stratégie européenne de sécurité et de défense
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STRATEGIE EUROPEENNE DE SECURITE ET DE DEFENSETRANSCRIPT
EDMONTON, CANADA
AOUT 2014
PROPOSITION DE COMMUNICATION DE LA COMMISSION AU PARLEMENT EUROPÉEN ET AU
COMITÉ ÉCONOMIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN
STRATEGIE EUROPEENNE DE SECURITE ET DE DEFENSE
LETTRE DE LA HAUTE REPRESENTANTE POUR LES AFFAIRES
ETRANGERES
ET LA POLITIQUE DE SECURITE
Chers eurodéputés,
Alors que la première stratégie européenne de sécurité a fêté ses dix ans l’année dernière, je suis
heureuse de pouvoir présenter la nouvelle stratégie européenne de sécurité et de défense.
C’est à la suite du conseil européen de décembre 2013 que se sont dessinées la nécessité et la
volonté de la définition d’une nouvelle vision stratégique pour la politique de sécurité et de défense
commune. La commission de travail qui a permis la rédaction de cette stratégie s’est appuyée sur
un large panel d’acteurs du monde politique, économique, universitaire, ressortissants de
l’ensemble des Etats membres mais aussi d’autres partenaires historiques de l’Union Européenne.
C’est à partir de ce travail que les équipes du Service européen pour l’action extérieure et de
l’Agence européenne de défense ont ardemment travaillé pour proposer cette nouvelle stratégie qui
prend en compte les grandes évolutions qu’a connu le monde ces dix dernières années.
Ensemble, nous avons voulu définir une stratégie unique et nouvelle, déterminée dans ses objectifs
et précise dans ses moyens. Dans la définition de leur politique étrangère, de sécurité et de défense,
les Etats membres de l’Union Européenne ont vocation à inscrire leurs décisions nationales au
sein de cette vision stratégique européenne que j’ai l’honneur de vous présenter aujourd’hui.
Fruit d’un travail long qui s’est voulu consensuel, c’est avec fierté que nous soumettons à votre
honorable avis cette nouvelle « Stratégie européenne de sécurité et de défense ».
Marine Gicquel,
Haute représentante pour les affaires étrangères et la politique de sécurité
FONDEMENTS DE LA STRATEGIE EUROPENNE
DE SECURITE ET DE DEFENSE
La dernière décennie a vu naître de nouveaux conflits et enjeux. Avant d’analyser le nouveau
contexte stratégique, il faut définir un socle commun de valeurs qui guide notre action L’Union
Européenne (UE) fonde son action extérieure sur les valeurs qui ont inspiré sa propre création et
promeut ces valeurs à l’extérieur de son territoire.
Le développement économique et social
Il est indéniable qu’une économie ouverte et compétitive, des inégalités réduites, un système de
protection sociale développé et accessible à tous, un accès à l’éducation garanti, une communauté
scientifique innovante, sont autant d’objectifs de développement économique et social que doit
garantir l’UE au sein de ses Etats membres mais aussi dans sa politique étrangère.
La paix et la sécurité du territoire européen
La paix en Europe et le développement de son modèle économique et social nécessite que l’UE
assure la sécurité du territoire. Cela nécessite qu’elle soit capable d’identifier les liens entre les
aspects internes et externes de sa sécurité et d’anticiper les menaces comme les agressions armées,
les conflits régionaux, le terrorisme, la prolifération d’armes de destruction massive, du crime
organisé et des catastrophes naturelles. La recherche de la paix et de la sécurité doit aussi prendre
acte des nouvelles formes de déstabilisation des Etats que sont les cyber-attaques. Les dernières
années n’ont pas démenti la propension déstabilisatrice de ce genre d’attaque et surtout le déficit
capacitaire en terme de cyber-défense des Etats européens.
La promotion de la démocratie et des droits de l’homme
La démocratie et les droits de l’Homme sont des valeurs intrinsèques à la naissance de la
communauté européenne mais également à la stabilité et la viabilité de tout système. Ces valeurs
doivent être les conditions préalables à toute action de l’UE en matière de coopération ou de
stabilité. Elles doivent être les valeurs recherchées et promues dans chacune des implications de
l’UE.
La protection de l’environnement et l’accès aux ressources
Le bien-être et la paix sur notre continent mais également dans notre voisinage sont indissociables
de la protection de l’environnement et de l’accès à l’énergie et aux ressources naturelles. Ces enjeux
sont étroitement liés au contexte stratégique et géopolitique.
