sociÉtÉ civile - unodc.org · au pantang drugs rehabilitation centre hospital, des membres de...

27
LA SOCIÉTÉ CIVILE ENGAGÉE À RÉDUIRE LA VULNÉRABILITÉ DES USAGERS DE DROGUE PAGE 08 NIGER Page 14 LA SOCIÉTÉ CIVILE AU CŒUR DE LA RÉDUCTION DE LA DEMANDE EN DROGUES LIBÉRIA Page 23 L’HISTOIRE DE BOBBY: «MON EXPÉRIENCE PERSONNELLE M’A PERMIS DE MIEUX PARLER AUX USAGERS DE DROGUE » NIGÉRIA Page 25 LE PLAIDOYER DU RÉSEAU WADPN POUR UNE AUTRE PERCEPTION DES USAGERS DE DROGUE BRISER LE TABOU DE LA DROGUE PAGE 04 DES SESSIONS DE FORMATION POUR LA SOCIÉTÉ CIVILE Dr LANCINA TALL (CONAD-CI) : « LA PRISE EN CHARGE SANITAIRE DES USAGERS DE DROGUE EST À RENFORCER » PAGE 17 GUINÉE-BISSAU À LIRE AUSSI DANS CE NUMÉRO... MAURITANIE GHANA CÔTE D’IVOIRE SOCIÉTÉ CIVILE: Ce projet est financé par l’Union Européenne N°04 - Septembre 2018 SOUTIEN AU PLAN D’ACTION DE LA CEDEAO EN MATIÈRE DE LUTTE CONTRE LE TRAFIC DE DROGUES, LA CRIMINALITÉ ORGANISÉE QUI Y EST LIÉE ET L’ABUS DE DROGUES EN AFRIQUE DE L’OUEST. UN PARTENAIRE DE CHOIX DANS LE PLAIDOYER CONTRE LES SUBSTANCES ILLICITES PAGE 21

Upload: others

Post on 27-Sep-2019

5 views

Category:

Documents


0 download

TRANSCRIPT

Page 1: SOCIÉTÉ CIVILE - unodc.org · Au Pantang Drugs Rehabilitation Centre Hospital, des membres de différentes organisations de la société civile (OSC) se sont réunis pour participer

LA SOCIÉTÉ CIVILE ENGAGÉE À RÉDUIRE LA VULNÉRABILITÉ

DES USAGERS DE DROGUEPAGE 08

NIGER Page 14LA SOCIÉTÉ CIVILE AU CŒUR DE LA RÉDUCTION

DE LA DEMANDE EN DROGUES

LIBÉRIA Page 23L’HISTOIRE DE BOBBY:

«MON EXPÉRIENCE PERSONNELLE M’A PERMIS DE MIEUX PARLER AUX USAGERS DE DROGUE »

NIGÉRIA Page 25LE PLAIDOYER DU RÉSEAU WADPN POUR UNE AUTRE

PERCEPTION DES USAGERS DE DROGUE

BRISER LE TABOU DE LA DROGUEPAGE 04

DES SESSIONS DE FORMATION POUR LA SOCIÉTÉ CIVILE

Dr LANCINA TALL (CONAD-CI) : « LA PRISE EN CHARGE SANITAIRE DES USAGERS DE DROGUE EST À RENFORCER » PAGE 17

GUINÉE-BISSAU

À LIRE AUSSI DANS CE NUMÉRO...

MAURITANIE

GHANA

CÔTE D’IVOIRE

SOCIÉTÉ CIVILE:Ce projet est financé par l’Union Européenne

N°04 - Septembre 2018

SOUTIEN AU PLAN D’ACTION DE LA CEDEAO EN MATIÈRE DE LUTTE CONTRE LE TRAFIC DE DROGUES,

LA CRIMINALITÉ ORGANISÉE QUI Y EST LIÉE ET L’ABUS DE DROGUES EN AFRIQUE DE L’OUEST.

UN PARTENAIRE DE CHOIX DANS LE PLAIDOYER CONTRE LES SUBSTANCES ILLICITES

PAGE 21

Page 2: SOCIÉTÉ CIVILE - unodc.org · Au Pantang Drugs Rehabilitation Centre Hospital, des membres de différentes organisations de la société civile (OSC) se sont réunis pour participer

Pierre LapaqueReprésentant régionalBUREAU RÉGIONAL DE L’ONUDC POUR L’AFRIQUE DE L’OUEST ET DU CENTRE

C’est avec beaucoup de plaisir que nous vous présentons ce numéro quatrième de notre bulletin qui est devenu un espace d’exposition des thématiques liées aux drogues dans l’espace CEDEAO.

Consacrer un numéro thématique à l’action des Organisations de la société civile (OSC) ouest-africaine est l’aboutissement d’une démarche logique, car par leur action, beaucoup d’OSC sont impliquées dans la prévention afin de réduire la demande en drogues grâce à la sensibilisation et le plaidoyer.

Pour toutes ces raisons ce numéro rend compte du travail accompli par les OSC en mettant en exergue certains exemples ou bonnes pratiques, en Mauritanie dans un contexte assez difficile où la parole publique sur les questions de drogue se heurte à des tabous sociaux. La Guinée-Bissau fait aussi l’objet de plusieurs pages où le contact direct avec les usagers de drogues passe par la sensibilisation, la réhabilitation et le traitement psycho-social.

Au Libéria l’histoire d’un ancien usager reconverti dans la sensibilisation des jeunes usagers est mise en valeur. On pourra aussi s’informer avec intérêt de l’action sur le terrain des OSC au Ghana et au Nigéria. En Côte d’Ivoire, une coalition d’OSC travaille à prévenir les méfaits de la drogue et interpelle l’Etat ivoirien. Et au Niger, la synergie entre les pouvoirs publics et la société civile permet une meilleure coordination dans la lutte contre la drogue.

La conscience d’une meilleure efficacité au niveau régional est à l’origine de la mise en place prochaine du Réseau des Organisations de la société civile contre les substances illicites en Afrique de l’ouest sous l’égide de la CEDEAO.

Ainsi ce numéro, à partir de l’exemple de sept pays, offre un panorama assez représentatif du travail entrepris par les OSC en Afrique de l’Ouest, Que ce soit dans la réduction de la demande en drogues, de la prévention, ou même de la réduction des risques et du traitement des usagers souffrant d’addiction, les OSC se sont engagées à travers des actions concrètes relatées dans ce bulletin.

Parler du travail des OSC, permet non seulement d’éclairer leur action sur le terrain mais surtout de mesurer le travail qui reste à faire ainsi que les faiblesses existantes. Car l’engagement seul ne suffit pas, il faut un cadre juridique adapté, une stratégie natio-nale et une volonté politique qui encadrent cette action et soutiennent les organisations engagées à prévenir et empêcher les jeunes de tomber dans les conséquences désastreuses de l’accoutumance aux substances illicites. La question de la prise en charge sanitaire et psychosociale adéquate des usagers reste le grand manque à combler dans la presque totalité des pays de la CEDEAO.

Au moment où les ravages des opioïdes du genre tramadol, fetanyl et bien autres, se propagent chez les jeunes, ce numéro sur la société civile a le mérite de sonner l’alerte et d’appeler à plus d’engagement de la part des pouvoirs publiques, des parte-naires internationaux, des organisations sous-régionales dont la synergie sera un rempart durable contre la propagation des sub-stances illicites en Afrique de l’Ouest.

Bonne lecture

ÉDITORIAL

SOCIÉTÉ CIVILE: UN PARTENAIRE DE CHOIX POUR LE PLAIDOYERCONTRE LES SUBSTANCES ILLICITES

Page 3: SOCIÉTÉ CIVILE - unodc.org · Au Pantang Drugs Rehabilitation Centre Hospital, des membres de différentes organisations de la société civile (OSC) se sont réunis pour participer

Directeur de publication : Cheikh Touré - Coordination : Mansour Diouf - Comité : Cheikh Touré, Jullien Woirin, Mansour Diouf, Assane Dramé, Aissatou Diallo,

Babacar Diouf, Chinyere Okorie, Abiola Olaleye, Kamal Touré, Sokhna Sock, Balla Kane, Sokhna Maimouna Ndour, Georgina Tapuwa Mugugu, Valentina Pancieri -

Enquêtes & reportages : Mansour Diouf, Georgina Tapuwa Mugugu

Bureau régional de l’ONUDC pour l’Afrique de l’Ouest et du Centre

Immeuble Abbary, Almadies Extension - Zone 10, Villa 10 - BP 455, CP 18524, Dakar, Sénégal - Tél: +221 33 859 96 96 - www.unodc.org/westandcentralafrica/fr/index.html

Commission de la CEDEAO

N° 101 Yakubu Gowon Crescent, Asokoro District Abuja, Nigeria - Tél: +234 (9)3147641, E-mail : [email protected] - www.ecowas.int

© ONUDC, septembre 2018 - Mentions légales : les opinions exprimées dans cette publication ne reflètent pas nécessairement celles de la Commission Européenne Ce projet est financé par l’Union Européenne.

» p.23

» p.8

» p.27

» p.4 » p.17

» p.20

MAURITANIE 4-7En Mauritanie la question de la drogue relève

encore du tabou. Certaines organisations de la

société civile ont choisi de s’investir dans la sen-

sibilisation et le plaidoyer pour changer la donne

dans ce pays musulman d’Afrique de l’Ouest.

GUINÉE BISSAU 8-13La Guinée-Bissau a une mauvaise image en ce qui

concerne la drogue. Certains dignitaires politiques

et militaires ont été écroués pour trafic présumé

de drogue. Pourtant la société civile ne baisse pas

les bras et veut œuvrer à réduire la demande en

drogues par des actions sur le terrain.

NIGER 14-16Au Niger, la société civile est un élément impor-

tant du dispositif de lutte contre l’abus des sub-

stances illicites, coordonnée à l’échelle nationale

par le ministère de la Justice. Conscients des gaps

à combler et des reformes devenues nécessaires,

les responsables du ministère veulent s’inspirer des

bonnes pratiques des autres pays.

NIGERIA 25-26Alors que l’Afrique de l’Ouest continue d’être le théâtre d’une recrudescence du trafic et de la consomma-

tion de drogues, il est de plus en plus important pour les gouvernements d’avoir des réponses politiques

solides et efficaces. L’ONUDC a rencontré le Réseau ouest-africain des politiques sur les drogues (WADPN

en anglais) pour discuter de son travail dans la région, en particulier au Nigéria, et pour analyser dans

quelle mesure la région a réellement été en mesure d’élaborer une politique efficace dans ce domaine.

CÔTE D’IVOIRE 17-20Au pays de la lagune Ebrié, certaines organisations de

la société civile, regroupées au sein du Conseil des

Organisations de Lutte contre l’Abus de Drogues de Côte

d’Ivoire (CONAD-CI) se sont impliquées dans la réduc-

tion de la demande en drogues et la prise en charge

des usagers. Dr Lancina Tall, président du Conseil, fait

le point et déplore l’absence d’outils comme un Plan

stratégique national de lutte contre la drogue.

GHANA 21-22Au Pantang Drugs Rehabilitation Centre Hospital, des

membres de différentes organisations de la société

civile (OSC) se sont réunis pour participer à un atelier

sur les troubles liés aux substances. L’atelier visait à

développer les connaissances des jeunes professionnels

de la santé sur le traitement des usagers.s.

