sous-thème 3 - comment mesurer la délinquance

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Introduction – La distinction déviance/délinquance La déviance correspond à un comportement jugé non conforme aux normes sociales d'un groupe, à un moment donné, et qui s'accompagne de sanctions. Dans chaque société coexistent deux grands types de normes : Les normes sociales et informelles Les normes formelles et légales La délinquance constitue alors la déviance d'une norme particulière, le droit pénal. C’est donc l'ensemble des comportements qui contreviennent au droit pénal et exposent ainsi leurs auteurs à une peine... On distingue 3 types d'infractions sanctionnées pénalement selon la gravité : La contravention est l'infraction la moins grave : stationnement irrégulier, outrage au drapeau, coups et blessures légers, etc. le délit : vol, abandon de famille, agression sexuelle sans viol, homicide involontaire, etc. Le crime est l'infraction la plus grave : meurtre, assassinat, terrorisme, viol, etc. On les distingue afin de mettre en évidence les types de sanctions encourues, les juridictions compétentes, les possibilités de composition pénale et les délais de prescription I. La mesure officielle de la délinquance : l’état 4001 Les statistiques policières sont aujourd’hui principalement issues de l’état 4001, créé en 1972. A. Qu’est-ce-que l’état 4001 ? C’est un formulaire administratif C’est un tableau, rempli tous les mois par l’ensemble des services de police et de gendarmerie Il recense certaines infractions constatées et élucidées par les services de police et de gendarmerie : il comporte 107 index au sein desquels les services de police et de gendarmerie classent les infractions dont ils sont saisis au cours du mois il ne porte que sur les faits portés à la connaissance des autorités de police et de gendarmerie et qualifiés Délits et Crimes (plaintes déposées par les victimes). Il exclut donc les contraventions qui, tout en étant portées à la connaissance des services, ne sont donc pas enregistrées dans l’outil statistique officiel. Il ne recense pas non plus les signalements en main courante Pour chaque index, des données sont renseignées par les services de police et de gendarmerie : les faits constatés, les faits élucidées, la nationalité , le sexe et l’âge de la personne mise en cause. 3. Contrôle social et déviance sociaux Sociologie générale et sociologie politique Notions du référentiel : Déviance primaire/déviance secondaire, anomie Sous-thème 3 - Comment mesurer la délinquance ?

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Page 1: Sous-thème 3 - Comment Mesurer La Délinquance

Introduction – La distinction déviance/délinquance

La déviance correspond à un comportement jugé non conforme aux normes sociales d'un groupe, à un moment donné, et qui s'accompagne de sanctions.

Dans chaque société coexistent deux grands types de normes : Les normes sociales et informelles Les normes formelles et légales

La délinquance constitue alors la déviance d'une norme particulière, le droit pénal. C’est donc l'ensemble des comportements qui contreviennent au droit pénal et exposent ainsi leurs auteurs à une peine...

On distingue 3 types d'infractions sanctionnées pénalement selon la gravité : La contravention est l'infraction la moins grave : stationnement irrégulier, outrage au drapeau, coups et

blessures légers, etc. le délit : vol, abandon de famille, agression sexuelle sans viol, homicide involontaire, etc. Le crime est l'infraction la plus grave : meurtre, assassinat, terrorisme, viol, etc.

On les distingue afin de mettre en évidence les types de sanctions encourues, les juridictions compétentes, les possibilités de composition pénale et les délais de prescription

I. La mesure officielle de la délinquance   : l’état 4001

Les statistiques policières sont aujourd’hui principalement issues de l’état 4001, créé en 1972.

A. Qu’est-ce-que l’état 4001   ?

C’est un formulaire administratif C’est un tableau, rempli tous les mois par l’ensemble des services de police et de gendarmerie Il recense certaines infractions constatées et élucidées par les services de police et de gendarmerie :

il comporte 107 index au sein desquels les services de police et de gendarmerie classent les infractions dont ils sont saisis au cours du mois

il ne porte que sur les faits portés à la connaissance des autorités de police et de gendarmerie et qualifiés Délits et Crimes (plaintes déposées par les victimes).

Il exclut donc les contraventions qui, tout en étant portées à la connaissance des services, ne sont donc pas enregistrées dans l’outil statistique officiel. Il ne recense pas non plus les signalements en main courante

Pour chaque index, des données sont renseignées par les services de police et de gendarmerie : les faits constatés, les faits élucidées, la nationalité , le sexe et l’âge de la personne mise en cause.

