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Chapitre3 Le système bancaire et intermédiation bancaire Suite 5.2. L’intermédiation financière Dans la notion d'intermédiation, il faut d'abord distinguer intermédiation de marché (passive) et intermédiation de bilan (active). L'intermédiation peut être passive en ce sens que le rôle de l'intermédiaire financier se limite à aider les agents à besoin de financement à trouver les agents à capacité de financement pour écouler les titres que les premiers désirent offrir à long ou court terme aux seconds. C'est l'"intermédiation de marché". En plus de cette fonction traditionnelle de courtage, l'intermédiation de marché remplit aussi aujourd'hui la fonction de contrepartie. L'intermédiation est active lorsqu'elle comporte une fonction de transformation de titres, ce qui affecte nécessairement le bilan de l'intermédiaire, d'où l'expression d'"intermédiation de bilan". Cette dernière a pour fonction traditionnelle l'octroi de crédit ; l'intermédiation de titres au travers des OPCVM en constitue une forme contemporaine. Parmi les intermédiaires financiers, les banques. Elles sont les seules à détenir le pouvoir de création monétaire et donc d’augmentation de la quantité de monnaie en circulation. Le système bancaire joue donc un rôle crucial dans le processus de création monétaire. L'économie bancaire traditionnelle s'intéressait essentiellement aux liens entre monnaie et crédit au niveau macroéconomique et en particulier aux mécanismes de transmission de la politique monétaire menée par la banque centrale. L'approche moderne, qui s'est développée à partir du début des années 1980 adopte un point de vue plus microéconomique, en étudiant de façon détaillée le

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Chapitre3

Le système bancaire et intermédiation bancaire

Suite

5.2. L’intermédiation financière

Dans la notion d'intermédiation, il faut d'abord distinguer

intermédiation de marché (passive) et intermédiation de bilan (active).

L'intermédiation peut être passive en ce sens que le rôle de

l'intermédiaire financier se limite à aider les agents à besoin de

financement à trouver les agents à capacité de financement pour

écouler les titres que les premiers désirent offrir à long ou court terme

aux seconds. C'est l'"intermédiation de marché". En plus de cette

fonction traditionnelle de courtage, l'intermédiation de marché remplit

aussi aujourd'hui la fonction de contrepartie.

L'intermédiation est active lorsqu'elle comporte une fonction de

transformation de titres, ce qui affecte nécessairement le bilan de

l'intermédiaire, d'où l'expression d'"intermédiation de bilan". Cette

dernière a pour fonction traditionnelle l'octroi de crédit ;

l'intermédiation de titres au travers des OPCVM en constitue une

forme contemporaine.

Parmi les intermédiaires financiers, les banques. Elles sont les

seules à détenir le pouvoir de création monétaire et donc

d’augmentation de la quantité de monnaie en circulation. Le système

bancaire joue donc un rôle crucial dans le processus de création

monétaire.

L'économie bancaire traditionnelle s'intéressait essentiellement

aux liens entre monnaie et crédit au niveau macroéconomique et en

particulier aux mécanismes de transmission de la politique monétaire

menée par la banque centrale. L'approche moderne, qui s'est

développée à partir du début des années 1980 adopte un point de

vue plus microéconomique, en étudiant de façon détaillée le

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comportement des banques individuelles confrontées à l'évolution de

leur environnement concurrentiel et réglementaire.

6. Quel est le rôle spécifique des banques

Les banques commerciales créent de la monnaie en contrepartie

de titres de créances. il s'agit d'une monnaie dématérialisée. Les

dépôt font des crédits mais les crédits aussi font des dépôts car les

banques peuvent prêter de la monnaie qu'elles n'ont pas. Cette

création monétaire est appelée « ex nihilo », c’est-à-dire à partir de

rien. Mais elle n’est pas sans contre partie (gratuite), elle n’est pas

illimitée et elle n’est pas éternelle comme nous l'avons déjà vu dans

le chapitre 3 consacré à la création monétaire.

Les banques étaient les seules à pouvoir fournir des services de

liquidité et de crédit aux entreprises et aux ménages. Mais vers la fin

des années 1970, le développement sans précédent des marchés

financiers, a posé l’interrogation quant à la spécificité du financement

bancaire par rapport au financement direct et sur la survie des

banques traditionnelles. Actuellement les banques interviennent

activement sur le marché financier. Auparavant, elles faisaient le

crédit, prenaient le risque, le surveillaient, puis encaissaient des

fonds au fur et à mesure.