LIBERIA 23-24L’Histoire de Bobby: Fort de son expérience person-

nelle avec la drogue, Bobby a compris l’importance de

tendre la main aux individus pour comprendre ce qui

les a amenés à une vie de toxicomanie et, par con-

séquent, à un grand nombre de personnes impliquées

dans la criminalité.

SOMMAIRE

COMITÉ ÉDITORIAL

Page 4: SOCIÉTÉ CIVILE - unodc.org · Au Pantang Drugs Rehabilitation Centre Hospital, des membres de différentes organisations de la société civile (OSC) se sont réunis pour participer

4 S E C T I O N N A M E

B u s i n e s s M a g a z i n e | A p r i l 2 0 11

BRISER LE TABOU DE LA DROGUE: LA SOCIÉTÉ CIVILE S’ENGAGE

MAURITANIE

Page 5: SOCIÉTÉ CIVILE - unodc.org · Au Pantang Drugs Rehabilitation Centre Hospital, des membres de différentes organisations de la société civile (OSC) se sont réunis pour participer

5S E C T I O N N A M E

B u s i n e s s M a g a z i n e | A p r i l 2 0 11

Comment faire de la lutte contre l’abus des drogues une priorité nationale et une question de santé publique dans un pays comme la Mauritanie ?

« C’est un tabou en Mauritanie. Malgré les cas, on est dans le déni parce qu’on ne veut pas accepter dans un pays musulman que des substances interdites soient consommées. », répond Aicha Baldé, fondatrice de l’Association de lutte contre les addictions. Pourtant, selon Abdou Aziz Sall, technicien supérieur en santé mentale opérant à l’hôpital des spécialités, « le fait de ne pas reconnaître les troubles liés à la drogue a créé une grande souffrance chez les usagers. »

Malgré ce contexte défavorable, Aicha crée son association en 2015 avec comme objectif la sensibilisation et la prévention au niveau des écoles et des jeunes des quartiers des cinq Moughataas : Arafat, Misighnour, Bagdad et la Socogim ps, parce que « dans ces zones, on a l’impression que les jeunes sont laissés pour compte », explique-t-elle. D’autres acteurs vont aussi s’engager dans ce chantier difficile comme l’Organisation de développement des zones arides semi-arides, dirigée par Mouhamed Mouktar, qui a même bénéficié d’une subven-tion de l’ONUDC.

La consommation de drogue en Mauritanie

Lorsque la question est posée sur la consomma-tion de drogue, les acteurs de la société civile sonnent l’alerte. « Un trafic se développe autour de foyers réputés comme les zones frontalières, les prisons, les écoles aussi, surtout celles des communautés les plus aisées dont les enfants sont ciblés par les trafiquants. », argumente Mouhamed Mouktar. Selon lui, les bailleurs et les autorités devraient mieux s’intéresser aux questions de drogue en Mauritanie.

La question de savoir si la consommation de drogue touche le pays ne se pose même plus selon les spécialistes en santé mentale et responsables de la société civile rencontrés. Il est difficile d’avoir des statistiques, « mais ce qui est sûr c’est qu’on note une hausse de la consommation de drogue à Nouakchott, Nouadhibou et Rosso, vers les frontières et aussi à Nema. », affirme Aicha.

Le milieu scolaire est devenu un sujet de réelle préoccupation suite à une enquête menée par une jeune journaliste mauritanienne dans un établissement scolaire de Nouakchott qui affirme que « environ 70% des élèves de l’établissement sont sous cannabis ».

Invitée à un atelier de l’ONG fondée par Aicha à la Maison des jeunes, elle révélait que dans l’établissement en question se trouvait un endroit surnommé « couloir de la mort » où les jeunes se rendent pour prendre du cannabis. »

Abdou Aziz Sall, de l’Hôpital des spécialités se livre à une cartographie rapide selon la patientèle reçue.

Selon lui « beaucoup d’élèves sont touchés y compris ceux des élèves coraniques, la grande consommation se développe autour de la rive droite avec les soninkés, ouolofs ou halpulaar. Mais on retrouve les consommateurs chez la population aisée beïdane (maure) qui voyage beaucoup. »

Mais, précise Sall, «la toxicomanie médica-menteuse c’est surtout à Nouakchott ». D’où les cas fréquents de vols des cachets pour la confection de fausses ordonnances et se pro-curer des médicaments à la pharmacie.

Dépassées, les autorités ont pratiquement interdit le Valium alors utilisé par les pratici-ens de la santé comme myorelaxant, ou pour les malades épileptiques. Conséquence, ajoute monsieur Sall « la centrale d’achat des médica-ments de Mauritanie (CAMEM) ne commandait plus le Rivotril, le Valium parce qu’on considère que ce sont des drogues dures. Alors que c’est totalement faux. »

Monsieur Sall se demande même si la toxi-comanie n’était pas devenue un phénomène de mode au vu du nombre croissant de jeunes élèves et d’étudiants, « c’est toute une génération qui se met à fumer l’herbe. Et j’ai été surpris d’apprendre que même ceux qui sont en prison continuent à se ravitailler », s’emporte-t-il.

Selon le praticien en santé mentale, en dehors du haschisch, sont consommées, la cocaïne (plus rarement), l’alcool, la colle, l’eau de roche…utilisée en général par les enfants entre 11 ans, 12 ans …

Les vulnérabilités frontalières

Les villes frontalières comme Nouadhibou, les villes ouvrières comme Zouerate sont tou-chées. La bande frontalière entre la Mali et la Mauritanie serait un des points de transit et de migration non sécurisés entre les deux pays.

Abdou Aziz Sall,

Technicien supérieur en santé mentale

Hôpital des Spécialités de Nouakchot

Aicha Baldé,

Fondatrice de l’Association

de lutte contre les addictions.

En Mauritanie la question de la drogue relève encore du tabou. Cependant le pays est confronté au trafic et à la consommation de cannabis et d’autres drogues addictives. Les structures de prise en charge sanitaire des usagers de drogues sont loin des standards quand elles existent. Certaines organisations de la société civile ont choisi de s’investir dans la sensibilisation et le plaidoyer pour changer la donne dans ce pays musulman d’Afrique de l’Ouest. Le travail à faire reste immense. Rencontre avec des acteurs engagés dans la lutte contre la drogue.

Page 6: SOCIÉTÉ CIVILE - unodc.org · Au Pantang Drugs Rehabilitation Centre Hospital, des membres de différentes organisations de la société civile (OSC) se sont réunis pour participer

6 S E C T I O N N A M E

B u s i n e s s M a g a z i n e | A p r i l 2 0 11

Selon Mouhamed Mouktar, « le cannabis vient du Maroc et la cocaïne du Mali ». Les zones frontalières, espaces moins contrôlés, seraient donc des points de passage pour des trafics en tous genres, notamment celui de la drogue. Selon Mouhamed Mouktar, « l’abandon de ces zones par les partenaires au développement pour raisons d’insécurité, a laissé le terrain libre au terrorisme et au trafic de drogue qui s’appuient sur des circuits migratoires internes et externes, vers l’Europe, côté marocain ou vers l’Afrique de l’Ouest. ».

D’autre part, la conséquence inévitable de ces trafics destinés à l’Europe, c’est que la con-sommation locale des drogues commence à se développer. C’est pourquoi, pense Mouhamed, « il faut rester et soutenir les communautés dans ces zones par un travail important de prévention. »

Pour expliquer cette sitaution, Mouhamed Mouktar pense que la jeunesse, faisant face à des problèmes d’éducation, d’identité et d’exclusion, trouve dans la drogue un refuge contre toutes les formes de marginalisation.

Le casse-tête de la prise charge sanitaire des addictions

Dans un tel contexte, comment sont pris en charge les usagers souffrant de troubles liés à la drogue ? Clairement, la prise en charge est approximative voire inexistante au niveau des centres et services de santé, mais il y a aussi une grande méconnaissance des méfaits de la drogue. « Nous étions très mal outillés pour prendre tout ce monde en charge, on jonglait, on essayait de régler les conséquences liées aux troubles de comportement. », explique Sall.

L’hôpital des spécialités, la seule struc-ture d’accueil pour la prise en charge des toxicomanes, souffre d’un manque criard d’équipements et de personnel. Ses deux seuls psychiatres, les docteurs Sall et Sissoko, sont partis à la retraite et n’ont pas été encore rem-placés. « En réalité, l’hôpital est débordé et il est difficile d’envisager une réelle prise en charge des usagers. », conclut monsieur Sall.

Conscients des limites de la structure d’accueil, malheureusement très défaillante et « parent pauvre du système sanitaire », selon mon-sieur Sall, certains imaginent même des solu-tions hors des frontières. « On envisage avec le Docteur Idrissa Ba, coordonnateur du Centre de prise en charge intégrée des addictions de Dakar, d’y envoyer des usagers pour des traite-ments comme des cures de désintoxication. », explique Aicha.

Selon plusieurs organisations de la société civile mauritanienne, il faut créer un Centre d’écoute, pour l’accompagnement des usagers et la prise en charge des dossiers judiciaires. Selon Aicha, « il y a beaucoup de personnes déférées et emprisonnées. Le travail à faire reste immense. ». Cela aidera également à mieux comprendre les causes et les raisons qui expliquent la progression du fléau de la drogue. Car selon eux, il faut aussi se situer à un niveau stratégique pour limiter les dégâts de la drogue sur la société. Mais pour cela, il faut commencer à traiter les usagers de la drogue en victimes d’un contexte parfois difficile qui les confronte aux problèmes de chômage et d’exclusion.

L’évolution du secteur institutionnel

Les acteurs de la société civile sont conscients du travail important qu’il faut mener auprès des autorités et autres partenaires pour changer la situation. Le secteur institutionnel n’a pas beau-coup évolué, c’est plutôt la répression contre le trafic qui a connu une petite évolution. Les politiques sur la prise en charge des usagers n’ont pas évolué. « Au niveau législatif et judi-ciaire, il y a beaucoup de choses à faire », com-mente Aicha.

De l’avis des responsables de la société civile, le cadre légal gagnerait à être revu et adapté pour l’accompagnement sanitaire des usagers parce que selon eux, « la loi est plutôt répressive », car jusqu’à présent, l’emprisonnement reste la règle, il n’y a pas d’alternative. Un Comité inter-ministériel de lutte contre la drogue existe mais ne fonctionne pas. Un travail de plaidoyer est envisagé auprès des parlementaires.

Un plaidoyer est mené pour que la question Drogue « soit placée au niveau du ministère de la Santé, mais aussi au ministère de l’Éducation, mais également intégrée dans la Stratégie nationale de croissance accélérée et de partage de la prospérité (SCAPP) », plaide Mouhamed Mouktar. « Notre objectif est d’inscrire la sensi-bilisation sur les addictions dans un programme scolaire d’éducation civique et morale pour toutes les écoles », ajoute Aicha.

Mais au-delà de l’érection des questions de drogue en priorité nationale, la société civile veut avoir un meilleur accès aux médias et aux réunions stratégiques car la question doit être portée par une volonté politique qui prend en charge, à côté des aspects sécuritaires, ceux liés à la prévention, à la prise en charge et à la réinsertion.

Pourtant la Mauritanie a ratifié les conven-tions internationales pertinentes en matière de drogue, mais visiblement leur application pose problème.

