sonia racinefaim-developpement.ca/media/2011/11/de-la-pauvret... · 2014. 3. 10. · de la...
TRANSCRIPT
De la pauvreté à la sécurité alimentaire.
Analyse d’un glissement épistémologique et sémantique socio-sanitaire.
Sonia Racine
Pour le coursDéveloppement de la pensée et de la théorie en service social
SVS 7000
Présenté à
Jean Panet-Raymondet Samantha Wehbi
Programme de doctorat en service socialUniversité de Montréal
22 décembre 2003
De la pauvreté à la sécurité alimentaire… Sonia Racine Page 2 de 32
Table des matières
Introduction 3
1. Mise en contexte : pourquoi questionner le concept de sécurité alimentaire ? 4
2. La construction d’un problème social : l’insécurité alimentaire 6
Phase 1 8Phase 2 9Phase 3 9
3. Les concepts d’insécurité et de sécurité alimentaire : définitions et perspectives 10
4. Les phases du glissement : dans le milieu communautaire 13
5. Les phases du glissement : dans le milieu de la recherche 16
Compréhension de l’insécurité alimentaire vécue par les personnes et les ménages 18Détachement de la pauvreté comme source du problème 19Dispersement dans la recherche 20Virage socio-sanitaire 21
6. Les phases du glissement : dans le milieu institutionnel 21
7. Les écueils du passage de la pauvreté à la sécurité alimentaire 23
Conclusion 27
Bibliographie 28
Liste des tableaux et schémas
Tableau 1 – Les conditions de définition d’un problème social 7
Schéma 1 – Composantes de la sécurité alimentaire 11
Schéma 2 - Les changements sémantiques dans les tables de concertation 15
De la pauvreté à la sécurité alimentaire… Sonia Racine Page 3 de 32
Introduction
Depuis la crise économique des années 80, le Québec et le Canada subissent des changements
importants quant à leurs structures sociales et économiques, d’où résulte notamment une pauvreté
grandissante. Les conditions du marché du travail, les changements dans les structures familiales et les
politiques de plus en plus restrictives en matière de protection sociale, signes d’un processus inadéquat
de répartition de la richesse, sont quelques éléments explicatifs de cette situation (Centraide Québec,
2000 ; Rouffignat, Racine et Côté, 1996). En 2000, au Canada, 16,2 % des ménages vivaient sous le
seuil le faible revenu, tandis que ce pourcentage s’élevait à 19,1 % au Québec (recensement de 2001,
Statistique Canada, 2003).
L’insécurité alimentaire est perçue par bon nombre d’auteurs et d’organisations caritatives et
communautaires qui s’en préoccupent comme un épiphénomène de la pauvreté au Québec. Ainsi, la
sous-alimentation, la mauvaise nutrition ou l’inquiétude de manquer de nourriture seraient intimement
liées au manque de ressources financières des personnes et des familles (Hamelin et Bolduc, 2003 ;
McIntyre, 2003 ; Riches, 2003 et 2002 ; Brink, 2001 ; Che et Chen, 2001; Rouffignat et al., 2001;
Tarasuk, 2001 ; Dubois et al., 2000; Power, 2000 ; Racine et St-Onge, 2000; Delisle et Shaw, 1998 ;
Maxwell, 1998 ; Rouffignat, 1998 ; Beeman et al. 1997 ; Lang, 1997 ; Gauvin et al., 1996). Mais cette
perception n’est pas nécessairement unanime et est l’objet de questionnements, notamment depuis
l’émergence de la recherche sur l’insécurité alimentaire au Canada et au Québec.
L’insécurité alimentaire est graduellement venue joindre les rangs des problématiques sociales
importantes dans notre société et fait désormais partie des préoccupations tant des milieux de la
recherche, des institutions en santé et des services sociaux, de l’alimentation et de la nutrition, que des
organismes volontaires et communautaires. Bien que cette réalité soit bien présente au Québec et
ailleurs, ce n’est que tout récemment que les problèmes d’insécurité alimentaire ont pu être quantifiés.
Selon l’enquête sociale et de santé effectuée par Santé Québec en 1998, 8 % des familles québécoises
seraient aux prises avec divers aspects de l’insécurité alimentaire (Dubois et al., 2000). Pour le
Canada, l’enquête menée en 1998-1999 par Statistique Canada a montré que 10 % de la population
canadienne est inquiète de manquer de nourriture et que 8 % en a effectivement manqué, ou a dû
diminuer la qualité ou la variété faute de ressources financières suffisantes (Che et Chen, 2001). Ces
quelques éléments traduisent bien l’ampleur de ce phénomène qui touche de plus en plus de personnes
et de familles dans notre société d’abondance.
De la pauvreté à la sécurité alimentaire… Sonia Racine Page 4 de 32
Le présent travail pose un regard critique sur l’évolution de la problématique de l’insécurité
alimentaire, d’abord perçue comme une conséquence de la pauvreté, puis analysée comme un problème
social spécifique auquel on connaît l’objectif à atteindre : la sécurité alimentaire. Ce regard sur ce
glissement épistémologique et sémantique se veut fortement teinté de la perspective critique du conflit
social (attention portée sur les structures sociales et sur les intérêts divergents des acteurs), éclairé par
quelques éléments issus du constructivisme et du postmodernisme. Il s’agit ainsi d’une analyse
subjective de la littérature récente entourant les concepts d’insécurité alimentaire et de sécurité
alimentaire, principalement au Québec, dans un souci de justice sociale et de lutte à toutes les formes
d’oppression et d’inégalités.
La première partie de ce document met en contexte l’urgence du questionnement entourant la sécurité
alimentaire au Québec. En second lieu, il est question de la construction du problème social qu’est
devenu l’insécurité alimentaire à l’aide des perspectives théoriques sur la construction des problèmes
sociaux. Nous verrons comment cette construction est partie prenante du glissement épistémologique
observé. Ensuite, un bref examen des définitions entourant les différents concepts à l’étude sera
réalisé. Les trois sections suivantes traitent du glissement socio-sanitaire dans les trois principaux
milieux concernés par cette problématique : communautaire, recherche et institutionnel. Une
discussion critique complète l’analyse. Celle-ci aborde les principaux écueils de l’adoption du concept
de sécurité alimentaire comme moteur pour l’action et tente de cerner comment le glissement observé
sert les intérêts de la perspective néolibérale. Les inter-influences entre les trois milieux sont
également analysées.
Il est important à cette étape de mentionner que l’objectif n’est pas de jeter la pierre à quiconque, mais
bien de proposer une réflexion critique aux acteurs engagés et concernés par la question de la faim et de
la pauvreté sur l’importance de ne pas négliger le contexte dans le choix des actions à entreprendre.
1. Mise en contexte : pourquoi questionner le concept de sécurité alimentaire ?
L’action contre la faim n’est pas une réalité nouvelle. Jusqu’à tout récemment, c’est sous le vocable de
la lutte à la pauvreté que se situait la réponse à l’insécurité alimentaire vécue par les personnes et les
collectivités. Le concept de sécurité alimentaire est graduellement apparu comme la solution à cette
problématique sociale, le but à atteindre, le projet à construire ensemble. Cet apparent changement de
cap mérite qu’on y accorde de l’attention. En effet, le choix de la sémantique n’est pas vain ; il est
porteur de valeurs, d’une idéologie propre et surtout d’enlignement pour la pratique, que ce soit dans le
De la pauvreté à la sécurité alimentaire… Sonia Racine Page 5 de 32
milieu communautaire, dans les programmes institutionnels ou pour l’élaboration des politiques
sociales.
Depuis les premiers balbutiements des questionnements sur la faim au Québec, ce sont les Directions
de santé publique (DSP) qui, dans le milieu institutionnel, ont été mêlées à la recherche, à la réflexion
et à l’action face à ce problème grandissant. Associées aux Régies régionales de la santé et des
services sociaux (et donc au Ministère du même nom - MSSS), les DSP en sont arrivées à inclure la
poursuite de la sécurité alimentaire dans leur plan d’action. En effet, le Programme National de Santé
Publique 2003-2012, qui vise à réduire à moins de 8% la prévalence de l’insécurité alimentaire sur une
période de 10 ans, a été rédigé dans les bouleversements entourant l’arrivée du nouveau gouvernement.
Les plans d’action régionaux qui en découlent sont actuellement en rédaction, et des plans d’action
locaux, par territoire de CLSC, suivront sous peu. Tous ces plans d’action mettent de l’avant le
concept de sécurité alimentaire et, dans un souci d’intersectorialité, y associent les organismes
communautaires. Cette « institutionnalisation » de la sécurité alimentaire s’est confirmée avec l’arrivée
de fonds publics, dont la majeure partie a été allouée à des organismes communautaires dans les
différentes régions du Québec.
Dans son budget en 2001, le gouvernement du Québec a annoncé la création d’une réserve de 100 M $ en vue d’investissements structurants devant favoriser l’émergence de nouvelles initiatives de solidarité sociale dans le cadre de sa stratégie et de ses orientations en matière de lutte à la pauvreté. De ce montant, 10 M $ sont alloués au Ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) en vue de consolider ou de développer des initiatives de soutien à la sécurité alimentaire. Le MSSS décentralise vers les Régies régionales la gestion d’un programme de subventions en matière de sécurité alimentaire pour 2002-2003 et 2003-2004 (ROC-03, 2003 : 5).
Les enjeux entourant le concept et les pratiques en matière de sécurité alimentaire deviennent très
importants dans ce contexte. D’ailleurs, le Regroupement des organismes communautaires de la région
03 (ROC-03) termine, au moment d’écrire ces lignes, un processus de consultation des organismes
communautaires oeuvrant en santé et services sociaux sur les orientations régionales en matière de
sécurité alimentaire proposées par le Comité régional intersectoriel en sécurité alimentaire, animé par la
Régie régionale. Ces orientations s’inscriront éventuellement dans le plan d’action régional de lutte à
la pauvreté et à ses conséquences. La notion de sécurité alimentaire ne semble pas faire partie du
De la pauvreté à la sécurité alimentaire… Sonia Racine Page 6 de 32
langage des organismes consultés1 et la majorité n’a donc pas vraiment encore d’analyse à proposer sur
cette question, ce qui apparaît comme une raison supplémentaire pour étayer la question.
Deux autres éléments de contexte viennent confirmer l’urgence d’un questionnement critique sur la
notion de sécurité alimentaire. Tout d’abord, il y a le plan d’action de la loi 112 (loi visant à lutter
contre la pauvreté et l’exclusion sociale) qui devrait être déposé sous peu2. L’article 9 concerne la
sécurité alimentaire et reprend à toute fin utile les éléments de la définition, ce qui risque d’influencer
fortement les montants alloués à cette question. Ensuite, divers acteurs institutionnels ainsi qu’un
groupe de travail provincial autour de la Table de concertation sur la faim et le développement social
du Montréal métropolitain tentent d’inciter le gouvernement du Québec à développer une Politique
nationale de sécurité alimentaire. Bien que cette idée ne soit pas nouvelle en soit (Delisle et Hamelin,
1997), son adhésion n’aura jamais été aussi grande dans les divers milieux. Toutefois, des réflexions
de fond ne semblent pas avoir été réalisées à ce chapitre.
