sommeil : la déferlante ?

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Rev Mal Respir 2007 ; 24 : 279-80 © 2007 SPLF. Édité par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés Doi : 10.1019/20064221 279 Éditorial Sommeil : la déferlante ? M.P. d’Ortho Est-ce un hasard, heureux, du calendrier qui fait quasi coïncider ce numéro largement dévolu au sommeil à travers quatre articles, et la conférence de presse du Ministre Xavier Bertrand du 29 janvier 2007, identifiant le sommeil comme une priorité de santé publique ? (http://www.sante.gouv.fr/ htm/actu/33_070129xb.pdf et sante.gouv.fr/htm/actu/som- meil_290107/dossier_de_presse.pdf ). La réponse n’est pas uni- voque, comme toujours. Oui bien sûr, il s’agit d’un hasard et rien n’a été prémédité dans le timing de soumission de ces articles au comité de lecture de la Revue des Maladies Respira- toires et leur acceptation. Non, évidemment il ne s’agit pas d’un hasard : le sommeil occupe une part de plus en plus importante dans l’exercice de notre spécialité, à travers la prise en charge des rhonchopathies et autres syndromes d’apnées du sommeil (SAS), pour parfois même représenter un exercice presque exclusif pour certains d’entre nous, tant en pratique libérale qu’hospitalière. Il est donc attendu que de nombreuses publications y soient consacrées dans notre journal. On ne peut que se réjouir si par ailleurs cette acti- vité croissante s’accompagne de la prise de conscience chez nos politiques de l’importance de la question et féliciter tous ceux qui ont œuvré à cette prise de conscience à travers l’éla- boration d’un volumineux rapport sur la question (http:// www.sante.gouv.fr/htm/actu/sommeil_giordanella_1206/rap- port_ sommeil_giordanella.pdf ). Dans le programme d’actions sur le sommeil présenté par le ministre, la prise en charge du SAS est reconnue comme une priorité de santé. Il était bien temps : notre prati- que quotidienne nous montre des « hordes » de patients, piaf- fant à la porte des consultations, ce que viennent confirmer les travaux présentés dans ce numéro de la RMR. Ces quatre articles apportent des éléments de réponse dans un large éven- tail de questions : de sa prévalence [1, 2], son défaut de dia- gnostic [3], la comorbidité associée [1, 3], les méthodes diagnostiques [4], jusqu’au manque d’implication des méde- cins traitants dans sa prise en charge [3]. La prévalence du SAS estimée dans les premiers travaux à 2 % des hommes et 4 % des femmes entre 35 et 60 ans Réception version princeps à la Revue : 05.02.2007. Acceptation définitive : 06.02.2007. Correspondance : M.P. d’Ortho AP-HP, Groupe Henri Mondor-Albert Chenevier, Service de Physiologie, Explorations Fonctionnelles, 51 avenue du Maréchal de Lattre de Tassigny, 94000 Créteil. AP-HP, Groupe Henri Mondor-Albert Chenevier, Service de Physiologie, Explorations Fonctionnelles, Créteil, France. [email protected]

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Rev Mal Respir 2007 ; 24 : 279-80 © 2007 SPLF. Édité par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservésDoi : 10.1019/20064221

279

Éditorial

Sommeil : la déferlante ?

