sémiotique et théorie de l'écriture : le cas du système d
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UNIVERSITEacute DU QUEacuteBEC Agrave MONTREacuteAL
SEacuteMIOTIQUE ET THEacuteORIE DE LEacuteCRITURE
LE CAS DU SYSTEgraveME DEacuteCRITURE JAPONAIS
MEacuteMOIRE
PREacuteSENTEacute
COMME EXIGENCE PARTIELLE
DE LA MAIcircTRISE EN PHILOSOPHIE
PAR
GWENNAEumlL BRICTEUX
DEacuteCEMBRE 2007
UNIVERSITEacute DU QUEacuteBEC Agrave MONTREacuteAL Service des bibliothegraveques
Avertissement
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Remerciements
Je remercie grandemenl Monsieur Fr8n((ois LalraverSc direcleur de mes eacutetudes
cl de Illa conscience seacutemiotique qui dirigea la reacutedaction de cc meacutemoire avec
enthousiasme ct mis geacuteneacutereusement les ressources du I)rojet deacutedition Peirce (LJQM)
il ma disposition le suis aussi reconnaissant envcrs les Illembres du comiteacute qui
Illoctroya unc bourse daccueil au doctorat en seacutemiologie Agrave Xavicr Call1US mOl1
camarade en philosophie depuis des anneacutees ie salue sa vertu intellectuelle et le
remercie de sa chegravere amitieacute puisse-t-il lctudiscr pleinement le omn()wnccedil en lui le
deacutedie cc meacutemoire ugrave mes plrents
Ta ble des matiegraveres
I~eacutesumeacute IV
Introduction
1 Seacutemiotique rllilosorhique X
11 Le rragillatisme X
12 Le systegraveme des scienccs 17
13 Les sciences rllilosorlliques 21
131 Phaneacuteroscopie theacuteorie des cateacutegories 24
132 Seacutemiotique theacuteorie des signes 40
1321 Seacutemiotique cnotation logique 51
2 Seacutemiotique ct theacuteOlie de lmiddoteacutecriture Cl 1
21 Theacuteories linguistiques de leacutecriture japonaise 62
22 Arrroeile seacutemiotique de leacutecriture jaronaise ClX
22Ilheacuteorie geacuteneacuterale de leacuteeriture comme signe Ml
222 Analyse seacutemiotique de leacutecriture iaronaise 73
223 Critique de 1lIleacutellyse seacutemiotique 93
Cmiddotoncilision 99
Acircnnce 1 Ies graplles eislellticls 104
AcircnnCe 2 Le S) stegraveme deacutecriture ilponlis 109
13ibliographie 112
Reacutesumeacute
Le bul de cc meacutemoire est de deacuteterminer quelle pourrait 0tre 11 porteacutee de la
seacutemiotique philosophique de Chlrles Sanders lirce sur la theacuteorie de leacutecriture en
prenant pour cas (leacutetude le systegraveme deacutecriture japonais Le meacutemoire questionne ainsi
la leacutegitimiteacute de lltlpplication de la seacutemiotique comme theacuteoric geacuteneacuteralc des signcs ml
sciences speacuteciales tout en eacuteclairant- par conversc leacutetudc de leacutecriturc japonaise en
tltlnt que systegravemc graphique Il lst structureacute cn dell chapitrcs principaux portant sur
1) les principes de la seacutemiotique philosophique ct 2) le licn cntrc la seacutemiotiquc ct lltl
theacuteorie dl leacutecriture
Dans le premicr chapitrc la meacutethodologic du meacutemoirc est tout dabord eacutetablie
par leamen du pragmat isme de Peirce consideacutereacute eomlne unc doctrine meacutelhodeul ique
ayant pour principe directeur la croissance La seacutemiotique ct la logique de mecircme que
la linguistique Cl leacutetmle de leacutecriture sonl situeacutees dans le systegraveme pcirceacutecn des
scicnces lcs principes de 11 phlIleacutelOscopic ct dl 1lt1 seacutemiotique sont eacutegalement
exposeacutes I~a philosophie de la notation logique de lauteur est ensuite prise cOlnme
point de deacutepltlrt pour une eacutelude de leacutecritllle du point de vue seacutemiotique
DlIls le second chapitre une synthegravese des theacuteories linguistiques de leacutecriture
japonaise est proposeacutee puis une theacuteorie geacuteneacuterale de leacutecriture comlne signe est
eacutelaboreacutee il pnrtir de la seacutemiotique peirceacuteenne La theacuteorie seacutemiotique est appliqueacutee plus
speacuteciliquement au systegraveme deacutecrilure iaponais cl agrave lanalyse de ses translormalIcircons
actuelles le retour reacutelkif et critique sur lanalyse ellectueacutee permet par la suite de
iuger de ladeacutequation des concepts seacutemiotiques dans leur application ugrave leacutetude de
leacutecriture japona ise
Le meacutemoire sc conclut par une consideacuterltion des liens que la seacutemiotique de
eacutecriture entretient avec les autres sciences philosophiques normatives soit eacutethique
et lestheacutetique
Mols chs Seacutemiotique Igthilosophie du langlge lgthilosophie des sciences (eritllle
(Systegraveme graphique) laponais (Iangue) Peirce Charles S (Charles
S(1Jl(lers) 1X39-1 lt) 14
Introduction
i t has never been 1n my power to stucy
anything-mathematics ethics metaphysics gtmiddotavitation
thermoclynamics optics chemistry comparative anatomy
astronomy psychology phonetics economic the history of
science whist men and women wine metrology except as a
study o~ sel11eiotic (SampS 85-86 1908)
Seacutem iotique de la culture 1itteacuter8 ire visuelle ou des p8SSlons le cham p
cl8pplic8tion de la seacutemiotique peut sembler v8ste m8is le caractegravere indeacutetermineacute de son
fondement nous troublera davantage Peirce deacutejagrave le tondateur de 18 discipline
contempor8ine dun point de vue philosophique donne une extension large agrave la
seacutemiotique dans Id citation bien connue mais peut-ecirctre par un emportement
eacutepistolaire (ici dans une lettre agrave Lady Welby) il fait porter la seacutemiotique aussi bien sur
les matheacutematiques et la philosophie que sur les sciences speacuteciales De plus il illustre
souvent 18 seacutemiotique en tant que grammaire speacuteculative en lappliquant agrave des
exem pies concrets et eacutelabore mecircme agrave partir de cette theacuteorie la preuve du pragmatisme
La seacutemiotique peirceacuteenne se veut donc une theacuteorie geacuteneacuterale des signes applicable
entre dLltres agrave chacune des sciences speacuteciales Toutetois Peirce effectue aussi un
eX8men systeacutematique des fondements de la seacutemiotique consideacutereacutes pour eux-mecircmes La
seacutemiotique peirceacuteenne est de la sorte proprement philosophique et indeacutependante des
sciences speacuteciales Le deacutefi lorsquon tente de tirer la seacutemiotique de Peirce vers des
applications theacuteoriques devient alors de franchir 18 distance eacutepisteacutemologique entre
seacutemiotique philosophique ct seacutemiotique appliqueacutee 8UX sciences speacuteciales et deacuteviter de
traiter superficiellement des concepts de la theacuteorie Ce nest en effet que reacutecemment
que la seacutemiotique peirceacuteenne sest vue exposeacutee systeacutem8tiquement dans son ensemble
(Carontini 1984 Savan 1988 Fisette 1990 Liszka 1996) et un examen appro londi de
ses fondements saveacuterant toujours difficile agrave effectuer lapplication de ses concepts
2
dans le cadre dune compreacutehension globale du systegraveme et non seulement de concepts
isoleacutes en est encore agrave ses deacutebuts (notamment avec Everaert-Desmedt 1990 et Fisette
1996) Degraves lors la question se pose de la leacutegitimiteacute des applications de la seacutemiotique
peirceacuteenne une theacuteorie dont on tente toujours de saisir les fondements
Probleacute lIot ique
La voie dentreacutee dans la probleacutematique sera la geacuteneacuteraliteacute de la theacuteorie Max
Fisch en 1983 se demandait Just how general is Peirce s theOy ofsigns (in Fisch
1986 356-61) et clans sa reacuteponse il sappliquait agrave deacuteterminer lextension de la theacuteorie
des signes agrave retracer les eacutetapes du deacuteveloppement de la theacuteorie dans le sens de la
geacuteneacutera 1iteacute et agrave en deacutegager la perti nence pou r la recherche scienti fique A fi n de bien
cerner le problegraveme qui nous preacuteoccupera dans ce meacutemoire je reformulerai la question
de la maniegravere suivante en quoi la theacuteorie geacuteneacuterale des signes de Peirce est-elle geacuteneacuterale
Cette question vague se laisse diviser en trois questions plus preacutecises Premiegraverement
quest-ce que la geacuteneacuteraliteacute Ce qui est rechercheacute ici est une deacutefinition de la geacuteneacuteraliteacute
proprement dite comme conception logique Deuxiegravemement quelles sont les
conditions de la geacuteneacuteraliteacute de la theacuteorie des signes Le questionnement porte ici sur la
relation de la geacuteneacutera liteacute avec dautres conceptions qu i la deacuteterm inent lorsquelle se
trouve agrave qualifier actuellement une theacuteorie Troisiegravemement quelles sont les conditions
de la relation impliqueacutee par la geacuteneacuteraliteacute entre la theacuteorie des signes et dautres theacuteories
La porteacutee de la seacutemiotique sur les sciences speacutecia les en vertu de son caractegravere geacuteneacuteral
est ici questionneacutee Cest le moment producteur du questionnement celui qui
permettra de reacutesoudre le problegraveme speacutecifique de ce meacutemoire Dans lesprit scientifique
expeacuterimental de la philosophie peirceacuteenne je tacirccherai de mieux saisir le problegraveme en
examinant une application particuliegravere agrave la theacuteorie linguistique de leacutecriture et en
prenant pour cas deacutetude deacutetermineacute le systegraveme graphique de la langue japonaise eacutecrite
La leacutell1guejaponaise fait face en ce moment agrave une situation de contact des langues qui
]
affecte son systegraveme deacutecriture engendrant un problegraveme seacutemiotique qui donnera chair
au deacuteveloppement de ce meacutemoire Il convient de Iexposer briegravevement ici
La langue japonaise contemporaine utilise un systegraveme deacutecriture complexe
com poseacute de plusieurs ty pes deacutecriture dont un ensem ble de caractegraveres dorigine
chinoise (les konji) deux syllabaires de creacuteation japonaise (les hirogono et katokono)
Ialphabet latin (le rlIcircl71oji) les chiffres indo-arabes et diffeacuterents signes de ponctuation
Ce systegraveme deacutecriture est particuliegraverement inteacuteressant en ce que la langue japonaise
assimile actuellement de faccedilon croissante des mots dorigine eacutetrangegravere (surtout de
langlais ameacutericain) eacutecrits dans un syllabaire particulier les kotokono Ces mots eacutecrits
en kotokono occupent de plus en plus despace graphique dans reacutecriture jusque
maintenant domineacutee par les konji tout en remplissant des fonctions grammaticales
sinon attribueacutees agrave ces derniers Nous assistons donc agrave une modification importante de
laspect externe ainsi que de la structure interne de leacutecriture japonaise suite au
contact de la langue japonaise avec dautres langues aux eacutecritures diffeumlrentes Le
problegraveme seacutemiotique consiste agrave deacuteterminer comment les relations de signification
propres au systegraveme deacutecriture japonais sont modifieacutees dans la situation actuelle de
contact des langues Ce problegraveme permettra de preacuteciser davantage le questionnement
de ce meacutemoire et de mieux en comprendre le sens en lui donnant un point dancrage
dans la reacutealiteacute actuelle 1 se retrouvera lui-mecircme eacuteclairci par notre enquecircte
Le but de ce meacutemoire est donc de deacuteterminer quele pourroit ecirctre la porteacutee de
10 seacutemiotique philosophique de Chorles Sonders Peirce sur 10 theacuteorie de leacuteeriture en
prenont pour cos deacutetude le vstegraveme dmiddoteacutecriturejoponois Le meacutemoire questionne ainsi
la leacutegitimiteacute de lapplication de la seacutemiotique comme theacuteorie geacuteneacuterale des signes aux
sciences speacutec ia les tou t en eacutec lai rant par converse leacutetude de leacutecriture japonaise en
tant que systegraveme graphique Il suit pour cela un questionnement sur la geacuteneacuteraliteacute de la
theacuteorie seacutem iotique
4
Slmclure du meacutell70ire
La structure du meacutemoire sinspire du motif architectonique de la philosophie
de Peirce sauf en ceci que la meacutethodologie philosophique de Iauteur est preacutesenteacutee en
premier Dun point de vue seacutemiotique le deacuteveloppement du meacutemoire consiste en
lexpeacuterimentation sur un diagramme le systegraveme des sciences de Peirce et en particulier
sa science des signes telle quappliqueacutee agrave leacutetude de leacutecriture japonaise Le meacutemoire
est donc structureacute en deux chapitres principaux portant sur 1) les principes de la
seacutemiotique philosophique et 2) Je lien entre la seacutemiotique et la theacuteorie de leacutecriture
Dans le premier chapitre la meacutethodologie du meacutemoire est tout dabord eacutetablie
par lexamen clu pragmatisme cie Peirce consideacutereacute comme une doctrine de la
meacutethodologie philosophique des sciences la meacutethodeutique ayant pour principe
directeur la croissance La meacutethodeutique est situeacutee dans le systegraveme des sciences en
tant que paltie de la logique une science philosophique normative Elle est mise en
lien avec la seacutemiotique qui inteacuteresse plus palticuliegraverement ce meacutemoire
La seacutemiotique et la logique de mecircme que la linguistique et Ieacutetude de leacutecriture
sont ensuite situeacutees dans le systegraveme peirceacuteen des sciences Le lien entre la seacutemiotique
et la logique est effectueacute plusieurs acceptions de ces deux termes eacutetant distingueacutees
Cependant les diverses deacutefinitions de ces deux disciplines en tant que sciences
saccordent pour les situer au niveau de la troisiegraveme science normative La linguistique
est ensuite deacutefinie comme une science idioscopique psychique et leacutetude de leacutecriture
comme Iune de ses branches Ce dernier point constitue une speacuteculation raisonnable
concernant la porteacutee du systegraveme des sciences de Peirce sur une science non deacutesigneacutee
comme telle par Imiddotauteur
Les principes de la phaneacuteroscopie et de la seacutemiotique sont eacutegalement exposeacutes
La phaneacuteroscopie est mise en lien avec la theacuteorie des cateacutegOlies dans le deacuteveloppement
5
historique de la penseacutee de lauteur puis un exposeacute syntheacutetique des deu theacuteories est
proposeacute Les cateacutegories universelles de lepeacuterience sont distingueacutees des cateacutegories
particul iegraveres lexposeacute eacutetant appro fond i par lexamen des cateacutegories particul iegraveres de la
modaliteacute et de la signification La conception de la geacuteneacuteraliteacute est ainsi deacutetinie comme
une cateacutegorie particuliegravere de la signification La seacutemiotique eacutetant surtout deacuteveloppeacutee
dans les eacutecrits tardifs de Peirce de sa peacuteriode phaneacuteroscopique la phaneacuteroscopie est
ensuite mise en lien avec la seacutemiotique par la preacutesentation du passage du phaneacuteron au
signe Un exposeacute syntheacutetique de la seacutemiotique en tant que grammaire speacuteculative est
proposeacute qui se deacuteveloppe jusquaux autres parties de la seacutemiotique soit la critique
des arguments ou logique critique et la meacutethodeutique La preuve logique selon les
conceptions seacutemiotiques du pragmatisme est par la suite consideacutereacutee agrave la lumiegravere des
exposeacutes de la phaneacuteroscopie et de la seacutemiotique
La philosophie de la notation logique de lauteur est ensuite prise comme point
de deacutepart pour une eacutetude de leacutecriture du point de vue seacutemiotique La notation logique
des graphes existentiels constitue un modegravele par excellence pour lillustration suivante
de lapplication de la seacutemiotique aux sciences speacuteciales puisquelle a elle-mecircme pour
fonction de repreacutesenter le langage formel de la logique peirceacuteenne dont la seacutemiotique
en tant que grammaire speacuteculative est une partie fondamentale La notation des
graphes existentiels exploite ainsi de faccedilon explicite diffeacuterents aspects du signe
distingueacutes par la theacuteorie seacutemiotique et leur examen constitue donc la leccedilon de deacutepal1
pour leacutetude du cas de leacutecriture japonaise
Dans le second chapitre une synthegravese des theacuteories linguistiques de leacutecriture
japonaise est proposeacutee puis une theacuteorie geacuteneacuterale de leacutecriture comme signe est
eacutelaboreacutee agrave parti l de la seacutem iotique pei rceacuteenne La theacuteorie seacutem iotique de leacutecriture
eacutelaboreacutee est ensuite appliqueacutee plus speacutecifiquement au systegraveme deacutecriture japonais et agrave
lanalyse de ses transformations actuelles Lappl ication commence par la
consideacuteration de quelques points de grammaire menant graduellement agrave la
6
probleacutematique de leacutecriture Lanalyse a recours non seulement agrave la grammaire
speacuteculative mais aussi agrave la logique des relations et aux graphes existentiels Durant
lanalyse du cas speacutecifique envisageacute une deacuteJ-inition du signe eacutecrit de la langue
japonaise est formuleacutee agrave travers lexamen de ses composantes puis les principaux
types de signe pmpres agrave cette eacutecriture sont distingueacutes suivant la leccedilon de la
grammaire speacuteculative Lanalyse logique critique suivante permet de juger de
ladeacutequation des signes de leacutecriture japonaise dans la repreacutesentation de leurs objets et
fait ressortir un argument de la transformation de leacutecriture dans le sens de
laugmentation des kaakana
Lexposeacute deacuteveloppe ensuite une critique eacutepisteacutemologique de lapplication de la
seacutemiotique agrave leacutetude de leacutecriture venant parachever lapproche seacutemiotique La
reacute tlexion eacutepisteacutemologique distingue dabord les concepts ph i losoph iques de la
seacutemiotique des concepts idioscopiques de la science de leacutecriture puis deacutetermine le
type dinfeacuterence qui est utiliseacute lors de la transformation dun type de concept en un
autre ainsi que largument qui justifie ce passage dans un cas speacutecifique servant
dexemple Le retour reacuteflexif et critique sur la theacuteorie seacutem iotique permet de la sOlie de
juger de ladeacutequation de ses concepts dans leur application agrave leacutetude de leacutecriture
japonaise
Lanalyse seacutemiotique de leacutecriture japonaise est finalement ouverte sur le reste
du systegraveme des sciences peirceacuteen en eacutetant relieacutee aux autres sciences philosophiques
normatives soit leacutethique et lestheacutetique Il ny pas sur ce point dapplication
speacutecifique mais une bregraveve reacutetlexion dordre philosophique sur la relation quentretien
la seacutemiotique avec leacutethique et lestheacutetique lorsque cette premiegravere est appliqueacutee aux
sciences speacuteciales Le lien solidaire entre les sciences dans le systegraveme peirceacuteen est
souligneacute lien montrant le sens ultime de larchitectonique peilTeacuteenne la continuiteacute de
la penseacutee ou syneacutechisme
7
Texes SOllces e iliraure secondaire
rai utiliseacute dans mes recherches les sources standards des eacutetudes peirceacuteennes
soit principalement leacutedition theacutematique des Colleced Papen (abbr CP) leacutedition
chronologique des Wriings (W) en cours de publication et les seacutelections des Esseniol
Peirce (EP) de mecircme que la correspondance de Peirce avec Lady Welby compileacutee
dans louvrage intituleacute Semioics and Signifies The Correlpondence between Charles
S Peirce ond Victoria Lady Welby (SampS) et quelques fiagments que lai eu le bonheur
daller repecirccher dans loceacutean des manuscrits de Peirce en eacutedition microfilm The
Poper1 of Chorles S Peirce Microfilm Ediion (MS) Pratiquement mes recherches
ont surtout consisteacute en une meacuteditation des ESlenial Peirce ensemble amplement
suffisant pour une maicirctrise egraves signes bien que plusieurs autres eacutecrits maient eacuteclaireacute
sur de nombreux points Je privileacutegie donc dans mes reacutefeumlrences les seacutelections des
Essenlial Peirce tout en renvoyant agrave loccasion agrave certains textes des autres eacuteditions Je
reacutefegravere aux textes sources selon lusage en ajoutant lanneacutee de reacutedaction ou de
publication lorsque connue (par exemple EP 1 132 1878) Les commentaires qui
mont eacuteteacute de la plus grande aide sont ceux de Max Fisch pour une vision densemble
de lœuvre de Peirce Andreacute De Tienne pour la phaneacuteroscopie el la theacuteorie des
cateacutegories initiale et James Liszka pour la seacutemiotique philosophique Jindique toutes
les reacutefeacuterences dans le corps du texte et reacuteserve les notes en bas de page pour quelques
digressions et scolies
1 Seacutemiotique philosophique
En quoi la seacutemiotique de Peirce est-elle philosophique Une reacuteponse simple agrave
cette question serait tout dabord que la seacutemiotique possegravede le caractegravere geacuteneacuteral de la
philosophie cest une science positive qui rend compte des faits de expeacuterience
commune Cette deacutefinition se preacutecise lorsque lon considegravere la situation de la
seacutemiotique dans le systegraveme peirceacuteen des sciences en tant que troisiegraveme science
philosophique normative Plusieurs sens du terme laquoseacutemiotiqueraquo sont aussi agrave
distinguer et expliquer Dans ce premier chapitre je montrerai en quoi la seacutemiotique de
Peirce est philosophique en suivant le motif architectonique du systegraveme peirceacuteen des
sciences sauf que je preacutesenterai la meacutethodologie philosophique de lauteur la doctrine
meacutethodeutique du pragmatisme en premier le deacutefinirai chaque fois davantage la
seacutemiotique en la situant dans le systegraveme des sciences de faccedilon de plus en plus preacutecise
jusquagrave une application theacuteorique dans lexposeacute de la notation logique des graphes
existentiels Jaborderai par la mecircme occasion la question de la geacuteneacuteraliteacute de la theacuteorie
seacutemiotique dont la consideacuteration permettra deacuteclaircir le problegraveme speacutecitique du
meacutemoire dans le second chapitre Lexposeacute tacircchera de rentrer meacutethod iquemenl dans
lesprit de continuiteacute de la penseacutee peirceacuteenne auquel aboutit ultimement le
pragmatisme
11 Le pragmatisme
Le pragmatisme est une doctrine meacutethodologique des sciences de la deacutecouverte
ayant pour principe directeur la croissance II consiste essentiellement agrave reconnaicirctre la
porteacutee possible de la rationaliteacute sur la reacutealiteacute actuelle en particulier dans laction
controcircleacutee et conseacutequente au raisonnement Le sens de cette porteacutee ou de cette
conseacutequence est celui du deacuteveloppement de lordre rationnel dans la reacutealiteacute Le
pragmatisme sinteacuteressant plus speacutecifiquement agrave la recherche scientifique il preacuteconise
9
la reconnaissance des conseacutequences pratiques possibles du raisonnement comme
meacutethode de recherche dans les sciences La recherche scientifique doit donc consister agrave
deacutecouvrir les lois neacutecessaires de la nature en observant et en envisageant leurs
conseacutequences pratiques non seulement actuelles mais aussi possibles
Cette formulation peut eacutevoquer le deacuteveloppement de la Raison et son
identification au Reacuteel dans la philosophie de Hegel Il ny a cependant pas de
Aufhebung dans la penseacutee peirceacuteenne le deacuteveloppement de lordre rationnel eacutetant
plutocirct une prise de conscience des diffeacuterents aspects omnipreacutesents de la reacutealiteacute dont
chacun conserve son importance propre quune absorption de stades infeumlrieurs de la
conscience en un stade rationnel supeacuterieur Peirce qui est tout agrave fait probe
intellectuellement ne se reconnaicirct dailleurs pas dinfluence directe de la part de
heacutegeacutelianisme Il admet bien certaines affiniteacutes de sa penseacutee avec celle de Hegel mais
en retrace une tout autre origine immeacutediate de faccedilon geacuteneacuterale dans lœuvre des
hommes de science et de tagraveccedilon plus speacutecifique dans les philosophies de divers
auteurs meacutedieacutevaux (Duns Scot et les reacutealistes scolastiques) et modernes (Reid et les
philosophes du sens commun eacutecossais) et avant tout dans celles de Kant et Aristote
Atin dapprofondir notre compreacutehension de la doctrine du pragmatisme jen
retracerai agrave preacutesent sommairement le deacuteveloppement dans lœuvre de Peirce Je
retiendrai trois moments principaux du deacuteveloppement de la doctrine correspondant agrave
1) la formulation initiale de la maxime clu pragmatisme dans la seacuterie du Populor Science
illonhly de 1877-78 2) la reprise et Ieacutelaboration de la doctrine lors de la seacuterie de
confeacuterences donneacutee agrave Harvard en 1903 et 3) la tentative finale de formulation dune
preuve du pragmatisme dans une seacuterie darticles en partie publieacutee dans la revue The
Monis en 1905-7 Ces trois moments neacutepuisent pas lhistoire de la doctrine du
pragrhatisme de Peirce mais en repreacutesentent lessentiel du deacuteveloppement
Jeacutevoquerai par ailleurs le questionnement des limites du pragmatisme dans les
derniers eacutecrits de Iauteur
10
Le premier moment du deacuteveloppement de la doctrine du pragmatisme consiste
en la formulation de la maxime pragmatiste suite agrave leacutelaboration dune theacuteorie
psychologique de la croyance dans les articles intituleacutes laquoThe Fixation of Beliefraquo (EP 1
109-231877) et laquoHow to Make Our Ideas Cleangt (EI)I 124-41 1878) Lapproche
psychologique rend la teneur de la doctrine eacutevidente iusquagrave un celtain point mais la
compreacutehension du pragmatisme se montre alors insuffisante pour rendre compte de sa
porteacutee reacuteelle telle quenvisageacutee par lauteur La psychologie ne sert en fait quagrave
lillustration de la doctrine en facilitant un premier abord car le pragmatisme est une
doctrine de la logique et cette derniegravere une science plus fondamentale que la
psychologie Peirce illustrera parfois encore Je pragmatisme dans ses eacutecrits ulteacuterieurs agrave
laide de faits psychologiques mais il soulignera alors linsuftisance de cette meacutethode
et tacircchera de deacutevelopper une approche plus proprement logique La maxime du
pragmatisme est formuleacutee initialement comme suit
Consider what effects which might conceivably have practical bearings we
conceive the object of our conception to have Then our conception of these
effects is the whole of our conception of the object (EPI 132 1878)
Consideacuterer quels sont les effets pratiques que nous pensons pouvoir ecirctre produits par
lobjet de notre conception La conception de tous ces effets est la conception
complegravete de lobjet (version franccedilaise de Peirce W3 365 1879)
La theacuteorie psychologique de la croyance sur laquelle se fonde la maxime
pragmatiste sert de base dans les articles subseacutequents de la seacuterie agrave une explication de
la logique de la science Dans cette theacuteorie le raisonnement est consideacutereacute comme une
enquecircte de la penseacutee visant agrave faire cesser le doute par la fixation de la croyance ce qui
implique leacutetablissement dune regravegle daction sous la forme dune prise dhabitude
Peirce y distingue de plus trois degreacutes de clarteacute de la penseacutee atteints respectivement
dans la deacutefinition des ideacutees par lusage familier la distinction abstraite et
lexpeacuterimentation scientifique La maxime pragmatiste est ainsi preacutesenteacutee comme une
regravegle meacutethodologique inspireacutee de la meacutethode scientifique expeacuterimentale permettant
datteindre le troisiegraveme degreacute de clarteacute de la penseacutee
Il
La meacutethode scientifique est selon Peirce reacutealiste et faillible cest-agrave-dire que le
scientifique admet quiumll y a des choses reacuteelles dont le caractegravere ne deacutepend pas de ce
quun individu quelconque peut penser et que la confrontation avec les faits de la
reacutealiteacute actuelle par laquelle il cherche agrave connaicirctre ces choses reacuteelles peut le mener agrave
douter de certaines de ses croyances jusque-lagrave preacutesupposeacutees comme vraies La
meacutethode la plus adeacutequate dans la repreacutesentation de la reacutealiteacute est donc de consideacuterer
lensemble des conseacutequences pratiques possibles et non seulement actuelles des
conceptions concernant cette reacutealiteacute La consideacuteration des diffeacuterents aspects de la
reacutealiteacute augmente la probabiliteacute dune adeacutequation de la croyance avec leacutetat des choses
reacuteel et donc latteinte de la veacuteriteacute dans la repreacutesentation de la reacutealiteacute La meacutethode
scientifique a de plus la proprieacuteteacute de se corriger elle-mecircme lorsque le scientifique en
v ient agrave recon naicirctre 1iumlnadeacutequation de certa ines de ses repreacutesentations su ite agrave leur
confrontation avec la reacutealiteacute actuelle
Une faccedilon de distinguer les difteumlrents aspects de la reacutealiteacute consiste nous le
percevons deacutejagrave agrave consideacuterer les modes decirctre dont leacutetude est avant tout propre agrave la
logique et agrave la meacutetaphysique La porteacutee logique de la maxime est dailleurs le mieux
entrevue dans Jutilisation de la modaliteacute de la possibiliteacute (ltltmight conceivablyraquo ou
laquoque nous pensons pouvoir ecirctreraquo) alors que les faits psychologiques servant agrave
lillustration sont tireacutes de lexpeacuterimentation psychologique qui consiste agrave accumuler
des faits par la confrontation des croyances de lexpeacuterimentateur avec la reacutealiteacute
actuelle seulement La doctrine du pragmatisme donne un principe meacutethodologique au
scientifique consideacuterant lensemble des modaliteacutes decirctre qui caracteacuterisent la reacutealiteacute
tout en accentuant celle de la possibiliteacute tandis que les sciences speacuteciales lui
fournissent des donneacutees factuelles compileacutees lors dexpeacuterimentations constituant des
confrontations avec la reacutealiteacute actuelle Peirce illustre sa doctrine en appliquant la
maxime agrave la deacutefinition de plusieurs conceptions scientifiques dont lune la dureteacute
dans linterpreacutetation de laquelle il ne semble pas comprendre la reacutealiteacute de la possibiliteacute
Il reviendra plus tard sur cet exemple pour en rectifier liumlnterpleacutetation (EP2 354
12
1905 455-57 1911) mais il est vrai quen ce moment initial du deacuteveloppement de la
doc tri ne du pragmatisme il n en sais issa it sans doute pas tou te la porteacutee pou ltant deacutejagrave
clairement envisageacutee dans la maxime
11 est agrave noter que lors du premier deacuteveloppement de la doctrine Peirce
nemploie pas encore le terme laquopragmatismeraquo quil aurait toutefois utiliseacute degraves les
anneacutees 1870 dans des discussions avec ses camarades du laquoMetaphysical Clubraquo de
Cambridge Cest William James qui relancera publiquement en 1898 la notion de
pragmatisme et puis la popularisera tout en accordant le creacuteclit cie sa premiegravere
expression agrave son ami de toujours Peirce recommencera par la suite agrave sy inteacuteresser
explicitement dans ses eacutecrits et consacrera une seacuterie de confeumlrences donneacutee agrave Harvard
en 1903 agrave son sujet Il deacuteveloppe dans ces confeacuterences une approche
pheacutenomeacutenologique et logique expliquant le pragmatisme agrave partir de sa theacuteorie de la
perception et faisant le lien de cette derniegravere avec la logique des relations et la theacuteorie
de liumlnfeumlrence Le pragmatisme est alors preacutesenteacute sous la ~orme cIun theacuteoregraveme
philosophique dont lauteur cherchera agrave plOuver la veacuteriteacute Ce theacuteoregraveme relie le sens du
pragmatisme aux modes grammaticaux et le rapproche ainsi du thegraveme de la
repreacutesentation
Praglllatism is the principle that every theoretical jllclgment expressibJe in a
sentence ln the inclicative moocl is a confllsed form of lhollght whose only
meaning if il has any lies in ils tenclency to enforce a corresponding practical
Illaxim expressible as a conclitional sentence having its apoclosis in the illlpelative
Illood (EP 134-51903)
Peirce considegravere que lutiliteacute de la maxime est deacutejagrave suHisamment apparente
dans sa formulation initiale et cherche plutat dans sa nouvelle approche une preuve
cie la doctrine Cette preuve consistera agrave approfondir la compreacutehension clu
pragmatisme par le moyen cie la theacuteorie de la perception et plus tard de la theacuteorie des
signes et agrave en speacutecifier la porteacutee au niveau logique Lauteur rejette tout daborcl
lapproche psychologique qui caracteacuterisait sa premiegravere formulation laquoMy original
13
article carried this back to a psychological principle 1 do not think it satisfclctory to
reduce such fundamental things to tclcts of psychology ail attempts to ground the
fundamental facts of logic on psychology are seen to be essentially shallowraquo (EP2
140 1903)11 explique sa position antipsychologiste en exposant sa conception de la
hieacuterarchie des sciences selon laquelle la logique est plus fondamentale que la
psychologie et se fonde entre autres sur la pheacutenomeacutenologie dont le thegraveme speacutecifique
de la perception donne une nouvelle voie agrave lapprofondissement de la doctrine
Dans laquoThe nature ofMeaningraquo (EP2 208-25 1903) puis laquoPragmatism as the
Logic of Abductionraquo (EP2 226-7 1903) dont les exposeacutes repreacutesentent
laboutissement de lapproche baseacutee sur la theacuteorie de la perception Peirce deacutegage
ensuite trois propositions appuyant la maxime du pragmatisme premiegraverement rien
nest dans lintellect qui ne soit dabord dans les sens deuxiegravemement les jugements
perceptuels contiennent des eacuteleacutements geacuteneacuteraux troisiegravemement liumlnteumlrence abductive
se confond avec un certain niveau du jugement perceptuel Le pragmatisme tclit suite agrave
ces trois propositiollS car nous pouvons en les examinant effectuer un lien entre la
perception et la logique de jabduction mode dinteumlrence hypotheacutetique propre au
pragmatisme Par la premiegravere proposition Peirce entend plus preacuteciseacutement quil ny a
pas de conception qui ne soit donneacutee autrement que dans des jugements perceptuels
Ainsi Je premier eacuteleacutement de la perception est un jugement servant de fondement au
reste du processus cognitif qui en deacutecoule Les jugements perceptuels constituant de
plus une forme dappreacutehension de laspect rationnel de la reacutealiteacute par la raison
individuelle ils contiennent des eacuteleacutements geacuteneacuteraux propres agrave la fois agrave la reacutealiteacute
exteacuterieure et agrave la reacutealiteacute inteacuterieure qui se confrontent en lindividu La lclculteacute abductive
tire finalement son origine de la perception puisque le mode dinteumlrence de labduction
repreacutesente une gradation du processus cognitif deacutebutant avec le jugement perceptuel
Labduction et le jugement perceptuel jouent dailleurs un lole semblable au sein du
processus cogn itif en y apporta nt de nouveaux eacuteleacutements de base preacutem isses logiques
ou donneacutees factuelles
1 Scloll l~ldagc scolastiquc Vihil lsi in inielleeII (lIinJlillljileJil in se)SIl (IY2 2261903)
14
Pour ce qui inteacuteresse plus particuliegraverement le pragmatisme lanalyse du
processus cognitif au niveau du jugement perceptuel et de labduction montre que le
dessein de la cognition est daccroicirctre linformation concernant la reacuteal iteacute Le jugement
perceptuel diffegravere cependant de labduction en ce que ce premier est acritique et non
controcircleacute par la raison contrairement au second Labduction repreacutesente un stade
avanceacute du processus initieacute par le jugement perceptuel qui ouvre sur les autres modes
dinfeacuterence subseacutequents de la deacuteduction et de linduction et montre ainsi que le
processus cognitif fait ultimement retour sur la reacutealiteacute actuelle afin de confirmer
linformation communiqueacutee Le pragmatisme en tant que doctrine meacutethodologique
baseacutee sur la logique de labduction met laccent sur le premier moment du
raisonnement logique critique et auto-controcircleacute soit le deacutecegravelement des conseacutequences
possibles dune conception mais en comprend aussi la suite logique qui consiste en la
deacuteduction des conseacutequences pratiques neacutecessaires selon le cas actuel envisageacute et leur
confirmation par induction cest-agrave-dire par la confrontation avec la reacutealiteacute actuelle et
le retour sur le raisonnement Le pragmatisme preacuteconise ainsi laccord de la raison
individuelle avec laspect rationnel de la reacutealiteacute et identifie le dessein ultime de la
cognition agrave celui de la reacutealiteacute tout entiegravere soit la croissance de lordre rationnel agrave
travers les diffeacuterents aspects de la reacutealiteacute ici compris du point de vue des modaliteacutes
Peirce revient sur cette ideacutee au deacutebut de la prochaine seacuterie darticles au sujet du
pragmatisme
Now quite the most striking feature of the new theory was its recognition of an
inseparable connection between rational cognition and rational purpose and that
consideration il was which determined the preference for Ihe na me pragmalism
(EP2 333 1905)
Le dern ier moment importa nt de 1 eacutelaboration de la doctri ne du pragmatisme
est la reacutedaction en 1905-07 dune seacuterie darticles dans laquelle Peirce adopte une
approche seacutemiotique et donc proprement logique la logique eacutetant comprise par
lauteur en un sens large comme la theacuteorie de la penseacutee deacutelibeacutereacutee opeacuterant par signes Il
renomme sa doctrine laquopragmaticismeraquo pour la distinguer des autres pragmatismes
15
eacutemergeant agrave leacutepoque et divergeant du sien mais il continuera plus tard dutiliser le
terme dorigine Il nomme aussi deacutesormais sa pheacutenomeacutenologie laquophaneacuteroscopieraquo atin
den souligner la speacutecificiteacute La maxime du pragmatisme est reformuleacutee
conseacutequemment en termes seacutem iot iq ues comme su it
The entire intellectual purport of any symbol consists in the total of elll generell
modes of rationClI concluct which conclitionally upon ClII the possible different
circul1lstances Clnd c1esires would ensue upon the Clcceptance of the symbol (EP2
346 1905)
Peirce reconnaicirct de plus explicitement les limites du pragmatisme ddini par rapport agrave
la porteacutee des symboles dans la citation preacuteceacutedente et clairement limiteacute aux concepts
intellectuels dans lextrait suivant
1 unclerstclllcl pragmatislll to be a method of Clscertaining the meanings not 01 ail
ideas but only of such elS 1 term intellectuell concepts that is to say of those
upon the structure of which argulllents concerning objective tclct may hinge (EP2
421 1907)
La nouvelle preuve seacutemiotique du pragmatisme consiste agrave suivre le deacuteveloppement du
processus interpreacutetatif des signes cest-agrave-dire leur transtormation dun aspect de la
repreacutesentation en un autre afin de confirmer la concordance de ce processus avec la
meacutethode deacutecrite par la maxime Le pragmatisme est alors soutenu par largument selon
lequel liumlnterpreacutetant logique ultime est une habitude le reviendrai dans des sections
subseacutequentes aux exposeacutes de la phaneacuteroscopie et la seacutemiotique mais il convient deacutejagrave
de don ner le sens geacuteneacuteral de 18 nouvelle preuve L iuml nterpreacutetant logique d un signe est
une appreacutehension intellectuelle de la signification de ce signe sous son aspect
triadique Lorsque nous saiSissons laspect triadique de nos repreacutesent8tions qui
concorde lui-mecircme avec la triadiciteacute de la reacutealiteacute sous ses diffeacuterents aspects cest alors
que notre raison s8ccorde le mieux 8vec la raison reacuteelle L iumlnterpreacutet8nt logique ultime
fait porter cet accord agrave un autre niveau de la reacutealiteacute lnctualiteacute puisquil consiste en
une conduite reacutegleacutee de nos actions une habitude Nous retrouvons donc encore une
fois le thegraveme de laccord de la raison individuelle avec la raison geacuteneacuterale de la reacutealiteacute
qu i constitue le moti f essentiel du pragmatisme
16
De 1908 agrave sa mOlt en 1914 Peirce continue de reacuteviser la doctrine du
pragmatisme sans la deacutevelopper davantage mais en la critiquant Il reacuteitegravere ainsi la
critique de sa compreacutehension initiale du reacutealisme dont il avait limiteacute la porteacutee agrave
lactualiteacute des concepts geacuteneacuteraux alors que la reacutealiteacute comprend aussi des possibiliteacutes
reacuteelles li speacutecifie aussi agrave nouveau la porteacutee du pragmatisme qui seacutetend au domaine
de la logique en introduisant cette fois deux nouveaux concepts la seacutecuriteacute et la
feumlconditeacute (ltherly) du raisonnement Le pragmatisme serait une doctrine qui seacutecurise le
raisonnement mais le rend peu feumlcond
1 think logicians should have two aims lirst to bring out the amount and kind of
seclIrily (approach to certainty) of each kind of reasoning and second to bring out
the possible and esperable lIberly or value in productiveness of each kind (EP2
553 note 7 IYI3)
[PIagmatism] certainly aicls OUI approximation to the securily of reasoning But il
does Ilot contribute to the lIberly of reasoning which far more calls for solicitous
care the maxil11 of Pragmatism does not bestow a single smile upon beltluty upon
moral virtue or upon abstract truth-the three things that alone laise Humanity
above Animltllity (EP2 465 1913)
Cette assertion tardive surprend puisque Peirce avait tait plus tocirct de la croissance
lideacutee la plus importante que la philosophie ait produite (explicitement en EP2 373
1905) et par extension le principe directeur de la meacutethodeutique dans la doctrine du
pragmatisme Il sagit en fagraveit de bien comprendre le rocircle speacutecifique du pragmatisme
son caractegravere nonnati f en tant que doctrine meacutethodeutique La meacutethode preacuteconiseacutee par
le pragmatisme seacutecurise le raisonnement en lui donnant une voie speacuteci fique agrave suivre
mais elle ne le rend pas feumlcond puisquelle ne stimule pas elle-mecircme la production de
raisonnement La doctrine du pragmatisme est un tuteur sur lequel il faut fagraveire croicirctre
le raisonnement par dautres moyens Elle prend la croissance pour principe mais ne
lactualise pas elle-mecircme ne deacutecelant avant tout que les possibiliteacutes du raisonnement
les gennes de croissance
Je term inerai cette section en revenant sur le lien de la seacutem iotique avec le
pragmatisme Nous avons vu quau cours du deacuteveloppement de la doctrine du
17
pragmatisme la maxime initiale ne subit pas de changement majeur mais que divers
points de vue sont pris sur la doctrine qui tentent den ameacuteliorer la compreacutehension et
den speacutecifier la porteacutee La seacutemiotique donne ainsi le point de vue le plus authentique
sur le pragmatisme Peirce cherchait un point de vue encore plus propre agrave exprimer
lessence du pragmatisme avec les graphes existentiels une meacutethode de repreacutesentation
graphique de la logique deacuteductive Ce dernier traceacute est resteacute inacheveacute et peut-ecirctre cela
est-il duuml au fait que le pragmatisme preacutetend plutocirct faire appel agrave une logique de
labduction La seacutem iotique reste dans œuvre de Peirce le poin t de vue le plus
compreacutehensif sur le pragmatisme la logique de labduction n ayant pas eacuteteacute formai iseacutee
de faccedilon satisfaisante par lauteur auquel il manquait peut-ecirctre les outils conceptuels
neacutecessaires pour le faire Plus fondamentalement que labduction le pragmatisme
pointe cependant aussi vers la doctrine de la continuiteacute de la penseacutee le syneacutechisme
qui constitue Jultime theacuteoregraveme philosophique que Peirce cherchait agrave prouver
] 2 Le systegraveme des sciences
Peirce conccediloit la sCience comme une activiteacute des ecirctres humains en vue
datteindre la veacuteriteacute dans la repreacutesentation de la reacutealiteacute cest-agrave-dire ladeacutequation
eacuteventuelle des repreacutesentations aux o~jets deacutetude des scientifiques La science nest
ainsi quune des activiteacutes culturelles humaines celle qui fait appel au raisonnement
neacutecessaire Peirce deacuteveloppe de plus une classification des sciences au sein de laquelle
les matheacutematiques occupent la place la plus fondamentale suivies de la philosophie
puis des sciences speacuteciales (deacutenommeacutees idioscopiques) soit les sciences physiques et
psychiques Cette premiegravere trichotomie de sciences constitue la grande classe des
sciences de la deacutecouverte (ou heuristiques) elle-mecircme suivie de deux autres grandes
classes des sciences reacutetrospectives et des sciences pratiques Dans laquoAn Outline
Classiication of the Sciencesraquo (EP2 258-62 1903) lauteur preacutesente la classification
agrave laquelle il aboutit apregraves maintes anneacutees de recherches et dont il retiendra par la suite
18
en ses traits essentiels le modegravele Le scheacutema de cette classification peut ecirctre
reconstitueacute pour ce qui nous inteacuteresse comme suit
3 Science
31 Sciences de la deacutecouverte
311 Matheacutematiques
3111 Matheacutematiques de la logique
3112 Matheacutematiques des seacuteries discregravetes
313 Matheacutematiques des continua et pseudo-colltillua
312 Philosophie
3121 Pheacutenomeacutenologie
3122 Sciences normatives
31221 Estheacutetique
31222 Eacutethique
31223 Logique
312231 Grammaire speacuteculative
312232 Critique
312233 Meacutetllocleutique
3123 Meacutetaphysique
313 Idioscopie
3131 Sciences physiques
3132 Sciences psychiques
32 Sciences reacutetrospectives
33 Sciences pratiques
La classification des sciences suit un ordre selon lequel les sciences deacutependent
de sciences plus fondamentales pour leurs principes auxquelles elles fournissent en
retour des donneacutees Cette ideacutee dune classification des sciences selon le motif de la
deacutependance non reacuteciproque au niveau des principes proviendrait de la philosophie
dAuguste Comte (EP2 258 1903) Je deacutevelopperai agrave preacutesent lexposeacute du systegraveme
des sc iences en y si tuant les dise ipl ines qui nous concernent so it la seacutem iotique ct la
logique de mecircme que la 1ingu istique et leacutetude de leacutecriture
19
Il Y a deux sens du terme laquoseacutem iotiq ueraquo qu i peu t deacutesigner te 1 que Peirce
lutilise la theacuteorie geacuteneacuterale des signes ou selon lacception contemporaine une partie
de la seacutemiotique au sens peirceacuteen la grammaire speacuteculative agrave laquelle est alors
restreinte la theacuteorie des signes Peirce identifie la seacutemiotique en tant que theacuteorie
geacuteneacuterale des signes agrave la logique eacutegalement comprise en un sens large Il suffira pour le
moment de preacutesenter les diffeacuterents sens de la logique la seacutemiotique que nous avons
maintenant situeacutee dans le systegraveme eacutetant preacutesenteacutee en deacutetail dans une prochaine
section
La logique est une sCIence philosophique normative En tant que sCIence
philosophique elle cherche agrave repreacutesenter adeacutequatement la reacutealiteacute actuelle telle
quexpeacuterimenteacutee dans lexpeacuterience commune Les matheacutematiques opegraverent plutocirct par
raisonn~ment hypotheacutetique ou conditionnel portant sur des possibiliteacutes qui ne sont
pas neacutecessairement actualiseacutees mais dont la conseacutequence serait neacutecessaire si les
preacutemisses du raisonnement sactualisaient (menant neacutecessairement au conseacutequentf
Les sciences physiques et psychiques cherchent quant agrave elles les repreacutesentations
neacutecessaires de la reacutealiteacute par lexpeacuterimentation et lobservation speacutecialiseacutees afin de
rendre le savoir productif
Mathematics studies vllat is and wllat is not logically possible without making
itself responsible for its actual existence Philosophy is positive science in the
sense of discovering what really is true but it lilllits itself to sa much of trutll as
can be inferred from comlllon experience Idioscopy embraces ail the special
sciences which are principally occupied wilh the accumulation of new facts (EP2
259 1903)
Peirce conccediloit ainsi les matheacutematiques et la logique comme deux sciences distinctes
mais ordonneacutees poursuivant la veacuteriteacute chacune agrave sa maniegravere lune fondant la seconde
Il considegravere eacutegalement la logique comme plus fondamentale que les sciences rhysiques
et psychiques Il soppose donc agrave la fois au logicisme (agrave Jeacutepoque de Dedekind CP
4239 1902) et au psychologisme fort (entre autres de John Stuart Mill CP 433 91
1893)
La conseacutequcncc csl bien ln chaIcircnc dinleacutelcncc mcnant dcs preacutemisscs au conseacutequcnt
20
En tant que science normative la logique distingue les bons raisonnements des
mauvais Elle tire ses pliumlnClpes de la pheacutenomeacutenologie (aussi deacutenommeacutee
phaneacuteroscopie) science dont lactiviteacute consiste agrave deacutecrire tout ce qUI apparalt agrave
lesprit La description pheacutenomeacutenologique consiste agrave effectuer des seacuteparations
mentales mettant en eacutevidence les eacuteleacutements universellement pleacutesents agrave lesprit La
logique fournit par ailleurs des principes agrave la meacutetaphysique la dirigeant dans ses
raisonnements speacuteculatifs sur la nature de la reacutealiteacute La logique ainsi comprise en un
sens large est une theacuteorie du raisonnement deacutelibeacutereacute et le raisonnement seffectuant par
signes elle correspond agrave la seacutemiotique en tant que theacuteorie geacuteneacuterale des signes
constitueacutee de la grammaire speacuteculativegt la logique critique et la meacutethodeutique Elle
tire ses principes des matheacutematiques et de la pheacutenomeacutenologie mais eacutegalement de
lestheacutetique et de leacutethique En un sens restreint la logique effectue seulement la
critique des arguments en les classifiant et en jugeant leur validiteacute
Logic is the theory of self-controlled or deliberate thought ancl as such must
appeal to ethics fOI its principles It also (Iepends upon phenomenology and upon
mathematics Ail thought being performed by means of signs Logic may be
regarcled as the science of the general laws of signs It has three branches (1)
Speculative CraIl1J7Jar or the general theory of thc nature and Illeanings of signs
whether they be ieons indices or symbols (2) Crije which classitiumles arguments
and determines the validity and degree of force of each kind (3) Methodeuic
which studies the methods that ought to be pursued in the investigation in the
exposition ancl in the application of truth Each division depencls on that which
precedes il (EP2 260 1903)
La logique deacuteductive lormelle une logique matheacutematique selon lacception courante de
la logique contemporaine repreacutesenterait un autre sens restreint de la logique
correspondant agrave une partie de la meacutethodeutique la theacuteorie de la deacuteduction par lemploi
de modegraveles matheacutematiques La meacutethodeutique comprise en ce sens serait une theacuteorie
de la production de raisonnements valides par application dalgorithmes logiques
rapprochant la logique de la technique La logique matheacutematique nest pas agrave confondre
avec les matheacutematiques de la logique qu ineffectuent pas de retour reacuteflexif sur
laquoSpeacutecul~ltiiraquo U sens Je laquotheacuteoreacutetiqucraquo (U)2 128 190lt1)
21
largument mais fournissent le diagramme eacuteleacutementaire servant agrave lanalyse logique
deacuteductive (cf laquoThe Simplest Mathematicsraquo CP 4227-323 1902 en particulier CP
4227-8 CP 4240 et CP 4244)
Peirce classe la linguistique toujours dans le mecircme article de 1903 parm i les
sciences idioscopiques psychiques Plus exactement il sagit dune science psychique
classificatoire En tant que science psychique classificatoire la linguistique tire ses
principes de la psychologie la science psychique nomologique quelle applique lt1
leacutetude des langues Peirce nidentifie pas leacutetude de leacutecriture comme sujet speacutecifique
dune des branches dela linguistique mais il est eacutevident que sa deacutefinition geacuteneacuterale de la
linguistique comprend cette eacutetude que nous pouvons maintenant isoler suite au
progregraves des sciences du langage La science de leacutecriture ici envisageacutee peut ecirctre
caracteacuteriseacutee au moins comme une science psychique classiticatoire tirant ses principes
immeacutediats de la psychologie Elle se base aussi sur la pheacutenomeacutenologie la logique (ou
seacutemiotique) et la meacutetaphysique de mecircme que la biologie sur lesquelles Peirce fonde la
psychologie Il faudrait par ailleurs distinguer la science de leacutecriture des theacuteories de
leacutecriture La science est une activiteacute des ecirctres humains leacutetude dun objet de la reacutealiteacute
actuelle par le biais de lexpeacuterience et la construction conseacutequente de repreacutesentations
concernant cette reacutealiteacute alors que la theacuteorie est plutocirct une chaicircne darguments
concernant la repreacutesentation de la reacutealiteacute La science sengage dans la reacutealiteacute sous tous
ses aspects en prenant pour point de vue la rationaliteacute la theacuteorie est davantage limiteacutee
au raisonnement agrave laspect rationnel de la reacutealiteacute Nous pourrions dire que la theacuteorie
est une repreacutesentation paradigmatique dans le travail continu des sciences
J3 Les sciences philosophiques
Afin dintroduire lt1 une eacutetude plus approfondie des sciences philosophiques
Je l11opposc Cil cela au illlcrpntatIcircolls dc Kcnt (19t7) clliszka (1996) qui situclltlllogiquc
1()liumlllCllc 8U scin dcs 111ecirc1theacuteI118tiqucs
1
22
telles que les concevait Peirce je commencerai par esquisser en quelques traits sa
meacutetaphysique La meacutetaphysique est en quelque sorte la partie productive de la
philosophie peirceacuteenne elle interpregravete en une vision densemble les diffeacuterents aspects
de la reacutealiteacute tels quiumlntuitionneacutes et analyseacutes par les autres sciences philosophiques et
fait le lien avec les sciences idioscopiques De ce point de vue englobant et speacuteculatif
sur la reacutealiteacute Peirce reconnaicirct les diffeacuterents sens et la valeur de la repreacutesentation le
monde comme repreacutesentation est organiseacute selon un ordre hieacuterarchique solidaire la
triade Ces diffeacuterents sens des trois points de vue tondamentaux de la triade et cette
valeur accordeacutee selon lordre hieacuterarchique solidaire transparaicirctront dans lexamen des
principes de la phaneacuteroscopie et de la seacutemiotique sciences auxquelles nous aurons
plus speacutecifiquement affaire dans lexamen de la cateacutegorie de la geacuteneacuteraliteacute Leacutethique et
lestheacutetique nous inteacuteresseront aussi mais pas en ce qui concerne le problegraveme
speacutecifique du meacutemoire et je ny reviendrai donc quagrave la conclusion dans une tentative
douverture de largument par-delagrave son niveau logique
Les principales doctrines de la meacutetaphysique peirceacuteenne sont le reacutealisme
scolastique et la ph i losoph ie du sens commun critique que lauteur preacutesente dans
laquoIssues of Pragmaticismraquo (EP2 346-59 1905) comme des conseacutequences du
pragmatisme Nous pourrions aussi compter au nombre des doctrines meacutetaphysiques
originales de Peirce le tychisme lagapisme et le syneacutechisme de mecircme que lideacutealisme
objectif (deacuteveloppeacutes surtout dans la seacuterie meacutetaphysique de la revue The Aifonisl de
1891-93 (EPI 285-371 )) maisje ne les aborderai pas directement Le reacutealisme a deacutejagrave
eacuteteacute preacutesenteacute comme une caracteacuteristique de la meacutethode scientifique expeacuterimentale de
laquelle sinspire le pragmatisme Il consiste essentiellement agrave reconnaicirctre quiumll ya des
objets dans le monde reacuteel qui ne deacutependent pas de ce quun individu quelconque
puisse en penser Il est aussi traditionnellement compris comme sappliquant aux
concepts geacuteneacuteraux deacuteterminant des objets singuliers Peirce entend toutefois eacutelargir
cette conception de la reacutealiteacute et cest ce qui caracteacuterise son propre reacutealisme inspireacute du
reacutealisme scolastique (de Duns Scot) Selon Peirce il ny a pas que des objets geacuteneacuteraux
)_J
ou deacutetermineacutes qUI soient reacuteels meacutellS eacutegalement toujours du point de vue de la
signilication des repreacutesentations des objets vagues et mecircme du point de vue des
modaliteacutes des objets possibles La reacutealiteacute seacutetend sur trois aspects fondamentaux tels
que diffeacuterencieacutes par la phaneacuteroscopie et la seacutemiotique La notion de reacutealiteacute soppose agrave
celle de fiction ou plutocirct inclut cette derniegravere puisque la fiction est une repreacutesentation
possible de la reacutealiteacute deacutependante de lindividu qui la cree mais elle-mecircme reacuteelle dans
S3 situation particuliegravere au sein de la reacutealiteacute
L3 philosophie du sens commun critique eacutegalement en germe dans le
faillibilisme caracteacuteristique de la meacutethode du pragmatisme et deacuteriveacutee de la philosophie
du sens commun eacutecossaise (avant tout de Reid) est agrave son tour une doctrine
meacutet3physique dont le principe essentiel consiste agrave reconnaicirctre quil y a des inleumlrences
indubitables en ce sens quelles sont acritiques qui constituent le fondement de la
connaissance Ces inleumlrences sont indubitables mais extrecircmement vagues ce qui les
rend facilement sujettes au doute degraves quelles sont circonscrites et que des deacutetinitions
plus preacutecises en sont rechercheacutees La doctrine est de la sOlte critique parce quelle
reconnaicirct ecirctre elle-mecircme fondeacutee sur des croyances non critiqueacutees mais pouvant ecirctre
reacutevoqueacutees en doute non par la simple volonteacute du sujet connaissant mais par leur
confrontation aux faits de la reacutealiteacute actuelle La philosophie du sens commun critique
reconnaicirct donc sa propre faillibiliteacute Les deux doctrines repreacutesentent finalement des
conseacutequences du pragm3tisme une doctrine meacutethodeutique de la seacutemiotique en ce
quelles se fondent sur les analyses de la phaneacuteroscopie pm la prise en compte des
di f1eumlrents aspects de la reacutealiteacute et de la seacutemiotique par la critique du raisonnemento Il
conven3it cependant de preacutesenter 13 meacutetaphysique avant la ph3neacuteroscopie et la
On pourrait sc dcmandcr siumllne sagit pas lil plutocirct dc doctrincs eacutepisteacutemologiques Cl non
meacutelaphysiqucs mais leilcc nuli 1isc (oui simplement pas le terme d laquoeacutepisteacutenwlogicraquo Leacutepisteacutemologie en tant que theacuteorie ue la euumlnnaiss~lncc semble ecirctle pour lui une bl~lnehe de la meacutelltlrh) sique ct nous pouons rcnsel qUII elasser~lit la philosophic des sciences dans les sciences reacutetmspeelives ou mecircl11e CIleore 11 meacutetaph)siquc Il dit une il1is au sujet de Imiddoteacutepisteacutemologie en inlroduisantla gnll11maire speacuteCLilatic eomlllc rrcmiegravere seienec logique
Other logiciI1s clldeorillg to steel elear or psyclwlog) as lal ilS rossibk lhillk thal this Jirst blI1ch olIogic I11lsl relne 10 lhe posibilily or knolcdgc or Ihe lcal Vorld alld liron the sellse in hieh il is Inle Ihal Ihe lcal orlll eall be kno n This bran ch 01 rhiloso[Jh) clilcd epistel11gy 01
rkelliJIl7isehre is ncccssarily jltJrgely I11claphysicill (112 257 1(()3)
24
seacutemiotique afin de donner agrave ces derniegraveres un horizon envisageacute dans le sens de leur
app 1ication
131 Phaneacuteroscopie theacuteorie des cateacutegolies
La phaneacuteroscopie peut ecirctre preacutesenteacutee dans un but heuristique selon deux
approches diffeumlrentes lune allant dans le sens formel des principes et lautre dans le
sens mateacuteriel des donneacutees 1 ny a toutefois pas de solution de continuiteacute entre la
forme et la matiegravere car selon la doctrine de lideacutealisme objectif la matiegravere nest quune
forme contrainte par lhabitude laquomatter is effete mind inveterate habits becoming
physical lawsraquo (EP 1 293 1891) ou encore laquomatter is merely mind deadened by the
development of habitraquo (CP 8318 1891) Peirce deacuteveloppe la phaneacuteroscopie agrave partir
de sa theacuteorie des cateacutegories dabord conccedilue comme une theacuteorie de la cognition dont
les conceptions reacuteduisant la diversiteacute de la Substance agrave luniteacute conceptuelle de lEcirctre
sont la Repreacutesentation la Relation la Qualiteacute (EP 1 6 1867) Il propose dans sa
theacuteorie cognitive des cateacutegories une approche psychologisante de la logique illustreacutee
par mais non fondeacutee sur la psychologie selon laquelle il deacutecrit Je processus
dabstraction qui permet la cateacutegorisation dans un exposeacute meacutelangeant les aspects
formel et mateacuteriel Peirce qui deacutefend au moment de sa theacuteorie initiale une ontologie
reacutealiste comprenant des eacuteleacutements nominalistes adoptera eacuteventuellement un reacutealisme
dur Les cateacutegories seront alors deacutetinies comme des eacuteleacutements universellement preacutesents
agrave lesprit et seront nommeacutees dans leur plus grande geacuteneacutera 1iteacute Prem iegravereteacute Deuxiegravemeteacute
Troisiegraverneteacute Cest cette derniegravere approche phaneacuteroscopique que je retiendrai surtout
ici puisque cest delle que procegravede la seacutemiotique peirceacuteenne pleinement deacuteveloppeacutee
qui rera lobjet de la prochaine section
Selon lapproche la plus proprement formelle de la phaneacuteroscopie les
cateacutegories sont deacuteriveacutees des intuitions matheacutematiques exposeacutees dans les
25
matheacutematiques de la logique (CP 4250-323 1902 laquoThe Simplest Mathematicsraquo) Le
matheacutematicien deacutecouvre il travers ses raisonnements sur les formes hypotheacutetiques de
la reacutealiteacute la triadiciteacute des structures formelles primitives authentiques (genlline) et leur
dyadiciteacute dans une forme deacutegeacuteneacutereacutee (degeneroe) La dyade constitue un point de
deacutepart dans la reacutealiteacute actuelle et est donc la premiegravere structure analyseacutee mais avec le
deacuteveloppement de la reacuteflexion matheacutematique cest la triade qui fait loi Peirce
distingue eacutegalement selon une approche moins essentiellement tonnelle mais plus
proprement philosophique puisque logique trois modes de seacuteparation dans la penseacutee
la dissociation la preacutescission et la discrimination (cf laquoSundry Logical Conceptionsraquo
EP2 267-72 1903) La description phaneacuteroscopique consiste alors agrave effectuer ces
diffeacuterents types de seacuteparation mentale afin de mettre en eacutevidence les eacuteleacutements
un iversellement preacutesen ts agrave lesprit Les tro is cateacutegories sont om nipreacutesen tes dans la
penseacutee mais les modes de seacuteparation qui sappliquent agrave chacune dentre elles
diffegraverent A insi la d issoc iation est une opeacuteration de Prem iegravereteacute selon laquelle on peut
imaginer un eacuteleacutement sans un autre la preacutescission est une opeacuteration de Deuxiegravemeteacute
selon laquelle on peut supposer un eacuteleacutement sans un autre mais non limaginer et la
discrimination est une opeacuteration de Troisiegravemeteacute selon laquelle on peut repreacutesenter un
eacuteleacutement sans un autre mais non Je supposer ni limaginer La diffeacuterence entre les
modes de seacuteparation deacutecoule de lordre de genegravese des cateacutegories et du lien de
deacutependance non reacuteciproque qui les unit La Premiegravereteacute se suffit agrave elle-mecircme la
Deuxiegravemeteacute deacutepend de la Premiegravereteacute mais non de la Troisiegravemeteacute et la Troisiegravemeteacute
deacutepend agrave la tais de la Premiegravereteacute et de la Deuxiegravemeteacute Le scheacutema suivant preacutesente les
diffeacuterents aspects tormels de la structure
Niveaux cOleacutegoriels des l1odes de seacuteparolion
1deg Dissociation seacuteparation de Premiegravereteacute
2deg Preacutescission seacuteparation de Deuxiegravemeteacute
3deg Discrimination seacuteparation de Troisiegravemeteacute
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Deacutefinitions en termespllJs intuitifs
1deg On peut imaginer un eacuteleacutement sans un autre
2deg On peut supposer un eacuteleacutement sans un autre mais non limaginer
3deg On peut repreacutesenter un eacuteleacutement sans un autre mais non liumlmaginer ni le
supposer
(Par exemple 1deg on peut imaginer une couleur sans une autre 2deg on peut
supposer quune couleur nait pas dintensiteacute speacutecij~que (ainsi lorsquon parle
du rouge en geacuteneacuteral la rougeur (rednessraquo mais on ne peut limaginer 3deg on peut
repreacutesenter lintensiteacute dune couleur sans cette couleur (lorsquon donne une
formule matheacutematique repreacutesentant lintensiteacute) mais on ne peut la supposer ni
1iumlmagi ner)
Porteacutee des modes de seacutejJorotion
1deg On peut
- dissocier un Premier dun autre Premier
2deg On peut
- preacutescinder un Deuxiegraveme dun autre Deuxiegraveme
- preacutescinder un Premier dun Deuxiegraveme mais non un Deuxiegraveme dun Premier
3deg On peut
- discriminer un Troisiegraveme dun autre Troisiegraveme
- discriminer un Premier dun Troisiegraveme mais non un Troisiegraveme dun Premier
- discriminer un Deuxiegraveme dun Troisiegraveme mais non un Troisiegraveme dun
Deux iegraveme
De plus selon lordre de genegravese et le lien de deacutependance non reacuteciproque qui unit les
cateacutegories le scheacutema peut se complexifier si lon considegravere la dissociation possible de
la Premiegravereteacute avec la Deuxiegravemeteacute dun Deuxiegraveme la dissociation possible de la
Premiegravereteacute avec la Premiegravereteacute dun Troisiegraveme etc Remarquons finalement que la
Premiegravereteacute ofije le plus de possibiliteacutes de seacuteparation mais que son propre niveau
requiert la plus grande seacuteparation Les possibiliteacutes de seacuteparation de la Troisiegravemeteacute
sont quant agrave elles plus restreintes mais le niveau propre de celle-ci requiert une plus
27
petite seacuteparation En dautres termes la seacuteparation au niveau de la Premiegravereteacute requiert
une plus grande implication logique et ontologique quune seacuteparation au niveau de la
Troisiegravemeteacute
Selon lapplOche mateacuterielle de la phaneacuteroscopie les cateacutegories sont plutocirct
deacutecrites agrave partir des donneacutees immeacutediates de la philosophie les faits de lexpeacuterience
commune en tant qu eacuteleacutements pheacutenomeacutenaux invariablement preacutesents dans la penseacutee
tels que la qualiteacute pour la Premiegravereteacute le fait brut pour la Deuxiegravemeteacute et la loi pour la
Troisiegravemeteacute Cest cette approche que Peirce utilise le plus souvent afin dillustrer sa
theacuteorie Les sens formel et mateacuteriel sont tous deux distingueacutes implicitement dans les
deacutefinitions suivantes
Categoly the First is the Idea of that which is such as it is regardless of
anything else That is to say it is a Qiality of Feeling
Category the Second is the Idea of that which is such as it is as being Second
to SOllle First regardless of anything else and in particular regardless of any 011
although it Illay conforlll to a law That is to say it is Reaction as an eleillent of
the Phenomenon
Category the Third is the Idea of that which is such as it is as being a Third
or Medium between a Second and its First That is to say it is Representation as an
element of the Phenomenon
(EP2 160 1903)
Dans sa formulation initale de la theacuteorie des cateacutegories Peirce considegravere aussi
deux cateacutegories suppleacutementailes lEcirctre et la Substance Les trois cateacutegories
intermeacutediaires correspondant lt1 la Premiegravereteacute la Deuxiegravemeteacute et la Troisiegravemeteacute sont
alors nommeacutees Qualiteacute Relation et Repreacutesentation Les cinq cateacutegories sont deacutefinies
cOl11me des conceptions universelles servant agrave reacuteduire la diversiteacute des impressions
sensibles en une uniteacute Les trois cateacutegories intermeacutediaires sont consideacutereacutees comme des
accidents reacuteduisant progressivement la diversiteacute de la Substance agrave luniteacute conceptuelle
pure de I~Ecirctre Dans le langage cette reacuteduction seffectue au sein de la proposition
luniteacute conceptuelle geacuteneacuterale comprenant les diffeacuterents niveaux de la reacuteduction Peirce
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reacutesume les cateacutegories dans le scheacutema suivant
Being
Quality (Reference to a Ground)
Relation (Reference to a Correlate)
Representation (Reference to an Interpretant)
Substance
(EPI 61867)
Peirce fait de plus la distinction aussi bien dlI1s ses premiers eacutecrits menant agrave la
formulation de la theacuteorie des cateacutegories initiale que dans les eacutecrits sur la
pheacutenomeacutenologie entre les cateacutegories universelles jusquici preacutesenteacutees et quil a
surtout deacuteveloppeacutees et les cateacutegories paliiculiegraveres dont il na pas termineacute leacutetude
mais quil em ploie largement dans son œuvre Les cateacutegories un iverselles sont
organiseacutees selon un ordre hieacuterarchique solidaire et sont preacutesenteacutees dans la liste courte
de la triade fondamentale Prem iegravereteacute Deuxiegravemeteacute Troisiegravemeteacute Les cateacutegories
particuliegraveres sont plutocirct organiseacutees selon un modegravele ternaire une seule agrave la fois eacutetant
preacutesente ou du moins preacutedominante dans un pheacutenomegravene (EP2 148 1903) Ces
cateacutegories se multiplient en un nombre indeacutetermineacute et repreacutesentent une longue liste
que Peirce na pas compleacuteteacutee Nous pouvons toutefois en suivant ses eacutecrits classer
quelques-unes de ces cateacutegories en tables selon laspect de la reacutealiteacute sur lequel elles
portent de la maniegravere suivante
Aspect de la reacutealiteacute Cateacutegories particuliegraveres
modaliteacute possibiliteacute actualiteacute neacutecessiteacute (EP2 491)
qualiteacute neacutegation aftiumlnnation infiniteacute dintermeacutediaires (EP2
353)
relation monade dyade triade (EP2 424-7)
[sign if~cat ion] vagueur (laglleness) deacutetermination geacuteneacuteraliteacute (EP2
350-52)
quantiteacute particulariteacute singulariteacute universaliteacute (EI)2 353)
Les principaux aspects de la reacutealiteacute ici distingueacutes selon un scheacutema inspireacute des tables
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kantiennes auxquelles sajoute la signification (je la deacutesigne comme telle) semblent
correspondre aux cinq cateacutegories de la theacuteorie des cateacutegories initiale la modaliteacute eacutetant agrave
relier agrave lEcirctre (Peirce en discute aussi en termes de laquomodes decirctreraquo (EP2 269 1903))
la signification agrave la Repreacutesentation la Relation et la Qualiteacute se retrouvant telles quelles
et la quantiteacute se reliant agrave la Substance Les cateacutegories universelles se complexifieraient
de la sorte selon le motif de la quantiteacute en cateacutegories particuliegraveres suivant un modegravele
ternaire La modaliteacute et la quantiteacute encadreraient theacuteoriquement les cateacutegories
universelles philosophiques la Qualiteacute la Relation et la Repreacutesentation qUI
sappliquent plus speacutecifiquement agrave la reacutealiteacute telle que perccedilue dans lexpeacuterience
commune Peut-ecirctre pourrions-nous consideacuterer la modaliteacute et la quantiteacute comme des
cateacutegories laquomeacuteta-philosophiquesraquo propres agrave un autre point de vue au sein des
sciences reacutetrospectif sans doute Toujours est-il que je me limiterai ici agrave lexamen de
deux ensembles de cateacutegories particuliegraveres lune soi-disant meacuteta-philosophique les
modaliteacutes qui permettront dapprofondir la compreacutehension du motif de la
cateacutegorisation peirceacuteenne et lautre proprement philosophique et mecircme logique les
cateacutegories de la signification qui inteacuteressent plus speacutecifiquement le problegraveme envisageacute
dans ce meacutemoire
Ainsi les exemples que Peirce utilise pour deacutelinir ses cateacutegories tant appel aux
modaliteacutes Certaines notions modales sont mecircme lieacutees agrave des cateacutegories speacutecifiques Les
modaliteacutes eacutetant des notions logiques assez intuitives il est inteacuteressant dexaminer le
lien queffectue Peirce entre ces derniegraveres et les cateacutegories en revenant sur les
illustrations concregravetes des cateacutegories et leurs exp 1ications formelles La Prem iegravereteacute est
illustreacutee le plus souvent par une qualiteacute de sensation (qllolilyojjegraveeling) telle le rouge
Avant mecircme quon prenne conscience de la qualiteacute et quon lui accorde une intensiteacute
elle est sous son aspect le plus authentique une simple possibiliteacute ce que Peirce
considegravere comme de la Prel11 iegravereteacute sans Deuxiegravemeteacute La Prel11iegravereteacute la pl us En suivant le motilues cateacutegories rltlrliculiegravetes dc la lJuantiteacute on pcut se dcmanuelnugravelmiddotemenl siumlln) ltlurait pas des cateacutegolies singuliegraveres I)cilcc ne scmole rIS eonsiJeacutenr ec cl1emin de renseacutee (il nest S[II
que ue cc quiumll Joit) lloil deu ordns (lY2 148 1J(3)) Imis on peut imaginer lJuiumll sagilltlil selon son systegraveme de cateacutegolies (d hoc cest-tl-dire que pOlll tel CIS il y uuraillelle laquocateacutegorieraquo lei un nOI11 rlOrlC
30
fondamentale des cateacutegories est donc associeacutee agrave la modaliteacute de la possibi liteacute
laquoPossibility the mode of being ofFirstness is the embryo ofbeing It is not nothing
It is not existenceraquo (EP2 269 1903) La Deuxiegravemeteacute est le plus souvent illustreacutee par
un fait brut tel la compulsion par exemple leffort provoqueacute soudainement
lorsquune porte quon sapprecircte agrave ouvrir nous reacutesiste La modaliteacute qui lui est associeacutee
est lactualiteacute laquoSecondness only is while it actually is The same thing can never
happen tVice As Heraclitus said one cannot cross the same river twice raquo (EP2
268 1903) Cest donc aussi la cateacutegorie de lexistence et de lindividualiteacute de la
situation dans un espace-temps La Troisiegravemeteacute peut quant agrave elle ecirctre illustreacutee entre
autres par Lin ensemble discursif mettant plusieurs propositions singuliegraveres en
relation cest-agrave-dire un argument Cest la cateacutegorie meacutediatrice de la penseacutee de la loi et
de la finaliteacute entendue comme raison ou but La modaliteacute qui lui est associeacutee est la
neacutecessiteacute
On the other hand Necessiy is an idea 01 Thirdness This word is equivocal it is
here taken in the sense of rational ie general necessity It is not a mere cJenial of
Possibility For Possibility in the sense of Firstness is not a subject of denial The
absence of any given possibility is 01 course a possibility but to leave a character
st8ncling and rcmovc From it its possibility is nonsense unJess one means ta speak
of a representamen of the quality in which case the element of Thirclness is the
predominant one (EP2 271 1903)
La relation de deacutependance non reacuteciproque propre aux cateacutegories universelles
sapplique aussi aux modaliteacutes qui leur sont associeacutees La neacutecessiteacute ne nie pas la
possibiliteacute mais limplique Cependant tout comme la Troisiegravemeteacute peut dominer et
laisser la Premiegravereteacute inapparente la neacutecessiteacute peut aussi dominer et laisser la
possibiliteacute sembler seffacer comme caracteacuteristique modale Nous remarquons aussi
que la Troisiegravemeteacute est la cateacutegorie dont la deacutefinition est la plus tagravecile agrave eacutelaborer
discursivement que la Deuxiegravemeteacute est la cateacutegorie la plus tagravecile agrave illustrer par
lexpeacuterience que nous en faisons dans le monde et que la Premiegravereteacute est tout
simplement la cateacutegorie la plus difficile agrave saisir bien que la plus fondamentale La
deacutefinition agrave laide dillustrations recoupe leacutelaboration formelle preacutesenteacutee plus haut
31
mais implique les modaliteacutes de faccedilon plus eacutevidente La structure deacutegageacutee dans
lexposition formelle se reflegravete donc aussi sur les modaliteacutes
Le lien queffectue Peirce entre les cateacutegories et le langage dans la theacuteorie des
cateacutegories in itiale nOLIs informe eacutegalement au sujet des modal iteacutes Les cateacutegories
opegraverent une unification conceptuelle au sein de la proposition qui consiste en la mise
en relation clu preacutedicat et de ses sujets culminant clans la conception dmiddotEcirctre Or la
modaliteacute est dans sa deacutefinition canonique une notion moditiant la relation diumlnheacuterence
subsistant entre le sujet et le preacutedicat Les modaliteacutes sont donc des notions tregraves
semblables aux cateacutegories universelles Peirce dit lui-mecircme dans sa preacutesentation plus
tardive et pheacutenomeacutenologique des cateacutegories laquoA Possibility and a Firstness are pretty
nearly identicalraquo (EP2 271 1903) Et il preacutecise ailleurs dans le mecircme article nous
lavons vu plus haut laquoPossibility the mode of being of Firstness is the embryo of
beingraquo (EP2 269 1903) Si nous faisons le lien entre laftinnation selon laquelle laquola
possibiliteacute [est] le mode decirctre de la Premiegravereteacuteraquo et la liste initiale des cateacutegories nous
pouvons comprendre le mode decirctre comme eacutetant une modification de luniteacute
conceptue Ile pure de la cateacutegorie dEcirctre par des accidents Les cateacutegories
intermeacutediaires sont les accidents graduels de la conception dEcirctre et la modaliteacute est la
qualitication de ces accidents Les modaliteacutes indiquent donc la maniegravere dont les
cateacutegories accidentelles opegraverent la reacuteduction du divers sensible en une uniteacute imparfaite
par rapport agrave luniteacute pure de lEcirctre qui na pas de modaliteacute En nous reacutereumlrant
eacutegalement agrave la liste initiale des cateacutegories nous pouvons aussi comprendre
latlirmation selon laquelle laquola possibiliteacute est lembryon de lecirctreraquo puisque la
cateacutegorie universelle dont la possibiliteacute est la modaliteacute correspondante la qualiteacute est la
derniegravere conception avant luniteacute conceptuelle pure de lEcirctre Nous tirons de ces
consideacuterations le scheacutema reacutecapitulatif su ivant
32
Ecirctre mode decirctre
Qualiteacute possible
Relation accidents qualifieacutes de actuel
Repreacutesentation neacutecessaire
Substance
La modaliteacute est de plus abordeacutee en logique dans la partie modale des graphes
existentiels mais celle-ci est resteacutee largement inacheveacutee et reste inaccessible sans une
introduction agrave la meacutethode des graphes existentiels La modaliteacute est sinon mentionneacutee
par Peirce lorsquil eacutetudie les propositions dans le cadre de sa theacuteorie des signes Mais
il ne fait alors que suivre la tradition scolastique et kantienne en en reprenant les
deacutefinitions Toutefois cela nous indique que sa conception devrait pour lessentiel
saccorder avec cette tradition quil a eacutetudieacutee en profondeur et dont il sest
certainement inspire Honn is les deacutefinitions de dictionnaire eacutecrites par Peirce la
principale occurrence dune deacutefinition des modaliteacutes dans le cadre de leacutetude
seacutemiotique des propositions est la suivante
ln the fiumlrst place accordillg to Ivodalily [ J or Mode [ J a prOposition is either
de inesse [ ] or modal A proposition de inesse contemplates ollly the existing
state of things-existing that is in the logical ulliverse of c1iscourse A modal
proposition takes account of a whole range of possibility According as it asserts
something to be true or fnlse throughout the whole range of possibility it is
necessary [ J or impossible According as it asserts something to be true or false
within the range of possibility (not expressly including or excluding the existent
state of things) it is possible [ ] or conlingenl (EP2 283 1903)
La conception de la modaliteacute formuleacutee ici correspond exactement agrave celle entrevue
jusque maintenant dans lexamen de la phaneacuteroscopie Selon la modaliteacute une
proposition est soit de inesse ou modale Le de inesse correspond agrave la modaliteacute cie
lactualiteacute La possibiliteacute est aussi reconnue comme un aspect fondamental des
Le long article encyclopeacutedique sur lu modoliteacute que leircc a eacutecril pour le dictionnaire de lames Mark 13uldin reacutesume les conceptions ue ces deux lraditions (CI 2382-90 1902) Les parenthegraveses omises dons la citation suivante lonl dailleurs reacuteleumlrcnec au lermes uorigine el il leurs au leurs (I~()egravece
Iheacutel)Id Kal1l)
33
modaliteacutes Les modaliteacutes sont ensuite classeacutees selon le champ de possibiliteacute consideacutereacute
la modaliteacute qui englobe tout le champ du possible est la neacutecessiteacute si la proposition est
positive et limpossibiliteacute si la proposition est neacutegative et la modaliteacute qui ne
considegravere quune partie du champ du possible est la possibiliteacute si la proposition est
positive et la contingence si la proposition est neacutegative Il est inteacuteressant de noter
que lactualiteacute est consideacutereacutee comme une modaliteacute et que la phaneacuteroscopie ne
consideacuterait en plus de lactualiteacute que les modaliteacutes positives de la neacutecessiteacute et la
possibiliteacute La deacutefinition de la philosophie citeacutee plus tocirct preacutecise bien quelle est laquoune
science jJOsiive en ce sens quelle deacutecouvre ce qui est reacuteellement vrairaquo La seconde
occurrence significative des modaliteacutes dans un contexte seacutemiotique est le postshy
scriptum dune lettre agrave Lady Welby La modaliteacute y sert agrave caracteacuteriser les diffeacuterents
types de signes
1 signifies the Possible Modality that of an Idea
2 signifies the Actual Modality that of an Occurrence
3 signilies the Necessary Moclality that of a Habit
(EP2 4911908)
Les chiffres (1 2 3) deacutecrivent chacun un aspect du signe dans un scheacutema de
combinntoires deacutefinissant les dix classes de signes Lactualiteacute est agrave nouveau reconnue
comme modaliteacute tandis que seules les modaliteacutes positives de ln possibiliteacute et la
neacutecessiteacute sont eacutegalement retenues dans le cadre dune description phaneacuteroscopique
servnnt agrave caracteacuteriser les dineumlrents types de signes
Les cateacutegories particuliegraveres de la signification ne sont pas preacutesenteacutees
explicitement dans les tables de Kant mais Peirce les fait remonter agrave ce demier (EP2
352 1905) Lexposeacute le plus complet des cateacutegories de la signification se trouve dans
larticle de 1905 intituleacute laquoIssues ofPragl11aticisl11raquo (EP2 346-59) auquel peuvent ecirctre
ajouteacutees les deacutefinitions du LenlIry Dicio1mJ el du dictionnaire de Baldvin le
deacute1inirai tout dabord chacune des trois conceptions puis les aliiculerai les unes avec
les autres pour finalement me concentrer sur la porteacutee de la geacuteneacuteraliteacute dans le systegraveme
des sciences Il sera plus commodc dc prcndrc pour point de deacutepart la reacutealiteacute actuelle
34
et de deacutefinir en premier I() cateacutegorie particuliegravere de la signitication qui lui correspond la
deacutetermination La signification dun terme est dite deacutetermineacutee lorsque la Deuxiegravemeteacute
domine la repreacutesentation La relation entre le terme et ses objets est alors actuelle
quelle soit affirmeacutee ou nieacutee les qualiteacutes de lun eacutetant attribueacutees agrave lautre Ainsi un
nom commun deacutesigneacute par un adjectif deacutemonstratif est un exemple de terme dont la
signification est deacutetermineacutee Les cateacutegories du vague et du geacuteneacuteral sont toutes deux
indeacutetermineacutees Peirce donne la deacutetinition suivante de la deacutetermination
A subject is delerminale in respect ta any character which inheres ln it or is
(universally and ltlt1iliumlllatively) predicated of il as weil as in respect ta the negative
of such character these being the very saille respect In ail other respecls it is
indelerlllil1ole (EP2 350 1905)
La sign ificeacuteltion d un tcrmc est plutocirct dite lagile lorsque son caractegravere de Prcm iegravercteacute
esl preacutepondeacuteranl La relation entre le terme et les objets auxquels il est altribuable
nest alors que possible elle reste agrave deacuteterminer dans le processus interpreacutetatif Le
champ dapplication du terme neacutelant pas initialement entrevu la signification est dite
non seulement indeacutetermineacutee mais eacutegalement indeacutefinie Un mot agrave la signification
inconnue dans son premier abord mais speacutecitiable par la suite esl un exemple de
terme vague La deacutefinition du vague que donne Peirce est la suivante
A sign that is objectively indetenninate in any respect is objectively vague in sa
far as it reserves further determination ta be made in saille other conceivable sign
or nt least does not appo int the interpreter as its deputy in this office (EP2 351
1905)
La signification dun terme est finalement dite geacuteneacuterale lorsque cest la Troisiegravel11eteacute
qui domine la repreacutesentation La relation entre le terme et les objets auxquels il est
imputable eSl alors neacutecessaire car bien quelle soit indeacutetermineacutee elle reste limiteacutee agrave
une porteacutee bien deacutefinie La signification du terme geacuteneacuteral est pour cette raison dite
deacutefinie par opposition agrave lautre cateacutegorie indeacutetermineacutee du vague La conception
dEcirctre implicite agrave toute proposition constitue la signification geacuteneacuterale par excellence
exprimant la relation d iumldenti teacute propre agrave tous les objets eacutemergeant d un mecircme
continuum phaneacuteronique et repreacutesenteacutes aussi dans un mecircme continuum seacutemiotique
Peirce deacutetinit le geacuteneacuteral cOmme suit
35
A sign (under which designation 1 place every kind of thoughL and not alone
external signs) that is in any respect objectively indetenninate (ie whose object
is undeterlllined by the sign itself) is objectively genera in so far as it extends to
the interpreter the privilege of carrying its deterlllination fmtheL (EP2 350
1905)
Agrave un niveau plus speacutecifiquement logique Peirce donne une cleacute suppleacutementaire agrave
linterpreacutetation des deux cateacutegories indeacuteterlll ineacutees en di san t que le princ ipe du tiers
exclu ne sapplique pas agrave ce qui est geacuteneacuteral tandis que le principe de contradiction ne
sapplique pas il ce qui est vague (FP2 351 1905) Nous pouvons en deacuteduire que la
cateacutegorie de la deacutetermination implique les deux principes agrave la fois eacutetant la plus
contrainte dans le cadre de la reacutealiteacute actuelle Peirce nomme aussi preacutecision lacte de
deacutetermination pouvant ecirctre accompli par un interpregravete celui qui effectue la relation de
signification (EP2 352 1905)
les trois cateacutegories particuliegraveres de la signification sont ordonneacutees entre elles
selon le mecircme ordre hieacuterarchique que les cateacutegories universelles agrave cette diffeumlrence pregraves
que lordre des premiegraveres nest pas solidaire cest-agrave-dire quil nest pas triadique
mais ternaire L ordre de genegravese reste le mecircme le vague eacutetant la conception la plus
eacuteleacutementaire suivie de la deacutetermination et de la geacuteneacuteraliteacute dans le deacuteveloppement du
processus de signification laquoLooking upon the course of logic as a who le vve see that it
proceeds from the question to the answer-from the vague to the definite And so
likewise ail the evolution we know of proceeds from the vague to the definiteraquo (CP
6191 1898 un autre exemple psychologique cette fois en CP 3160 1880)
Toutefois la preacutesence dune cateacutegorie n iuml mpl ique pas neacutecessa irement celle des deux
autres Cela sexplique si Ion considegravere quau sein des cateacutegories de la quantiteacute lautre
ensemble de cateacutegories meacuteta-phi losoph iques en compleacutement de la modaliteacute la
particulariteacute fait figure de Premier et luniversaliteacute de Troisiegraveme La particulariteacute
nimplique donc que chacune des cateacutegories pour elle-mecircme tandis que luniversaliteacute
implique lensemble des relations de deacutependance non reacuteciproque entre les diffeumlrentes
Ane pas cont()JlJrc ~lee lopeacutel~ltion Jabstraction preacuteseission qui consisk Ugrave cleacutecl Ull ens llIlionis
par exemple la noilcellr (illckness) de tous les obiets Iloirs
36
cateacutegories Le lien entre les cateacutegories est de la sorte bien reconnu mais leur mise en
preacutesence nest pas neacutecessaire Notons cependant que les cateacutegories particuliegraveres de la
modaliteacute semblaient impliquer le lien de cleacutependance non reacuteciproque de lagraveccedilon plus
explicite et quelles se rapprochaient en cela des cateacutegories universelles Disons agrave ce
sujet que dans le systegraveme continu de Peirce tout est affaire de degreacute et que mecircme au
sein des diffeacuterents ensembles de cateacutegories la caracteacuterisation ne simpose que
graduellement Peirce ne propose pas cette expl ication lui-mecircme et n eacuteta it pas
satisfagraveit du moins en 1903 de la distinction entre les deux modegraveles celui ternaire des
cateacutegories particuliegraveres et celui triadique des cateacutegories universelles (EP2 148 1903)
mais cette explication entendue de faccedilon nuanceacutee eacutetant coheacuterente avec son systegraveme je
ladopterai pour la suite cie mon argumentation Peirce reconnaicirct cie plus une certaine
polariteacute entre la Premiegravereteacute et la Troisiegravemeteacute qui semblent ainsi graviter autour cie la
Deuxiegravemeteacute comme si l actua 1iteacute consti tuai t un po int de vue central sllr les deux
alitres aspects de la reacutea 1iteacute Il alticule souvent les cateacutegories Premiegraveres et Troisiegravemes
ensemble tel que clans cet extrait reacuteveacutelateur laquopossibility being the denial of a
necessity which is a kind of generality is vague like any other contradiction of a
generatraquo (EP2 354 1905) La Troisiegravemeteacute entretient donc un certain lien privileacutegieacute
avec la Prem iegravereteacute de mecircme que la geacuteneacuteral iteacute avec la vagueur
A fin de deacuteterminer maintenant quelle est la porteacutee de la geacuteneacuteraliteacute dans le
systegraveme des sciences revenons au scheacutema classificatoire preacutesenteacute dans la section
preacuteceacutedente La classification cles sciences suit le motifcles cateacutegories et chaque science
possegravede de la sorte un aspect cateacutegoriel preacutepondeacuterant qui se combine agrave dautres
aspects lors de lapprofondissement de la structure du systegraveme La science est la plus
geacuteneacuterale des activiteacutes humaines et cest la Troisiegravemeteacute qui la marque de ce point de
vue Au sein mecircme des sciences heuristiques Premiegraveres des sciences les
matheacutematiques sont Premiegraveres et vagues on peut les appliquer dans plusieurs sens
qui restent agrave lorigine indeacutefinis Les sciences idioscopiques sont plutocirct Troisiegravemes et
geacuteneacuterales leurs applications eacutetant multiples mais deacutefinies en fonction de certains
37
champs dapplication speacutecifiques La philosophie est quant agrave elle la science
heuristique la plus actuelle et deacutetermineacutee partant dans ses recherches de
lappreacutehension de la reacutealiteacute agrave travers lexpeacuterience commune On accentue souvent le
caractegravere geacuteneacuteral de la philosophie mais il sagit sans doute de la geacuteneacuteraliteacute de toutes
sciences qui devient plus marqueacutee suivant la concordance de notre propre point de
vue actuel avec lobjet de la philosophie les fagraveits de lexpeacuterience commune Parmi les
sciences philosophiques mecircmes la phaneacuteroscopie se reacutefegravere vaguement agrave la reacutealiteacute dans
leacutetude de sa man i festation prem iegravere les sciences normati ves proposent dordonner
selon des principes deacutetermineacutes notre relation au reacuteel tandis que la meacutetaphysique
efrectue un retour reacutellexif geacuteneacuteral sur la reacutealiteacute comprise comme un tout deacute1ini mais
saisissable de difteumlrentes faccedilons
La science normative qui inteacuteresse le meacutemoire est la seacutemiotique ou logique
geacuteneacuterale identifieacutee agrave la theacuteorie des signes La seacutemiotique est Troisiegraveme et geacuteneacuterale elle
eacutetudie la penseacutee qui permet de saisir en un tout coheacuterent la reacutealiteacute mais elle leacutetudie
avant tout dans le but de proposer des principes dilecteurs agrave la penseacutee tireacutes de
lexamen mecircme de la structure de la reacutealiteacute Ultimement dans la doctrine du
pragmatisme le but de la logique sous son aspect meacutethodeutique est de montrer le
chemin menant agrave ladeacutequation de la penseacutee avec la reacutealiteacute En indiquant la voie agrave suivre
dans la confrontation agrave la reacutealiteacute actuelle la seacutemiotique reste Deuxiegraveme mais possegravede
neacuteanmoins un aspect Troisiegraveme important en ce quelle porte sur leacuteleacutement meacutediateur
de la reacutealiteacute la penseacutee La seacutemiotique fournit donc des principes normatifs geacuteneacuteraux
aux sciences qui en deacutependent y compris les sciences idioscopiques et plus
speacutecifiquement la linguistique et la science de leacutecriture Ces principes sont geacuteneacuteraux
en ce quils concernent leacuteleacutement meacutediateur de la penseacutee qui ne reflegraveterait ultimement
que la structure de la reacutealiteacute comprise de faccedilon adeacutequate ce qui rend les principes de la
seacutemiotique deacutefinis mais qui comprend lensemble des repreacutesentations possibles de la
reacutealiteacute ce pour quoi la signification des principes demeure indeacutetermineacutee
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le terminerai cette section en examinant comment seffectue le passage du
phaneacuteron au signe question que jaborderai en consideacuterant le problegraveme exeacutegeacutetique du
lien entre la phaneacuteroscopie et la theacuteorie des cateacutegories initiale Le passage de la
Substance agrave lEcirctre dans la theacuteorie in i tia le peut ecirctre rapprocheacute de ce 1ui du phaneacuteron au
signe dans la theacuteorie tardive Le phaneacuteron comprend les trois aspects fondamentaux de
la reacutealiteacute au premier abord indiffeacuterencieacutes tandis que la substance est une conception
permettant de saisir lensemble des impressions sensibles Ceci nous rappelle par
ailleurs les trois propositions qui venaient appuyer la doctrine du pragmatisme et
selon lesquelles le point de deacutepart du processus cognitif faisant sens des impressions
sensibles est un jugement perceptuel qui contient des eacuteleacutements geacuteneacuteraux Le passage
du phaneacuteron au signe consiste ensuite en une prise de conscience explicite graduelle
des trois aspects de la reacutealiteacute qui se preacutesentent dabord agrave la conscience sans se
diffeacuterencier de celle-ci jusquagrave leur repreacutesentation par des signes au sein de la
conscience repreacutesentative la cognition seacutemiotique Ce passage est caracteacuteriseacute par une
geacuteneacuteralisation croissante des eacuteleacutements distingueacutes ou plus exactement par leur
deacutetermination allant dune preacutepondeacuterance de la Premiegravereteacute du phaneacuteron agrave celle de sa
Deuxiegravemeteacute Les eacuteleacutements sont extraits du phaneacuteron qui se preacutesente agrave la conscience
par le biais dune coalescence perceptuelle puis se distinguent de la conscience et la
confrontent en tant que faits perceptuels et sont finalement saisis dans le jugement
perceptuel Ils peuvent alors ecirctre repreacutesenteacutes et se deacutevelopper en tant que signes dans
le sens de la geacuteneacuteralisation croissante de la repreacutesentation
Le problegraveme du lien des cateacutegories phaneacuteroscopiques avec les cateacutegories
initiales consiste en ceci que lordre de cateacutegorisation nest pas le mecircme dans les deux
theacuteories Dans la theacuteorie initiale lordre de passage des cateacutegories intermeacutediaires de la
Substance agrave lEcirctre est de la Repreacutesentation (Troisiegraveme) agrave la Relation (Deuxiegraveme) puis
la Qualiteacute (Premiegravere) tandis que selon la phaneacuteroscopie lordre de passage du
phaneacuteron au signe duumlmentconstitueacute est de la Premiegravereteacute agrave la Deuxiegravemeteacute puis agrave la
le Illinspire ici Je Imiddotcposeacute JnJeacute I)e Tienne (2000) Illnis ne lais ljuefJ1euITI ln surlilCC Je son eacutelrgulllenl
39
Troisiegravemeteacute toutes trois cateacutegories eacutetant preacutesentes mais chacune devenant
preacutepondeacuterante selon leur ordre de genegravese Toutelois la porteacutee des cateacutegories de la
theacuteorie initiale est limiteacutee agrave la cognition alors que la phaneacuteroscopie comprend comme
son objet la totaliteacute du pheacutenomegravene preacutesent ft lmiddotesprit La Substance serait donc agrave situer
au niveau seacutemiotique de la description phaneacuteroscopique et la phaneacuteroscopie serait de
la sorte plus englobante que la theacuteorie des cateacutegories in itiale Il en serait ainsi de mecircme
que pour labduction qui repreacutesente un niveau avanceacute du processus cognitif deacutebutant
agrave un niveau plus fondamental avec le jugement perceptuel Il reste malgreacute cette
distinction ft expliquer le problegraveme de linversion des cateacutegories dune theacuteorie agrave
lautre Je propose comme explication que le deacuteveloppement des cateacutegories de la
theacuteorie initiale dans le sens de la reacuteduction du divers sensible en une uniteacute est le cas
limite de la cognition par signes Dans le cours de lunification de lexpeacuterience par la
repreacutesentation il vient un moment ougrave le processus allant dans le sens dune
domination toujours croissante de la raison sur la reacutealiteacute seacutepuise La seule issue agrave une
seacutemiose infinie est alors le retour aux eacuteleacutements plus fondamentaux de la reacutealiteacute un
retour qui nest toutefois pas une reacutegression puisque chaque aspect de la reacutealiteacute
demeure important et nest que mieux valoriseacute Le retour consiste donc agrave passer de la
repreacutesentation de la reacutealiteacute la conception de lunivers comme un symbole agrave la
consideacuteration des relations constitutives de cette reacutealiteacute et puis de ses qualiteacutes jusquagrave
lunification ultime de lexpeacuterience en lEcirctre qui lui-mecircme nest pas un signe La
conception decirctre est bien un signe geacuteneacuteral le plus geacuteneacuterd qui soit mais lEcirctre luishy
mecircme est au-delagrave de la cateacutegorisation propre au domaine phaneacuteronique Cette
speacuteculation sur le sens du procegraves de la reacutealiteacute chez Peirce serait agrave tout le moins
appuyeacutee par la doctrine du pragmatisme qui preacuteconise le retour agrave lactualiteacute degraves lors
que la structure de la reacutealiteacute a eacuteteacute saisie par la raison Ce problegraveme nous megravene au
champ de la meacutetaphysique qui deacutepasse le cadre de ce meacutemoire et je ne
lapprofondirai donc pas mais la solution suggeacutereacutee devrait permettre douvrir le
systegraveme de Peirce en lui donnant de nouvelles possibiliteacutes de penseacutee
40
132 Seacutemiotique theacuteorie des signes
La seacutemiotique ou logique de Peirce est une science des signes cherchant les
conditions formelles de la signification vraie de la repreacutesentation adeacutequate de la reacutealiteacute
par des signes La penseacutee seffectuant par signes la seacutemiotique occupe une place
centrale dans lordre des sciences heuristiques Elle comporte trois branches la
grammaire speacuteculative qui deacutecrit la constitution mecircme du signe distingue ses
diffeacuterents types et organise ceux-ci en classes la logique critique qui analyse plus
speacutecitiquement les arguments et permet ainsi de juger de leur validiteacute ou leur degreacute de
force et la meacutethodeutique qui eacutetudie les conditions de la production de signes Je
preacutesenterai dans cette section la seacutemiotique en me concentrant sur la grammaire
speacuteculati ve qu i en consti tue la partie la plus inteacuteressante en ce qui concerne leacutetude de
leacutecriture mais je la relierai tout de mecircme par la suite agrave la logique critique et la
meacutethodeutique en palticulier agrave la doctrine du pragmatisme
Quest-ce quun signe La seacutem iotique en tan t que grammaire speacuteculative
reprend le motif structurel des cateacutegories et sa deacutetinition du signe est donc triadique
cest-agrave-dire quelle distingue trois termes interdeacutependants et irreacuteductibles de la relation
de signification authentique soit le signe proprement dit lobjet et linterpreacutetant Une
structure est dite laquoauthentiqueraquo lorsquelle respecte lordre hieacuterarchique solidaire sous
tous ses aspects et est de la sorte purement triadique tandis quune structure dont au
moins un aspect quelconque nentre pas dans lordre de la triade est qualifieacutee de
laquodeacutegeacuteneacutereacuteeraquo Peirce dans une de ses formules les plus claires deacutetinit le signe
formellement comme suit
A Sign or Representomen is a First which stands in such a genuine triadic relation
ta a Secancl called its Object as ta be capable of detennining a Third called its
Interpretant ta assume the same triadic relation to its Object in which it stands
itself ta the same Object The triadic relation is genlline that is its three members
are bauncl tagether by it in a way that does nat consist in any complexus of dyadic
le base pour lessentiel mon c-poseacute de la seacutemiotique sur celui dc Liszka (1996) mais cn deacuteveloppe eacute1utremenlla panic meacutelhoc1eutique que je relie plus direclenleacutenl ugrave la doctrine du pragmatisme
41
relations (EP2 272-3 1903)
Dans ses premiers eacutecrits seacutemiotiques Peirce distingue le signe de son
fondement (grollnd degraves la laquoNew List of Categoriesraquo EP 1 1-10 1867) Le fiJndel7len
du signe est une forme abstraite qui ne retient que certaines caracteacuteristiques de lobjet
celles agrave partir desquelles la signification se construit Une chose devient donc le
fondement dun signe lorsquelle preacutesente un certain aspect dune autre chose lo~jet
Le signe lui-mecircme peut ecirctre pris dans un sens plus large comprenant linstantiation
mateacuterielle et la relation aux autres composantes de la signitication Le tenlle
laquofondementraquo nest plus employeacute dans les derniers eacutecrits mais la preacutesentation dune
forme particuliegravere de lobjet est toujours sous-entendue ainsi dans cet extrait dune
lettre agrave Lady Welby laquo1 use the word --Sign-- in the widest sense for any medium for
the communication or extension of a Form (or feature)) (SampS 196 1906) Le terme
laquorepreacutesentamenraquo est utiliseacute quant agrave lui par lauteur agrave une certaine eacutepoque (voir la
citation ci-dessus de 1903) dans un sens plus large que le signe non limiteacute agrave la
repreacutesentation mentale La deacutefinition du signe tinira cependant par englober ce sens
eacutelargi lillustration par la reacutefeacuterence agrave la repreacutesentation mentale humaine servant
seulement agrave faire comprendre la conception (ce nest quun laquopot de vin agrave Cerbegravereraquo dit
Peirce EP2 478 1908) Lobjet est dautre paria chose correacuteleacutee avec le signe ce dont
le signe tient lieu dans la reacutealiteacute La lieutenance est laspect central de la relation de
sign ification consti tuant le signe dugrave agrave son mode decirctre actuel cest bien parce que
deux choses existant individuellement dans la reacutealiteacute actuelle occupent des positions
deacutetermineacutees et ne peuvent sidentitier parfaitement lune agrave lautre que lune le signe
tient lieu de lautre Iobjet atin de la repreacutesenter tagravece agrave une troisiegraveme chose
(linterpreacutetant) Toutefois des possibiliteacutes et des lois neacutecessaires peuvent aussi servir
dobjets en ce sens quelles deacuteterminent alors de leur propre point de vue modal la
repreacutesentation que le signe en donne au sein de la reacutealiteacute actuelle De faccedilon geacuteneacuterale
une chose devient donc lobjet dun signe lorsquelle est repreacutesenteacutee par ce signe le
signe eacutetant laquoagrave proposraquo de lobjet et deacuteterm ine la repreacutesentation la torl11e de lobjet
42
contraignant la forme du signe Dans la seacutemiotique plus tardive de Peirce lobjet en
tant quil est repreacutesenteacute par le signe est dit illlllleacutediol et en tant quil deacutetermine la
repreacutesentation dYl1olJ7iqllc L inlcrpreacutelol11 est quant agrave lui ce qui est deacutetermineacute par le
signe une autre chose qui devient agrave son tour signe Linterpreacutetation dun signe en un
autre est agrave la Iois un produit un nouveau signe un processus la transformation de la
troisiegraveme chose en signe (la seacutemiose) et un elTet sur lltltinterpregravete)) qui comprend le
signe Linterpreacutetant peut aussi ecirctre consideacutereacute de faccedilon geacuteneacuterale comme une regravegle de
transformation dune chose en un nouveau signe puisque le processus de seacutemiose vise
une certaine tin Une chose devient donc linterpreacutetant dun signe lorsquelle est
deacutetermineacutee par ce signe agrave se transformer en un autre signe repreacutesentant le mecircme objet
selon le mecircme point de vue formel de preacutesentation initiale la production de ce
nouveau signe ayant pour effet dinfluencer un agent interpreacutetant Dans ses derniers
eacutecrits de seacutemiotique Peirce qualifie linterpreacutetant en tant que produit dilJ7l11eacutediul en
tant que processus de dYl1olJ7iqlle et en tant queffet defll1o
Afin dillustrer ces deacutefinitions prenons lexemple suivant de Peirce
Two men are standing on the seashore looking out ta sea One of them says ta the
other That vesser there carries no freighl at ail but only passengers Now if the
other himselL sees no vessel the first information he derives lrom the remark has
for its abject the part of the sea that he c10es see and informs him that a persan
with sharper eyes than his or more trainecl in looking for such things can see il
vesser there and then (hat vesser having been thus introducecl ta his acquaintance
he is prepalecl ta receive the information about it that it carries passengers
exclusively But the sentence as a whole has for the persan supposed no other
abject than that Vith which it tinds him alreacly acquainted (CP 2232 1910)
Le signe dans cet exemple est la proposition eacutechangeacutee entre les deux personnes qui en
son tondement deacutecrit certaines caracteacuteristiques de lobjet repreacutesenteacute dans le discours
cest un navire situeacute agrave tel endroit qui ne transporte nulle cargaison mais seulement
des passagers Lobjet immeacutediat pour celui qui eacutecoute est la partie de la mer quil
entrevoit dans la direction indiqueacutee par le locuteur tandis que lobjet dynamique pour
le mecircme interpregravete est le navire que son compagnon distingue effectivement et au
43
sujet duquel il asserte une proposition L interpreacutetant immeacutediat est agrave son tour lideacutee
du navire que se fait lauditeur alors que linterpreacutetant dynamique est le processus
dinfOlmation auquel est sujet cet interpregravete et que linterpreacutetant [iumlnal est peut-ecirctre
supposons-le la reconnaissance de leacuterudition en matiegravere de navires que le locuteur
espegravere susciter chez son camarade
La grammaire speacuteculative deacuteveloppe aLlSSI une typologie des signes qui [ut
eacutelaboreacutee chez Peirce en plusieurs moments Je nexaminerai ici que la typologie de
1903 (EP2 267-88 et 289-99 1903) qui est la mieux deacuteveloppeacutee et dont je pourrai
par conseacutequent preacutesenter un exposeacute plus coheacuterent Le signe peut prendre diffeacuterents
aspects selon quil est consideacutereacute en soi (en son fondement) dans sa relation agrave lo~iet
ou dans sa relation agrave linterpreacutetant Lanalyse typologique de ces aspects permet de
distinguer trois trichotomies de signes que Peirce distingue de la faccedilon suivante
Signs are divisible by three trichotomies fi lst according as the sign in itself is a
mere quality is an actual existent or is a general law secondly according as the
relation of the sign to its Object consisls in the signs having some character in
itself or in some existential relation to that Object or in its relation to an
Interpretant thirdly according as its Interpretant represents il as a sign of
possibility or as a sign of fact or a sign of reason (EP2 291 1903)
Les aspects que prend le signe lorsque consideacutereacute pour lui-mecircme sont le
qualisigne le sinsigne et le leacutegisigne Ces aspects font reacutefeacuterence agrave des caractegraveres du
signe preacutesents en son fondement qui permettent la construction de la signification Le
signe qui preacutesente avant tout en son fondement une qualiteacute formelle est un qualisigne
Il se maniteste forceacutement dans la reacutealiteacute actuelle agrave travers une existence singuliegravere meacutelis
cest un aspect qualitatifqui domine son fondement et rend la repreacutesentation possible
Par exemple une chose qui devient un signe pour la simple raison quelle possegravede telle
qualiteacute disons decirctre bruyante est un qualisigne (cest bien le type de signe le plus
dinicile agrave illustrer) Le signe dont le fondement preacutesente comme aspect dominant Lin
existant actuel est nommeacuteinsignc Il a forceacutement des qualiteacutes qui rendent sa
44
preacutesentation possible mais cest la manifestation de son fondement dans la reacutealiteacute
actuelle qui importe et permet la repreacutesentation Le tic ou le tac dun meacutetronome en
ce quil marque un temps preacutecis est un sinsigne Si laspect le plus important que le
fondement preacutesente a le caractegravere dune loi une convention ou une habitude alors le
signe est nommeacute leacutegisigne Ce type de signe possegravede aussi des qualiteacutes et se preacutesente
eacutegalement dans un existant actuel mais ce qui importe en son fondement est 1 aspect
conventionnel ou habituel rendant la repreacutesentation possible La manifestation
singuliegravere du leacutegisigne est un sinsigne appeleacute reacuteplique Le tic-tac reacutegulier du
meacutetronome en ce quil donne la cadence agrave suivre dans linterpreacutetation dun morceau
de musique est un leacutegisigne Chacun de ces aspects peut ecirctre preacutesent dans le signe
laspect dominant en son fondement deacuteterminant cependant de quel type de signe il
sagit
Les aspects que prend le signe dans sa relation agrave lobjet sont licocircne lindex et
le symbole Cette division est la plus utile car en lien avec la repleacutesentation du signe
dans la reacutealiteacute actuelle Les trois aspects font ainsi reacutefeacuterence agrave une capaciteacute
repreacutesentative du signe actualiseacutee dans sa mise en relation avec lobjet Nous
retrouvons ici les approches formelle et mateacuterielle dans diffeacuterentes deacutetinitions de ces
types de signe
An con is a Representamen whose Representative Qualily is a Firstness of il as a
First Thal is a CJuality that it heacutelS qlla thing renclers il fit to be Cl Representarnen
An index or Seille (Olwa) is a RepresentClmen whose Representative cheacutelracter
consists in its being an inclividueacutell Seconcl A SymJo is Cl Representarneri whose
Representative Cheacutelrltlcter consists precisely in its being a rule that will delermine its
Interpretant (EP2 273-4 1903)
There are Ihree kincls ofsigns Firstly Ihere are likenesses or icons which serve 10
convey icleas of the lhings lhey represent simply by imitating them Secondly
there are indicatiol1s or indices which show sornething abOlit things on accollnt of
their being physically connected with them Thirclly there are symbos or
general signs which have becoille associated with their rneanings by usage (EP2 5
1894)
4S
Un signe est une icocircne lorsquil preacutesente en son fondement des caractegraveres
similaires agrave des caractegraveres de lobjet Liumlcocircne possegravede ces caractegraveres peu importe
quelle soit mise en relation avec lobjet ou non Toutefois la signification de liumlcocircne
reste vague dans la seule preacutesentation de son tondement et ne se preacutecise que dans la
repreacutesentation actuel le de lobjet Pour que licocircne devienne eHegravectivement le signe de
lobjet leur mise en relation doit donc ecirctre actuelle bien quelle demeure mecircme sans
correacutelation le signe potentiel de lobjet Par exemple une peinture de paysage en ce
quelle ressemble eHegravectivement au paysage quelle deacutepeint est une icocircne Peirce
distingue par ailleurs des sous-types diumlcocircne ou hypoicocircnes selon le genre de
caractegraveres que le signe partage avec lobjet soit liumlmage le diagramme et la meacutetaphore
Limage ressemble agrave son objet en vertu dune similariteacute de qualiteacutes le diagramme
dune similariteacute de relations entre eacuteleacutements de lobjet et de relations entre eacuteleacutements du
signe et la meacutetaphore dune mise en parallegravele avec un troisiegraveme terme non expliciteacute
Un signe est un index lorsquiumll entretient une relation de contiguiumlteacute avec lobjet
Lindex est aussi essentiellement un individu sa signification est deacutetermineacutee et il ne
peut par conseacutequent que montrer lobjet sans rien dire agrave son sujet Un signe ne peut
ecirctre un index que dans sa mise en re lation actuelle avec lobjet Un pronom
deacutemonstratif dans sa fonction deacuteictique en est un exemple dans la langue usuelle Un
signe est finalement un symbole lorsque sa relation agrave lobjet est eacutetablie par une loi une
convention ou une habitude Le symbole donne une signification geacuteneacuterale de lobjet en
appelant agrave linterpreacutetation de la repreacutesentation de lobjet par le signe dans les limites
de la regravegle qui eacutetablit leur relation Pour quun signe soit un symbole il doit donc ecirctre
interpreacuteteacute comme tel et sa mise en relation avec lobjet doit ecirctre actuelle Un mot est
un symbole en ce que sa signification est eacutetablie conventionnellement Peirce
concevait aussi lUnivers comme eacutetant un symbole car il sagit bien dune
interpreacutetation de la reacutealiteacute par sa propre raison
Les aspects que prend le signe dans sa relation agrave linterpreacutetant sont le rhegraveme
le dicisigne (ou proposition) et largument Ces aspects tont reacute1eumlrence au pouvoir que
46
le signe possegravede de deacuteterminer en vue dune certaine fin linterpreacutetation de lobjet en
un nouveau signe linterpreacutetant Le rhegraveme est un signe qui tend agrave deacuteterminer
linterpreacutetation selon des caractegraveres qualitatifs La compreacutehension du rhegraveme est
preacuteciseacutee mais son extension reste indeacutetermineacutee La signitication du rhegraveme est par
conseacutequent vague Le rhegraveme peut veacutehiculer de linformation mais nest pas interpreacuteteacute
comme tel Il nest ni vrai ni faux ne faisant que preacutesenter des caractegraveres possiblement
attribuables agrave lobjet Cest donc un signe compris comme repreacutesentant seulement des
caractegraveres de Imiddotobjet Un exemple de rhegraveme serait un preacutedicat logique ou plus
exactement chez Peirce une proposition dont a enleveacute les sujets logiques reacutefeacuterant agrave
des objets dans le monde Le dicisigne est un signe qui veacutehicule dans la reacutealiteacute actuelle
de linformation vraie ou fausse par rapport agrave lobjet 1 relie la compreacutehension du
signe agrave une extension deacutetermineacutee dans lactualiteacute indiquant de la sorte seacutepareacutement quel
est son objet (EP2 308 1904) Cest donc un signe compris comme repreacutesentant
lobjet dans la reacutealiteacute actuelle Le paradigme du dicisigne est une proposition telle que
laquoSocrate est un hommeraquo Largument est quant agrave lui un signe qui fournit une regravegle
dinterpreacutetation agrave dautres signes JI montre seacutepareacutement quel est son interpreacutetant tinal
celui qui est viseacute par la repreacutesentation (EP2 308 1904) 1 peut toutefois ecirctre
appliqueacute agrave diffeumlrents signes La signification veacutehiculeacutee par largument est de la sorte
geacuteneacuterale puisque lextension agrave donner agrave ce signe sa porteacutee sur dautres signes reste
indeacutetermineacutee bien que limiteacutee par la regravegle dinterpreacutetation Largument est donc un
signe compris comme repreacutesentant lobjet en tant que signe sujet agrave linterpreacutetation Un
argument constitueacute de plusieurs propositions conjointes dans une chaicircne dinteumlrence
en est un exemple commun
Les types ou aspects du signe regroupeacutes dans les trois trichotomies
preacuteceacutedentes peuvent de plus ecirctre combineacutes en difleumlrentes classes Deux regravegles
formelles de combinaison sappliquent une regravegle de composition selon laquelle
lordre triadique du signe doit ecirctre respecteacute ainsi chaque classe doit comporter un
type de chaque lrichotomie correspondant chacune agrave une composante de la relation de
47
signification et une regravegle de qualification selon laquelle le principe de deacutependance non
reacuteciproque des cateacutegories correspondant aux trois trichotomies doit aussi ecirctre
respecteacute La combinaison des types selon ces deux regravegles formelles permet de produire
dix classes de signes qui sont (EP2 296 1903)
1 les qUCllisignes iconiques rheacutematiques
2 les sinsignes icuniques rheacutematiques
3 les sinsignes indexicCl7lx rheacutel1lotiques
4 les Imiddotinsignes indexicau dicents
5 les leacutegisignes iconiques rheacutematiques
6 les Leacutegisignes indexicCl7lx rheacutematiques
7 les leacutegisignes indexicoux dicenls
8 les leacutegisignes sY7boliques lheacutematiques
9 les leacutegisignes IYlllboliques dicents
10 les leacutegisignes symboliques urgulllenls
Cette classification doit toutefois ecirctre nuanceacutee Comme partout ailleurs dans le
systegraveme de Peirce tout dans la classification est une alTaire de degreacute de point de vue
et certains aspects du signe (indiqueacutes en italiques) dominent par conseacutequent chaque
classe Les dix classes de signe sont aussi contraintes par leur situation dans la reacutealiteacute
actuelle Tout signe se manifeste actuellement en tant quindividu et donc dans un
sinsigne quil sagisse dun de ses aspects dominants ou non Chaque aspect inclut de
plus le ou les aspects qui lui sont pheacutenomeacutenologiquement anteacuterieurs selon ordre des
cateacutegories Les classes de rang supeacuterieur (vers 10) incluent par conseacutequent
directement ou indirectement les classes de rang infugraveieur (vers 1) La classification
demeure ainsi lloue dans son application car elle ne seacutelectionne agrave travers ses
opeacuterations c1abstraction que certains traits du signe et conserve degraves lors toujours une
part d opaci teacute d aspects non repreacutesen teacutes ou repreacutesenteacutes de faccedilon inadeacuteq uate
Jillustrerai certai nes de ces classes lorsq ueiumlappl iq uera i la leccedilon de la seacutelll iotique agrave la
science de leacutecriture au second chapitre
48
La logique critique analyse le raisonnement ou plus preacuteciseacutement les signes qui
informent la penseacutee cest-agrave-dire les leacutegisignes les symboles les dicisignes et les
arguments Elle sinteacuteresse aux signes en tant quils veacutehiculent la signification vraie La
veacuteriteacute appartient proprement aux propositions des symboles dicents mais nest
eacuteventuellement atteinte que dans largumentation la convergence de linfeumlrence valide
vers la repreacutesentation adeacutequate de la reacutealiteacute alors que la pleine conseacutequence des
arguments valides baseacutes sur des propositions vraies est ultimement comprise La
logique critique soccupe donc avant tout de linreumlrence valide et repreacutesente en cela
une theacuteorie de linteumlrence Elle distingue trois types dinfeumlrence eacuteleacutementaires
labduction l i nd uction et la deacuted uction qui entrent en com posi tion dans le processus
du raison nement
Labduction et linduction sont des types dinfeacuterence ampliatifs en ce quelles
augmentent la quantiteacute dinformation veacutehiculeacutee par les signes La deacuteduction est plutocirct
un type dinfeacuterence explicatif elle modifie lextension ou la compreacutehension des signes
sans changer la quantiteacute dinformation veacutehiculeacutee La notion dabduction est lune des
contributions les plus originales de Peirce agrave la logique bien quil la fasse remonter agrave
Aristote (EP2 205 1903) Il a dabord lui-mecircme deacuteveloppeacute cette notion sous le nom
dlaquohypothegraveseraquo puis eacuteventuellement sous les noms de laquoreacutetroductionraquo et
dlaquoabductionraquo Lahdllclio1 est essentiellement ladoption dune hypothegravese Elle
suggegravere que quelque chose puisse ecirctre le cas selon certains reacutesultats qui deacutecouleraient
alors dune certaine regravegle Elle est donc le seul type dinfeacuterence eacuteleacutementaire qui
introduit une nouvelle ideacutee dans le raisonnement Elle nest aussi que provisoire
devant ensuite ecirctre confirmeacutee par expeacuterimentation Peirce en reconstruit largument
comme suit en deux formulations diffeumlrentes
RlIle-AII the beans From this bag are while
Reslllt-These beans are white
Case-These beans are From this bag
(EPI 1881878)
49
The surprising ~act c is observed
But if ri were true C woulcl be a matter of course
Hence there is reason 10 suspect that A is true
(EP2 2311903)
Linduction donne plutocirct de la valeur agrave un ensemble de signes deacutejagrave perccedilus Elle eacutetablit
de la sOlte une regravegle permettant de rendre compte de certains reacutesultats observeacutes dans
un celtain cas Elle montre que cette regravegle est actuellement opeacuterante dans le cas
consideacutereacute selon les reacutesultats observeacutes Elle donne donc torce de loi agrave la reacutegulariteacute
Peirce fournit pour illustrer linduction lexemple suivant
Case-These beans are From this bag
Result-These beans are white
middotRule-AII the beans from this bag are white
(EP 1 188 1878)
La deacuteduction eacutelabore quant agrave elle les conseacutequences neacutecessaires dune hypothegravese Elle
prouve que certains reacutesultats doivent neacutecessairement deacutecouler dun certain cas en
vertu dune celtaine regravegle Peirce illustre la deacuteduction agrave raide de lexemple suivant
RuJe-AIl the beans frolll this bag are white
Case-These beans are From this bag
middotResult-These beans are white
(EP 1 188 1878)
Le processus du raisonnement est essentiellement composeacute de ces trois types
dinfeumlrence Le raisonnement scientifique en particulier commence typiquement par
une abduction qui est justifieacutee lorsquagrave peacutelrtir de lhypothegravese suggeacuteleacutee la deacuteduction
peut tirer des preacutedictions qui seront agrave leur tour veacuterifieacutees dans lexpeacuterience par
induction (EP2 216 1903) Il Y dautres types de raisonnement par exemple
lextension la restriction la geacuteneacutereacutell isation (ou oscent) et leacutel speacutec ification (ou descent)
mais ceux-ci sont deacuteriveacutes des trois types eacuteleacutementaires Jy reviendrai dans le second
chapitre lorsque janalysereacuteli Iappliceacuteltion des concepts seacutemiotiques agrave la science de
eacutecriture
50
La meacutethodeutique sinteacuteresse agrave la production de signes el trouve sa
rormulation paradigmatique dans la doctrine du pragmatisme Le retour sur cene
doctrine peut maintenant compleacuteter lexamen de la seacutemiotique et permettre den
approfondir davantage la compreacutehension La seacutemiotique se deacuteveloppe
systeacutematiquement en une meacutethodologie de la recherche Elle c10it alors indiquer au
scientifique commellt faire pour penser avec les signes quel type de processus
diumlnfeacuterence engager Mais nous avons vu par ailleurs quau niveau de la signification
mecircme dans le processus de seacutemiose une fin ultime est aussi envisageacutee
Semblablement la meacutethodeutique doit suggeacuterer un dessein geacuteneacuteral au processus
diumlnfeacuterence qui lui serve de principe directeur et en constitue leffet eacuteventuel Le
pragmatisme suggegravere par conseacutequent lhypothegravese selon laquelle la signiliumlcation c1un
signe reacuteside dans lensemble de ses effets env isageables Il propose de su ivre une
abduction al1n dengager le raisonnement dans une chaicircne diumln~eumlrences qui en tant que
meacutethode proprement scientifique puisse reacuteellement mener agrave la veacuteriteacute agrave ladeacutequation
de la raison au reacuteel Il repreacutesente donc le couronnement de la seacutemiotique qui en vient agrave
controcircler ses raisonnements selon ses propres principes constitutifs Le preacutecepte du
pragmatisme nen demeure pas moins tagraveillible et agrave veacuteritier dans lactualiteacute ce qui fait
de la seacutemiotique une veacuteritable science expeacuterimentale et philosophique une activiteacute qui
confronte la reacutealiteacute actuelle telle que repreacutesenteacutee dans lexpeacuterience commune Cest
bien la leccedilon de la seacutemiotique qui prouve ultimement le pragmatisme car cest sur elle
quiumll se tonde
The word pragillatism was invented ta express a certain Illaxim of logie whieh as
was shawn at its tirst enouneel1lent invoives a who1e system of phiiosophy This
maxim is put forth neilher as a hancly tool to serve so far as it may be found
serviceable nor as a self-eviclent truth but as a far-reaching theorem solidly
grounded upon an elaborate study of the nature ofsigns (CP 81911904)
51
1321 Seacutemiotique et notation logique
Le deacuteveloppement de la logique peirceacuteenne prend son point de deacutepart dans
algegravebre logique de Boole et la logique des relations de De Morgan Peirce propose
dans ses premiers articles publieacutes des ameacuteliorations agrave lalgegravebre booleacuteenne et applique
celle-ci agrave la logique des relations (CP 31-191867 CP 345-1491870) dans une
version quil nomme laquologique des relatifsraquo Lors de ses travaux en tant que maicirctre de
confeacuterence agrave luniversiteacute Johns Hopkins de 1879 agrave 1883 il introduit avec son eacutelegraveve
Oscar Mitchell (et indeacutependamment de Frege) la quantification dans la logique des
propositions produisant un systegraveme de logique eacutequivalent agrave la logique des preacutedicats
du premier ordre avec identiteacute (CP 3328-58 1883 CP 3359-403 1885) Il eacutelabore
ensuite un nouveau systegraveme de notation graphique les graphes existentiels
permettant lextension de sa logique aux preacutedicats du deuxiegraveme ordre et aux modaliteacutes
(CP 3456-552 1897 CP 4347-584 1903-1906) Il favorise degraves lors la notation
graphique de la logique sur laquelle il travaillera jusquagrave la fin de sa vie deacuteveloppant
une logique philosophique en continuiteacute avec la seacutemiotique et le pragmatisme
Plusieurs autres deacuteveloppements de la logique de Peirce confirment son rocircle de
pionnier de la logique moderne bien quils soient resteacutes inaperccedilus jusquagrave reacutecemment
dont notamment la conception dune logique agrave trois valeurs de veacuteriteacute et dune logique agrave
opeacuterateur unique (barre de SchefTer) de mecircme que la deacutecouverte du lien agrave la base de la
computation en informatique entre les fonctions de veacuteriteacute et le fonctionnement des
circuits eacutelectriques La preacutesentation du systegraveme des graphes existentiels eacutevoque par
ailleurs la seacutemantique des jeux contemporaine et la theacuteorie des modegraveles par son
utilisation de personnages conceptuels en dialogue clans un univers du discours
alteacuterable Je minteacuteresserai cependant avant tout dans cette section aux graphes
existentiels et ce quils repreacutesentent comme deacuteveloppement de la notation logique un
type de systegraveme deacutecriture propre au langage formel de la logique
L eacutelaboration des graphes existentiels repreacutesente lin deacuteveloppement majeur
52
dans lhistoire de la logique de Peirce que nous poulTlons appeler son laquotournant
seacutem iotiqueraquo Il 1nsatisfa it par laspect sym bol iq ue de la notation a19eacutebrique de la
logique Peirce cherche agrave eacutelaborer une notation qui soit davantage iconique refleacutetant le
mode de repreacutesentation le plus eacuteleacutementaire de linfeacuterence logique Degraves 1882 il
commence agrave deacutevelopper une notation diagrammatique sinspirant probablement des
travaux de ses collegravegues agrave Johns Hopkins James J Sylvester et William K Clifford
qui utilisaient deacutejagrave des diagrammes chimiques pour repreacutesenter des invariants
algeacutebriques Un essai similaire par Alfred Bray Kempe publieacute en 1886 le pousse agrave
poursuivre ses recherches sur la notation diagrammatique surtout de 1889 agrave 1896 ce
qui megravenera agrave la publication en 1897 dun article sur la logique des relatifs utilisant
une notation diagrammatique (CP 3456-552 1897) quil appellera plus tard
reacutetrospectivement les laquographes dentiteacuteraquo (enlilolive grophI) Certaines caracteacuteristiques
cie la logique algeacutebrique rendaient lexpression des propositions existentielles difficile
et la quantification universelle seacutetait alors imposeacutee naturellement comme plus
fondamentale la quantification existentielle eacutetant deacutefinie par deacuterivation Dans les
graphes dentiteacute les deux types de quantification prennent une importance eacutegale leur
deacutefinition reacuteciproque eacutetant rendue plus explicite par la repreacutesentation graphique Les
signes deacutesignent clairement des propositions et non des classes et lopeacuteration de