Toute cette conjoncture, sur fond de mondialisation néolibérale avec notamment la fin de la
consultation des peuples des Amériques sur la ZLÉA3, doublée de l’arrivée au pouvoir du
gouvernement libéral au Québec, suscite une convergence importante sur la notion de sécurité
alimentaire, notion à questionner plus profondément.
2. La construction d’un problème social : l’insécurité alimentaire
La littérature sur la construction des problèmes sociaux, sur leur définition, leur nature et leur origine
est assez mince au Québec. Ceci est particulièrement vrai pour le service social, alors que ceux-ci sont
l’objet central de l’intervention de cette profession. La majeure partie de la littérature québécoise à ce
sujet traite de l’explication de différents problèmes sociaux actuels, mais rarement sont-ils examinés
dans un angle théorique pour chercher à comprendre ce qu’ils sont et surtout comment ils se
construisent socialement (Mayer et Laforest, 1990). La présente section tentera donc de cerner
brièvement l’apparition de la problématique de l’insécurité alimentaire au Québec à l’aide des éléments
théoriques fournis par Mayer et Laforest (ibid.) et de comprendre comment cette construction a
contribué au glissement socio-sanitaire sur lequel nous élaborerons ensuite. 1. L’auteure est engagée par le ROC-03 dans ce processus de consultation comme animatrice. Elle a également été
fortement impliquée dans le milieu de l’aide alimentaire, par son travail comme organisatrice communautaire à Moisson Québec, banque alimentaire régionale. Certains éléments qui suivent sont donc le fruit de ses observations personnelles.
2 Le dépôt du plan d’action a été repoussé au début de 2004, selon les affirmations du Journal de Québec, le 9 décembre dernier.
3 Zone de libre-échange des Amériques.
De la pauvreté à la sécurité alimentaire… Sonia Racine Page 7 de 32
Les auteurs sur la question des problèmes sociaux s’entendent pour dire que ceux-ci sont de nature
subjective et qu’en ce sens, il s’agit de phénomènes qui changent en fonction des perceptions, suivant à
leur tour les contextes et les périodes historiques (Rezsohasy, 1980, Lenoir, 1989 et Landreville,
1983 dans Mayer et Laforest, 1990). Toutefois, il est possible d’identifier certaines constantes.
Un certain nombre d’auteurs tels Horton et Leslie (1971), Manis (1974a), Laskin (1965), Lalonde (1976 : 43) et Beaudoin (1987 : 16) précisent quelques dimensions servant de base à l’identification d’un problème social : il y a un problème lorsqu’un grand nombre de personnes sont affectées par une situation donnée, que cette situation est jugéeintolérable, et que les gens sont conscients de la nécessité d’une action collective. En ce sens « aucune situation, peu importe combien dramatique elle puisse être, combien choquante pour autrui, n’est un problème social à moins que les valeurs d’un nombre considérable de gens ne la définissent comme un problème (Horton et Leslie, 1071 : 5). Les problèmes sociaux sont donc, affirme Laskin, des problèmes de valeurs (1965 : 7)(Mayer et Laforest, 1990 : 16).
Selon Langlois (1994), se basant sur les propos de Dumont, il existe cinq dimensions fondamentales
dans le processus de définition des problèmes sociaux : 1) des conditions objectives de départ, des
changements dans l’environnement ; 2) une construction sociale où les médias tiennent un rôle
important, de même que les experts ; 3) un fractionnement des clientèles qui amène à identifier ceux
qui sont touchés ; 4) des conflits de valeurs ; et 5) une intervention. Il faut que les définisseurs du
problème (les experts) parlent publiquement de celui-ci afin que naissent des revendications
collectives, éléments essentiels à la construction des problèmes sociaux.
Considérant que les problèmes sociaux ne représentent pas des situations statiques mais bien des
séquences d’événements, nous utiliserons les trois conditions de présence d’un problème social ainsi
que les trois phases de leur apparition pour étayer la construction du problème de l’insécurité
alimentaire au Québec.
Tableau 1Les conditions de définition d’un problème social
Conditions4 Concrétisation au Québec
« Mise en évidence d’un contexte singulier comme manifestation d’une contradiction générale qui travaille l’ensemble de la société ».
L’existence de la faim dans un pays riche comme le Canada, mise en évidence par l’apparition et le développement des banques alimentaires dans les années 80, représente la contradiction identifiée.
« Un groupe social intégré dans les réseaux de pouvoir, reconnu comme compétent sur le sujet et ayant accès aux
Deux types d’acteurs ont formé ce groupe social :
Les acteurs entourant les banques alimentaires (notamment les membres des conseils d’administration
4 Ces conditions sont tirées de Tachon (1985 : 178 dans Mayer et Laforest, 1990 : 20).
De la pauvreté à la sécurité alimentaire… Sonia Racine Page 8 de 32
Conditions4 Concrétisation au Québec
instances décisionnelles locales ou nationales ».
provenant surtout du secteur privé et les groupes à caractère religieux) ;
Les différents chercheurs universitaires (diététistes, travailleurs sociaux, sociologues, etc.).
« Légitimité de ce groupe social à inscrire cette question dans le champ des problèmes justifiant une intervention ».
Ces deux groupes d’acteurs avaient et ont toujours une crédibilité suffisante tant dans la population qu’auprès des instances gouvernementales pour légitimer la question5.
Toutes les conditions étaient donc présentes dans les années 80 pour voir apparaître une « nouvelle »
problématique sociale. Il faut rappeler que les Sociétés St-Vincent de Paul existent depuis la deuxième
moitié du XIXe siècle au Québec et que l’aide matérielle, dont le don de nourriture aux personnes
« nécessiteuses », a toujours fait partie de leur mission (SSVP, 2003). La question de la faim, ou du
manque de nourriture, n’est donc pas nouvelle en soit. C’est plutôt l’ampleur du problème, de sa
réponse et du nombre grandissant de personnes y ayant recours, ainsi que les changements structurels
qui ont marqué la décennie 80, qui ont propulsé la situation au rang de problème social, voire même de
santé publique (McIntyre, 2003 ; Riches, 2003 ; Tarasuk, 2001). Les sections suivantes cernent à cet
effet les étapes théoriques d’apparition du phénomène, en les jumelant à l’historique québécois en
matière d’insécurité et de sécurité alimentaire.
Phase 1« Transformations qui affectent la vie des individus à la suite de bouleversements sociaux et dont les effets diffèrent selon les groupes sociaux » 6.
Crise économique des années 80.
Apparition de la première banque alimentaire au Canada en 1981 à Edmonton (Alberta) et au
Québec en 1984 à Montréal (Riches, 2003).
Remise en question de l’État-Providence et du modèle québécois avec la crise des finances
publiques. Retrait progressif de l’État de plusieurs sphères de la vie sociale et économique,
coupures dans les programmes sociaux, réformes punitives, etc. Cet effritement du filet de sécurité
sociale aura comme effet un appauvrissement des classes sociales moins bien nanties (Riches,
2002 ; Collectif pour une Québec sans pauvreté, 2003). 5 À titre d’exemple, le fondateur de Moisson Québec, Monsieur André Mignault, était un homme d’affaires avant de
mettre sur pied la banque alimentaire régionale. Cela lui a donné beaucoup de crédibilité dans la plupart des milieux (notamment dans le réseau agroalimentaire), crédibilité renforcée par sa position sociale et par son engagement à l’égard des moins nantis. Il ne s’agit que d’un exemple pour démontrer l’importance de la crédibilité des acteurs dans la définition des problèmes sociaux. Plusieurs autres exemples pourraient être nommés.
6 Ces phases sont tirées de Lenoir (1989) et Bell (1981), dans Mayer et Laforest, 1990 : 20-21.
De la pauvreté à la sécurité alimentaire… Sonia Racine Page 9 de 32
Phase 2« Formulation publique: travail d’évocation, d’imposition et de légitimation ».
Croissance des banques alimentaires (et donc de leur clientèle) accompagnée d’une couverture
médiatique importante (Tarasuk, 2001). Développement de nouvelles pratiques novatrices pour
dépasser le dépannage alimentaire, développement d’analyses, d’écoles de pensée, de
regroupements, etc. (Côté, Racine et Rouffignat, 1995).
Tables de concertation contre la pauvreté où les groupes communautaires nomment et témoignent
des conséquences de l’appauvrissement chez leurs membres en soulignant l’existence de la faim
vécue par les personnes et les familles (Table d’interaction sur la faim, 1994 à 2001 ; Table de
concertation sur la faim et le développement social du Montréal métropolitain, 1995 à 2002 ;
Moisson Québec, 2003).
Arrivée progressive des institutions dans la problématique, particulièrement les CLSC et les Centres
de santé publique7 dans certaines régions (Hamelin et Bolduc, 2003 ; Table d’interaction sur la
faim, 1994 à 2001).
Début de la recherche sociale et en santé sur le phénomène, notamment par le groupe de recherche
autour de la Fédération des Moissons du Québec, et premier colloque à l’ACFAS sur la question
(Rouffignat, 1998).
Phase 3« Processus d’institutionnalisation qui tend à figer et à fixer les catégories selon lesquelles le problème a été posé et résolu, au point de les rendre évidentes pour tous ».
Définitions de l’insécurité alimentaire (problème), de la sécurité alimentaire (solution) et conditions
de réalisation (voie à suivre). Le concept de sécurité alimentaire tire sa source du colloque «Au-delà
du dépannage alimentaire» de l’Association Canadienne pour la Journée Mondiale de
l’Alimentation à Québec en 1992, suivant les réflexions de l’ONU (Hamelin et Bolduc, 2003).
Inclusion de la question dans divers plans d’actions gouvernementaux (national, régional, local) et
création de concertations régionales spécifiques (Beeman, Rouffignat et Panet-Raymond, 1996 ;
Hamelin et Bolduc, 2003).
Inclusion de la sécurité alimentaire dans la loi 112, suite aux pressions des regroupements nationaux
principalement lors de la commission parlementaire (Assemblée nationale Québec, 2003).
7 Ces centres sont ensuite devenus des Directions de santé publique, relevant directement des Régies régionales de la santé
et des services sociaux.
De la pauvreté à la sécurité alimentaire… Sonia Racine Page 10 de 32
Il importe de comprendre que le problème de l’insécurité alimentaire a suivi un processus de
légitimation appuyé tant par le milieu communautaire, qui cherchait à faire reconnaître cette
problématique sociale, que par le milieu institutionnel, par la contribution de la santé publique, et par le
milieu de la recherche amené sur ce sujet par les banques alimentaires québécoises dans un premier
temps. Il convient également de ne pas négliger tout l’apport du monde de la nutrition et de la
diététique dans la formulation du problème et dans l’orientation socio-sanitaire que le phénomène
prendra peu à peu.
3. Les concepts d’insécurité et de sécurité alimentaire : définitions et perspectives
Pour aborder le concept de sécurité alimentaire, il convient au préalable de préciser ce que l’on entend
par insécurité alimentaire. Selon Tarasuk, elle se définit ainsi.