Dans le modèle actuel, essentiellement américain, les banques

font le crédit et donc prennent le risque mais le transmettent à

d'autres. Le risque disparait des établissements bancaires. Cette

évolution n’est pas sans effets négatifs sur l’économie, la crise des

« Subprimes » en est la preuve récente.

7. La crise des « Subprimes »

Cette crise débute à l'été 2007 à cause des "Subprimes", des

prêts hypothécaires consentis à la classe moyenne américaine. En

principe, un emprunteur qui veut acquérir un logement est autorisé à

emprunter en fonction de son salaire et de sa capacité à rembourser

sa dette. Aux Etats-Unis, les Américains ont donc créé des

Subprimes. Les emprunts se font même si le salaire est insuffisant, le

bien immobilier est la garantie. Il faut dire qu’à cette période, le

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marché de l’immobilier était en hausse. Les taux d'intérêt sur ces

prêts sont très élevés et variables en fonction de l'évolution des taux

de la FED. La durée de remboursement est de 30 ans. En cas

d’incapacité de remboursement, la banque récupère la maison et la

vend. Or les prix de l'immobilier ont largement baissé et les banques

perdaient de l'argent sur la vente.

Figure 14 : Crise des « Subprimes »

Crédit immobilier

Risque défaut

de paiementBien immobilier

Hypothèque

besoin en

liquidité titre

Institutions financières

saisie

opacitéDépréciation de l’actif

Dégradation du bilan

banque

Crise liquidité

m/ché

interbancaire

Banques

commerciale

achetés

Titre dilué

Baisse du prix de

l’immob

Perte générale confiance

Bques ne se prêtent plus entre elles

faillite

accorde

transformésur

entraine

accroitrefinancement

assèchement

urce : Frédéric COMBELLE, SES Toulouse,http://automne-ses.ac-toulouse.fr

Source : Frédéric COMBELLE, SES Toulouse, http://automne-

ses.ac-toulouse.fr

Pour tenter de limiter les risques de ces crédits, les banquiers ont

eu recours à la titrisation. Ils ont transformé ces emprunts en titres

sur les marchés boursiers. Ces titres de dette se sont échangés sur

les places boursières. La titrisation permet aux établissements de

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crédit de récupérer immédiatement les fonds prêtés aux ménages.

Par cette opération, c’est l’acquéreur du titre qui subit tous les risques

de non remboursement car au cas où l'emprunt pour l'achat de la

maison ne peut plus être payé, le titre n'a plus aucune valeur.

A partir de 2005, le taux de la FED augmente rapidement pour

atteindre 5,25% à la mi 2006. Les problèmes de remboursement

commencent en entrainant des mises en vente des logements. En

Août 2007, on assiste à un effondrement de la valeur de ces titres ce

qui entraîne des pertes pour les établissements financiers ayant

achetés ces titres et de fortes baisses en bourse en conséquence.

C'est la crise des subprimes. L’ouverture financière et la globalisation

de l’économie ont fait que toutes les banques étrangères, notamment

européennes, possédaient des titres de subprimes qui ne valaient

plus rien. Tout le monde en avait mais personne ne savait vraiment

combien.

La panique gagne alors les marchés et les banques vont se méfier

les unes des autres et ne plus vouloir se prêter de l'argent entre elles.

Car souvent quand les banques n'ont pas les liquidités nécessaires

pour accorder des crédits, elles empruntent de l'argent à une autre

banque pour pouvoir verser la "réserve obligatoire" afin de pouvoir

accorder le crédit au client. C'est une pratique courante Cette crise

de confiance des marchés interbancaires va entraîner la faillite de

certaines banques. En 2008, Les pertes se sont avérées plus

importantes que prévu, la chute de l'immobilier, la crise des

subprimes, les soubresauts de la bourse ont fait chuter les cours. Les

pertes d'actifs se sont montées à plusieurs dizaines de milliards de

dollars pour certaines banques. C'est le cas de Citibank, qui était la

première banque mondiale jusqu'à cette crise. La crise bancaire

évolue alors en krach boursier. Certains établissements de crédit ont

vu leur valeur boursière chuté en quelques semaines. Par exemple,

Lehman Brothers, la quatrième banque d'affaires de Wall Street, a

perdu 45% de sa valeur en une seule journée et 94% sur un an.