disjonction avec la neacutegation remplace la relation transitive dinclusion utiliseacutee dans la
logique algeacutebrique La juxtaposi tion de termes su r une feu iIle d asseltion repreacutesen te la
disjonction lencerclement dun terme sa neacutegation et un point ou une ligne relieacutee agrave
des termes la relation entre ceux-ci Peirce ne resta cependant pas longtemps satisfait
par les graphes dentiteacute el rapidement apregraves la publication de larticle de 1897 la
duale de ce systegraveme les graphes existentiels simposa constituant la base deacute1initive
de la notation diagrammatique que Pe irce deacuteve loppa et ra tli na jusquagrave la fin de sa vie
Les graphes existentiels prennent ainsi pour connecteur primitif la conjonction avec la
neacutegation et pour quantification implicite et fondamentale la quantification
existentielle agrave partir de laquelle la quantification universelle est deacuteriveacutee La
juxtaposition de termes en vient agrave repreacutesenter la conjonction et lexistence est
Il I)es exemples de grlphcs S0l11 ()Uliumllis iJ 1I1ncc
53
reconnue implicitement par la seule preacutesence de la feuille dassertion comme univers
du discours agrave deacuteterminer par des inscriptions
Peirce preacutesenta dabord Je systegraveme des graphes existentiels en parties Alpha
Beta et Gamma correspondant respectivement agrave la logique des propositions la
logique des preacutedicats du premier ordre et leurs extensions dans la logique des preacutedicats
du deuxiegraveme ordre et la logique modale (CP 4394-5291903) Il deacuteveloppa par la suite
une approche unifieacutee ou les parties ne sont plus distingueacutees les principes
fondamentaux de la logique deacuteductive eacutetant les mecircmes dans les di fleumlrentes versions
deacuteveloppeacutees et ne faisant que se complexifier (CP 4530-72 1906) le retiendrai
lapproche par parties puisque cest celle que les commentateurs ont deacuteveloppeacutee en
la torrilalisant dans le sens de laxiomatisation de la logique contemporaine La
preacutesentation du systegraveme des graphes existentiels chez Peirce suit un ordre semblable agrave
celui de l ax iomatisation de la logique moderne Elle n est pas agrave proprement dit
axiomatiseacutee mais su it un ord re rigoureux deacutemontrant un certa in degreacute de forma 1isation
Un vocabulaire est tout dabord eacutetabli puis des regravegles de formation (deacutefinitions) sont
formuleacutees de mecircme que des regravegles de transformation (regravegles diumlnfeumlrence) Il ny a pas
vraiment daxiome dans les graphes existentiels si ce nest que la teuille dassertion
sert de point de deacutepart agrave lanalyse cest-agrave-dire quune inscription Sur la feuille de
travail repreacutesente une assertion dans lunivers du discours quantifieacutee existentiellement
de fagraveccedilon implicite Le travail danalyse consistera agrave traduire les arguments du discours
dans la notation des graphes existentiels deacutecouvrant ainsi les inteumlrences les plus
simples du raisonnement puis agrave etfectuer des transformations sur les graphes pour en
tirer des conclusions quant aux conseacutequences possibles du raisonnement
La partie Alpha repreacutesente la logique des propositions non analyseacutees Il est
inteacuteressant de noter que la quantitication implicite par la situation dans un univers du
discours vague agrave deacuteterminer par des assenions implique eacutegalement lanalyse
l ~I preacutesenl8tion lorl11elle de 1~I s nllse d 1 1phu et ~3et1 selon Sh in (2002) l110d i lieacutee est lltllIrn ie en lnncse
54
potentielle des propositions Alpha megravene agrave Beta et les deux parties sont mecircme
eacuteventuellement unifieacutees en un seul systegraveme Le voceacutelbulaire dAlpha est composeacute de
symboles propositionnels de leacutel coupure (C1I1 symbolique) et implicitement de la
juxtaposition (quasi-iconique) Les regravegles de transformation comprennent trois
opeacuterations possibles portant sur le vocabulaire eacuteleacutementaire qui repreacutesentent les
opeacuterations rondamenteacutelles de la logique deacuteductive Ces trois eacutetapes du raisonnement
sont deacutefinies dans Ialticle laquoSymbolic Logicraquo du dictionneacutelire Baldwin comme eacuteteacutelnt la
reacuteunion (Coligoliol1) liteacuteration et leffacement (CP 4372-93 1902) Elles sont
ailleurs deacutefinies sommairement comme suit
[Deductive reasoning] 1 have ascertainecl can be reduced to three kinds of steps
The first consists in copulating separate propositions into one compound
proposition The seconcl consists in omitting something Irom a proposition
withollt possibility of introdllcing errol The third consists in inserting something
into a proposition witholll introdllcing error (EP2 213 1903)
La partie Beteacutel du systegraveme repreacutesente leacutel logique des propositions analyseacutees ou
logique des preacutedicats du premier ordre et constitue une extension dAlpha dont
Iajout principal du point de vue notationnel est la ligne didentiteacute La preacutesentation
formelle du systegraveme doit donc en plus treacuteliter des modifications de graphes avec ligne
d identi teacute Le voceacutelbuleacutelire de Beta est com poseacute de sym bo les de sujets de la coupu re
(symbolique) de la ligne didentiteacute (iconique) et implicitement de la juxtaposition
(quasi-iconique) Les regravegles de transformeacuteltion sont modifieacutees afin de comprendre la
ligne didentiteacute mais comportent toujours les trois opeacuterations fondeacutelmentales Les
opeacuterations suppleacutementeacutelires consistent agrave joindre ou disjoindre les lignes didentiteacute agrave en
dessiner ou en effacer et agrave les eacuteliionger ou les reacutetracter agrave travers les aires deacutefinies par les
cou pures ce qui ne consti tue quune extension des trois opeacuterations fondamenta les
Les commentateurs (Roberts 1973 Shin 2002) interpregravetent les symboles de
Beta comme des preacutediceacutelts (Shin les nomme prcdicolcSYl1lbos) mais il sagit bien
plutocirct de sujets alors que la ligne didentiteacute repreacutesente le preacutediceacutelt geacuteneacutereacutell de la
55
proposition analyseacutee en ses eacuteleacutements les plus simples la relation didentiteacute Cette
ideacutee essentielle agrave la logique de Peirce est une innovation de sa logique des relations
(voir entre autres CP 3467 1897 CP 4403-8 1903 EP2 208-25 J903) Lanalyse
logique par les graphes existentiels est sous cet aspect la duale visuelle de lanalyse
seacutemiotique plus informelle en termes de rhegraveme proposition et argument (le rhegraveme
eacutetant alors une proposition dont les sujets logiques sont remplaceacutes par des espaces
vides ne montrant ainsi que la relation preacutedicative subsistante)
Les deux principaux aspects seacutem iotiques de la notation algeacutebrique sont sa
symboliciteacute soit que la signification est deacutetermineacutee par convention et sa lineacuteariteacute qui
repreacutesente une surdeacutetermination de la notation dun point de vue iconique Lalgegravebre
est constitueacutee dune seacuterie de symboles dont il faut apprendre le sens qui leur a eacuteteacute
assigneacute de faccedilon arbitraire La compreacutehension de la notation algeacutebrique demande donc
un investissement suppleacutementaire de la part de linterpregravete dont la propre intention
de mecircme que celle du signe ne sufiisent pas De plus 18 quanti fication existentielle est
plus ditlicile agrave repreacutesenter que luniverselle dans lalgegravebre logique agrave cause du caractegravere
symbolique de la notation D8ns lalgegravebre de la logique la signification est assigneacutee par
convention aux termes de la notation exprimant lideacutee que la regravegle impose la
signification avec necessiteacute La quantification universelle en deacuteterminant lextension
entiegravere dune variable implique de faccedilon analogue que la signific8tion soit assigneacutee agrave la
variable neacutecessairementVx (Fx) F(x) 1 1 F(x) La symboliciteacute du symbole l 1
repreacutesente en quelque sorte un diagramme de luniversaliteacute de la quantification
universelle La quantification existentielle implique plutocirct quil puisse y avoir
plusieurs significations possibles assigneacutees agrave la variable dont au moins une satisfait agrave
la proposition 3x (Fx) F(x) V V F(x) La deacutefinition reacuteciproque nest pas non=1 n
plus eacutevidente dans la notation algeacutebrique car la porteacutee des quanti [icateurs en tant que
symboles est deacutetermineacutee de faccedilon arbitraire par convention Laspect symbolique
bien queacutetant peu eacuteconomique au niveau cognitit~ permet toutefois une assignation
preacutecise de la signi fication aux termes de la notation
56
La notation algeacutebrique comporte aussi dans sa lineacuteariteacute un aspect iconique
contingent qui impose des contraintes suppleacutementaires agrave liumlnterpreacutetation Lordre
syntaxique surdeacutetennine la seacutemantique et il faut par conseacutequent la corriger en ajoutant
des regravegles diumlnfeacuterence suppleacutementaires Par exemple dans le cas de lopeacuteration de
conjonction (p A q) lordre lineacuteaire de la formule imposeacute par la notation constitue
une contrainte non neacutecessaire quil faut corriger en ajoutant une regravegle dinfeumlrence
explicitant la commutativiteacute de lopeacuteration (p A q) (q A p) Il en est de mecircme
pour la reacuteiteacuteration des variables dans les formules quantifieacutees Par cxemple dans la
formule existentiellement quantifieacutee 3x (Fx A Gx) la notation algeacutebrique lineacuteaire
contraint agrave reacutepeacuteter dans une Illecircmeformule plusieurs occurrences de la variable x qui
ne deacutesigne dans les fagraveits quun seul type de variable La regravegle implicite consiste ici agrave
distinguer les occurrences particuliegraveres de la variable de leur type geacuteneacuteral
Sous laspect symbolique fort et la surdeacutetermination iconique se trouvent
cependan t c1es aspects diagrammatiques plus fondamentaux qu i partic ipent de lagraveccedilon
adeacutequate agrave la signification Le deacutecoupage visuel opeacutereacute par lalgegravebre est plus net que
clans le langage informel de la langue usuelle et repreacutesente de faccedilon plus adeacutequate la
structure logique du langage Les preacutedicats F et G sont ainsi nettement distingueacutes du
sujet logique repreacutesenteacute par la variable x ce qui permet lanalogie entre les relations
propres agrave la structure logique de la proposition analyseacutee et les relations entre termes
de la not3tion logique Laspect iconique simplifie la mise en relation dela notation et
du langage et augmente en ce sens lefficaciteacute de la notation dans sa fonction de
repreacutesentation
Compareacutee agrave la notation algeacutebrique la notation logique des graphes existentiels
exploite plus agrave fond les difteumlrents aspects de la repreacutesentation distingueacutes par la
seacutemiotique en tant que grammaire speacuteculative Le systegraveme des graphes existentiels est
un systegraveme de repreacutesentdtion heacuteteacuterogegravene cest-agrave-dire quiumll fait appel agrave plusieurs
aspects clu signe dans sa relation agrave lobjet il est agrave la fois iconique et symbolique Dans
57
le deacuteveloppement de sa not8tion logique et mecircme dans le passage des graphes dentiteacute
aux gr8phes existentiels Peirce transform8 des eacuteleacutements symboliques en eacuteleacutements
iconiques mais non Jinverse Il tendait donc vers une repreacutesentation davant8ge
iconique de 18 logique
Certains aspects des graphes existentiels sont imparJagraveitement iconiques La
juxtaposition de propositions sur une feuille d8ssertion repreacutesente la conjonction de
ces propositions Elle ressemble fortement il 18 conjonction de deux objets dans le
monde actuel mais le caractegravere neacutecessaire de la conjonction comme opeacuteration logique
nest pas repreacutesenteacute et la notation par juxt8position est donc 8umieux quasi iconique
La notation de la neacutegation par encerclement est suggestive dune discontinuiteacute par
rapport au reste de lunivers du discours surtout dans son interpreacutet8tion comme
laquocoupureraquo mais reste principalement symbolique car le lien effectueacute avec la neacutegation
logique demeure contingent Liconiciteacute est surtout preacutesente dans la notation du
preacutedicat logique par une ligne didentiteacute dans 18 notation dune 8ssertion quantifieacutee
existentiellement de faccedilon implicite au sein de lunivers du discours par linscription
dun graphe sur la feuille dassertion et dans lexpression de la porteacutee des
quantificateurs soit leur ordre dapplication dans la notation algeacutebrique
Les relations sont plus difficiles agrave repreacutesenter dans un systegraveme graphique que
les proprieacuteteacutes Les diagrammes de Venn par exemple ne permettent pas de
repreacutesenter des relations mais seulement des proprieacuteteacutes Peirce a donc creacuteeacute le signe de
la ligne didentiteacute afin de repreacutesenter gr8phiquement des relations La relation
didentiteacute dun individu 8vec lui-mecircme est repreacutesenteacutee de faccedilon iconique par la
continuiteacute de la ligne didentiteacute Luniciteacute de lune renvoie agrave luniciteacute de lautre Cette
caracteacuteristique permet deacuteviter la reacuteiteacuteration des variables tcl que le neacutecessite
inadeacutequ8tement lalgegravebre logique I~a quantific8tion existentielle est repreacutesenteacutee
implicitement de fagraveccedilon iconique par la seule p-eacutesence dune fcuille dassertion dont
lespace deacutecriture est agrave deacuteterminer par des inscriptions de la mecircme faccedilon que
S8
lunivers du discours est agrave deacuteterminer par des assertions et des mises en relation
Lordre de porteacutee des ditTeacuterents quantiticateurs est repreacutesenteacute iconiquelllent ugrave laide
dune proprieacuteteacute topologique de la notation graphique moins la partie exteacuterieure dune
1igne didentiteacute est encerc leacutee p lus large est la porteacutee de la 1igne Il sensu it un princ ipe
de lecture laquoendoporeutiqueraquo de lexteacuterieur du graphe vers linteacuterieur de la ligne
didentiteacute de plus grande porteacutee ugrave celle de moindre porteacutee
La lecture endoporeutique peut ecirctre lourde car elle sapplique agrave tous les
deacutetails rencontreacutes dans la lecture elle-mecircme contrainte par un ordre imposeacute Elle est
simplifieacutee par une lecture de forme normale neacutegative qui reacuteduit la formule ugrave des
neacutegations de propositions et non dopeacuterations et par la lecture des rouleaux (scro)
comme conditionnels (voir lannexe 1) Peirce ne cherche cependant pas ugrave eacuteliminer des
eacutetapes dans la lecture et favorise lapproche endoporeutique car il conccediloit la logique
comme une analyse du raisonnement et non un calcul La logique doit analyser le
raisonnement en ses plus petits eacuteleacutements des arguments aux propositions aux termes
eacuteleacutementaires de linfeacuterence (les rhegravemes) La notation logique la plus adeacutequate
repreacutesente le raisonnement ugrave laide des signes les plus simples les icocircnes et non
seulement des indices ou des symboles Le caractegravere principal du raisonnement comme
processus actuel eacutetant de plus la relation lhypoicocircne le plus adeacutequat est donc le
diagramm e
En tin de com pte le mei lieur systegraveme de repreacutesen tation sera it heacuteteacuterogegravene
Ainsi liconiciteacute permet une repreacutesentation agrave un niveau plus intuitif et rend le
systegraveme de repreacutesentation plus efticace Elle laisse cependant une possibiliteacute derreur
dans linterpreacutetation car lassignation intuitive de la signitication est vague impreacutecise
La symboliciteacute permet une plus grande preacutecision car la relation de signification est
tixeacutee par des conventions arbitraires (stipulation) qui contrecarrent nos intuitions
pouvant fausser la repreacutesentation La symboliciteacute permet de la sOlte une geacuteneacuteralisation
rigoureuse de linterpreacutetation Le langage symbolique est eacutegalement plus tagravecile agrave
59
formaliser pUisque les regravegles syntaxiques et seacutemantiques sont stipuleacutees Il felUt
toutefois apprendre les symboles ce qui implique un plus grand investissement de 13
p8rt de linterpregravete Le jeu est agrave faire entre lintuition de liconique et ]3 preacutecision du
symbolique dans un systegraveme de repreacutesent3tion f3isant 3ppel aux deux 3spects du
signe selon les buts que on assigne au systegraveme de repreacutesentation Un examen des
aspects mod3ux de la signification est eacutegalement eacuteclairant Dans le passage de lalgegravebre
logique 3UX gr3phes existentiels Peirce a eacutelimineacute les regravegles suppleacutement3ires
contingentes du symbole inadeacutequat (lalgegravebre ineacute3ire) pour ne gmder que les regravegles
neacutecessaires du symbole adeacutequat (le voc3bulaire eacuteeacutement3ire des graphes) La
contingence du symbole in3deacutequ3t deacutecoulait plus fondamentalement de limpossibiliteacute
de son aspect iconique sous-jacent (les contr3intes de la lineacuteariteacute limpossibiliteacute de
repreacutesenter des qualiteacutes de lobjet par ces qualiteacutes clu signe) La repreacutesentation la plus
adeacutequate dun objet 3ctuel exploite donc les mod31iteacutes positives regravegles neacutecessaires du
symbole qU31iteacutes possibles de licocircne et cherche agrave eacuteviter les modaliteacutes neacutegatives
regravegles contingentes du symbole qualiteacutes impossibles de licocircne l
Dans le cadre de la logique peirceacuteenne la notation logique doit permettre de
deacutecomposer les arguments en leurs termes eacuteleacutementaires et laspect iconique est donc le
plus important cm il permet de fagraveire ressortir le niveau le plus intuitif du
raisonnement Le diagr3l11me en p3rticulier permet de repreacutesenter les relations
eacuteleacutementaires agrave la base du processus dinfeacuterence Toutefois il est inteacuteress3nt de noter
que les graphes existentiels se precirctent 3ussi bien au calcul logique Avec peu ou pas
daxiomes un certain nombre de regravegles de translormation pouvant ecirctre reacuteinterpreacuteteacutees
Un ltlutrc cClllrlc hors UU cnurc UC la notation logiquc rcut conlirlllcr plus alanllintuition UCS Illoualileacutes Disons gue ie IllC legravevc cc Illatin cl que const~l~lnt ln tcmreacuteraturc hivermllc UC Montreacute81jc uisc laquol1nT il lilit lroidiraquo Iinterjection middotlhIT lCUL sClllhlcr contingente CZlI iumlai ~lrlllis uans Illa rrOlllC culturc Ugrave cplil11cr Zlinsi Illa lcncontrc avec le [miu (rm cc )IIhoe) et il ncst ras neacutecessaire guune autre relsonne ue culture Liilleacutelcnte ilronaise uisons ScplilllC ainsi VIais celtc erlCssion nest ras que contingClltc ellc est ~Iussi uZlns son caraelegravelC llus ()nualllentai dOIlOIllZltOreacutee (iconiqlle) une rossibiliteacute rhoneacutetique uc Illa langue que lmltrc rerSOllnC Iaromise Ilaurait ru pmllollcel ualls SI rmrre langue le 1 lr~illccedillis (UI ulairc lOuleacutee) n) cistant PIS (plutocirct unc ail eacuteolaire lihlIlte ou
hittue G~) Q tt ~) Lie Illecircllle que la concateacutenation consonncconsonlle (lcnchaIcircnemCllt nOliumllli1 est
(voycllc) consollnCIO) clic saul pour la nasale Iv ct 1IITecirct glotal J)
GO
de mecircme que la possibiliteacute de plusieurs lectures formaliseacutees en algorithme les graphes
existentiels ressemblent agrave un systegraveme de deacuteduction naturelle appliqueacute au calcul Leur
vocabulaire limiteacute permet de saisir facilement lessence du raisonnement par
lexploitation des divers aspects seacutemiotiques de la notation graphique et donc de
reacutefleacutechir agrave la fois sur la logique et de lutiliser Lheacuteteacuterogeacuteneacuteiteacute du systegraveme assure sa
polyvalence Finalement que diverses lectures des graphes permettent de retracer
plusieurs chaicircnes dinfeacuterence et de mieux saisir toute la signification dune proposition
ou dun argument va dans le sens du pragmatisme bien que ce ne soit pas labduction
mecircme qui soit repreacutesenteacutee mais une seacuterie de deacuteductions possibles
2 Seacutenliotique et theacuteorie de leacutecriture
The author (though with no pretension ta being a iinguist)
has fumbled the grammars of many languages in the search
ror a language constructecl at ail in the way in which the
logicians go out or their way ta teach that ail men think
(rOI even if they do sa that has reall) nothing ta cio with
logic) (EP2 285 1903)
Les manuscrits de Peirce contiennent de nombreuses eacutetudes linguistiques (MS
1135-1261) ainsi sur le vocabulaire de la philosophie lorthographe anglaise la
ponctuation etc ce qui teacutemoigne de linteacuterecirct que lauteur portait agrave leacutetude des langues
Sa logique eacuteventuellement deacuteveloppeacutee en seacutem iotiq ue fou rn it aussi des pri nc ipes
tondamentaux aux sciences du langage et constitue en cela une philosophie du langage
Peirce fait lui-mecircme le lien entre la seacutemiotique et leacutetude des langues en illustrant la
premiegravere agrave laide dexemples tireacutes de la seconde tels que des points de grammaire Il
ne siumlnteacuteresse cependant pas au thegraveme de leacutecriture proprement dit bien que ses
consideacuteralions sur lorthographe anglaise sen rapprochent et il revient donc agrave
1iuml nterpregravete de deacuteve lopper dans son travai 1exeacutegeacutetique la seacutem iotique dans le sens d une
science de leacutecriture L application de la seacutemiotique agrave leacutetude de leacutecriture
constituerait dans son moment paradigmatique une theacuteorie de leacutecriture et cest ce
passage dune science agrave lautre que janalyserai et critiquerai dans ce chapitre en tant
que problegraveme speacutecitlque du meacutemoire Lhypothegravese de deacutepart est que la theacuteorie
geacuteneacuterale cles signes fou lIl it les pri nc ipes directeurs cIune eacuteventuelle theacuteorie de
Imiddoteacutecriture Il sagira alors de preacuteciser cette assertion en cherchant les nuances agrave accorder
agrave la geacuteneacuteraliteacute cie la seacutemiotique clans le contexte envisageacute Je tacirccherai pour cela de
deacuteterminer quels concepts cie la grammaire speacuteculative seraient les plus teumlconds pour
une eacutetude de leacutecriture en examinant le cas de leacutecriture japonaise quels types
diumlnteumlrence seraient utiliseacutes dans lapplication de ces concepts agrave lobjet speacutecil-Ique
eacutetuclieacute et en quoi le pragmatisme peut fournir le principe directeur geacuteneacuteral de cette
recherche
62
21 Theacuteories linguistiques de leacutecriture japonaise
La langue japonaise utilise un systegraveme deacutecriture traditionnellement composeacute
de trois types de caractegraveres soit un ensemble de caractegraveres dorigine chinoise les
konji et deux syllabaires de creacuteation japonaise les hirogono et kOlokono nommeacutes
geacuteneacuteriquement kono La langue eacutecrite contemporaine a aussi assimileacute les chiffres arabes
et lalphabet latin le rOcircJ71oji La richesse dans la diversiteacute de ce systegraveme deacutecriture en
fait un objet seacutemiotique particuliegraverement inteacuteressant agrave eacutetudier par la complexiteacute des
relations de signification qui peuvent sy deacutevelopper Je preacutesenterai reacutecriture
JaponaIse en me concentrant selon rapproche geacuteneacuterale de la linguistique sur son
aspect orthographique entendant par la notion dorthographe agrave la fois la construction
des graphegravemes et leur disposition textuelle selon un ensemble de conventions
Lexposeacute fera ressorti l certaines des re lations de sign i lication rendues possi bles par
laspect graphique de leacutecriture japonaise ce qui megravenera agrave lanalyse seacutemiotique
critique de la prochaine section
Le statut des caractegraveres dorigine chinoise en japonais nommeacutes konji fait
lobjet dune poleacutemique aupregraves des linguistes Il sagit de comprendre ce que ces
caractegraveres repreacutesentent exactement mais comme nous le verrons leur signification en
est plutocirct une agrave multiples visages Les caractegraveres dorigine chinoise utiliseacutes dans la
langue japonaise peuvent ainsi ecirctre consideacutereacutes agrave la fois comme des logogrammes
deacutesignant des mots entiers des phonogrammes deacutesignant des uniteacutes de son et des
morphogrammes deacutesignant des morphegravemes La notion dIdeacuteogramme selon laquelle
les caractegraveres repreacutesenteraient chacun une ideacutee est maintenant rejeteacutee (DeFrancis
1984 Unger 2004) r uti 1iserai ic i le terme konji car il possegravede une sign i lication moins
deacutetermineacutee qui renvoie agrave lhistoire plutocirct quagrave la logique de repreacutesentation
II existe quatre grands groupes de konji pictographiques diagrammatiques
63
seacutemantiques composeacutes et phoneacutetico-seacutemantiques Les caractegraveres pictographiques
repreacutesentent leur objet en vertu dune ressemblance graphique avec ce dernier Ils onl
eacuteteacute de plus en plus styliseacutes avec leacutevolution de leacutecriture tout en conservant un lien
eacutetymologique avec leur origine Des exemples de ce type de caractegravere sont ~ ko
enfant 0 kIchi bouche LJ yal71a montagne Les caractegraveres diagrammatiques
lepreacutesentent leur objet dune Faccedilon similaire au premier groupe par une ressemblance
de la relation entre leurs eacuteleacutements graphiques avec les relations propres il la notion
repreacutesenteacutee Des exemples de ce type de caractegravere sont t Ile en haut T lhia en
bas Ces deux groupes de kan)i primitifs sont les moins nombreux de la langue
Japonaise Les kan)i seacutemantiques composeacutes sont quant agrave eux constitueacutes deacuteleacutements
simples dont la combinaison de sens donne la signification de la notion repreacutesenteacutee
par exemple B hi soleil et ~ luki lune donnent BEj mei lumiegravere Les caractegraveres
les plus nombreux sont cependant les kan)i phoneacutetico-seacutemantiques qui comportent agrave
la fois un eacuteleacutement donnant Je son et un ou plusieurs eacuteleacutements donnant le sens Par
exemple le caractegravere repreacutesentant la langue (tIcircanccedilaise japonaise etc) ~g go est
composeacute des eacuteleacutements seacutemantiques sect k mot et 0 kwhi bouche et de leacuteleacutement
phoneacutetique Ji go (cinq mais seul le son est retenu et non le sens)
Les kan)i complexes sont construits par lajout dun ou plusieurs eacuteleacutements
secondaires deacuteterm inants en geacuteneacutera 1les eacuteleacutements seacutemantiq ues il un eacuteleacutemen t pri nci pa 1
deacutetermineacute en geacuteneacuteral leacuteleacutement phoneacutetique Les ditleumlrents types deacuteleacutements
correspondent il difleumlrents lieux dinsertion dans la structure des caractegraveres La
composition des eacuteleacutements secondaires avec leacuteleacutement principal est ainsi reacutegleacutee de fagraveccedilon
il respecter des contraintes dmiddoteacutequidimensionaliteacute Ces contraintes assurent lharmonie
des proportions de leacutecriture Une autre contrainte deacutecriture de tous les types de
Ccttc clilssiliumlciltion contcmroraille est deacuteriveacutec dune CI~lssiliumleltioll traditionnelle chinoise Cil si classes ue earaetegraveles ueacuteiugrave rreacutesellc dalls le 51110 11e17 jie~i dietionll~lilc eacutetymologiquc Jc Xu Shcn Cl8tlllt du Jcuiegraveme siegraveelc ue Ilotre egraverc (Coull11JS 1080 Kcss ct Miyal11oto 10(9) LI lislc ues j()45
k(l7ji usucls dont lcmploi cst lccommJndeacute par le goucrllemclltiapollais cst ()urnic ugrave ImiddotAllncc 2
64
kanji mais aussi des kana est lordre de traccedilage des traits des caractegraveres en geacuteneacuteral de
haut en bas de gauche agrave droite et de lexteacuterieur vers linteacuterieur Finalement les kani
possegravedent deux types de lectures possibles par le son et par le sens chacun pouvant
ecirctre unique ou multiple La lecture par le son eacutequivaut dans une prononciation
japoniseacutee aux mots chinois dorigine chaque caractegravere repreacutesentant une syllabe
chinoise (souvent en mots composeacutes tels que ILjjij hinzocirc lorgane du cœur) tandis
que la lecture par le sens correspond aux mots japonais exprimant ce sens (IL kokoro
cœur esprit acircme) La lecture par le son est particuliegraverement utiliseacutee atin de
construire cie nouveaux mots les mots composeacutes cie plusieurs kani (par exemple tfu
Ficirc~ chi-ka-lelU (chemin de) fer souterrain cest-agrave-dire le meacutetro) qui permettent de
deacutevelopper le lexique de la langue par les ressources graphiques de leacutecriture
Toutefois les diffeumlrentes combinaisons cie lecture (aussi bien que de types deacutecriture)
possibles se retrouvent actuellement dans la langue japonaise eacutecrite Les multiples
lectures possibles contribuent donc agrave la difficulteacute dutilisation de leacutecriture japonaise
tout aussi bien quagrave sa richesse propre en tant queacutecriture lexicalement productive
La difliculteacute de deacuteterm iner exactement ce que deacutesignent les Iwni est eacutegalement
due aux diffeacuterentes possibiliteacutes de lecture Les caractegraveres chinois sont dans leur langue
dorigine des caractegraveres morphosyllabiques cest-agrave-dire des caractegraveres repreacutesentant le
plus souvent agrave la fois un morphegraveme pouvant ecirctre indiqueacute par un eacuteleacutement seacutemantique
et une syllabe pouvant ecirctre indiqueacutee par un eacuteleacutement phoneacutetique Cependant les
eacuteleacutements seacutemantiques nindiquent parfois que tregraves vaguement le sens quils ont pour
fonction de preacuteciser Le sens de la structure interne des caractegraveres nest alors
reconstruit que de faccedilon tregraves speacuteculative Dans dautres cas au cours cie assimilation
des caractegraveres dans une lecture par le son japoniseacutee la prononciation a changeacute agrave un
point tel que leacuteleacutement phoneacutetique en est clevenu insignifiant Par ailleurs certains
caractegraveres sont aussi des logogrammes puisque leurs lectures japonaises correspondent
agrave des mors complets pouvant ecirctre deacutecomposeacutes en plusieurs morphegravemes (par exemple
65
~~ honoshi converseacuteltion tandis que le verbe ~~9 honoS1l parler distingue la
terminaison 9 -Sil) Dautres ne repreacutesentent mecircme pas des morphegravemes (~laquo ~
lobeu manger le premier morphegraveme eacutetant ~laquo 10fJe- et non ~ 10-) mais seulement
des sons (un ou plusieurs phonegravemes)
Les syllabaires nommeacutes kono sont des creacuteations speacutecifiumlquementjaponaises
Ils ont tous les deux eacuteteacute formeacutes agrave partir de leacutecriture chinoise les kOlokona eacutetant de
forme plus angulaire deacuterivant chacun dune partie de caractegravere chinois et les hirogono
de forme plus cursive deacuterivant de caractegraveres chinois eacutecrits en style cursif Les
kOlokono ont eacuteteacute creacuteeacutes agrave lorigine a1iumln dannoter les textes eacutecrits en caractegraveres chinois
en leur ajoutant des eacuteleacutements grammaticaux preacutesents dans la langue japonaise et non
dans la langue chinoise tandis que les hirogono servirent plutocirct au deacutebut agrave lusage
quotidien tel la correspondance ainsi que dans la production de la premiegravere grande
litteacuterature j-eumlminine japonaise
Les kono correspondent en fait agrave des mores et non des syllabes ce dernier
terme eacutetant plutocirct la deacutesignation retenue par lusage en Occident La more est agrave la fois
un eacuteleacutement rythmique et un segment phoneacutetique donc une uniteacute de longueur alors que
la syllabe correspond plutocirct agrave une seule eacutemission de voix Chaque more a normalement
la mecircme dureacutee ce qui nest pas neacutecessairement le cas pour les syllabes Par exemple
le mot japonais pour journal L1v )~1v shillbun lorsqueacutecrit en kono ici en
hirogono est composeacute de quatre mores (L shi Iv nt )~ m Iv n) alors que nous ne
compterions que deux syllabes (Llvlhill )~Iv blln qui correspondent toutefois aux
konji du mecircme mot ~JTM) Les quatre mores cie L1v )~1v sont prononceacutees avec
presque la mecircme longueur tandis quun mot tel que syllabe il la double consonne se
deacutecompose en syllabes de dureacutees ineacutegales (syl- la- b(e)) La more comme eacuteleacutement
rythmique et segment phoneacutetique est de la sorte luniteacute de son conventionnelle de la
l UlltahlcClll des i0110 cie hase Cilmiddot cc Icm tllIlsiitleacutetatioll Cil r(jlJwji cst [()umi ugrave 1-illllcc 2
66
langue japonaise agrave laquelle correspond un kono Elle servira par ailleurs de mesure
prosodique agrave la poeacutesie
Dans la langue eacutecrite contemporaine Iusage des konji et kono est tixeacute selon
des fonctions propres Les konji logographiques sont utiliseacutes pour les mots et parties
de mots signifiants ou agrave contenu tixe tels les noms propres et communs et les racines
des verbes des adjectifs et des adverbes Leur alternance avec les deux syllabaires rend
le deacutecoupage du texte plus eacutevident et lespacement des mots non neacutecessaire le texte
japonais eacutetant continu et nayant recours quaux marques de ponctuation
Les kk(w servent agrave un usage similaire agrave celui des italiques de la langue
franccedilaise soit pour eacutecrire des mots dorigine eacutetrangegravere sauf les mots (surtout dorigine
chinoise) deacutejagrave eacutecrits en konji ou pour mettre de lemphase sur un ou plusieurs mots
dans une phrase Beaucoup de mots eacutetrangers sont en effet utiliseacutes dans une version
japoniseacutee par exemple ~9- nekllNi neckie ou I)J posocon persona
computer Les noms propres dorigine eacutetrangegravere sont eacutegaJementjaponiseacutes et eacutecrits en
koakono 1 middot1)[-1 Jan BOlIjon Jean Valjean Les kkono ont
comme particulariteacute de se ressembler fortement dans lems tormes angulaires J
Les hirogono sont quant agrave eux employeacutes pour le reste de leacutecriture de la langue
japonaise soit principalement les parties deacuteclineacutees des verbes des adjectifs et des
adverbes les particules enclitiques les inteljections et les conjonctions par exemple
la terminaison -219 kil710su dans W-2K9 kokil71oslI eacutecrire ou la particule
theacutematisante ft ho (prononceacutee exceptionnellement 10) dans ~ B [t konnichillo
bonjour Tous les konji peuvent ecirctre eacutecrits en hirugono bien que lutilisation cles
logogrammes teacutemoigne du niveau de richesse cie la langue eacutecrite Des hirogono
Voir Ic~ eltail~ dc IClc IllLlmis illnncc 2
67
minuscules placeacutes parallegravelement ltlUX kOl1ji les filrigono sont dailleurs utiliseacutes al-in
dindiquer la lecture phoneacutetique des textes destineacutes agrave lapprentissage scolaire ou de
certains caractegraveres peu communs des autres textes Les hirogono sont plus distincts
dans leurs formes cursives (pour les mecircmes mores que dans le paragraphe preacuteceacutedent)
Leacutecriture latine le n)lJ7oji a finltllement eacuteteacute introduite dans le contete de
linternationalisation du Japon moderne surtout commerciale et touristique Elle est
ainsi utiliseacutee dans la signalisation routiegravere laffichage publicitaire les noms de
compagnies commerciales etc Elle ltl pour particulariteacute de ressortir en tant queacutecriture
eacutetrangegravere au sein de leacutecriture ind igegravene japonaise
Pour conclure cette section je remarquerai que la complexiteacute de leacutecriture
japonaise pousse le lecteur agrave utiliser une multitude de voies daccegraves au sens des mots
eacutecrits (agrave ce sujet Kess et Miyamoto 1999) Liumlnformation peut ainsi ecirctre transmise
par les voies phonologique grapheacutemique kineacutetique ou directement seacutemantique Lune
et lautre de ces voies qui sont sans doute communes agrave toutes les langues eacutecrites sont
plus ou moins utiliseacutees selon le type deacutecriture et son contexte dutilisation Laspect
phonologique peut ecirctre favoriseacute dans la lecture de kono et des eacuteleacutements phoneacutetiques
de keJnji la voie grapheacutemique dans la lecture de cltlractegraveres pictographiques et
diagrammltltiques lltl voie kineacutetique dans la reconnaissance de lordre de traccedilage et lltl
voie seacutemantique dltlns lassociation du sens agrave la composante seacutemantique du caractegravere
non familier lors de lanalyse de ce dernier Un ensemble important de facteurs en
rapport au contete dutilisation est finalement la familiariteacute du lecteur et scripteur
avec les caractegraveres la reacutegulltlriteacute de correspondance de ces derniers au sens et au son
viseacutes ainsi que leur ti-eacutequence dans les tetes lus et eacutecrits trois points lieacutes agrave
lhabitude
68
22 Approche seacutemiotique de leacutecriture japonaise
L eacutecriture est pal10ut preacutesente dans notre socieacuteteacute contemporaine de lettreacutes el
nous y sommes habitueacutes Si bien quelle paraicirct seffacer dans Jexpeacuterience commune
que nous faisons du monde environnant et quelle ne semble pas se manifester pour
elle-mecircme Hormis les effets estheacutetiques explicites de la calligraphie lorsque nous
rencontrons un texte eacutecrit nous ne tenons pas compte le plus souvent de la lettre
traceacutee mais seulement du message veacutehiculeacute Leacutecriture tend en ce sens agrave la
transparence car nous ne prenons pas conscience de ses propres particulariteacutes bien
quelle en recegravele et nous en impose implicitement La science de leacutecriture cherchera ft
faire ressortir cet implicite par lequel leacutecriture structure la penseacutee lorsque cette
dern iegravere en fa it lexpeacuterience r abordera i dans cette section 1 eacutecriture en tant que
systegraveme de repreacutesentation grltlphique dont le but est de repreacutesenter le langage informel
de la langue usuelle Leacutecriture ainsi comprise sera contrasteacutee avec la notation logique
des graphes existentiels comme systegraveme de repreacutesentation graphique du langage
formel de la logique deacuteductive Mais tout dltIbord je deacutefinirai leacutecriture de lagraveccedilon
geacuteneacuterale afin de guider la caracteacuterisation suivante de leacutecriture ordinaire et plus
speacutecifiquement de leacutecriture japonaise par contrltlste avec la notation logique Le
retour critique sur lapplication theacuteorique effectueacutee permettra en dernier instant de
juger du bien-fondeacute de cette applic8tion de la seacutemiotique par une reacuteflexion eacutelaboreacutee agrave
partir des cateacutegories particuliegraveres de la signification
221 Theacuteorie geacuteneacuterale de leacutecriture comme signe
Quest-ce que eacutecriture La reacuteponse agrave cette question prendra pour point de
deacutepart la deacutetermination des caractegraveres essentiels de leacutecriture agrave partir desquels cette
derniegravere sera mise en lien avec le langltlge compris de ragraveccedilon geacuteneacuterale et les diffeacuterents
types speacutecifiques deacutecriture pour ensuite faire place ft une analyse de la ronction
69
1
interpreacutetative du signe eacutecrit Selon le linguiste Florian Coulmas leacutecriture comporte
trois caracteacuteristiques fondamentales (Coulmas J 989 17)
it consists of artificial graphical marks on a durable surl~1ce
2 its purpose is to commullicate something
3 this purpose is achieved by virtue of the meacutelrks conventional relation to
langueacutelge
Nous reconnaissons ici les constituants essentiels du signe soit le signe pris en son
fondement lobjet et linterpreacutetant chaque constituant eacutetant toutetois compris dune
faccedilon nuanceacutee caracteacuteristique du signe speacutecifique quest leacutecriture Au fondement de
leacutecriture en tant que signe se trouve sa preacutesence mateacuterielle condition formelle de la
repreacutesentation dun objet par le signe eacutecrit La signification est contrainte par la
preacutesence mateacuterielle du signe eacutecrit la matiegravere neacutetanl elle-mecircme rappelons-le quune
loliumlne contrainte par lhabitude L objet de leacuteCliture est pour sa parl agrave communiquer
et sa forme tient donc du langage et de tout ce que ce dernier permet dexprimer
(sentiment jugement argumcnt etc) Linterpreacutetant du signe consiste finalement en
une convention reliant les traces mateacuterielles de leacutecriture au langage repreacutesenteacute
La philosophie du langage contemporaine dexpression franccedilaise fait la
distinction entre le langage et la langue Dans une approche seacutemiotique de leacutecriture le
langage serait le systegraveme de signes tel que caracteacuteriseacute par la grammaire speacuteculative
tandis que la langue serait la langue usuelle dont leacutecriture serait un mode dexpression
deacutetermineacute Toutefois un approfondissement de lanalyse du cas de leacutecriture permet
de constater toute une gradation allant de la grammaire speacuteculative aux eacutecritures
speacutecifiques et finalement agrave la langue Selon Coulmas dun point de vue linguistique il
sied de distinguer le systegraveme deacutecriture du lype c1eacutecriture (script) el de lorthographe
de la maniegravere suivante (Coulmas 1989 38-9)7
- Le lCIiuml11C langlage Jeacutesigne ici la leacutell1gUC lmgllis ne laisltlnl pas la dilTeacutelcncc cnlre les Licu nolions
70
Writing system
Every writing system
selection of the linguistic
to be graphically re
(not language specifie)
makes
pres
un its
ented
a Word writing
Morpheille writing
Syllable writing
Phoneille writing
Phonetic writing
Script
Every script Illakes a speci lie Chinese script
selection of the possibilities of a Arabie script
given system in accordance with Greek script
the structu ra 1 conditions of a
given language
Orthograph
Every orthography Illakes a Ch ineseTa iwanese
speci fic selection of the orthography
possibilities of a script ~or Standard German
writing a particular language in a Swiss-Gellnan
uni ~orlll and standardized way ortho gra phy
Dun point de vue seacutemiotique plus englobant la gradation passant du langage formel agrave
la langue informelle comprendrait la logique en tant que grammaire speacuteculative la
deacutefinition geacuteneacuterale de leacutecriture en tant que signe le systegraveme deacutecriture le type
deacutecriture lorthographe la langue eacutecrite la langue parleacutee usuelle La logique en tant
que grammaire speacuteculative repreacutesente la forme du langage le plus geacuteneacuteralement
possible Les autres aspects du signe eacutecrit preacutecisent la signification en fonction du cas
actuel de leacutecriturc La deacute1inition de leacutecriture en tant que signe sapplique toujours au
niveau geacuteneacuteral du langage mais la distinction du type de systegraveme deacutecriture est deacutejagrave
propre agrave un niveau geacuteneacuteral de la langue deacutecoulant de lanalyse laquopar le basraquo des uniteacutes
linguistiques composant les langues des donneacutees propres agrave la science idioscopique de
la linguistique Les nivcaux suivants du type deacutecriture et de lorthographe son plus
speacuteci1iques aux langues eacutetudieacutees et leur distinction permet de deacutefinir plus exactement
71
les particulariteacutes dune eacutecriture Lorthographe repreacutesente ainSI la convention dune
eacutecriture propre agrave une langue speacutecifique
Cette analyse ne tient cependant compte que dun seul type dobjet du signe
eacutecritmiddot soit la langue parleacutee usuelle Leacutecriture peut aussi repreacutesenter dautres types
dobjet et une classification des types deacutecriture selon le type dobjet repreacutesenteacute
devrait distinguer au moins les trois types tondamentaux suivants formel tel que la
notation logique ou matheacutematique informel utilitaire repreacutesentant la langue parleacutee
usuelle et informel estheacutetique tel que dans la calligraphie Leacutecriture de type lormel
fait ressortir explicitement la forme geacuteneacuterale du langa~e agrave travers le 1ondement du signe
eacutecrit et permet ainsi de prendre conscience de la fonction repreacutesentative du langage
Elle engendre une interpreacutetation consciente du langage preacutecisant de faccedilon geacuteneacuterale la
signification Leacutecriture de type informel utilitaire fait ressortir implicitement la lorme
du langage propre agrave une langue deacutetermineacutee dans le fondement du signe eacutecrit Son but
premier nest pas de faire reacutefleacutechir sur le langage mais de communiquer le message
veacutehiculeacute par celui-ci Linterpreacutetation est alors dirigeacutee dans un sens deacutetermineacute par
leacutecriture sa tonction de repreacutesentation de la langue Leacutecriture de type informel
estheacutetique provoque pour sa part un sentiment agrave leacutegard de la forme de la
repreacutesentation le fondement du signe eacutecrit mais na pas pou l fonction prem iegravere de
faire reacutefleacutechir sur lobjet repreacutesenteacute Elle renvoie inconsciemment linterpreacutetation au
fondement du signe et reste vague quant au sens agrave lui donner
La consideacuteration du type dobjet repreacutesenteacute megravene agrave lanalyse de la fonction
interpreacutetative de Jeacutecriture Linterpreacutetant immeacutediat du signe eacutecrit le produit de
l eacutecri ture est une repreacutesen tation cie la langue usuelle moda1iseacutee se Ion les possi bi 1iteacutes
offertes par le tondement du signe soit la langue eacutecrite En tant quinterpreacutetant
dynamique leacutecriture preacutesente eacutegalement laspect dun processus qUI a cette
particulariteacute de mettre en lien plusieurs niveaux de la leacutealiteacute plusieurs eacutetats de la
lorme du langage Le signe eacuteClit est un acte psychique et physique laissant une trace
72
mateacuterie Ile in lormeacutee pa rune forme speacutecifiq ue du langage la langue usue Ile ou les
expressions matheacutematiques etc Linterpreacutetant final le troisiegraveme aspect de la lonction
interpreacutetative de leacutecriture est son but son effet viseacute Agrave ce sujet on consiclegravere
souvent leacutecriture comme secondaire par rapport agrave la langue parleacutee comme si elle
deacutependait en tout de cette derniegravere Le but de leacutecriture serait de la sorte de repreacutesenter
la langue de la faccedilon la plus transparente possible en seffaccedilant elle-mecircme comme
moyen de la repreacutesentation Mais nous pouvons aussi renverser le point de vue et
faire remarquer que leacutecriture est dune aide des plus preacutecieuse agrave la repreacutesentation du
langage plus fondamental que la langue deacuteterminant mecircme par converse celle-ci
jusquagrave un certain point Le signe eacutecrit par les particulariteacutes de son fondement
permet dactualiser dans une langue eacutecrite certaines possibiliteacutes du langage que la
langue parleacutee usuelle a laisseacutees pour compte Ainsi Coulmas dit-il dans sa conclusion
laquoThe invention of writing is the answer to the limitations of speech to the here and
now Thus by acquiring a vritten form the expressive power of a language is realized
to a greater extent than it is in speech onlyraquo (Coulmas 1989 272) La perdurabiliteacute du
message eacutecrit ou sa transmission agrave distance en sont les avantages les plus
communeacutement eacutevoqueacutes mais son utiliteacute pour analyse formelle clans le cas de la
logique ou des matheacutematiques de mecircme que son pouvoir expressif estheacutetique dans le
cas de la calligraphie sont c1autres aspects que la formulation dune theacuteorie geacuteneacuterale de
leacutecriture comme signe permet de mettre en eacutevidence
Leacutecri ture sJisie en sync hlon ie nest pas un Jrgument car elle ne don ne pJS la
cleacute de sa propre interpreacutetation et son analyse dJns cette section sest donc limiteacutee agrave
une cmacleacuterisJtion geacuteneacuterale du signe eacutecrit dans les termes de la grJmmJire speacuteculative
Toutetoisle signe eacutecrit en ce quil preacutetend retleacuteter la structure du langage et plus
speacutec ifiq uement de la IJngue usue Ile com porte certJi ns Jspects sym bol iques et d icents
qui le rendent informatif et en appellent il une analyse logique critique Cest vers cette
critique logique que se dirigera lexamen de cas speacutecitiques dans la prochJine section
critique qui sera redoubleacutee pm la critique eacutepisteacutemologique suivante
73
222 Analyse seacutemiotique de leacutecriture japonaise
Leacutecriturejaponaise na pas le mecircme objet et ne poursuit pas le mecircme but que
la notation logique des graphes existentiels preacutesenteacutee au chapitre preacuteceacutedent Le but
principal de leacutecriture dune langue intonnelle telle que la langue parleacutee usuelle est de
communiquer efficacement linformation agrave distance dassurer la transparence du signe
eacutecrit et non de sarrecircter sur la repreacutesentation eacutecrite pour Imiddotanalyser alors que celui de
la notation du langage tormel de la logique est de permettre lanalyse du raisonnement
par le retour reacuteflexif sur le systegraveme de signes et la critique subseacutequente Les graphes
existentiels serviront dans cette section de point de repegravere et doutil agrave leacutelaboration
dune theacuteorie seacutemiotique de leacutecriture japonaise Le contraste entre les deux types
deacutecriture permettra aussi de mieux tagraveire ressortir les particulariteacutes de cette derniegravere le
deacutebuterai par lexamen de quelques points de grammaire pour ensuite deacuteterminer les
caractegraveres essentiels de reacutecriture japonaise L exposeacute passera ainsi dune analyse de la
gram mai re japonaise repreacutesentant la structu re de la langue usue Ile par l app 1ication de
la logique des relations agrave lanalyse de la grammaire telle que la langue eacutecrite la tagraveit
ressortir par lapplication de la meacutethode des graphes existentiels agrave labstraction de la
forme du langage propre agrave reacutecriture japonaise par lapplication de la theacuteorie
seacutemiotique au cas consideacutereacute Japprotondirai lanalyse jusquau niveau des dix classes
de signes et passerai au moment critique de la logique tout en gardant en vue les
principes directeurs du pragmatisme
La languejaponaise a ceci de particulier que le sujet grammatical peut ecirctre omis
de la phrase sa preacutesence implicite eacutetant alors reconnue par la situation dans le
contexte de leacutenonciation La grammaire japonaise dans la tradition de Mikami Akira
deacutefinit la structure eacuteleacutementaire du japonais selon un moti f diffeacuterent de la structure
sujet-verbe-objet typique du tranccedilais ou de Imiddotanglais La langue japonaise est plutocirct leacuteeri~ le~ noms japonais selon lusage soit le nOIll Je IUumlllli11c aClnt le pleacutenolllJe tiens les exelllpics selltlnt ~ liumlllustrltltion Jes points lie gralllllllire Jes courS Je langue iaponaise Jonneacutes pal Kana) a Takehi 10 il l LJ ni clsi leacute Je VIontreacutea 1 auquel je Jo is Iussi 1Cl leyon sur 18 glalll1ll8i le Je lvI ik81ll i ikira la pn~senlation de la grlllllllailC jlponaise Jlns celle ~eetion relegraveve eepenJlnl de Illlt pmplc interpreacutetation clu co llIS
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dite structureacutee selon un ordre thegraveme-commentaire OLI le sujet grammatical plutocirct
nommeacute laquothegravemeraquo pou l en distinguer la fonction na pas l im portance quon 1ui precircte
dans notre langue franccedilaise Cest que le japonais nest pas une langue du laquotaireraquo ct
~ sulu) comme le franccedilais mais une langue du laquoil y araquo (~~ (111) Les faits ( C
kaa) repreacutesenteacutes ne deacutependent pas neacutecessairement de choses (t 0) mono) qui les
accomplissent lis peuvent aliumliver par eux-mecircmes eacutetant alors seulement constateacutes par
le locuteur Le thegraveme nest pas neacutecessairement un agent il est plus essentiellement une
partie de la phrase mise en eacuteviclence (par la particule fJ ho prononceacutee 110) tel un
soleil levant (80)11 hi 10 l1Jolu -le roncl clu jour) eacuteclairant le reste de la phrase Il
peut ecirctre omis leacuteclaircissement venant alors du contexte de leacutenonciation Le
commentaire quant agrave lui se construit autour clu verbe clans les phrases verbales ce
centre restant v icle clans les phrases nom ina les sans la laquocopu leraquo C ~ ~ de 011 ou C
9 desu La phrase japonaise est clonc construite autour cie la base clu verbe situeacute agrave la
fin cie la phrase par lajout cIeacuteleacutements clont la fonction est speacuteci fieacutee par cles
particules cest une phrase en forme cie bonsaiuml (~t(X bonsoi bun) clans laquelle les
com mentai res-branches cl irigeacutes clans le sens cles particu les-tuteurs seacutelaborent agrave parti l
clu verbe-pot qui contient les racines cie la phrase Tanclis que la phrase franccedilaise est
construite agrave partir clu couple sujet-verbe clont le sujet est mis en eacuteviclence tel un arbre
cie Noeumll avec son eacutetoile-sujet au sommet son tronc-verbe et ses branches-objets ( 1)
A 7( A Y 1) - X kllli111l1l0SII IIIIii IWI1) Cest que le locuteur japonais ne prencl pas
clans le contexte cie sa langue un point de vue du dieu sur le moncle (f$0) El kmlli 10
me) slIb ljJecie oeemiois pourrions-nous dire le point de vue du grand architecte
celui qui construit le monde mais un point de vue de linsecte (RO) El lJ1ushi no JJle)
la petite becircte qui voyage sans lin agrave travers la surface de la terre Cette construction par
le bas de la grammaire sera agrave preacutesent formaliseacutee par la rencontre avec les principes
directeurs de la logique peirceacuteenne
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La logique des relations de Peirce et son deacuteveloppement par la meacutethode des
graphes existentiels seraient en effet particuliegraverement adapteacutes agrave lanalyse de la
grammaire japonaise que le modegravele de la grammaire anglaise a tendance agrave brutaliser
Notons par ailleurs que lutilisation dune grammaire speacutecifique cOl11me modegravele dune
autre grammaire procegravede dune mauvaise meacutethodeutique La grammaire des langues
speacutecifiques doit plutocirct se fonder sur la grammaire pure ou speacuteculative de la logique La
meacutethodeutique bien penseacutee dun point de vue peirceacuteen implique que lon fasse se
rencontrer les principes de la logique et les donneacutees de la linguistique en tant que
scientifique-philosophe confrontant dans son expeacuterience ordinaire de la reacutealiteacute le
pheacutenomegravene de la langue japonaise
Chez Peirce il ny a ultimement dans lanalyse logique meneacutee agrave fond quun
preacutedicat geacuteneacuteral par proposition (repreacutesentant luniteacute conceptuelle de lEcirctre) et
plusieurs sujets qUI constituent des points dancrage dans la reacutealiteacute actuelle
(repreacutesentant le divers de la Substance) (EP2 208 1903 EP2 275-88 1903) Un
sujet peut aussi ecirctre laisseacute pour implicite seul le contexte de leacutenonciation permettant
alors la mise en situation (EP2 281-82 1903) Semblablement dans la langue
japonaise il ny a pas neacutecessairement de sujet actif se deacute1narquant le laquosujet
grammaticalraquo en tant que thegraveme du commentaire qui constitue le reste de la phrase
pouvant ecirctre omis Prenons comme exemple la phrase inaugurale du roman de
Kawabata (~OO Yllkigllni Pays de neige in Kawabata 1974 (1935) 7)
kllnizokoi rO rogoi orneII 110 nllkelIo ykigri de ullu
liontiegravere (particule 0) de) long tunnel (part ~ laquoobjet directraquo) eacutemerger de
(parI C lorsque) pays de neige (ltltcapu leraquo -r 17gt ) t laquoc eacuteta itraquo)
Le thegraveme de la premiegravere proposition nest pas un agent mais un contemplateur de
leacutetat de choses duquel il fagraveit paltie Il est laisseacute pour implicite dans le contexte de
leacutenonciation La distance entre leacutenonciateur et lobjet de son eacutenonceacute nest pas
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ressentie de faccedilon aussi grande que dans nos eacutenonceacutes de langue franccedilaise ou anglaise
Des tentatives de traduction de cette phrase sans sujet actif seraient
laquoUne fois eacutemergeacute du long tunnel frontalier ceacutetait le pays de neigeraquo
(le plus litteacuteralement possible mais je dis tout de mecircme laquocea eacutetaitraquo ce qui nous
distancie de lobjet le pronom deacutemonstratif eacutetant toutefois un index agrave la fois
plus direct et discret plus transparent quun pronom personnel ou un nom
commun)
laquoUn long tunnel entre les deux reacutegions et voici quon eacutetait dans le pays de
neigeraquo
(trad Fujimori Bunkichi et Annel Guerne (1960) eacuteliminant le verbe mikeli
eacutemerger et utilisant le pronom indeacutefini lt(011 eacutetaitraquo)
laquoThe train came out of the long tunnel into the snov countryraquo
(trad Edward Seidensticker (1986) qui rajoute un sujet (troil1) et embrouille les
deux propositions)
Dans la phrase japonaise la copule peut eacutegalement ecirctre omise La logique de
Peirce permet de mieux expliquer ce que lon entend ici par laquocopuleraquo Prenons agrave ce
sujet la phrase-exern pie de M ikam i
~ fjll1J l 0
ZOcirc 110 hOl1o go l10gai
eacuteleacutephant (particule) trompe (particule) longue (deacuteclinaison de ladjectit)
laquoLeacuteleacutephant-lagrave [sa] trompe [est] longueraquo
Lanalyse de cette phrase selon la meacutethode des i Sdonne le diagramme suivant
1 est clair que la repreacutesentation de la relation didentiteacute implicite ne cause pas de
problegraveme puisque nous la retrouvons dans la quantification existentielle eacutegalement
implicite exprimeacutee par linscription mecircme de la ligne didentiteacute sur la feuille
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dassertion La copule nest pas lagrave pourjoi nd re les eacuteleacutements de la ph rase mais pou l
speacutecitier la relation du terme qui la preacutecegravede avec les autres eacuteleacutements la relation
diumldentiteacute eacutetant plus fondamentale que toute expression speacutecitique telle quexprimeacutee
par la copule Elle servira plutocirct dindicateur du niveau de langage (honoritique C
~~ 9 de gozoil1loslI poli Cg desu style eacutecrit Cc10 Q de OlI neutre Uamilier)
t do) compleacutetant le commentaire Elle est omise au style neutre apregraves les adjectifs
situeacutes agrave la base du commentaire qui ont eux-mecircmes une fonction qualitative
prononceacutee Nous pourrions dailleurs lappeler plus justement un marqueur
dexistence quune copule Il faut dire agrave ce sujet que les grammairiens actuels (tels que
Shimamori 1997) distinguent plutocirct deux fonctions de Cg delu qui sont soit en tant
que copule de laquotransformer le nom preacuteceacutedent en eacutenonceacute minimal completraquo
(Shimamori 1997 17) dans lequel cas leacuteleacutement est indispensable soit devant un mot
qualitatif japonais (adjectif en ~ i) de laquosituer leacutenonceacute au niveau poliraquo (Shimamori
1997 27) dans lequel cas leacuteleacutement est tacultatif Linterpreacutetation ici proposeacutee eacutevite
le deacutedoublement de fonction du marqueur dexistence en expliquant lomission de
leacuteleacutement apregraves ladjectif dorigine japonaise par la marque de seconde intention la
fonction qualitative prononceacutee deacutejagrave preacutesente dans la tlexion adjectivale et ne
neacutecessitant donc pas de surenchegravere au style neutre (la notion de seconde intention
relative agrave la flexion est preacutesenteacutee ci-apregraves) Par ailleurs dans la logique des relations
non plus la copule explicite nest pas un eacuteleacutement du vocabulaire primitif il sagit
mecircme selon Peirce dune notion grammaticale latine tardive datant du Moyen Acircge le
verbe neacutetant pas dans le grec ancien ou le latin classique une composante essentielle
de la phrase (EP2 221 282 1903)
Le thegraveme est aussi convenablement deacutecentreacute par cette analyse cest-agrave-dire
situeacute comme un sujet de la proposition parm i dautres la fonction speacutecitique de
chaque eacuteleacutement eacutetant indiqueacutee par la particule qui lui est associeacutee (rd 1 0 et 1J go) ou
sa tlexion adjectivale (~ i) toutes eacutecrites en hirogol1( Une certaine structure
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grammaticale est donc mise en eacutevidence par lalternance de deux types deacutecriture les
kan et les hirogano Dans le cas des adjectifs et des verbes un morphegraveme vient
moditier le sens dun autre morphegraveme plus fondamental au sein dun mecircme mot La
fonction grammaticale de chaque morphegraveme (racine et deacuteclinaison base connective et
terminaison) est de la sorte distingueacutee par leacutecriture Dans le cas des particules et du
marqueur dexistence leur fonction est encore plus abstraite puisquil sagit de termes
distincts donnant un sens aux termes auxquels ils se rapportent mais dont la
signification reste incomplegravete sans ces termes (ce sont des laquosyncateacutegoregravemesraquo EP2
286 1903) Ils deacuteterminent le sens de la proposition au niveau des rhegravemes proprement
dits et non de linteacuterieur de ceux-ci par deacuterivation agrave partir des morphegravemes Selon la
logique des relations de Peirce nous voyons surgir dans ces deux cas la seconde
intention aussi repreacutesenteacutee dans les -Jocirc par des signes nommeacutes Potentiels (CI) 5524shy
6 1903) Peirce donne les deacutefinitions suivantes de la seconde intention
The smt of idea wllich an icon embodies if it be such that it can convey any
positive information being applicable to some things but not to others is called a
jirst intention The idea embodied by an icon which cannot of itself convey any
information being applicable to everything or to nothing but which may
nevertheless be useful in modifying other ieons is ealled a second il1lenion (CP
3433 1896)
Every rhemn whose blnnks may be filled by signs of orclinary individunls but which
signifies only what is true of symbols of those individuals without any reference to
qualities of sense is termed n rhema 01 second intention For second intention is
thought about thought as symbol (CP 4465 1903)
Il is by menns of reuiles of second intention thnl the general method of logicnl
representation is to find eompletion (CP 3490 1897)
Dans les deux cas qui nous inteacuteressent les particules Id 110 et tJ~ go et la llexion l i
sont des signes de seconde intention en ce quils viennent preacuteciser la signitication agrave
accorder agrave la proposition en modalisant la relation didentiteacute fondamentale qui joint
les diffeacuterents termes de premiegravere intention Ce sont des signes qui agissent sur les
relations entre dautres signes au sein dune mecircme repreacutesentation Par la preacutecision
quils apportent agrave la sign ification au niveau des re lations fondamentales ils
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complegravetent Ianalyse logique implicite agrave la langue japonaise L alternance entre les
types deacutecriture fait donc ressortir la structure de la phrase en mettant en eacutevidence le
rapport entre la premiegravere et la seconde intention
Le problegraveme speacutecifique qui nous permettra dapprolondir plus avant lanalyse
seacutemiotique de leacutecriture japonaise est le changement actuel de proportions entre les
difteumlrents types deacutecriture utiliseacutes dans la langue japonaise eacutecrite La langue japonaise
assimile en ce moment de faccedilon croissante des mots dorigine eacutetrangegravere surtout de
langlais ameacutericain eacutecrits en kolokol1o Ces mots eacutecrits en kOlokona occupent de plus
en plus despace graphique dans leacutecriture jusque maintenant domineacutee par les kanjl
tout en remplissant des fonctions grammaticales sinon attribueacutees il ces derniers
Laspect externe ainsi que de la structure interne de Ieacutecriture japonaise se trouvent
donc fortement modifieacutes suite au contact de la langue japonaise avec dautres langues
aux eacutecritures difteumlrentes Le problegraveme consiste agrave deacuteterminer quels aspects seacutemiotiques
fondamentaux de Ieacutecriture japonaise sont modifieacutes par ce changement de proportions
dans les types deacutecriture utiliseacutes Construisons tout dabord un exemple de
transformation dune phrase dans le sens de laugmentation des kalokono La phrase
suivante servira agrave lillustration
Nihongo no kihon bun wa bonsaiuml bun desu gajilransligo wa klifisumasli twlii bUll
c1esu
laquoLa phrase eacuteleacutementaire du japomlis est une phrase bonsaiuml mais en franccedilais cest
une phrClse arhr de Noeumlf [Christmas tree]raquo
Certains kan)l tels que 8 111110n Japon sont dune importance culturelle
m~ieure et il est agrave parier que les Japonais ne les abandonneront pas cie si vite parce
que ces caractegraveres leur sont chers au cœur Dautres sont tregraves simples ou tregraves
tamiliers tels que ~g go langue et )( blll1 phrase et ils seront conserveacutes parce
quils sOl1l deacutejagrave ancreacutes clans Jhabitude et ne causent pas de problegraveme Mais il est aussi
80
des mots dorigine chinoise aux caractegraveres plus complexes ou moins familiers dans la
phrase-exemple ~~ hO1soi bonsaiuml qui sont bien ancreacutes dans la langue parleacutee
usuelle mais dont on souhaitera peut-ecirctre il lavenir simplifier la repreacutesentation eacutecrite
en les eacutecrivant en koloko1o (puisque dorigine eacutetrangegravere) ainsi honsoi deviendrait 1f 1 Finalement le nouveau vocabula ire techn ique eacutetant sou ven t anglo-ameacuterica in
dorigine le vocabulaire anglo-ameacutericain japoniseacute simposera aussi de lui-ll1ecircme en
comblant les vides de la langue technique 1) A A Y 1) - kulisll710SI IIii
Chrilll1los Iree en est un exemple ou en remplaccedilant avec sa nouvelle saveur les
anciens lllotS dorigine chinoise deacutesormais deacutesuets ainsi dans notre phrase
supposons que ~ kiho1 fondement subisse ce dernier sort et soit remplaceacute par le
terme anglo-japonais Acirc-~ hecsliiku )olie y a dautres raisons favorisant la
prolifeumlration de mots eacutecrits en kolokol1o surtout en lien avec lapport culturel
eacutetranger par exemple dans les modes engendreacutees par la musique la litteacuterature Ie
discours politique etc mais la preacutesente illustration seacutepuise dans les deux cas mis de
lavant La phrase-exemple transformeacutee devient alors en reprenant dabord loriginal
pour effet de comparaison
B ~gO)~gtzIj~~gtZT9tJ 77 Agrave~glj 1) Agrave Agrave ) 1) -gtZT9o
B ~gO) 0( - gtz1j ~ -1 gtzT9tJ~ 77 Agrave~glj 1) Agrave Agrave ) 1) - gtzT9 0
Nihongo no heeshiku bun Wl hO7sai bun c1esu ga li1runsllgo wa kllislll11allI 1lIlii
bun desu
laquoLa phrase ileacutell7ltnluire [hLsic] du japonais est une phrase hOl1sui mais enfiu7ccediluis
cest L1ne phrase urhre de Noeumllraquo
Une analyse grammaticale donnera une premiegravere ideacutee de la structure de ces
phrases Les phrases sont composeacutees chacune de deux propositions lieacutees par la
cc suiet le dcuiegravelllc lelc dc lannec 2 donllc un ecl1lple dnrlicle dciourJlltJ1 urilisnnl de nomlxcu lllolS 0crits Cil kU(fw7u dans ce cas-Iugrave pour cn eriliquer lulilisltJtion ccessi e llm le rrcl1licr Illinislre l1e Shinll Jans son discours inaugural Cc lcte contrasle mcc Ic premicr clrail de lanncc rcrrcnanl le d011ul dun conte de Ikutngaa le famcu 1eacute1shocircIllOIlraquo eacutecrit en 1915 dans unc languc litteacuteraire au Sl Ic laquogothiqucraquo ulilisant quelques kl7ji cOl1lrlcCS ou inusil0s el aucun kalakrlu
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particule conjonctive IJIcirc go mais qui introduit dans la deuxiegraveme proposition une ideacutee
constrastant avec celle exprimeacutee dans la prem iegravere Dans la prem iegravere phrase le thegraveme
de la premiegravere proposition est B ~gO)~)( l1iho1go 110 kihon )((n la phrase
eacuteleacutementaire de la langue japonaise mis en eacutevidence par la particule theacutematisante fj
wa en ce qui concerne et son commentaire est ~~)( honsai )1(1 phrase bonsaiuml
dont le rapport avec le reste de la proposition est souligneacute par le marqueur dexistence
de style poli C9 desu il y a ou cest tandis que le thegraveme de la seconde
proposition est 77 Agrave~g fltral1sugo langue franccedilaise et son commentaire est
1) Agrave x Agrave J 1) -)( kurisulllosu ISlIii blll1 phrase arbre de Noeumll indiqueacutes par la
mecircme particule theacutematisante et le mecircme niarqueur dexistence La phrase transformeacutee
reprend exactement la mecircme structure grammaticale mais remplace ~ kihun par le
terme anglo-japonais I-~ beeshikll basic eacutecrit en kolakana et les kan)i de ~
~ bonsoi par les kalakano de mecircme lecture tT - La transformation du type
deacutecriture naffecte donc en rien la structure grammaticale de la phrase japonaise dans
tous les cas du pheacutenomegravenc actuel qui nous concerne Mecircme dans le cas extrecircme de
lassimilation dun mot eacutetranger comme verbe base de la phrase bonsaiuml japonaise le
nouveau mot prend une forme grammaticale deacutejagrave preacutevue par la langue soit celle des
verbes dorigine chinoise construits par lajout du morphegraveme 9 g SlIU fnire (ici en
style neutre eacuteventuellement conjugueacute) agrave la base connective sino-japonaise par
exemple le verbe anglo-japonais 7 euml-)[9g apiiuslIlI to appeal a une forme
identique agrave un verbe sino-japonais tel que ~fff9 ~ JlIl1sekisuu analyser Le
contact des langues peut bien provoquer des transformations de la grammaire mais la
cause nen est pas alors le changement de type d eacutecri ture
Lanalyse seacutemiotique proprement dite commencera par deacutegager les
composantes du signe eacutecrit de la langue japonaise tel quillustreacute par la phraseshy
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exemple Lefondemen de leacutecriture japonaise comme signe est lapparence mateacuterielle
quelle offre dont on peut deacutegager une structure logique deacutetermineacutee par lobjet que le
signe repreacutesente la langue parleacutee usuelle et deacuteterminant agrave son tour un interpreacutetant la
langue eacutecrite Leacutecriture japonaise ne saisit en son fondement que certains aspects de la
langue parleacutee soit certains lexegravemes morphegravemes syllabes et mores et une certaine
structure syntaxique de ces eacuteleacutements 211 bull Elle fait ressortir ces aspects dune faccedilon plus
preacutecise que la langue parleacutee mais en neacuteglige cIautres clans sa seacutelection (par exemple la
tonaliteacute) Elle est donc une abstraction de la langue parleacutee qui nen retient que certains
traits Ces traits sont inscrits et fixeacutes dans la matiegravere de leacutecriture une forme davantage
contrainte par lhabitude que la langue parleacutee Dans lexemple on peut reprendre les
deux phrases en ne siumlnteacuteressant quagrave leur aspect graphique et en consideacuterant quelles
uniteacutes linguistiques chaque signe de la phrase repreacutesente ainsi que quelle syntaxe
lensemble fail graphiquement ressortir Le fondement des deux phrases est une
alternance de kani D hiragw1( kafakana 0 et ponctuation selon ordre suivant
B80)~Xfl~)CC91JIcirc 75 Agrave81l 1) AgraveAgrave 1) -XT90
DUO 0 000bullbullbull 00000000000000bullbull0
B ~O)I-S-XIl -if-1 XC91f) 75 Agrave~gll 1) Agrave Agrave 1) -XC90
0000000000000bullbullbull 00000000000000bullbull0
Sur le support mateacuteriel cie la feuille dassertion leacutecriture est tout daborcl
contrainte par la lineacuteariteacute de la phrase inscrite semblable agrave leacutecoulement temporel de la
parole La ponctuation donne ensuite les limites hors tout ainsi quune certaine
structure interne cie la phrase Dans lexel1lj1le le j1ointmiddot o marque la tin de la phrase
et la virgule seacutepare la premiegravere proposition de la seconde Les morphegravemes et
syllabes repreacutesenteacutes par des kan) 0 sont aussi distingueacutes des mores repreacutesenteacutees par
des kan(f 0 ce qui est L1ne abstraction de leacutetude cie la langue eacutecrite la langue parleacutee
Il nesl ras eacutevident que leacuteelillllc lcwenne caetclllcntla stluelure S) nwiquc de I~I langue ralmiddotke Ia languc japonaise el8ssique Je SI) le klllbllll en olile un eelllrie pal eeellcncc leacutecrilulC sc lilisanl dans joldle sYlitaique du chinois rouI ensuite ecirclle inlelpleacuteleacutee au eouls Je la ledule en lceonslruisanl lnrdre S) nlltliqlle JlIjaponais
83
ne les distinguant pas Avec une connaissance un peu plus profonde de la grammaire
eacuteleacutementaire du japonais on reconnaicirct de plus dans lalternance entre konji U (ou
katakona 0) et hiragano bull une structure syntaxique correspondant agrave la structure
thegraveme-comnientaire On constate ainsi dans lexemple que la transformation de
leacutecriture dans le scns de laugmentation des kotakono ne change pas la structure
syntaxique de la phrase ponctueacutee dune phrase agrave lautre de la mecircme faccedilon par les
hiragana bull le point et la virgule Les lectures speacutecifiques des signes eacutecrits renvoient
finalement de diverses maniegraveres agrave la prononciation de la langue padeacutee Telle est donc la
forme geacuteneacuterale du signe eacutecrit pris en son fondement qui contraste avec la torme plutocirct
vague de la langue parleacutee
Lobjet de eacutecriture japonaise la langue parleacutee usuelle est plus fluide et
eacutepheacutemegravere que son support eacutecrit qui tixe les paroles dans lespace et les fait perdurer
dans le temps Il peut ecirctre deacutecomposeacute pour chaque kanji ou groupe de konji en mots
morphegravemes ou phonegravemes repreacutesenteacutes et pour chaque kono en mOIes repreacutesenteacutees Il
peut aussi ecirctre saisi en un tout comme dans la repreacutesentation diagrammatique de la
structure syntaxique de la phrase et du texte Lobjet immeacutediat de leacutecriture japonaise
est la parole penseacutee ou entendue en langue japonaise La phrase-exemple peut ainsi
repreacutesenter une penseacutee immeacutediate du scripteur ou un eacutenonceacute entendu par ce dernier
Lobjet c1I1amiqlle est lideacutee vague que lon cherche agrave repreacutesenter en la preacutecisant dans
cette langue et ces phrases deacutetermineacutees mais qui pourrait ecirctre exprimeacutee autrement en
dautres phrases et dans dautres langues Cest la proposition logique du grammairien
sous-tendant vaguement la phrase-eemple inscrite par le scripteur
Linterpreacutetant clu signe eacutecrit japonais la langue eacutecrite est une forme davantage
contrainte que son objet car preacuteciseacutee par la repreacutesentation Linterpreacutetant ill1l1leacutediot
est le message transmis au lecteLll en langue japonaise Cest ce que le lecteur
comprencl effectivement cie la Poposition inscrite sur la teuille cIassertion La phraseshy
exemple est ainsi un eacutenonceacute de la grammaire qui permet au lecteur cie saisir certains
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traits de la langue japonaise dans sa comparaison agrave la langue fi-anccedilaise Linterpreacutetant
c0mamiqlle est le processus deacutecriture et de lecture du signe sa traduction en parole et
en penseacutee Il ne sagit pas seulement dun processus psychologique et physique car
on peut aussi lanalyser logiquement en tant que processus seacutemiotique de construction
dune signification la seacutemiose Le scripteur et le lecteur sont conditionneacutes par la torme
de leacutecriture son fondement et le processus dinterpreacutetation du signe eacutecrit est donc
dirigeacute dans un certain sens il sactualise dune maniegravere deacutetermineacutee Linterpreacutetant
f7nal leffet viseacute est la compreacutehension du message japonais dorigine telle que deacutesireacutee
par le scripteur mais aussi par le lecteur Cest la signification deacutetermineacutee que la
repreacutesentation adeacutequate de lobjet construirait eacuteventuellement une proposition
logique speacutecifique dans le cas dune phrase ou une langue eacutecrite ideacuteale dans le cas de
la langue usuelle La proposition logique qui sous-tend la phrase-exemple lorsque
ideacutealement preacuteciseacutee en constituerait linterpreacutetant tlnal Le grammairien eacutenonccedilant
cette proposi tion en partagera it donc avec le seri pteu r et le lecteur la sign i lication
exacte dans un contexte similaire Ces demiers se feraient une repreacutesentation adeacutequate
de la proposition logique reacuteelle celle que le grammairien a lintention dexprimer
La prochaine eacutetape de lanalyse consiste agrave deacuteterminer quels types de signes
sont opeacuterants dans leacutecriture japonaise et dans le cas speacutecillque des kalakana qui nous
inteacuteresse Les signes de la langue parleacutee ou eacutecrite sont avant tout en leur fondement
des leacutegiigne car ils ont eacuteteacute institueacutes par convention explicitement ou non Les kani
et les kana tant ainsi lobjet de recommandations de la part du gouvernement japonais
les formes des kana ont eacuteteacute standardiseacutees et des listes de kani ont eacuteteacute publieacutees afin
den limiter le nombre communeacutement en usage Ces leacutegisignes se manifestent
actuellement en tant que sinsignes leurs occurences mateacuterielles Cependant dans leur
composition et par leur alternance au sein de la phrase les signes eacutecrits font ressortir
une certaine structure syntaxique et tOrll1ent en cela un diagramlle de la langue un
signe icon ique qu i epreacutesente son objet en vertu dune si 111 i lari teacute en tre les re lations de
sa propre tonne (son tondement) et les relations de la tonl1e de lobjet Leacutecriture
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japonaise en tant que diagramme de la langue japonaise est donc un leacutegisigne iconique
rheacutematique Dans le cas de la phrase-exemple la diagrammaticiteacute du signe eacutecrit est
manifeste si lon considegravere la structure thegraveme-commentaire indiqueacutee par lalternance
des konji 0 (ou kotakono 0) et des hirogono bull La transformation de konji en
kotokono naffecte en rien laspect diagrammatique de leacutecriture pour autant que lon
sache diffeacuterencier les deux types de kano La distinction entre la premiegravere et la
seconde intention qui fonde cette diagrammaticiteacute est quand mecircme un peu embrouilleacutee
car les deux types de kono sont moins distincts entre eux dans leur forille graphique
et leur fonction repreacutesentative (moraiumlque et non morpheacutemique) quils ne le sont des
konji I~e passage du terme B gg nihongo agrave la particule conjonctive 0) no puis au
terme laquo-~ beeshikll dans le thegraveme B~gO)(-~)(Ij niJongo no beeshikll
blln Vo lillustre bien
Dun point de vue agrave la fois grammatical et graphique les termes de seconde
intention eacutecrits en hirogono tels que les particules les flexions et les marqueurs
dexistence en ponctuant la phrase et en rendant sa structure syntaxique manifeste
possegravedent un certain aspect indexical tels des leacutegisignes indexicollx rheacutematiqlles mais
en modalisant les relations logiques de la proposition de maniegravere plus fine quun
simple index qui ne fait quindiquer son objet ils jouent un rocircle davantage
conventionnel et se rapprochent en cela du leacutegisignc middot)YIIIJoiqlle rheacutel11otique Dans
lexemple la particule conjonctive 0) no de se fond syntaxiquement dans le thegraveme de
la premiegravere proposition la particule conjonctive tJ go mais unit les deux
propositions en exprimant un certain sentiment dopposition la distance syntaxique
entre les propositions devant tout de mecircme ecirctre souligneacutee par la virgule et la copule
Tt desli marque lexistence du rapport entre le terme quelle deacutetermine et le reste de
la plOposition selon un certain niveau de politesse tel un emballage rendant la
plOposition mieux preacutesentable La compreacutehension de la nuance que chacun de ces
termes apporte agrave la phrase demande une plus grande connaissance de la grammaire
86
japonaise quun simple index Seule la particule Ij ]la en theacutematisant le terme auquel
elle est adjointe cest-agrave-dire en le mettant agrave distance et en le pointant du doigt agit
principalement comme un index et constitue en cela un eacutegisignc indcxicol rheacutellloiquc
Les termes de premiegravere intention tels les noms et les bases connectives des verbes ou
des adjectifs sont quant agrave eux des leacutegisigncs ~Yl77b()liqucs rheacutel77oiqllcs plus
authentiques car cest peacutelr eux que la proposition acquiert sa compreacutehension fis
comportent neacuteanmoins un certain aspect indexical puisque cest eux qui ancrent la
proposition dans la reacutealiteacute eacutelctuelle La complexiteacute de leur forme grarhique en konji
compeacutelreacutee aux autres eacuteleacutements en kano rellegravete aussi sous un aspect iconique cette
fois limportance de leur cheacutelrge seacutemantique Ceci nous conlirme bien que les
symboles peuvent impliquer des index et des icocircnes et mecircme que les termes de
seconde intention eacutecrits en kanji participent de la sorte agrave la diagrammaticiteacute de
leacutecriture
Les konji et les kono en tant que graphegravemes abstraits de leur fonction
grammaticale se distinguent aussi dans leurs aspects seacutemiotiques Les konosont des
signes phoneacutetiques repreacutesentant des mores et sont donc de purs leacutegisignes
~ymb()liqucs rheacutemaiques Ils se lisent directement mecircme si lon ne comprend pas le
sens des mots ni de la ph rase Il nest pas neacutecessai re de les mettre en re lation avec
dautres signes dans le contexte de la phrase pour les lire Les kanji sont pour leur part
des signes plus complexes et leur composition interne est exploiteacutee afin de
reconstruire leur signification Ils peuvent ecirctre analyseacutes en eacuteleacutements plus petits
entretenant entre eux des relations signi liantes (des ensembles de traits ou de
radicaux) Ils constituent en cela des leacutegisigne~ ~Ylllb()liqllcS diccns bien que dans leur
fonction normale de repreacutesentation lorsquils sont immeacutediatement reconnus et
demeurent transparents leur aspect symbolique dominant reste lheacutematique Ces
leacutegi~igncs symholiqlles rheacutellCIiqllcl sont toutefois imparfaits car leur interpreacutetation
correcte neacutecessite une mise en contexte plusieurs lectures eacutetant possibles En tant que
rhegravemes ils deacuteterm inent linterpreacutetation en vertu de caractegraveres rlOpres agrave leur objet
87
relatifs au sens et au son des mots repreacutesenteacutes mais offrent plusieurs possibiliteacutes agrave
cet eacutegard et sont donc des signes lheacutematiques geacuteneacuteraux plutocirct que deacutetermineacutes
Laspect dicent secondaire mais pertinent agrave lanalyse des kon)i est perdu dans
leur trlIlsformation en kolokono alors quils se trouvent en quelque sorte aplanis (et
allongeacutes) Les kona de Z- J beeshiku basic ne sanalysent pas plus avant que
les mores quils repreacutesentent mais les kanji de ~$ kihon fondement ont chacun
plusieurs lectures possi bles qu i permettent den reeonstru ire le sens de Li iverses
maniegraveres par exemple ~ peut aussi se lire 171010 signifiant base et donnant entre
autres le verbe ~j lt IIIOloczukll baseacute sur tirant son origine de tandis que $ peut
eacutegalement se lire de la mecircme faccedilon molo origine tous autant dindices il la lecture et
la com preacutehension du mot ~$ Laspect rheacutematiq ue des kOlokono est cependant plus
eacutevident que pour les kunji la phoneacutetisation faisant plus directement reacutefeacuterence agrave son
objet la more
Leacutecriture mixte konji-kono est quant agrave elle le eacutegisigne vmboiqlle dicenl le
plus authentique du systegraveme Elle est composeacutee de quasi-propositions graphiques
(des dicisignes) qui donnent accegraves au sens de leurs objets des phrases de la langue
japonaise Les signes de leacutecriture mixte informent le lecteur et scripteur quant au son
et au sens il accorder aux termes par leur symboliciteacute lheacutematique et aux propositions
par leur diagral1lmaticiteacute Les sujets logiques dela quasi-proposition graphique
B~gO)~XIj~aUZC91J~ 75 A~gfjQ 1) AYA Y 1) -XC9o
sont les signes de premiegravere intention eacutecrits en kanji et en kolawno B ~~j ~
X l1~x 75A~~f QI)AYAYI)-X tandis que son preacutedicat logique
geacuteneacuteral est la relation repreacutesenteacutee par le diagramme de lalternance entre wnji kona et
ponctuation
DDOnOOooobullbullbull 00000000000000bullbull0
Il est rendu deacutetermineacute par les signes de seconde intention eacutecrits en hirogano 0)
88
r~r Ct IF f~r Ct Le preacutedicat logique ne change pas avec la
transformation en kalakona seuls les sujets logiques eacutetant aHecteacutes lancrage dans la
reacutealiteacute actuelle est moclaliseacute par de nouvelles fmmes speacutecifiques de leacutecriture aux
aspects seacutemiotiques diffeacuterents Ainsi la transformation de eacutecriture japonaise ne
change pas sa structure syntaxique mais bien son rapport agrave la langue usuelle et au
monde sa seacutemantique Nous comprenons eacutegalement agrave preacutesent que leacutecriture saisie en
diachronie dans sa transformation historique puisse constituer un argument une
quasi-proposition se transformant en une autre Les nuances seacutemantiques laissent
perdurer une certaine structure syntaxique qui se constitue par lhabitude en regravegle
syntaxique Une certaine tendance eacutevolutive dans le sens de la phoneacutetisation de
leacutecriture peut aussi ecirctre perccedilue dun autre point de vue Lexamen pl us appro fond i de
ces arguments sera le propre de 111 critique logique
Lanalyse logique critique de leacutecriture japonaise cherche agrave deacuteterminer jusquagrave
quel point le signe eacutecrit constitue une repreacutesentation adeacutequate de son objet cest-agraveshy
dire de la langue japonaise et du langage logique qui lui est sous-jacent Elle critique
liumlnformation veacutehiculeacutee par le signe et ne soccupe donc que des signes qui informent
tels que les leacutegisignes symboles dicisignes et arguments Lmiddoteacutecriture au premier abord
ne montre pas de faccedilon explicite quel est son interpreacutetant final et elle ne semble donc
pas un argument mais lanalyse seacutemiotique en a distingueacute au niveau de la grammaire
speacuteculative des aspects informati fs tout signe eacutecrit est en son fondement un leacutegisigne
et peut ecirctre dans son rapport agrave lobjet un symbole et dans son rapport agrave
liumlnterpreacutetant un dicisigne Toutefois eacutegalement dans sa transformation historique
reacutecriture constitue bien un argument implicite que lanalyse critique classera selon les
types diumlnfeacuterence et dont elle jugera de la validiteacute Il sagit donc de critiquer chaque
type de signe informatif distingueacute dans leacutecriture japonaise et de voir si la
transformation de eacutecri ture dans le sens de augmentation des kaloko1o la rend pl us
apte agrave repreacutesenter son objet la langue japonaise usuelle La comparaison avec les
sera ici utile faisant contraster les objets et buts speacutecifiques cie chaque eacutecriture
89
Le but principal de leacutecriture japonaise est de transmettre le message en langue
japonaise le plus fidegravelement possible afin de permettre la communication effective de
l information du scri pteu l au lecteur Le signe eacutecrit do i t pour cela tendre agrave la
transparence il ne doit pas se man ifester pour lu i-mecircme mais seulement pou l son
objet La notation des p$ cependant a pour fonction plincipale de permettre
lanalyse logique par le retour reacuteflexif sur le signe et la critique subseacutequente La
logique qui est sous-jacente agrave sa repreacutesentation graphique est tout aussi fondamentale
que celle que le logicien tente de deacutecouvrir dans dautres pheacutenomegravenes Lanalyse de la
notation partic ipe donc agrave janalyse logique quelle su pporte Les signes de leacutecriture
japonaise et des graphes existentiels lepreacutesentent-ils leur objet de maniegravere adeacutequate
Forceacutement ces signes sont contraints par la forme de leur tondement et ne peuvent
sidentitier parfaitement agrave leur objet Mais ils visent un certain but et sils permettent
de latteindre alors on peut consideacuterer quils constituent des repreacutesentations
adeacutequates de leur objet Ladeacutequation de la repreacutesentation est relative agrave leffet viseacute Le
but du signe est son interpreacutetant final le processus qui megravene au nouveau signe son
interpreacutetant dynamique et le nouveau signe effectivement produit linterpreacutetant
immeacutediat Lanalyse logique critique doit eacutevaluer ladeacutequation de linterpreacutetant
immeacutediat agrave son objet en vertu de linterpreacutetant final La consideacuteration de linterpreacutetant
dynamique permet quant agrave elle de comprendre comment sopegravere cette mise en relation
Dans le cas des graphes existentiels lanalyse portera sur le vocabulaire
eacuteleacutementaire de la notation Le vocabulaire eacuteleacutementaire des 5 en leur partie Seta est
composeacute de symboles de sujets de la coupure (symbolique) de la ligne didentiteacute
(iconique) et implicitement de la juxtaposition La symboliciteacute des sujets et de la
coupure de mecircme que liumlconiciteacute de la ligne didentiteacute sont-elles les aspects
seacutemiotiques les plus appmprieacutes agrave fagraveire ressoltil lors de la repreacutesentation de la logique
des propositions analyseacutees Les sujets logiques sont des index des termes agrave la
signification deacutetermineacutee qui ancrent la proposition dans la reacutealiteacute actuelle Les signes
repreacutesentant ces sujets seraient donc ideacutealement des index ou plus exactement des
90
leacutegisignes indexicaux lheacutematiques Peirce donne le plus souvent dans ses exemples de
graphes des sujets tels que laquoest un hommeraquo et laquoest mortelraquo (CP 4407 1903) donc
des leacutegisignes symboliques lheacutematiques mais larcheacutetype du sujet logique en tant que
leacutegisigne indexical lheacutematique serait plutocirct un pronom deacutemonstratif tel que laquoceciraquo ou
laquocelaraquo ou mecircme une simple lettre de lalphabet telle quutiliseacutee dans la notation de la
logique formelle contemporaine (les exemples de graphes donneacutes dans la
correspondance agrave Lady Welby utilisent de telles lettres cf SampS 94-130 J909)
Lillustration commune par des symboles nest donc pas la plus adeacutequate mais
poursuit sans doute un but peacutedagogique secondaire agrave lanalyse du raisonnement
proprement dite et rend agrave cet effet la notation plus familiegravere cn utilisant des mots de la
langue usuelle Lemploi plus technique des lettres de lalphabet est cependant tout agrave
fagraveit apte agrave repreacutesenter les sujets logiques en leur caractegravere essentiel dindex La
neacutegation est quant agrave elle une cateacutegorie particuliegravere de la qualiteacute et la neacutegation logique
modalise donc la qualiteacute dun terme ou dune proposition Son signe serait ideacutealement
un leacutegisigne iconique lheacutematique La coupure est suggestive de cette modalisation
ma is ne lopegravele pas sans une cOllVention exp 1ic ite son 1ien avec la neacutegation restant
contingent Un changement de couleur des signes nieacutes aurait peut-ecirctre eacuteteacute plus
adeacutequat La coupure permet cependant la lecture endoporeutique de lexteacuterieur vers
linteacuterieur du graphe une convention fagravecilitant linterpreacutetation La relation didentiteacute
constituant le preacutedicat geacuteneacuteral de la proposition est finalement lexpression la plus
simple de lessence de la proposition Son signe le plus adeacutequat serait donc une icocircne
la plus authentique possible La ligne didentiteacute par la continuiteacute de son trait reliant
les symboles de sujets est un signe iconique lheacutematique des plus adeacutequats dans le
cadre dune analyse logique neacutecessitant lemploi dune notation conventionnelle en
son fondement un leacutegisigne La ligne didentiteacute est de la sorte un leacutegisigne iconique
lheacutematique le pJus approprieacute des signes vu les contraintes formelles imposeacutees par le
type de notation servant il lanalyse du raisonnement Les graphes existentiels font
donc ressortir dans la composition graphique de leurs signes explicites la structure
logique des propositions et arguments quils repreacutesentent en exploitant divers aspects
91
seacutemiotiques du signe qui correspondent aux divers aspects de la reacutealiteacute
Dans le cas de leacutecritule japonaise lanalyse portera sur les principaux signes
distingueacutes dans lexamen de la grammaire speacuteculative soit leacutecriture mixte konji-kona
et largument de la transformation en kalakano La quasi-proposition graphique de
leacutecriture mixte est com poseacutee de sujets logiques et dun preacuted icat logique geacuteneacuteral Les
sujets logiques sont comme dans lesif des index et leurs signes ideacuteaux dans une
repreacutesentation conventionnelle servant agrave lanalyse du raisonnement seraient des
leacutegisignes indexicaux rheacutematiques Mais le but de leacutecriture japonaise est de
repreacutesenter une langue usuelle servant avant tout agrave la communication effective entre
interlocuteurs et les leacutegisignes symboliques lheacutematiques que sont les kanji el
kalakana repreacutesentant les sujets logiques de leacutecriture jouent convenablement leur
rocircle ils ancrent la proposition dans une langue conventionnelle et non seulement dans
le monde actuel Les konji sont mecircme agrave ce sujet un peu plus approprieacutes que les
kalokana car ils tendent agrave la symboliciteacute dicente leur interpreacutetation interne ou en
contexte eacutetant plus complexe tandis que les kana tendent agrave lindexicaliteacute rheacutematique
indiquant chacun tel son deacutetermineacute Dans un contexte sociolinguistique ougrave la
connaissance de la convention de leacutecriture tagraveit deacutetagraveut les kOlokono sont cependant
preacutefeumlrables un but diffeacuterent daccessibiliteacute agrave Jinformation eacutetant alors poursuivi Le
preacutedic8t logique geacuteneacuteral repreacutesenteacute par leacutecriture mixte est pour sa part la syntaxe de la
langue japonaise lorganisation des relations logiques propre agrave cette langue Le
diagramme un sous-type de leacutegisigne iconique rheacutematique en est le type de signe
ideacuteal relleacutetant en son fondement la structure relationnelle propre agrave la syntaxe Le
diagramme de lalternance entre types deacutecriture en indiquant la structure
fondamentale thegraveme-commentaire est un signe de la syntaxe japonaise des plus
adeacutequats Il est quelque peu embrouilleacute par lutilisation des hiragafo dans la
structuration interne et non seulement externe du thegraveme et du commentaire mais Ilen
demeure pas moins un signe explicite de la syntaxe japonaise dans son ensemble
Leacutecriture mixte par le jeu entre ses deux composantes logiques repreacutesente donc
92
adeacutequatement la nature propositionnelle de la langue japonaise
Les transformations actuelles de leacutecriture japonaise preacutesentent un certain
aspect argumentatif Lobjet de cet argument est le contact des langues auquel est
actuellement sujette la langue japonaise Lassimilation de mots eacutetrangers principal
effet du contact des langues ne moditiumle pas la structure syntaxique fondamentale de la
langue mais change bien la coloration le ton la nLiance de ses termes un certain
aspect qualitatif de la langue est transformeacute La langue japonaise en tant que signe
deacuteterm ine son interpreacutetant en vertu de nouvelles quai iteacutes prem iegraveres de son fondement
la forme des mots dorigine eacutetrangegravere assimileacutes Sa rheacutematiciteacute est donc affecteacutee La
repreacutesentation de ces mots par des katakal10 et laugmentation sign ifiumlcative du nom bre
de katakano dans le texte japonais sont un signe adeacutequat de la transformation de la
langue japona ise Les katokana otfren t un aspect qua 1itatif d i lteumlrent de cel uides konji
qui transforme la rheacutematiciteacute des termes de la quasi-proposition En quoi consiste
largument Largument de la transformation actuelle de leacutecriture japonaise est L1ne
infeacuterence deacuteductive dont la regravegle reste implicite Cette regravegle eacutenonceacutee de faccedilon geacuteneacuterale
est que si seuls les sujets logiques de la quasi-proposition sont moditiumleacutes et non son
preacutedicat logique geacuteneacuteral alors la structure fondamentale de la langue japonaise reste la
mecircme car cest la relation didentiteacute du preacutedicat qui fonde sa syntaxe Eacutenonceacutee de
maniegravere speacutecifique agrave leacutecriture japonaise cette regravegle devient si seuls les leacutegisignes
symboliques lheacutematiques des termes de premiegravere intention sujets de la quasishy
propos i tion sont mod i fieacutes alors le diagramme fondamenta 1 de leacutecriture le preacuted icat
geacuteneacuteral reste le mecircme Le cas actuel observeacute est une transformation de la rheacutematiciteacute
des termes de premiegravere intention cie leacutecriture japonaise Le reacutesultat perccedilu agrave travers la
diachronie est que le diagramme de leacutecriture reste le mecircme de mecircme que la syntaxe
de la langue Nous pouvons tiumlnalement illustrer et reacutesumer largument de la maniegravere
suivante
93
B~~(J)~9It~~9T9tlmiddot 77- z~~It1J I)zz Y 1) -9T90
B~~(J) 1(- IJ 91t--j- - YT9tJ 77- z~~lt IJ 1) z z 1) -YT90
000000000bullbullbull 00000000000000bullbull0
0000000000000bullbullbull OOUOOOOOOOOOOObullbullo
Regravegle-Si seule la rheacutematiciteacute cles termes de premiegravere intention de leacutecriture
japonaise est modifieacutee alors son diagramme reste le mecircme
Cas-Seule la rheacutematiciteacute des termes cie premiegravere intention cie leacutecriture japonaise
est Illodi fieacutee
Reacutesultat-Le diagramme de leacutecriture japonaise reste le mecircme
223 Critique de lanalyse seacutemiotique
Le retour reacuteflexif et critique sur lanalyse seacutemiotique permettra agrave preacutesent de
mieux saisir les aspects eacutepisteacutemologiques de Iapplication de la theacuteorie seacutemiotique agrave
leacutetude de Ieacutecriture La reacuteflexion sera eacutelaboreacutee agrave partir des cateacutegories particuliegraveres de la
signification et de la modaliteacute et permettra de juger du bien-fondeacute de lapplication de la
seacutemiotique Le retour se fera dabord sur la theacuteorie geacuteneacuterale de leacutecriture comme signe
eacutelaboreacutee puis sur lapplication speacutecifique agrave leacutecriture japonaise et le problegraveme de sa
transformation actuelle Jexaminerai plus speacutecifiquement les concepts et les types
dinfeumlrence utiliseacutes en deacutefinissant les concepts philosophiques de la seacutemiotique et les
concepts idioscopiques de la linguistique et en deacuteterminant comment seffectue la
transformation dun type de concept en Iautre Je ferai ainsi ressortir Iargument qui
justifie le passage de la seacutemiotique agrave la science de jeacutecriture
Les concepts philosophiques de la seacutemiotique sont des concepts geacuteneacuteraux
servant de normes au raisonnement Prenons par exemple les concepts seacutemiotiques de
fondelllent en tant que constituant du signe et de diogrUlllllle en tant que type de signe
Ces deux concepts reacutefegraverent agrave une certaine structure de la reacutealiteacute que la seacutemiotique
94
philosophique cherche il repreacutesenter Ce sont des concepts philosophiques en ce
quils sappliquent agrave lexpeacuterience commune de la reacutealiteacute actuelle Ce sont aussi des
concepts seacutemiotiques en ce quils sappliquent plus speacutecifiquement agrave la penseacutee qui se
deacuteveloppe de signe en signe Ils servent finalement de normes au raisonnement en ce
quils constituent des principes directeurs pour toute reacuteflexion systeacutematiquement
ulteacuterieure SUI les lepreacutesentations neacutecessaires de la reacutealiteacute propres agrave la science Le
fondement repreacutesente ainsi un eacuteleacutement de la structure du signe laspect selon lequel le
signe en soi deacuteterm ine la repreacutesentation que lon se doit de consideacuterer dans toute
repreacutesentation adeacutequate de la reacutealiteacute Le diagramme en repreacutesentant un type de signe
rend quant agrave lui explicite laspect selon lequel le signe repreacutesente un ensemble de
re lat ions reacuteelles ce que lon se doit eacutegalement de consideacuterer dans la repreacutesentation
particuliegravere de la reacutealiteacute en vertu des relations propres agrave un objet La seacutemiotique
inaugure donc le mouvement reacuteflexif et critique de la penseacutee qui fait alors retour sur
ses propres repreacutesentations et sert en cela de fondement agrave toute repreacutesentation
scientifique Le concept seacutemiotique exprime de la sorte une relation possible en voie
dactualisation dans la repreacutesentation dun objet reacuteel par son signe
Les concepts idioscopiques de la linguistique sont des concepts geacuteneacuteraux
servant agrave la classification des langues et de leurs eacuteleacutements En classifiant des
propositions qui peuvent se constituer en arguments la linguistique tend aussi agrave
repreacutesenter les lois du langage Par exemple les regravegles grammaticales sont des
propositions pouvant composer des arguments dune theacuteorie de la syntaxe Ces regravegles
lorsque duumlment justifieacutees par les 8rguments quelles composent deviennent
effectivement des lois de la langue il laquelle elles sappliquent Les regravegles
grammaticales ordinaires sont cependant des propositions constitutives dune theacuteorie
linguistique construite par le bas il partir des donneacutees factuelles accumuleacutees dans les
recherches de cette science idioscopique attacheacutee agrave lobservation des fagraveits propres aux
langues speacutecifiques Les concepts linguistiques qui nous inteacuteressent sont plutocirct ceux
deacuteriveacutes de la seacutemiotique tels queacutelaboreacutes dans lanalyse de leacutecriture des sections
95
preacuteceacutedentes Prenons ainsi pour exemple les concepts defocircndelJent de leacutecriture tel
que deacuteveloppeacute dans la theacuteorie geacuteneacuterale de leacutecriture comme signe el de diogroJJJJI1e de
eacutecriture tel que deacuteveloppeacute dans lanalyse de leacutecriture japonaise et de ses
transformations actuelles Ces concepts eacutelaboreacutes agrave partir de la seacutemiotique rentrent euxshy
mecircmes dans la composition dune theacuteorie de la syntaxe et de la seacutemantique graphiques
de leacutecriture Le fondement de leacutecriture est la forme speacutecifique dun signe deacutetermineacute
leacutecriture qui deacutetermine la repreacutesentation de la reacutealiteacute par ce signe Le concept
linguistique de fondement de leacutecriture est donc agrave la fois mieux deacutelinIcirc el plus geacuteneacuteral
que le concept seacutemiotique de fondement tout court car sa compreacutehension et son
extension sont preacuteciseacutees il ne sagit plus du signe mais de leacutecriture un ensemble
speacutecifique de signes comprenant toutefois plusieurs types deacutecriture eux-mecircmes
deacutefinissables plus avant Le diagramme de leacutecriture est de la mecircme faccedilon un aspect de
lo~jet reacuteel plus preacutecis de fa langue rendu explicite par leacutecriture dont plusieurs
langues et eacutecritures peuvent cependant ofTrir des formes diffeumlrentes Les sciences
idioscopiques achegravevent donc le mouvement reacuteflexif de la penseacutee en le faisant porter
dans un retour pragmatique sur des objets speacutecifiques de la reacutealiteacute actuelle dont la
consideacuteration megravenera ultimement agrave certaines conduites controcircleacutees par la raison Le
concept idioscopique exprime ainsi une relation neacutecessaire entre la repreacutesentation et la
reacutealiteacute repreacutesenteacutee une loi de la nature ou du deacuteveloppement naturel de lactiviteacute
humaine
Leacutepisteacutemologie suite agrave la distinction et la deacutefinition des dif1eumlrents types de
concepts geacuteneacuteraux peut aussi effectuer un retour critique sur la transtormation de
certains concepts en autres concepts tel que leffectue la logique crilique au sujet des
signes infonnatifs Lobjet seacutemiotique plus preacutecis de leacutepisteacutemologie est la
connaissance qui est deacutetlnie classiquement comme une croyance vraie justifieacutee Cette
croyance est une proposition constitueacutee de rhegravemes Elle est consideacutereacutee vraie lorsque
les sujets de ces rhegravemes reacuteduits agrave la relation didentiteacute fondamentale de mecircme que la
structure repreacutesenteacutee par ces rhegravemes en tant que preacutedicats geacuteneacuteraux saccordent avec
96
la reacutealiteacute actuelle Elle est de plus justifieacutee par un argument qui la relie logiquement agrave
dautres propositions vraies lui donnant de la sorte des points dancrage
suppleacutementaires dans la reacutealiteacute actuelle qui viennent assurer sa propre adeacutequation au
reacuteel Quel est largument qui justifie la transformation des concepts seacutemiotiques en
concepts linguistiques Le principal type diumlnfeumllence par lequel les concepts
philosophiques de la seacutemiotique sont transformeacutes en concepts idioscopiques de la
linguistique est la deacuteduction Dans le cas du diagramme par exemple largument
deacuteductifspeacutecifique qui justifie son application agrave Ieacutecriture prend pour regravegle le principe
directeur de la seacutemiotique suivant si un signe entretient sous un celtain aspect avec
son objet une relation de similitude en vertu de relations propres agrave lobjet et au signe
alors ce signe est un diagramme Le cas auquel il sapplique est le fagraveit constateacute que
leacutecriture est un signe qui sous un certain aspect entretient avec son objet speacutecifique
la langue usuelle une relation de similitude en vertu de relations propres agrave lui-mecircme et
agrave ce dernier Le reacutesultat en est que dans la reacutellexion du linguiste sur la repreacutesentation
de lobjet reacuteel de la langue usuelle quest leacutecriture ce dernier signe est interpreacuteteacute
comme un diagramme La seacutemiotique fournit de la sorte une regravegle agrave linterpreacutetation
dun cas speacuteci1ique de la linguistique interpreacutetation qui produit un concept
linguistique Les concepts seacutemiotiques sont donc des termes de la proposition servant
de regravegles qui sont repris dans une version plus preacutecise et geacuteneacuteralisable agrave un ensemble
dobjets actuels en tan t que conce pts id ioscop iq ues L infeumlrence effectueacutee nest pas
en cela une simple deacuteduction mais un type diumln1eumlrence deacuteductive plus preacutecis
comprenant un certain aspect abductir la speacutecification (descent) du concept de
diagramme La peacutecJjicoioJ1 est un type diumlnfeacuterence qui augmente la compreacutehension
dun concept tout en en diminuant lextension et augmente globalement linformation
veacutehiculeacutee (sa parI abductive) Cest agrave la fois une deacutetermination (augmentation de la
compreacutehension) et une restriction (diminution de lextension) (CP 2422-29 1867
1893) Dans le cas de la transformation du concept de diagramme un nouveau concept
est produit le diagramme de leacutecriture suite agrave une augmentation de la compreacutehension
lacquisition de la qualiteacute deacutecriture et une diminution de lextension du concept la
97
limitation aux seuls signes eacutecrits Largument peut finalement ecirctre scheacutematiseacute de la
fagraveccedilon suivante
Regravegle-Si un signe entretien avec son objet une relation de similitude en vertu de
relations propres agrave lobjet et au signe alors ce signe est un c1iagreacutellnme
CilS speacutecitique-Leacutecriture est un signe qui entretien avec son objet la langue
usuelle une relation ck similitude en vertu de reliltions propres agrave lui-mecircme e
agrave ce dernier
Reacutesultill-Leacutecriture est un diagramme de la langue usuelle
Le dernier moment de la reacuteflexion dordre eacutepisteacutemologique est liumlnterpreacutetation
geacuteneacuterale de largument distingueacute replaccedilant ce dernier clans lensemble du systegraveme
peirceacuteen et allant dans le sens du pragmatisme Les concepts seacutemiotiques ont eacuteteacute dits
fonder la reacuteflexion systeacutematiquement ulteacuterieure sur les repreacutesentations de la science
mais le systegraveme peirceacuteen renvoie en fait agrave toute une ontologie Chaque niveau du
systegraveme est caracteacuteriseacute par un ensemble de cateacutegories qui speacuteci fient le point de vLle
que ce premier prend sur la reacutealiteacute La transformation des concepts scientifiques
correspond donc agrave un changement de niveau ontologique ainsi les concepts
seacutem iotiq ues extra its de leur si tuation particul iegravere au se in des sc iences ph i losoph iques
normatives ont-ils eacuteteacute appliqueacutes agrave leacutetude de leacutecriture une science idioscopique
psychique La reacuteflexion agrave ce sujet seffectuant par les signes du langage on se rend
aussi compte que le point de vue seacutemiotique sur lactiviteacute scientifique implique quau
langage soit confeacutereacute un statut particulier parmi les objets constituant la reacutealiteacute le
langage occupe plusieurs niveaux de la reacutealiteacute et permet de passer dun niveau agrave
lautre Ce serait son aspect meacutediateur en tant que signe triadique qui ressortirait ici et
le caracteacuteriserait avant tout
En quoi la reacuteflexion eacutepisteacutemologique sappuie-t-elle sur la doctrine du
pragmatisme Leacutepisteacutemologie est une science meacutetaphysique faisant retour sur les
connaissances deacuteveloppeacutees par le raisonnement Le pragmatisme est quant agrave lui une
doctrine de la meacutethodeutique science anteacutelieule agrave la meacutetaphysique et ayant des
98
conseacutequences sur cette dell1iegravere La conseacutequence la plus proprement eacutepisteacutemologique
est le faillibilisme ou plus geacuteneacuteralement le sens commun critique Nous reconnaicirctrons
ces conseacutequences du pragmatisme en mettant en lien deux aspects de la transformation
des signes constateacutes dans la critique logique et la critique eacutepisteacutemologique Dans
lana lyse logique critiq ue nous avons pu remarquer 1iuml mportance de certains types de
signe du point de vue de la seacutemiose Un signe qui ne nous inlorme pas qui ne
deacuteveloppe pas son aspect de Troisiegravemeteacute ne nous affectera que momentaneacutement en
tant que Deuxiegraveme ou inconsciemment en tant que Premier ce sont donc les signes
informatifs et ultimement les arguments qui nous affectent le plus en prenant controcircle
de notre vie et de notre monde comme repreacutesentation Cependant les arguments se
deacuteveloppent et sajustent selon que la contiontation avec la reacutealiteacute actuelle vienne les
confirmer ou non En faisant ressortir cet aspect de la seacutemiose la critique logique vient
fonder le faillibilisme Dans la critique eacutepisteacutemologique nOLIs avons aussi vu que les
concepts se deacuteveloppent systeacutematiquement dans le sens du retour sur la reacutealiteacute
actuelle en tant que principes directeurs de repreacutesentations deacutetermineacutees cie la reacutealiteacute
puis densembles de repreacutesentations speacutecifiques Cette constatation est baseacutee sur des
principes de la logique la deacuteduction et plus preacuteciseacutement la speacutecification rendus
explicites par la critique logique Le principe du pragmatisme est donc opeacuterant dun
point de vue eacutepisteacutemologique dans le deacuteveloppement de la connaissance au sein du
systegraveme des sciences mais se fonde sur une logique deacutegageacutee par lanalyse seacutemiotique
Finalement lanalyse seacutemiotique ne nous a pas fait deacutecouvrir la structure logique de la
langue que la grammaire distinguait deacutejagrave dans son travail de reacutellexion theacuteorique agrave partir
de donneacutees lagravectuelles mais a permis en explicitant les principes directeurs de la
repreacutesentation par signes de fonder lanalyse grammaticale et de rendre ses
explications plus claires moins opaques plus conformes agrave leur objet Cest ce que la
critique eacutepisteacutemologique nous fait constater
Conclusion
Lapplication de la seacutemiotique philosophique agrave leacutetude de leacutecriture est
leacutegitimeacutee par une certaine logique de la transformation des concepts au moyen dune
inrerence valide qui prend la forme dClrguments speacutecifiques Cette application sous
son aspect logique se 10nde donc sur la seacutem iotique en tant que science normative
donnant les principes directeurs du raisonnement La seacutemiotique se base quant agrave elle
sur la phaneacuteroscopie qui lui tournit agrave son tour les cateacutegories universelles et
particuliegraveres de lexpeacuterience repreacutesentant la structure de la reacutealiteacute et permettant
deacutelaborer la reacuterlexion sur les r-ormes geacuteneacuterales de la reacutealiteacute que sont les signes Le
deacuteveloppement des cateacutegories et plus preacuteciseacutement des signes suit de plus un certain
ordre dont le but viseacute du retour sur la reacutealiteacute actuelle atin de reacutealiser ladeacutequation
entre la raison individuelle et le monde est rendu explicite par un mouvement
reacutetrospectif dans le principe du prClgmatisme Ladeacutequation de la raison au reacuteel est le
motif mecircme de lapproche seacutemiotique de leacutecriture qui a pour but de rendre les
repreacutesentations de la science idioscopique de leacutecriture plus conronnes agrave la structure
reacuteelle du langage repreacutesenteacute
Linterpreacutetation de la philosophie peirceacuteenne et son application agrave leacutetude de
leacutecriture proposeacutees dans ce meacutemoire possegravedent quelques particulariteacutes les
deacutemarquallt de lexeacutegegravese traditionnelle Tout dabord la meacutethodeutique (le
pragmatisme) et la meacutetaphys iq ue on t eacuteteacute preacutesenteacutees en prem ier alors quelles son t
toutes deux les derniegraveres sciences (Troisiegravemes) de leurs branches respectives alin de
donner degraves le deacutepart le but viseacute des sciences philosophiques dans le premier chapitre
qui repreacutesente somme toute un exposeacute reacutetrospectif du systegraveme peirceacuteen Lexposeacute de
la phaneacuteroscopie a ensuite eacuteteacute eacutelClboreacute en preacutesentant non seulement les cateacutegories
universelles mais aussi les cateacutegories particuliegraveres comme r-ondamentales agrave la penseacutee
peirceacuteenne en mettant toutefois laccent sur les cateacutegories particuliegraveres de la modaliteacute
et de la signirication Lexposeacute suivant de la seacutemiotique ne sest pas de la mecircme faccedilon
100
limiteacute agrave la preacutesentation de la grammaire speacuteculative mais sest eacutetendu jusquagrave la
logique critique pour faire finalement retour sur la doctrine du pragmatisme preacutesenteacutee
en deacutebut de chapitre La notation logique des graphes existentiels a quant agrave elle servi
dexemple privileacutegieacute dun systegraveme deacutecriture deacuteveloppeacute agrave partir des principes de la
seacutemiotique
Lapplication agrave leacutetude de leacutecriture et au cas speacutecifique de leacutecriture japonaise
a permis au second chapitre de deacuteterminer la porteacutee de la seacutemiotique philosophique
sur une science idioscopique plus preacutecise Le motif structurant de lexposeacute a plutocirct
eacuteteacute dans ce chapitre de partir agrave chaque fois dun exemple lagravemilier les theacuteories
linguistiques de leacutecriture japonaise et la graml11airejaponaise pour ensuite deacutevelopper
lanalyse seacutemiotique Lapproche seacutemiotique a permis entre autres de formuler une
interpreacutetation originale de la structure syntaxique eacuteleacutementaire de la langue japonaise et
de la fonction signifiante de son eacutecriture La reacuteflexion eacutepisteacutemologique a finalement
permis deffectuer un retour critique et global sur lapplication quelle a justifieacutee en
faisant ressortir largument par lequel seffectue le passage dun type cie concept agrave un
autre La critique eacutepisteacutemologique a eacutegalement permis une premiegravere ouverture
meacutetaphysique de Janalyse seacutemiotique par le retour reacutellexif sur cette derniegravere
Jaimerais suggeacuterer en conclusion de ce meacutemoire deux autres pistes permettant
douvrir lana lyse seacutem iotiq ue plus avant mais cette fois-ci au se in des sciences
normatives du systegraveme peirceacuteen soit celles de leacutethique et de lestheacutetique
Deux ouvertlires eacutethiq1le et estheacutetiq1le
Peirce a peu eacutecrit sur leacutethique et lestheacutetique maIs on retrouve dans son
œuvre plusieurs passages qui permettent de reconstruire agrave peu pregraves sa penseacutee agrave ce
sujet Dans le domaine de leacutethique Peirce suit avant tout la tradition kantienne qui
met laccent sur lautonomie du sujet moral et limportance du devoir Il fonde de plus
101
leacutethique sur lestheacutetique tel que nous lavons vu dans la preacutesentation du systegraveme des
sciences La maicirctrise de soi est lultime moment eacutethique de la vie et son but doit ecirctre
de rendre cette vie belle et admirable La libre volonteacute est elle-mecircme dirigeacutee vers ce but
propre et rien dautre si ce nest que par deacuterivation (une rdlexion cie Peirce explicite agrave
ce sujet dans une lettre agrave Lady Welby en SampS 112 1909)
Quel lien peut entretenir la theacuteorie seacutemiotique de leacutecriture japonaise avec
leacutethique La theacuteorie seacutemiotique de leacutecriture pourrait ici fonder le retour pragmatiste
de la raison sur une dimension eacutethique plus vaste cie la reacutealiteacute actuelle le controcircle clu
deacuteveloppement de la culture En comprenant mieux les eHets cles transformations
actuelles de leacutecriture dun point de vue seacutemiotique on serait plus apte agrave juger du
bien-fondeacute dune intervention normative agrave ce sujet et on pourrait ainsi fonder une
veacuteritable politique de leacutecriture Peirce lui-mecircme a reacutefleacutechi agrave un problegraveme analogue agrave la
transformation de leacutecriture dans le sens de laugmentation des kalakana soit la
reacuteforme de lorthographe anglaise dans le sens de sa phoneacutetisation Il eacutetait sur ce point
plutocirct conservateur sont motif eacutetant en cela cie sauver lltltesprit)) de la langue anglaise
le monde de signification auquel participe et que fonde dun cel1ain point de vue non
neacutegligeable lorthographe de la langue anglaise Cette position est illustreacutee dans la
citation suivante qui pourrait servir cie leccedilon agrave une reacutellexion ulteacuterieure sur le cas de
leacutecriture japonaise et sa reacuteforme
1 remember in Rome in 1870 lt111 Egyptian obelisk covered Vitll hieroglyphics
surmounted by a gilt cross and resting on eacutel base Vith eacuteln inscription of Trsjltln This
monument pleased me greeacuteltly as eacuteln epitome o~ Rome Probably ere tllis tlle cross
Ilas been removed by tllose wllom it seemecl barbmously unllistoriceacutell They were
unconscious theacutelt il WeacutelS their own proceeding thsl wss barbmously oblivious of
Ilistory But 1 woulcl not have il restored for its removal bespeaks the spirit of s
new historicsl phase or the eternal city English spelling is like Rome it is a
historical composite of the most heterogeneous elements Il is onen absurcl but
that very absurclity is of value to us To raze Rome and have it rebuilt by Cl
Chazago architect would be less detrimental to the higher interests of the human
race than to reform English spclling sa as ta Illake it ljuite phanetic The one
102
would not only do terrible violence ta our sentiments but woulcL [no doubt alleet
the lesthetic development of the worlcl But even this would not be sa bacl as ta
deprive English-writing thought-we will not say of its clolhing for that would be a
most inaclequate meta phare Ta attem pt ta revo 1ution ize Engl ish spell ing whi le
leaving Anglo-saxon thought intact would be like trying ta burn up the cellulose of
the rose while leaving its color ancl beauty ancl significance (MS 1181 laquoThe
Eclitors Manual English Spellingraquo c 1886-9 1901)
Lestheacutetique agrave son tour ne consiste pas en une pure contemplation de la
Premiegravereteacute car il sagit dune science posseacutedant une part importante de Troisiegravemeteacute
un certain type de raisonnement neacutecessaire De toute faccedilon en tant quactiviteacute
humaine il sagit aussi dun type dexpression prenant le point de vue du phaneacuteron
sur lui-mecircme et ses trois aspects fondamentaux omnipreacutesents et irreacuteductibles Le
jugement estheacutetique consiste en un retour agrave un certain degreacute de Premiegravereteacute mais reste
en tant que repreacutesentation de la reacutealiteacute toujours soumis agrave lineacutevitable triadiciteacute du
monde phaneacuteronique De ce point de vue la calligraphie lun des arts majeurs de la
culture japonaise bien quelle tend le plus souvent agrave reacutegresser agrave un stade qualitatif
plus eacuteleacutementaire nen reste pas moins un art de leacutecriture un produit de la culture et
de son mode conventionnel dexpression Seulement lart de la calligraphie donne un
point de vue qualitatif sur le phaneacuteron et se distingue en cela de la science de
lestheacutetique qui tend agrave interpreacuteter rationnellement le pheacutenomegravene de la contem p lation
des qualiteacutes La reacuteflexion suivante de Peirce rend explicite cette cleacute de la
com preacutehens ion de lart
and ignorant as 1 am of Art 1 have a lair share of capacity for esthetic
enjoyment and it seems ta me that while in esthetic cnjoymenl we attend ta the
totality of Feeling-ancl especially to the totll resultanl Quality of Feeling
presentecl in the work of art we are contemplating-yet it is a sort of intellectual
sympathy a sense thal here is a feeling that one can comprehencl a reasolleacutelble
feeling 1 do not succeed in saying exactly what it is but it is a consciousness
belongi ng to the category a l Representa tion though representi ng someth ing in the
Category of Quality of Feeling (EP2 190 1903)
103
Ainsi Ianalyse seacutemiotique en plus de sensibiliser aux diverses perspectives
du signe eacutecrit peut eacutegalement souvrir aux multiples dimensions du phaneacuteron ce qui
est sans aucun doute la plus importante marque attestant du caractegravere philosophique
de la seacutemiotique peirceacuteenne De mecircme que pour les conceptions universelles qui bien
quelles ne puissent ecirctre davantage analyseacutees en soi le sont toujours dans leur mise en
relation contextuelle (ce qui serait selon Peirce lune des leccedilons essentielles de la
logique des relations EP2 219 1903) lorsque lanalyse seacutem iotique se parachegraveve
inteacuterieurement la reacuteflexion philosophique qui la soutient peut toujours souvrir et se
deacutevelopper dans le sens des autres sciences philosophiques des autres sciences
heuristiques et mecircme du reste de lactiviteacute humaine Au terme ultime de cette odysseacutee
de la conscience seacutemiotique agrave travers le systegraveme peirceacuteen des sciences nous
reconnaissons donc tinalement le motif Je plus fondamental de ce systegraveme la
continuiteacute de la penseacutee
Annexe 1 Les graphes existentiels (parties Alpha et Geta)
Alpha
Il tonne Il tonne
Il pleut
Il tonne et il pleut Il tonne ou il pleut Siumll tonne alors il pleut
(serail)
Le modus ponenl (selon Roberts 1973 45 avec les regravegles de Shin 2002)
P p
l Preacutem isses
p
2 Erlacement de P en aire non-encercleacutee
3 EHacement de P car P exteacuterieur en l
4 Q Effacement de la double coupure
lOS
Jeta
Cest beau Cest beau
est bon
est bon
Quelque chose est beau et bon Il nest pas le cas que quelque chose soit beau et
bon
est beau( ~
Quelque chose est beau mais pas bon Tout ce LJui est beau est bon
(II nest pas le cas que quelque chose soit
beau
mais pas bon)
EYOkO
donne une 1legraveul
John John donne une neul agrave Yoko (ligature)
106
Syntaxe dAlpha (selon Shin 2002 37-8 84-5)
Vocahulaire
symboles propositionnels (senence symhols)
coupure (cut) [symbolique]
(juxtaposition [quasi-iconique])
Regravegles de formaion
Un ensemble de graphes Alpha c esl le plus petit ensemble satisfaiseacutelnt les
cond i tions su i vantes
1 Un espeacutelce vide est clans r
2 Un symbole propositionnel est dans
3 Fermeture pm juxtaposition Vuxaposilion colure) Si G est dans lt et G
est dans c alors la juxtaposition de ces n graphes cesl-agrave-dire G G est
aussi dans (
4 Fermeture par coupure (CUi cfosure) Si G est dans lt alors une seule coupure cie
G est aussi clans _
Regravegles de ransjOrmaion
1 Dans une aire encercleacutee de faccedilon paire (ou non encercleacutee) disons iaire a
(a) on peut ellagravecer nimporte quel graphe et
(b) on peut dessiner un graphe X sil ya une occurence cie X
(i) clans la mecircme eacutelire cest-agrave-clire laire a ou
(ii) clans leacutel prochaine eacutelire exteacuterieure agrave aire a
2 Dans une aire encercleacutee cie faccedilon ill1paire clisons iaire a
(a) on peut elcrcer un graphe X sil ya une eacute1Lltre occurence cie X
(i) dans la mecircme aire cest-agrave-dire iaire a ou
(ii) dans la prochaine aire exteacuterieure 21 laire a et
(b) on peut dessina nimporte quel graphe
3 Une COUPl( couhle peut ecirctre effeacutelceacutee ou dessineacutee autour cie nimporte quelle
partie (Jun graphe
107
Synfaxe de [Jefa (selon Shin 2002 39-41 139-42 modifieacutee)
Vocabulaire
symboles de sujets
coupure [symbolique]
ligne didentiteacute (fine ojideJ1lity) abbr LI [iconique]
(iux taposition [qUeacutelsi- iconique])
Regravegles dl formation
Un ensemble de graphes Beta est le plus petit ensemble salisfeacutelisanl les
conclitions suivantes
l Un espace vide est cleacutelnsC Il
2 Une ligne cIidentiteacute est clans (
J Fermeture par juxtaposition Si G est dans r et G est clans ( alors leacutel bull 1 lt Il Il
juxtaposition de ces n graphes cest-agrave-dire G G est aussi clans (
4 Fermeture par sujet Si G est dans C~ alors un graphe avec un symbole cie sujet 11shy
aire eacutecrit agrave la jonction cie 11 extreacutemiteacutes libres dans G est aussi dans ltshy5 Fermeture par coupure Si G est dans lt alors un graphe cleacutelns lequel une seule
coupure est dessineacutee dans nimporte quelle sous-partie de G sans croiser un
symbole de sujet est eacutelussi dans etI
6 Fermeture par branche Si G est dans ltgt alors un graphe clans lequel une LI dans
G se branche est aussi deacutelns r
Regravegles dl tJOl1sjoll7(tiol1
l Dans une aile encercleacutee cie faccedilon poire (ou non encercleacutee) clisons laire a
(a) on peut elCreer nimporte quel graphe et
(b) on peut dessiner une LI ou un graphe X sil y eacutel une occulence de X
(i) clans la mecircme aire cest-agrave-dire laire 0 ou
(ii) dans la procheacuteline eacutelire exteacutelieure agrave laire o
2 Dans une aile encercleacutee cie faccedilon iJJljJoire clisons leacutelire 0
(a) on peut elagravecer un graphe X sil y eacutel une autre occurence cie X
(i) cleacutelns la mecircme eacutelire cest-agrave-dire leacutelire 0 ou
(ii) deacutelns la prochaine aire exteacuterieure agrave laire 0 et
(b) on peut dessiner nimporte quel graphe
108
J On peut allonger une extreacutemiteacute libre dune LI
(a) vers linteacuterieur agrave travers une ou des coupures et
(b) vers lexteacuterieur
(i) dune aire-I agrave L1ne aire-P
(ii) dune aire-I agrave L1ne aire- ou
(iii) dune aire-P agrave une aire-P agrave moins quil ny ait une autre LI
(A) qui soit attacheacutee aux mecircmes sujets
(B) dont la porteacutee soit plus grande que la LI que lon deacutesire allonger et
(C) dont la pal1ie la plus exteacuterieure soit dans une aire-P
4 On peLit reacutemcler une extreacutemiteacute libre dune LI
(a) vers l inteacuterieur
(i) dune aire-I agrave L1ne aire-P
(ii) dune aire-P agrave une aire-P ou
(iii) dune aire-I agrave une aire-I agrave moins quil ny ait une autre LI
(A) qui soit attacheacutee aux mecircmes sUIcircets
(B) dont la porteacutee soit plus grande que la LI que Ion deacutesire allonger et
(C) dont la partie la plus exteacuterieure soit dans L1ne aire-P et
(b) vers lexteacuterieur agrave travers une ou des coupures
5 On peut joindre deux extreacutemiteacutes libres de lignes didentiteacute
(a) dans une aire-l ou
(b) dans une aire-P si les sous-graphes agrave joindre sont des occurences du mecircme
type
6 On peut disjoindre une ligne didelititeacute
(a) dans une aire-I si les sous-graphes agrave disjoindre sont des occurences du mecircme
type ou
(b) dans une aire-P
7 Une cOlfJlre dOlhie peut ecirctre effaceacutee ou dessineacutee autour de nimporte quelle
partie dL1n graphe
8 On peut dessiner ou effacer nimporte quelle hmnche dune ligne didentiteacute sans
traverser une coupure
9 On reut formel OLi briser un clcfe (courbe fermeacutee) dune branche dune LI dans la
pal1ie la plus inteacuterieure dune jonction
Annexe 2 Le systegraveme deacutecriture japonais
Lisle des 19-15 kanji lIslels (jocircyocirc kanji)
-tTT~~~~~~ftfi~~~~nR~~amp~~~h~amp~=E~~~~~AgraveU~~~
~~~~~$ftC~frM~KM~~~~ffiffuuml~m~~~~mtt~~mmw~~~m~~œm
9IJM~F6~JEfrœf9euroI~flifiumlil~~g~IIcirc~~jjijA~~tirlwJ[~ampfJffi~tJ~ji1Jicircjg~~~ritIff~
~~7eumlJr7eacute7t5t~bRW-A~1tt~~~JlJ F9 pg ffiI~n~J11~EtUfLJl~ [I] tJ eacuteJlJ JJ tJJ7NJJ~jIJfIJ
Jfl] 91HtJ JJIJ ~IJ ~IJ~IJ$IJilJlJ~IJ MlIJiIJ~IJj)fljgIJJIIJilIJ11lIJ~IJIJ 1J ~D r]j sectiJ~JjJiJ9J~MiJ iJ ~ 1It1tlJl1J~UiJ~~ucircJJ~l-5JJ ~
~ta~~sectE~~+~~m$~~rn~~WM~W~~S~~~x~~amp~n~~U7~~D
~~EB3~~~~~~~~fig~~ bullbull~~~~~~~~~~~~~~u~~~~~~~~~
~~~W~~R~~~~H~~~~~~~~OO~~plusmnffrrmM~~~~~~~~~~gB~~
m~~w~œ~~~~~~mŒ~~oo~~~œœplusmntt~~~~~~~~n~a~~~~fi
~~gi1~~~~mR~5t~~~~~JlIH9D~29HJj~j~ili~eacutel~99l19lHJN9~9ft9IHffl91i~9i9iU~~HL~rP~~
m~~~~~g~œ~~~~~H~~~gamm~bullbull~~~bullbullbull~~~WM~~
~HHiumlWJj3(ij5tjm~MHtRfEuml~~-~~ram~~~~UJIJ~~g~IJIIIiI~iIJ~~~~iiJjJIIHIIIljtt
~BM~fi~~U~~~~~~~M~~fi~~~Œ~~~~~bullbull8~
g~~rt ~~ ~ 1ij 5f5tmm 5lta sN 5jj iWiJf~ ~rn~~~~i~il~ iiE ~iampm~ilt i~iii1l-iiumlIJl imi~~i~rei~~ z TE~ ~
~~~~ffia~~tt~ffl~~~~~~~~~m~~~~~~~ill~illili~~~~ill~~ill~ill~
ill~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~sect~fi~m~~~~~~~bullbull ~~iJ~gl~~~~isect~rlI~m~[ll)~Ii~iJ~~~~icircf~5t~ftlx~flWg~m~~~~g~mLir08z~SZ~~B~2tI~~
~~~~~~~bullbull~~g~~~~=~ampM~~~tt~W~tt~llimmffiregWmm~~m~mmmm
1mIIt~1$$i~iXftiiti(~UJ~pfi~~m=Fif~1j1f~atnjLtlkjRj1itjjJljRj9jEjsJHjjJ111jljljjHtbJecircj91jlijffi
j~jElecircjEliJtUH~jm~jH3j~j~mjjjeurojjUJIHSlj~jmmt(tj~j~j1i5ampmj~j~m~j~jMEcircIcircijJiumlW~j~mj~j~HlH~j~
Jfj~j~j~jfi~j~jjlitj~3Z~QrQ1i5i55~lijH9~~5i1~j9~~9~9HlY+n~jFfffIIUfi1J1rtiIIcircIcircIIcirc~)j~1IcircJtB IBi3Jf ~m~ bullbull~_ampbullbull~ bullbullubullbull~~~~~~~lItq~~~~~UftU~fi~~M~~~~~~
1im~~icircilicircg~miml~TIlY~EMmicirc~3trPJmJjicircij~~ij[i]~mlltIlijialiilijn~~ij~ijUi15k~~~
~~~~Wi~~1t1L1Jl1lj1~111~H~j~~jJlHj~j5j~t5ffjjljijnffi~j~ljjRfiumlji~Ujijjij~jfoJH~~jllJl~