M.P. d’Ortho

Est-ce un hasard, heureux, du calendrier qui fait quasicoïncider ce numéro largement dévolu au sommeil à traversquatre articles, et la conférence de presse du Ministre XavierBertrand du 29 janvier 2007, identifiant le sommeil commeune priorité de santé publique ? (http://www.sante.gouv.fr/htm/actu/33_070129xb.pdf et sante.gouv.fr/htm/actu/som-meil_290107/dossier_de_presse.pdf). La réponse n’est pas uni-voque, comme toujours. Oui bien sûr, il s’agit d’un hasard etrien n’a été prémédité dans le timing de soumission de cesarticles au comité de lecture de la Revue des Maladies Respira-toires et leur acceptation. Non, évidemment il ne s’agit pasd’un hasard : le sommeil occupe une part de plus en plusimportante dans l’exercice de notre spécialité, à travers laprise en charge des rhonchopathies et autres syndromesd’apnées du sommeil (SAS), pour parfois même représenterun exercice presque exclusif pour certains d’entre nous, tanten pratique libérale qu’hospitalière. Il est donc attendu quede nombreuses publications y soient consacrées dans notrejournal. On ne peut que se réjouir si par ailleurs cette acti-vité croissante s’accompagne de la prise de conscience cheznos politiques de l’importance de la question et féliciter tousceux qui ont œuvré à cette prise de conscience à travers l’éla-boration d’un volumineux rapport sur la question (http://www.sante.gouv.fr/htm/actu/sommeil_giordanella_1206/rap-port_ sommeil_giordanella.pdf ).

Dans le programme d’actions sur le sommeil présentépar le ministre, la prise en charge du SAS est reconnuecomme une priorité de santé. Il était bien temps : notre prati-que quotidienne nous montre des « hordes » de patients, piaf-fant à la porte des consultations, ce que viennent confirmerles travaux présentés dans ce numéro de la RMR. Ces quatrearticles apportent des éléments de réponse dans un large éven-tail de questions : de sa prévalence [1, 2], son défaut de dia-gnostic [3], la comorbidité associée [1, 3], les méthodesdiagnostiques [4], jusqu’au manque d’implication des méde-cins traitants dans sa prise en charge [3].

La prévalence du SAS estimée dans les premiers travauxà 2 % des hommes et 4 % des femmes entre 35 et 60 ans

Réception version princeps à la Revue : 05.02.2007. Acceptation définitive : 06.02.2007.

Correspondance : M.P. d’Ortho AP-HP, Groupe Henri Mondor-Albert Chenevier, Service de Physiologie, Explorations Fonctionnelles, 51 avenue du Maréchal de Lattre de Tassigny, 94000 Créteil.

AP-HP, Groupe Henri Mondor-Albert Chenevier, Service de Physiologie, Explorations Fonctionnelles, Créteil, France.

[email protected]

M.P. d’Ortho

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[5, 6], semble supérieure. En effet Teculescu et coll. [2] décri-vent la présence de ronflements chez 35 % des sujets d’unéchantillon de 850 hommes âgés de 22 à 66 ans. Meslieret coll. [1] retrouvent l’association des trois symptômes haute-ment évocateurs de SAS (ronflements habituels, somnolence,apnées entendues par l’entourage) chez 7,5 % des sujets dansune large cohorte de plus de 4 400 hommes et femmes de lapopulation générale entre 33 et 69 ans. Cette étude a le grandmérite, avec le travail de Teculescu et coll. [2], à la fois demettre à jour des chiffres donnés en 1993 et 2002, et surtoutde donner des chiffres français et non américains [1, 2].

Alors que le SAS s’accompagne de morbi-mortalités car-diovasculaire et accidentelle [7, 8] importantes, qui en fonttoute la gravité, Pontier et coll. [3] montrent avec les donnéesissues de la Direction Régionale du Service Médical de larégion Midi Pyrénées, qu’il reste largement sous diagnostiqué,puisque seuls 4 464 patients traités par ventilation nocturneen pression positive continue (PPC) ont été identifiés danscette région, contre 90 000 attendus sur la base de la préva-lence publiée en 1993 [5, 6]. Cette étude se penche aussi surla consommation de médicaments de ce groupe de « cas »comparés à des témoins appariés, et montre une consomma-tion accrue de médicaments cardiovasculaires et psychotropes,soulignant ainsi les comorbidités associées au SAS.