Mouhamed Mouktar

Organisation de développement des zones arides et semi-arides

Page 7: SOCIÉTÉ CIVILE - unodc.org · Au Pantang Drugs Rehabilitation Centre Hospital, des membres de différentes organisations de la société civile (OSC) se sont réunis pour participer

7S E C T I O N N A M E

B u s i n e s s M a g a z i n e | A p r i l 2 0 11

Prévention axée sur les jeunes et stratégie régionale

La prévention mise en place veut aider à changer les comportements et les perceptions relatives à la con-sommation des drogues en Mauritanie. L’implication des autorités nationales et communautaires est aussi réclamée comme un élément indispensable. Le plaidoyer de la société civile vise également à reformer le cadre législatif et règlementaire pour une meilleure prise en charge des usagers de drogues dans une approche plus sanitaire que répressive.La société civile mauritanienne est aussi en relation avec d’autres organisations ouest-africaines dans le cadre de la mise en place prochaine du Réseau de la société civile ouest-africaine sur les substances illicites (WANCSA en anglais) qui a tenu sa réunion à Abuja. Son lance-ment constituera un soutien de taille aux activités au plan régional et national.

Le chantier est immense mais la cible principale reste les jeunes, car selon Aicha « il faut leur éviter de tomber dans l’addiction et ses troubles qui créent une grande souffrance, une fois installés. » Dans cette prévention, la communication avec les parents est essentielle, en raison de la longue tradition du tabac consommé ici. « Nous voulons les sensibiliser sur certains comportements qui doivent les alerter pour que l’habitude du cannabis ne s’installe pas » conclut-elle.

Abdoul Aziz SALL, Cadre supérieur en santé mentale, Hôpital des spécialités de Nouakchott

Je suis à l’hôpital depuis 26 ans et j’ai travaillé sous la houlette du Pr Dia El Hussein qui est le père de la psychiatrie en Mauritanie et du directeur Sall Ousmane. Selon mon expérience sur les addictions, les personnes dépendantes ont vécu dans une grande souffrance en Mauritanie. J’avais moi-même à mes débuts beaucoup de difficultés à prendre en charge une personne dépendant d’un toxique pour la bonne et simple raison que je la connaissais mal. C’est là où se pose le statut des addictions en Mauritanie. Nous étions très mal outillés pour prendre tout ce monde en charge, on jonglait, on essayait de régler les problèmes liés aux troubles de comportement.

Avec le temps on se rend compte que les sédatifs ne sont pas adaptés, nous arrivons petit à petit à comprendre que ce sont des gens qui souffrent, parce que chaque toxicomane, c’est une dépendance, c’est une histoire et les structures sanitaires ne sont pas adap-tées. Heureusement avec les psychologues on arrive petit à petit, à remonter l’histoire de cette dépendance. Et cela nous aide beau-coup sur les troubles de comportement.

J’ai eu la chance l’année dernière d’aller en France à Marseille pour une formation dans un centre de prise en charge des addictions pour avoir des outils, ce qui m’a permis d’interroger ma pratique passée. Et je me suis rendu compte des erreurs que je commettais. Maintenant devant un cas de dépendance je fais toujours appel à un psychologue pour déblayer et remonter l’histoire de l’individu, l’histoire de sa famille aussi. Actuellement c’est l’assistant social, le psychiatre, le psychologue qui voient le malade.

Il nous arrive dans le cadre de la thérapie familiale systémique, d’inviter la famille élargie, le père, la maman, pour les informer. On leur explique que quand quelqu’un prend des toxiques, ça veut dire qu’il n’est pas bien dans sa peau et qu’il doit être soutenu, ce n’est pas un délinquant ni un perverti. Parce qu’en Mauritanie, quand quelqu’un prend de l’alcool, du haschisch ou du Rivotril, il a tout de suite un statut de délinquant, donc il y a un travail de sensibilisation considérable à faire chez beaucoup de mauritaniens. La maladie mentale n’est pas prise comme un problème de santé publique.

La demande est forte et on n’est pas outillés, en dehors du Pr Dia, et Dr Sall Ousmane on n’a pas de psychiatre, quelques rares tech-niciens et psychologues cliniciens qui ne sont pas gâtés en formations. D’un hôpital de 40 à 50 lits, on est devenu un service qui fonc-tionne à peine. Si on ne change pas la situation le service risque de fermer.

« En Mauritanie, les victimes d’addiction vivent dans une grande souffrance »

Page 8: SOCIÉTÉ CIVILE - unodc.org · Au Pantang Drugs Rehabilitation Centre Hospital, des membres de différentes organisations de la société civile (OSC) se sont réunis pour participer

8 S E C T I O N N A M E

B u s i n e s s M a g a z i n e | A p r i l 2 0 11

La Guinée-Bissau a une mauvaise image en ce qui concerne la drogue. Certains dignitaires politiques et militaires ont été écroués pour trafic présumé de drogue. Pourtant la société civile ne baisse pas les bras et veut œuvrer à réduire la demande en drogues par des actions sur le terrain.

Enda Santé Bissau veut aider les jeunes à s’affranchir de la consommation des substances illicites. Le Centre de santé mentale de Quinhamel œuvre également à la réhabilitation des usagers de drogue. Au niveau institutionnel la mise à jour du Plan stratégique de lutte contre la drogue 2011-2014, est cependant toujours attendue.

“CHANGER LA DONNE EN ÉVITANT DE SE FOCALISER SUR LA RÉPRESSION. IL FAUT PLUTÔT TRAVAILLER À LA RÉDUCTION DES RISQUES LIÉS À LA DROGUE”

GUINÉE-BISSAU LA SOCIÉTÉ CIVILE ENGAGÉE À RÉDUIRE LA VULNÉRABILITÉ DES USAGERS DE DROGUES

Kàtia Ribeiro Barreto,                                                                                                                Responsable des programmes de ENDA SANTE BISSAU

Page 9: SOCIÉTÉ CIVILE - unodc.org · Au Pantang Drugs Rehabilitation Centre Hospital, des membres de différentes organisations de la société civile (OSC) se sont réunis pour participer

9S E C T I O N N A M E

B u s i n e s s M a g a z i n e | A p r i l 2 0 11

Du côté de la société civile comme des auto-rités institutionnelles, on se désole de la mau-vaise image qui colle au pays. Les affaires impliquant de hautes autorités civiles et mili-taires dans des histoires de drogue n’ont pas arrangé les choses. Pour Francesco Sanha, Coordonnateur du Conseil national de lutte contre la drogue, « il n’est pas impossible de changer la donne. Nous y travaillons », assure-t-il.

Enda santé Bissau, une ONG qui a ouvert son bureau en 2008 à Bissau mène des activités en direction des personnes dites vulnérables du pays. « Les usagers de drogue sont les plus vulnérables parmi les personnes vulnérables», assure Kàtia Ribeiro Barreto, Responsable des programmes de l’ONG. En cause, le cadre légal qui criminalise la drogue à tous les niveaux et la stigmatisation de cette catégorie qui rend difficile leur accès aux services de santé. Pour elle, au lieu de se focaliser sur la répression, il faut travailler à la réduction des risques liés à la drogue.

Travailler avec les usagers de drogue

Pour Enda Santé, tout démarre avec le pro-gramme Frontières et vulnérabilités face au VIH Sida en Afrique de l’Ouest (FEVE) qui a touché quatre pays pour la première phase et prévoit de s’étendre à neuf pays pour la troisième phase. C’est le premier programme d’Enda en direction des groupes vulnérables : travailleurs du sexe, détenus, personnes vivant avec le VIH…les usagers de drogue sont un de ces groupes.

L’efficacité des interventions auprès des usagers de drogue demande beaucoup de patience mais pour la responsable des programmes de Enda Santé, il faut collecter des informations stratégiques auprès des groupes d’usagers, sur la prévalence du VIH et d’autres informa-tions importantes. Les débuts ont été diffi-ciles. « Une de nos équipes s’est fait agresser », ajoute-t-elle. Mais le travail continue et la con-fiance finit par s’installer avec les usagers.

La collecte des informations commence alors par une cartographie faite par Enda en 2017 qui

permet de localiser les sites de consommation de drogue à Bissau et en dehors, à Oio, Bafatà, Farim et Gabù. Une étude socio-comportemen-tale et estimation des tailles est prévue cette année à Bissau et dans deux régions du pays. On trouve les usagers dans tous les groupes sociaux et pas seulement dans la capitale mais à travers le pays.

Sensibilisation, prévention et plaidoyer

Une fois le contact établi, Enda a misé sur plusieurs stratégies. Par la sensibilisation, la prévention est faite contre les infections sex-uellement transmissibles (IST), le VIH Sida, la tuberculose et d’autres comorbidités liées à la consommation de drogue. Des pairs éduca-teurs formés sont chargés du travail de terrain auprès des usagers de drogue. Le renforce-ment de capacités des pairs éducateurs et des techniciens de santé est à l’ordre du jour pour une prise en charge spécialisée des usagers de drogue. Une stratégie de plaidoyer sur les questions de drogue visant les décideurs sera mise en oeuvre.

Selon Katia, « en 2017, neuf cents usagers à Bissau dont 90 usagers de drogues injectables ont été touchés. Pour la prise en charge médi-cale, 86 usagers ont été consultés entre 2016 et 2017 ; et ce sont 7 usagers qui ont été pris en charge pour des infections sexuellement transmissibles (IST ». Pour la prise en charge psycho-sociale près de 73 personnes ont par-ticipé avec les groupes d’auto-support. Mais l’activité inédite ce sont les démonstrations culinaires. « On a constaté que les usagers de drogue « oublient » parfois de s’alimenter. Nous utilisons les produits locaux qui sont servis à manger après. », explique Katia. En 2017, 20 usagers de drogue y ont participé.

Prise en charge des usagers de drogue

Le cannabis et la cocaïne (en forme de crack) sont les drogues les plus consommées ; l’héroïne figure dans le tableau mais n’est pas très significative. L’absence de service spécia- -lisé dans le traitement des addictions est un gap à combler pour déterminer le niveau de

dépendance des usagers pris en charge.

Le Centre de santé mentale essaie de prendre en charge les usagers de drogue, mais c’est surtout quand la personne présente des pro-blèmes psychiatriques. « Le travail continue avec le ministère de la Santé pour renforcer les capacités du centre de manière à disposer d’un paquet de services intégrés adaptés. Le centre de prise en charge spirituelle dirigé par le pasteur d’Eglise Rodrigo propose un traite-ment plus spirituel que médical. », explique Katia.

La prise en charge communautaire des ques-tions de drogue est envisagée mais il n’y a pas encore d’association des usagers de drogue ou des ex-usagers. Beaucoup de choses reste encore à faire pour arriver à une prise en charge communautaire, notamment le ren-forcement des capacités.

D’autre part, à différentes occasions, des liens ont été développées entre le Centre de santé mentale et le Centre de prise en charge inté-grée des addictions de Dakar (CEPIAD). Il est prévu qu’une équipe du centre aille se former au CEPIAD sur la prise en charge des usagers de drogue et les bonnes pratiques à adapter au contexte local.

Séance de dépistage à ENDA SANTE BISSAU

Page 10: SOCIÉTÉ CIVILE - unodc.org · Au Pantang Drugs Rehabilitation Centre Hospital, des membres de différentes organisations de la société civile (OSC) se sont réunis pour participer

10 S E C T I O N N A M E

B u s i n e s s M a g a z i n e | A p r i l 2 0 11

Le cadre institutionnel de lutte contre la drogue

La situation actuelle a entraîné une prise de conscience des divers acteurs. La société civile, l’Eglise, le Conseil national de la jeu-nesse, l’Observatoire guinéen des drogues et toxicodépendances…sont engagés dans des actions de prévention et de sensibilisation sur les risques au niveau des quartiers.