~WR~jflij~jj~jiHH~lmjfrHrfl~R~~euml~~xlx~xiXLtiumlE~tiicircJiiuml9E~HIltsectliJM~~t~~H~1)l18m~tt=tEU=
~~ffJ~A~R~~~~~~~~~~~~~~~$~~~~~~~~~~~~~~~
~~~~~B~~~~~~~~~~~~~~~B~~~~~~~~~~~~~~~
~~~~~~~M~~~~~~n~~~~~m~~bullbull~~~~~~~MAA~~~~
~~~tlffl~mmH~~~m~~œlli~~~~~~~~M~m~~MgX~~fflffi~$~~
mWm~~Mft~bullbulla~amp~~amp~~~~bullbullbull~e~~H~~m~sect~~~Esect~~~
~ffi~mmm~bullbull~m~~~ffl~raquo~~~~~m~~g~~~M~ntlm~m~mn~bull bull ~~N~n~m~~nffi~nti~mmm~~œ~~~~~~~~~nbullbull~u~amp~~ampmUh~
~~~~~~~~~m~~~m~M~n~ffiffiM~mMg~~~~~g~~m~n~m~
~W~~ftWe~~~m~~~~~m~m~mbullbullbull~Mbullbullbullbullbullbullbullbull~bullbull~mmbullbullbullbull ffi $ bullbullbullTI~a~G~~~~mn~~~œsect~B~mAA~~~amp~~~~~~~AA~~~~M
~ft~iliffi~~~~~Bampti~~m~~~M~bullbullbull~m~N~mm~~U~~M~~m
middot~Hn~egrave~j1I~t~i~f~~Il~jj~R~t~~ii]~iE~g~~m~f~~ta8~8iumlt8~8~W~2i~g8~8t~~Ti~r~~~~~~mj~8ill~~~rn8~8SU
~~bullbull~mmbullbull~~sect~~M~~fta~bullbullbullaRbullbullbullbullbulla~M~~~AAg~m
~~O~li~Œm~~mHm~a~bullbullnft~~tiQ~bullbullbullbullbullW~~~~B~~n
MW~bullbullfflm~D~~~tl~~ffi~~UnmftHrt~nm~~mgmmmamp~Mm~
re M~ fMliumll rm 1HI~~iumli~1i1lllI~lilaiUll Ffisecti~tj~~~~~~ijJmiddot~u ~~fP~F~~iID fItgi~~iamp~mIJJIL~ii1iraquoij
ftUHabullbullgHUMDmam~~~D~n5~bullbull~gu~~gfta~~MR~~D
~p~~Jff~~~iMicirc~~
110
~Vllob((ires hiragana (katakana) lrunsilleacuterolion en rocircmaji
iYgt (7) a L(-1)i 3 (rJ)u X (I) e d3 pt) a
fJ) CfJ) ka ~ (~) ki lt () ku ft (7) ke (J) ka
~ (~) sa ~ () shi 9 (A) su tt ct) se -t- ()) sa
t ($7) t8 - (=-) chi J()tsu -c CT) te C ( t-- ) ta
tJ ct) na 1 (=) ni ttd C~) nu td (7) ne 0) (J) no
li () ha O(t)hi 5 (7) lu ( ) he IJ (Ii-) ho
() ma Jj(2)mi ltt (b) mu (J) (j ) me t(-r)mo
-(~)a ~ (=1) yu et (3) )0
G (5) ra L) (1)) ri o (J[) ru n (v) re ~(D)ro
b () wa ~ (3) a
Signes diacritiques 0
Signe remplaccedilant le kon(( reacutepeacuteteacute ~
Signe remplaccedilant le konji reacutepeacuteteacute ~
IC systegraveme Je tnlnslilleacutenltion Ilcpbulll llloJilieacute qui rcn oie ugrave la prononciation anglaise esl utiliseacute
III
LClrails de lexIe
sX~ B (J)~1J(J)$euml ilraquo ~o -A(J)--r A IJ~ mEr~ (J)--rTffi~JJ ~1~-gt TL fo
Jt L r~ (J) --r 1 It (J) ~ (J) 9 1 ~jH) L tJ L0 lIjt PJTq R-~ (J)~IJ 11f- ~ tJ fIl UI- ~j$
IJ~-QcTL~o m~r~IJ (g~IS~ULrL (J)~(J)9It m~JJ~9~m
ftn ~j~~~~IJ~ t ==A 11 ilraquo U-t tJ t(J)T ilraquo ~ 0 -thIJ~ (J)~0)9 I(I~ t LtJ
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n~m L T -t(J)R-IJ~-JL t- l) ~icircN(J)8IJ~-JL t- U LJ- ~ ~ IjJ- 1 -JJJmuT fIT (J)4
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Remerciements
Je remercie grandemenl Monsieur Fr8n((ois LalraverSc direcleur de mes eacutetudes
cl de Illa conscience seacutemiotique qui dirigea la reacutedaction de cc meacutemoire avec
enthousiasme ct mis geacuteneacutereusement les ressources du I)rojet deacutedition Peirce (LJQM)
il ma disposition le suis aussi reconnaissant envcrs les Illembres du comiteacute qui
Illoctroya unc bourse daccueil au doctorat en seacutemiologie Agrave Xavicr Call1US mOl1
camarade en philosophie depuis des anneacutees ie salue sa vertu intellectuelle et le
remercie de sa chegravere amitieacute puisse-t-il lctudiscr pleinement le omn()wnccedil en lui le
deacutedie cc meacutemoire ugrave mes plrents
Ta ble des matiegraveres
I~eacutesumeacute IV
Introduction
1 Seacutemiotique rllilosorhique X
11 Le rragillatisme X
12 Le systegraveme des scienccs 17
13 Les sciences rllilosorlliques 21
131 Phaneacuteroscopie theacuteorie des cateacutegories 24
132 Seacutemiotique theacuteorie des signes 40
1321 Seacutemiotique cnotation logique 51
2 Seacutemiotique ct theacuteOlie de lmiddoteacutecriture Cl 1
21 Theacuteories linguistiques de leacutecriture japonaise 62
22 Arrroeile seacutemiotique de leacutecriture jaronaise ClX
22Ilheacuteorie geacuteneacuterale de leacuteeriture comme signe Ml
222 Analyse seacutemiotique de leacutecriture iaronaise 73
223 Critique de 1lIleacutellyse seacutemiotique 93
Cmiddotoncilision 99
Acircnnce 1 Ies graplles eislellticls 104
AcircnnCe 2 Le S) stegraveme deacutecriture ilponlis 109
13ibliographie 112
Reacutesumeacute
Le bul de cc meacutemoire est de deacuteterminer quelle pourrait 0tre 11 porteacutee de la
seacutemiotique philosophique de Chlrles Sanders lirce sur la theacuteorie de leacutecriture en
prenant pour cas (leacutetude le systegraveme deacutecriture japonais Le meacutemoire questionne ainsi
la leacutegitimiteacute de lltlpplication de la seacutemiotique comme theacuteoric geacuteneacuteralc des signcs ml
sciences speacuteciales tout en eacuteclairant- par conversc leacutetudc de leacutecriturc japonaise en
tltlnt que systegravemc graphique Il lst structureacute cn dell chapitrcs principaux portant sur
1) les principes de la seacutemiotique philosophique ct 2) le licn cntrc la seacutemiotiquc ct lltl
theacuteorie dl leacutecriture
Dans le premicr chapitrc la meacutethodologic du meacutemoirc est tout dabord eacutetablie
par leamen du pragmat isme de Peirce consideacutereacute eomlne unc doctrine meacutelhodeul ique
ayant pour principe directeur la croissance La seacutemiotique ct la logique de mecircme que
la linguistique Cl leacutetmle de leacutecriture sonl situeacutees dans le systegraveme pcirceacutecn des
scicnces lcs principes de 11 phlIleacutelOscopic ct dl 1lt1 seacutemiotique sont eacutegalement
exposeacutes I~a philosophie de la notation logique de lauteur est ensuite prise cOlnme
point de deacutepltlrt pour une eacutelude de leacutecritllle du point de vue seacutemiotique
DlIls le second chapitre une synthegravese des theacuteories linguistiques de leacutecriture
japonaise est proposeacutee puis une theacuteorie geacuteneacuterale de leacutecriture comlne signe est
eacutelaboreacutee il pnrtir de la seacutemiotique peirceacuteenne La theacuteorie seacutemiotique est appliqueacutee plus
speacuteciliquement au systegraveme deacutecrilure iaponais cl agrave lanalyse de ses translormalIcircons
actuelles le retour reacutelkif et critique sur lanalyse ellectueacutee permet par la suite de
iuger de ladeacutequation des concepts seacutemiotiques dans leur application ugrave leacutetude de
leacutecriture japona ise
Le meacutemoire sc conclut par une consideacuterltion des liens que la seacutemiotique de
eacutecriture entretient avec les autres sciences philosophiques normatives soit eacutethique
et lestheacutetique
Mols chs Seacutemiotique Igthilosophie du langlge lgthilosophie des sciences (eritllle
(Systegraveme graphique) laponais (Iangue) Peirce Charles S (Charles
S(1Jl(lers) 1X39-1 lt) 14
Introduction
i t has never been 1n my power to stucy
anything-mathematics ethics metaphysics gtmiddotavitation
thermoclynamics optics chemistry comparative anatomy
astronomy psychology phonetics economic the history of
science whist men and women wine metrology except as a
study o~ sel11eiotic (SampS 85-86 1908)
Seacutem iotique de la culture 1itteacuter8 ire visuelle ou des p8SSlons le cham p
cl8pplic8tion de la seacutemiotique peut sembler v8ste m8is le caractegravere indeacutetermineacute de son
fondement nous troublera davantage Peirce deacutejagrave le tondateur de 18 discipline
contempor8ine dun point de vue philosophique donne une extension large agrave la
seacutemiotique dans Id citation bien connue mais peut-ecirctre par un emportement
eacutepistolaire (ici dans une lettre agrave Lady Welby) il fait porter la seacutemiotique aussi bien sur
les matheacutematiques et la philosophie que sur les sciences speacuteciales De plus il illustre
souvent 18 seacutemiotique en tant que grammaire speacuteculative en lappliquant agrave des
exem pies concrets et eacutelabore mecircme agrave partir de cette theacuteorie la preuve du pragmatisme
La seacutemiotique peirceacuteenne se veut donc une theacuteorie geacuteneacuterale des signes applicable
entre dLltres agrave chacune des sciences speacuteciales Toutetois Peirce effectue aussi un
eX8men systeacutematique des fondements de la seacutemiotique consideacutereacutes pour eux-mecircmes La
seacutemiotique peirceacuteenne est de la sorte proprement philosophique et indeacutependante des
sciences speacuteciales Le deacutefi lorsquon tente de tirer la seacutemiotique de Peirce vers des
applications theacuteoriques devient alors de franchir 18 distance eacutepisteacutemologique entre
seacutemiotique philosophique ct seacutemiotique appliqueacutee 8UX sciences speacuteciales et deacuteviter de
traiter superficiellement des concepts de la theacuteorie Ce nest en effet que reacutecemment
que la seacutemiotique peirceacuteenne sest vue exposeacutee systeacutem8tiquement dans son ensemble
(Carontini 1984 Savan 1988 Fisette 1990 Liszka 1996) et un examen appro londi de
ses fondements saveacuterant toujours difficile agrave effectuer lapplication de ses concepts
2
dans le cadre dune compreacutehension globale du systegraveme et non seulement de concepts
isoleacutes en est encore agrave ses deacutebuts (notamment avec Everaert-Desmedt 1990 et Fisette
1996) Degraves lors la question se pose de la leacutegitimiteacute des applications de la seacutemiotique
peirceacuteenne une theacuteorie dont on tente toujours de saisir les fondements
Probleacute lIot ique
La voie dentreacutee dans la probleacutematique sera la geacuteneacuteraliteacute de la theacuteorie Max
Fisch en 1983 se demandait Just how general is Peirce s theOy ofsigns (in Fisch
1986 356-61) et clans sa reacuteponse il sappliquait agrave deacuteterminer lextension de la theacuteorie
des signes agrave retracer les eacutetapes du deacuteveloppement de la theacuteorie dans le sens de la
geacuteneacutera 1iteacute et agrave en deacutegager la perti nence pou r la recherche scienti fique A fi n de bien
cerner le problegraveme qui nous preacuteoccupera dans ce meacutemoire je reformulerai la question
de la maniegravere suivante en quoi la theacuteorie geacuteneacuterale des signes de Peirce est-elle geacuteneacuterale
Cette question vague se laisse diviser en trois questions plus preacutecises Premiegraverement
quest-ce que la geacuteneacuteraliteacute Ce qui est rechercheacute ici est une deacutefinition de la geacuteneacuteraliteacute
proprement dite comme conception logique Deuxiegravemement quelles sont les
conditions de la geacuteneacuteraliteacute de la theacuteorie des signes Le questionnement porte ici sur la
relation de la geacuteneacutera liteacute avec dautres conceptions qu i la deacuteterm inent lorsquelle se
trouve agrave qualifier actuellement une theacuteorie Troisiegravemement quelles sont les conditions
de la relation impliqueacutee par la geacuteneacuteraliteacute entre la theacuteorie des signes et dautres theacuteories
La porteacutee de la seacutemiotique sur les sciences speacutecia les en vertu de son caractegravere geacuteneacuteral
est ici questionneacutee Cest le moment producteur du questionnement celui qui
permettra de reacutesoudre le problegraveme speacutecifique de ce meacutemoire Dans lesprit scientifique
expeacuterimental de la philosophie peirceacuteenne je tacirccherai de mieux saisir le problegraveme en
examinant une application particuliegravere agrave la theacuteorie linguistique de leacutecriture et en
prenant pour cas deacutetude deacutetermineacute le systegraveme graphique de la langue japonaise eacutecrite
La leacutell1guejaponaise fait face en ce moment agrave une situation de contact des langues qui
]
affecte son systegraveme deacutecriture engendrant un problegraveme seacutemiotique qui donnera chair
au deacuteveloppement de ce meacutemoire Il convient de Iexposer briegravevement ici
La langue japonaise contemporaine utilise un systegraveme deacutecriture complexe
com poseacute de plusieurs ty pes deacutecriture dont un ensem ble de caractegraveres dorigine
chinoise (les konji) deux syllabaires de creacuteation japonaise (les hirogono et katokono)
Ialphabet latin (le rlIcircl71oji) les chiffres indo-arabes et diffeacuterents signes de ponctuation
Ce systegraveme deacutecriture est particuliegraverement inteacuteressant en ce que la langue japonaise
assimile actuellement de faccedilon croissante des mots dorigine eacutetrangegravere (surtout de
langlais ameacutericain) eacutecrits dans un syllabaire particulier les kotokono Ces mots eacutecrits
en kotokono occupent de plus en plus despace graphique dans reacutecriture jusque
maintenant domineacutee par les konji tout en remplissant des fonctions grammaticales
sinon attribueacutees agrave ces derniers Nous assistons donc agrave une modification importante de
laspect externe ainsi que de la structure interne de leacutecriture japonaise suite au
contact de la langue japonaise avec dautres langues aux eacutecritures diffeumlrentes Le
problegraveme seacutemiotique consiste agrave deacuteterminer comment les relations de signification
propres au systegraveme deacutecriture japonais sont modifieacutees dans la situation actuelle de
contact des langues Ce problegraveme permettra de preacuteciser davantage le questionnement
de ce meacutemoire et de mieux en comprendre le sens en lui donnant un point dancrage
dans la reacutealiteacute actuelle 1 se retrouvera lui-mecircme eacuteclairci par notre enquecircte
Le but de ce meacutemoire est donc de deacuteterminer quele pourroit ecirctre la porteacutee de
10 seacutemiotique philosophique de Chorles Sonders Peirce sur 10 theacuteorie de leacuteeriture en
prenont pour cos deacutetude le vstegraveme dmiddoteacutecriturejoponois Le meacutemoire questionne ainsi
la leacutegitimiteacute de lapplication de la seacutemiotique comme theacuteorie geacuteneacuterale des signes aux
sciences speacutec ia les tou t en eacutec lai rant par converse leacutetude de leacutecriture japonaise en
tant que systegraveme graphique Il suit pour cela un questionnement sur la geacuteneacuteraliteacute de la
theacuteorie seacutem iotique
4
Slmclure du meacutell70ire
La structure du meacutemoire sinspire du motif architectonique de la philosophie
de Peirce sauf en ceci que la meacutethodologie philosophique de Iauteur est preacutesenteacutee en
premier Dun point de vue seacutemiotique le deacuteveloppement du meacutemoire consiste en
lexpeacuterimentation sur un diagramme le systegraveme des sciences de Peirce et en particulier
sa science des signes telle quappliqueacutee agrave leacutetude de leacutecriture japonaise Le meacutemoire
est donc structureacute en deux chapitres principaux portant sur 1) les principes de la
seacutemiotique philosophique et 2) Je lien entre la seacutemiotique et la theacuteorie de leacutecriture
Dans le premier chapitre la meacutethodologie du meacutemoire est tout dabord eacutetablie
par lexamen clu pragmatisme cie Peirce consideacutereacute comme une doctrine de la
meacutethodologie philosophique des sciences la meacutethodeutique ayant pour principe
directeur la croissance La meacutethodeutique est situeacutee dans le systegraveme des sciences en
tant que paltie de la logique une science philosophique normative Elle est mise en
lien avec la seacutemiotique qui inteacuteresse plus palticuliegraverement ce meacutemoire
La seacutemiotique et la logique de mecircme que la linguistique et Ieacutetude de leacutecriture
sont ensuite situeacutees dans le systegraveme peirceacuteen des sciences Le lien entre la seacutemiotique
et la logique est effectueacute plusieurs acceptions de ces deux termes eacutetant distingueacutees
Cependant les diverses deacutefinitions de ces deux disciplines en tant que sciences
saccordent pour les situer au niveau de la troisiegraveme science normative La linguistique
est ensuite deacutefinie comme une science idioscopique psychique et leacutetude de leacutecriture
comme Iune de ses branches Ce dernier point constitue une speacuteculation raisonnable
concernant la porteacutee du systegraveme des sciences de Peirce sur une science non deacutesigneacutee
comme telle par Imiddotauteur
Les principes de la phaneacuteroscopie et de la seacutemiotique sont eacutegalement exposeacutes
La phaneacuteroscopie est mise en lien avec la theacuteorie des cateacutegOlies dans le deacuteveloppement
5
historique de la penseacutee de lauteur puis un exposeacute syntheacutetique des deu theacuteories est
proposeacute Les cateacutegories universelles de lepeacuterience sont distingueacutees des cateacutegories
particul iegraveres lexposeacute eacutetant appro fond i par lexamen des cateacutegories particul iegraveres de la
modaliteacute et de la signification La conception de la geacuteneacuteraliteacute est ainsi deacutetinie comme
une cateacutegorie particuliegravere de la signification La seacutemiotique eacutetant surtout deacuteveloppeacutee
dans les eacutecrits tardifs de Peirce de sa peacuteriode phaneacuteroscopique la phaneacuteroscopie est
ensuite mise en lien avec la seacutemiotique par la preacutesentation du passage du phaneacuteron au
signe Un exposeacute syntheacutetique de la seacutemiotique en tant que grammaire speacuteculative est
proposeacute qui se deacuteveloppe jusquaux autres parties de la seacutemiotique soit la critique
des arguments ou logique critique et la meacutethodeutique La preuve logique selon les
conceptions seacutemiotiques du pragmatisme est par la suite consideacutereacutee agrave la lumiegravere des
exposeacutes de la phaneacuteroscopie et de la seacutemiotique
La philosophie de la notation logique de lauteur est ensuite prise comme point
de deacutepart pour une eacutetude de leacutecriture du point de vue seacutemiotique La notation logique
des graphes existentiels constitue un modegravele par excellence pour lillustration suivante
de lapplication de la seacutemiotique aux sciences speacuteciales puisquelle a elle-mecircme pour
fonction de repreacutesenter le langage formel de la logique peirceacuteenne dont la seacutemiotique
en tant que grammaire speacuteculative est une partie fondamentale La notation des
graphes existentiels exploite ainsi de faccedilon explicite diffeacuterents aspects du signe
distingueacutes par la theacuteorie seacutemiotique et leur examen constitue donc la leccedilon de deacutepal1
pour leacutetude du cas de leacutecriture japonaise
Dans le second chapitre une synthegravese des theacuteories linguistiques de leacutecriture
japonaise est proposeacutee puis une theacuteorie geacuteneacuterale de leacutecriture comme signe est
eacutelaboreacutee agrave parti l de la seacutem iotique pei rceacuteenne La theacuteorie seacutem iotique de leacutecriture
eacutelaboreacutee est ensuite appliqueacutee plus speacutecifiquement au systegraveme deacutecriture japonais et agrave
lanalyse de ses transformations actuelles Lappl ication commence par la
consideacuteration de quelques points de grammaire menant graduellement agrave la
6
probleacutematique de leacutecriture Lanalyse a recours non seulement agrave la grammaire
speacuteculative mais aussi agrave la logique des relations et aux graphes existentiels Durant
lanalyse du cas speacutecifique envisageacute une deacuteJ-inition du signe eacutecrit de la langue
japonaise est formuleacutee agrave travers lexamen de ses composantes puis les principaux
types de signe pmpres agrave cette eacutecriture sont distingueacutes suivant la leccedilon de la
grammaire speacuteculative Lanalyse logique critique suivante permet de juger de
ladeacutequation des signes de leacutecriture japonaise dans la repreacutesentation de leurs objets et
fait ressortir un argument de la transformation de leacutecriture dans le sens de
laugmentation des kaakana
Lexposeacute deacuteveloppe ensuite une critique eacutepisteacutemologique de lapplication de la
seacutemiotique agrave leacutetude de leacutecriture venant parachever lapproche seacutemiotique La
reacute tlexion eacutepisteacutemologique distingue dabord les concepts ph i losoph iques de la
seacutemiotique des concepts idioscopiques de la science de leacutecriture puis deacutetermine le
type dinfeacuterence qui est utiliseacute lors de la transformation dun type de concept en un
autre ainsi que largument qui justifie ce passage dans un cas speacutecifique servant
dexemple Le retour reacuteflexif et critique sur la theacuteorie seacutem iotique permet de la sOlie de
juger de ladeacutequation de ses concepts dans leur application agrave leacutetude de leacutecriture
japonaise
Lanalyse seacutemiotique de leacutecriture japonaise est finalement ouverte sur le reste
du systegraveme des sciences peirceacuteen en eacutetant relieacutee aux autres sciences philosophiques
normatives soit leacutethique et lestheacutetique Il ny pas sur ce point dapplication
speacutecifique mais une bregraveve reacutetlexion dordre philosophique sur la relation quentretien
la seacutemiotique avec leacutethique et lestheacutetique lorsque cette premiegravere est appliqueacutee aux
sciences speacuteciales Le lien solidaire entre les sciences dans le systegraveme peirceacuteen est
souligneacute lien montrant le sens ultime de larchitectonique peilTeacuteenne la continuiteacute de
la penseacutee ou syneacutechisme
7
Texes SOllces e iliraure secondaire
rai utiliseacute dans mes recherches les sources standards des eacutetudes peirceacuteennes
soit principalement leacutedition theacutematique des Colleced Papen (abbr CP) leacutedition
chronologique des Wriings (W) en cours de publication et les seacutelections des Esseniol
Peirce (EP) de mecircme que la correspondance de Peirce avec Lady Welby compileacutee
dans louvrage intituleacute Semioics and Signifies The Correlpondence between Charles
S Peirce ond Victoria Lady Welby (SampS) et quelques fiagments que lai eu le bonheur
daller repecirccher dans loceacutean des manuscrits de Peirce en eacutedition microfilm The
Poper1 of Chorles S Peirce Microfilm Ediion (MS) Pratiquement mes recherches
ont surtout consisteacute en une meacuteditation des ESlenial Peirce ensemble amplement
suffisant pour une maicirctrise egraves signes bien que plusieurs autres eacutecrits maient eacuteclaireacute
sur de nombreux points Je privileacutegie donc dans mes reacutefeumlrences les seacutelections des
Essenlial Peirce tout en renvoyant agrave loccasion agrave certains textes des autres eacuteditions Je
reacutefegravere aux textes sources selon lusage en ajoutant lanneacutee de reacutedaction ou de
publication lorsque connue (par exemple EP 1 132 1878) Les commentaires qui
mont eacuteteacute de la plus grande aide sont ceux de Max Fisch pour une vision densemble
de lœuvre de Peirce Andreacute De Tienne pour la phaneacuteroscopie el la theacuteorie des
cateacutegories initiale et James Liszka pour la seacutemiotique philosophique Jindique toutes
les reacutefeacuterences dans le corps du texte et reacuteserve les notes en bas de page pour quelques
digressions et scolies
1 Seacutemiotique philosophique
En quoi la seacutemiotique de Peirce est-elle philosophique Une reacuteponse simple agrave
cette question serait tout dabord que la seacutemiotique possegravede le caractegravere geacuteneacuteral de la
philosophie cest une science positive qui rend compte des faits de expeacuterience
commune Cette deacutefinition se preacutecise lorsque lon considegravere la situation de la
seacutemiotique dans le systegraveme peirceacuteen des sciences en tant que troisiegraveme science
philosophique normative Plusieurs sens du terme laquoseacutemiotiqueraquo sont aussi agrave
distinguer et expliquer Dans ce premier chapitre je montrerai en quoi la seacutemiotique de
Peirce est philosophique en suivant le motif architectonique du systegraveme peirceacuteen des
sciences sauf que je preacutesenterai la meacutethodologie philosophique de lauteur la doctrine
meacutethodeutique du pragmatisme en premier le deacutefinirai chaque fois davantage la
seacutemiotique en la situant dans le systegraveme des sciences de faccedilon de plus en plus preacutecise
jusquagrave une application theacuteorique dans lexposeacute de la notation logique des graphes
existentiels Jaborderai par la mecircme occasion la question de la geacuteneacuteraliteacute de la theacuteorie
seacutemiotique dont la consideacuteration permettra deacuteclaircir le problegraveme speacutecitique du
meacutemoire dans le second chapitre Lexposeacute tacircchera de rentrer meacutethod iquemenl dans
lesprit de continuiteacute de la penseacutee peirceacuteenne auquel aboutit ultimement le
pragmatisme
11 Le pragmatisme
Le pragmatisme est une doctrine meacutethodologique des sciences de la deacutecouverte
ayant pour principe directeur la croissance II consiste essentiellement agrave reconnaicirctre la
porteacutee possible de la rationaliteacute sur la reacutealiteacute actuelle en particulier dans laction
controcircleacutee et conseacutequente au raisonnement Le sens de cette porteacutee ou de cette
conseacutequence est celui du deacuteveloppement de lordre rationnel dans la reacutealiteacute Le
pragmatisme sinteacuteressant plus speacutecifiquement agrave la recherche scientifique il preacuteconise
9
la reconnaissance des conseacutequences pratiques possibles du raisonnement comme
meacutethode de recherche dans les sciences La recherche scientifique doit donc consister agrave
deacutecouvrir les lois neacutecessaires de la nature en observant et en envisageant leurs
conseacutequences pratiques non seulement actuelles mais aussi possibles
Cette formulation peut eacutevoquer le deacuteveloppement de la Raison et son
identification au Reacuteel dans la philosophie de Hegel Il ny a cependant pas de
Aufhebung dans la penseacutee peirceacuteenne le deacuteveloppement de lordre rationnel eacutetant
plutocirct une prise de conscience des diffeacuterents aspects omnipreacutesents de la reacutealiteacute dont
chacun conserve son importance propre quune absorption de stades infeumlrieurs de la
conscience en un stade rationnel supeacuterieur Peirce qui est tout agrave fait probe
intellectuellement ne se reconnaicirct dailleurs pas dinfluence directe de la part de
heacutegeacutelianisme Il admet bien certaines affiniteacutes de sa penseacutee avec celle de Hegel mais
en retrace une tout autre origine immeacutediate de faccedilon geacuteneacuterale dans lœuvre des
hommes de science et de tagraveccedilon plus speacutecifique dans les philosophies de divers
auteurs meacutedieacutevaux (Duns Scot et les reacutealistes scolastiques) et modernes (Reid et les
philosophes du sens commun eacutecossais) et avant tout dans celles de Kant et Aristote
Atin dapprofondir notre compreacutehension de la doctrine du pragmatisme jen
retracerai agrave preacutesent sommairement le deacuteveloppement dans lœuvre de Peirce Je
retiendrai trois moments principaux du deacuteveloppement de la doctrine correspondant agrave
1) la formulation initiale de la maxime clu pragmatisme dans la seacuterie du Populor Science
illonhly de 1877-78 2) la reprise et Ieacutelaboration de la doctrine lors de la seacuterie de
confeacuterences donneacutee agrave Harvard en 1903 et 3) la tentative finale de formulation dune
preuve du pragmatisme dans une seacuterie darticles en partie publieacutee dans la revue The
Monis en 1905-7 Ces trois moments neacutepuisent pas lhistoire de la doctrine du
pragrhatisme de Peirce mais en repreacutesentent lessentiel du deacuteveloppement
Jeacutevoquerai par ailleurs le questionnement des limites du pragmatisme dans les
derniers eacutecrits de Iauteur
10
Le premier moment du deacuteveloppement de la doctrine du pragmatisme consiste
en la formulation de la maxime pragmatiste suite agrave leacutelaboration dune theacuteorie
psychologique de la croyance dans les articles intituleacutes laquoThe Fixation of Beliefraquo (EP 1
109-231877) et laquoHow to Make Our Ideas Cleangt (EI)I 124-41 1878) Lapproche
psychologique rend la teneur de la doctrine eacutevidente iusquagrave un celtain point mais la
compreacutehension du pragmatisme se montre alors insuffisante pour rendre compte de sa
porteacutee reacuteelle telle quenvisageacutee par lauteur La psychologie ne sert en fait quagrave
lillustration de la doctrine en facilitant un premier abord car le pragmatisme est une
doctrine de la logique et cette derniegravere une science plus fondamentale que la
psychologie Peirce illustrera parfois encore Je pragmatisme dans ses eacutecrits ulteacuterieurs agrave
laide de faits psychologiques mais il soulignera alors linsuftisance de cette meacutethode
et tacircchera de deacutevelopper une approche plus proprement logique La maxime du
pragmatisme est formuleacutee initialement comme suit
Consider what effects which might conceivably have practical bearings we
conceive the object of our conception to have Then our conception of these
effects is the whole of our conception of the object (EPI 132 1878)
Consideacuterer quels sont les effets pratiques que nous pensons pouvoir ecirctre produits par
lobjet de notre conception La conception de tous ces effets est la conception
complegravete de lobjet (version franccedilaise de Peirce W3 365 1879)
La theacuteorie psychologique de la croyance sur laquelle se fonde la maxime
pragmatiste sert de base dans les articles subseacutequents de la seacuterie agrave une explication de
la logique de la science Dans cette theacuteorie le raisonnement est consideacutereacute comme une
enquecircte de la penseacutee visant agrave faire cesser le doute par la fixation de la croyance ce qui
implique leacutetablissement dune regravegle daction sous la forme dune prise dhabitude
Peirce y distingue de plus trois degreacutes de clarteacute de la penseacutee atteints respectivement
dans la deacutefinition des ideacutees par lusage familier la distinction abstraite et
lexpeacuterimentation scientifique La maxime pragmatiste est ainsi preacutesenteacutee comme une
regravegle meacutethodologique inspireacutee de la meacutethode scientifique expeacuterimentale permettant
datteindre le troisiegraveme degreacute de clarteacute de la penseacutee
Il
La meacutethode scientifique est selon Peirce reacutealiste et faillible cest-agrave-dire que le
scientifique admet quiumll y a des choses reacuteelles dont le caractegravere ne deacutepend pas de ce
quun individu quelconque peut penser et que la confrontation avec les faits de la
reacutealiteacute actuelle par laquelle il cherche agrave connaicirctre ces choses reacuteelles peut le mener agrave
douter de certaines de ses croyances jusque-lagrave preacutesupposeacutees comme vraies La
meacutethode la plus adeacutequate dans la repreacutesentation de la reacutealiteacute est donc de consideacuterer
lensemble des conseacutequences pratiques possibles et non seulement actuelles des
conceptions concernant cette reacutealiteacute La consideacuteration des diffeacuterents aspects de la
reacutealiteacute augmente la probabiliteacute dune adeacutequation de la croyance avec leacutetat des choses
reacuteel et donc latteinte de la veacuteriteacute dans la repreacutesentation de la reacutealiteacute La meacutethode
scientifique a de plus la proprieacuteteacute de se corriger elle-mecircme lorsque le scientifique en
v ient agrave recon naicirctre 1iumlnadeacutequation de certa ines de ses repreacutesentations su ite agrave leur
confrontation avec la reacutealiteacute actuelle
Une faccedilon de distinguer les difteumlrents aspects de la reacutealiteacute consiste nous le
percevons deacutejagrave agrave consideacuterer les modes decirctre dont leacutetude est avant tout propre agrave la
logique et agrave la meacutetaphysique La porteacutee logique de la maxime est dailleurs le mieux
entrevue dans Jutilisation de la modaliteacute de la possibiliteacute (ltltmight conceivablyraquo ou
laquoque nous pensons pouvoir ecirctreraquo) alors que les faits psychologiques servant agrave
lillustration sont tireacutes de lexpeacuterimentation psychologique qui consiste agrave accumuler
des faits par la confrontation des croyances de lexpeacuterimentateur avec la reacutealiteacute
actuelle seulement La doctrine du pragmatisme donne un principe meacutethodologique au
scientifique consideacuterant lensemble des modaliteacutes decirctre qui caracteacuterisent la reacutealiteacute
tout en accentuant celle de la possibiliteacute tandis que les sciences speacuteciales lui
fournissent des donneacutees factuelles compileacutees lors dexpeacuterimentations constituant des
confrontations avec la reacutealiteacute actuelle Peirce illustre sa doctrine en appliquant la
maxime agrave la deacutefinition de plusieurs conceptions scientifiques dont lune la dureteacute
dans linterpreacutetation de laquelle il ne semble pas comprendre la reacutealiteacute de la possibiliteacute
Il reviendra plus tard sur cet exemple pour en rectifier liumlnterpleacutetation (EP2 354
12
1905 455-57 1911) mais il est vrai quen ce moment initial du deacuteveloppement de la
doc tri ne du pragmatisme il n en sais issa it sans doute pas tou te la porteacutee pou ltant deacutejagrave
clairement envisageacutee dans la maxime
11 est agrave noter que lors du premier deacuteveloppement de la doctrine Peirce
nemploie pas encore le terme laquopragmatismeraquo quil aurait toutefois utiliseacute degraves les
anneacutees 1870 dans des discussions avec ses camarades du laquoMetaphysical Clubraquo de
Cambridge Cest William James qui relancera publiquement en 1898 la notion de
pragmatisme et puis la popularisera tout en accordant le creacuteclit cie sa premiegravere
expression agrave son ami de toujours Peirce recommencera par la suite agrave sy inteacuteresser
explicitement dans ses eacutecrits et consacrera une seacuterie de confeumlrences donneacutee agrave Harvard
en 1903 agrave son sujet Il deacuteveloppe dans ces confeacuterences une approche
pheacutenomeacutenologique et logique expliquant le pragmatisme agrave partir de sa theacuteorie de la
perception et faisant le lien de cette derniegravere avec la logique des relations et la theacuteorie
de liumlnfeumlrence Le pragmatisme est alors preacutesenteacute sous la ~orme cIun theacuteoregraveme
philosophique dont lauteur cherchera agrave plOuver la veacuteriteacute Ce theacuteoregraveme relie le sens du
pragmatisme aux modes grammaticaux et le rapproche ainsi du thegraveme de la
repreacutesentation
Praglllatism is the principle that every theoretical jllclgment expressibJe in a
sentence ln the inclicative moocl is a confllsed form of lhollght whose only
meaning if il has any lies in ils tenclency to enforce a corresponding practical
Illaxim expressible as a conclitional sentence having its apoclosis in the illlpelative
Illood (EP 134-51903)
Peirce considegravere que lutiliteacute de la maxime est deacutejagrave suHisamment apparente
dans sa formulation initiale et cherche plutat dans sa nouvelle approche une preuve
cie la doctrine Cette preuve consistera agrave approfondir la compreacutehension clu
pragmatisme par le moyen cie la theacuteorie de la perception et plus tard de la theacuteorie des
signes et agrave en speacutecifier la porteacutee au niveau logique Lauteur rejette tout daborcl
lapproche psychologique qui caracteacuterisait sa premiegravere formulation laquoMy original
13
article carried this back to a psychological principle 1 do not think it satisfclctory to
reduce such fundamental things to tclcts of psychology ail attempts to ground the
fundamental facts of logic on psychology are seen to be essentially shallowraquo (EP2
140 1903)11 explique sa position antipsychologiste en exposant sa conception de la
hieacuterarchie des sciences selon laquelle la logique est plus fondamentale que la
psychologie et se fonde entre autres sur la pheacutenomeacutenologie dont le thegraveme speacutecifique
de la perception donne une nouvelle voie agrave lapprofondissement de la doctrine
Dans laquoThe nature ofMeaningraquo (EP2 208-25 1903) puis laquoPragmatism as the
Logic of Abductionraquo (EP2 226-7 1903) dont les exposeacutes repreacutesentent
laboutissement de lapproche baseacutee sur la theacuteorie de la perception Peirce deacutegage
ensuite trois propositions appuyant la maxime du pragmatisme premiegraverement rien
nest dans lintellect qui ne soit dabord dans les sens deuxiegravemement les jugements
perceptuels contiennent des eacuteleacutements geacuteneacuteraux troisiegravemement liumlnteumlrence abductive
se confond avec un certain niveau du jugement perceptuel Le pragmatisme tclit suite agrave
ces trois propositiollS car nous pouvons en les examinant effectuer un lien entre la
perception et la logique de jabduction mode dinteumlrence hypotheacutetique propre au
pragmatisme Par la premiegravere proposition Peirce entend plus preacuteciseacutement quil ny a
pas de conception qui ne soit donneacutee autrement que dans des jugements perceptuels
Ainsi Je premier eacuteleacutement de la perception est un jugement servant de fondement au
reste du processus cognitif qui en deacutecoule Les jugements perceptuels constituant de
plus une forme dappreacutehension de laspect rationnel de la reacutealiteacute par la raison
individuelle ils contiennent des eacuteleacutements geacuteneacuteraux propres agrave la fois agrave la reacutealiteacute
exteacuterieure et agrave la reacutealiteacute inteacuterieure qui se confrontent en lindividu La lclculteacute abductive
tire finalement son origine de la perception puisque le mode dinteumlrence de labduction
repreacutesente une gradation du processus cognitif deacutebutant avec le jugement perceptuel
Labduction et le jugement perceptuel jouent dailleurs un lole semblable au sein du
processus cogn itif en y apporta nt de nouveaux eacuteleacutements de base preacutem isses logiques
ou donneacutees factuelles
1 Scloll l~ldagc scolastiquc Vihil lsi in inielleeII (lIinJlillljileJil in se)SIl (IY2 2261903)
14
Pour ce qui inteacuteresse plus particuliegraverement le pragmatisme lanalyse du
processus cognitif au niveau du jugement perceptuel et de labduction montre que le
dessein de la cognition est daccroicirctre linformation concernant la reacuteal iteacute Le jugement
perceptuel diffegravere cependant de labduction en ce que ce premier est acritique et non
controcircleacute par la raison contrairement au second Labduction repreacutesente un stade
avanceacute du processus initieacute par le jugement perceptuel qui ouvre sur les autres modes
dinfeacuterence subseacutequents de la deacuteduction et de linduction et montre ainsi que le
processus cognitif fait ultimement retour sur la reacutealiteacute actuelle afin de confirmer
linformation communiqueacutee Le pragmatisme en tant que doctrine meacutethodologique
baseacutee sur la logique de labduction met laccent sur le premier moment du
raisonnement logique critique et auto-controcircleacute soit le deacutecegravelement des conseacutequences
possibles dune conception mais en comprend aussi la suite logique qui consiste en la
deacuteduction des conseacutequences pratiques neacutecessaires selon le cas actuel envisageacute et leur
confirmation par induction cest-agrave-dire par la confrontation avec la reacutealiteacute actuelle et
le retour sur le raisonnement Le pragmatisme preacuteconise ainsi laccord de la raison
individuelle avec laspect rationnel de la reacutealiteacute et identifie le dessein ultime de la
cognition agrave celui de la reacutealiteacute tout entiegravere soit la croissance de lordre rationnel agrave
travers les diffeacuterents aspects de la reacutealiteacute ici compris du point de vue des modaliteacutes
Peirce revient sur cette ideacutee au deacutebut de la prochaine seacuterie darticles au sujet du
pragmatisme
Now quite the most striking feature of the new theory was its recognition of an
inseparable connection between rational cognition and rational purpose and that
consideration il was which determined the preference for Ihe na me pragmalism
(EP2 333 1905)
Le dern ier moment importa nt de 1 eacutelaboration de la doctri ne du pragmatisme
est la reacutedaction en 1905-07 dune seacuterie darticles dans laquelle Peirce adopte une
approche seacutemiotique et donc proprement logique la logique eacutetant comprise par
lauteur en un sens large comme la theacuteorie de la penseacutee deacutelibeacutereacutee opeacuterant par signes Il
renomme sa doctrine laquopragmaticismeraquo pour la distinguer des autres pragmatismes
15
eacutemergeant agrave leacutepoque et divergeant du sien mais il continuera plus tard dutiliser le
terme dorigine Il nomme aussi deacutesormais sa pheacutenomeacutenologie laquophaneacuteroscopieraquo atin
den souligner la speacutecificiteacute La maxime du pragmatisme est reformuleacutee
conseacutequemment en termes seacutem iot iq ues comme su it
The entire intellectual purport of any symbol consists in the total of elll generell
modes of rationClI concluct which conclitionally upon ClII the possible different
circul1lstances Clnd c1esires would ensue upon the Clcceptance of the symbol (EP2
346 1905)
Peirce reconnaicirct de plus explicitement les limites du pragmatisme ddini par rapport agrave
la porteacutee des symboles dans la citation preacuteceacutedente et clairement limiteacute aux concepts
intellectuels dans lextrait suivant
1 unclerstclllcl pragmatislll to be a method of Clscertaining the meanings not 01 ail
ideas but only of such elS 1 term intellectuell concepts that is to say of those
upon the structure of which argulllents concerning objective tclct may hinge (EP2
421 1907)
La nouvelle preuve seacutemiotique du pragmatisme consiste agrave suivre le deacuteveloppement du
processus interpreacutetatif des signes cest-agrave-dire leur transtormation dun aspect de la
repreacutesentation en un autre afin de confirmer la concordance de ce processus avec la
meacutethode deacutecrite par la maxime Le pragmatisme est alors soutenu par largument selon
lequel liumlnterpreacutetant logique ultime est une habitude le reviendrai dans des sections
subseacutequentes aux exposeacutes de la phaneacuteroscopie et la seacutemiotique mais il convient deacutejagrave
de don ner le sens geacuteneacuteral de 18 nouvelle preuve L iuml nterpreacutetant logique d un signe est
une appreacutehension intellectuelle de la signification de ce signe sous son aspect
triadique Lorsque nous saiSissons laspect triadique de nos repreacutesent8tions qui
concorde lui-mecircme avec la triadiciteacute de la reacutealiteacute sous ses diffeacuterents aspects cest alors
que notre raison s8ccorde le mieux 8vec la raison reacuteelle L iumlnterpreacutet8nt logique ultime
fait porter cet accord agrave un autre niveau de la reacutealiteacute lnctualiteacute puisquil consiste en
une conduite reacutegleacutee de nos actions une habitude Nous retrouvons donc encore une
fois le thegraveme de laccord de la raison individuelle avec la raison geacuteneacuterale de la reacutealiteacute
qu i constitue le moti f essentiel du pragmatisme
16
De 1908 agrave sa mOlt en 1914 Peirce continue de reacuteviser la doctrine du
pragmatisme sans la deacutevelopper davantage mais en la critiquant Il reacuteitegravere ainsi la
critique de sa compreacutehension initiale du reacutealisme dont il avait limiteacute la porteacutee agrave
lactualiteacute des concepts geacuteneacuteraux alors que la reacutealiteacute comprend aussi des possibiliteacutes
reacuteelles li speacutecifie aussi agrave nouveau la porteacutee du pragmatisme qui seacutetend au domaine
de la logique en introduisant cette fois deux nouveaux concepts la seacutecuriteacute et la
feumlconditeacute (ltherly) du raisonnement Le pragmatisme serait une doctrine qui seacutecurise le
raisonnement mais le rend peu feumlcond
1 think logicians should have two aims lirst to bring out the amount and kind of
seclIrily (approach to certainty) of each kind of reasoning and second to bring out
the possible and esperable lIberly or value in productiveness of each kind (EP2
553 note 7 IYI3)
[PIagmatism] certainly aicls OUI approximation to the securily of reasoning But il
does Ilot contribute to the lIberly of reasoning which far more calls for solicitous
care the maxil11 of Pragmatism does not bestow a single smile upon beltluty upon
moral virtue or upon abstract truth-the three things that alone laise Humanity
above Animltllity (EP2 465 1913)
Cette assertion tardive surprend puisque Peirce avait tait plus tocirct de la croissance
lideacutee la plus importante que la philosophie ait produite (explicitement en EP2 373
1905) et par extension le principe directeur de la meacutethodeutique dans la doctrine du
pragmatisme Il sagit en fagraveit de bien comprendre le rocircle speacutecifique du pragmatisme
son caractegravere nonnati f en tant que doctrine meacutethodeutique La meacutethode preacuteconiseacutee par
le pragmatisme seacutecurise le raisonnement en lui donnant une voie speacuteci fique agrave suivre
mais elle ne le rend pas feumlcond puisquelle ne stimule pas elle-mecircme la production de
raisonnement La doctrine du pragmatisme est un tuteur sur lequel il faut fagraveire croicirctre
le raisonnement par dautres moyens Elle prend la croissance pour principe mais ne
lactualise pas elle-mecircme ne deacutecelant avant tout que les possibiliteacutes du raisonnement
les gennes de croissance
Je term inerai cette section en revenant sur le lien de la seacutem iotique avec le
pragmatisme Nous avons vu quau cours du deacuteveloppement de la doctrine du
17
pragmatisme la maxime initiale ne subit pas de changement majeur mais que divers
points de vue sont pris sur la doctrine qui tentent den ameacuteliorer la compreacutehension et
den speacutecifier la porteacutee La seacutemiotique donne ainsi le point de vue le plus authentique
sur le pragmatisme Peirce cherchait un point de vue encore plus propre agrave exprimer
lessence du pragmatisme avec les graphes existentiels une meacutethode de repreacutesentation
graphique de la logique deacuteductive Ce dernier traceacute est resteacute inacheveacute et peut-ecirctre cela
est-il duuml au fait que le pragmatisme preacutetend plutocirct faire appel agrave une logique de
labduction La seacutem iotique reste dans œuvre de Peirce le poin t de vue le plus
compreacutehensif sur le pragmatisme la logique de labduction n ayant pas eacuteteacute formai iseacutee
de faccedilon satisfaisante par lauteur auquel il manquait peut-ecirctre les outils conceptuels
neacutecessaires pour le faire Plus fondamentalement que labduction le pragmatisme
pointe cependant aussi vers la doctrine de la continuiteacute de la penseacutee le syneacutechisme
qui constitue Jultime theacuteoregraveme philosophique que Peirce cherchait agrave prouver
] 2 Le systegraveme des sciences
Peirce conccediloit la sCience comme une activiteacute des ecirctres humains en vue
datteindre la veacuteriteacute dans la repreacutesentation de la reacutealiteacute cest-agrave-dire ladeacutequation
eacuteventuelle des repreacutesentations aux o~jets deacutetude des scientifiques La science nest
ainsi quune des activiteacutes culturelles humaines celle qui fait appel au raisonnement
neacutecessaire Peirce deacuteveloppe de plus une classification des sciences au sein de laquelle
les matheacutematiques occupent la place la plus fondamentale suivies de la philosophie
puis des sciences speacuteciales (deacutenommeacutees idioscopiques) soit les sciences physiques et
psychiques Cette premiegravere trichotomie de sciences constitue la grande classe des
sciences de la deacutecouverte (ou heuristiques) elle-mecircme suivie de deux autres grandes
classes des sciences reacutetrospectives et des sciences pratiques Dans laquoAn Outline
Classiication of the Sciencesraquo (EP2 258-62 1903) lauteur preacutesente la classification
agrave laquelle il aboutit apregraves maintes anneacutees de recherches et dont il retiendra par la suite
18
en ses traits essentiels le modegravele Le scheacutema de cette classification peut ecirctre
reconstitueacute pour ce qui nous inteacuteresse comme suit
3 Science
31 Sciences de la deacutecouverte
311 Matheacutematiques
3111 Matheacutematiques de la logique
3112 Matheacutematiques des seacuteries discregravetes
313 Matheacutematiques des continua et pseudo-colltillua
312 Philosophie
3121 Pheacutenomeacutenologie
3122 Sciences normatives
31221 Estheacutetique
31222 Eacutethique
31223 Logique
312231 Grammaire speacuteculative
312232 Critique
312233 Meacutetllocleutique
3123 Meacutetaphysique
313 Idioscopie
3131 Sciences physiques
3132 Sciences psychiques
32 Sciences reacutetrospectives
33 Sciences pratiques
La classification des sciences suit un ordre selon lequel les sciences deacutependent
de sciences plus fondamentales pour leurs principes auxquelles elles fournissent en
retour des donneacutees Cette ideacutee dune classification des sciences selon le motif de la
deacutependance non reacuteciproque au niveau des principes proviendrait de la philosophie
dAuguste Comte (EP2 258 1903) Je deacutevelopperai agrave preacutesent lexposeacute du systegraveme
des sc iences en y si tuant les dise ipl ines qui nous concernent so it la seacutem iotique ct la
logique de mecircme que la 1ingu istique et leacutetude de leacutecriture
19
Il Y a deux sens du terme laquoseacutem iotiq ueraquo qu i peu t deacutesigner te 1 que Peirce
lutilise la theacuteorie geacuteneacuterale des signes ou selon lacception contemporaine une partie
de la seacutemiotique au sens peirceacuteen la grammaire speacuteculative agrave laquelle est alors
restreinte la theacuteorie des signes Peirce identifie la seacutemiotique en tant que theacuteorie
geacuteneacuterale des signes agrave la logique eacutegalement comprise en un sens large Il suffira pour le
moment de preacutesenter les diffeacuterents sens de la logique la seacutemiotique que nous avons
maintenant situeacutee dans le systegraveme eacutetant preacutesenteacutee en deacutetail dans une prochaine
section
La logique est une sCIence philosophique normative En tant que sCIence
philosophique elle cherche agrave repreacutesenter adeacutequatement la reacutealiteacute actuelle telle
quexpeacuterimenteacutee dans lexpeacuterience commune Les matheacutematiques opegraverent plutocirct par
raisonn~ment hypotheacutetique ou conditionnel portant sur des possibiliteacutes qui ne sont
pas neacutecessairement actualiseacutees mais dont la conseacutequence serait neacutecessaire si les
preacutemisses du raisonnement sactualisaient (menant neacutecessairement au conseacutequentf
Les sciences physiques et psychiques cherchent quant agrave elles les repreacutesentations
neacutecessaires de la reacutealiteacute par lexpeacuterimentation et lobservation speacutecialiseacutees afin de
rendre le savoir productif
Mathematics studies vllat is and wllat is not logically possible without making
itself responsible for its actual existence Philosophy is positive science in the
sense of discovering what really is true but it lilllits itself to sa much of trutll as
can be inferred from comlllon experience Idioscopy embraces ail the special
sciences which are principally occupied wilh the accumulation of new facts (EP2
259 1903)
Peirce conccediloit ainsi les matheacutematiques et la logique comme deux sciences distinctes
mais ordonneacutees poursuivant la veacuteriteacute chacune agrave sa maniegravere lune fondant la seconde
Il considegravere eacutegalement la logique comme plus fondamentale que les sciences rhysiques
et psychiques Il soppose donc agrave la fois au logicisme (agrave Jeacutepoque de Dedekind CP
4239 1902) et au psychologisme fort (entre autres de John Stuart Mill CP 433 91
1893)
La conseacutequcncc csl bien ln chaIcircnc dinleacutelcncc mcnant dcs preacutemisscs au conseacutequcnt
20
En tant que science normative la logique distingue les bons raisonnements des
mauvais Elle tire ses pliumlnClpes de la pheacutenomeacutenologie (aussi deacutenommeacutee
phaneacuteroscopie) science dont lactiviteacute consiste agrave deacutecrire tout ce qUI apparalt agrave
lesprit La description pheacutenomeacutenologique consiste agrave effectuer des seacuteparations
mentales mettant en eacutevidence les eacuteleacutements universellement pleacutesents agrave lesprit La
logique fournit par ailleurs des principes agrave la meacutetaphysique la dirigeant dans ses
raisonnements speacuteculatifs sur la nature de la reacutealiteacute La logique ainsi comprise en un
sens large est une theacuteorie du raisonnement deacutelibeacutereacute et le raisonnement seffectuant par
signes elle correspond agrave la seacutemiotique en tant que theacuteorie geacuteneacuterale des signes
constitueacutee de la grammaire speacuteculativegt la logique critique et la meacutethodeutique Elle
tire ses principes des matheacutematiques et de la pheacutenomeacutenologie mais eacutegalement de
lestheacutetique et de leacutethique En un sens restreint la logique effectue seulement la
critique des arguments en les classifiant et en jugeant leur validiteacute
Logic is the theory of self-controlled or deliberate thought ancl as such must
appeal to ethics fOI its principles It also (Iepends upon phenomenology and upon
mathematics Ail thought being performed by means of signs Logic may be
regarcled as the science of the general laws of signs It has three branches (1)
Speculative CraIl1J7Jar or the general theory of thc nature and Illeanings of signs
whether they be ieons indices or symbols (2) Crije which classitiumles arguments
and determines the validity and degree of force of each kind (3) Methodeuic
which studies the methods that ought to be pursued in the investigation in the
exposition ancl in the application of truth Each division depencls on that which
precedes il (EP2 260 1903)
La logique deacuteductive lormelle une logique matheacutematique selon lacception courante de
la logique contemporaine repreacutesenterait un autre sens restreint de la logique
correspondant agrave une partie de la meacutethodeutique la theacuteorie de la deacuteduction par lemploi
de modegraveles matheacutematiques La meacutethodeutique comprise en ce sens serait une theacuteorie
de la production de raisonnements valides par application dalgorithmes logiques
rapprochant la logique de la technique La logique matheacutematique nest pas agrave confondre
avec les matheacutematiques de la logique qu ineffectuent pas de retour reacuteflexif sur
laquoSpeacutecul~ltiiraquo U sens Je laquotheacuteoreacutetiqucraquo (U)2 128 190lt1)
21
largument mais fournissent le diagramme eacuteleacutementaire servant agrave lanalyse logique
deacuteductive (cf laquoThe Simplest Mathematicsraquo CP 4227-323 1902 en particulier CP
4227-8 CP 4240 et CP 4244)
Peirce classe la linguistique toujours dans le mecircme article de 1903 parm i les
sciences idioscopiques psychiques Plus exactement il sagit dune science psychique
classificatoire En tant que science psychique classificatoire la linguistique tire ses
principes de la psychologie la science psychique nomologique quelle applique lt1
leacutetude des langues Peirce nidentifie pas leacutetude de leacutecriture comme sujet speacutecifique
dune des branches dela linguistique mais il est eacutevident que sa deacutefinition geacuteneacuterale de la
linguistique comprend cette eacutetude que nous pouvons maintenant isoler suite au
progregraves des sciences du langage La science de leacutecriture ici envisageacutee peut ecirctre
caracteacuteriseacutee au moins comme une science psychique classiticatoire tirant ses principes
immeacutediats de la psychologie Elle se base aussi sur la pheacutenomeacutenologie la logique (ou
seacutemiotique) et la meacutetaphysique de mecircme que la biologie sur lesquelles Peirce fonde la
psychologie Il faudrait par ailleurs distinguer la science de leacutecriture des theacuteories de
leacutecriture La science est une activiteacute des ecirctres humains leacutetude dun objet de la reacutealiteacute
actuelle par le biais de lexpeacuterience et la construction conseacutequente de repreacutesentations
concernant cette reacutealiteacute alors que la theacuteorie est plutocirct une chaicircne darguments
concernant la repreacutesentation de la reacutealiteacute La science sengage dans la reacutealiteacute sous tous
ses aspects en prenant pour point de vue la rationaliteacute la theacuteorie est davantage limiteacutee
au raisonnement agrave laspect rationnel de la reacutealiteacute Nous pourrions dire que la theacuteorie
est une repreacutesentation paradigmatique dans le travail continu des sciences
J3 Les sciences philosophiques
Afin dintroduire lt1 une eacutetude plus approfondie des sciences philosophiques
Je l11opposc Cil cela au illlcrpntatIcircolls dc Kcnt (19t7) clliszka (1996) qui situclltlllogiquc
1()liumlllCllc 8U scin dcs 111ecirc1theacuteI118tiqucs
1
22
telles que les concevait Peirce je commencerai par esquisser en quelques traits sa
meacutetaphysique La meacutetaphysique est en quelque sorte la partie productive de la
philosophie peirceacuteenne elle interpregravete en une vision densemble les diffeacuterents aspects
de la reacutealiteacute tels quiumlntuitionneacutes et analyseacutes par les autres sciences philosophiques et
fait le lien avec les sciences idioscopiques De ce point de vue englobant et speacuteculatif
sur la reacutealiteacute Peirce reconnaicirct les diffeacuterents sens et la valeur de la repreacutesentation le
monde comme repreacutesentation est organiseacute selon un ordre hieacuterarchique solidaire la
triade Ces diffeacuterents sens des trois points de vue tondamentaux de la triade et cette
valeur accordeacutee selon lordre hieacuterarchique solidaire transparaicirctront dans lexamen des
principes de la phaneacuteroscopie et de la seacutemiotique sciences auxquelles nous aurons
plus speacutecifiquement affaire dans lexamen de la cateacutegorie de la geacuteneacuteraliteacute Leacutethique et
lestheacutetique nous inteacuteresseront aussi mais pas en ce qui concerne le problegraveme
speacutecifique du meacutemoire et je ny reviendrai donc quagrave la conclusion dans une tentative
douverture de largument par-delagrave son niveau logique
Les principales doctrines de la meacutetaphysique peirceacuteenne sont le reacutealisme
scolastique et la ph i losoph ie du sens commun critique que lauteur preacutesente dans
laquoIssues of Pragmaticismraquo (EP2 346-59 1905) comme des conseacutequences du
pragmatisme Nous pourrions aussi compter au nombre des doctrines meacutetaphysiques
originales de Peirce le tychisme lagapisme et le syneacutechisme de mecircme que lideacutealisme
objectif (deacuteveloppeacutes surtout dans la seacuterie meacutetaphysique de la revue The Aifonisl de
1891-93 (EPI 285-371 )) maisje ne les aborderai pas directement Le reacutealisme a deacutejagrave
eacuteteacute preacutesenteacute comme une caracteacuteristique de la meacutethode scientifique expeacuterimentale de
laquelle sinspire le pragmatisme Il consiste essentiellement agrave reconnaicirctre quiumll ya des
objets dans le monde reacuteel qui ne deacutependent pas de ce quun individu quelconque
puisse en penser Il est aussi traditionnellement compris comme sappliquant aux
concepts geacuteneacuteraux deacuteterminant des objets singuliers Peirce entend toutefois eacutelargir
cette conception de la reacutealiteacute et cest ce qui caracteacuterise son propre reacutealisme inspireacute du
reacutealisme scolastique (de Duns Scot) Selon Peirce il ny a pas que des objets geacuteneacuteraux
)_J
ou deacutetermineacutes qUI soient reacuteels meacutellS eacutegalement toujours du point de vue de la
signilication des repreacutesentations des objets vagues et mecircme du point de vue des
modaliteacutes des objets possibles La reacutealiteacute seacutetend sur trois aspects fondamentaux tels
que diffeacuterencieacutes par la phaneacuteroscopie et la seacutemiotique La notion de reacutealiteacute soppose agrave
celle de fiction ou plutocirct inclut cette derniegravere puisque la fiction est une repreacutesentation
possible de la reacutealiteacute deacutependante de lindividu qui la cree mais elle-mecircme reacuteelle dans
S3 situation particuliegravere au sein de la reacutealiteacute
L3 philosophie du sens commun critique eacutegalement en germe dans le
faillibilisme caracteacuteristique de la meacutethode du pragmatisme et deacuteriveacutee de la philosophie
du sens commun eacutecossaise (avant tout de Reid) est agrave son tour une doctrine
meacutet3physique dont le principe essentiel consiste agrave reconnaicirctre quil y a des inleumlrences
indubitables en ce sens quelles sont acritiques qui constituent le fondement de la
connaissance Ces inleumlrences sont indubitables mais extrecircmement vagues ce qui les
rend facilement sujettes au doute degraves quelles sont circonscrites et que des deacutetinitions
plus preacutecises en sont rechercheacutees La doctrine est de la sOlte critique parce quelle
reconnaicirct ecirctre elle-mecircme fondeacutee sur des croyances non critiqueacutees mais pouvant ecirctre
reacutevoqueacutees en doute non par la simple volonteacute du sujet connaissant mais par leur
confrontation aux faits de la reacutealiteacute actuelle La philosophie du sens commun critique
reconnaicirct donc sa propre faillibiliteacute Les deux doctrines repreacutesentent finalement des
conseacutequences du pragm3tisme une doctrine meacutethodeutique de la seacutemiotique en ce
quelles se fondent sur les analyses de la phaneacuteroscopie pm la prise en compte des
di f1eumlrents aspects de la reacutealiteacute et de la seacutemiotique par la critique du raisonnemento Il
conven3it cependant de preacutesenter 13 meacutetaphysique avant la ph3neacuteroscopie et la
On pourrait sc dcmandcr siumllne sagit pas lil plutocirct dc doctrincs eacutepisteacutemologiques Cl non
meacutelaphysiqucs mais leilcc nuli 1isc (oui simplement pas le terme d laquoeacutepisteacutenwlogicraquo Leacutepisteacutemologie en tant que theacuteorie ue la euumlnnaiss~lncc semble ecirctle pour lui une bl~lnehe de la meacutelltlrh) sique ct nous pouons rcnsel qUII elasser~lit la philosophic des sciences dans les sciences reacutetmspeelives ou mecircl11e CIleore 11 meacutetaph)siquc Il dit une il1is au sujet de Imiddoteacutepisteacutemologie en inlroduisantla gnll11maire speacuteCLilatic eomlllc rrcmiegravere seienec logique
Other logiciI1s clldeorillg to steel elear or psyclwlog) as lal ilS rossibk lhillk thal this Jirst blI1ch olIogic I11lsl relne 10 lhe posibilily or knolcdgc or Ihe lcal Vorld alld liron the sellse in hieh il is Inle Ihal Ihe lcal orlll eall be kno n This bran ch 01 rhiloso[Jh) clilcd epistel11gy 01
rkelliJIl7isehre is ncccssarily jltJrgely I11claphysicill (112 257 1(()3)
24
seacutemiotique afin de donner agrave ces derniegraveres un horizon envisageacute dans le sens de leur
app 1ication
131 Phaneacuteroscopie theacuteorie des cateacutegolies
La phaneacuteroscopie peut ecirctre preacutesenteacutee dans un but heuristique selon deux
approches diffeumlrentes lune allant dans le sens formel des principes et lautre dans le
sens mateacuteriel des donneacutees 1 ny a toutefois pas de solution de continuiteacute entre la
forme et la matiegravere car selon la doctrine de lideacutealisme objectif la matiegravere nest quune
forme contrainte par lhabitude laquomatter is effete mind inveterate habits becoming
physical lawsraquo (EP 1 293 1891) ou encore laquomatter is merely mind deadened by the
development of habitraquo (CP 8318 1891) Peirce deacuteveloppe la phaneacuteroscopie agrave partir
de sa theacuteorie des cateacutegories dabord conccedilue comme une theacuteorie de la cognition dont
les conceptions reacuteduisant la diversiteacute de la Substance agrave luniteacute conceptuelle de lEcirctre
sont la Repreacutesentation la Relation la Qualiteacute (EP 1 6 1867) Il propose dans sa
theacuteorie cognitive des cateacutegories une approche psychologisante de la logique illustreacutee
par mais non fondeacutee sur la psychologie selon laquelle il deacutecrit Je processus
dabstraction qui permet la cateacutegorisation dans un exposeacute meacutelangeant les aspects
formel et mateacuteriel Peirce qui deacutefend au moment de sa theacuteorie initiale une ontologie
reacutealiste comprenant des eacuteleacutements nominalistes adoptera eacuteventuellement un reacutealisme
dur Les cateacutegories seront alors deacutetinies comme des eacuteleacutements universellement preacutesents
agrave lesprit et seront nommeacutees dans leur plus grande geacuteneacutera 1iteacute Prem iegravereteacute Deuxiegravemeteacute
Troisiegraverneteacute Cest cette derniegravere approche phaneacuteroscopique que je retiendrai surtout
ici puisque cest delle que procegravede la seacutemiotique peirceacuteenne pleinement deacuteveloppeacutee
qui rera lobjet de la prochaine section
Selon lapproche la plus proprement formelle de la phaneacuteroscopie les
cateacutegories sont deacuteriveacutees des intuitions matheacutematiques exposeacutees dans les
25
matheacutematiques de la logique (CP 4250-323 1902 laquoThe Simplest Mathematicsraquo) Le
matheacutematicien deacutecouvre il travers ses raisonnements sur les formes hypotheacutetiques de
la reacutealiteacute la triadiciteacute des structures formelles primitives authentiques (genlline) et leur
dyadiciteacute dans une forme deacutegeacuteneacutereacutee (degeneroe) La dyade constitue un point de
deacutepart dans la reacutealiteacute actuelle et est donc la premiegravere structure analyseacutee mais avec le
deacuteveloppement de la reacuteflexion matheacutematique cest la triade qui fait loi Peirce
distingue eacutegalement selon une approche moins essentiellement tonnelle mais plus
proprement philosophique puisque logique trois modes de seacuteparation dans la penseacutee
la dissociation la preacutescission et la discrimination (cf laquoSundry Logical Conceptionsraquo
EP2 267-72 1903) La description phaneacuteroscopique consiste alors agrave effectuer ces
diffeacuterents types de seacuteparation mentale afin de mettre en eacutevidence les eacuteleacutements
un iversellement preacutesen ts agrave lesprit Les tro is cateacutegories sont om nipreacutesen tes dans la
penseacutee mais les modes de seacuteparation qui sappliquent agrave chacune dentre elles
diffegraverent A insi la d issoc iation est une opeacuteration de Prem iegravereteacute selon laquelle on peut
imaginer un eacuteleacutement sans un autre la preacutescission est une opeacuteration de Deuxiegravemeteacute
selon laquelle on peut supposer un eacuteleacutement sans un autre mais non limaginer et la
discrimination est une opeacuteration de Troisiegravemeteacute selon laquelle on peut repreacutesenter un
eacuteleacutement sans un autre mais non Je supposer ni limaginer La diffeacuterence entre les
modes de seacuteparation deacutecoule de lordre de genegravese des cateacutegories et du lien de
deacutependance non reacuteciproque qui les unit La Premiegravereteacute se suffit agrave elle-mecircme la
Deuxiegravemeteacute deacutepend de la Premiegravereteacute mais non de la Troisiegravemeteacute et la Troisiegravemeteacute
deacutepend agrave la tais de la Premiegravereteacute et de la Deuxiegravemeteacute Le scheacutema suivant preacutesente les
diffeacuterents aspects tormels de la structure
Niveaux cOleacutegoriels des l1odes de seacuteparolion
1deg Dissociation seacuteparation de Premiegravereteacute
2deg Preacutescission seacuteparation de Deuxiegravemeteacute
3deg Discrimination seacuteparation de Troisiegravemeteacute
26
Deacutefinitions en termespllJs intuitifs
1deg On peut imaginer un eacuteleacutement sans un autre
2deg On peut supposer un eacuteleacutement sans un autre mais non limaginer
3deg On peut repreacutesenter un eacuteleacutement sans un autre mais non liumlmaginer ni le
supposer
(Par exemple 1deg on peut imaginer une couleur sans une autre 2deg on peut
supposer quune couleur nait pas dintensiteacute speacutecij~que (ainsi lorsquon parle
du rouge en geacuteneacuteral la rougeur (rednessraquo mais on ne peut limaginer 3deg on peut
repreacutesenter lintensiteacute dune couleur sans cette couleur (lorsquon donne une
formule matheacutematique repreacutesentant lintensiteacute) mais on ne peut la supposer ni
1iumlmagi ner)
Porteacutee des modes de seacutejJorotion
1deg On peut
- dissocier un Premier dun autre Premier
2deg On peut
- preacutescinder un Deuxiegraveme dun autre Deuxiegraveme
- preacutescinder un Premier dun Deuxiegraveme mais non un Deuxiegraveme dun Premier
3deg On peut
- discriminer un Troisiegraveme dun autre Troisiegraveme
- discriminer un Premier dun Troisiegraveme mais non un Troisiegraveme dun Premier
- discriminer un Deuxiegraveme dun Troisiegraveme mais non un Troisiegraveme dun
Deux iegraveme
De plus selon lordre de genegravese et le lien de deacutependance non reacuteciproque qui unit les
cateacutegories le scheacutema peut se complexifier si lon considegravere la dissociation possible de
la Premiegravereteacute avec la Deuxiegravemeteacute dun Deuxiegraveme la dissociation possible de la
Premiegravereteacute avec la Premiegravereteacute dun Troisiegraveme etc Remarquons finalement que la
Premiegravereteacute ofije le plus de possibiliteacutes de seacuteparation mais que son propre niveau
requiert la plus grande seacuteparation Les possibiliteacutes de seacuteparation de la Troisiegravemeteacute
sont quant agrave elles plus restreintes mais le niveau propre de celle-ci requiert une plus
27
petite seacuteparation En dautres termes la seacuteparation au niveau de la Premiegravereteacute requiert
une plus grande implication logique et ontologique quune seacuteparation au niveau de la
Troisiegravemeteacute
Selon lapplOche mateacuterielle de la phaneacuteroscopie les cateacutegories sont plutocirct
deacutecrites agrave partir des donneacutees immeacutediates de la philosophie les faits de lexpeacuterience
commune en tant qu eacuteleacutements pheacutenomeacutenaux invariablement preacutesents dans la penseacutee
tels que la qualiteacute pour la Premiegravereteacute le fait brut pour la Deuxiegravemeteacute et la loi pour la
Troisiegravemeteacute Cest cette approche que Peirce utilise le plus souvent afin dillustrer sa
theacuteorie Les sens formel et mateacuteriel sont tous deux distingueacutes implicitement dans les
deacutefinitions suivantes
Categoly the First is the Idea of that which is such as it is regardless of
anything else That is to say it is a Qiality of Feeling
Category the Second is the Idea of that which is such as it is as being Second
to SOllle First regardless of anything else and in particular regardless of any 011
although it Illay conforlll to a law That is to say it is Reaction as an eleillent of
the Phenomenon
Category the Third is the Idea of that which is such as it is as being a Third
or Medium between a Second and its First That is to say it is Representation as an
element of the Phenomenon
(EP2 160 1903)
Dans sa formulation initale de la theacuteorie des cateacutegories Peirce considegravere aussi
deux cateacutegories suppleacutementailes lEcirctre et la Substance Les trois cateacutegories
intermeacutediaires correspondant lt1 la Premiegravereteacute la Deuxiegravemeteacute et la Troisiegravemeteacute sont
alors nommeacutees Qualiteacute Relation et Repreacutesentation Les cinq cateacutegories sont deacutefinies
cOl11me des conceptions universelles servant agrave reacuteduire la diversiteacute des impressions
sensibles en une uniteacute Les trois cateacutegories intermeacutediaires sont consideacutereacutees comme des
accidents reacuteduisant progressivement la diversiteacute de la Substance agrave luniteacute conceptuelle
pure de I~Ecirctre Dans le langage cette reacuteduction seffectue au sein de la proposition
luniteacute conceptuelle geacuteneacuterale comprenant les diffeacuterents niveaux de la reacuteduction Peirce
28
reacutesume les cateacutegories dans le scheacutema suivant
Being
Quality (Reference to a Ground)
Relation (Reference to a Correlate)
Representation (Reference to an Interpretant)
Substance
(EPI 61867)
Peirce fait de plus la distinction aussi bien dlI1s ses premiers eacutecrits menant agrave la
formulation de la theacuteorie des cateacutegories initiale que dans les eacutecrits sur la
pheacutenomeacutenologie entre les cateacutegories universelles jusquici preacutesenteacutees et quil a
surtout deacuteveloppeacutees et les cateacutegories paliiculiegraveres dont il na pas termineacute leacutetude
mais quil em ploie largement dans son œuvre Les cateacutegories un iverselles sont
organiseacutees selon un ordre hieacuterarchique solidaire et sont preacutesenteacutees dans la liste courte
de la triade fondamentale Prem iegravereteacute Deuxiegravemeteacute Troisiegravemeteacute Les cateacutegories
particuliegraveres sont plutocirct organiseacutees selon un modegravele ternaire une seule agrave la fois eacutetant
preacutesente ou du moins preacutedominante dans un pheacutenomegravene (EP2 148 1903) Ces
cateacutegories se multiplient en un nombre indeacutetermineacute et repreacutesentent une longue liste
que Peirce na pas compleacuteteacutee Nous pouvons toutefois en suivant ses eacutecrits classer
quelques-unes de ces cateacutegories en tables selon laspect de la reacutealiteacute sur lequel elles
portent de la maniegravere suivante
Aspect de la reacutealiteacute Cateacutegories particuliegraveres
modaliteacute possibiliteacute actualiteacute neacutecessiteacute (EP2 491)
qualiteacute neacutegation aftiumlnnation infiniteacute dintermeacutediaires (EP2
353)
relation monade dyade triade (EP2 424-7)
[sign if~cat ion] vagueur (laglleness) deacutetermination geacuteneacuteraliteacute (EP2
350-52)
quantiteacute particulariteacute singulariteacute universaliteacute (EI)2 353)
Les principaux aspects de la reacutealiteacute ici distingueacutes selon un scheacutema inspireacute des tables
29
kantiennes auxquelles sajoute la signification (je la deacutesigne comme telle) semblent
correspondre aux cinq cateacutegories de la theacuteorie des cateacutegories initiale la modaliteacute eacutetant agrave
relier agrave lEcirctre (Peirce en discute aussi en termes de laquomodes decirctreraquo (EP2 269 1903))
la signification agrave la Repreacutesentation la Relation et la Qualiteacute se retrouvant telles quelles
et la quantiteacute se reliant agrave la Substance Les cateacutegories universelles se complexifieraient
de la sorte selon le motif de la quantiteacute en cateacutegories particuliegraveres suivant un modegravele
ternaire La modaliteacute et la quantiteacute encadreraient theacuteoriquement les cateacutegories
universelles philosophiques la Qualiteacute la Relation et la Repreacutesentation qUI
sappliquent plus speacutecifiquement agrave la reacutealiteacute telle que perccedilue dans lexpeacuterience
commune Peut-ecirctre pourrions-nous consideacuterer la modaliteacute et la quantiteacute comme des
cateacutegories laquomeacuteta-philosophiquesraquo propres agrave un autre point de vue au sein des
sciences reacutetrospectif sans doute Toujours est-il que je me limiterai ici agrave lexamen de
deux ensembles de cateacutegories particuliegraveres lune soi-disant meacuteta-philosophique les
modaliteacutes qui permettront dapprofondir la compreacutehension du motif de la
cateacutegorisation peirceacuteenne et lautre proprement philosophique et mecircme logique les
cateacutegories de la signification qui inteacuteressent plus speacutecifiquement le problegraveme envisageacute
dans ce meacutemoire
Ainsi les exemples que Peirce utilise pour deacutelinir ses cateacutegories tant appel aux
modaliteacutes Certaines notions modales sont mecircme lieacutees agrave des cateacutegories speacutecifiques Les
modaliteacutes eacutetant des notions logiques assez intuitives il est inteacuteressant dexaminer le
lien queffectue Peirce entre ces derniegraveres et les cateacutegories en revenant sur les
illustrations concregravetes des cateacutegories et leurs exp 1ications formelles La Prem iegravereteacute est
illustreacutee le plus souvent par une qualiteacute de sensation (qllolilyojjegraveeling) telle le rouge
Avant mecircme quon prenne conscience de la qualiteacute et quon lui accorde une intensiteacute
elle est sous son aspect le plus authentique une simple possibiliteacute ce que Peirce
considegravere comme de la Prel11 iegravereteacute sans Deuxiegravemeteacute La Prel11iegravereteacute la pl us En suivant le motilues cateacutegories rltlrliculiegravetes dc la lJuantiteacute on pcut se dcmanuelnugravelmiddotemenl siumlln) ltlurait pas des cateacutegolies singuliegraveres I)cilcc ne scmole rIS eonsiJeacutenr ec cl1emin de renseacutee (il nest S[II
que ue cc quiumll Joit) lloil deu ordns (lY2 148 1J(3)) Imis on peut imaginer lJuiumll sagilltlil selon son systegraveme de cateacutegolies (d hoc cest-tl-dire que pOlll tel CIS il y uuraillelle laquocateacutegorieraquo lei un nOI11 rlOrlC
30
fondamentale des cateacutegories est donc associeacutee agrave la modaliteacute de la possibi liteacute
laquoPossibility the mode of being ofFirstness is the embryo ofbeing It is not nothing
It is not existenceraquo (EP2 269 1903) La Deuxiegravemeteacute est le plus souvent illustreacutee par
un fait brut tel la compulsion par exemple leffort provoqueacute soudainement
lorsquune porte quon sapprecircte agrave ouvrir nous reacutesiste La modaliteacute qui lui est associeacutee
est lactualiteacute laquoSecondness only is while it actually is The same thing can never
happen tVice As Heraclitus said one cannot cross the same river twice raquo (EP2
268 1903) Cest donc aussi la cateacutegorie de lexistence et de lindividualiteacute de la
situation dans un espace-temps La Troisiegravemeteacute peut quant agrave elle ecirctre illustreacutee entre
autres par Lin ensemble discursif mettant plusieurs propositions singuliegraveres en
relation cest-agrave-dire un argument Cest la cateacutegorie meacutediatrice de la penseacutee de la loi et
de la finaliteacute entendue comme raison ou but La modaliteacute qui lui est associeacutee est la
neacutecessiteacute
On the other hand Necessiy is an idea 01 Thirdness This word is equivocal it is
here taken in the sense of rational ie general necessity It is not a mere cJenial of
Possibility For Possibility in the sense of Firstness is not a subject of denial The
absence of any given possibility is 01 course a possibility but to leave a character
st8ncling and rcmovc From it its possibility is nonsense unJess one means ta speak
of a representamen of the quality in which case the element of Thirclness is the
predominant one (EP2 271 1903)
La relation de deacutependance non reacuteciproque propre aux cateacutegories universelles
sapplique aussi aux modaliteacutes qui leur sont associeacutees La neacutecessiteacute ne nie pas la
possibiliteacute mais limplique Cependant tout comme la Troisiegravemeteacute peut dominer et
laisser la Premiegravereteacute inapparente la neacutecessiteacute peut aussi dominer et laisser la
possibiliteacute sembler seffacer comme caracteacuteristique modale Nous remarquons aussi
que la Troisiegravemeteacute est la cateacutegorie dont la deacutefinition est la plus tagravecile agrave eacutelaborer
discursivement que la Deuxiegravemeteacute est la cateacutegorie la plus tagravecile agrave illustrer par
lexpeacuterience que nous en faisons dans le monde et que la Premiegravereteacute est tout
simplement la cateacutegorie la plus difficile agrave saisir bien que la plus fondamentale La
deacutefinition agrave laide dillustrations recoupe leacutelaboration formelle preacutesenteacutee plus haut
31
mais implique les modaliteacutes de faccedilon plus eacutevidente La structure deacutegageacutee dans
lexposition formelle se reflegravete donc aussi sur les modaliteacutes
Le lien queffectue Peirce entre les cateacutegories et le langage dans la theacuteorie des
cateacutegories in itiale nOLIs informe eacutegalement au sujet des modal iteacutes Les cateacutegories
opegraverent une unification conceptuelle au sein de la proposition qui consiste en la mise
en relation clu preacutedicat et de ses sujets culminant clans la conception dmiddotEcirctre Or la
modaliteacute est dans sa deacutefinition canonique une notion moditiant la relation diumlnheacuterence
subsistant entre le sujet et le preacutedicat Les modaliteacutes sont donc des notions tregraves
semblables aux cateacutegories universelles Peirce dit lui-mecircme dans sa preacutesentation plus
tardive et pheacutenomeacutenologique des cateacutegories laquoA Possibility and a Firstness are pretty
nearly identicalraquo (EP2 271 1903) Et il preacutecise ailleurs dans le mecircme article nous
lavons vu plus haut laquoPossibility the mode of being of Firstness is the embryo of
beingraquo (EP2 269 1903) Si nous faisons le lien entre laftinnation selon laquelle laquola
possibiliteacute [est] le mode decirctre de la Premiegravereteacuteraquo et la liste initiale des cateacutegories nous
pouvons comprendre le mode decirctre comme eacutetant une modification de luniteacute
conceptue Ile pure de la cateacutegorie dEcirctre par des accidents Les cateacutegories
intermeacutediaires sont les accidents graduels de la conception dEcirctre et la modaliteacute est la
qualitication de ces accidents Les modaliteacutes indiquent donc la maniegravere dont les
cateacutegories accidentelles opegraverent la reacuteduction du divers sensible en une uniteacute imparfaite
par rapport agrave luniteacute pure de lEcirctre qui na pas de modaliteacute En nous reacutereumlrant
eacutegalement agrave la liste initiale des cateacutegories nous pouvons aussi comprendre
latlirmation selon laquelle laquola possibiliteacute est lembryon de lecirctreraquo puisque la
cateacutegorie universelle dont la possibiliteacute est la modaliteacute correspondante la qualiteacute est la
derniegravere conception avant luniteacute conceptuelle pure de lEcirctre Nous tirons de ces
consideacuterations le scheacutema reacutecapitulatif su ivant
32
Ecirctre mode decirctre
Qualiteacute possible
Relation accidents qualifieacutes de actuel
Repreacutesentation neacutecessaire
Substance
La modaliteacute est de plus abordeacutee en logique dans la partie modale des graphes
existentiels mais celle-ci est resteacutee largement inacheveacutee et reste inaccessible sans une
introduction agrave la meacutethode des graphes existentiels La modaliteacute est sinon mentionneacutee
par Peirce lorsquil eacutetudie les propositions dans le cadre de sa theacuteorie des signes Mais
il ne fait alors que suivre la tradition scolastique et kantienne en en reprenant les
deacutefinitions Toutefois cela nous indique que sa conception devrait pour lessentiel
saccorder avec cette tradition quil a eacutetudieacutee en profondeur et dont il sest
certainement inspire Honn is les deacutefinitions de dictionnaire eacutecrites par Peirce la
principale occurrence dune deacutefinition des modaliteacutes dans le cadre de leacutetude
seacutemiotique des propositions est la suivante
ln the fiumlrst place accordillg to Ivodalily [ J or Mode [ J a prOposition is either
de inesse [ ] or modal A proposition de inesse contemplates ollly the existing
state of things-existing that is in the logical ulliverse of c1iscourse A modal
proposition takes account of a whole range of possibility According as it asserts
something to be true or fnlse throughout the whole range of possibility it is
necessary [ J or impossible According as it asserts something to be true or false
within the range of possibility (not expressly including or excluding the existent
state of things) it is possible [ ] or conlingenl (EP2 283 1903)
La conception de la modaliteacute formuleacutee ici correspond exactement agrave celle entrevue
jusque maintenant dans lexamen de la phaneacuteroscopie Selon la modaliteacute une
proposition est soit de inesse ou modale Le de inesse correspond agrave la modaliteacute cie
lactualiteacute La possibiliteacute est aussi reconnue comme un aspect fondamental des
Le long article encyclopeacutedique sur lu modoliteacute que leircc a eacutecril pour le dictionnaire de lames Mark 13uldin reacutesume les conceptions ue ces deux lraditions (CI 2382-90 1902) Les parenthegraveses omises dons la citation suivante lonl dailleurs reacuteleumlrcnec au lermes uorigine el il leurs au leurs (I~()egravece
Iheacutel)Id Kal1l)
33
modaliteacutes Les modaliteacutes sont ensuite classeacutees selon le champ de possibiliteacute consideacutereacute
la modaliteacute qui englobe tout le champ du possible est la neacutecessiteacute si la proposition est
positive et limpossibiliteacute si la proposition est neacutegative et la modaliteacute qui ne
considegravere quune partie du champ du possible est la possibiliteacute si la proposition est
positive et la contingence si la proposition est neacutegative Il est inteacuteressant de noter
que lactualiteacute est consideacutereacutee comme une modaliteacute et que la phaneacuteroscopie ne
consideacuterait en plus de lactualiteacute que les modaliteacutes positives de la neacutecessiteacute et la
possibiliteacute La deacutefinition de la philosophie citeacutee plus tocirct preacutecise bien quelle est laquoune
science jJOsiive en ce sens quelle deacutecouvre ce qui est reacuteellement vrairaquo La seconde
occurrence significative des modaliteacutes dans un contexte seacutemiotique est le postshy
scriptum dune lettre agrave Lady Welby La modaliteacute y sert agrave caracteacuteriser les diffeacuterents
types de signes
1 signifies the Possible Modality that of an Idea
2 signifies the Actual Modality that of an Occurrence
3 signilies the Necessary Moclality that of a Habit
(EP2 4911908)
Les chiffres (1 2 3) deacutecrivent chacun un aspect du signe dans un scheacutema de
combinntoires deacutefinissant les dix classes de signes Lactualiteacute est agrave nouveau reconnue
comme modaliteacute tandis que seules les modaliteacutes positives de ln possibiliteacute et la
neacutecessiteacute sont eacutegalement retenues dans le cadre dune description phaneacuteroscopique
servnnt agrave caracteacuteriser les dineumlrents types de signes
Les cateacutegories particuliegraveres de la signification ne sont pas preacutesenteacutees
explicitement dans les tables de Kant mais Peirce les fait remonter agrave ce demier (EP2
352 1905) Lexposeacute le plus complet des cateacutegories de la signification se trouve dans
larticle de 1905 intituleacute laquoIssues ofPragl11aticisl11raquo (EP2 346-59) auquel peuvent ecirctre
ajouteacutees les deacutefinitions du LenlIry Dicio1mJ el du dictionnaire de Baldvin le
deacute1inirai tout dabord chacune des trois conceptions puis les aliiculerai les unes avec
les autres pour finalement me concentrer sur la porteacutee de la geacuteneacuteraliteacute dans le systegraveme
des sciences Il sera plus commodc dc prcndrc pour point de deacutepart la reacutealiteacute actuelle
34
et de deacutefinir en premier I() cateacutegorie particuliegravere de la signitication qui lui correspond la
deacutetermination La signification dun terme est dite deacutetermineacutee lorsque la Deuxiegravemeteacute
domine la repreacutesentation La relation entre le terme et ses objets est alors actuelle
quelle soit affirmeacutee ou nieacutee les qualiteacutes de lun eacutetant attribueacutees agrave lautre Ainsi un
nom commun deacutesigneacute par un adjectif deacutemonstratif est un exemple de terme dont la
signification est deacutetermineacutee Les cateacutegories du vague et du geacuteneacuteral sont toutes deux
indeacutetermineacutees Peirce donne la deacutetinition suivante de la deacutetermination
A subject is delerminale in respect ta any character which inheres ln it or is
(universally and ltlt1iliumlllatively) predicated of il as weil as in respect ta the negative
of such character these being the very saille respect In ail other respecls it is
indelerlllil1ole (EP2 350 1905)
La sign ificeacuteltion d un tcrmc est plutocirct dite lagile lorsque son caractegravere de Prcm iegravercteacute
esl preacutepondeacuteranl La relation entre le terme et les objets auxquels il est altribuable
nest alors que possible elle reste agrave deacuteterminer dans le processus interpreacutetatif Le
champ dapplication du terme neacutelant pas initialement entrevu la signification est dite
non seulement indeacutetermineacutee mais eacutegalement indeacutefinie Un mot agrave la signification
inconnue dans son premier abord mais speacutecitiable par la suite esl un exemple de
terme vague La deacutefinition du vague que donne Peirce est la suivante
A sign that is objectively indetenninate in any respect is objectively vague in sa
far as it reserves further determination ta be made in saille other conceivable sign
or nt least does not appo int the interpreter as its deputy in this office (EP2 351
1905)
La signification dun terme est finalement dite geacuteneacuterale lorsque cest la Troisiegravel11eteacute
qui domine la repreacutesentation La relation entre le terme et les objets auxquels il est
imputable eSl alors neacutecessaire car bien quelle soit indeacutetermineacutee elle reste limiteacutee agrave
une porteacutee bien deacutefinie La signification du terme geacuteneacuteral est pour cette raison dite
deacutefinie par opposition agrave lautre cateacutegorie indeacutetermineacutee du vague La conception
dEcirctre implicite agrave toute proposition constitue la signification geacuteneacuterale par excellence
exprimant la relation d iumldenti teacute propre agrave tous les objets eacutemergeant d un mecircme
continuum phaneacuteronique et repreacutesenteacutes aussi dans un mecircme continuum seacutemiotique
Peirce deacutetinit le geacuteneacuteral cOmme suit
35
A sign (under which designation 1 place every kind of thoughL and not alone
external signs) that is in any respect objectively indetenninate (ie whose object
is undeterlllined by the sign itself) is objectively genera in so far as it extends to
the interpreter the privilege of carrying its deterlllination fmtheL (EP2 350
1905)
Agrave un niveau plus speacutecifiquement logique Peirce donne une cleacute suppleacutementaire agrave
linterpreacutetation des deux cateacutegories indeacuteterlll ineacutees en di san t que le princ ipe du tiers
exclu ne sapplique pas agrave ce qui est geacuteneacuteral tandis que le principe de contradiction ne
sapplique pas il ce qui est vague (FP2 351 1905) Nous pouvons en deacuteduire que la
cateacutegorie de la deacutetermination implique les deux principes agrave la fois eacutetant la plus
contrainte dans le cadre de la reacutealiteacute actuelle Peirce nomme aussi preacutecision lacte de
deacutetermination pouvant ecirctre accompli par un interpregravete celui qui effectue la relation de
signification (EP2 352 1905)
les trois cateacutegories particuliegraveres de la signification sont ordonneacutees entre elles
selon le mecircme ordre hieacuterarchique que les cateacutegories universelles agrave cette diffeumlrence pregraves
que lordre des premiegraveres nest pas solidaire cest-agrave-dire quil nest pas triadique
mais ternaire L ordre de genegravese reste le mecircme le vague eacutetant la conception la plus
eacuteleacutementaire suivie de la deacutetermination et de la geacuteneacuteraliteacute dans le deacuteveloppement du
processus de signification laquoLooking upon the course of logic as a who le vve see that it
proceeds from the question to the answer-from the vague to the definite And so
likewise ail the evolution we know of proceeds from the vague to the definiteraquo (CP
6191 1898 un autre exemple psychologique cette fois en CP 3160 1880)
Toutefois la preacutesence dune cateacutegorie n iuml mpl ique pas neacutecessa irement celle des deux
autres Cela sexplique si Ion considegravere quau sein des cateacutegories de la quantiteacute lautre
ensemble de cateacutegories meacuteta-phi losoph iques en compleacutement de la modaliteacute la
particulariteacute fait figure de Premier et luniversaliteacute de Troisiegraveme La particulariteacute
nimplique donc que chacune des cateacutegories pour elle-mecircme tandis que luniversaliteacute
implique lensemble des relations de deacutependance non reacuteciproque entre les diffeumlrentes
Ane pas cont()JlJrc ~lee lopeacutel~ltion Jabstraction preacuteseission qui consisk Ugrave cleacutecl Ull ens llIlionis
par exemple la noilcellr (illckness) de tous les obiets Iloirs
36
cateacutegories Le lien entre les cateacutegories est de la sorte bien reconnu mais leur mise en
preacutesence nest pas neacutecessaire Notons cependant que les cateacutegories particuliegraveres de la
modaliteacute semblaient impliquer le lien de cleacutependance non reacuteciproque de lagraveccedilon plus
explicite et quelles se rapprochaient en cela des cateacutegories universelles Disons agrave ce
sujet que dans le systegraveme continu de Peirce tout est affaire de degreacute et que mecircme au
sein des diffeacuterents ensembles de cateacutegories la caracteacuterisation ne simpose que
graduellement Peirce ne propose pas cette expl ication lui-mecircme et n eacuteta it pas
satisfagraveit du moins en 1903 de la distinction entre les deux modegraveles celui ternaire des
cateacutegories particuliegraveres et celui triadique des cateacutegories universelles (EP2 148 1903)
mais cette explication entendue de faccedilon nuanceacutee eacutetant coheacuterente avec son systegraveme je
ladopterai pour la suite cie mon argumentation Peirce reconnaicirct cie plus une certaine
polariteacute entre la Premiegravereteacute et la Troisiegravemeteacute qui semblent ainsi graviter autour cie la
Deuxiegravemeteacute comme si l actua 1iteacute consti tuai t un po int de vue central sllr les deux
alitres aspects de la reacutea 1iteacute Il alticule souvent les cateacutegories Premiegraveres et Troisiegravemes
ensemble tel que clans cet extrait reacuteveacutelateur laquopossibility being the denial of a
necessity which is a kind of generality is vague like any other contradiction of a
generatraquo (EP2 354 1905) La Troisiegravemeteacute entretient donc un certain lien privileacutegieacute
avec la Prem iegravereteacute de mecircme que la geacuteneacuteral iteacute avec la vagueur
A fin de deacuteterminer maintenant quelle est la porteacutee de la geacuteneacuteraliteacute dans le
systegraveme des sciences revenons au scheacutema classificatoire preacutesenteacute dans la section
preacuteceacutedente La classification cles sciences suit le motifcles cateacutegories et chaque science
possegravede de la sorte un aspect cateacutegoriel preacutepondeacuterant qui se combine agrave dautres
aspects lors de lapprofondissement de la structure du systegraveme La science est la plus
geacuteneacuterale des activiteacutes humaines et cest la Troisiegravemeteacute qui la marque de ce point de
vue Au sein mecircme des sciences heuristiques Premiegraveres des sciences les
matheacutematiques sont Premiegraveres et vagues on peut les appliquer dans plusieurs sens
qui restent agrave lorigine indeacutefinis Les sciences idioscopiques sont plutocirct Troisiegravemes et
geacuteneacuterales leurs applications eacutetant multiples mais deacutefinies en fonction de certains
37
champs dapplication speacutecifiques La philosophie est quant agrave elle la science
heuristique la plus actuelle et deacutetermineacutee partant dans ses recherches de
lappreacutehension de la reacutealiteacute agrave travers lexpeacuterience commune On accentue souvent le
caractegravere geacuteneacuteral de la philosophie mais il sagit sans doute de la geacuteneacuteraliteacute de toutes
sciences qui devient plus marqueacutee suivant la concordance de notre propre point de
vue actuel avec lobjet de la philosophie les fagraveits de lexpeacuterience commune Parmi les
sciences philosophiques mecircmes la phaneacuteroscopie se reacutefegravere vaguement agrave la reacutealiteacute dans
leacutetude de sa man i festation prem iegravere les sciences normati ves proposent dordonner
selon des principes deacutetermineacutes notre relation au reacuteel tandis que la meacutetaphysique
efrectue un retour reacutellexif geacuteneacuteral sur la reacutealiteacute comprise comme un tout deacute1ini mais
saisissable de difteumlrentes faccedilons
La science normative qui inteacuteresse le meacutemoire est la seacutemiotique ou logique
geacuteneacuterale identifieacutee agrave la theacuteorie des signes La seacutemiotique est Troisiegraveme et geacuteneacuterale elle
eacutetudie la penseacutee qui permet de saisir en un tout coheacuterent la reacutealiteacute mais elle leacutetudie
avant tout dans le but de proposer des principes dilecteurs agrave la penseacutee tireacutes de
lexamen mecircme de la structure de la reacutealiteacute Ultimement dans la doctrine du
pragmatisme le but de la logique sous son aspect meacutethodeutique est de montrer le
chemin menant agrave ladeacutequation de la penseacutee avec la reacutealiteacute En indiquant la voie agrave suivre
dans la confrontation agrave la reacutealiteacute actuelle la seacutemiotique reste Deuxiegraveme mais possegravede
neacuteanmoins un aspect Troisiegraveme important en ce quelle porte sur leacuteleacutement meacutediateur
de la reacutealiteacute la penseacutee La seacutemiotique fournit donc des principes normatifs geacuteneacuteraux
aux sciences qui en deacutependent y compris les sciences idioscopiques et plus
speacutecifiquement la linguistique et la science de leacutecriture Ces principes sont geacuteneacuteraux
en ce quils concernent leacuteleacutement meacutediateur de la penseacutee qui ne reflegraveterait ultimement
que la structure de la reacutealiteacute comprise de faccedilon adeacutequate ce qui rend les principes de la
seacutemiotique deacutefinis mais qui comprend lensemble des repreacutesentations possibles de la
reacutealiteacute ce pour quoi la signification des principes demeure indeacutetermineacutee
38
le terminerai cette section en examinant comment seffectue le passage du
phaneacuteron au signe question que jaborderai en consideacuterant le problegraveme exeacutegeacutetique du
lien entre la phaneacuteroscopie et la theacuteorie des cateacutegories initiale Le passage de la
Substance agrave lEcirctre dans la theacuteorie in i tia le peut ecirctre rapprocheacute de ce 1ui du phaneacuteron au
signe dans la theacuteorie tardive Le phaneacuteron comprend les trois aspects fondamentaux de
la reacutealiteacute au premier abord indiffeacuterencieacutes tandis que la substance est une conception
permettant de saisir lensemble des impressions sensibles Ceci nous rappelle par
ailleurs les trois propositions qui venaient appuyer la doctrine du pragmatisme et
selon lesquelles le point de deacutepart du processus cognitif faisant sens des impressions
sensibles est un jugement perceptuel qui contient des eacuteleacutements geacuteneacuteraux Le passage
du phaneacuteron au signe consiste ensuite en une prise de conscience explicite graduelle
des trois aspects de la reacutealiteacute qui se preacutesentent dabord agrave la conscience sans se
diffeacuterencier de celle-ci jusquagrave leur repreacutesentation par des signes au sein de la
conscience repreacutesentative la cognition seacutemiotique Ce passage est caracteacuteriseacute par une
geacuteneacuteralisation croissante des eacuteleacutements distingueacutes ou plus exactement par leur
deacutetermination allant dune preacutepondeacuterance de la Premiegravereteacute du phaneacuteron agrave celle de sa
Deuxiegravemeteacute Les eacuteleacutements sont extraits du phaneacuteron qui se preacutesente agrave la conscience
par le biais dune coalescence perceptuelle puis se distinguent de la conscience et la
confrontent en tant que faits perceptuels et sont finalement saisis dans le jugement
perceptuel Ils peuvent alors ecirctre repreacutesenteacutes et se deacutevelopper en tant que signes dans
le sens de la geacuteneacuteralisation croissante de la repreacutesentation
Le problegraveme du lien des cateacutegories phaneacuteroscopiques avec les cateacutegories
initiales consiste en ceci que lordre de cateacutegorisation nest pas le mecircme dans les deux
theacuteories Dans la theacuteorie initiale lordre de passage des cateacutegories intermeacutediaires de la
Substance agrave lEcirctre est de la Repreacutesentation (Troisiegraveme) agrave la Relation (Deuxiegraveme) puis
la Qualiteacute (Premiegravere) tandis que selon la phaneacuteroscopie lordre de passage du
phaneacuteron au signe duumlmentconstitueacute est de la Premiegravereteacute agrave la Deuxiegravemeteacute puis agrave la
le Illinspire ici Je Imiddotcposeacute JnJeacute I)e Tienne (2000) Illnis ne lais ljuefJ1euITI ln surlilCC Je son eacutelrgulllenl
39
Troisiegravemeteacute toutes trois cateacutegories eacutetant preacutesentes mais chacune devenant
preacutepondeacuterante selon leur ordre de genegravese Toutelois la porteacutee des cateacutegories de la
theacuteorie initiale est limiteacutee agrave la cognition alors que la phaneacuteroscopie comprend comme
son objet la totaliteacute du pheacutenomegravene preacutesent ft lmiddotesprit La Substance serait donc agrave situer
au niveau seacutemiotique de la description phaneacuteroscopique et la phaneacuteroscopie serait de
la sorte plus englobante que la theacuteorie des cateacutegories in itiale Il en serait ainsi de mecircme
que pour labduction qui repreacutesente un niveau avanceacute du processus cognitif deacutebutant
agrave un niveau plus fondamental avec le jugement perceptuel Il reste malgreacute cette
distinction ft expliquer le problegraveme de linversion des cateacutegories dune theacuteorie agrave
lautre Je propose comme explication que le deacuteveloppement des cateacutegories de la
theacuteorie initiale dans le sens de la reacuteduction du divers sensible en une uniteacute est le cas
limite de la cognition par signes Dans le cours de lunification de lexpeacuterience par la
repreacutesentation il vient un moment ougrave le processus allant dans le sens dune
domination toujours croissante de la raison sur la reacutealiteacute seacutepuise La seule issue agrave une
seacutemiose infinie est alors le retour aux eacuteleacutements plus fondamentaux de la reacutealiteacute un
retour qui nest toutefois pas une reacutegression puisque chaque aspect de la reacutealiteacute
demeure important et nest que mieux valoriseacute Le retour consiste donc agrave passer de la
repreacutesentation de la reacutealiteacute la conception de lunivers comme un symbole agrave la
consideacuteration des relations constitutives de cette reacutealiteacute et puis de ses qualiteacutes jusquagrave
lunification ultime de lexpeacuterience en lEcirctre qui lui-mecircme nest pas un signe La
conception decirctre est bien un signe geacuteneacuteral le plus geacuteneacuterd qui soit mais lEcirctre luishy
mecircme est au-delagrave de la cateacutegorisation propre au domaine phaneacuteronique Cette
speacuteculation sur le sens du procegraves de la reacutealiteacute chez Peirce serait agrave tout le moins
appuyeacutee par la doctrine du pragmatisme qui preacuteconise le retour agrave lactualiteacute degraves lors
que la structure de la reacutealiteacute a eacuteteacute saisie par la raison Ce problegraveme nous megravene au
champ de la meacutetaphysique qui deacutepasse le cadre de ce meacutemoire et je ne
lapprofondirai donc pas mais la solution suggeacutereacutee devrait permettre douvrir le
systegraveme de Peirce en lui donnant de nouvelles possibiliteacutes de penseacutee
40
132 Seacutemiotique theacuteorie des signes
La seacutemiotique ou logique de Peirce est une science des signes cherchant les
conditions formelles de la signification vraie de la repreacutesentation adeacutequate de la reacutealiteacute
par des signes La penseacutee seffectuant par signes la seacutemiotique occupe une place
centrale dans lordre des sciences heuristiques Elle comporte trois branches la
grammaire speacuteculative qui deacutecrit la constitution mecircme du signe distingue ses
diffeacuterents types et organise ceux-ci en classes la logique critique qui analyse plus
speacutecitiquement les arguments et permet ainsi de juger de leur validiteacute ou leur degreacute de
force et la meacutethodeutique qui eacutetudie les conditions de la production de signes Je
preacutesenterai dans cette section la seacutemiotique en me concentrant sur la grammaire
speacuteculati ve qu i en consti tue la partie la plus inteacuteressante en ce qui concerne leacutetude de
leacutecriture mais je la relierai tout de mecircme par la suite agrave la logique critique et la
meacutethodeutique en palticulier agrave la doctrine du pragmatisme
Quest-ce quun signe La seacutem iotique en tan t que grammaire speacuteculative
reprend le motif structurel des cateacutegories et sa deacutetinition du signe est donc triadique
cest-agrave-dire quelle distingue trois termes interdeacutependants et irreacuteductibles de la relation
de signification authentique soit le signe proprement dit lobjet et linterpreacutetant Une
structure est dite laquoauthentiqueraquo lorsquelle respecte lordre hieacuterarchique solidaire sous
tous ses aspects et est de la sorte purement triadique tandis quune structure dont au
moins un aspect quelconque nentre pas dans lordre de la triade est qualifieacutee de
laquodeacutegeacuteneacutereacuteeraquo Peirce dans une de ses formules les plus claires deacutetinit le signe
formellement comme suit
A Sign or Representomen is a First which stands in such a genuine triadic relation
ta a Secancl called its Object as ta be capable of detennining a Third called its
Interpretant ta assume the same triadic relation to its Object in which it stands
itself ta the same Object The triadic relation is genlline that is its three members
are bauncl tagether by it in a way that does nat consist in any complexus of dyadic
le base pour lessentiel mon c-poseacute de la seacutemiotique sur celui dc Liszka (1996) mais cn deacuteveloppe eacute1utremenlla panic meacutelhoc1eutique que je relie plus direclenleacutenl ugrave la doctrine du pragmatisme
41
relations (EP2 272-3 1903)
Dans ses premiers eacutecrits seacutemiotiques Peirce distingue le signe de son
fondement (grollnd degraves la laquoNew List of Categoriesraquo EP 1 1-10 1867) Le fiJndel7len
du signe est une forme abstraite qui ne retient que certaines caracteacuteristiques de lobjet
celles agrave partir desquelles la signification se construit Une chose devient donc le
fondement dun signe lorsquelle preacutesente un certain aspect dune autre chose lo~jet
Le signe lui-mecircme peut ecirctre pris dans un sens plus large comprenant linstantiation
mateacuterielle et la relation aux autres composantes de la signitication Le tenlle
laquofondementraquo nest plus employeacute dans les derniers eacutecrits mais la preacutesentation dune
forme particuliegravere de lobjet est toujours sous-entendue ainsi dans cet extrait dune
lettre agrave Lady Welby laquo1 use the word --Sign-- in the widest sense for any medium for
the communication or extension of a Form (or feature)) (SampS 196 1906) Le terme
laquorepreacutesentamenraquo est utiliseacute quant agrave lui par lauteur agrave une certaine eacutepoque (voir la
citation ci-dessus de 1903) dans un sens plus large que le signe non limiteacute agrave la
repreacutesentation mentale La deacutefinition du signe tinira cependant par englober ce sens
eacutelargi lillustration par la reacutefeacuterence agrave la repreacutesentation mentale humaine servant
seulement agrave faire comprendre la conception (ce nest quun laquopot de vin agrave Cerbegravereraquo dit
Peirce EP2 478 1908) Lobjet est dautre paria chose correacuteleacutee avec le signe ce dont
le signe tient lieu dans la reacutealiteacute La lieutenance est laspect central de la relation de
sign ification consti tuant le signe dugrave agrave son mode decirctre actuel cest bien parce que
deux choses existant individuellement dans la reacutealiteacute actuelle occupent des positions
deacutetermineacutees et ne peuvent sidentitier parfaitement lune agrave lautre que lune le signe
tient lieu de lautre Iobjet atin de la repreacutesenter tagravece agrave une troisiegraveme chose
(linterpreacutetant) Toutefois des possibiliteacutes et des lois neacutecessaires peuvent aussi servir
dobjets en ce sens quelles deacuteterminent alors de leur propre point de vue modal la
repreacutesentation que le signe en donne au sein de la reacutealiteacute actuelle De faccedilon geacuteneacuterale
une chose devient donc lobjet dun signe lorsquelle est repreacutesenteacutee par ce signe le
signe eacutetant laquoagrave proposraquo de lobjet et deacuteterm ine la repreacutesentation la torl11e de lobjet
42
contraignant la forme du signe Dans la seacutemiotique plus tardive de Peirce lobjet en
tant quil est repreacutesenteacute par le signe est dit illlllleacutediol et en tant quil deacutetermine la
repreacutesentation dYl1olJ7iqllc L inlcrpreacutelol11 est quant agrave lui ce qui est deacutetermineacute par le
signe une autre chose qui devient agrave son tour signe Linterpreacutetation dun signe en un
autre est agrave la Iois un produit un nouveau signe un processus la transformation de la
troisiegraveme chose en signe (la seacutemiose) et un elTet sur lltltinterpregravete)) qui comprend le
signe Linterpreacutetant peut aussi ecirctre consideacutereacute de faccedilon geacuteneacuterale comme une regravegle de
transformation dune chose en un nouveau signe puisque le processus de seacutemiose vise
une certaine tin Une chose devient donc linterpreacutetant dun signe lorsquelle est
deacutetermineacutee par ce signe agrave se transformer en un autre signe repreacutesentant le mecircme objet
selon le mecircme point de vue formel de preacutesentation initiale la production de ce
nouveau signe ayant pour effet dinfluencer un agent interpreacutetant Dans ses derniers
eacutecrits de seacutemiotique Peirce qualifie linterpreacutetant en tant que produit dilJ7l11eacutediul en
tant que processus de dYl1olJ7iqlle et en tant queffet defll1o
Afin dillustrer ces deacutefinitions prenons lexemple suivant de Peirce
Two men are standing on the seashore looking out ta sea One of them says ta the
other That vesser there carries no freighl at ail but only passengers Now if the
other himselL sees no vessel the first information he derives lrom the remark has
for its abject the part of the sea that he c10es see and informs him that a persan
with sharper eyes than his or more trainecl in looking for such things can see il
vesser there and then (hat vesser having been thus introducecl ta his acquaintance
he is prepalecl ta receive the information about it that it carries passengers
exclusively But the sentence as a whole has for the persan supposed no other
abject than that Vith which it tinds him alreacly acquainted (CP 2232 1910)
Le signe dans cet exemple est la proposition eacutechangeacutee entre les deux personnes qui en
son tondement deacutecrit certaines caracteacuteristiques de lobjet repreacutesenteacute dans le discours
cest un navire situeacute agrave tel endroit qui ne transporte nulle cargaison mais seulement
des passagers Lobjet immeacutediat pour celui qui eacutecoute est la partie de la mer quil
entrevoit dans la direction indiqueacutee par le locuteur tandis que lobjet dynamique pour
le mecircme interpregravete est le navire que son compagnon distingue effectivement et au
43
sujet duquel il asserte une proposition L interpreacutetant immeacutediat est agrave son tour lideacutee
du navire que se fait lauditeur alors que linterpreacutetant dynamique est le processus
dinfOlmation auquel est sujet cet interpregravete et que linterpreacutetant [iumlnal est peut-ecirctre
supposons-le la reconnaissance de leacuterudition en matiegravere de navires que le locuteur
espegravere susciter chez son camarade
La grammaire speacuteculative deacuteveloppe aLlSSI une typologie des signes qui [ut
eacutelaboreacutee chez Peirce en plusieurs moments Je nexaminerai ici que la typologie de
1903 (EP2 267-88 et 289-99 1903) qui est la mieux deacuteveloppeacutee et dont je pourrai
par conseacutequent preacutesenter un exposeacute plus coheacuterent Le signe peut prendre diffeacuterents
aspects selon quil est consideacutereacute en soi (en son fondement) dans sa relation agrave lo~iet
ou dans sa relation agrave linterpreacutetant Lanalyse typologique de ces aspects permet de
distinguer trois trichotomies de signes que Peirce distingue de la faccedilon suivante
Signs are divisible by three trichotomies fi lst according as the sign in itself is a
mere quality is an actual existent or is a general law secondly according as the
relation of the sign to its Object consisls in the signs having some character in
itself or in some existential relation to that Object or in its relation to an
Interpretant thirdly according as its Interpretant represents il as a sign of
possibility or as a sign of fact or a sign of reason (EP2 291 1903)
Les aspects que prend le signe lorsque consideacutereacute pour lui-mecircme sont le
qualisigne le sinsigne et le leacutegisigne Ces aspects font reacutefeacuterence agrave des caractegraveres du
signe preacutesents en son fondement qui permettent la construction de la signification Le
signe qui preacutesente avant tout en son fondement une qualiteacute formelle est un qualisigne
Il se maniteste forceacutement dans la reacutealiteacute actuelle agrave travers une existence singuliegravere meacutelis
cest un aspect qualitatifqui domine son fondement et rend la repreacutesentation possible
Par exemple une chose qui devient un signe pour la simple raison quelle possegravede telle
qualiteacute disons decirctre bruyante est un qualisigne (cest bien le type de signe le plus
dinicile agrave illustrer) Le signe dont le fondement preacutesente comme aspect dominant Lin
existant actuel est nommeacuteinsignc Il a forceacutement des qualiteacutes qui rendent sa
44
preacutesentation possible mais cest la manifestation de son fondement dans la reacutealiteacute
actuelle qui importe et permet la repreacutesentation Le tic ou le tac dun meacutetronome en
ce quil marque un temps preacutecis est un sinsigne Si laspect le plus important que le
fondement preacutesente a le caractegravere dune loi une convention ou une habitude alors le
signe est nommeacute leacutegisigne Ce type de signe possegravede aussi des qualiteacutes et se preacutesente
eacutegalement dans un existant actuel mais ce qui importe en son fondement est 1 aspect
conventionnel ou habituel rendant la repreacutesentation possible La manifestation
singuliegravere du leacutegisigne est un sinsigne appeleacute reacuteplique Le tic-tac reacutegulier du
meacutetronome en ce quil donne la cadence agrave suivre dans linterpreacutetation dun morceau
de musique est un leacutegisigne Chacun de ces aspects peut ecirctre preacutesent dans le signe
laspect dominant en son fondement deacuteterminant cependant de quel type de signe il
sagit
Les aspects que prend le signe dans sa relation agrave lobjet sont licocircne lindex et
le symbole Cette division est la plus utile car en lien avec la repleacutesentation du signe
dans la reacutealiteacute actuelle Les trois aspects font ainsi reacutefeacuterence agrave une capaciteacute
repreacutesentative du signe actualiseacutee dans sa mise en relation avec lobjet Nous
retrouvons ici les approches formelle et mateacuterielle dans diffeacuterentes deacutetinitions de ces
types de signe
An con is a Representamen whose Representative Qualily is a Firstness of il as a
First Thal is a CJuality that it heacutelS qlla thing renclers il fit to be Cl Representarnen
An index or Seille (Olwa) is a RepresentClmen whose Representative cheacutelracter
consists in its being an inclividueacutell Seconcl A SymJo is Cl Representarneri whose
Representative Cheacutelrltlcter consists precisely in its being a rule that will delermine its
Interpretant (EP2 273-4 1903)
There are Ihree kincls ofsigns Firstly Ihere are likenesses or icons which serve 10
convey icleas of the lhings lhey represent simply by imitating them Secondly
there are indicatiol1s or indices which show sornething abOlit things on accollnt of
their being physically connected with them Thirclly there are symbos or
general signs which have becoille associated with their rneanings by usage (EP2 5
1894)
4S
Un signe est une icocircne lorsquil preacutesente en son fondement des caractegraveres
similaires agrave des caractegraveres de lobjet Liumlcocircne possegravede ces caractegraveres peu importe
quelle soit mise en relation avec lobjet ou non Toutefois la signification de liumlcocircne
reste vague dans la seule preacutesentation de son tondement et ne se preacutecise que dans la
repreacutesentation actuel le de lobjet Pour que licocircne devienne eHegravectivement le signe de
lobjet leur mise en relation doit donc ecirctre actuelle bien quelle demeure mecircme sans
correacutelation le signe potentiel de lobjet Par exemple une peinture de paysage en ce
quelle ressemble eHegravectivement au paysage quelle deacutepeint est une icocircne Peirce
distingue par ailleurs des sous-types diumlcocircne ou hypoicocircnes selon le genre de
caractegraveres que le signe partage avec lobjet soit liumlmage le diagramme et la meacutetaphore
Limage ressemble agrave son objet en vertu dune similariteacute de qualiteacutes le diagramme
dune similariteacute de relations entre eacuteleacutements de lobjet et de relations entre eacuteleacutements du
signe et la meacutetaphore dune mise en parallegravele avec un troisiegraveme terme non expliciteacute
Un signe est un index lorsquiumll entretient une relation de contiguiumlteacute avec lobjet
Lindex est aussi essentiellement un individu sa signification est deacutetermineacutee et il ne
peut par conseacutequent que montrer lobjet sans rien dire agrave son sujet Un signe ne peut
ecirctre un index que dans sa mise en re lation actuelle avec lobjet Un pronom
deacutemonstratif dans sa fonction deacuteictique en est un exemple dans la langue usuelle Un
signe est finalement un symbole lorsque sa relation agrave lobjet est eacutetablie par une loi une
convention ou une habitude Le symbole donne une signification geacuteneacuterale de lobjet en
appelant agrave linterpreacutetation de la repreacutesentation de lobjet par le signe dans les limites
de la regravegle qui eacutetablit leur relation Pour quun signe soit un symbole il doit donc ecirctre
interpreacuteteacute comme tel et sa mise en relation avec lobjet doit ecirctre actuelle Un mot est
un symbole en ce que sa signification est eacutetablie conventionnellement Peirce
concevait aussi lUnivers comme eacutetant un symbole car il sagit bien dune
interpreacutetation de la reacutealiteacute par sa propre raison
Les aspects que prend le signe dans sa relation agrave linterpreacutetant sont le rhegraveme
le dicisigne (ou proposition) et largument Ces aspects tont reacute1eumlrence au pouvoir que
46
le signe possegravede de deacuteterminer en vue dune certaine fin linterpreacutetation de lobjet en
un nouveau signe linterpreacutetant Le rhegraveme est un signe qui tend agrave deacuteterminer
linterpreacutetation selon des caractegraveres qualitatifs La compreacutehension du rhegraveme est
preacuteciseacutee mais son extension reste indeacutetermineacutee La signitication du rhegraveme est par
conseacutequent vague Le rhegraveme peut veacutehiculer de linformation mais nest pas interpreacuteteacute
comme tel Il nest ni vrai ni faux ne faisant que preacutesenter des caractegraveres possiblement
attribuables agrave lobjet Cest donc un signe compris comme repreacutesentant seulement des
caractegraveres de Imiddotobjet Un exemple de rhegraveme serait un preacutedicat logique ou plus
exactement chez Peirce une proposition dont a enleveacute les sujets logiques reacutefeacuterant agrave
des objets dans le monde Le dicisigne est un signe qui veacutehicule dans la reacutealiteacute actuelle
de linformation vraie ou fausse par rapport agrave lobjet 1 relie la compreacutehension du
signe agrave une extension deacutetermineacutee dans lactualiteacute indiquant de la sorte seacutepareacutement quel
est son objet (EP2 308 1904) Cest donc un signe compris comme repreacutesentant
lobjet dans la reacutealiteacute actuelle Le paradigme du dicisigne est une proposition telle que
laquoSocrate est un hommeraquo Largument est quant agrave lui un signe qui fournit une regravegle
dinterpreacutetation agrave dautres signes JI montre seacutepareacutement quel est son interpreacutetant tinal
celui qui est viseacute par la repreacutesentation (EP2 308 1904) 1 peut toutefois ecirctre
appliqueacute agrave diffeumlrents signes La signification veacutehiculeacutee par largument est de la sorte
geacuteneacuterale puisque lextension agrave donner agrave ce signe sa porteacutee sur dautres signes reste
indeacutetermineacutee bien que limiteacutee par la regravegle dinterpreacutetation Largument est donc un
signe compris comme repreacutesentant lobjet en tant que signe sujet agrave linterpreacutetation Un
argument constitueacute de plusieurs propositions conjointes dans une chaicircne dinteumlrence
en est un exemple commun
Les types ou aspects du signe regroupeacutes dans les trois trichotomies
preacuteceacutedentes peuvent de plus ecirctre combineacutes en difleumlrentes classes Deux regravegles
formelles de combinaison sappliquent une regravegle de composition selon laquelle
lordre triadique du signe doit ecirctre respecteacute ainsi chaque classe doit comporter un
type de chaque lrichotomie correspondant chacune agrave une composante de la relation de
47
signification et une regravegle de qualification selon laquelle le principe de deacutependance non
reacuteciproque des cateacutegories correspondant aux trois trichotomies doit aussi ecirctre
respecteacute La combinaison des types selon ces deux regravegles formelles permet de produire
dix classes de signes qui sont (EP2 296 1903)
1 les qUCllisignes iconiques rheacutematiques
2 les sinsignes icuniques rheacutematiques
3 les sinsignes indexicCl7lx rheacutel1lotiques
4 les Imiddotinsignes indexicau dicents
5 les leacutegisignes iconiques rheacutematiques
6 les Leacutegisignes indexicCl7lx rheacutematiques
7 les leacutegisignes indexicoux dicenls
8 les leacutegisignes sY7boliques lheacutematiques
9 les leacutegisignes IYlllboliques dicents
10 les leacutegisignes symboliques urgulllenls
Cette classification doit toutefois ecirctre nuanceacutee Comme partout ailleurs dans le
systegraveme de Peirce tout dans la classification est une alTaire de degreacute de point de vue
et certains aspects du signe (indiqueacutes en italiques) dominent par conseacutequent chaque
classe Les dix classes de signe sont aussi contraintes par leur situation dans la reacutealiteacute
actuelle Tout signe se manifeste actuellement en tant quindividu et donc dans un
sinsigne quil sagisse dun de ses aspects dominants ou non Chaque aspect inclut de
plus le ou les aspects qui lui sont pheacutenomeacutenologiquement anteacuterieurs selon ordre des
cateacutegories Les classes de rang supeacuterieur (vers 10) incluent par conseacutequent
directement ou indirectement les classes de rang infugraveieur (vers 1) La classification
demeure ainsi lloue dans son application car elle ne seacutelectionne agrave travers ses
opeacuterations c1abstraction que certains traits du signe et conserve degraves lors toujours une
part d opaci teacute d aspects non repreacutesen teacutes ou repreacutesenteacutes de faccedilon inadeacuteq uate
Jillustrerai certai nes de ces classes lorsq ueiumlappl iq uera i la leccedilon de la seacutelll iotique agrave la
science de leacutecriture au second chapitre
48
La logique critique analyse le raisonnement ou plus preacuteciseacutement les signes qui
informent la penseacutee cest-agrave-dire les leacutegisignes les symboles les dicisignes et les
arguments Elle sinteacuteresse aux signes en tant quils veacutehiculent la signification vraie La
veacuteriteacute appartient proprement aux propositions des symboles dicents mais nest
eacuteventuellement atteinte que dans largumentation la convergence de linfeumlrence valide
vers la repreacutesentation adeacutequate de la reacutealiteacute alors que la pleine conseacutequence des
arguments valides baseacutes sur des propositions vraies est ultimement comprise La
logique critique soccupe donc avant tout de linreumlrence valide et repreacutesente en cela
une theacuteorie de linteumlrence Elle distingue trois types dinfeumlrence eacuteleacutementaires
labduction l i nd uction et la deacuted uction qui entrent en com posi tion dans le processus
du raison nement
Labduction et linduction sont des types dinfeacuterence ampliatifs en ce quelles
augmentent la quantiteacute dinformation veacutehiculeacutee par les signes La deacuteduction est plutocirct
un type dinfeacuterence explicatif elle modifie lextension ou la compreacutehension des signes
sans changer la quantiteacute dinformation veacutehiculeacutee La notion dabduction est lune des
contributions les plus originales de Peirce agrave la logique bien quil la fasse remonter agrave
Aristote (EP2 205 1903) Il a dabord lui-mecircme deacuteveloppeacute cette notion sous le nom
dlaquohypothegraveseraquo puis eacuteventuellement sous les noms de laquoreacutetroductionraquo et
dlaquoabductionraquo Lahdllclio1 est essentiellement ladoption dune hypothegravese Elle
suggegravere que quelque chose puisse ecirctre le cas selon certains reacutesultats qui deacutecouleraient
alors dune certaine regravegle Elle est donc le seul type dinfeacuterence eacuteleacutementaire qui
introduit une nouvelle ideacutee dans le raisonnement Elle nest aussi que provisoire
devant ensuite ecirctre confirmeacutee par expeacuterimentation Peirce en reconstruit largument
comme suit en deux formulations diffeumlrentes
RlIle-AII the beans From this bag are while
Reslllt-These beans are white
Case-These beans are From this bag
(EPI 1881878)
49
The surprising ~act c is observed
But if ri were true C woulcl be a matter of course
Hence there is reason 10 suspect that A is true
(EP2 2311903)
Linduction donne plutocirct de la valeur agrave un ensemble de signes deacutejagrave perccedilus Elle eacutetablit
de la sOlte une regravegle permettant de rendre compte de certains reacutesultats observeacutes dans
un celtain cas Elle montre que cette regravegle est actuellement opeacuterante dans le cas
consideacutereacute selon les reacutesultats observeacutes Elle donne donc torce de loi agrave la reacutegulariteacute
Peirce fournit pour illustrer linduction lexemple suivant
Case-These beans are From this bag
Result-These beans are white
middotRule-AII the beans from this bag are white
(EP 1 188 1878)
La deacuteduction eacutelabore quant agrave elle les conseacutequences neacutecessaires dune hypothegravese Elle
prouve que certains reacutesultats doivent neacutecessairement deacutecouler dun certain cas en
vertu dune celtaine regravegle Peirce illustre la deacuteduction agrave raide de lexemple suivant
RuJe-AIl the beans frolll this bag are white
Case-These beans are From this bag
middotResult-These beans are white
(EP 1 188 1878)
Le processus du raisonnement est essentiellement composeacute de ces trois types
dinfeumlrence Le raisonnement scientifique en particulier commence typiquement par
une abduction qui est justifieacutee lorsquagrave peacutelrtir de lhypothegravese suggeacuteleacutee la deacuteduction
peut tirer des preacutedictions qui seront agrave leur tour veacuterifieacutees dans lexpeacuterience par
induction (EP2 216 1903) Il Y dautres types de raisonnement par exemple
lextension la restriction la geacuteneacutereacutell isation (ou oscent) et leacutel speacutec ification (ou descent)
mais ceux-ci sont deacuteriveacutes des trois types eacuteleacutementaires Jy reviendrai dans le second
chapitre lorsque janalysereacuteli Iappliceacuteltion des concepts seacutemiotiques agrave la science de
eacutecriture
50
La meacutethodeutique sinteacuteresse agrave la production de signes el trouve sa
rormulation paradigmatique dans la doctrine du pragmatisme Le retour sur cene
doctrine peut maintenant compleacuteter lexamen de la seacutemiotique et permettre den
approfondir davantage la compreacutehension La seacutemiotique se deacuteveloppe
systeacutematiquement en une meacutethodologie de la recherche Elle c10it alors indiquer au
scientifique commellt faire pour penser avec les signes quel type de processus
diumlnfeacuterence engager Mais nous avons vu par ailleurs quau niveau de la signification
mecircme dans le processus de seacutemiose une fin ultime est aussi envisageacutee
Semblablement la meacutethodeutique doit suggeacuterer un dessein geacuteneacuteral au processus
diumlnfeacuterence qui lui serve de principe directeur et en constitue leffet eacuteventuel Le
pragmatisme suggegravere par conseacutequent lhypothegravese selon laquelle la signiliumlcation c1un
signe reacuteside dans lensemble de ses effets env isageables Il propose de su ivre une
abduction al1n dengager le raisonnement dans une chaicircne diumln~eumlrences qui en tant que
meacutethode proprement scientifique puisse reacuteellement mener agrave la veacuteriteacute agrave ladeacutequation
de la raison au reacuteel Il repreacutesente donc le couronnement de la seacutemiotique qui en vient agrave
controcircler ses raisonnements selon ses propres principes constitutifs Le preacutecepte du
pragmatisme nen demeure pas moins tagraveillible et agrave veacuteritier dans lactualiteacute ce qui fait
de la seacutemiotique une veacuteritable science expeacuterimentale et philosophique une activiteacute qui
confronte la reacutealiteacute actuelle telle que repreacutesenteacutee dans lexpeacuterience commune Cest
bien la leccedilon de la seacutemiotique qui prouve ultimement le pragmatisme car cest sur elle
quiumll se tonde
The word pragillatism was invented ta express a certain Illaxim of logie whieh as
was shawn at its tirst enouneel1lent invoives a who1e system of phiiosophy This
maxim is put forth neilher as a hancly tool to serve so far as it may be found
serviceable nor as a self-eviclent truth but as a far-reaching theorem solidly
grounded upon an elaborate study of the nature ofsigns (CP 81911904)
51
1321 Seacutemiotique et notation logique
Le deacuteveloppement de la logique peirceacuteenne prend son point de deacutepart dans
algegravebre logique de Boole et la logique des relations de De Morgan Peirce propose
dans ses premiers articles publieacutes des ameacuteliorations agrave lalgegravebre booleacuteenne et applique
celle-ci agrave la logique des relations (CP 31-191867 CP 345-1491870) dans une
version quil nomme laquologique des relatifsraquo Lors de ses travaux en tant que maicirctre de
confeacuterence agrave luniversiteacute Johns Hopkins de 1879 agrave 1883 il introduit avec son eacutelegraveve
Oscar Mitchell (et indeacutependamment de Frege) la quantification dans la logique des
propositions produisant un systegraveme de logique eacutequivalent agrave la logique des preacutedicats
du premier ordre avec identiteacute (CP 3328-58 1883 CP 3359-403 1885) Il eacutelabore
ensuite un nouveau systegraveme de notation graphique les graphes existentiels
permettant lextension de sa logique aux preacutedicats du deuxiegraveme ordre et aux modaliteacutes
(CP 3456-552 1897 CP 4347-584 1903-1906) Il favorise degraves lors la notation
graphique de la logique sur laquelle il travaillera jusquagrave la fin de sa vie deacuteveloppant
une logique philosophique en continuiteacute avec la seacutemiotique et le pragmatisme
Plusieurs autres deacuteveloppements de la logique de Peirce confirment son rocircle de
pionnier de la logique moderne bien quils soient resteacutes inaperccedilus jusquagrave reacutecemment
dont notamment la conception dune logique agrave trois valeurs de veacuteriteacute et dune logique agrave
opeacuterateur unique (barre de SchefTer) de mecircme que la deacutecouverte du lien agrave la base de la
computation en informatique entre les fonctions de veacuteriteacute et le fonctionnement des
circuits eacutelectriques La preacutesentation du systegraveme des graphes existentiels eacutevoque par
ailleurs la seacutemantique des jeux contemporaine et la theacuteorie des modegraveles par son
utilisation de personnages conceptuels en dialogue clans un univers du discours
alteacuterable Je minteacuteresserai cependant avant tout dans cette section aux graphes
existentiels et ce quils repreacutesentent comme deacuteveloppement de la notation logique un
type de systegraveme deacutecriture propre au langage formel de la logique
