suadeo occupe une position majeure dans le big data en assurance

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12 - ESPACE SOCIAL EUROPÉEN - 1077 - DU 30 OCTOBRE AU 12 NOVEMBRE 2015 L a révolution annoncée n’en est encore qu’au stade de balbutiement, mais le mouvement est lancé. En té- moigne l’intérêt croissant des opérateurs, toutes tailles et toutes catégories confondues, pour le big data, même si pour l’instant seuls les très grands groupes l’intègrent pro- gressivement à leur stratégie. Et pour cause, l’utilisation de ces données massives devrait bouleverser les pratiques en matière de complémentaire santé. Un constat rappelé dans le rapport État des lieux de l'inno- vation en santé numérique, commandité par la Fondation de l’Avenir. Dominique Letourneau, son président, en a rap- pelé les principaux enseignements lors d’un colloque orga- nisé début octobre par l’union de groupe mutualiste (UMG) Agrume-Groupe Harmonie notamment consacré aux enjeux du big data pour les mutuelles. « Le métier d’assureur traditionnel évolue du fait des TIC en pas- sant du curatif au préventif, et en allant, a l’heure du big data, vers le prédictif », estiment les auteurs. Les actions de prévention seront individualisées grâce à une meilleure connaissance des risques. En France, l’assureur Axa a été le premier, en juin 2014, à proposer d’équiper les 1000 premiers clients de sa complémentaire santé Modulango d’un bracelet Wi- thing (mesure le taux d’oxygene dans le sang, le rythme cardiaque, le nombre de pas parcourus, et analyse le cycle de sommeil) moyennant l’exploitation des renseignements recueillis à des fins de prévention. Aux États-Unis, ces ex- périences se multiplient. En toile de fond le risque d’une « personnalisation du risque » impactant la solidarité avec une remise en cause de la mutualisation. Également poin- tée, l’émergence possible de nouveaux acteurs: les Gafa (Google-Apple-Facebook-Amazon). Accès aux données « Le fait d’avoir des datas (ndlr des données de santé) est une vraie opportunité pour nous permettre de couvrir nos adhérents sur ce qui concerne notre corps de métiers et leurs besoins », déclarait Mi- chel Charton, consultant et président du conseil de surveil- lance d’Itélis, lors du colloque précité. D’après cet expert, les mutuelles devraient disposer de données individuelles protégées – pour proposer des garan- ties répondant aux « vrais besoins » des adhérents, faciliter le parcours de soins, permettre une efficience de la gestion des prestations –, et de données agrégées anonymisées – pour réaliser des études, faire évoluer les garanties, etc.. Cet accès leur permettrait, en outre, de « fonder une négociation saine avec les professionnels de santé et les pouvoirs publics». Par ailleurs, avec Solvabilité 2 les nouvelles obligations prudentielles im- poseraient une information plus importante. Mais compte tenu du contexte actuel – en particulier l’ar- ticle 47 du projet de loi de modernisation de notre système de santé –, les mutuelles devront se débrouiller par elles- mêmes pour récolter ces renseignements. Reste la perspec- tive « d’engager des alliances », une hypothèse plutôt faible compte tenu du peu de partenaires potentiels et des difficul- tés à « créer des synergies autour de la gestion des data ». Parmi les pistes, certaines associations de patients plus ouvertes sur la question. Des informations pourraient surtout être obte- nues en « créant du lien » avec les adhérents. La collecte serait Entre adaptation de l’offre, ciblage de la prévention, ou encore détection des fraudes, l’analyse de données, le « big data », représente une mine d’or pour les organismes d’assurance complémentaire santé. État des lieux des initiatives et retour sur les enjeux. Big data, quelles perspectives pour les Ocam ? Prévoyance Laser

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12 - ESPACE SOCIAL EUROPÉEN - 1077 - DU 30 OCTOBRE AU 12 NOVEMBRE 2015