Le Plan national 2011-2014 était le document de référence pour la stratégie nationale. Mais selon Francesco Sanha, la crise politique n’a pas permis au Conseil national qu’il coordonne, de mettre à jour le document avec l’ensemble des acteurs impliqués. L’instabilité politique au sommet de l’Etat a été un blocage objec-tif. « S’il y a la stabilité politique comme nous l’espérons, nous pourrons proroger le plan qui prévoit la répression mais aussi le traitement des usagers de drogues. », ajoute monsieur SANHA.

QUELLE EST LA COMPOSITION DU COMITÉ INTERMINISTÉRIEL ET DU CONSEIL NATIONAL ?

Il y a le Comité interministériel de lutte contre la drogue, dirigé par le Premier ministre. J’ai été nommé par le décret 1994 qui donne la com-position de ce comité : ministère de l’Intérieur, ministère des Affaires étrangères, ministère des Finances, ministère de la Justice, ministère de la Santé, ministère des Femmes.

Le Conseil national que je préside, est composé d’un juge représentant les tribunaux, un magistrat, deux personnes nommées par le Comité inter-ministériel, un représentant de chacune des huit régions, un représentant de l’Enseignement sec-ondaire, un représentant de l’Institut de la jeu-nesse, et un représentant des ONG. Comme prévu par nos textes, nous travaillons avec la société

L’absence d’un document de référence et d’orientation constitue un gros handicap, cepen-dant selon Kàtia, « les usagers de drogue sont prévus dans le plan stratégique de réponse au VIH Sida. Les interventions sont focalisées sur les questions de Sida et autres questions de santé mais on n’a pas de plan à jour pour les aspects liés à la drogue. »

Challenges et difficultés à relever

Mais Kàtia est satisfaite des résultats obtenus. La confiance progressive des usagers qui accep-tent la consultation et le dépistage, est un motif de satisfaction. « Nous pensons initier une stra-tégie de proximité avec des cliniques mobiles, pour une prise en charge sur les sites », ajoute-t-elle.

La concertation entre acteurs se fait à travers le Comité d’orientation et de suivi où la société civile et le ministère de la Santé discutent des interventions dans le cadre du Programme

civile comme avec Enda santé qui travaille à la réduction des risques liés à la consommation de drogue.

QUELLES SONT SES RÉALISATIONS ?

Le pays a vécu une situation de crispation poli-tique et depuis ma nomination, il a été très difficile de consolider le Conseil en termes de désignation des représentants et de stratégie. Je dépends du premier ministre mais la crise poli-tique a fait qu’on a eu plusieurs gouvernements, ce qui a rendu difficile la mise en place d’activités. On avait un Plan national de lutte contre la drogue 2011-2014 mais la situation évoquée a constitué un blocage à sa mise en œuvre.

LA GUINÉE-BISSAU EST VUE COMME UNE PLATE-FORME DU NARCOTRAFIC, COMMENT CHANGER CETTE IMAGE ?

FEVE, ou par rapport aux usagers de drogue. Une Taskforce qui regroupe la société civile et le Conseil national de lutte contre la drogue et d’autres acteurs, coordonne les différentes réponses pour être plus efficace.

Cependant des défis restent à relever. Il faut réactualiser le Plan national de lutte contre le trafic de drogues, la criminalité organisée et l’abus de drogues. C’est une étape essen-tielle pour une cohérence globale des interven-tions des différents acteurs. En plus de la stra-tégie nationale la mise en place d’un service spécialisé dans la prise en charge intégrée des usagers de drogue s’impose pour le traitement des addictions. Le renforcement des capaci-tés des acteurs est également une nécessité pour une meilleure efficacité des interven-tions. Au niveau institutionnel il faut renforcer les capacités des services d’application de la loi en termes de formation, d’équipements et d’organisation.

La drogue fait mal au pays et c’est un combat qui va encore durer longtemps. En tant que respon-sable du Conseil national, je n’apprécie pas que mon pays soit vu comme une plateforme du trafic, nous sommes engagés à combattre le trafic de drogue pour changer cela. Et des parte-naires comme l’ONUDC nous accompagnent. On a compris qu’il faut élargir et intégrer la police judiciaire dans les régions parce la majorité des cas de déchargements de drogue se font dans les régions en dehors de Bissau. Au niveau des frontières, on a un nouveau projet qui s’appelle AIRCOP, Programme de communication aéropor-tuaire (mis en œuvre avec l’appui de l’ONUDC), et qui est en phase de mise en œuvre au niveau des aéroports avec des résultats satisfaisants.

Trois questions à Francesco SANHA, Coordinateur du Conseil national de lutte contre la drogue

«COMBATTRE LE TRAFIC POUR CHANGER L’IMAGE DU PAYS»

Page 11: SOCIÉTÉ CIVILE - unodc.org · Au Pantang Drugs Rehabilitation Centre Hospital, des membres de différentes organisations de la société civile (OSC) se sont réunis pour participer

11S E C T I O N N A M E

B u s i n e s s M a g a z i n e | A p r i l 2 0 11

Séance de sensibilisation pour les usagers de drogue dans les locaux de ENDA SANTÉ, Bissau.

SENSIBILISATION DES USAGERS DE DROGUE POUR LA RÉDUCTION DES RISQUES

Chaque mois, Enda Santé tient une séance de sensibilisation pour les usagers de drogue de Bissau. Aujourd’hui 26 personnes ont répondu à l’appel. Sont ciblées les maladies qui frappent souvent les usagers de drogues et les rendent vulnérables : Vih Sida, tuber-culose, hépatites. La séance est animée par Rovena Ferreira, une psychologue qui travaille à Enda. Cet après-midi, elle leur parle des hépatites. Vingt-six personnes ont répondu à l’appel. Ce sont tous des usagers de drogues. Le style de Rovena est clair, direct et précis.

Elle explique d’abord les modes de transmission de l’hépatite B : contact sexuel, contact sanguin, ciseaux, aiguilles, tatouages, aiguilles, lames de rasoir…). Elle revient aussi sur les modes de transmission du Vih Sida. L’auditoire est attentif. La psy-chologue leur recommande de se faire dépister et d’éviter surtout l’automédication qui se fait en général avec des médica-ments de la rue ou des médicaments traditionnels. « Mon frère est mort de l’hépatite, il se soignait avec des racines médicina-les pour se soulager. Quand on a su que c’était l’hépatite c’était trop tard. », ajoute un des jeunes de l’auditoire. Les échanges durent près de 30 à 45 minutes avant que tout le groupe ne fasse la queue au bureau du médecin d’Enda pour une séance de dépistage. Chacun disposera ensuite d’une fiche de suivi. La réduction des risques passe par une proximité avec les usagers.

Trois questions à Francesco SANHA, Coordinateur du Conseil national de lutte contre la drogue

«COMBATTRE LE TRAFIC POUR CHANGER L’IMAGE DU PAYS»

Page 12: SOCIÉTÉ CIVILE - unodc.org · Au Pantang Drugs Rehabilitation Centre Hospital, des membres de différentes organisations de la société civile (OSC) se sont réunis pour participer

12 S E C T I O N N A M E

B u s i n e s s M a g a z i n e | A p r i l 2 0 11

UNE PRISE EN CHARGE PSYCHOLOGIQUE ET SPIRITUELLE DES USAGERS DE DROGUES

CENTRE DE SANTÉ MENTALE DE QUINHAMEL:

Le Centre de santé mentale de Quinhamel se trouve à un peu plus d’une heure de route de Bissau. Le chemin s’enfonce dans la verdure jusqu’au site. Le lieu est calme et dans la cour on voit des personnes à l’ombre des arbres en train de discuter. Ce sont les pensionnaires du centre. Le Pasteur Domingo TE nous reçoit avec un large sourire, c’est le fondateur de ce centre qui a fini de faire sa réputation en Guinée Bissau et au-delà des frontières. Créé en 2002 par le pasteur aidé par des jeunes issus de la communauté, y compris même les usagers de drogue, les autorités locales qui ont alloué l’espace, son objectif principal reste la prévention, la réhabilitation et la réinsertion sociale des jeunes.

Centre de Santé Mentale de Quinhamel

Page 13: SOCIÉTÉ CIVILE - unodc.org · Au Pantang Drugs Rehabilitation Centre Hospital, des membres de différentes organisations de la société civile (OSC) se sont réunis pour participer

13S E C T I O N N A M E

B u s i n e s s M a g a z i n e | A p r i l 2 0 11

problème. » ajoute le Pasteur non sans fierté.

Difficultés de fonctionnement

Le centre fait face à des difficultés liées au fonctionnement. C’est l’alimentation qui prend la plus grosse part du budget parce qu’il faut une tonne de riz par mois. En gros « il faut entre 850 mille et un million de francs CFA pour couvrir les frais, le paiement des monit-eurs et superviseurs et autres frais découlant des activités », explique le Pasteur. Il ne se décourage pas pour autant, lui et ses cinq moniteurs, une femme et quatre jeunes. « Deux d’entre eux ont bénéficié du programme ont fait leurs études à la capitale et sont revenus travailler avec nous. Ils n’ont pas de salaire fixe, et peuvent percevoir 30 à 40 mille selon les mois. », ajoute-t-il. D’anciens pen-sionnaires qui ont connu la souffrance de la drogue apportent leur aide de temps en temps.

Malgré le manque de moyens, le Pasteur retient de son travail que c’est une œuvre utile à la jeunesse de son pays qu’il invite à abandonner les pratiques néfastes afin de s’investir dans l’éducation, aller dans les universités pour pouvoir gou-verner et prendre en charge l’Afrique.

Les patients viennent de la Guinée-Bissau, de la Gambie, du Sénégal, de la Guinée, ou même de l’Europe (Portugal, France, Espagne), envoyés par leurs familles. Le centre tra-vaille sur trois volets : pratique, péda-gogique, spirituel et social pour « aider les jeunes à se libérer de leurs problèmes phy-siques et psychiques, à travers la prière et les travaux manuels. », déclare Pasteur Rodrigo.

« Le spirituel, c’est pour pousser les jeunes à lire la Bible ou le Coran parce que je reçois des musulmans et chrétiens. On essaye de travailler dans la prévention primaire pour encourager les jeunes à abandon-ner les mauvaises pratiques », ajoute-t-il.

Une approche basée sur la spiritual-ité et les travaux manuels

Depuis sa création, le centre a pris en charge près de 3800 personnes depuis sa création. « Soixante-huit pensionnaires sont actuelle-ment en traitement », indique le Pasteur. Le profil des patients est variable. Certains ont fait la prison pour des crimes et délits mais ont été envoyés au centre pour troubles liés à la drogue. Certains sont des militaires envoyés par l’ex-Chef d’Etat-major Tagme Na We (qui a été assassiné), ou Bubo Na Tchuto (ancien chef de la Marine bissau-guinéenne). D’autres ont été envoyés par le commandant de la Police pour des problèmes liés à la drogue.