(…) l’expression « insécurité alimentaire » désigne l’accès restreint, inadéquat ou incertain des personnes et des ménages à des aliments sains, nutritifs et personnellement acceptables, tant sur le plan de la quantité que sur celui de la qualité, pour permettre de combler leurs besoins énergétiques et de mener une vie saine et productive (2001 : 2).
Pour celle-ci, de même que pour bon nombre d’auteurs cités précédemment, « l’insécurité alimentaire
se manifeste à l’échelle individuelle et des ménages lorsque les ressources financières sont restreintes »
(ibid.). Quant à la sécurité alimentaire, perçue par plusieurs comme son contraire, elle est définie ainsi
dans le Plan d’action du Canada pour la sécurité alimentaire.
La sécurité alimentaire existe lorsque tous les êtres humains ont, à tout moment, un accès physique et économique à une nourriture suffisante, saine et nutritive leur permettant de satisfaire leurs besoins énergétiques et leurs préférences alimentaires pour mener une vie saine et active (Rouffignat et al. 2001).
L’Ordre des diététistes du Québec a elle aussi développé sa définition et il apparaît important d’en faire
état puisqu’elle est utilisée dans les milieux de concertation au Québec. Sa particularité est d’apporter
la notion de collectivité, plutôt que seulement prendre en compte l’addition d’individus.
Pour être en situation de sécurité alimentaire, il faut que toute une population ait accès, en tout temps et en toute dignité, à un approvisionnement alimentaire suffisant et nutritif, à coût raisonnable et acceptable aux points de vue social et culturel, que les personnes aient un pouvoir d’achat adéquat et qu’ils aient accès à une information simple et fiable qui confère des habiletés et qui permet de faire des choix alimentaires éclairés (Gauvin et al., 1996).
De la pauvreté à la sécurité alimentaire… Sonia Racine Page 11 de 32
Il est clair que ces définitions nous transportent bien loin de la faim comme conséquence directe de la
pauvreté. D’ailleurs, tous les auteurs qui traitent de ces questions sur le plan théorique affirment que la
sécurité alimentaire est une notion complexe et multisectorielle (Rainville et Brink, 2001; Rouffignat et
al., 2001; Tarasuk, 2001; Delisle et Shaw, 1998; Hamelin, Beaudry et Habitch, 1998). Le schéma
suivant montre bien les différentes sphères d’activités touchées par une telle définition.
Schéma 1Composantes de la sécurité alimentaire
Source : Rouffignat, 2003 (non publié), avec modifications de l’auteure.
Ce schéma montre les quatre volets touchés par le concept de sécurité alimentaire. La salubrité
concerne l’hygiène de la nourriture, il s’agit en quelque sorte du sceau de qualité. On doit s’assurer que
la nourriture produite, vendue et consommée répond aux normes de salubrité, qu’elle est saine et
adéquate sur le plan nutritionnel. Au Québec, avec le rôle que joue le Ministère de l’Agriculture, des
Pêcheries et de l’Alimentation du Québec (MAPAQ) au chapitre des normes et mécanismes de
surveillance, cette question ne se pose à peu près pas, quoi qu’il faille demeurer vigilant.
La disponibilité de la nourriture amène la réflexion sur la quantité de nourriture qu’il y a en fonction du
nombre de personnes à nourri. La question est donc de s’assurer qu’il y a suffisamment de nourriture
SÉCURITÉ ALIMENTAIRE
DisponibilitéSalubrité
AccessibilitéDurabilité
La nourriture est saine et de qualité.
Il y a suffisamment de nourriture pour tout le monde.
Il existe un système agroalimentaire qui n’épuise pas les ressources, et une consommation responsable.
Toute la population a accès à assez de nourriture pour mener une vie saine et active.
De la pauvreté à la sécurité alimentaire… Sonia Racine Page 12 de 32
pour tout le monde. Le Québec ne souffre d’aucune pénurie à ce chapitre. Nous produisons de la
nourriture, nous en exportons, nous en importons, nous en transformons. Nous en avons tellement que
nous en avons assez pour en jeter ou pour en donner aux banques alimentaires. À titre d’exemple, plus
de 2 700 000 kilos de denrées ont été récupérés par Moisson Québec en 2002 (Moisson Québec, 2003).
En effet, les étalages de nos supermarchés regorgent de produits. Mises à part les difficultés en
fraîcheur et en variété pour certaines communautés du Grand Nord québécois, la disponibilité n’est pas
non plus la cause l’insécurité alimentaire au Québec.
En ce qui concerne la durabilité, il est question des systèmes agroalimentaires que nous avons adoptés.
La monoculture, les OGM (organismes génétiquement modifiés) et la production industrielle sont
quelques-uns des questionnements qui traversent cette notion. La question que l’on pose est de savoir
si nous serons encore en mesure de produire notre nourriture dans les générations à venir avec le
rythme effréné que nous avons actuellement, et dans le respect de la biodiversité. Toutefois, malgré
ces dangers pour l’écosystème et l’importance qui doit être accordée à cet aspect, on ne peut faire un
lien direct avec l’insécurité alimentaire, telle qu’on la conçoit actuellement.
C’est sur le plan de l’accessibilité que le bât blesse au Québec. La nourriture est disponible, elle est
saine, mais elle n’est pas accessible pour tout le monde, d’où le lien direct avec le manque de
ressources financières pour se la procurer. Les personnes et les familles n’ont pas accès à l’abondance
de nourriture principalement en raison de leur faible revenu (Hamelin et Bolduc, 2003 ; McIntyre,
2003 ; Riches, 2003 et 2002 ; Brink, 2001 ; Che et Chen, 2001; Rouffignat et al., 2001; Tarasuk, 2001 ;
Dubois et al., 2000; Power, 2000 ; Racine et St-Onge, 2000; Delisle et Shaw, 1998 ; Maxwell, 1998 ;
Rouffignat, 1998 ; Beeman et al. 1997 ; Lang, 1997 ; Gauvin et al., 1996). Qu’il s’agisse d’un accès
limité (choix alimentaires moins coûteux ou de moindre qualité sur le plan nutritionnel) ou d’un
manque d’accès (obligation de se tourner vers des sources alternatives de distribution telles les banques
alimentaires qui ne sont pas socialement acceptables), c’est ici que se fait le lien le plus direct avec
l’insécurité alimentaire.
Une première analyse montre sommairement que la notion de sécurité alimentaire, notion globale
s’appliquant tant aux pays du Nord qu’aux pays du Sud où la réalité est différente8, risque de nous
éloigner de la cible québécoise qui apparaît ici clairement comme la lutte à la pauvreté. Ce sont les
revenus insuffisants des citoyennes et des citoyens qui leur bloquent principalement et prioritairement
l’accès à la grande abondance de nourriture. C’est dans l’analyse de la répartition des richesses qu’il
8 Il est ici question de faim, de famine, de malnutrition, d’insalubrité, de cultures d’exportation, de désertification, etc.
(Madeley, 2002; Ziegler, 2002).
De la pauvreté à la sécurité alimentaire… Sonia Racine Page 13 de 32
est possible de faire le lien avec les pays du Sud qui subissent, encore davantage que nous, les
contrecoups de la marchandisation de la nourriture par les tractations libre-échangistes internationales
qui ne font qu’accroître les inégalités entre les peuples et entre les personnes (Madeley, 2002; Ziegler,
2002). Ce choix de cible pour l’action risque donc d’éloigner les préoccupations des différentes
instances de la pauvreté, et plus globalement, des inégalités socio-économiques. Comme le soulignent
Delisle et Shaw (1998), il y a absence de détermination politique sur la question puisque les ressources
sont disponibles. Nous verrons dans les parties subséquentes comment plusieurs acteurs
communautaires, de la recherche et institutionnels ont convergé progressivement vers le concept de
sécurité alimentaire.
4. Les phases du glissement : dans le milieu communautaire
Les pratiques reliées à l’insécurité alimentaire ont connu leur développement au Québec à partir du
milieu des années 80, notamment par la création de banques alimentaires régionales fournissant des
denrées alimentaires aux organismes de terrain aidant les personnes, ou encore directement aux
personnes (différences selon la réalité des régions). Il convient d’expliquer sommairement quelques
réalités qui traversent ce milieu pour mieux saisir les enjeux qui se dessinent derrière l’adoption de la
sécurité alimentaire comme but à atteindre.
Pour pallier l’insécurité alimentaire grandissante, de nombreux organismes sont apparus ou ont intégré
à leurs activités des pratiques d’aide alimentaire variées « afin de favoriser l’approvisionnement
alimentaire des laissés pour compte du développement économique » (Rouffignat, 1998). Plusieurs
auteurs (Rouffignat et al., 2001; Racine et St-Onge, 2000; Beeman et al. 1997 ; Rouffignat, Racine et
Côté, 1996; Gauvin et al., 1996), ainsi que le milieu de l’aide alimentaire en général, catégorisent
celles-ci selon qu’elles constituent de l’aide traditionnelle (distribution de colis de nourriture, soupes
populaires, bons alimentaires) ou des pratiques alternatives au dépannage alimentaire (cuisines
collectives, groupes d’achats, jardins collectifs, épiceries communautaires, etc.). Ces diverses pratiques
ont connu un essor majeur dans les années 90 (Rouffignat et al., 2001 ; Rheault et et al., 2000) et
continuent de se développer.
Généralement, les services d’aide alimentaire traditionnels sont critiqués car ils impliquent peu les
utilisateurs dans les services qu’ils reçoivent, contribuant ainsi à maintenir l’isolement souvent
engendré par la pauvreté et donc à maintenir le statu quo quant à leur situation sociale et économique
(Rouffignat et al., 2001; Racine et St-Onge, 2000; Rheault et al., 2000 ; Rouffignat, Racine et Côté,
De la pauvreté à la sécurité alimentaire… Sonia Racine Page 14 de 32
1996; Gauvin et al., 1996). Il en est de même pour les banques alimentaires qui sont abondamment
critiquées tant dans le milieu communautaire que dans le milieu de la recherche en raison de leur rôle
palliatif aux responsabilités de l’État (McIntyre, 2003 ; Riches, 2003 et 2002 ; Rouffignat, 1997),
critique qui les a conduites à développer de nouvelles formes d’intervention et à politiser davantage
leur discours (ACBA, 2003).
Ces différents types d’organismes et de pratiques forment désormais un réseau organisé et structuré
avec ses valeurs, ses principes d’action et ses analyses de la situation de pauvreté et d’insécurité
alimentaire. On retrouve maintenant quelques associations et regroupement sur le plan provincial :
pour les banques alimentaires et organisations vouées au dépannage (AQBAM), pour les cuisines
collectives (RCCQ), pour les groupes d’achats (Collectif des groupes d’achats, non incorporé) ainsi que
de nombreuses tables de concertation et d’action locales et régionales vouées spécifiquement à ce
champ d’action que sont les pratiques de soutien ou d’entraide alimentaire.