La révolution annoncée n’en est encore qu’au stade debalbutiement, mais le mouvement est lancé. En té-

moigne l’intérêt croissant des opérateurs, toutes tailles ettoutes catégories confondues, pour le big data, même sipour l’instant seuls les très grands groupes l’intègrent pro-gressivement à leur stratégie. Et pour cause, l’utilisation deces données massives devrait bouleverser les pratiques enmatière de complémentaire santé. Un constat rappelé dans le rapport État des lieux de l'inno-vation en santé numérique, commandité par la Fondation del’Avenir. Dominique Letourneau, son président, en a rap-pelé les principaux enseignements lors d’un colloque orga-nisé début octobre par l’union de groupe mutualiste(UMG) Agrume-Groupe Harmonie notamment consacréaux enjeux du big data pour les mutuelles.« Le métier d’assureur traditionnel évolue du fait des TIC en pas-sant du curatif au préventif, et en allant, a� l’heure du big data, versle prédictif », estiment les auteurs. Les actions de préventionseront individualisées grâce à une meilleure connaissancedes risques. En France, l’assureur Axa a été le premier, enjuin 2014, à proposer d’équiper les 1000 premiers clientsde sa complémentaire santé Modulango d’un bracelet Wi-thing (mesure le taux d’oxyge�ne dans le sang, le rythmecardiaque, le nombre de pas parcourus, et analyse le cyclede sommeil) moyennant l’exploitation des renseignementsrecueillis à des fins de prévention. Aux États-Unis, ces ex-périences se multiplient. En toile de fond le risque d’une «personnalisation du risque » impactant la solidarité avecune remise en cause de la mutualisation. Également poin-

tée, l’émergence possible de nouveaux acteurs: les Gafa(Google-Apple-Facebook-Amazon).

Accès aux données

« Le fait d’avoir des datas (ndlr des données de santé) est unevraie opportunité pour nous permettre de couvrir nos adhérents sur cequi concerne notre corps de métiers et leurs besoins », déclarait Mi-chel Charton, consultant et président du conseil de surveil-lance d’Itélis, lors du colloque précité. D’après cet expert, les mutuelles devraient disposer dedonnées individuelles protégées – pour proposer des garan-ties répondant aux « vrais besoins » des adhérents, faciliterle parcours de soins, permettre une efficience de la gestiondes prestations –, et de données agrégées anonymisées –pour réaliser des études, faire évoluer les garanties, etc.. Cetaccès leur permettrait, en outre, de « fonder une négociation saineavec les professionnels de santé et les pouvoirs publics». Par ailleurs,avec Solvabilité 2 les nouvelles obligations prudentielles im-poseraient une information plus importante. Mais compte tenu du contexte actuel – en particulier l’ar-ticle 47 du projet de loi de modernisation de notre systèmede santé –, les mutuelles devront se débrouiller par elles-mêmes pour récolter ces renseignements. Reste la perspec-tive « d’engager des alliances », une hypothèse plutôt faiblecompte tenu du peu de partenaires potentiels et des difficul-tés à « créer des synergies autour de la gestion des data ». Parmi lespistes, certaines associations de patients plus ouvertes sur laquestion. Des informations pourraient surtout être obte-nues en « créant du lien » avec les adhérents. La collecte serait

Entre adaptation de l’offre, ciblage de la prévention, ou encore détection des fraudes, l’analyse de données, le « big data », représente une mine d’or pour les organismes d’assurancecomplémentaire santé. État des lieux des initiatives et retour sur les enjeux.

Bigdata, quelles perspectivespour lesOcam?

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intégrée dans la garantie, à condition que la personne cou-verte puisse en récolter les bénéfices, par exemple avec uneprévention personnalisée. Un schéma assez proche de ladémarche adoptée par Axa, et en général par les servicesd’accompagnement ou de prévention liés à la e-santé.