Parmi les usagers de drogue internés se trou-vent aussi des fils d’hommes d’affaires ou d’autorités politiques et administratives, des étudiants, des femmes victimes de violence domestique ou d’autres traumatismes qui ont laissé des traces. Leur âge varie de 18 à 45 ans.

Le traitement est dit psycho-occupationnel, parce les patients sont occupés par des activ-ités manuelles, ils suivent aussi des théra-pies de groupe, et ceux en âge d’aller à l’école sont soutenus dans leurs études. En cas de conduite agressive, le patient est pris en charge grâce à des tranquillisants. Selon le Pasteur Domingo, « certains sont parfois passés par l’hôpital ou un centre de santé mentale de Dakar ou Ziguinchor. En venant ici ils veulent essayer une autre approche. »

La réinsertion sociale comme objectif

En dehors des activités religieuses, les pen-sionnaires font eux-mêmes le nettoyage, la cuisine, et d’autres tâches domestiques. Le Pasteur ambitionne de créer un atelier de mécanique mais les ressources financières ne suivent pas. A défaut, la construction d’une église est entamée avec les moyens du bord et l’aide des pensionnaires. « Les cau-series de sensibilisation et les activités dites psycho-sociales ont pour objectif de leur montrer la voie pour s’en sortir », ajoute-t-il.

Le traitement dure douze mois divisés en quatre phases. Et c’est lors de la quatrième phase où il y a plus de liberté que les pension-naires peuvent sortir et interagir avec la com-munauté, car selon l’approche du centre, « cela permet d’observer leurs réactions en situation réelle et favoriser des changements positifs ».

« En 2008 l’équipe du centre, composée des personnes de la phase avancée, a participé au tournoi de football ici à Quinhamel et l’a remporté ! ils ont gagné une vache et ont fait la fête. Cela pour montrer l’importance de la participation à la vie communautaire. Ceux qui acceptent de suivre le programme jusqu’au bout arrivent à se réinsérer sans

Pasteur Domingo TE Fondateur du Centre

Page 14: SOCIÉTÉ CIVILE - unodc.org · Au Pantang Drugs Rehabilitation Centre Hospital, des membres de différentes organisations de la société civile (OSC) se sont réunis pour participer

14S E C T I O N N A M E

B u s i n e s s M a g a z i n e | A p r i l 2 0 11

LA SOCIÉTÉ CIVILE AU CŒUR DE LA RÉDUCTION DE LA DEMANDE EN DROGUES

Au Niger, la société civile est un élément important du dispositif de lutte contre l’abus des substances illicites, coordonnée à l’échelle nationale par le ministère de la Justice. Conscients des gaps à combler et des reformes devenues nécessaires, les responsables du ministère veulent s’inspirer des bonnes pratiques des autres pays. La Fédération nigérienne de lutte anti-drogue (FENILAND), de concert avec les autorités du pays est engagée à réduire les effets de l’abus de substances illicites sur la jeunesse du pays. La Fédération nigérienne de lutte anti-drogue, de concert avec les autorités du pays est engagée à réduire les effets de l’abus de substances illicites sur la jeu-nesse du pays.

NIGER

Page 15: SOCIÉTÉ CIVILE - unodc.org · Au Pantang Drugs Rehabilitation Centre Hospital, des membres de différentes organisations de la société civile (OSC) se sont réunis pour participer

15 S E C T I O N N A M E

B u s i n e s s M a g a z i n e | A p r i l 2 0 11

Créée en 2003, l’ONG de lutte contre la drogue la corruption et la traite des personnes au Niger, a commencé les activités de terrain en 2006. Son créateur, Monsieur Saley Ganda, est aussi le président de la FENILAND. Après 28 ans dans l’armée, cet ancien militaire de carrière s’est investi dans la prévention et se félicite des étapes franchies. « Au moment de notre créa-tion, les questions de drogue étaient tabou. Mais maintenant, plusieurs structures nous ont emboîté le pas dans cette lutte commune. »

La lutte contre la drogue est coordonnée au sein du ministère de la Justice par la Commission nationale de lutte contre la drogue.

Ampleur de la consommation de drogue

Pour Monsieur Ide Oumarou Zazi, chef de la Division des affaires pénales au ministère de la Justice, « la question de la drogue inquiète depuis quelques années parce que la cocaïne et l’héroïne ont commencé à apparaître et plu-sieurs types de drogues qu’on ne connaissait pas sont saisies par les services d’enquête. »

De l’avis des observateurs, le Niger n’est pas un pays producteur de drogue mais est devenu un pays de transit et de consommation. La jeunesse est touchée par le cannabis et les drogues de synthèse, ainsi que les drogues fabriquées localement. « Pour la cocaïne, c’est une classe bien définie qui est con-cernée. On trouve des cas isolés d’usagers de drogues injectables », explique Ganda Souley.

Mais la menace nouvelle du tramadol semble poser de nouveaux défis, ce produit serait ramené par des commerçants, du Ghana, du Nigéria et même de la Guinée. « Il y a tel-lement de saisies de tramadol que ce n’est pas possible ! Parce que cela coûte moins cher et facile à la jeunesse de s’en pro-curer. Mais comme la cocaïne et l’héroïne, le tramadol a été criminalisé. », se réjouit- il.

Le trafic de drogue par voie aérienne, terrestre et même fluviale est une réalité, que ce soit la cocaïne ou la résine de cannabis qui viendrait

d’un « pays voisin ». La route du cannabis, baptisée ainsi par la police, entre le Niger, le Burkina et le Ghana est particulièrement surveillée. « De plus en plus l’aéroport Diori Hamani devient une plaque pour les trafi-quants. Il n’y a pas un mois où on n’arrête pas un trafiquant. C’est à partir d’ici que les gens embarquent vers l’Europe », commente Ganda.

Cependant, Monsieur Zazi informe qu’une étude en cours, financée par le Pnud en 2017, permettra de disposer de données fiables sur les consommateurs en milieu scolaire, dans les transports, les mines ainsi qu’en milieu car-céral, secteurs ciblés par l’étude. Les seules données collectées au niveau des services de police et des centres de santé font ressortir « que les jeunes de moins de 29 ans dépas-sent 60% des cas recensés », ajoute Zazi.

Cadre stratégique et institutionnel

Le Niger a ratifié l’ensemble des conventions internationales pour lutter contre la drogue et a adopté l’ordonnance de 1999 qui donne le cadre institutionnel de la lutte contre la drogue. Le ministère de la Justice coordonne la lutte dans tout le pays et un Comité inter-ministériel de lutte contre la drogue, géré par le ministère de la Justice a été mis en

place. Mais il « doit être sous tutelle du premier ministre » de l’avis de Ganda de la FENILAND. D’ailleurs ce comité ne dispose pas de moyens de sa politique et comble d’ironie, « dans le budget national 2017 il n’y avait pas un franc prévu par l’Etat pour la lutte contre la drogue » s’insurge Ganda. Une réforme des textes est en cours selon Zazi pour doter les organes de moyens conséquents.

La Commission nationale de lutte contre la drogue, logée au ministère de la Justice, com-prend aussi les ministères de la Santé, de la Communication, du Sport, de l’Intérieur, de l’Enseignement (secondaire, primaire), le volet sensibilisation est pris en charge par la FENILAND, membre de ladite commission.

Les relations entre l’Etat et la société civile semblent plutôt excellentes. « Aujourd’hui nous sommes écoutés et impliqués même dans la réforme des textes, et on tient compte de nos observations, nous travail-lons main dans la main avec la Commission nationale depuis trois ou quatre ans y compris même pour ce qui est lié au Plan d’action de la CEDEAO », se félicite Ganda.

Une structure de prise en charge des usagers

Monsieur Saley Ganda Président de la FENILAND.

Page 16: SOCIÉTÉ CIVILE - unodc.org · Au Pantang Drugs Rehabilitation Centre Hospital, des membres de différentes organisations de la société civile (OSC) se sont réunis pour participer

16S E C T I O N N A M E

B u s i n e s s M a g a z i n e | A p r i l 2 0 11

l’hôpital national avec un service appelé le pavillon E, là où on amène les usagers de drogue, ils passent par un système de sevrage par d’autres produits. Il y a aussi quelques cliniques privées qui tentent de le faire. »

Activités de prévention

Les activités de prévention se font surtout à Niamey ou « plus de 50 établissements ont été touchés par des activités de sensibilisa-tion ». D’autres zones névralgiques hors de la capitale sont également touchées. « On a choisi les portes d’entrée des drogues, comme la frontière Burkina-Niger, Bénin-Niger où des pairs éducateurs formés, ont pris le relais ; des observateurs sur le terrain font remonter les informations ». Au niveau d’une dizaine de Centres de jeunes à Niamey, des jeunes formés sont devenus des pairs éducateurs.

La société civile s’appuie aussi sur des activités

sportives et culturelles pour faire passer des messages de sensibilisation. Les rappeurs ainsi que les chanteurs de la troupe de Tourodi sont mis à contribution pour toucher les jeunes. Des débats télévisés sont également organisés.

Un spécialiste de la drogue, un juriste et un spécialiste en santé mentale se relaient lors des ateliers organisés par la FENILAND afin de relever le niveau de connaissance des jeunes « dont certains touchent à la drogue par curi-osité », selon les acteurs rencontrés. « Des élèves de quatrième ont été renvoyés pour faits de violence liés à la drogue. Il y a aussi des talibés. Aux frontières, des innocents sont utili-sés pour passer la drogue », explique Ganda.

Depuis les douze années passées dans le domaine, Ganda comprend l’importance à associer les parents dans ce processus. « A la télé, je parle des dix comportements à surveiller chez les enfants et jeunes »,

ajoute-t-il. Cela a contribué à la prise de conscience des parents plus prompts à venir parler de leurs enfants usagers.

Cependant certains acteurs de la société civile soulignent un refroidissement des partenaires à financer les activités de lutte contre la drogue en raison de la situa-tion d’instabilité politique au sommet de l’Etat qui a prévalu pendant un moment.

Remobiliser tous les acteurs

La société civile déplore le manque de moyens mais Ganda tire la sonnette d’alarme en affirmant que « les partenaires comme l’ONUDC, l’Union Européenne et la CEDEAO doivent mettre l’accent sur la drogue parce que « c’est à partir de la drogue que les jeunes vont vers le terrorisme, et la drogue sert de refuge aux gens des groupes armés ».

Nous avons des services dédiés à la lutte contre la drogue au niveau du ministère de la Santé, au niveau du ministère de l’Intérieur et au niveau du ministère de la Justice qui assure la coordination à travers la Commission nationale de coordination de la lutte contre la drogue. Avec le ministère de la Santé, nous nous sommes inspirés de l’exemple du Cameroun qui a mis au niveau de chaque région des unités spécifiques qui s’occupent de la prise en charge sanitaire des usagers. Notre objectif est d’arriver à une autonomisation de la com-mission pour rendre ses activités plus visibles, mais pour cela il faut la réforme des textes. Le ministère des Enseignements secondaires initie des campagnes de sensibilisation sur les méfaits de la drogue au niveau des jeunes ; et nous avons des plages à la télé nationale pour sensibiliser sur les méfaits de la drogue. Nous avons beaucoup de gaps à combler parce que la lutte était essentiellement focalisée sur la répression mais de plus en plus il faut intégrer le volet prise en charge sanitaire. On a compris que beaucoup de personnes deman-dent un accompagnement psycho-sanitaire pour sortir de la toxicomanie.Nous avons opté pour une coopération avec la société civile parce que nous avons le même objectif d’efficacité contre le fléau de la drogue. Elle occupera une plus grande place dans les reformes prévues.