Toutes les actions et les moyens prescrits dans la présente stratégie doivent être mis en œuvre en
respect de cinq principes directeurs nécessaires à une action extérieure efficace et efficiente :
- La synergie doit toujours être recherchée entre les actions de l’UE et celles des Etats
membres ;
- La communication et l’explication des décisions prises par l’UE en matière de politique
étrangère est primordiale pour assurer une adhésion et une coordination entre les membres ;
- La cohérence doit être assurée entre les ambitions de l’UE dans le domaine de l’action
extérieure et les ressources qui lui sont alloués ;
- L’UE doit toutefois faire preuve de la flexibilité nécessaire pour permettre aux membres
d’agir de manière unilatéral sans que cela vienne à l’encontre des objectifs stratégiques
définis ici ;
- La résilience doit permettre à l’UE de résister aux conséquences d’une agression ou d’une
catastrophe majeure puis à rétablir rapidement sa capacité à fonctionner normalement.
Une hiérarchie de commandement claire doit être établie pour que ces principes puissent être
respectés. L’unité de commandement est assurée par le Service Européen d’Action Extérieur dirigé
par la Haute-Représentante pour les affaires étrangères et la politique de sécurité.
ETAT DU MONDE
Depuis la publication de la stratégie européen de sécurité en 2003, le monde et l’Europe ont connu
plusieurs ruptures stratégiques.
Crise économique et financière
La crise économique et financière de 2008 constitue la première de ces ruptures. De portée globale,
cette crise a surtout touché les pays développés et l’UE a dû faire face à la défaillance de plusieurs
de ses Etats membres. et aux conséquences budgétaires lourdes de la crise sur les autres. Ces
évènements ont remis en cause la légitimité de l’action de l’UE à l’étranger qui a dû démontrer
toute l’efficacité de son action à l’intérieur de ses frontières pour sauvegarder le marché commun.
Pendant ce temps, d’autres pays, comme le Brésil, la Russie, l’Inde et la Chine, ont su se préserver
de la crise. et notamment les pays du BRICS dont la Chine. La crise a sans nul doute permis à la
Chine, ainsi qu’aux autres pays émergents, d’’étendre leur sphère d’influence économique. Prenant
fait des difficultés budgétaires inhérentes à la crise, l’UE n’a pu que réaffirmer sa volonté de
conclure des accords de libre échange avec ses partenaires les plus importants comme les Etats-Unis
et des pays émergents.
La crise a encore réduit les budgets consacrés à la défense en Europe, ce qui a pour effet de
restreindre la capacité à développer, déployer et maintenir des capacités militaires. La fragmentation
des marchés européens de la défense nuit à la pérennité et à la compétitivité de l'industrie
européenne de la sécurité et de la défense. La paix et la sécurité de l’Europe ont de tout temps été
une condition préalable indispensable à sa prospérité économique et nous devons éviter que ces
difficultés économiques ne nuisent à la capacité européenne à relever les défis en matière de
sécurité et de défense.
Les révolutions arabes et l’instabilité du Sahel
Le « printemps arabe » qui a secoué le voisinage de l’UE ces trois dernières années est la deuxième
rupture stratégique. Dès la survenance des premiers évènements en 2010, l’UE a noué un dialogue
politique avec un large éventail d’interlocuteurs Dès le 8 mars 2011, elle a présenté une
communication conjointe de la Haute Représentante et de la Commission proposant «Un partenariat
pour la démocratie et une prospérité partagée avec le sud de la Méditerranée » Aujourd’hui, l’UE
doit s’engager et appuyer la transition démocratique de ces Etats dont les intérêts sont vitaux pour
l’Europe. A long terme, la sécurité de l’Europe sera mieux assurée si ses voisins méditerranéens
sont démocratiques et prospères.
Les pays de la région et l'UE ont clairement, et depuis toujours, un intérêt commun à réduire
l'insécurité et à améliorer le développement dans la région du Sahel. Il est primordial de renforcer
la gouvernance et la stabilité dans les pays du Sahel. L’amélioration de la sécurité et le
développement de ces pays ont une incidence directe évidente sur la situation sécuritaire interne de
l'UE pour plusieurs raisons : les intérêts économiques existants sur ces territoires où vivent et
commercent de nombreux ressortissants et entreprises européennes, le développement de
l’intégrisme religieux dans ces régions augmentent la menace d’attaques terroristes sur le territoire
européen et la propagation de l’ensemble des trafics illicites dans cette région alimentent
directement les réseaux criminels européens.