Les banques centrales et les Etats tentent alors d’intervenir pour

sauver le système. Des solutions ont été préconisées :

Les banques centrales injectent de nouveau des liquidités pour

que ces banques puissent emprunter, mais cette solution a des

limites car la création monétaire pouvait dégénérer sur une inflation

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qui affectera l'économie réelle ; Les banques centrales récupèrent à

leur compte les titres dépréciés, comme les subprimes1. Là encore,

cette solution a des limites. Il faut dire que l’expansion du marché de

l’immobilier est due à l'expansion de crédit et de la hausse des prix

des actifs et non à la confrontation de l’offre et de la demande sur le

marché de logement. Les marchés ont donc permis l’expansion de

l’immobilier qui suite à sa chute a entrainé leur chute. La crise

immobilière s'est transformée en crise financière et bancaire, elle-

même entraînant une crise économique mondiale.

La crise des Subprimes explique en partie les origines des crises

bancaires et montre les modalités de l’intervention publique dans le

secteur bancaire. Deux points qu’on développera dans les deux 9 et

10.

Encadré 15

Au Royaume-Uni, l'endettement des ménages s'envole...

(...) Face aux prix qui flambent dans les magasins et avec des

salaires qui stagnent, ils (les Britanniques) choisissent de plus

en plus de compenser en s'endettant. Plutôt que de réduire

leur consommation, ils préfèrent recourir à leur béquille

préférée : cartes de crédit, découverts bancaires, prêts à la

consommation... Sur les douze mois menant à juin, les crédits

à la consommation tout confondu (hors prêts immobiliers) ont

fait un bond de 10%, un taux de croissance qui n'avait pas été

vu depuis 2005... Le spectre de la bulle de crédit ressurgit.

... La Banque d'Angleterre s'est pourtant voulue rassurante...

La situation n'est pas comparable aux années folles d'avant la

crise... Seuls 1,5% des Britanniques dépensent aujourd'hui

plus de 40% de leurs revenus à rembourser leurs dettes ; au

pire de la crise, le taux était deux fois plus élevé, à 2,5%.

En clair, les Britanniques ont redressé leurs comptes pendant

dix ans et peuvent se permettre de se desserrer la ceinture...

De plus l'envolée du crédit ne concerne que les prêts à la

1C'est ce qu'a fait la banque centrale américaine en mars 2008 pour sauver la banque d'investissement Bear Stearns. La banque centrale américaine a récupéré 29 milliards d'actifs toxiques (dépréciés et peu surs) et facilité la reprise de Bear Stearns par une autre banque JP Morgan.

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consommation, qui ne représentent que 10% de l'endettement

des ménages, le gros venant de l'immobilier. Pour autant, la

Banque d'Angleterre surveille le sujet comme le lait sur le feu.

D'abord, malgré sa baisse, l'endettement des ménages est

resté élevé outre-Manche : il tourne autour de 140% du

revenu disponible, nettement plus qu'en France (110%) ou en

Allemagne (90%), même si c'est moins que dans les pays

comme la Norvège, les Pays-Bas ou le Danemark (presque

300% pour ce dernier).

Ensuite, tous les signaux passent à l'orange. Après avoir

longtemps baissé, le nombre de Britanniques qui peine à

rembourser leurs dettes augmente depuis un an... Près de 2,2

millions de personnes sont en difficultés financières à cause

de leur endettement.

Laxisme des banques

... Attitudes de plus en plus laxiste des établissements

financiers qui reviennent, eux aussi, à leurs mauvaises

habitudes. Ces derniers deviennent moins exigeants pour

accorder des crédits. Ainsi jamais un prêt de 10 000 livres (11

000 euros) n'a coûté aussi peu cher : son taux d'intérêt atteint

en moyenne 3,8%, deux fois moins qu'avant la crise.

...

L'Agence de notation Moody's a tiré le signal d'alarme (...),

elle a abaissé la perspective sur certains produits structurés

qui agrègent des prêts britanniques (des outils financiers

proches de ceux qui avaient provoqué la crise de 2008).