Aujourd’hui le seul centre spécialisé est une clinique privée qui fait de son mieux pour donner un accompagnement psychothérapeutique et gérer les effets de la drogue sur les patients. Sinon nous avons une unité au sein de l’hôpital mais elle n’est pas dédiée aux questions de drogue mais à tous problèmes psychologiques. Dans le cadre du Réseau WENDU, dont je suis le point focal, la CEDEAO veut aider les Etats. L’année passée, j’ai été membre de l’équipe qui a évalué le dispositif de lutte contre la drogue et de prise en charge des usagers au Ghana. Et avec l’aide de l’ONUDC nous avons passé en revue notre législation contre la drogue pour en étudier les insuffisances en vue des reformes indiquées.

La Direction générale des Affaires judiciaires assure la présidence de la Commission nationale de lutte anti-drogue au Niger et dans les textes le directeur général des affaires judiciaires du ministère de la Justice est d’office le président de la commission et c’est à ce titre que notre direction coordonne la lutte contre la drogue. La commission, composée de plusieurs ministères tient régulièrement des réunions pour décider de la politique anti-drogue à mener dans tout le pays en prenant en compte le volet sanitaire. Un des deux correspondants du ministère de la Santé, membres de la commission, est notre second point focal du Réseau épidémiologique ouest-africain sur les drogues (Wendu en anglais)

Ide Oumarou Zazi, Chef de la Division des affaires pénales au ministère de la Justice

«LA SOCIÉTÉ CIVILE EST UN PARTENAIRE DANS NOTRE STRATÉGIE DE LUTTE»

Page 17: SOCIÉTÉ CIVILE - unodc.org · Au Pantang Drugs Rehabilitation Centre Hospital, des membres de différentes organisations de la société civile (OSC) se sont réunis pour participer

17 S E C T I O N N A M E

B u s i n e s s M a g a z i n e | A p r i l 2 0 11

Au pays de la lagune Ebrié, la consommation de drogue

inquiète. La réponse institutionnelle s’est traduite par la

mise en place d’institutions et d’un cadre juridique; en

outre, un réseau des parlementaires contre l’abus des

substances illicites a été installé récemment. Certaines

organisations de la société civile, regroupées au sein

du Conseil des Organisations de Lutte contre l’Abus de

Drogues de Côte d’Ivoire (CONAD-CI) se sont impliquées

dans la réduction de la demande en drogues et la prise

en charge des usagers. Dr Lancina Tall, président du

Conseil, fait le point et déplore l’absence d’outils comme

un Plan stratégique national de lutte contre la drogue.

CÔTE D’IVOIRE

Page 18: SOCIÉTÉ CIVILE - unodc.org · Au Pantang Drugs Rehabilitation Centre Hospital, des membres de différentes organisations de la société civile (OSC) se sont réunis pour participer

18S E C T I O N N A M E

B u s i n e s s M a g a z i n e | A p r i l 2 0 11

Combien d’OSC sont engagées dans la lutte contre la drogue en Côte d’Ivoire ?

En Côte d’Ivoire, au moins 42 Organisations de la Société Civile (OSC) sont enga-gées dans la lutte contre les drogues.

Quelles sont les drogues consom-mées en Côte d’Ivoire, y compris le tramadol et autres médicaments détournés ?

Selon les données de police et les investi-gations menées dans le milieu des usagers de drogue, les drogues consommées en Côte d’Ivoire sont le cannabis, l’héroïne, la cocaïne, le crack, les produits pharmaceutiques non enregistrés (PPNE), vendus de manière illicite sur les marchés, les médicaments détournés à des fins toxicomaniaques (les antitussifs surtout dans les prisons), la colle,

le batanan (une plante consommée à des fins toxicomaniaques dans le nord du pays).

La consommation de cannabis est associée à la prise de PPNE (médicaments sous forme de comprimé ou gélule) pour donner de l’énergie. Les autres médicaments détournés à des fins toxicomaniaques sont le diazépam, l’éphédrine, le rivotril, le valium, le tramadol.

Comment la société civile travaille à la réduction de la demande de drogue ?

Plusieurs organisations humanitaires et com-munautaires coordonnent leurs actions au sein du réseau. Des programmes d’information et campagnes de sensibilisation sur l’abus des drogues sont organisés au sein des établisse-ments scolaires, au niveau des points de ras-semblement des jeunes, auprès des per-sonnes vulnérables, etc. Des plaidoyers sont

menés auprès des autorités habilitées, pour l’élaboration de politiques antidrogue adap-tées et conformes aux Droits de l’homme. On peut donner en exemple les actions en faveur de l’élaboration d’une nouvelle loi antidrogue qui intègre la prise en charge médicale et psy-chosociale des usagers de drogue. Au niveau national et international, la société civile par-ticipe activement aux travaux de réflexion sur la prise en charge des usagers de drogue.

Il y a aussi les mesures de réduction des risques par des séances d’information et approches sanitaires auprès des usagers de drogue au sein des fumoirs (de drogue) ou en famille, afin de les amener à mieux contrôler et à prévenir les comportements à risque, et si possible à s’en défaire. En outre, il y a la distri-bution de kits de protection et de consomma-tion de drogue sécurisés (seringues, embouts pour les joints, préservatifs, etc.), des séances

Dr LANCINA TALL (CONAD-CI) : 

« LA PRISE EN CHARGE SANITAIRE DES USAGERS DE DROGUE EST À RENFORCER» 

INTERVIEW

Dr Lancina Tall

Page 19: SOCIÉTÉ CIVILE - unodc.org · Au Pantang Drugs Rehabilitation Centre Hospital, des membres de différentes organisations de la société civile (OSC) se sont réunis pour participer

19 S E C T I O N N A M E

B u s i n e s s M a g a z i n e | A p r i l 2 0 11

semble pas être une priorité pour les auto-rités car nous n’avons pas de structures de prise en charge, le financement pour la lutte est inexistant. Enfin, l’absence d’une bonne coordination des réponses sectorielles font que les interventions ne sont pas efficaces.

En réponse, nous recommandons que l’Etat mette en place un Plan stratégique national et un Plan d’action national; ainsi qu’un fonds pour financer toutes les activités de lutte contre les drogues ; qu’il améliore la coordination des réponses sectorielles ; que soient mises en place des peines de substitu-tion à l’incarcération dans les cas de détention de drogue aux fins de consommation person-nelle et dans les cas appropriés d’infractions à caractère mineur ; que soient mises en place des mesures de justices pénales effi-caces fondées sur les droits de l’homme et une politique permettant effectivement d’éviter la propagation des maladies infectieuses.

Il faut aussi que l’Etat élabore une politique de prise en charge médicale et sociale des personnes totalement dépendantes de la

menés auprès des autorités habilitées, pour l’élaboration de politiques antidrogue adap-tées et conformes aux Droits de l’homme. On peut donner en exemple les actions en faveur de l’élaboration d’une nouvelle loi antidrogue qui intègre la prise en charge médicale et psy-chosociale des usagers de drogue. Au niveau national et international, la société civile par-ticipe activement aux travaux de réflexion sur la prise en charge des usagers de drogue.

Il y a aussi les mesures de réduction des risques par des séances d’information et approches sanitaires auprès des usagers de drogue au sein des fumoirs (de drogue) ou en famille, afin de les amener à mieux contrôler et à prévenir les comportements à risque, et si possible à s’en défaire. En outre, il y a la distri-bution de kits de protection et de consomma-tion de drogue sécurisés (seringues, embouts pour les joints, préservatifs, etc.), des séances de dépistage de maladies infectieuses (VIH, tuberculose, hépatites, etc.), suivies de prises en charge médicale des infectés ; mais aussi la formation d’agents aux pratiques d’aides communautaires ; formation et réinsertion socio-professionnelle des usagers de drogue (ergothérapie), ou ex-usagers de drogue.

Comment se fait la prise en charge sanitaire des usagers de drogue en Côte d’Ivoire ?

La prise en charge sanitaire des usagers de drogue est, dans sa phase pratique et expéri-mentale assurée par des structures qui fonc-tionnent à titre privé, telles que le Centre Régional de Formation à la Lutte contre la Drogue (CRFLD) de Grand-Bassam, l’Institut National de Santé Publique (INSP) d’Abidjan-Adjamé (qui travaille en ambulatoire), la « Croix bleue » d’Abidjan-Williamsville, le centre Saint Vincent de Paul de Yamoussoukro, REMAR à Abidjan et dans quelques villes du pays, Espace Confiance à Abidjan, ASAPSU dans le cadre du projet de réduction des risques avec Médecins du Monde (MdM).

Nous avons aussi l’ONG EFED dans le cadre de son projet d’accompagnement des usagers de drogue avec l’appui de

l’OPPELIA (une organisation française).

La prise en charge sanitaire des usagers de drogue se fait par traitement médical et psychosocial, par internement (en rési-dence) et parfois en ambulatoire. Toutefois, le nombre très réduit de structures de prise en charge sanitaire, l’absence de pra-tiques sanitaires adaptées, le manque de personnel de santé qualifié, et surtout le coût très élevé du traitement, font que la prise en charge sanitaire des usagers de drogue en Côte d’Ivoire, n’est pas efficace.

D’autres organisations non gouvernementales comme TEEN Challenge et ONG Y Voir et Sourire à Abidjan ont une approche plus religieuse.

Quels sont les gaps identifiés et les réformes préconisées par la société civile sur les politiques publiques relatives à la drogue ?

De façon générale, les gaps identifiés sont l’inexistence de plan stratégique national et de plan d’action national. La lutte ne

Activité de sensibilisation sur les drogues

Page 20: SOCIÉTÉ CIVILE - unodc.org · Au Pantang Drugs Rehabilitation Centre Hospital, des membres de différentes organisations de la société civile (OSC) se sont réunis pour participer

20S E C T I O N N A M E

B u s i n e s s M a g a z i n e | A p r i l 2 0 11

ZONES LES PLUS TOUCHÉES PAR LA CONSOMMATION DE DROGUE ?

Selon une enquête cartographique réalisée en 2014 par le Comité Interministériel de Lutte Anti-Drogue (CILAD) en Côte d’Ivoire, il existe des voies de transit de drogue du Ghana vers le Libéria via la ligne centrale du pays (Est-Ouest, bande centrale et côtière) : plus d’une tonne de saisie de cannabis dans des villes comme Bondoukou, Duekoué, Man, San-Pedro, Daloa, Abidjan, Yamoussoukro, Bouaké, Korhogo, Aboisso, Abengourou, etc. Ces villes, exposées au trafic de drogue, sont les plus touchées par la consommation de drogue.

Selon une enquête menée par la doctorante Traoré Didiata (Sociologie criminelle), entre 2014-2016, les zones les plus touchées par la con-sommation de drogue sont surtout celles où ont eu lieu des affrontements armés durant la guerre de 2002-2011. Ce sont le District d’Abidjan (Abidjan et villes périphériques comme Anyama), la zone de Bouaké, la zone ouest et côtière du pays (Duékoué, Daloa, San-Pédro) ; et la zone Est du pays (Abengourou, Aboisso, Bonoua), du fait de sa proximité avec le Ghana (pays producteur et exportateur de drogue). Une nou-velle tendance est aux zones qui abritent une forte population jeune, voire des élèves et étudiants : Bouaké, Daloa, Soubré, Yamoussoukro, et surtout la zone sud du pays avec des villes comme Abidjan, Grand-Bassam, Dabou.Toutes ces villes se démarquent par la présence de communautés d’usagers de drogue et un nombre élevé de fumoirs de drogue (espaces de vente et consommation de drogues illicites).

