovarienne, mais l’augmentation du volume abdo-inal, généralement plus rapide, oriente plutôt vers ce

yndrome ainsi que des CA 125 sériques négatifs. Une cœlio-copie, voire une IRM pelvienne, peuvent être utilisées pourever le doute diagnostique [4].

Il se discute aussi avec l’hyper réaction lutéale retrou-ée, surtout, au cours des grossesses molaires, mais danse cas, il n’existe pas d’épanchements, ni de troubles

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d’un

Syndrome d’hyperstimulation ovarienne spontanée au cours

hydroélectrolytiques [1]. Dans tous les cas, une surveillanceclinique et échographique attentive doit être réalisée.En effet, plusieurs complications peuvent être retrou-vées. Il s’agit des complications thrombo-emboliques quipeuvent intéresser tous les territoires, artériels et veineux,des complications pulmonaires à type de pneumopathielobaire, d’embolie pulmonaire, d’épanchement pleural,d’atélectasie ou de syndrome de détresse respiratoire[4,5]. Les complications ovariennes sont à type de rup-ture ovarienne, de torsion de l’ovaire ou de compressiondes organes de voisinage [4]. Les complications rénalescomprennent l’insuffisance rénale aiguë. Le syndromed’hyper stimulation ovarienne peut avoir un retentissementsur la grossesse, avec un risque élevé d’avortement, demenace d’accouchement prématuré, de diabète gestation-nel, d’hypertension artérielle gravidique ou de retard decroissance intra-utérin [4—6].

La prise en charge thérapeutique dépend de la sévéritédu syndrome. Elle reste essentiellement symptomatique etpréventive [1,4].

Le suivi à domicile est possible dans les grades minimes.Il comprend le repos, le traitement anticoagulant, une sur-veillance de la diurèse, du poids, du périmètre ombilical,des paramètres biologiques et une évaluation échographiquerégulière [4].

Le suivi à l’hôpital s’impose pour les grades modérés àsévères. Il comprend une surveillance quotidienne du pouls,de la tension artérielle, du poids, du périmètre ombili-cal, du cycle respiratoire, de la balance entrées-sorties, dela fonction rénale, du bilan de la coagulation et la réa-

lisation d’échographies régulières [3—5]. Une hydratationintravasculaire, par sérum salé ou d’albumine, peut êtreindiquée en cas d’hypovolémie. La prévention des throm-boses doit être réalisée [8—10]. L’ascite peut être parfoisdrainée en cas de douleurs importantes, d’inconfort ou encas de signes pulmonaires [9]. Le drainage de l’ascite doitêtre attentif, en effet, il peut être compliqué par une torsionovarienne, une hypoprotidémie ou une cellulite [4]. Danstous les cas, le traitement est symptomatique et préventif.Certains auteurs utilisent la cabergoline, antagoniste de ladopamine, pour son action qui bloque le récepteur de VEGF[3,10].

Conclusion

Le syndrome d’hyperstimulation ovarienne est, très sou-vent, une complication de la procréation médicalementassistée. Il est très rarement observé spontanément au coursd’une grossesse. D’où l’intérêt de le connaître pour évi-ter un sur traitement. Le tableau clinique comporte desstades légers, ne nécessitant qu’une surveillance à domicileou des stades sévères nécessitant une hospitalisation, voireune réanimation. La prise en charge est symptomatique etpréventive des complications de ce syndrome.

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e grossesse normale 33

Déclaration d’intérêts

Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts enrelation avec cet article.

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