B. Quel est l’intérêt de l’état 4001?

L’état 4001a pour objectif de mesurer de façon quantitative l’activité des services de police et de gendarmerie Mais cet état 4001 va aussi être utilisé par les médias et les hommes politiques pour évaluer l’évolution de la délinquance :

Soit de manière simple, en utilisant un « chiffre unique » qui résuma la délinquance Soit en prenant en compte les différents index et informations de l’état 4001 : quels actes délinquants ont été commis ?

par qui ?

C. Un indicateur à utiliser avec précaution

Par sa construction même, l’état 4001 ne peut être considéré comme un outil de mesure des délinquances. En dépit du nombre important d’infractions possiblement enregistrées par les services de police et de gendarmerie au sein de l’état 4001, ce tableau mensuel ne saurait donner une image exacte, précise ou fidèle des délinquances, puisqu’il n’a pas été conçu à cette fin. La mesure qualitative de la délinquance est insuffisante. L’état 4001 ne permet pas d’avoir une vision fine des actes de

délinquances commis et constatés par les forces de l’ordre :

3. Contrôle social et déviance sociaux

Sociologie générale et sociologie politique Notions du référentiel : Déviance primaire/déviance secondaire, anomie

Sous-thème 3 - Comment mesurer la délinquance ?

Page 2: Sous-thème 3 - Comment Mesurer La Délinquance

Les index sont trop larges. Les données disponibles pour chaque index ne sont pas suffisamment détaillées pour espérer appréhender le phénomène criminel Ainsi, les violences intrafamiliales ne sont pas identifiées en tant que telles au sein de l’état 4001.

Les données sont inexistantes pour les caractéristiques des victimes, des agresseurs ou du mode opératoire. Il n’est donc pas possible de voir si les cambriolages en zone police se produisent plutôt à tel horaire qu’à tel autre.

L’état 4001 rend également difficile le suivi des modifications législatives. Ainsi, les nouvelles infractions ne peuvent a priori pas faire l’objet d’un suivi par le biais de l’état 4001

l’état 4001 ne permet pas toujours de mesurer quantitativement les actes de délinquance de manière efficace : L’état 4001 est devenu aujourd’hui un outil de mesure de la performance des services de police et de gendarmerie.  Cette

logique de performance peut alors mener à une course à l’obtention de « bons » chiffres. Le risque est alors d’avoir des chiffres biaisés. Ce n’est donc pas un outil neutre

l’état 4001 peut surévaluer le nombre des actes de délinquance. Il est en effet envisageable qu’une infraction déclarée n’ait en réalité pas eu lieu et que la dénonciation soit mensongère. Mais ces chiffres restent marginaux.

Il peut aussi le sous-évaluer. En effet, l’état 4001 ne recense pas tous les actes de délinquance :o Il ne prend en compte que les infractions relevées par les services de police et de gendarmerie, et non pas les

infractions réprimées par le droit pénal dans son ensemble. Ainsi, les infractions constatées par les services des douanes et les infractions routières ne sont pas prises en compte

o Les infractions qui ne sont pas portées à la connaissance de la police ne sont pas comptabilisées dans l’état 4001. Or, l’infraction est portée à la connaissance des services par deux moyens principaux : l’activité des services de police qui constatent une infraction ; une personne, victime ou témoin, qui informe les forces de l’ordre de la commission d’une infraction.

o Le taux de plainte varie en fonction de l’acte : une étude de l’INSEE a montré que les motifs de non dépôt de plainte variaient selon le type d’infraction subie- Ainsi, plusieurs facteurs déterminent le dépôt de plainte à l’encontre de l’auteur d’un vol avec violence : le

succès de l’infraction, l’intensité de la violence subie ou encore la nature de l’objet dérobé – le vol de clés, de papiers et de cartes bancaires semble être plus à même de conduire au dépôt d’une plainte.

- En revanche, la principale variable en cas de violences seules est l’intensité de celle-ci

Il existe donc un chiffre noir de la délinquance : c’est la différence entre la délinquance réelle et les faits effectivement portés à la connaissance des forces de l’ordre.

Conclusion   :

L’état 4001 doit donc être pris pour ce qu’il est : le recensement mensuel des activités de constatation et d’élucidation de certaines infractions par les services de police et de gendarmerie. Certes, il peut fournir des indications importantes sur l’évolution de telle ou telle délinquance ; mais il importe d’avoir toujours à l’esprit les limites inhérentes à un tel outil.