L’engagement stratégique des Etats Unis en Asie
En janvier 2012, Washington publie la nouvelle stratégie américaine en matière de défense,
« Sustaining US global leadership : priorities for 21st century defense », qui hiérarchise, du fait des
contraintes financière mais également des impacts sur l’opinion publique des conflits iraquien et
afghan, les priorités stratégiques des Etats Unis, plaçant l’Asie du Sud-est devant l’Europe.
Depuis la seconde guerre mondiale, les Etats Unis sont l’allié primordial de l’Europe notamment au
travers de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN). Mais les Etats Unis ont pris acte
du déplacement géographique du centre de gravité de la confrontation stratégique mondiale. C’est
ainsi que les Etats-Unis réduisent leurs capacités militaires en Europe, en Méditerranée et en
Afrique. Ils considèrent en effet que la sécurisation de cette zone est désormais la mission des
Européens.
L’Asie du Sud Est et la militarisation de la zone.
Principal foyer de croissance économique du monde au cours des trente dernières années, l’Asie a
connu un développement économique considérable qui fera d’elle, à l’horizon 2030, le principal
foyer de création de richesses et d’innovation scientifique. Cette croissance entraine un déplacement
du centre de gravité des dépenses militaires mondiales vers l’Asie du Sud-Est. C’est ainsi que
depuis 2012, les budgets militaires de quatre pays de la région – Chine, Corée du Sud, Inde et Japon
– a dépassé pour la première fois celui des 28 états membres de l’UE. Cela s’effectue dans un
contexte régional fragile où les poussées nationalistes, les tensions politiques et militaires se
multiplient et menacent de déstabiliser une région porteuse d’intérêts considérable pour le monde
entier.
L’UE n’est certes pas directement menacée par les conflits potentiels entre puissances asiatiques
mais elle n’en est pas moins concernée en tant que organisation régionale alliée des Etats Unis,
mais également car elle entretient des liens économiques importants avec la région et que nos
ressortissants et nos entreprises sont en nombre croissant dans la région.
OBJECTIFS STRATEGIQUES
Cette section identifie des objectifs stratégiques par lesquels l’UE peut, sur le plan de la défense et
de la sécurité, défendre ses intérêts vitaux dans le respect de ses valeurs et principes. La capacité de
l’UE à prioriser ses actions est cruciale car ses moyens sont limités.
Ces objectifs stratégiques s’inscrivent dans une approche résolument tournée vers le long terme et
cherche à assurer synergie, cohérence et efficacité à toute entreprise européenne en matière de
défense, à l’intérieur comme à l’extérieur de ses frontières.
FAVORISER L’EMERGENCE D’UN ESPRIT DE DEFENSE EUROPEEN
L’esprit de défense est la volonté d’une collectivité institutionnellement organisée de défendre à la
fois sa liberté, sa singularité et sa continuité à l’égard d’une menace intérieure ou extérieure.
L’esprit de défense peut être européen car l’UE est une collectivité organisée fondée sur des valeurs
communes clairement identifiées. Ce système européen de valeurs est symbolisé par un drapeau, un
hymne, une citoyenneté européenne ainsi que par une série de manifestations européennes comme
les élections européennes, journée annuelle de l’Europe etc. Ce sentiment d’appartenance est né
d’une volonté historique commune de s’unir après la guerre L’affirmation d’un esprit européen de
défense permettrait d’alimenter une réelle identité européenne en la matière et légitimerait toute
action des institutions européennes en faveur d’une plus grande intégration européenne, y compris
dans les compétences relevant des domaines de la défense.
Aujourd’hui, à l’échelle mondiale, aucune nation européenne seule n’est, ni militairement, ni
économiquement, ni politiquement, une grande nation. C’est pourquoi il est indispensable que l’UE
se dote d’instruments et détermine un cadre d’actions qui lui permettra de faire émerger un esprit de
défense européen partagé et diffusé sur les territoires nationaux. Ce sentiment commun vise en
premier lieu les militaires d’aujourd’hui et de demain qui auront besoin de se sentir engager dans
une stratégie commune justifié par un esprit de défense partagé au delà des frontières nationales. Il
est nécessaire de s’accorder sur un modèle unique de puissance européenne sur lequel pourront
s’appuyer les Etats membres mais surtout auquel pourra se référer l’ensemble des citoyens
européens pour que l’identité de défense européenne ne soit pas uniquement la somme des identités
nationales mais une identité à part entière.
Pour affirmer cet esprit européen de défense, il faut avant tout améliorer la visibilité de la PSDC.
Une campagne de communication à grande échelle doit être menée pour que cette stratégie, et la
PSDC de manière plus globale, soient vues par les citoyens européens, comme un élément
incontournable de leur vie citoyenne européenne. Cette campagne de communication devra utiliser
les canaux de transmission traditionnels mais aussi les nouveaux moyens de communication et de
diffusion. Elle devra se décliner sur différents supports après une étude des différents publics cibles.