Conscientes des crises, et voulant éviter les dérives des

années 2000, les autorités financières britanniques ont décidé

d'intervenir en juillet, la Banque d'Angleterre a demandé aux

principales banques des informations supplémentaires sur les

risques contenus dans leurs portefeuilles de prêts.

(...) La financial conduct Authority (FCA), le régulateur

financier...comptent mieux encadrer les taux d'intérêt

excessifs qui pèsent sur certains produits.

La FCA était déjà intervenue en 2015 sur une catégorie de

prêts ultraflexibles appelés payday loans ("prêts pour attendre

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le jour de paie). Ces emprunts de quelques centaines d'euros,

pour quelques jours, pouvaient vite devenir incontrôlables

avec un taux d'intérêt qui dépassent les 1000% dans certains

cas. Face aux dérives, le régulateur a imposé un taux

maximum de 0,8 % par jour. Depuis le marché payday loans à

fortement rétréci ... Preuve qu'il est possible d'agir en amont et

que les autorités financières britanniques semblent

déterminés pour ne pas laisser une nouvelle bulle apparaître.

Journal Le Monde Samedi 15 août 2017

8. Quelles sont les conséquences de la crise financière au

niveau des pays d'Afrique

Du fait de la déconnexion de leur système financier par rapport au

système mondial, la non convertibilité intégrale des monnaies pour

certains pays et grâce à leurs réserves de change dues à des

facteurs exogènes notamment les hydrocarbures, les pays d’Afrique

ne semblaient pas impactés par la crise au début et les autorités

monétaires africaines notamment celles de la zone franc se

montraient optimistes. Ceci est vrai d’un point de vue strictement

financier et à court terme. Mais depuis la fin du premier semestre

2009, les pays d’Afrique commençaient à ressentir les effets néfastes

sur leurs économies : baisse des échanges commerciaux ; baisse

des transferts des migrants à leurs familles ; baisse des

investissements étrangers ; diminution de l'aide publique au

développement et l’aggravement des problèmes de la dette du fait

d’un taux d’intérêt en hausse surtout pour les pays partisans du

rééchelonnement. Les secteurs essentiellement financés par des

ressources gouvernementales et des fonds extérieurs ont subi de

manière plus accentuée les effets de cette situation. C’est le cas de

l’éducation et de la santé notamment. La demande de matière

première recule à cause du ralentissement de l’activité économique

dans les pays industrialisés. La chute du dollar risquerait de faire

baisser également les revenus des entreprises productrices et qui

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sont en général publiques, car les matières premières sont cotées en

dollar.

Concernant le Maroc, le risque financier est presque inexistant

étant donné la nature limité du marché boursier marocain.

L’hebdomadaire britannique Sunday Times a publié (en octobre

2008) une liste de six pays où les investissements seraient moins

risqués : la Jordanie, le Liban, le Sultanat d’Oman, le Qatar, le Maroc

et la Tunisie. Ces deux derniers font partie des pays qui ont le mieux

résisté à la crise financière internationale. Plusieurs raisons

expliquent ces performances : d’abord, la hausse des flux

d’investissements venant notamment des pays du Golfe. Ensuite,

dans le cas de la Tunisie, la faiblesse de la participation étrangère à

la capitalisation boursière. Elle en « représentait 25% fin septembre

2008, dont 22%, stable et durable, a été acquis dans le cadre d’un

partenariat et dans le but de prendre des positions stratégiques, aussi

bien dans les sociétés que dans les banques tunisiennes. Dans le

cas du Maroc, les raisons de la résistance à la crise financière sont

citées dans un article du Financial Times daté du 2 octobre 2008.

Les réformes initiées par le gouvernement auraient renforcé les

fondamentaux de l’économie du pays et permis de résorber le choc

engendré par la hausse des cours des produits pétroliers et agricoles.

Cette performance marocaine serait aussi expliquée par la

diversification des revenus du pays, écrit le Financial Times.

9. Banques et crises

Les crises bancaires sont généralement liées aux activités de

transformation des actifs liquides à court terme en actifs illiquides de

long terme ; à des retraits massifs de la part des clients et qui

dépasseraient les réserves des banques ; des périodes de récession

économique et des effets de contagions qui transmettent les

problèmes de solvabilité d’une banque à d’autres banques.