D’abord directement associé à la lutte à la pauvreté, ce réseau se définit davantage désormais comme
un réseau de sécurité alimentaire où sont pris en considération divers aspects de la définition vue
précédemment. Les thèmes des colloques régionaux à Québec, en Montégérie, en Chaudière-
Appalaches, au Saguenay et à Montréal par exemple, de même que les sujets traités dans les bulletins
des concertations régionales fournissent une bonne idée du passage de la pauvreté à la sécurité
alimentaire, en passant par le développement social, la citoyenneté, etc. Il ne faut toutefois pas nier que
ces organisations demeurent pour la plupart très liées au travail du Collectif pour un Québec sans
pauvreté.
Mais c’est sur le plan de la concertation régionale que le glissement apparaît comme le plus probant.
Les changements sémantiques au fil des années témoignent bien de cette réalité où l’analyse de la
pauvreté et des inégalités socio-économiques semble être passée au second plan. Le schéma suivant
prend les concertations où siègent les organismes qui offrent un soutien alimentaire comme cas de
figure du glissement observé, passant de la pauvreté à la sécurité alimentaire intersectorielle. Il
convient de noter qu’il s’agit d’un cheminement qui n’a pas nécessairement été suivi par toutes les
tables locales et régionales ; il s’agit davantage d’une tendance qui a été observée.
De la pauvreté à la sécurité alimentaire… Sonia Racine Page 15 de 32
Schéma 2Les changements sémantiques dans les tables de concertation
Fait intéressant concernant ce glissement, une table de concertation s’est même dissoute au profit de la
concertation intersectorielle régionale9. Il faut saisir également que ces changements se sont fait sur
une période d’à peine dix ans et témoignent peut-être d’une recherche des différents acteurs du milieu à
se faire une place sur l’échiquier social. La question est de savoir si ce passage de la pauvreté comme
point d’ancrage à l’atteinte de la sécurité alimentaire constitue un glissement de mission ou seulement
une spécialisation.
Plusieurs organisations ne se sentent pas à l’aise avec le concept de sécurité alimentaire qu’elles jugent
trop technocratique et pas suffisamment politique. Des intervenantes rencontrées dans des formations,
des animations et d’autres rencontres mentionnent le manque de « direction politique » dans la
définition et proposent à cette fin une autre terminologie. Ainsi, l’autonomie alimentaire (RCCQ), la
souveraineté alimentaire (AmiEs de la terre de Québec) et le droit à l’alimentation commencent à faire
leur chemin dans le milieu communautaire, à l’instar de la littérature anglophone à ce propos10. Il y a
9 Nous pensons ici à la Table d’interaction sur la faim de Québec (qui a par ailleurs conservé le même nom jusqu’à sa
dissolution en 2001) qui a cédé la place au Comité régional intersectoriel en sécurité alimentaire géré par la Direction de Santé Publique de la RRSSS de Québec. Plusieurs acteurs de cette table questionnent aujourd’hui leur choix étant donné la dimension de pression politique qui leur semble absente, ou du moins peu réalisable, de la part du Comité où siègent diverses institutions et organismes gouvernementaux.
10 Food justice, food security, food sovereignty, food democracy, etc.
Table de lutte à la pauvreté
Comités de paniers de Noël (sous-comité)
Table de concertation sur l’appauvrissement
Table de concertation sur la faim (et le développement social)
Table de concertation sur l’insécurité alimentaire
Table de concertation en sécurité alimentaire
Table de concertation intersectorielle en sécurité alimentaire
De la pauvreté à la sécurité alimentaire… Sonia Racine Page 16 de 32
peut-être là une porte ouverte sur la nécessité d’une analyse plus globale de la situation et surtout d’en
enlignement politique des organismes sur la croissance des inégalités socio-économiques et le respect
des droits. Ces questionnements laissent présager une analyse de fond de la part de certains
regroupements, ce qui est encourageant. Le glissement sémantique n’est peut-être pas aussi
« glissant » qu’il n’y paraît. Toutefois, l’engagement du milieu communautaire dans les concertations
ou partenariats intersectoriels où est discutée et planifiée la sécurité alimentaire demeure une source de
questionnements11. Riches traduit bien les enjeux de retrait de l’État auxquels nous faisons face, et
pour lesquels tous les acteurs de la concertation intersectorielle ne peuvent pas avoir de position
commune.
Food poverty raises important issues of food justice and redistribution as a consequence of the declining role of the state, the increasing role of charity and diminishing rights and entitlements. There are timely and pressing questions for social policy concerned as it is with the values and choices about the social arrangements and courses action whereby societies seek to respond to collective human needs (2003: 1).
Ces enjeux seront-ils mis de côté au profit d’autres actions à portée régionale par exemple? Comment
des acteurs institutionnels peuvent-ils lutter contre les choix de leur employeur? Restera-t-il du temps
aux organismes communautaires engagés dans ces concertations pour l’éducation populaire, la
conscientisation et l’action politique? Telles sont les quelques questions qui méritent un espace de
réflexion.
5. Les phases du glissement : dans le milieu de la recherche
C’est probablement dans le milieu de la recherche que les glissements sont les plus évidents. En effet,
l’ouverture de ce nouveau champ d’étude soulève beaucoup de questionnements. La recherche sur le
phénomène de l’insécurité alimentaire et de sa réponse immédiate (l’aide alimentaire) s’est
principalement amorcée au Québec avec une équipe de chercheurs et d’intervenants unis autour de la
Fédération des Moissons du Québec (FMQ12). Celle-ci se posait de nombreuses questions au sujet de
11 Le colloque de 1999 organisé par les Partenaires pour le développement de la sécurité alimentaire à Montréal représente
un exemple du possible égarement des réflexions et des actions dans de multiples secteurs tels que : l’agriculture sur l’île de Montréal, le commerce équitable, l’accès aux supermarchés par une politique municipale, les connaissances culinaires, le jardinage écologique, etc. (2000). Tous ces aspects ont certes un lien avec l’alimentation dans un contextede mondialisation (il est important de créer des passerelles entre les différents milieux), mais le danger de la perte du regard sur la pauvreté en tant que principale cause de l’insécurité alimentaire au Québec semble bien présent.
12 Cette Fédération s’est unie il y a deux ans à une nouvelle association de banques alimentaires et d’organismes locaux (AQBA) pour créer l’AQBAM.
De la pauvreté à la sécurité alimentaire… Sonia Racine Page 17 de 32
l’aide alimentaire et de la problématique de l’insécurité alimentaire et a donc amorcé une pertinente
réflexion comme en témoigne la citation suivante.
En 1994, la Fédération des Moissons, le regroupement des sept banques alimentaires régionales au Québec, a constaté la croissance fulgurante tant de l’offre que de la demande d’aide alimentaire (…). En 1997, on compte 12 banques alimentaires au Québec et une proportion grandissante de la population a recours à des services d’aide alimentaire pour une durée de plus en plus longue. (…) La Fédération des Moissons a donc invité des intervenants et des universitaires à réfléchir sur l’aide alimentaire et ses conséquences pour ceux qui y ont recours, pour les organismes fournissant cette aide, pour les gouvernements et pour la population en général, ainsi que sur le rôle social que doivent jouer les banques alimentaires elles-mêmes (Beeman et al, 1997 : 43-44).
C’est lors d’un colloque au 64e Congrès de l’ACFAS en 1996 qu’apparaît véritablement l’existence
d’un milieu de recherche entourant la sécurité alimentaire13. C’est lors de cette rencontre entre les
chercheurs d’un peu partout au Québec qu’est d’ailleurs amenée officiellement l’idée d’une Politique
nationale de sécurité alimentaire et que transparaît clairement l’existence de deux visions qui
s’affrontent : la faim comme épiphénomène de la pauvreté (donc obligation de travailler sur les revenus
d’abord et avant tout) et l’insécurité alimentaire - et son corollaire la sécurité alimentaire - comme
problématique sociale et de santé spécifique rattachée au revenu (Delisle et Hamelin, 1997). Les
recherches sur les divers aspects de l’insécurité alimentaire des ménages et sur les impacts des
pratiques communautaires et institutionnelles prennent alors leur envol. Ce domaine de recherche est
récent, particulièrement au Québec, mais une littérature assez importante a été produite au Canada qui
se situe sur différents plans.
Sur le plan théorique, il est possible d’envisager la sécurité alimentaire mondiale de deux manières : soit de façon pragmatique en recherchant les mécanismes juridiques les plus appropriés pour l’assurer, soit de façon plus abstraite, en élevant la sécurité alimentaire mondiale au rang des normes juridiques protégées (Bensalah-Alaoui, 1989 : 27).
En somme, on peut cerner une approche plus technique, voire technocratique et bureaucrate et une
approche des droits de l’homme. Ces approches se reflètent bien dans le milieu de la recherche sur la
sécurité alimentaire au Québec : on retrouve tout un pan de la littérature sur les différentes mesures de
l’insécurité alimentaire et des programmes ou actions pour la combattre; et tout un champ relevant
davantage des impacts des pratiques communautaires et de l’importance des choix politiques et sociaux
dans la lutte à la pauvreté, ou encore pour le droit à l’alimentation. Power (2000) abonde dans le même
13 Ce colloque intitulé « L’action communautaire et les politiques pour la sécurité alimentaire : une question sociale et de
santé » était organisé par deux chercheures diététistes (Hélène Delisle et Anne-Marie Hamelin). Un cahier scientifique a également et produit (voir Delisle et Hamelin, 1997). Notons qu’en 1995, un premier colloque intitulé « Les alternatives au don de nourriture » avait déjà eu lieu.
De la pauvreté à la sécurité alimentaire… Sonia Racine Page 18 de 32
sens en affirmant qu’il existe deux façons d’aborder la problématique : en mettant l’accent sur les
personnes ou en mettant l’emphase sur les systèmes. Même si des initiatives combinant ces deux
approches ont été développées (dans le jardinage collectif et communautaire par exemple), elles ne
touchent pas au problème fondamental de la pauvreté et de ses liens avec le système économique.
Selon cette dernière, le droit à un revenu décent doit être mis à l’avant-scène, tel que le confirme
McIntyre, chercheure dans le domaine de la santé.
Or, la fluctuation du nombre de familles touchées suit la courbe des licenciements et des fins de droit à l’aide sociale et à l’assurance-emploi, de sorte qu’on ne pourra pas enrayer le phénomène sans offrir de meilleurs revenus, que ce soit par l’entremise d’une hausse du salaire minimum ou des prestations d’aide sociale (McIntyre, 2003 : 46).