L’amélioration de cette visibilité nécessitera d’ériger au rang d’ « emblèmes » les différentes
missions et opérations menées en démontrant en quoi elles profitent aux citoyens de l’UE. Elle
passera inévitablement par le renforcement d’une politique de mémoire de l’Europe avec le
financement de cérémonies médiatisées à l’échelle européenne, d’un soutien à la vie associative, de
l’entretien de hauts lieux de mémoires ainsi que la promotion d’un « tourisme de mémoire ». A
l’heure actuelle, par le biais de différents fonds, l’UE finance des initiatives, à l’échelle nationale,
appuyant un devoir de mémoire. Mais ce fonctionnement actuel ne permet pas de tirer un bénéfice
symbolique de ces engagements. La création d’un fond de financement spécifique et placé sous
l’égide de la PSDC permettrait de clarifier et d’affirmer la présence de l’UE sur ce terrain,
nécessaire pour les fondations d’un esprit de défense européen. Ce fond promouvra toute initiative
rendant hommage à l’histoire commune européenne.
Pour développer cet esprit de défense, un effort doit également être fait pour le développement
d’initiatives en matière d’éducation et de formation. Il faudra notamment promouvoir les
interactions et coopérations entre les acteurs nationaux de l’éducation et de la formation. Cette
campagne permettra à la fois de sensibiliser aux enjeux européens de défense mais également de
rendre plus transparents et de vulgariser les mécanismes et fonctionnements de la défense en Europe.
Cela passera par une harmonisation des programmes d’apprentissage de la citoyenneté. Ces rites
d’initiation et lieux d’apprentissage de la vie démocratique et citoyenne sont très hétérogènes d’un
pays membre à un autre et ne permettent pas la diffusion d’un sentiment commun d’appartenance à
l’Europe à tous les citoyens de demain. C’est pour cela qu’ un projet d’unification des pratiques
sera proposé. L’école y tiendra bien évidemment une place centrale avec la présentation d’un
programme commun d’enseignement de la citoyenneté européenne. Enfin, les initiatives
européennes existantes seront approfondies : le service volontaire européen deviendra le service
civique européen, l’initiative « Erasmus militaire » sera développée et aucun militaire ne pourra
effectuer plus de 5 ans dans une armée d’un Etat membre sans avoir effectué un ‘Erasmus militaire’
au cours de sa carrière.
Les Etats membres sont des partenaires qu’il faut nécessairement écouter et mettre à profit pour
faire émerger une culture européenne militaire, un esprit de défense européen. Pour cela, il faut que
l’UE favorise les cercles diplomatiques européens pour faire naitre une convergence dans les
cultures stratégiques des différents pays membres et dont le Service Européen d’Action Extérieure
(SEAE) sera le pilier. Le SEAE doit se positionner comme un interlocuteur privilégié par les Etats
membres pour l’élaboration de leur stratégie et inversement, les cercles diplomatiques doivent être
associés étroitement en amont de tout positionnement de l’UE. Cette relation de confiance
réciproque et de consultation mutuelle est à la base de toute entreprise à l’échelle supranationale en
faveur de la promotion d’un esprit de défense commun.
Sur le plan spécifiquement militaire, créer un esprit de défense nécessite de s’appuyer sur une
culture militaire commune. Le poids des mots et les éléments de langage doivent être revus pour
qu’au quotidien un lien se créé et s’approfondisse entre les citoyens européens et l’idée d’une
Europe militaire. Même si les contingents restent pour le moment sous égide nationale, il est
nécessaire que cet esprit de défense puisse se reposer et se concrétiser par l’établissement d’une
Europe militaire et opérationnelle.
PROMOUVOIR UNE EUROPE MILITAIRE ET OPERATIONNELLE
L’UE doit avoir les moyens de son ambition en mettant en œuvre une Europe militaire et
opérationnelle et pour que la politique extérieure ne soit plus seulement l’accompagnement de sa
politique économique mais un cadre d’action à part entière avec ses enjeux propres.
Loin des formes historiques et traditionnelles, hors du cadre militaire classique, les forces militaires
européennes sont aujourd’hui utilisées dans des actions civilo-militaires, prenant des formes et des
modalités logistiques et opérationnelles variées. Néanmoins, ces forces, même si elles sont
indéniablement efficaces dans leur champ d’action respectif, restent déployées dans une certaine
confusion stratégique. Les cultures stratégiques de chacune auraient tout à gagner à s’ajouter dans le
cadre d’une union régionale qui, elle, manque d’une force militaire opérationnelle et réactive.