9.1. L’activité de transformation

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Grâce au système de réserves fractionnaires, les banques

transforment des actifs liquides de court terme (les dépôts à vue, qui

peuvent faire l'objet de retraits à tout moment) en des actifs illiquides

de long terme (les crédits, qui sont difficilement cessibles et dont la

maturité est assez longue en moyenne). Certains économistes

renommés ont préconisé d'interdire cette transformation en obligeant

les banques à financer l'intégralité de leurs crédits par des

ressources à long terme et à investir l'intégralité de leurs dépôts à

vue dans des titres liquides et sans risque. Ceci ramène à la

séparation entre l'activité de dépôts réservée à des “banques de

dépôts” et l'activité d'investissement réservée à des “banques

d'investissements”. Mais cela risque de réduire le volume de crédit

offert par les banques et affectera les petites entreprises n'ayant pas

accès à un financement direct. Il devient donc indispensable de

mettre en place un ensemble de réglementations prudentielles et un

système d'autorités de surveillance destinés à limiter le risque de

faillite bancaire si l’on veut maintenir un tel système de

transformation.

9.2. Les paniques bancaires

Les déposants peuvent à tout moment demander le retrait de leurs

dépôts. Si tous les déposants le font en même temps, les retraits

seront massifs. Si le montant de ces retraits dépasse celui des

réserves, la banque est en effet obligée d'emprunter d'urgence, dans

des conditions généralement défavorables, auprès d'autres banques.

Sa situation devient difficile, ce qui accentue davantage les retraits

car la confiance est rompue entre la banque et les déposants. En

l'absence d'intervention extérieure, la banque fera faillite. Ceci était le

cas avant 1950. Le système d’assurance des dépôts par la suite qui

rembourse les déposants en cas de faillite bancaire dans les pays

développés a donné aux dépôts un caractère de placement sans

risque. Cette assurance sur les dépôts auxquels les banques cotisent

a largement modifié le comportement des banques face au risque.

Les déposants, assurés contre le risque de faillite, ne sont pas incités

à surveiller l'activité de leur banque et n'exigent pas de rémunérations

plus élevées en cas de risque aggravé, comme le font par exemple

les prêteurs internationaux lorsque la notation d'un emprunteur

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(entreprise ou pays) se détériore. Les banques sont donc

déresponsabilisées en matière de risque.

9.3. Les récessions économiques

Les crises bancaires se produisent généralement durant les

périodes de récession. Les actifs bancaires sont très sensibles aux

fluctuations macroéconomiques (notamment aux taux d'intérêt, aux

taux de change et aux cours boursiers). Pour cela une réglementation

et une supervision des intermédiaires financiers à travers notamment

une politique monétaire et une politique budgétaire s’avèrent

nécessaires pour contrecarrer les effets des chocs

macroéconomiques. Les banques centrales jouent dans ce cas un

rôle crucial même si leur actuelle activité ne se limite plus uniquement

à la stabilisation monétaire. C’est le cas par exemple du Système

européen de banques centrales (S.E.B.C.) où la politique monétaire

est dévolue à la Banque centrale européenne (B.C.E.) et non une

affaire nationale des différents pays ; c’est le cas également en

Grande Bretagne du Financial Services Authority (F.S.A.), régulateur

unique de l'ensemble du secteur financier, la Banque d'Angleterre ne

se voit plus attribuer qu'une mission de stabilisation monétaire.

9.4. Les crises systémiques

Le risque systémique désigne le risque d'une propagation à

l'ensemble du secteur bancaire de problèmes de solvabilité

rencontrés par une institution financière particulière.

Suite à de grosses pertes d’argent, de grands investisseurs sur

certains marchés se trouvent parfois obligés de solder leurs positions

sur d'autres marchés car leur capacité de prise de risque diminue

étant donné la réglementation ou parce qu'ils sont moins disposés à

prendre des risques. Les conséquences de cette situation sont une

chute des cours, une baisse de la liquidité des marchés et un

accroissement de la volatilité. C’est l’effet richesse.

Il existe un autre mécanisme de contagion lié aux effets externes

informationnels. Les estimations de la qualité des actifs d’une banque

par ces clients sont corrélées à celles des autres banques,

notamment la banque en faillite. Une fermeture d’une banque suite à

sa faillite pousse les clients d’une autre banque à retirer leurs dépôts

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car ils craignent que la même situation ne se reproduise pour leur

banque. Ce comportement moutonnier est dû à l’absence d’une

information précise voire même un manque d’information.