Compréhension de l’insécurité alimentaire vécue par les personnes et les ménages
En terme de glissement épistémologique socio-sanitaire, c’est tout le volet de la compréhension de
l’insécurité alimentaire qui apparaît avec le plus de netteté. Toute une vague de recherche s’est
développée afin de mieux comprendre qui sont les personnes éprouvant l’insécurité alimentaire, ce
qu’elles vivent au quotidien, ce qu’elles font de leur budget, les stratégies de survie qu’elles utilisent,
leur perception de leur situation socio-économique, de leur santé, de leur réseau social, leur lien avec le
marché de l’emploi, leur degré de scolarisation, etc. (Rainville et Brink, 2001; Brink, 2001; Tarasuk,
2001; Hamelin, Beaudry et Habitch, 1998). On tente de mieux comprendre les « insécurisés
alimentaires », de mieux comprendre leur situation pour être en mesure de mieux intervenir puisqu’on
conçoit que la pauvreté économique n’est pas la seule explication du phénomène de l’insécurité
alimentaire (Hamelin, Beaudry et Habitch, 1998). On remarque rapidement que même si le lien entre
la situation économique des personnes et leur vécu d’insécurité alimentaire est effectué, les
recommandations n’y font pas toujours référence, ou n’y accordent pas beaucoup d’importance.
L’ampleur de cette question politique qu’est la pauvreté nous semblerait-il trop ambitieux ou trop loin
d’une action réalisable? Il y a peut-être là des éléments de compréhension du glissement.
De plus, les mêmes études de nature épidémiologique qui ont été réalisées sur les personnes vivant
dans la pauvreté se répètent. Différentes causes ou facteurs de risque de l’insécurité alimentaire sont
proposées : vulnérabilité structurelle des ménages (enfants de moins de 5 ans, monoparentalité, etc.);
réseau social; argent, temps, information et santé; proportion des ressources disponibles pour l’achat
d’aliments (prix des logements, taxes, soins de santé, etc.) (Hamelin, Beaudry et Habitch, 1998). Les
analyses de régression logistique de Rainville et Brink (2001), présentent les facteurs augmentant les
risques d’insécurité alimentaire des ménages : 1) faibles revenus; 2) appartenance à de jeunes familles
De la pauvreté à la sécurité alimentaire… Sonia Racine Page 19 de 32
avec enfants; 3) limitation d’activités; 4) être locataire; et 5) être autochtone hors réserve; et ajoutent
que toute politique valable devrait cibler ces groupes. N’y a-t-il pas dans ces affirmations des liens
directs à faire avec la situation globale de pauvreté, sinon de grande pauvreté (Rouffignat et al, 2001),
et le contexte d’inégalités sociales? Le tableau suivant fournit un autre exemple troublant de la
situation.
Tableau 3Conséquences de l’insécurité alimentaire pour les ménages
Sécurité alimentaire Insécurité alimentaire
Se concentrent sur leurs buts
Tirent parti des possibilités et prennent des risques
Pensent à l’avenir
Développent leur capital social et humain
Peuvent établir un réseau de soutien
Ont un revenu de travail adéquat
Ont une bonne santé générale
Se concentrent sur la survie, n’ont peut-être pas beaucoup de temps
Manquant de ressort, pas de solution de rechange
Vivent au jour le jour
Ont de la difficulté à investir dans leur développement
N’ont pas un très bon réseau social
Travaillent à faible salaire ou sont sans emploi
Présentent une incapacité ou ont un problème de santé chronique
Source : Rainville et Brink (2001 : 4).
Ces conclusions ne sont pas sans rappeler les nombreuses recherches effectuées sur la pauvreté et sur
ses liens avec d’autres problématiques sociales (santé, santé mentale, violence, réseaux sociaux, etc.).
En décortiquant la réalité de la sorte, nous nous éloignons progressivement d’une analyse globale de la
pauvreté et des inégalités socio-économiques. En cherchant qui sont les plus insécurisés parmi les
insécurisés, et en catégorisant les degrés de l’insécurité de modéré à intense (Brink, 2001), nous
contribuons peut-être au développement de programmes et de services sélectifs qui, bien souvent, ont
tendance à « blâmer la victime » de sa situation.
Détachement de la pauvreté comme source du problème
Les recherches autour du Toronto Food Policy Council contestent l’idée que la faim est essentiellement
attribuable à un manque de revenu salarial. Pour Welsh et MacRae (1998), promoteurs de la
« démocratie alimentaire14 », la perte d’aptitude de la population à acheter et à préparer les aliments et
14 Selon eux, il faut cesser de voir la nourriture comme un simple produit de consommation et les personnes uniquement
comme consommateurs. Notons que Riches (2003) abonde dans le même sens en mentionnant les multiples fonctionssociales, culturelles, biologiques, etc. de la nourriture.
De la pauvreté à la sécurité alimentaire… Sonia Racine Page 20 de 32
à s’alimenter correctement (ce qu’ils nomment le « désapprentissage alimentaire ») est davantage
ciblée comme cause de la faim. Ils suggèrent donc de donner plus de pouvoir à la collectivité pour
qu’elle s’occupe de sa situation. C’est ce que suggère également DiRuggiero (1997) lorsqu’il
mentionne que c’est dans les politiques et programmes locaux et régionaux en intersectorialité que se
trouve la solution, programmes qui pourront ensuite se traduire sur la plan national. Le contexte
économique global est presque entièrement mis de côté pour se concentrer sur la communauté
territoriale. Cela n’est pas sans rappeler l’engouement pour le développement local et ses effets pervers
sur le retrait de l’État (Polèse, 1996). Le travail de « monitoring » de la sécurité alimentaire des
Partenaires pour le développement des la sécurité alimentaire (2000b) sur l’île de Montréal risque-t-il
de nous amener dans la même direction territoriale?
Dispersement dans la recherche
L’adoption du concept de sécurité alimentaire a aussi créé un dispersement phénoménal dans la
recherche et donc également dans les colloques ou forums où l’on discute de ces questions (voir
notamment le programme de la conférence internationale Poverty, Food et Health in Welfare à
Lisbonne en 2003). La globalité du phénomène et ses multiples tentacules (voir schéma 1) amène un
croisement des milieux de recherche qui pourrait certes être souhaitable au départ : diététique et
nutrition, santé, réseaux sociaux, production, distribution et consommation alimentaire, agriculture,
génétique, biotechnologies, écologie, développement durable, etc. Toutefois, pour l’objectif de lutte à
la pauvreté, et bien que tous ces éléments soient liés à notre système économique en bout de ligne, il
devient facile de perdre de vue le caractère sociétal de la question pour se concentrer uniquement sur
les aspects individuels de l’insécurité alimentaire et de négliger de créer les passerelles avec la situation
de pauvreté tant individuelle que collective. Les hauts taux de pauvreté, le manque d’emplois, les
inégalités croissantes, les problèmes de logement et surtout la préférence des gouvernements pour des
politiques sociales et économiques néolibérales empreintes du principe de « less eligibility » (Riches,
2003), doivent être mis à l’avant-plan dans l’analyse des causes de l’insécurité alimentaire, tel que le
confirme cette vaste étude canadienne.
L’accent est mis sur l’accès restreint, inadéquat ou incertain aux aliments en raison de contraintes financières pour indiquer que même si les ressources financières ne représentent qu’un des nombreux facteurs influant sur les habitudes de consommation de la personne, celles-ci constituent néanmoins le principal obstacle à l’accès aux aliments chez les groupes économiquement défavorisés (Tarasuk, 2001 : 2-3).
De la pauvreté à la sécurité alimentaire… Sonia Racine Page 21 de 32
Virage socio-sanitaire
La recherche a également pris un important virage « santé », que ce soit par le type de recherche qui est
réalisé que par le type d’analyse qui en découle (vision épidémiologique). Dans ce virage, on peut
notamment observer une recherche de corrélations statistiques montrant la voie à suivre, la mise sur
pied de programmes ciblées sur des clientèles spécifiques, le regard accentué sur les habitudes de vie et
de consommation de la personne en situation problématique. Le lien entre le social et la santé est
certes probant, de même que celui qui unit insécurité alimentaire et santé, mais il doit se faire, comme
le suggère Dubois (citée dans Rouffignat, 1998), dans l’angle de la réduction des inégalités. Le danger,
comme le souligne Castel, est de se retrouver dans la « gestion prévisionnelle des profils humains ».
Il devient ainsi possible de constituer des flux de population selon n’importe quel critère de différenciation, en particulier les anomalies physiques ou psychiques, les risques dus à l’environnement, les carences familiales, etc. (Castel, 1981 : 131 dans Mayer, Laforest etLindsay, 1990 : 7).
Tout un courant de recherche travaille actuellement à trouver des mesures fiables et valides pour suivre
l’évolution de l’insécurité alimentaire au Québec et au Canada et pour arriver éventuellement à un
programme national de surveillance de l’insécurité alimentaire (Brink, 2001; Rainville et Brink, 2001;
Tarasuk, 2001). Sans nier l’importance de telles mesures, elles doivent absolument se baser sur les
réalités associées à un vécu de pauvreté et à un appauvrissement collectif d’une grande partie de la
population. Le danger de perdre de vue le contexte québécois dans une société mondialisée est énorme.
Bien qu’un courant intéressant de recherche et d’analyse soit présent, effectuant le lien avec
l’établissement de politiques sociales universelles pour le droit à l’alimentation, il demeure un danger
d’oublier les inégalités socio-économiques si la pauvreté est exclue des discours et surtout des analyses
et recommandations et un danger également d’oublier le rôle des États à ce chapitre.
6. Les phases du glissement : dans le milieu institutionnel
Il est plus difficile de cerner les glissements dans le milieu institutionnel qui s’est positionné à la fois
comme partenaire des deux milieux précédents15 (communautaire et de la recherche) et à la fois comme
« leader » de la réflexion sur la notion de sécurité alimentaire. Les Régies régionales de la santé et des
services sociaux par l’entremise de leurs Directions de santé publique sont les institutions désormais
15 Il faut comprendre que plusieurs recherches pancanadiennes ou québécoises sont en lien direct avec des ministères
(santé et services sociaux au Québec) ou d’importantes institutions telles que Santé Canada et Développement des ressources humaines Canada.
De la pauvreté à la sécurité alimentaire… Sonia Racine Page 22 de 32
directement interpellées par les questions d’insécurité alimentaire et de pauvreté. Selon Hamelin et
Bolduc (2003), c’est depuis 1993 que le milieu communautaire fait pression sur l’État, notamment le
Ministère de la Santé et des Services sociaux, pour le développement de politiques sociales et
économiques dans le but d’assurer la sécurité alimentaire.
Alors qu’au départ ces institutions abordaient plus directement le problème de la pauvreté, elles ont
maintenant un engouement pour le concept de sécurité alimentaire et surtout pour l’intersectorialité
locale et régionale où les dimensions structurelles de la pauvreté (les causes) risquent de s’effacer au
profit d’une action locale visant à redorer l’estime de soi des personnes en situation d’insécurité
alimentaire, ou mieux, à développer leur pouvoir d’agir (empowerment). Bien que l’importante
recherche menée au Québec sur les pratiques alternatives dans une perspective de développement
social pour le compte du Ministère de la Santé et des Services sociaux par Rouffignat et al. (2001) ait
clairement affirmé l’importance de la lutte à la pauvreté et aux inégalités sociales sur le plan politique,
nos observations nous amènent à constater que ce n’est pas ce qui a été prioritairement retenu, sans être
complètement évacué.