Ce déficit, ajouté à la lourdeur des procédés décisionnels actuels, fait perdre toute efficacité et
cohérence aux tentatives d’actions et d’opérations en matière de défense et de sécurité, que ce soit à
l’intérieur ou là l’extérieur de ses frontières. C’est d’ailleurs pour cela que l’OTAN devient bien
souvent l’instance privilégiée par les Etats membres lorsque ceux-ci souhaitent intervenir à
l’étranger.. Sans remettre en cause la légitimité et l’importance de l’Alliance atlantique, partenaire
stratégique de l’UE, il est nécessaire que l’Europe se dote de capacités propres de réactions rapides
d’ordre militaire qui permettraient d’affirmer son autonomie stratégique. Cela passe par la
possibilité de lancer une mission européenne même contre l’avis d’un Etat membre, si cette
proposition est soutenu et par la Haute-Représentante et par au moins deux tiers des Etats membres.
Cet objectif stratégique ne remet en rien en cause les instruments en place en terme de prévention
qui ont prouvé toute leur efficacité et pour lesquels l’expertise de l’UE fait consensus.
Pour mettre en oeuvre cette Europe militaire engagée dans la sécurité du continent, plusieurs actions
doivent être menées à tous les stades d’une opération extérieure : élaboration, mise en œuvre et
évaluation.
En amont, nous proposons d’améliorer les réseaux européens de renseignement, de veille et de
promotion. Tout d’abord, il serait nécessaire de doter l’UE d’un véritable service de renseignement
extérieur propre, en plus des services de renseignements nationaux et de leur coopération. Il est
nécessaire de doter le centre de situation de l’UE d’un volet action en plus de son rôle de veille et
d’alerte qu’il faudra aussi développer. A l’heure actuelle, ses agents sont détachés des Etats
Membres. Il est primordial aujourd’hui que l’UE disposent de milliers d’agents européens, au seul
service de l’UE et relevant entièrement du SEAE. Il est donc aussi nécessaire de fournir à ces
services le matériel adéquat, y compris des satellites et des drones.
Pour diffuser l’esprit européen, faire rayonner l’UE à l’étranger et la faire peser dans les relations
internationales, il faut développer le maillage géographique de l’UE. Pour cela, il est, selon nous,
nécessaire de doter les 139 représentations de l’UE à l’étranger des moyens financiers et humains
nécessaires pour en faire de véritables atouts en terme d’analyse et surtout de promotion de l’action
européenne à l’étranger. Une évaluation des besoins et perspectives de chacune de ces
représentations, sous l’angle de la présente stratégie, nous permettrait d’ajuster au mieux notre
présence sur le terrain. Cela pourrait se doubler d’une extension d’un réseau consulaire européen
pour améliorer le service apporté aux ressortissants européens à l’étranger, notamment pour les
citoyens originaires d’Etats membres dont le réseau consulaire est limité. A terme, dans de
nombreux pays tiers, la représentation de l’UE pourrait remplacer les ambassades des différents
Etats membres de l’UE.
Dans cette perspective, la création d’attachés de défense européens, civils ou militaires, rattachés à
l’UE et déployés dans les représentations permanentes de l’UE à l’étranger est un point clé. Si l’UE
entend défendre sa vision stratégique propre, il est nécessaire qu’elle s’appuie sur les réseaux qu’un
attaché de défense pourra développer. Il sera en charge de la promotion de cette stratégie mais aussi
d’assurer une voix distincte et propre de l’UE, à coté de celle de ses Etats membres. Ces attachés de
défense seraient, là aussi des fonctionnaires de l’UE et non du personnel détaché par les Etats
membres.
Sur le plan opérationnel, si l’on veut que la défense et la sécurité fassent pleinement partie de la
construction européenne, il faut faire cesser le déclin capacitaire militaire des européens à l’échelle
nationale. Pour cela, l’idée est de regrouper les résidus des forces armées des Etats membres pour
créer une vaste « armée européenne ». Nous pourrions ainsi les associer dans des partenariats de
voisinage régional et des formules d’unités qui seraient intégrés pour pouvoir ainsi favoriser
l’émergence d’un même esprit de défense militaire européen et améliorer la cohérence et la synergie
et encourager une certaine uniformatisation des pratiques des différentes armées nationales. Le but
est que l’UE disposent de forces de combat permanentes à réaction rapide, autour de composantes
terrestres, aériennes, navales, informatiques et spéciales, des quartiers généraux opérationnels
militaires permanents avec dispositif d’alerte précoce et appui en terme de renseignement. Ces
partenariats seraient pilotés depuis un cœur militaire basé à Bruxelles ou Strasbourg. De tels
partenariats permettraient d’assurer un maillage territorial à cette armée européenne.