Un troisième mécanisme de contagion est le marché interbancaire.

Le marché interbancaire permet aux banques de se refinancer entre

elles et de dépasser ainsi les problèmes de liquidité qu’elles peuvent

rencontrer. Cette pratique, même si elle est bénéfique pour les

banques car elle les met à l’abri des besoins de liquidité fragilise le

système bancaire dans son ensemble car elle crée une

interdépendance entre les banques et un risque certain de

propagation de leur problème de liquidité. Une façon naturelle d'éviter

ce risque systémique serait pour la banque centrale d'assurer les

prêts et les dépôts interbancaires, de la même façon que les dépôts

du public sont assurés par les organismes d'assurance des dépôts.

10. Les règles prudentielles

L'intervention publique dans le domaine bancaire prend trois

formes principales: les réglementations prudentielles ; l'assurance

des dépôts ; et les interventions de la banque centrale en tant que

prêteur en dernier ressort.

10.1. Les rations de solvabilité

La réglementation prudentielle oblige les banques à détenir

suffisamment de capital et à diversifier leurs actifs afin de limiter les

risques de la transformation de dépôts liquides en prêts illiquides. Les

banques doivent donc être solides financièrement pour éviter toute

faillite qui peut avoir des effets négatifs sur la stabilité du système

financier et de toute l'économie en conséquence. La solidité

financière d'une banque dépend de ses fonds propres qui feront face

à des risques liés à l'insolvabilité de ses clients ou à la perte de

valeur des actifs qu'elle détient. Une banque doit obligatoirement être

solvable pour maintenir la confiance de ses clients et éviter que ces

derniers ne retirent subitement leurs dépôts. Pour cela, la Banque

des Règlements Internationaux (BRI) a instauré le ration de

solvabilité. Ceci s'est fait dans le cadre des règles du comité de Bâle,

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du nom de la ville suisse où la BRI a son siège. Ce comité a été créé

en 1974 par les gouverneurs des banques centrales du G10. Son

objectif est le renforcement de la sécurité et de la fiabilité du système

financier ; La diffusion et la promotion des meilleures pratiques

bancaires et de surveillance et la promotion de la coopération

internationale en matière de contrôle prudentiel. Parmi ses

réalisations l'instauration du premier accord, Bâle 1 (ou ratio Cooke)

en 1988 pour garantir la solidité financière des banques. Ce ratio se

mesurait en comparant le niveau des engagements d’une banque

(crédits et autres placements) au montant de ses fonds propres

(capital apporté par les actionnaires et profits de la banque). Il était

égal à 8 %.

Les accords dits de Bâle II en 2006, ont créé un ratio de

solvabilité fondé sur le même principe du rapport entre les fonds

propres et le montant des crédits distribués pondérés par les risques

associés. d'autres risques ont été pris en compte, risque de marché,

risque de crédit et risque opérationnel et les méthodes de calculs des

risques ont été améliorées. Le ratio global a été ainsi décomposé en

deux parties, le ratio Tier 1, de 4 % où le capital est 100% sans

risque et le ration Tier 2, de 4 % également sur lequel on a moins de

contraintes. Le Tier 1 est décomposé lui aussi en deux, le Core Tier

1 de 2 % où on retrouve uniquement les actions et les profits de la

banque réinvestis et l’autre partie du Tier 1 où des titres hybrides

(comme les obligations convertibles) étaient considérés comme des

fonds propres.

En 2010, a été créé Bâle III en réponse à la crise financière qui a

suivi la faillite de la banque américaine Lehman Brothers. Cette crise

a montré que les rations de solvabilité n'étaient pas suffisants. La

titrisation et les prises de risque excessives des banques les ont

dépassés. Le minimum de fonds propres que les banques doivent

détenir a été relevé. le ration global est resté à 8% mais le Core Tier

1 est passé de 2 % à 4,5 % du total des risques pondérés, en plus

d'un "coussin de sécurité" égal à 2,5 % qui est utilisé par les banques

en cas de besoin. Le ratio "Core Tier 1" minimal est-il fixé à 7

% (contre seulement 2 % sous Bâle II) et le ratio de solvabilité

minimal passe de 8 % à 10,5 %. Le "coussin de sécurité est alimenté

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par les banques en période d'expansion économique. Bâle 3 a prévu