Il faut noter que le milieu institutionnel est le principal bailleur de fonds tant pour le milieu de la
recherche que pour le milieu communautaire. Le glissement peut donc être perçu de façon linéaire
partant du milieu institutionnel, passant par la recherche et aboutissant dans les pratiques
communautaires. Cela n’est pas sans rappeler la critique des organismes communautaires autonomes
qui se sentent souvent utilisés par le réseau public et qui sentent leur autonomie menacée par les
programmes spécifiques, les ministères assignés, le financement par projets, l’inclusion dans les
priorités établies par l’État, etc. (Consultations sur la Politique de reconnaissance des organismes
communautaires). Le milieu de la recherche devrait peut-être également être plus interpellé par cette
épineuse question de l’autonomie.
Toutefois, la réalité n’est pas aussi simple. À la fois les chercheurs, les personnes qui agissent au sein
des institutions et dans le milieu communautaire subissent les influences les uns des autres et il serait
trop facile de ne voir dans cette situation de glissement qu’un complot planifié pour détourner les
organismes communautaires (et les chercheurs progressistes en service social notamment) de leur
mission originale. Certes, le virage « santé » pris par nos gouvernements depuis une quinzaine
d’années n’est pas étranger à l’enlignement de la recherche et des pratiques en ce sens. Mais il faut
aussi voir que les organismes communautaires ont « embarqué » dans ce virage. La création
De la pauvreté à la sécurité alimentaire… Sonia Racine Page 23 de 32
d’organismes de services à des « clientèles » spécifiques fait partie de cette réalité décriée
principalement par les organismes de défense des droits et d’éducation populaire.
La question de la sécurité alimentaire commence à faire son chemin dans les diverses institutions au
Québec et on assiste ici aussi à un dispersement d’action et de réflexion en raison de la globalité de la
définition. À titre d’exemple, la Commission de l’agriculture, des pêcheries et de l’alimentation
amorce une consultation générale sur les « nouveaux enjeux du secteur bioalimentaire de la ferme à la
table, notamment au chapitre des OGM, de la traçabilité et de l’étiquetage, afin d’améliorer le niveau
de la sécurité alimentaire au Québec » (2003). À l’évidence, il ne s’agit pas des mêmes enjeux qui sont
traités sur le concept de sécurité alimentaire.
Mais pourquoi cet engouement pour la sécurité alimentaire? Une hypothèse pourrait être que cela
donne la solution pour un problème social considéré grave, solution pour laquelle tous ne peuvent
qu’être en accord. Cela donne peut-être l’impression d’avoir de la « prise » sur le problème, ce qui
n’est pas nécessairement le cas pour la pauvreté. Avec la perte de projets de société au Québec, la
perte d’une utopie collective dans laquelle croire, il devient difficile d’imaginer une société sans
pauvreté. Quoiqu’il faille reconnaître sur ce plan le travail colossal et encourageant du Collectif pour
un Québec sans pauvreté qui a ramené sur la place publique l’utopie d’un Québec sans pauvreté. Mais
pour une institution qui travaille généralement avec une approche planifiée, segmentée et cartésienne
(ce que Jocelyne Lamoureux nomme « l’obsession gestionnaire planificatrice »), cela est trop vague.
La sécurité alimentaire fournit un cadre dans lequel il apparaît plus facile d’avancer et de planifier.
Elle apparaît également plus accessible et fournit un regard positif sur la situation (plutôt que de
travailler contre l’insécurité alimentaire, on travaille pour la sécurité alimentaire). On peut même avoir
des « recettes » presque toutes faites pour y arriver, prenant en considération les conditions de la
sécurité alimentaire territoriale par exemple (Hugh, dans Rouffignat et al., 2001). L’idée n’étant pas de
critiquer le fait d’avoir des horizons clairs et des pistes de solution, mais plutôt de voir quelle
récupération en est faite et surtout dans quel contexte.
7. Les écueils du passage de la pauvreté à la sécurité alimentaire
Bien que plusieurs écueils aient déjà été soulignés dans les sections précédentes, il apparaît primordial
d’y revenir spécifiquement. En effet, les enjeux sont majeurs pour tous les milieux concernés, mais
principalement pour tout le milieu communautaire dans ses objectifs de transformation sociale. L’objet
De la pauvreté à la sécurité alimentaire… Sonia Racine Page 24 de 32
de cette section est ainsi d’analyser les dangers des glissements observés et de cerner comment ceux-ci
servent les intérêts de la perspective néolibérale.
On peut actuellement cerner une dépolitisation de la faim au profit d’une « socio-sanitarisation », celle-
ci n’étant pas uniquement lié à la croissance et à l’institutionnalisation des banques alimentaires et donc
à la réponse charitable permettant à l’État de se désengager de ses responsabilités tel que le soutiennent
Riches (2003) et Hay (2000). Le milieu de la recherche et l’obsession gestionnaire des institutions ont
également leur rôle à jouer dans ce processus, de même que la croissance des pratiques alternatives au
dépannage alimentaire qui risquent de créer un réseau parallèle d’accès à la nourriture ou un « cocon »
duquel les personnes ne voudront plus sortir (Rouffignat et al., 2001). Cela risque de nous mener à
l’oubli des conditions structurelles à transformer (Boulianne, 2001). La faim et l’insécurité alimentaire,
comme le mentionnent plusieurs auteurs et organisations sur le terrain, sont en effet des questions
profondément politiques liées au système économique capitaliste, qui exigent des décisions politiques
(Hamelin et Bolduc, 2003; McIntyre, 2003; Riches, 2003; Ziegler, 2002; Madeley, 2002; Rouffignat et
al., 2001; Hay, 2000; Power, 2000; Courade, 1998; Buckinham, 1998; Lang, 1997; Leduc Gauvin,
1997; Lemieux, 1997). Selon certains, la faim est même devenue un instrument d’oppression
économique (Ziegler, 2002; Madeley, 2002; Lang, 1997). On assiste graduellement à la perte d’une
analyse globale et politique au profit d’un éparpillement dans plusieurs sphères qui ne sont pas en lien
direct avec l’existence d’une pauvreté grandissante, ce qui, au Québec, apparaît fondamental pour
traiter de cette question. Pour Gilles Duquette, agissant alors comme président de la Fédération des
Moissons du Québec, le débat sur la question de la sécurité alimentaire est artificiel.
En fait, il constitue un véritable détournement idéologique puisqu’en parlant de la sécurité alimentaire plutôt que de la pauvreté et des inégalités sociales, l’État renvoie la question de l’accessibilité à la nourriture vers un traitement de type « épidémiologique ». Il évite ainsi un débat sur le renouvellement du contrat social, le respect des droits des plus démunis et l’établissement d’une société plus juste, sinon plus égalitaire (Rouffignat, 1998 : 333-334).
En amenant les organismes de terrain à s’engager dans l’atteinte de la sécurité alimentaire, il devient
très difficile pour eux de continuer à s’associer avec les autres groupes de lutte à la pauvreté,
notamment en raison du temps qu’exigent ces nouvelles concertations intersectorielles et en raison des
multiples dimensions travaillées dans ces comités (transport, prix des aliments, existence de
supermarchés, agriculture, etc.). Il devient facile de perdre de vue une analyse globale de la situation et
de subir des dérapages quant aux positions idéologiques prises et aux actions prioritaires à mettre de
l’avant.
De la pauvreté à la sécurité alimentaire… Sonia Racine Page 25 de 32
Ouvrir un nouveau champ de recherche et d’intervention semble également nous éloigner d’une
analyse globale qui fait le lien avec le système économique dans lequel nous vivons, système sur lequel
les gouvernements s’appuient pour l’élaboration des politiques sociales. Certains iront même jusqu’à
dire que les décisions actuelles du gouvernement libéral au Québec rappellent étrangement les
programmes d’ajustements structurels exigés par la Banque Mondiale à certains pays en situation
d’endettement. Il y a donc création d’un nouveau « silo » d’intervention et de recherche, et par le fait
même la création d’une nouvelle clientèle à qui offrir des services, ce qui produit toute une nouvelle
littérature, le plus souvent très pertinente et utile pour tous les milieux concernés, mais qui nous éloigne
certainement d’une analyse de la pauvreté dans un contexte de mondialisation.
L’intersectorialité apparaît comme une tentative d’examiner les enjeux de la sécurité alimentaire dans
une perspective globale. En effet, elle suggère l’idée que plusieurs secteurs sont concernés par la
problématique de l’insécurité alimentaire et de la pauvreté, et que plusieurs aspects doivent être pris en
considération (production, distribution, consommation, durabilité, salubrité, accessibilité, etc.).
Toutefois, cette intersectorialité semble éloigner les préoccupations globales au profit de divers enjeux
très spécifiques, et risque même en bout de ligne de diviser les organismes d’aide alimentaire de ceux
de lutte à la pauvreté, comme si ces deux aspects n’étaient plus intimement liés. Avec l’accent mis sur
les nouvelles concertations intersectorielles dans le cadre du financement de projets en sécurité
alimentaire (perçues comme une panacée), c’est à se demander si, comme l’affirme Jean-Paul Faniel,
coordonnateur de la Table de concertation sur la faim et le développement social du Montréal
métropolitain (Therrien, 2003), les concertations semblent devenues les objectifs à atteindre plutôt
qu’un moyen pour atteindre les objectifs. De plus, il faut se demander quels sont les réels intérêts des
divers acteurs à changer le système en place ou plutôt à le conserver. Cette question fondamentale ne
semble pas posée actuellement.
L’effacement des concepts de faim et de pauvreté au profit de la notion de sécurité alimentaire risque
également de conduire à la banalisation du phénomène et à un déplacement de l’indignation populaire.
Si celle-ci s’insurgeait de l’existence des banques alimentaires dans un pays d’abondance alimentaire
comme le Canada, elle semble aujourd’hui davantage indignée du fait qu’une personne ait reçu plus
qu’un panier de Noël. Rarement voit-on les personnes s’indigner de la maigreur du chèque
d’assistance-emploi. L’arrivée du concept de sécurité alimentaire et de l’accès aux denrées
alimentaires vient consolider cette banalisation et catalyser les énergies ailleurs que sur l’existence
honteuse de la pauvreté chez nous. Quand le premier ministre du Canada se fait semoncer aux Nations
De la pauvreté à la sécurité alimentaire… Sonia Racine Page 26 de 32
Unies sur la pauvreté des enfants et qu’il répond que le Canada a des banques alimentaires pour
subvenir aux besoins de ces enfants, on cerne tout à fait la gravité du glissement qui se produit
actuellement16.
Il s’agit d’ailleurs d’un autre danger entourant l’adoption du concept de sécurité alimentaire : faire en
sorte que les personnes aient une nourriture saine à se mettre sous la dent, mais sans égard aux
inégalités sociales. Le programme des « food stamps » aux Etats-Unis, qui est très critiqué, est peut-
être le chemin glissant sur lequel nous nous engageons si nous perdons la pauvreté et les inégalités
comme points de mire.