La création d’une telle capacité militaire nécessite en amont la mise en place de formations et
d’entrainements communs. Dans le cadre juridique de la coopération structurée permanente prévue
par le protocole n°10 des Traité de l’Union Européenne, chacun des groupements serait envisagé
selon une spécialisation propre en fonction des compétences déjà présentes et des infrastructures
disponibles et ce, pour assurer une certaine polyvalence à cette armée européenne. Cette opération
s’accompagne également d’une uniformisation à l’échelle européenne du traitement des militaires
ce qui permettra une meilleure fusion des groupes nationaux mais également d’ancrer dans la
conscience collective l’appartenance à un corps propre. La création d’une telle armée répondrait aux
citoyens qui soutiennent massivement la création d’un tel corps militaire européen. Elle permettra à
l’UE de répondre à une vaste gamme de crises militaire, politique et/ou humanitaire. Pour résumer,
ces groupements devront être focalisés sur deux objectifs : la modularité et le renforcement de la
dimension des exercices, formations et certifications communes. Enfin, pour assurer un déploiement
rapide sur le terrain, la planification d’anticipation devra être amélioré avec l’élaboration d’une
« boite à outils » de la réaction rapide. Cette Europe militaire renverrait une image lisible et
responsable en lieu et place d’une Europe de la défense technocratique et abstraite.
L’unité de commandement serait garantie par l’Etat-Major de l’Union Européen qui existe déjà
aujourd’hui, sous la direction de la Haute-Représentante.
Les forces humaines doivent disposer d’un équipement matériel amélioré. Tout d’abord, l’UE doit
se doter d’un bassin propre de matériels et d’équipement opérationnels, d’un entrepôt permanent,
prêt à être déployé dans un délai minimal en cas de crise. L’UE doit également apprendre des
dernières opérations dans lesquelles elle a été engagée et en tirer les conséquences qu’il se doit.
C’est ainsi qu’ont été mis en évidence certaines lacunes notamment en terme de capacités de
soutien stratégique : ravitaillement en vol, satellites, drones etc. Les efforts en termes d’innovations
doivent être portés en ce sens pour combler les lacunes capacitaires en matière de défense. Cela
passe par la création d’un budget européen de recherche militaire.
Sur le volet financier, nous pensons que toute initiative dans le sens d’une plus grande militarisation
européenne ne peut se faire sans la création d’un financement européen des opérations.
L’organisation financière actuelle entraine des retards et des blocages du processus décisionnel à la
moindre initiative. Il est donc nécessaire de bâtir un mécanisme de financement propre. C’est ainsi
que le mécanisme actuel « Athéna » actuelle devra être révisé et le SEAE proposera sous peu une
série de mesures pour la mise en place de ce fond de financement propre européen pour l’action
commune.
En aval, plusieurs mesures doivent être décidées pour assurer une efficacité à l’action militaire
européenne. Les retours d’expérience doivent être diffusés et soumis aux différentes instances
décisionnelles de l’UE pour que les ajustements puissent être faits. Pour cela, le SEAE mandatera
une mission spécifique en charge d’assurer un contrôle régulier de la mise en œuvre de toutes les
mesures prises dans le cadre de la PSDC et qui fera état de l’avancement et des bilans de celles-ci.
Le SEAE encourage fortement le parlement à mener une réflexion quant à la mise en place d’un
mécanisme de sanction en cas de non-respect des engagements pris par les Etats membres dans le
champ d’action de la PSDC.
STABILISER LE VOISINAGE STRATEGIQUE DE L’UNION EUROPEENNE
Des menaces identifiées précédemment résultent une nécessité pour l’Europe d’endosser davantage
la responsabilité de sa propre sécurité mais aussi de celle de son voisinage. Les citoyens européens
et la communauté internationale jugeront l’Europe en premier lieu sur son leadership et sur les
résultats qu’elle obtient dans ses pays voisins.
L’UE a de nombreux intérêts stratégiques dans les pays avoisinants. Ces intérêts sont humains et
économiques.. Sa sécurité énergétique en dépend aussi étroitement. L’UE doit donc promouvoir
une continuité énergétique sécurisées avec nos voisins slaves et asiatiques et une zone partagée de
coprospérité économique avec nos voisins d’Afrique du nord. Pour cela, l’UE doit devenir
autonome dans le large spectre des interventions civiles et militaires dans son voisinage stratégique,
dans le respect du droit international et à chaque fois que ses intérêts vitaux le nécessiteront.