L eacutelaboration des graphes existentiels repreacutesente lin deacuteveloppement majeur
52
dans lhistoire de la logique de Peirce que nous poulTlons appeler son laquotournant
seacutem iotiqueraquo Il 1nsatisfa it par laspect sym bol iq ue de la notation a19eacutebrique de la
logique Peirce cherche agrave eacutelaborer une notation qui soit davantage iconique refleacutetant le
mode de repreacutesentation le plus eacuteleacutementaire de linfeacuterence logique Degraves 1882 il
commence agrave deacutevelopper une notation diagrammatique sinspirant probablement des
travaux de ses collegravegues agrave Johns Hopkins James J Sylvester et William K Clifford
qui utilisaient deacutejagrave des diagrammes chimiques pour repreacutesenter des invariants
algeacutebriques Un essai similaire par Alfred Bray Kempe publieacute en 1886 le pousse agrave
poursuivre ses recherches sur la notation diagrammatique surtout de 1889 agrave 1896 ce
qui megravenera agrave la publication en 1897 dun article sur la logique des relatifs utilisant
une notation diagrammatique (CP 3456-552 1897) quil appellera plus tard
reacutetrospectivement les laquographes dentiteacuteraquo (enlilolive grophI) Certaines caracteacuteristiques
cie la logique algeacutebrique rendaient lexpression des propositions existentielles difficile
et la quantification universelle seacutetait alors imposeacutee naturellement comme plus
fondamentale la quantification existentielle eacutetant deacutefinie par deacuterivation Dans les
graphes dentiteacute les deux types de quantification prennent une importance eacutegale leur
deacutefinition reacuteciproque eacutetant rendue plus explicite par la repreacutesentation graphique Les
signes deacutesignent clairement des propositions et non des classes et lopeacuteration de
disjonction avec la neacutegation remplace la relation transitive dinclusion utiliseacutee dans la
logique algeacutebrique La juxtaposi tion de termes su r une feu iIle d asseltion repreacutesen te la
disjonction lencerclement dun terme sa neacutegation et un point ou une ligne relieacutee agrave
des termes la relation entre ceux-ci Peirce ne resta cependant pas longtemps satisfait
par les graphes dentiteacute el rapidement apregraves la publication de larticle de 1897 la
duale de ce systegraveme les graphes existentiels simposa constituant la base deacute1initive
de la notation diagrammatique que Pe irce deacuteve loppa et ra tli na jusquagrave la fin de sa vie
Les graphes existentiels prennent ainsi pour connecteur primitif la conjonction avec la
neacutegation et pour quantification implicite et fondamentale la quantification
existentielle agrave partir de laquelle la quantification universelle est deacuteriveacutee La
juxtaposition de termes en vient agrave repreacutesenter la conjonction et lexistence est
Il I)es exemples de grlphcs S0l11 ()Uliumllis iJ 1I1ncc
53
reconnue implicitement par la seule preacutesence de la feuille dassertion comme univers
du discours agrave deacuteterminer par des inscriptions
Peirce preacutesenta dabord Je systegraveme des graphes existentiels en parties Alpha
Beta et Gamma correspondant respectivement agrave la logique des propositions la
logique des preacutedicats du premier ordre et leurs extensions dans la logique des preacutedicats
du deuxiegraveme ordre et la logique modale (CP 4394-5291903) Il deacuteveloppa par la suite
une approche unifieacutee ou les parties ne sont plus distingueacutees les principes
fondamentaux de la logique deacuteductive eacutetant les mecircmes dans les di fleumlrentes versions
deacuteveloppeacutees et ne faisant que se complexifier (CP 4530-72 1906) le retiendrai
lapproche par parties puisque cest celle que les commentateurs ont deacuteveloppeacutee en
la torrilalisant dans le sens de laxiomatisation de la logique contemporaine La
preacutesentation du systegraveme des graphes existentiels chez Peirce suit un ordre semblable agrave
celui de l ax iomatisation de la logique moderne Elle n est pas agrave proprement dit
axiomatiseacutee mais su it un ord re rigoureux deacutemontrant un certa in degreacute de forma 1isation
Un vocabulaire est tout dabord eacutetabli puis des regravegles de formation (deacutefinitions) sont
formuleacutees de mecircme que des regravegles de transformation (regravegles diumlnfeumlrence) Il ny a pas
vraiment daxiome dans les graphes existentiels si ce nest que la teuille dassertion
sert de point de deacutepart agrave lanalyse cest-agrave-dire quune inscription Sur la feuille de
travail repreacutesente une assertion dans lunivers du discours quantifieacutee existentiellement
de fagraveccedilon implicite Le travail danalyse consistera agrave traduire les arguments du discours
dans la notation des graphes existentiels deacutecouvrant ainsi les inteumlrences les plus
simples du raisonnement puis agrave etfectuer des transformations sur les graphes pour en
tirer des conclusions quant aux conseacutequences possibles du raisonnement
La partie Alpha repreacutesente la logique des propositions non analyseacutees Il est
inteacuteressant de noter que la quantitication implicite par la situation dans un univers du
discours vague agrave deacuteterminer par des assenions implique eacutegalement lanalyse
l ~I preacutesenl8tion lorl11elle de 1~I s nllse d 1 1phu et ~3et1 selon Sh in (2002) l110d i lieacutee est lltllIrn ie en lnncse
54
potentielle des propositions Alpha megravene agrave Beta et les deux parties sont mecircme
eacuteventuellement unifieacutees en un seul systegraveme Le voceacutelbulaire dAlpha est composeacute de
symboles propositionnels de leacutel coupure (C1I1 symbolique) et implicitement de la
juxtaposition (quasi-iconique) Les regravegles de transformation comprennent trois
opeacuterations possibles portant sur le vocabulaire eacuteleacutementaire qui repreacutesentent les
opeacuterations rondamenteacutelles de la logique deacuteductive Ces trois eacutetapes du raisonnement
sont deacutefinies dans Ialticle laquoSymbolic Logicraquo du dictionneacutelire Baldwin comme eacuteteacutelnt la
reacuteunion (Coligoliol1) liteacuteration et leffacement (CP 4372-93 1902) Elles sont
ailleurs deacutefinies sommairement comme suit
[Deductive reasoning] 1 have ascertainecl can be reduced to three kinds of steps
The first consists in copulating separate propositions into one compound
proposition The seconcl consists in omitting something Irom a proposition
withollt possibility of introdllcing errol The third consists in inserting something
into a proposition witholll introdllcing error (EP2 213 1903)
La partie Beteacutel du systegraveme repreacutesente leacutel logique des propositions analyseacutees ou
logique des preacutedicats du premier ordre et constitue une extension dAlpha dont
Iajout principal du point de vue notationnel est la ligne didentiteacute La preacutesentation
formelle du systegraveme doit donc en plus treacuteliter des modifications de graphes avec ligne
d identi teacute Le voceacutelbuleacutelire de Beta est com poseacute de sym bo les de sujets de la coupu re
(symbolique) de la ligne didentiteacute (iconique) et implicitement de la juxtaposition
(quasi-iconique) Les regravegles de transformeacuteltion sont modifieacutees afin de comprendre la
ligne didentiteacute mais comportent toujours les trois opeacuterations fondeacutelmentales Les
opeacuterations suppleacutementeacutelires consistent agrave joindre ou disjoindre les lignes didentiteacute agrave en
dessiner ou en effacer et agrave les eacuteliionger ou les reacutetracter agrave travers les aires deacutefinies par les
cou pures ce qui ne consti tue quune extension des trois opeacuterations fondamenta les
Les commentateurs (Roberts 1973 Shin 2002) interpregravetent les symboles de
Beta comme des preacutediceacutelts (Shin les nomme prcdicolcSYl1lbos) mais il sagit bien
plutocirct de sujets alors que la ligne didentiteacute repreacutesente le preacutediceacutelt geacuteneacutereacutell de la
55
proposition analyseacutee en ses eacuteleacutements les plus simples la relation didentiteacute Cette
ideacutee essentielle agrave la logique de Peirce est une innovation de sa logique des relations
(voir entre autres CP 3467 1897 CP 4403-8 1903 EP2 208-25 J903) Lanalyse
logique par les graphes existentiels est sous cet aspect la duale visuelle de lanalyse
seacutemiotique plus informelle en termes de rhegraveme proposition et argument (le rhegraveme
eacutetant alors une proposition dont les sujets logiques sont remplaceacutes par des espaces
vides ne montrant ainsi que la relation preacutedicative subsistante)
Les deux principaux aspects seacutem iotiques de la notation algeacutebrique sont sa
symboliciteacute soit que la signification est deacutetermineacutee par convention et sa lineacuteariteacute qui
repreacutesente une surdeacutetermination de la notation dun point de vue iconique Lalgegravebre
est constitueacutee dune seacuterie de symboles dont il faut apprendre le sens qui leur a eacuteteacute
assigneacute de faccedilon arbitraire La compreacutehension de la notation algeacutebrique demande donc
un investissement suppleacutementaire de la part de linterpregravete dont la propre intention
de mecircme que celle du signe ne sufiisent pas De plus 18 quanti fication existentielle est
plus ditlicile agrave repreacutesenter que luniverselle dans lalgegravebre logique agrave cause du caractegravere
symbolique de la notation D8ns lalgegravebre de la logique la signification est assigneacutee par
convention aux termes de la notation exprimant lideacutee que la regravegle impose la
signification avec necessiteacute La quantification universelle en deacuteterminant lextension
entiegravere dune variable implique de faccedilon analogue que la signific8tion soit assigneacutee agrave la
variable neacutecessairementVx (Fx) F(x) 1 1 F(x) La symboliciteacute du symbole l 1
repreacutesente en quelque sorte un diagramme de luniversaliteacute de la quantification
universelle La quantification existentielle implique plutocirct quil puisse y avoir
plusieurs significations possibles assigneacutees agrave la variable dont au moins une satisfait agrave
la proposition 3x (Fx) F(x) V V F(x) La deacutefinition reacuteciproque nest pas non=1 n
plus eacutevidente dans la notation algeacutebrique car la porteacutee des quanti [icateurs en tant que
symboles est deacutetermineacutee de faccedilon arbitraire par convention Laspect symbolique
bien queacutetant peu eacuteconomique au niveau cognitit~ permet toutefois une assignation
preacutecise de la signi fication aux termes de la notation
56
La notation algeacutebrique comporte aussi dans sa lineacuteariteacute un aspect iconique
contingent qui impose des contraintes suppleacutementaires agrave liumlnterpreacutetation Lordre
syntaxique surdeacutetennine la seacutemantique et il faut par conseacutequent la corriger en ajoutant
des regravegles diumlnfeacuterence suppleacutementaires Par exemple dans le cas de lopeacuteration de
conjonction (p A q) lordre lineacuteaire de la formule imposeacute par la notation constitue
une contrainte non neacutecessaire quil faut corriger en ajoutant une regravegle dinfeumlrence
explicitant la commutativiteacute de lopeacuteration (p A q) (q A p) Il en est de mecircme
pour la reacuteiteacuteration des variables dans les formules quantifieacutees Par cxemple dans la
formule existentiellement quantifieacutee 3x (Fx A Gx) la notation algeacutebrique lineacuteaire
contraint agrave reacutepeacuteter dans une Illecircmeformule plusieurs occurrences de la variable x qui
ne deacutesigne dans les fagraveits quun seul type de variable La regravegle implicite consiste ici agrave
distinguer les occurrences particuliegraveres de la variable de leur type geacuteneacuteral
Sous laspect symbolique fort et la surdeacutetermination iconique se trouvent
cependan t c1es aspects diagrammatiques plus fondamentaux qu i partic ipent de lagraveccedilon
adeacutequate agrave la signification Le deacutecoupage visuel opeacutereacute par lalgegravebre est plus net que
clans le langage informel de la langue usuelle et repreacutesente de faccedilon plus adeacutequate la
structure logique du langage Les preacutedicats F et G sont ainsi nettement distingueacutes du
sujet logique repreacutesenteacute par la variable x ce qui permet lanalogie entre les relations
propres agrave la structure logique de la proposition analyseacutee et les relations entre termes
de la not3tion logique Laspect iconique simplifie la mise en relation dela notation et
du langage et augmente en ce sens lefficaciteacute de la notation dans sa fonction de
repreacutesentation
Compareacutee agrave la notation algeacutebrique la notation logique des graphes existentiels
exploite plus agrave fond les difteumlrents aspects de la repreacutesentation distingueacutes par la
seacutemiotique en tant que grammaire speacuteculative Le systegraveme des graphes existentiels est
un systegraveme de repreacutesentdtion heacuteteacuterogegravene cest-agrave-dire quiumll fait appel agrave plusieurs
aspects clu signe dans sa relation agrave lobjet il est agrave la fois iconique et symbolique Dans
57
le deacuteveloppement de sa not8tion logique et mecircme dans le passage des graphes dentiteacute
aux gr8phes existentiels Peirce transform8 des eacuteleacutements symboliques en eacuteleacutements
iconiques mais non Jinverse Il tendait donc vers une repreacutesentation davant8ge
iconique de 18 logique
Certains aspects des graphes existentiels sont imparJagraveitement iconiques La
juxtaposition de propositions sur une feuille d8ssertion repreacutesente la conjonction de
ces propositions Elle ressemble fortement il 18 conjonction de deux objets dans le
monde actuel mais le caractegravere neacutecessaire de la conjonction comme opeacuteration logique
nest pas repreacutesenteacute et la notation par juxt8position est donc 8umieux quasi iconique
La notation de la neacutegation par encerclement est suggestive dune discontinuiteacute par
rapport au reste de lunivers du discours surtout dans son interpreacutet8tion comme
laquocoupureraquo mais reste principalement symbolique car le lien effectueacute avec la neacutegation
logique demeure contingent Liconiciteacute est surtout preacutesente dans la notation du
preacutedicat logique par une ligne didentiteacute dans 18 notation dune 8ssertion quantifieacutee
existentiellement de faccedilon implicite au sein de lunivers du discours par linscription
dun graphe sur la feuille dassertion et dans lexpression de la porteacutee des
quantificateurs soit leur ordre dapplication dans la notation algeacutebrique
Les relations sont plus difficiles agrave repreacutesenter dans un systegraveme graphique que
les proprieacuteteacutes Les diagrammes de Venn par exemple ne permettent pas de
repreacutesenter des relations mais seulement des proprieacuteteacutes Peirce a donc creacuteeacute le signe de
la ligne didentiteacute afin de repreacutesenter gr8phiquement des relations La relation
didentiteacute dun individu 8vec lui-mecircme est repreacutesenteacutee de faccedilon iconique par la
continuiteacute de la ligne didentiteacute Luniciteacute de lune renvoie agrave luniciteacute de lautre Cette
caracteacuteristique permet deacuteviter la reacuteiteacuteration des variables tcl que le neacutecessite
inadeacutequ8tement lalgegravebre logique I~a quantific8tion existentielle est repreacutesenteacutee
implicitement de fagraveccedilon iconique par la seule p-eacutesence dune fcuille dassertion dont
lespace deacutecriture est agrave deacuteterminer par des inscriptions de la mecircme faccedilon que
S8
lunivers du discours est agrave deacuteterminer par des assertions et des mises en relation
Lordre de porteacutee des ditTeacuterents quantiticateurs est repreacutesenteacute iconiquelllent ugrave laide
dune proprieacuteteacute topologique de la notation graphique moins la partie exteacuterieure dune
1igne didentiteacute est encerc leacutee p lus large est la porteacutee de la 1igne Il sensu it un princ ipe
de lecture laquoendoporeutiqueraquo de lexteacuterieur du graphe vers linteacuterieur de la ligne
didentiteacute de plus grande porteacutee ugrave celle de moindre porteacutee
La lecture endoporeutique peut ecirctre lourde car elle sapplique agrave tous les
deacutetails rencontreacutes dans la lecture elle-mecircme contrainte par un ordre imposeacute Elle est
simplifieacutee par une lecture de forme normale neacutegative qui reacuteduit la formule ugrave des
neacutegations de propositions et non dopeacuterations et par la lecture des rouleaux (scro)
comme conditionnels (voir lannexe 1) Peirce ne cherche cependant pas ugrave eacuteliminer des
eacutetapes dans la lecture et favorise lapproche endoporeutique car il conccediloit la logique
comme une analyse du raisonnement et non un calcul La logique doit analyser le
raisonnement en ses plus petits eacuteleacutements des arguments aux propositions aux termes
eacuteleacutementaires de linfeacuterence (les rhegravemes) La notation logique la plus adeacutequate
repreacutesente le raisonnement ugrave laide des signes les plus simples les icocircnes et non
seulement des indices ou des symboles Le caractegravere principal du raisonnement comme
processus actuel eacutetant de plus la relation lhypoicocircne le plus adeacutequat est donc le
diagramm e
En tin de com pte le mei lieur systegraveme de repreacutesen tation sera it heacuteteacuterogegravene
Ainsi liconiciteacute permet une repreacutesentation agrave un niveau plus intuitif et rend le
systegraveme de repreacutesentation plus efticace Elle laisse cependant une possibiliteacute derreur
dans linterpreacutetation car lassignation intuitive de la signitication est vague impreacutecise
La symboliciteacute permet une plus grande preacutecision car la relation de signification est
tixeacutee par des conventions arbitraires (stipulation) qui contrecarrent nos intuitions
pouvant fausser la repreacutesentation La symboliciteacute permet de la sOlte une geacuteneacuteralisation
rigoureuse de linterpreacutetation Le langage symbolique est eacutegalement plus tagravecile agrave
59
formaliser pUisque les regravegles syntaxiques et seacutemantiques sont stipuleacutees Il felUt
toutefois apprendre les symboles ce qui implique un plus grand investissement de 13
p8rt de linterpregravete Le jeu est agrave faire entre lintuition de liconique et ]3 preacutecision du
symbolique dans un systegraveme de repreacutesent3tion f3isant 3ppel aux deux 3spects du
signe selon les buts que on assigne au systegraveme de repreacutesentation Un examen des
aspects mod3ux de la signification est eacutegalement eacuteclairant Dans le passage de lalgegravebre
logique 3UX gr3phes existentiels Peirce a eacutelimineacute les regravegles suppleacutement3ires
contingentes du symbole inadeacutequat (lalgegravebre ineacute3ire) pour ne gmder que les regravegles
neacutecessaires du symbole adeacutequat (le voc3bulaire eacuteeacutement3ire des graphes) La
contingence du symbole in3deacutequ3t deacutecoulait plus fondamentalement de limpossibiliteacute
de son aspect iconique sous-jacent (les contr3intes de la lineacuteariteacute limpossibiliteacute de
repreacutesenter des qualiteacutes de lobjet par ces qualiteacutes clu signe) La repreacutesentation la plus
adeacutequate dun objet 3ctuel exploite donc les mod31iteacutes positives regravegles neacutecessaires du
symbole qU31iteacutes possibles de licocircne et cherche agrave eacuteviter les modaliteacutes neacutegatives
regravegles contingentes du symbole qualiteacutes impossibles de licocircne l
Dans le cadre de la logique peirceacuteenne la notation logique doit permettre de
deacutecomposer les arguments en leurs termes eacuteleacutementaires et laspect iconique est donc le
plus important cm il permet de fagraveire ressortir le niveau le plus intuitif du
raisonnement Le diagr3l11me en p3rticulier permet de repreacutesenter les relations
eacuteleacutementaires agrave la base du processus dinfeacuterence Toutefois il est inteacuteress3nt de noter
que les graphes existentiels se precirctent 3ussi bien au calcul logique Avec peu ou pas
daxiomes un certain nombre de regravegles de translormation pouvant ecirctre reacuteinterpreacuteteacutees
Un ltlutrc cClllrlc hors UU cnurc UC la notation logiquc rcut conlirlllcr plus alanllintuition UCS Illoualileacutes Disons gue ie IllC legravevc cc Illatin cl que const~l~lnt ln tcmreacuteraturc hivermllc UC Montreacute81jc uisc laquol1nT il lilit lroidiraquo Iinterjection middotlhIT lCUL sClllhlcr contingente CZlI iumlai ~lrlllis uans Illa rrOlllC culturc Ugrave cplil11cr Zlinsi Illa lcncontrc avec le [miu (rm cc )IIhoe) et il ncst ras neacutecessaire guune autre relsonne ue culture Liilleacutelcnte ilronaise uisons ScplilllC ainsi VIais celtc erlCssion nest ras que contingClltc ellc est ~Iussi uZlns son caraelegravelC llus ()nualllentai dOIlOIllZltOreacutee (iconiqlle) une rossibiliteacute rhoneacutetique uc Illa langue que lmltrc rerSOllnC Iaromise Ilaurait ru pmllollcel ualls SI rmrre langue le 1 lr~illccedillis (UI ulairc lOuleacutee) n) cistant PIS (plutocirct unc ail eacuteolaire lihlIlte ou
hittue G~) Q tt ~) Lie Illecircllle que la concateacutenation consonncconsonlle (lcnchaIcircnemCllt nOliumllli1 est
(voycllc) consollnCIO) clic saul pour la nasale Iv ct 1IITecirct glotal J)
GO
de mecircme que la possibiliteacute de plusieurs lectures formaliseacutees en algorithme les graphes
existentiels ressemblent agrave un systegraveme de deacuteduction naturelle appliqueacute au calcul Leur
vocabulaire limiteacute permet de saisir facilement lessence du raisonnement par
lexploitation des divers aspects seacutemiotiques de la notation graphique et donc de
reacutefleacutechir agrave la fois sur la logique et de lutiliser Lheacuteteacuterogeacuteneacuteiteacute du systegraveme assure sa
polyvalence Finalement que diverses lectures des graphes permettent de retracer
plusieurs chaicircnes dinfeacuterence et de mieux saisir toute la signification dune proposition
ou dun argument va dans le sens du pragmatisme bien que ce ne soit pas labduction
mecircme qui soit repreacutesenteacutee mais une seacuterie de deacuteductions possibles
2 Seacutenliotique et theacuteorie de leacutecriture
The author (though with no pretension ta being a iinguist)
has fumbled the grammars of many languages in the search
ror a language constructecl at ail in the way in which the
logicians go out or their way ta teach that ail men think
(rOI even if they do sa that has reall) nothing ta cio with
logic) (EP2 285 1903)
Les manuscrits de Peirce contiennent de nombreuses eacutetudes linguistiques (MS
1135-1261) ainsi sur le vocabulaire de la philosophie lorthographe anglaise la
ponctuation etc ce qui teacutemoigne de linteacuterecirct que lauteur portait agrave leacutetude des langues
Sa logique eacuteventuellement deacuteveloppeacutee en seacutem iotiq ue fou rn it aussi des pri nc ipes
tondamentaux aux sciences du langage et constitue en cela une philosophie du langage
Peirce fait lui-mecircme le lien entre la seacutemiotique et leacutetude des langues en illustrant la
premiegravere agrave laide dexemples tireacutes de la seconde tels que des points de grammaire Il
ne siumlnteacuteresse cependant pas au thegraveme de leacutecriture proprement dit bien que ses
consideacuteralions sur lorthographe anglaise sen rapprochent et il revient donc agrave
1iuml nterpregravete de deacuteve lopper dans son travai 1exeacutegeacutetique la seacutem iotique dans le sens d une
science de leacutecriture L application de la seacutemiotique agrave leacutetude de leacutecriture
constituerait dans son moment paradigmatique une theacuteorie de leacutecriture et cest ce
passage dune science agrave lautre que janalyserai et critiquerai dans ce chapitre en tant
que problegraveme speacutecitlque du meacutemoire Lhypothegravese de deacutepart est que la theacuteorie
geacuteneacuterale cles signes fou lIl it les pri nc ipes directeurs cIune eacuteventuelle theacuteorie de
Imiddoteacutecriture Il sagira alors de preacuteciser cette assertion en cherchant les nuances agrave accorder
agrave la geacuteneacuteraliteacute cie la seacutemiotique clans le contexte envisageacute Je tacirccherai pour cela de
deacuteterminer quels concepts cie la grammaire speacuteculative seraient les plus teumlconds pour
une eacutetude de leacutecriture en examinant le cas de leacutecriture japonaise quels types
diumlnteumlrence seraient utiliseacutes dans lapplication de ces concepts agrave lobjet speacutecil-Ique
eacutetuclieacute et en quoi le pragmatisme peut fournir le principe directeur geacuteneacuteral de cette
recherche
62
21 Theacuteories linguistiques de leacutecriture japonaise
La langue japonaise utilise un systegraveme deacutecriture traditionnellement composeacute
de trois types de caractegraveres soit un ensemble de caractegraveres dorigine chinoise les
konji et deux syllabaires de creacuteation japonaise les hirogono et kOlokono nommeacutes
geacuteneacuteriquement kono La langue eacutecrite contemporaine a aussi assimileacute les chiffres arabes
et lalphabet latin le rOcircJ71oji La richesse dans la diversiteacute de ce systegraveme deacutecriture en
fait un objet seacutemiotique particuliegraverement inteacuteressant agrave eacutetudier par la complexiteacute des
relations de signification qui peuvent sy deacutevelopper Je preacutesenterai reacutecriture
JaponaIse en me concentrant selon rapproche geacuteneacuterale de la linguistique sur son
aspect orthographique entendant par la notion dorthographe agrave la fois la construction
des graphegravemes et leur disposition textuelle selon un ensemble de conventions
Lexposeacute fera ressorti l certaines des re lations de sign i lication rendues possi bles par
laspect graphique de leacutecriture japonaise ce qui megravenera agrave lanalyse seacutemiotique
critique de la prochaine section
Le statut des caractegraveres dorigine chinoise en japonais nommeacutes konji fait
lobjet dune poleacutemique aupregraves des linguistes Il sagit de comprendre ce que ces
caractegraveres repreacutesentent exactement mais comme nous le verrons leur signification en
est plutocirct une agrave multiples visages Les caractegraveres dorigine chinoise utiliseacutes dans la
langue japonaise peuvent ainsi ecirctre consideacutereacutes agrave la fois comme des logogrammes
deacutesignant des mots entiers des phonogrammes deacutesignant des uniteacutes de son et des
morphogrammes deacutesignant des morphegravemes La notion dIdeacuteogramme selon laquelle
les caractegraveres repreacutesenteraient chacun une ideacutee est maintenant rejeteacutee (DeFrancis
1984 Unger 2004) r uti 1iserai ic i le terme konji car il possegravede une sign i lication moins
deacutetermineacutee qui renvoie agrave lhistoire plutocirct quagrave la logique de repreacutesentation
II existe quatre grands groupes de konji pictographiques diagrammatiques
63
seacutemantiques composeacutes et phoneacutetico-seacutemantiques Les caractegraveres pictographiques
repreacutesentent leur objet en vertu dune ressemblance graphique avec ce dernier Ils onl
eacuteteacute de plus en plus styliseacutes avec leacutevolution de leacutecriture tout en conservant un lien
eacutetymologique avec leur origine Des exemples de ce type de caractegravere sont ~ ko
enfant 0 kIchi bouche LJ yal71a montagne Les caractegraveres diagrammatiques
lepreacutesentent leur objet dune Faccedilon similaire au premier groupe par une ressemblance
de la relation entre leurs eacuteleacutements graphiques avec les relations propres il la notion
repreacutesenteacutee Des exemples de ce type de caractegravere sont t Ile en haut T lhia en
bas Ces deux groupes de kan)i primitifs sont les moins nombreux de la langue
Japonaise Les kan)i seacutemantiques composeacutes sont quant agrave eux constitueacutes deacuteleacutements
simples dont la combinaison de sens donne la signification de la notion repreacutesenteacutee
par exemple B hi soleil et ~ luki lune donnent BEj mei lumiegravere Les caractegraveres
les plus nombreux sont cependant les kan)i phoneacutetico-seacutemantiques qui comportent agrave
la fois un eacuteleacutement donnant Je son et un ou plusieurs eacuteleacutements donnant le sens Par
exemple le caractegravere repreacutesentant la langue (tIcircanccedilaise japonaise etc) ~g go est
composeacute des eacuteleacutements seacutemantiques sect k mot et 0 kwhi bouche et de leacuteleacutement
phoneacutetique Ji go (cinq mais seul le son est retenu et non le sens)
Les kan)i complexes sont construits par lajout dun ou plusieurs eacuteleacutements
secondaires deacuteterm inants en geacuteneacutera 1les eacuteleacutements seacutemantiq ues il un eacuteleacutemen t pri nci pa 1
deacutetermineacute en geacuteneacuteral leacuteleacutement phoneacutetique Les ditleumlrents types deacuteleacutements
correspondent il difleumlrents lieux dinsertion dans la structure des caractegraveres La
composition des eacuteleacutements secondaires avec leacuteleacutement principal est ainsi reacutegleacutee de fagraveccedilon
il respecter des contraintes dmiddoteacutequidimensionaliteacute Ces contraintes assurent lharmonie
des proportions de leacutecriture Une autre contrainte deacutecriture de tous les types de
Ccttc clilssiliumlciltion contcmroraille est deacuteriveacutec dune CI~lssiliumleltioll traditionnelle chinoise Cil si classes ue earaetegraveles ueacuteiugrave rreacutesellc dalls le 51110 11e17 jie~i dietionll~lilc eacutetymologiquc Jc Xu Shcn Cl8tlllt du Jcuiegraveme siegraveelc ue Ilotre egraverc (Coull11JS 1080 Kcss ct Miyal11oto 10(9) LI lislc ues j()45
k(l7ji usucls dont lcmploi cst lccommJndeacute par le goucrllemclltiapollais cst ()urnic ugrave ImiddotAllncc 2
64
kanji mais aussi des kana est lordre de traccedilage des traits des caractegraveres en geacuteneacuteral de
haut en bas de gauche agrave droite et de lexteacuterieur vers linteacuterieur Finalement les kani
possegravedent deux types de lectures possibles par le son et par le sens chacun pouvant
ecirctre unique ou multiple La lecture par le son eacutequivaut dans une prononciation
japoniseacutee aux mots chinois dorigine chaque caractegravere repreacutesentant une syllabe
chinoise (souvent en mots composeacutes tels que ILjjij hinzocirc lorgane du cœur) tandis
que la lecture par le sens correspond aux mots japonais exprimant ce sens (IL kokoro
cœur esprit acircme) La lecture par le son est particuliegraverement utiliseacutee atin de
construire cie nouveaux mots les mots composeacutes cie plusieurs kani (par exemple tfu
Ficirc~ chi-ka-lelU (chemin de) fer souterrain cest-agrave-dire le meacutetro) qui permettent de
deacutevelopper le lexique de la langue par les ressources graphiques de leacutecriture
Toutefois les diffeumlrentes combinaisons cie lecture (aussi bien que de types deacutecriture)
possibles se retrouvent actuellement dans la langue japonaise eacutecrite Les multiples
lectures possibles contribuent donc agrave la difficulteacute dutilisation de leacutecriture japonaise
tout aussi bien quagrave sa richesse propre en tant queacutecriture lexicalement productive
La difliculteacute de deacuteterm iner exactement ce que deacutesignent les Iwni est eacutegalement
due aux diffeacuterentes possibiliteacutes de lecture Les caractegraveres chinois sont dans leur langue
dorigine des caractegraveres morphosyllabiques cest-agrave-dire des caractegraveres repreacutesentant le
plus souvent agrave la fois un morphegraveme pouvant ecirctre indiqueacute par un eacuteleacutement seacutemantique
et une syllabe pouvant ecirctre indiqueacutee par un eacuteleacutement phoneacutetique Cependant les
eacuteleacutements seacutemantiques nindiquent parfois que tregraves vaguement le sens quils ont pour
fonction de preacuteciser Le sens de la structure interne des caractegraveres nest alors
reconstruit que de faccedilon tregraves speacuteculative Dans dautres cas au cours cie assimilation
des caractegraveres dans une lecture par le son japoniseacutee la prononciation a changeacute agrave un
point tel que leacuteleacutement phoneacutetique en est clevenu insignifiant Par ailleurs certains
caractegraveres sont aussi des logogrammes puisque leurs lectures japonaises correspondent
agrave des mors complets pouvant ecirctre deacutecomposeacutes en plusieurs morphegravemes (par exemple
65
~~ honoshi converseacuteltion tandis que le verbe ~~9 honoS1l parler distingue la
terminaison 9 -Sil) Dautres ne repreacutesentent mecircme pas des morphegravemes (~laquo ~
lobeu manger le premier morphegraveme eacutetant ~laquo 10fJe- et non ~ 10-) mais seulement
des sons (un ou plusieurs phonegravemes)
Les syllabaires nommeacutes kono sont des creacuteations speacutecifiumlquementjaponaises
Ils ont tous les deux eacuteteacute formeacutes agrave partir de leacutecriture chinoise les kOlokona eacutetant de
forme plus angulaire deacuterivant chacun dune partie de caractegravere chinois et les hirogono
de forme plus cursive deacuterivant de caractegraveres chinois eacutecrits en style cursif Les
kOlokono ont eacuteteacute creacuteeacutes agrave lorigine a1iumln dannoter les textes eacutecrits en caractegraveres chinois
en leur ajoutant des eacuteleacutements grammaticaux preacutesents dans la langue japonaise et non
dans la langue chinoise tandis que les hirogono servirent plutocirct au deacutebut agrave lusage
quotidien tel la correspondance ainsi que dans la production de la premiegravere grande
litteacuterature j-eumlminine japonaise
Les kono correspondent en fait agrave des mores et non des syllabes ce dernier
terme eacutetant plutocirct la deacutesignation retenue par lusage en Occident La more est agrave la fois
un eacuteleacutement rythmique et un segment phoneacutetique donc une uniteacute de longueur alors que
la syllabe correspond plutocirct agrave une seule eacutemission de voix Chaque more a normalement
la mecircme dureacutee ce qui nest pas neacutecessairement le cas pour les syllabes Par exemple
le mot japonais pour journal L1v )~1v shillbun lorsqueacutecrit en kono ici en
hirogono est composeacute de quatre mores (L shi Iv nt )~ m Iv n) alors que nous ne
compterions que deux syllabes (Llvlhill )~Iv blln qui correspondent toutefois aux
konji du mecircme mot ~JTM) Les quatre mores cie L1v )~1v sont prononceacutees avec
presque la mecircme longueur tandis quun mot tel que syllabe il la double consonne se
deacutecompose en syllabes de dureacutees ineacutegales (syl- la- b(e)) La more comme eacuteleacutement
rythmique et segment phoneacutetique est de la sorte luniteacute de son conventionnelle de la
l UlltahlcClll des i0110 cie hase Cilmiddot cc Icm tllIlsiitleacutetatioll Cil r(jlJwji cst [()umi ugrave 1-illllcc 2
66
langue japonaise agrave laquelle correspond un kono Elle servira par ailleurs de mesure
prosodique agrave la poeacutesie
Dans la langue eacutecrite contemporaine Iusage des konji et kono est tixeacute selon
des fonctions propres Les konji logographiques sont utiliseacutes pour les mots et parties
de mots signifiants ou agrave contenu tixe tels les noms propres et communs et les racines
des verbes des adjectifs et des adverbes Leur alternance avec les deux syllabaires rend
le deacutecoupage du texte plus eacutevident et lespacement des mots non neacutecessaire le texte
japonais eacutetant continu et nayant recours quaux marques de ponctuation
Les kk(w servent agrave un usage similaire agrave celui des italiques de la langue
franccedilaise soit pour eacutecrire des mots dorigine eacutetrangegravere sauf les mots (surtout dorigine
chinoise) deacutejagrave eacutecrits en konji ou pour mettre de lemphase sur un ou plusieurs mots
dans une phrase Beaucoup de mots eacutetrangers sont en effet utiliseacutes dans une version
japoniseacutee par exemple ~9- nekllNi neckie ou I)J posocon persona
computer Les noms propres dorigine eacutetrangegravere sont eacutegaJementjaponiseacutes et eacutecrits en
koakono 1 middot1)[-1 Jan BOlIjon Jean Valjean Les kkono ont
comme particulariteacute de se ressembler fortement dans lems tormes angulaires J
Les hirogono sont quant agrave eux employeacutes pour le reste de leacutecriture de la langue
japonaise soit principalement les parties deacuteclineacutees des verbes des adjectifs et des
adverbes les particules enclitiques les inteljections et les conjonctions par exemple
la terminaison -219 kil710su dans W-2K9 kokil71oslI eacutecrire ou la particule
theacutematisante ft ho (prononceacutee exceptionnellement 10) dans ~ B [t konnichillo
bonjour Tous les konji peuvent ecirctre eacutecrits en hirugono bien que lutilisation cles
logogrammes teacutemoigne du niveau de richesse cie la langue eacutecrite Des hirogono
Voir Ic~ eltail~ dc IClc IllLlmis illnncc 2
67
minuscules placeacutes parallegravelement ltlUX kOl1ji les filrigono sont dailleurs utiliseacutes al-in
dindiquer la lecture phoneacutetique des textes destineacutes agrave lapprentissage scolaire ou de
certains caractegraveres peu communs des autres textes Les hirogono sont plus distincts
dans leurs formes cursives (pour les mecircmes mores que dans le paragraphe preacuteceacutedent)
Leacutecriture latine le n)lJ7oji a finltllement eacuteteacute introduite dans le contete de
linternationalisation du Japon moderne surtout commerciale et touristique Elle est
ainsi utiliseacutee dans la signalisation routiegravere laffichage publicitaire les noms de
compagnies commerciales etc Elle ltl pour particulariteacute de ressortir en tant queacutecriture
eacutetrangegravere au sein de leacutecriture ind igegravene japonaise
Pour conclure cette section je remarquerai que la complexiteacute de leacutecriture
japonaise pousse le lecteur agrave utiliser une multitude de voies daccegraves au sens des mots
eacutecrits (agrave ce sujet Kess et Miyamoto 1999) Liumlnformation peut ainsi ecirctre transmise
par les voies phonologique grapheacutemique kineacutetique ou directement seacutemantique Lune
et lautre de ces voies qui sont sans doute communes agrave toutes les langues eacutecrites sont
plus ou moins utiliseacutees selon le type deacutecriture et son contexte dutilisation Laspect
phonologique peut ecirctre favoriseacute dans la lecture de kono et des eacuteleacutements phoneacutetiques
de keJnji la voie grapheacutemique dans la lecture de cltlractegraveres pictographiques et
diagrammltltiques lltl voie kineacutetique dans la reconnaissance de lordre de traccedilage et lltl
voie seacutemantique dltlns lassociation du sens agrave la composante seacutemantique du caractegravere
non familier lors de lanalyse de ce dernier Un ensemble important de facteurs en
rapport au contete dutilisation est finalement la familiariteacute du lecteur et scripteur
avec les caractegraveres la reacutegulltlriteacute de correspondance de ces derniers au sens et au son
viseacutes ainsi que leur ti-eacutequence dans les tetes lus et eacutecrits trois points lieacutes agrave
lhabitude
68
22 Approche seacutemiotique de leacutecriture japonaise
L eacutecriture est pal10ut preacutesente dans notre socieacuteteacute contemporaine de lettreacutes el
nous y sommes habitueacutes Si bien quelle paraicirct seffacer dans Jexpeacuterience commune
que nous faisons du monde environnant et quelle ne semble pas se manifester pour
elle-mecircme Hormis les effets estheacutetiques explicites de la calligraphie lorsque nous
rencontrons un texte eacutecrit nous ne tenons pas compte le plus souvent de la lettre
traceacutee mais seulement du message veacutehiculeacute Leacutecriture tend en ce sens agrave la
transparence car nous ne prenons pas conscience de ses propres particulariteacutes bien
quelle en recegravele et nous en impose implicitement La science de leacutecriture cherchera ft
faire ressortir cet implicite par lequel leacutecriture structure la penseacutee lorsque cette
dern iegravere en fa it lexpeacuterience r abordera i dans cette section 1 eacutecriture en tant que
systegraveme de repreacutesentation grltlphique dont le but est de repreacutesenter le langage informel
de la langue usuelle Leacutecriture ainsi comprise sera contrasteacutee avec la notation logique
des graphes existentiels comme systegraveme de repreacutesentation graphique du langage
formel de la logique deacuteductive Mais tout dltIbord je deacutefinirai leacutecriture de lagraveccedilon
geacuteneacuterale afin de guider la caracteacuterisation suivante de leacutecriture ordinaire et plus
speacutecifiquement de leacutecriture japonaise par contrltlste avec la notation logique Le
retour critique sur lapplication theacuteorique effectueacutee permettra en dernier instant de
juger du bien-fondeacute de cette applic8tion de la seacutemiotique par une reacuteflexion eacutelaboreacutee agrave
partir des cateacutegories particuliegraveres de la signification
221 Theacuteorie geacuteneacuterale de leacutecriture comme signe
Quest-ce que eacutecriture La reacuteponse agrave cette question prendra pour point de
deacutepart la deacutetermination des caractegraveres essentiels de leacutecriture agrave partir desquels cette
derniegravere sera mise en lien avec le langltlge compris de ragraveccedilon geacuteneacuterale et les diffeacuterents
types speacutecifiques deacutecriture pour ensuite faire place ft une analyse de la ronction
69
1
interpreacutetative du signe eacutecrit Selon le linguiste Florian Coulmas leacutecriture comporte
trois caracteacuteristiques fondamentales (Coulmas J 989 17)
it consists of artificial graphical marks on a durable surl~1ce
2 its purpose is to commullicate something
3 this purpose is achieved by virtue of the meacutelrks conventional relation to
langueacutelge
Nous reconnaissons ici les constituants essentiels du signe soit le signe pris en son
fondement lobjet et linterpreacutetant chaque constituant eacutetant toutetois compris dune
faccedilon nuanceacutee caracteacuteristique du signe speacutecifique quest leacutecriture Au fondement de
leacutecriture en tant que signe se trouve sa preacutesence mateacuterielle condition formelle de la
repreacutesentation dun objet par le signe eacutecrit La signification est contrainte par la
preacutesence mateacuterielle du signe eacutecrit la matiegravere neacutetanl elle-mecircme rappelons-le quune
loliumlne contrainte par lhabitude L objet de leacuteCliture est pour sa parl agrave communiquer
et sa forme tient donc du langage et de tout ce que ce dernier permet dexprimer
(sentiment jugement argumcnt etc) Linterpreacutetant du signe consiste finalement en
une convention reliant les traces mateacuterielles de leacutecriture au langage repreacutesenteacute
La philosophie du langage contemporaine dexpression franccedilaise fait la
distinction entre le langage et la langue Dans une approche seacutemiotique de leacutecriture le
langage serait le systegraveme de signes tel que caracteacuteriseacute par la grammaire speacuteculative
tandis que la langue serait la langue usuelle dont leacutecriture serait un mode dexpression
deacutetermineacute Toutefois un approfondissement de lanalyse du cas de leacutecriture permet
de constater toute une gradation allant de la grammaire speacuteculative aux eacutecritures
speacutecifiques et finalement agrave la langue Selon Coulmas dun point de vue linguistique il
sied de distinguer le systegraveme deacutecriture du lype c1eacutecriture (script) el de lorthographe
de la maniegravere suivante (Coulmas 1989 38-9)7
- Le lCIiuml11C langlage Jeacutesigne ici la leacutell1gUC lmgllis ne laisltlnl pas la dilTeacutelcncc cnlre les Licu nolions
70
Writing system
Every writing system
selection of the linguistic
to be graphically re
(not language specifie)
makes
pres
un its
ented
a Word writing
Morpheille writing
Syllable writing
Phoneille writing
Phonetic writing
Script
Every script Illakes a speci lie Chinese script
selection of the possibilities of a Arabie script
given system in accordance with Greek script
the structu ra 1 conditions of a
given language
Orthograph
Every orthography Illakes a Ch ineseTa iwanese
speci fic selection of the orthography
possibilities of a script ~or Standard German
writing a particular language in a Swiss-Gellnan
uni ~orlll and standardized way ortho gra phy
Dun point de vue seacutemiotique plus englobant la gradation passant du langage formel agrave
la langue informelle comprendrait la logique en tant que grammaire speacuteculative la
deacutefinition geacuteneacuterale de leacutecriture en tant que signe le systegraveme deacutecriture le type
deacutecriture lorthographe la langue eacutecrite la langue parleacutee usuelle La logique en tant
que grammaire speacuteculative repreacutesente la forme du langage le plus geacuteneacuteralement
possible Les autres aspects du signe eacutecrit preacutecisent la signification en fonction du cas
actuel de leacutecriturc La deacute1inition de leacutecriture en tant que signe sapplique toujours au
niveau geacuteneacuteral du langage mais la distinction du type de systegraveme deacutecriture est deacutejagrave
propre agrave un niveau geacuteneacuteral de la langue deacutecoulant de lanalyse laquopar le basraquo des uniteacutes
linguistiques composant les langues des donneacutees propres agrave la science idioscopique de
la linguistique Les nivcaux suivants du type deacutecriture et de lorthographe son plus
speacuteci1iques aux langues eacutetudieacutees et leur distinction permet de deacutefinir plus exactement
71
les particulariteacutes dune eacutecriture Lorthographe repreacutesente ainSI la convention dune
eacutecriture propre agrave une langue speacutecifique
Cette analyse ne tient cependant compte que dun seul type dobjet du signe
eacutecritmiddot soit la langue parleacutee usuelle Leacutecriture peut aussi repreacutesenter dautres types
dobjet et une classification des types deacutecriture selon le type dobjet repreacutesenteacute
devrait distinguer au moins les trois types tondamentaux suivants formel tel que la
notation logique ou matheacutematique informel utilitaire repreacutesentant la langue parleacutee
usuelle et informel estheacutetique tel que dans la calligraphie Leacutecriture de type lormel
fait ressortir explicitement la forme geacuteneacuterale du langa~e agrave travers le 1ondement du signe
eacutecrit et permet ainsi de prendre conscience de la fonction repreacutesentative du langage
Elle engendre une interpreacutetation consciente du langage preacutecisant de faccedilon geacuteneacuterale la
signification Leacutecriture de type informel utilitaire fait ressortir implicitement la lorme
du langage propre agrave une langue deacutetermineacutee dans le fondement du signe eacutecrit Son but
premier nest pas de faire reacutefleacutechir sur le langage mais de communiquer le message
veacutehiculeacute par celui-ci Linterpreacutetation est alors dirigeacutee dans un sens deacutetermineacute par
leacutecriture sa tonction de repreacutesentation de la langue Leacutecriture de type informel
estheacutetique provoque pour sa part un sentiment agrave leacutegard de la forme de la
repreacutesentation le fondement du signe eacutecrit mais na pas pou l fonction prem iegravere de
faire reacutefleacutechir sur lobjet repreacutesenteacute Elle renvoie inconsciemment linterpreacutetation au
fondement du signe et reste vague quant au sens agrave lui donner
La consideacuteration du type dobjet repreacutesenteacute megravene agrave lanalyse de la fonction
interpreacutetative de Jeacutecriture Linterpreacutetant immeacutediat du signe eacutecrit le produit de
l eacutecri ture est une repreacutesen tation cie la langue usuelle moda1iseacutee se Ion les possi bi 1iteacutes
offertes par le tondement du signe soit la langue eacutecrite En tant quinterpreacutetant
dynamique leacutecriture preacutesente eacutegalement laspect dun processus qUI a cette
particulariteacute de mettre en lien plusieurs niveaux de la leacutealiteacute plusieurs eacutetats de la
lorme du langage Le signe eacuteClit est un acte psychique et physique laissant une trace
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mateacuterie Ile in lormeacutee pa rune forme speacutecifiq ue du langage la langue usue Ile ou les
expressions matheacutematiques etc Linterpreacutetant final le troisiegraveme aspect de la lonction
interpreacutetative de leacutecriture est son but son effet viseacute Agrave ce sujet on consiclegravere
souvent leacutecriture comme secondaire par rapport agrave la langue parleacutee comme si elle
deacutependait en tout de cette derniegravere Le but de leacutecriture serait de la sorte de repreacutesenter
la langue de la faccedilon la plus transparente possible en seffaccedilant elle-mecircme comme
moyen de la repreacutesentation Mais nous pouvons aussi renverser le point de vue et
faire remarquer que leacutecriture est dune aide des plus preacutecieuse agrave la repreacutesentation du
langage plus fondamental que la langue deacuteterminant mecircme par converse celle-ci
jusquagrave un certain point Le signe eacutecrit par les particulariteacutes de son fondement
permet dactualiser dans une langue eacutecrite certaines possibiliteacutes du langage que la
langue parleacutee usuelle a laisseacutees pour compte Ainsi Coulmas dit-il dans sa conclusion
laquoThe invention of writing is the answer to the limitations of speech to the here and
now Thus by acquiring a vritten form the expressive power of a language is realized
to a greater extent than it is in speech onlyraquo (Coulmas 1989 272) La perdurabiliteacute du
message eacutecrit ou sa transmission agrave distance en sont les avantages les plus
communeacutement eacutevoqueacutes mais son utiliteacute pour analyse formelle clans le cas de la
logique ou des matheacutematiques de mecircme que son pouvoir expressif estheacutetique dans le
cas de la calligraphie sont c1autres aspects que la formulation dune theacuteorie geacuteneacuterale de
leacutecriture comme signe permet de mettre en eacutevidence
Leacutecri ture sJisie en sync hlon ie nest pas un Jrgument car elle ne don ne pJS la
cleacute de sa propre interpreacutetation et son analyse dJns cette section sest donc limiteacutee agrave
une cmacleacuterisJtion geacuteneacuterale du signe eacutecrit dans les termes de la grJmmJire speacuteculative
Toutetoisle signe eacutecrit en ce quil preacutetend retleacuteter la structure du langage et plus
speacutec ifiq uement de la IJngue usue Ile com porte certJi ns Jspects sym bol iques et d icents
qui le rendent informatif et en appellent il une analyse logique critique Cest vers cette
critique logique que se dirigera lexamen de cas speacutecitiques dans la prochJine section
critique qui sera redoubleacutee pm la critique eacutepisteacutemologique suivante
73
222 Analyse seacutemiotique de leacutecriture japonaise
Leacutecriturejaponaise na pas le mecircme objet et ne poursuit pas le mecircme but que
la notation logique des graphes existentiels preacutesenteacutee au chapitre preacuteceacutedent Le but
principal de leacutecriture dune langue intonnelle telle que la langue parleacutee usuelle est de
communiquer efficacement linformation agrave distance dassurer la transparence du signe
eacutecrit et non de sarrecircter sur la repreacutesentation eacutecrite pour Imiddotanalyser alors que celui de
la notation du langage tormel de la logique est de permettre lanalyse du raisonnement
par le retour reacuteflexif sur le systegraveme de signes et la critique subseacutequente Les graphes
existentiels serviront dans cette section de point de repegravere et doutil agrave leacutelaboration
dune theacuteorie seacutemiotique de leacutecriture japonaise Le contraste entre les deux types
deacutecriture permettra aussi de mieux tagraveire ressortir les particulariteacutes de cette derniegravere le
deacutebuterai par lexamen de quelques points de grammaire pour ensuite deacuteterminer les
caractegraveres essentiels de reacutecriture japonaise L exposeacute passera ainsi dune analyse de la
gram mai re japonaise repreacutesentant la structu re de la langue usue Ile par l app 1ication de
la logique des relations agrave lanalyse de la grammaire telle que la langue eacutecrite la tagraveit
ressortir par lapplication de la meacutethode des graphes existentiels agrave labstraction de la
forme du langage propre agrave reacutecriture japonaise par lapplication de la theacuteorie
seacutemiotique au cas consideacutereacute Japprotondirai lanalyse jusquau niveau des dix classes
de signes et passerai au moment critique de la logique tout en gardant en vue les
principes directeurs du pragmatisme
La languejaponaise a ceci de particulier que le sujet grammatical peut ecirctre omis
de la phrase sa preacutesence implicite eacutetant alors reconnue par la situation dans le
contexte de leacutenonciation La grammaire japonaise dans la tradition de Mikami Akira
deacutefinit la structure eacuteleacutementaire du japonais selon un moti f diffeacuterent de la structure
sujet-verbe-objet typique du tranccedilais ou de Imiddotanglais La langue japonaise est plutocirct leacuteeri~ le~ noms japonais selon lusage soit le nOIll Je IUumlllli11c aClnt le pleacutenolllJe tiens les exelllpics selltlnt ~ liumlllustrltltion Jes points lie gralllllllire Jes courS Je langue iaponaise Jonneacutes pal Kana) a Takehi 10 il l LJ ni clsi leacute Je VIontreacutea 1 auquel je Jo is Iussi 1Cl leyon sur 18 glalll1ll8i le Je lvI ik81ll i ikira la pn~senlation de la grlllllllailC jlponaise Jlns celle ~eetion relegraveve eepenJlnl de Illlt pmplc interpreacutetation clu co llIS
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dite structureacutee selon un ordre thegraveme-commentaire OLI le sujet grammatical plutocirct
nommeacute laquothegravemeraquo pou l en distinguer la fonction na pas l im portance quon 1ui precircte
dans notre langue franccedilaise Cest que le japonais nest pas une langue du laquotaireraquo ct
~ sulu) comme le franccedilais mais une langue du laquoil y araquo (~~ (111) Les faits ( C
kaa) repreacutesenteacutes ne deacutependent pas neacutecessairement de choses (t 0) mono) qui les
accomplissent lis peuvent aliumliver par eux-mecircmes eacutetant alors seulement constateacutes par
le locuteur Le thegraveme nest pas neacutecessairement un agent il est plus essentiellement une
partie de la phrase mise en eacuteviclence (par la particule fJ ho prononceacutee 110) tel un
soleil levant (80)11 hi 10 l1Jolu -le roncl clu jour) eacuteclairant le reste de la phrase Il
peut ecirctre omis leacuteclaircissement venant alors du contexte de leacutenonciation Le
commentaire quant agrave lui se construit autour clu verbe clans les phrases verbales ce
centre restant v icle clans les phrases nom ina les sans la laquocopu leraquo C ~ ~ de 011 ou C
9 desu La phrase japonaise est clonc construite autour cie la base clu verbe situeacute agrave la
fin cie la phrase par lajout cIeacuteleacutements clont la fonction est speacuteci fieacutee par cles
particules cest une phrase en forme cie bonsaiuml (~t(X bonsoi bun) clans laquelle les
com mentai res-branches cl irigeacutes clans le sens cles particu les-tuteurs seacutelaborent agrave parti l
clu verbe-pot qui contient les racines cie la phrase Tanclis que la phrase franccedilaise est
construite agrave partir clu couple sujet-verbe clont le sujet est mis en eacuteviclence tel un arbre
cie Noeumll avec son eacutetoile-sujet au sommet son tronc-verbe et ses branches-objets ( 1)
A 7( A Y 1) - X kllli111l1l0SII IIIIii IWI1) Cest que le locuteur japonais ne prencl pas
clans le contexte cie sa langue un point de vue du dieu sur le moncle (f$0) El kmlli 10
me) slIb ljJecie oeemiois pourrions-nous dire le point de vue du grand architecte
celui qui construit le monde mais un point de vue de linsecte (RO) El lJ1ushi no JJle)
la petite becircte qui voyage sans lin agrave travers la surface de la terre Cette construction par
le bas de la grammaire sera agrave preacutesent formaliseacutee par la rencontre avec les principes
directeurs de la logique peirceacuteenne
75
La logique des relations de Peirce et son deacuteveloppement par la meacutethode des
graphes existentiels seraient en effet particuliegraverement adapteacutes agrave lanalyse de la
grammaire japonaise que le modegravele de la grammaire anglaise a tendance agrave brutaliser
Notons par ailleurs que lutilisation dune grammaire speacutecifique cOl11me modegravele dune
autre grammaire procegravede dune mauvaise meacutethodeutique La grammaire des langues
speacutecifiques doit plutocirct se fonder sur la grammaire pure ou speacuteculative de la logique La
meacutethodeutique bien penseacutee dun point de vue peirceacuteen implique que lon fasse se
rencontrer les principes de la logique et les donneacutees de la linguistique en tant que
scientifique-philosophe confrontant dans son expeacuterience ordinaire de la reacutealiteacute le
pheacutenomegravene de la langue japonaise
Chez Peirce il ny a ultimement dans lanalyse logique meneacutee agrave fond quun
preacutedicat geacuteneacuteral par proposition (repreacutesentant luniteacute conceptuelle de lEcirctre) et
plusieurs sujets qUI constituent des points dancrage dans la reacutealiteacute actuelle
(repreacutesentant le divers de la Substance) (EP2 208 1903 EP2 275-88 1903) Un
sujet peut aussi ecirctre laisseacute pour implicite seul le contexte de leacutenonciation permettant
alors la mise en situation (EP2 281-82 1903) Semblablement dans la langue
japonaise il ny a pas neacutecessairement de sujet actif se deacute1narquant le laquosujet
grammaticalraquo en tant que thegraveme du commentaire qui constitue le reste de la phrase
pouvant ecirctre omis Prenons comme exemple la phrase inaugurale du roman de
Kawabata (~OO Yllkigllni Pays de neige in Kawabata 1974 (1935) 7)
kllnizokoi rO rogoi orneII 110 nllkelIo ykigri de ullu
liontiegravere (particule 0) de) long tunnel (part ~ laquoobjet directraquo) eacutemerger de
(parI C lorsque) pays de neige (ltltcapu leraquo -r 17gt ) t laquoc eacuteta itraquo)
Le thegraveme de la premiegravere proposition nest pas un agent mais un contemplateur de
leacutetat de choses duquel il fagraveit paltie Il est laisseacute pour implicite dans le contexte de
leacutenonciation La distance entre leacutenonciateur et lobjet de son eacutenonceacute nest pas
76
ressentie de faccedilon aussi grande que dans nos eacutenonceacutes de langue franccedilaise ou anglaise
Des tentatives de traduction de cette phrase sans sujet actif seraient
laquoUne fois eacutemergeacute du long tunnel frontalier ceacutetait le pays de neigeraquo
(le plus litteacuteralement possible mais je dis tout de mecircme laquocea eacutetaitraquo ce qui nous
distancie de lobjet le pronom deacutemonstratif eacutetant toutefois un index agrave la fois
plus direct et discret plus transparent quun pronom personnel ou un nom
commun)
laquoUn long tunnel entre les deux reacutegions et voici quon eacutetait dans le pays de
neigeraquo
(trad Fujimori Bunkichi et Annel Guerne (1960) eacuteliminant le verbe mikeli
eacutemerger et utilisant le pronom indeacutefini lt(011 eacutetaitraquo)
laquoThe train came out of the long tunnel into the snov countryraquo
(trad Edward Seidensticker (1986) qui rajoute un sujet (troil1) et embrouille les
deux propositions)
Dans la phrase japonaise la copule peut eacutegalement ecirctre omise La logique de
Peirce permet de mieux expliquer ce que lon entend ici par laquocopuleraquo Prenons agrave ce
sujet la phrase-exern pie de M ikam i
~ fjll1J l 0
ZOcirc 110 hOl1o go l10gai
eacuteleacutephant (particule) trompe (particule) longue (deacuteclinaison de ladjectit)
laquoLeacuteleacutephant-lagrave [sa] trompe [est] longueraquo
Lanalyse de cette phrase selon la meacutethode des i Sdonne le diagramme suivant
1 est clair que la repreacutesentation de la relation didentiteacute implicite ne cause pas de
problegraveme puisque nous la retrouvons dans la quantification existentielle eacutegalement
implicite exprimeacutee par linscription mecircme de la ligne didentiteacute sur la feuille
77
dassertion La copule nest pas lagrave pourjoi nd re les eacuteleacutements de la ph rase mais pou l
speacutecitier la relation du terme qui la preacutecegravede avec les autres eacuteleacutements la relation
diumldentiteacute eacutetant plus fondamentale que toute expression speacutecitique telle quexprimeacutee
par la copule Elle servira plutocirct dindicateur du niveau de langage (honoritique C
~~ 9 de gozoil1loslI poli Cg desu style eacutecrit Cc10 Q de OlI neutre Uamilier)
t do) compleacutetant le commentaire Elle est omise au style neutre apregraves les adjectifs
situeacutes agrave la base du commentaire qui ont eux-mecircmes une fonction qualitative
prononceacutee Nous pourrions dailleurs lappeler plus justement un marqueur
dexistence quune copule Il faut dire agrave ce sujet que les grammairiens actuels (tels que
Shimamori 1997) distinguent plutocirct deux fonctions de Cg delu qui sont soit en tant
que copule de laquotransformer le nom preacuteceacutedent en eacutenonceacute minimal completraquo
(Shimamori 1997 17) dans lequel cas leacuteleacutement est indispensable soit devant un mot
qualitatif japonais (adjectif en ~ i) de laquosituer leacutenonceacute au niveau poliraquo (Shimamori
1997 27) dans lequel cas leacuteleacutement est tacultatif Linterpreacutetation ici proposeacutee eacutevite
le deacutedoublement de fonction du marqueur dexistence en expliquant lomission de
leacuteleacutement apregraves ladjectif dorigine japonaise par la marque de seconde intention la
fonction qualitative prononceacutee deacutejagrave preacutesente dans la tlexion adjectivale et ne
neacutecessitant donc pas de surenchegravere au style neutre (la notion de seconde intention
relative agrave la flexion est preacutesenteacutee ci-apregraves) Par ailleurs dans la logique des relations
non plus la copule explicite nest pas un eacuteleacutement du vocabulaire primitif il sagit
mecircme selon Peirce dune notion grammaticale latine tardive datant du Moyen Acircge le
verbe neacutetant pas dans le grec ancien ou le latin classique une composante essentielle
de la phrase (EP2 221 282 1903)
Le thegraveme est aussi convenablement deacutecentreacute par cette analyse cest-agrave-dire
situeacute comme un sujet de la proposition parm i dautres la fonction speacutecitique de
chaque eacuteleacutement eacutetant indiqueacutee par la particule qui lui est associeacutee (rd 1 0 et 1J go) ou
sa tlexion adjectivale (~ i) toutes eacutecrites en hirogol1( Une certaine structure
78
grammaticale est donc mise en eacutevidence par lalternance de deux types deacutecriture les
kan et les hirogano Dans le cas des adjectifs et des verbes un morphegraveme vient
moditier le sens dun autre morphegraveme plus fondamental au sein dun mecircme mot La
fonction grammaticale de chaque morphegraveme (racine et deacuteclinaison base connective et
terminaison) est de la sorte distingueacutee par leacutecriture Dans le cas des particules et du
marqueur dexistence leur fonction est encore plus abstraite puisquil sagit de termes
distincts donnant un sens aux termes auxquels ils se rapportent mais dont la
signification reste incomplegravete sans ces termes (ce sont des laquosyncateacutegoregravemesraquo EP2
286 1903) Ils deacuteterminent le sens de la proposition au niveau des rhegravemes proprement
dits et non de linteacuterieur de ceux-ci par deacuterivation agrave partir des morphegravemes Selon la
logique des relations de Peirce nous voyons surgir dans ces deux cas la seconde
intention aussi repreacutesenteacutee dans les -Jocirc par des signes nommeacutes Potentiels (CI) 5524shy
6 1903) Peirce donne les deacutefinitions suivantes de la seconde intention
The smt of idea wllich an icon embodies if it be such that it can convey any
positive information being applicable to some things but not to others is called a
jirst intention The idea embodied by an icon which cannot of itself convey any
information being applicable to everything or to nothing but which may
nevertheless be useful in modifying other ieons is ealled a second il1lenion (CP
3433 1896)
Every rhemn whose blnnks may be filled by signs of orclinary individunls but which
signifies only what is true of symbols of those individuals without any reference to
qualities of sense is termed n rhema 01 second intention For second intention is
thought about thought as symbol (CP 4465 1903)
Il is by menns of reuiles of second intention thnl the general method of logicnl
representation is to find eompletion (CP 3490 1897)
Dans les deux cas qui nous inteacuteressent les particules Id 110 et tJ~ go et la llexion l i
sont des signes de seconde intention en ce quils viennent preacuteciser la signitication agrave
accorder agrave la proposition en modalisant la relation didentiteacute fondamentale qui joint
les diffeacuterents termes de premiegravere intention Ce sont des signes qui agissent sur les
relations entre dautres signes au sein dune mecircme repreacutesentation Par la preacutecision
quils apportent agrave la sign ification au niveau des re lations fondamentales ils
79
complegravetent Ianalyse logique implicite agrave la langue japonaise L alternance entre les
types deacutecriture fait donc ressortir la structure de la phrase en mettant en eacutevidence le
rapport entre la premiegravere et la seconde intention
Le problegraveme speacutecifique qui nous permettra dapprolondir plus avant lanalyse
seacutemiotique de leacutecriture japonaise est le changement actuel de proportions entre les
difteumlrents types deacutecriture utiliseacutes dans la langue japonaise eacutecrite La langue japonaise
assimile en ce moment de faccedilon croissante des mots dorigine eacutetrangegravere surtout de
langlais ameacutericain eacutecrits en kolokol1o Ces mots eacutecrits en kOlokona occupent de plus
en plus despace graphique dans leacutecriture jusque maintenant domineacutee par les kanjl
tout en remplissant des fonctions grammaticales sinon attribueacutees il ces derniers
Laspect externe ainsi que de la structure interne de Ieacutecriture japonaise se trouvent
donc fortement modifieacutes suite au contact de la langue japonaise avec dautres langues
aux eacutecritures difteumlrentes Le problegraveme consiste agrave deacuteterminer quels aspects seacutemiotiques
fondamentaux de Ieacutecriture japonaise sont modifieacutes par ce changement de proportions
dans les types deacutecriture utiliseacutes Construisons tout dabord un exemple de
transformation dune phrase dans le sens de laugmentation des kalokono La phrase
suivante servira agrave lillustration
Nihongo no kihon bun wa bonsaiuml bun desu gajilransligo wa klifisumasli twlii bUll
c1esu
laquoLa phrase eacuteleacutementaire du japomlis est une phrase bonsaiuml mais en franccedilais cest
une phrClse arhr de Noeumlf [Christmas tree]raquo
Certains kan)l tels que 8 111110n Japon sont dune importance culturelle
m~ieure et il est agrave parier que les Japonais ne les abandonneront pas cie si vite parce
que ces caractegraveres leur sont chers au cœur Dautres sont tregraves simples ou tregraves
tamiliers tels que ~g go langue et )( blll1 phrase et ils seront conserveacutes parce
quils sOl1l deacutejagrave ancreacutes clans Jhabitude et ne causent pas de problegraveme Mais il est aussi
80
des mots dorigine chinoise aux caractegraveres plus complexes ou moins familiers dans la
phrase-exemple ~~ hO1soi bonsaiuml qui sont bien ancreacutes dans la langue parleacutee
usuelle mais dont on souhaitera peut-ecirctre il lavenir simplifier la repreacutesentation eacutecrite
en les eacutecrivant en koloko1o (puisque dorigine eacutetrangegravere) ainsi honsoi deviendrait 1f 1 Finalement le nouveau vocabula ire techn ique eacutetant sou ven t anglo-ameacuterica in
dorigine le vocabulaire anglo-ameacutericain japoniseacute simposera aussi de lui-ll1ecircme en
comblant les vides de la langue technique 1) A A Y 1) - kulisll710SI IIii
Chrilll1los Iree en est un exemple ou en remplaccedilant avec sa nouvelle saveur les
anciens lllotS dorigine chinoise deacutesormais deacutesuets ainsi dans notre phrase
supposons que ~ kiho1 fondement subisse ce dernier sort et soit remplaceacute par le
terme anglo-japonais Acirc-~ hecsliiku )olie y a dautres raisons favorisant la
prolifeumlration de mots eacutecrits en kolokol1o surtout en lien avec lapport culturel
eacutetranger par exemple dans les modes engendreacutees par la musique la litteacuterature Ie
discours politique etc mais la preacutesente illustration seacutepuise dans les deux cas mis de
lavant La phrase-exemple transformeacutee devient alors en reprenant dabord loriginal
pour effet de comparaison
B ~gO)~gtzIj~~gtZT9tJ 77 Agrave~glj 1) Agrave Agrave ) 1) -gtZT9o
B ~gO) 0( - gtz1j ~ -1 gtzT9tJ~ 77 Agrave~glj 1) Agrave Agrave ) 1) - gtzT9 0
Nihongo no heeshiku bun Wl hO7sai bun c1esu ga li1runsllgo wa kllislll11allI 1lIlii
bun desu
laquoLa phrase ileacutell7ltnluire [hLsic] du japonais est une phrase hOl1sui mais enfiu7ccediluis
cest L1ne phrase urhre de Noeumllraquo
Une analyse grammaticale donnera une premiegravere ideacutee de la structure de ces
phrases Les phrases sont composeacutees chacune de deux propositions lieacutees par la
cc suiet le dcuiegravelllc lelc dc lannec 2 donllc un ecl1lple dnrlicle dciourJlltJ1 urilisnnl de nomlxcu lllolS 0crits Cil kU(fw7u dans ce cas-Iugrave pour cn eriliquer lulilisltJtion ccessi e llm le rrcl1licr Illinislre l1e Shinll Jans son discours inaugural Cc lcte contrasle mcc Ic premicr clrail de lanncc rcrrcnanl le d011ul dun conte de Ikutngaa le famcu 1eacute1shocircIllOIlraquo eacutecrit en 1915 dans unc languc litteacuteraire au Sl Ic laquogothiqucraquo ulilisant quelques kl7ji cOl1lrlcCS ou inusil0s el aucun kalakrlu
81
particule conjonctive IJIcirc go mais qui introduit dans la deuxiegraveme proposition une ideacutee
constrastant avec celle exprimeacutee dans la prem iegravere Dans la prem iegravere phrase le thegraveme
de la premiegravere proposition est B ~gO)~)( l1iho1go 110 kihon )((n la phrase
eacuteleacutementaire de la langue japonaise mis en eacutevidence par la particule theacutematisante fj
wa en ce qui concerne et son commentaire est ~~)( honsai )1(1 phrase bonsaiuml
dont le rapport avec le reste de la proposition est souligneacute par le marqueur dexistence
de style poli C9 desu il y a ou cest tandis que le thegraveme de la seconde
proposition est 77 Agrave~g fltral1sugo langue franccedilaise et son commentaire est
1) Agrave x Agrave J 1) -)( kurisulllosu ISlIii blll1 phrase arbre de Noeumll indiqueacutes par la
mecircme particule theacutematisante et le mecircme niarqueur dexistence La phrase transformeacutee
reprend exactement la mecircme structure grammaticale mais remplace ~ kihun par le
terme anglo-japonais I-~ beeshikll basic eacutecrit en kolakana et les kan)i de ~
~ bonsoi par les kalakano de mecircme lecture tT - La transformation du type
deacutecriture naffecte donc en rien la structure grammaticale de la phrase japonaise dans
tous les cas du pheacutenomegravenc actuel qui nous concerne Mecircme dans le cas extrecircme de
lassimilation dun mot eacutetranger comme verbe base de la phrase bonsaiuml japonaise le
nouveau mot prend une forme grammaticale deacutejagrave preacutevue par la langue soit celle des
verbes dorigine chinoise construits par lajout du morphegraveme 9 g SlIU fnire (ici en
style neutre eacuteventuellement conjugueacute) agrave la base connective sino-japonaise par
exemple le verbe anglo-japonais 7 euml-)[9g apiiuslIlI to appeal a une forme
identique agrave un verbe sino-japonais tel que ~fff9 ~ JlIl1sekisuu analyser Le
contact des langues peut bien provoquer des transformations de la grammaire mais la
cause nen est pas alors le changement de type d eacutecri ture
Lanalyse seacutemiotique proprement dite commencera par deacutegager les
composantes du signe eacutecrit de la langue japonaise tel quillustreacute par la phraseshy
82
exemple Lefondemen de leacutecriture japonaise comme signe est lapparence mateacuterielle
quelle offre dont on peut deacutegager une structure logique deacutetermineacutee par lobjet que le
signe repreacutesente la langue parleacutee usuelle et deacuteterminant agrave son tour un interpreacutetant la
langue eacutecrite Leacutecriture japonaise ne saisit en son fondement que certains aspects de la
langue parleacutee soit certains lexegravemes morphegravemes syllabes et mores et une certaine
structure syntaxique de ces eacuteleacutements 211 bull Elle fait ressortir ces aspects dune faccedilon plus
preacutecise que la langue parleacutee mais en neacuteglige cIautres clans sa seacutelection (par exemple la
tonaliteacute) Elle est donc une abstraction de la langue parleacutee qui nen retient que certains
traits Ces traits sont inscrits et fixeacutes dans la matiegravere de leacutecriture une forme davantage
contrainte par lhabitude que la langue parleacutee Dans lexemple on peut reprendre les
deux phrases en ne siumlnteacuteressant quagrave leur aspect graphique et en consideacuterant quelles
uniteacutes linguistiques chaque signe de la phrase repreacutesente ainsi que quelle syntaxe
lensemble fail graphiquement ressortir Le fondement des deux phrases est une
alternance de kani D hiragw1( kafakana 0 et ponctuation selon ordre suivant
B80)~Xfl~)CC91JIcirc 75 Agrave81l 1) AgraveAgrave 1) -XT90
DUO 0 000bullbullbull 00000000000000bullbull0
B ~O)I-S-XIl -if-1 XC91f) 75 Agrave~gll 1) Agrave Agrave 1) -XC90
0000000000000bullbullbull 00000000000000bullbull0
Sur le support mateacuteriel cie la feuille dassertion leacutecriture est tout daborcl
contrainte par la lineacuteariteacute de la phrase inscrite semblable agrave leacutecoulement temporel de la
parole La ponctuation donne ensuite les limites hors tout ainsi quune certaine
structure interne cie la phrase Dans lexel1lj1le le j1ointmiddot o marque la tin de la phrase
et la virgule seacutepare la premiegravere proposition de la seconde Les morphegravemes et
syllabes repreacutesenteacutes par des kan) 0 sont aussi distingueacutes des mores repreacutesenteacutees par
des kan(f 0 ce qui est L1ne abstraction de leacutetude cie la langue eacutecrite la langue parleacutee
Il nesl ras eacutevident que leacuteelillllc lcwenne caetclllcntla stluelure S) nwiquc de I~I langue ralmiddotke Ia languc japonaise el8ssique Je SI) le klllbllll en olile un eelllrie pal eeellcncc leacutecrilulC sc lilisanl dans joldle sYlitaique du chinois rouI ensuite ecirclle inlelpleacuteleacutee au eouls Je la ledule en lceonslruisanl lnrdre S) nlltliqlle JlIjaponais
83
ne les distinguant pas Avec une connaissance un peu plus profonde de la grammaire
eacuteleacutementaire du japonais on reconnaicirct de plus dans lalternance entre konji U (ou
katakona 0) et hiragano bull une structure syntaxique correspondant agrave la structure
thegraveme-comnientaire On constate ainsi dans lexemple que la transformation de
leacutecriture dans le scns de laugmentation des kotakono ne change pas la structure
syntaxique de la phrase ponctueacutee dune phrase agrave lautre de la mecircme faccedilon par les
hiragana bull le point et la virgule Les lectures speacutecifiques des signes eacutecrits renvoient
finalement de diverses maniegraveres agrave la prononciation de la langue padeacutee Telle est donc la
forme geacuteneacuterale du signe eacutecrit pris en son fondement qui contraste avec la torme plutocirct
vague de la langue parleacutee
Lobjet de eacutecriture japonaise la langue parleacutee usuelle est plus fluide et
eacutepheacutemegravere que son support eacutecrit qui tixe les paroles dans lespace et les fait perdurer
dans le temps Il peut ecirctre deacutecomposeacute pour chaque kanji ou groupe de konji en mots
morphegravemes ou phonegravemes repreacutesenteacutes et pour chaque kono en mOIes repreacutesenteacutees Il
peut aussi ecirctre saisi en un tout comme dans la repreacutesentation diagrammatique de la
structure syntaxique de la phrase et du texte Lobjet immeacutediat de leacutecriture japonaise
est la parole penseacutee ou entendue en langue japonaise La phrase-exemple peut ainsi
repreacutesenter une penseacutee immeacutediate du scripteur ou un eacutenonceacute entendu par ce dernier
Lobjet c1I1amiqlle est lideacutee vague que lon cherche agrave repreacutesenter en la preacutecisant dans
cette langue et ces phrases deacutetermineacutees mais qui pourrait ecirctre exprimeacutee autrement en
dautres phrases et dans dautres langues Cest la proposition logique du grammairien
sous-tendant vaguement la phrase-eemple inscrite par le scripteur
Linterpreacutetant clu signe eacutecrit japonais la langue eacutecrite est une forme davantage
contrainte que son objet car preacuteciseacutee par la repreacutesentation Linterpreacutetant ill1l1leacutediot
est le message transmis au lecteLll en langue japonaise Cest ce que le lecteur
comprencl effectivement cie la Poposition inscrite sur la teuille cIassertion La phraseshy
exemple est ainsi un eacutenonceacute de la grammaire qui permet au lecteur cie saisir certains
84
traits de la langue japonaise dans sa comparaison agrave la langue fi-anccedilaise Linterpreacutetant
c0mamiqlle est le processus deacutecriture et de lecture du signe sa traduction en parole et
en penseacutee Il ne sagit pas seulement dun processus psychologique et physique car
on peut aussi lanalyser logiquement en tant que processus seacutemiotique de construction
dune signification la seacutemiose Le scripteur et le lecteur sont conditionneacutes par la torme
de leacutecriture son fondement et le processus dinterpreacutetation du signe eacutecrit est donc
dirigeacute dans un certain sens il sactualise dune maniegravere deacutetermineacutee Linterpreacutetant
f7nal leffet viseacute est la compreacutehension du message japonais dorigine telle que deacutesireacutee
par le scripteur mais aussi par le lecteur Cest la signification deacutetermineacutee que la
repreacutesentation adeacutequate de lobjet construirait eacuteventuellement une proposition
logique speacutecifique dans le cas dune phrase ou une langue eacutecrite ideacuteale dans le cas de
la langue usuelle La proposition logique qui sous-tend la phrase-exemple lorsque
ideacutealement preacuteciseacutee en constituerait linterpreacutetant tlnal Le grammairien eacutenonccedilant
cette proposi tion en partagera it donc avec le seri pteu r et le lecteur la sign i lication
exacte dans un contexte similaire Ces demiers se feraient une repreacutesentation adeacutequate
de la proposition logique reacuteelle celle que le grammairien a lintention dexprimer
La prochaine eacutetape de lanalyse consiste agrave deacuteterminer quels types de signes
sont opeacuterants dans leacutecriture japonaise et dans le cas speacutecillque des kalakana qui nous
inteacuteresse Les signes de la langue parleacutee ou eacutecrite sont avant tout en leur fondement
des leacutegiigne car ils ont eacuteteacute institueacutes par convention explicitement ou non Les kani
et les kana tant ainsi lobjet de recommandations de la part du gouvernement japonais
les formes des kana ont eacuteteacute standardiseacutees et des listes de kani ont eacuteteacute publieacutees afin
den limiter le nombre communeacutement en usage Ces leacutegisignes se manifestent
actuellement en tant que sinsignes leurs occurences mateacuterielles Cependant dans leur
composition et par leur alternance au sein de la phrase les signes eacutecrits font ressortir
une certaine structure syntaxique et tOrll1ent en cela un diagramlle de la langue un
signe icon ique qu i epreacutesente son objet en vertu dune si 111 i lari teacute en tre les re lations de
sa propre tonne (son tondement) et les relations de la tonl1e de lobjet Leacutecriture
85
japonaise en tant que diagramme de la langue japonaise est donc un leacutegisigne iconique
rheacutematique Dans le cas de la phrase-exemple la diagrammaticiteacute du signe eacutecrit est
manifeste si lon considegravere la structure thegraveme-commentaire indiqueacutee par lalternance
des konji 0 (ou kotakono 0) et des hirogono bull La transformation de konji en
kotokono naffecte en rien laspect diagrammatique de leacutecriture pour autant que lon
sache diffeacuterencier les deux types de kano La distinction entre la premiegravere et la
seconde intention qui fonde cette diagrammaticiteacute est quand mecircme un peu embrouilleacutee
car les deux types de kono sont moins distincts entre eux dans leur forille graphique
et leur fonction repreacutesentative (moraiumlque et non morpheacutemique) quils ne le sont des
konji I~e passage du terme B gg nihongo agrave la particule conjonctive 0) no puis au
terme laquo-~ beeshikll dans le thegraveme B~gO)(-~)(Ij niJongo no beeshikll
blln Vo lillustre bien
Dun point de vue agrave la fois grammatical et graphique les termes de seconde
intention eacutecrits en hirogono tels que les particules les flexions et les marqueurs
dexistence en ponctuant la phrase et en rendant sa structure syntaxique manifeste
possegravedent un certain aspect indexical tels des leacutegisignes indexicollx rheacutematiqlles mais
en modalisant les relations logiques de la proposition de maniegravere plus fine quun
simple index qui ne fait quindiquer son objet ils jouent un rocircle davantage
conventionnel et se rapprochent en cela du leacutegisignc middot)YIIIJoiqlle rheacutel11otique Dans
lexemple la particule conjonctive 0) no de se fond syntaxiquement dans le thegraveme de
la premiegravere proposition la particule conjonctive tJ go mais unit les deux
propositions en exprimant un certain sentiment dopposition la distance syntaxique
entre les propositions devant tout de mecircme ecirctre souligneacutee par la virgule et la copule
Tt desli marque lexistence du rapport entre le terme quelle deacutetermine et le reste de
la plOposition selon un certain niveau de politesse tel un emballage rendant la
plOposition mieux preacutesentable La compreacutehension de la nuance que chacun de ces
termes apporte agrave la phrase demande une plus grande connaissance de la grammaire
86
japonaise quun simple index Seule la particule Ij ]la en theacutematisant le terme auquel
elle est adjointe cest-agrave-dire en le mettant agrave distance et en le pointant du doigt agit
principalement comme un index et constitue en cela un eacutegisignc indcxicol rheacutellloiquc
Les termes de premiegravere intention tels les noms et les bases connectives des verbes ou
des adjectifs sont quant agrave eux des leacutegisigncs ~Yl77b()liqucs rheacutel77oiqllcs plus
authentiques car cest peacutelr eux que la proposition acquiert sa compreacutehension fis
comportent neacuteanmoins un certain aspect indexical puisque cest eux qui ancrent la
proposition dans la reacutealiteacute eacutelctuelle La complexiteacute de leur forme grarhique en konji
compeacutelreacutee aux autres eacuteleacutements en kano rellegravete aussi sous un aspect iconique cette
fois limportance de leur cheacutelrge seacutemantique Ceci nous conlirme bien que les
symboles peuvent impliquer des index et des icocircnes et mecircme que les termes de
seconde intention eacutecrits en kanji participent de la sorte agrave la diagrammaticiteacute de
leacutecriture
Les konji et les kono en tant que graphegravemes abstraits de leur fonction
grammaticale se distinguent aussi dans leurs aspects seacutemiotiques Les konosont des
signes phoneacutetiques repreacutesentant des mores et sont donc de purs leacutegisignes
~ymb()liqucs rheacutemaiques Ils se lisent directement mecircme si lon ne comprend pas le
sens des mots ni de la ph rase Il nest pas neacutecessai re de les mettre en re lation avec
dautres signes dans le contexte de la phrase pour les lire Les kanji sont pour leur part
des signes plus complexes et leur composition interne est exploiteacutee afin de
reconstruire leur signification Ils peuvent ecirctre analyseacutes en eacuteleacutements plus petits
entretenant entre eux des relations signi liantes (des ensembles de traits ou de
radicaux) Ils constituent en cela des leacutegisigne~ ~Ylllb()liqllcS diccns bien que dans leur
fonction normale de repreacutesentation lorsquils sont immeacutediatement reconnus et
demeurent transparents leur aspect symbolique dominant reste lheacutematique Ces
leacutegi~igncs symholiqlles rheacutellCIiqllcl sont toutefois imparfaits car leur interpreacutetation
correcte neacutecessite une mise en contexte plusieurs lectures eacutetant possibles En tant que
rhegravemes ils deacuteterm inent linterpreacutetation en vertu de caractegraveres rlOpres agrave leur objet
87
relatifs au sens et au son des mots repreacutesenteacutes mais offrent plusieurs possibiliteacutes agrave
cet eacutegard et sont donc des signes lheacutematiques geacuteneacuteraux plutocirct que deacutetermineacutes
Laspect dicent secondaire mais pertinent agrave lanalyse des kon)i est perdu dans
leur trlIlsformation en kolokono alors quils se trouvent en quelque sorte aplanis (et
allongeacutes) Les kona de Z- J beeshiku basic ne sanalysent pas plus avant que
les mores quils repreacutesentent mais les kanji de ~$ kihon fondement ont chacun
plusieurs lectures possi bles qu i permettent den reeonstru ire le sens de Li iverses
maniegraveres par exemple ~ peut aussi se lire 171010 signifiant base et donnant entre
autres le verbe ~j lt IIIOloczukll baseacute sur tirant son origine de tandis que $ peut
eacutegalement se lire de la mecircme faccedilon molo origine tous autant dindices il la lecture et
la com preacutehension du mot ~$ Laspect rheacutematiq ue des kOlokono est cependant plus
eacutevident que pour les kunji la phoneacutetisation faisant plus directement reacutefeacuterence agrave son
objet la more
Leacutecriture mixte konji-kono est quant agrave elle le eacutegisigne vmboiqlle dicenl le
plus authentique du systegraveme Elle est composeacutee de quasi-propositions graphiques
(des dicisignes) qui donnent accegraves au sens de leurs objets des phrases de la langue
japonaise Les signes de leacutecriture mixte informent le lecteur et scripteur quant au son
et au sens il accorder aux termes par leur symboliciteacute lheacutematique et aux propositions
par leur diagral1lmaticiteacute Les sujets logiques dela quasi-proposition graphique
B~gO)~XIj~aUZC91J~ 75 A~gfjQ 1) AYA Y 1) -XC9o
sont les signes de premiegravere intention eacutecrits en kanji et en kolawno B ~~j ~
X l1~x 75A~~f QI)AYAYI)-X tandis que son preacutedicat logique
geacuteneacuteral est la relation repreacutesenteacutee par le diagramme de lalternance entre wnji kona et
ponctuation
DDOnOOooobullbullbull 00000000000000bullbull0
Il est rendu deacutetermineacute par les signes de seconde intention eacutecrits en hirogano 0)
88
r~r Ct IF f~r Ct Le preacutedicat logique ne change pas avec la
transformation en kalakona seuls les sujets logiques eacutetant aHecteacutes lancrage dans la
reacutealiteacute actuelle est moclaliseacute par de nouvelles fmmes speacutecifiques de leacutecriture aux
aspects seacutemiotiques diffeacuterents Ainsi la transformation de eacutecriture japonaise ne
change pas sa structure syntaxique mais bien son rapport agrave la langue usuelle et au
monde sa seacutemantique Nous comprenons eacutegalement agrave preacutesent que leacutecriture saisie en
diachronie dans sa transformation historique puisse constituer un argument une
quasi-proposition se transformant en une autre Les nuances seacutemantiques laissent
perdurer une certaine structure syntaxique qui se constitue par lhabitude en regravegle
syntaxique Une certaine tendance eacutevolutive dans le sens de la phoneacutetisation de
leacutecriture peut aussi ecirctre perccedilue dun autre point de vue Lexamen pl us appro fond i de
ces arguments sera le propre de 111 critique logique
Lanalyse logique critique de leacutecriture japonaise cherche agrave deacuteterminer jusquagrave
quel point le signe eacutecrit constitue une repreacutesentation adeacutequate de son objet cest-agraveshy
dire de la langue japonaise et du langage logique qui lui est sous-jacent Elle critique
liumlnformation veacutehiculeacutee par le signe et ne soccupe donc que des signes qui informent
tels que les leacutegisignes symboles dicisignes et arguments Lmiddoteacutecriture au premier abord
ne montre pas de faccedilon explicite quel est son interpreacutetant final et elle ne semble donc
pas un argument mais lanalyse seacutemiotique en a distingueacute au niveau de la grammaire
speacuteculative des aspects informati fs tout signe eacutecrit est en son fondement un leacutegisigne
et peut ecirctre dans son rapport agrave lobjet un symbole et dans son rapport agrave
liumlnterpreacutetant un dicisigne Toutefois eacutegalement dans sa transformation historique
reacutecriture constitue bien un argument implicite que lanalyse critique classera selon les
types diumlnfeacuterence et dont elle jugera de la validiteacute Il sagit donc de critiquer chaque
type de signe informatif distingueacute dans leacutecriture japonaise et de voir si la
transformation de eacutecri ture dans le sens de augmentation des kaloko1o la rend pl us
apte agrave repreacutesenter son objet la langue japonaise usuelle La comparaison avec les
sera ici utile faisant contraster les objets et buts speacutecifiques cie chaque eacutecriture
89
Le but principal de leacutecriture japonaise est de transmettre le message en langue
japonaise le plus fidegravelement possible afin de permettre la communication effective de
l information du scri pteu l au lecteur Le signe eacutecrit do i t pour cela tendre agrave la
transparence il ne doit pas se man ifester pour lu i-mecircme mais seulement pou l son
objet La notation des p$ cependant a pour fonction plincipale de permettre
lanalyse logique par le retour reacuteflexif sur le signe et la critique subseacutequente La
logique qui est sous-jacente agrave sa repreacutesentation graphique est tout aussi fondamentale
que celle que le logicien tente de deacutecouvrir dans dautres pheacutenomegravenes Lanalyse de la
notation partic ipe donc agrave janalyse logique quelle su pporte Les signes de leacutecriture
japonaise et des graphes existentiels lepreacutesentent-ils leur objet de maniegravere adeacutequate
Forceacutement ces signes sont contraints par la forme de leur tondement et ne peuvent
sidentitier parfaitement agrave leur objet Mais ils visent un certain but et sils permettent
de latteindre alors on peut consideacuterer quils constituent des repreacutesentations
adeacutequates de leur objet Ladeacutequation de la repreacutesentation est relative agrave leffet viseacute Le
but du signe est son interpreacutetant final le processus qui megravene au nouveau signe son
interpreacutetant dynamique et le nouveau signe effectivement produit linterpreacutetant
immeacutediat Lanalyse logique critique doit eacutevaluer ladeacutequation de linterpreacutetant
immeacutediat agrave son objet en vertu de linterpreacutetant final La consideacuteration de linterpreacutetant
dynamique permet quant agrave elle de comprendre comment sopegravere cette mise en relation
Dans le cas des graphes existentiels lanalyse portera sur le vocabulaire
eacuteleacutementaire de la notation Le vocabulaire eacuteleacutementaire des 5 en leur partie Seta est
composeacute de symboles de sujets de la coupure (symbolique) de la ligne didentiteacute
(iconique) et implicitement de la juxtaposition La symboliciteacute des sujets et de la
coupure de mecircme que liumlconiciteacute de la ligne didentiteacute sont-elles les aspects
seacutemiotiques les plus appmprieacutes agrave fagraveire ressoltil lors de la repreacutesentation de la logique
des propositions analyseacutees Les sujets logiques sont des index des termes agrave la
signification deacutetermineacutee qui ancrent la proposition dans la reacutealiteacute actuelle Les signes
repreacutesentant ces sujets seraient donc ideacutealement des index ou plus exactement des
90
leacutegisignes indexicaux lheacutematiques Peirce donne le plus souvent dans ses exemples de
graphes des sujets tels que laquoest un hommeraquo et laquoest mortelraquo (CP 4407 1903) donc
des leacutegisignes symboliques lheacutematiques mais larcheacutetype du sujet logique en tant que
leacutegisigne indexical lheacutematique serait plutocirct un pronom deacutemonstratif tel que laquoceciraquo ou
laquocelaraquo ou mecircme une simple lettre de lalphabet telle quutiliseacutee dans la notation de la
logique formelle contemporaine (les exemples de graphes donneacutes dans la
correspondance agrave Lady Welby utilisent de telles lettres cf SampS 94-130 J909)
Lillustration commune par des symboles nest donc pas la plus adeacutequate mais
poursuit sans doute un but peacutedagogique secondaire agrave lanalyse du raisonnement
proprement dite et rend agrave cet effet la notation plus familiegravere cn utilisant des mots de la
langue usuelle Lemploi plus technique des lettres de lalphabet est cependant tout agrave
fagraveit apte agrave repreacutesenter les sujets logiques en leur caractegravere essentiel dindex La
neacutegation est quant agrave elle une cateacutegorie particuliegravere de la qualiteacute et la neacutegation logique
modalise donc la qualiteacute dun terme ou dune proposition Son signe serait ideacutealement
un leacutegisigne iconique lheacutematique La coupure est suggestive de cette modalisation
ma is ne lopegravele pas sans une cOllVention exp 1ic ite son 1ien avec la neacutegation restant
contingent Un changement de couleur des signes nieacutes aurait peut-ecirctre eacuteteacute plus
adeacutequat La coupure permet cependant la lecture endoporeutique de lexteacuterieur vers
linteacuterieur du graphe une convention fagravecilitant linterpreacutetation La relation didentiteacute
constituant le preacutedicat geacuteneacuteral de la proposition est finalement lexpression la plus
simple de lessence de la proposition Son signe le plus adeacutequat serait donc une icocircne
la plus authentique possible La ligne didentiteacute par la continuiteacute de son trait reliant
les symboles de sujets est un signe iconique lheacutematique des plus adeacutequats dans le
cadre dune analyse logique neacutecessitant lemploi dune notation conventionnelle en
son fondement un leacutegisigne La ligne didentiteacute est de la sorte un leacutegisigne iconique
lheacutematique le pJus approprieacute des signes vu les contraintes formelles imposeacutees par le
type de notation servant il lanalyse du raisonnement Les graphes existentiels font
donc ressortir dans la composition graphique de leurs signes explicites la structure
logique des propositions et arguments quils repreacutesentent en exploitant divers aspects
91
seacutemiotiques du signe qui correspondent aux divers aspects de la reacutealiteacute
Dans le cas de leacutecritule japonaise lanalyse portera sur les principaux signes
distingueacutes dans lexamen de la grammaire speacuteculative soit leacutecriture mixte konji-kona
et largument de la transformation en kalakano La quasi-proposition graphique de
leacutecriture mixte est com poseacutee de sujets logiques et dun preacuted icat logique geacuteneacuteral Les
sujets logiques sont comme dans lesif des index et leurs signes ideacuteaux dans une
repreacutesentation conventionnelle servant agrave lanalyse du raisonnement seraient des
leacutegisignes indexicaux rheacutematiques Mais le but de leacutecriture japonaise est de
repreacutesenter une langue usuelle servant avant tout agrave la communication effective entre
interlocuteurs et les leacutegisignes symboliques lheacutematiques que sont les kanji el
kalakana repreacutesentant les sujets logiques de leacutecriture jouent convenablement leur
rocircle ils ancrent la proposition dans une langue conventionnelle et non seulement dans
le monde actuel Les konji sont mecircme agrave ce sujet un peu plus approprieacutes que les
kalokana car ils tendent agrave la symboliciteacute dicente leur interpreacutetation interne ou en
contexte eacutetant plus complexe tandis que les kana tendent agrave lindexicaliteacute rheacutematique
indiquant chacun tel son deacutetermineacute Dans un contexte sociolinguistique ougrave la
connaissance de la convention de leacutecriture tagraveit deacutetagraveut les kOlokono sont cependant
preacutefeumlrables un but diffeacuterent daccessibiliteacute agrave Jinformation eacutetant alors poursuivi Le
preacutedic8t logique geacuteneacuteral repreacutesenteacute par leacutecriture mixte est pour sa part la syntaxe de la
langue japonaise lorganisation des relations logiques propre agrave cette langue Le
diagramme un sous-type de leacutegisigne iconique rheacutematique en est le type de signe
ideacuteal relleacutetant en son fondement la structure relationnelle propre agrave la syntaxe Le
diagramme de lalternance entre types deacutecriture en indiquant la structure
fondamentale thegraveme-commentaire est un signe de la syntaxe japonaise des plus
adeacutequats Il est quelque peu embrouilleacute par lutilisation des hiragafo dans la
structuration interne et non seulement externe du thegraveme et du commentaire mais Ilen
demeure pas moins un signe explicite de la syntaxe japonaise dans son ensemble
Leacutecriture mixte par le jeu entre ses deux composantes logiques repreacutesente donc
92
adeacutequatement la nature propositionnelle de la langue japonaise
Les transformations actuelles de leacutecriture japonaise preacutesentent un certain
aspect argumentatif Lobjet de cet argument est le contact des langues auquel est
actuellement sujette la langue japonaise Lassimilation de mots eacutetrangers principal
effet du contact des langues ne moditiumle pas la structure syntaxique fondamentale de la
langue mais change bien la coloration le ton la nLiance de ses termes un certain
aspect qualitatif de la langue est transformeacute La langue japonaise en tant que signe
deacuteterm ine son interpreacutetant en vertu de nouvelles quai iteacutes prem iegraveres de son fondement
la forme des mots dorigine eacutetrangegravere assimileacutes Sa rheacutematiciteacute est donc affecteacutee La
repreacutesentation de ces mots par des katakal10 et laugmentation sign ifiumlcative du nom bre
de katakano dans le texte japonais sont un signe adeacutequat de la transformation de la
langue japona ise Les katokana otfren t un aspect qua 1itatif d i lteumlrent de cel uides konji
qui transforme la rheacutematiciteacute des termes de la quasi-proposition En quoi consiste
largument Largument de la transformation actuelle de leacutecriture japonaise est L1ne
infeacuterence deacuteductive dont la regravegle reste implicite Cette regravegle eacutenonceacutee de faccedilon geacuteneacuterale
est que si seuls les sujets logiques de la quasi-proposition sont moditiumleacutes et non son
preacutedicat logique geacuteneacuteral alors la structure fondamentale de la langue japonaise reste la
mecircme car cest la relation didentiteacute du preacutedicat qui fonde sa syntaxe Eacutenonceacutee de
maniegravere speacutecifique agrave leacutecriture japonaise cette regravegle devient si seuls les leacutegisignes
symboliques lheacutematiques des termes de premiegravere intention sujets de la quasishy
propos i tion sont mod i fieacutes alors le diagramme fondamenta 1 de leacutecriture le preacuted icat
geacuteneacuteral reste le mecircme Le cas actuel observeacute est une transformation de la rheacutematiciteacute
des termes de premiegravere intention cie leacutecriture japonaise Le reacutesultat perccedilu agrave travers la
diachronie est que le diagramme de leacutecriture reste le mecircme de mecircme que la syntaxe
de la langue Nous pouvons tiumlnalement illustrer et reacutesumer largument de la maniegravere
suivante
93
B~~(J)~9It~~9T9tlmiddot 77- z~~It1J I)zz Y 1) -9T90
B~~(J) 1(- IJ 91t--j- - YT9tJ 77- z~~lt IJ 1) z z 1) -YT90
000000000bullbullbull 00000000000000bullbull0
0000000000000bullbullbull OOUOOOOOOOOOOObullbullo
Regravegle-Si seule la rheacutematiciteacute cles termes de premiegravere intention de leacutecriture
japonaise est modifieacutee alors son diagramme reste le mecircme
Cas-Seule la rheacutematiciteacute des termes cie premiegravere intention cie leacutecriture japonaise
est Illodi fieacutee
Reacutesultat-Le diagramme de leacutecriture japonaise reste le mecircme
223 Critique de lanalyse seacutemiotique
Le retour reacuteflexif et critique sur lanalyse seacutemiotique permettra agrave preacutesent de
mieux saisir les aspects eacutepisteacutemologiques de Iapplication de la theacuteorie seacutemiotique agrave
leacutetude de Ieacutecriture La reacuteflexion sera eacutelaboreacutee agrave partir des cateacutegories particuliegraveres de la
signification et de la modaliteacute et permettra de juger du bien-fondeacute de lapplication de la
seacutemiotique Le retour se fera dabord sur la theacuteorie geacuteneacuterale de leacutecriture comme signe
eacutelaboreacutee puis sur lapplication speacutecifique agrave leacutecriture japonaise et le problegraveme de sa
transformation actuelle Jexaminerai plus speacutecifiquement les concepts et les types
dinfeumlrence utiliseacutes en deacutefinissant les concepts philosophiques de la seacutemiotique et les
concepts idioscopiques de la linguistique et en deacuteterminant comment seffectue la
transformation dun type de concept en Iautre Je ferai ainsi ressortir Iargument qui
justifie le passage de la seacutemiotique agrave la science de jeacutecriture
Les concepts philosophiques de la seacutemiotique sont des concepts geacuteneacuteraux
servant de normes au raisonnement Prenons par exemple les concepts seacutemiotiques de
fondelllent en tant que constituant du signe et de diogrUlllllle en tant que type de signe
Ces deux concepts reacutefegraverent agrave une certaine structure de la reacutealiteacute que la seacutemiotique
94
philosophique cherche il repreacutesenter Ce sont des concepts philosophiques en ce
quils sappliquent agrave lexpeacuterience commune de la reacutealiteacute actuelle Ce sont aussi des
concepts seacutemiotiques en ce quils sappliquent plus speacutecifiquement agrave la penseacutee qui se
deacuteveloppe de signe en signe Ils servent finalement de normes au raisonnement en ce
quils constituent des principes directeurs pour toute reacuteflexion systeacutematiquement
ulteacuterieure SUI les lepreacutesentations neacutecessaires de la reacutealiteacute propres agrave la science Le
fondement repreacutesente ainsi un eacuteleacutement de la structure du signe laspect selon lequel le
signe en soi deacuteterm ine la repreacutesentation que lon se doit de consideacuterer dans toute
repreacutesentation adeacutequate de la reacutealiteacute Le diagramme en repreacutesentant un type de signe
rend quant agrave lui explicite laspect selon lequel le signe repreacutesente un ensemble de
re lat ions reacuteelles ce que lon se doit eacutegalement de consideacuterer dans la repreacutesentation
particuliegravere de la reacutealiteacute en vertu des relations propres agrave un objet La seacutemiotique
inaugure donc le mouvement reacuteflexif et critique de la penseacutee qui fait alors retour sur
ses propres repreacutesentations et sert en cela de fondement agrave toute repreacutesentation
scientifique Le concept seacutemiotique exprime de la sorte une relation possible en voie
dactualisation dans la repreacutesentation dun objet reacuteel par son signe
Les concepts idioscopiques de la linguistique sont des concepts geacuteneacuteraux
servant agrave la classification des langues et de leurs eacuteleacutements En classifiant des
propositions qui peuvent se constituer en arguments la linguistique tend aussi agrave
repreacutesenter les lois du langage Par exemple les regravegles grammaticales sont des
propositions pouvant composer des arguments dune theacuteorie de la syntaxe Ces regravegles
lorsque duumlment justifieacutees par les 8rguments quelles composent deviennent
effectivement des lois de la langue il laquelle elles sappliquent Les regravegles
grammaticales ordinaires sont cependant des propositions constitutives dune theacuteorie
linguistique construite par le bas il partir des donneacutees factuelles accumuleacutees dans les
recherches de cette science idioscopique attacheacutee agrave lobservation des fagraveits propres aux
langues speacutecifiques Les concepts linguistiques qui nous inteacuteressent sont plutocirct ceux
deacuteriveacutes de la seacutemiotique tels queacutelaboreacutes dans lanalyse de leacutecriture des sections
95
preacuteceacutedentes Prenons ainsi pour exemple les concepts defocircndelJent de leacutecriture tel
que deacuteveloppeacute dans la theacuteorie geacuteneacuterale de leacutecriture comme signe el de diogroJJJJI1e de
eacutecriture tel que deacuteveloppeacute dans lanalyse de leacutecriture japonaise et de ses
transformations actuelles Ces concepts eacutelaboreacutes agrave partir de la seacutemiotique rentrent euxshy
mecircmes dans la composition dune theacuteorie de la syntaxe et de la seacutemantique graphiques
de leacutecriture Le fondement de leacutecriture est la forme speacutecifique dun signe deacutetermineacute
leacutecriture qui deacutetermine la repreacutesentation de la reacutealiteacute par ce signe Le concept
linguistique de fondement de leacutecriture est donc agrave la fois mieux deacutelinIcirc el plus geacuteneacuteral
que le concept seacutemiotique de fondement tout court car sa compreacutehension et son
extension sont preacuteciseacutees il ne sagit plus du signe mais de leacutecriture un ensemble
speacutecifique de signes comprenant toutefois plusieurs types deacutecriture eux-mecircmes
deacutefinissables plus avant Le diagramme de leacutecriture est de la mecircme faccedilon un aspect de
lo~jet reacuteel plus preacutecis de fa langue rendu explicite par leacutecriture dont plusieurs
langues et eacutecritures peuvent cependant ofTrir des formes diffeumlrentes Les sciences
idioscopiques achegravevent donc le mouvement reacuteflexif de la penseacutee en le faisant porter
dans un retour pragmatique sur des objets speacutecifiques de la reacutealiteacute actuelle dont la
consideacuteration megravenera ultimement agrave certaines conduites controcircleacutees par la raison Le
concept idioscopique exprime ainsi une relation neacutecessaire entre la repreacutesentation et la
reacutealiteacute repreacutesenteacutee une loi de la nature ou du deacuteveloppement naturel de lactiviteacute
humaine
Leacutepisteacutemologie suite agrave la distinction et la deacutefinition des dif1eumlrents types de
concepts geacuteneacuteraux peut aussi effectuer un retour critique sur la transtormation de
certains concepts en autres concepts tel que leffectue la logique crilique au sujet des
signes infonnatifs Lobjet seacutemiotique plus preacutecis de leacutepisteacutemologie est la
connaissance qui est deacutetlnie classiquement comme une croyance vraie justifieacutee Cette
croyance est une proposition constitueacutee de rhegravemes Elle est consideacutereacutee vraie lorsque
les sujets de ces rhegravemes reacuteduits agrave la relation didentiteacute fondamentale de mecircme que la
structure repreacutesenteacutee par ces rhegravemes en tant que preacutedicats geacuteneacuteraux saccordent avec
96
la reacutealiteacute actuelle Elle est de plus justifieacutee par un argument qui la relie logiquement agrave
dautres propositions vraies lui donnant de la sorte des points dancrage
suppleacutementaires dans la reacutealiteacute actuelle qui viennent assurer sa propre adeacutequation au
reacuteel Quel est largument qui justifie la transformation des concepts seacutemiotiques en
concepts linguistiques Le principal type diumlnfeumllence par lequel les concepts
philosophiques de la seacutemiotique sont transformeacutes en concepts idioscopiques de la
linguistique est la deacuteduction Dans le cas du diagramme par exemple largument
deacuteductifspeacutecifique qui justifie son application agrave Ieacutecriture prend pour regravegle le principe
directeur de la seacutemiotique suivant si un signe entretient sous un celtain aspect avec
son objet une relation de similitude en vertu de relations propres agrave lobjet et au signe
alors ce signe est un diagramme Le cas auquel il sapplique est le fagraveit constateacute que
leacutecriture est un signe qui sous un certain aspect entretient avec son objet speacutecifique
la langue usuelle une relation de similitude en vertu de relations propres agrave lui-mecircme et
agrave ce dernier Le reacutesultat en est que dans la reacutellexion du linguiste sur la repreacutesentation
de lobjet reacuteel de la langue usuelle quest leacutecriture ce dernier signe est interpreacuteteacute
comme un diagramme La seacutemiotique fournit de la sorte une regravegle agrave linterpreacutetation
dun cas speacuteci1ique de la linguistique interpreacutetation qui produit un concept
linguistique Les concepts seacutemiotiques sont donc des termes de la proposition servant
de regravegles qui sont repris dans une version plus preacutecise et geacuteneacuteralisable agrave un ensemble
dobjets actuels en tan t que conce pts id ioscop iq ues L infeumlrence effectueacutee nest pas
en cela une simple deacuteduction mais un type diumln1eumlrence deacuteductive plus preacutecis
comprenant un certain aspect abductir la speacutecification (descent) du concept de
diagramme La peacutecJjicoioJ1 est un type diumlnfeacuterence qui augmente la compreacutehension
dun concept tout en en diminuant lextension et augmente globalement linformation
veacutehiculeacutee (sa parI abductive) Cest agrave la fois une deacutetermination (augmentation de la
compreacutehension) et une restriction (diminution de lextension) (CP 2422-29 1867
1893) Dans le cas de la transformation du concept de diagramme un nouveau concept
est produit le diagramme de leacutecriture suite agrave une augmentation de la compreacutehension
lacquisition de la qualiteacute deacutecriture et une diminution de lextension du concept la
97
limitation aux seuls signes eacutecrits Largument peut finalement ecirctre scheacutematiseacute de la
fagraveccedilon suivante
Regravegle-Si un signe entretien avec son objet une relation de similitude en vertu de
relations propres agrave lobjet et au signe alors ce signe est un c1iagreacutellnme
CilS speacutecitique-Leacutecriture est un signe qui entretien avec son objet la langue
usuelle une relation ck similitude en vertu de reliltions propres agrave lui-mecircme e
agrave ce dernier
Reacutesultill-Leacutecriture est un diagramme de la langue usuelle
Le dernier moment de la reacuteflexion dordre eacutepisteacutemologique est liumlnterpreacutetation
geacuteneacuterale de largument distingueacute replaccedilant ce dernier clans lensemble du systegraveme
peirceacuteen et allant dans le sens du pragmatisme Les concepts seacutemiotiques ont eacuteteacute dits
fonder la reacuteflexion systeacutematiquement ulteacuterieure sur les repreacutesentations de la science
mais le systegraveme peirceacuteen renvoie en fait agrave toute une ontologie Chaque niveau du
systegraveme est caracteacuteriseacute par un ensemble de cateacutegories qui speacuteci fient le point de vLle
que ce premier prend sur la reacutealiteacute La transformation des concepts scientifiques
correspond donc agrave un changement de niveau ontologique ainsi les concepts
seacutem iotiq ues extra its de leur si tuation particul iegravere au se in des sc iences ph i losoph iques
normatives ont-ils eacuteteacute appliqueacutes agrave leacutetude de leacutecriture une science idioscopique
psychique La reacuteflexion agrave ce sujet seffectuant par les signes du langage on se rend
aussi compte que le point de vue seacutemiotique sur lactiviteacute scientifique implique quau
langage soit confeacutereacute un statut particulier parmi les objets constituant la reacutealiteacute le
langage occupe plusieurs niveaux de la reacutealiteacute et permet de passer dun niveau agrave
lautre Ce serait son aspect meacutediateur en tant que signe triadique qui ressortirait ici et
le caracteacuteriserait avant tout
En quoi la reacuteflexion eacutepisteacutemologique sappuie-t-elle sur la doctrine du
pragmatisme Leacutepisteacutemologie est une science meacutetaphysique faisant retour sur les
connaissances deacuteveloppeacutees par le raisonnement Le pragmatisme est quant agrave lui une
doctrine de la meacutethodeutique science anteacutelieule agrave la meacutetaphysique et ayant des
98
conseacutequences sur cette dell1iegravere La conseacutequence la plus proprement eacutepisteacutemologique
est le faillibilisme ou plus geacuteneacuteralement le sens commun critique Nous reconnaicirctrons
ces conseacutequences du pragmatisme en mettant en lien deux aspects de la transformation
des signes constateacutes dans la critique logique et la critique eacutepisteacutemologique Dans
lana lyse logique critiq ue nous avons pu remarquer 1iuml mportance de certains types de
signe du point de vue de la seacutemiose Un signe qui ne nous inlorme pas qui ne
deacuteveloppe pas son aspect de Troisiegravemeteacute ne nous affectera que momentaneacutement en
tant que Deuxiegraveme ou inconsciemment en tant que Premier ce sont donc les signes
informatifs et ultimement les arguments qui nous affectent le plus en prenant controcircle
de notre vie et de notre monde comme repreacutesentation Cependant les arguments se
deacuteveloppent et sajustent selon que la contiontation avec la reacutealiteacute actuelle vienne les
confirmer ou non En faisant ressortir cet aspect de la seacutemiose la critique logique vient
fonder le faillibilisme Dans la critique eacutepisteacutemologique nOLIs avons aussi vu que les
concepts se deacuteveloppent systeacutematiquement dans le sens du retour sur la reacutealiteacute
actuelle en tant que principes directeurs de repreacutesentations deacutetermineacutees cie la reacutealiteacute
puis densembles de repreacutesentations speacutecifiques Cette constatation est baseacutee sur des
principes de la logique la deacuteduction et plus preacuteciseacutement la speacutecification rendus
explicites par la critique logique Le principe du pragmatisme est donc opeacuterant dun
point de vue eacutepisteacutemologique dans le deacuteveloppement de la connaissance au sein du
systegraveme des sciences mais se fonde sur une logique deacutegageacutee par lanalyse seacutemiotique
Finalement lanalyse seacutemiotique ne nous a pas fait deacutecouvrir la structure logique de la
langue que la grammaire distinguait deacutejagrave dans son travail de reacutellexion theacuteorique agrave partir
de donneacutees lagravectuelles mais a permis en explicitant les principes directeurs de la
repreacutesentation par signes de fonder lanalyse grammaticale et de rendre ses
explications plus claires moins opaques plus conformes agrave leur objet Cest ce que la
critique eacutepisteacutemologique nous fait constater
Conclusion
Lapplication de la seacutemiotique philosophique agrave leacutetude de leacutecriture est
leacutegitimeacutee par une certaine logique de la transformation des concepts au moyen dune
inrerence valide qui prend la forme dClrguments speacutecifiques Cette application sous
son aspect logique se 10nde donc sur la seacutem iotique en tant que science normative
donnant les principes directeurs du raisonnement La seacutemiotique se base quant agrave elle
sur la phaneacuteroscopie qui lui tournit agrave son tour les cateacutegories universelles et
particuliegraveres de lexpeacuterience repreacutesentant la structure de la reacutealiteacute et permettant
deacutelaborer la reacuterlexion sur les r-ormes geacuteneacuterales de la reacutealiteacute que sont les signes Le
deacuteveloppement des cateacutegories et plus preacuteciseacutement des signes suit de plus un certain
ordre dont le but viseacute du retour sur la reacutealiteacute actuelle atin de reacutealiser ladeacutequation
entre la raison individuelle et le monde est rendu explicite par un mouvement
reacutetrospectif dans le principe du prClgmatisme Ladeacutequation de la raison au reacuteel est le
motif mecircme de lapproche seacutemiotique de leacutecriture qui a pour but de rendre les
repreacutesentations de la science idioscopique de leacutecriture plus conronnes agrave la structure
reacuteelle du langage repreacutesenteacute
Linterpreacutetation de la philosophie peirceacuteenne et son application agrave leacutetude de
leacutecriture proposeacutees dans ce meacutemoire possegravedent quelques particulariteacutes les
deacutemarquallt de lexeacutegegravese traditionnelle Tout dabord la meacutethodeutique (le
pragmatisme) et la meacutetaphys iq ue on t eacuteteacute preacutesenteacutees en prem ier alors quelles son t
toutes deux les derniegraveres sciences (Troisiegravemes) de leurs branches respectives alin de
donner degraves le deacutepart le but viseacute des sciences philosophiques dans le premier chapitre
qui repreacutesente somme toute un exposeacute reacutetrospectif du systegraveme peirceacuteen Lexposeacute de
la phaneacuteroscopie a ensuite eacuteteacute eacutelClboreacute en preacutesentant non seulement les cateacutegories
universelles mais aussi les cateacutegories particuliegraveres comme r-ondamentales agrave la penseacutee
peirceacuteenne en mettant toutefois laccent sur les cateacutegories particuliegraveres de la modaliteacute
et de la signirication Lexposeacute suivant de la seacutemiotique ne sest pas de la mecircme faccedilon
100
limiteacute agrave la preacutesentation de la grammaire speacuteculative mais sest eacutetendu jusquagrave la
logique critique pour faire finalement retour sur la doctrine du pragmatisme preacutesenteacutee
en deacutebut de chapitre La notation logique des graphes existentiels a quant agrave elle servi
dexemple privileacutegieacute dun systegraveme deacutecriture deacuteveloppeacute agrave partir des principes de la
seacutemiotique
Lapplication agrave leacutetude de leacutecriture et au cas speacutecifique de leacutecriture japonaise
a permis au second chapitre de deacuteterminer la porteacutee de la seacutemiotique philosophique
sur une science idioscopique plus preacutecise Le motif structurant de lexposeacute a plutocirct
eacuteteacute dans ce chapitre de partir agrave chaque fois dun exemple lagravemilier les theacuteories
linguistiques de leacutecriture japonaise et la graml11airejaponaise pour ensuite deacutevelopper
lanalyse seacutemiotique Lapproche seacutemiotique a permis entre autres de formuler une
interpreacutetation originale de la structure syntaxique eacuteleacutementaire de la langue japonaise et
de la fonction signifiante de son eacutecriture La reacuteflexion eacutepisteacutemologique a finalement
permis deffectuer un retour critique et global sur lapplication quelle a justifieacutee en
faisant ressortir largument par lequel seffectue le passage dun type cie concept agrave un
autre La critique eacutepisteacutemologique a eacutegalement permis une premiegravere ouverture
meacutetaphysique de Janalyse seacutemiotique par le retour reacutellexif sur cette derniegravere
Jaimerais suggeacuterer en conclusion de ce meacutemoire deux autres pistes permettant
douvrir lana lyse seacutem iotiq ue plus avant mais cette fois-ci au se in des sciences
normatives du systegraveme peirceacuteen soit celles de leacutethique et de lestheacutetique
Deux ouvertlires eacutethiq1le et estheacutetiq1le
Peirce a peu eacutecrit sur leacutethique et lestheacutetique maIs on retrouve dans son
œuvre plusieurs passages qui permettent de reconstruire agrave peu pregraves sa penseacutee agrave ce
sujet Dans le domaine de leacutethique Peirce suit avant tout la tradition kantienne qui
met laccent sur lautonomie du sujet moral et limportance du devoir Il fonde de plus
101
leacutethique sur lestheacutetique tel que nous lavons vu dans la preacutesentation du systegraveme des
sciences La maicirctrise de soi est lultime moment eacutethique de la vie et son but doit ecirctre
de rendre cette vie belle et admirable La libre volonteacute est elle-mecircme dirigeacutee vers ce but
propre et rien dautre si ce nest que par deacuterivation (une rdlexion cie Peirce explicite agrave
ce sujet dans une lettre agrave Lady Welby en SampS 112 1909)
Quel lien peut entretenir la theacuteorie seacutemiotique de leacutecriture japonaise avec
leacutethique La theacuteorie seacutemiotique de leacutecriture pourrait ici fonder le retour pragmatiste
de la raison sur une dimension eacutethique plus vaste cie la reacutealiteacute actuelle le controcircle clu
deacuteveloppement de la culture En comprenant mieux les eHets cles transformations
actuelles de leacutecriture dun point de vue seacutemiotique on serait plus apte agrave juger du
bien-fondeacute dune intervention normative agrave ce sujet et on pourrait ainsi fonder une
veacuteritable politique de leacutecriture Peirce lui-mecircme a reacutefleacutechi agrave un problegraveme analogue agrave la
transformation de leacutecriture dans le sens de laugmentation des kalakana soit la
reacuteforme de lorthographe anglaise dans le sens de sa phoneacutetisation Il eacutetait sur ce point
plutocirct conservateur sont motif eacutetant en cela cie sauver lltltesprit)) de la langue anglaise
le monde de signification auquel participe et que fonde dun cel1ain point de vue non
neacutegligeable lorthographe de la langue anglaise Cette position est illustreacutee dans la
citation suivante qui pourrait servir cie leccedilon agrave une reacutellexion ulteacuterieure sur le cas de
leacutecriture japonaise et sa reacuteforme
1 remember in Rome in 1870 lt111 Egyptian obelisk covered Vitll hieroglyphics
surmounted by a gilt cross and resting on eacutel base Vith eacuteln inscription of Trsjltln This
monument pleased me greeacuteltly as eacuteln epitome o~ Rome Probably ere tllis tlle cross
Ilas been removed by tllose wllom it seemecl barbmously unllistoriceacutell They were
unconscious theacutelt il WeacutelS their own proceeding thsl wss barbmously oblivious of
Ilistory But 1 woulcl not have il restored for its removal bespeaks the spirit of s
new historicsl phase or the eternal city English spelling is like Rome it is a
historical composite of the most heterogeneous elements Il is onen absurcl but
that very absurclity is of value to us To raze Rome and have it rebuilt by Cl
Chazago architect would be less detrimental to the higher interests of the human
race than to reform English spclling sa as ta Illake it ljuite phanetic The one
102
would not only do terrible violence ta our sentiments but woulcL [no doubt alleet
the lesthetic development of the worlcl But even this would not be sa bacl as ta
deprive English-writing thought-we will not say of its clolhing for that would be a
most inaclequate meta phare Ta attem pt ta revo 1ution ize Engl ish spell ing whi le
leaving Anglo-saxon thought intact would be like trying ta burn up the cellulose of
the rose while leaving its color ancl beauty ancl significance (MS 1181 laquoThe
Eclitors Manual English Spellingraquo c 1886-9 1901)
Lestheacutetique agrave son tour ne consiste pas en une pure contemplation de la
Premiegravereteacute car il sagit dune science posseacutedant une part importante de Troisiegravemeteacute
un certain type de raisonnement neacutecessaire De toute faccedilon en tant quactiviteacute
humaine il sagit aussi dun type dexpression prenant le point de vue du phaneacuteron
sur lui-mecircme et ses trois aspects fondamentaux omnipreacutesents et irreacuteductibles Le
jugement estheacutetique consiste en un retour agrave un certain degreacute de Premiegravereteacute mais reste
en tant que repreacutesentation de la reacutealiteacute toujours soumis agrave lineacutevitable triadiciteacute du
monde phaneacuteronique De ce point de vue la calligraphie lun des arts majeurs de la
culture japonaise bien quelle tend le plus souvent agrave reacutegresser agrave un stade qualitatif
plus eacuteleacutementaire nen reste pas moins un art de leacutecriture un produit de la culture et
de son mode conventionnel dexpression Seulement lart de la calligraphie donne un
point de vue qualitatif sur le phaneacuteron et se distingue en cela de la science de
lestheacutetique qui tend agrave interpreacuteter rationnellement le pheacutenomegravene de la contem p lation
des qualiteacutes La reacuteflexion suivante de Peirce rend explicite cette cleacute de la
com preacutehens ion de lart
and ignorant as 1 am of Art 1 have a lair share of capacity for esthetic
enjoyment and it seems ta me that while in esthetic cnjoymenl we attend ta the
totality of Feeling-ancl especially to the totll resultanl Quality of Feeling
presentecl in the work of art we are contemplating-yet it is a sort of intellectual
sympathy a sense thal here is a feeling that one can comprehencl a reasolleacutelble
feeling 1 do not succeed in saying exactly what it is but it is a consciousness
belongi ng to the category a l Representa tion though representi ng someth ing in the
Category of Quality of Feeling (EP2 190 1903)
103
Ainsi Ianalyse seacutemiotique en plus de sensibiliser aux diverses perspectives
du signe eacutecrit peut eacutegalement souvrir aux multiples dimensions du phaneacuteron ce qui
est sans aucun doute la plus importante marque attestant du caractegravere philosophique
de la seacutemiotique peirceacuteenne De mecircme que pour les conceptions universelles qui bien
quelles ne puissent ecirctre davantage analyseacutees en soi le sont toujours dans leur mise en
relation contextuelle (ce qui serait selon Peirce lune des leccedilons essentielles de la
logique des relations EP2 219 1903) lorsque lanalyse seacutem iotique se parachegraveve
inteacuterieurement la reacuteflexion philosophique qui la soutient peut toujours souvrir et se
deacutevelopper dans le sens des autres sciences philosophiques des autres sciences
heuristiques et mecircme du reste de lactiviteacute humaine Au terme ultime de cette odysseacutee
de la conscience seacutemiotique agrave travers le systegraveme peirceacuteen des sciences nous
reconnaissons donc tinalement le motif Je plus fondamental de ce systegraveme la
continuiteacute de la penseacutee
Annexe 1 Les graphes existentiels (parties Alpha et Geta)
Alpha
Il tonne Il tonne
Il pleut
Il tonne et il pleut Il tonne ou il pleut Siumll tonne alors il pleut
(serail)
Le modus ponenl (selon Roberts 1973 45 avec les regravegles de Shin 2002)
P p
l Preacutem isses
p
2 Erlacement de P en aire non-encercleacutee
3 EHacement de P car P exteacuterieur en l
4 Q Effacement de la double coupure
lOS
Jeta
Cest beau Cest beau
est bon
est bon
Quelque chose est beau et bon Il nest pas le cas que quelque chose soit beau et
bon
est beau( ~
Quelque chose est beau mais pas bon Tout ce LJui est beau est bon
(II nest pas le cas que quelque chose soit
beau
mais pas bon)
EYOkO
donne une 1legraveul
John John donne une neul agrave Yoko (ligature)
106
Syntaxe dAlpha (selon Shin 2002 37-8 84-5)
Vocahulaire
symboles propositionnels (senence symhols)
coupure (cut) [symbolique]
(juxtaposition [quasi-iconique])
Regravegles de formaion
Un ensemble de graphes Alpha c esl le plus petit ensemble satisfaiseacutelnt les
cond i tions su i vantes
1 Un espeacutelce vide est clans r
2 Un symbole propositionnel est dans
3 Fermeture pm juxtaposition Vuxaposilion colure) Si G est dans lt et G
est dans c alors la juxtaposition de ces n graphes cesl-agrave-dire G G est
aussi dans (
4 Fermeture par coupure (CUi cfosure) Si G est dans lt alors une seule coupure cie
G est aussi clans _
Regravegles de ransjOrmaion
1 Dans une aire encercleacutee de faccedilon paire (ou non encercleacutee) disons iaire a
(a) on peut ellagravecer nimporte quel graphe et
(b) on peut dessiner un graphe X sil ya une occurence cie X
(i) clans la mecircme eacutelire cest-agrave-clire laire a ou
(ii) clans leacutel prochaine eacutelire exteacuterieure agrave aire a
2 Dans une aire encercleacutee cie faccedilon ill1paire clisons iaire a
(a) on peut elcrcer un graphe X sil ya une eacute1Lltre occurence cie X
(i) dans la mecircme aire cest-agrave-dire iaire a ou
(ii) dans la prochaine aire exteacuterieure 21 laire a et
(b) on peut dessina nimporte quel graphe
3 Une COUPl( couhle peut ecirctre effeacutelceacutee ou dessineacutee autour cie nimporte quelle
partie (Jun graphe
107
Synfaxe de [Jefa (selon Shin 2002 39-41 139-42 modifieacutee)
Vocabulaire
symboles de sujets
coupure [symbolique]
ligne didentiteacute (fine ojideJ1lity) abbr LI [iconique]
(iux taposition [qUeacutelsi- iconique])
Regravegles dl formation
Un ensemble de graphes Beta est le plus petit ensemble salisfeacutelisanl les
conclitions suivantes
l Un espace vide est cleacutelnsC Il
2 Une ligne cIidentiteacute est clans (
J Fermeture par juxtaposition Si G est dans r et G est clans ( alors leacutel bull 1 lt Il Il
juxtaposition de ces n graphes cest-agrave-dire G G est aussi clans (
4 Fermeture par sujet Si G est dans C~ alors un graphe avec un symbole cie sujet 11shy
aire eacutecrit agrave la jonction cie 11 extreacutemiteacutes libres dans G est aussi dans ltshy5 Fermeture par coupure Si G est dans lt alors un graphe cleacutelns lequel une seule
coupure est dessineacutee dans nimporte quelle sous-partie de G sans croiser un
symbole de sujet est eacutelussi dans etI
6 Fermeture par branche Si G est dans ltgt alors un graphe clans lequel une LI dans
G se branche est aussi deacutelns r
Regravegles dl tJOl1sjoll7(tiol1
l Dans une aile encercleacutee cie faccedilon poire (ou non encercleacutee) clisons laire a
(a) on peut elCreer nimporte quel graphe et
(b) on peut dessiner une LI ou un graphe X sil y eacutel une occulence de X
(i) clans la mecircme aire cest-agrave-dire laire 0 ou
(ii) dans la procheacuteline eacutelire exteacutelieure agrave laire o
2 Dans une aile encercleacutee cie faccedilon iJJljJoire clisons leacutelire 0
(a) on peut elagravecer un graphe X sil y eacutel une autre occurence cie X
(i) cleacutelns la mecircme eacutelire cest-agrave-dire leacutelire 0 ou
(ii) deacutelns la prochaine aire exteacuterieure agrave laire 0 et
(b) on peut dessiner nimporte quel graphe
108
J On peut allonger une extreacutemiteacute libre dune LI
(a) vers linteacuterieur agrave travers une ou des coupures et
(b) vers lexteacuterieur
(i) dune aire-I agrave L1ne aire-P
(ii) dune aire-I agrave L1ne aire- ou
(iii) dune aire-P agrave une aire-P agrave moins quil ny ait une autre LI
(A) qui soit attacheacutee aux mecircmes sujets
(B) dont la porteacutee soit plus grande que la LI que lon deacutesire allonger et
(C) dont la pal1ie la plus exteacuterieure soit dans une aire-P
4 On peLit reacutemcler une extreacutemiteacute libre dune LI
(a) vers l inteacuterieur
(i) dune aire-I agrave L1ne aire-P
(ii) dune aire-P agrave une aire-P ou
(iii) dune aire-I agrave une aire-I agrave moins quil ny ait une autre LI
(A) qui soit attacheacutee aux mecircmes sUIcircets
(B) dont la porteacutee soit plus grande que la LI que Ion deacutesire allonger et
(C) dont la partie la plus exteacuterieure soit dans L1ne aire-P et
(b) vers lexteacuterieur agrave travers une ou des coupures
5 On peut joindre deux extreacutemiteacutes libres de lignes didentiteacute
(a) dans une aire-l ou
(b) dans une aire-P si les sous-graphes agrave joindre sont des occurences du mecircme
type
6 On peut disjoindre une ligne didelititeacute
(a) dans une aire-I si les sous-graphes agrave disjoindre sont des occurences du mecircme
type ou
(b) dans une aire-P
7 Une cOlfJlre dOlhie peut ecirctre effaceacutee ou dessineacutee autour de nimporte quelle
partie dL1n graphe
8 On peut dessiner ou effacer nimporte quelle hmnche dune ligne didentiteacute sans
traverser une coupure
9 On reut formel OLi briser un clcfe (courbe fermeacutee) dune branche dune LI dans la
pal1ie la plus inteacuterieure dune jonction
Annexe 2 Le systegraveme deacutecriture japonais
Lisle des 19-15 kanji lIslels (jocircyocirc kanji)
-tTT~~~~~~ftfi~~~~nR~~amp~~~h~amp~=E~~~~~AgraveU~~~
~~~~~$ftC~frM~KM~~~~ffiffuuml~m~~~~mtt~~mmw~~~m~~œm
9IJM~F6~JEfrœf9euroI~flifiumlil~~g~IIcirc~~jjijA~~tirlwJ[~ampfJffi~tJ~ji1Jicircjg~~~ritIff~
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110
~Vllob((ires hiragana (katakana) lrunsilleacuterolion en rocircmaji
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tJ ct) na 1 (=) ni ttd C~) nu td (7) ne 0) (J) no
li () ha O(t)hi 5 (7) lu ( ) he IJ (Ii-) ho
() ma Jj(2)mi ltt (b) mu (J) (j ) me t(-r)mo
-(~)a ~ (=1) yu et (3) )0
G (5) ra L) (1)) ri o (J[) ru n (v) re ~(D)ro
b () wa ~ (3) a