La sécurité alimentaire est actuellement beaucoup analysée dans une perspective locale et régionale,
alors que les enjeux sont à un tout autre niveau. Quant à l’insécurité alimentaire, elle est le plus
souvent abordée dans un angle individuel et familial. Il est important d’analyser les effets de cette
« individualisation » de la problématique sur la création de sous-catégories de pauvres et même de
sous-catégories parmi les personnes vivant de l’insécurité alimentaire. Assistons-nous à la création des
« bons affamés » et des « mauvais affamés »; ceux qui font ce qu’il faut pour s’en sortir17 et ceux qui
ne le font pas, à l’instar des jugements actuels sur les bons et les mauvais pauvres? Il y a d’importants
écueils à « tomber » dans l’éducation alimentaire et la meilleure gestion de ses maigres ressources en
mettant de côté (ou en remettant à plus tard) tout le travail politique à faire.
Avec l’orientation prise par les Directions de santé publique sur la sécurité alimentaire (et le possible
financement pour les groupes communautaires qui suivra), il devient impératif d’analyser si les
organismes ne sont pas en train d’être embrigadés (sans que cela soit machiavélique de la part des
institutions) dans une façon de faire qui risque de produire de dangereux dérapages quant aux valeurs et
aux principes de l’action communautaire autonome. Cette perte graduelle du contexte socio-politico-
économique dans l’analyse des enjeux de la faim semble voiler les réalités associées au contexte de
mondialisation néolibérale que nous connaissons et en sert même finalement les intérêts.
16 Jean-Yves Desgagnés, coordonnateur du Front commun des personnes assistées sociales du Québec, le mentionnait lors
d’une communication présentée lors du premier Congrès de l’AQBAM au printemps 2003 où il a offert un plaidoyer en faveur de l’action politique quant au rôle « pernicieux » des banques alimentaires.
17 Profiter des spéciaux, cuisiner de façon économique, étirer ses restes de table, aller dans un groupe d’achats, faire un budget, cuisiner avec d’autres, etc., comme si ces stratégies de survie étaient la voie pour « s’en sortir ». Certes, il est possible que les personnes ne soient plus en situation d’insécurité alimentaire, mais elles demeurent pauvres.
De la pauvreté à la sécurité alimentaire… Sonia Racine Page 27 de 32
Conclusion
Ce travail a permis de mettre en lumière les enjeux entourant l’adoption, tant des institutions que des
milieux de pratique et de la recherche, du concept de sécurité alimentaire pour agir sur l’insécurité
alimentaire. L’apparition de cette nouvelle problématique sociale et de son corollaire, la sécurité
alimentaire, ont été présentées et définies. Un travail d’analyse a également été réalisé sur le
glissement sémantique et épidémiologique vécu dans trois secteurs principalement engagés dans cette
problématique, et les principaux écueils ont été soulignés. Quelle voie faut-il suivre désormais
considérant les multiples dangers qui ont été soulignés?
Si nous faisons le choix de mettre l’alimentation au centre de la lutte et de le faire dans une perspective
de droits (Riches, 2003; Delisle et Shaw, 1998), il faudra une position politique claire qui ne sera pas
détachée du contexte global d’inégalités socio-économiques dans lequel nous évoluons (Buckingham,
1998). Si l’approche des droits apparaît pertinente pour poser le défi de la dépolitisation de la faim
dans nos sociétés prospères, notamment par l’utilisation efficace des leviers internationaux à notre
portée (Riches, 2003), elle ne doit pas négliger les liens avec les autres droits humains et ne pas se
confiner à l’alimentation. Si un travail politique de la part des organismes communautaires, et tout
particulièrement avec les personnes en situation d’insécurité alimentaire (Rouffignat et al., 2001), est à
réaliser, il ne doit pas seulement se faire dans une approche de concertation intersectorielle, celle-ci
ayant la facheuse tendance à faire taire les voix dissonnantes, mais bien dans une approche à la fois
collaboratrice et conflictuelle (Riches, 2003). S’il y a nécessité d’une convergence des acteurs en
faveur de la sécurité alimentaire, cela n’exclut en aucun cas la nécessité d’une pression politique
citoyenne.
Autant les milieux communautaires, institutionnels que de la recherche doivent se questionner sur leur
rôle dans l’évolution et les glissements observés en matière de sécurité alimentaire, et surtout sur
l’importance d’en analyser les enjeux à la lumière du contexte. Si l’action entreprise visant à sortir les
personnes de leur isolement, à recréer des réseaux sociaux significatifs, à rehausser l’estime de soi et à
susciter la prise en charge individuelle et collective ne s’accompagnent pas dès maintenant d’un
discours et d’une action politique, nous sommes voués à gérer l’insécurité alimentaire et la pauvreté
dans un système capitaliste mondialisé où la recherche du profit prime sur le bien-être des individus et
des collectivités. Dans la perspective de la création d’une Politique nationale de sécurité alimentaire, il
ne faudra pas négliger ces enjeux.
De la pauvreté à la sécurité alimentaire… Sonia Racine Page 28 de 32
Bibliographie
Assemblée nationale Québec (2003). Journal des débats. Consultations sur le projet de loi 112 [En ligne]. http://www.assnat.qc.ca/fra/Publications/debats/journal/cas/021015.htm (Site consulté le 12 novembre 2003).
Association canadienne des banques alimentaires – ACBA (2003). Énoncé de position sur la Déclaration de Rome sur la sécurité alimentaire mondiale et le progrès du Canada par rapport à ses engagements domestiques d’améliorer l’accès à l’alimentation. Totonto : Auteur, 17 pages.
Beeman, J., Panet-Raymond, J. et Rouffignat, J. (1996). Du dépannage alimentaire au développement communautaire. Des pratiques alternatives. Guide d’animation, École de service social de l’Université de Montréal, cahier de 10 fiches avec documents d’accompagnement.
Beeman, J., Panet-Raymond, J., Racine, S., Rheault, J. et Rouffignat J. (1997). « Les groupes d’aide alimentaire pour les personnes défavorisées : lieux de sociabilité ou de gestion de la pauvreté ? ». Cahiers de recherche sociologique, no 29, La pauvreté en mutation : 43-58.
Bensalah-Alaoui, A. (1989). La sécurité alimentaire mondiale. Bibliothèque de droit international,Tome 99, Paris: Librairie générale de droit et de juriceprudence, 29-98.
Boulianne, M. (2001). « L’agriculture urbaine au sein des jardins collectifs québécois. Empowermentdes femmes ou « domestication » de l’espace public ? ». Anthropologie et Sociétés, vol 25, no 1 : 63-80.
Brink, S. (2001). L’absence de sécurité alimentaire: analyse documentaire ciblée et cadre de recherché. Ottawa : Direction générale de la recherche appliquée, Politique stratégique, Développement des ressources humaines Canada, 23 pages.
Buckingham, D. E. (1998). « Food Rights and Food Fights : A Preliminary Legal Analysis of the Results of the World Food Summit ». Revue canadienne d’études du développement, volume XIX, numéro spécial, Delisle, H. et Shaw, D. J., rédacteurs invités, Université d’Ottawa et Association canadienne d’études du développement international : 209-236.
Centraide Québec (2000). Une société qui se tire dans le pied. Lettre ouverte à toutes les personnes qui ne se sentent pas concernées par la pauvreté… et à toutes les autres. Québec : Solidarité pour vaincre la pauvreté, 31 pages.
Che, J. et Chen, J. (2001). L’insécurité alimentaire dans les ménages canadiens. Ottawa : Statistique Canada, Rapports sur la santé, vol. 12, no 4 : 11-24.
Collectif pour un Québec sans pauvreté (2003). [En ligne]. http://www.pauvrete.qc.ca (Site consulté le 12 décembre 2003).
Commission de l’agriculture, des pêcheries et de l’alimentation (2003). Consultation générale. Les nouveaux enjeux de la sécurité alimentaire au Québec. [En ligne] http://www.assnat.qc.ca/fra/37legislature1/commissions/capa/avis1.html (Page consulté le 17 décembre 2003).
Côté, É., Racine, S. et Rouffignat, J. (1995). « Appauvrissement, aide alimentaire et organismes communautaires. De la compréhension à l’action ». Service social, vo. 44, no 3 : 95-114.
Courade, G. (1998). « Ajustement structurel et ouverture des marchés : moins de pénuries, mais de nouveaux risques alimentaires ». Revue canadienne d’études du développement, volume XIX, numéro spécial, Delisle, H. et Shaw, D. J., rédacteurs invités, Université d’Ottawa et Association canadienne d’études du développement international : 123-139.
De la pauvreté à la sécurité alimentaire… Sonia Racine Page 29 de 32
Delisle, H. et Hamelin A.-M. (1997). « Conclusions et perspectives ». L’action communautaire et les politiques pour la sécurité alimentaire : une question sociale et de santé. Actes du colloque tenu le 14 mai 1996 au 64e Congrès de l’ACFAS, Cahier scientifique 91, sous la dir. de H. Delisle et A.-M. Hamelin : 97-109.
Delisle, H. et Shaw, D. J. (1998). « Introduction. La quête de la sécurité alimentaire au XXIe siècle ». Revue canadienne d’études du développement, volume XIX, numéro spécial, Delisle, H. et Shaw, D. J., rédacteurs invités, Université d’Ottawa et Association canadienne d’études du développement international : 21-35.
Di Ruggiero, E. (1997). « Politiques de sécurité alimentaire à l’échelle provinciale et locale : quelques exemples en Ontario ». L’action communautaire et les politiques pour la sécurité alimentaire : une question sociale et de santé. Actes du colloque tenu le 14 mai 1996 au 64e Congrès de l’ACFAS, Cahier scientifique 91, sous la dir. de H. Delisle et A.-M. Hamelin : 59-73.
Dubois, L., Bédard, B., Girard, G., Bertrand, L. et Hamelin, A.-M. (2000). « Alimentation : perceptions, pratiques et insécurité alimentaire ». Enquête sociale et de santé 1998. Québec : Institut de la statistique du Québec, chapitre 6 : 149-170.
Gauvin, J. L., Cossette, M., Lépine, L., Malette, M. et Langlois, A. (1996). Agir ensemble pour contrer l’insécurité alimentaire. Montréal : Ordre professionnel des diététistes du Québec, 36 pages.
Hamelin, A.-M. et Bolduc, N. (2003). « La sécurité alimentaire à l’agenda politique québécois ». Service social, vol. 50 : 57-80.
Hamelin, A.-M., Beaudry, M., et Habitch, J.-P. (1998). « La vulnérabilité des ménage à l’insécurité alimentaire ». Revue canadienne d’études du développement, volume XIX, numéro spécial, Delisle, H. et Shaw, D. J., rédacteurs invités, Université d’Ottawa et Association canadienne d’études du développement international : 277-306.
Hay, D. I. (2000). « School Food Programs : A good choice for children ? ». Perception, vol. 23, no 4, Conseil canadien de développement social, 6 pages [En ligne]. http://www.ccsd.ca/perception/234/sf.htm (Page consultée le 22 novembre 2003).
Lang, T. (1997). « Dividing up the cake : food as social exclusion ». Britain divided. The growth of social exclusion in the 1980s and 1990s. A. Walker et C. Walker, ed., London: CPAG: 213-228.