II. Des mesures alternatives de la délinquance

Si tous les délits ne sont pas comptabilisés dans la statistique policière, une idée simple est d’enquêter auprès des victimes ou des agresseurs

A. Les enquêtes de délinquance auto-reportée

1. Présentation

Les enquêtes de délinquance auto-reportée sont nées à la fin des années 1940 aux Etats-Unis, lorsqu’on a commencé à interroger des échantillons de jeunes sur les méfaits qu’ils avaient commis. On demande à des individus – généralement des jeunes – de fournir des informations à propos de leurs comportements délinquants

2. Intérêts

L’intérêt des enquêtes de délinquance auto-reportée est très fort en matière de délinquance juvénile Les personnes enquêtées donnent souvent des informations non seulement sur la délinquance mais aussi sur leur style de vie

en général, leurs attitudes concernant différents sujets, leur famille, leur école, leurs amis et de nombreux autres facteurs sociodémographiques

Ces enquêtes peuvent donc expliquer les facteurs individuels et contextuels présidant à l’entrée dans la délinquance.

3. Limites

Comme ces enquêtes ne concernent la plupart du temps que les jeunes, deux limites sont à mettre en évidence :

Page 3: Sous-thème 3 - Comment Mesurer La Délinquance

Ces enquêtes créent l’idée que seuls les jeunes réalisent des actes délinquants La mesure de la délinquance est biaisée, car la délinquance des jeunes est différente de celle de la population générale  : il y a

peu de délinquance en col blanc chez les jeunes (délinquance financière et fiscale).

B. Les enquêtes de victimation

1. Présentation des enquêtes de victimation

Les enquêtes de victimation sont apparues aux États-Unis au milieu des années 1960 à cause de la montée de la délinquance et la grande inquiétude face aux violences raciales. Dans les pays scandinaves, ce sont les problèmes générés par la consommation d’alcool qui ont conduit à la mise en place de telles enquêtes. En France, la première enquête de victimation nationale a été réalisée par le Centre de recherches sociologiques sur le droit et les institutions pénales (CESDIP) en 1986, mais il a fallu attendre 1996 pour que l’INSEE intègre un module spécifique de victimation dans ses enquêtes permanentes sur les conditions de vie des ménages (EPCVM). Le but, à l’époque, n’était pas d’affiner la mesure de la délinquance mais de disposer, pour mesurer le bien-être des Français, d’un indicateur non économique.

Ces enquêtes interrogent des personnes en face à face, sur certaines infractions dont elles ont pu être victimes au cours d’une période donnée. Ces enquêtes donnent alors des informations sur :

La nature de l’ infraction : les cambriolages, les vols de voiture, les vols à la roulotte, le vandalisme contre le véhicule, les vols simples ou avec violences et les agressions.

la fréquence durant la période de référence le dépôt éventuel de plainte après l’infraction

2. Les apports

L’ensemble des indicateurs fournis par les enquêtes de victimation permet : de mieux connaître les catégories de la population ou bien les territoires qui sont les plus exposés à telle ou telle sorte

d’atteintes. Ces enquêtes permettent de construire des profils de victimes de mesurer l’existence et la nature éventuelle d’un lien entre degré d’exposition ou de victimation et opinions sur la

sécurité. d’évaluer le nombre d’atteintes qui ne sont pas enregistrées par les services de police ou de gendarmerie au regard de

celles qui sont comptabilisées dans les statistiques officielle

3. Les limites

Ces enquêtes de victimation ne recensent pas tous les actes de délinquance : Elles ne s’adressent qu’aux particuliers : lorsque les victimes sont des entreprises ou des institutions publiques, cela

reste en dehors Elles ne cernent que la partie de la délinquance qui fait des victimes directes : un trafic de drogue n’est donc pas

intégré Ces enquêtes ne retracent que les évolutions récentes puisque les premières enquêtes régulières de victimation remontent à

1996 L’enquête mesure ce qui est important pour les enquêtés et ce qu’ils sont prêts à confier aux enquêteurs Ces enquêtes relèvent

ainsi d’une forte dimension subjective : Le sentiment d’être victime dépend de la personne : le même fait ne sera peut-être pas ressenti de la même manière

par deux personnes Du délit : on ne mesure pas les atteintes subies par les personnes comme s’il s’agissait d’objets matériels. la sensibilité évolue aussi avec le temps. Les débats politiques, scientifiques ou médiatiques peuvent

progressivement changer le périmètre des faits que la population inclut sous le terme d’agression ou de violence. L’introduction du vocable d’incivilités ces dernières années l’illustre bien.

Ainsi lorsqu’on rapproche le résultat d’une enquête de victimation et la statistique policière, il ne faut pas interpréter toujours l’écart comme une mesure du « chiffre noir » de la délinquance.

Conclusion

Les enquêtes alternatives (auto-déclarée et victimation) sont des sources d’information complémentaires de l’ensemble des statistiques administratives.