La question des outils diagnostiques est consubstantielleà la prise en charge de ces patients : une fois suspecté, encorefaut-il que le SAS soit confirmé par une/des exploration(s) adhoc. Si la polygraphie ventilatoire nocturne rend des servicesconsidérables du fait de sa relative simplicité de mise enœuvre, en tout cas comparée à la polysomnographie avec lessignaux neurophysiologiques, Abdelghani et coll. [4] souli-gnent qu’un résultat négatif en polygraphie ne permet pasd’éliminer un diagnostic de SAS. Leurs résultats rappellentaussi qu’aucune analyse automatique ne saurait remplacer larelecture manuelle des tracés, lapalissade pour certains maissouvent oubliée…

L’identification du SAS comme facteur de risque cardio-vasculaire [7] et accidentel [8] amène une augmentation con-sidérable de demande d’explorations et de prise en charge de lapart de nos confrères cardiologues, endocrinologues, médecinsdu travail, et généraliste. Quoique… Comme l’aurait dit leregretté Raymond Devos, dont le morphotype nous rappelleimmanquablement celui de nos patients. Quoique… Pontieret coll. [3] montrent une méconnaissance relative du SAS parles médecins traitants, et par voie de conséquence leur peud’implication dans le suivi. L’espoir est toutefois de mise : en

comparaison avec une étude antérieure [9] les auteurs consta-tent une amélioration des connaissances théoriques. Le besoinde formation médicale reste malgré tout évident, à tous lesniveaux, formation initiale et formation continue.

En un mot comme en cent, l’impact du syndromed’apnées du sommeil et des rhonchopathies sur le sommeil etla santé des individus, et sur notre pratique pneumologique,ne saurait être ignoré… la SPLF le sait bien, qui organise laprochaine Conférence d’Experts sur ce sujet. En attendant lerendu des recommandations lors du CPLF 2008, bonne lec-ture donc de ces quatre articles consacrés au sommeil, passoporifiques pour un sou.

Références

1 Meslier N, Vol S, Balkau B, Gagnadoux F, Cailleau M, Petrella A,Racineux JL, Tichet J et le groupe d’étude DESIR. Prévalence dessymptômes du syndrome d’apnées du sommeil. Étude dans une pop-ulation française d’âge moyen. Rev Mal Respir 2007 ; 24 : 305-13.

2 Teculescu D, Benamghar L, Hannhart B, Montaut-Verient B,Michaely JP. Le ronflement habituel. Prévalence et facteurs de risquedans un échantillon de la population française masculine. Rev MalRespir 2007 ; 24 : 281-7.

3 Pontier S, Matiuzzo M, Mouchague JM, Garrigue E, Roussel H,Didier A. Prise en charge du syndrome d’apnées obstructives du som-meil en médecine générale en Midi-Pyrénée. Rev Mal Respir 2007 ;24 : 289-97.

4 Abdelgani A, Roisman G, Escourrou P. Evaluation d’un système depolygraphie ventilatoire dans le syndrome d’apnées du sommeil.Rev Mal Respir 2007 ; 24 : 331-8.

5 Young T, Palta M, Dempsey J, Skatrud J, Weber S, Badr S. Theoccurrence of sleep-disordered breathing among middle-aged adults.N Engl J Med 1993 ; 328 : 1230-5.

6 Young T, Peppard PE, Gottlieb DJ. Epidemiology of obstructive sleepapnea: a population health perspective. Am J Respir Crit Care Med2002 ; 165 : 1217-39.

7 Marin JM, Carrizo SJ, Vicente E, Agusti AG. Long-term cardiovascu-lar outcomes in men with obstructive sleep apnoea-hypopnoea withor without treatment with continuous positive airway pressure: anobservational study. Lancet 2005 ; 365 : 1046-53.

8 Teran-Santos J, Jimenez-Gomez A, Cordero-Guevara J. The associa-tion between sleep apnea and the risk of traffic accidents. CooperativeGroup Burgos-Santander. N Engl J Med 1999 ; 340 : 847-51.

9 Billiart I, Ingrand P, Paquereau J, Neau JP, Meurice JC. Le syndromed’apnées hypopnées du sommeil (SAHS) : diagnostic et prise encharge en médecine générale. Une enquête descriptive auprès de579 praticiens. Rev Mal Respir 2002 ; 19 : 741-6.