Signes diacritiques 0
Signe remplaccedilant le kon(( reacutepeacuteteacute ~
Signe remplaccedilant le konji reacutepeacuteteacute ~
IC systegraveme Je tnlnslilleacutenltion Ilcpbulll llloJilieacute qui rcn oie ugrave la prononciation anglaise esl utiliseacute
III
LClrails de lexIe
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fiiJl51IJ) C L C (J) ==$ j1f~ 1 11 plusmnth~ C IJ) dm C IJ) $ C IJ) ~JUi C IJ) L J( L
IJ~=rj LTJtCcedil t- o -t euml~ rtJ (J) ~ lfh1J 11 -im Ueuml 1tfJ L0 Im2l cl ~ C lld~ ~fb~ ~
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1-gt TL t- C L $c ilraquo ~ 0 ecircrtJ IJ~-t(J)9ireuml ilraquo ~ IJ) G mEr~ (J)f~~tJ euml 11 5icl l) ~
ttiTTRi~JJ ~ IJ~tJIJ)-gt t- o 9 ~ C -t(J)mh~ Tt-(J)~ cl L$1 L T ~J1IIIJ~~~to ~A
IJ~~~to c C L L 1 11 ~ 11fJ( l) -F(J)tJ L9EA~ (J)r~ j~ TT mTTii ltC
L sectt~ ~ Z te t-o -t euml B (J) EIIJ~~Z tJ lttJ ~ C ~euml t ~o ~ gIJ~-gt T (J) r~ (J)
ilIumlpJT IIJEuml~~JJ~ L tJ L$ItJ TL t- (J)euml ilraquo ~ 0
mEr~ laquoRashocircmonraquo in Akutagawa 1969 (1915) (extrait dun conte)
~ffl11HIl tJ -5 tJ j- ~ ~ 11 1 0 9 sectlJ ~ secttEacute1 (J) 4 ffl 3iffl~= sect1sect (J)PJTf~~ajL1i~IIjij~iumlIDeumltJ -5 tJ j- ~ ~IJ~ El n -J 0 rt-7deg tJ~Mplusmn~ J 1
r~J~-~3 (~~sect) O)~~J C~~9~cI~ ~~~~ftgElO)rtbl)~tJ
~tJj-~~~~m9~Ceuml ~fiWrtJ~ j-~7euml-)~9~mLtilraquo~)-tt0 LIJ)L
r~ L Lg] BJ ~j~11 f~1t~lM 31 ~mtll9 ~fiegrave(J)sect Lpg g Itt~ ~ C gt lt11 lt tJ Ell~ t~iY)tJ L0
PJT~~Bjjfl~~T8 3 0 ~o Ecircl t~J~J~~jHeumlWlZt-jij~i~famp~l(J) pgg ~~m811~l) i6lvt s~ tfffampfJJ(J)1i~c L TII~sectM5iecircHsect(J) 4 9 8 2~ IJjUiJi-ecirc~~IcircJ~1sect(J) 6 4 5 2 ~
clU~Lo
(J)rtJTtJ~tJT~~II 2-lf~ )~~TDtJeumlmiddotB~euro[illIuml-e-~ZIlt Lt(J)~ g](J)~jjicircjtJ
euml(J)~1f~~~~acirciY)~ C 0 9 ] tM~o tJ ~ tJ T~i~pJT ~ ~~9-gt t-J~jjicircjecircHsect(J)tff
BifJi~Itt~r-J 4 fg(J)51~to
f9JJ~11~ C r Ecircl ~c(J)fplusmn$~ Pf~~I= 9 ~T v 7 -7 J ~ r BIJ~77 C tW(J)~(t~~ C
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TT1T1-] J cLt-~-g-o
mi L t- t Iteuml 11 t C tJ L tgt 0) t ~ lt ~ m (J)~1J~ 1 IHHiH tgtfi -e- -t t o Dl~EcircX]
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appiying the theories o~middot Saussure and Peirce to a new speacutelce of meaningJ Meacutemoire de maicirctrise de lUniversiteacute Keiagrave Tagravekyagrave Universiteacute [(eiagrave 85 p Je nai
113
malheureusement pas pu consulter ce texte Kant Emmanuel 2001 (1781 1787) Critique de la raison pure 2 eacutecl Trad de
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Remerciements
Je remercie grandemenl Monsieur Fr8n((ois LalraverSc direcleur de mes eacutetudes
cl de Illa conscience seacutemiotique qui dirigea la reacutedaction de cc meacutemoire avec
enthousiasme ct mis geacuteneacutereusement les ressources du I)rojet deacutedition Peirce (LJQM)
il ma disposition le suis aussi reconnaissant envcrs les Illembres du comiteacute qui
Illoctroya unc bourse daccueil au doctorat en seacutemiologie Agrave Xavicr Call1US mOl1
camarade en philosophie depuis des anneacutees ie salue sa vertu intellectuelle et le
remercie de sa chegravere amitieacute puisse-t-il lctudiscr pleinement le omn()wnccedil en lui le
deacutedie cc meacutemoire ugrave mes plrents
Ta ble des matiegraveres
I~eacutesumeacute IV
Introduction
1 Seacutemiotique rllilosorhique X
11 Le rragillatisme X
12 Le systegraveme des scienccs 17
13 Les sciences rllilosorlliques 21
131 Phaneacuteroscopie theacuteorie des cateacutegories 24
132 Seacutemiotique theacuteorie des signes 40
1321 Seacutemiotique cnotation logique 51
2 Seacutemiotique ct theacuteOlie de lmiddoteacutecriture Cl 1
21 Theacuteories linguistiques de leacutecriture japonaise 62
22 Arrroeile seacutemiotique de leacutecriture jaronaise ClX
22Ilheacuteorie geacuteneacuterale de leacuteeriture comme signe Ml
222 Analyse seacutemiotique de leacutecriture iaronaise 73
223 Critique de 1lIleacutellyse seacutemiotique 93
Cmiddotoncilision 99
Acircnnce 1 Ies graplles eislellticls 104
AcircnnCe 2 Le S) stegraveme deacutecriture ilponlis 109
13ibliographie 112
Reacutesumeacute
Le bul de cc meacutemoire est de deacuteterminer quelle pourrait 0tre 11 porteacutee de la
seacutemiotique philosophique de Chlrles Sanders lirce sur la theacuteorie de leacutecriture en
prenant pour cas (leacutetude le systegraveme deacutecriture japonais Le meacutemoire questionne ainsi
la leacutegitimiteacute de lltlpplication de la seacutemiotique comme theacuteoric geacuteneacuteralc des signcs ml
sciences speacuteciales tout en eacuteclairant- par conversc leacutetudc de leacutecriturc japonaise en
tltlnt que systegravemc graphique Il lst structureacute cn dell chapitrcs principaux portant sur
1) les principes de la seacutemiotique philosophique ct 2) le licn cntrc la seacutemiotiquc ct lltl
theacuteorie dl leacutecriture
Dans le premicr chapitrc la meacutethodologic du meacutemoirc est tout dabord eacutetablie
par leamen du pragmat isme de Peirce consideacutereacute eomlne unc doctrine meacutelhodeul ique
ayant pour principe directeur la croissance La seacutemiotique ct la logique de mecircme que
la linguistique Cl leacutetmle de leacutecriture sonl situeacutees dans le systegraveme pcirceacutecn des
scicnces lcs principes de 11 phlIleacutelOscopic ct dl 1lt1 seacutemiotique sont eacutegalement
exposeacutes I~a philosophie de la notation logique de lauteur est ensuite prise cOlnme
point de deacutepltlrt pour une eacutelude de leacutecritllle du point de vue seacutemiotique
DlIls le second chapitre une synthegravese des theacuteories linguistiques de leacutecriture
japonaise est proposeacutee puis une theacuteorie geacuteneacuterale de leacutecriture comlne signe est
eacutelaboreacutee il pnrtir de la seacutemiotique peirceacuteenne La theacuteorie seacutemiotique est appliqueacutee plus
speacuteciliquement au systegraveme deacutecrilure iaponais cl agrave lanalyse de ses translormalIcircons
actuelles le retour reacutelkif et critique sur lanalyse ellectueacutee permet par la suite de
iuger de ladeacutequation des concepts seacutemiotiques dans leur application ugrave leacutetude de
leacutecriture japona ise
Le meacutemoire sc conclut par une consideacuterltion des liens que la seacutemiotique de
eacutecriture entretient avec les autres sciences philosophiques normatives soit eacutethique
et lestheacutetique
Mols chs Seacutemiotique Igthilosophie du langlge lgthilosophie des sciences (eritllle
(Systegraveme graphique) laponais (Iangue) Peirce Charles S (Charles
S(1Jl(lers) 1X39-1 lt) 14
Introduction
i t has never been 1n my power to stucy
anything-mathematics ethics metaphysics gtmiddotavitation
thermoclynamics optics chemistry comparative anatomy
astronomy psychology phonetics economic the history of
science whist men and women wine metrology except as a
study o~ sel11eiotic (SampS 85-86 1908)
Seacutem iotique de la culture 1itteacuter8 ire visuelle ou des p8SSlons le cham p
cl8pplic8tion de la seacutemiotique peut sembler v8ste m8is le caractegravere indeacutetermineacute de son
fondement nous troublera davantage Peirce deacutejagrave le tondateur de 18 discipline
contempor8ine dun point de vue philosophique donne une extension large agrave la
seacutemiotique dans Id citation bien connue mais peut-ecirctre par un emportement
eacutepistolaire (ici dans une lettre agrave Lady Welby) il fait porter la seacutemiotique aussi bien sur
les matheacutematiques et la philosophie que sur les sciences speacuteciales De plus il illustre
souvent 18 seacutemiotique en tant que grammaire speacuteculative en lappliquant agrave des
exem pies concrets et eacutelabore mecircme agrave partir de cette theacuteorie la preuve du pragmatisme
La seacutemiotique peirceacuteenne se veut donc une theacuteorie geacuteneacuterale des signes applicable
entre dLltres agrave chacune des sciences speacuteciales Toutetois Peirce effectue aussi un
eX8men systeacutematique des fondements de la seacutemiotique consideacutereacutes pour eux-mecircmes La
seacutemiotique peirceacuteenne est de la sorte proprement philosophique et indeacutependante des
sciences speacuteciales Le deacutefi lorsquon tente de tirer la seacutemiotique de Peirce vers des
applications theacuteoriques devient alors de franchir 18 distance eacutepisteacutemologique entre
seacutemiotique philosophique ct seacutemiotique appliqueacutee 8UX sciences speacuteciales et deacuteviter de
traiter superficiellement des concepts de la theacuteorie Ce nest en effet que reacutecemment
que la seacutemiotique peirceacuteenne sest vue exposeacutee systeacutem8tiquement dans son ensemble
(Carontini 1984 Savan 1988 Fisette 1990 Liszka 1996) et un examen appro londi de
ses fondements saveacuterant toujours difficile agrave effectuer lapplication de ses concepts
2
dans le cadre dune compreacutehension globale du systegraveme et non seulement de concepts
isoleacutes en est encore agrave ses deacutebuts (notamment avec Everaert-Desmedt 1990 et Fisette
1996) Degraves lors la question se pose de la leacutegitimiteacute des applications de la seacutemiotique
peirceacuteenne une theacuteorie dont on tente toujours de saisir les fondements
Probleacute lIot ique
La voie dentreacutee dans la probleacutematique sera la geacuteneacuteraliteacute de la theacuteorie Max
Fisch en 1983 se demandait Just how general is Peirce s theOy ofsigns (in Fisch
1986 356-61) et clans sa reacuteponse il sappliquait agrave deacuteterminer lextension de la theacuteorie
des signes agrave retracer les eacutetapes du deacuteveloppement de la theacuteorie dans le sens de la
geacuteneacutera 1iteacute et agrave en deacutegager la perti nence pou r la recherche scienti fique A fi n de bien
cerner le problegraveme qui nous preacuteoccupera dans ce meacutemoire je reformulerai la question
de la maniegravere suivante en quoi la theacuteorie geacuteneacuterale des signes de Peirce est-elle geacuteneacuterale
Cette question vague se laisse diviser en trois questions plus preacutecises Premiegraverement
quest-ce que la geacuteneacuteraliteacute Ce qui est rechercheacute ici est une deacutefinition de la geacuteneacuteraliteacute
proprement dite comme conception logique Deuxiegravemement quelles sont les
conditions de la geacuteneacuteraliteacute de la theacuteorie des signes Le questionnement porte ici sur la
relation de la geacuteneacutera liteacute avec dautres conceptions qu i la deacuteterm inent lorsquelle se
trouve agrave qualifier actuellement une theacuteorie Troisiegravemement quelles sont les conditions
de la relation impliqueacutee par la geacuteneacuteraliteacute entre la theacuteorie des signes et dautres theacuteories
La porteacutee de la seacutemiotique sur les sciences speacutecia les en vertu de son caractegravere geacuteneacuteral
est ici questionneacutee Cest le moment producteur du questionnement celui qui
permettra de reacutesoudre le problegraveme speacutecifique de ce meacutemoire Dans lesprit scientifique
expeacuterimental de la philosophie peirceacuteenne je tacirccherai de mieux saisir le problegraveme en
examinant une application particuliegravere agrave la theacuteorie linguistique de leacutecriture et en
prenant pour cas deacutetude deacutetermineacute le systegraveme graphique de la langue japonaise eacutecrite
La leacutell1guejaponaise fait face en ce moment agrave une situation de contact des langues qui
]
affecte son systegraveme deacutecriture engendrant un problegraveme seacutemiotique qui donnera chair
au deacuteveloppement de ce meacutemoire Il convient de Iexposer briegravevement ici
La langue japonaise contemporaine utilise un systegraveme deacutecriture complexe
com poseacute de plusieurs ty pes deacutecriture dont un ensem ble de caractegraveres dorigine
chinoise (les konji) deux syllabaires de creacuteation japonaise (les hirogono et katokono)
Ialphabet latin (le rlIcircl71oji) les chiffres indo-arabes et diffeacuterents signes de ponctuation
Ce systegraveme deacutecriture est particuliegraverement inteacuteressant en ce que la langue japonaise
assimile actuellement de faccedilon croissante des mots dorigine eacutetrangegravere (surtout de
langlais ameacutericain) eacutecrits dans un syllabaire particulier les kotokono Ces mots eacutecrits
en kotokono occupent de plus en plus despace graphique dans reacutecriture jusque
maintenant domineacutee par les konji tout en remplissant des fonctions grammaticales
sinon attribueacutees agrave ces derniers Nous assistons donc agrave une modification importante de
laspect externe ainsi que de la structure interne de leacutecriture japonaise suite au
contact de la langue japonaise avec dautres langues aux eacutecritures diffeumlrentes Le
problegraveme seacutemiotique consiste agrave deacuteterminer comment les relations de signification
propres au systegraveme deacutecriture japonais sont modifieacutees dans la situation actuelle de
contact des langues Ce problegraveme permettra de preacuteciser davantage le questionnement
de ce meacutemoire et de mieux en comprendre le sens en lui donnant un point dancrage
dans la reacutealiteacute actuelle 1 se retrouvera lui-mecircme eacuteclairci par notre enquecircte
Le but de ce meacutemoire est donc de deacuteterminer quele pourroit ecirctre la porteacutee de
10 seacutemiotique philosophique de Chorles Sonders Peirce sur 10 theacuteorie de leacuteeriture en
prenont pour cos deacutetude le vstegraveme dmiddoteacutecriturejoponois Le meacutemoire questionne ainsi
la leacutegitimiteacute de lapplication de la seacutemiotique comme theacuteorie geacuteneacuterale des signes aux
sciences speacutec ia les tou t en eacutec lai rant par converse leacutetude de leacutecriture japonaise en
tant que systegraveme graphique Il suit pour cela un questionnement sur la geacuteneacuteraliteacute de la
theacuteorie seacutem iotique
4
Slmclure du meacutell70ire
La structure du meacutemoire sinspire du motif architectonique de la philosophie
de Peirce sauf en ceci que la meacutethodologie philosophique de Iauteur est preacutesenteacutee en
premier Dun point de vue seacutemiotique le deacuteveloppement du meacutemoire consiste en
lexpeacuterimentation sur un diagramme le systegraveme des sciences de Peirce et en particulier
sa science des signes telle quappliqueacutee agrave leacutetude de leacutecriture japonaise Le meacutemoire
est donc structureacute en deux chapitres principaux portant sur 1) les principes de la
seacutemiotique philosophique et 2) Je lien entre la seacutemiotique et la theacuteorie de leacutecriture
Dans le premier chapitre la meacutethodologie du meacutemoire est tout dabord eacutetablie
par lexamen clu pragmatisme cie Peirce consideacutereacute comme une doctrine de la
meacutethodologie philosophique des sciences la meacutethodeutique ayant pour principe
directeur la croissance La meacutethodeutique est situeacutee dans le systegraveme des sciences en
tant que paltie de la logique une science philosophique normative Elle est mise en
lien avec la seacutemiotique qui inteacuteresse plus palticuliegraverement ce meacutemoire
La seacutemiotique et la logique de mecircme que la linguistique et Ieacutetude de leacutecriture
sont ensuite situeacutees dans le systegraveme peirceacuteen des sciences Le lien entre la seacutemiotique
et la logique est effectueacute plusieurs acceptions de ces deux termes eacutetant distingueacutees
Cependant les diverses deacutefinitions de ces deux disciplines en tant que sciences
saccordent pour les situer au niveau de la troisiegraveme science normative La linguistique
est ensuite deacutefinie comme une science idioscopique psychique et leacutetude de leacutecriture
comme Iune de ses branches Ce dernier point constitue une speacuteculation raisonnable
concernant la porteacutee du systegraveme des sciences de Peirce sur une science non deacutesigneacutee
comme telle par Imiddotauteur
Les principes de la phaneacuteroscopie et de la seacutemiotique sont eacutegalement exposeacutes
La phaneacuteroscopie est mise en lien avec la theacuteorie des cateacutegOlies dans le deacuteveloppement
5
historique de la penseacutee de lauteur puis un exposeacute syntheacutetique des deu theacuteories est
proposeacute Les cateacutegories universelles de lepeacuterience sont distingueacutees des cateacutegories
particul iegraveres lexposeacute eacutetant appro fond i par lexamen des cateacutegories particul iegraveres de la
modaliteacute et de la signification La conception de la geacuteneacuteraliteacute est ainsi deacutetinie comme
une cateacutegorie particuliegravere de la signification La seacutemiotique eacutetant surtout deacuteveloppeacutee
dans les eacutecrits tardifs de Peirce de sa peacuteriode phaneacuteroscopique la phaneacuteroscopie est
ensuite mise en lien avec la seacutemiotique par la preacutesentation du passage du phaneacuteron au
signe Un exposeacute syntheacutetique de la seacutemiotique en tant que grammaire speacuteculative est
proposeacute qui se deacuteveloppe jusquaux autres parties de la seacutemiotique soit la critique
des arguments ou logique critique et la meacutethodeutique La preuve logique selon les
conceptions seacutemiotiques du pragmatisme est par la suite consideacutereacutee agrave la lumiegravere des
exposeacutes de la phaneacuteroscopie et de la seacutemiotique
La philosophie de la notation logique de lauteur est ensuite prise comme point
de deacutepart pour une eacutetude de leacutecriture du point de vue seacutemiotique La notation logique
des graphes existentiels constitue un modegravele par excellence pour lillustration suivante
de lapplication de la seacutemiotique aux sciences speacuteciales puisquelle a elle-mecircme pour
fonction de repreacutesenter le langage formel de la logique peirceacuteenne dont la seacutemiotique
en tant que grammaire speacuteculative est une partie fondamentale La notation des
graphes existentiels exploite ainsi de faccedilon explicite diffeacuterents aspects du signe
distingueacutes par la theacuteorie seacutemiotique et leur examen constitue donc la leccedilon de deacutepal1
pour leacutetude du cas de leacutecriture japonaise
Dans le second chapitre une synthegravese des theacuteories linguistiques de leacutecriture
japonaise est proposeacutee puis une theacuteorie geacuteneacuterale de leacutecriture comme signe est
eacutelaboreacutee agrave parti l de la seacutem iotique pei rceacuteenne La theacuteorie seacutem iotique de leacutecriture
eacutelaboreacutee est ensuite appliqueacutee plus speacutecifiquement au systegraveme deacutecriture japonais et agrave
lanalyse de ses transformations actuelles Lappl ication commence par la
consideacuteration de quelques points de grammaire menant graduellement agrave la
6
probleacutematique de leacutecriture Lanalyse a recours non seulement agrave la grammaire
speacuteculative mais aussi agrave la logique des relations et aux graphes existentiels Durant
lanalyse du cas speacutecifique envisageacute une deacuteJ-inition du signe eacutecrit de la langue
japonaise est formuleacutee agrave travers lexamen de ses composantes puis les principaux
types de signe pmpres agrave cette eacutecriture sont distingueacutes suivant la leccedilon de la
grammaire speacuteculative Lanalyse logique critique suivante permet de juger de
ladeacutequation des signes de leacutecriture japonaise dans la repreacutesentation de leurs objets et
fait ressortir un argument de la transformation de leacutecriture dans le sens de
laugmentation des kaakana
Lexposeacute deacuteveloppe ensuite une critique eacutepisteacutemologique de lapplication de la
seacutemiotique agrave leacutetude de leacutecriture venant parachever lapproche seacutemiotique La
reacute tlexion eacutepisteacutemologique distingue dabord les concepts ph i losoph iques de la
seacutemiotique des concepts idioscopiques de la science de leacutecriture puis deacutetermine le
type dinfeacuterence qui est utiliseacute lors de la transformation dun type de concept en un
autre ainsi que largument qui justifie ce passage dans un cas speacutecifique servant
dexemple Le retour reacuteflexif et critique sur la theacuteorie seacutem iotique permet de la sOlie de
juger de ladeacutequation de ses concepts dans leur application agrave leacutetude de leacutecriture
japonaise
Lanalyse seacutemiotique de leacutecriture japonaise est finalement ouverte sur le reste
du systegraveme des sciences peirceacuteen en eacutetant relieacutee aux autres sciences philosophiques
normatives soit leacutethique et lestheacutetique Il ny pas sur ce point dapplication
speacutecifique mais une bregraveve reacutetlexion dordre philosophique sur la relation quentretien
la seacutemiotique avec leacutethique et lestheacutetique lorsque cette premiegravere est appliqueacutee aux
sciences speacuteciales Le lien solidaire entre les sciences dans le systegraveme peirceacuteen est
souligneacute lien montrant le sens ultime de larchitectonique peilTeacuteenne la continuiteacute de
la penseacutee ou syneacutechisme
7
Texes SOllces e iliraure secondaire
rai utiliseacute dans mes recherches les sources standards des eacutetudes peirceacuteennes
soit principalement leacutedition theacutematique des Colleced Papen (abbr CP) leacutedition
chronologique des Wriings (W) en cours de publication et les seacutelections des Esseniol
Peirce (EP) de mecircme que la correspondance de Peirce avec Lady Welby compileacutee
dans louvrage intituleacute Semioics and Signifies The Correlpondence between Charles
S Peirce ond Victoria Lady Welby (SampS) et quelques fiagments que lai eu le bonheur
daller repecirccher dans loceacutean des manuscrits de Peirce en eacutedition microfilm The
Poper1 of Chorles S Peirce Microfilm Ediion (MS) Pratiquement mes recherches
ont surtout consisteacute en une meacuteditation des ESlenial Peirce ensemble amplement
suffisant pour une maicirctrise egraves signes bien que plusieurs autres eacutecrits maient eacuteclaireacute
sur de nombreux points Je privileacutegie donc dans mes reacutefeumlrences les seacutelections des
Essenlial Peirce tout en renvoyant agrave loccasion agrave certains textes des autres eacuteditions Je
reacutefegravere aux textes sources selon lusage en ajoutant lanneacutee de reacutedaction ou de
publication lorsque connue (par exemple EP 1 132 1878) Les commentaires qui
mont eacuteteacute de la plus grande aide sont ceux de Max Fisch pour une vision densemble
de lœuvre de Peirce Andreacute De Tienne pour la phaneacuteroscopie el la theacuteorie des
cateacutegories initiale et James Liszka pour la seacutemiotique philosophique Jindique toutes
les reacutefeacuterences dans le corps du texte et reacuteserve les notes en bas de page pour quelques
digressions et scolies
1 Seacutemiotique philosophique
En quoi la seacutemiotique de Peirce est-elle philosophique Une reacuteponse simple agrave
cette question serait tout dabord que la seacutemiotique possegravede le caractegravere geacuteneacuteral de la
philosophie cest une science positive qui rend compte des faits de expeacuterience
commune Cette deacutefinition se preacutecise lorsque lon considegravere la situation de la
seacutemiotique dans le systegraveme peirceacuteen des sciences en tant que troisiegraveme science
philosophique normative Plusieurs sens du terme laquoseacutemiotiqueraquo sont aussi agrave
distinguer et expliquer Dans ce premier chapitre je montrerai en quoi la seacutemiotique de
Peirce est philosophique en suivant le motif architectonique du systegraveme peirceacuteen des
sciences sauf que je preacutesenterai la meacutethodologie philosophique de lauteur la doctrine
meacutethodeutique du pragmatisme en premier le deacutefinirai chaque fois davantage la
seacutemiotique en la situant dans le systegraveme des sciences de faccedilon de plus en plus preacutecise
jusquagrave une application theacuteorique dans lexposeacute de la notation logique des graphes
existentiels Jaborderai par la mecircme occasion la question de la geacuteneacuteraliteacute de la theacuteorie
seacutemiotique dont la consideacuteration permettra deacuteclaircir le problegraveme speacutecitique du
meacutemoire dans le second chapitre Lexposeacute tacircchera de rentrer meacutethod iquemenl dans
lesprit de continuiteacute de la penseacutee peirceacuteenne auquel aboutit ultimement le
pragmatisme
11 Le pragmatisme
Le pragmatisme est une doctrine meacutethodologique des sciences de la deacutecouverte
ayant pour principe directeur la croissance II consiste essentiellement agrave reconnaicirctre la
porteacutee possible de la rationaliteacute sur la reacutealiteacute actuelle en particulier dans laction
controcircleacutee et conseacutequente au raisonnement Le sens de cette porteacutee ou de cette
conseacutequence est celui du deacuteveloppement de lordre rationnel dans la reacutealiteacute Le
pragmatisme sinteacuteressant plus speacutecifiquement agrave la recherche scientifique il preacuteconise
9
la reconnaissance des conseacutequences pratiques possibles du raisonnement comme
meacutethode de recherche dans les sciences La recherche scientifique doit donc consister agrave
deacutecouvrir les lois neacutecessaires de la nature en observant et en envisageant leurs
conseacutequences pratiques non seulement actuelles mais aussi possibles
Cette formulation peut eacutevoquer le deacuteveloppement de la Raison et son
identification au Reacuteel dans la philosophie de Hegel Il ny a cependant pas de
Aufhebung dans la penseacutee peirceacuteenne le deacuteveloppement de lordre rationnel eacutetant
plutocirct une prise de conscience des diffeacuterents aspects omnipreacutesents de la reacutealiteacute dont
chacun conserve son importance propre quune absorption de stades infeumlrieurs de la
conscience en un stade rationnel supeacuterieur Peirce qui est tout agrave fait probe
intellectuellement ne se reconnaicirct dailleurs pas dinfluence directe de la part de
heacutegeacutelianisme Il admet bien certaines affiniteacutes de sa penseacutee avec celle de Hegel mais
en retrace une tout autre origine immeacutediate de faccedilon geacuteneacuterale dans lœuvre des
hommes de science et de tagraveccedilon plus speacutecifique dans les philosophies de divers
auteurs meacutedieacutevaux (Duns Scot et les reacutealistes scolastiques) et modernes (Reid et les
philosophes du sens commun eacutecossais) et avant tout dans celles de Kant et Aristote
Atin dapprofondir notre compreacutehension de la doctrine du pragmatisme jen
retracerai agrave preacutesent sommairement le deacuteveloppement dans lœuvre de Peirce Je
retiendrai trois moments principaux du deacuteveloppement de la doctrine correspondant agrave
1) la formulation initiale de la maxime clu pragmatisme dans la seacuterie du Populor Science
illonhly de 1877-78 2) la reprise et Ieacutelaboration de la doctrine lors de la seacuterie de
confeacuterences donneacutee agrave Harvard en 1903 et 3) la tentative finale de formulation dune
preuve du pragmatisme dans une seacuterie darticles en partie publieacutee dans la revue The
Monis en 1905-7 Ces trois moments neacutepuisent pas lhistoire de la doctrine du
pragrhatisme de Peirce mais en repreacutesentent lessentiel du deacuteveloppement
Jeacutevoquerai par ailleurs le questionnement des limites du pragmatisme dans les
derniers eacutecrits de Iauteur
10
Le premier moment du deacuteveloppement de la doctrine du pragmatisme consiste
en la formulation de la maxime pragmatiste suite agrave leacutelaboration dune theacuteorie
psychologique de la croyance dans les articles intituleacutes laquoThe Fixation of Beliefraquo (EP 1
109-231877) et laquoHow to Make Our Ideas Cleangt (EI)I 124-41 1878) Lapproche
psychologique rend la teneur de la doctrine eacutevidente iusquagrave un celtain point mais la
compreacutehension du pragmatisme se montre alors insuffisante pour rendre compte de sa
porteacutee reacuteelle telle quenvisageacutee par lauteur La psychologie ne sert en fait quagrave
lillustration de la doctrine en facilitant un premier abord car le pragmatisme est une
doctrine de la logique et cette derniegravere une science plus fondamentale que la
psychologie Peirce illustrera parfois encore Je pragmatisme dans ses eacutecrits ulteacuterieurs agrave
laide de faits psychologiques mais il soulignera alors linsuftisance de cette meacutethode
et tacircchera de deacutevelopper une approche plus proprement logique La maxime du
pragmatisme est formuleacutee initialement comme suit
Consider what effects which might conceivably have practical bearings we
conceive the object of our conception to have Then our conception of these
effects is the whole of our conception of the object (EPI 132 1878)
Consideacuterer quels sont les effets pratiques que nous pensons pouvoir ecirctre produits par
lobjet de notre conception La conception de tous ces effets est la conception
complegravete de lobjet (version franccedilaise de Peirce W3 365 1879)
La theacuteorie psychologique de la croyance sur laquelle se fonde la maxime
pragmatiste sert de base dans les articles subseacutequents de la seacuterie agrave une explication de
la logique de la science Dans cette theacuteorie le raisonnement est consideacutereacute comme une
enquecircte de la penseacutee visant agrave faire cesser le doute par la fixation de la croyance ce qui
implique leacutetablissement dune regravegle daction sous la forme dune prise dhabitude
Peirce y distingue de plus trois degreacutes de clarteacute de la penseacutee atteints respectivement
dans la deacutefinition des ideacutees par lusage familier la distinction abstraite et
lexpeacuterimentation scientifique La maxime pragmatiste est ainsi preacutesenteacutee comme une
regravegle meacutethodologique inspireacutee de la meacutethode scientifique expeacuterimentale permettant
datteindre le troisiegraveme degreacute de clarteacute de la penseacutee
Il
La meacutethode scientifique est selon Peirce reacutealiste et faillible cest-agrave-dire que le
scientifique admet quiumll y a des choses reacuteelles dont le caractegravere ne deacutepend pas de ce
quun individu quelconque peut penser et que la confrontation avec les faits de la
reacutealiteacute actuelle par laquelle il cherche agrave connaicirctre ces choses reacuteelles peut le mener agrave
douter de certaines de ses croyances jusque-lagrave preacutesupposeacutees comme vraies La
meacutethode la plus adeacutequate dans la repreacutesentation de la reacutealiteacute est donc de consideacuterer
lensemble des conseacutequences pratiques possibles et non seulement actuelles des
conceptions concernant cette reacutealiteacute La consideacuteration des diffeacuterents aspects de la
reacutealiteacute augmente la probabiliteacute dune adeacutequation de la croyance avec leacutetat des choses
reacuteel et donc latteinte de la veacuteriteacute dans la repreacutesentation de la reacutealiteacute La meacutethode
scientifique a de plus la proprieacuteteacute de se corriger elle-mecircme lorsque le scientifique en
v ient agrave recon naicirctre 1iumlnadeacutequation de certa ines de ses repreacutesentations su ite agrave leur
confrontation avec la reacutealiteacute actuelle
Une faccedilon de distinguer les difteumlrents aspects de la reacutealiteacute consiste nous le
percevons deacutejagrave agrave consideacuterer les modes decirctre dont leacutetude est avant tout propre agrave la
logique et agrave la meacutetaphysique La porteacutee logique de la maxime est dailleurs le mieux
entrevue dans Jutilisation de la modaliteacute de la possibiliteacute (ltltmight conceivablyraquo ou
laquoque nous pensons pouvoir ecirctreraquo) alors que les faits psychologiques servant agrave
lillustration sont tireacutes de lexpeacuterimentation psychologique qui consiste agrave accumuler
des faits par la confrontation des croyances de lexpeacuterimentateur avec la reacutealiteacute
actuelle seulement La doctrine du pragmatisme donne un principe meacutethodologique au
scientifique consideacuterant lensemble des modaliteacutes decirctre qui caracteacuterisent la reacutealiteacute
tout en accentuant celle de la possibiliteacute tandis que les sciences speacuteciales lui
fournissent des donneacutees factuelles compileacutees lors dexpeacuterimentations constituant des
confrontations avec la reacutealiteacute actuelle Peirce illustre sa doctrine en appliquant la
maxime agrave la deacutefinition de plusieurs conceptions scientifiques dont lune la dureteacute
dans linterpreacutetation de laquelle il ne semble pas comprendre la reacutealiteacute de la possibiliteacute
Il reviendra plus tard sur cet exemple pour en rectifier liumlnterpleacutetation (EP2 354
12
1905 455-57 1911) mais il est vrai quen ce moment initial du deacuteveloppement de la
doc tri ne du pragmatisme il n en sais issa it sans doute pas tou te la porteacutee pou ltant deacutejagrave
clairement envisageacutee dans la maxime
11 est agrave noter que lors du premier deacuteveloppement de la doctrine Peirce
nemploie pas encore le terme laquopragmatismeraquo quil aurait toutefois utiliseacute degraves les
anneacutees 1870 dans des discussions avec ses camarades du laquoMetaphysical Clubraquo de
Cambridge Cest William James qui relancera publiquement en 1898 la notion de
pragmatisme et puis la popularisera tout en accordant le creacuteclit cie sa premiegravere
expression agrave son ami de toujours Peirce recommencera par la suite agrave sy inteacuteresser
explicitement dans ses eacutecrits et consacrera une seacuterie de confeumlrences donneacutee agrave Harvard
en 1903 agrave son sujet Il deacuteveloppe dans ces confeacuterences une approche
pheacutenomeacutenologique et logique expliquant le pragmatisme agrave partir de sa theacuteorie de la
perception et faisant le lien de cette derniegravere avec la logique des relations et la theacuteorie
de liumlnfeumlrence Le pragmatisme est alors preacutesenteacute sous la ~orme cIun theacuteoregraveme
philosophique dont lauteur cherchera agrave plOuver la veacuteriteacute Ce theacuteoregraveme relie le sens du
pragmatisme aux modes grammaticaux et le rapproche ainsi du thegraveme de la
repreacutesentation
Praglllatism is the principle that every theoretical jllclgment expressibJe in a
sentence ln the inclicative moocl is a confllsed form of lhollght whose only
meaning if il has any lies in ils tenclency to enforce a corresponding practical
Illaxim expressible as a conclitional sentence having its apoclosis in the illlpelative
Illood (EP 134-51903)
Peirce considegravere que lutiliteacute de la maxime est deacutejagrave suHisamment apparente
dans sa formulation initiale et cherche plutat dans sa nouvelle approche une preuve
cie la doctrine Cette preuve consistera agrave approfondir la compreacutehension clu
pragmatisme par le moyen cie la theacuteorie de la perception et plus tard de la theacuteorie des
signes et agrave en speacutecifier la porteacutee au niveau logique Lauteur rejette tout daborcl
lapproche psychologique qui caracteacuterisait sa premiegravere formulation laquoMy original
13
article carried this back to a psychological principle 1 do not think it satisfclctory to
reduce such fundamental things to tclcts of psychology ail attempts to ground the
fundamental facts of logic on psychology are seen to be essentially shallowraquo (EP2
140 1903)11 explique sa position antipsychologiste en exposant sa conception de la
hieacuterarchie des sciences selon laquelle la logique est plus fondamentale que la
psychologie et se fonde entre autres sur la pheacutenomeacutenologie dont le thegraveme speacutecifique
de la perception donne une nouvelle voie agrave lapprofondissement de la doctrine
Dans laquoThe nature ofMeaningraquo (EP2 208-25 1903) puis laquoPragmatism as the
Logic of Abductionraquo (EP2 226-7 1903) dont les exposeacutes repreacutesentent
laboutissement de lapproche baseacutee sur la theacuteorie de la perception Peirce deacutegage
ensuite trois propositions appuyant la maxime du pragmatisme premiegraverement rien
nest dans lintellect qui ne soit dabord dans les sens deuxiegravemement les jugements
perceptuels contiennent des eacuteleacutements geacuteneacuteraux troisiegravemement liumlnteumlrence abductive
se confond avec un certain niveau du jugement perceptuel Le pragmatisme tclit suite agrave
ces trois propositiollS car nous pouvons en les examinant effectuer un lien entre la
perception et la logique de jabduction mode dinteumlrence hypotheacutetique propre au
pragmatisme Par la premiegravere proposition Peirce entend plus preacuteciseacutement quil ny a
pas de conception qui ne soit donneacutee autrement que dans des jugements perceptuels
Ainsi Je premier eacuteleacutement de la perception est un jugement servant de fondement au
reste du processus cognitif qui en deacutecoule Les jugements perceptuels constituant de
plus une forme dappreacutehension de laspect rationnel de la reacutealiteacute par la raison
individuelle ils contiennent des eacuteleacutements geacuteneacuteraux propres agrave la fois agrave la reacutealiteacute
exteacuterieure et agrave la reacutealiteacute inteacuterieure qui se confrontent en lindividu La lclculteacute abductive
tire finalement son origine de la perception puisque le mode dinteumlrence de labduction
repreacutesente une gradation du processus cognitif deacutebutant avec le jugement perceptuel
Labduction et le jugement perceptuel jouent dailleurs un lole semblable au sein du
processus cogn itif en y apporta nt de nouveaux eacuteleacutements de base preacutem isses logiques
ou donneacutees factuelles
1 Scloll l~ldagc scolastiquc Vihil lsi in inielleeII (lIinJlillljileJil in se)SIl (IY2 2261903)
14
Pour ce qui inteacuteresse plus particuliegraverement le pragmatisme lanalyse du
processus cognitif au niveau du jugement perceptuel et de labduction montre que le
dessein de la cognition est daccroicirctre linformation concernant la reacuteal iteacute Le jugement
perceptuel diffegravere cependant de labduction en ce que ce premier est acritique et non
controcircleacute par la raison contrairement au second Labduction repreacutesente un stade
avanceacute du processus initieacute par le jugement perceptuel qui ouvre sur les autres modes
dinfeacuterence subseacutequents de la deacuteduction et de linduction et montre ainsi que le
processus cognitif fait ultimement retour sur la reacutealiteacute actuelle afin de confirmer
linformation communiqueacutee Le pragmatisme en tant que doctrine meacutethodologique
baseacutee sur la logique de labduction met laccent sur le premier moment du
raisonnement logique critique et auto-controcircleacute soit le deacutecegravelement des conseacutequences
possibles dune conception mais en comprend aussi la suite logique qui consiste en la
deacuteduction des conseacutequences pratiques neacutecessaires selon le cas actuel envisageacute et leur
confirmation par induction cest-agrave-dire par la confrontation avec la reacutealiteacute actuelle et
le retour sur le raisonnement Le pragmatisme preacuteconise ainsi laccord de la raison
individuelle avec laspect rationnel de la reacutealiteacute et identifie le dessein ultime de la
cognition agrave celui de la reacutealiteacute tout entiegravere soit la croissance de lordre rationnel agrave
travers les diffeacuterents aspects de la reacutealiteacute ici compris du point de vue des modaliteacutes
Peirce revient sur cette ideacutee au deacutebut de la prochaine seacuterie darticles au sujet du
pragmatisme
Now quite the most striking feature of the new theory was its recognition of an
inseparable connection between rational cognition and rational purpose and that
consideration il was which determined the preference for Ihe na me pragmalism
(EP2 333 1905)
Le dern ier moment importa nt de 1 eacutelaboration de la doctri ne du pragmatisme
est la reacutedaction en 1905-07 dune seacuterie darticles dans laquelle Peirce adopte une
approche seacutemiotique et donc proprement logique la logique eacutetant comprise par
lauteur en un sens large comme la theacuteorie de la penseacutee deacutelibeacutereacutee opeacuterant par signes Il
renomme sa doctrine laquopragmaticismeraquo pour la distinguer des autres pragmatismes
15
eacutemergeant agrave leacutepoque et divergeant du sien mais il continuera plus tard dutiliser le
terme dorigine Il nomme aussi deacutesormais sa pheacutenomeacutenologie laquophaneacuteroscopieraquo atin
den souligner la speacutecificiteacute La maxime du pragmatisme est reformuleacutee
conseacutequemment en termes seacutem iot iq ues comme su it
The entire intellectual purport of any symbol consists in the total of elll generell
modes of rationClI concluct which conclitionally upon ClII the possible different
circul1lstances Clnd c1esires would ensue upon the Clcceptance of the symbol (EP2
346 1905)
Peirce reconnaicirct de plus explicitement les limites du pragmatisme ddini par rapport agrave
la porteacutee des symboles dans la citation preacuteceacutedente et clairement limiteacute aux concepts
intellectuels dans lextrait suivant
1 unclerstclllcl pragmatislll to be a method of Clscertaining the meanings not 01 ail
ideas but only of such elS 1 term intellectuell concepts that is to say of those
upon the structure of which argulllents concerning objective tclct may hinge (EP2
421 1907)
La nouvelle preuve seacutemiotique du pragmatisme consiste agrave suivre le deacuteveloppement du
processus interpreacutetatif des signes cest-agrave-dire leur transtormation dun aspect de la
repreacutesentation en un autre afin de confirmer la concordance de ce processus avec la
meacutethode deacutecrite par la maxime Le pragmatisme est alors soutenu par largument selon
lequel liumlnterpreacutetant logique ultime est une habitude le reviendrai dans des sections
subseacutequentes aux exposeacutes de la phaneacuteroscopie et la seacutemiotique mais il convient deacutejagrave
de don ner le sens geacuteneacuteral de 18 nouvelle preuve L iuml nterpreacutetant logique d un signe est
une appreacutehension intellectuelle de la signification de ce signe sous son aspect
triadique Lorsque nous saiSissons laspect triadique de nos repreacutesent8tions qui
concorde lui-mecircme avec la triadiciteacute de la reacutealiteacute sous ses diffeacuterents aspects cest alors
que notre raison s8ccorde le mieux 8vec la raison reacuteelle L iumlnterpreacutet8nt logique ultime
fait porter cet accord agrave un autre niveau de la reacutealiteacute lnctualiteacute puisquil consiste en
une conduite reacutegleacutee de nos actions une habitude Nous retrouvons donc encore une
fois le thegraveme de laccord de la raison individuelle avec la raison geacuteneacuterale de la reacutealiteacute
qu i constitue le moti f essentiel du pragmatisme
16
De 1908 agrave sa mOlt en 1914 Peirce continue de reacuteviser la doctrine du
pragmatisme sans la deacutevelopper davantage mais en la critiquant Il reacuteitegravere ainsi la
critique de sa compreacutehension initiale du reacutealisme dont il avait limiteacute la porteacutee agrave
lactualiteacute des concepts geacuteneacuteraux alors que la reacutealiteacute comprend aussi des possibiliteacutes
reacuteelles li speacutecifie aussi agrave nouveau la porteacutee du pragmatisme qui seacutetend au domaine
de la logique en introduisant cette fois deux nouveaux concepts la seacutecuriteacute et la
feumlconditeacute (ltherly) du raisonnement Le pragmatisme serait une doctrine qui seacutecurise le
raisonnement mais le rend peu feumlcond
1 think logicians should have two aims lirst to bring out the amount and kind of
seclIrily (approach to certainty) of each kind of reasoning and second to bring out
the possible and esperable lIberly or value in productiveness of each kind (EP2
553 note 7 IYI3)
[PIagmatism] certainly aicls OUI approximation to the securily of reasoning But il
does Ilot contribute to the lIberly of reasoning which far more calls for solicitous
care the maxil11 of Pragmatism does not bestow a single smile upon beltluty upon
moral virtue or upon abstract truth-the three things that alone laise Humanity
above Animltllity (EP2 465 1913)
Cette assertion tardive surprend puisque Peirce avait tait plus tocirct de la croissance
lideacutee la plus importante que la philosophie ait produite (explicitement en EP2 373
1905) et par extension le principe directeur de la meacutethodeutique dans la doctrine du
pragmatisme Il sagit en fagraveit de bien comprendre le rocircle speacutecifique du pragmatisme
son caractegravere nonnati f en tant que doctrine meacutethodeutique La meacutethode preacuteconiseacutee par
le pragmatisme seacutecurise le raisonnement en lui donnant une voie speacuteci fique agrave suivre
mais elle ne le rend pas feumlcond puisquelle ne stimule pas elle-mecircme la production de
raisonnement La doctrine du pragmatisme est un tuteur sur lequel il faut fagraveire croicirctre
le raisonnement par dautres moyens Elle prend la croissance pour principe mais ne
lactualise pas elle-mecircme ne deacutecelant avant tout que les possibiliteacutes du raisonnement
les gennes de croissance
Je term inerai cette section en revenant sur le lien de la seacutem iotique avec le
pragmatisme Nous avons vu quau cours du deacuteveloppement de la doctrine du
17
pragmatisme la maxime initiale ne subit pas de changement majeur mais que divers
points de vue sont pris sur la doctrine qui tentent den ameacuteliorer la compreacutehension et
den speacutecifier la porteacutee La seacutemiotique donne ainsi le point de vue le plus authentique
sur le pragmatisme Peirce cherchait un point de vue encore plus propre agrave exprimer
lessence du pragmatisme avec les graphes existentiels une meacutethode de repreacutesentation
graphique de la logique deacuteductive Ce dernier traceacute est resteacute inacheveacute et peut-ecirctre cela
est-il duuml au fait que le pragmatisme preacutetend plutocirct faire appel agrave une logique de
labduction La seacutem iotique reste dans œuvre de Peirce le poin t de vue le plus
compreacutehensif sur le pragmatisme la logique de labduction n ayant pas eacuteteacute formai iseacutee
de faccedilon satisfaisante par lauteur auquel il manquait peut-ecirctre les outils conceptuels
neacutecessaires pour le faire Plus fondamentalement que labduction le pragmatisme
pointe cependant aussi vers la doctrine de la continuiteacute de la penseacutee le syneacutechisme
qui constitue Jultime theacuteoregraveme philosophique que Peirce cherchait agrave prouver
] 2 Le systegraveme des sciences
Peirce conccediloit la sCience comme une activiteacute des ecirctres humains en vue
datteindre la veacuteriteacute dans la repreacutesentation de la reacutealiteacute cest-agrave-dire ladeacutequation
eacuteventuelle des repreacutesentations aux o~jets deacutetude des scientifiques La science nest
ainsi quune des activiteacutes culturelles humaines celle qui fait appel au raisonnement
neacutecessaire Peirce deacuteveloppe de plus une classification des sciences au sein de laquelle
les matheacutematiques occupent la place la plus fondamentale suivies de la philosophie
puis des sciences speacuteciales (deacutenommeacutees idioscopiques) soit les sciences physiques et
psychiques Cette premiegravere trichotomie de sciences constitue la grande classe des
sciences de la deacutecouverte (ou heuristiques) elle-mecircme suivie de deux autres grandes
classes des sciences reacutetrospectives et des sciences pratiques Dans laquoAn Outline
Classiication of the Sciencesraquo (EP2 258-62 1903) lauteur preacutesente la classification
agrave laquelle il aboutit apregraves maintes anneacutees de recherches et dont il retiendra par la suite
18
en ses traits essentiels le modegravele Le scheacutema de cette classification peut ecirctre
reconstitueacute pour ce qui nous inteacuteresse comme suit
3 Science
31 Sciences de la deacutecouverte
311 Matheacutematiques
3111 Matheacutematiques de la logique
3112 Matheacutematiques des seacuteries discregravetes
313 Matheacutematiques des continua et pseudo-colltillua
312 Philosophie
3121 Pheacutenomeacutenologie
3122 Sciences normatives
31221 Estheacutetique
31222 Eacutethique
31223 Logique
312231 Grammaire speacuteculative
312232 Critique
312233 Meacutetllocleutique
3123 Meacutetaphysique
313 Idioscopie
3131 Sciences physiques
3132 Sciences psychiques
32 Sciences reacutetrospectives
33 Sciences pratiques
La classification des sciences suit un ordre selon lequel les sciences deacutependent
de sciences plus fondamentales pour leurs principes auxquelles elles fournissent en
retour des donneacutees Cette ideacutee dune classification des sciences selon le motif de la
deacutependance non reacuteciproque au niveau des principes proviendrait de la philosophie
dAuguste Comte (EP2 258 1903) Je deacutevelopperai agrave preacutesent lexposeacute du systegraveme
des sc iences en y si tuant les dise ipl ines qui nous concernent so it la seacutem iotique ct la
logique de mecircme que la 1ingu istique et leacutetude de leacutecriture
19
Il Y a deux sens du terme laquoseacutem iotiq ueraquo qu i peu t deacutesigner te 1 que Peirce
lutilise la theacuteorie geacuteneacuterale des signes ou selon lacception contemporaine une partie
de la seacutemiotique au sens peirceacuteen la grammaire speacuteculative agrave laquelle est alors
restreinte la theacuteorie des signes Peirce identifie la seacutemiotique en tant que theacuteorie
geacuteneacuterale des signes agrave la logique eacutegalement comprise en un sens large Il suffira pour le
moment de preacutesenter les diffeacuterents sens de la logique la seacutemiotique que nous avons
maintenant situeacutee dans le systegraveme eacutetant preacutesenteacutee en deacutetail dans une prochaine
section
La logique est une sCIence philosophique normative En tant que sCIence
philosophique elle cherche agrave repreacutesenter adeacutequatement la reacutealiteacute actuelle telle
quexpeacuterimenteacutee dans lexpeacuterience commune Les matheacutematiques opegraverent plutocirct par
raisonn~ment hypotheacutetique ou conditionnel portant sur des possibiliteacutes qui ne sont
pas neacutecessairement actualiseacutees mais dont la conseacutequence serait neacutecessaire si les
preacutemisses du raisonnement sactualisaient (menant neacutecessairement au conseacutequentf
Les sciences physiques et psychiques cherchent quant agrave elles les repreacutesentations
neacutecessaires de la reacutealiteacute par lexpeacuterimentation et lobservation speacutecialiseacutees afin de
rendre le savoir productif
Mathematics studies vllat is and wllat is not logically possible without making
itself responsible for its actual existence Philosophy is positive science in the
sense of discovering what really is true but it lilllits itself to sa much of trutll as
can be inferred from comlllon experience Idioscopy embraces ail the special
sciences which are principally occupied wilh the accumulation of new facts (EP2
259 1903)
Peirce conccediloit ainsi les matheacutematiques et la logique comme deux sciences distinctes
mais ordonneacutees poursuivant la veacuteriteacute chacune agrave sa maniegravere lune fondant la seconde
Il considegravere eacutegalement la logique comme plus fondamentale que les sciences rhysiques
et psychiques Il soppose donc agrave la fois au logicisme (agrave Jeacutepoque de Dedekind CP
4239 1902) et au psychologisme fort (entre autres de John Stuart Mill CP 433 91
1893)
La conseacutequcncc csl bien ln chaIcircnc dinleacutelcncc mcnant dcs preacutemisscs au conseacutequcnt
20
En tant que science normative la logique distingue les bons raisonnements des
mauvais Elle tire ses pliumlnClpes de la pheacutenomeacutenologie (aussi deacutenommeacutee
phaneacuteroscopie) science dont lactiviteacute consiste agrave deacutecrire tout ce qUI apparalt agrave
lesprit La description pheacutenomeacutenologique consiste agrave effectuer des seacuteparations
mentales mettant en eacutevidence les eacuteleacutements universellement pleacutesents agrave lesprit La
logique fournit par ailleurs des principes agrave la meacutetaphysique la dirigeant dans ses
raisonnements speacuteculatifs sur la nature de la reacutealiteacute La logique ainsi comprise en un
sens large est une theacuteorie du raisonnement deacutelibeacutereacute et le raisonnement seffectuant par
signes elle correspond agrave la seacutemiotique en tant que theacuteorie geacuteneacuterale des signes
constitueacutee de la grammaire speacuteculativegt la logique critique et la meacutethodeutique Elle
tire ses principes des matheacutematiques et de la pheacutenomeacutenologie mais eacutegalement de
lestheacutetique et de leacutethique En un sens restreint la logique effectue seulement la
critique des arguments en les classifiant et en jugeant leur validiteacute
Logic is the theory of self-controlled or deliberate thought ancl as such must
appeal to ethics fOI its principles It also (Iepends upon phenomenology and upon
mathematics Ail thought being performed by means of signs Logic may be
regarcled as the science of the general laws of signs It has three branches (1)
Speculative CraIl1J7Jar or the general theory of thc nature and Illeanings of signs
whether they be ieons indices or symbols (2) Crije which classitiumles arguments
and determines the validity and degree of force of each kind (3) Methodeuic
which studies the methods that ought to be pursued in the investigation in the
exposition ancl in the application of truth Each division depencls on that which
precedes il (EP2 260 1903)
La logique deacuteductive lormelle une logique matheacutematique selon lacception courante de
la logique contemporaine repreacutesenterait un autre sens restreint de la logique
correspondant agrave une partie de la meacutethodeutique la theacuteorie de la deacuteduction par lemploi
de modegraveles matheacutematiques La meacutethodeutique comprise en ce sens serait une theacuteorie
de la production de raisonnements valides par application dalgorithmes logiques
rapprochant la logique de la technique La logique matheacutematique nest pas agrave confondre
avec les matheacutematiques de la logique qu ineffectuent pas de retour reacuteflexif sur
laquoSpeacutecul~ltiiraquo U sens Je laquotheacuteoreacutetiqucraquo (U)2 128 190lt1)
21
largument mais fournissent le diagramme eacuteleacutementaire servant agrave lanalyse logique
deacuteductive (cf laquoThe Simplest Mathematicsraquo CP 4227-323 1902 en particulier CP
4227-8 CP 4240 et CP 4244)
Peirce classe la linguistique toujours dans le mecircme article de 1903 parm i les
sciences idioscopiques psychiques Plus exactement il sagit dune science psychique
classificatoire En tant que science psychique classificatoire la linguistique tire ses
principes de la psychologie la science psychique nomologique quelle applique lt1
leacutetude des langues Peirce nidentifie pas leacutetude de leacutecriture comme sujet speacutecifique
dune des branches dela linguistique mais il est eacutevident que sa deacutefinition geacuteneacuterale de la
linguistique comprend cette eacutetude que nous pouvons maintenant isoler suite au
progregraves des sciences du langage La science de leacutecriture ici envisageacutee peut ecirctre
caracteacuteriseacutee au moins comme une science psychique classiticatoire tirant ses principes
immeacutediats de la psychologie Elle se base aussi sur la pheacutenomeacutenologie la logique (ou
seacutemiotique) et la meacutetaphysique de mecircme que la biologie sur lesquelles Peirce fonde la
psychologie Il faudrait par ailleurs distinguer la science de leacutecriture des theacuteories de
leacutecriture La science est une activiteacute des ecirctres humains leacutetude dun objet de la reacutealiteacute
actuelle par le biais de lexpeacuterience et la construction conseacutequente de repreacutesentations
concernant cette reacutealiteacute alors que la theacuteorie est plutocirct une chaicircne darguments
concernant la repreacutesentation de la reacutealiteacute La science sengage dans la reacutealiteacute sous tous
ses aspects en prenant pour point de vue la rationaliteacute la theacuteorie est davantage limiteacutee
au raisonnement agrave laspect rationnel de la reacutealiteacute Nous pourrions dire que la theacuteorie
est une repreacutesentation paradigmatique dans le travail continu des sciences
J3 Les sciences philosophiques
Afin dintroduire lt1 une eacutetude plus approfondie des sciences philosophiques
Je l11opposc Cil cela au illlcrpntatIcircolls dc Kcnt (19t7) clliszka (1996) qui situclltlllogiquc
1()liumlllCllc 8U scin dcs 111ecirc1theacuteI118tiqucs
1
22
telles que les concevait Peirce je commencerai par esquisser en quelques traits sa
meacutetaphysique La meacutetaphysique est en quelque sorte la partie productive de la
philosophie peirceacuteenne elle interpregravete en une vision densemble les diffeacuterents aspects
de la reacutealiteacute tels quiumlntuitionneacutes et analyseacutes par les autres sciences philosophiques et
fait le lien avec les sciences idioscopiques De ce point de vue englobant et speacuteculatif
sur la reacutealiteacute Peirce reconnaicirct les diffeacuterents sens et la valeur de la repreacutesentation le
monde comme repreacutesentation est organiseacute selon un ordre hieacuterarchique solidaire la
triade Ces diffeacuterents sens des trois points de vue tondamentaux de la triade et cette
valeur accordeacutee selon lordre hieacuterarchique solidaire transparaicirctront dans lexamen des
principes de la phaneacuteroscopie et de la seacutemiotique sciences auxquelles nous aurons
plus speacutecifiquement affaire dans lexamen de la cateacutegorie de la geacuteneacuteraliteacute Leacutethique et
lestheacutetique nous inteacuteresseront aussi mais pas en ce qui concerne le problegraveme
speacutecifique du meacutemoire et je ny reviendrai donc quagrave la conclusion dans une tentative
douverture de largument par-delagrave son niveau logique
Les principales doctrines de la meacutetaphysique peirceacuteenne sont le reacutealisme
scolastique et la ph i losoph ie du sens commun critique que lauteur preacutesente dans
laquoIssues of Pragmaticismraquo (EP2 346-59 1905) comme des conseacutequences du
pragmatisme Nous pourrions aussi compter au nombre des doctrines meacutetaphysiques
originales de Peirce le tychisme lagapisme et le syneacutechisme de mecircme que lideacutealisme
objectif (deacuteveloppeacutes surtout dans la seacuterie meacutetaphysique de la revue The Aifonisl de
1891-93 (EPI 285-371 )) maisje ne les aborderai pas directement Le reacutealisme a deacutejagrave
eacuteteacute preacutesenteacute comme une caracteacuteristique de la meacutethode scientifique expeacuterimentale de
laquelle sinspire le pragmatisme Il consiste essentiellement agrave reconnaicirctre quiumll ya des
objets dans le monde reacuteel qui ne deacutependent pas de ce quun individu quelconque
puisse en penser Il est aussi traditionnellement compris comme sappliquant aux
concepts geacuteneacuteraux deacuteterminant des objets singuliers Peirce entend toutefois eacutelargir
cette conception de la reacutealiteacute et cest ce qui caracteacuterise son propre reacutealisme inspireacute du
reacutealisme scolastique (de Duns Scot) Selon Peirce il ny a pas que des objets geacuteneacuteraux
)_J
ou deacutetermineacutes qUI soient reacuteels meacutellS eacutegalement toujours du point de vue de la
signilication des repreacutesentations des objets vagues et mecircme du point de vue des
modaliteacutes des objets possibles La reacutealiteacute seacutetend sur trois aspects fondamentaux tels
que diffeacuterencieacutes par la phaneacuteroscopie et la seacutemiotique La notion de reacutealiteacute soppose agrave
celle de fiction ou plutocirct inclut cette derniegravere puisque la fiction est une repreacutesentation
possible de la reacutealiteacute deacutependante de lindividu qui la cree mais elle-mecircme reacuteelle dans
S3 situation particuliegravere au sein de la reacutealiteacute
L3 philosophie du sens commun critique eacutegalement en germe dans le
faillibilisme caracteacuteristique de la meacutethode du pragmatisme et deacuteriveacutee de la philosophie
du sens commun eacutecossaise (avant tout de Reid) est agrave son tour une doctrine
meacutet3physique dont le principe essentiel consiste agrave reconnaicirctre quil y a des inleumlrences
indubitables en ce sens quelles sont acritiques qui constituent le fondement de la
connaissance Ces inleumlrences sont indubitables mais extrecircmement vagues ce qui les
rend facilement sujettes au doute degraves quelles sont circonscrites et que des deacutetinitions
plus preacutecises en sont rechercheacutees La doctrine est de la sOlte critique parce quelle
reconnaicirct ecirctre elle-mecircme fondeacutee sur des croyances non critiqueacutees mais pouvant ecirctre
reacutevoqueacutees en doute non par la simple volonteacute du sujet connaissant mais par leur
confrontation aux faits de la reacutealiteacute actuelle La philosophie du sens commun critique
reconnaicirct donc sa propre faillibiliteacute Les deux doctrines repreacutesentent finalement des
conseacutequences du pragm3tisme une doctrine meacutethodeutique de la seacutemiotique en ce
quelles se fondent sur les analyses de la phaneacuteroscopie pm la prise en compte des
di f1eumlrents aspects de la reacutealiteacute et de la seacutemiotique par la critique du raisonnemento Il
conven3it cependant de preacutesenter 13 meacutetaphysique avant la ph3neacuteroscopie et la
On pourrait sc dcmandcr siumllne sagit pas lil plutocirct dc doctrincs eacutepisteacutemologiques Cl non
meacutelaphysiqucs mais leilcc nuli 1isc (oui simplement pas le terme d laquoeacutepisteacutenwlogicraquo Leacutepisteacutemologie en tant que theacuteorie ue la euumlnnaiss~lncc semble ecirctle pour lui une bl~lnehe de la meacutelltlrh) sique ct nous pouons rcnsel qUII elasser~lit la philosophic des sciences dans les sciences reacutetmspeelives ou mecircl11e CIleore 11 meacutetaph)siquc Il dit une il1is au sujet de Imiddoteacutepisteacutemologie en inlroduisantla gnll11maire speacuteCLilatic eomlllc rrcmiegravere seienec logique
Other logiciI1s clldeorillg to steel elear or psyclwlog) as lal ilS rossibk lhillk thal this Jirst blI1ch olIogic I11lsl relne 10 lhe posibilily or knolcdgc or Ihe lcal Vorld alld liron the sellse in hieh il is Inle Ihal Ihe lcal orlll eall be kno n This bran ch 01 rhiloso[Jh) clilcd epistel11gy 01
rkelliJIl7isehre is ncccssarily jltJrgely I11claphysicill (112 257 1(()3)
24
seacutemiotique afin de donner agrave ces derniegraveres un horizon envisageacute dans le sens de leur
app 1ication
131 Phaneacuteroscopie theacuteorie des cateacutegolies
La phaneacuteroscopie peut ecirctre preacutesenteacutee dans un but heuristique selon deux
approches diffeumlrentes lune allant dans le sens formel des principes et lautre dans le
sens mateacuteriel des donneacutees 1 ny a toutefois pas de solution de continuiteacute entre la
forme et la matiegravere car selon la doctrine de lideacutealisme objectif la matiegravere nest quune
forme contrainte par lhabitude laquomatter is effete mind inveterate habits becoming
physical lawsraquo (EP 1 293 1891) ou encore laquomatter is merely mind deadened by the
development of habitraquo (CP 8318 1891) Peirce deacuteveloppe la phaneacuteroscopie agrave partir
de sa theacuteorie des cateacutegories dabord conccedilue comme une theacuteorie de la cognition dont
les conceptions reacuteduisant la diversiteacute de la Substance agrave luniteacute conceptuelle de lEcirctre
sont la Repreacutesentation la Relation la Qualiteacute (EP 1 6 1867) Il propose dans sa
theacuteorie cognitive des cateacutegories une approche psychologisante de la logique illustreacutee
par mais non fondeacutee sur la psychologie selon laquelle il deacutecrit Je processus
dabstraction qui permet la cateacutegorisation dans un exposeacute meacutelangeant les aspects
formel et mateacuteriel Peirce qui deacutefend au moment de sa theacuteorie initiale une ontologie
reacutealiste comprenant des eacuteleacutements nominalistes adoptera eacuteventuellement un reacutealisme
dur Les cateacutegories seront alors deacutetinies comme des eacuteleacutements universellement preacutesents
agrave lesprit et seront nommeacutees dans leur plus grande geacuteneacutera 1iteacute Prem iegravereteacute Deuxiegravemeteacute
Troisiegraverneteacute Cest cette derniegravere approche phaneacuteroscopique que je retiendrai surtout
ici puisque cest delle que procegravede la seacutemiotique peirceacuteenne pleinement deacuteveloppeacutee
qui rera lobjet de la prochaine section
Selon lapproche la plus proprement formelle de la phaneacuteroscopie les
cateacutegories sont deacuteriveacutees des intuitions matheacutematiques exposeacutees dans les
25
matheacutematiques de la logique (CP 4250-323 1902 laquoThe Simplest Mathematicsraquo) Le
matheacutematicien deacutecouvre il travers ses raisonnements sur les formes hypotheacutetiques de
la reacutealiteacute la triadiciteacute des structures formelles primitives authentiques (genlline) et leur
dyadiciteacute dans une forme deacutegeacuteneacutereacutee (degeneroe) La dyade constitue un point de
deacutepart dans la reacutealiteacute actuelle et est donc la premiegravere structure analyseacutee mais avec le
deacuteveloppement de la reacuteflexion matheacutematique cest la triade qui fait loi Peirce
distingue eacutegalement selon une approche moins essentiellement tonnelle mais plus
proprement philosophique puisque logique trois modes de seacuteparation dans la penseacutee
la dissociation la preacutescission et la discrimination (cf laquoSundry Logical Conceptionsraquo
EP2 267-72 1903) La description phaneacuteroscopique consiste alors agrave effectuer ces
diffeacuterents types de seacuteparation mentale afin de mettre en eacutevidence les eacuteleacutements
un iversellement preacutesen ts agrave lesprit Les tro is cateacutegories sont om nipreacutesen tes dans la
penseacutee mais les modes de seacuteparation qui sappliquent agrave chacune dentre elles
diffegraverent A insi la d issoc iation est une opeacuteration de Prem iegravereteacute selon laquelle on peut
imaginer un eacuteleacutement sans un autre la preacutescission est une opeacuteration de Deuxiegravemeteacute
selon laquelle on peut supposer un eacuteleacutement sans un autre mais non limaginer et la
discrimination est une opeacuteration de Troisiegravemeteacute selon laquelle on peut repreacutesenter un
eacuteleacutement sans un autre mais non Je supposer ni limaginer La diffeacuterence entre les
modes de seacuteparation deacutecoule de lordre de genegravese des cateacutegories et du lien de
deacutependance non reacuteciproque qui les unit La Premiegravereteacute se suffit agrave elle-mecircme la
Deuxiegravemeteacute deacutepend de la Premiegravereteacute mais non de la Troisiegravemeteacute et la Troisiegravemeteacute
deacutepend agrave la tais de la Premiegravereteacute et de la Deuxiegravemeteacute Le scheacutema suivant preacutesente les
diffeacuterents aspects tormels de la structure
Niveaux cOleacutegoriels des l1odes de seacuteparolion
1deg Dissociation seacuteparation de Premiegravereteacute
2deg Preacutescission seacuteparation de Deuxiegravemeteacute
3deg Discrimination seacuteparation de Troisiegravemeteacute
26
Deacutefinitions en termespllJs intuitifs
1deg On peut imaginer un eacuteleacutement sans un autre
2deg On peut supposer un eacuteleacutement sans un autre mais non limaginer
3deg On peut repreacutesenter un eacuteleacutement sans un autre mais non liumlmaginer ni le
supposer
(Par exemple 1deg on peut imaginer une couleur sans une autre 2deg on peut
supposer quune couleur nait pas dintensiteacute speacutecij~que (ainsi lorsquon parle
du rouge en geacuteneacuteral la rougeur (rednessraquo mais on ne peut limaginer 3deg on peut
repreacutesenter lintensiteacute dune couleur sans cette couleur (lorsquon donne une
formule matheacutematique repreacutesentant lintensiteacute) mais on ne peut la supposer ni
1iumlmagi ner)
Porteacutee des modes de seacutejJorotion
1deg On peut
- dissocier un Premier dun autre Premier
2deg On peut
- preacutescinder un Deuxiegraveme dun autre Deuxiegraveme
- preacutescinder un Premier dun Deuxiegraveme mais non un Deuxiegraveme dun Premier
3deg On peut
- discriminer un Troisiegraveme dun autre Troisiegraveme
- discriminer un Premier dun Troisiegraveme mais non un Troisiegraveme dun Premier
- discriminer un Deuxiegraveme dun Troisiegraveme mais non un Troisiegraveme dun
Deux iegraveme
De plus selon lordre de genegravese et le lien de deacutependance non reacuteciproque qui unit les
cateacutegories le scheacutema peut se complexifier si lon considegravere la dissociation possible de
la Premiegravereteacute avec la Deuxiegravemeteacute dun Deuxiegraveme la dissociation possible de la
Premiegravereteacute avec la Premiegravereteacute dun Troisiegraveme etc Remarquons finalement que la
Premiegravereteacute ofije le plus de possibiliteacutes de seacuteparation mais que son propre niveau
requiert la plus grande seacuteparation Les possibiliteacutes de seacuteparation de la Troisiegravemeteacute
sont quant agrave elles plus restreintes mais le niveau propre de celle-ci requiert une plus
27
petite seacuteparation En dautres termes la seacuteparation au niveau de la Premiegravereteacute requiert
une plus grande implication logique et ontologique quune seacuteparation au niveau de la
Troisiegravemeteacute
Selon lapplOche mateacuterielle de la phaneacuteroscopie les cateacutegories sont plutocirct
deacutecrites agrave partir des donneacutees immeacutediates de la philosophie les faits de lexpeacuterience
commune en tant qu eacuteleacutements pheacutenomeacutenaux invariablement preacutesents dans la penseacutee
tels que la qualiteacute pour la Premiegravereteacute le fait brut pour la Deuxiegravemeteacute et la loi pour la
Troisiegravemeteacute Cest cette approche que Peirce utilise le plus souvent afin dillustrer sa
theacuteorie Les sens formel et mateacuteriel sont tous deux distingueacutes implicitement dans les
deacutefinitions suivantes
Categoly the First is the Idea of that which is such as it is regardless of
anything else That is to say it is a Qiality of Feeling
Category the Second is the Idea of that which is such as it is as being Second
to SOllle First regardless of anything else and in particular regardless of any 011
although it Illay conforlll to a law That is to say it is Reaction as an eleillent of
the Phenomenon
Category the Third is the Idea of that which is such as it is as being a Third
or Medium between a Second and its First That is to say it is Representation as an
element of the Phenomenon
(EP2 160 1903)
Dans sa formulation initale de la theacuteorie des cateacutegories Peirce considegravere aussi
deux cateacutegories suppleacutementailes lEcirctre et la Substance Les trois cateacutegories
intermeacutediaires correspondant lt1 la Premiegravereteacute la Deuxiegravemeteacute et la Troisiegravemeteacute sont
alors nommeacutees Qualiteacute Relation et Repreacutesentation Les cinq cateacutegories sont deacutefinies
cOl11me des conceptions universelles servant agrave reacuteduire la diversiteacute des impressions
sensibles en une uniteacute Les trois cateacutegories intermeacutediaires sont consideacutereacutees comme des
accidents reacuteduisant progressivement la diversiteacute de la Substance agrave luniteacute conceptuelle
pure de I~Ecirctre Dans le langage cette reacuteduction seffectue au sein de la proposition
luniteacute conceptuelle geacuteneacuterale comprenant les diffeacuterents niveaux de la reacuteduction Peirce
28
reacutesume les cateacutegories dans le scheacutema suivant
Being
Quality (Reference to a Ground)
Relation (Reference to a Correlate)
Representation (Reference to an Interpretant)
Substance
(EPI 61867)
Peirce fait de plus la distinction aussi bien dlI1s ses premiers eacutecrits menant agrave la
formulation de la theacuteorie des cateacutegories initiale que dans les eacutecrits sur la
pheacutenomeacutenologie entre les cateacutegories universelles jusquici preacutesenteacutees et quil a
surtout deacuteveloppeacutees et les cateacutegories paliiculiegraveres dont il na pas termineacute leacutetude
mais quil em ploie largement dans son œuvre Les cateacutegories un iverselles sont
organiseacutees selon un ordre hieacuterarchique solidaire et sont preacutesenteacutees dans la liste courte
de la triade fondamentale Prem iegravereteacute Deuxiegravemeteacute Troisiegravemeteacute Les cateacutegories
particuliegraveres sont plutocirct organiseacutees selon un modegravele ternaire une seule agrave la fois eacutetant
preacutesente ou du moins preacutedominante dans un pheacutenomegravene (EP2 148 1903) Ces
cateacutegories se multiplient en un nombre indeacutetermineacute et repreacutesentent une longue liste
que Peirce na pas compleacuteteacutee Nous pouvons toutefois en suivant ses eacutecrits classer
quelques-unes de ces cateacutegories en tables selon laspect de la reacutealiteacute sur lequel elles
portent de la maniegravere suivante
Aspect de la reacutealiteacute Cateacutegories particuliegraveres
modaliteacute possibiliteacute actualiteacute neacutecessiteacute (EP2 491)
qualiteacute neacutegation aftiumlnnation infiniteacute dintermeacutediaires (EP2
353)
relation monade dyade triade (EP2 424-7)
[sign if~cat ion] vagueur (laglleness) deacutetermination geacuteneacuteraliteacute (EP2
350-52)
quantiteacute particulariteacute singulariteacute universaliteacute (EI)2 353)
Les principaux aspects de la reacutealiteacute ici distingueacutes selon un scheacutema inspireacute des tables
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kantiennes auxquelles sajoute la signification (je la deacutesigne comme telle) semblent
correspondre aux cinq cateacutegories de la theacuteorie des cateacutegories initiale la modaliteacute eacutetant agrave
relier agrave lEcirctre (Peirce en discute aussi en termes de laquomodes decirctreraquo (EP2 269 1903))
la signification agrave la Repreacutesentation la Relation et la Qualiteacute se retrouvant telles quelles
et la quantiteacute se reliant agrave la Substance Les cateacutegories universelles se complexifieraient
de la sorte selon le motif de la quantiteacute en cateacutegories particuliegraveres suivant un modegravele
ternaire La modaliteacute et la quantiteacute encadreraient theacuteoriquement les cateacutegories
universelles philosophiques la Qualiteacute la Relation et la Repreacutesentation qUI
sappliquent plus speacutecifiquement agrave la reacutealiteacute telle que perccedilue dans lexpeacuterience
commune Peut-ecirctre pourrions-nous consideacuterer la modaliteacute et la quantiteacute comme des
cateacutegories laquomeacuteta-philosophiquesraquo propres agrave un autre point de vue au sein des
sciences reacutetrospectif sans doute Toujours est-il que je me limiterai ici agrave lexamen de
deux ensembles de cateacutegories particuliegraveres lune soi-disant meacuteta-philosophique les
modaliteacutes qui permettront dapprofondir la compreacutehension du motif de la
cateacutegorisation peirceacuteenne et lautre proprement philosophique et mecircme logique les
cateacutegories de la signification qui inteacuteressent plus speacutecifiquement le problegraveme envisageacute
dans ce meacutemoire
Ainsi les exemples que Peirce utilise pour deacutelinir ses cateacutegories tant appel aux
modaliteacutes Certaines notions modales sont mecircme lieacutees agrave des cateacutegories speacutecifiques Les
modaliteacutes eacutetant des notions logiques assez intuitives il est inteacuteressant dexaminer le
lien queffectue Peirce entre ces derniegraveres et les cateacutegories en revenant sur les
illustrations concregravetes des cateacutegories et leurs exp 1ications formelles La Prem iegravereteacute est
illustreacutee le plus souvent par une qualiteacute de sensation (qllolilyojjegraveeling) telle le rouge
Avant mecircme quon prenne conscience de la qualiteacute et quon lui accorde une intensiteacute
elle est sous son aspect le plus authentique une simple possibiliteacute ce que Peirce
considegravere comme de la Prel11 iegravereteacute sans Deuxiegravemeteacute La Prel11iegravereteacute la pl us En suivant le motilues cateacutegories rltlrliculiegravetes dc la lJuantiteacute on pcut se dcmanuelnugravelmiddotemenl siumlln) ltlurait pas des cateacutegolies singuliegraveres I)cilcc ne scmole rIS eonsiJeacutenr ec cl1emin de renseacutee (il nest S[II
que ue cc quiumll Joit) lloil deu ordns (lY2 148 1J(3)) Imis on peut imaginer lJuiumll sagilltlil selon son systegraveme de cateacutegolies (d hoc cest-tl-dire que pOlll tel CIS il y uuraillelle laquocateacutegorieraquo lei un nOI11 rlOrlC
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fondamentale des cateacutegories est donc associeacutee agrave la modaliteacute de la possibi liteacute
laquoPossibility the mode of being ofFirstness is the embryo ofbeing It is not nothing
It is not existenceraquo (EP2 269 1903) La Deuxiegravemeteacute est le plus souvent illustreacutee par
un fait brut tel la compulsion par exemple leffort provoqueacute soudainement
lorsquune porte quon sapprecircte agrave ouvrir nous reacutesiste La modaliteacute qui lui est associeacutee
est lactualiteacute laquoSecondness only is while it actually is The same thing can never
happen tVice As Heraclitus said one cannot cross the same river twice raquo (EP2
268 1903) Cest donc aussi la cateacutegorie de lexistence et de lindividualiteacute de la
situation dans un espace-temps La Troisiegravemeteacute peut quant agrave elle ecirctre illustreacutee entre
autres par Lin ensemble discursif mettant plusieurs propositions singuliegraveres en
relation cest-agrave-dire un argument Cest la cateacutegorie meacutediatrice de la penseacutee de la loi et
de la finaliteacute entendue comme raison ou but La modaliteacute qui lui est associeacutee est la
neacutecessiteacute
On the other hand Necessiy is an idea 01 Thirdness This word is equivocal it is
here taken in the sense of rational ie general necessity It is not a mere cJenial of
Possibility For Possibility in the sense of Firstness is not a subject of denial The
absence of any given possibility is 01 course a possibility but to leave a character
st8ncling and rcmovc From it its possibility is nonsense unJess one means ta speak
of a representamen of the quality in which case the element of Thirclness is the
predominant one (EP2 271 1903)
La relation de deacutependance non reacuteciproque propre aux cateacutegories universelles
sapplique aussi aux modaliteacutes qui leur sont associeacutees La neacutecessiteacute ne nie pas la
possibiliteacute mais limplique Cependant tout comme la Troisiegravemeteacute peut dominer et
laisser la Premiegravereteacute inapparente la neacutecessiteacute peut aussi dominer et laisser la
possibiliteacute sembler seffacer comme caracteacuteristique modale Nous remarquons aussi
que la Troisiegravemeteacute est la cateacutegorie dont la deacutefinition est la plus tagravecile agrave eacutelaborer
discursivement que la Deuxiegravemeteacute est la cateacutegorie la plus tagravecile agrave illustrer par
lexpeacuterience que nous en faisons dans le monde et que la Premiegravereteacute est tout
simplement la cateacutegorie la plus difficile agrave saisir bien que la plus fondamentale La
deacutefinition agrave laide dillustrations recoupe leacutelaboration formelle preacutesenteacutee plus haut
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mais implique les modaliteacutes de faccedilon plus eacutevidente La structure deacutegageacutee dans
lexposition formelle se reflegravete donc aussi sur les modaliteacutes
Le lien queffectue Peirce entre les cateacutegories et le langage dans la theacuteorie des
cateacutegories in itiale nOLIs informe eacutegalement au sujet des modal iteacutes Les cateacutegories
opegraverent une unification conceptuelle au sein de la proposition qui consiste en la mise
en relation clu preacutedicat et de ses sujets culminant clans la conception dmiddotEcirctre Or la
modaliteacute est dans sa deacutefinition canonique une notion moditiant la relation diumlnheacuterence
subsistant entre le sujet et le preacutedicat Les modaliteacutes sont donc des notions tregraves
semblables aux cateacutegories universelles Peirce dit lui-mecircme dans sa preacutesentation plus
tardive et pheacutenomeacutenologique des cateacutegories laquoA Possibility and a Firstness are pretty
nearly identicalraquo (EP2 271 1903) Et il preacutecise ailleurs dans le mecircme article nous
lavons vu plus haut laquoPossibility the mode of being of Firstness is the embryo of
beingraquo (EP2 269 1903) Si nous faisons le lien entre laftinnation selon laquelle laquola
possibiliteacute [est] le mode decirctre de la Premiegravereteacuteraquo et la liste initiale des cateacutegories nous
pouvons comprendre le mode decirctre comme eacutetant une modification de luniteacute
conceptue Ile pure de la cateacutegorie dEcirctre par des accidents Les cateacutegories
intermeacutediaires sont les accidents graduels de la conception dEcirctre et la modaliteacute est la
qualitication de ces accidents Les modaliteacutes indiquent donc la maniegravere dont les
cateacutegories accidentelles opegraverent la reacuteduction du divers sensible en une uniteacute imparfaite
par rapport agrave luniteacute pure de lEcirctre qui na pas de modaliteacute En nous reacutereumlrant
eacutegalement agrave la liste initiale des cateacutegories nous pouvons aussi comprendre
latlirmation selon laquelle laquola possibiliteacute est lembryon de lecirctreraquo puisque la
cateacutegorie universelle dont la possibiliteacute est la modaliteacute correspondante la qualiteacute est la
derniegravere conception avant luniteacute conceptuelle pure de lEcirctre Nous tirons de ces
consideacuterations le scheacutema reacutecapitulatif su ivant
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Ecirctre mode decirctre
Qualiteacute possible
Relation accidents qualifieacutes de actuel
Repreacutesentation neacutecessaire
Substance
La modaliteacute est de plus abordeacutee en logique dans la partie modale des graphes
existentiels mais celle-ci est resteacutee largement inacheveacutee et reste inaccessible sans une
introduction agrave la meacutethode des graphes existentiels La modaliteacute est sinon mentionneacutee
par Peirce lorsquil eacutetudie les propositions dans le cadre de sa theacuteorie des signes Mais
il ne fait alors que suivre la tradition scolastique et kantienne en en reprenant les
deacutefinitions Toutefois cela nous indique que sa conception devrait pour lessentiel
saccorder avec cette tradition quil a eacutetudieacutee en profondeur et dont il sest
certainement inspire Honn is les deacutefinitions de dictionnaire eacutecrites par Peirce la
principale occurrence dune deacutefinition des modaliteacutes dans le cadre de leacutetude
seacutemiotique des propositions est la suivante
ln the fiumlrst place accordillg to Ivodalily [ J or Mode [ J a prOposition is either
de inesse [ ] or modal A proposition de inesse contemplates ollly the existing
state of things-existing that is in the logical ulliverse of c1iscourse A modal
proposition takes account of a whole range of possibility According as it asserts
something to be true or fnlse throughout the whole range of possibility it is
necessary [ J or impossible According as it asserts something to be true or false
within the range of possibility (not expressly including or excluding the existent
state of things) it is possible [ ] or conlingenl (EP2 283 1903)
La conception de la modaliteacute formuleacutee ici correspond exactement agrave celle entrevue
jusque maintenant dans lexamen de la phaneacuteroscopie Selon la modaliteacute une
proposition est soit de inesse ou modale Le de inesse correspond agrave la modaliteacute cie
lactualiteacute La possibiliteacute est aussi reconnue comme un aspect fondamental des
Le long article encyclopeacutedique sur lu modoliteacute que leircc a eacutecril pour le dictionnaire de lames Mark 13uldin reacutesume les conceptions ue ces deux lraditions (CI 2382-90 1902) Les parenthegraveses omises dons la citation suivante lonl dailleurs reacuteleumlrcnec au lermes uorigine el il leurs au leurs (I~()egravece
Iheacutel)Id Kal1l)
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modaliteacutes Les modaliteacutes sont ensuite classeacutees selon le champ de possibiliteacute consideacutereacute
la modaliteacute qui englobe tout le champ du possible est la neacutecessiteacute si la proposition est
positive et limpossibiliteacute si la proposition est neacutegative et la modaliteacute qui ne
considegravere quune partie du champ du possible est la possibiliteacute si la proposition est
positive et la contingence si la proposition est neacutegative Il est inteacuteressant de noter
que lactualiteacute est consideacutereacutee comme une modaliteacute et que la phaneacuteroscopie ne
consideacuterait en plus de lactualiteacute que les modaliteacutes positives de la neacutecessiteacute et la
possibiliteacute La deacutefinition de la philosophie citeacutee plus tocirct preacutecise bien quelle est laquoune
science jJOsiive en ce sens quelle deacutecouvre ce qui est reacuteellement vrairaquo La seconde
occurrence significative des modaliteacutes dans un contexte seacutemiotique est le postshy
scriptum dune lettre agrave Lady Welby La modaliteacute y sert agrave caracteacuteriser les diffeacuterents
types de signes
1 signifies the Possible Modality that of an Idea
2 signifies the Actual Modality that of an Occurrence
3 signilies the Necessary Moclality that of a Habit
(EP2 4911908)
Les chiffres (1 2 3) deacutecrivent chacun un aspect du signe dans un scheacutema de
combinntoires deacutefinissant les dix classes de signes Lactualiteacute est agrave nouveau reconnue
comme modaliteacute tandis que seules les modaliteacutes positives de ln possibiliteacute et la
neacutecessiteacute sont eacutegalement retenues dans le cadre dune description phaneacuteroscopique
servnnt agrave caracteacuteriser les dineumlrents types de signes
Les cateacutegories particuliegraveres de la signification ne sont pas preacutesenteacutees
explicitement dans les tables de Kant mais Peirce les fait remonter agrave ce demier (EP2
352 1905) Lexposeacute le plus complet des cateacutegories de la signification se trouve dans
larticle de 1905 intituleacute laquoIssues ofPragl11aticisl11raquo (EP2 346-59) auquel peuvent ecirctre
ajouteacutees les deacutefinitions du LenlIry Dicio1mJ el du dictionnaire de Baldvin le
deacute1inirai tout dabord chacune des trois conceptions puis les aliiculerai les unes avec
les autres pour finalement me concentrer sur la porteacutee de la geacuteneacuteraliteacute dans le systegraveme
des sciences Il sera plus commodc dc prcndrc pour point de deacutepart la reacutealiteacute actuelle
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et de deacutefinir en premier I() cateacutegorie particuliegravere de la signitication qui lui correspond la
deacutetermination La signification dun terme est dite deacutetermineacutee lorsque la Deuxiegravemeteacute
domine la repreacutesentation La relation entre le terme et ses objets est alors actuelle
quelle soit affirmeacutee ou nieacutee les qualiteacutes de lun eacutetant attribueacutees agrave lautre Ainsi un
nom commun deacutesigneacute par un adjectif deacutemonstratif est un exemple de terme dont la
signification est deacutetermineacutee Les cateacutegories du vague et du geacuteneacuteral sont toutes deux
indeacutetermineacutees Peirce donne la deacutetinition suivante de la deacutetermination
A subject is delerminale in respect ta any character which inheres ln it or is
(universally and ltlt1iliumlllatively) predicated of il as weil as in respect ta the negative
of such character these being the very saille respect In ail other respecls it is
indelerlllil1ole (EP2 350 1905)
La sign ificeacuteltion d un tcrmc est plutocirct dite lagile lorsque son caractegravere de Prcm iegravercteacute
esl preacutepondeacuteranl La relation entre le terme et les objets auxquels il est altribuable
nest alors que possible elle reste agrave deacuteterminer dans le processus interpreacutetatif Le
champ dapplication du terme neacutelant pas initialement entrevu la signification est dite
non seulement indeacutetermineacutee mais eacutegalement indeacutefinie Un mot agrave la signification
inconnue dans son premier abord mais speacutecitiable par la suite esl un exemple de
terme vague La deacutefinition du vague que donne Peirce est la suivante
A sign that is objectively indetenninate in any respect is objectively vague in sa
far as it reserves further determination ta be made in saille other conceivable sign
or nt least does not appo int the interpreter as its deputy in this office (EP2 351
1905)
La signification dun terme est finalement dite geacuteneacuterale lorsque cest la Troisiegravel11eteacute
qui domine la repreacutesentation La relation entre le terme et les objets auxquels il est
imputable eSl alors neacutecessaire car bien quelle soit indeacutetermineacutee elle reste limiteacutee agrave
une porteacutee bien deacutefinie La signification du terme geacuteneacuteral est pour cette raison dite
deacutefinie par opposition agrave lautre cateacutegorie indeacutetermineacutee du vague La conception
dEcirctre implicite agrave toute proposition constitue la signification geacuteneacuterale par excellence
exprimant la relation d iumldenti teacute propre agrave tous les objets eacutemergeant d un mecircme
continuum phaneacuteronique et repreacutesenteacutes aussi dans un mecircme continuum seacutemiotique
Peirce deacutetinit le geacuteneacuteral cOmme suit
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A sign (under which designation 1 place every kind of thoughL and not alone
external signs) that is in any respect objectively indetenninate (ie whose object
is undeterlllined by the sign itself) is objectively genera in so far as it extends to
the interpreter the privilege of carrying its deterlllination fmtheL (EP2 350
1905)
Agrave un niveau plus speacutecifiquement logique Peirce donne une cleacute suppleacutementaire agrave
linterpreacutetation des deux cateacutegories indeacuteterlll ineacutees en di san t que le princ ipe du tiers
exclu ne sapplique pas agrave ce qui est geacuteneacuteral tandis que le principe de contradiction ne
sapplique pas il ce qui est vague (FP2 351 1905) Nous pouvons en deacuteduire que la
cateacutegorie de la deacutetermination implique les deux principes agrave la fois eacutetant la plus
contrainte dans le cadre de la reacutealiteacute actuelle Peirce nomme aussi preacutecision lacte de
deacutetermination pouvant ecirctre accompli par un interpregravete celui qui effectue la relation de
signification (EP2 352 1905)
les trois cateacutegories particuliegraveres de la signification sont ordonneacutees entre elles
selon le mecircme ordre hieacuterarchique que les cateacutegories universelles agrave cette diffeumlrence pregraves
que lordre des premiegraveres nest pas solidaire cest-agrave-dire quil nest pas triadique
mais ternaire L ordre de genegravese reste le mecircme le vague eacutetant la conception la plus
eacuteleacutementaire suivie de la deacutetermination et de la geacuteneacuteraliteacute dans le deacuteveloppement du
processus de signification laquoLooking upon the course of logic as a who le vve see that it
proceeds from the question to the answer-from the vague to the definite And so
likewise ail the evolution we know of proceeds from the vague to the definiteraquo (CP
6191 1898 un autre exemple psychologique cette fois en CP 3160 1880)
Toutefois la preacutesence dune cateacutegorie n iuml mpl ique pas neacutecessa irement celle des deux
autres Cela sexplique si Ion considegravere quau sein des cateacutegories de la quantiteacute lautre
ensemble de cateacutegories meacuteta-phi losoph iques en compleacutement de la modaliteacute la
particulariteacute fait figure de Premier et luniversaliteacute de Troisiegraveme La particulariteacute
nimplique donc que chacune des cateacutegories pour elle-mecircme tandis que luniversaliteacute
implique lensemble des relations de deacutependance non reacuteciproque entre les diffeumlrentes
Ane pas cont()JlJrc ~lee lopeacutel~ltion Jabstraction preacuteseission qui consisk Ugrave cleacutecl Ull ens llIlionis
par exemple la noilcellr (illckness) de tous les obiets Iloirs
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cateacutegories Le lien entre les cateacutegories est de la sorte bien reconnu mais leur mise en
preacutesence nest pas neacutecessaire Notons cependant que les cateacutegories particuliegraveres de la
modaliteacute semblaient impliquer le lien de cleacutependance non reacuteciproque de lagraveccedilon plus
explicite et quelles se rapprochaient en cela des cateacutegories universelles Disons agrave ce
sujet que dans le systegraveme continu de Peirce tout est affaire de degreacute et que mecircme au
sein des diffeacuterents ensembles de cateacutegories la caracteacuterisation ne simpose que
graduellement Peirce ne propose pas cette expl ication lui-mecircme et n eacuteta it pas
satisfagraveit du moins en 1903 de la distinction entre les deux modegraveles celui ternaire des
cateacutegories particuliegraveres et celui triadique des cateacutegories universelles (EP2 148 1903)
mais cette explication entendue de faccedilon nuanceacutee eacutetant coheacuterente avec son systegraveme je
ladopterai pour la suite cie mon argumentation Peirce reconnaicirct cie plus une certaine
polariteacute entre la Premiegravereteacute et la Troisiegravemeteacute qui semblent ainsi graviter autour cie la
Deuxiegravemeteacute comme si l actua 1iteacute consti tuai t un po int de vue central sllr les deux
alitres aspects de la reacutea 1iteacute Il alticule souvent les cateacutegories Premiegraveres et Troisiegravemes
ensemble tel que clans cet extrait reacuteveacutelateur laquopossibility being the denial of a
necessity which is a kind of generality is vague like any other contradiction of a
generatraquo (EP2 354 1905) La Troisiegravemeteacute entretient donc un certain lien privileacutegieacute
avec la Prem iegravereteacute de mecircme que la geacuteneacuteral iteacute avec la vagueur
A fin de deacuteterminer maintenant quelle est la porteacutee de la geacuteneacuteraliteacute dans le
systegraveme des sciences revenons au scheacutema classificatoire preacutesenteacute dans la section
preacuteceacutedente La classification cles sciences suit le motifcles cateacutegories et chaque science
possegravede de la sorte un aspect cateacutegoriel preacutepondeacuterant qui se combine agrave dautres
aspects lors de lapprofondissement de la structure du systegraveme La science est la plus
geacuteneacuterale des activiteacutes humaines et cest la Troisiegravemeteacute qui la marque de ce point de
vue Au sein mecircme des sciences heuristiques Premiegraveres des sciences les
matheacutematiques sont Premiegraveres et vagues on peut les appliquer dans plusieurs sens
qui restent agrave lorigine indeacutefinis Les sciences idioscopiques sont plutocirct Troisiegravemes et
geacuteneacuterales leurs applications eacutetant multiples mais deacutefinies en fonction de certains
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champs dapplication speacutecifiques La philosophie est quant agrave elle la science
heuristique la plus actuelle et deacutetermineacutee partant dans ses recherches de
lappreacutehension de la reacutealiteacute agrave travers lexpeacuterience commune On accentue souvent le
caractegravere geacuteneacuteral de la philosophie mais il sagit sans doute de la geacuteneacuteraliteacute de toutes
sciences qui devient plus marqueacutee suivant la concordance de notre propre point de
vue actuel avec lobjet de la philosophie les fagraveits de lexpeacuterience commune Parmi les
sciences philosophiques mecircmes la phaneacuteroscopie se reacutefegravere vaguement agrave la reacutealiteacute dans
leacutetude de sa man i festation prem iegravere les sciences normati ves proposent dordonner
selon des principes deacutetermineacutes notre relation au reacuteel tandis que la meacutetaphysique
efrectue un retour reacutellexif geacuteneacuteral sur la reacutealiteacute comprise comme un tout deacute1ini mais
saisissable de difteumlrentes faccedilons
La science normative qui inteacuteresse le meacutemoire est la seacutemiotique ou logique
geacuteneacuterale identifieacutee agrave la theacuteorie des signes La seacutemiotique est Troisiegraveme et geacuteneacuterale elle
eacutetudie la penseacutee qui permet de saisir en un tout coheacuterent la reacutealiteacute mais elle leacutetudie
avant tout dans le but de proposer des principes dilecteurs agrave la penseacutee tireacutes de
lexamen mecircme de la structure de la reacutealiteacute Ultimement dans la doctrine du
pragmatisme le but de la logique sous son aspect meacutethodeutique est de montrer le
chemin menant agrave ladeacutequation de la penseacutee avec la reacutealiteacute En indiquant la voie agrave suivre
dans la confrontation agrave la reacutealiteacute actuelle la seacutemiotique reste Deuxiegraveme mais possegravede
neacuteanmoins un aspect Troisiegraveme important en ce quelle porte sur leacuteleacutement meacutediateur
de la reacutealiteacute la penseacutee La seacutemiotique fournit donc des principes normatifs geacuteneacuteraux
aux sciences qui en deacutependent y compris les sciences idioscopiques et plus
speacutecifiquement la linguistique et la science de leacutecriture Ces principes sont geacuteneacuteraux
en ce quils concernent leacuteleacutement meacutediateur de la penseacutee qui ne reflegraveterait ultimement
que la structure de la reacutealiteacute comprise de faccedilon adeacutequate ce qui rend les principes de la
seacutemiotique deacutefinis mais qui comprend lensemble des repreacutesentations possibles de la
reacutealiteacute ce pour quoi la signification des principes demeure indeacutetermineacutee
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le terminerai cette section en examinant comment seffectue le passage du
phaneacuteron au signe question que jaborderai en consideacuterant le problegraveme exeacutegeacutetique du
lien entre la phaneacuteroscopie et la theacuteorie des cateacutegories initiale Le passage de la
Substance agrave lEcirctre dans la theacuteorie in i tia le peut ecirctre rapprocheacute de ce 1ui du phaneacuteron au
signe dans la theacuteorie tardive Le phaneacuteron comprend les trois aspects fondamentaux de
la reacutealiteacute au premier abord indiffeacuterencieacutes tandis que la substance est une conception
permettant de saisir lensemble des impressions sensibles Ceci nous rappelle par
ailleurs les trois propositions qui venaient appuyer la doctrine du pragmatisme et
selon lesquelles le point de deacutepart du processus cognitif faisant sens des impressions
sensibles est un jugement perceptuel qui contient des eacuteleacutements geacuteneacuteraux Le passage
du phaneacuteron au signe consiste ensuite en une prise de conscience explicite graduelle
des trois aspects de la reacutealiteacute qui se preacutesentent dabord agrave la conscience sans se
diffeacuterencier de celle-ci jusquagrave leur repreacutesentation par des signes au sein de la
conscience repreacutesentative la cognition seacutemiotique Ce passage est caracteacuteriseacute par une
geacuteneacuteralisation croissante des eacuteleacutements distingueacutes ou plus exactement par leur
deacutetermination allant dune preacutepondeacuterance de la Premiegravereteacute du phaneacuteron agrave celle de sa
Deuxiegravemeteacute Les eacuteleacutements sont extraits du phaneacuteron qui se preacutesente agrave la conscience
par le biais dune coalescence perceptuelle puis se distinguent de la conscience et la
confrontent en tant que faits perceptuels et sont finalement saisis dans le jugement
perceptuel Ils peuvent alors ecirctre repreacutesenteacutes et se deacutevelopper en tant que signes dans
le sens de la geacuteneacuteralisation croissante de la repreacutesentation
Le problegraveme du lien des cateacutegories phaneacuteroscopiques avec les cateacutegories
initiales consiste en ceci que lordre de cateacutegorisation nest pas le mecircme dans les deux
theacuteories Dans la theacuteorie initiale lordre de passage des cateacutegories intermeacutediaires de la
Substance agrave lEcirctre est de la Repreacutesentation (Troisiegraveme) agrave la Relation (Deuxiegraveme) puis
la Qualiteacute (Premiegravere) tandis que selon la phaneacuteroscopie lordre de passage du
phaneacuteron au signe duumlmentconstitueacute est de la Premiegravereteacute agrave la Deuxiegravemeteacute puis agrave la
le Illinspire ici Je Imiddotcposeacute JnJeacute I)e Tienne (2000) Illnis ne lais ljuefJ1euITI ln surlilCC Je son eacutelrgulllenl
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Troisiegravemeteacute toutes trois cateacutegories eacutetant preacutesentes mais chacune devenant
preacutepondeacuterante selon leur ordre de genegravese Toutelois la porteacutee des cateacutegories de la
theacuteorie initiale est limiteacutee agrave la cognition alors que la phaneacuteroscopie comprend comme
son objet la totaliteacute du pheacutenomegravene preacutesent ft lmiddotesprit La Substance serait donc agrave situer
au niveau seacutemiotique de la description phaneacuteroscopique et la phaneacuteroscopie serait de
la sorte plus englobante que la theacuteorie des cateacutegories in itiale Il en serait ainsi de mecircme
que pour labduction qui repreacutesente un niveau avanceacute du processus cognitif deacutebutant
agrave un niveau plus fondamental avec le jugement perceptuel Il reste malgreacute cette
distinction ft expliquer le problegraveme de linversion des cateacutegories dune theacuteorie agrave
lautre Je propose comme explication que le deacuteveloppement des cateacutegories de la
theacuteorie initiale dans le sens de la reacuteduction du divers sensible en une uniteacute est le cas
limite de la cognition par signes Dans le cours de lunification de lexpeacuterience par la
repreacutesentation il vient un moment ougrave le processus allant dans le sens dune
domination toujours croissante de la raison sur la reacutealiteacute seacutepuise La seule issue agrave une
seacutemiose infinie est alors le retour aux eacuteleacutements plus fondamentaux de la reacutealiteacute un
retour qui nest toutefois pas une reacutegression puisque chaque aspect de la reacutealiteacute
demeure important et nest que mieux valoriseacute Le retour consiste donc agrave passer de la
repreacutesentation de la reacutealiteacute la conception de lunivers comme un symbole agrave la
consideacuteration des relations constitutives de cette reacutealiteacute et puis de ses qualiteacutes jusquagrave
lunification ultime de lexpeacuterience en lEcirctre qui lui-mecircme nest pas un signe La
conception decirctre est bien un signe geacuteneacuteral le plus geacuteneacuterd qui soit mais lEcirctre luishy
mecircme est au-delagrave de la cateacutegorisation propre au domaine phaneacuteronique Cette
speacuteculation sur le sens du procegraves de la reacutealiteacute chez Peirce serait agrave tout le moins
appuyeacutee par la doctrine du pragmatisme qui preacuteconise le retour agrave lactualiteacute degraves lors
que la structure de la reacutealiteacute a eacuteteacute saisie par la raison Ce problegraveme nous megravene au
champ de la meacutetaphysique qui deacutepasse le cadre de ce meacutemoire et je ne
lapprofondirai donc pas mais la solution suggeacutereacutee devrait permettre douvrir le
systegraveme de Peirce en lui donnant de nouvelles possibiliteacutes de penseacutee
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132 Seacutemiotique theacuteorie des signes
La seacutemiotique ou logique de Peirce est une science des signes cherchant les
conditions formelles de la signification vraie de la repreacutesentation adeacutequate de la reacutealiteacute
par des signes La penseacutee seffectuant par signes la seacutemiotique occupe une place
centrale dans lordre des sciences heuristiques Elle comporte trois branches la
grammaire speacuteculative qui deacutecrit la constitution mecircme du signe distingue ses
diffeacuterents types et organise ceux-ci en classes la logique critique qui analyse plus
speacutecitiquement les arguments et permet ainsi de juger de leur validiteacute ou leur degreacute de
force et la meacutethodeutique qui eacutetudie les conditions de la production de signes Je
preacutesenterai dans cette section la seacutemiotique en me concentrant sur la grammaire
speacuteculati ve qu i en consti tue la partie la plus inteacuteressante en ce qui concerne leacutetude de
leacutecriture mais je la relierai tout de mecircme par la suite agrave la logique critique et la
meacutethodeutique en palticulier agrave la doctrine du pragmatisme
Quest-ce quun signe La seacutem iotique en tan t que grammaire speacuteculative
reprend le motif structurel des cateacutegories et sa deacutetinition du signe est donc triadique
cest-agrave-dire quelle distingue trois termes interdeacutependants et irreacuteductibles de la relation
de signification authentique soit le signe proprement dit lobjet et linterpreacutetant Une
structure est dite laquoauthentiqueraquo lorsquelle respecte lordre hieacuterarchique solidaire sous
tous ses aspects et est de la sorte purement triadique tandis quune structure dont au
moins un aspect quelconque nentre pas dans lordre de la triade est qualifieacutee de
laquodeacutegeacuteneacutereacuteeraquo Peirce dans une de ses formules les plus claires deacutetinit le signe
formellement comme suit
A Sign or Representomen is a First which stands in such a genuine triadic relation
ta a Secancl called its Object as ta be capable of detennining a Third called its
Interpretant ta assume the same triadic relation to its Object in which it stands
itself ta the same Object The triadic relation is genlline that is its three members
are bauncl tagether by it in a way that does nat consist in any complexus of dyadic
le base pour lessentiel mon c-poseacute de la seacutemiotique sur celui dc Liszka (1996) mais cn deacuteveloppe eacute1utremenlla panic meacutelhoc1eutique que je relie plus direclenleacutenl ugrave la doctrine du pragmatisme
41
relations (EP2 272-3 1903)
Dans ses premiers eacutecrits seacutemiotiques Peirce distingue le signe de son
fondement (grollnd degraves la laquoNew List of Categoriesraquo EP 1 1-10 1867) Le fiJndel7len
du signe est une forme abstraite qui ne retient que certaines caracteacuteristiques de lobjet
celles agrave partir desquelles la signification se construit Une chose devient donc le
fondement dun signe lorsquelle preacutesente un certain aspect dune autre chose lo~jet
Le signe lui-mecircme peut ecirctre pris dans un sens plus large comprenant linstantiation
mateacuterielle et la relation aux autres composantes de la signitication Le tenlle
laquofondementraquo nest plus employeacute dans les derniers eacutecrits mais la preacutesentation dune
forme particuliegravere de lobjet est toujours sous-entendue ainsi dans cet extrait dune
lettre agrave Lady Welby laquo1 use the word --Sign-- in the widest sense for any medium for
the communication or extension of a Form (or feature)) (SampS 196 1906) Le terme
laquorepreacutesentamenraquo est utiliseacute quant agrave lui par lauteur agrave une certaine eacutepoque (voir la
citation ci-dessus de 1903) dans un sens plus large que le signe non limiteacute agrave la
repreacutesentation mentale La deacutefinition du signe tinira cependant par englober ce sens
eacutelargi lillustration par la reacutefeacuterence agrave la repreacutesentation mentale humaine servant
seulement agrave faire comprendre la conception (ce nest quun laquopot de vin agrave Cerbegravereraquo dit
Peirce EP2 478 1908) Lobjet est dautre paria chose correacuteleacutee avec le signe ce dont
le signe tient lieu dans la reacutealiteacute La lieutenance est laspect central de la relation de
sign ification consti tuant le signe dugrave agrave son mode decirctre actuel cest bien parce que
deux choses existant individuellement dans la reacutealiteacute actuelle occupent des positions
deacutetermineacutees et ne peuvent sidentitier parfaitement lune agrave lautre que lune le signe
tient lieu de lautre Iobjet atin de la repreacutesenter tagravece agrave une troisiegraveme chose
(linterpreacutetant) Toutefois des possibiliteacutes et des lois neacutecessaires peuvent aussi servir
dobjets en ce sens quelles deacuteterminent alors de leur propre point de vue modal la
repreacutesentation que le signe en donne au sein de la reacutealiteacute actuelle De faccedilon geacuteneacuterale
une chose devient donc lobjet dun signe lorsquelle est repreacutesenteacutee par ce signe le
signe eacutetant laquoagrave proposraquo de lobjet et deacuteterm ine la repreacutesentation la torl11e de lobjet
42
contraignant la forme du signe Dans la seacutemiotique plus tardive de Peirce lobjet en
tant quil est repreacutesenteacute par le signe est dit illlllleacutediol et en tant quil deacutetermine la
repreacutesentation dYl1olJ7iqllc L inlcrpreacutelol11 est quant agrave lui ce qui est deacutetermineacute par le
signe une autre chose qui devient agrave son tour signe Linterpreacutetation dun signe en un
autre est agrave la Iois un produit un nouveau signe un processus la transformation de la
troisiegraveme chose en signe (la seacutemiose) et un elTet sur lltltinterpregravete)) qui comprend le
signe Linterpreacutetant peut aussi ecirctre consideacutereacute de faccedilon geacuteneacuterale comme une regravegle de
transformation dune chose en un nouveau signe puisque le processus de seacutemiose vise
une certaine tin Une chose devient donc linterpreacutetant dun signe lorsquelle est
deacutetermineacutee par ce signe agrave se transformer en un autre signe repreacutesentant le mecircme objet
selon le mecircme point de vue formel de preacutesentation initiale la production de ce
nouveau signe ayant pour effet dinfluencer un agent interpreacutetant Dans ses derniers
eacutecrits de seacutemiotique Peirce qualifie linterpreacutetant en tant que produit dilJ7l11eacutediul en
tant que processus de dYl1olJ7iqlle et en tant queffet defll1o
Afin dillustrer ces deacutefinitions prenons lexemple suivant de Peirce
Two men are standing on the seashore looking out ta sea One of them says ta the
other That vesser there carries no freighl at ail but only passengers Now if the
other himselL sees no vessel the first information he derives lrom the remark has
for its abject the part of the sea that he c10es see and informs him that a persan
with sharper eyes than his or more trainecl in looking for such things can see il
vesser there and then (hat vesser having been thus introducecl ta his acquaintance
he is prepalecl ta receive the information about it that it carries passengers
exclusively But the sentence as a whole has for the persan supposed no other
abject than that Vith which it tinds him alreacly acquainted (CP 2232 1910)
Le signe dans cet exemple est la proposition eacutechangeacutee entre les deux personnes qui en
son tondement deacutecrit certaines caracteacuteristiques de lobjet repreacutesenteacute dans le discours
cest un navire situeacute agrave tel endroit qui ne transporte nulle cargaison mais seulement
des passagers Lobjet immeacutediat pour celui qui eacutecoute est la partie de la mer quil
entrevoit dans la direction indiqueacutee par le locuteur tandis que lobjet dynamique pour
le mecircme interpregravete est le navire que son compagnon distingue effectivement et au
43
sujet duquel il asserte une proposition L interpreacutetant immeacutediat est agrave son tour lideacutee
du navire que se fait lauditeur alors que linterpreacutetant dynamique est le processus
dinfOlmation auquel est sujet cet interpregravete et que linterpreacutetant [iumlnal est peut-ecirctre
supposons-le la reconnaissance de leacuterudition en matiegravere de navires que le locuteur
espegravere susciter chez son camarade
La grammaire speacuteculative deacuteveloppe aLlSSI une typologie des signes qui [ut
eacutelaboreacutee chez Peirce en plusieurs moments Je nexaminerai ici que la typologie de
1903 (EP2 267-88 et 289-99 1903) qui est la mieux deacuteveloppeacutee et dont je pourrai
par conseacutequent preacutesenter un exposeacute plus coheacuterent Le signe peut prendre diffeacuterents
aspects selon quil est consideacutereacute en soi (en son fondement) dans sa relation agrave lo~iet
ou dans sa relation agrave linterpreacutetant Lanalyse typologique de ces aspects permet de
distinguer trois trichotomies de signes que Peirce distingue de la faccedilon suivante
Signs are divisible by three trichotomies fi lst according as the sign in itself is a
mere quality is an actual existent or is a general law secondly according as the
relation of the sign to its Object consisls in the signs having some character in
itself or in some existential relation to that Object or in its relation to an
Interpretant thirdly according as its Interpretant represents il as a sign of
possibility or as a sign of fact or a sign of reason (EP2 291 1903)
Les aspects que prend le signe lorsque consideacutereacute pour lui-mecircme sont le
qualisigne le sinsigne et le leacutegisigne Ces aspects font reacutefeacuterence agrave des caractegraveres du
signe preacutesents en son fondement qui permettent la construction de la signification Le
signe qui preacutesente avant tout en son fondement une qualiteacute formelle est un qualisigne
Il se maniteste forceacutement dans la reacutealiteacute actuelle agrave travers une existence singuliegravere meacutelis
cest un aspect qualitatifqui domine son fondement et rend la repreacutesentation possible
Par exemple une chose qui devient un signe pour la simple raison quelle possegravede telle
qualiteacute disons decirctre bruyante est un qualisigne (cest bien le type de signe le plus
dinicile agrave illustrer) Le signe dont le fondement preacutesente comme aspect dominant Lin
existant actuel est nommeacuteinsignc Il a forceacutement des qualiteacutes qui rendent sa
44
preacutesentation possible mais cest la manifestation de son fondement dans la reacutealiteacute
actuelle qui importe et permet la repreacutesentation Le tic ou le tac dun meacutetronome en
ce quil marque un temps preacutecis est un sinsigne Si laspect le plus important que le
fondement preacutesente a le caractegravere dune loi une convention ou une habitude alors le
signe est nommeacute leacutegisigne Ce type de signe possegravede aussi des qualiteacutes et se preacutesente
eacutegalement dans un existant actuel mais ce qui importe en son fondement est 1 aspect
conventionnel ou habituel rendant la repreacutesentation possible La manifestation
singuliegravere du leacutegisigne est un sinsigne appeleacute reacuteplique Le tic-tac reacutegulier du
meacutetronome en ce quil donne la cadence agrave suivre dans linterpreacutetation dun morceau
de musique est un leacutegisigne Chacun de ces aspects peut ecirctre preacutesent dans le signe
laspect dominant en son fondement deacuteterminant cependant de quel type de signe il
sagit
Les aspects que prend le signe dans sa relation agrave lobjet sont licocircne lindex et
le symbole Cette division est la plus utile car en lien avec la repleacutesentation du signe
dans la reacutealiteacute actuelle Les trois aspects font ainsi reacutefeacuterence agrave une capaciteacute
repreacutesentative du signe actualiseacutee dans sa mise en relation avec lobjet Nous
retrouvons ici les approches formelle et mateacuterielle dans diffeacuterentes deacutetinitions de ces
types de signe
An con is a Representamen whose Representative Qualily is a Firstness of il as a
First Thal is a CJuality that it heacutelS qlla thing renclers il fit to be Cl Representarnen
An index or Seille (Olwa) is a RepresentClmen whose Representative cheacutelracter
consists in its being an inclividueacutell Seconcl A SymJo is Cl Representarneri whose
Representative Cheacutelrltlcter consists precisely in its being a rule that will delermine its
Interpretant (EP2 273-4 1903)
There are Ihree kincls ofsigns Firstly Ihere are likenesses or icons which serve 10
convey icleas of the lhings lhey represent simply by imitating them Secondly
there are indicatiol1s or indices which show sornething abOlit things on accollnt of
their being physically connected with them Thirclly there are symbos or
general signs which have becoille associated with their rneanings by usage (EP2 5
1894)
4S
Un signe est une icocircne lorsquil preacutesente en son fondement des caractegraveres
similaires agrave des caractegraveres de lobjet Liumlcocircne possegravede ces caractegraveres peu importe
quelle soit mise en relation avec lobjet ou non Toutefois la signification de liumlcocircne
reste vague dans la seule preacutesentation de son tondement et ne se preacutecise que dans la
repreacutesentation actuel le de lobjet Pour que licocircne devienne eHegravectivement le signe de
lobjet leur mise en relation doit donc ecirctre actuelle bien quelle demeure mecircme sans
correacutelation le signe potentiel de lobjet Par exemple une peinture de paysage en ce
quelle ressemble eHegravectivement au paysage quelle deacutepeint est une icocircne Peirce
distingue par ailleurs des sous-types diumlcocircne ou hypoicocircnes selon le genre de
caractegraveres que le signe partage avec lobjet soit liumlmage le diagramme et la meacutetaphore
Limage ressemble agrave son objet en vertu dune similariteacute de qualiteacutes le diagramme
dune similariteacute de relations entre eacuteleacutements de lobjet et de relations entre eacuteleacutements du
signe et la meacutetaphore dune mise en parallegravele avec un troisiegraveme terme non expliciteacute
Un signe est un index lorsquiumll entretient une relation de contiguiumlteacute avec lobjet
Lindex est aussi essentiellement un individu sa signification est deacutetermineacutee et il ne
peut par conseacutequent que montrer lobjet sans rien dire agrave son sujet Un signe ne peut
ecirctre un index que dans sa mise en re lation actuelle avec lobjet Un pronom
deacutemonstratif dans sa fonction deacuteictique en est un exemple dans la langue usuelle Un
signe est finalement un symbole lorsque sa relation agrave lobjet est eacutetablie par une loi une
convention ou une habitude Le symbole donne une signification geacuteneacuterale de lobjet en
appelant agrave linterpreacutetation de la repreacutesentation de lobjet par le signe dans les limites
de la regravegle qui eacutetablit leur relation Pour quun signe soit un symbole il doit donc ecirctre
interpreacuteteacute comme tel et sa mise en relation avec lobjet doit ecirctre actuelle Un mot est
un symbole en ce que sa signification est eacutetablie conventionnellement Peirce
concevait aussi lUnivers comme eacutetant un symbole car il sagit bien dune
interpreacutetation de la reacutealiteacute par sa propre raison
Les aspects que prend le signe dans sa relation agrave linterpreacutetant sont le rhegraveme
le dicisigne (ou proposition) et largument Ces aspects tont reacute1eumlrence au pouvoir que
46
le signe possegravede de deacuteterminer en vue dune certaine fin linterpreacutetation de lobjet en
un nouveau signe linterpreacutetant Le rhegraveme est un signe qui tend agrave deacuteterminer
linterpreacutetation selon des caractegraveres qualitatifs La compreacutehension du rhegraveme est
preacuteciseacutee mais son extension reste indeacutetermineacutee La signitication du rhegraveme est par
conseacutequent vague Le rhegraveme peut veacutehiculer de linformation mais nest pas interpreacuteteacute
comme tel Il nest ni vrai ni faux ne faisant que preacutesenter des caractegraveres possiblement
attribuables agrave lobjet Cest donc un signe compris comme repreacutesentant seulement des
caractegraveres de Imiddotobjet Un exemple de rhegraveme serait un preacutedicat logique ou plus
exactement chez Peirce une proposition dont a enleveacute les sujets logiques reacutefeacuterant agrave
des objets dans le monde Le dicisigne est un signe qui veacutehicule dans la reacutealiteacute actuelle
de linformation vraie ou fausse par rapport agrave lobjet 1 relie la compreacutehension du
signe agrave une extension deacutetermineacutee dans lactualiteacute indiquant de la sorte seacutepareacutement quel
est son objet (EP2 308 1904) Cest donc un signe compris comme repreacutesentant
lobjet dans la reacutealiteacute actuelle Le paradigme du dicisigne est une proposition telle que
laquoSocrate est un hommeraquo Largument est quant agrave lui un signe qui fournit une regravegle
dinterpreacutetation agrave dautres signes JI montre seacutepareacutement quel est son interpreacutetant tinal
celui qui est viseacute par la repreacutesentation (EP2 308 1904) 1 peut toutefois ecirctre
appliqueacute agrave diffeumlrents signes La signification veacutehiculeacutee par largument est de la sorte
geacuteneacuterale puisque lextension agrave donner agrave ce signe sa porteacutee sur dautres signes reste
indeacutetermineacutee bien que limiteacutee par la regravegle dinterpreacutetation Largument est donc un
signe compris comme repreacutesentant lobjet en tant que signe sujet agrave linterpreacutetation Un
argument constitueacute de plusieurs propositions conjointes dans une chaicircne dinteumlrence
en est un exemple commun
Les types ou aspects du signe regroupeacutes dans les trois trichotomies
preacuteceacutedentes peuvent de plus ecirctre combineacutes en difleumlrentes classes Deux regravegles
formelles de combinaison sappliquent une regravegle de composition selon laquelle
lordre triadique du signe doit ecirctre respecteacute ainsi chaque classe doit comporter un
type de chaque lrichotomie correspondant chacune agrave une composante de la relation de
47
signification et une regravegle de qualification selon laquelle le principe de deacutependance non
reacuteciproque des cateacutegories correspondant aux trois trichotomies doit aussi ecirctre
respecteacute La combinaison des types selon ces deux regravegles formelles permet de produire
dix classes de signes qui sont (EP2 296 1903)
1 les qUCllisignes iconiques rheacutematiques
2 les sinsignes icuniques rheacutematiques
3 les sinsignes indexicCl7lx rheacutel1lotiques
4 les Imiddotinsignes indexicau dicents
5 les leacutegisignes iconiques rheacutematiques
6 les Leacutegisignes indexicCl7lx rheacutematiques
7 les leacutegisignes indexicoux dicenls
8 les leacutegisignes sY7boliques lheacutematiques
9 les leacutegisignes IYlllboliques dicents
10 les leacutegisignes symboliques urgulllenls
Cette classification doit toutefois ecirctre nuanceacutee Comme partout ailleurs dans le
systegraveme de Peirce tout dans la classification est une alTaire de degreacute de point de vue
et certains aspects du signe (indiqueacutes en italiques) dominent par conseacutequent chaque
classe Les dix classes de signe sont aussi contraintes par leur situation dans la reacutealiteacute
actuelle Tout signe se manifeste actuellement en tant quindividu et donc dans un
sinsigne quil sagisse dun de ses aspects dominants ou non Chaque aspect inclut de
plus le ou les aspects qui lui sont pheacutenomeacutenologiquement anteacuterieurs selon ordre des
cateacutegories Les classes de rang supeacuterieur (vers 10) incluent par conseacutequent
directement ou indirectement les classes de rang infugraveieur (vers 1) La classification
demeure ainsi lloue dans son application car elle ne seacutelectionne agrave travers ses
opeacuterations c1abstraction que certains traits du signe et conserve degraves lors toujours une
part d opaci teacute d aspects non repreacutesen teacutes ou repreacutesenteacutes de faccedilon inadeacuteq uate
Jillustrerai certai nes de ces classes lorsq ueiumlappl iq uera i la leccedilon de la seacutelll iotique agrave la
science de leacutecriture au second chapitre
48
La logique critique analyse le raisonnement ou plus preacuteciseacutement les signes qui
informent la penseacutee cest-agrave-dire les leacutegisignes les symboles les dicisignes et les
arguments Elle sinteacuteresse aux signes en tant quils veacutehiculent la signification vraie La
veacuteriteacute appartient proprement aux propositions des symboles dicents mais nest
eacuteventuellement atteinte que dans largumentation la convergence de linfeumlrence valide
vers la repreacutesentation adeacutequate de la reacutealiteacute alors que la pleine conseacutequence des
arguments valides baseacutes sur des propositions vraies est ultimement comprise La
logique critique soccupe donc avant tout de linreumlrence valide et repreacutesente en cela
une theacuteorie de linteumlrence Elle distingue trois types dinfeumlrence eacuteleacutementaires
labduction l i nd uction et la deacuted uction qui entrent en com posi tion dans le processus
du raison nement
Labduction et linduction sont des types dinfeacuterence ampliatifs en ce quelles
augmentent la quantiteacute dinformation veacutehiculeacutee par les signes La deacuteduction est plutocirct
un type dinfeacuterence explicatif elle modifie lextension ou la compreacutehension des signes
sans changer la quantiteacute dinformation veacutehiculeacutee La notion dabduction est lune des
contributions les plus originales de Peirce agrave la logique bien quil la fasse remonter agrave
Aristote (EP2 205 1903) Il a dabord lui-mecircme deacuteveloppeacute cette notion sous le nom
dlaquohypothegraveseraquo puis eacuteventuellement sous les noms de laquoreacutetroductionraquo et
dlaquoabductionraquo Lahdllclio1 est essentiellement ladoption dune hypothegravese Elle
suggegravere que quelque chose puisse ecirctre le cas selon certains reacutesultats qui deacutecouleraient
alors dune certaine regravegle Elle est donc le seul type dinfeacuterence eacuteleacutementaire qui
introduit une nouvelle ideacutee dans le raisonnement Elle nest aussi que provisoire
devant ensuite ecirctre confirmeacutee par expeacuterimentation Peirce en reconstruit largument
comme suit en deux formulations diffeumlrentes
RlIle-AII the beans From this bag are while
Reslllt-These beans are white
Case-These beans are From this bag
(EPI 1881878)
49
The surprising ~act c is observed
But if ri were true C woulcl be a matter of course
Hence there is reason 10 suspect that A is true
(EP2 2311903)
Linduction donne plutocirct de la valeur agrave un ensemble de signes deacutejagrave perccedilus Elle eacutetablit
de la sOlte une regravegle permettant de rendre compte de certains reacutesultats observeacutes dans
un celtain cas Elle montre que cette regravegle est actuellement opeacuterante dans le cas
consideacutereacute selon les reacutesultats observeacutes Elle donne donc torce de loi agrave la reacutegulariteacute
Peirce fournit pour illustrer linduction lexemple suivant
Case-These beans are From this bag
Result-These beans are white
middotRule-AII the beans from this bag are white
(EP 1 188 1878)
La deacuteduction eacutelabore quant agrave elle les conseacutequences neacutecessaires dune hypothegravese Elle
prouve que certains reacutesultats doivent neacutecessairement deacutecouler dun certain cas en
vertu dune celtaine regravegle Peirce illustre la deacuteduction agrave raide de lexemple suivant
RuJe-AIl the beans frolll this bag are white
Case-These beans are From this bag
middotResult-These beans are white
(EP 1 188 1878)
Le processus du raisonnement est essentiellement composeacute de ces trois types
dinfeumlrence Le raisonnement scientifique en particulier commence typiquement par
une abduction qui est justifieacutee lorsquagrave peacutelrtir de lhypothegravese suggeacuteleacutee la deacuteduction
peut tirer des preacutedictions qui seront agrave leur tour veacuterifieacutees dans lexpeacuterience par
induction (EP2 216 1903) Il Y dautres types de raisonnement par exemple
lextension la restriction la geacuteneacutereacutell isation (ou oscent) et leacutel speacutec ification (ou descent)
mais ceux-ci sont deacuteriveacutes des trois types eacuteleacutementaires Jy reviendrai dans le second
chapitre lorsque janalysereacuteli Iappliceacuteltion des concepts seacutemiotiques agrave la science de
eacutecriture
50
La meacutethodeutique sinteacuteresse agrave la production de signes el trouve sa
rormulation paradigmatique dans la doctrine du pragmatisme Le retour sur cene
doctrine peut maintenant compleacuteter lexamen de la seacutemiotique et permettre den
approfondir davantage la compreacutehension La seacutemiotique se deacuteveloppe
systeacutematiquement en une meacutethodologie de la recherche Elle c10it alors indiquer au
scientifique commellt faire pour penser avec les signes quel type de processus
diumlnfeacuterence engager Mais nous avons vu par ailleurs quau niveau de la signification
mecircme dans le processus de seacutemiose une fin ultime est aussi envisageacutee
Semblablement la meacutethodeutique doit suggeacuterer un dessein geacuteneacuteral au processus
diumlnfeacuterence qui lui serve de principe directeur et en constitue leffet eacuteventuel Le
pragmatisme suggegravere par conseacutequent lhypothegravese selon laquelle la signiliumlcation c1un
signe reacuteside dans lensemble de ses effets env isageables Il propose de su ivre une
abduction al1n dengager le raisonnement dans une chaicircne diumln~eumlrences qui en tant que
meacutethode proprement scientifique puisse reacuteellement mener agrave la veacuteriteacute agrave ladeacutequation
de la raison au reacuteel Il repreacutesente donc le couronnement de la seacutemiotique qui en vient agrave
controcircler ses raisonnements selon ses propres principes constitutifs Le preacutecepte du
pragmatisme nen demeure pas moins tagraveillible et agrave veacuteritier dans lactualiteacute ce qui fait
de la seacutemiotique une veacuteritable science expeacuterimentale et philosophique une activiteacute qui
confronte la reacutealiteacute actuelle telle que repreacutesenteacutee dans lexpeacuterience commune Cest
bien la leccedilon de la seacutemiotique qui prouve ultimement le pragmatisme car cest sur elle
quiumll se tonde
The word pragillatism was invented ta express a certain Illaxim of logie whieh as
was shawn at its tirst enouneel1lent invoives a who1e system of phiiosophy This
maxim is put forth neilher as a hancly tool to serve so far as it may be found
serviceable nor as a self-eviclent truth but as a far-reaching theorem solidly
grounded upon an elaborate study of the nature ofsigns (CP 81911904)
51
1321 Seacutemiotique et notation logique
Le deacuteveloppement de la logique peirceacuteenne prend son point de deacutepart dans
algegravebre logique de Boole et la logique des relations de De Morgan Peirce propose
dans ses premiers articles publieacutes des ameacuteliorations agrave lalgegravebre booleacuteenne et applique
celle-ci agrave la logique des relations (CP 31-191867 CP 345-1491870) dans une
version quil nomme laquologique des relatifsraquo Lors de ses travaux en tant que maicirctre de
confeacuterence agrave luniversiteacute Johns Hopkins de 1879 agrave 1883 il introduit avec son eacutelegraveve
Oscar Mitchell (et indeacutependamment de Frege) la quantification dans la logique des
propositions produisant un systegraveme de logique eacutequivalent agrave la logique des preacutedicats
du premier ordre avec identiteacute (CP 3328-58 1883 CP 3359-403 1885) Il eacutelabore
ensuite un nouveau systegraveme de notation graphique les graphes existentiels
permettant lextension de sa logique aux preacutedicats du deuxiegraveme ordre et aux modaliteacutes
(CP 3456-552 1897 CP 4347-584 1903-1906) Il favorise degraves lors la notation
graphique de la logique sur laquelle il travaillera jusquagrave la fin de sa vie deacuteveloppant
une logique philosophique en continuiteacute avec la seacutemiotique et le pragmatisme
Plusieurs autres deacuteveloppements de la logique de Peirce confirment son rocircle de
pionnier de la logique moderne bien quils soient resteacutes inaperccedilus jusquagrave reacutecemment
dont notamment la conception dune logique agrave trois valeurs de veacuteriteacute et dune logique agrave
opeacuterateur unique (barre de SchefTer) de mecircme que la deacutecouverte du lien agrave la base de la