également l'instauration de coussin de risque systémique de 1 à

3,5% des fonds propres ainsi que des ratios complémentaires pour

limiter le levier d’endettement des banques et garantir qu’elles

détiennent en permanence des liquidités suffisantes en cas de

paralysie du marché du crédit interbancaire. Dans l’Union

européenne, les nouvelles règles conformes aux décisions sont

entrées progressivement en vigueur depuis 2013, d'autres ne

prendront effet qu'à partir de 2019.

l'instauration de ces règles prudentielles limite les prises de

risques de la part des banques mais en même temps augmente le

coût en capital de l’activité bancaire. Ceci renchérit le crédit et

impacte négativement la croissance. Ces règles doivent néanmoins

veiller à ce qu'elles ne soient pas contournées par de nouvelles

pratiques financières les rendant ainsi inefficaces.

10.2. La supervision des banques

L'assurance des dépôts, qui couvre les petits déposants contre le

risque de faillite de leur banque doit être complétée par un

mécanisme de supervision adéquat pour protéger les intérêts des

petits déposants et de prendre en compte également l'intérêt des

créanciers et la stabilité du système financier. Sans cela, les

actionnaires des banques auront tendance à prendre des risques

excessifs, notamment quand la banque est en difficulté.

10.3. Le prêteur en dernier ressort

Les interventions des banques centrales auprès des banques

individuelles ont pour objectif d’assurer leur liquidité en cas de

besoin. C'est le rôle de prêteur en dernier ressort. Ces interventions

sont différentes des opérations de politique monétaire (open market,

prises en pension ou appels d'offre) visant à réguler la liquidité

globale du marché interbancaire (masse monétaire, taux d'intérêt à

court terme). Cependant, ces opérations sont souvent utilisées de

façon détournée pour aider discrètement des banques qui auraient dû

être fermées.

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11. Banques, crises financières et Bâle III

Les banques de grandes tailles posent des risques considérables

qui étaient à l'origine de la crise financière de 2008. Ces crises

proviennent de l'absence d'une réglementation et d'un contrôle sur

les banques qui ont pris des dimensions mondiales et se livraient à

des pratiques dangereuses pour le système financier et pour

l'économie dans son ensemble. Le modèle traditionnel de collecte

des dépôts et d'octroi des crédits a été dépassé pour laisser la place

à la titrisation et au négoce pour compte propre sur les marchés

internationaux. les accords de Bâle III obligent les banques à

accroitre leurs fonds propres et à les solidifier. Cependant, ces

accords n'ont pas le même effet ici et là et aussi sur toutes les

banques. Les banques européennes et nord américaines sont les

plus concernées du fait de la plus forte concentration de banques

universelles. Les banques qui investissent beaucoup sont plus

concernées que les banques commerciales.

Les banques ajusteront également leur stratégie sur ces nouvelles

réglementations dans le but de maintenir leur rentabilité. Ceci pourra

créer de nouveaux risques dans les secteurs les moins réglementées

comme les fonds spéculatifs ou les fonds communs de placement à

court terme. Les règles de Bâle III tendent à réduire l'attractivité et la

rentabilité de la titrisation. Les dérivés seront touchés aussi. Les

banques devront déplacer certaines activités sur des produits dérivés

vers des filiales non bancaires capitalisées séparément. le coût et la

rentabilité du négoce seront impactés par la hausse des pondérations

des risques. Les banques universelles qui combinent les activités de

banques d'investissement et de banques commerciales seront

touchées aussi par une restriction de leur capacité à bénéficier de la

diversification et à compenser des activités à faible marge par un

revenu d'investissement. Ce qui réduit leur capacité à générer des

bénéfices non distribués et renforce leurs fonds propres.

Ces réformes poussent les établissements financiers à répercuter

les coûts sur la clientèle et les dividendes versés aux actionnaires.

Mais tout dépendra du modèle d'entreprise et de sa souplesse et sa

capacité à gérer le changement. les banques d'investissement

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recomposeront leurs portefeuilles d'actifs au détriment des actifs les

plus capitalistiques par exemple.

Le coût du risque étant élevé, cela poussera les banques à

développer leurs activités dans des secteurs bancaires moins

réglementés. Les réformes ne sont pas généralisées ce qui

encourage les banques à s'installer là où la réglementation n'est pas

contraignante.