Langlois, S. (1994). « Conclusion et perspectives: fragmentation des problèmes sociaux ». Traité des problèmes sociaux, sous la dir. de F. Dumont, S. Langlois et Y. Martin, Québec, IQRC: 1107-1127.
Leduc Gauvin, J. (1997). « L’action communautaire pour la sécurité alimentaire ». L’action communautaire et les politiques pour la sécurité alimentaire : une question sociale et de santé. Actes du colloque tenu le 14 mai 1996 au 64e Congrès de l’ACFAS, Cahier scientifique 91, sous la dir. de H. Delisle et A.-M. Hamelin : 47-58.
Lemieux, V. (1997). « Conditions à l’adoption de politiques de sécurité alimentaire au Québec ». L’action communautaire et les politiques pour la sécurité alimentaire : une question sociale et de santé. Actes du colloque tenu le 14 mai 1996 au 64e Congrès de l’ACFAS, Cahier scientifique 91, sous la dir. de H. Delisle et A.-M. Hamelin : 75-81.
Madeley, J. (2002). Le commerce de la faim. La sécurité alimentaire sacrifiée à l’autel du libre-échange. Paris : Enjeux Planète, 259 pages.
Maxwell, S. (1998). « International Targets for Poverty Reduction and Food Security : A Mildly Sceptical but Resolutely Pragmatic View of a Call for Greater Subsidiarity ». Revue canadienne
De la pauvreté à la sécurité alimentaire… Sonia Racine Page 30 de 32
d’études du développement, volume XIX, numéro spécial, Delisle, H. et Shaw, D. J., rédacteurs invités, Université d’Ottawa et Association canadienne d’études du développement international : 77-96.
Mayer, R. et Laforest, M. (1990). « Problème social: le concept et les principales écoles théoriques ». Service social, vol. 39, no 2: 13-43.
Mayer, R., Laforest, M. et Lindsay, J. (1990). « Problèmes sociaux et service social ». Service social, vol. 39, no 2: 5-12.
McIntyre, L. (2003). « Food Security : More Than a Determinant of Health ». Options politiques, mars: 46-51.
Moisson Québec (2003). Rapport annuel. Québec : Auteur, 31 pages.
Partenaires pour le développement de la sécurité alimentaire (2000). « Sortir de l’impasse. Comprendre et agir au-delà de la faim. Le colloque du 9 et 10 novembre 1999 ». Des gestes plus grands que la panse, dossier 3, 8 pages.
Partenaires pour le développement de la sécurité alimentaire (2000b). « Le monitoring de la sécurité alimentaire : Comment ? Pourquoi ? ». Des gestes plus grands que la panse, dossier 4, 6 pages.
Polèse, M. (1996). « Le développement local, revu et corrigé: récit d’une douce illusion dangereuse ». Le Québec des régions : vers quel développement ? sous la dir. de S. Côté, J.-L. Klein et M.-U. Proulx, Collection Tendances et débats en développement régional, Rimouski : GRIDEQ (en coll. Avec le GRIR-UQAC) : 321-335.
Poverty, Food & Health in Welfare. Current issues, futures perspectives (2003). Final programme. International conference, July 1-4, 2003, Lisbon, Postugal [En ligne]. http://www.pfh2003.org (Site consulté le 12 novembre 2003).
Power, E. (2000). Making Connections : Poverty, Food and Food Security. Building Food Security in Nova Scotia. Communication aux ateliers: The Challenges and Strategies for Action, juin, Antigonish: 5-6.
Racine, S. et St-Onge, M. (2000). «Les cuisines collectives: une voie vers la promotion de la santé mentale». Revue Canadienne de Santé Mentale Communautaire, vol. 19, no 1 : 37-62.
Rainville, B. et Brink, S. (2001). L’insécurité alimentaire au Canada, 1998-1999. Ottawa : Direction générale de la recherche appliquée, Politique stratégique, Développement des ressources humaines Canada, 49 pages.
Regroupement des cuisines collectives du Québec – RCCQ (2003). Les cuisines collectives en chiffres. [En ligne] http://www.rccq.org/publications/statistiques.html#chiffres (Site consulté le 12 décembre 2003).
Rheault, J., Racine, S., Panet-Raymond, J., et Rouffignat, J. (2000). Réfléchir, innover, agir. Guide de formation et d’animation. Moisson Québec et Centre de formation populaire, 87 pages.
Riches, G. (2002). « Food Bank and Food Security : Welfare Reform, Human Rights and Social Policy. Lessons from Canada? ». Social Policy and Administration, vol. 36, no 6: 648-663.
Riches, G. (2003). Food Poverty and Food Justice: Challenges and Possibilities for Social Policy in the Rich World. Communication présentée lors de la Conférence internationale “Poverty, Food and Health in Welfare” le 2 juin 2003, 12 pages.
De la pauvreté à la sécurité alimentaire… Sonia Racine Page 31 de 32
Robichaud, J.-B., Guay, L., Colin, C. et Pothier M. (1994). Les liens entre la pauvreté et la santé mentale : de l’exclusion à l’équité. Boucherville : Comité de la santé mentale du Québec et Gaëtan Morin Éditeur, 247 pages.
ROC-03 (2003). Pour que cesse l’insécurité alimentaire. Document de consultation des organismes communautaires en santé et services sociaux de la région de 03, Québec : auteur, 29 pages.
Rouffignat, J. (1998). Sécurité alimentaire, pauvreté et développement communautaire : liens et perspectives d’action au Québec ». Revue canadienne d’études du développement, volume XIX, numéro spécial, Delisle, H. et Shaw, D. J., rédacteurs invités, Université d’Ottawa et Association canadienne d’études du développement international : 331-337.
Rouffignat, J., Panet-Raymond, J., Dubois, L., Lamontagne, P., Cameron, S. et Girard, M. (2001). De la sécurité alimentaire au développement social. Les effets des pratiques alternatives dans les régions du Québec. 1999-2000. Rapport synthèse. Québec, 181 pages.
Rouffignat, J., Racine, S. et Côté, É. (1996). Appauvrissement, aide alimentaire et organismes communautaires: de la compréhension à l’action. Rapport de recherche. Québec : Moisson Québec, Table d’interaction sur la faim de Québec et Centre de recherche en aménagement et développement (C.R.A.D.) de l’Université Laval, 165 pages.
Société de St-Vincent de Paul (2003). Récits vincentiens [En ligne]. http://www.ssvp.ca/fr/recits_vincentiens.php (Site consulté le 12 novembre 2003).
Statistique Canada (2003). Fréquence du faible revenu au sein de la population vivant dans des ménages privés, provinces [En ligne]. http://www.stacan.ca/français/Pgdb/famil60b_f.htm (Page consultée le 18 décembre 2003).
Table d’interaction sur la faim de Québec et Moisson Québec (1994 à 2001). Actes des colloques. Québec.
Table de concertation sur la faim et le développement social du Montréal métropolitain (1995 à 2002). Bulletins À Table. Montréal.
Tarasuk, V. (2001). Document de travail sur l’insécurité alimentaire individuelle et des ménages. Ottawa : Rapport de recherche, Santé Canada, 92 pages.
Therrien, I. (2003). « La Table de concertation sur la faim et le développement social du Montréal Métropolitain : pour une perspective citoyenne… ». Développement social, vol. 4, no 1 : 27-29.
Toronto Food Policy Council (2003). Food Policy – Discussion Paper Series (Résumés de 15 articles de 1995 à 2001) [En ligne]. http://www.city.toronto.on.ca/health/tfpc_discussion_paper.htm (site consulté le 12 novembre 2003).
Welsh, J. et MacRae, R. (1998). « Food Citizenship and Community Food Security : Lessons from Toronto, Canada ». Revue canadienne d’études du développement, volume XIX, numéro spécial, Delisle, H. et Shaw, D. J., rédacteurs invités, Université d’Ottawa et Association canadienne d’études du développement international : 237-255.
Ziegler, J. (2002). Les nouveaux maîtres du monde et ceux qui leur résistent. Paris : Fayard, 370 pages.
De la pauvreté à la sécurité alimentaire… Sonia Racine Page 32 de 32
Autres ouvrages et sites consultés
Association canadienne des banques alimentaires (2003b). À propos de l’ACBA [En ligne]. http://www.cafb-acba.ca/about_f.cfm (page consultée le 12 novembre 2003).
Association canadienne des banques alimentaires (2003c). La faim en milieu rural au Canada. Toronto : Auteur, 6 pages.
Centraide Québec (1998). Une société en déficit humain. Rapport sur les conséquences sociales de l’appauvrissement. Québec : Solidarité pour vaincre la pauvreté, 27 pages.
Conseil national du bien-être social (2003). Bulletin de faits : seuils de pauvreté 2002 [En ligne]. http://www.ncwcnbes.net/htmdocument/principales/pocertylinefrancais.htm (Page consultée le 18 décembre 2003).
Conseil national du bien-être social (2003). Le coût de la pauvreté [En ligne]. http://www.ncwcnbes.net/htmdocument/reportcostpovertyF/CostpovertyFre.html (Page consultée le 18 décembre 2003).
Daily Bread Food Bank (2001). How do they cope? How food recipients deal with poverty. Toronto: Auteur, 4 pages.
Haut Commissaire des Nations Unies aux Droits de l’Homme (2003). Le droit à l’alimentation. Résolution de la Commission des droits de l’homme 2000/10 [En ligne]. http://www.unhchr.ch/huridocda/huridoca.nsf/(Symbol)/E.CN.4.RES.2000.10.Fr (Page consultée le 7 novembre 2003).
Heimann, C. (2003). Perceptions d’un problème : Rapport sur la faim ; Mise à jour concernant les tendances. Totum Research pour l’ACBA, 10 pages.
McIntyre, L. (2003b). Social Inclusion and Food Security. Communication à la 2003 Social Inclusion Conference (résumé de la présentation PowerPoint), 17 pages.
Orchard, L., Roberts, W., et Spenser, B. (2003). « Three Conflicting ( ?) Perspectives on Food Insecurity in Canada ». Il est temps d’agir. Congrès sur les politiques sociales canadiennes 2003[En ligne]. http://ccsd.ca/cswp/2003/papers/abstracts/orchard-roberts-spencer.htm (Page consultée le 11 novembre 2003).
Power, E. M., Sheeshka, J. D. et Heron, A. L. (1998). « Canadian dietitian’s understanding of food security ». Journal of Nutrition Education, vol. 30, no 1: 45-49.
Riches, G. (1986). « Les banques d’aliments et l’effondrement des garanties minimales de l’assistance sociale au Canada ». Revue internationale d’action communautaire, 16/56 : 161-170.
Riches, G. (1992). « Combatting Child Hunger in a Canadian City ». Revue canadienne de service social, vol. 9, no 2: 153-167.
Simpson, L. (2000). Perceptions d’un problème : Rapport sur la faim. Totum Research pour l’ACBA, 5 pages.
Tarasuk, V. et Eakin, J. M. (2003). « Charitable food assistance as symbolic gesture : an ethnographic study of food bank in Ontario ». Social Science and Medecine, no 56: 1505-1515.