computation en informatique entre les fonctions de veacuteriteacute et le fonctionnement des
circuits eacutelectriques La preacutesentation du systegraveme des graphes existentiels eacutevoque par
ailleurs la seacutemantique des jeux contemporaine et la theacuteorie des modegraveles par son
utilisation de personnages conceptuels en dialogue clans un univers du discours
alteacuterable Je minteacuteresserai cependant avant tout dans cette section aux graphes
existentiels et ce quils repreacutesentent comme deacuteveloppement de la notation logique un
type de systegraveme deacutecriture propre au langage formel de la logique
L eacutelaboration des graphes existentiels repreacutesente lin deacuteveloppement majeur
52
dans lhistoire de la logique de Peirce que nous poulTlons appeler son laquotournant
seacutem iotiqueraquo Il 1nsatisfa it par laspect sym bol iq ue de la notation a19eacutebrique de la
logique Peirce cherche agrave eacutelaborer une notation qui soit davantage iconique refleacutetant le
mode de repreacutesentation le plus eacuteleacutementaire de linfeacuterence logique Degraves 1882 il
commence agrave deacutevelopper une notation diagrammatique sinspirant probablement des
travaux de ses collegravegues agrave Johns Hopkins James J Sylvester et William K Clifford
qui utilisaient deacutejagrave des diagrammes chimiques pour repreacutesenter des invariants
algeacutebriques Un essai similaire par Alfred Bray Kempe publieacute en 1886 le pousse agrave
poursuivre ses recherches sur la notation diagrammatique surtout de 1889 agrave 1896 ce
qui megravenera agrave la publication en 1897 dun article sur la logique des relatifs utilisant
une notation diagrammatique (CP 3456-552 1897) quil appellera plus tard
reacutetrospectivement les laquographes dentiteacuteraquo (enlilolive grophI) Certaines caracteacuteristiques
cie la logique algeacutebrique rendaient lexpression des propositions existentielles difficile
et la quantification universelle seacutetait alors imposeacutee naturellement comme plus
fondamentale la quantification existentielle eacutetant deacutefinie par deacuterivation Dans les
graphes dentiteacute les deux types de quantification prennent une importance eacutegale leur
deacutefinition reacuteciproque eacutetant rendue plus explicite par la repreacutesentation graphique Les
signes deacutesignent clairement des propositions et non des classes et lopeacuteration de
disjonction avec la neacutegation remplace la relation transitive dinclusion utiliseacutee dans la
logique algeacutebrique La juxtaposi tion de termes su r une feu iIle d asseltion repreacutesen te la
disjonction lencerclement dun terme sa neacutegation et un point ou une ligne relieacutee agrave
des termes la relation entre ceux-ci Peirce ne resta cependant pas longtemps satisfait
par les graphes dentiteacute el rapidement apregraves la publication de larticle de 1897 la
duale de ce systegraveme les graphes existentiels simposa constituant la base deacute1initive
de la notation diagrammatique que Pe irce deacuteve loppa et ra tli na jusquagrave la fin de sa vie
Les graphes existentiels prennent ainsi pour connecteur primitif la conjonction avec la
neacutegation et pour quantification implicite et fondamentale la quantification
existentielle agrave partir de laquelle la quantification universelle est deacuteriveacutee La
juxtaposition de termes en vient agrave repreacutesenter la conjonction et lexistence est
Il I)es exemples de grlphcs S0l11 ()Uliumllis iJ 1I1ncc
53
reconnue implicitement par la seule preacutesence de la feuille dassertion comme univers
du discours agrave deacuteterminer par des inscriptions
Peirce preacutesenta dabord Je systegraveme des graphes existentiels en parties Alpha
Beta et Gamma correspondant respectivement agrave la logique des propositions la
logique des preacutedicats du premier ordre et leurs extensions dans la logique des preacutedicats
du deuxiegraveme ordre et la logique modale (CP 4394-5291903) Il deacuteveloppa par la suite
une approche unifieacutee ou les parties ne sont plus distingueacutees les principes
fondamentaux de la logique deacuteductive eacutetant les mecircmes dans les di fleumlrentes versions
deacuteveloppeacutees et ne faisant que se complexifier (CP 4530-72 1906) le retiendrai
lapproche par parties puisque cest celle que les commentateurs ont deacuteveloppeacutee en
la torrilalisant dans le sens de laxiomatisation de la logique contemporaine La
preacutesentation du systegraveme des graphes existentiels chez Peirce suit un ordre semblable agrave
celui de l ax iomatisation de la logique moderne Elle n est pas agrave proprement dit
axiomatiseacutee mais su it un ord re rigoureux deacutemontrant un certa in degreacute de forma 1isation
Un vocabulaire est tout dabord eacutetabli puis des regravegles de formation (deacutefinitions) sont
formuleacutees de mecircme que des regravegles de transformation (regravegles diumlnfeumlrence) Il ny a pas
vraiment daxiome dans les graphes existentiels si ce nest que la teuille dassertion
sert de point de deacutepart agrave lanalyse cest-agrave-dire quune inscription Sur la feuille de
travail repreacutesente une assertion dans lunivers du discours quantifieacutee existentiellement
de fagraveccedilon implicite Le travail danalyse consistera agrave traduire les arguments du discours
dans la notation des graphes existentiels deacutecouvrant ainsi les inteumlrences les plus
simples du raisonnement puis agrave etfectuer des transformations sur les graphes pour en
tirer des conclusions quant aux conseacutequences possibles du raisonnement
La partie Alpha repreacutesente la logique des propositions non analyseacutees Il est
inteacuteressant de noter que la quantitication implicite par la situation dans un univers du
discours vague agrave deacuteterminer par des assenions implique eacutegalement lanalyse
l ~I preacutesenl8tion lorl11elle de 1~I s nllse d 1 1phu et ~3et1 selon Sh in (2002) l110d i lieacutee est lltllIrn ie en lnncse
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potentielle des propositions Alpha megravene agrave Beta et les deux parties sont mecircme
eacuteventuellement unifieacutees en un seul systegraveme Le voceacutelbulaire dAlpha est composeacute de
symboles propositionnels de leacutel coupure (C1I1 symbolique) et implicitement de la
juxtaposition (quasi-iconique) Les regravegles de transformation comprennent trois
opeacuterations possibles portant sur le vocabulaire eacuteleacutementaire qui repreacutesentent les
opeacuterations rondamenteacutelles de la logique deacuteductive Ces trois eacutetapes du raisonnement
sont deacutefinies dans Ialticle laquoSymbolic Logicraquo du dictionneacutelire Baldwin comme eacuteteacutelnt la
reacuteunion (Coligoliol1) liteacuteration et leffacement (CP 4372-93 1902) Elles sont
ailleurs deacutefinies sommairement comme suit
[Deductive reasoning] 1 have ascertainecl can be reduced to three kinds of steps
The first consists in copulating separate propositions into one compound
proposition The seconcl consists in omitting something Irom a proposition
withollt possibility of introdllcing errol The third consists in inserting something
into a proposition witholll introdllcing error (EP2 213 1903)
La partie Beteacutel du systegraveme repreacutesente leacutel logique des propositions analyseacutees ou
logique des preacutedicats du premier ordre et constitue une extension dAlpha dont
Iajout principal du point de vue notationnel est la ligne didentiteacute La preacutesentation
formelle du systegraveme doit donc en plus treacuteliter des modifications de graphes avec ligne
d identi teacute Le voceacutelbuleacutelire de Beta est com poseacute de sym bo les de sujets de la coupu re
(symbolique) de la ligne didentiteacute (iconique) et implicitement de la juxtaposition
(quasi-iconique) Les regravegles de transformeacuteltion sont modifieacutees afin de comprendre la
ligne didentiteacute mais comportent toujours les trois opeacuterations fondeacutelmentales Les
opeacuterations suppleacutementeacutelires consistent agrave joindre ou disjoindre les lignes didentiteacute agrave en
dessiner ou en effacer et agrave les eacuteliionger ou les reacutetracter agrave travers les aires deacutefinies par les
cou pures ce qui ne consti tue quune extension des trois opeacuterations fondamenta les
Les commentateurs (Roberts 1973 Shin 2002) interpregravetent les symboles de
Beta comme des preacutediceacutelts (Shin les nomme prcdicolcSYl1lbos) mais il sagit bien
plutocirct de sujets alors que la ligne didentiteacute repreacutesente le preacutediceacutelt geacuteneacutereacutell de la
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proposition analyseacutee en ses eacuteleacutements les plus simples la relation didentiteacute Cette
ideacutee essentielle agrave la logique de Peirce est une innovation de sa logique des relations
(voir entre autres CP 3467 1897 CP 4403-8 1903 EP2 208-25 J903) Lanalyse
logique par les graphes existentiels est sous cet aspect la duale visuelle de lanalyse
seacutemiotique plus informelle en termes de rhegraveme proposition et argument (le rhegraveme
eacutetant alors une proposition dont les sujets logiques sont remplaceacutes par des espaces
vides ne montrant ainsi que la relation preacutedicative subsistante)
Les deux principaux aspects seacutem iotiques de la notation algeacutebrique sont sa
symboliciteacute soit que la signification est deacutetermineacutee par convention et sa lineacuteariteacute qui
repreacutesente une surdeacutetermination de la notation dun point de vue iconique Lalgegravebre
est constitueacutee dune seacuterie de symboles dont il faut apprendre le sens qui leur a eacuteteacute
assigneacute de faccedilon arbitraire La compreacutehension de la notation algeacutebrique demande donc
un investissement suppleacutementaire de la part de linterpregravete dont la propre intention
de mecircme que celle du signe ne sufiisent pas De plus 18 quanti fication existentielle est
plus ditlicile agrave repreacutesenter que luniverselle dans lalgegravebre logique agrave cause du caractegravere
symbolique de la notation D8ns lalgegravebre de la logique la signification est assigneacutee par
convention aux termes de la notation exprimant lideacutee que la regravegle impose la
signification avec necessiteacute La quantification universelle en deacuteterminant lextension
entiegravere dune variable implique de faccedilon analogue que la signific8tion soit assigneacutee agrave la
variable neacutecessairementVx (Fx) F(x) 1 1 F(x) La symboliciteacute du symbole l 1
repreacutesente en quelque sorte un diagramme de luniversaliteacute de la quantification
universelle La quantification existentielle implique plutocirct quil puisse y avoir
plusieurs significations possibles assigneacutees agrave la variable dont au moins une satisfait agrave
la proposition 3x (Fx) F(x) V V F(x) La deacutefinition reacuteciproque nest pas non=1 n
plus eacutevidente dans la notation algeacutebrique car la porteacutee des quanti [icateurs en tant que
symboles est deacutetermineacutee de faccedilon arbitraire par convention Laspect symbolique
bien queacutetant peu eacuteconomique au niveau cognitit~ permet toutefois une assignation
preacutecise de la signi fication aux termes de la notation
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La notation algeacutebrique comporte aussi dans sa lineacuteariteacute un aspect iconique
contingent qui impose des contraintes suppleacutementaires agrave liumlnterpreacutetation Lordre
syntaxique surdeacutetennine la seacutemantique et il faut par conseacutequent la corriger en ajoutant
des regravegles diumlnfeacuterence suppleacutementaires Par exemple dans le cas de lopeacuteration de
conjonction (p A q) lordre lineacuteaire de la formule imposeacute par la notation constitue
une contrainte non neacutecessaire quil faut corriger en ajoutant une regravegle dinfeumlrence
explicitant la commutativiteacute de lopeacuteration (p A q) (q A p) Il en est de mecircme
pour la reacuteiteacuteration des variables dans les formules quantifieacutees Par cxemple dans la
formule existentiellement quantifieacutee 3x (Fx A Gx) la notation algeacutebrique lineacuteaire
contraint agrave reacutepeacuteter dans une Illecircmeformule plusieurs occurrences de la variable x qui
ne deacutesigne dans les fagraveits quun seul type de variable La regravegle implicite consiste ici agrave
distinguer les occurrences particuliegraveres de la variable de leur type geacuteneacuteral
Sous laspect symbolique fort et la surdeacutetermination iconique se trouvent
cependan t c1es aspects diagrammatiques plus fondamentaux qu i partic ipent de lagraveccedilon
adeacutequate agrave la signification Le deacutecoupage visuel opeacutereacute par lalgegravebre est plus net que
clans le langage informel de la langue usuelle et repreacutesente de faccedilon plus adeacutequate la
structure logique du langage Les preacutedicats F et G sont ainsi nettement distingueacutes du
sujet logique repreacutesenteacute par la variable x ce qui permet lanalogie entre les relations
propres agrave la structure logique de la proposition analyseacutee et les relations entre termes
de la not3tion logique Laspect iconique simplifie la mise en relation dela notation et
du langage et augmente en ce sens lefficaciteacute de la notation dans sa fonction de
repreacutesentation
Compareacutee agrave la notation algeacutebrique la notation logique des graphes existentiels
exploite plus agrave fond les difteumlrents aspects de la repreacutesentation distingueacutes par la
seacutemiotique en tant que grammaire speacuteculative Le systegraveme des graphes existentiels est
un systegraveme de repreacutesentdtion heacuteteacuterogegravene cest-agrave-dire quiumll fait appel agrave plusieurs
aspects clu signe dans sa relation agrave lobjet il est agrave la fois iconique et symbolique Dans
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le deacuteveloppement de sa not8tion logique et mecircme dans le passage des graphes dentiteacute
aux gr8phes existentiels Peirce transform8 des eacuteleacutements symboliques en eacuteleacutements
iconiques mais non Jinverse Il tendait donc vers une repreacutesentation davant8ge
iconique de 18 logique
Certains aspects des graphes existentiels sont imparJagraveitement iconiques La
juxtaposition de propositions sur une feuille d8ssertion repreacutesente la conjonction de
ces propositions Elle ressemble fortement il 18 conjonction de deux objets dans le
monde actuel mais le caractegravere neacutecessaire de la conjonction comme opeacuteration logique
nest pas repreacutesenteacute et la notation par juxt8position est donc 8umieux quasi iconique
La notation de la neacutegation par encerclement est suggestive dune discontinuiteacute par
rapport au reste de lunivers du discours surtout dans son interpreacutet8tion comme
laquocoupureraquo mais reste principalement symbolique car le lien effectueacute avec la neacutegation
logique demeure contingent Liconiciteacute est surtout preacutesente dans la notation du
preacutedicat logique par une ligne didentiteacute dans 18 notation dune 8ssertion quantifieacutee
existentiellement de faccedilon implicite au sein de lunivers du discours par linscription
dun graphe sur la feuille dassertion et dans lexpression de la porteacutee des
quantificateurs soit leur ordre dapplication dans la notation algeacutebrique
Les relations sont plus difficiles agrave repreacutesenter dans un systegraveme graphique que
les proprieacuteteacutes Les diagrammes de Venn par exemple ne permettent pas de
repreacutesenter des relations mais seulement des proprieacuteteacutes Peirce a donc creacuteeacute le signe de
la ligne didentiteacute afin de repreacutesenter gr8phiquement des relations La relation
didentiteacute dun individu 8vec lui-mecircme est repreacutesenteacutee de faccedilon iconique par la
continuiteacute de la ligne didentiteacute Luniciteacute de lune renvoie agrave luniciteacute de lautre Cette
caracteacuteristique permet deacuteviter la reacuteiteacuteration des variables tcl que le neacutecessite
inadeacutequ8tement lalgegravebre logique I~a quantific8tion existentielle est repreacutesenteacutee
implicitement de fagraveccedilon iconique par la seule p-eacutesence dune fcuille dassertion dont
lespace deacutecriture est agrave deacuteterminer par des inscriptions de la mecircme faccedilon que
S8
lunivers du discours est agrave deacuteterminer par des assertions et des mises en relation
Lordre de porteacutee des ditTeacuterents quantiticateurs est repreacutesenteacute iconiquelllent ugrave laide
dune proprieacuteteacute topologique de la notation graphique moins la partie exteacuterieure dune
1igne didentiteacute est encerc leacutee p lus large est la porteacutee de la 1igne Il sensu it un princ ipe
de lecture laquoendoporeutiqueraquo de lexteacuterieur du graphe vers linteacuterieur de la ligne
didentiteacute de plus grande porteacutee ugrave celle de moindre porteacutee
La lecture endoporeutique peut ecirctre lourde car elle sapplique agrave tous les
deacutetails rencontreacutes dans la lecture elle-mecircme contrainte par un ordre imposeacute Elle est
simplifieacutee par une lecture de forme normale neacutegative qui reacuteduit la formule ugrave des
neacutegations de propositions et non dopeacuterations et par la lecture des rouleaux (scro)
comme conditionnels (voir lannexe 1) Peirce ne cherche cependant pas ugrave eacuteliminer des
eacutetapes dans la lecture et favorise lapproche endoporeutique car il conccediloit la logique
comme une analyse du raisonnement et non un calcul La logique doit analyser le
raisonnement en ses plus petits eacuteleacutements des arguments aux propositions aux termes
eacuteleacutementaires de linfeacuterence (les rhegravemes) La notation logique la plus adeacutequate
repreacutesente le raisonnement ugrave laide des signes les plus simples les icocircnes et non
seulement des indices ou des symboles Le caractegravere principal du raisonnement comme
processus actuel eacutetant de plus la relation lhypoicocircne le plus adeacutequat est donc le
diagramm e
En tin de com pte le mei lieur systegraveme de repreacutesen tation sera it heacuteteacuterogegravene
Ainsi liconiciteacute permet une repreacutesentation agrave un niveau plus intuitif et rend le
systegraveme de repreacutesentation plus efticace Elle laisse cependant une possibiliteacute derreur
dans linterpreacutetation car lassignation intuitive de la signitication est vague impreacutecise
La symboliciteacute permet une plus grande preacutecision car la relation de signification est
tixeacutee par des conventions arbitraires (stipulation) qui contrecarrent nos intuitions
pouvant fausser la repreacutesentation La symboliciteacute permet de la sOlte une geacuteneacuteralisation
rigoureuse de linterpreacutetation Le langage symbolique est eacutegalement plus tagravecile agrave
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formaliser pUisque les regravegles syntaxiques et seacutemantiques sont stipuleacutees Il felUt
toutefois apprendre les symboles ce qui implique un plus grand investissement de 13
p8rt de linterpregravete Le jeu est agrave faire entre lintuition de liconique et ]3 preacutecision du
symbolique dans un systegraveme de repreacutesent3tion f3isant 3ppel aux deux 3spects du
signe selon les buts que on assigne au systegraveme de repreacutesentation Un examen des
aspects mod3ux de la signification est eacutegalement eacuteclairant Dans le passage de lalgegravebre
logique 3UX gr3phes existentiels Peirce a eacutelimineacute les regravegles suppleacutement3ires
contingentes du symbole inadeacutequat (lalgegravebre ineacute3ire) pour ne gmder que les regravegles
neacutecessaires du symbole adeacutequat (le voc3bulaire eacuteeacutement3ire des graphes) La
contingence du symbole in3deacutequ3t deacutecoulait plus fondamentalement de limpossibiliteacute
de son aspect iconique sous-jacent (les contr3intes de la lineacuteariteacute limpossibiliteacute de
repreacutesenter des qualiteacutes de lobjet par ces qualiteacutes clu signe) La repreacutesentation la plus
adeacutequate dun objet 3ctuel exploite donc les mod31iteacutes positives regravegles neacutecessaires du
symbole qU31iteacutes possibles de licocircne et cherche agrave eacuteviter les modaliteacutes neacutegatives
regravegles contingentes du symbole qualiteacutes impossibles de licocircne l
Dans le cadre de la logique peirceacuteenne la notation logique doit permettre de
deacutecomposer les arguments en leurs termes eacuteleacutementaires et laspect iconique est donc le
plus important cm il permet de fagraveire ressortir le niveau le plus intuitif du
raisonnement Le diagr3l11me en p3rticulier permet de repreacutesenter les relations
eacuteleacutementaires agrave la base du processus dinfeacuterence Toutefois il est inteacuteress3nt de noter
que les graphes existentiels se precirctent 3ussi bien au calcul logique Avec peu ou pas
daxiomes un certain nombre de regravegles de translormation pouvant ecirctre reacuteinterpreacuteteacutees
Un ltlutrc cClllrlc hors UU cnurc UC la notation logiquc rcut conlirlllcr plus alanllintuition UCS Illoualileacutes Disons gue ie IllC legravevc cc Illatin cl que const~l~lnt ln tcmreacuteraturc hivermllc UC Montreacute81jc uisc laquol1nT il lilit lroidiraquo Iinterjection middotlhIT lCUL sClllhlcr contingente CZlI iumlai ~lrlllis uans Illa rrOlllC culturc Ugrave cplil11cr Zlinsi Illa lcncontrc avec le [miu (rm cc )IIhoe) et il ncst ras neacutecessaire guune autre relsonne ue culture Liilleacutelcnte ilronaise uisons ScplilllC ainsi VIais celtc erlCssion nest ras que contingClltc ellc est ~Iussi uZlns son caraelegravelC llus ()nualllentai dOIlOIllZltOreacutee (iconiqlle) une rossibiliteacute rhoneacutetique uc Illa langue que lmltrc rerSOllnC Iaromise Ilaurait ru pmllollcel ualls SI rmrre langue le 1 lr~illccedillis (UI ulairc lOuleacutee) n) cistant PIS (plutocirct unc ail eacuteolaire lihlIlte ou
hittue G~) Q tt ~) Lie Illecircllle que la concateacutenation consonncconsonlle (lcnchaIcircnemCllt nOliumllli1 est
(voycllc) consollnCIO) clic saul pour la nasale Iv ct 1IITecirct glotal J)
GO
de mecircme que la possibiliteacute de plusieurs lectures formaliseacutees en algorithme les graphes
existentiels ressemblent agrave un systegraveme de deacuteduction naturelle appliqueacute au calcul Leur
vocabulaire limiteacute permet de saisir facilement lessence du raisonnement par
lexploitation des divers aspects seacutemiotiques de la notation graphique et donc de
reacutefleacutechir agrave la fois sur la logique et de lutiliser Lheacuteteacuterogeacuteneacuteiteacute du systegraveme assure sa
polyvalence Finalement que diverses lectures des graphes permettent de retracer
plusieurs chaicircnes dinfeacuterence et de mieux saisir toute la signification dune proposition
ou dun argument va dans le sens du pragmatisme bien que ce ne soit pas labduction
mecircme qui soit repreacutesenteacutee mais une seacuterie de deacuteductions possibles
2 Seacutenliotique et theacuteorie de leacutecriture
The author (though with no pretension ta being a iinguist)
has fumbled the grammars of many languages in the search
ror a language constructecl at ail in the way in which the
logicians go out or their way ta teach that ail men think
(rOI even if they do sa that has reall) nothing ta cio with
logic) (EP2 285 1903)
Les manuscrits de Peirce contiennent de nombreuses eacutetudes linguistiques (MS
1135-1261) ainsi sur le vocabulaire de la philosophie lorthographe anglaise la
ponctuation etc ce qui teacutemoigne de linteacuterecirct que lauteur portait agrave leacutetude des langues
Sa logique eacuteventuellement deacuteveloppeacutee en seacutem iotiq ue fou rn it aussi des pri nc ipes
tondamentaux aux sciences du langage et constitue en cela une philosophie du langage
Peirce fait lui-mecircme le lien entre la seacutemiotique et leacutetude des langues en illustrant la
premiegravere agrave laide dexemples tireacutes de la seconde tels que des points de grammaire Il
ne siumlnteacuteresse cependant pas au thegraveme de leacutecriture proprement dit bien que ses
consideacuteralions sur lorthographe anglaise sen rapprochent et il revient donc agrave
1iuml nterpregravete de deacuteve lopper dans son travai 1exeacutegeacutetique la seacutem iotique dans le sens d une
science de leacutecriture L application de la seacutemiotique agrave leacutetude de leacutecriture
constituerait dans son moment paradigmatique une theacuteorie de leacutecriture et cest ce
passage dune science agrave lautre que janalyserai et critiquerai dans ce chapitre en tant
que problegraveme speacutecitlque du meacutemoire Lhypothegravese de deacutepart est que la theacuteorie
geacuteneacuterale cles signes fou lIl it les pri nc ipes directeurs cIune eacuteventuelle theacuteorie de
Imiddoteacutecriture Il sagira alors de preacuteciser cette assertion en cherchant les nuances agrave accorder
agrave la geacuteneacuteraliteacute cie la seacutemiotique clans le contexte envisageacute Je tacirccherai pour cela de
deacuteterminer quels concepts cie la grammaire speacuteculative seraient les plus teumlconds pour
une eacutetude de leacutecriture en examinant le cas de leacutecriture japonaise quels types
diumlnteumlrence seraient utiliseacutes dans lapplication de ces concepts agrave lobjet speacutecil-Ique
eacutetuclieacute et en quoi le pragmatisme peut fournir le principe directeur geacuteneacuteral de cette
recherche
62
21 Theacuteories linguistiques de leacutecriture japonaise
La langue japonaise utilise un systegraveme deacutecriture traditionnellement composeacute
de trois types de caractegraveres soit un ensemble de caractegraveres dorigine chinoise les
konji et deux syllabaires de creacuteation japonaise les hirogono et kOlokono nommeacutes
geacuteneacuteriquement kono La langue eacutecrite contemporaine a aussi assimileacute les chiffres arabes
et lalphabet latin le rOcircJ71oji La richesse dans la diversiteacute de ce systegraveme deacutecriture en
fait un objet seacutemiotique particuliegraverement inteacuteressant agrave eacutetudier par la complexiteacute des
relations de signification qui peuvent sy deacutevelopper Je preacutesenterai reacutecriture
JaponaIse en me concentrant selon rapproche geacuteneacuterale de la linguistique sur son
aspect orthographique entendant par la notion dorthographe agrave la fois la construction
des graphegravemes et leur disposition textuelle selon un ensemble de conventions
Lexposeacute fera ressorti l certaines des re lations de sign i lication rendues possi bles par
laspect graphique de leacutecriture japonaise ce qui megravenera agrave lanalyse seacutemiotique
critique de la prochaine section
Le statut des caractegraveres dorigine chinoise en japonais nommeacutes konji fait
lobjet dune poleacutemique aupregraves des linguistes Il sagit de comprendre ce que ces
caractegraveres repreacutesentent exactement mais comme nous le verrons leur signification en
est plutocirct une agrave multiples visages Les caractegraveres dorigine chinoise utiliseacutes dans la
langue japonaise peuvent ainsi ecirctre consideacutereacutes agrave la fois comme des logogrammes
deacutesignant des mots entiers des phonogrammes deacutesignant des uniteacutes de son et des
morphogrammes deacutesignant des morphegravemes La notion dIdeacuteogramme selon laquelle
les caractegraveres repreacutesenteraient chacun une ideacutee est maintenant rejeteacutee (DeFrancis
1984 Unger 2004) r uti 1iserai ic i le terme konji car il possegravede une sign i lication moins
deacutetermineacutee qui renvoie agrave lhistoire plutocirct quagrave la logique de repreacutesentation
II existe quatre grands groupes de konji pictographiques diagrammatiques
63
seacutemantiques composeacutes et phoneacutetico-seacutemantiques Les caractegraveres pictographiques
repreacutesentent leur objet en vertu dune ressemblance graphique avec ce dernier Ils onl
eacuteteacute de plus en plus styliseacutes avec leacutevolution de leacutecriture tout en conservant un lien
eacutetymologique avec leur origine Des exemples de ce type de caractegravere sont ~ ko
enfant 0 kIchi bouche LJ yal71a montagne Les caractegraveres diagrammatiques
lepreacutesentent leur objet dune Faccedilon similaire au premier groupe par une ressemblance
de la relation entre leurs eacuteleacutements graphiques avec les relations propres il la notion
repreacutesenteacutee Des exemples de ce type de caractegravere sont t Ile en haut T lhia en
bas Ces deux groupes de kan)i primitifs sont les moins nombreux de la langue
Japonaise Les kan)i seacutemantiques composeacutes sont quant agrave eux constitueacutes deacuteleacutements
simples dont la combinaison de sens donne la signification de la notion repreacutesenteacutee
par exemple B hi soleil et ~ luki lune donnent BEj mei lumiegravere Les caractegraveres
les plus nombreux sont cependant les kan)i phoneacutetico-seacutemantiques qui comportent agrave
la fois un eacuteleacutement donnant Je son et un ou plusieurs eacuteleacutements donnant le sens Par
exemple le caractegravere repreacutesentant la langue (tIcircanccedilaise japonaise etc) ~g go est
composeacute des eacuteleacutements seacutemantiques sect k mot et 0 kwhi bouche et de leacuteleacutement
phoneacutetique Ji go (cinq mais seul le son est retenu et non le sens)
Les kan)i complexes sont construits par lajout dun ou plusieurs eacuteleacutements
secondaires deacuteterm inants en geacuteneacutera 1les eacuteleacutements seacutemantiq ues il un eacuteleacutemen t pri nci pa 1
deacutetermineacute en geacuteneacuteral leacuteleacutement phoneacutetique Les ditleumlrents types deacuteleacutements
correspondent il difleumlrents lieux dinsertion dans la structure des caractegraveres La
composition des eacuteleacutements secondaires avec leacuteleacutement principal est ainsi reacutegleacutee de fagraveccedilon
il respecter des contraintes dmiddoteacutequidimensionaliteacute Ces contraintes assurent lharmonie
des proportions de leacutecriture Une autre contrainte deacutecriture de tous les types de
Ccttc clilssiliumlciltion contcmroraille est deacuteriveacutec dune CI~lssiliumleltioll traditionnelle chinoise Cil si classes ue earaetegraveles ueacuteiugrave rreacutesellc dalls le 51110 11e17 jie~i dietionll~lilc eacutetymologiquc Jc Xu Shcn Cl8tlllt du Jcuiegraveme siegraveelc ue Ilotre egraverc (Coull11JS 1080 Kcss ct Miyal11oto 10(9) LI lislc ues j()45
k(l7ji usucls dont lcmploi cst lccommJndeacute par le goucrllemclltiapollais cst ()urnic ugrave ImiddotAllncc 2
64
kanji mais aussi des kana est lordre de traccedilage des traits des caractegraveres en geacuteneacuteral de
haut en bas de gauche agrave droite et de lexteacuterieur vers linteacuterieur Finalement les kani
possegravedent deux types de lectures possibles par le son et par le sens chacun pouvant
ecirctre unique ou multiple La lecture par le son eacutequivaut dans une prononciation
japoniseacutee aux mots chinois dorigine chaque caractegravere repreacutesentant une syllabe
chinoise (souvent en mots composeacutes tels que ILjjij hinzocirc lorgane du cœur) tandis
que la lecture par le sens correspond aux mots japonais exprimant ce sens (IL kokoro
cœur esprit acircme) La lecture par le son est particuliegraverement utiliseacutee atin de
construire cie nouveaux mots les mots composeacutes cie plusieurs kani (par exemple tfu
Ficirc~ chi-ka-lelU (chemin de) fer souterrain cest-agrave-dire le meacutetro) qui permettent de
deacutevelopper le lexique de la langue par les ressources graphiques de leacutecriture
Toutefois les diffeumlrentes combinaisons cie lecture (aussi bien que de types deacutecriture)
possibles se retrouvent actuellement dans la langue japonaise eacutecrite Les multiples
lectures possibles contribuent donc agrave la difficulteacute dutilisation de leacutecriture japonaise
tout aussi bien quagrave sa richesse propre en tant queacutecriture lexicalement productive
La difliculteacute de deacuteterm iner exactement ce que deacutesignent les Iwni est eacutegalement
due aux diffeacuterentes possibiliteacutes de lecture Les caractegraveres chinois sont dans leur langue
dorigine des caractegraveres morphosyllabiques cest-agrave-dire des caractegraveres repreacutesentant le
plus souvent agrave la fois un morphegraveme pouvant ecirctre indiqueacute par un eacuteleacutement seacutemantique
et une syllabe pouvant ecirctre indiqueacutee par un eacuteleacutement phoneacutetique Cependant les
eacuteleacutements seacutemantiques nindiquent parfois que tregraves vaguement le sens quils ont pour
fonction de preacuteciser Le sens de la structure interne des caractegraveres nest alors
reconstruit que de faccedilon tregraves speacuteculative Dans dautres cas au cours cie assimilation
des caractegraveres dans une lecture par le son japoniseacutee la prononciation a changeacute agrave un
point tel que leacuteleacutement phoneacutetique en est clevenu insignifiant Par ailleurs certains
caractegraveres sont aussi des logogrammes puisque leurs lectures japonaises correspondent
agrave des mors complets pouvant ecirctre deacutecomposeacutes en plusieurs morphegravemes (par exemple
65
~~ honoshi converseacuteltion tandis que le verbe ~~9 honoS1l parler distingue la
terminaison 9 -Sil) Dautres ne repreacutesentent mecircme pas des morphegravemes (~laquo ~
lobeu manger le premier morphegraveme eacutetant ~laquo 10fJe- et non ~ 10-) mais seulement
des sons (un ou plusieurs phonegravemes)
Les syllabaires nommeacutes kono sont des creacuteations speacutecifiumlquementjaponaises
Ils ont tous les deux eacuteteacute formeacutes agrave partir de leacutecriture chinoise les kOlokona eacutetant de
forme plus angulaire deacuterivant chacun dune partie de caractegravere chinois et les hirogono
de forme plus cursive deacuterivant de caractegraveres chinois eacutecrits en style cursif Les
kOlokono ont eacuteteacute creacuteeacutes agrave lorigine a1iumln dannoter les textes eacutecrits en caractegraveres chinois
en leur ajoutant des eacuteleacutements grammaticaux preacutesents dans la langue japonaise et non
dans la langue chinoise tandis que les hirogono servirent plutocirct au deacutebut agrave lusage
quotidien tel la correspondance ainsi que dans la production de la premiegravere grande
litteacuterature j-eumlminine japonaise
Les kono correspondent en fait agrave des mores et non des syllabes ce dernier
terme eacutetant plutocirct la deacutesignation retenue par lusage en Occident La more est agrave la fois
un eacuteleacutement rythmique et un segment phoneacutetique donc une uniteacute de longueur alors que
la syllabe correspond plutocirct agrave une seule eacutemission de voix Chaque more a normalement
la mecircme dureacutee ce qui nest pas neacutecessairement le cas pour les syllabes Par exemple
le mot japonais pour journal L1v )~1v shillbun lorsqueacutecrit en kono ici en
hirogono est composeacute de quatre mores (L shi Iv nt )~ m Iv n) alors que nous ne
compterions que deux syllabes (Llvlhill )~Iv blln qui correspondent toutefois aux
konji du mecircme mot ~JTM) Les quatre mores cie L1v )~1v sont prononceacutees avec
presque la mecircme longueur tandis quun mot tel que syllabe il la double consonne se
deacutecompose en syllabes de dureacutees ineacutegales (syl- la- b(e)) La more comme eacuteleacutement
rythmique et segment phoneacutetique est de la sorte luniteacute de son conventionnelle de la
l UlltahlcClll des i0110 cie hase Cilmiddot cc Icm tllIlsiitleacutetatioll Cil r(jlJwji cst [()umi ugrave 1-illllcc 2
66
langue japonaise agrave laquelle correspond un kono Elle servira par ailleurs de mesure
prosodique agrave la poeacutesie
Dans la langue eacutecrite contemporaine Iusage des konji et kono est tixeacute selon
des fonctions propres Les konji logographiques sont utiliseacutes pour les mots et parties
de mots signifiants ou agrave contenu tixe tels les noms propres et communs et les racines
des verbes des adjectifs et des adverbes Leur alternance avec les deux syllabaires rend
le deacutecoupage du texte plus eacutevident et lespacement des mots non neacutecessaire le texte
japonais eacutetant continu et nayant recours quaux marques de ponctuation
Les kk(w servent agrave un usage similaire agrave celui des italiques de la langue
franccedilaise soit pour eacutecrire des mots dorigine eacutetrangegravere sauf les mots (surtout dorigine
chinoise) deacutejagrave eacutecrits en konji ou pour mettre de lemphase sur un ou plusieurs mots
dans une phrase Beaucoup de mots eacutetrangers sont en effet utiliseacutes dans une version
japoniseacutee par exemple ~9- nekllNi neckie ou I)J posocon persona
computer Les noms propres dorigine eacutetrangegravere sont eacutegaJementjaponiseacutes et eacutecrits en
koakono 1 middot1)[-1 Jan BOlIjon Jean Valjean Les kkono ont
comme particulariteacute de se ressembler fortement dans lems tormes angulaires J
Les hirogono sont quant agrave eux employeacutes pour le reste de leacutecriture de la langue
japonaise soit principalement les parties deacuteclineacutees des verbes des adjectifs et des
adverbes les particules enclitiques les inteljections et les conjonctions par exemple
la terminaison -219 kil710su dans W-2K9 kokil71oslI eacutecrire ou la particule
theacutematisante ft ho (prononceacutee exceptionnellement 10) dans ~ B [t konnichillo
bonjour Tous les konji peuvent ecirctre eacutecrits en hirugono bien que lutilisation cles
logogrammes teacutemoigne du niveau de richesse cie la langue eacutecrite Des hirogono
Voir Ic~ eltail~ dc IClc IllLlmis illnncc 2
67
minuscules placeacutes parallegravelement ltlUX kOl1ji les filrigono sont dailleurs utiliseacutes al-in
dindiquer la lecture phoneacutetique des textes destineacutes agrave lapprentissage scolaire ou de
certains caractegraveres peu communs des autres textes Les hirogono sont plus distincts
dans leurs formes cursives (pour les mecircmes mores que dans le paragraphe preacuteceacutedent)
Leacutecriture latine le n)lJ7oji a finltllement eacuteteacute introduite dans le contete de
linternationalisation du Japon moderne surtout commerciale et touristique Elle est
ainsi utiliseacutee dans la signalisation routiegravere laffichage publicitaire les noms de
compagnies commerciales etc Elle ltl pour particulariteacute de ressortir en tant queacutecriture
eacutetrangegravere au sein de leacutecriture ind igegravene japonaise
Pour conclure cette section je remarquerai que la complexiteacute de leacutecriture
japonaise pousse le lecteur agrave utiliser une multitude de voies daccegraves au sens des mots
eacutecrits (agrave ce sujet Kess et Miyamoto 1999) Liumlnformation peut ainsi ecirctre transmise
par les voies phonologique grapheacutemique kineacutetique ou directement seacutemantique Lune
et lautre de ces voies qui sont sans doute communes agrave toutes les langues eacutecrites sont
plus ou moins utiliseacutees selon le type deacutecriture et son contexte dutilisation Laspect
phonologique peut ecirctre favoriseacute dans la lecture de kono et des eacuteleacutements phoneacutetiques
de keJnji la voie grapheacutemique dans la lecture de cltlractegraveres pictographiques et
diagrammltltiques lltl voie kineacutetique dans la reconnaissance de lordre de traccedilage et lltl
voie seacutemantique dltlns lassociation du sens agrave la composante seacutemantique du caractegravere
non familier lors de lanalyse de ce dernier Un ensemble important de facteurs en
rapport au contete dutilisation est finalement la familiariteacute du lecteur et scripteur
avec les caractegraveres la reacutegulltlriteacute de correspondance de ces derniers au sens et au son
viseacutes ainsi que leur ti-eacutequence dans les tetes lus et eacutecrits trois points lieacutes agrave
lhabitude
68
22 Approche seacutemiotique de leacutecriture japonaise
L eacutecriture est pal10ut preacutesente dans notre socieacuteteacute contemporaine de lettreacutes el
nous y sommes habitueacutes Si bien quelle paraicirct seffacer dans Jexpeacuterience commune
que nous faisons du monde environnant et quelle ne semble pas se manifester pour
elle-mecircme Hormis les effets estheacutetiques explicites de la calligraphie lorsque nous
rencontrons un texte eacutecrit nous ne tenons pas compte le plus souvent de la lettre
traceacutee mais seulement du message veacutehiculeacute Leacutecriture tend en ce sens agrave la
transparence car nous ne prenons pas conscience de ses propres particulariteacutes bien
quelle en recegravele et nous en impose implicitement La science de leacutecriture cherchera ft
faire ressortir cet implicite par lequel leacutecriture structure la penseacutee lorsque cette
dern iegravere en fa it lexpeacuterience r abordera i dans cette section 1 eacutecriture en tant que
systegraveme de repreacutesentation grltlphique dont le but est de repreacutesenter le langage informel
de la langue usuelle Leacutecriture ainsi comprise sera contrasteacutee avec la notation logique
des graphes existentiels comme systegraveme de repreacutesentation graphique du langage
formel de la logique deacuteductive Mais tout dltIbord je deacutefinirai leacutecriture de lagraveccedilon
geacuteneacuterale afin de guider la caracteacuterisation suivante de leacutecriture ordinaire et plus
speacutecifiquement de leacutecriture japonaise par contrltlste avec la notation logique Le
retour critique sur lapplication theacuteorique effectueacutee permettra en dernier instant de
juger du bien-fondeacute de cette applic8tion de la seacutemiotique par une reacuteflexion eacutelaboreacutee agrave
partir des cateacutegories particuliegraveres de la signification
221 Theacuteorie geacuteneacuterale de leacutecriture comme signe
Quest-ce que eacutecriture La reacuteponse agrave cette question prendra pour point de
deacutepart la deacutetermination des caractegraveres essentiels de leacutecriture agrave partir desquels cette
derniegravere sera mise en lien avec le langltlge compris de ragraveccedilon geacuteneacuterale et les diffeacuterents
types speacutecifiques deacutecriture pour ensuite faire place ft une analyse de la ronction
69
1
interpreacutetative du signe eacutecrit Selon le linguiste Florian Coulmas leacutecriture comporte
trois caracteacuteristiques fondamentales (Coulmas J 989 17)
it consists of artificial graphical marks on a durable surl~1ce
2 its purpose is to commullicate something
3 this purpose is achieved by virtue of the meacutelrks conventional relation to
langueacutelge
Nous reconnaissons ici les constituants essentiels du signe soit le signe pris en son
fondement lobjet et linterpreacutetant chaque constituant eacutetant toutetois compris dune
faccedilon nuanceacutee caracteacuteristique du signe speacutecifique quest leacutecriture Au fondement de
leacutecriture en tant que signe se trouve sa preacutesence mateacuterielle condition formelle de la
repreacutesentation dun objet par le signe eacutecrit La signification est contrainte par la
preacutesence mateacuterielle du signe eacutecrit la matiegravere neacutetanl elle-mecircme rappelons-le quune
loliumlne contrainte par lhabitude L objet de leacuteCliture est pour sa parl agrave communiquer
et sa forme tient donc du langage et de tout ce que ce dernier permet dexprimer
(sentiment jugement argumcnt etc) Linterpreacutetant du signe consiste finalement en
une convention reliant les traces mateacuterielles de leacutecriture au langage repreacutesenteacute
La philosophie du langage contemporaine dexpression franccedilaise fait la
distinction entre le langage et la langue Dans une approche seacutemiotique de leacutecriture le
langage serait le systegraveme de signes tel que caracteacuteriseacute par la grammaire speacuteculative
tandis que la langue serait la langue usuelle dont leacutecriture serait un mode dexpression
deacutetermineacute Toutefois un approfondissement de lanalyse du cas de leacutecriture permet
de constater toute une gradation allant de la grammaire speacuteculative aux eacutecritures
speacutecifiques et finalement agrave la langue Selon Coulmas dun point de vue linguistique il
sied de distinguer le systegraveme deacutecriture du lype c1eacutecriture (script) el de lorthographe
de la maniegravere suivante (Coulmas 1989 38-9)7
- Le lCIiuml11C langlage Jeacutesigne ici la leacutell1gUC lmgllis ne laisltlnl pas la dilTeacutelcncc cnlre les Licu nolions
70
Writing system
Every writing system
selection of the linguistic
to be graphically re
(not language specifie)
makes
pres
un its
ented
a Word writing
Morpheille writing
Syllable writing
Phoneille writing
Phonetic writing
Script
Every script Illakes a speci lie Chinese script
selection of the possibilities of a Arabie script
given system in accordance with Greek script
the structu ra 1 conditions of a
given language
Orthograph
Every orthography Illakes a Ch ineseTa iwanese
speci fic selection of the orthography
possibilities of a script ~or Standard German
writing a particular language in a Swiss-Gellnan
uni ~orlll and standardized way ortho gra phy
Dun point de vue seacutemiotique plus englobant la gradation passant du langage formel agrave
la langue informelle comprendrait la logique en tant que grammaire speacuteculative la
deacutefinition geacuteneacuterale de leacutecriture en tant que signe le systegraveme deacutecriture le type
deacutecriture lorthographe la langue eacutecrite la langue parleacutee usuelle La logique en tant
que grammaire speacuteculative repreacutesente la forme du langage le plus geacuteneacuteralement
possible Les autres aspects du signe eacutecrit preacutecisent la signification en fonction du cas
actuel de leacutecriturc La deacute1inition de leacutecriture en tant que signe sapplique toujours au
niveau geacuteneacuteral du langage mais la distinction du type de systegraveme deacutecriture est deacutejagrave
propre agrave un niveau geacuteneacuteral de la langue deacutecoulant de lanalyse laquopar le basraquo des uniteacutes
linguistiques composant les langues des donneacutees propres agrave la science idioscopique de
la linguistique Les nivcaux suivants du type deacutecriture et de lorthographe son plus
speacuteci1iques aux langues eacutetudieacutees et leur distinction permet de deacutefinir plus exactement
71
les particulariteacutes dune eacutecriture Lorthographe repreacutesente ainSI la convention dune
eacutecriture propre agrave une langue speacutecifique
Cette analyse ne tient cependant compte que dun seul type dobjet du signe
eacutecritmiddot soit la langue parleacutee usuelle Leacutecriture peut aussi repreacutesenter dautres types
dobjet et une classification des types deacutecriture selon le type dobjet repreacutesenteacute
devrait distinguer au moins les trois types tondamentaux suivants formel tel que la
notation logique ou matheacutematique informel utilitaire repreacutesentant la langue parleacutee
usuelle et informel estheacutetique tel que dans la calligraphie Leacutecriture de type lormel
fait ressortir explicitement la forme geacuteneacuterale du langa~e agrave travers le 1ondement du signe
eacutecrit et permet ainsi de prendre conscience de la fonction repreacutesentative du langage
Elle engendre une interpreacutetation consciente du langage preacutecisant de faccedilon geacuteneacuterale la
signification Leacutecriture de type informel utilitaire fait ressortir implicitement la lorme
du langage propre agrave une langue deacutetermineacutee dans le fondement du signe eacutecrit Son but
premier nest pas de faire reacutefleacutechir sur le langage mais de communiquer le message
veacutehiculeacute par celui-ci Linterpreacutetation est alors dirigeacutee dans un sens deacutetermineacute par
leacutecriture sa tonction de repreacutesentation de la langue Leacutecriture de type informel
estheacutetique provoque pour sa part un sentiment agrave leacutegard de la forme de la
repreacutesentation le fondement du signe eacutecrit mais na pas pou l fonction prem iegravere de
faire reacutefleacutechir sur lobjet repreacutesenteacute Elle renvoie inconsciemment linterpreacutetation au
fondement du signe et reste vague quant au sens agrave lui donner
La consideacuteration du type dobjet repreacutesenteacute megravene agrave lanalyse de la fonction
interpreacutetative de Jeacutecriture Linterpreacutetant immeacutediat du signe eacutecrit le produit de
l eacutecri ture est une repreacutesen tation cie la langue usuelle moda1iseacutee se Ion les possi bi 1iteacutes
offertes par le tondement du signe soit la langue eacutecrite En tant quinterpreacutetant
dynamique leacutecriture preacutesente eacutegalement laspect dun processus qUI a cette
particulariteacute de mettre en lien plusieurs niveaux de la leacutealiteacute plusieurs eacutetats de la
lorme du langage Le signe eacuteClit est un acte psychique et physique laissant une trace
72
mateacuterie Ile in lormeacutee pa rune forme speacutecifiq ue du langage la langue usue Ile ou les
expressions matheacutematiques etc Linterpreacutetant final le troisiegraveme aspect de la lonction
interpreacutetative de leacutecriture est son but son effet viseacute Agrave ce sujet on consiclegravere
souvent leacutecriture comme secondaire par rapport agrave la langue parleacutee comme si elle
deacutependait en tout de cette derniegravere Le but de leacutecriture serait de la sorte de repreacutesenter
la langue de la faccedilon la plus transparente possible en seffaccedilant elle-mecircme comme
moyen de la repreacutesentation Mais nous pouvons aussi renverser le point de vue et
faire remarquer que leacutecriture est dune aide des plus preacutecieuse agrave la repreacutesentation du
langage plus fondamental que la langue deacuteterminant mecircme par converse celle-ci
jusquagrave un certain point Le signe eacutecrit par les particulariteacutes de son fondement
permet dactualiser dans une langue eacutecrite certaines possibiliteacutes du langage que la
langue parleacutee usuelle a laisseacutees pour compte Ainsi Coulmas dit-il dans sa conclusion
laquoThe invention of writing is the answer to the limitations of speech to the here and
now Thus by acquiring a vritten form the expressive power of a language is realized
to a greater extent than it is in speech onlyraquo (Coulmas 1989 272) La perdurabiliteacute du
message eacutecrit ou sa transmission agrave distance en sont les avantages les plus
communeacutement eacutevoqueacutes mais son utiliteacute pour analyse formelle clans le cas de la
logique ou des matheacutematiques de mecircme que son pouvoir expressif estheacutetique dans le
cas de la calligraphie sont c1autres aspects que la formulation dune theacuteorie geacuteneacuterale de
leacutecriture comme signe permet de mettre en eacutevidence
Leacutecri ture sJisie en sync hlon ie nest pas un Jrgument car elle ne don ne pJS la
cleacute de sa propre interpreacutetation et son analyse dJns cette section sest donc limiteacutee agrave
une cmacleacuterisJtion geacuteneacuterale du signe eacutecrit dans les termes de la grJmmJire speacuteculative
Toutetoisle signe eacutecrit en ce quil preacutetend retleacuteter la structure du langage et plus
speacutec ifiq uement de la IJngue usue Ile com porte certJi ns Jspects sym bol iques et d icents
qui le rendent informatif et en appellent il une analyse logique critique Cest vers cette
critique logique que se dirigera lexamen de cas speacutecitiques dans la prochJine section
critique qui sera redoubleacutee pm la critique eacutepisteacutemologique suivante
73
222 Analyse seacutemiotique de leacutecriture japonaise
Leacutecriturejaponaise na pas le mecircme objet et ne poursuit pas le mecircme but que
la notation logique des graphes existentiels preacutesenteacutee au chapitre preacuteceacutedent Le but
principal de leacutecriture dune langue intonnelle telle que la langue parleacutee usuelle est de
communiquer efficacement linformation agrave distance dassurer la transparence du signe
eacutecrit et non de sarrecircter sur la repreacutesentation eacutecrite pour Imiddotanalyser alors que celui de
la notation du langage tormel de la logique est de permettre lanalyse du raisonnement
par le retour reacuteflexif sur le systegraveme de signes et la critique subseacutequente Les graphes
existentiels serviront dans cette section de point de repegravere et doutil agrave leacutelaboration
dune theacuteorie seacutemiotique de leacutecriture japonaise Le contraste entre les deux types
deacutecriture permettra aussi de mieux tagraveire ressortir les particulariteacutes de cette derniegravere le
deacutebuterai par lexamen de quelques points de grammaire pour ensuite deacuteterminer les
caractegraveres essentiels de reacutecriture japonaise L exposeacute passera ainsi dune analyse de la
gram mai re japonaise repreacutesentant la structu re de la langue usue Ile par l app 1ication de
la logique des relations agrave lanalyse de la grammaire telle que la langue eacutecrite la tagraveit
ressortir par lapplication de la meacutethode des graphes existentiels agrave labstraction de la
forme du langage propre agrave reacutecriture japonaise par lapplication de la theacuteorie
seacutemiotique au cas consideacutereacute Japprotondirai lanalyse jusquau niveau des dix classes
de signes et passerai au moment critique de la logique tout en gardant en vue les
principes directeurs du pragmatisme
La languejaponaise a ceci de particulier que le sujet grammatical peut ecirctre omis
de la phrase sa preacutesence implicite eacutetant alors reconnue par la situation dans le
contexte de leacutenonciation La grammaire japonaise dans la tradition de Mikami Akira
deacutefinit la structure eacuteleacutementaire du japonais selon un moti f diffeacuterent de la structure
sujet-verbe-objet typique du tranccedilais ou de Imiddotanglais La langue japonaise est plutocirct leacuteeri~ le~ noms japonais selon lusage soit le nOIll Je IUumlllli11c aClnt le pleacutenolllJe tiens les exelllpics selltlnt ~ liumlllustrltltion Jes points lie gralllllllire Jes courS Je langue iaponaise Jonneacutes pal Kana) a Takehi 10 il l LJ ni clsi leacute Je VIontreacutea 1 auquel je Jo is Iussi 1Cl leyon sur 18 glalll1ll8i le Je lvI ik81ll i ikira la pn~senlation de la grlllllllailC jlponaise Jlns celle ~eetion relegraveve eepenJlnl de Illlt pmplc interpreacutetation clu co llIS
74
dite structureacutee selon un ordre thegraveme-commentaire OLI le sujet grammatical plutocirct
nommeacute laquothegravemeraquo pou l en distinguer la fonction na pas l im portance quon 1ui precircte
dans notre langue franccedilaise Cest que le japonais nest pas une langue du laquotaireraquo ct
~ sulu) comme le franccedilais mais une langue du laquoil y araquo (~~ (111) Les faits ( C
kaa) repreacutesenteacutes ne deacutependent pas neacutecessairement de choses (t 0) mono) qui les
accomplissent lis peuvent aliumliver par eux-mecircmes eacutetant alors seulement constateacutes par
le locuteur Le thegraveme nest pas neacutecessairement un agent il est plus essentiellement une
partie de la phrase mise en eacuteviclence (par la particule fJ ho prononceacutee 110) tel un
soleil levant (80)11 hi 10 l1Jolu -le roncl clu jour) eacuteclairant le reste de la phrase Il
peut ecirctre omis leacuteclaircissement venant alors du contexte de leacutenonciation Le
commentaire quant agrave lui se construit autour clu verbe clans les phrases verbales ce
centre restant v icle clans les phrases nom ina les sans la laquocopu leraquo C ~ ~ de 011 ou C
9 desu La phrase japonaise est clonc construite autour cie la base clu verbe situeacute agrave la
fin cie la phrase par lajout cIeacuteleacutements clont la fonction est speacuteci fieacutee par cles
particules cest une phrase en forme cie bonsaiuml (~t(X bonsoi bun) clans laquelle les
com mentai res-branches cl irigeacutes clans le sens cles particu les-tuteurs seacutelaborent agrave parti l
clu verbe-pot qui contient les racines cie la phrase Tanclis que la phrase franccedilaise est
construite agrave partir clu couple sujet-verbe clont le sujet est mis en eacuteviclence tel un arbre
cie Noeumll avec son eacutetoile-sujet au sommet son tronc-verbe et ses branches-objets ( 1)
A 7( A Y 1) - X kllli111l1l0SII IIIIii IWI1) Cest que le locuteur japonais ne prencl pas
clans le contexte cie sa langue un point de vue du dieu sur le moncle (f$0) El kmlli 10
me) slIb ljJecie oeemiois pourrions-nous dire le point de vue du grand architecte
celui qui construit le monde mais un point de vue de linsecte (RO) El lJ1ushi no JJle)
la petite becircte qui voyage sans lin agrave travers la surface de la terre Cette construction par
le bas de la grammaire sera agrave preacutesent formaliseacutee par la rencontre avec les principes
directeurs de la logique peirceacuteenne
75
La logique des relations de Peirce et son deacuteveloppement par la meacutethode des
graphes existentiels seraient en effet particuliegraverement adapteacutes agrave lanalyse de la
grammaire japonaise que le modegravele de la grammaire anglaise a tendance agrave brutaliser
Notons par ailleurs que lutilisation dune grammaire speacutecifique cOl11me modegravele dune
autre grammaire procegravede dune mauvaise meacutethodeutique La grammaire des langues
speacutecifiques doit plutocirct se fonder sur la grammaire pure ou speacuteculative de la logique La
meacutethodeutique bien penseacutee dun point de vue peirceacuteen implique que lon fasse se
rencontrer les principes de la logique et les donneacutees de la linguistique en tant que
scientifique-philosophe confrontant dans son expeacuterience ordinaire de la reacutealiteacute le
pheacutenomegravene de la langue japonaise
Chez Peirce il ny a ultimement dans lanalyse logique meneacutee agrave fond quun
preacutedicat geacuteneacuteral par proposition (repreacutesentant luniteacute conceptuelle de lEcirctre) et
plusieurs sujets qUI constituent des points dancrage dans la reacutealiteacute actuelle
(repreacutesentant le divers de la Substance) (EP2 208 1903 EP2 275-88 1903) Un
sujet peut aussi ecirctre laisseacute pour implicite seul le contexte de leacutenonciation permettant
alors la mise en situation (EP2 281-82 1903) Semblablement dans la langue
japonaise il ny a pas neacutecessairement de sujet actif se deacute1narquant le laquosujet
grammaticalraquo en tant que thegraveme du commentaire qui constitue le reste de la phrase
pouvant ecirctre omis Prenons comme exemple la phrase inaugurale du roman de
Kawabata (~OO Yllkigllni Pays de neige in Kawabata 1974 (1935) 7)
kllnizokoi rO rogoi orneII 110 nllkelIo ykigri de ullu
liontiegravere (particule 0) de) long tunnel (part ~ laquoobjet directraquo) eacutemerger de
(parI C lorsque) pays de neige (ltltcapu leraquo -r 17gt ) t laquoc eacuteta itraquo)
Le thegraveme de la premiegravere proposition nest pas un agent mais un contemplateur de
leacutetat de choses duquel il fagraveit paltie Il est laisseacute pour implicite dans le contexte de
leacutenonciation La distance entre leacutenonciateur et lobjet de son eacutenonceacute nest pas
76
ressentie de faccedilon aussi grande que dans nos eacutenonceacutes de langue franccedilaise ou anglaise
Des tentatives de traduction de cette phrase sans sujet actif seraient
laquoUne fois eacutemergeacute du long tunnel frontalier ceacutetait le pays de neigeraquo
(le plus litteacuteralement possible mais je dis tout de mecircme laquocea eacutetaitraquo ce qui nous
distancie de lobjet le pronom deacutemonstratif eacutetant toutefois un index agrave la fois
plus direct et discret plus transparent quun pronom personnel ou un nom
commun)
laquoUn long tunnel entre les deux reacutegions et voici quon eacutetait dans le pays de
neigeraquo
(trad Fujimori Bunkichi et Annel Guerne (1960) eacuteliminant le verbe mikeli
eacutemerger et utilisant le pronom indeacutefini lt(011 eacutetaitraquo)
laquoThe train came out of the long tunnel into the snov countryraquo
(trad Edward Seidensticker (1986) qui rajoute un sujet (troil1) et embrouille les
deux propositions)
Dans la phrase japonaise la copule peut eacutegalement ecirctre omise La logique de
Peirce permet de mieux expliquer ce que lon entend ici par laquocopuleraquo Prenons agrave ce
sujet la phrase-exern pie de M ikam i
~ fjll1J l 0
ZOcirc 110 hOl1o go l10gai
eacuteleacutephant (particule) trompe (particule) longue (deacuteclinaison de ladjectit)
laquoLeacuteleacutephant-lagrave [sa] trompe [est] longueraquo
Lanalyse de cette phrase selon la meacutethode des i Sdonne le diagramme suivant
1 est clair que la repreacutesentation de la relation didentiteacute implicite ne cause pas de
problegraveme puisque nous la retrouvons dans la quantification existentielle eacutegalement
implicite exprimeacutee par linscription mecircme de la ligne didentiteacute sur la feuille
77
dassertion La copule nest pas lagrave pourjoi nd re les eacuteleacutements de la ph rase mais pou l
speacutecitier la relation du terme qui la preacutecegravede avec les autres eacuteleacutements la relation
diumldentiteacute eacutetant plus fondamentale que toute expression speacutecitique telle quexprimeacutee
par la copule Elle servira plutocirct dindicateur du niveau de langage (honoritique C
~~ 9 de gozoil1loslI poli Cg desu style eacutecrit Cc10 Q de OlI neutre Uamilier)
t do) compleacutetant le commentaire Elle est omise au style neutre apregraves les adjectifs
situeacutes agrave la base du commentaire qui ont eux-mecircmes une fonction qualitative
prononceacutee Nous pourrions dailleurs lappeler plus justement un marqueur
dexistence quune copule Il faut dire agrave ce sujet que les grammairiens actuels (tels que
Shimamori 1997) distinguent plutocirct deux fonctions de Cg delu qui sont soit en tant
que copule de laquotransformer le nom preacuteceacutedent en eacutenonceacute minimal completraquo
(Shimamori 1997 17) dans lequel cas leacuteleacutement est indispensable soit devant un mot
qualitatif japonais (adjectif en ~ i) de laquosituer leacutenonceacute au niveau poliraquo (Shimamori
1997 27) dans lequel cas leacuteleacutement est tacultatif Linterpreacutetation ici proposeacutee eacutevite
le deacutedoublement de fonction du marqueur dexistence en expliquant lomission de
leacuteleacutement apregraves ladjectif dorigine japonaise par la marque de seconde intention la
fonction qualitative prononceacutee deacutejagrave preacutesente dans la tlexion adjectivale et ne
neacutecessitant donc pas de surenchegravere au style neutre (la notion de seconde intention
relative agrave la flexion est preacutesenteacutee ci-apregraves) Par ailleurs dans la logique des relations
non plus la copule explicite nest pas un eacuteleacutement du vocabulaire primitif il sagit
mecircme selon Peirce dune notion grammaticale latine tardive datant du Moyen Acircge le
verbe neacutetant pas dans le grec ancien ou le latin classique une composante essentielle
de la phrase (EP2 221 282 1903)
Le thegraveme est aussi convenablement deacutecentreacute par cette analyse cest-agrave-dire
situeacute comme un sujet de la proposition parm i dautres la fonction speacutecitique de
chaque eacuteleacutement eacutetant indiqueacutee par la particule qui lui est associeacutee (rd 1 0 et 1J go) ou
sa tlexion adjectivale (~ i) toutes eacutecrites en hirogol1( Une certaine structure
78
grammaticale est donc mise en eacutevidence par lalternance de deux types deacutecriture les
kan et les hirogano Dans le cas des adjectifs et des verbes un morphegraveme vient
moditier le sens dun autre morphegraveme plus fondamental au sein dun mecircme mot La
fonction grammaticale de chaque morphegraveme (racine et deacuteclinaison base connective et
terminaison) est de la sorte distingueacutee par leacutecriture Dans le cas des particules et du
marqueur dexistence leur fonction est encore plus abstraite puisquil sagit de termes
distincts donnant un sens aux termes auxquels ils se rapportent mais dont la
signification reste incomplegravete sans ces termes (ce sont des laquosyncateacutegoregravemesraquo EP2
286 1903) Ils deacuteterminent le sens de la proposition au niveau des rhegravemes proprement
dits et non de linteacuterieur de ceux-ci par deacuterivation agrave partir des morphegravemes Selon la
logique des relations de Peirce nous voyons surgir dans ces deux cas la seconde
intention aussi repreacutesenteacutee dans les -Jocirc par des signes nommeacutes Potentiels (CI) 5524shy
6 1903) Peirce donne les deacutefinitions suivantes de la seconde intention
The smt of idea wllich an icon embodies if it be such that it can convey any
positive information being applicable to some things but not to others is called a
jirst intention The idea embodied by an icon which cannot of itself convey any
information being applicable to everything or to nothing but which may
nevertheless be useful in modifying other ieons is ealled a second il1lenion (CP
3433 1896)
Every rhemn whose blnnks may be filled by signs of orclinary individunls but which
signifies only what is true of symbols of those individuals without any reference to
qualities of sense is termed n rhema 01 second intention For second intention is
thought about thought as symbol (CP 4465 1903)
Il is by menns of reuiles of second intention thnl the general method of logicnl
representation is to find eompletion (CP 3490 1897)
Dans les deux cas qui nous inteacuteressent les particules Id 110 et tJ~ go et la llexion l i
sont des signes de seconde intention en ce quils viennent preacuteciser la signitication agrave
accorder agrave la proposition en modalisant la relation didentiteacute fondamentale qui joint
les diffeacuterents termes de premiegravere intention Ce sont des signes qui agissent sur les
relations entre dautres signes au sein dune mecircme repreacutesentation Par la preacutecision
quils apportent agrave la sign ification au niveau des re lations fondamentales ils
79
complegravetent Ianalyse logique implicite agrave la langue japonaise L alternance entre les
types deacutecriture fait donc ressortir la structure de la phrase en mettant en eacutevidence le
rapport entre la premiegravere et la seconde intention
Le problegraveme speacutecifique qui nous permettra dapprolondir plus avant lanalyse
seacutemiotique de leacutecriture japonaise est le changement actuel de proportions entre les
difteumlrents types deacutecriture utiliseacutes dans la langue japonaise eacutecrite La langue japonaise
assimile en ce moment de faccedilon croissante des mots dorigine eacutetrangegravere surtout de
langlais ameacutericain eacutecrits en kolokol1o Ces mots eacutecrits en kOlokona occupent de plus
en plus despace graphique dans leacutecriture jusque maintenant domineacutee par les kanjl
tout en remplissant des fonctions grammaticales sinon attribueacutees il ces derniers
Laspect externe ainsi que de la structure interne de Ieacutecriture japonaise se trouvent
donc fortement modifieacutes suite au contact de la langue japonaise avec dautres langues
aux eacutecritures difteumlrentes Le problegraveme consiste agrave deacuteterminer quels aspects seacutemiotiques
fondamentaux de Ieacutecriture japonaise sont modifieacutes par ce changement de proportions
dans les types deacutecriture utiliseacutes Construisons tout dabord un exemple de
transformation dune phrase dans le sens de laugmentation des kalokono La phrase
suivante servira agrave lillustration
Nihongo no kihon bun wa bonsaiuml bun desu gajilransligo wa klifisumasli twlii bUll
c1esu
laquoLa phrase eacuteleacutementaire du japomlis est une phrase bonsaiuml mais en franccedilais cest
une phrClse arhr de Noeumlf [Christmas tree]raquo
Certains kan)l tels que 8 111110n Japon sont dune importance culturelle
m~ieure et il est agrave parier que les Japonais ne les abandonneront pas cie si vite parce
que ces caractegraveres leur sont chers au cœur Dautres sont tregraves simples ou tregraves
tamiliers tels que ~g go langue et )( blll1 phrase et ils seront conserveacutes parce
quils sOl1l deacutejagrave ancreacutes clans Jhabitude et ne causent pas de problegraveme Mais il est aussi
80
des mots dorigine chinoise aux caractegraveres plus complexes ou moins familiers dans la
phrase-exemple ~~ hO1soi bonsaiuml qui sont bien ancreacutes dans la langue parleacutee
usuelle mais dont on souhaitera peut-ecirctre il lavenir simplifier la repreacutesentation eacutecrite
en les eacutecrivant en koloko1o (puisque dorigine eacutetrangegravere) ainsi honsoi deviendrait 1f 1 Finalement le nouveau vocabula ire techn ique eacutetant sou ven t anglo-ameacuterica in
dorigine le vocabulaire anglo-ameacutericain japoniseacute simposera aussi de lui-ll1ecircme en
comblant les vides de la langue technique 1) A A Y 1) - kulisll710SI IIii
Chrilll1los Iree en est un exemple ou en remplaccedilant avec sa nouvelle saveur les
anciens lllotS dorigine chinoise deacutesormais deacutesuets ainsi dans notre phrase
supposons que ~ kiho1 fondement subisse ce dernier sort et soit remplaceacute par le
terme anglo-japonais Acirc-~ hecsliiku )olie y a dautres raisons favorisant la
prolifeumlration de mots eacutecrits en kolokol1o surtout en lien avec lapport culturel
eacutetranger par exemple dans les modes engendreacutees par la musique la litteacuterature Ie
discours politique etc mais la preacutesente illustration seacutepuise dans les deux cas mis de
lavant La phrase-exemple transformeacutee devient alors en reprenant dabord loriginal
pour effet de comparaison
B ~gO)~gtzIj~~gtZT9tJ 77 Agrave~glj 1) Agrave Agrave ) 1) -gtZT9o
B ~gO) 0( - gtz1j ~ -1 gtzT9tJ~ 77 Agrave~glj 1) Agrave Agrave ) 1) - gtzT9 0
Nihongo no heeshiku bun Wl hO7sai bun c1esu ga li1runsllgo wa kllislll11allI 1lIlii
bun desu
laquoLa phrase ileacutell7ltnluire [hLsic] du japonais est une phrase hOl1sui mais enfiu7ccediluis
cest L1ne phrase urhre de Noeumllraquo
Une analyse grammaticale donnera une premiegravere ideacutee de la structure de ces
phrases Les phrases sont composeacutees chacune de deux propositions lieacutees par la
cc suiet le dcuiegravelllc lelc dc lannec 2 donllc un ecl1lple dnrlicle dciourJlltJ1 urilisnnl de nomlxcu lllolS 0crits Cil kU(fw7u dans ce cas-Iugrave pour cn eriliquer lulilisltJtion ccessi e llm le rrcl1licr Illinislre l1e Shinll Jans son discours inaugural Cc lcte contrasle mcc Ic premicr clrail de lanncc rcrrcnanl le d011ul dun conte de Ikutngaa le famcu 1eacute1shocircIllOIlraquo eacutecrit en 1915 dans unc languc litteacuteraire au Sl Ic laquogothiqucraquo ulilisant quelques kl7ji cOl1lrlcCS ou inusil0s el aucun kalakrlu
81
particule conjonctive IJIcirc go mais qui introduit dans la deuxiegraveme proposition une ideacutee
constrastant avec celle exprimeacutee dans la prem iegravere Dans la prem iegravere phrase le thegraveme
de la premiegravere proposition est B ~gO)~)( l1iho1go 110 kihon )((n la phrase
eacuteleacutementaire de la langue japonaise mis en eacutevidence par la particule theacutematisante fj
wa en ce qui concerne et son commentaire est ~~)( honsai )1(1 phrase bonsaiuml
dont le rapport avec le reste de la proposition est souligneacute par le marqueur dexistence
de style poli C9 desu il y a ou cest tandis que le thegraveme de la seconde
proposition est 77 Agrave~g fltral1sugo langue franccedilaise et son commentaire est
1) Agrave x Agrave J 1) -)( kurisulllosu ISlIii blll1 phrase arbre de Noeumll indiqueacutes par la
mecircme particule theacutematisante et le mecircme niarqueur dexistence La phrase transformeacutee
reprend exactement la mecircme structure grammaticale mais remplace ~ kihun par le
terme anglo-japonais I-~ beeshikll basic eacutecrit en kolakana et les kan)i de ~
~ bonsoi par les kalakano de mecircme lecture tT - La transformation du type
deacutecriture naffecte donc en rien la structure grammaticale de la phrase japonaise dans
tous les cas du pheacutenomegravenc actuel qui nous concerne Mecircme dans le cas extrecircme de
lassimilation dun mot eacutetranger comme verbe base de la phrase bonsaiuml japonaise le
nouveau mot prend une forme grammaticale deacutejagrave preacutevue par la langue soit celle des
verbes dorigine chinoise construits par lajout du morphegraveme 9 g SlIU fnire (ici en
style neutre eacuteventuellement conjugueacute) agrave la base connective sino-japonaise par
exemple le verbe anglo-japonais 7 euml-)[9g apiiuslIlI to appeal a une forme
identique agrave un verbe sino-japonais tel que ~fff9 ~ JlIl1sekisuu analyser Le
contact des langues peut bien provoquer des transformations de la grammaire mais la
cause nen est pas alors le changement de type d eacutecri ture
Lanalyse seacutemiotique proprement dite commencera par deacutegager les
composantes du signe eacutecrit de la langue japonaise tel quillustreacute par la phraseshy
82
exemple Lefondemen de leacutecriture japonaise comme signe est lapparence mateacuterielle
quelle offre dont on peut deacutegager une structure logique deacutetermineacutee par lobjet que le
signe repreacutesente la langue parleacutee usuelle et deacuteterminant agrave son tour un interpreacutetant la
langue eacutecrite Leacutecriture japonaise ne saisit en son fondement que certains aspects de la
langue parleacutee soit certains lexegravemes morphegravemes syllabes et mores et une certaine
structure syntaxique de ces eacuteleacutements 211 bull Elle fait ressortir ces aspects dune faccedilon plus
preacutecise que la langue parleacutee mais en neacuteglige cIautres clans sa seacutelection (par exemple la
tonaliteacute) Elle est donc une abstraction de la langue parleacutee qui nen retient que certains
traits Ces traits sont inscrits et fixeacutes dans la matiegravere de leacutecriture une forme davantage
contrainte par lhabitude que la langue parleacutee Dans lexemple on peut reprendre les
deux phrases en ne siumlnteacuteressant quagrave leur aspect graphique et en consideacuterant quelles
uniteacutes linguistiques chaque signe de la phrase repreacutesente ainsi que quelle syntaxe
lensemble fail graphiquement ressortir Le fondement des deux phrases est une
alternance de kani D hiragw1( kafakana 0 et ponctuation selon ordre suivant
B80)~Xfl~)CC91JIcirc 75 Agrave81l 1) AgraveAgrave 1) -XT90
DUO 0 000bullbullbull 00000000000000bullbull0
B ~O)I-S-XIl -if-1 XC91f) 75 Agrave~gll 1) Agrave Agrave 1) -XC90
0000000000000bullbullbull 00000000000000bullbull0
Sur le support mateacuteriel cie la feuille dassertion leacutecriture est tout daborcl
contrainte par la lineacuteariteacute de la phrase inscrite semblable agrave leacutecoulement temporel de la
parole La ponctuation donne ensuite les limites hors tout ainsi quune certaine
structure interne cie la phrase Dans lexel1lj1le le j1ointmiddot o marque la tin de la phrase
et la virgule seacutepare la premiegravere proposition de la seconde Les morphegravemes et
syllabes repreacutesenteacutes par des kan) 0 sont aussi distingueacutes des mores repreacutesenteacutees par
des kan(f 0 ce qui est L1ne abstraction de leacutetude cie la langue eacutecrite la langue parleacutee
Il nesl ras eacutevident que leacuteelillllc lcwenne caetclllcntla stluelure S) nwiquc de I~I langue ralmiddotke Ia languc japonaise el8ssique Je SI) le klllbllll en olile un eelllrie pal eeellcncc leacutecrilulC sc lilisanl dans joldle sYlitaique du chinois rouI ensuite ecirclle inlelpleacuteleacutee au eouls Je la ledule en lceonslruisanl lnrdre S) nlltliqlle JlIjaponais
83
ne les distinguant pas Avec une connaissance un peu plus profonde de la grammaire
eacuteleacutementaire du japonais on reconnaicirct de plus dans lalternance entre konji U (ou
katakona 0) et hiragano bull une structure syntaxique correspondant agrave la structure
thegraveme-comnientaire On constate ainsi dans lexemple que la transformation de
leacutecriture dans le scns de laugmentation des kotakono ne change pas la structure
syntaxique de la phrase ponctueacutee dune phrase agrave lautre de la mecircme faccedilon par les
hiragana bull le point et la virgule Les lectures speacutecifiques des signes eacutecrits renvoient
finalement de diverses maniegraveres agrave la prononciation de la langue padeacutee Telle est donc la
forme geacuteneacuterale du signe eacutecrit pris en son fondement qui contraste avec la torme plutocirct
vague de la langue parleacutee
Lobjet de eacutecriture japonaise la langue parleacutee usuelle est plus fluide et
eacutepheacutemegravere que son support eacutecrit qui tixe les paroles dans lespace et les fait perdurer
dans le temps Il peut ecirctre deacutecomposeacute pour chaque kanji ou groupe de konji en mots
morphegravemes ou phonegravemes repreacutesenteacutes et pour chaque kono en mOIes repreacutesenteacutees Il
peut aussi ecirctre saisi en un tout comme dans la repreacutesentation diagrammatique de la
structure syntaxique de la phrase et du texte Lobjet immeacutediat de leacutecriture japonaise
est la parole penseacutee ou entendue en langue japonaise La phrase-exemple peut ainsi
repreacutesenter une penseacutee immeacutediate du scripteur ou un eacutenonceacute entendu par ce dernier
Lobjet c1I1amiqlle est lideacutee vague que lon cherche agrave repreacutesenter en la preacutecisant dans
cette langue et ces phrases deacutetermineacutees mais qui pourrait ecirctre exprimeacutee autrement en
dautres phrases et dans dautres langues Cest la proposition logique du grammairien
sous-tendant vaguement la phrase-eemple inscrite par le scripteur
Linterpreacutetant clu signe eacutecrit japonais la langue eacutecrite est une forme davantage
contrainte que son objet car preacuteciseacutee par la repreacutesentation Linterpreacutetant ill1l1leacutediot
est le message transmis au lecteLll en langue japonaise Cest ce que le lecteur
comprencl effectivement cie la Poposition inscrite sur la teuille cIassertion La phraseshy
exemple est ainsi un eacutenonceacute de la grammaire qui permet au lecteur cie saisir certains
84
traits de la langue japonaise dans sa comparaison agrave la langue fi-anccedilaise Linterpreacutetant
c0mamiqlle est le processus deacutecriture et de lecture du signe sa traduction en parole et
en penseacutee Il ne sagit pas seulement dun processus psychologique et physique car
on peut aussi lanalyser logiquement en tant que processus seacutemiotique de construction
dune signification la seacutemiose Le scripteur et le lecteur sont conditionneacutes par la torme
de leacutecriture son fondement et le processus dinterpreacutetation du signe eacutecrit est donc
dirigeacute dans un certain sens il sactualise dune maniegravere deacutetermineacutee Linterpreacutetant
f7nal leffet viseacute est la compreacutehension du message japonais dorigine telle que deacutesireacutee
par le scripteur mais aussi par le lecteur Cest la signification deacutetermineacutee que la
repreacutesentation adeacutequate de lobjet construirait eacuteventuellement une proposition
logique speacutecifique dans le cas dune phrase ou une langue eacutecrite ideacuteale dans le cas de
la langue usuelle La proposition logique qui sous-tend la phrase-exemple lorsque
ideacutealement preacuteciseacutee en constituerait linterpreacutetant tlnal Le grammairien eacutenonccedilant
cette proposi tion en partagera it donc avec le seri pteu r et le lecteur la sign i lication
exacte dans un contexte similaire Ces demiers se feraient une repreacutesentation adeacutequate
de la proposition logique reacuteelle celle que le grammairien a lintention dexprimer
La prochaine eacutetape de lanalyse consiste agrave deacuteterminer quels types de signes
sont opeacuterants dans leacutecriture japonaise et dans le cas speacutecillque des kalakana qui nous
inteacuteresse Les signes de la langue parleacutee ou eacutecrite sont avant tout en leur fondement
des leacutegiigne car ils ont eacuteteacute institueacutes par convention explicitement ou non Les kani
et les kana tant ainsi lobjet de recommandations de la part du gouvernement japonais
les formes des kana ont eacuteteacute standardiseacutees et des listes de kani ont eacuteteacute publieacutees afin
den limiter le nombre communeacutement en usage Ces leacutegisignes se manifestent
actuellement en tant que sinsignes leurs occurences mateacuterielles Cependant dans leur
composition et par leur alternance au sein de la phrase les signes eacutecrits font ressortir
une certaine structure syntaxique et tOrll1ent en cela un diagramlle de la langue un
signe icon ique qu i epreacutesente son objet en vertu dune si 111 i lari teacute en tre les re lations de
sa propre tonne (son tondement) et les relations de la tonl1e de lobjet Leacutecriture
85
japonaise en tant que diagramme de la langue japonaise est donc un leacutegisigne iconique
rheacutematique Dans le cas de la phrase-exemple la diagrammaticiteacute du signe eacutecrit est
manifeste si lon considegravere la structure thegraveme-commentaire indiqueacutee par lalternance
des konji 0 (ou kotakono 0) et des hirogono bull La transformation de konji en
kotokono naffecte en rien laspect diagrammatique de leacutecriture pour autant que lon
sache diffeacuterencier les deux types de kano La distinction entre la premiegravere et la
seconde intention qui fonde cette diagrammaticiteacute est quand mecircme un peu embrouilleacutee
car les deux types de kono sont moins distincts entre eux dans leur forille graphique
et leur fonction repreacutesentative (moraiumlque et non morpheacutemique) quils ne le sont des
konji I~e passage du terme B gg nihongo agrave la particule conjonctive 0) no puis au
terme laquo-~ beeshikll dans le thegraveme B~gO)(-~)(Ij niJongo no beeshikll
blln Vo lillustre bien
Dun point de vue agrave la fois grammatical et graphique les termes de seconde
intention eacutecrits en hirogono tels que les particules les flexions et les marqueurs
dexistence en ponctuant la phrase et en rendant sa structure syntaxique manifeste
possegravedent un certain aspect indexical tels des leacutegisignes indexicollx rheacutematiqlles mais
en modalisant les relations logiques de la proposition de maniegravere plus fine quun
simple index qui ne fait quindiquer son objet ils jouent un rocircle davantage
conventionnel et se rapprochent en cela du leacutegisignc middot)YIIIJoiqlle rheacutel11otique Dans
lexemple la particule conjonctive 0) no de se fond syntaxiquement dans le thegraveme de
la premiegravere proposition la particule conjonctive tJ go mais unit les deux
propositions en exprimant un certain sentiment dopposition la distance syntaxique
entre les propositions devant tout de mecircme ecirctre souligneacutee par la virgule et la copule
Tt desli marque lexistence du rapport entre le terme quelle deacutetermine et le reste de
la plOposition selon un certain niveau de politesse tel un emballage rendant la
plOposition mieux preacutesentable La compreacutehension de la nuance que chacun de ces
termes apporte agrave la phrase demande une plus grande connaissance de la grammaire
86
japonaise quun simple index Seule la particule Ij ]la en theacutematisant le terme auquel
elle est adjointe cest-agrave-dire en le mettant agrave distance et en le pointant du doigt agit
principalement comme un index et constitue en cela un eacutegisignc indcxicol rheacutellloiquc
Les termes de premiegravere intention tels les noms et les bases connectives des verbes ou
des adjectifs sont quant agrave eux des leacutegisigncs ~Yl77b()liqucs rheacutel77oiqllcs plus
authentiques car cest peacutelr eux que la proposition acquiert sa compreacutehension fis
comportent neacuteanmoins un certain aspect indexical puisque cest eux qui ancrent la
proposition dans la reacutealiteacute eacutelctuelle La complexiteacute de leur forme grarhique en konji
compeacutelreacutee aux autres eacuteleacutements en kano rellegravete aussi sous un aspect iconique cette
fois limportance de leur cheacutelrge seacutemantique Ceci nous conlirme bien que les
symboles peuvent impliquer des index et des icocircnes et mecircme que les termes de
seconde intention eacutecrits en kanji participent de la sorte agrave la diagrammaticiteacute de
leacutecriture
Les konji et les kono en tant que graphegravemes abstraits de leur fonction
grammaticale se distinguent aussi dans leurs aspects seacutemiotiques Les konosont des
signes phoneacutetiques repreacutesentant des mores et sont donc de purs leacutegisignes
~ymb()liqucs rheacutemaiques Ils se lisent directement mecircme si lon ne comprend pas le
sens des mots ni de la ph rase Il nest pas neacutecessai re de les mettre en re lation avec
dautres signes dans le contexte de la phrase pour les lire Les kanji sont pour leur part
des signes plus complexes et leur composition interne est exploiteacutee afin de
reconstruire leur signification Ils peuvent ecirctre analyseacutes en eacuteleacutements plus petits
entretenant entre eux des relations signi liantes (des ensembles de traits ou de
radicaux) Ils constituent en cela des leacutegisigne~ ~Ylllb()liqllcS diccns bien que dans leur
fonction normale de repreacutesentation lorsquils sont immeacutediatement reconnus et
demeurent transparents leur aspect symbolique dominant reste lheacutematique Ces
leacutegi~igncs symholiqlles rheacutellCIiqllcl sont toutefois imparfaits car leur interpreacutetation
correcte neacutecessite une mise en contexte plusieurs lectures eacutetant possibles En tant que
rhegravemes ils deacuteterm inent linterpreacutetation en vertu de caractegraveres rlOpres agrave leur objet
87
relatifs au sens et au son des mots repreacutesenteacutes mais offrent plusieurs possibiliteacutes agrave
cet eacutegard et sont donc des signes lheacutematiques geacuteneacuteraux plutocirct que deacutetermineacutes
Laspect dicent secondaire mais pertinent agrave lanalyse des kon)i est perdu dans
leur trlIlsformation en kolokono alors quils se trouvent en quelque sorte aplanis (et
allongeacutes) Les kona de Z- J beeshiku basic ne sanalysent pas plus avant que
les mores quils repreacutesentent mais les kanji de ~$ kihon fondement ont chacun
plusieurs lectures possi bles qu i permettent den reeonstru ire le sens de Li iverses
maniegraveres par exemple ~ peut aussi se lire 171010 signifiant base et donnant entre
autres le verbe ~j lt IIIOloczukll baseacute sur tirant son origine de tandis que $ peut
eacutegalement se lire de la mecircme faccedilon molo origine tous autant dindices il la lecture et
la com preacutehension du mot ~$ Laspect rheacutematiq ue des kOlokono est cependant plus
eacutevident que pour les kunji la phoneacutetisation faisant plus directement reacutefeacuterence agrave son
objet la more
Leacutecriture mixte konji-kono est quant agrave elle le eacutegisigne vmboiqlle dicenl le
plus authentique du systegraveme Elle est composeacutee de quasi-propositions graphiques
(des dicisignes) qui donnent accegraves au sens de leurs objets des phrases de la langue
japonaise Les signes de leacutecriture mixte informent le lecteur et scripteur quant au son
et au sens il accorder aux termes par leur symboliciteacute lheacutematique et aux propositions
par leur diagral1lmaticiteacute Les sujets logiques dela quasi-proposition graphique
B~gO)~XIj~aUZC91J~ 75 A~gfjQ 1) AYA Y 1) -XC9o
sont les signes de premiegravere intention eacutecrits en kanji et en kolawno B ~~j ~
X l1~x 75A~~f QI)AYAYI)-X tandis que son preacutedicat logique
geacuteneacuteral est la relation repreacutesenteacutee par le diagramme de lalternance entre wnji kona et
ponctuation
DDOnOOooobullbullbull 00000000000000bullbull0
Il est rendu deacutetermineacute par les signes de seconde intention eacutecrits en hirogano 0)
88
r~r Ct IF f~r Ct Le preacutedicat logique ne change pas avec la
transformation en kalakona seuls les sujets logiques eacutetant aHecteacutes lancrage dans la
reacutealiteacute actuelle est moclaliseacute par de nouvelles fmmes speacutecifiques de leacutecriture aux
aspects seacutemiotiques diffeacuterents Ainsi la transformation de eacutecriture japonaise ne
change pas sa structure syntaxique mais bien son rapport agrave la langue usuelle et au
monde sa seacutemantique Nous comprenons eacutegalement agrave preacutesent que leacutecriture saisie en
diachronie dans sa transformation historique puisse constituer un argument une
quasi-proposition se transformant en une autre Les nuances seacutemantiques laissent
perdurer une certaine structure syntaxique qui se constitue par lhabitude en regravegle
syntaxique Une certaine tendance eacutevolutive dans le sens de la phoneacutetisation de
leacutecriture peut aussi ecirctre perccedilue dun autre point de vue Lexamen pl us appro fond i de
ces arguments sera le propre de 111 critique logique
Lanalyse logique critique de leacutecriture japonaise cherche agrave deacuteterminer jusquagrave
quel point le signe eacutecrit constitue une repreacutesentation adeacutequate de son objet cest-agraveshy
dire de la langue japonaise et du langage logique qui lui est sous-jacent Elle critique
liumlnformation veacutehiculeacutee par le signe et ne soccupe donc que des signes qui informent
tels que les leacutegisignes symboles dicisignes et arguments Lmiddoteacutecriture au premier abord
ne montre pas de faccedilon explicite quel est son interpreacutetant final et elle ne semble donc
pas un argument mais lanalyse seacutemiotique en a distingueacute au niveau de la grammaire
speacuteculative des aspects informati fs tout signe eacutecrit est en son fondement un leacutegisigne
et peut ecirctre dans son rapport agrave lobjet un symbole et dans son rapport agrave
liumlnterpreacutetant un dicisigne Toutefois eacutegalement dans sa transformation historique
reacutecriture constitue bien un argument implicite que lanalyse critique classera selon les
types diumlnfeacuterence et dont elle jugera de la validiteacute Il sagit donc de critiquer chaque
type de signe informatif distingueacute dans leacutecriture japonaise et de voir si la
transformation de eacutecri ture dans le sens de augmentation des kaloko1o la rend pl us
apte agrave repreacutesenter son objet la langue japonaise usuelle La comparaison avec les
sera ici utile faisant contraster les objets et buts speacutecifiques cie chaque eacutecriture
89
Le but principal de leacutecriture japonaise est de transmettre le message en langue
japonaise le plus fidegravelement possible afin de permettre la communication effective de
l information du scri pteu l au lecteur Le signe eacutecrit do i t pour cela tendre agrave la
transparence il ne doit pas se man ifester pour lu i-mecircme mais seulement pou l son
objet La notation des p$ cependant a pour fonction plincipale de permettre
lanalyse logique par le retour reacuteflexif sur le signe et la critique subseacutequente La
logique qui est sous-jacente agrave sa repreacutesentation graphique est tout aussi fondamentale
que celle que le logicien tente de deacutecouvrir dans dautres pheacutenomegravenes Lanalyse de la
notation partic ipe donc agrave janalyse logique quelle su pporte Les signes de leacutecriture
japonaise et des graphes existentiels lepreacutesentent-ils leur objet de maniegravere adeacutequate
Forceacutement ces signes sont contraints par la forme de leur tondement et ne peuvent
sidentitier parfaitement agrave leur objet Mais ils visent un certain but et sils permettent
de latteindre alors on peut consideacuterer quils constituent des repreacutesentations
adeacutequates de leur objet Ladeacutequation de la repreacutesentation est relative agrave leffet viseacute Le
but du signe est son interpreacutetant final le processus qui megravene au nouveau signe son
interpreacutetant dynamique et le nouveau signe effectivement produit linterpreacutetant
immeacutediat Lanalyse logique critique doit eacutevaluer ladeacutequation de linterpreacutetant
immeacutediat agrave son objet en vertu de linterpreacutetant final La consideacuteration de linterpreacutetant
dynamique permet quant agrave elle de comprendre comment sopegravere cette mise en relation
Dans le cas des graphes existentiels lanalyse portera sur le vocabulaire
eacuteleacutementaire de la notation Le vocabulaire eacuteleacutementaire des 5 en leur partie Seta est
composeacute de symboles de sujets de la coupure (symbolique) de la ligne didentiteacute
(iconique) et implicitement de la juxtaposition La symboliciteacute des sujets et de la
coupure de mecircme que liumlconiciteacute de la ligne didentiteacute sont-elles les aspects
seacutemiotiques les plus appmprieacutes agrave fagraveire ressoltil lors de la repreacutesentation de la logique
des propositions analyseacutees Les sujets logiques sont des index des termes agrave la
signification deacutetermineacutee qui ancrent la proposition dans la reacutealiteacute actuelle Les signes
repreacutesentant ces sujets seraient donc ideacutealement des index ou plus exactement des
90
leacutegisignes indexicaux lheacutematiques Peirce donne le plus souvent dans ses exemples de
graphes des sujets tels que laquoest un hommeraquo et laquoest mortelraquo (CP 4407 1903) donc
des leacutegisignes symboliques lheacutematiques mais larcheacutetype du sujet logique en tant que
leacutegisigne indexical lheacutematique serait plutocirct un pronom deacutemonstratif tel que laquoceciraquo ou
laquocelaraquo ou mecircme une simple lettre de lalphabet telle quutiliseacutee dans la notation de la
logique formelle contemporaine (les exemples de graphes donneacutes dans la
correspondance agrave Lady Welby utilisent de telles lettres cf SampS 94-130 J909)
Lillustration commune par des symboles nest donc pas la plus adeacutequate mais
poursuit sans doute un but peacutedagogique secondaire agrave lanalyse du raisonnement
proprement dite et rend agrave cet effet la notation plus familiegravere cn utilisant des mots de la
langue usuelle Lemploi plus technique des lettres de lalphabet est cependant tout agrave
fagraveit apte agrave repreacutesenter les sujets logiques en leur caractegravere essentiel dindex La
neacutegation est quant agrave elle une cateacutegorie particuliegravere de la qualiteacute et la neacutegation logique
modalise donc la qualiteacute dun terme ou dune proposition Son signe serait ideacutealement
un leacutegisigne iconique lheacutematique La coupure est suggestive de cette modalisation
ma is ne lopegravele pas sans une cOllVention exp 1ic ite son 1ien avec la neacutegation restant
contingent Un changement de couleur des signes nieacutes aurait peut-ecirctre eacuteteacute plus
adeacutequat La coupure permet cependant la lecture endoporeutique de lexteacuterieur vers
linteacuterieur du graphe une convention fagravecilitant linterpreacutetation La relation didentiteacute
constituant le preacutedicat geacuteneacuteral de la proposition est finalement lexpression la plus
simple de lessence de la proposition Son signe le plus adeacutequat serait donc une icocircne
la plus authentique possible La ligne didentiteacute par la continuiteacute de son trait reliant
les symboles de sujets est un signe iconique lheacutematique des plus adeacutequats dans le
cadre dune analyse logique neacutecessitant lemploi dune notation conventionnelle en
son fondement un leacutegisigne La ligne didentiteacute est de la sorte un leacutegisigne iconique
lheacutematique le pJus approprieacute des signes vu les contraintes formelles imposeacutees par le
type de notation servant il lanalyse du raisonnement Les graphes existentiels font
donc ressortir dans la composition graphique de leurs signes explicites la structure
logique des propositions et arguments quils repreacutesentent en exploitant divers aspects
91
seacutemiotiques du signe qui correspondent aux divers aspects de la reacutealiteacute
Dans le cas de leacutecritule japonaise lanalyse portera sur les principaux signes
distingueacutes dans lexamen de la grammaire speacuteculative soit leacutecriture mixte konji-kona
et largument de la transformation en kalakano La quasi-proposition graphique de
leacutecriture mixte est com poseacutee de sujets logiques et dun preacuted icat logique geacuteneacuteral Les
sujets logiques sont comme dans lesif des index et leurs signes ideacuteaux dans une
repreacutesentation conventionnelle servant agrave lanalyse du raisonnement seraient des
leacutegisignes indexicaux rheacutematiques Mais le but de leacutecriture japonaise est de
repreacutesenter une langue usuelle servant avant tout agrave la communication effective entre
interlocuteurs et les leacutegisignes symboliques lheacutematiques que sont les kanji el
kalakana repreacutesentant les sujets logiques de leacutecriture jouent convenablement leur
rocircle ils ancrent la proposition dans une langue conventionnelle et non seulement dans
le monde actuel Les konji sont mecircme agrave ce sujet un peu plus approprieacutes que les
kalokana car ils tendent agrave la symboliciteacute dicente leur interpreacutetation interne ou en
contexte eacutetant plus complexe tandis que les kana tendent agrave lindexicaliteacute rheacutematique
indiquant chacun tel son deacutetermineacute Dans un contexte sociolinguistique ougrave la
connaissance de la convention de leacutecriture tagraveit deacutetagraveut les kOlokono sont cependant
preacutefeumlrables un but diffeacuterent daccessibiliteacute agrave Jinformation eacutetant alors poursuivi Le
preacutedic8t logique geacuteneacuteral repreacutesenteacute par leacutecriture mixte est pour sa part la syntaxe de la
langue japonaise lorganisation des relations logiques propre agrave cette langue Le
diagramme un sous-type de leacutegisigne iconique rheacutematique en est le type de signe
ideacuteal relleacutetant en son fondement la structure relationnelle propre agrave la syntaxe Le
diagramme de lalternance entre types deacutecriture en indiquant la structure
fondamentale thegraveme-commentaire est un signe de la syntaxe japonaise des plus
adeacutequats Il est quelque peu embrouilleacute par lutilisation des hiragafo dans la
structuration interne et non seulement externe du thegraveme et du commentaire mais Ilen
demeure pas moins un signe explicite de la syntaxe japonaise dans son ensemble
Leacutecriture mixte par le jeu entre ses deux composantes logiques repreacutesente donc
92
adeacutequatement la nature propositionnelle de la langue japonaise
Les transformations actuelles de leacutecriture japonaise preacutesentent un certain
aspect argumentatif Lobjet de cet argument est le contact des langues auquel est
actuellement sujette la langue japonaise Lassimilation de mots eacutetrangers principal
effet du contact des langues ne moditiumle pas la structure syntaxique fondamentale de la
langue mais change bien la coloration le ton la nLiance de ses termes un certain
aspect qualitatif de la langue est transformeacute La langue japonaise en tant que signe
deacuteterm ine son interpreacutetant en vertu de nouvelles quai iteacutes prem iegraveres de son fondement
la forme des mots dorigine eacutetrangegravere assimileacutes Sa rheacutematiciteacute est donc affecteacutee La
repreacutesentation de ces mots par des katakal10 et laugmentation sign ifiumlcative du nom bre
de katakano dans le texte japonais sont un signe adeacutequat de la transformation de la
langue japona ise Les katokana otfren t un aspect qua 1itatif d i lteumlrent de cel uides konji
qui transforme la rheacutematiciteacute des termes de la quasi-proposition En quoi consiste
largument Largument de la transformation actuelle de leacutecriture japonaise est L1ne
infeacuterence deacuteductive dont la regravegle reste implicite Cette regravegle eacutenonceacutee de faccedilon geacuteneacuterale
est que si seuls les sujets logiques de la quasi-proposition sont moditiumleacutes et non son
preacutedicat logique geacuteneacuteral alors la structure fondamentale de la langue japonaise reste la
mecircme car cest la relation didentiteacute du preacutedicat qui fonde sa syntaxe Eacutenonceacutee de
maniegravere speacutecifique agrave leacutecriture japonaise cette regravegle devient si seuls les leacutegisignes
symboliques lheacutematiques des termes de premiegravere intention sujets de la quasishy
propos i tion sont mod i fieacutes alors le diagramme fondamenta 1 de leacutecriture le preacuted icat
geacuteneacuteral reste le mecircme Le cas actuel observeacute est une transformation de la rheacutematiciteacute
des termes de premiegravere intention cie leacutecriture japonaise Le reacutesultat perccedilu agrave travers la
diachronie est que le diagramme de leacutecriture reste le mecircme de mecircme que la syntaxe
de la langue Nous pouvons tiumlnalement illustrer et reacutesumer largument de la maniegravere
suivante
93
B~~(J)~9It~~9T9tlmiddot 77- z~~It1J I)zz Y 1) -9T90
B~~(J) 1(- IJ 91t--j- - YT9tJ 77- z~~lt IJ 1) z z 1) -YT90
000000000bullbullbull 00000000000000bullbull0
0000000000000bullbullbull OOUOOOOOOOOOOObullbullo
Regravegle-Si seule la rheacutematiciteacute cles termes de premiegravere intention de leacutecriture
japonaise est modifieacutee alors son diagramme reste le mecircme
Cas-Seule la rheacutematiciteacute des termes cie premiegravere intention cie leacutecriture japonaise
est Illodi fieacutee
Reacutesultat-Le diagramme de leacutecriture japonaise reste le mecircme
223 Critique de lanalyse seacutemiotique
Le retour reacuteflexif et critique sur lanalyse seacutemiotique permettra agrave preacutesent de
mieux saisir les aspects eacutepisteacutemologiques de Iapplication de la theacuteorie seacutemiotique agrave
leacutetude de Ieacutecriture La reacuteflexion sera eacutelaboreacutee agrave partir des cateacutegories particuliegraveres de la
signification et de la modaliteacute et permettra de juger du bien-fondeacute de lapplication de la
seacutemiotique Le retour se fera dabord sur la theacuteorie geacuteneacuterale de leacutecriture comme signe
eacutelaboreacutee puis sur lapplication speacutecifique agrave leacutecriture japonaise et le problegraveme de sa
transformation actuelle Jexaminerai plus speacutecifiquement les concepts et les types
dinfeumlrence utiliseacutes en deacutefinissant les concepts philosophiques de la seacutemiotique et les
concepts idioscopiques de la linguistique et en deacuteterminant comment seffectue la
transformation dun type de concept en Iautre Je ferai ainsi ressortir Iargument qui
justifie le passage de la seacutemiotique agrave la science de jeacutecriture
Les concepts philosophiques de la seacutemiotique sont des concepts geacuteneacuteraux
servant de normes au raisonnement Prenons par exemple les concepts seacutemiotiques de
fondelllent en tant que constituant du signe et de diogrUlllllle en tant que type de signe
Ces deux concepts reacutefegraverent agrave une certaine structure de la reacutealiteacute que la seacutemiotique
94
philosophique cherche il repreacutesenter Ce sont des concepts philosophiques en ce
quils sappliquent agrave lexpeacuterience commune de la reacutealiteacute actuelle Ce sont aussi des
concepts seacutemiotiques en ce quils sappliquent plus speacutecifiquement agrave la penseacutee qui se
deacuteveloppe de signe en signe Ils servent finalement de normes au raisonnement en ce
quils constituent des principes directeurs pour toute reacuteflexion systeacutematiquement
ulteacuterieure SUI les lepreacutesentations neacutecessaires de la reacutealiteacute propres agrave la science Le
fondement repreacutesente ainsi un eacuteleacutement de la structure du signe laspect selon lequel le
signe en soi deacuteterm ine la repreacutesentation que lon se doit de consideacuterer dans toute
repreacutesentation adeacutequate de la reacutealiteacute Le diagramme en repreacutesentant un type de signe
rend quant agrave lui explicite laspect selon lequel le signe repreacutesente un ensemble de
re lat ions reacuteelles ce que lon se doit eacutegalement de consideacuterer dans la repreacutesentation
particuliegravere de la reacutealiteacute en vertu des relations propres agrave un objet La seacutemiotique
inaugure donc le mouvement reacuteflexif et critique de la penseacutee qui fait alors retour sur
ses propres repreacutesentations et sert en cela de fondement agrave toute repreacutesentation
scientifique Le concept seacutemiotique exprime de la sorte une relation possible en voie
dactualisation dans la repreacutesentation dun objet reacuteel par son signe
Les concepts idioscopiques de la linguistique sont des concepts geacuteneacuteraux
servant agrave la classification des langues et de leurs eacuteleacutements En classifiant des
propositions qui peuvent se constituer en arguments la linguistique tend aussi agrave
repreacutesenter les lois du langage Par exemple les regravegles grammaticales sont des
propositions pouvant composer des arguments dune theacuteorie de la syntaxe Ces regravegles
lorsque duumlment justifieacutees par les 8rguments quelles composent deviennent
effectivement des lois de la langue il laquelle elles sappliquent Les regravegles
grammaticales ordinaires sont cependant des propositions constitutives dune theacuteorie
linguistique construite par le bas il partir des donneacutees factuelles accumuleacutees dans les
recherches de cette science idioscopique attacheacutee agrave lobservation des fagraveits propres aux
langues speacutecifiques Les concepts linguistiques qui nous inteacuteressent sont plutocirct ceux
deacuteriveacutes de la seacutemiotique tels queacutelaboreacutes dans lanalyse de leacutecriture des sections
95
preacuteceacutedentes Prenons ainsi pour exemple les concepts defocircndelJent de leacutecriture tel
que deacuteveloppeacute dans la theacuteorie geacuteneacuterale de leacutecriture comme signe el de diogroJJJJI1e de
eacutecriture tel que deacuteveloppeacute dans lanalyse de leacutecriture japonaise et de ses
transformations actuelles Ces concepts eacutelaboreacutes agrave partir de la seacutemiotique rentrent euxshy
mecircmes dans la composition dune theacuteorie de la syntaxe et de la seacutemantique graphiques
de leacutecriture Le fondement de leacutecriture est la forme speacutecifique dun signe deacutetermineacute
leacutecriture qui deacutetermine la repreacutesentation de la reacutealiteacute par ce signe Le concept
linguistique de fondement de leacutecriture est donc agrave la fois mieux deacutelinIcirc el plus geacuteneacuteral
que le concept seacutemiotique de fondement tout court car sa compreacutehension et son
extension sont preacuteciseacutees il ne sagit plus du signe mais de leacutecriture un ensemble
speacutecifique de signes comprenant toutefois plusieurs types deacutecriture eux-mecircmes
deacutefinissables plus avant Le diagramme de leacutecriture est de la mecircme faccedilon un aspect de
lo~jet reacuteel plus preacutecis de fa langue rendu explicite par leacutecriture dont plusieurs
langues et eacutecritures peuvent cependant ofTrir des formes diffeumlrentes Les sciences
idioscopiques achegravevent donc le mouvement reacuteflexif de la penseacutee en le faisant porter
dans un retour pragmatique sur des objets speacutecifiques de la reacutealiteacute actuelle dont la
consideacuteration megravenera ultimement agrave certaines conduites controcircleacutees par la raison Le
concept idioscopique exprime ainsi une relation neacutecessaire entre la repreacutesentation et la
reacutealiteacute repreacutesenteacutee une loi de la nature ou du deacuteveloppement naturel de lactiviteacute
humaine
Leacutepisteacutemologie suite agrave la distinction et la deacutefinition des dif1eumlrents types de
concepts geacuteneacuteraux peut aussi effectuer un retour critique sur la transtormation de
certains concepts en autres concepts tel que leffectue la logique crilique au sujet des
signes infonnatifs Lobjet seacutemiotique plus preacutecis de leacutepisteacutemologie est la
connaissance qui est deacutetlnie classiquement comme une croyance vraie justifieacutee Cette
croyance est une proposition constitueacutee de rhegravemes Elle est consideacutereacutee vraie lorsque
les sujets de ces rhegravemes reacuteduits agrave la relation didentiteacute fondamentale de mecircme que la
structure repreacutesenteacutee par ces rhegravemes en tant que preacutedicats geacuteneacuteraux saccordent avec
96
la reacutealiteacute actuelle Elle est de plus justifieacutee par un argument qui la relie logiquement agrave
dautres propositions vraies lui donnant de la sorte des points dancrage
suppleacutementaires dans la reacutealiteacute actuelle qui viennent assurer sa propre adeacutequation au
reacuteel Quel est largument qui justifie la transformation des concepts seacutemiotiques en
concepts linguistiques Le principal type diumlnfeumllence par lequel les concepts
philosophiques de la seacutemiotique sont transformeacutes en concepts idioscopiques de la
linguistique est la deacuteduction Dans le cas du diagramme par exemple largument
deacuteductifspeacutecifique qui justifie son application agrave Ieacutecriture prend pour regravegle le principe
directeur de la seacutemiotique suivant si un signe entretient sous un celtain aspect avec
son objet une relation de similitude en vertu de relations propres agrave lobjet et au signe
alors ce signe est un diagramme Le cas auquel il sapplique est le fagraveit constateacute que
leacutecriture est un signe qui sous un certain aspect entretient avec son objet speacutecifique
la langue usuelle une relation de similitude en vertu de relations propres agrave lui-mecircme et
agrave ce dernier Le reacutesultat en est que dans la reacutellexion du linguiste sur la repreacutesentation
de lobjet reacuteel de la langue usuelle quest leacutecriture ce dernier signe est interpreacuteteacute
comme un diagramme La seacutemiotique fournit de la sorte une regravegle agrave linterpreacutetation
dun cas speacuteci1ique de la linguistique interpreacutetation qui produit un concept
linguistique Les concepts seacutemiotiques sont donc des termes de la proposition servant
de regravegles qui sont repris dans une version plus preacutecise et geacuteneacuteralisable agrave un ensemble
dobjets actuels en tan t que conce pts id ioscop iq ues L infeumlrence effectueacutee nest pas
en cela une simple deacuteduction mais un type diumln1eumlrence deacuteductive plus preacutecis
comprenant un certain aspect abductir la speacutecification (descent) du concept de
diagramme La peacutecJjicoioJ1 est un type diumlnfeacuterence qui augmente la compreacutehension
dun concept tout en en diminuant lextension et augmente globalement linformation
veacutehiculeacutee (sa parI abductive) Cest agrave la fois une deacutetermination (augmentation de la
compreacutehension) et une restriction (diminution de lextension) (CP 2422-29 1867
1893) Dans le cas de la transformation du concept de diagramme un nouveau concept
est produit le diagramme de leacutecriture suite agrave une augmentation de la compreacutehension
lacquisition de la qualiteacute deacutecriture et une diminution de lextension du concept la
97
limitation aux seuls signes eacutecrits Largument peut finalement ecirctre scheacutematiseacute de la
fagraveccedilon suivante
Regravegle-Si un signe entretien avec son objet une relation de similitude en vertu de
relations propres agrave lobjet et au signe alors ce signe est un c1iagreacutellnme
CilS speacutecitique-Leacutecriture est un signe qui entretien avec son objet la langue
usuelle une relation ck similitude en vertu de reliltions propres agrave lui-mecircme e
agrave ce dernier
Reacutesultill-Leacutecriture est un diagramme de la langue usuelle
Le dernier moment de la reacuteflexion dordre eacutepisteacutemologique est liumlnterpreacutetation
geacuteneacuterale de largument distingueacute replaccedilant ce dernier clans lensemble du systegraveme
peirceacuteen et allant dans le sens du pragmatisme Les concepts seacutemiotiques ont eacuteteacute dits
fonder la reacuteflexion systeacutematiquement ulteacuterieure sur les repreacutesentations de la science
mais le systegraveme peirceacuteen renvoie en fait agrave toute une ontologie Chaque niveau du
systegraveme est caracteacuteriseacute par un ensemble de cateacutegories qui speacuteci fient le point de vLle
que ce premier prend sur la reacutealiteacute La transformation des concepts scientifiques
correspond donc agrave un changement de niveau ontologique ainsi les concepts
seacutem iotiq ues extra its de leur si tuation particul iegravere au se in des sc iences ph i losoph iques
normatives ont-ils eacuteteacute appliqueacutes agrave leacutetude de leacutecriture une science idioscopique
psychique La reacuteflexion agrave ce sujet seffectuant par les signes du langage on se rend
aussi compte que le point de vue seacutemiotique sur lactiviteacute scientifique implique quau
langage soit confeacutereacute un statut particulier parmi les objets constituant la reacutealiteacute le
langage occupe plusieurs niveaux de la reacutealiteacute et permet de passer dun niveau agrave
lautre Ce serait son aspect meacutediateur en tant que signe triadique qui ressortirait ici et
le caracteacuteriserait avant tout
En quoi la reacuteflexion eacutepisteacutemologique sappuie-t-elle sur la doctrine du
pragmatisme Leacutepisteacutemologie est une science meacutetaphysique faisant retour sur les
connaissances deacuteveloppeacutees par le raisonnement Le pragmatisme est quant agrave lui une
doctrine de la meacutethodeutique science anteacutelieule agrave la meacutetaphysique et ayant des
98
conseacutequences sur cette dell1iegravere La conseacutequence la plus proprement eacutepisteacutemologique
est le faillibilisme ou plus geacuteneacuteralement le sens commun critique Nous reconnaicirctrons
ces conseacutequences du pragmatisme en mettant en lien deux aspects de la transformation
des signes constateacutes dans la critique logique et la critique eacutepisteacutemologique Dans
lana lyse logique critiq ue nous avons pu remarquer 1iuml mportance de certains types de
signe du point de vue de la seacutemiose Un signe qui ne nous inlorme pas qui ne
deacuteveloppe pas son aspect de Troisiegravemeteacute ne nous affectera que momentaneacutement en
tant que Deuxiegraveme ou inconsciemment en tant que Premier ce sont donc les signes
informatifs et ultimement les arguments qui nous affectent le plus en prenant controcircle
de notre vie et de notre monde comme repreacutesentation Cependant les arguments se
deacuteveloppent et sajustent selon que la contiontation avec la reacutealiteacute actuelle vienne les
confirmer ou non En faisant ressortir cet aspect de la seacutemiose la critique logique vient
fonder le faillibilisme Dans la critique eacutepisteacutemologique nOLIs avons aussi vu que les
concepts se deacuteveloppent systeacutematiquement dans le sens du retour sur la reacutealiteacute
actuelle en tant que principes directeurs de repreacutesentations deacutetermineacutees cie la reacutealiteacute
puis densembles de repreacutesentations speacutecifiques Cette constatation est baseacutee sur des
principes de la logique la deacuteduction et plus preacuteciseacutement la speacutecification rendus
explicites par la critique logique Le principe du pragmatisme est donc opeacuterant dun
point de vue eacutepisteacutemologique dans le deacuteveloppement de la connaissance au sein du
systegraveme des sciences mais se fonde sur une logique deacutegageacutee par lanalyse seacutemiotique
Finalement lanalyse seacutemiotique ne nous a pas fait deacutecouvrir la structure logique de la
langue que la grammaire distinguait deacutejagrave dans son travail de reacutellexion theacuteorique agrave partir
de donneacutees lagravectuelles mais a permis en explicitant les principes directeurs de la
repreacutesentation par signes de fonder lanalyse grammaticale et de rendre ses
explications plus claires moins opaques plus conformes agrave leur objet Cest ce que la
critique eacutepisteacutemologique nous fait constater
Conclusion
Lapplication de la seacutemiotique philosophique agrave leacutetude de leacutecriture est
leacutegitimeacutee par une certaine logique de la transformation des concepts au moyen dune
inrerence valide qui prend la forme dClrguments speacutecifiques Cette application sous
son aspect logique se 10nde donc sur la seacutem iotique en tant que science normative
donnant les principes directeurs du raisonnement La seacutemiotique se base quant agrave elle
sur la phaneacuteroscopie qui lui tournit agrave son tour les cateacutegories universelles et
particuliegraveres de lexpeacuterience repreacutesentant la structure de la reacutealiteacute et permettant
deacutelaborer la reacuterlexion sur les r-ormes geacuteneacuterales de la reacutealiteacute que sont les signes Le
deacuteveloppement des cateacutegories et plus preacuteciseacutement des signes suit de plus un certain
ordre dont le but viseacute du retour sur la reacutealiteacute actuelle atin de reacutealiser ladeacutequation
entre la raison individuelle et le monde est rendu explicite par un mouvement
reacutetrospectif dans le principe du prClgmatisme Ladeacutequation de la raison au reacuteel est le
motif mecircme de lapproche seacutemiotique de leacutecriture qui a pour but de rendre les
repreacutesentations de la science idioscopique de leacutecriture plus conronnes agrave la structure
reacuteelle du langage repreacutesenteacute
Linterpreacutetation de la philosophie peirceacuteenne et son application agrave leacutetude de
leacutecriture proposeacutees dans ce meacutemoire possegravedent quelques particulariteacutes les
deacutemarquallt de lexeacutegegravese traditionnelle Tout dabord la meacutethodeutique (le
pragmatisme) et la meacutetaphys iq ue on t eacuteteacute preacutesenteacutees en prem ier alors quelles son t
toutes deux les derniegraveres sciences (Troisiegravemes) de leurs branches respectives alin de
donner degraves le deacutepart le but viseacute des sciences philosophiques dans le premier chapitre
qui repreacutesente somme toute un exposeacute reacutetrospectif du systegraveme peirceacuteen Lexposeacute de
la phaneacuteroscopie a ensuite eacuteteacute eacutelClboreacute en preacutesentant non seulement les cateacutegories
universelles mais aussi les cateacutegories particuliegraveres comme r-ondamentales agrave la penseacutee
peirceacuteenne en mettant toutefois laccent sur les cateacutegories particuliegraveres de la modaliteacute
et de la signirication Lexposeacute suivant de la seacutemiotique ne sest pas de la mecircme faccedilon
100
limiteacute agrave la preacutesentation de la grammaire speacuteculative mais sest eacutetendu jusquagrave la
logique critique pour faire finalement retour sur la doctrine du pragmatisme preacutesenteacutee
en deacutebut de chapitre La notation logique des graphes existentiels a quant agrave elle servi
dexemple privileacutegieacute dun systegraveme deacutecriture deacuteveloppeacute agrave partir des principes de la
seacutemiotique
Lapplication agrave leacutetude de leacutecriture et au cas speacutecifique de leacutecriture japonaise
a permis au second chapitre de deacuteterminer la porteacutee de la seacutemiotique philosophique
sur une science idioscopique plus preacutecise Le motif structurant de lexposeacute a plutocirct
eacuteteacute dans ce chapitre de partir agrave chaque fois dun exemple lagravemilier les theacuteories
linguistiques de leacutecriture japonaise et la graml11airejaponaise pour ensuite deacutevelopper
lanalyse seacutemiotique Lapproche seacutemiotique a permis entre autres de formuler une
interpreacutetation originale de la structure syntaxique eacuteleacutementaire de la langue japonaise et
de la fonction signifiante de son eacutecriture La reacuteflexion eacutepisteacutemologique a finalement
permis deffectuer un retour critique et global sur lapplication quelle a justifieacutee en
faisant ressortir largument par lequel seffectue le passage dun type cie concept agrave un
autre La critique eacutepisteacutemologique a eacutegalement permis une premiegravere ouverture
meacutetaphysique de Janalyse seacutemiotique par le retour reacutellexif sur cette derniegravere
Jaimerais suggeacuterer en conclusion de ce meacutemoire deux autres pistes permettant
douvrir lana lyse seacutem iotiq ue plus avant mais cette fois-ci au se in des sciences
normatives du systegraveme peirceacuteen soit celles de leacutethique et de lestheacutetique
Deux ouvertlires eacutethiq1le et estheacutetiq1le
Peirce a peu eacutecrit sur leacutethique et lestheacutetique maIs on retrouve dans son
œuvre plusieurs passages qui permettent de reconstruire agrave peu pregraves sa penseacutee agrave ce
sujet Dans le domaine de leacutethique Peirce suit avant tout la tradition kantienne qui
met laccent sur lautonomie du sujet moral et limportance du devoir Il fonde de plus
101
leacutethique sur lestheacutetique tel que nous lavons vu dans la preacutesentation du systegraveme des
sciences La maicirctrise de soi est lultime moment eacutethique de la vie et son but doit ecirctre
de rendre cette vie belle et admirable La libre volonteacute est elle-mecircme dirigeacutee vers ce but
propre et rien dautre si ce nest que par deacuterivation (une rdlexion cie Peirce explicite agrave
ce sujet dans une lettre agrave Lady Welby en SampS 112 1909)
Quel lien peut entretenir la theacuteorie seacutemiotique de leacutecriture japonaise avec
leacutethique La theacuteorie seacutemiotique de leacutecriture pourrait ici fonder le retour pragmatiste
de la raison sur une dimension eacutethique plus vaste cie la reacutealiteacute actuelle le controcircle clu
deacuteveloppement de la culture En comprenant mieux les eHets cles transformations
actuelles de leacutecriture dun point de vue seacutemiotique on serait plus apte agrave juger du
bien-fondeacute dune intervention normative agrave ce sujet et on pourrait ainsi fonder une
veacuteritable politique de leacutecriture Peirce lui-mecircme a reacutefleacutechi agrave un problegraveme analogue agrave la
transformation de leacutecriture dans le sens de laugmentation des kalakana soit la
reacuteforme de lorthographe anglaise dans le sens de sa phoneacutetisation Il eacutetait sur ce point
plutocirct conservateur sont motif eacutetant en cela cie sauver lltltesprit)) de la langue anglaise
le monde de signification auquel participe et que fonde dun cel1ain point de vue non
neacutegligeable lorthographe de la langue anglaise Cette position est illustreacutee dans la
citation suivante qui pourrait servir cie leccedilon agrave une reacutellexion ulteacuterieure sur le cas de
leacutecriture japonaise et sa reacuteforme
1 remember in Rome in 1870 lt111 Egyptian obelisk covered Vitll hieroglyphics
surmounted by a gilt cross and resting on eacutel base Vith eacuteln inscription of Trsjltln This
monument pleased me greeacuteltly as eacuteln epitome o~ Rome Probably ere tllis tlle cross
Ilas been removed by tllose wllom it seemecl barbmously unllistoriceacutell They were
unconscious theacutelt il WeacutelS their own proceeding thsl wss barbmously oblivious of
Ilistory But 1 woulcl not have il restored for its removal bespeaks the spirit of s
new historicsl phase or the eternal city English spelling is like Rome it is a
historical composite of the most heterogeneous elements Il is onen absurcl but
that very absurclity is of value to us To raze Rome and have it rebuilt by Cl
Chazago architect would be less detrimental to the higher interests of the human
race than to reform English spclling sa as ta Illake it ljuite phanetic The one
102
would not only do terrible violence ta our sentiments but woulcL [no doubt alleet
the lesthetic development of the worlcl But even this would not be sa bacl as ta
deprive English-writing thought-we will not say of its clolhing for that would be a
most inaclequate meta phare Ta attem pt ta revo 1ution ize Engl ish spell ing whi le
leaving Anglo-saxon thought intact would be like trying ta burn up the cellulose of
the rose while leaving its color ancl beauty ancl significance (MS 1181 laquoThe
Eclitors Manual English Spellingraquo c 1886-9 1901)
Lestheacutetique agrave son tour ne consiste pas en une pure contemplation de la
Premiegravereteacute car il sagit dune science posseacutedant une part importante de Troisiegravemeteacute
un certain type de raisonnement neacutecessaire De toute faccedilon en tant quactiviteacute
humaine il sagit aussi dun type dexpression prenant le point de vue du phaneacuteron
sur lui-mecircme et ses trois aspects fondamentaux omnipreacutesents et irreacuteductibles Le
jugement estheacutetique consiste en un retour agrave un certain degreacute de Premiegravereteacute mais reste
en tant que repreacutesentation de la reacutealiteacute toujours soumis agrave lineacutevitable triadiciteacute du
monde phaneacuteronique De ce point de vue la calligraphie lun des arts majeurs de la
culture japonaise bien quelle tend le plus souvent agrave reacutegresser agrave un stade qualitatif
plus eacuteleacutementaire nen reste pas moins un art de leacutecriture un produit de la culture et
de son mode conventionnel dexpression Seulement lart de la calligraphie donne un
point de vue qualitatif sur le phaneacuteron et se distingue en cela de la science de
lestheacutetique qui tend agrave interpreacuteter rationnellement le pheacutenomegravene de la contem p lation
des qualiteacutes La reacuteflexion suivante de Peirce rend explicite cette cleacute de la
com preacutehens ion de lart
and ignorant as 1 am of Art 1 have a lair share of capacity for esthetic
enjoyment and it seems ta me that while in esthetic cnjoymenl we attend ta the
totality of Feeling-ancl especially to the totll resultanl Quality of Feeling
presentecl in the work of art we are contemplating-yet it is a sort of intellectual
sympathy a sense thal here is a feeling that one can comprehencl a reasolleacutelble
feeling 1 do not succeed in saying exactly what it is but it is a consciousness
belongi ng to the category a l Representa tion though representi ng someth ing in the
Category of Quality of Feeling (EP2 190 1903)
103
Ainsi Ianalyse seacutemiotique en plus de sensibiliser aux diverses perspectives
du signe eacutecrit peut eacutegalement souvrir aux multiples dimensions du phaneacuteron ce qui
est sans aucun doute la plus importante marque attestant du caractegravere philosophique
de la seacutemiotique peirceacuteenne De mecircme que pour les conceptions universelles qui bien
quelles ne puissent ecirctre davantage analyseacutees en soi le sont toujours dans leur mise en
relation contextuelle (ce qui serait selon Peirce lune des leccedilons essentielles de la
logique des relations EP2 219 1903) lorsque lanalyse seacutem iotique se parachegraveve
inteacuterieurement la reacuteflexion philosophique qui la soutient peut toujours souvrir et se
deacutevelopper dans le sens des autres sciences philosophiques des autres sciences
heuristiques et mecircme du reste de lactiviteacute humaine Au terme ultime de cette odysseacutee
de la conscience seacutemiotique agrave travers le systegraveme peirceacuteen des sciences nous
reconnaissons donc tinalement le motif Je plus fondamental de ce systegraveme la
continuiteacute de la penseacutee
Annexe 1 Les graphes existentiels (parties Alpha et Geta)
Alpha
Il tonne Il tonne
Il pleut
Il tonne et il pleut Il tonne ou il pleut Siumll tonne alors il pleut
(serail)
Le modus ponenl (selon Roberts 1973 45 avec les regravegles de Shin 2002)
P p
l Preacutem isses
p
2 Erlacement de P en aire non-encercleacutee
3 EHacement de P car P exteacuterieur en l
4 Q Effacement de la double coupure
lOS
Jeta
Cest beau Cest beau
est bon
est bon
Quelque chose est beau et bon Il nest pas le cas que quelque chose soit beau et
bon
est beau( ~
Quelque chose est beau mais pas bon Tout ce LJui est beau est bon
(II nest pas le cas que quelque chose soit
beau
mais pas bon)
EYOkO
donne une 1legraveul
John John donne une neul agrave Yoko (ligature)
106
Syntaxe dAlpha (selon Shin 2002 37-8 84-5)
Vocahulaire
symboles propositionnels (senence symhols)
coupure (cut) [symbolique]
(juxtaposition [quasi-iconique])
Regravegles de formaion
Un ensemble de graphes Alpha c esl le plus petit ensemble satisfaiseacutelnt les
cond i tions su i vantes
1 Un espeacutelce vide est clans r
2 Un symbole propositionnel est dans
3 Fermeture pm juxtaposition Vuxaposilion colure) Si G est dans lt et G
est dans c alors la juxtaposition de ces n graphes cesl-agrave-dire G G est
aussi dans (
4 Fermeture par coupure (CUi cfosure) Si G est dans lt alors une seule coupure cie
G est aussi clans _
Regravegles de ransjOrmaion
1 Dans une aire encercleacutee de faccedilon paire (ou non encercleacutee) disons iaire a
(a) on peut ellagravecer nimporte quel graphe et
(b) on peut dessiner un graphe X sil ya une occurence cie X
(i) clans la mecircme eacutelire cest-agrave-clire laire a ou
(ii) clans leacutel prochaine eacutelire exteacuterieure agrave aire a
2 Dans une aire encercleacutee cie faccedilon ill1paire clisons iaire a
(a) on peut elcrcer un graphe X sil ya une eacute1Lltre occurence cie X
(i) dans la mecircme aire cest-agrave-dire iaire a ou
(ii) dans la prochaine aire exteacuterieure 21 laire a et
(b) on peut dessina nimporte quel graphe
3 Une COUPl( couhle peut ecirctre effeacutelceacutee ou dessineacutee autour cie nimporte quelle
partie (Jun graphe
107
Synfaxe de [Jefa (selon Shin 2002 39-41 139-42 modifieacutee)
Vocabulaire
symboles de sujets
coupure [symbolique]
ligne didentiteacute (fine ojideJ1lity) abbr LI [iconique]
(iux taposition [qUeacutelsi- iconique])
Regravegles dl formation
Un ensemble de graphes Beta est le plus petit ensemble salisfeacutelisanl les
conclitions suivantes
l Un espace vide est cleacutelnsC Il
2 Une ligne cIidentiteacute est clans (
J Fermeture par juxtaposition Si G est dans r et G est clans ( alors leacutel bull 1 lt Il Il
juxtaposition de ces n graphes cest-agrave-dire G G est aussi clans (
4 Fermeture par sujet Si G est dans C~ alors un graphe avec un symbole cie sujet 11shy
aire eacutecrit agrave la jonction cie 11 extreacutemiteacutes libres dans G est aussi dans ltshy5 Fermeture par coupure Si G est dans lt alors un graphe cleacutelns lequel une seule
coupure est dessineacutee dans nimporte quelle sous-partie de G sans croiser un
symbole de sujet est eacutelussi dans etI
6 Fermeture par branche Si G est dans ltgt alors un graphe clans lequel une LI dans
G se branche est aussi deacutelns r
Regravegles dl tJOl1sjoll7(tiol1
l Dans une aile encercleacutee cie faccedilon poire (ou non encercleacutee) clisons laire a
(a) on peut elCreer nimporte quel graphe et
(b) on peut dessiner une LI ou un graphe X sil y eacutel une occulence de X
(i) clans la mecircme aire cest-agrave-dire laire 0 ou
(ii) dans la procheacuteline eacutelire exteacutelieure agrave laire o
2 Dans une aile encercleacutee cie faccedilon iJJljJoire clisons leacutelire 0
(a) on peut elagravecer un graphe X sil y eacutel une autre occurence cie X
(i) cleacutelns la mecircme eacutelire cest-agrave-dire leacutelire 0 ou
(ii) deacutelns la prochaine aire exteacuterieure agrave laire 0 et
(b) on peut dessiner nimporte quel graphe
108
J On peut allonger une extreacutemiteacute libre dune LI
(a) vers linteacuterieur agrave travers une ou des coupures et
(b) vers lexteacuterieur
(i) dune aire-I agrave L1ne aire-P
(ii) dune aire-I agrave L1ne aire- ou
(iii) dune aire-P agrave une aire-P agrave moins quil ny ait une autre LI
(A) qui soit attacheacutee aux mecircmes sujets
(B) dont la porteacutee soit plus grande que la LI que lon deacutesire allonger et
(C) dont la pal1ie la plus exteacuterieure soit dans une aire-P
4 On peLit reacutemcler une extreacutemiteacute libre dune LI
(a) vers l inteacuterieur
(i) dune aire-I agrave L1ne aire-P
(ii) dune aire-P agrave une aire-P ou
(iii) dune aire-I agrave une aire-I agrave moins quil ny ait une autre LI
(A) qui soit attacheacutee aux mecircmes sUIcircets
(B) dont la porteacutee soit plus grande que la LI que Ion deacutesire allonger et
(C) dont la partie la plus exteacuterieure soit dans L1ne aire-P et
(b) vers lexteacuterieur agrave travers une ou des coupures
5 On peut joindre deux extreacutemiteacutes libres de lignes didentiteacute
(a) dans une aire-l ou
(b) dans une aire-P si les sous-graphes agrave joindre sont des occurences du mecircme
type
6 On peut disjoindre une ligne didelititeacute
(a) dans une aire-I si les sous-graphes agrave disjoindre sont des occurences du mecircme
type ou
(b) dans une aire-P
7 Une cOlfJlre dOlhie peut ecirctre effaceacutee ou dessineacutee autour de nimporte quelle
partie dL1n graphe
8 On peut dessiner ou effacer nimporte quelle hmnche dune ligne didentiteacute sans
traverser une coupure
9 On reut formel OLi briser un clcfe (courbe fermeacutee) dune branche dune LI dans la