LES COUCHES (TRANCHES D’ÂGE) LES PLUS TOUCHÉES PAR LA CONSOMMATION DE DROGUE ?

L’enquête de terrain menée par Traoré dans le District d’Abidjan (2014-2016), dans des fumoirs de drogue, dans des centres de prise en charge des usagers de drogue et au sein des structures de répression de la drogue (Police, Gendarmerie, Prison MACA), a fourni les informations suivantes. La tranche 18-29 ans représente 43% des consommateurs de drogue ; celle com-prise entre 30-40 représente 30% des consommateurs de drogue ; et celle des 13-17 ans compte pour 20% de consommateurs. A la suite d’une étude des données 2016 de la Direction de Police des Stupéfiants et des Drogues (DPSD), l’on a pu constater que les personnes les plus touchées par la consommation de drogue appartiennent à la tranche d’âge des 18-29 ans, représent-ant un taux de 66% des personnes déférées. En côte d’Ivoire, la consommation de drogue est bien le fait d’une population jeune.

la drogue, notamment par la prévention et le traitement à plus grande échelle des troubles liés à l’usage de drogues, afin d’atteindre les Objectifs de développement durable à l’horizon 2030 (cible 3.5 - Renforcer la prévention et le traitement de l’abus de sub-stances psychoactives, notamment de stupéfiants et d’alcool ) ; il faut une prise en compte des difficultés et besoins spécifiques des usagers de drogues et personnes souffrant de troubles liés à cet usage, ce qui est indispensable pour éliminer la tuberculose.

Enfin il faut faciliter la réinsertion sociale des usagers de drogues, afin de leur permettre de reprendre confiance dans la vie en société.

Comment êtes-vous impliqués à la mise en place du Réseau de la société civile ouest-africaine contre les substances illicites (WANCSA en anglais) ?

Nous participons à la mise en place du WANCSA. Un comité ad hoc a été mis en place pour élaborer les textes fondateurs du réseau. Nous attendons le résultat des travaux de ce comité. Nous avons dans le cadre du CONAD-CI fait une restitution de la rencon-tre d’Abuja. Ce réseau est très important pour l’avenir de la lutte contre les substances illicites dans la sous-région ouest-africaine.

Activité de sensibilisation sur les drogues

Page 21: SOCIÉTÉ CIVILE - unodc.org · Au Pantang Drugs Rehabilitation Centre Hospital, des membres de différentes organisations de la société civile (OSC) se sont réunis pour participer

21 S E C T I O N N A M E

B u s i n e s s M a g a z i n e | A p r i l 2 0 11

GHANA

La formation a été donnée par la gestionnaire du Centre de réadaptation, Judith Kokui, présidente de l’Organe de con-trôle des stupéfiants (Narcotics Control Board- NACOB en anglais), Sylvester Adu, et le chef de l’Unité des maladies de dépendance de l’Hôpital universitaire Korle-Bu, Logosu Amegashie. Tous ont été formés et certifiés dans le cadre d’un programme de formation de formateurs mené par le NACOB en collaboration avec le gouvernement américain. Le Programme consultatif en matière de drogues du Plan de Colombo a débuté au Ghana en 2014 et a formé 17 per-sonnes qui ont reçu leur accréditation en tant que formateurs nationaux, dans le but de former d’autres personnes dans le pays. Toutefois, après des difficultés de financement, le NACOB n’a pas été en mesure d’étendre cette formation au reste du pays.

Au Pantang Drugs Rehabilitation Centre Hospital, des membres de différentes organisations de la société civile (OSC) se sont réunis pour participer à un atelier sur les troubles liés aux substances. L’atelier visait à développer les connaissances des jeunes professionnels de la santé sur le traitement des usagers. La formation portait sur l’éthique, les soins aux patients, la compréhension générale des médicaments couramment utilisés et les effets à court et à long terme. Comme il s’agissait d’un atelier destiné aux professionnels de la santé, la formation a encouragé les participants à considérer l’usage de drogue sous l’angle de la santé publique, plutôt que sous l’angle de la sécurité ou de la criminalité.

GHANALES OSC EXIGENT PLUS DE FORMATIONS POUR LES PROFESSIONNELS DE LA SANTÉ SUR LES TROUBLES LIÉS AUX DROGUES

Page 22: SOCIÉTÉ CIVILE - unodc.org · Au Pantang Drugs Rehabilitation Centre Hospital, des membres de différentes organisations de la société civile (OSC) se sont réunis pour participer

22S E C T I O N N A M E

B u s i n e s s M a g a z i n e | A p r i l 2 0 11

COMMENT MIEUX GÉRER LES TROUBLES LIÉS À L’USAGE D’ALCOOL ET D’AUTRES DROGUES ?

La formation à l’Hôpital de Pantang était la deuxième que l’hôpital, en collaboration avec le NACOB, a pu délivrer aux côtés des formateurs nationaux certifiés. A la condi-tion de fonds supplémentaires, les partici-pants reviendront au mois d’août pour pour-suivre leur formation et terminer le cours.

Il est clair que le manque de financement a souvent été la cause de retards et parfois de la cessation des activités des OSC. Après une évalu-ation interactive avec les participants, l’ONUDC a discuté avec les formateurs de l’importance du travail effectué avec les professionnels de la santé et de la nécessité d’encourager le gouvernement à investir davantage.

Logosu Amegashie explique : « Ces formations sont toujours organisées malgré les difficul-tés et défis, bien qu’il s’agisse du deuxième groupe à former, les deux groupes n’ont pas terminé la dernière partie de la formation et n’ont donc pas reçu d’accréditation formelle. »

Selon Logosu, l’objectif de la formation est d’amener les participants à un niveau où ils pourront passer un examen international leur permettant de devenir des professionnels du traitement de l’addiction. De nombreuses personnes travaillent dans des centres de réadaptation, mais n’adoptent pas nécessaire-ment la meilleure approche de traitement. « Grâce à cette formation et à cette qualifica-tion, ils seront en mesure de fournir un meilleur service en adoptant des approches fondées sur des données probantes et des connaissances approfondies sur les drogues », ajoute-t-il.

En expliquant l’importance de la formation, la responsable de la réhabilitation de Pantang, Judith Kokui, a souligné que « si un plus grand nombre de personnes recevaient une forma-tion sur les troubles liés à la consommation d’alcool et d’autres drogues, elle élaborerait une norme de soins fondée sur des approches factuelles. Cela permettrait de s’assurer que les meilleures méthodes de soins, dont

l’efficacité a été démontrée, sont utilisées. » Judith a expliqué qu’en outre, l’élaboration de cette norme permettrait au NACOB de sur-veiller le traitement des usagers dans les hôpi-taux du Ghana, ce qui permettrait de mieux déterminer si une institution a besoin de plus de formation ou de réévaluer ses pratiques....

PROBLÈMES DE FINANCEMENT

L’augmentation des usagers de drogues entraîne également une augmentation du besoin de centres de réhabilitation et de pro-fessionnels de la santé. Toutefois, il est clair que le financement reste un problème. Comment fonctionne le Centre de réadaptation de Pantang ? Est-il financé par le gouvernement ?

« Quand il s’agit de recevoir un traitement, le gouvernement ne finance pas le Centre de réadaptation de Pantang. Les clients couvrent le coût de leur propre traitement. Cependant, l’hôpital offre certaines subventions qui réduisent les coûts associés au traitement. Si un client n’est pas en mesure de payer, nous le dirigerons vers un autre établisse-ment qui peut lui fournir le traitement gratu-itement. Par exemple, certaines ONG sont en mesure de fournir un traitement sans frais. »

« La demande de services augmente et il y a très peu de professionnels. Il est néces-saire de développer ces services disponibles en dehors de la capitale, Accra. » Mme Judith Kokui explique que les clients vien-nent souvent d’aussi loin que le Nord pour se faire soigner parce que les services ne sont pas facilement disponibles dans leur région.

FORMER DAVANTAGE DE PROFESSIONNELS DE LA SANTÉ

« En tant que formateurs dans nos organisa-tions et hôpitaux respectifs, nous sommes en mesure de fournir des soins et de partager nos connaissances », poursuit Ameagashie. Cependant, sans argent, nous ne sommes pas en mesure d’offrir une formation et des ser-vices réguliers pour répondre à la demande des personnes ayant des troubles liés à la consom-mation d’alcool et d’autres drogues, conclut-il.

Page 23: SOCIÉTÉ CIVILE - unodc.org · Au Pantang Drugs Rehabilitation Centre Hospital, des membres de différentes organisations de la société civile (OSC) se sont réunis pour participer

23 S E C T I O N N A M E

B u s i n e s s M a g a z i n e | A p r i l 2 0 11

Le Libéria a une histoire unique. En tant que première république d’Afrique, le pays est devenu le foyer de nombreux esclaves américains et caribéens libérés. Bien qu’entaché par des décennies de guerre civile, le Libéria est devenu plus tard le premier pays africain à élire une femme à sa tête. Plus récemment, le pays a pu organiser ses premières élec-tions démocratiques depuis 1944, avec l’arrivée de l’ancien footballeur George Weah à la présidence. Dans ce contexte de renouveau et d’espoir pour les jeunes, l’Association de la jeunesse progressiste du Libéria (APYL en anglais) s’efforce de les sortir de la toxicomanie.

APYL est une organisation qui se concentre exclusivement sur l’autonomisation des jeunes hommes et femmes au Libéria. L’organisation opère dans 17 districts du comté de Mosserato et, grâce à ses propres recherches, a identifié 35 “points chauds“ différents qui sont connus pour leur nombre important d’usagers de drogue.

“MON EXPÉRIENCE PERSONNELLE M’A PERMIS DE MIEUX PARLER AUX USAGERS DE DROGUE “

L’HISTOIRE DE BOBBYLIBÉRIA

Page 24: SOCIÉTÉ CIVILE - unodc.org · Au Pantang Drugs Rehabilitation Centre Hospital, des membres de différentes organisations de la société civile (OSC) se sont réunis pour participer

24S E C T I O N N A M E

B u s i n e s s M a g a z i n e | A p r i l 2 0 11

Vol qualifié, vol de sacs et abus de drogues

Les activités de APYL ont commencé quand Bobby a vu une femme se faire voler son téléphone. Il connaissait l’agresseur, alors il s’est engagé à retrouver le téléphone. Malheureusement, au moment où ils ont trouvé le jeune homme, il avait déjà vendu le télé-phone pour 50 dollars de crack. Il s’inquiétait de ce qui aurait pu arriver à la dame s’il n’avait pas été là pour assister à l’agression - cela aurait-il pu être pire ? Ça pourrait être un membre de sa famille. Il a commencé alors à se demander ce qui pousse ces jeunes enfants dans cette vie d’abus de drogues et de criminalité.

Fort de son expérience personnelle avec la drogue, Bobby a compris l’importance de tendre la main aux individus pour compren-dre ce qui les a amenés à une vie de toxico-manie et, par conséquent, à un grand nombre de personnes impliquées dans la criminalité.