Encadré 17

La régulation des marchés des capitaux

Les thèmes les plus discutés de la nouvelle régulation

financière au cours de 2010 ont concerné les banques :

prévention du risque systémique, mécanismes de résolutions

des faillites bancaires, nouvelles exigences prudentielles

rassemblées dans le régime Bale III, règle de Volcker…pour

limiter les implications des banques dans le financement des

opérations spéculatives à haut risque. Beaucoup de discrets ont

été les commentaires sur les dispositions adoptées en Europe

et aux Etats-Unis à l’égard de la nébuleuse des véhicules de

transfert de risque : dérivés de crédit, titrisation, fonds alternatifs

de gestion d’actifs (dont Hedge funds), agence de notation.

Pourtant c’est bien par les marchés que le scandale de la

crise est arrivé. Ce sont les entités qui y opèrent qui sont

apparues comme des banques fantômes (shadow banks) non

régulées, dont la fragilité des bilans a propagé le risque aux

banques. Il en a été ainsi parce que la quasi-absence de

contraintes prudentielles de ces entités a encouragé un

détournement massif du crédit en leur faveur à cause d’une

sous-évaluation grossière du risque qui rendait le crédit très bon

marché.

On peut craindre que la même erreur se produise à cause

d’une supervision très insuffisante des établissements

financiers autres que les banques, les non-banques.

Notamment la règle Volcker, cherchant à limiter les activités

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de marché spéculatives des banques, pourrait amplifier le

transfert de risque dans le labyrinthe des marchés dérivés et le

concentrer sur des non-banques dont certaines seront créées

par les innovations à venir. C’est ainsi que les marchés à

termes des matières premières et de l’énergie et les nouveaux

marchés des droits à polluer sont devenus hautement

spéculatifs et que des firmes pétrolières y jouent le rôle de

banques d’affaires. On s’apercevra un jour, peut-être trop

tard, que le BP ou Total ont accumulé des pertes

gigantesques comme AIG en septembre 2008 ou comme

Enron en 2001.

Les avancées dans la régulation des marchés ont certes

réduit l’opacité de cette nébuleuse. Toutefois, beaucoup laisse

à désirer parce que les lobbies ont défendu bec et ongles leurs

privilèges, mais surtout parce que les régulateurs n’ont pas

abandonné leur présupposé sur l’efficience des marchés…

dans la gestion des risques. En outre, les dispositions

adoptées aux Etats-Unis et en Europe, sans parler de

l’absence de réformes dans les autres places financières du

monde, sont largement disparates.

Michel Aglietta, La régulation des marchés des

capitaux, Alternatives économiques, HS n°87, 1er

trimestre 2011, p 68

12. Détente monétaire et bilan des banques

La détente monétaire ou l'assouplissement quantitatif

(quantitative easing) est un outil dont dispose les banques

centrales pour mener leur politique monétaire. Son objectif est

d'encourager les banques à prêter. La banque centrale dans ce

cas baisse ses taux directeurs. Mais quand les taux sont déjà

proches de zéro, la banque centrale injecte directement de

l'argent dans le système financier. La banque centrale achète les

actifs financiers détenus par les banques (des obligations d'Etat et

d'entreprises...) avec de l'argent qu'elle créé ex nihilo. Avec cet

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argent, les banques peuvent octroyer de nouveaux prêts, ce qui

accroît la masse de monnaie en circulation dans l'économie.

Conclusion

Le développement des marchés financiers à partir des années 70

a posé la question de la spécificité du financement bancaire par

rapport au financement direct et sur la survie des banques

traditionnelles. Actuellement les banques interviennent activement

sur le marché financier. Auparavant, elles faisaient le crédit en

prenant des risques. Dans le modèle actuel, essentiellement

américain, les banques font des crédit sans prendre de risque. Les

opérations de titrisation leur permettent de s'en débarrasser sur le

marché des produits dérivés. Certaines interventions publiques dans

le domaine bancaire tendent à faire face aux imprudences bancaires

et à limiter leurs implications dans le financement des opérations

spéculatives et dangereuses. Ces interventions se heurtent

cependant à des intérêts des lobbies qui détournent les

réglementations mises en place les rendant parfois inefficaces ou

insuffisantes.