pal1ie la plus inteacuterieure dune jonction
Annexe 2 Le systegraveme deacutecriture japonais
Lisle des 19-15 kanji lIslels (jocircyocirc kanji)
-tTT~~~~~~ftfi~~~~nR~~amp~~~h~amp~=E~~~~~AgraveU~~~
~~~~~$ftC~frM~KM~~~~ffiffuuml~m~~~~mtt~~mmw~~~m~~œm
9IJM~F6~JEfrœf9euroI~flifiumlil~~g~IIcirc~~jjijA~~tirlwJ[~ampfJffi~tJ~ji1Jicircjg~~~ritIff~
~~7eumlJr7eacute7t5t~bRW-A~1tt~~~JlJ F9 pg ffiI~n~J11~EtUfLJl~ [I] tJ eacuteJlJ JJ tJJ7NJJ~jIJfIJ
Jfl] 91HtJ JJIJ ~IJ ~IJ~IJ$IJilJlJ~IJ MlIJiIJ~IJj)fljgIJJIIJilIJ11lIJ~IJIJ 1J ~D r]j sectiJ~JjJiJ9J~MiJ iJ ~ 1It1tlJl1J~UiJ~~ucircJJ~l-5JJ ~
~ta~~sectE~~+~~m$~~rn~~WM~W~~S~~~x~~amp~n~~U7~~D
~~EB3~~~~~~~~fig~~ bullbull~~~~~~~~~~~~~~u~~~~~~~~~
~~~W~~R~~~~H~~~~~~~~OO~~plusmnffrrmM~~~~~~~~~~gB~~
m~~w~œ~~~~~~mŒ~~oo~~~œœplusmntt~~~~~~~~n~a~~~~fi
~~gi1~~~~mR~5t~~~~~JlIH9D~29HJj~j~ili~eacutel~99l19lHJN9~9ft9IHffl91i~9i9iU~~HL~rP~~
m~~~~~g~œ~~~~~H~~~gamm~bullbull~~~bullbullbull~~~WM~~
~HHiumlWJj3(ij5tjm~MHtRfEuml~~-~~ram~~~~UJIJ~~g~IJIIIiI~iIJ~~~~iiJjJIIHIIIljtt
~BM~fi~~U~~~~~~~M~~fi~~~Œ~~~~~bullbull8~
g~~rt ~~ ~ 1ij 5f5tmm 5lta sN 5jj iWiJf~ ~rn~~~~i~il~ iiE ~iampm~ilt i~iii1l-iiumlIJl imi~~i~rei~~ z TE~ ~
~~~~ffia~~tt~ffl~~~~~~~~~m~~~~~~~ill~illili~~~~ill~~ill~ill~
ill~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~sect~fi~m~~~~~~~bullbull ~~iJ~gl~~~~isect~rlI~m~[ll)~Ii~iJ~~~~icircf~5t~ftlx~flWg~m~~~~g~mLir08z~SZ~~B~2tI~~
~~~~~~~bullbull~~g~~~~=~ampM~~~tt~W~tt~llimmffiregWmm~~m~mmmm
1mIIt~1$$i~iXftiiti(~UJ~pfi~~m=Fif~1j1f~atnjLtlkjRj1itjjJljRj9jEjsJHjjJ111jljljjHtbJecircj91jlijffi
j~jElecircjEliJtUH~jm~jH3j~j~mjjjeurojjUJIHSlj~jmmt(tj~j~j1i5ampmj~j~m~j~jMEcircIcircijJiumlW~j~mj~j~HlH~j~
Jfj~j~j~jfi~j~jjlitj~3Z~QrQ1i5i55~lijH9~~5i1~j9~~9~9HlY+n~jFfffIIUfi1J1rtiIIcircIcircIIcirc~)j~1IcircJtB IBi3Jf ~m~ bullbull~_ampbullbull~ bullbullubullbull~~~~~~~lItq~~~~~UftU~fi~~M~~~~~~
1im~~icircilicircg~miml~TIlY~EMmicirc~3trPJmJjicircij~~ij[i]~mlltIlijialiilijn~~ij~ijUi15k~~~
~~~~Wi~~1t1L1Jl1lj1~111~H~j~~jJlHj~j5j~t5ffjjljijnffi~j~ljjRfiumlji~Ujijjij~jfoJH~~jllJl~
~WR~jflij~jj~jiHH~lmjfrHrfl~R~~euml~~xlx~xiXLtiumlE~tiicircJiiuml9E~HIltsectliJM~~t~~H~1)l18m~tt=tEU=
~~ffJ~A~R~~~~~~~~~~~~~~~$~~~~~~~~~~~~~~~
~~~~~B~~~~~~~~~~~~~~~B~~~~~~~~~~~~~~~
~~~~~~~M~~~~~~n~~~~~m~~bullbull~~~~~~~MAA~~~~
~~~tlffl~mmH~~~m~~œlli~~~~~~~~M~m~~MgX~~fflffi~$~~
mWm~~Mft~bullbulla~amp~~amp~~~~bullbullbull~e~~H~~m~sect~~~Esect~~~
~ffi~mmm~bullbull~m~~~ffl~raquo~~~~~m~~g~~~M~ntlm~m~mn~bull bull ~~N~n~m~~nffi~nti~mmm~~œ~~~~~~~~~nbullbull~u~amp~~ampmUh~
~~~~~~~~~m~~~m~M~n~ffiffiM~mMg~~~~~g~~m~n~m~
~W~~ftWe~~~m~~~~~m~m~mbullbullbull~Mbullbullbullbullbullbullbullbull~bullbull~mmbullbullbullbull ffi $ bullbullbullTI~a~G~~~~mn~~~œsect~B~mAA~~~amp~~~~~~~AA~~~~M
~ft~iliffi~~~~~Bampti~~m~~~M~bullbullbull~m~N~mm~~U~~M~~m
middot~Hn~egrave~j1I~t~i~f~~Il~jj~R~t~~ii]~iE~g~~m~f~~ta8~8iumlt8~8~W~2i~g8~8t~~Ti~r~~~~~~mj~8ill~~~rn8~8SU
~~bullbull~mmbullbull~~sect~~M~~fta~bullbullbullaRbullbullbullbullbulla~M~~~AAg~m
~~O~li~Œm~~mHm~a~bullbullnft~~tiQ~bullbullbullbullbullW~~~~B~~n
MW~bullbullfflm~D~~~tl~~ffi~~UnmftHrt~nm~~mgmmmamp~Mm~
re M~ fMliumll rm 1HI~~iumli~1i1lllI~lilaiUll Ffisecti~tj~~~~~~ijJmiddot~u ~~fP~F~~iID fItgi~~iamp~mIJJIL~ii1iraquoij
ftUHabullbullgHUMDmam~~~D~n5~bullbull~gu~~gfta~~MR~~D
~p~~Jff~~~iMicirc~~
110
~Vllob((ires hiragana (katakana) lrunsilleacuterolion en rocircmaji
iYgt (7) a L(-1)i 3 (rJ)u X (I) e d3 pt) a
fJ) CfJ) ka ~ (~) ki lt () ku ft (7) ke (J) ka
~ (~) sa ~ () shi 9 (A) su tt ct) se -t- ()) sa
t ($7) t8 - (=-) chi J()tsu -c CT) te C ( t-- ) ta
tJ ct) na 1 (=) ni ttd C~) nu td (7) ne 0) (J) no
li () ha O(t)hi 5 (7) lu ( ) he IJ (Ii-) ho
() ma Jj(2)mi ltt (b) mu (J) (j ) me t(-r)mo
-(~)a ~ (=1) yu et (3) )0
G (5) ra L) (1)) ri o (J[) ru n (v) re ~(D)ro
b () wa ~ (3) a
Signes diacritiques 0
Signe remplaccedilant le kon(( reacutepeacuteteacute ~
Signe remplaccedilant le konji reacutepeacuteteacute ~
IC systegraveme Je tnlnslilleacutenltion Ilcpbulll llloJilieacute qui rcn oie ugrave la prononciation anglaise esl utiliseacute
III
LClrails de lexIe
sX~ B (J)~1J(J)$euml ilraquo ~o -A(J)--r A IJ~ mEr~ (J)--rTffi~JJ ~1~-gt TL fo
Jt L r~ (J) --r 1 It (J) ~ (J) 9 1 ~jH) L tJ L0 lIjt PJTq R-~ (J)~IJ 11f- ~ tJ fIl UI- ~j$
IJ~-QcTL~o m~r~IJ (g~IS~ULrL (J)~(J)9It m~JJ~9~m
ftn ~j~~~~IJ~ t ==A 11 ilraquo U-t tJ t(J)T ilraquo ~ 0 -thIJ~ (J)~0)9 I(I~ t LtJ
L 0
fiiJl51IJ) C L C (J) ==$ j1f~ 1 11 plusmnth~ C IJ) dm C IJ) $ C IJ) ~JUi C IJ) L J( L
IJ~=rj LTJtCcedil t- o -t euml~ rtJ (J) ~ lfh1J 11 -im Ueuml 1tfJ L0 Im2l cl ~ C lld~ ~fb~ ~
n~m L T -t(J)R-IJ~-JL t- l) ~icircN(J)8IJ~-JL t- U LJ- ~ ~ IjJ- 1 -JJJmuT fIT (J)4
1-gt TL t- C L $c ilraquo ~ 0 ecircrtJ IJ~-t(J)9ireuml ilraquo ~ IJ) G mEr~ (J)f~~tJ euml 11 5icl l) ~
ttiTTRi~JJ ~ IJ~tJIJ)-gt t- o 9 ~ C -t(J)mh~ Tt-(J)~ cl L$1 L T ~J1IIIJ~~~to ~A
IJ~~~to c C L L 1 11 ~ 11fJ( l) -F(J)tJ L9EA~ (J)r~ j~ TT mTTii ltC
L sectt~ ~ Z te t-o -t euml B (J) EIIJ~~Z tJ lttJ ~ C ~euml t ~o ~ gIJ~-gt T (J) r~ (J)
ilIumlpJT IIJEuml~~JJ~ L tJ L$ItJ TL t- (J)euml ilraquo ~ 0
mEr~ laquoRashocircmonraquo in Akutagawa 1969 (1915) (extrait dun conte)
~ffl11HIl tJ -5 tJ j- ~ ~ 11 1 0 9 sectlJ ~ secttEacute1 (J) 4 ffl 3iffl~= sect1sect (J)PJTf~~ajL1i~IIjij~iumlIDeumltJ -5 tJ j- ~ ~IJ~ El n -J 0 rt-7deg tJ~Mplusmn~ J 1
r~J~-~3 (~~sect) O)~~J C~~9~cI~ ~~~~ftgElO)rtbl)~tJ
~tJj-~~~~m9~Ceuml ~fiWrtJ~ j-~7euml-)~9~mLtilraquo~)-tt0 LIJ)L
r~ L Lg] BJ ~j~11 f~1t~lM 31 ~mtll9 ~fiegrave(J)sect Lpg g Itt~ ~ C gt lt11 lt tJ Ell~ t~iY)tJ L0
PJT~~Bjjfl~~T8 3 0 ~o Ecircl t~J~J~~jHeumlWlZt-jij~i~famp~l(J) pgg ~~m811~l) i6lvt s~ tfffampfJJ(J)1i~c L TII~sectM5iecircHsect(J) 4 9 8 2~ IJjUiJi-ecirc~~IcircJ~1sect(J) 6 4 5 2 ~
clU~Lo
(J)rtJTtJ~tJT~~II 2-lf~ )~~TDtJeumlmiddotB~euro[illIuml-e-~ZIlt Lt(J)~ g](J)~jjicircjtJ
euml(J)~1f~~~~acirciY)~ C 0 9 ] tM~o tJ ~ tJ T~i~pJT ~ ~~9-gt t-J~jjicircjecircHsect(J)tff
BifJi~Itt~r-J 4 fg(J)51~to
f9JJ~11~ C r Ecircl ~c(J)fplusmn$~ Pf~~I= 9 ~T v 7 -7 J ~ r BIJ~77 C tW(J)~(t~~ C
tJ~ ~77 7- r- l ~ ~famp~l] (J)miiJ r I=[ecirc] Itt-~fi L L B (J) ~tJ r- 1) - 7 ~
TT1T1-] J cLt-~-g-o
mi L t- t Iteuml 11 t C tJ L tgt 0) t ~ lt ~ m (J)~1J~ 1 IHHiH tgtfi -e- -t t o Dl~EcircX]
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appiying the theories o~middot Saussure and Peirce to a new speacutelce of meaningJ Meacutemoire de maicirctrise de lUniversiteacute Keiagrave Tagravekyagrave Universiteacute [(eiagrave 85 p Je nai
113
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Ta ble des matiegraveres
I~eacutesumeacute IV
Introduction
1 Seacutemiotique rllilosorhique X
11 Le rragillatisme X
12 Le systegraveme des scienccs 17
13 Les sciences rllilosorlliques 21
131 Phaneacuteroscopie theacuteorie des cateacutegories 24
132 Seacutemiotique theacuteorie des signes 40
1321 Seacutemiotique cnotation logique 51
2 Seacutemiotique ct theacuteOlie de lmiddoteacutecriture Cl 1
21 Theacuteories linguistiques de leacutecriture japonaise 62
22 Arrroeile seacutemiotique de leacutecriture jaronaise ClX
22Ilheacuteorie geacuteneacuterale de leacuteeriture comme signe Ml
222 Analyse seacutemiotique de leacutecriture iaronaise 73
223 Critique de 1lIleacutellyse seacutemiotique 93
Cmiddotoncilision 99
Acircnnce 1 Ies graplles eislellticls 104
AcircnnCe 2 Le S) stegraveme deacutecriture ilponlis 109
13ibliographie 112
Reacutesumeacute
Le bul de cc meacutemoire est de deacuteterminer quelle pourrait 0tre 11 porteacutee de la
seacutemiotique philosophique de Chlrles Sanders lirce sur la theacuteorie de leacutecriture en
prenant pour cas (leacutetude le systegraveme deacutecriture japonais Le meacutemoire questionne ainsi
la leacutegitimiteacute de lltlpplication de la seacutemiotique comme theacuteoric geacuteneacuteralc des signcs ml
sciences speacuteciales tout en eacuteclairant- par conversc leacutetudc de leacutecriturc japonaise en
tltlnt que systegravemc graphique Il lst structureacute cn dell chapitrcs principaux portant sur
1) les principes de la seacutemiotique philosophique ct 2) le licn cntrc la seacutemiotiquc ct lltl
theacuteorie dl leacutecriture
Dans le premicr chapitrc la meacutethodologic du meacutemoirc est tout dabord eacutetablie
par leamen du pragmat isme de Peirce consideacutereacute eomlne unc doctrine meacutelhodeul ique
ayant pour principe directeur la croissance La seacutemiotique ct la logique de mecircme que
la linguistique Cl leacutetmle de leacutecriture sonl situeacutees dans le systegraveme pcirceacutecn des
scicnces lcs principes de 11 phlIleacutelOscopic ct dl 1lt1 seacutemiotique sont eacutegalement
exposeacutes I~a philosophie de la notation logique de lauteur est ensuite prise cOlnme
point de deacutepltlrt pour une eacutelude de leacutecritllle du point de vue seacutemiotique
DlIls le second chapitre une synthegravese des theacuteories linguistiques de leacutecriture
japonaise est proposeacutee puis une theacuteorie geacuteneacuterale de leacutecriture comlne signe est
eacutelaboreacutee il pnrtir de la seacutemiotique peirceacuteenne La theacuteorie seacutemiotique est appliqueacutee plus
speacuteciliquement au systegraveme deacutecrilure iaponais cl agrave lanalyse de ses translormalIcircons
actuelles le retour reacutelkif et critique sur lanalyse ellectueacutee permet par la suite de
iuger de ladeacutequation des concepts seacutemiotiques dans leur application ugrave leacutetude de
leacutecriture japona ise
Le meacutemoire sc conclut par une consideacuterltion des liens que la seacutemiotique de
eacutecriture entretient avec les autres sciences philosophiques normatives soit eacutethique
et lestheacutetique
Mols chs Seacutemiotique Igthilosophie du langlge lgthilosophie des sciences (eritllle
(Systegraveme graphique) laponais (Iangue) Peirce Charles S (Charles
S(1Jl(lers) 1X39-1 lt) 14
Introduction
i t has never been 1n my power to stucy
anything-mathematics ethics metaphysics gtmiddotavitation
thermoclynamics optics chemistry comparative anatomy
astronomy psychology phonetics economic the history of
science whist men and women wine metrology except as a
study o~ sel11eiotic (SampS 85-86 1908)
Seacutem iotique de la culture 1itteacuter8 ire visuelle ou des p8SSlons le cham p
cl8pplic8tion de la seacutemiotique peut sembler v8ste m8is le caractegravere indeacutetermineacute de son
fondement nous troublera davantage Peirce deacutejagrave le tondateur de 18 discipline
contempor8ine dun point de vue philosophique donne une extension large agrave la
seacutemiotique dans Id citation bien connue mais peut-ecirctre par un emportement
eacutepistolaire (ici dans une lettre agrave Lady Welby) il fait porter la seacutemiotique aussi bien sur
les matheacutematiques et la philosophie que sur les sciences speacuteciales De plus il illustre
souvent 18 seacutemiotique en tant que grammaire speacuteculative en lappliquant agrave des
exem pies concrets et eacutelabore mecircme agrave partir de cette theacuteorie la preuve du pragmatisme
La seacutemiotique peirceacuteenne se veut donc une theacuteorie geacuteneacuterale des signes applicable
entre dLltres agrave chacune des sciences speacuteciales Toutetois Peirce effectue aussi un
eX8men systeacutematique des fondements de la seacutemiotique consideacutereacutes pour eux-mecircmes La
seacutemiotique peirceacuteenne est de la sorte proprement philosophique et indeacutependante des
sciences speacuteciales Le deacutefi lorsquon tente de tirer la seacutemiotique de Peirce vers des
applications theacuteoriques devient alors de franchir 18 distance eacutepisteacutemologique entre
seacutemiotique philosophique ct seacutemiotique appliqueacutee 8UX sciences speacuteciales et deacuteviter de
traiter superficiellement des concepts de la theacuteorie Ce nest en effet que reacutecemment
que la seacutemiotique peirceacuteenne sest vue exposeacutee systeacutem8tiquement dans son ensemble
(Carontini 1984 Savan 1988 Fisette 1990 Liszka 1996) et un examen appro londi de
ses fondements saveacuterant toujours difficile agrave effectuer lapplication de ses concepts
2
dans le cadre dune compreacutehension globale du systegraveme et non seulement de concepts
isoleacutes en est encore agrave ses deacutebuts (notamment avec Everaert-Desmedt 1990 et Fisette
1996) Degraves lors la question se pose de la leacutegitimiteacute des applications de la seacutemiotique
peirceacuteenne une theacuteorie dont on tente toujours de saisir les fondements
Probleacute lIot ique
La voie dentreacutee dans la probleacutematique sera la geacuteneacuteraliteacute de la theacuteorie Max
Fisch en 1983 se demandait Just how general is Peirce s theOy ofsigns (in Fisch
1986 356-61) et clans sa reacuteponse il sappliquait agrave deacuteterminer lextension de la theacuteorie
des signes agrave retracer les eacutetapes du deacuteveloppement de la theacuteorie dans le sens de la
geacuteneacutera 1iteacute et agrave en deacutegager la perti nence pou r la recherche scienti fique A fi n de bien
cerner le problegraveme qui nous preacuteoccupera dans ce meacutemoire je reformulerai la question
de la maniegravere suivante en quoi la theacuteorie geacuteneacuterale des signes de Peirce est-elle geacuteneacuterale
Cette question vague se laisse diviser en trois questions plus preacutecises Premiegraverement
quest-ce que la geacuteneacuteraliteacute Ce qui est rechercheacute ici est une deacutefinition de la geacuteneacuteraliteacute
proprement dite comme conception logique Deuxiegravemement quelles sont les
conditions de la geacuteneacuteraliteacute de la theacuteorie des signes Le questionnement porte ici sur la
relation de la geacuteneacutera liteacute avec dautres conceptions qu i la deacuteterm inent lorsquelle se
trouve agrave qualifier actuellement une theacuteorie Troisiegravemement quelles sont les conditions
de la relation impliqueacutee par la geacuteneacuteraliteacute entre la theacuteorie des signes et dautres theacuteories
La porteacutee de la seacutemiotique sur les sciences speacutecia les en vertu de son caractegravere geacuteneacuteral
est ici questionneacutee Cest le moment producteur du questionnement celui qui
permettra de reacutesoudre le problegraveme speacutecifique de ce meacutemoire Dans lesprit scientifique
expeacuterimental de la philosophie peirceacuteenne je tacirccherai de mieux saisir le problegraveme en
examinant une application particuliegravere agrave la theacuteorie linguistique de leacutecriture et en
prenant pour cas deacutetude deacutetermineacute le systegraveme graphique de la langue japonaise eacutecrite
La leacutell1guejaponaise fait face en ce moment agrave une situation de contact des langues qui
]
affecte son systegraveme deacutecriture engendrant un problegraveme seacutemiotique qui donnera chair
au deacuteveloppement de ce meacutemoire Il convient de Iexposer briegravevement ici
La langue japonaise contemporaine utilise un systegraveme deacutecriture complexe
com poseacute de plusieurs ty pes deacutecriture dont un ensem ble de caractegraveres dorigine
chinoise (les konji) deux syllabaires de creacuteation japonaise (les hirogono et katokono)
Ialphabet latin (le rlIcircl71oji) les chiffres indo-arabes et diffeacuterents signes de ponctuation
Ce systegraveme deacutecriture est particuliegraverement inteacuteressant en ce que la langue japonaise
assimile actuellement de faccedilon croissante des mots dorigine eacutetrangegravere (surtout de
langlais ameacutericain) eacutecrits dans un syllabaire particulier les kotokono Ces mots eacutecrits
en kotokono occupent de plus en plus despace graphique dans reacutecriture jusque
maintenant domineacutee par les konji tout en remplissant des fonctions grammaticales
sinon attribueacutees agrave ces derniers Nous assistons donc agrave une modification importante de
laspect externe ainsi que de la structure interne de leacutecriture japonaise suite au
contact de la langue japonaise avec dautres langues aux eacutecritures diffeumlrentes Le
problegraveme seacutemiotique consiste agrave deacuteterminer comment les relations de signification
propres au systegraveme deacutecriture japonais sont modifieacutees dans la situation actuelle de
contact des langues Ce problegraveme permettra de preacuteciser davantage le questionnement
de ce meacutemoire et de mieux en comprendre le sens en lui donnant un point dancrage
dans la reacutealiteacute actuelle 1 se retrouvera lui-mecircme eacuteclairci par notre enquecircte
Le but de ce meacutemoire est donc de deacuteterminer quele pourroit ecirctre la porteacutee de
10 seacutemiotique philosophique de Chorles Sonders Peirce sur 10 theacuteorie de leacuteeriture en
prenont pour cos deacutetude le vstegraveme dmiddoteacutecriturejoponois Le meacutemoire questionne ainsi
la leacutegitimiteacute de lapplication de la seacutemiotique comme theacuteorie geacuteneacuterale des signes aux
sciences speacutec ia les tou t en eacutec lai rant par converse leacutetude de leacutecriture japonaise en
tant que systegraveme graphique Il suit pour cela un questionnement sur la geacuteneacuteraliteacute de la
theacuteorie seacutem iotique
4
Slmclure du meacutell70ire
La structure du meacutemoire sinspire du motif architectonique de la philosophie
de Peirce sauf en ceci que la meacutethodologie philosophique de Iauteur est preacutesenteacutee en
premier Dun point de vue seacutemiotique le deacuteveloppement du meacutemoire consiste en
lexpeacuterimentation sur un diagramme le systegraveme des sciences de Peirce et en particulier
sa science des signes telle quappliqueacutee agrave leacutetude de leacutecriture japonaise Le meacutemoire
est donc structureacute en deux chapitres principaux portant sur 1) les principes de la
seacutemiotique philosophique et 2) Je lien entre la seacutemiotique et la theacuteorie de leacutecriture
Dans le premier chapitre la meacutethodologie du meacutemoire est tout dabord eacutetablie
par lexamen clu pragmatisme cie Peirce consideacutereacute comme une doctrine de la
meacutethodologie philosophique des sciences la meacutethodeutique ayant pour principe
directeur la croissance La meacutethodeutique est situeacutee dans le systegraveme des sciences en
tant que paltie de la logique une science philosophique normative Elle est mise en
lien avec la seacutemiotique qui inteacuteresse plus palticuliegraverement ce meacutemoire
La seacutemiotique et la logique de mecircme que la linguistique et Ieacutetude de leacutecriture
sont ensuite situeacutees dans le systegraveme peirceacuteen des sciences Le lien entre la seacutemiotique
et la logique est effectueacute plusieurs acceptions de ces deux termes eacutetant distingueacutees
Cependant les diverses deacutefinitions de ces deux disciplines en tant que sciences
saccordent pour les situer au niveau de la troisiegraveme science normative La linguistique
est ensuite deacutefinie comme une science idioscopique psychique et leacutetude de leacutecriture
comme Iune de ses branches Ce dernier point constitue une speacuteculation raisonnable
concernant la porteacutee du systegraveme des sciences de Peirce sur une science non deacutesigneacutee
comme telle par Imiddotauteur
Les principes de la phaneacuteroscopie et de la seacutemiotique sont eacutegalement exposeacutes
La phaneacuteroscopie est mise en lien avec la theacuteorie des cateacutegOlies dans le deacuteveloppement
5
historique de la penseacutee de lauteur puis un exposeacute syntheacutetique des deu theacuteories est
proposeacute Les cateacutegories universelles de lepeacuterience sont distingueacutees des cateacutegories
particul iegraveres lexposeacute eacutetant appro fond i par lexamen des cateacutegories particul iegraveres de la
modaliteacute et de la signification La conception de la geacuteneacuteraliteacute est ainsi deacutetinie comme
une cateacutegorie particuliegravere de la signification La seacutemiotique eacutetant surtout deacuteveloppeacutee
dans les eacutecrits tardifs de Peirce de sa peacuteriode phaneacuteroscopique la phaneacuteroscopie est
ensuite mise en lien avec la seacutemiotique par la preacutesentation du passage du phaneacuteron au
signe Un exposeacute syntheacutetique de la seacutemiotique en tant que grammaire speacuteculative est
proposeacute qui se deacuteveloppe jusquaux autres parties de la seacutemiotique soit la critique
des arguments ou logique critique et la meacutethodeutique La preuve logique selon les
conceptions seacutemiotiques du pragmatisme est par la suite consideacutereacutee agrave la lumiegravere des
exposeacutes de la phaneacuteroscopie et de la seacutemiotique
La philosophie de la notation logique de lauteur est ensuite prise comme point
de deacutepart pour une eacutetude de leacutecriture du point de vue seacutemiotique La notation logique
des graphes existentiels constitue un modegravele par excellence pour lillustration suivante
de lapplication de la seacutemiotique aux sciences speacuteciales puisquelle a elle-mecircme pour
fonction de repreacutesenter le langage formel de la logique peirceacuteenne dont la seacutemiotique
en tant que grammaire speacuteculative est une partie fondamentale La notation des
graphes existentiels exploite ainsi de faccedilon explicite diffeacuterents aspects du signe
distingueacutes par la theacuteorie seacutemiotique et leur examen constitue donc la leccedilon de deacutepal1
pour leacutetude du cas de leacutecriture japonaise
Dans le second chapitre une synthegravese des theacuteories linguistiques de leacutecriture
japonaise est proposeacutee puis une theacuteorie geacuteneacuterale de leacutecriture comme signe est
eacutelaboreacutee agrave parti l de la seacutem iotique pei rceacuteenne La theacuteorie seacutem iotique de leacutecriture
eacutelaboreacutee est ensuite appliqueacutee plus speacutecifiquement au systegraveme deacutecriture japonais et agrave
lanalyse de ses transformations actuelles Lappl ication commence par la
consideacuteration de quelques points de grammaire menant graduellement agrave la
6
probleacutematique de leacutecriture Lanalyse a recours non seulement agrave la grammaire
speacuteculative mais aussi agrave la logique des relations et aux graphes existentiels Durant
lanalyse du cas speacutecifique envisageacute une deacuteJ-inition du signe eacutecrit de la langue
japonaise est formuleacutee agrave travers lexamen de ses composantes puis les principaux
types de signe pmpres agrave cette eacutecriture sont distingueacutes suivant la leccedilon de la
grammaire speacuteculative Lanalyse logique critique suivante permet de juger de
ladeacutequation des signes de leacutecriture japonaise dans la repreacutesentation de leurs objets et
fait ressortir un argument de la transformation de leacutecriture dans le sens de
laugmentation des kaakana
Lexposeacute deacuteveloppe ensuite une critique eacutepisteacutemologique de lapplication de la
seacutemiotique agrave leacutetude de leacutecriture venant parachever lapproche seacutemiotique La
reacute tlexion eacutepisteacutemologique distingue dabord les concepts ph i losoph iques de la
seacutemiotique des concepts idioscopiques de la science de leacutecriture puis deacutetermine le
type dinfeacuterence qui est utiliseacute lors de la transformation dun type de concept en un
autre ainsi que largument qui justifie ce passage dans un cas speacutecifique servant
dexemple Le retour reacuteflexif et critique sur la theacuteorie seacutem iotique permet de la sOlie de
juger de ladeacutequation de ses concepts dans leur application agrave leacutetude de leacutecriture
japonaise
Lanalyse seacutemiotique de leacutecriture japonaise est finalement ouverte sur le reste
du systegraveme des sciences peirceacuteen en eacutetant relieacutee aux autres sciences philosophiques
normatives soit leacutethique et lestheacutetique Il ny pas sur ce point dapplication
speacutecifique mais une bregraveve reacutetlexion dordre philosophique sur la relation quentretien
la seacutemiotique avec leacutethique et lestheacutetique lorsque cette premiegravere est appliqueacutee aux
sciences speacuteciales Le lien solidaire entre les sciences dans le systegraveme peirceacuteen est
souligneacute lien montrant le sens ultime de larchitectonique peilTeacuteenne la continuiteacute de
la penseacutee ou syneacutechisme
7
Texes SOllces e iliraure secondaire
rai utiliseacute dans mes recherches les sources standards des eacutetudes peirceacuteennes
soit principalement leacutedition theacutematique des Colleced Papen (abbr CP) leacutedition
chronologique des Wriings (W) en cours de publication et les seacutelections des Esseniol
Peirce (EP) de mecircme que la correspondance de Peirce avec Lady Welby compileacutee
dans louvrage intituleacute Semioics and Signifies The Correlpondence between Charles
S Peirce ond Victoria Lady Welby (SampS) et quelques fiagments que lai eu le bonheur
daller repecirccher dans loceacutean des manuscrits de Peirce en eacutedition microfilm The
Poper1 of Chorles S Peirce Microfilm Ediion (MS) Pratiquement mes recherches
ont surtout consisteacute en une meacuteditation des ESlenial Peirce ensemble amplement
suffisant pour une maicirctrise egraves signes bien que plusieurs autres eacutecrits maient eacuteclaireacute
sur de nombreux points Je privileacutegie donc dans mes reacutefeumlrences les seacutelections des
Essenlial Peirce tout en renvoyant agrave loccasion agrave certains textes des autres eacuteditions Je
reacutefegravere aux textes sources selon lusage en ajoutant lanneacutee de reacutedaction ou de
publication lorsque connue (par exemple EP 1 132 1878) Les commentaires qui
mont eacuteteacute de la plus grande aide sont ceux de Max Fisch pour une vision densemble
de lœuvre de Peirce Andreacute De Tienne pour la phaneacuteroscopie el la theacuteorie des
cateacutegories initiale et James Liszka pour la seacutemiotique philosophique Jindique toutes
les reacutefeacuterences dans le corps du texte et reacuteserve les notes en bas de page pour quelques
digressions et scolies
1 Seacutemiotique philosophique
En quoi la seacutemiotique de Peirce est-elle philosophique Une reacuteponse simple agrave
cette question serait tout dabord que la seacutemiotique possegravede le caractegravere geacuteneacuteral de la
philosophie cest une science positive qui rend compte des faits de expeacuterience
commune Cette deacutefinition se preacutecise lorsque lon considegravere la situation de la
seacutemiotique dans le systegraveme peirceacuteen des sciences en tant que troisiegraveme science
philosophique normative Plusieurs sens du terme laquoseacutemiotiqueraquo sont aussi agrave
distinguer et expliquer Dans ce premier chapitre je montrerai en quoi la seacutemiotique de
Peirce est philosophique en suivant le motif architectonique du systegraveme peirceacuteen des
sciences sauf que je preacutesenterai la meacutethodologie philosophique de lauteur la doctrine
meacutethodeutique du pragmatisme en premier le deacutefinirai chaque fois davantage la
seacutemiotique en la situant dans le systegraveme des sciences de faccedilon de plus en plus preacutecise
jusquagrave une application theacuteorique dans lexposeacute de la notation logique des graphes
existentiels Jaborderai par la mecircme occasion la question de la geacuteneacuteraliteacute de la theacuteorie
seacutemiotique dont la consideacuteration permettra deacuteclaircir le problegraveme speacutecitique du
meacutemoire dans le second chapitre Lexposeacute tacircchera de rentrer meacutethod iquemenl dans
lesprit de continuiteacute de la penseacutee peirceacuteenne auquel aboutit ultimement le
pragmatisme
11 Le pragmatisme
Le pragmatisme est une doctrine meacutethodologique des sciences de la deacutecouverte
ayant pour principe directeur la croissance II consiste essentiellement agrave reconnaicirctre la
porteacutee possible de la rationaliteacute sur la reacutealiteacute actuelle en particulier dans laction
controcircleacutee et conseacutequente au raisonnement Le sens de cette porteacutee ou de cette
conseacutequence est celui du deacuteveloppement de lordre rationnel dans la reacutealiteacute Le
pragmatisme sinteacuteressant plus speacutecifiquement agrave la recherche scientifique il preacuteconise
9
la reconnaissance des conseacutequences pratiques possibles du raisonnement comme
meacutethode de recherche dans les sciences La recherche scientifique doit donc consister agrave
deacutecouvrir les lois neacutecessaires de la nature en observant et en envisageant leurs
conseacutequences pratiques non seulement actuelles mais aussi possibles
Cette formulation peut eacutevoquer le deacuteveloppement de la Raison et son
identification au Reacuteel dans la philosophie de Hegel Il ny a cependant pas de
Aufhebung dans la penseacutee peirceacuteenne le deacuteveloppement de lordre rationnel eacutetant
plutocirct une prise de conscience des diffeacuterents aspects omnipreacutesents de la reacutealiteacute dont
chacun conserve son importance propre quune absorption de stades infeumlrieurs de la
conscience en un stade rationnel supeacuterieur Peirce qui est tout agrave fait probe
intellectuellement ne se reconnaicirct dailleurs pas dinfluence directe de la part de
heacutegeacutelianisme Il admet bien certaines affiniteacutes de sa penseacutee avec celle de Hegel mais
en retrace une tout autre origine immeacutediate de faccedilon geacuteneacuterale dans lœuvre des
hommes de science et de tagraveccedilon plus speacutecifique dans les philosophies de divers
auteurs meacutedieacutevaux (Duns Scot et les reacutealistes scolastiques) et modernes (Reid et les
philosophes du sens commun eacutecossais) et avant tout dans celles de Kant et Aristote
Atin dapprofondir notre compreacutehension de la doctrine du pragmatisme jen
retracerai agrave preacutesent sommairement le deacuteveloppement dans lœuvre de Peirce Je
retiendrai trois moments principaux du deacuteveloppement de la doctrine correspondant agrave
1) la formulation initiale de la maxime clu pragmatisme dans la seacuterie du Populor Science
illonhly de 1877-78 2) la reprise et Ieacutelaboration de la doctrine lors de la seacuterie de
confeacuterences donneacutee agrave Harvard en 1903 et 3) la tentative finale de formulation dune
preuve du pragmatisme dans une seacuterie darticles en partie publieacutee dans la revue The
Monis en 1905-7 Ces trois moments neacutepuisent pas lhistoire de la doctrine du
pragrhatisme de Peirce mais en repreacutesentent lessentiel du deacuteveloppement
Jeacutevoquerai par ailleurs le questionnement des limites du pragmatisme dans les
derniers eacutecrits de Iauteur
10
Le premier moment du deacuteveloppement de la doctrine du pragmatisme consiste
en la formulation de la maxime pragmatiste suite agrave leacutelaboration dune theacuteorie
psychologique de la croyance dans les articles intituleacutes laquoThe Fixation of Beliefraquo (EP 1
109-231877) et laquoHow to Make Our Ideas Cleangt (EI)I 124-41 1878) Lapproche
psychologique rend la teneur de la doctrine eacutevidente iusquagrave un celtain point mais la
compreacutehension du pragmatisme se montre alors insuffisante pour rendre compte de sa
porteacutee reacuteelle telle quenvisageacutee par lauteur La psychologie ne sert en fait quagrave
lillustration de la doctrine en facilitant un premier abord car le pragmatisme est une
doctrine de la logique et cette derniegravere une science plus fondamentale que la
psychologie Peirce illustrera parfois encore Je pragmatisme dans ses eacutecrits ulteacuterieurs agrave
laide de faits psychologiques mais il soulignera alors linsuftisance de cette meacutethode
et tacircchera de deacutevelopper une approche plus proprement logique La maxime du
pragmatisme est formuleacutee initialement comme suit
Consider what effects which might conceivably have practical bearings we
conceive the object of our conception to have Then our conception of these
effects is the whole of our conception of the object (EPI 132 1878)
Consideacuterer quels sont les effets pratiques que nous pensons pouvoir ecirctre produits par
lobjet de notre conception La conception de tous ces effets est la conception
complegravete de lobjet (version franccedilaise de Peirce W3 365 1879)
La theacuteorie psychologique de la croyance sur laquelle se fonde la maxime
pragmatiste sert de base dans les articles subseacutequents de la seacuterie agrave une explication de
la logique de la science Dans cette theacuteorie le raisonnement est consideacutereacute comme une
enquecircte de la penseacutee visant agrave faire cesser le doute par la fixation de la croyance ce qui
implique leacutetablissement dune regravegle daction sous la forme dune prise dhabitude
Peirce y distingue de plus trois degreacutes de clarteacute de la penseacutee atteints respectivement
dans la deacutefinition des ideacutees par lusage familier la distinction abstraite et
lexpeacuterimentation scientifique La maxime pragmatiste est ainsi preacutesenteacutee comme une
regravegle meacutethodologique inspireacutee de la meacutethode scientifique expeacuterimentale permettant
datteindre le troisiegraveme degreacute de clarteacute de la penseacutee
Il
La meacutethode scientifique est selon Peirce reacutealiste et faillible cest-agrave-dire que le
scientifique admet quiumll y a des choses reacuteelles dont le caractegravere ne deacutepend pas de ce
quun individu quelconque peut penser et que la confrontation avec les faits de la
reacutealiteacute actuelle par laquelle il cherche agrave connaicirctre ces choses reacuteelles peut le mener agrave
douter de certaines de ses croyances jusque-lagrave preacutesupposeacutees comme vraies La
meacutethode la plus adeacutequate dans la repreacutesentation de la reacutealiteacute est donc de consideacuterer
lensemble des conseacutequences pratiques possibles et non seulement actuelles des
conceptions concernant cette reacutealiteacute La consideacuteration des diffeacuterents aspects de la
reacutealiteacute augmente la probabiliteacute dune adeacutequation de la croyance avec leacutetat des choses
reacuteel et donc latteinte de la veacuteriteacute dans la repreacutesentation de la reacutealiteacute La meacutethode
scientifique a de plus la proprieacuteteacute de se corriger elle-mecircme lorsque le scientifique en
v ient agrave recon naicirctre 1iumlnadeacutequation de certa ines de ses repreacutesentations su ite agrave leur
confrontation avec la reacutealiteacute actuelle
Une faccedilon de distinguer les difteumlrents aspects de la reacutealiteacute consiste nous le
percevons deacutejagrave agrave consideacuterer les modes decirctre dont leacutetude est avant tout propre agrave la
logique et agrave la meacutetaphysique La porteacutee logique de la maxime est dailleurs le mieux
entrevue dans Jutilisation de la modaliteacute de la possibiliteacute (ltltmight conceivablyraquo ou
laquoque nous pensons pouvoir ecirctreraquo) alors que les faits psychologiques servant agrave
lillustration sont tireacutes de lexpeacuterimentation psychologique qui consiste agrave accumuler
des faits par la confrontation des croyances de lexpeacuterimentateur avec la reacutealiteacute
actuelle seulement La doctrine du pragmatisme donne un principe meacutethodologique au
scientifique consideacuterant lensemble des modaliteacutes decirctre qui caracteacuterisent la reacutealiteacute
tout en accentuant celle de la possibiliteacute tandis que les sciences speacuteciales lui
fournissent des donneacutees factuelles compileacutees lors dexpeacuterimentations constituant des
confrontations avec la reacutealiteacute actuelle Peirce illustre sa doctrine en appliquant la
maxime agrave la deacutefinition de plusieurs conceptions scientifiques dont lune la dureteacute
dans linterpreacutetation de laquelle il ne semble pas comprendre la reacutealiteacute de la possibiliteacute
Il reviendra plus tard sur cet exemple pour en rectifier liumlnterpleacutetation (EP2 354
12
1905 455-57 1911) mais il est vrai quen ce moment initial du deacuteveloppement de la
doc tri ne du pragmatisme il n en sais issa it sans doute pas tou te la porteacutee pou ltant deacutejagrave
clairement envisageacutee dans la maxime
11 est agrave noter que lors du premier deacuteveloppement de la doctrine Peirce
nemploie pas encore le terme laquopragmatismeraquo quil aurait toutefois utiliseacute degraves les
anneacutees 1870 dans des discussions avec ses camarades du laquoMetaphysical Clubraquo de
Cambridge Cest William James qui relancera publiquement en 1898 la notion de
pragmatisme et puis la popularisera tout en accordant le creacuteclit cie sa premiegravere
expression agrave son ami de toujours Peirce recommencera par la suite agrave sy inteacuteresser
explicitement dans ses eacutecrits et consacrera une seacuterie de confeumlrences donneacutee agrave Harvard
en 1903 agrave son sujet Il deacuteveloppe dans ces confeacuterences une approche
pheacutenomeacutenologique et logique expliquant le pragmatisme agrave partir de sa theacuteorie de la
perception et faisant le lien de cette derniegravere avec la logique des relations et la theacuteorie
de liumlnfeumlrence Le pragmatisme est alors preacutesenteacute sous la ~orme cIun theacuteoregraveme
philosophique dont lauteur cherchera agrave plOuver la veacuteriteacute Ce theacuteoregraveme relie le sens du
pragmatisme aux modes grammaticaux et le rapproche ainsi du thegraveme de la
repreacutesentation
Praglllatism is the principle that every theoretical jllclgment expressibJe in a
sentence ln the inclicative moocl is a confllsed form of lhollght whose only
meaning if il has any lies in ils tenclency to enforce a corresponding practical
Illaxim expressible as a conclitional sentence having its apoclosis in the illlpelative
Illood (EP 134-51903)
Peirce considegravere que lutiliteacute de la maxime est deacutejagrave suHisamment apparente
dans sa formulation initiale et cherche plutat dans sa nouvelle approche une preuve
cie la doctrine Cette preuve consistera agrave approfondir la compreacutehension clu
pragmatisme par le moyen cie la theacuteorie de la perception et plus tard de la theacuteorie des
signes et agrave en speacutecifier la porteacutee au niveau logique Lauteur rejette tout daborcl
lapproche psychologique qui caracteacuterisait sa premiegravere formulation laquoMy original
13
article carried this back to a psychological principle 1 do not think it satisfclctory to
reduce such fundamental things to tclcts of psychology ail attempts to ground the
fundamental facts of logic on psychology are seen to be essentially shallowraquo (EP2
140 1903)11 explique sa position antipsychologiste en exposant sa conception de la
hieacuterarchie des sciences selon laquelle la logique est plus fondamentale que la
psychologie et se fonde entre autres sur la pheacutenomeacutenologie dont le thegraveme speacutecifique
de la perception donne une nouvelle voie agrave lapprofondissement de la doctrine
Dans laquoThe nature ofMeaningraquo (EP2 208-25 1903) puis laquoPragmatism as the
Logic of Abductionraquo (EP2 226-7 1903) dont les exposeacutes repreacutesentent
laboutissement de lapproche baseacutee sur la theacuteorie de la perception Peirce deacutegage
ensuite trois propositions appuyant la maxime du pragmatisme premiegraverement rien
nest dans lintellect qui ne soit dabord dans les sens deuxiegravemement les jugements
perceptuels contiennent des eacuteleacutements geacuteneacuteraux troisiegravemement liumlnteumlrence abductive
se confond avec un certain niveau du jugement perceptuel Le pragmatisme tclit suite agrave
ces trois propositiollS car nous pouvons en les examinant effectuer un lien entre la
perception et la logique de jabduction mode dinteumlrence hypotheacutetique propre au
pragmatisme Par la premiegravere proposition Peirce entend plus preacuteciseacutement quil ny a
pas de conception qui ne soit donneacutee autrement que dans des jugements perceptuels
Ainsi Je premier eacuteleacutement de la perception est un jugement servant de fondement au
reste du processus cognitif qui en deacutecoule Les jugements perceptuels constituant de
plus une forme dappreacutehension de laspect rationnel de la reacutealiteacute par la raison
individuelle ils contiennent des eacuteleacutements geacuteneacuteraux propres agrave la fois agrave la reacutealiteacute
exteacuterieure et agrave la reacutealiteacute inteacuterieure qui se confrontent en lindividu La lclculteacute abductive
tire finalement son origine de la perception puisque le mode dinteumlrence de labduction
repreacutesente une gradation du processus cognitif deacutebutant avec le jugement perceptuel
Labduction et le jugement perceptuel jouent dailleurs un lole semblable au sein du
processus cogn itif en y apporta nt de nouveaux eacuteleacutements de base preacutem isses logiques
ou donneacutees factuelles
1 Scloll l~ldagc scolastiquc Vihil lsi in inielleeII (lIinJlillljileJil in se)SIl (IY2 2261903)
14
Pour ce qui inteacuteresse plus particuliegraverement le pragmatisme lanalyse du
processus cognitif au niveau du jugement perceptuel et de labduction montre que le
dessein de la cognition est daccroicirctre linformation concernant la reacuteal iteacute Le jugement
perceptuel diffegravere cependant de labduction en ce que ce premier est acritique et non
controcircleacute par la raison contrairement au second Labduction repreacutesente un stade
avanceacute du processus initieacute par le jugement perceptuel qui ouvre sur les autres modes
dinfeacuterence subseacutequents de la deacuteduction et de linduction et montre ainsi que le
processus cognitif fait ultimement retour sur la reacutealiteacute actuelle afin de confirmer
linformation communiqueacutee Le pragmatisme en tant que doctrine meacutethodologique
baseacutee sur la logique de labduction met laccent sur le premier moment du
raisonnement logique critique et auto-controcircleacute soit le deacutecegravelement des conseacutequences
possibles dune conception mais en comprend aussi la suite logique qui consiste en la
deacuteduction des conseacutequences pratiques neacutecessaires selon le cas actuel envisageacute et leur
confirmation par induction cest-agrave-dire par la confrontation avec la reacutealiteacute actuelle et
le retour sur le raisonnement Le pragmatisme preacuteconise ainsi laccord de la raison
individuelle avec laspect rationnel de la reacutealiteacute et identifie le dessein ultime de la
cognition agrave celui de la reacutealiteacute tout entiegravere soit la croissance de lordre rationnel agrave
travers les diffeacuterents aspects de la reacutealiteacute ici compris du point de vue des modaliteacutes
Peirce revient sur cette ideacutee au deacutebut de la prochaine seacuterie darticles au sujet du
pragmatisme
Now quite the most striking feature of the new theory was its recognition of an
inseparable connection between rational cognition and rational purpose and that
consideration il was which determined the preference for Ihe na me pragmalism
(EP2 333 1905)
Le dern ier moment importa nt de 1 eacutelaboration de la doctri ne du pragmatisme
est la reacutedaction en 1905-07 dune seacuterie darticles dans laquelle Peirce adopte une
approche seacutemiotique et donc proprement logique la logique eacutetant comprise par
lauteur en un sens large comme la theacuteorie de la penseacutee deacutelibeacutereacutee opeacuterant par signes Il
renomme sa doctrine laquopragmaticismeraquo pour la distinguer des autres pragmatismes
15
eacutemergeant agrave leacutepoque et divergeant du sien mais il continuera plus tard dutiliser le
terme dorigine Il nomme aussi deacutesormais sa pheacutenomeacutenologie laquophaneacuteroscopieraquo atin
den souligner la speacutecificiteacute La maxime du pragmatisme est reformuleacutee
conseacutequemment en termes seacutem iot iq ues comme su it
The entire intellectual purport of any symbol consists in the total of elll generell
modes of rationClI concluct which conclitionally upon ClII the possible different
circul1lstances Clnd c1esires would ensue upon the Clcceptance of the symbol (EP2
346 1905)
Peirce reconnaicirct de plus explicitement les limites du pragmatisme ddini par rapport agrave
la porteacutee des symboles dans la citation preacuteceacutedente et clairement limiteacute aux concepts
intellectuels dans lextrait suivant
1 unclerstclllcl pragmatislll to be a method of Clscertaining the meanings not 01 ail
ideas but only of such elS 1 term intellectuell concepts that is to say of those
upon the structure of which argulllents concerning objective tclct may hinge (EP2
421 1907)
La nouvelle preuve seacutemiotique du pragmatisme consiste agrave suivre le deacuteveloppement du
processus interpreacutetatif des signes cest-agrave-dire leur transtormation dun aspect de la
repreacutesentation en un autre afin de confirmer la concordance de ce processus avec la
meacutethode deacutecrite par la maxime Le pragmatisme est alors soutenu par largument selon
lequel liumlnterpreacutetant logique ultime est une habitude le reviendrai dans des sections
subseacutequentes aux exposeacutes de la phaneacuteroscopie et la seacutemiotique mais il convient deacutejagrave
de don ner le sens geacuteneacuteral de 18 nouvelle preuve L iuml nterpreacutetant logique d un signe est
une appreacutehension intellectuelle de la signification de ce signe sous son aspect
triadique Lorsque nous saiSissons laspect triadique de nos repreacutesent8tions qui
concorde lui-mecircme avec la triadiciteacute de la reacutealiteacute sous ses diffeacuterents aspects cest alors
que notre raison s8ccorde le mieux 8vec la raison reacuteelle L iumlnterpreacutet8nt logique ultime
fait porter cet accord agrave un autre niveau de la reacutealiteacute lnctualiteacute puisquil consiste en
une conduite reacutegleacutee de nos actions une habitude Nous retrouvons donc encore une
fois le thegraveme de laccord de la raison individuelle avec la raison geacuteneacuterale de la reacutealiteacute
qu i constitue le moti f essentiel du pragmatisme
16
De 1908 agrave sa mOlt en 1914 Peirce continue de reacuteviser la doctrine du
pragmatisme sans la deacutevelopper davantage mais en la critiquant Il reacuteitegravere ainsi la
critique de sa compreacutehension initiale du reacutealisme dont il avait limiteacute la porteacutee agrave
lactualiteacute des concepts geacuteneacuteraux alors que la reacutealiteacute comprend aussi des possibiliteacutes
reacuteelles li speacutecifie aussi agrave nouveau la porteacutee du pragmatisme qui seacutetend au domaine
de la logique en introduisant cette fois deux nouveaux concepts la seacutecuriteacute et la
feumlconditeacute (ltherly) du raisonnement Le pragmatisme serait une doctrine qui seacutecurise le
raisonnement mais le rend peu feumlcond
1 think logicians should have two aims lirst to bring out the amount and kind of
seclIrily (approach to certainty) of each kind of reasoning and second to bring out
the possible and esperable lIberly or value in productiveness of each kind (EP2
553 note 7 IYI3)
[PIagmatism] certainly aicls OUI approximation to the securily of reasoning But il
does Ilot contribute to the lIberly of reasoning which far more calls for solicitous
care the maxil11 of Pragmatism does not bestow a single smile upon beltluty upon
moral virtue or upon abstract truth-the three things that alone laise Humanity
above Animltllity (EP2 465 1913)
Cette assertion tardive surprend puisque Peirce avait tait plus tocirct de la croissance
lideacutee la plus importante que la philosophie ait produite (explicitement en EP2 373
1905) et par extension le principe directeur de la meacutethodeutique dans la doctrine du
pragmatisme Il sagit en fagraveit de bien comprendre le rocircle speacutecifique du pragmatisme
son caractegravere nonnati f en tant que doctrine meacutethodeutique La meacutethode preacuteconiseacutee par
le pragmatisme seacutecurise le raisonnement en lui donnant une voie speacuteci fique agrave suivre
mais elle ne le rend pas feumlcond puisquelle ne stimule pas elle-mecircme la production de
raisonnement La doctrine du pragmatisme est un tuteur sur lequel il faut fagraveire croicirctre
le raisonnement par dautres moyens Elle prend la croissance pour principe mais ne
lactualise pas elle-mecircme ne deacutecelant avant tout que les possibiliteacutes du raisonnement
les gennes de croissance
Je term inerai cette section en revenant sur le lien de la seacutem iotique avec le
pragmatisme Nous avons vu quau cours du deacuteveloppement de la doctrine du
17
pragmatisme la maxime initiale ne subit pas de changement majeur mais que divers
points de vue sont pris sur la doctrine qui tentent den ameacuteliorer la compreacutehension et
den speacutecifier la porteacutee La seacutemiotique donne ainsi le point de vue le plus authentique
sur le pragmatisme Peirce cherchait un point de vue encore plus propre agrave exprimer
lessence du pragmatisme avec les graphes existentiels une meacutethode de repreacutesentation
graphique de la logique deacuteductive Ce dernier traceacute est resteacute inacheveacute et peut-ecirctre cela
est-il duuml au fait que le pragmatisme preacutetend plutocirct faire appel agrave une logique de
labduction La seacutem iotique reste dans œuvre de Peirce le poin t de vue le plus
compreacutehensif sur le pragmatisme la logique de labduction n ayant pas eacuteteacute formai iseacutee
de faccedilon satisfaisante par lauteur auquel il manquait peut-ecirctre les outils conceptuels
neacutecessaires pour le faire Plus fondamentalement que labduction le pragmatisme
pointe cependant aussi vers la doctrine de la continuiteacute de la penseacutee le syneacutechisme
qui constitue Jultime theacuteoregraveme philosophique que Peirce cherchait agrave prouver
] 2 Le systegraveme des sciences
Peirce conccediloit la sCience comme une activiteacute des ecirctres humains en vue
datteindre la veacuteriteacute dans la repreacutesentation de la reacutealiteacute cest-agrave-dire ladeacutequation
eacuteventuelle des repreacutesentations aux o~jets deacutetude des scientifiques La science nest
ainsi quune des activiteacutes culturelles humaines celle qui fait appel au raisonnement
neacutecessaire Peirce deacuteveloppe de plus une classification des sciences au sein de laquelle
les matheacutematiques occupent la place la plus fondamentale suivies de la philosophie
puis des sciences speacuteciales (deacutenommeacutees idioscopiques) soit les sciences physiques et
psychiques Cette premiegravere trichotomie de sciences constitue la grande classe des
sciences de la deacutecouverte (ou heuristiques) elle-mecircme suivie de deux autres grandes
classes des sciences reacutetrospectives et des sciences pratiques Dans laquoAn Outline
Classiication of the Sciencesraquo (EP2 258-62 1903) lauteur preacutesente la classification
agrave laquelle il aboutit apregraves maintes anneacutees de recherches et dont il retiendra par la suite
18
en ses traits essentiels le modegravele Le scheacutema de cette classification peut ecirctre
reconstitueacute pour ce qui nous inteacuteresse comme suit
3 Science
31 Sciences de la deacutecouverte
311 Matheacutematiques
3111 Matheacutematiques de la logique
3112 Matheacutematiques des seacuteries discregravetes
313 Matheacutematiques des continua et pseudo-colltillua
312 Philosophie
3121 Pheacutenomeacutenologie
3122 Sciences normatives
31221 Estheacutetique
31222 Eacutethique
31223 Logique
312231 Grammaire speacuteculative
312232 Critique
312233 Meacutetllocleutique
3123 Meacutetaphysique
313 Idioscopie
3131 Sciences physiques
3132 Sciences psychiques
32 Sciences reacutetrospectives
33 Sciences pratiques
La classification des sciences suit un ordre selon lequel les sciences deacutependent
de sciences plus fondamentales pour leurs principes auxquelles elles fournissent en
retour des donneacutees Cette ideacutee dune classification des sciences selon le motif de la
deacutependance non reacuteciproque au niveau des principes proviendrait de la philosophie
dAuguste Comte (EP2 258 1903) Je deacutevelopperai agrave preacutesent lexposeacute du systegraveme
des sc iences en y si tuant les dise ipl ines qui nous concernent so it la seacutem iotique ct la
logique de mecircme que la 1ingu istique et leacutetude de leacutecriture
19
Il Y a deux sens du terme laquoseacutem iotiq ueraquo qu i peu t deacutesigner te 1 que Peirce
lutilise la theacuteorie geacuteneacuterale des signes ou selon lacception contemporaine une partie
de la seacutemiotique au sens peirceacuteen la grammaire speacuteculative agrave laquelle est alors
restreinte la theacuteorie des signes Peirce identifie la seacutemiotique en tant que theacuteorie
geacuteneacuterale des signes agrave la logique eacutegalement comprise en un sens large Il suffira pour le
moment de preacutesenter les diffeacuterents sens de la logique la seacutemiotique que nous avons
maintenant situeacutee dans le systegraveme eacutetant preacutesenteacutee en deacutetail dans une prochaine
section
La logique est une sCIence philosophique normative En tant que sCIence
philosophique elle cherche agrave repreacutesenter adeacutequatement la reacutealiteacute actuelle telle
quexpeacuterimenteacutee dans lexpeacuterience commune Les matheacutematiques opegraverent plutocirct par
raisonn~ment hypotheacutetique ou conditionnel portant sur des possibiliteacutes qui ne sont
pas neacutecessairement actualiseacutees mais dont la conseacutequence serait neacutecessaire si les
preacutemisses du raisonnement sactualisaient (menant neacutecessairement au conseacutequentf
Les sciences physiques et psychiques cherchent quant agrave elles les repreacutesentations
neacutecessaires de la reacutealiteacute par lexpeacuterimentation et lobservation speacutecialiseacutees afin de
rendre le savoir productif
Mathematics studies vllat is and wllat is not logically possible without making
itself responsible for its actual existence Philosophy is positive science in the
sense of discovering what really is true but it lilllits itself to sa much of trutll as
can be inferred from comlllon experience Idioscopy embraces ail the special
sciences which are principally occupied wilh the accumulation of new facts (EP2
259 1903)
Peirce conccediloit ainsi les matheacutematiques et la logique comme deux sciences distinctes
mais ordonneacutees poursuivant la veacuteriteacute chacune agrave sa maniegravere lune fondant la seconde
Il considegravere eacutegalement la logique comme plus fondamentale que les sciences rhysiques
et psychiques Il soppose donc agrave la fois au logicisme (agrave Jeacutepoque de Dedekind CP
4239 1902) et au psychologisme fort (entre autres de John Stuart Mill CP 433 91
1893)
La conseacutequcncc csl bien ln chaIcircnc dinleacutelcncc mcnant dcs preacutemisscs au conseacutequcnt
20
En tant que science normative la logique distingue les bons raisonnements des
mauvais Elle tire ses pliumlnClpes de la pheacutenomeacutenologie (aussi deacutenommeacutee
phaneacuteroscopie) science dont lactiviteacute consiste agrave deacutecrire tout ce qUI apparalt agrave
lesprit La description pheacutenomeacutenologique consiste agrave effectuer des seacuteparations
mentales mettant en eacutevidence les eacuteleacutements universellement pleacutesents agrave lesprit La
logique fournit par ailleurs des principes agrave la meacutetaphysique la dirigeant dans ses
raisonnements speacuteculatifs sur la nature de la reacutealiteacute La logique ainsi comprise en un
sens large est une theacuteorie du raisonnement deacutelibeacutereacute et le raisonnement seffectuant par
signes elle correspond agrave la seacutemiotique en tant que theacuteorie geacuteneacuterale des signes
constitueacutee de la grammaire speacuteculativegt la logique critique et la meacutethodeutique Elle
tire ses principes des matheacutematiques et de la pheacutenomeacutenologie mais eacutegalement de
lestheacutetique et de leacutethique En un sens restreint la logique effectue seulement la
critique des arguments en les classifiant et en jugeant leur validiteacute
Logic is the theory of self-controlled or deliberate thought ancl as such must
appeal to ethics fOI its principles It also (Iepends upon phenomenology and upon
mathematics Ail thought being performed by means of signs Logic may be
regarcled as the science of the general laws of signs It has three branches (1)
Speculative CraIl1J7Jar or the general theory of thc nature and Illeanings of signs
whether they be ieons indices or symbols (2) Crije which classitiumles arguments
and determines the validity and degree of force of each kind (3) Methodeuic
which studies the methods that ought to be pursued in the investigation in the
exposition ancl in the application of truth Each division depencls on that which
precedes il (EP2 260 1903)
La logique deacuteductive lormelle une logique matheacutematique selon lacception courante de
la logique contemporaine repreacutesenterait un autre sens restreint de la logique
correspondant agrave une partie de la meacutethodeutique la theacuteorie de la deacuteduction par lemploi
de modegraveles matheacutematiques La meacutethodeutique comprise en ce sens serait une theacuteorie
de la production de raisonnements valides par application dalgorithmes logiques
rapprochant la logique de la technique La logique matheacutematique nest pas agrave confondre
avec les matheacutematiques de la logique qu ineffectuent pas de retour reacuteflexif sur
laquoSpeacutecul~ltiiraquo U sens Je laquotheacuteoreacutetiqucraquo (U)2 128 190lt1)
21
largument mais fournissent le diagramme eacuteleacutementaire servant agrave lanalyse logique
deacuteductive (cf laquoThe Simplest Mathematicsraquo CP 4227-323 1902 en particulier CP
4227-8 CP 4240 et CP 4244)
Peirce classe la linguistique toujours dans le mecircme article de 1903 parm i les
sciences idioscopiques psychiques Plus exactement il sagit dune science psychique
classificatoire En tant que science psychique classificatoire la linguistique tire ses
principes de la psychologie la science psychique nomologique quelle applique lt1
leacutetude des langues Peirce nidentifie pas leacutetude de leacutecriture comme sujet speacutecifique
dune des branches dela linguistique mais il est eacutevident que sa deacutefinition geacuteneacuterale de la
linguistique comprend cette eacutetude que nous pouvons maintenant isoler suite au
progregraves des sciences du langage La science de leacutecriture ici envisageacutee peut ecirctre
caracteacuteriseacutee au moins comme une science psychique classiticatoire tirant ses principes
immeacutediats de la psychologie Elle se base aussi sur la pheacutenomeacutenologie la logique (ou
seacutemiotique) et la meacutetaphysique de mecircme que la biologie sur lesquelles Peirce fonde la
psychologie Il faudrait par ailleurs distinguer la science de leacutecriture des theacuteories de
leacutecriture La science est une activiteacute des ecirctres humains leacutetude dun objet de la reacutealiteacute
actuelle par le biais de lexpeacuterience et la construction conseacutequente de repreacutesentations
concernant cette reacutealiteacute alors que la theacuteorie est plutocirct une chaicircne darguments
concernant la repreacutesentation de la reacutealiteacute La science sengage dans la reacutealiteacute sous tous
ses aspects en prenant pour point de vue la rationaliteacute la theacuteorie est davantage limiteacutee
au raisonnement agrave laspect rationnel de la reacutealiteacute Nous pourrions dire que la theacuteorie
est une repreacutesentation paradigmatique dans le travail continu des sciences
J3 Les sciences philosophiques
Afin dintroduire lt1 une eacutetude plus approfondie des sciences philosophiques
Je l11opposc Cil cela au illlcrpntatIcircolls dc Kcnt (19t7) clliszka (1996) qui situclltlllogiquc
1()liumlllCllc 8U scin dcs 111ecirc1theacuteI118tiqucs
1
22
telles que les concevait Peirce je commencerai par esquisser en quelques traits sa
meacutetaphysique La meacutetaphysique est en quelque sorte la partie productive de la
philosophie peirceacuteenne elle interpregravete en une vision densemble les diffeacuterents aspects
de la reacutealiteacute tels quiumlntuitionneacutes et analyseacutes par les autres sciences philosophiques et
fait le lien avec les sciences idioscopiques De ce point de vue englobant et speacuteculatif
sur la reacutealiteacute Peirce reconnaicirct les diffeacuterents sens et la valeur de la repreacutesentation le
monde comme repreacutesentation est organiseacute selon un ordre hieacuterarchique solidaire la
triade Ces diffeacuterents sens des trois points de vue tondamentaux de la triade et cette
valeur accordeacutee selon lordre hieacuterarchique solidaire transparaicirctront dans lexamen des
principes de la phaneacuteroscopie et de la seacutemiotique sciences auxquelles nous aurons
plus speacutecifiquement affaire dans lexamen de la cateacutegorie de la geacuteneacuteraliteacute Leacutethique et
lestheacutetique nous inteacuteresseront aussi mais pas en ce qui concerne le problegraveme
speacutecifique du meacutemoire et je ny reviendrai donc quagrave la conclusion dans une tentative
douverture de largument par-delagrave son niveau logique
Les principales doctrines de la meacutetaphysique peirceacuteenne sont le reacutealisme
scolastique et la ph i losoph ie du sens commun critique que lauteur preacutesente dans
laquoIssues of Pragmaticismraquo (EP2 346-59 1905) comme des conseacutequences du
pragmatisme Nous pourrions aussi compter au nombre des doctrines meacutetaphysiques
originales de Peirce le tychisme lagapisme et le syneacutechisme de mecircme que lideacutealisme
objectif (deacuteveloppeacutes surtout dans la seacuterie meacutetaphysique de la revue The Aifonisl de
1891-93 (EPI 285-371 )) maisje ne les aborderai pas directement Le reacutealisme a deacutejagrave
eacuteteacute preacutesenteacute comme une caracteacuteristique de la meacutethode scientifique expeacuterimentale de
laquelle sinspire le pragmatisme Il consiste essentiellement agrave reconnaicirctre quiumll ya des
objets dans le monde reacuteel qui ne deacutependent pas de ce quun individu quelconque
puisse en penser Il est aussi traditionnellement compris comme sappliquant aux
concepts geacuteneacuteraux deacuteterminant des objets singuliers Peirce entend toutefois eacutelargir
cette conception de la reacutealiteacute et cest ce qui caracteacuterise son propre reacutealisme inspireacute du
reacutealisme scolastique (de Duns Scot) Selon Peirce il ny a pas que des objets geacuteneacuteraux
)_J
ou deacutetermineacutes qUI soient reacuteels meacutellS eacutegalement toujours du point de vue de la
signilication des repreacutesentations des objets vagues et mecircme du point de vue des
modaliteacutes des objets possibles La reacutealiteacute seacutetend sur trois aspects fondamentaux tels
que diffeacuterencieacutes par la phaneacuteroscopie et la seacutemiotique La notion de reacutealiteacute soppose agrave
celle de fiction ou plutocirct inclut cette derniegravere puisque la fiction est une repreacutesentation
possible de la reacutealiteacute deacutependante de lindividu qui la cree mais elle-mecircme reacuteelle dans
S3 situation particuliegravere au sein de la reacutealiteacute
L3 philosophie du sens commun critique eacutegalement en germe dans le
faillibilisme caracteacuteristique de la meacutethode du pragmatisme et deacuteriveacutee de la philosophie
du sens commun eacutecossaise (avant tout de Reid) est agrave son tour une doctrine
meacutet3physique dont le principe essentiel consiste agrave reconnaicirctre quil y a des inleumlrences
indubitables en ce sens quelles sont acritiques qui constituent le fondement de la
connaissance Ces inleumlrences sont indubitables mais extrecircmement vagues ce qui les
rend facilement sujettes au doute degraves quelles sont circonscrites et que des deacutetinitions
plus preacutecises en sont rechercheacutees La doctrine est de la sOlte critique parce quelle
reconnaicirct ecirctre elle-mecircme fondeacutee sur des croyances non critiqueacutees mais pouvant ecirctre
reacutevoqueacutees en doute non par la simple volonteacute du sujet connaissant mais par leur
confrontation aux faits de la reacutealiteacute actuelle La philosophie du sens commun critique
reconnaicirct donc sa propre faillibiliteacute Les deux doctrines repreacutesentent finalement des
conseacutequences du pragm3tisme une doctrine meacutethodeutique de la seacutemiotique en ce
quelles se fondent sur les analyses de la phaneacuteroscopie pm la prise en compte des
di f1eumlrents aspects de la reacutealiteacute et de la seacutemiotique par la critique du raisonnemento Il
conven3it cependant de preacutesenter 13 meacutetaphysique avant la ph3neacuteroscopie et la
On pourrait sc dcmandcr siumllne sagit pas lil plutocirct dc doctrincs eacutepisteacutemologiques Cl non
meacutelaphysiqucs mais leilcc nuli 1isc (oui simplement pas le terme d laquoeacutepisteacutenwlogicraquo Leacutepisteacutemologie en tant que theacuteorie ue la euumlnnaiss~lncc semble ecirctle pour lui une bl~lnehe de la meacutelltlrh) sique ct nous pouons rcnsel qUII elasser~lit la philosophic des sciences dans les sciences reacutetmspeelives ou mecircl11e CIleore 11 meacutetaph)siquc Il dit une il1is au sujet de Imiddoteacutepisteacutemologie en inlroduisantla gnll11maire speacuteCLilatic eomlllc rrcmiegravere seienec logique
Other logiciI1s clldeorillg to steel elear or psyclwlog) as lal ilS rossibk lhillk thal this Jirst blI1ch olIogic I11lsl relne 10 lhe posibilily or knolcdgc or Ihe lcal Vorld alld liron the sellse in hieh il is Inle Ihal Ihe lcal orlll eall be kno n This bran ch 01 rhiloso[Jh) clilcd epistel11gy 01
rkelliJIl7isehre is ncccssarily jltJrgely I11claphysicill (112 257 1(()3)
24
seacutemiotique afin de donner agrave ces derniegraveres un horizon envisageacute dans le sens de leur
app 1ication
131 Phaneacuteroscopie theacuteorie des cateacutegolies
La phaneacuteroscopie peut ecirctre preacutesenteacutee dans un but heuristique selon deux
approches diffeumlrentes lune allant dans le sens formel des principes et lautre dans le
sens mateacuteriel des donneacutees 1 ny a toutefois pas de solution de continuiteacute entre la
forme et la matiegravere car selon la doctrine de lideacutealisme objectif la matiegravere nest quune
forme contrainte par lhabitude laquomatter is effete mind inveterate habits becoming
physical lawsraquo (EP 1 293 1891) ou encore laquomatter is merely mind deadened by the
development of habitraquo (CP 8318 1891) Peirce deacuteveloppe la phaneacuteroscopie agrave partir
de sa theacuteorie des cateacutegories dabord conccedilue comme une theacuteorie de la cognition dont
les conceptions reacuteduisant la diversiteacute de la Substance agrave luniteacute conceptuelle de lEcirctre
sont la Repreacutesentation la Relation la Qualiteacute (EP 1 6 1867) Il propose dans sa
theacuteorie cognitive des cateacutegories une approche psychologisante de la logique illustreacutee
par mais non fondeacutee sur la psychologie selon laquelle il deacutecrit Je processus
dabstraction qui permet la cateacutegorisation dans un exposeacute meacutelangeant les aspects
formel et mateacuteriel Peirce qui deacutefend au moment de sa theacuteorie initiale une ontologie
reacutealiste comprenant des eacuteleacutements nominalistes adoptera eacuteventuellement un reacutealisme
dur Les cateacutegories seront alors deacutetinies comme des eacuteleacutements universellement preacutesents
agrave lesprit et seront nommeacutees dans leur plus grande geacuteneacutera 1iteacute Prem iegravereteacute Deuxiegravemeteacute
Troisiegraverneteacute Cest cette derniegravere approche phaneacuteroscopique que je retiendrai surtout
ici puisque cest delle que procegravede la seacutemiotique peirceacuteenne pleinement deacuteveloppeacutee
qui rera lobjet de la prochaine section
Selon lapproche la plus proprement formelle de la phaneacuteroscopie les
cateacutegories sont deacuteriveacutees des intuitions matheacutematiques exposeacutees dans les
25
matheacutematiques de la logique (CP 4250-323 1902 laquoThe Simplest Mathematicsraquo) Le
matheacutematicien deacutecouvre il travers ses raisonnements sur les formes hypotheacutetiques de
la reacutealiteacute la triadiciteacute des structures formelles primitives authentiques (genlline) et leur
dyadiciteacute dans une forme deacutegeacuteneacutereacutee (degeneroe) La dyade constitue un point de
deacutepart dans la reacutealiteacute actuelle et est donc la premiegravere structure analyseacutee mais avec le
deacuteveloppement de la reacuteflexion matheacutematique cest la triade qui fait loi Peirce
distingue eacutegalement selon une approche moins essentiellement tonnelle mais plus
proprement philosophique puisque logique trois modes de seacuteparation dans la penseacutee
la dissociation la preacutescission et la discrimination (cf laquoSundry Logical Conceptionsraquo
EP2 267-72 1903) La description phaneacuteroscopique consiste alors agrave effectuer ces
diffeacuterents types de seacuteparation mentale afin de mettre en eacutevidence les eacuteleacutements
un iversellement preacutesen ts agrave lesprit Les tro is cateacutegories sont om nipreacutesen tes dans la
penseacutee mais les modes de seacuteparation qui sappliquent agrave chacune dentre elles
diffegraverent A insi la d issoc iation est une opeacuteration de Prem iegravereteacute selon laquelle on peut
imaginer un eacuteleacutement sans un autre la preacutescission est une opeacuteration de Deuxiegravemeteacute
selon laquelle on peut supposer un eacuteleacutement sans un autre mais non limaginer et la
discrimination est une opeacuteration de Troisiegravemeteacute selon laquelle on peut repreacutesenter un
eacuteleacutement sans un autre mais non Je supposer ni limaginer La diffeacuterence entre les
modes de seacuteparation deacutecoule de lordre de genegravese des cateacutegories et du lien de
deacutependance non reacuteciproque qui les unit La Premiegravereteacute se suffit agrave elle-mecircme la
Deuxiegravemeteacute deacutepend de la Premiegravereteacute mais non de la Troisiegravemeteacute et la Troisiegravemeteacute
deacutepend agrave la tais de la Premiegravereteacute et de la Deuxiegravemeteacute Le scheacutema suivant preacutesente les
diffeacuterents aspects tormels de la structure
Niveaux cOleacutegoriels des l1odes de seacuteparolion
1deg Dissociation seacuteparation de Premiegravereteacute
2deg Preacutescission seacuteparation de Deuxiegravemeteacute
3deg Discrimination seacuteparation de Troisiegravemeteacute
26
Deacutefinitions en termespllJs intuitifs
1deg On peut imaginer un eacuteleacutement sans un autre
2deg On peut supposer un eacuteleacutement sans un autre mais non limaginer
3deg On peut repreacutesenter un eacuteleacutement sans un autre mais non liumlmaginer ni le
supposer
(Par exemple 1deg on peut imaginer une couleur sans une autre 2deg on peut
supposer quune couleur nait pas dintensiteacute speacutecij~que (ainsi lorsquon parle
du rouge en geacuteneacuteral la rougeur (rednessraquo mais on ne peut limaginer 3deg on peut
repreacutesenter lintensiteacute dune couleur sans cette couleur (lorsquon donne une
formule matheacutematique repreacutesentant lintensiteacute) mais on ne peut la supposer ni
1iumlmagi ner)
Porteacutee des modes de seacutejJorotion
1deg On peut
- dissocier un Premier dun autre Premier
2deg On peut
- preacutescinder un Deuxiegraveme dun autre Deuxiegraveme
- preacutescinder un Premier dun Deuxiegraveme mais non un Deuxiegraveme dun Premier
3deg On peut
- discriminer un Troisiegraveme dun autre Troisiegraveme
- discriminer un Premier dun Troisiegraveme mais non un Troisiegraveme dun Premier
- discriminer un Deuxiegraveme dun Troisiegraveme mais non un Troisiegraveme dun
Deux iegraveme
De plus selon lordre de genegravese et le lien de deacutependance non reacuteciproque qui unit les
cateacutegories le scheacutema peut se complexifier si lon considegravere la dissociation possible de
la Premiegravereteacute avec la Deuxiegravemeteacute dun Deuxiegraveme la dissociation possible de la
Premiegravereteacute avec la Premiegravereteacute dun Troisiegraveme etc Remarquons finalement que la
Premiegravereteacute ofije le plus de possibiliteacutes de seacuteparation mais que son propre niveau
requiert la plus grande seacuteparation Les possibiliteacutes de seacuteparation de la Troisiegravemeteacute
sont quant agrave elles plus restreintes mais le niveau propre de celle-ci requiert une plus
27
petite seacuteparation En dautres termes la seacuteparation au niveau de la Premiegravereteacute requiert
une plus grande implication logique et ontologique quune seacuteparation au niveau de la
Troisiegravemeteacute
Selon lapplOche mateacuterielle de la phaneacuteroscopie les cateacutegories sont plutocirct
deacutecrites agrave partir des donneacutees immeacutediates de la philosophie les faits de lexpeacuterience
commune en tant qu eacuteleacutements pheacutenomeacutenaux invariablement preacutesents dans la penseacutee
tels que la qualiteacute pour la Premiegravereteacute le fait brut pour la Deuxiegravemeteacute et la loi pour la
Troisiegravemeteacute Cest cette approche que Peirce utilise le plus souvent afin dillustrer sa
theacuteorie Les sens formel et mateacuteriel sont tous deux distingueacutes implicitement dans les
deacutefinitions suivantes
Categoly the First is the Idea of that which is such as it is regardless of
anything else That is to say it is a Qiality of Feeling
Category the Second is the Idea of that which is such as it is as being Second
to SOllle First regardless of anything else and in particular regardless of any 011
although it Illay conforlll to a law That is to say it is Reaction as an eleillent of
the Phenomenon
Category the Third is the Idea of that which is such as it is as being a Third
or Medium between a Second and its First That is to say it is Representation as an
element of the Phenomenon
(EP2 160 1903)
Dans sa formulation initale de la theacuteorie des cateacutegories Peirce considegravere aussi
deux cateacutegories suppleacutementailes lEcirctre et la Substance Les trois cateacutegories
intermeacutediaires correspondant lt1 la Premiegravereteacute la Deuxiegravemeteacute et la Troisiegravemeteacute sont
alors nommeacutees Qualiteacute Relation et Repreacutesentation Les cinq cateacutegories sont deacutefinies
cOl11me des conceptions universelles servant agrave reacuteduire la diversiteacute des impressions
sensibles en une uniteacute Les trois cateacutegories intermeacutediaires sont consideacutereacutees comme des
accidents reacuteduisant progressivement la diversiteacute de la Substance agrave luniteacute conceptuelle
pure de I~Ecirctre Dans le langage cette reacuteduction seffectue au sein de la proposition
luniteacute conceptuelle geacuteneacuterale comprenant les diffeacuterents niveaux de la reacuteduction Peirce
28
reacutesume les cateacutegories dans le scheacutema suivant
Being
Quality (Reference to a Ground)
Relation (Reference to a Correlate)
Representation (Reference to an Interpretant)
Substance
(EPI 61867)
Peirce fait de plus la distinction aussi bien dlI1s ses premiers eacutecrits menant agrave la
formulation de la theacuteorie des cateacutegories initiale que dans les eacutecrits sur la
pheacutenomeacutenologie entre les cateacutegories universelles jusquici preacutesenteacutees et quil a
surtout deacuteveloppeacutees et les cateacutegories paliiculiegraveres dont il na pas termineacute leacutetude
mais quil em ploie largement dans son œuvre Les cateacutegories un iverselles sont
organiseacutees selon un ordre hieacuterarchique solidaire et sont preacutesenteacutees dans la liste courte
de la triade fondamentale Prem iegravereteacute Deuxiegravemeteacute Troisiegravemeteacute Les cateacutegories
particuliegraveres sont plutocirct organiseacutees selon un modegravele ternaire une seule agrave la fois eacutetant
preacutesente ou du moins preacutedominante dans un pheacutenomegravene (EP2 148 1903) Ces
cateacutegories se multiplient en un nombre indeacutetermineacute et repreacutesentent une longue liste
que Peirce na pas compleacuteteacutee Nous pouvons toutefois en suivant ses eacutecrits classer
quelques-unes de ces cateacutegories en tables selon laspect de la reacutealiteacute sur lequel elles
portent de la maniegravere suivante
Aspect de la reacutealiteacute Cateacutegories particuliegraveres
modaliteacute possibiliteacute actualiteacute neacutecessiteacute (EP2 491)
qualiteacute neacutegation aftiumlnnation infiniteacute dintermeacutediaires (EP2
353)
relation monade dyade triade (EP2 424-7)
[sign if~cat ion] vagueur (laglleness) deacutetermination geacuteneacuteraliteacute (EP2
350-52)
quantiteacute particulariteacute singulariteacute universaliteacute (EI)2 353)
Les principaux aspects de la reacutealiteacute ici distingueacutes selon un scheacutema inspireacute des tables
29
kantiennes auxquelles sajoute la signification (je la deacutesigne comme telle) semblent
correspondre aux cinq cateacutegories de la theacuteorie des cateacutegories initiale la modaliteacute eacutetant agrave
relier agrave lEcirctre (Peirce en discute aussi en termes de laquomodes decirctreraquo (EP2 269 1903))
la signification agrave la Repreacutesentation la Relation et la Qualiteacute se retrouvant telles quelles
et la quantiteacute se reliant agrave la Substance Les cateacutegories universelles se complexifieraient
de la sorte selon le motif de la quantiteacute en cateacutegories particuliegraveres suivant un modegravele
ternaire La modaliteacute et la quantiteacute encadreraient theacuteoriquement les cateacutegories
universelles philosophiques la Qualiteacute la Relation et la Repreacutesentation qUI
sappliquent plus speacutecifiquement agrave la reacutealiteacute telle que perccedilue dans lexpeacuterience
commune Peut-ecirctre pourrions-nous consideacuterer la modaliteacute et la quantiteacute comme des
cateacutegories laquomeacuteta-philosophiquesraquo propres agrave un autre point de vue au sein des
sciences reacutetrospectif sans doute Toujours est-il que je me limiterai ici agrave lexamen de
deux ensembles de cateacutegories particuliegraveres lune soi-disant meacuteta-philosophique les
modaliteacutes qui permettront dapprofondir la compreacutehension du motif de la
cateacutegorisation peirceacuteenne et lautre proprement philosophique et mecircme logique les
cateacutegories de la signification qui inteacuteressent plus speacutecifiquement le problegraveme envisageacute
dans ce meacutemoire
Ainsi les exemples que Peirce utilise pour deacutelinir ses cateacutegories tant appel aux
modaliteacutes Certaines notions modales sont mecircme lieacutees agrave des cateacutegories speacutecifiques Les
modaliteacutes eacutetant des notions logiques assez intuitives il est inteacuteressant dexaminer le
lien queffectue Peirce entre ces derniegraveres et les cateacutegories en revenant sur les
illustrations concregravetes des cateacutegories et leurs exp 1ications formelles La Prem iegravereteacute est
illustreacutee le plus souvent par une qualiteacute de sensation (qllolilyojjegraveeling) telle le rouge
Avant mecircme quon prenne conscience de la qualiteacute et quon lui accorde une intensiteacute
elle est sous son aspect le plus authentique une simple possibiliteacute ce que Peirce
considegravere comme de la Prel11 iegravereteacute sans Deuxiegravemeteacute La Prel11iegravereteacute la pl us En suivant le motilues cateacutegories rltlrliculiegravetes dc la lJuantiteacute on pcut se dcmanuelnugravelmiddotemenl siumlln) ltlurait pas des cateacutegolies singuliegraveres I)cilcc ne scmole rIS eonsiJeacutenr ec cl1emin de renseacutee (il nest S[II
que ue cc quiumll Joit) lloil deu ordns (lY2 148 1J(3)) Imis on peut imaginer lJuiumll sagilltlil selon son systegraveme de cateacutegolies (d hoc cest-tl-dire que pOlll tel CIS il y uuraillelle laquocateacutegorieraquo lei un nOI11 rlOrlC
30
fondamentale des cateacutegories est donc associeacutee agrave la modaliteacute de la possibi liteacute
laquoPossibility the mode of being ofFirstness is the embryo ofbeing It is not nothing
It is not existenceraquo (EP2 269 1903) La Deuxiegravemeteacute est le plus souvent illustreacutee par
un fait brut tel la compulsion par exemple leffort provoqueacute soudainement
lorsquune porte quon sapprecircte agrave ouvrir nous reacutesiste La modaliteacute qui lui est associeacutee
est lactualiteacute laquoSecondness only is while it actually is The same thing can never
happen tVice As Heraclitus said one cannot cross the same river twice raquo (EP2
268 1903) Cest donc aussi la cateacutegorie de lexistence et de lindividualiteacute de la
situation dans un espace-temps La Troisiegravemeteacute peut quant agrave elle ecirctre illustreacutee entre
autres par Lin ensemble discursif mettant plusieurs propositions singuliegraveres en
relation cest-agrave-dire un argument Cest la cateacutegorie meacutediatrice de la penseacutee de la loi et
de la finaliteacute entendue comme raison ou but La modaliteacute qui lui est associeacutee est la
neacutecessiteacute
On the other hand Necessiy is an idea 01 Thirdness This word is equivocal it is
here taken in the sense of rational ie general necessity It is not a mere cJenial of
Possibility For Possibility in the sense of Firstness is not a subject of denial The
absence of any given possibility is 01 course a possibility but to leave a character
st8ncling and rcmovc From it its possibility is nonsense unJess one means ta speak
of a representamen of the quality in which case the element of Thirclness is the
predominant one (EP2 271 1903)
La relation de deacutependance non reacuteciproque propre aux cateacutegories universelles
sapplique aussi aux modaliteacutes qui leur sont associeacutees La neacutecessiteacute ne nie pas la
possibiliteacute mais limplique Cependant tout comme la Troisiegravemeteacute peut dominer et
laisser la Premiegravereteacute inapparente la neacutecessiteacute peut aussi dominer et laisser la
possibiliteacute sembler seffacer comme caracteacuteristique modale Nous remarquons aussi
que la Troisiegravemeteacute est la cateacutegorie dont la deacutefinition est la plus tagravecile agrave eacutelaborer
discursivement que la Deuxiegravemeteacute est la cateacutegorie la plus tagravecile agrave illustrer par
lexpeacuterience que nous en faisons dans le monde et que la Premiegravereteacute est tout
simplement la cateacutegorie la plus difficile agrave saisir bien que la plus fondamentale La
deacutefinition agrave laide dillustrations recoupe leacutelaboration formelle preacutesenteacutee plus haut
31
mais implique les modaliteacutes de faccedilon plus eacutevidente La structure deacutegageacutee dans
lexposition formelle se reflegravete donc aussi sur les modaliteacutes
Le lien queffectue Peirce entre les cateacutegories et le langage dans la theacuteorie des
cateacutegories in itiale nOLIs informe eacutegalement au sujet des modal iteacutes Les cateacutegories
opegraverent une unification conceptuelle au sein de la proposition qui consiste en la mise
en relation clu preacutedicat et de ses sujets culminant clans la conception dmiddotEcirctre Or la
modaliteacute est dans sa deacutefinition canonique une notion moditiant la relation diumlnheacuterence
subsistant entre le sujet et le preacutedicat Les modaliteacutes sont donc des notions tregraves
semblables aux cateacutegories universelles Peirce dit lui-mecircme dans sa preacutesentation plus
tardive et pheacutenomeacutenologique des cateacutegories laquoA Possibility and a Firstness are pretty
nearly identicalraquo (EP2 271 1903) Et il preacutecise ailleurs dans le mecircme article nous
lavons vu plus haut laquoPossibility the mode of being of Firstness is the embryo of
beingraquo (EP2 269 1903) Si nous faisons le lien entre laftinnation selon laquelle laquola
possibiliteacute [est] le mode decirctre de la Premiegravereteacuteraquo et la liste initiale des cateacutegories nous
pouvons comprendre le mode decirctre comme eacutetant une modification de luniteacute
conceptue Ile pure de la cateacutegorie dEcirctre par des accidents Les cateacutegories
intermeacutediaires sont les accidents graduels de la conception dEcirctre et la modaliteacute est la
qualitication de ces accidents Les modaliteacutes indiquent donc la maniegravere dont les
cateacutegories accidentelles opegraverent la reacuteduction du divers sensible en une uniteacute imparfaite
par rapport agrave luniteacute pure de lEcirctre qui na pas de modaliteacute En nous reacutereumlrant
eacutegalement agrave la liste initiale des cateacutegories nous pouvons aussi comprendre
latlirmation selon laquelle laquola possibiliteacute est lembryon de lecirctreraquo puisque la
cateacutegorie universelle dont la possibiliteacute est la modaliteacute correspondante la qualiteacute est la
derniegravere conception avant luniteacute conceptuelle pure de lEcirctre Nous tirons de ces
consideacuterations le scheacutema reacutecapitulatif su ivant
32
Ecirctre mode decirctre
Qualiteacute possible
Relation accidents qualifieacutes de actuel
Repreacutesentation neacutecessaire
Substance
La modaliteacute est de plus abordeacutee en logique dans la partie modale des graphes
existentiels mais celle-ci est resteacutee largement inacheveacutee et reste inaccessible sans une
introduction agrave la meacutethode des graphes existentiels La modaliteacute est sinon mentionneacutee
par Peirce lorsquil eacutetudie les propositions dans le cadre de sa theacuteorie des signes Mais
il ne fait alors que suivre la tradition scolastique et kantienne en en reprenant les
deacutefinitions Toutefois cela nous indique que sa conception devrait pour lessentiel
saccorder avec cette tradition quil a eacutetudieacutee en profondeur et dont il sest
certainement inspire Honn is les deacutefinitions de dictionnaire eacutecrites par Peirce la
principale occurrence dune deacutefinition des modaliteacutes dans le cadre de leacutetude
seacutemiotique des propositions est la suivante
ln the fiumlrst place accordillg to Ivodalily [ J or Mode [ J a prOposition is either
de inesse [ ] or modal A proposition de inesse contemplates ollly the existing
state of things-existing that is in the logical ulliverse of c1iscourse A modal
proposition takes account of a whole range of possibility According as it asserts
something to be true or fnlse throughout the whole range of possibility it is
necessary [ J or impossible According as it asserts something to be true or false
within the range of possibility (not expressly including or excluding the existent
state of things) it is possible [ ] or conlingenl (EP2 283 1903)
La conception de la modaliteacute formuleacutee ici correspond exactement agrave celle entrevue
jusque maintenant dans lexamen de la phaneacuteroscopie Selon la modaliteacute une
proposition est soit de inesse ou modale Le de inesse correspond agrave la modaliteacute cie
lactualiteacute La possibiliteacute est aussi reconnue comme un aspect fondamental des
Le long article encyclopeacutedique sur lu modoliteacute que leircc a eacutecril pour le dictionnaire de lames Mark 13uldin reacutesume les conceptions ue ces deux lraditions (CI 2382-90 1902) Les parenthegraveses omises dons la citation suivante lonl dailleurs reacuteleumlrcnec au lermes uorigine el il leurs au leurs (I~()egravece
Iheacutel)Id Kal1l)
33
modaliteacutes Les modaliteacutes sont ensuite classeacutees selon le champ de possibiliteacute consideacutereacute
la modaliteacute qui englobe tout le champ du possible est la neacutecessiteacute si la proposition est
positive et limpossibiliteacute si la proposition est neacutegative et la modaliteacute qui ne
considegravere quune partie du champ du possible est la possibiliteacute si la proposition est
positive et la contingence si la proposition est neacutegative Il est inteacuteressant de noter
que lactualiteacute est consideacutereacutee comme une modaliteacute et que la phaneacuteroscopie ne
consideacuterait en plus de lactualiteacute que les modaliteacutes positives de la neacutecessiteacute et la
possibiliteacute La deacutefinition de la philosophie citeacutee plus tocirct preacutecise bien quelle est laquoune
science jJOsiive en ce sens quelle deacutecouvre ce qui est reacuteellement vrairaquo La seconde
occurrence significative des modaliteacutes dans un contexte seacutemiotique est le postshy
scriptum dune lettre agrave Lady Welby La modaliteacute y sert agrave caracteacuteriser les diffeacuterents
types de signes
1 signifies the Possible Modality that of an Idea
2 signifies the Actual Modality that of an Occurrence
3 signilies the Necessary Moclality that of a Habit
(EP2 4911908)
Les chiffres (1 2 3) deacutecrivent chacun un aspect du signe dans un scheacutema de
combinntoires deacutefinissant les dix classes de signes Lactualiteacute est agrave nouveau reconnue
comme modaliteacute tandis que seules les modaliteacutes positives de ln possibiliteacute et la
neacutecessiteacute sont eacutegalement retenues dans le cadre dune description phaneacuteroscopique
servnnt agrave caracteacuteriser les dineumlrents types de signes
Les cateacutegories particuliegraveres de la signification ne sont pas preacutesenteacutees
explicitement dans les tables de Kant mais Peirce les fait remonter agrave ce demier (EP2
352 1905) Lexposeacute le plus complet des cateacutegories de la signification se trouve dans
larticle de 1905 intituleacute laquoIssues ofPragl11aticisl11raquo (EP2 346-59) auquel peuvent ecirctre
ajouteacutees les deacutefinitions du LenlIry Dicio1mJ el du dictionnaire de Baldvin le
deacute1inirai tout dabord chacune des trois conceptions puis les aliiculerai les unes avec
les autres pour finalement me concentrer sur la porteacutee de la geacuteneacuteraliteacute dans le systegraveme
des sciences Il sera plus commodc dc prcndrc pour point de deacutepart la reacutealiteacute actuelle
34
et de deacutefinir en premier I() cateacutegorie particuliegravere de la signitication qui lui correspond la
deacutetermination La signification dun terme est dite deacutetermineacutee lorsque la Deuxiegravemeteacute
domine la repreacutesentation La relation entre le terme et ses objets est alors actuelle
quelle soit affirmeacutee ou nieacutee les qualiteacutes de lun eacutetant attribueacutees agrave lautre Ainsi un
nom commun deacutesigneacute par un adjectif deacutemonstratif est un exemple de terme dont la
signification est deacutetermineacutee Les cateacutegories du vague et du geacuteneacuteral sont toutes deux
indeacutetermineacutees Peirce donne la deacutetinition suivante de la deacutetermination
A subject is delerminale in respect ta any character which inheres ln it or is
(universally and ltlt1iliumlllatively) predicated of il as weil as in respect ta the negative
of such character these being the very saille respect In ail other respecls it is
indelerlllil1ole (EP2 350 1905)
La sign ificeacuteltion d un tcrmc est plutocirct dite lagile lorsque son caractegravere de Prcm iegravercteacute
esl preacutepondeacuteranl La relation entre le terme et les objets auxquels il est altribuable
nest alors que possible elle reste agrave deacuteterminer dans le processus interpreacutetatif Le
champ dapplication du terme neacutelant pas initialement entrevu la signification est dite
non seulement indeacutetermineacutee mais eacutegalement indeacutefinie Un mot agrave la signification
inconnue dans son premier abord mais speacutecitiable par la suite esl un exemple de
terme vague La deacutefinition du vague que donne Peirce est la suivante
A sign that is objectively indetenninate in any respect is objectively vague in sa
far as it reserves further determination ta be made in saille other conceivable sign
or nt least does not appo int the interpreter as its deputy in this office (EP2 351
1905)
La signification dun terme est finalement dite geacuteneacuterale lorsque cest la Troisiegravel11eteacute
qui domine la repreacutesentation La relation entre le terme et les objets auxquels il est
imputable eSl alors neacutecessaire car bien quelle soit indeacutetermineacutee elle reste limiteacutee agrave
une porteacutee bien deacutefinie La signification du terme geacuteneacuteral est pour cette raison dite
deacutefinie par opposition agrave lautre cateacutegorie indeacutetermineacutee du vague La conception
dEcirctre implicite agrave toute proposition constitue la signification geacuteneacuterale par excellence
exprimant la relation d iumldenti teacute propre agrave tous les objets eacutemergeant d un mecircme
continuum phaneacuteronique et repreacutesenteacutes aussi dans un mecircme continuum seacutemiotique
Peirce deacutetinit le geacuteneacuteral cOmme suit
35
A sign (under which designation 1 place every kind of thoughL and not alone
external signs) that is in any respect objectively indetenninate (ie whose object
is undeterlllined by the sign itself) is objectively genera in so far as it extends to
the interpreter the privilege of carrying its deterlllination fmtheL (EP2 350
1905)
Agrave un niveau plus speacutecifiquement logique Peirce donne une cleacute suppleacutementaire agrave
linterpreacutetation des deux cateacutegories indeacuteterlll ineacutees en di san t que le princ ipe du tiers
exclu ne sapplique pas agrave ce qui est geacuteneacuteral tandis que le principe de contradiction ne
sapplique pas il ce qui est vague (FP2 351 1905) Nous pouvons en deacuteduire que la
cateacutegorie de la deacutetermination implique les deux principes agrave la fois eacutetant la plus
contrainte dans le cadre de la reacutealiteacute actuelle Peirce nomme aussi preacutecision lacte de
deacutetermination pouvant ecirctre accompli par un interpregravete celui qui effectue la relation de
signification (EP2 352 1905)
les trois cateacutegories particuliegraveres de la signification sont ordonneacutees entre elles
selon le mecircme ordre hieacuterarchique que les cateacutegories universelles agrave cette diffeumlrence pregraves
que lordre des premiegraveres nest pas solidaire cest-agrave-dire quil nest pas triadique
mais ternaire L ordre de genegravese reste le mecircme le vague eacutetant la conception la plus
eacuteleacutementaire suivie de la deacutetermination et de la geacuteneacuteraliteacute dans le deacuteveloppement du
processus de signification laquoLooking upon the course of logic as a who le vve see that it
proceeds from the question to the answer-from the vague to the definite And so
likewise ail the evolution we know of proceeds from the vague to the definiteraquo (CP
6191 1898 un autre exemple psychologique cette fois en CP 3160 1880)
Toutefois la preacutesence dune cateacutegorie n iuml mpl ique pas neacutecessa irement celle des deux
autres Cela sexplique si Ion considegravere quau sein des cateacutegories de la quantiteacute lautre
ensemble de cateacutegories meacuteta-phi losoph iques en compleacutement de la modaliteacute la
particulariteacute fait figure de Premier et luniversaliteacute de Troisiegraveme La particulariteacute
nimplique donc que chacune des cateacutegories pour elle-mecircme tandis que luniversaliteacute
implique lensemble des relations de deacutependance non reacuteciproque entre les diffeumlrentes
Ane pas cont()JlJrc ~lee lopeacutel~ltion Jabstraction preacuteseission qui consisk Ugrave cleacutecl Ull ens llIlionis
par exemple la noilcellr (illckness) de tous les obiets Iloirs
36
cateacutegories Le lien entre les cateacutegories est de la sorte bien reconnu mais leur mise en
preacutesence nest pas neacutecessaire Notons cependant que les cateacutegories particuliegraveres de la
modaliteacute semblaient impliquer le lien de cleacutependance non reacuteciproque de lagraveccedilon plus
explicite et quelles se rapprochaient en cela des cateacutegories universelles Disons agrave ce
sujet que dans le systegraveme continu de Peirce tout est affaire de degreacute et que mecircme au
sein des diffeacuterents ensembles de cateacutegories la caracteacuterisation ne simpose que
graduellement Peirce ne propose pas cette expl ication lui-mecircme et n eacuteta it pas
satisfagraveit du moins en 1903 de la distinction entre les deux modegraveles celui ternaire des
cateacutegories particuliegraveres et celui triadique des cateacutegories universelles (EP2 148 1903)
mais cette explication entendue de faccedilon nuanceacutee eacutetant coheacuterente avec son systegraveme je
ladopterai pour la suite cie mon argumentation Peirce reconnaicirct cie plus une certaine
polariteacute entre la Premiegravereteacute et la Troisiegravemeteacute qui semblent ainsi graviter autour cie la
Deuxiegravemeteacute comme si l actua 1iteacute consti tuai t un po int de vue central sllr les deux
alitres aspects de la reacutea 1iteacute Il alticule souvent les cateacutegories Premiegraveres et Troisiegravemes
ensemble tel que clans cet extrait reacuteveacutelateur laquopossibility being the denial of a
necessity which is a kind of generality is vague like any other contradiction of a
generatraquo (EP2 354 1905) La Troisiegravemeteacute entretient donc un certain lien privileacutegieacute
avec la Prem iegravereteacute de mecircme que la geacuteneacuteral iteacute avec la vagueur
A fin de deacuteterminer maintenant quelle est la porteacutee de la geacuteneacuteraliteacute dans le
systegraveme des sciences revenons au scheacutema classificatoire preacutesenteacute dans la section
preacuteceacutedente La classification cles sciences suit le motifcles cateacutegories et chaque science
possegravede de la sorte un aspect cateacutegoriel preacutepondeacuterant qui se combine agrave dautres
aspects lors de lapprofondissement de la structure du systegraveme La science est la plus
geacuteneacuterale des activiteacutes humaines et cest la Troisiegravemeteacute qui la marque de ce point de
vue Au sein mecircme des sciences heuristiques Premiegraveres des sciences les
matheacutematiques sont Premiegraveres et vagues on peut les appliquer dans plusieurs sens
qui restent agrave lorigine indeacutefinis Les sciences idioscopiques sont plutocirct Troisiegravemes et
geacuteneacuterales leurs applications eacutetant multiples mais deacutefinies en fonction de certains
37
champs dapplication speacutecifiques La philosophie est quant agrave elle la science
heuristique la plus actuelle et deacutetermineacutee partant dans ses recherches de
lappreacutehension de la reacutealiteacute agrave travers lexpeacuterience commune On accentue souvent le
caractegravere geacuteneacuteral de la philosophie mais il sagit sans doute de la geacuteneacuteraliteacute de toutes
sciences qui devient plus marqueacutee suivant la concordance de notre propre point de
vue actuel avec lobjet de la philosophie les fagraveits de lexpeacuterience commune Parmi les
sciences philosophiques mecircmes la phaneacuteroscopie se reacutefegravere vaguement agrave la reacutealiteacute dans
leacutetude de sa man i festation prem iegravere les sciences normati ves proposent dordonner
selon des principes deacutetermineacutes notre relation au reacuteel tandis que la meacutetaphysique
efrectue un retour reacutellexif geacuteneacuteral sur la reacutealiteacute comprise comme un tout deacute1ini mais
saisissable de difteumlrentes faccedilons
La science normative qui inteacuteresse le meacutemoire est la seacutemiotique ou logique
geacuteneacuterale identifieacutee agrave la theacuteorie des signes La seacutemiotique est Troisiegraveme et geacuteneacuterale elle
eacutetudie la penseacutee qui permet de saisir en un tout coheacuterent la reacutealiteacute mais elle leacutetudie
avant tout dans le but de proposer des principes dilecteurs agrave la penseacutee tireacutes de
lexamen mecircme de la structure de la reacutealiteacute Ultimement dans la doctrine du
pragmatisme le but de la logique sous son aspect meacutethodeutique est de montrer le
chemin menant agrave ladeacutequation de la penseacutee avec la reacutealiteacute En indiquant la voie agrave suivre
dans la confrontation agrave la reacutealiteacute actuelle la seacutemiotique reste Deuxiegraveme mais possegravede
neacuteanmoins un aspect Troisiegraveme important en ce quelle porte sur leacuteleacutement meacutediateur
de la reacutealiteacute la penseacutee La seacutemiotique fournit donc des principes normatifs geacuteneacuteraux
aux sciences qui en deacutependent y compris les sciences idioscopiques et plus
speacutecifiquement la linguistique et la science de leacutecriture Ces principes sont geacuteneacuteraux
en ce quils concernent leacuteleacutement meacutediateur de la penseacutee qui ne reflegraveterait ultimement
que la structure de la reacutealiteacute comprise de faccedilon adeacutequate ce qui rend les principes de la
seacutemiotique deacutefinis mais qui comprend lensemble des repreacutesentations possibles de la
reacutealiteacute ce pour quoi la signification des principes demeure indeacutetermineacutee
38
le terminerai cette section en examinant comment seffectue le passage du
phaneacuteron au signe question que jaborderai en consideacuterant le problegraveme exeacutegeacutetique du
lien entre la phaneacuteroscopie et la theacuteorie des cateacutegories initiale Le passage de la
Substance agrave lEcirctre dans la theacuteorie in i tia le peut ecirctre rapprocheacute de ce 1ui du phaneacuteron au
signe dans la theacuteorie tardive Le phaneacuteron comprend les trois aspects fondamentaux de
la reacutealiteacute au premier abord indiffeacuterencieacutes tandis que la substance est une conception
permettant de saisir lensemble des impressions sensibles Ceci nous rappelle par
ailleurs les trois propositions qui venaient appuyer la doctrine du pragmatisme et
selon lesquelles le point de deacutepart du processus cognitif faisant sens des impressions
sensibles est un jugement perceptuel qui contient des eacuteleacutements geacuteneacuteraux Le passage
du phaneacuteron au signe consiste ensuite en une prise de conscience explicite graduelle
des trois aspects de la reacutealiteacute qui se preacutesentent dabord agrave la conscience sans se
diffeacuterencier de celle-ci jusquagrave leur repreacutesentation par des signes au sein de la
conscience repreacutesentative la cognition seacutemiotique Ce passage est caracteacuteriseacute par une
geacuteneacuteralisation croissante des eacuteleacutements distingueacutes ou plus exactement par leur
deacutetermination allant dune preacutepondeacuterance de la Premiegravereteacute du phaneacuteron agrave celle de sa
Deuxiegravemeteacute Les eacuteleacutements sont extraits du phaneacuteron qui se preacutesente agrave la conscience
par le biais dune coalescence perceptuelle puis se distinguent de la conscience et la
confrontent en tant que faits perceptuels et sont finalement saisis dans le jugement
perceptuel Ils peuvent alors ecirctre repreacutesenteacutes et se deacutevelopper en tant que signes dans
le sens de la geacuteneacuteralisation croissante de la repreacutesentation
Le problegraveme du lien des cateacutegories phaneacuteroscopiques avec les cateacutegories
initiales consiste en ceci que lordre de cateacutegorisation nest pas le mecircme dans les deux
theacuteories Dans la theacuteorie initiale lordre de passage des cateacutegories intermeacutediaires de la
Substance agrave lEcirctre est de la Repreacutesentation (Troisiegraveme) agrave la Relation (Deuxiegraveme) puis
la Qualiteacute (Premiegravere) tandis que selon la phaneacuteroscopie lordre de passage du
phaneacuteron au signe duumlmentconstitueacute est de la Premiegravereteacute agrave la Deuxiegravemeteacute puis agrave la
le Illinspire ici Je Imiddotcposeacute JnJeacute I)e Tienne (2000) Illnis ne lais ljuefJ1euITI ln surlilCC Je son eacutelrgulllenl
39
Troisiegravemeteacute toutes trois cateacutegories eacutetant preacutesentes mais chacune devenant
preacutepondeacuterante selon leur ordre de genegravese Toutelois la porteacutee des cateacutegories de la
theacuteorie initiale est limiteacutee agrave la cognition alors que la phaneacuteroscopie comprend comme
son objet la totaliteacute du pheacutenomegravene preacutesent ft lmiddotesprit La Substance serait donc agrave situer
au niveau seacutemiotique de la description phaneacuteroscopique et la phaneacuteroscopie serait de
la sorte plus englobante que la theacuteorie des cateacutegories in itiale Il en serait ainsi de mecircme
que pour labduction qui repreacutesente un niveau avanceacute du processus cognitif deacutebutant
agrave un niveau plus fondamental avec le jugement perceptuel Il reste malgreacute cette
distinction ft expliquer le problegraveme de linversion des cateacutegories dune theacuteorie agrave
lautre Je propose comme explication que le deacuteveloppement des cateacutegories de la
theacuteorie initiale dans le sens de la reacuteduction du divers sensible en une uniteacute est le cas
limite de la cognition par signes Dans le cours de lunification de lexpeacuterience par la
repreacutesentation il vient un moment ougrave le processus allant dans le sens dune
domination toujours croissante de la raison sur la reacutealiteacute seacutepuise La seule issue agrave une
seacutemiose infinie est alors le retour aux eacuteleacutements plus fondamentaux de la reacutealiteacute un
retour qui nest toutefois pas une reacutegression puisque chaque aspect de la reacutealiteacute
demeure important et nest que mieux valoriseacute Le retour consiste donc agrave passer de la
repreacutesentation de la reacutealiteacute la conception de lunivers comme un symbole agrave la
consideacuteration des relations constitutives de cette reacutealiteacute et puis de ses qualiteacutes jusquagrave
lunification ultime de lexpeacuterience en lEcirctre qui lui-mecircme nest pas un signe La
conception decirctre est bien un signe geacuteneacuteral le plus geacuteneacuterd qui soit mais lEcirctre luishy
mecircme est au-delagrave de la cateacutegorisation propre au domaine phaneacuteronique Cette
speacuteculation sur le sens du procegraves de la reacutealiteacute chez Peirce serait agrave tout le moins
appuyeacutee par la doctrine du pragmatisme qui preacuteconise le retour agrave lactualiteacute degraves lors
que la structure de la reacutealiteacute a eacuteteacute saisie par la raison Ce problegraveme nous megravene au
champ de la meacutetaphysique qui deacutepasse le cadre de ce meacutemoire et je ne
lapprofondirai donc pas mais la solution suggeacutereacutee devrait permettre douvrir le
systegraveme de Peirce en lui donnant de nouvelles possibiliteacutes de penseacutee
40
132 Seacutemiotique theacuteorie des signes
La seacutemiotique ou logique de Peirce est une science des signes cherchant les
conditions formelles de la signification vraie de la repreacutesentation adeacutequate de la reacutealiteacute
par des signes La penseacutee seffectuant par signes la seacutemiotique occupe une place
centrale dans lordre des sciences heuristiques Elle comporte trois branches la
grammaire speacuteculative qui deacutecrit la constitution mecircme du signe distingue ses
diffeacuterents types et organise ceux-ci en classes la logique critique qui analyse plus
speacutecitiquement les arguments et permet ainsi de juger de leur validiteacute ou leur degreacute de
force et la meacutethodeutique qui eacutetudie les conditions de la production de signes Je
preacutesenterai dans cette section la seacutemiotique en me concentrant sur la grammaire
speacuteculati ve qu i en consti tue la partie la plus inteacuteressante en ce qui concerne leacutetude de
leacutecriture mais je la relierai tout de mecircme par la suite agrave la logique critique et la
meacutethodeutique en palticulier agrave la doctrine du pragmatisme
Quest-ce quun signe La seacutem iotique en tan t que grammaire speacuteculative
reprend le motif structurel des cateacutegories et sa deacutetinition du signe est donc triadique
cest-agrave-dire quelle distingue trois termes interdeacutependants et irreacuteductibles de la relation
de signification authentique soit le signe proprement dit lobjet et linterpreacutetant Une
structure est dite laquoauthentiqueraquo lorsquelle respecte lordre hieacuterarchique solidaire sous
tous ses aspects et est de la sorte purement triadique tandis quune structure dont au
moins un aspect quelconque nentre pas dans lordre de la triade est qualifieacutee de
laquodeacutegeacuteneacutereacuteeraquo Peirce dans une de ses formules les plus claires deacutetinit le signe
formellement comme suit
A Sign or Representomen is a First which stands in such a genuine triadic relation
ta a Secancl called its Object as ta be capable of detennining a Third called its
Interpretant ta assume the same triadic relation to its Object in which it stands
itself ta the same Object The triadic relation is genlline that is its three members
are bauncl tagether by it in a way that does nat consist in any complexus of dyadic
le base pour lessentiel mon c-poseacute de la seacutemiotique sur celui dc Liszka (1996) mais cn deacuteveloppe eacute1utremenlla panic meacutelhoc1eutique que je relie plus direclenleacutenl ugrave la doctrine du pragmatisme
41
relations (EP2 272-3 1903)
Dans ses premiers eacutecrits seacutemiotiques Peirce distingue le signe de son
fondement (grollnd degraves la laquoNew List of Categoriesraquo EP 1 1-10 1867) Le fiJndel7len
du signe est une forme abstraite qui ne retient que certaines caracteacuteristiques de lobjet
celles agrave partir desquelles la signification se construit Une chose devient donc le
fondement dun signe lorsquelle preacutesente un certain aspect dune autre chose lo~jet
Le signe lui-mecircme peut ecirctre pris dans un sens plus large comprenant linstantiation
mateacuterielle et la relation aux autres composantes de la signitication Le tenlle
laquofondementraquo nest plus employeacute dans les derniers eacutecrits mais la preacutesentation dune
forme particuliegravere de lobjet est toujours sous-entendue ainsi dans cet extrait dune
lettre agrave Lady Welby laquo1 use the word --Sign-- in the widest sense for any medium for
the communication or extension of a Form (or feature)) (SampS 196 1906) Le terme
laquorepreacutesentamenraquo est utiliseacute quant agrave lui par lauteur agrave une certaine eacutepoque (voir la
citation ci-dessus de 1903) dans un sens plus large que le signe non limiteacute agrave la
repreacutesentation mentale La deacutefinition du signe tinira cependant par englober ce sens
eacutelargi lillustration par la reacutefeacuterence agrave la repreacutesentation mentale humaine servant
seulement agrave faire comprendre la conception (ce nest quun laquopot de vin agrave Cerbegravereraquo dit
Peirce EP2 478 1908) Lobjet est dautre paria chose correacuteleacutee avec le signe ce dont
le signe tient lieu dans la reacutealiteacute La lieutenance est laspect central de la relation de
sign ification consti tuant le signe dugrave agrave son mode decirctre actuel cest bien parce que
deux choses existant individuellement dans la reacutealiteacute actuelle occupent des positions
deacutetermineacutees et ne peuvent sidentitier parfaitement lune agrave lautre que lune le signe
tient lieu de lautre Iobjet atin de la repreacutesenter tagravece agrave une troisiegraveme chose
(linterpreacutetant) Toutefois des possibiliteacutes et des lois neacutecessaires peuvent aussi servir
dobjets en ce sens quelles deacuteterminent alors de leur propre point de vue modal la
repreacutesentation que le signe en donne au sein de la reacutealiteacute actuelle De faccedilon geacuteneacuterale
une chose devient donc lobjet dun signe lorsquelle est repreacutesenteacutee par ce signe le
signe eacutetant laquoagrave proposraquo de lobjet et deacuteterm ine la repreacutesentation la torl11e de lobjet
42
contraignant la forme du signe Dans la seacutemiotique plus tardive de Peirce lobjet en
tant quil est repreacutesenteacute par le signe est dit illlllleacutediol et en tant quil deacutetermine la
repreacutesentation dYl1olJ7iqllc L inlcrpreacutelol11 est quant agrave lui ce qui est deacutetermineacute par le
signe une autre chose qui devient agrave son tour signe Linterpreacutetation dun signe en un
autre est agrave la Iois un produit un nouveau signe un processus la transformation de la
troisiegraveme chose en signe (la seacutemiose) et un elTet sur lltltinterpregravete)) qui comprend le
signe Linterpreacutetant peut aussi ecirctre consideacutereacute de faccedilon geacuteneacuterale comme une regravegle de
transformation dune chose en un nouveau signe puisque le processus de seacutemiose vise
une certaine tin Une chose devient donc linterpreacutetant dun signe lorsquelle est
deacutetermineacutee par ce signe agrave se transformer en un autre signe repreacutesentant le mecircme objet
selon le mecircme point de vue formel de preacutesentation initiale la production de ce
nouveau signe ayant pour effet dinfluencer un agent interpreacutetant Dans ses derniers
eacutecrits de seacutemiotique Peirce qualifie linterpreacutetant en tant que produit dilJ7l11eacutediul en
tant que processus de dYl1olJ7iqlle et en tant queffet defll1o
Afin dillustrer ces deacutefinitions prenons lexemple suivant de Peirce
Two men are standing on the seashore looking out ta sea One of them says ta the
other That vesser there carries no freighl at ail but only passengers Now if the
other himselL sees no vessel the first information he derives lrom the remark has
for its abject the part of the sea that he c10es see and informs him that a persan
with sharper eyes than his or more trainecl in looking for such things can see il
vesser there and then (hat vesser having been thus introducecl ta his acquaintance
he is prepalecl ta receive the information about it that it carries passengers
exclusively But the sentence as a whole has for the persan supposed no other
abject than that Vith which it tinds him alreacly acquainted (CP 2232 1910)
Le signe dans cet exemple est la proposition eacutechangeacutee entre les deux personnes qui en
son tondement deacutecrit certaines caracteacuteristiques de lobjet repreacutesenteacute dans le discours
cest un navire situeacute agrave tel endroit qui ne transporte nulle cargaison mais seulement
des passagers Lobjet immeacutediat pour celui qui eacutecoute est la partie de la mer quil
entrevoit dans la direction indiqueacutee par le locuteur tandis que lobjet dynamique pour
le mecircme interpregravete est le navire que son compagnon distingue effectivement et au
43
sujet duquel il asserte une proposition L interpreacutetant immeacutediat est agrave son tour lideacutee
du navire que se fait lauditeur alors que linterpreacutetant dynamique est le processus
dinfOlmation auquel est sujet cet interpregravete et que linterpreacutetant [iumlnal est peut-ecirctre
supposons-le la reconnaissance de leacuterudition en matiegravere de navires que le locuteur
espegravere susciter chez son camarade
La grammaire speacuteculative deacuteveloppe aLlSSI une typologie des signes qui [ut
eacutelaboreacutee chez Peirce en plusieurs moments Je nexaminerai ici que la typologie de
1903 (EP2 267-88 et 289-99 1903) qui est la mieux deacuteveloppeacutee et dont je pourrai
par conseacutequent preacutesenter un exposeacute plus coheacuterent Le signe peut prendre diffeacuterents
aspects selon quil est consideacutereacute en soi (en son fondement) dans sa relation agrave lo~iet
ou dans sa relation agrave linterpreacutetant Lanalyse typologique de ces aspects permet de
distinguer trois trichotomies de signes que Peirce distingue de la faccedilon suivante
Signs are divisible by three trichotomies fi lst according as the sign in itself is a
mere quality is an actual existent or is a general law secondly according as the
relation of the sign to its Object consisls in the signs having some character in
itself or in some existential relation to that Object or in its relation to an
Interpretant thirdly according as its Interpretant represents il as a sign of
possibility or as a sign of fact or a sign of reason (EP2 291 1903)
Les aspects que prend le signe lorsque consideacutereacute pour lui-mecircme sont le
qualisigne le sinsigne et le leacutegisigne Ces aspects font reacutefeacuterence agrave des caractegraveres du
signe preacutesents en son fondement qui permettent la construction de la signification Le
signe qui preacutesente avant tout en son fondement une qualiteacute formelle est un qualisigne
Il se maniteste forceacutement dans la reacutealiteacute actuelle agrave travers une existence singuliegravere meacutelis
cest un aspect qualitatifqui domine son fondement et rend la repreacutesentation possible
Par exemple une chose qui devient un signe pour la simple raison quelle possegravede telle
qualiteacute disons decirctre bruyante est un qualisigne (cest bien le type de signe le plus
dinicile agrave illustrer) Le signe dont le fondement preacutesente comme aspect dominant Lin
existant actuel est nommeacuteinsignc Il a forceacutement des qualiteacutes qui rendent sa
44
preacutesentation possible mais cest la manifestation de son fondement dans la reacutealiteacute
actuelle qui importe et permet la repreacutesentation Le tic ou le tac dun meacutetronome en
ce quil marque un temps preacutecis est un sinsigne Si laspect le plus important que le
fondement preacutesente a le caractegravere dune loi une convention ou une habitude alors le
signe est nommeacute leacutegisigne Ce type de signe possegravede aussi des qualiteacutes et se preacutesente
eacutegalement dans un existant actuel mais ce qui importe en son fondement est 1 aspect
conventionnel ou habituel rendant la repreacutesentation possible La manifestation
singuliegravere du leacutegisigne est un sinsigne appeleacute reacuteplique Le tic-tac reacutegulier du
meacutetronome en ce quil donne la cadence agrave suivre dans linterpreacutetation dun morceau
de musique est un leacutegisigne Chacun de ces aspects peut ecirctre preacutesent dans le signe
laspect dominant en son fondement deacuteterminant cependant de quel type de signe il
sagit
Les aspects que prend le signe dans sa relation agrave lobjet sont licocircne lindex et
le symbole Cette division est la plus utile car en lien avec la repleacutesentation du signe
dans la reacutealiteacute actuelle Les trois aspects font ainsi reacutefeacuterence agrave une capaciteacute
repreacutesentative du signe actualiseacutee dans sa mise en relation avec lobjet Nous
retrouvons ici les approches formelle et mateacuterielle dans diffeacuterentes deacutetinitions de ces
types de signe
An con is a Representamen whose Representative Qualily is a Firstness of il as a
First Thal is a CJuality that it heacutelS qlla thing renclers il fit to be Cl Representarnen
An index or Seille (Olwa) is a RepresentClmen whose Representative cheacutelracter
consists in its being an inclividueacutell Seconcl A SymJo is Cl Representarneri whose
Representative Cheacutelrltlcter consists precisely in its being a rule that will delermine its
Interpretant (EP2 273-4 1903)
There are Ihree kincls ofsigns Firstly Ihere are likenesses or icons which serve 10
convey icleas of the lhings lhey represent simply by imitating them Secondly
there are indicatiol1s or indices which show sornething abOlit things on accollnt of
their being physically connected with them Thirclly there are symbos or
general signs which have becoille associated with their rneanings by usage (EP2 5
1894)
4S
Un signe est une icocircne lorsquil preacutesente en son fondement des caractegraveres
similaires agrave des caractegraveres de lobjet Liumlcocircne possegravede ces caractegraveres peu importe
quelle soit mise en relation avec lobjet ou non Toutefois la signification de liumlcocircne
reste vague dans la seule preacutesentation de son tondement et ne se preacutecise que dans la
repreacutesentation actuel le de lobjet Pour que licocircne devienne eHegravectivement le signe de
lobjet leur mise en relation doit donc ecirctre actuelle bien quelle demeure mecircme sans
correacutelation le signe potentiel de lobjet Par exemple une peinture de paysage en ce
quelle ressemble eHegravectivement au paysage quelle deacutepeint est une icocircne Peirce
distingue par ailleurs des sous-types diumlcocircne ou hypoicocircnes selon le genre de
caractegraveres que le signe partage avec lobjet soit liumlmage le diagramme et la meacutetaphore
Limage ressemble agrave son objet en vertu dune similariteacute de qualiteacutes le diagramme
dune similariteacute de relations entre eacuteleacutements de lobjet et de relations entre eacuteleacutements du
signe et la meacutetaphore dune mise en parallegravele avec un troisiegraveme terme non expliciteacute
Un signe est un index lorsquiumll entretient une relation de contiguiumlteacute avec lobjet
Lindex est aussi essentiellement un individu sa signification est deacutetermineacutee et il ne
peut par conseacutequent que montrer lobjet sans rien dire agrave son sujet Un signe ne peut
ecirctre un index que dans sa mise en re lation actuelle avec lobjet Un pronom
deacutemonstratif dans sa fonction deacuteictique en est un exemple dans la langue usuelle Un
signe est finalement un symbole lorsque sa relation agrave lobjet est eacutetablie par une loi une
convention ou une habitude Le symbole donne une signification geacuteneacuterale de lobjet en
appelant agrave linterpreacutetation de la repreacutesentation de lobjet par le signe dans les limites
de la regravegle qui eacutetablit leur relation Pour quun signe soit un symbole il doit donc ecirctre
interpreacuteteacute comme tel et sa mise en relation avec lobjet doit ecirctre actuelle Un mot est
un symbole en ce que sa signification est eacutetablie conventionnellement Peirce
concevait aussi lUnivers comme eacutetant un symbole car il sagit bien dune
interpreacutetation de la reacutealiteacute par sa propre raison
Les aspects que prend le signe dans sa relation agrave linterpreacutetant sont le rhegraveme
le dicisigne (ou proposition) et largument Ces aspects tont reacute1eumlrence au pouvoir que
46
le signe possegravede de deacuteterminer en vue dune certaine fin linterpreacutetation de lobjet en
un nouveau signe linterpreacutetant Le rhegraveme est un signe qui tend agrave deacuteterminer
linterpreacutetation selon des caractegraveres qualitatifs La compreacutehension du rhegraveme est
preacuteciseacutee mais son extension reste indeacutetermineacutee La signitication du rhegraveme est par
conseacutequent vague Le rhegraveme peut veacutehiculer de linformation mais nest pas interpreacuteteacute
comme tel Il nest ni vrai ni faux ne faisant que preacutesenter des caractegraveres possiblement
attribuables agrave lobjet Cest donc un signe compris comme repreacutesentant seulement des
caractegraveres de Imiddotobjet Un exemple de rhegraveme serait un preacutedicat logique ou plus
exactement chez Peirce une proposition dont a enleveacute les sujets logiques reacutefeacuterant agrave
des objets dans le monde Le dicisigne est un signe qui veacutehicule dans la reacutealiteacute actuelle
de linformation vraie ou fausse par rapport agrave lobjet 1 relie la compreacutehension du
signe agrave une extension deacutetermineacutee dans lactualiteacute indiquant de la sorte seacutepareacutement quel
est son objet (EP2 308 1904) Cest donc un signe compris comme repreacutesentant
lobjet dans la reacutealiteacute actuelle Le paradigme du dicisigne est une proposition telle que
laquoSocrate est un hommeraquo Largument est quant agrave lui un signe qui fournit une regravegle
dinterpreacutetation agrave dautres signes JI montre seacutepareacutement quel est son interpreacutetant tinal
celui qui est viseacute par la repreacutesentation (EP2 308 1904) 1 peut toutefois ecirctre
appliqueacute agrave diffeumlrents signes La signification veacutehiculeacutee par largument est de la sorte
geacuteneacuterale puisque lextension agrave donner agrave ce signe sa porteacutee sur dautres signes reste
indeacutetermineacutee bien que limiteacutee par la regravegle dinterpreacutetation Largument est donc un
signe compris comme repreacutesentant lobjet en tant que signe sujet agrave linterpreacutetation Un
argument constitueacute de plusieurs propositions conjointes dans une chaicircne dinteumlrence
en est un exemple commun
Les types ou aspects du signe regroupeacutes dans les trois trichotomies
preacuteceacutedentes peuvent de plus ecirctre combineacutes en difleumlrentes classes Deux regravegles
formelles de combinaison sappliquent une regravegle de composition selon laquelle
lordre triadique du signe doit ecirctre respecteacute ainsi chaque classe doit comporter un
type de chaque lrichotomie correspondant chacune agrave une composante de la relation de
47
signification et une regravegle de qualification selon laquelle le principe de deacutependance non
reacuteciproque des cateacutegories correspondant aux trois trichotomies doit aussi ecirctre
respecteacute La combinaison des types selon ces deux regravegles formelles permet de produire
dix classes de signes qui sont (EP2 296 1903)
1 les qUCllisignes iconiques rheacutematiques
2 les sinsignes icuniques rheacutematiques
3 les sinsignes indexicCl7lx rheacutel1lotiques
4 les Imiddotinsignes indexicau dicents
5 les leacutegisignes iconiques rheacutematiques
6 les Leacutegisignes indexicCl7lx rheacutematiques
7 les leacutegisignes indexicoux dicenls
8 les leacutegisignes sY7boliques lheacutematiques
9 les leacutegisignes IYlllboliques dicents
10 les leacutegisignes symboliques urgulllenls
Cette classification doit toutefois ecirctre nuanceacutee Comme partout ailleurs dans le
systegraveme de Peirce tout dans la classification est une alTaire de degreacute de point de vue
et certains aspects du signe (indiqueacutes en italiques) dominent par conseacutequent chaque
classe Les dix classes de signe sont aussi contraintes par leur situation dans la reacutealiteacute
actuelle Tout signe se manifeste actuellement en tant quindividu et donc dans un
sinsigne quil sagisse dun de ses aspects dominants ou non Chaque aspect inclut de
plus le ou les aspects qui lui sont pheacutenomeacutenologiquement anteacuterieurs selon ordre des
cateacutegories Les classes de rang supeacuterieur (vers 10) incluent par conseacutequent
directement ou indirectement les classes de rang infugraveieur (vers 1) La classification
demeure ainsi lloue dans son application car elle ne seacutelectionne agrave travers ses
opeacuterations c1abstraction que certains traits du signe et conserve degraves lors toujours une
part d opaci teacute d aspects non repreacutesen teacutes ou repreacutesenteacutes de faccedilon inadeacuteq uate
Jillustrerai certai nes de ces classes lorsq ueiumlappl iq uera i la leccedilon de la seacutelll iotique agrave la
science de leacutecriture au second chapitre
48
La logique critique analyse le raisonnement ou plus preacuteciseacutement les signes qui
informent la penseacutee cest-agrave-dire les leacutegisignes les symboles les dicisignes et les
arguments Elle sinteacuteresse aux signes en tant quils veacutehiculent la signification vraie La
veacuteriteacute appartient proprement aux propositions des symboles dicents mais nest
eacuteventuellement atteinte que dans largumentation la convergence de linfeumlrence valide
vers la repreacutesentation adeacutequate de la reacutealiteacute alors que la pleine conseacutequence des
arguments valides baseacutes sur des propositions vraies est ultimement comprise La
logique critique soccupe donc avant tout de linreumlrence valide et repreacutesente en cela
une theacuteorie de linteumlrence Elle distingue trois types dinfeumlrence eacuteleacutementaires
labduction l i nd uction et la deacuted uction qui entrent en com posi tion dans le processus
du raison nement
Labduction et linduction sont des types dinfeacuterence ampliatifs en ce quelles
augmentent la quantiteacute dinformation veacutehiculeacutee par les signes La deacuteduction est plutocirct
un type dinfeacuterence explicatif elle modifie lextension ou la compreacutehension des signes
sans changer la quantiteacute dinformation veacutehiculeacutee La notion dabduction est lune des
contributions les plus originales de Peirce agrave la logique bien quil la fasse remonter agrave
Aristote (EP2 205 1903) Il a dabord lui-mecircme deacuteveloppeacute cette notion sous le nom
dlaquohypothegraveseraquo puis eacuteventuellement sous les noms de laquoreacutetroductionraquo et
dlaquoabductionraquo Lahdllclio1 est essentiellement ladoption dune hypothegravese Elle
suggegravere que quelque chose puisse ecirctre le cas selon certains reacutesultats qui deacutecouleraient
alors dune certaine regravegle Elle est donc le seul type dinfeacuterence eacuteleacutementaire qui
introduit une nouvelle ideacutee dans le raisonnement Elle nest aussi que provisoire
devant ensuite ecirctre confirmeacutee par expeacuterimentation Peirce en reconstruit largument
comme suit en deux formulations diffeumlrentes
RlIle-AII the beans From this bag are while
Reslllt-These beans are white
Case-These beans are From this bag
(EPI 1881878)
49
The surprising ~act c is observed
But if ri were true C woulcl be a matter of course
Hence there is reason 10 suspect that A is true
(EP2 2311903)
Linduction donne plutocirct de la valeur agrave un ensemble de signes deacutejagrave perccedilus Elle eacutetablit
de la sOlte une regravegle permettant de rendre compte de certains reacutesultats observeacutes dans
un celtain cas Elle montre que cette regravegle est actuellement opeacuterante dans le cas
consideacutereacute selon les reacutesultats observeacutes Elle donne donc torce de loi agrave la reacutegulariteacute
Peirce fournit pour illustrer linduction lexemple suivant
Case-These beans are From this bag
Result-These beans are white
middotRule-AII the beans from this bag are white
(EP 1 188 1878)
La deacuteduction eacutelabore quant agrave elle les conseacutequences neacutecessaires dune hypothegravese Elle
prouve que certains reacutesultats doivent neacutecessairement deacutecouler dun certain cas en
vertu dune celtaine regravegle Peirce illustre la deacuteduction agrave raide de lexemple suivant
RuJe-AIl the beans frolll this bag are white
Case-These beans are From this bag
middotResult-These beans are white
(EP 1 188 1878)
Le processus du raisonnement est essentiellement composeacute de ces trois types
dinfeumlrence Le raisonnement scientifique en particulier commence typiquement par
une abduction qui est justifieacutee lorsquagrave peacutelrtir de lhypothegravese suggeacuteleacutee la deacuteduction
peut tirer des preacutedictions qui seront agrave leur tour veacuterifieacutees dans lexpeacuterience par
induction (EP2 216 1903) Il Y dautres types de raisonnement par exemple
lextension la restriction la geacuteneacutereacutell isation (ou oscent) et leacutel speacutec ification (ou descent)
mais ceux-ci sont deacuteriveacutes des trois types eacuteleacutementaires Jy reviendrai dans le second
chapitre lorsque janalysereacuteli Iappliceacuteltion des concepts seacutemiotiques agrave la science de
eacutecriture
50
La meacutethodeutique sinteacuteresse agrave la production de signes el trouve sa
rormulation paradigmatique dans la doctrine du pragmatisme Le retour sur cene
doctrine peut maintenant compleacuteter lexamen de la seacutemiotique et permettre den
approfondir davantage la compreacutehension La seacutemiotique se deacuteveloppe
systeacutematiquement en une meacutethodologie de la recherche Elle c10it alors indiquer au
scientifique commellt faire pour penser avec les signes quel type de processus
diumlnfeacuterence engager Mais nous avons vu par ailleurs quau niveau de la signification
mecircme dans le processus de seacutemiose une fin ultime est aussi envisageacutee
Semblablement la meacutethodeutique doit suggeacuterer un dessein geacuteneacuteral au processus
diumlnfeacuterence qui lui serve de principe directeur et en constitue leffet eacuteventuel Le
pragmatisme suggegravere par conseacutequent lhypothegravese selon laquelle la signiliumlcation c1un
signe reacuteside dans lensemble de ses effets env isageables Il propose de su ivre une
abduction al1n dengager le raisonnement dans une chaicircne diumln~eumlrences qui en tant que
meacutethode proprement scientifique puisse reacuteellement mener agrave la veacuteriteacute agrave ladeacutequation
de la raison au reacuteel Il repreacutesente donc le couronnement de la seacutemiotique qui en vient agrave