La stabilisation de ce voisinage stratégique passe en premier lieu par un renforcement des liens avec
la Turquie. Au regard de la coopération déjà poussée entre l’UE et la Turquie, un renforcement
passerait inévitablement par une adhésion de la Turquie à l’UE. L’économie turque serait un
avantage indéniable pour l’économie et les valeurs européennes
De plus, l’adhésion de la Turquie permettrait à l’UE d’affirmer sa présence dans la zone du sud de
l’Europe et de stabiliser les tensions de la région en y déployant des capacités civiles et militaires.
Enfin l'entrée de la Turquie renforcerait la puissance de l'Europe et l'intégration de ce pays
majoritairement musulman serait un signal fort en faveur du dialogue et du rapprochement avec le
monde musulman.
Au regard des intérêts économiques mais aussi du positionnement stratégique américain, l’UE doit
aujourd’hui concentrer ses efforts sur un certain nombre de zones déterminées :
- Les pays méditerranéens
- Les pays d’Europe centrale et orientale (PECO) non membre de l’UE
- Le Sahel et la Corne de l’Afrique
- Le proche et le Moyen Orient.
Chacune de ces zones doit faire l’objet d’une stratégie spécifique dont sera en charge le SEAE en
collaboration avec les Etats membres de l’UE. Ces stratégies seront soumises pour avis au
Parlement européen. Ces stratégies seront le cadre de référence de l’action des Etats membres dans
ces régions qui devront rendre compte auprès de l’UE par un rapport détaillé expliquant les motifs
de leur action et en quoi celle-ci respecte la stratégie décidée par le SEAE. Ce rapport sera envoyé
au SEAE qui se chargera de le transmettre au Parlement.
Cette stabilisation passera nécessairement par un élargissement de l’espace de sécurité commun
européen et ce, grâce à une coopération plus approfondie en la matière qui s’étendrait de
l’Atlantique à l’Oural et du Cap Nord au Sahel.
C’est ainsi qu’une coopération d’ordre économique et technique doit être privilégiée pour les pays
du sud de l’Europe où le travail doit se baser sur l’établissement de relations bilatérales pour
développer à long terme la démocratie, les droits de l’homme et l’état de droit. Une aide technique
doit être privilégié pour former les administrateurs des pays concernés et notamment sur les aspects
de sécurité intérieure. Les budgets consacrés à l’aide technique devront donc être augmentés. L’UE
devra également promouvoir les stratégies de développement économique dans lesquelles elle fait
preuve depuis longtemps d’une expertise et d’une légitimité. La sécurisation passera par une plus
grande intégration frontalière avec l’encouragement de politique de transport, de développement des
infrastructures mais aussi sur un plan humain, de mobilité étudiante etc. Sur l’aspect sécuritaire,
l’UE devra aider à la formation des ressources humaines locales. Sur le modèle de l’architecture de
paix en Afrique, l’UE doit encourager toute entreprise régionale en Afrique visant à stabiliser et
démocratiser son voisinage.
Pour les pays d’Europe centrale et orientale (PECO) non membres de l’UE, il s’agira d’apporter une
aide, si le besoin s’en fait ressentir, afin de renforcer les gouvernements en place, notamment
lorsque ceux ci mènent une politique en faveur des intérêts européens. L’UE doit donc les
encourager financièrement en les intégrant progressivement au marché européen. Mais c’est avant
tout sur l’aspect sécuritaire que l’UE devra s’affirmer en proposant des rapprochement inter armées
et une coopération des services en charge de la sécurité du territoire tant civils que militaires.
L’UE a déjà mis en place une politique européenne de voisinage qui établit des les relations
privilégiés avec les pays voisins ainsi qu’un partenariat stratégique spécifiquement établie avec la
Russie. Tout projet politique portant sur la stabilisation et la sécurisation du voisinage orientale de
l’Europe ne peut se monter sans faire de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe
(OSCE) un allié central.
PROMOUVOIR ET MAINTENIR UNE COOPERATION DURABLE ENTRE
ORGANISATIONS REGIONALES
L’UE reste intimement convaincue que la promotion de la paix et la prévention des conflits passe
avant tout par le développement d’un Etat de droit respectueux des Droits de l’Homme, d’une
économie de marché compétitive et de l’intégration régionale dans un ensemble de domaine, autant
économique, politique que technique ou militaire.