Le chaos social après la guerre

« J’ai commencé à aller dans des ghettos et à parler aux jeunes enfants, leur demandant ce qui les a amenés à mener cette vie. Pour mon cas, c’était la pression des pairs, vouloir quitter la maison familiale, intégrer les mauvais groupes... », a commenté Bobby. Par-dessus tout, il comprenait l’importance « de parler aux jeunes, de comprendre ce qui les a conduits sur la voie de la toxicomanie...»

Les mauvaises conditions de vie, la pression des pairs, l’effondrement des structures famili-ales ont pu conduire certains à la consomma-tion et à l’abus de drogues, alors que d’autres ont parlé de la façon dont la guerre les a affec-tés, et comment ils ont été négligés et aban-donnés par leurs familles.

Comment Bobby s’est-il familiarisé avec les personnes marginalisées ?

« Je ne peux pas parler à tout le monde, alors j’ai commencé à les prendre un à la fois, ou à prendre de très petits groupes de jeunes sérieux et à simplement leur parler », a-t-il expliqué.

De là, Bobby a pu communiquer avec leurs familles, et en cas de locaux disponibles au sein des maisons, alors c’était l’endroit idéal pour la réadaptation. « Bien sûr, quand la sit-uation s’aggrave, nous contactons l’hôpital le plus proche qui les soignera pour tout problème de santé », a-t-il conclu.

Une approche de réhabilitation centrée sur la communauté

L’approche d’APYL centrée sur la commu-nauté se concentre sur la disponibilité des res-sources au sein d’une communauté donnée. Il cherche principalement à obtenir le soutien des membres de la famille, des professionnels de la santé locaux et des chefs religieux de la région. En raison d’un manque de financement au niveau national pour les centres de réadap-tation, l’organisation a souvent opté à la cré-ation de centres “ de fortune “, souvent au domicile des toxicomanes.

« Le Libéria est encore en train de développer ses centres de réadaptation, alors la plupart du temps, quand les jeunes veulent sérieusement arrêter [la drogue], nous prenons le processus de réadaptation en main », dit Bobby.

Cependant, grâce à l’approche communau-taire, l’organisme a souvent eu des difficultés à aider ceux qui n’ont pas de soutien famil-ial. L’organisation a récemment aidé un jeune homme qui avait perdu toute sa famille à cause du virus Ebola lors de l’épidémie de 2014 à 2015. Parmi les pays touchés, le Libéria a

enregistré le plus grand nombre de victimes au cours de cette période. Bien que le jeune homme n’ait pas bénéficié du soutien de sa famille, grâce au mentorat et au parrainage financier d’APYL, il s’est depuis rétabli et est un donateur actif de l’organisation, contribuant à la fois financièrement et par le mentorat.

Le long chemin vers la réinsertion sociale

L’AYPL accorde une grande importance au mentorat et à l’établissement de relations de confiance avec les jeunes. Plus récemment, l’organisation a lancé le programme “ Un repas par jour “ dans les 17 districts du Comté de Mosserato. Lorsque les jeunes de la région viennent à la réunion hebdomadaire, ils reçoi-vent de la nourriture et des conseils d’anciens usagers de drogues. De plus, le jeune peut s’attendre à recevoir des médicaments et de l’aide pour tout autre besoin.

L’objectif de ce programme est d’établir une “zone de sécurité “ pour ces jeunes hommes et femmes qui sont si souvent criminalisés par les forces de l’ordre et évités par la société. De plus, l’organisme offrira une formation axée sur les compétences à des jeunes sélection-nés, dans le but de leur offrir des opportuni-tés économiques qui leur donneront une mei-lleure qualité de vie.

Séance de sensibilisation organisée par l’ONG

Page 25: SOCIÉTÉ CIVILE - unodc.org · Au Pantang Drugs Rehabilitation Centre Hospital, des membres de différentes organisations de la société civile (OSC) se sont réunis pour participer

25 S E C T I O N N A M E

B u s i n e s s M a g a z i n e | A p r i l 2 0 11

LE WADPN PLAIDE POUR DES POLITIQUES CENTRÉES SUR LA RÉDUCTION DE LA DEMANDE DE DROGUES EN AFRIQUE DE L’OUEST

NIGÉRIA

Alors que l’Afrique de l’Ouest continue d’être le théâtre d’une recrudescence du trafic et de la consommation de drogues, il est de plus en plus important pour les gouvernements d’avoir des réponses politiques solides et efficaces. L’ONUDC a rencontré le Réseau ouest-africain des politiques sur les drogues (WADPN en anglais) pour discuter de son travail dans la région, en particulier au Nigéria, et pour analyser dans quelle mesure la région a réellement été en mesure d’élaborer une politique efficace dans ce domaine.

Le WADPN est une coalition de plus de 600 organisations de la société civile à travers l’Afrique de l’Ouest. Ces organismes s’occupent de diverses questions liées à la drogue, de la réhabilitation à la réduction des risques ainsi que la politique gouvernementale. Au niveau régional, le réseau dispose d’un organe de coordination qui supervise l’organisation. Cela inclut également les points focaux nationaux dans chaque pays qui font pression auprès de leurs gouvernements respectifs pour la réforme des politiques. Le réseau met l’accent sur une réforme des politiques sur les drogues fondée sur des données probantes et sur des approches incluant tous les domaines, du droit à la santé.

Source: Page facebook WADPN

Page 26: SOCIÉTÉ CIVILE - unodc.org · Au Pantang Drugs Rehabilitation Centre Hospital, des membres de différentes organisations de la société civile (OSC) se sont réunis pour participer

26S E C T I O N N A M E

B u s i n e s s M a g a z i n e | A p r i l 2 0 11

RÉDUIRE LES GAPS DANS LES POLITIQUES DE LUTTE CONTRE LA DROGUE

En commémoration de la Journée mondiale de la drogue 2018, le WADPN a organisé une table ronde avec Youth Rise Nigeria, qui lancera bientôt sa campagne phare de plaidoyer “NOUS SOMMES AUSSI DES PERSONNES” (“WE ARE PEOPLE”), ainsi que ses recommandations sur la politique des drogues L’événement s’inscrit dans la campagne annuelle du WADPN visant à encourager un changement dans la percep-tion des usagers de drogues. En fin de compte, l’objectif de la campagne est d’encourager les gouvernements vers une approche axée sur la santé plutôt que sur l’application de la loi, et à remettre en question les perceptions négatives sur les consommateurs de drogues.

En discutant de la réponse politique en Afrique de l’Ouest dans son ensemble, M. Adeolu, Directeur régional du WADPN, a expliqué qu’il y a une lacune dans la réponse politique en matière de drogue. « [...] c’est généralement une approche fondée sur l’application de la loi et la justice pénale est devenue la réponse standard à l’usage de drogue », a-t-il expli-qué. M. Adeolu a fait remarquer que « cer-tains sujets de préoccupation ne reçoivent pas l’attention qu’ils méritent de la part des gou-vernements. Par exemple la réflexion sur la réduction de la demande de drogues (RDD) intervient après coup. »

La participation des jeunes est devenue un élément important de la politique de RDD. Toutefois, M. Adeolu estime que cela doit être poussé encore plus loin.

APPUYER LES APPROCHES FONDÉES SUR DES DONNÉES PROBANTES

« Il ne suffit pas d’aller dans les écoles et d’organiser une campagne pour les jeunes. Nous devons travailler davantage pour comprendre s’il existe des facteurs corrélés qui pourraient pousser quelqu’un à abuser des drogues. D’où la nécessité d’avoir une approche scientifique, pour déterminer si les facteurs biologiques et/ou socio-économiques y jouent un rôle. »

Le WADPN s’intéresse aux aspects économiques de la drogue en Afrique de l’Ouest. L’éruption du trafic de drogues en Afrique de l’Ouest peut être liée aux difficultés économiques. Il faut pourvoir aux besoins et les individus ont besoin de gagner de l’argent.

M. Adeolu, soulignant à nouveau l’importance de la recherche et des approches fondées sur des données probantes, a ajouté : « Nous devons nous attaquer aux disparités économiques et aux effets du chômage qui constitue un facteur important qui pousse des personnes à écouler et éventuellement con-sommer des drogues. Ainsi, tant que la réponse politique en matière de drogue, n’est pas claire-ment située dans le programme de développe-ment, nous ne serons pas efficaces dans la lutte contre ce phénomène. »

RENFORCER LES PROGRAMMES DE RÉDUCTION DES RISQUES

«S’il est clair que, partout dans le monde, l’accent est mis sur l’application de la loi en tant que réponse à l’abus de drogues, certains pays ont fait des progrès significatifs dans la réponse à la consommation de drogues.

Le Sénégal a été le premier pays d’Afrique de l’Ouest à offrir un programme de traite-ment financé par le gouvernement. Le Centre de prise en charge intégré des addictions de Dakar (CEPIAD) offre un programme d’échange de seringues, de traitement de substitution aux opiacés et de réinsertion sociale.

Alors que les gouvernements cherchent à développer leur réponse à l’usage de drogue, il est important que les politiques qui se sont révélées efficaces soient explorées. En mars 2013, l’ONUDC a lancé les « Normes inter-nationales sur la prévention de l’usage de drogues. » Le document décrit les interven-tions et les politiques dont il est prouvé qu’elles produisent des méthodes de prévention posi-tives. Le but de ce document est de guider les gouvernements et les organisations qui cher-chent à élaborer leurs propres programmes et activités de prévention. En outre, l’ONUDC tra-vaille en collaboration directe avec les gou-vernements de toute l’Afrique de l’Ouest pour développer leur riposte nationale à la drogue et pour encourager une plus grande collabora-tion entre pays.

Page 27: SOCIÉTÉ CIVILE - unodc.org · Au Pantang Drugs Rehabilitation Centre Hospital, des membres de différentes organisations de la société civile (OSC) se sont réunis pour participer

27 S E C T I O N N A M E

B u s i n e s s M a g a z i n e | A p r i l 2 0 11

VERS UN RÉSEAU OUEST-AFRICAIN DE LA SOCIÉTÉ CIVILE

SUR L’ABUS DES DROGUES

L’ONUDC et la CEDEAO ont organisé un atelier à Abuja, au Nigeria, du 7 au 9 janvier 2018 pour « Renforcer les capacités des OSC en matière de prévention et de traitement liés à l’usage des drogues dans les Etats membres de la CEDEAO et la Mauritanie. »

L’atelier a fourni des outils et des connaissances pour élaborer et mettre en œuvre des interventions efficaces de prévention fondées sur des données probantes ; 32 participants des Organisations de la Société Civile (OSC) ont également été formés pour utiliser des outils tels que le Cadre de prévention stratégique (CPS) développé par le Substance Abuse and Mental Health Services Administration (Service d’administration de l’abus de drogue et de santé mentale (SAMHSA en anglais).

Au terme de la réunion, les points focaux des organisations de la société civile des 16 pays de la CEDEAO ont démarré le processus de création du Réseau Ouest-africain de la Société Civile sur l’abus des drogues (WANCSA en anglais) pour mieux coordonner les efforts de prévention et de traitement dans la région.

Ce réseau est appelé à devenir un cadre stratégique d’action pour les OSC engagées en faveur de la réduction de la demande en drogues à travers l’Afrique de l’Ouest. Les groupes de travail ont déjà identifié un logo et le réseau devrait être lancé sous peu selon les membres des OSC impliquées.