Volume et analyse

« Au-delà� du volume des données, c’est la capacité à les exploiterqui importe », avance Alexandre Templier, directeur généralde Quinten, société spécialisée dans l’analyse des donnéesnotamment dans le domaine de la santé. « L’exploitation opti-male est un levier de croissance », même avec des « small data ».Plus que la taille, l’analyse s’impose comme l’élément clef. Et les Ocam ne sont pas les seuls à lorgner du côté du bigdata. En témoigne une table-ronde organisée à Réavie(congrès des assureurs vie et de personnes qui se tenait àCannes mi-octobre) : « Les plateformes santé doivent s’engagerpour la gestion et l’analyse des données de santé ».« Nous sommes habitués à traiter à la fois lesdonnées de santé que nous captons pour chaquebénéficiaire et, en même temps, les données duPMSI pour fournir des statistiques », souligneJean François Tripodi, directeur généralde Carte Blanche Partenaires (CBP), pla-teforme rassemblant 6,5 millions de béné-ficiaires. « Aujourd’hui, les complémentairessanté sont plutôt orientées vers les services que surle remboursement, le marché se généralise en cesens. Or, qui dit services dit données. Et les assu-reurs santé se reposent de plus en plus sur des opérateurs, commeCBP, qui proposent des services de qualité », ajoute-t-il. Avec tou-jours les mêmes impératifs sur ces informations « il faut lestraiter, les sécuriser en termes de stockage et ensuite être capable deles analyser ».

Outils

Pour le volet sécurité, CBP a choisi l’hébergeur DocapostBPO en tant que « tiers de confiance ». Quant à l’analyse :« Nous avons lancé un grand projet en début d’année avec Suadeopour créer un décisionnel santé dont l’objectif est de traiter unique-ment les données de santé. Il devrait être finalisé d’ici janvier »,confirme son dirigeant. Baptisé Suadeo designer, cet ins-trument permet en quelques clics de sonder des donnéespour la prise de décision, de façon instantanée. Il proposedes outils de traitement et de restitution (cockpits, tableauxde bord, rapports, analyses dynamiques, etc.) pour répon-dre aux questions soulevées par le pilotage de la plate-forme. Ce décisionnel évalue l’impact législatif d’une ré-forme, par exemple les contrats responsables, ou détecteles fraudes par comparaison entre les usages et les compor-tements. Pour l’instant, seule la partie optique est intégréeavec la masse d’informations afférentes (types de montureset de verres, répartition par régions, sexes et âges des assu-rés, niveau de correction, type de contrat, etc.). Y serontbientôt ajoutés le dentaire et l’hospitalisation. Suadeo, spécialisé dans le « Business Intelligence » (décision-nel entreprise), regroupe 118 mutuelles clientes (MGEN,Harmonie fonction publique, Unéo, Masfip, etc.). Sa baseassurantielle comprend des milliers d’analyses en santé etprévoyance, individuelle et collective. Construite il y a 10ans, elle est entretenue en permanence. « Dans notre équipe deRecherche et Développement, nous avons une cellule d’experts travail-lant exclusivement sur la base de données et sa performance » rap-porte Azzedine Bendjebbour, directeur associé de Suadeo. Pour lui, l’utilisation effective du big data nécessite untraitement complexe générant des croisements de donnéestrès volumineux. Un des atouts de son nouvel outil estd’être la seule plateforme logicielle intégrant tous les ou-tils développés par un éditeur unique (extraction des don-nées et chargement dans une base, construction de ta-bleaux de bord, reporting , etc.). Deux éléments sontessentiels : recourir à toutes les fonctions intégrées dansce logiciel, ensuite modéliser la base de données et les ana-lyses pour permettre une consultation rapide. « Avec CBP,

nous avons créé un logiciel big data qui permetd’abord d’avoir une masse d’ informat ionsexhaustives pour positionner les activités des unspar rapport aux autres, dans un groupe. Pour unseul organisme, d’aller dans le détail des donnéeset de lancer des analyses complexes. Deuxième-ment, il assure une réactivité extrêmement rapideavec des analyses modifiables très vite», ex-plique Azzedine Bendjebbour. L’enjeu ? Rendre ce type de plateformeaccessible à chacun. Suadeo a souhaité unoutil « ergonomique » aussi facile à utiliser

qu’un logiciel de bureautique. Une démocratisation quisemble indispensable pour que le « boom » annoncé du bigdata tienne toutes ses promesses et puisse bénéficier à tousles opérateurs.

Émilie Guédé

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Les Ocam pourrontaccéder aux donnéesanonymisées pourpréciser leur gestiondu risque.

Les objets connectés permettent de collecter des données de santé.

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