C’est pour cela qu’à chacune de ses initiatives internationales, l’UE favorise l’acteur supra étatique
en activité dans la région afin de le renforcer et de le légitimer. C’est ainsi que la sécurité pourra
relever de la responsabilité de chacune de ces régions par l’intermédiaire de l’organisation régionale.
Cette volonté marquée de l’UE d’agir en faveur de la promotion du régionalisme repose sur le fait
que la majorité des problèmes et des nouveaux enjeux géopolitiques à appréhender émergent au
niveau régional ce qui fait des institutions régionales les mieux placés pour agir de manière efficace
et efficiente à la prospérité de la région, sa stabilisation et la résolution de conflits par le dialogue
plutôt que par la violnece. L’UE doit donc aider à la régionalisation car elle est un moyen de
promotion de la gouvernance mondiale des enjeux mondiaux. La construction régionale et la
coopération entre organisations régionales est un nouveau niveau de résolution des conflits, de
gouvernance et surtout d’explication et d’application des normes internationales en matière de
commerce notamment afin d’encourager la prospérité des économies nationales sur le marché
mondial.
L’UE est à l’heure actuelle la plus aboutie et la plus intégrée et a démontré son efficacité et sa
pertinence sur la scène internationale. Elle est donc naturellement la mieux placée pour encourager
la création d’entités de taille continentale qui préparent l’émergence, à long terme, d’un
gouvernement mondial.
En priorité, doivent être encouragés les rapprochements avec les organisations régionales dans
lesquels les Etats membres sont engagés tel que l’OSCE ou l’OTAN.
L’UE doit travailler plus étroitement et efficacement avec l’OTAN en tant que partenaire à part
entière. 21 Etats sont membres des deux organisations à la fois et l’UE doit profiter de ces enjeux
communs pour acquérir les capacités nécessaires à son autonomisation. Améliorer la coopération au
plan stratégique et opérationnel pour les interventions dans le voisinage stratégique de l’Europe
nécessite un dialogue plus approfondi entre la Haute représentante pour les affaires étrangères et la
sécurité et le secrétaire général de l’OTAN de même que l’organisation d‘exercices conjoints et une
liaison constante entre l’Agence européenne de défense et le commandement intégré de l’OTAN.
L’OSCE regroupe en effet de nombreux Etats voisins de l’UE et elle doit donc être le lieu privilégié
pour le maintien de relation paisible et de coopération avec les pays de l’Europe de l’Est et la
Russie. L’UE doit approfondir ses relations avec l’OSCE et le SEAE encourage vivement une
étroite collaboration avec ces derniers par la rédaction d’un accord conjoint formalisant l’ensemble
des aspects de leur collaboration.
De manière globale, l’UE doit également continuer à apporter son aide et coopérer étroitement avec
l’Union africaine qui est devenu un acteur majeur dans le traitement des enjeux en Afrique comme
l’ont démontré les derniers conflits dans la région. L’architecture de paix et de sécurité en Afrique
est un exemple de réussite d’entreprises européennes pour la promotion de l’Union Africaine. Nous
proposons de renforcer ce mécanisme et de l’étendre à d’autres groupes d’Etats. Sur le plan
économique, les partenariats établis avec la communauté économique des Etats d’Afrique de
l’Ouest (CEDEAO) et l’Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD) doivent être
renforcés. De même que le rôle de la Ligue arabe et du Conseil de coopération du Golfe dans le
commerce, le développement et les enjeux sécuritaires doit être reconnu par l’UE.
Travailler de concert avec les organisations régionales est aussi une manière pour l’UE, non
seulement d’assurer sa sécurité mais aussi de promouvoir ses intérêts hors de ses frontières. C’est
particulièrement le cas avec l’Association des Etats d’Asie du Sud Est (ASEAN) ainsi que le
Marché commun du Sud (MERCOSUR) avec qui les liens doivent être approfondies pour asseoir la
place du commerce européen dans ces marchés étrangers. En effet, l’UE profitent d’avantages
considérables mais surtout de perspectives importantes dans ces régions où elle jouit d’une image
de partenaire incontournable pour la prospérité locale et surtout rassurant face à d’autres puissances,
émergentes ou non, majeures dans le commerce mondiale.
Enfin, l’UE doit renforcer sa présence dans les institutions internationales afin de promouvoir son
intégrité, sa légitimité, son effectivité et sa vision stratégique. L’UE encourage à très court terme ses
Etats membres à initier et inciter un débat pour une réforme plus profonde du Conseil de sécurité de
l’ONU où les organisations régionales pourraient revendiquer un siège distinct au Conseil de
sécurité, par exemple en proposant de remplacer les sièges permanents du Royaume-Uni et de la
France par un seul siège de l’Union Européenne.