controcircler ses raisonnements selon ses propres principes constitutifs Le preacutecepte du
pragmatisme nen demeure pas moins tagraveillible et agrave veacuteritier dans lactualiteacute ce qui fait
de la seacutemiotique une veacuteritable science expeacuterimentale et philosophique une activiteacute qui
confronte la reacutealiteacute actuelle telle que repreacutesenteacutee dans lexpeacuterience commune Cest
bien la leccedilon de la seacutemiotique qui prouve ultimement le pragmatisme car cest sur elle
quiumll se tonde
The word pragillatism was invented ta express a certain Illaxim of logie whieh as
was shawn at its tirst enouneel1lent invoives a who1e system of phiiosophy This
maxim is put forth neilher as a hancly tool to serve so far as it may be found
serviceable nor as a self-eviclent truth but as a far-reaching theorem solidly
grounded upon an elaborate study of the nature ofsigns (CP 81911904)
51
1321 Seacutemiotique et notation logique
Le deacuteveloppement de la logique peirceacuteenne prend son point de deacutepart dans
algegravebre logique de Boole et la logique des relations de De Morgan Peirce propose
dans ses premiers articles publieacutes des ameacuteliorations agrave lalgegravebre booleacuteenne et applique
celle-ci agrave la logique des relations (CP 31-191867 CP 345-1491870) dans une
version quil nomme laquologique des relatifsraquo Lors de ses travaux en tant que maicirctre de
confeacuterence agrave luniversiteacute Johns Hopkins de 1879 agrave 1883 il introduit avec son eacutelegraveve
Oscar Mitchell (et indeacutependamment de Frege) la quantification dans la logique des
propositions produisant un systegraveme de logique eacutequivalent agrave la logique des preacutedicats
du premier ordre avec identiteacute (CP 3328-58 1883 CP 3359-403 1885) Il eacutelabore
ensuite un nouveau systegraveme de notation graphique les graphes existentiels
permettant lextension de sa logique aux preacutedicats du deuxiegraveme ordre et aux modaliteacutes
(CP 3456-552 1897 CP 4347-584 1903-1906) Il favorise degraves lors la notation
graphique de la logique sur laquelle il travaillera jusquagrave la fin de sa vie deacuteveloppant
une logique philosophique en continuiteacute avec la seacutemiotique et le pragmatisme
Plusieurs autres deacuteveloppements de la logique de Peirce confirment son rocircle de
pionnier de la logique moderne bien quils soient resteacutes inaperccedilus jusquagrave reacutecemment
dont notamment la conception dune logique agrave trois valeurs de veacuteriteacute et dune logique agrave
opeacuterateur unique (barre de SchefTer) de mecircme que la deacutecouverte du lien agrave la base de la
computation en informatique entre les fonctions de veacuteriteacute et le fonctionnement des
circuits eacutelectriques La preacutesentation du systegraveme des graphes existentiels eacutevoque par
ailleurs la seacutemantique des jeux contemporaine et la theacuteorie des modegraveles par son
utilisation de personnages conceptuels en dialogue clans un univers du discours
alteacuterable Je minteacuteresserai cependant avant tout dans cette section aux graphes
existentiels et ce quils repreacutesentent comme deacuteveloppement de la notation logique un
type de systegraveme deacutecriture propre au langage formel de la logique
L eacutelaboration des graphes existentiels repreacutesente lin deacuteveloppement majeur
52
dans lhistoire de la logique de Peirce que nous poulTlons appeler son laquotournant
seacutem iotiqueraquo Il 1nsatisfa it par laspect sym bol iq ue de la notation a19eacutebrique de la
logique Peirce cherche agrave eacutelaborer une notation qui soit davantage iconique refleacutetant le
mode de repreacutesentation le plus eacuteleacutementaire de linfeacuterence logique Degraves 1882 il
commence agrave deacutevelopper une notation diagrammatique sinspirant probablement des
travaux de ses collegravegues agrave Johns Hopkins James J Sylvester et William K Clifford
qui utilisaient deacutejagrave des diagrammes chimiques pour repreacutesenter des invariants
algeacutebriques Un essai similaire par Alfred Bray Kempe publieacute en 1886 le pousse agrave
poursuivre ses recherches sur la notation diagrammatique surtout de 1889 agrave 1896 ce
qui megravenera agrave la publication en 1897 dun article sur la logique des relatifs utilisant
une notation diagrammatique (CP 3456-552 1897) quil appellera plus tard
reacutetrospectivement les laquographes dentiteacuteraquo (enlilolive grophI) Certaines caracteacuteristiques
cie la logique algeacutebrique rendaient lexpression des propositions existentielles difficile
et la quantification universelle seacutetait alors imposeacutee naturellement comme plus
fondamentale la quantification existentielle eacutetant deacutefinie par deacuterivation Dans les
graphes dentiteacute les deux types de quantification prennent une importance eacutegale leur
deacutefinition reacuteciproque eacutetant rendue plus explicite par la repreacutesentation graphique Les
signes deacutesignent clairement des propositions et non des classes et lopeacuteration de
disjonction avec la neacutegation remplace la relation transitive dinclusion utiliseacutee dans la
logique algeacutebrique La juxtaposi tion de termes su r une feu iIle d asseltion repreacutesen te la
disjonction lencerclement dun terme sa neacutegation et un point ou une ligne relieacutee agrave
des termes la relation entre ceux-ci Peirce ne resta cependant pas longtemps satisfait
par les graphes dentiteacute el rapidement apregraves la publication de larticle de 1897 la
duale de ce systegraveme les graphes existentiels simposa constituant la base deacute1initive
de la notation diagrammatique que Pe irce deacuteve loppa et ra tli na jusquagrave la fin de sa vie
Les graphes existentiels prennent ainsi pour connecteur primitif la conjonction avec la
neacutegation et pour quantification implicite et fondamentale la quantification
existentielle agrave partir de laquelle la quantification universelle est deacuteriveacutee La
juxtaposition de termes en vient agrave repreacutesenter la conjonction et lexistence est
Il I)es exemples de grlphcs S0l11 ()Uliumllis iJ 1I1ncc
53
reconnue implicitement par la seule preacutesence de la feuille dassertion comme univers
du discours agrave deacuteterminer par des inscriptions
Peirce preacutesenta dabord Je systegraveme des graphes existentiels en parties Alpha
Beta et Gamma correspondant respectivement agrave la logique des propositions la
logique des preacutedicats du premier ordre et leurs extensions dans la logique des preacutedicats
du deuxiegraveme ordre et la logique modale (CP 4394-5291903) Il deacuteveloppa par la suite
une approche unifieacutee ou les parties ne sont plus distingueacutees les principes
fondamentaux de la logique deacuteductive eacutetant les mecircmes dans les di fleumlrentes versions
deacuteveloppeacutees et ne faisant que se complexifier (CP 4530-72 1906) le retiendrai
lapproche par parties puisque cest celle que les commentateurs ont deacuteveloppeacutee en
la torrilalisant dans le sens de laxiomatisation de la logique contemporaine La
preacutesentation du systegraveme des graphes existentiels chez Peirce suit un ordre semblable agrave
celui de l ax iomatisation de la logique moderne Elle n est pas agrave proprement dit
axiomatiseacutee mais su it un ord re rigoureux deacutemontrant un certa in degreacute de forma 1isation
Un vocabulaire est tout dabord eacutetabli puis des regravegles de formation (deacutefinitions) sont
formuleacutees de mecircme que des regravegles de transformation (regravegles diumlnfeumlrence) Il ny a pas
vraiment daxiome dans les graphes existentiels si ce nest que la teuille dassertion
sert de point de deacutepart agrave lanalyse cest-agrave-dire quune inscription Sur la feuille de
travail repreacutesente une assertion dans lunivers du discours quantifieacutee existentiellement
de fagraveccedilon implicite Le travail danalyse consistera agrave traduire les arguments du discours
dans la notation des graphes existentiels deacutecouvrant ainsi les inteumlrences les plus
simples du raisonnement puis agrave etfectuer des transformations sur les graphes pour en
tirer des conclusions quant aux conseacutequences possibles du raisonnement
La partie Alpha repreacutesente la logique des propositions non analyseacutees Il est
inteacuteressant de noter que la quantitication implicite par la situation dans un univers du
discours vague agrave deacuteterminer par des assenions implique eacutegalement lanalyse
l ~I preacutesenl8tion lorl11elle de 1~I s nllse d 1 1phu et ~3et1 selon Sh in (2002) l110d i lieacutee est lltllIrn ie en lnncse
54
potentielle des propositions Alpha megravene agrave Beta et les deux parties sont mecircme
eacuteventuellement unifieacutees en un seul systegraveme Le voceacutelbulaire dAlpha est composeacute de
symboles propositionnels de leacutel coupure (C1I1 symbolique) et implicitement de la
juxtaposition (quasi-iconique) Les regravegles de transformation comprennent trois
opeacuterations possibles portant sur le vocabulaire eacuteleacutementaire qui repreacutesentent les
opeacuterations rondamenteacutelles de la logique deacuteductive Ces trois eacutetapes du raisonnement
sont deacutefinies dans Ialticle laquoSymbolic Logicraquo du dictionneacutelire Baldwin comme eacuteteacutelnt la
reacuteunion (Coligoliol1) liteacuteration et leffacement (CP 4372-93 1902) Elles sont
ailleurs deacutefinies sommairement comme suit
[Deductive reasoning] 1 have ascertainecl can be reduced to three kinds of steps
The first consists in copulating separate propositions into one compound
proposition The seconcl consists in omitting something Irom a proposition
withollt possibility of introdllcing errol The third consists in inserting something
into a proposition witholll introdllcing error (EP2 213 1903)
La partie Beteacutel du systegraveme repreacutesente leacutel logique des propositions analyseacutees ou
logique des preacutedicats du premier ordre et constitue une extension dAlpha dont
Iajout principal du point de vue notationnel est la ligne didentiteacute La preacutesentation
formelle du systegraveme doit donc en plus treacuteliter des modifications de graphes avec ligne
d identi teacute Le voceacutelbuleacutelire de Beta est com poseacute de sym bo les de sujets de la coupu re
(symbolique) de la ligne didentiteacute (iconique) et implicitement de la juxtaposition
(quasi-iconique) Les regravegles de transformeacuteltion sont modifieacutees afin de comprendre la
ligne didentiteacute mais comportent toujours les trois opeacuterations fondeacutelmentales Les
opeacuterations suppleacutementeacutelires consistent agrave joindre ou disjoindre les lignes didentiteacute agrave en
dessiner ou en effacer et agrave les eacuteliionger ou les reacutetracter agrave travers les aires deacutefinies par les
cou pures ce qui ne consti tue quune extension des trois opeacuterations fondamenta les
Les commentateurs (Roberts 1973 Shin 2002) interpregravetent les symboles de
Beta comme des preacutediceacutelts (Shin les nomme prcdicolcSYl1lbos) mais il sagit bien
plutocirct de sujets alors que la ligne didentiteacute repreacutesente le preacutediceacutelt geacuteneacutereacutell de la
55
proposition analyseacutee en ses eacuteleacutements les plus simples la relation didentiteacute Cette
ideacutee essentielle agrave la logique de Peirce est une innovation de sa logique des relations
(voir entre autres CP 3467 1897 CP 4403-8 1903 EP2 208-25 J903) Lanalyse
logique par les graphes existentiels est sous cet aspect la duale visuelle de lanalyse
seacutemiotique plus informelle en termes de rhegraveme proposition et argument (le rhegraveme
eacutetant alors une proposition dont les sujets logiques sont remplaceacutes par des espaces
vides ne montrant ainsi que la relation preacutedicative subsistante)
Les deux principaux aspects seacutem iotiques de la notation algeacutebrique sont sa
symboliciteacute soit que la signification est deacutetermineacutee par convention et sa lineacuteariteacute qui
repreacutesente une surdeacutetermination de la notation dun point de vue iconique Lalgegravebre
est constitueacutee dune seacuterie de symboles dont il faut apprendre le sens qui leur a eacuteteacute
assigneacute de faccedilon arbitraire La compreacutehension de la notation algeacutebrique demande donc
un investissement suppleacutementaire de la part de linterpregravete dont la propre intention
de mecircme que celle du signe ne sufiisent pas De plus 18 quanti fication existentielle est
plus ditlicile agrave repreacutesenter que luniverselle dans lalgegravebre logique agrave cause du caractegravere
symbolique de la notation D8ns lalgegravebre de la logique la signification est assigneacutee par
convention aux termes de la notation exprimant lideacutee que la regravegle impose la
signification avec necessiteacute La quantification universelle en deacuteterminant lextension
entiegravere dune variable implique de faccedilon analogue que la signific8tion soit assigneacutee agrave la
variable neacutecessairementVx (Fx) F(x) 1 1 F(x) La symboliciteacute du symbole l 1
repreacutesente en quelque sorte un diagramme de luniversaliteacute de la quantification
universelle La quantification existentielle implique plutocirct quil puisse y avoir
plusieurs significations possibles assigneacutees agrave la variable dont au moins une satisfait agrave
la proposition 3x (Fx) F(x) V V F(x) La deacutefinition reacuteciproque nest pas non=1 n
plus eacutevidente dans la notation algeacutebrique car la porteacutee des quanti [icateurs en tant que
symboles est deacutetermineacutee de faccedilon arbitraire par convention Laspect symbolique
bien queacutetant peu eacuteconomique au niveau cognitit~ permet toutefois une assignation
preacutecise de la signi fication aux termes de la notation
56
La notation algeacutebrique comporte aussi dans sa lineacuteariteacute un aspect iconique
contingent qui impose des contraintes suppleacutementaires agrave liumlnterpreacutetation Lordre
syntaxique surdeacutetennine la seacutemantique et il faut par conseacutequent la corriger en ajoutant
des regravegles diumlnfeacuterence suppleacutementaires Par exemple dans le cas de lopeacuteration de
conjonction (p A q) lordre lineacuteaire de la formule imposeacute par la notation constitue
une contrainte non neacutecessaire quil faut corriger en ajoutant une regravegle dinfeumlrence
explicitant la commutativiteacute de lopeacuteration (p A q) (q A p) Il en est de mecircme
pour la reacuteiteacuteration des variables dans les formules quantifieacutees Par cxemple dans la
formule existentiellement quantifieacutee 3x (Fx A Gx) la notation algeacutebrique lineacuteaire
contraint agrave reacutepeacuteter dans une Illecircmeformule plusieurs occurrences de la variable x qui
ne deacutesigne dans les fagraveits quun seul type de variable La regravegle implicite consiste ici agrave
distinguer les occurrences particuliegraveres de la variable de leur type geacuteneacuteral
Sous laspect symbolique fort et la surdeacutetermination iconique se trouvent
cependan t c1es aspects diagrammatiques plus fondamentaux qu i partic ipent de lagraveccedilon
adeacutequate agrave la signification Le deacutecoupage visuel opeacutereacute par lalgegravebre est plus net que
clans le langage informel de la langue usuelle et repreacutesente de faccedilon plus adeacutequate la
structure logique du langage Les preacutedicats F et G sont ainsi nettement distingueacutes du
sujet logique repreacutesenteacute par la variable x ce qui permet lanalogie entre les relations
propres agrave la structure logique de la proposition analyseacutee et les relations entre termes
de la not3tion logique Laspect iconique simplifie la mise en relation dela notation et
du langage et augmente en ce sens lefficaciteacute de la notation dans sa fonction de
repreacutesentation
Compareacutee agrave la notation algeacutebrique la notation logique des graphes existentiels
exploite plus agrave fond les difteumlrents aspects de la repreacutesentation distingueacutes par la
seacutemiotique en tant que grammaire speacuteculative Le systegraveme des graphes existentiels est
un systegraveme de repreacutesentdtion heacuteteacuterogegravene cest-agrave-dire quiumll fait appel agrave plusieurs
aspects clu signe dans sa relation agrave lobjet il est agrave la fois iconique et symbolique Dans
57
le deacuteveloppement de sa not8tion logique et mecircme dans le passage des graphes dentiteacute
aux gr8phes existentiels Peirce transform8 des eacuteleacutements symboliques en eacuteleacutements
iconiques mais non Jinverse Il tendait donc vers une repreacutesentation davant8ge
iconique de 18 logique
Certains aspects des graphes existentiels sont imparJagraveitement iconiques La
juxtaposition de propositions sur une feuille d8ssertion repreacutesente la conjonction de
ces propositions Elle ressemble fortement il 18 conjonction de deux objets dans le
monde actuel mais le caractegravere neacutecessaire de la conjonction comme opeacuteration logique
nest pas repreacutesenteacute et la notation par juxt8position est donc 8umieux quasi iconique
La notation de la neacutegation par encerclement est suggestive dune discontinuiteacute par
rapport au reste de lunivers du discours surtout dans son interpreacutet8tion comme
laquocoupureraquo mais reste principalement symbolique car le lien effectueacute avec la neacutegation
logique demeure contingent Liconiciteacute est surtout preacutesente dans la notation du
preacutedicat logique par une ligne didentiteacute dans 18 notation dune 8ssertion quantifieacutee
existentiellement de faccedilon implicite au sein de lunivers du discours par linscription
dun graphe sur la feuille dassertion et dans lexpression de la porteacutee des
quantificateurs soit leur ordre dapplication dans la notation algeacutebrique
Les relations sont plus difficiles agrave repreacutesenter dans un systegraveme graphique que
les proprieacuteteacutes Les diagrammes de Venn par exemple ne permettent pas de
repreacutesenter des relations mais seulement des proprieacuteteacutes Peirce a donc creacuteeacute le signe de
la ligne didentiteacute afin de repreacutesenter gr8phiquement des relations La relation
didentiteacute dun individu 8vec lui-mecircme est repreacutesenteacutee de faccedilon iconique par la
continuiteacute de la ligne didentiteacute Luniciteacute de lune renvoie agrave luniciteacute de lautre Cette
caracteacuteristique permet deacuteviter la reacuteiteacuteration des variables tcl que le neacutecessite
inadeacutequ8tement lalgegravebre logique I~a quantific8tion existentielle est repreacutesenteacutee
implicitement de fagraveccedilon iconique par la seule p-eacutesence dune fcuille dassertion dont
lespace deacutecriture est agrave deacuteterminer par des inscriptions de la mecircme faccedilon que
S8
lunivers du discours est agrave deacuteterminer par des assertions et des mises en relation
Lordre de porteacutee des ditTeacuterents quantiticateurs est repreacutesenteacute iconiquelllent ugrave laide
dune proprieacuteteacute topologique de la notation graphique moins la partie exteacuterieure dune
1igne didentiteacute est encerc leacutee p lus large est la porteacutee de la 1igne Il sensu it un princ ipe
de lecture laquoendoporeutiqueraquo de lexteacuterieur du graphe vers linteacuterieur de la ligne
didentiteacute de plus grande porteacutee ugrave celle de moindre porteacutee
La lecture endoporeutique peut ecirctre lourde car elle sapplique agrave tous les
deacutetails rencontreacutes dans la lecture elle-mecircme contrainte par un ordre imposeacute Elle est
simplifieacutee par une lecture de forme normale neacutegative qui reacuteduit la formule ugrave des
neacutegations de propositions et non dopeacuterations et par la lecture des rouleaux (scro)
comme conditionnels (voir lannexe 1) Peirce ne cherche cependant pas ugrave eacuteliminer des
eacutetapes dans la lecture et favorise lapproche endoporeutique car il conccediloit la logique
comme une analyse du raisonnement et non un calcul La logique doit analyser le
raisonnement en ses plus petits eacuteleacutements des arguments aux propositions aux termes
eacuteleacutementaires de linfeacuterence (les rhegravemes) La notation logique la plus adeacutequate
repreacutesente le raisonnement ugrave laide des signes les plus simples les icocircnes et non
seulement des indices ou des symboles Le caractegravere principal du raisonnement comme
processus actuel eacutetant de plus la relation lhypoicocircne le plus adeacutequat est donc le
diagramm e
En tin de com pte le mei lieur systegraveme de repreacutesen tation sera it heacuteteacuterogegravene
Ainsi liconiciteacute permet une repreacutesentation agrave un niveau plus intuitif et rend le
systegraveme de repreacutesentation plus efticace Elle laisse cependant une possibiliteacute derreur
dans linterpreacutetation car lassignation intuitive de la signitication est vague impreacutecise
La symboliciteacute permet une plus grande preacutecision car la relation de signification est
tixeacutee par des conventions arbitraires (stipulation) qui contrecarrent nos intuitions
pouvant fausser la repreacutesentation La symboliciteacute permet de la sOlte une geacuteneacuteralisation
rigoureuse de linterpreacutetation Le langage symbolique est eacutegalement plus tagravecile agrave
59
formaliser pUisque les regravegles syntaxiques et seacutemantiques sont stipuleacutees Il felUt
toutefois apprendre les symboles ce qui implique un plus grand investissement de 13
p8rt de linterpregravete Le jeu est agrave faire entre lintuition de liconique et ]3 preacutecision du
symbolique dans un systegraveme de repreacutesent3tion f3isant 3ppel aux deux 3spects du
signe selon les buts que on assigne au systegraveme de repreacutesentation Un examen des
aspects mod3ux de la signification est eacutegalement eacuteclairant Dans le passage de lalgegravebre
logique 3UX gr3phes existentiels Peirce a eacutelimineacute les regravegles suppleacutement3ires
contingentes du symbole inadeacutequat (lalgegravebre ineacute3ire) pour ne gmder que les regravegles
neacutecessaires du symbole adeacutequat (le voc3bulaire eacuteeacutement3ire des graphes) La
contingence du symbole in3deacutequ3t deacutecoulait plus fondamentalement de limpossibiliteacute
de son aspect iconique sous-jacent (les contr3intes de la lineacuteariteacute limpossibiliteacute de
repreacutesenter des qualiteacutes de lobjet par ces qualiteacutes clu signe) La repreacutesentation la plus
adeacutequate dun objet 3ctuel exploite donc les mod31iteacutes positives regravegles neacutecessaires du
symbole qU31iteacutes possibles de licocircne et cherche agrave eacuteviter les modaliteacutes neacutegatives
regravegles contingentes du symbole qualiteacutes impossibles de licocircne l
Dans le cadre de la logique peirceacuteenne la notation logique doit permettre de
deacutecomposer les arguments en leurs termes eacuteleacutementaires et laspect iconique est donc le
plus important cm il permet de fagraveire ressortir le niveau le plus intuitif du
raisonnement Le diagr3l11me en p3rticulier permet de repreacutesenter les relations
eacuteleacutementaires agrave la base du processus dinfeacuterence Toutefois il est inteacuteress3nt de noter
que les graphes existentiels se precirctent 3ussi bien au calcul logique Avec peu ou pas
daxiomes un certain nombre de regravegles de translormation pouvant ecirctre reacuteinterpreacuteteacutees
Un ltlutrc cClllrlc hors UU cnurc UC la notation logiquc rcut conlirlllcr plus alanllintuition UCS Illoualileacutes Disons gue ie IllC legravevc cc Illatin cl que const~l~lnt ln tcmreacuteraturc hivermllc UC Montreacute81jc uisc laquol1nT il lilit lroidiraquo Iinterjection middotlhIT lCUL sClllhlcr contingente CZlI iumlai ~lrlllis uans Illa rrOlllC culturc Ugrave cplil11cr Zlinsi Illa lcncontrc avec le [miu (rm cc )IIhoe) et il ncst ras neacutecessaire guune autre relsonne ue culture Liilleacutelcnte ilronaise uisons ScplilllC ainsi VIais celtc erlCssion nest ras que contingClltc ellc est ~Iussi uZlns son caraelegravelC llus ()nualllentai dOIlOIllZltOreacutee (iconiqlle) une rossibiliteacute rhoneacutetique uc Illa langue que lmltrc rerSOllnC Iaromise Ilaurait ru pmllollcel ualls SI rmrre langue le 1 lr~illccedillis (UI ulairc lOuleacutee) n) cistant PIS (plutocirct unc ail eacuteolaire lihlIlte ou
hittue G~) Q tt ~) Lie Illecircllle que la concateacutenation consonncconsonlle (lcnchaIcircnemCllt nOliumllli1 est
(voycllc) consollnCIO) clic saul pour la nasale Iv ct 1IITecirct glotal J)
GO
de mecircme que la possibiliteacute de plusieurs lectures formaliseacutees en algorithme les graphes
existentiels ressemblent agrave un systegraveme de deacuteduction naturelle appliqueacute au calcul Leur
vocabulaire limiteacute permet de saisir facilement lessence du raisonnement par
lexploitation des divers aspects seacutemiotiques de la notation graphique et donc de
reacutefleacutechir agrave la fois sur la logique et de lutiliser Lheacuteteacuterogeacuteneacuteiteacute du systegraveme assure sa
polyvalence Finalement que diverses lectures des graphes permettent de retracer
plusieurs chaicircnes dinfeacuterence et de mieux saisir toute la signification dune proposition
ou dun argument va dans le sens du pragmatisme bien que ce ne soit pas labduction
mecircme qui soit repreacutesenteacutee mais une seacuterie de deacuteductions possibles
2 Seacutenliotique et theacuteorie de leacutecriture
The author (though with no pretension ta being a iinguist)
has fumbled the grammars of many languages in the search
ror a language constructecl at ail in the way in which the
logicians go out or their way ta teach that ail men think
(rOI even if they do sa that has reall) nothing ta cio with
logic) (EP2 285 1903)
Les manuscrits de Peirce contiennent de nombreuses eacutetudes linguistiques (MS
1135-1261) ainsi sur le vocabulaire de la philosophie lorthographe anglaise la
ponctuation etc ce qui teacutemoigne de linteacuterecirct que lauteur portait agrave leacutetude des langues
Sa logique eacuteventuellement deacuteveloppeacutee en seacutem iotiq ue fou rn it aussi des pri nc ipes
tondamentaux aux sciences du langage et constitue en cela une philosophie du langage
Peirce fait lui-mecircme le lien entre la seacutemiotique et leacutetude des langues en illustrant la
premiegravere agrave laide dexemples tireacutes de la seconde tels que des points de grammaire Il
ne siumlnteacuteresse cependant pas au thegraveme de leacutecriture proprement dit bien que ses
consideacuteralions sur lorthographe anglaise sen rapprochent et il revient donc agrave
1iuml nterpregravete de deacuteve lopper dans son travai 1exeacutegeacutetique la seacutem iotique dans le sens d une
science de leacutecriture L application de la seacutemiotique agrave leacutetude de leacutecriture
constituerait dans son moment paradigmatique une theacuteorie de leacutecriture et cest ce
passage dune science agrave lautre que janalyserai et critiquerai dans ce chapitre en tant
que problegraveme speacutecitlque du meacutemoire Lhypothegravese de deacutepart est que la theacuteorie
geacuteneacuterale cles signes fou lIl it les pri nc ipes directeurs cIune eacuteventuelle theacuteorie de
Imiddoteacutecriture Il sagira alors de preacuteciser cette assertion en cherchant les nuances agrave accorder
agrave la geacuteneacuteraliteacute cie la seacutemiotique clans le contexte envisageacute Je tacirccherai pour cela de
deacuteterminer quels concepts cie la grammaire speacuteculative seraient les plus teumlconds pour
une eacutetude de leacutecriture en examinant le cas de leacutecriture japonaise quels types
diumlnteumlrence seraient utiliseacutes dans lapplication de ces concepts agrave lobjet speacutecil-Ique
eacutetuclieacute et en quoi le pragmatisme peut fournir le principe directeur geacuteneacuteral de cette
recherche
62
21 Theacuteories linguistiques de leacutecriture japonaise
La langue japonaise utilise un systegraveme deacutecriture traditionnellement composeacute
de trois types de caractegraveres soit un ensemble de caractegraveres dorigine chinoise les
konji et deux syllabaires de creacuteation japonaise les hirogono et kOlokono nommeacutes
geacuteneacuteriquement kono La langue eacutecrite contemporaine a aussi assimileacute les chiffres arabes
et lalphabet latin le rOcircJ71oji La richesse dans la diversiteacute de ce systegraveme deacutecriture en
fait un objet seacutemiotique particuliegraverement inteacuteressant agrave eacutetudier par la complexiteacute des
relations de signification qui peuvent sy deacutevelopper Je preacutesenterai reacutecriture
JaponaIse en me concentrant selon rapproche geacuteneacuterale de la linguistique sur son
aspect orthographique entendant par la notion dorthographe agrave la fois la construction
des graphegravemes et leur disposition textuelle selon un ensemble de conventions
Lexposeacute fera ressorti l certaines des re lations de sign i lication rendues possi bles par
laspect graphique de leacutecriture japonaise ce qui megravenera agrave lanalyse seacutemiotique
critique de la prochaine section
Le statut des caractegraveres dorigine chinoise en japonais nommeacutes konji fait
lobjet dune poleacutemique aupregraves des linguistes Il sagit de comprendre ce que ces
caractegraveres repreacutesentent exactement mais comme nous le verrons leur signification en
est plutocirct une agrave multiples visages Les caractegraveres dorigine chinoise utiliseacutes dans la
langue japonaise peuvent ainsi ecirctre consideacutereacutes agrave la fois comme des logogrammes
deacutesignant des mots entiers des phonogrammes deacutesignant des uniteacutes de son et des
morphogrammes deacutesignant des morphegravemes La notion dIdeacuteogramme selon laquelle
les caractegraveres repreacutesenteraient chacun une ideacutee est maintenant rejeteacutee (DeFrancis
1984 Unger 2004) r uti 1iserai ic i le terme konji car il possegravede une sign i lication moins
deacutetermineacutee qui renvoie agrave lhistoire plutocirct quagrave la logique de repreacutesentation
II existe quatre grands groupes de konji pictographiques diagrammatiques
63
seacutemantiques composeacutes et phoneacutetico-seacutemantiques Les caractegraveres pictographiques
repreacutesentent leur objet en vertu dune ressemblance graphique avec ce dernier Ils onl
eacuteteacute de plus en plus styliseacutes avec leacutevolution de leacutecriture tout en conservant un lien
eacutetymologique avec leur origine Des exemples de ce type de caractegravere sont ~ ko
enfant 0 kIchi bouche LJ yal71a montagne Les caractegraveres diagrammatiques
lepreacutesentent leur objet dune Faccedilon similaire au premier groupe par une ressemblance
de la relation entre leurs eacuteleacutements graphiques avec les relations propres il la notion
repreacutesenteacutee Des exemples de ce type de caractegravere sont t Ile en haut T lhia en
bas Ces deux groupes de kan)i primitifs sont les moins nombreux de la langue
Japonaise Les kan)i seacutemantiques composeacutes sont quant agrave eux constitueacutes deacuteleacutements
simples dont la combinaison de sens donne la signification de la notion repreacutesenteacutee
par exemple B hi soleil et ~ luki lune donnent BEj mei lumiegravere Les caractegraveres
les plus nombreux sont cependant les kan)i phoneacutetico-seacutemantiques qui comportent agrave
la fois un eacuteleacutement donnant Je son et un ou plusieurs eacuteleacutements donnant le sens Par
exemple le caractegravere repreacutesentant la langue (tIcircanccedilaise japonaise etc) ~g go est
composeacute des eacuteleacutements seacutemantiques sect k mot et 0 kwhi bouche et de leacuteleacutement
phoneacutetique Ji go (cinq mais seul le son est retenu et non le sens)
Les kan)i complexes sont construits par lajout dun ou plusieurs eacuteleacutements
secondaires deacuteterm inants en geacuteneacutera 1les eacuteleacutements seacutemantiq ues il un eacuteleacutemen t pri nci pa 1
deacutetermineacute en geacuteneacuteral leacuteleacutement phoneacutetique Les ditleumlrents types deacuteleacutements
correspondent il difleumlrents lieux dinsertion dans la structure des caractegraveres La
composition des eacuteleacutements secondaires avec leacuteleacutement principal est ainsi reacutegleacutee de fagraveccedilon
il respecter des contraintes dmiddoteacutequidimensionaliteacute Ces contraintes assurent lharmonie
des proportions de leacutecriture Une autre contrainte deacutecriture de tous les types de
Ccttc clilssiliumlciltion contcmroraille est deacuteriveacutec dune CI~lssiliumleltioll traditionnelle chinoise Cil si classes ue earaetegraveles ueacuteiugrave rreacutesellc dalls le 51110 11e17 jie~i dietionll~lilc eacutetymologiquc Jc Xu Shcn Cl8tlllt du Jcuiegraveme siegraveelc ue Ilotre egraverc (Coull11JS 1080 Kcss ct Miyal11oto 10(9) LI lislc ues j()45
k(l7ji usucls dont lcmploi cst lccommJndeacute par le goucrllemclltiapollais cst ()urnic ugrave ImiddotAllncc 2
64
kanji mais aussi des kana est lordre de traccedilage des traits des caractegraveres en geacuteneacuteral de
haut en bas de gauche agrave droite et de lexteacuterieur vers linteacuterieur Finalement les kani
possegravedent deux types de lectures possibles par le son et par le sens chacun pouvant
ecirctre unique ou multiple La lecture par le son eacutequivaut dans une prononciation
japoniseacutee aux mots chinois dorigine chaque caractegravere repreacutesentant une syllabe
chinoise (souvent en mots composeacutes tels que ILjjij hinzocirc lorgane du cœur) tandis
que la lecture par le sens correspond aux mots japonais exprimant ce sens (IL kokoro
cœur esprit acircme) La lecture par le son est particuliegraverement utiliseacutee atin de
construire cie nouveaux mots les mots composeacutes cie plusieurs kani (par exemple tfu
Ficirc~ chi-ka-lelU (chemin de) fer souterrain cest-agrave-dire le meacutetro) qui permettent de
deacutevelopper le lexique de la langue par les ressources graphiques de leacutecriture
Toutefois les diffeumlrentes combinaisons cie lecture (aussi bien que de types deacutecriture)
possibles se retrouvent actuellement dans la langue japonaise eacutecrite Les multiples
lectures possibles contribuent donc agrave la difficulteacute dutilisation de leacutecriture japonaise
tout aussi bien quagrave sa richesse propre en tant queacutecriture lexicalement productive
La difliculteacute de deacuteterm iner exactement ce que deacutesignent les Iwni est eacutegalement
due aux diffeacuterentes possibiliteacutes de lecture Les caractegraveres chinois sont dans leur langue
dorigine des caractegraveres morphosyllabiques cest-agrave-dire des caractegraveres repreacutesentant le
plus souvent agrave la fois un morphegraveme pouvant ecirctre indiqueacute par un eacuteleacutement seacutemantique
et une syllabe pouvant ecirctre indiqueacutee par un eacuteleacutement phoneacutetique Cependant les
eacuteleacutements seacutemantiques nindiquent parfois que tregraves vaguement le sens quils ont pour
fonction de preacuteciser Le sens de la structure interne des caractegraveres nest alors
reconstruit que de faccedilon tregraves speacuteculative Dans dautres cas au cours cie assimilation
des caractegraveres dans une lecture par le son japoniseacutee la prononciation a changeacute agrave un
point tel que leacuteleacutement phoneacutetique en est clevenu insignifiant Par ailleurs certains
caractegraveres sont aussi des logogrammes puisque leurs lectures japonaises correspondent
agrave des mors complets pouvant ecirctre deacutecomposeacutes en plusieurs morphegravemes (par exemple
65
~~ honoshi converseacuteltion tandis que le verbe ~~9 honoS1l parler distingue la
terminaison 9 -Sil) Dautres ne repreacutesentent mecircme pas des morphegravemes (~laquo ~
lobeu manger le premier morphegraveme eacutetant ~laquo 10fJe- et non ~ 10-) mais seulement
des sons (un ou plusieurs phonegravemes)
Les syllabaires nommeacutes kono sont des creacuteations speacutecifiumlquementjaponaises
Ils ont tous les deux eacuteteacute formeacutes agrave partir de leacutecriture chinoise les kOlokona eacutetant de
forme plus angulaire deacuterivant chacun dune partie de caractegravere chinois et les hirogono
de forme plus cursive deacuterivant de caractegraveres chinois eacutecrits en style cursif Les
kOlokono ont eacuteteacute creacuteeacutes agrave lorigine a1iumln dannoter les textes eacutecrits en caractegraveres chinois
en leur ajoutant des eacuteleacutements grammaticaux preacutesents dans la langue japonaise et non
dans la langue chinoise tandis que les hirogono servirent plutocirct au deacutebut agrave lusage
quotidien tel la correspondance ainsi que dans la production de la premiegravere grande
litteacuterature j-eumlminine japonaise
Les kono correspondent en fait agrave des mores et non des syllabes ce dernier
terme eacutetant plutocirct la deacutesignation retenue par lusage en Occident La more est agrave la fois
un eacuteleacutement rythmique et un segment phoneacutetique donc une uniteacute de longueur alors que
la syllabe correspond plutocirct agrave une seule eacutemission de voix Chaque more a normalement
la mecircme dureacutee ce qui nest pas neacutecessairement le cas pour les syllabes Par exemple
le mot japonais pour journal L1v )~1v shillbun lorsqueacutecrit en kono ici en
hirogono est composeacute de quatre mores (L shi Iv nt )~ m Iv n) alors que nous ne
compterions que deux syllabes (Llvlhill )~Iv blln qui correspondent toutefois aux
konji du mecircme mot ~JTM) Les quatre mores cie L1v )~1v sont prononceacutees avec
presque la mecircme longueur tandis quun mot tel que syllabe il la double consonne se
deacutecompose en syllabes de dureacutees ineacutegales (syl- la- b(e)) La more comme eacuteleacutement
rythmique et segment phoneacutetique est de la sorte luniteacute de son conventionnelle de la
l UlltahlcClll des i0110 cie hase Cilmiddot cc Icm tllIlsiitleacutetatioll Cil r(jlJwji cst [()umi ugrave 1-illllcc 2
66
langue japonaise agrave laquelle correspond un kono Elle servira par ailleurs de mesure
prosodique agrave la poeacutesie
Dans la langue eacutecrite contemporaine Iusage des konji et kono est tixeacute selon
des fonctions propres Les konji logographiques sont utiliseacutes pour les mots et parties
de mots signifiants ou agrave contenu tixe tels les noms propres et communs et les racines
des verbes des adjectifs et des adverbes Leur alternance avec les deux syllabaires rend
le deacutecoupage du texte plus eacutevident et lespacement des mots non neacutecessaire le texte
japonais eacutetant continu et nayant recours quaux marques de ponctuation
Les kk(w servent agrave un usage similaire agrave celui des italiques de la langue
franccedilaise soit pour eacutecrire des mots dorigine eacutetrangegravere sauf les mots (surtout dorigine
chinoise) deacutejagrave eacutecrits en konji ou pour mettre de lemphase sur un ou plusieurs mots
dans une phrase Beaucoup de mots eacutetrangers sont en effet utiliseacutes dans une version
japoniseacutee par exemple ~9- nekllNi neckie ou I)J posocon persona
computer Les noms propres dorigine eacutetrangegravere sont eacutegaJementjaponiseacutes et eacutecrits en
koakono 1 middot1)[-1 Jan BOlIjon Jean Valjean Les kkono ont
comme particulariteacute de se ressembler fortement dans lems tormes angulaires J
Les hirogono sont quant agrave eux employeacutes pour le reste de leacutecriture de la langue
japonaise soit principalement les parties deacuteclineacutees des verbes des adjectifs et des
adverbes les particules enclitiques les inteljections et les conjonctions par exemple
la terminaison -219 kil710su dans W-2K9 kokil71oslI eacutecrire ou la particule
theacutematisante ft ho (prononceacutee exceptionnellement 10) dans ~ B [t konnichillo
bonjour Tous les konji peuvent ecirctre eacutecrits en hirugono bien que lutilisation cles
logogrammes teacutemoigne du niveau de richesse cie la langue eacutecrite Des hirogono
Voir Ic~ eltail~ dc IClc IllLlmis illnncc 2
67
minuscules placeacutes parallegravelement ltlUX kOl1ji les filrigono sont dailleurs utiliseacutes al-in
dindiquer la lecture phoneacutetique des textes destineacutes agrave lapprentissage scolaire ou de
certains caractegraveres peu communs des autres textes Les hirogono sont plus distincts
dans leurs formes cursives (pour les mecircmes mores que dans le paragraphe preacuteceacutedent)
Leacutecriture latine le n)lJ7oji a finltllement eacuteteacute introduite dans le contete de
linternationalisation du Japon moderne surtout commerciale et touristique Elle est
ainsi utiliseacutee dans la signalisation routiegravere laffichage publicitaire les noms de
compagnies commerciales etc Elle ltl pour particulariteacute de ressortir en tant queacutecriture
eacutetrangegravere au sein de leacutecriture ind igegravene japonaise
Pour conclure cette section je remarquerai que la complexiteacute de leacutecriture
japonaise pousse le lecteur agrave utiliser une multitude de voies daccegraves au sens des mots
eacutecrits (agrave ce sujet Kess et Miyamoto 1999) Liumlnformation peut ainsi ecirctre transmise
par les voies phonologique grapheacutemique kineacutetique ou directement seacutemantique Lune
et lautre de ces voies qui sont sans doute communes agrave toutes les langues eacutecrites sont
plus ou moins utiliseacutees selon le type deacutecriture et son contexte dutilisation Laspect
phonologique peut ecirctre favoriseacute dans la lecture de kono et des eacuteleacutements phoneacutetiques
de keJnji la voie grapheacutemique dans la lecture de cltlractegraveres pictographiques et
diagrammltltiques lltl voie kineacutetique dans la reconnaissance de lordre de traccedilage et lltl
voie seacutemantique dltlns lassociation du sens agrave la composante seacutemantique du caractegravere
non familier lors de lanalyse de ce dernier Un ensemble important de facteurs en
rapport au contete dutilisation est finalement la familiariteacute du lecteur et scripteur
avec les caractegraveres la reacutegulltlriteacute de correspondance de ces derniers au sens et au son
viseacutes ainsi que leur ti-eacutequence dans les tetes lus et eacutecrits trois points lieacutes agrave
lhabitude
68
22 Approche seacutemiotique de leacutecriture japonaise
L eacutecriture est pal10ut preacutesente dans notre socieacuteteacute contemporaine de lettreacutes el
nous y sommes habitueacutes Si bien quelle paraicirct seffacer dans Jexpeacuterience commune
que nous faisons du monde environnant et quelle ne semble pas se manifester pour
elle-mecircme Hormis les effets estheacutetiques explicites de la calligraphie lorsque nous
rencontrons un texte eacutecrit nous ne tenons pas compte le plus souvent de la lettre
traceacutee mais seulement du message veacutehiculeacute Leacutecriture tend en ce sens agrave la
transparence car nous ne prenons pas conscience de ses propres particulariteacutes bien
quelle en recegravele et nous en impose implicitement La science de leacutecriture cherchera ft
faire ressortir cet implicite par lequel leacutecriture structure la penseacutee lorsque cette
dern iegravere en fa it lexpeacuterience r abordera i dans cette section 1 eacutecriture en tant que
systegraveme de repreacutesentation grltlphique dont le but est de repreacutesenter le langage informel
de la langue usuelle Leacutecriture ainsi comprise sera contrasteacutee avec la notation logique
des graphes existentiels comme systegraveme de repreacutesentation graphique du langage
formel de la logique deacuteductive Mais tout dltIbord je deacutefinirai leacutecriture de lagraveccedilon
geacuteneacuterale afin de guider la caracteacuterisation suivante de leacutecriture ordinaire et plus
speacutecifiquement de leacutecriture japonaise par contrltlste avec la notation logique Le
retour critique sur lapplication theacuteorique effectueacutee permettra en dernier instant de
juger du bien-fondeacute de cette applic8tion de la seacutemiotique par une reacuteflexion eacutelaboreacutee agrave
partir des cateacutegories particuliegraveres de la signification
221 Theacuteorie geacuteneacuterale de leacutecriture comme signe
Quest-ce que eacutecriture La reacuteponse agrave cette question prendra pour point de
deacutepart la deacutetermination des caractegraveres essentiels de leacutecriture agrave partir desquels cette
derniegravere sera mise en lien avec le langltlge compris de ragraveccedilon geacuteneacuterale et les diffeacuterents
types speacutecifiques deacutecriture pour ensuite faire place ft une analyse de la ronction
69
1
interpreacutetative du signe eacutecrit Selon le linguiste Florian Coulmas leacutecriture comporte
trois caracteacuteristiques fondamentales (Coulmas J 989 17)
it consists of artificial graphical marks on a durable surl~1ce
2 its purpose is to commullicate something
3 this purpose is achieved by virtue of the meacutelrks conventional relation to
langueacutelge
Nous reconnaissons ici les constituants essentiels du signe soit le signe pris en son
fondement lobjet et linterpreacutetant chaque constituant eacutetant toutetois compris dune
faccedilon nuanceacutee caracteacuteristique du signe speacutecifique quest leacutecriture Au fondement de
leacutecriture en tant que signe se trouve sa preacutesence mateacuterielle condition formelle de la
repreacutesentation dun objet par le signe eacutecrit La signification est contrainte par la
preacutesence mateacuterielle du signe eacutecrit la matiegravere neacutetanl elle-mecircme rappelons-le quune
loliumlne contrainte par lhabitude L objet de leacuteCliture est pour sa parl agrave communiquer
et sa forme tient donc du langage et de tout ce que ce dernier permet dexprimer
(sentiment jugement argumcnt etc) Linterpreacutetant du signe consiste finalement en
une convention reliant les traces mateacuterielles de leacutecriture au langage repreacutesenteacute
La philosophie du langage contemporaine dexpression franccedilaise fait la
distinction entre le langage et la langue Dans une approche seacutemiotique de leacutecriture le
langage serait le systegraveme de signes tel que caracteacuteriseacute par la grammaire speacuteculative
tandis que la langue serait la langue usuelle dont leacutecriture serait un mode dexpression
deacutetermineacute Toutefois un approfondissement de lanalyse du cas de leacutecriture permet
de constater toute une gradation allant de la grammaire speacuteculative aux eacutecritures
speacutecifiques et finalement agrave la langue Selon Coulmas dun point de vue linguistique il
sied de distinguer le systegraveme deacutecriture du lype c1eacutecriture (script) el de lorthographe
de la maniegravere suivante (Coulmas 1989 38-9)7
- Le lCIiuml11C langlage Jeacutesigne ici la leacutell1gUC lmgllis ne laisltlnl pas la dilTeacutelcncc cnlre les Licu nolions
70
Writing system
Every writing system
selection of the linguistic
to be graphically re
(not language specifie)
makes
pres
un its
ented
a Word writing
Morpheille writing
Syllable writing
Phoneille writing
Phonetic writing
Script
Every script Illakes a speci lie Chinese script
selection of the possibilities of a Arabie script
given system in accordance with Greek script
the structu ra 1 conditions of a
given language
Orthograph
Every orthography Illakes a Ch ineseTa iwanese
speci fic selection of the orthography
possibilities of a script ~or Standard German
writing a particular language in a Swiss-Gellnan
uni ~orlll and standardized way ortho gra phy
Dun point de vue seacutemiotique plus englobant la gradation passant du langage formel agrave
la langue informelle comprendrait la logique en tant que grammaire speacuteculative la
deacutefinition geacuteneacuterale de leacutecriture en tant que signe le systegraveme deacutecriture le type
deacutecriture lorthographe la langue eacutecrite la langue parleacutee usuelle La logique en tant
que grammaire speacuteculative repreacutesente la forme du langage le plus geacuteneacuteralement
possible Les autres aspects du signe eacutecrit preacutecisent la signification en fonction du cas
actuel de leacutecriturc La deacute1inition de leacutecriture en tant que signe sapplique toujours au
niveau geacuteneacuteral du langage mais la distinction du type de systegraveme deacutecriture est deacutejagrave
propre agrave un niveau geacuteneacuteral de la langue deacutecoulant de lanalyse laquopar le basraquo des uniteacutes
linguistiques composant les langues des donneacutees propres agrave la science idioscopique de
la linguistique Les nivcaux suivants du type deacutecriture et de lorthographe son plus
speacuteci1iques aux langues eacutetudieacutees et leur distinction permet de deacutefinir plus exactement
71
les particulariteacutes dune eacutecriture Lorthographe repreacutesente ainSI la convention dune
eacutecriture propre agrave une langue speacutecifique
Cette analyse ne tient cependant compte que dun seul type dobjet du signe
eacutecritmiddot soit la langue parleacutee usuelle Leacutecriture peut aussi repreacutesenter dautres types
dobjet et une classification des types deacutecriture selon le type dobjet repreacutesenteacute
devrait distinguer au moins les trois types tondamentaux suivants formel tel que la
notation logique ou matheacutematique informel utilitaire repreacutesentant la langue parleacutee
usuelle et informel estheacutetique tel que dans la calligraphie Leacutecriture de type lormel
fait ressortir explicitement la forme geacuteneacuterale du langa~e agrave travers le 1ondement du signe
eacutecrit et permet ainsi de prendre conscience de la fonction repreacutesentative du langage
Elle engendre une interpreacutetation consciente du langage preacutecisant de faccedilon geacuteneacuterale la
signification Leacutecriture de type informel utilitaire fait ressortir implicitement la lorme
du langage propre agrave une langue deacutetermineacutee dans le fondement du signe eacutecrit Son but
premier nest pas de faire reacutefleacutechir sur le langage mais de communiquer le message
veacutehiculeacute par celui-ci Linterpreacutetation est alors dirigeacutee dans un sens deacutetermineacute par
leacutecriture sa tonction de repreacutesentation de la langue Leacutecriture de type informel
estheacutetique provoque pour sa part un sentiment agrave leacutegard de la forme de la
repreacutesentation le fondement du signe eacutecrit mais na pas pou l fonction prem iegravere de
faire reacutefleacutechir sur lobjet repreacutesenteacute Elle renvoie inconsciemment linterpreacutetation au
fondement du signe et reste vague quant au sens agrave lui donner
La consideacuteration du type dobjet repreacutesenteacute megravene agrave lanalyse de la fonction
interpreacutetative de Jeacutecriture Linterpreacutetant immeacutediat du signe eacutecrit le produit de
l eacutecri ture est une repreacutesen tation cie la langue usuelle moda1iseacutee se Ion les possi bi 1iteacutes
offertes par le tondement du signe soit la langue eacutecrite En tant quinterpreacutetant
dynamique leacutecriture preacutesente eacutegalement laspect dun processus qUI a cette
particulariteacute de mettre en lien plusieurs niveaux de la leacutealiteacute plusieurs eacutetats de la
lorme du langage Le signe eacuteClit est un acte psychique et physique laissant une trace
72
mateacuterie Ile in lormeacutee pa rune forme speacutecifiq ue du langage la langue usue Ile ou les
expressions matheacutematiques etc Linterpreacutetant final le troisiegraveme aspect de la lonction
interpreacutetative de leacutecriture est son but son effet viseacute Agrave ce sujet on consiclegravere
souvent leacutecriture comme secondaire par rapport agrave la langue parleacutee comme si elle
deacutependait en tout de cette derniegravere Le but de leacutecriture serait de la sorte de repreacutesenter
la langue de la faccedilon la plus transparente possible en seffaccedilant elle-mecircme comme
moyen de la repreacutesentation Mais nous pouvons aussi renverser le point de vue et
faire remarquer que leacutecriture est dune aide des plus preacutecieuse agrave la repreacutesentation du
langage plus fondamental que la langue deacuteterminant mecircme par converse celle-ci
jusquagrave un certain point Le signe eacutecrit par les particulariteacutes de son fondement
permet dactualiser dans une langue eacutecrite certaines possibiliteacutes du langage que la
langue parleacutee usuelle a laisseacutees pour compte Ainsi Coulmas dit-il dans sa conclusion
laquoThe invention of writing is the answer to the limitations of speech to the here and
now Thus by acquiring a vritten form the expressive power of a language is realized
to a greater extent than it is in speech onlyraquo (Coulmas 1989 272) La perdurabiliteacute du
message eacutecrit ou sa transmission agrave distance en sont les avantages les plus
communeacutement eacutevoqueacutes mais son utiliteacute pour analyse formelle clans le cas de la
logique ou des matheacutematiques de mecircme que son pouvoir expressif estheacutetique dans le
cas de la calligraphie sont c1autres aspects que la formulation dune theacuteorie geacuteneacuterale de
leacutecriture comme signe permet de mettre en eacutevidence
Leacutecri ture sJisie en sync hlon ie nest pas un Jrgument car elle ne don ne pJS la
cleacute de sa propre interpreacutetation et son analyse dJns cette section sest donc limiteacutee agrave
une cmacleacuterisJtion geacuteneacuterale du signe eacutecrit dans les termes de la grJmmJire speacuteculative
Toutetoisle signe eacutecrit en ce quil preacutetend retleacuteter la structure du langage et plus
speacutec ifiq uement de la IJngue usue Ile com porte certJi ns Jspects sym bol iques et d icents
qui le rendent informatif et en appellent il une analyse logique critique Cest vers cette
critique logique que se dirigera lexamen de cas speacutecitiques dans la prochJine section
critique qui sera redoubleacutee pm la critique eacutepisteacutemologique suivante
73
222 Analyse seacutemiotique de leacutecriture japonaise
Leacutecriturejaponaise na pas le mecircme objet et ne poursuit pas le mecircme but que
la notation logique des graphes existentiels preacutesenteacutee au chapitre preacuteceacutedent Le but
principal de leacutecriture dune langue intonnelle telle que la langue parleacutee usuelle est de
communiquer efficacement linformation agrave distance dassurer la transparence du signe
eacutecrit et non de sarrecircter sur la repreacutesentation eacutecrite pour Imiddotanalyser alors que celui de
la notation du langage tormel de la logique est de permettre lanalyse du raisonnement
par le retour reacuteflexif sur le systegraveme de signes et la critique subseacutequente Les graphes
existentiels serviront dans cette section de point de repegravere et doutil agrave leacutelaboration
dune theacuteorie seacutemiotique de leacutecriture japonaise Le contraste entre les deux types
deacutecriture permettra aussi de mieux tagraveire ressortir les particulariteacutes de cette derniegravere le
deacutebuterai par lexamen de quelques points de grammaire pour ensuite deacuteterminer les
caractegraveres essentiels de reacutecriture japonaise L exposeacute passera ainsi dune analyse de la
gram mai re japonaise repreacutesentant la structu re de la langue usue Ile par l app 1ication de
la logique des relations agrave lanalyse de la grammaire telle que la langue eacutecrite la tagraveit
ressortir par lapplication de la meacutethode des graphes existentiels agrave labstraction de la
forme du langage propre agrave reacutecriture japonaise par lapplication de la theacuteorie
seacutemiotique au cas consideacutereacute Japprotondirai lanalyse jusquau niveau des dix classes
de signes et passerai au moment critique de la logique tout en gardant en vue les
principes directeurs du pragmatisme
La languejaponaise a ceci de particulier que le sujet grammatical peut ecirctre omis
de la phrase sa preacutesence implicite eacutetant alors reconnue par la situation dans le
contexte de leacutenonciation La grammaire japonaise dans la tradition de Mikami Akira
deacutefinit la structure eacuteleacutementaire du japonais selon un moti f diffeacuterent de la structure
sujet-verbe-objet typique du tranccedilais ou de Imiddotanglais La langue japonaise est plutocirct leacuteeri~ le~ noms japonais selon lusage soit le nOIll Je IUumlllli11c aClnt le pleacutenolllJe tiens les exelllpics selltlnt ~ liumlllustrltltion Jes points lie gralllllllire Jes courS Je langue iaponaise Jonneacutes pal Kana) a Takehi 10 il l LJ ni clsi leacute Je VIontreacutea 1 auquel je Jo is Iussi 1Cl leyon sur 18 glalll1ll8i le Je lvI ik81ll i ikira la pn~senlation de la grlllllllailC jlponaise Jlns celle ~eetion relegraveve eepenJlnl de Illlt pmplc interpreacutetation clu co llIS
74
dite structureacutee selon un ordre thegraveme-commentaire OLI le sujet grammatical plutocirct
nommeacute laquothegravemeraquo pou l en distinguer la fonction na pas l im portance quon 1ui precircte
dans notre langue franccedilaise Cest que le japonais nest pas une langue du laquotaireraquo ct
~ sulu) comme le franccedilais mais une langue du laquoil y araquo (~~ (111) Les faits ( C
kaa) repreacutesenteacutes ne deacutependent pas neacutecessairement de choses (t 0) mono) qui les
accomplissent lis peuvent aliumliver par eux-mecircmes eacutetant alors seulement constateacutes par
le locuteur Le thegraveme nest pas neacutecessairement un agent il est plus essentiellement une
partie de la phrase mise en eacuteviclence (par la particule fJ ho prononceacutee 110) tel un
soleil levant (80)11 hi 10 l1Jolu -le roncl clu jour) eacuteclairant le reste de la phrase Il
peut ecirctre omis leacuteclaircissement venant alors du contexte de leacutenonciation Le
commentaire quant agrave lui se construit autour clu verbe clans les phrases verbales ce
centre restant v icle clans les phrases nom ina les sans la laquocopu leraquo C ~ ~ de 011 ou C
9 desu La phrase japonaise est clonc construite autour cie la base clu verbe situeacute agrave la
fin cie la phrase par lajout cIeacuteleacutements clont la fonction est speacuteci fieacutee par cles
particules cest une phrase en forme cie bonsaiuml (~t(X bonsoi bun) clans laquelle les
com mentai res-branches cl irigeacutes clans le sens cles particu les-tuteurs seacutelaborent agrave parti l
clu verbe-pot qui contient les racines cie la phrase Tanclis que la phrase franccedilaise est
construite agrave partir clu couple sujet-verbe clont le sujet est mis en eacuteviclence tel un arbre
cie Noeumll avec son eacutetoile-sujet au sommet son tronc-verbe et ses branches-objets ( 1)
A 7( A Y 1) - X kllli111l1l0SII IIIIii IWI1) Cest que le locuteur japonais ne prencl pas
clans le contexte cie sa langue un point de vue du dieu sur le moncle (f$0) El kmlli 10
me) slIb ljJecie oeemiois pourrions-nous dire le point de vue du grand architecte
celui qui construit le monde mais un point de vue de linsecte (RO) El lJ1ushi no JJle)
la petite becircte qui voyage sans lin agrave travers la surface de la terre Cette construction par
le bas de la grammaire sera agrave preacutesent formaliseacutee par la rencontre avec les principes
directeurs de la logique peirceacuteenne
75
La logique des relations de Peirce et son deacuteveloppement par la meacutethode des
graphes existentiels seraient en effet particuliegraverement adapteacutes agrave lanalyse de la
grammaire japonaise que le modegravele de la grammaire anglaise a tendance agrave brutaliser
Notons par ailleurs que lutilisation dune grammaire speacutecifique cOl11me modegravele dune
autre grammaire procegravede dune mauvaise meacutethodeutique La grammaire des langues
speacutecifiques doit plutocirct se fonder sur la grammaire pure ou speacuteculative de la logique La
meacutethodeutique bien penseacutee dun point de vue peirceacuteen implique que lon fasse se
rencontrer les principes de la logique et les donneacutees de la linguistique en tant que
scientifique-philosophe confrontant dans son expeacuterience ordinaire de la reacutealiteacute le
pheacutenomegravene de la langue japonaise
Chez Peirce il ny a ultimement dans lanalyse logique meneacutee agrave fond quun
preacutedicat geacuteneacuteral par proposition (repreacutesentant luniteacute conceptuelle de lEcirctre) et
plusieurs sujets qUI constituent des points dancrage dans la reacutealiteacute actuelle
(repreacutesentant le divers de la Substance) (EP2 208 1903 EP2 275-88 1903) Un
sujet peut aussi ecirctre laisseacute pour implicite seul le contexte de leacutenonciation permettant
alors la mise en situation (EP2 281-82 1903) Semblablement dans la langue
japonaise il ny a pas neacutecessairement de sujet actif se deacute1narquant le laquosujet
grammaticalraquo en tant que thegraveme du commentaire qui constitue le reste de la phrase
pouvant ecirctre omis Prenons comme exemple la phrase inaugurale du roman de
Kawabata (~OO Yllkigllni Pays de neige in Kawabata 1974 (1935) 7)
kllnizokoi rO rogoi orneII 110 nllkelIo ykigri de ullu
liontiegravere (particule 0) de) long tunnel (part ~ laquoobjet directraquo) eacutemerger de
(parI C lorsque) pays de neige (ltltcapu leraquo -r 17gt ) t laquoc eacuteta itraquo)
Le thegraveme de la premiegravere proposition nest pas un agent mais un contemplateur de
leacutetat de choses duquel il fagraveit paltie Il est laisseacute pour implicite dans le contexte de
leacutenonciation La distance entre leacutenonciateur et lobjet de son eacutenonceacute nest pas
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ressentie de faccedilon aussi grande que dans nos eacutenonceacutes de langue franccedilaise ou anglaise
Des tentatives de traduction de cette phrase sans sujet actif seraient
laquoUne fois eacutemergeacute du long tunnel frontalier ceacutetait le pays de neigeraquo
(le plus litteacuteralement possible mais je dis tout de mecircme laquocea eacutetaitraquo ce qui nous
distancie de lobjet le pronom deacutemonstratif eacutetant toutefois un index agrave la fois
plus direct et discret plus transparent quun pronom personnel ou un nom
commun)
laquoUn long tunnel entre les deux reacutegions et voici quon eacutetait dans le pays de
neigeraquo
(trad Fujimori Bunkichi et Annel Guerne (1960) eacuteliminant le verbe mikeli
eacutemerger et utilisant le pronom indeacutefini lt(011 eacutetaitraquo)
laquoThe train came out of the long tunnel into the snov countryraquo
(trad Edward Seidensticker (1986) qui rajoute un sujet (troil1) et embrouille les
deux propositions)
Dans la phrase japonaise la copule peut eacutegalement ecirctre omise La logique de
Peirce permet de mieux expliquer ce que lon entend ici par laquocopuleraquo Prenons agrave ce
sujet la phrase-exern pie de M ikam i
~ fjll1J l 0
ZOcirc 110 hOl1o go l10gai
eacuteleacutephant (particule) trompe (particule) longue (deacuteclinaison de ladjectit)
laquoLeacuteleacutephant-lagrave [sa] trompe [est] longueraquo
Lanalyse de cette phrase selon la meacutethode des i Sdonne le diagramme suivant
1 est clair que la repreacutesentation de la relation didentiteacute implicite ne cause pas de
problegraveme puisque nous la retrouvons dans la quantification existentielle eacutegalement
implicite exprimeacutee par linscription mecircme de la ligne didentiteacute sur la feuille
77
dassertion La copule nest pas lagrave pourjoi nd re les eacuteleacutements de la ph rase mais pou l
speacutecitier la relation du terme qui la preacutecegravede avec les autres eacuteleacutements la relation
diumldentiteacute eacutetant plus fondamentale que toute expression speacutecitique telle quexprimeacutee
par la copule Elle servira plutocirct dindicateur du niveau de langage (honoritique C
~~ 9 de gozoil1loslI poli Cg desu style eacutecrit Cc10 Q de OlI neutre Uamilier)
t do) compleacutetant le commentaire Elle est omise au style neutre apregraves les adjectifs
situeacutes agrave la base du commentaire qui ont eux-mecircmes une fonction qualitative
prononceacutee Nous pourrions dailleurs lappeler plus justement un marqueur
dexistence quune copule Il faut dire agrave ce sujet que les grammairiens actuels (tels que
Shimamori 1997) distinguent plutocirct deux fonctions de Cg delu qui sont soit en tant
que copule de laquotransformer le nom preacuteceacutedent en eacutenonceacute minimal completraquo
(Shimamori 1997 17) dans lequel cas leacuteleacutement est indispensable soit devant un mot
qualitatif japonais (adjectif en ~ i) de laquosituer leacutenonceacute au niveau poliraquo (Shimamori
1997 27) dans lequel cas leacuteleacutement est tacultatif Linterpreacutetation ici proposeacutee eacutevite
le deacutedoublement de fonction du marqueur dexistence en expliquant lomission de
leacuteleacutement apregraves ladjectif dorigine japonaise par la marque de seconde intention la
fonction qualitative prononceacutee deacutejagrave preacutesente dans la tlexion adjectivale et ne
neacutecessitant donc pas de surenchegravere au style neutre (la notion de seconde intention
relative agrave la flexion est preacutesenteacutee ci-apregraves) Par ailleurs dans la logique des relations
non plus la copule explicite nest pas un eacuteleacutement du vocabulaire primitif il sagit
mecircme selon Peirce dune notion grammaticale latine tardive datant du Moyen Acircge le
verbe neacutetant pas dans le grec ancien ou le latin classique une composante essentielle
de la phrase (EP2 221 282 1903)
Le thegraveme est aussi convenablement deacutecentreacute par cette analyse cest-agrave-dire
situeacute comme un sujet de la proposition parm i dautres la fonction speacutecitique de
chaque eacuteleacutement eacutetant indiqueacutee par la particule qui lui est associeacutee (rd 1 0 et 1J go) ou
sa tlexion adjectivale (~ i) toutes eacutecrites en hirogol1( Une certaine structure
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grammaticale est donc mise en eacutevidence par lalternance de deux types deacutecriture les
kan et les hirogano Dans le cas des adjectifs et des verbes un morphegraveme vient
moditier le sens dun autre morphegraveme plus fondamental au sein dun mecircme mot La
fonction grammaticale de chaque morphegraveme (racine et deacuteclinaison base connective et
terminaison) est de la sorte distingueacutee par leacutecriture Dans le cas des particules et du
marqueur dexistence leur fonction est encore plus abstraite puisquil sagit de termes
distincts donnant un sens aux termes auxquels ils se rapportent mais dont la
signification reste incomplegravete sans ces termes (ce sont des laquosyncateacutegoregravemesraquo EP2
286 1903) Ils deacuteterminent le sens de la proposition au niveau des rhegravemes proprement
dits et non de linteacuterieur de ceux-ci par deacuterivation agrave partir des morphegravemes Selon la
logique des relations de Peirce nous voyons surgir dans ces deux cas la seconde
intention aussi repreacutesenteacutee dans les -Jocirc par des signes nommeacutes Potentiels (CI) 5524shy
6 1903) Peirce donne les deacutefinitions suivantes de la seconde intention
The smt of idea wllich an icon embodies if it be such that it can convey any
positive information being applicable to some things but not to others is called a
jirst intention The idea embodied by an icon which cannot of itself convey any
information being applicable to everything or to nothing but which may
nevertheless be useful in modifying other ieons is ealled a second il1lenion (CP
3433 1896)
Every rhemn whose blnnks may be filled by signs of orclinary individunls but which
signifies only what is true of symbols of those individuals without any reference to
qualities of sense is termed n rhema 01 second intention For second intention is
thought about thought as symbol (CP 4465 1903)
Il is by menns of reuiles of second intention thnl the general method of logicnl
representation is to find eompletion (CP 3490 1897)
Dans les deux cas qui nous inteacuteressent les particules Id 110 et tJ~ go et la llexion l i
sont des signes de seconde intention en ce quils viennent preacuteciser la signitication agrave
accorder agrave la proposition en modalisant la relation didentiteacute fondamentale qui joint
les diffeacuterents termes de premiegravere intention Ce sont des signes qui agissent sur les
relations entre dautres signes au sein dune mecircme repreacutesentation Par la preacutecision
quils apportent agrave la sign ification au niveau des re lations fondamentales ils
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complegravetent Ianalyse logique implicite agrave la langue japonaise L alternance entre les
types deacutecriture fait donc ressortir la structure de la phrase en mettant en eacutevidence le
rapport entre la premiegravere et la seconde intention
Le problegraveme speacutecifique qui nous permettra dapprolondir plus avant lanalyse
seacutemiotique de leacutecriture japonaise est le changement actuel de proportions entre les
difteumlrents types deacutecriture utiliseacutes dans la langue japonaise eacutecrite La langue japonaise
assimile en ce moment de faccedilon croissante des mots dorigine eacutetrangegravere surtout de
langlais ameacutericain eacutecrits en kolokol1o Ces mots eacutecrits en kOlokona occupent de plus
en plus despace graphique dans leacutecriture jusque maintenant domineacutee par les kanjl
tout en remplissant des fonctions grammaticales sinon attribueacutees il ces derniers
Laspect externe ainsi que de la structure interne de Ieacutecriture japonaise se trouvent
donc fortement modifieacutes suite au contact de la langue japonaise avec dautres langues
aux eacutecritures difteumlrentes Le problegraveme consiste agrave deacuteterminer quels aspects seacutemiotiques
fondamentaux de Ieacutecriture japonaise sont modifieacutes par ce changement de proportions
dans les types deacutecriture utiliseacutes Construisons tout dabord un exemple de
transformation dune phrase dans le sens de laugmentation des kalokono La phrase
suivante servira agrave lillustration
Nihongo no kihon bun wa bonsaiuml bun desu gajilransligo wa klifisumasli twlii bUll
c1esu
laquoLa phrase eacuteleacutementaire du japomlis est une phrase bonsaiuml mais en franccedilais cest
une phrClse arhr de Noeumlf [Christmas tree]raquo
Certains kan)l tels que 8 111110n Japon sont dune importance culturelle
m~ieure et il est agrave parier que les Japonais ne les abandonneront pas cie si vite parce
que ces caractegraveres leur sont chers au cœur Dautres sont tregraves simples ou tregraves
tamiliers tels que ~g go langue et )( blll1 phrase et ils seront conserveacutes parce
quils sOl1l deacutejagrave ancreacutes clans Jhabitude et ne causent pas de problegraveme Mais il est aussi
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des mots dorigine chinoise aux caractegraveres plus complexes ou moins familiers dans la
phrase-exemple ~~ hO1soi bonsaiuml qui sont bien ancreacutes dans la langue parleacutee
usuelle mais dont on souhaitera peut-ecirctre il lavenir simplifier la repreacutesentation eacutecrite
en les eacutecrivant en koloko1o (puisque dorigine eacutetrangegravere) ainsi honsoi deviendrait 1f 1 Finalement le nouveau vocabula ire techn ique eacutetant sou ven t anglo-ameacuterica in
dorigine le vocabulaire anglo-ameacutericain japoniseacute simposera aussi de lui-ll1ecircme en
comblant les vides de la langue technique 1) A A Y 1) - kulisll710SI IIii
Chrilll1los Iree en est un exemple ou en remplaccedilant avec sa nouvelle saveur les
anciens lllotS dorigine chinoise deacutesormais deacutesuets ainsi dans notre phrase
supposons que ~ kiho1 fondement subisse ce dernier sort et soit remplaceacute par le
terme anglo-japonais Acirc-~ hecsliiku )olie y a dautres raisons favorisant la
prolifeumlration de mots eacutecrits en kolokol1o surtout en lien avec lapport culturel
eacutetranger par exemple dans les modes engendreacutees par la musique la litteacuterature Ie
discours politique etc mais la preacutesente illustration seacutepuise dans les deux cas mis de
lavant La phrase-exemple transformeacutee devient alors en reprenant dabord loriginal
pour effet de comparaison
B ~gO)~gtzIj~~gtZT9tJ 77 Agrave~glj 1) Agrave Agrave ) 1) -gtZT9o
B ~gO) 0( - gtz1j ~ -1 gtzT9tJ~ 77 Agrave~glj 1) Agrave Agrave ) 1) - gtzT9 0
Nihongo no heeshiku bun Wl hO7sai bun c1esu ga li1runsllgo wa kllislll11allI 1lIlii
bun desu
laquoLa phrase ileacutell7ltnluire [hLsic] du japonais est une phrase hOl1sui mais enfiu7ccediluis
cest L1ne phrase urhre de Noeumllraquo
Une analyse grammaticale donnera une premiegravere ideacutee de la structure de ces
phrases Les phrases sont composeacutees chacune de deux propositions lieacutees par la
cc suiet le dcuiegravelllc lelc dc lannec 2 donllc un ecl1lple dnrlicle dciourJlltJ1 urilisnnl de nomlxcu lllolS 0crits Cil kU(fw7u dans ce cas-Iugrave pour cn eriliquer lulilisltJtion ccessi e llm le rrcl1licr Illinislre l1e Shinll Jans son discours inaugural Cc lcte contrasle mcc Ic premicr clrail de lanncc rcrrcnanl le d011ul dun conte de Ikutngaa le famcu 1eacute1shocircIllOIlraquo eacutecrit en 1915 dans unc languc litteacuteraire au Sl Ic laquogothiqucraquo ulilisant quelques kl7ji cOl1lrlcCS ou inusil0s el aucun kalakrlu
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particule conjonctive IJIcirc go mais qui introduit dans la deuxiegraveme proposition une ideacutee
constrastant avec celle exprimeacutee dans la prem iegravere Dans la prem iegravere phrase le thegraveme
de la premiegravere proposition est B ~gO)~)( l1iho1go 110 kihon )((n la phrase
eacuteleacutementaire de la langue japonaise mis en eacutevidence par la particule theacutematisante fj
wa en ce qui concerne et son commentaire est ~~)( honsai )1(1 phrase bonsaiuml
dont le rapport avec le reste de la proposition est souligneacute par le marqueur dexistence
de style poli C9 desu il y a ou cest tandis que le thegraveme de la seconde
proposition est 77 Agrave~g fltral1sugo langue franccedilaise et son commentaire est
1) Agrave x Agrave J 1) -)( kurisulllosu ISlIii blll1 phrase arbre de Noeumll indiqueacutes par la
mecircme particule theacutematisante et le mecircme niarqueur dexistence La phrase transformeacutee
reprend exactement la mecircme structure grammaticale mais remplace ~ kihun par le
terme anglo-japonais I-~ beeshikll basic eacutecrit en kolakana et les kan)i de ~
~ bonsoi par les kalakano de mecircme lecture tT - La transformation du type
deacutecriture naffecte donc en rien la structure grammaticale de la phrase japonaise dans
tous les cas du pheacutenomegravenc actuel qui nous concerne Mecircme dans le cas extrecircme de
lassimilation dun mot eacutetranger comme verbe base de la phrase bonsaiuml japonaise le
nouveau mot prend une forme grammaticale deacutejagrave preacutevue par la langue soit celle des
verbes dorigine chinoise construits par lajout du morphegraveme 9 g SlIU fnire (ici en
style neutre eacuteventuellement conjugueacute) agrave la base connective sino-japonaise par
exemple le verbe anglo-japonais 7 euml-)[9g apiiuslIlI to appeal a une forme
identique agrave un verbe sino-japonais tel que ~fff9 ~ JlIl1sekisuu analyser Le
contact des langues peut bien provoquer des transformations de la grammaire mais la
cause nen est pas alors le changement de type d eacutecri ture
Lanalyse seacutemiotique proprement dite commencera par deacutegager les
composantes du signe eacutecrit de la langue japonaise tel quillustreacute par la phraseshy
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exemple Lefondemen de leacutecriture japonaise comme signe est lapparence mateacuterielle
quelle offre dont on peut deacutegager une structure logique deacutetermineacutee par lobjet que le
signe repreacutesente la langue parleacutee usuelle et deacuteterminant agrave son tour un interpreacutetant la
langue eacutecrite Leacutecriture japonaise ne saisit en son fondement que certains aspects de la
langue parleacutee soit certains lexegravemes morphegravemes syllabes et mores et une certaine
structure syntaxique de ces eacuteleacutements 211 bull Elle fait ressortir ces aspects dune faccedilon plus
preacutecise que la langue parleacutee mais en neacuteglige cIautres clans sa seacutelection (par exemple la
tonaliteacute) Elle est donc une abstraction de la langue parleacutee qui nen retient que certains
traits Ces traits sont inscrits et fixeacutes dans la matiegravere de leacutecriture une forme davantage
contrainte par lhabitude que la langue parleacutee Dans lexemple on peut reprendre les
deux phrases en ne siumlnteacuteressant quagrave leur aspect graphique et en consideacuterant quelles
uniteacutes linguistiques chaque signe de la phrase repreacutesente ainsi que quelle syntaxe
lensemble fail graphiquement ressortir Le fondement des deux phrases est une
alternance de kani D hiragw1( kafakana 0 et ponctuation selon ordre suivant
B80)~Xfl~)CC91JIcirc 75 Agrave81l 1) AgraveAgrave 1) -XT90
DUO 0 000bullbullbull 00000000000000bullbull0
B ~O)I-S-XIl -if-1 XC91f) 75 Agrave~gll 1) Agrave Agrave 1) -XC90
0000000000000bullbullbull 00000000000000bullbull0
Sur le support mateacuteriel cie la feuille dassertion leacutecriture est tout daborcl
contrainte par la lineacuteariteacute de la phrase inscrite semblable agrave leacutecoulement temporel de la
parole La ponctuation donne ensuite les limites hors tout ainsi quune certaine
structure interne cie la phrase Dans lexel1lj1le le j1ointmiddot o marque la tin de la phrase
et la virgule seacutepare la premiegravere proposition de la seconde Les morphegravemes et
syllabes repreacutesenteacutes par des kan) 0 sont aussi distingueacutes des mores repreacutesenteacutees par
des kan(f 0 ce qui est L1ne abstraction de leacutetude cie la langue eacutecrite la langue parleacutee
Il nesl ras eacutevident que leacuteelillllc lcwenne caetclllcntla stluelure S) nwiquc de I~I langue ralmiddotke Ia languc japonaise el8ssique Je SI) le klllbllll en olile un eelllrie pal eeellcncc leacutecrilulC sc lilisanl dans joldle sYlitaique du chinois rouI ensuite ecirclle inlelpleacuteleacutee au eouls Je la ledule en lceonslruisanl lnrdre S) nlltliqlle JlIjaponais
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ne les distinguant pas Avec une connaissance un peu plus profonde de la grammaire
eacuteleacutementaire du japonais on reconnaicirct de plus dans lalternance entre konji U (ou
katakona 0) et hiragano bull une structure syntaxique correspondant agrave la structure
thegraveme-comnientaire On constate ainsi dans lexemple que la transformation de
leacutecriture dans le scns de laugmentation des kotakono ne change pas la structure
syntaxique de la phrase ponctueacutee dune phrase agrave lautre de la mecircme faccedilon par les
hiragana bull le point et la virgule Les lectures speacutecifiques des signes eacutecrits renvoient
finalement de diverses maniegraveres agrave la prononciation de la langue padeacutee Telle est donc la
forme geacuteneacuterale du signe eacutecrit pris en son fondement qui contraste avec la torme plutocirct
vague de la langue parleacutee
Lobjet de eacutecriture japonaise la langue parleacutee usuelle est plus fluide et
eacutepheacutemegravere que son support eacutecrit qui tixe les paroles dans lespace et les fait perdurer
dans le temps Il peut ecirctre deacutecomposeacute pour chaque kanji ou groupe de konji en mots
morphegravemes ou phonegravemes repreacutesenteacutes et pour chaque kono en mOIes repreacutesenteacutees Il
peut aussi ecirctre saisi en un tout comme dans la repreacutesentation diagrammatique de la
structure syntaxique de la phrase et du texte Lobjet immeacutediat de leacutecriture japonaise
est la parole penseacutee ou entendue en langue japonaise La phrase-exemple peut ainsi
repreacutesenter une penseacutee immeacutediate du scripteur ou un eacutenonceacute entendu par ce dernier
Lobjet c1I1amiqlle est lideacutee vague que lon cherche agrave repreacutesenter en la preacutecisant dans
cette langue et ces phrases deacutetermineacutees mais qui pourrait ecirctre exprimeacutee autrement en
dautres phrases et dans dautres langues Cest la proposition logique du grammairien
sous-tendant vaguement la phrase-eemple inscrite par le scripteur
Linterpreacutetant clu signe eacutecrit japonais la langue eacutecrite est une forme davantage
contrainte que son objet car preacuteciseacutee par la repreacutesentation Linterpreacutetant ill1l1leacutediot
est le message transmis au lecteLll en langue japonaise Cest ce que le lecteur
comprencl effectivement cie la Poposition inscrite sur la teuille cIassertion La phraseshy
exemple est ainsi un eacutenonceacute de la grammaire qui permet au lecteur cie saisir certains
84
traits de la langue japonaise dans sa comparaison agrave la langue fi-anccedilaise Linterpreacutetant
c0mamiqlle est le processus deacutecriture et de lecture du signe sa traduction en parole et
en penseacutee Il ne sagit pas seulement dun processus psychologique et physique car
on peut aussi lanalyser logiquement en tant que processus seacutemiotique de construction
dune signification la seacutemiose Le scripteur et le lecteur sont conditionneacutes par la torme
de leacutecriture son fondement et le processus dinterpreacutetation du signe eacutecrit est donc
dirigeacute dans un certain sens il sactualise dune maniegravere deacutetermineacutee Linterpreacutetant
f7nal leffet viseacute est la compreacutehension du message japonais dorigine telle que deacutesireacutee
par le scripteur mais aussi par le lecteur Cest la signification deacutetermineacutee que la
repreacutesentation adeacutequate de lobjet construirait eacuteventuellement une proposition
logique speacutecifique dans le cas dune phrase ou une langue eacutecrite ideacuteale dans le cas de
la langue usuelle La proposition logique qui sous-tend la phrase-exemple lorsque
ideacutealement preacuteciseacutee en constituerait linterpreacutetant tlnal Le grammairien eacutenonccedilant
cette proposi tion en partagera it donc avec le seri pteu r et le lecteur la sign i lication
exacte dans un contexte similaire Ces demiers se feraient une repreacutesentation adeacutequate
de la proposition logique reacuteelle celle que le grammairien a lintention dexprimer
La prochaine eacutetape de lanalyse consiste agrave deacuteterminer quels types de signes
sont opeacuterants dans leacutecriture japonaise et dans le cas speacutecillque des kalakana qui nous
inteacuteresse Les signes de la langue parleacutee ou eacutecrite sont avant tout en leur fondement
des leacutegiigne car ils ont eacuteteacute institueacutes par convention explicitement ou non Les kani
et les kana tant ainsi lobjet de recommandations de la part du gouvernement japonais
les formes des kana ont eacuteteacute standardiseacutees et des listes de kani ont eacuteteacute publieacutees afin
den limiter le nombre communeacutement en usage Ces leacutegisignes se manifestent
actuellement en tant que sinsignes leurs occurences mateacuterielles Cependant dans leur
composition et par leur alternance au sein de la phrase les signes eacutecrits font ressortir
une certaine structure syntaxique et tOrll1ent en cela un diagramlle de la langue un
signe icon ique qu i epreacutesente son objet en vertu dune si 111 i lari teacute en tre les re lations de
sa propre tonne (son tondement) et les relations de la tonl1e de lobjet Leacutecriture
85
japonaise en tant que diagramme de la langue japonaise est donc un leacutegisigne iconique
rheacutematique Dans le cas de la phrase-exemple la diagrammaticiteacute du signe eacutecrit est
manifeste si lon considegravere la structure thegraveme-commentaire indiqueacutee par lalternance
des konji 0 (ou kotakono 0) et des hirogono bull La transformation de konji en
kotokono naffecte en rien laspect diagrammatique de leacutecriture pour autant que lon
sache diffeacuterencier les deux types de kano La distinction entre la premiegravere et la
seconde intention qui fonde cette diagrammaticiteacute est quand mecircme un peu embrouilleacutee
car les deux types de kono sont moins distincts entre eux dans leur forille graphique
et leur fonction repreacutesentative (moraiumlque et non morpheacutemique) quils ne le sont des
konji I~e passage du terme B gg nihongo agrave la particule conjonctive 0) no puis au
terme laquo-~ beeshikll dans le thegraveme B~gO)(-~)(Ij niJongo no beeshikll
blln Vo lillustre bien
Dun point de vue agrave la fois grammatical et graphique les termes de seconde
intention eacutecrits en hirogono tels que les particules les flexions et les marqueurs
dexistence en ponctuant la phrase et en rendant sa structure syntaxique manifeste
possegravedent un certain aspect indexical tels des leacutegisignes indexicollx rheacutematiqlles mais
en modalisant les relations logiques de la proposition de maniegravere plus fine quun
simple index qui ne fait quindiquer son objet ils jouent un rocircle davantage
conventionnel et se rapprochent en cela du leacutegisignc middot)YIIIJoiqlle rheacutel11otique Dans
lexemple la particule conjonctive 0) no de se fond syntaxiquement dans le thegraveme de
la premiegravere proposition la particule conjonctive tJ go mais unit les deux
propositions en exprimant un certain sentiment dopposition la distance syntaxique
entre les propositions devant tout de mecircme ecirctre souligneacutee par la virgule et la copule
Tt desli marque lexistence du rapport entre le terme quelle deacutetermine et le reste de
la plOposition selon un certain niveau de politesse tel un emballage rendant la
plOposition mieux preacutesentable La compreacutehension de la nuance que chacun de ces
termes apporte agrave la phrase demande une plus grande connaissance de la grammaire
86
japonaise quun simple index Seule la particule Ij ]la en theacutematisant le terme auquel
elle est adjointe cest-agrave-dire en le mettant agrave distance et en le pointant du doigt agit
principalement comme un index et constitue en cela un eacutegisignc indcxicol rheacutellloiquc
Les termes de premiegravere intention tels les noms et les bases connectives des verbes ou
des adjectifs sont quant agrave eux des leacutegisigncs ~Yl77b()liqucs rheacutel77oiqllcs plus
authentiques car cest peacutelr eux que la proposition acquiert sa compreacutehension fis
comportent neacuteanmoins un certain aspect indexical puisque cest eux qui ancrent la
proposition dans la reacutealiteacute eacutelctuelle La complexiteacute de leur forme grarhique en konji
compeacutelreacutee aux autres eacuteleacutements en kano rellegravete aussi sous un aspect iconique cette
fois limportance de leur cheacutelrge seacutemantique Ceci nous conlirme bien que les
symboles peuvent impliquer des index et des icocircnes et mecircme que les termes de
seconde intention eacutecrits en kanji participent de la sorte agrave la diagrammaticiteacute de
leacutecriture
Les konji et les kono en tant que graphegravemes abstraits de leur fonction
grammaticale se distinguent aussi dans leurs aspects seacutemiotiques Les konosont des
signes phoneacutetiques repreacutesentant des mores et sont donc de purs leacutegisignes
~ymb()liqucs rheacutemaiques Ils se lisent directement mecircme si lon ne comprend pas le
sens des mots ni de la ph rase Il nest pas neacutecessai re de les mettre en re lation avec
dautres signes dans le contexte de la phrase pour les lire Les kanji sont pour leur part
des signes plus complexes et leur composition interne est exploiteacutee afin de
reconstruire leur signification Ils peuvent ecirctre analyseacutes en eacuteleacutements plus petits
entretenant entre eux des relations signi liantes (des ensembles de traits ou de
radicaux) Ils constituent en cela des leacutegisigne~ ~Ylllb()liqllcS diccns bien que dans leur
fonction normale de repreacutesentation lorsquils sont immeacutediatement reconnus et
demeurent transparents leur aspect symbolique dominant reste lheacutematique Ces
leacutegi~igncs symholiqlles rheacutellCIiqllcl sont toutefois imparfaits car leur interpreacutetation
correcte neacutecessite une mise en contexte plusieurs lectures eacutetant possibles En tant que
rhegravemes ils deacuteterm inent linterpreacutetation en vertu de caractegraveres rlOpres agrave leur objet
87
relatifs au sens et au son des mots repreacutesenteacutes mais offrent plusieurs possibiliteacutes agrave
cet eacutegard et sont donc des signes lheacutematiques geacuteneacuteraux plutocirct que deacutetermineacutes
Laspect dicent secondaire mais pertinent agrave lanalyse des kon)i est perdu dans
leur trlIlsformation en kolokono alors quils se trouvent en quelque sorte aplanis (et
allongeacutes) Les kona de Z- J beeshiku basic ne sanalysent pas plus avant que
les mores quils repreacutesentent mais les kanji de ~$ kihon fondement ont chacun
plusieurs lectures possi bles qu i permettent den reeonstru ire le sens de Li iverses
maniegraveres par exemple ~ peut aussi se lire 171010 signifiant base et donnant entre
autres le verbe ~j lt IIIOloczukll baseacute sur tirant son origine de tandis que $ peut
eacutegalement se lire de la mecircme faccedilon molo origine tous autant dindices il la lecture et
la com preacutehension du mot ~$ Laspect rheacutematiq ue des kOlokono est cependant plus
eacutevident que pour les kunji la phoneacutetisation faisant plus directement reacutefeacuterence agrave son
objet la more
Leacutecriture mixte konji-kono est quant agrave elle le eacutegisigne vmboiqlle dicenl le
plus authentique du systegraveme Elle est composeacutee de quasi-propositions graphiques
(des dicisignes) qui donnent accegraves au sens de leurs objets des phrases de la langue
japonaise Les signes de leacutecriture mixte informent le lecteur et scripteur quant au son
et au sens il accorder aux termes par leur symboliciteacute lheacutematique et aux propositions
par leur diagral1lmaticiteacute Les sujets logiques dela quasi-proposition graphique
B~gO)~XIj~aUZC91J~ 75 A~gfjQ 1) AYA Y 1) -XC9o
sont les signes de premiegravere intention eacutecrits en kanji et en kolawno B ~~j ~
X l1~x 75A~~f QI)AYAYI)-X tandis que son preacutedicat logique
geacuteneacuteral est la relation repreacutesenteacutee par le diagramme de lalternance entre wnji kona et
ponctuation
DDOnOOooobullbullbull 00000000000000bullbull0
Il est rendu deacutetermineacute par les signes de seconde intention eacutecrits en hirogano 0)
88
r~r Ct IF f~r Ct Le preacutedicat logique ne change pas avec la
transformation en kalakona seuls les sujets logiques eacutetant aHecteacutes lancrage dans la
reacutealiteacute actuelle est moclaliseacute par de nouvelles fmmes speacutecifiques de leacutecriture aux
aspects seacutemiotiques diffeacuterents Ainsi la transformation de eacutecriture japonaise ne
change pas sa structure syntaxique mais bien son rapport agrave la langue usuelle et au
monde sa seacutemantique Nous comprenons eacutegalement agrave preacutesent que leacutecriture saisie en
diachronie dans sa transformation historique puisse constituer un argument une
quasi-proposition se transformant en une autre Les nuances seacutemantiques laissent
perdurer une certaine structure syntaxique qui se constitue par lhabitude en regravegle
syntaxique Une certaine tendance eacutevolutive dans le sens de la phoneacutetisation de
leacutecriture peut aussi ecirctre perccedilue dun autre point de vue Lexamen pl us appro fond i de
ces arguments sera le propre de 111 critique logique
Lanalyse logique critique de leacutecriture japonaise cherche agrave deacuteterminer jusquagrave
quel point le signe eacutecrit constitue une repreacutesentation adeacutequate de son objet cest-agraveshy
dire de la langue japonaise et du langage logique qui lui est sous-jacent Elle critique
liumlnformation veacutehiculeacutee par le signe et ne soccupe donc que des signes qui informent
tels que les leacutegisignes symboles dicisignes et arguments Lmiddoteacutecriture au premier abord
ne montre pas de faccedilon explicite quel est son interpreacutetant final et elle ne semble donc
pas un argument mais lanalyse seacutemiotique en a distingueacute au niveau de la grammaire
speacuteculative des aspects informati fs tout signe eacutecrit est en son fondement un leacutegisigne
et peut ecirctre dans son rapport agrave lobjet un symbole et dans son rapport agrave
liumlnterpreacutetant un dicisigne Toutefois eacutegalement dans sa transformation historique
reacutecriture constitue bien un argument implicite que lanalyse critique classera selon les
types diumlnfeacuterence et dont elle jugera de la validiteacute Il sagit donc de critiquer chaque
type de signe informatif distingueacute dans leacutecriture japonaise et de voir si la
transformation de eacutecri ture dans le sens de augmentation des kaloko1o la rend pl us
apte agrave repreacutesenter son objet la langue japonaise usuelle La comparaison avec les
sera ici utile faisant contraster les objets et buts speacutecifiques cie chaque eacutecriture
89
Le but principal de leacutecriture japonaise est de transmettre le message en langue
japonaise le plus fidegravelement possible afin de permettre la communication effective de
l information du scri pteu l au lecteur Le signe eacutecrit do i t pour cela tendre agrave la
transparence il ne doit pas se man ifester pour lu i-mecircme mais seulement pou l son
objet La notation des p$ cependant a pour fonction plincipale de permettre
lanalyse logique par le retour reacuteflexif sur le signe et la critique subseacutequente La
logique qui est sous-jacente agrave sa repreacutesentation graphique est tout aussi fondamentale
que celle que le logicien tente de deacutecouvrir dans dautres pheacutenomegravenes Lanalyse de la
notation partic ipe donc agrave janalyse logique quelle su pporte Les signes de leacutecriture
japonaise et des graphes existentiels lepreacutesentent-ils leur objet de maniegravere adeacutequate
Forceacutement ces signes sont contraints par la forme de leur tondement et ne peuvent
sidentitier parfaitement agrave leur objet Mais ils visent un certain but et sils permettent
de latteindre alors on peut consideacuterer quils constituent des repreacutesentations
adeacutequates de leur objet Ladeacutequation de la repreacutesentation est relative agrave leffet viseacute Le
but du signe est son interpreacutetant final le processus qui megravene au nouveau signe son
interpreacutetant dynamique et le nouveau signe effectivement produit linterpreacutetant
immeacutediat Lanalyse logique critique doit eacutevaluer ladeacutequation de linterpreacutetant
immeacutediat agrave son objet en vertu de linterpreacutetant final La consideacuteration de linterpreacutetant
dynamique permet quant agrave elle de comprendre comment sopegravere cette mise en relation
Dans le cas des graphes existentiels lanalyse portera sur le vocabulaire
eacuteleacutementaire de la notation Le vocabulaire eacuteleacutementaire des 5 en leur partie Seta est
composeacute de symboles de sujets de la coupure (symbolique) de la ligne didentiteacute
(iconique) et implicitement de la juxtaposition La symboliciteacute des sujets et de la
coupure de mecircme que liumlconiciteacute de la ligne didentiteacute sont-elles les aspects
seacutemiotiques les plus appmprieacutes agrave fagraveire ressoltil lors de la repreacutesentation de la logique
des propositions analyseacutees Les sujets logiques sont des index des termes agrave la
signification deacutetermineacutee qui ancrent la proposition dans la reacutealiteacute actuelle Les signes
repreacutesentant ces sujets seraient donc ideacutealement des index ou plus exactement des
90
leacutegisignes indexicaux lheacutematiques Peirce donne le plus souvent dans ses exemples de
graphes des sujets tels que laquoest un hommeraquo et laquoest mortelraquo (CP 4407 1903) donc
des leacutegisignes symboliques lheacutematiques mais larcheacutetype du sujet logique en tant que
leacutegisigne indexical lheacutematique serait plutocirct un pronom deacutemonstratif tel que laquoceciraquo ou
laquocelaraquo ou mecircme une simple lettre de lalphabet telle quutiliseacutee dans la notation de la
logique formelle contemporaine (les exemples de graphes donneacutes dans la
correspondance agrave Lady Welby utilisent de telles lettres cf SampS 94-130 J909)
Lillustration commune par des symboles nest donc pas la plus adeacutequate mais
poursuit sans doute un but peacutedagogique secondaire agrave lanalyse du raisonnement
proprement dite et rend agrave cet effet la notation plus familiegravere cn utilisant des mots de la
langue usuelle Lemploi plus technique des lettres de lalphabet est cependant tout agrave
fagraveit apte agrave repreacutesenter les sujets logiques en leur caractegravere essentiel dindex La
neacutegation est quant agrave elle une cateacutegorie particuliegravere de la qualiteacute et la neacutegation logique
modalise donc la qualiteacute dun terme ou dune proposition Son signe serait ideacutealement
un leacutegisigne iconique lheacutematique La coupure est suggestive de cette modalisation
ma is ne lopegravele pas sans une cOllVention exp 1ic ite son 1ien avec la neacutegation restant
contingent Un changement de couleur des signes nieacutes aurait peut-ecirctre eacuteteacute plus
adeacutequat La coupure permet cependant la lecture endoporeutique de lexteacuterieur vers
linteacuterieur du graphe une convention fagravecilitant linterpreacutetation La relation didentiteacute
constituant le preacutedicat geacuteneacuteral de la proposition est finalement lexpression la plus
simple de lessence de la proposition Son signe le plus adeacutequat serait donc une icocircne
la plus authentique possible La ligne didentiteacute par la continuiteacute de son trait reliant
les symboles de sujets est un signe iconique lheacutematique des plus adeacutequats dans le
cadre dune analyse logique neacutecessitant lemploi dune notation conventionnelle en
son fondement un leacutegisigne La ligne didentiteacute est de la sorte un leacutegisigne iconique
lheacutematique le pJus approprieacute des signes vu les contraintes formelles imposeacutees par le
type de notation servant il lanalyse du raisonnement Les graphes existentiels font
donc ressortir dans la composition graphique de leurs signes explicites la structure
logique des propositions et arguments quils repreacutesentent en exploitant divers aspects
91
seacutemiotiques du signe qui correspondent aux divers aspects de la reacutealiteacute
Dans le cas de leacutecritule japonaise lanalyse portera sur les principaux signes
distingueacutes dans lexamen de la grammaire speacuteculative soit leacutecriture mixte konji-kona
et largument de la transformation en kalakano La quasi-proposition graphique de
leacutecriture mixte est com poseacutee de sujets logiques et dun preacuted icat logique geacuteneacuteral Les
sujets logiques sont comme dans lesif des index et leurs signes ideacuteaux dans une
repreacutesentation conventionnelle servant agrave lanalyse du raisonnement seraient des
leacutegisignes indexicaux rheacutematiques Mais le but de leacutecriture japonaise est de
repreacutesenter une langue usuelle servant avant tout agrave la communication effective entre
interlocuteurs et les leacutegisignes symboliques lheacutematiques que sont les kanji el
kalakana repreacutesentant les sujets logiques de leacutecriture jouent convenablement leur
rocircle ils ancrent la proposition dans une langue conventionnelle et non seulement dans
le monde actuel Les konji sont mecircme agrave ce sujet un peu plus approprieacutes que les
kalokana car ils tendent agrave la symboliciteacute dicente leur interpreacutetation interne ou en
contexte eacutetant plus complexe tandis que les kana tendent agrave lindexicaliteacute rheacutematique
indiquant chacun tel son deacutetermineacute Dans un contexte sociolinguistique ougrave la
connaissance de la convention de leacutecriture tagraveit deacutetagraveut les kOlokono sont cependant
preacutefeumlrables un but diffeacuterent daccessibiliteacute agrave Jinformation eacutetant alors poursuivi Le
preacutedic8t logique geacuteneacuteral repreacutesenteacute par leacutecriture mixte est pour sa part la syntaxe de la
langue japonaise lorganisation des relations logiques propre agrave cette langue Le
diagramme un sous-type de leacutegisigne iconique rheacutematique en est le type de signe
ideacuteal relleacutetant en son fondement la structure relationnelle propre agrave la syntaxe Le
diagramme de lalternance entre types deacutecriture en indiquant la structure
fondamentale thegraveme-commentaire est un signe de la syntaxe japonaise des plus
adeacutequats Il est quelque peu embrouilleacute par lutilisation des hiragafo dans la
structuration interne et non seulement externe du thegraveme et du commentaire mais Ilen
demeure pas moins un signe explicite de la syntaxe japonaise dans son ensemble
Leacutecriture mixte par le jeu entre ses deux composantes logiques repreacutesente donc
92
adeacutequatement la nature propositionnelle de la langue japonaise
Les transformations actuelles de leacutecriture japonaise preacutesentent un certain
aspect argumentatif Lobjet de cet argument est le contact des langues auquel est
actuellement sujette la langue japonaise Lassimilation de mots eacutetrangers principal
effet du contact des langues ne moditiumle pas la structure syntaxique fondamentale de la
langue mais change bien la coloration le ton la nLiance de ses termes un certain
aspect qualitatif de la langue est transformeacute La langue japonaise en tant que signe
deacuteterm ine son interpreacutetant en vertu de nouvelles quai iteacutes prem iegraveres de son fondement
la forme des mots dorigine eacutetrangegravere assimileacutes Sa rheacutematiciteacute est donc affecteacutee La
repreacutesentation de ces mots par des katakal10 et laugmentation sign ifiumlcative du nom bre
de katakano dans le texte japonais sont un signe adeacutequat de la transformation de la
langue japona ise Les katokana otfren t un aspect qua 1itatif d i lteumlrent de cel uides konji
qui transforme la rheacutematiciteacute des termes de la quasi-proposition En quoi consiste
largument Largument de la transformation actuelle de leacutecriture japonaise est L1ne
infeacuterence deacuteductive dont la regravegle reste implicite Cette regravegle eacutenonceacutee de faccedilon geacuteneacuterale
est que si seuls les sujets logiques de la quasi-proposition sont moditiumleacutes et non son
preacutedicat logique geacuteneacuteral alors la structure fondamentale de la langue japonaise reste la
mecircme car cest la relation didentiteacute du preacutedicat qui fonde sa syntaxe Eacutenonceacutee de
maniegravere speacutecifique agrave leacutecriture japonaise cette regravegle devient si seuls les leacutegisignes
symboliques lheacutematiques des termes de premiegravere intention sujets de la quasishy
propos i tion sont mod i fieacutes alors le diagramme fondamenta 1 de leacutecriture le preacuted icat
geacuteneacuteral reste le mecircme Le cas actuel observeacute est une transformation de la rheacutematiciteacute
des termes de premiegravere intention cie leacutecriture japonaise Le reacutesultat perccedilu agrave travers la
diachronie est que le diagramme de leacutecriture reste le mecircme de mecircme que la syntaxe
de la langue Nous pouvons tiumlnalement illustrer et reacutesumer largument de la maniegravere
suivante
93
B~~(J)~9It~~9T9tlmiddot 77- z~~It1J I)zz Y 1) -9T90
B~~(J) 1(- IJ 91t--j- - YT9tJ 77- z~~lt IJ 1) z z 1) -YT90
000000000bullbullbull 00000000000000bullbull0
0000000000000bullbullbull OOUOOOOOOOOOOObullbullo
Regravegle-Si seule la rheacutematiciteacute cles termes de premiegravere intention de leacutecriture
japonaise est modifieacutee alors son diagramme reste le mecircme
Cas-Seule la rheacutematiciteacute des termes cie premiegravere intention cie leacutecriture japonaise
est Illodi fieacutee
Reacutesultat-Le diagramme de leacutecriture japonaise reste le mecircme
223 Critique de lanalyse seacutemiotique
Le retour reacuteflexif et critique sur lanalyse seacutemiotique permettra agrave preacutesent de
mieux saisir les aspects eacutepisteacutemologiques de Iapplication de la theacuteorie seacutemiotique agrave
leacutetude de Ieacutecriture La reacuteflexion sera eacutelaboreacutee agrave partir des cateacutegories particuliegraveres de la
signification et de la modaliteacute et permettra de juger du bien-fondeacute de lapplication de la
seacutemiotique Le retour se fera dabord sur la theacuteorie geacuteneacuterale de leacutecriture comme signe
eacutelaboreacutee puis sur lapplication speacutecifique agrave leacutecriture japonaise et le problegraveme de sa
transformation actuelle Jexaminerai plus speacutecifiquement les concepts et les types
dinfeumlrence utiliseacutes en deacutefinissant les concepts philosophiques de la seacutemiotique et les
concepts idioscopiques de la linguistique et en deacuteterminant comment seffectue la
transformation dun type de concept en Iautre Je ferai ainsi ressortir Iargument qui
justifie le passage de la seacutemiotique agrave la science de jeacutecriture
Les concepts philosophiques de la seacutemiotique sont des concepts geacuteneacuteraux
servant de normes au raisonnement Prenons par exemple les concepts seacutemiotiques de
fondelllent en tant que constituant du signe et de diogrUlllllle en tant que type de signe
Ces deux concepts reacutefegraverent agrave une certaine structure de la reacutealiteacute que la seacutemiotique
94
philosophique cherche il repreacutesenter Ce sont des concepts philosophiques en ce
quils sappliquent agrave lexpeacuterience commune de la reacutealiteacute actuelle Ce sont aussi des
concepts seacutemiotiques en ce quils sappliquent plus speacutecifiquement agrave la penseacutee qui se
deacuteveloppe de signe en signe Ils servent finalement de normes au raisonnement en ce
quils constituent des principes directeurs pour toute reacuteflexion systeacutematiquement
ulteacuterieure SUI les lepreacutesentations neacutecessaires de la reacutealiteacute propres agrave la science Le
fondement repreacutesente ainsi un eacuteleacutement de la structure du signe laspect selon lequel le
signe en soi deacuteterm ine la repreacutesentation que lon se doit de consideacuterer dans toute
repreacutesentation adeacutequate de la reacutealiteacute Le diagramme en repreacutesentant un type de signe
rend quant agrave lui explicite laspect selon lequel le signe repreacutesente un ensemble de
re lat ions reacuteelles ce que lon se doit eacutegalement de consideacuterer dans la repreacutesentation
particuliegravere de la reacutealiteacute en vertu des relations propres agrave un objet La seacutemiotique
inaugure donc le mouvement reacuteflexif et critique de la penseacutee qui fait alors retour sur
ses propres repreacutesentations et sert en cela de fondement agrave toute repreacutesentation
scientifique Le concept seacutemiotique exprime de la sorte une relation possible en voie
dactualisation dans la repreacutesentation dun objet reacuteel par son signe
Les concepts idioscopiques de la linguistique sont des concepts geacuteneacuteraux
servant agrave la classification des langues et de leurs eacuteleacutements En classifiant des
propositions qui peuvent se constituer en arguments la linguistique tend aussi agrave
repreacutesenter les lois du langage Par exemple les regravegles grammaticales sont des
propositions pouvant composer des arguments dune theacuteorie de la syntaxe Ces regravegles
lorsque duumlment justifieacutees par les 8rguments quelles composent deviennent
effectivement des lois de la langue il laquelle elles sappliquent Les regravegles
grammaticales ordinaires sont cependant des propositions constitutives dune theacuteorie
linguistique construite par le bas il partir des donneacutees factuelles accumuleacutees dans les
recherches de cette science idioscopique attacheacutee agrave lobservation des fagraveits propres aux
langues speacutecifiques Les concepts linguistiques qui nous inteacuteressent sont plutocirct ceux
deacuteriveacutes de la seacutemiotique tels queacutelaboreacutes dans lanalyse de leacutecriture des sections
95
preacuteceacutedentes Prenons ainsi pour exemple les concepts defocircndelJent de leacutecriture tel
que deacuteveloppeacute dans la theacuteorie geacuteneacuterale de leacutecriture comme signe el de diogroJJJJI1e de
eacutecriture tel que deacuteveloppeacute dans lanalyse de leacutecriture japonaise et de ses
transformations actuelles Ces concepts eacutelaboreacutes agrave partir de la seacutemiotique rentrent euxshy
mecircmes dans la composition dune theacuteorie de la syntaxe et de la seacutemantique graphiques
de leacutecriture Le fondement de leacutecriture est la forme speacutecifique dun signe deacutetermineacute
leacutecriture qui deacutetermine la repreacutesentation de la reacutealiteacute par ce signe Le concept
linguistique de fondement de leacutecriture est donc agrave la fois mieux deacutelinIcirc el plus geacuteneacuteral
que le concept seacutemiotique de fondement tout court car sa compreacutehension et son
extension sont preacuteciseacutees il ne sagit plus du signe mais de leacutecriture un ensemble
speacutecifique de signes comprenant toutefois plusieurs types deacutecriture eux-mecircmes
deacutefinissables plus avant Le diagramme de leacutecriture est de la mecircme faccedilon un aspect de
lo~jet reacuteel plus preacutecis de fa langue rendu explicite par leacutecriture dont plusieurs
langues et eacutecritures peuvent cependant ofTrir des formes diffeumlrentes Les sciences
idioscopiques achegravevent donc le mouvement reacuteflexif de la penseacutee en le faisant porter
dans un retour pragmatique sur des objets speacutecifiques de la reacutealiteacute actuelle dont la
consideacuteration megravenera ultimement agrave certaines conduites controcircleacutees par la raison Le
concept idioscopique exprime ainsi une relation neacutecessaire entre la repreacutesentation et la
reacutealiteacute repreacutesenteacutee une loi de la nature ou du deacuteveloppement naturel de lactiviteacute
humaine
Leacutepisteacutemologie suite agrave la distinction et la deacutefinition des dif1eumlrents types de
concepts geacuteneacuteraux peut aussi effectuer un retour critique sur la transtormation de
certains concepts en autres concepts tel que leffectue la logique crilique au sujet des
signes infonnatifs Lobjet seacutemiotique plus preacutecis de leacutepisteacutemologie est la
connaissance qui est deacutetlnie classiquement comme une croyance vraie justifieacutee Cette
croyance est une proposition constitueacutee de rhegravemes Elle est consideacutereacutee vraie lorsque
les sujets de ces rhegravemes reacuteduits agrave la relation didentiteacute fondamentale de mecircme que la
structure repreacutesenteacutee par ces rhegravemes en tant que preacutedicats geacuteneacuteraux saccordent avec
96
la reacutealiteacute actuelle Elle est de plus justifieacutee par un argument qui la relie logiquement agrave
dautres propositions vraies lui donnant de la sorte des points dancrage
suppleacutementaires dans la reacutealiteacute actuelle qui viennent assurer sa propre adeacutequation au
reacuteel Quel est largument qui justifie la transformation des concepts seacutemiotiques en
concepts linguistiques Le principal type diumlnfeumllence par lequel les concepts
philosophiques de la seacutemiotique sont transformeacutes en concepts idioscopiques de la
linguistique est la deacuteduction Dans le cas du diagramme par exemple largument
deacuteductifspeacutecifique qui justifie son application agrave Ieacutecriture prend pour regravegle le principe
directeur de la seacutemiotique suivant si un signe entretient sous un celtain aspect avec
son objet une relation de similitude en vertu de relations propres agrave lobjet et au signe
alors ce signe est un diagramme Le cas auquel il sapplique est le fagraveit constateacute que
leacutecriture est un signe qui sous un certain aspect entretient avec son objet speacutecifique
la langue usuelle une relation de similitude en vertu de relations propres agrave lui-mecircme et
agrave ce dernier Le reacutesultat en est que dans la reacutellexion du linguiste sur la repreacutesentation
de lobjet reacuteel de la langue usuelle quest leacutecriture ce dernier signe est interpreacuteteacute
comme un diagramme La seacutemiotique fournit de la sorte une regravegle agrave linterpreacutetation
dun cas speacuteci1ique de la linguistique interpreacutetation qui produit un concept
linguistique Les concepts seacutemiotiques sont donc des termes de la proposition servant
de regravegles qui sont repris dans une version plus preacutecise et geacuteneacuteralisable agrave un ensemble
dobjets actuels en tan t que conce pts id ioscop iq ues L infeumlrence effectueacutee nest pas
en cela une simple deacuteduction mais un type diumln1eumlrence deacuteductive plus preacutecis
comprenant un certain aspect abductir la speacutecification (descent) du concept de
diagramme La peacutecJjicoioJ1 est un type diumlnfeacuterence qui augmente la compreacutehension
dun concept tout en en diminuant lextension et augmente globalement linformation
veacutehiculeacutee (sa parI abductive) Cest agrave la fois une deacutetermination (augmentation de la
compreacutehension) et une restriction (diminution de lextension) (CP 2422-29 1867
1893) Dans le cas de la transformation du concept de diagramme un nouveau concept
est produit le diagramme de leacutecriture suite agrave une augmentation de la compreacutehension
lacquisition de la qualiteacute deacutecriture et une diminution de lextension du concept la
97
limitation aux seuls signes eacutecrits Largument peut finalement ecirctre scheacutematiseacute de la
fagraveccedilon suivante
Regravegle-Si un signe entretien avec son objet une relation de similitude en vertu de
relations propres agrave lobjet et au signe alors ce signe est un c1iagreacutellnme
CilS speacutecitique-Leacutecriture est un signe qui entretien avec son objet la langue
usuelle une relation ck similitude en vertu de reliltions propres agrave lui-mecircme e
agrave ce dernier
Reacutesultill-Leacutecriture est un diagramme de la langue usuelle
Le dernier moment de la reacuteflexion dordre eacutepisteacutemologique est liumlnterpreacutetation
geacuteneacuterale de largument distingueacute replaccedilant ce dernier clans lensemble du systegraveme
peirceacuteen et allant dans le sens du pragmatisme Les concepts seacutemiotiques ont eacuteteacute dits
fonder la reacuteflexion systeacutematiquement ulteacuterieure sur les repreacutesentations de la science
mais le systegraveme peirceacuteen renvoie en fait agrave toute une ontologie Chaque niveau du
systegraveme est caracteacuteriseacute par un ensemble de cateacutegories qui speacuteci fient le point de vLle
que ce premier prend sur la reacutealiteacute La transformation des concepts scientifiques
correspond donc agrave un changement de niveau ontologique ainsi les concepts
seacutem iotiq ues extra its de leur si tuation particul iegravere au se in des sc iences ph i losoph iques
normatives ont-ils eacuteteacute appliqueacutes agrave leacutetude de leacutecriture une science idioscopique
psychique La reacuteflexion agrave ce sujet seffectuant par les signes du langage on se rend
aussi compte que le point de vue seacutemiotique sur lactiviteacute scientifique implique quau
langage soit confeacutereacute un statut particulier parmi les objets constituant la reacutealiteacute le
langage occupe plusieurs niveaux de la reacutealiteacute et permet de passer dun niveau agrave
lautre Ce serait son aspect meacutediateur en tant que signe triadique qui ressortirait ici et
le caracteacuteriserait avant tout
En quoi la reacuteflexion eacutepisteacutemologique sappuie-t-elle sur la doctrine du
pragmatisme Leacutepisteacutemologie est une science meacutetaphysique faisant retour sur les
connaissances deacuteveloppeacutees par le raisonnement Le pragmatisme est quant agrave lui une
doctrine de la meacutethodeutique science anteacutelieule agrave la meacutetaphysique et ayant des
98
conseacutequences sur cette dell1iegravere La conseacutequence la plus proprement eacutepisteacutemologique
est le faillibilisme ou plus geacuteneacuteralement le sens commun critique Nous reconnaicirctrons
ces conseacutequences du pragmatisme en mettant en lien deux aspects de la transformation
des signes constateacutes dans la critique logique et la critique eacutepisteacutemologique Dans
lana lyse logique critiq ue nous avons pu remarquer 1iuml mportance de certains types de
signe du point de vue de la seacutemiose Un signe qui ne nous inlorme pas qui ne
deacuteveloppe pas son aspect de Troisiegravemeteacute ne nous affectera que momentaneacutement en
tant que Deuxiegraveme ou inconsciemment en tant que Premier ce sont donc les signes
informatifs et ultimement les arguments qui nous affectent le plus en prenant controcircle
de notre vie et de notre monde comme repreacutesentation Cependant les arguments se
deacuteveloppent et sajustent selon que la contiontation avec la reacutealiteacute actuelle vienne les
confirmer ou non En faisant ressortir cet aspect de la seacutemiose la critique logique vient
fonder le faillibilisme Dans la critique eacutepisteacutemologique nOLIs avons aussi vu que les
concepts se deacuteveloppent systeacutematiquement dans le sens du retour sur la reacutealiteacute
actuelle en tant que principes directeurs de repreacutesentations deacutetermineacutees cie la reacutealiteacute
puis densembles de repreacutesentations speacutecifiques Cette constatation est baseacutee sur des
principes de la logique la deacuteduction et plus preacuteciseacutement la speacutecification rendus
explicites par la critique logique Le principe du pragmatisme est donc opeacuterant dun
point de vue eacutepisteacutemologique dans le deacuteveloppement de la connaissance au sein du
systegraveme des sciences mais se fonde sur une logique deacutegageacutee par lanalyse seacutemiotique
Finalement lanalyse seacutemiotique ne nous a pas fait deacutecouvrir la structure logique de la
langue que la grammaire distinguait deacutejagrave dans son travail de reacutellexion theacuteorique agrave partir
de donneacutees lagravectuelles mais a permis en explicitant les principes directeurs de la
repreacutesentation par signes de fonder lanalyse grammaticale et de rendre ses
explications plus claires moins opaques plus conformes agrave leur objet Cest ce que la
critique eacutepisteacutemologique nous fait constater
Conclusion
Lapplication de la seacutemiotique philosophique agrave leacutetude de leacutecriture est
leacutegitimeacutee par une certaine logique de la transformation des concepts au moyen dune
inrerence valide qui prend la forme dClrguments speacutecifiques Cette application sous
son aspect logique se 10nde donc sur la seacutem iotique en tant que science normative
donnant les principes directeurs du raisonnement La seacutemiotique se base quant agrave elle
sur la phaneacuteroscopie qui lui tournit agrave son tour les cateacutegories universelles et
particuliegraveres de lexpeacuterience repreacutesentant la structure de la reacutealiteacute et permettant
deacutelaborer la reacuterlexion sur les r-ormes geacuteneacuterales de la reacutealiteacute que sont les signes Le
deacuteveloppement des cateacutegories et plus preacuteciseacutement des signes suit de plus un certain
ordre dont le but viseacute du retour sur la reacutealiteacute actuelle atin de reacutealiser ladeacutequation
entre la raison individuelle et le monde est rendu explicite par un mouvement
reacutetrospectif dans le principe du prClgmatisme Ladeacutequation de la raison au reacuteel est le
motif mecircme de lapproche seacutemiotique de leacutecriture qui a pour but de rendre les
repreacutesentations de la science idioscopique de leacutecriture plus conronnes agrave la structure
reacuteelle du langage repreacutesenteacute
Linterpreacutetation de la philosophie peirceacuteenne et son application agrave leacutetude de
leacutecriture proposeacutees dans ce meacutemoire possegravedent quelques particulariteacutes les
deacutemarquallt de lexeacutegegravese traditionnelle Tout dabord la meacutethodeutique (le
pragmatisme) et la meacutetaphys iq ue on t eacuteteacute preacutesenteacutees en prem ier alors quelles son t
toutes deux les derniegraveres sciences (Troisiegravemes) de leurs branches respectives alin de
donner degraves le deacutepart le but viseacute des sciences philosophiques dans le premier chapitre
qui repreacutesente somme toute un exposeacute reacutetrospectif du systegraveme peirceacuteen Lexposeacute de
la phaneacuteroscopie a ensuite eacuteteacute eacutelClboreacute en preacutesentant non seulement les cateacutegories
universelles mais aussi les cateacutegories particuliegraveres comme r-ondamentales agrave la penseacutee
peirceacuteenne en mettant toutefois laccent sur les cateacutegories particuliegraveres de la modaliteacute
et de la signirication Lexposeacute suivant de la seacutemiotique ne sest pas de la mecircme faccedilon
100
limiteacute agrave la preacutesentation de la grammaire speacuteculative mais sest eacutetendu jusquagrave la
logique critique pour faire finalement retour sur la doctrine du pragmatisme preacutesenteacutee
en deacutebut de chapitre La notation logique des graphes existentiels a quant agrave elle servi
dexemple privileacutegieacute dun systegraveme deacutecriture deacuteveloppeacute agrave partir des principes de la
seacutemiotique
Lapplication agrave leacutetude de leacutecriture et au cas speacutecifique de leacutecriture japonaise
a permis au second chapitre de deacuteterminer la porteacutee de la seacutemiotique philosophique
sur une science idioscopique plus preacutecise Le motif structurant de lexposeacute a plutocirct
eacuteteacute dans ce chapitre de partir agrave chaque fois dun exemple lagravemilier les theacuteories
linguistiques de leacutecriture japonaise et la graml11airejaponaise pour ensuite deacutevelopper
lanalyse seacutemiotique Lapproche seacutemiotique a permis entre autres de formuler une
interpreacutetation originale de la structure syntaxique eacuteleacutementaire de la langue japonaise et
de la fonction signifiante de son eacutecriture La reacuteflexion eacutepisteacutemologique a finalement
permis deffectuer un retour critique et global sur lapplication quelle a justifieacutee en
faisant ressortir largument par lequel seffectue le passage dun type cie concept agrave un
autre La critique eacutepisteacutemologique a eacutegalement permis une premiegravere ouverture
meacutetaphysique de Janalyse seacutemiotique par le retour reacutellexif sur cette derniegravere
Jaimerais suggeacuterer en conclusion de ce meacutemoire deux autres pistes permettant
douvrir lana lyse seacutem iotiq ue plus avant mais cette fois-ci au se in des sciences
normatives du systegraveme peirceacuteen soit celles de leacutethique et de lestheacutetique
Deux ouvertlires eacutethiq1le et estheacutetiq1le
Peirce a peu eacutecrit sur leacutethique et lestheacutetique maIs on retrouve dans son
œuvre plusieurs passages qui permettent de reconstruire agrave peu pregraves sa penseacutee agrave ce
sujet Dans le domaine de leacutethique Peirce suit avant tout la tradition kantienne qui
met laccent sur lautonomie du sujet moral et limportance du devoir Il fonde de plus
101
leacutethique sur lestheacutetique tel que nous lavons vu dans la preacutesentation du systegraveme des
sciences La maicirctrise de soi est lultime moment eacutethique de la vie et son but doit ecirctre
de rendre cette vie belle et admirable La libre volonteacute est elle-mecircme dirigeacutee vers ce but
propre et rien dautre si ce nest que par deacuterivation (une rdlexion cie Peirce explicite agrave
ce sujet dans une lettre agrave Lady Welby en SampS 112 1909)
Quel lien peut entretenir la theacuteorie seacutemiotique de leacutecriture japonaise avec
leacutethique La theacuteorie seacutemiotique de leacutecriture pourrait ici fonder le retour pragmatiste
de la raison sur une dimension eacutethique plus vaste cie la reacutealiteacute actuelle le controcircle clu
deacuteveloppement de la culture En comprenant mieux les eHets cles transformations
actuelles de leacutecriture dun point de vue seacutemiotique on serait plus apte agrave juger du
bien-fondeacute dune intervention normative agrave ce sujet et on pourrait ainsi fonder une
veacuteritable politique de leacutecriture Peirce lui-mecircme a reacutefleacutechi agrave un problegraveme analogue agrave la
transformation de leacutecriture dans le sens de laugmentation des kalakana soit la
reacuteforme de lorthographe anglaise dans le sens de sa phoneacutetisation Il eacutetait sur ce point
plutocirct conservateur sont motif eacutetant en cela cie sauver lltltesprit)) de la langue anglaise
le monde de signification auquel participe et que fonde dun cel1ain point de vue non
neacutegligeable lorthographe de la langue anglaise Cette position est illustreacutee dans la
citation suivante qui pourrait servir cie leccedilon agrave une reacutellexion ulteacuterieure sur le cas de
leacutecriture japonaise et sa reacuteforme
1 remember in Rome in 1870 lt111 Egyptian obelisk covered Vitll hieroglyphics
surmounted by a gilt cross and resting on eacutel base Vith eacuteln inscription of Trsjltln This
monument pleased me greeacuteltly as eacuteln epitome o~ Rome Probably ere tllis tlle cross
Ilas been removed by tllose wllom it seemecl barbmously unllistoriceacutell They were
unconscious theacutelt il WeacutelS their own proceeding thsl wss barbmously oblivious of
Ilistory But 1 woulcl not have il restored for its removal bespeaks the spirit of s
new historicsl phase or the eternal city English spelling is like Rome it is a
historical composite of the most heterogeneous elements Il is onen absurcl but
that very absurclity is of value to us To raze Rome and have it rebuilt by Cl
Chazago architect would be less detrimental to the higher interests of the human
race than to reform English spclling sa as ta Illake it ljuite phanetic The one
102
would not only do terrible violence ta our sentiments but woulcL [no doubt alleet
the lesthetic development of the worlcl But even this would not be sa bacl as ta
deprive English-writing thought-we will not say of its clolhing for that would be a
most inaclequate meta phare Ta attem pt ta revo 1ution ize Engl ish spell ing whi le
leaving Anglo-saxon thought intact would be like trying ta burn up the cellulose of
the rose while leaving its color ancl beauty ancl significance (MS 1181 laquoThe
Eclitors Manual English Spellingraquo c 1886-9 1901)
Lestheacutetique agrave son tour ne consiste pas en une pure contemplation de la
Premiegravereteacute car il sagit dune science posseacutedant une part importante de Troisiegravemeteacute
un certain type de raisonnement neacutecessaire De toute faccedilon en tant quactiviteacute
humaine il sagit aussi dun type dexpression prenant le point de vue du phaneacuteron
sur lui-mecircme et ses trois aspects fondamentaux omnipreacutesents et irreacuteductibles Le
jugement estheacutetique consiste en un retour agrave un certain degreacute de Premiegravereteacute mais reste
en tant que repreacutesentation de la reacutealiteacute toujours soumis agrave lineacutevitable triadiciteacute du
monde phaneacuteronique De ce point de vue la calligraphie lun des arts majeurs de la
culture japonaise bien quelle tend le plus souvent agrave reacutegresser agrave un stade qualitatif
plus eacuteleacutementaire nen reste pas moins un art de leacutecriture un produit de la culture et
de son mode conventionnel dexpression Seulement lart de la calligraphie donne un
point de vue qualitatif sur le phaneacuteron et se distingue en cela de la science de
lestheacutetique qui tend agrave interpreacuteter rationnellement le pheacutenomegravene de la contem p lation
des qualiteacutes La reacuteflexion suivante de Peirce rend explicite cette cleacute de la
com preacutehens ion de lart
and ignorant as 1 am of Art 1 have a lair share of capacity for esthetic
enjoyment and it seems ta me that while in esthetic cnjoymenl we attend ta the
totality of Feeling-ancl especially to the totll resultanl Quality of Feeling
presentecl in the work of art we are contemplating-yet it is a sort of intellectual
sympathy a sense thal here is a feeling that one can comprehencl a reasolleacutelble
feeling 1 do not succeed in saying exactly what it is but it is a consciousness
belongi ng to the category a l Representa tion though representi ng someth ing in the
Category of Quality of Feeling (EP2 190 1903)
103
Ainsi Ianalyse seacutemiotique en plus de sensibiliser aux diverses perspectives
du signe eacutecrit peut eacutegalement souvrir aux multiples dimensions du phaneacuteron ce qui
est sans aucun doute la plus importante marque attestant du caractegravere philosophique
de la seacutemiotique peirceacuteenne De mecircme que pour les conceptions universelles qui bien
quelles ne puissent ecirctre davantage analyseacutees en soi le sont toujours dans leur mise en
relation contextuelle (ce qui serait selon Peirce lune des leccedilons essentielles de la
logique des relations EP2 219 1903) lorsque lanalyse seacutem iotique se parachegraveve
inteacuterieurement la reacuteflexion philosophique qui la soutient peut toujours souvrir et se
deacutevelopper dans le sens des autres sciences philosophiques des autres sciences
heuristiques et mecircme du reste de lactiviteacute humaine Au terme ultime de cette odysseacutee
de la conscience seacutemiotique agrave travers le systegraveme peirceacuteen des sciences nous
reconnaissons donc tinalement le motif Je plus fondamental de ce systegraveme la
continuiteacute de la penseacutee
Annexe 1 Les graphes existentiels (parties Alpha et Geta)
Alpha
Il tonne Il tonne
Il pleut
Il tonne et il pleut Il tonne ou il pleut Siumll tonne alors il pleut
(serail)
Le modus ponenl (selon Roberts 1973 45 avec les regravegles de Shin 2002)
P p
l Preacutem isses
p
2 Erlacement de P en aire non-encercleacutee
3 EHacement de P car P exteacuterieur en l
4 Q Effacement de la double coupure
lOS
Jeta
Cest beau Cest beau
est bon
est bon
Quelque chose est beau et bon Il nest pas le cas que quelque chose soit beau et
bon
est beau( ~
Quelque chose est beau mais pas bon Tout ce LJui est beau est bon
(II nest pas le cas que quelque chose soit
beau
mais pas bon)
EYOkO
donne une 1legraveul
John John donne une neul agrave Yoko (ligature)
106
Syntaxe dAlpha (selon Shin 2002 37-8 84-5)
Vocahulaire
symboles propositionnels (senence symhols)
coupure (cut) [symbolique]
(juxtaposition [quasi-iconique])
Regravegles de formaion
Un ensemble de graphes Alpha c esl le plus petit ensemble satisfaiseacutelnt les
cond i tions su i vantes
1 Un espeacutelce vide est clans r
2 Un symbole propositionnel est dans
3 Fermeture pm juxtaposition Vuxaposilion colure) Si G est dans lt et G
est dans c alors la juxtaposition de ces n graphes cesl-agrave-dire G G est
aussi dans (
4 Fermeture par coupure (CUi cfosure) Si G est dans lt alors une seule coupure cie
G est aussi clans _
Regravegles de ransjOrmaion
1 Dans une aire encercleacutee de faccedilon paire (ou non encercleacutee) disons iaire a
(a) on peut ellagravecer nimporte quel graphe et
(b) on peut dessiner un graphe X sil ya une occurence cie X
(i) clans la mecircme eacutelire cest-agrave-clire laire a ou
(ii) clans leacutel prochaine eacutelire exteacuterieure agrave aire a
2 Dans une aire encercleacutee cie faccedilon ill1paire clisons iaire a
(a) on peut elcrcer un graphe X sil ya une eacute1Lltre occurence cie X
(i) dans la mecircme aire cest-agrave-dire iaire a ou
(ii) dans la prochaine aire exteacuterieure 21 laire a et
(b) on peut dessina nimporte quel graphe
3 Une COUPl( couhle peut ecirctre effeacutelceacutee ou dessineacutee autour cie nimporte quelle
partie (Jun graphe
107
Synfaxe de [Jefa (selon Shin 2002 39-41 139-42 modifieacutee)
Vocabulaire
symboles de sujets
coupure [symbolique]
ligne didentiteacute (fine ojideJ1lity) abbr LI [iconique]
(iux taposition [qUeacutelsi- iconique])
Regravegles dl formation
Un ensemble de graphes Beta est le plus petit ensemble salisfeacutelisanl les
conclitions suivantes
l Un espace vide est cleacutelnsC Il
2 Une ligne cIidentiteacute est clans (
J Fermeture par juxtaposition Si G est dans r et G est clans ( alors leacutel bull 1 lt Il Il
juxtaposition de ces n graphes cest-agrave-dire G G est aussi clans (
4 Fermeture par sujet Si G est dans C~ alors un graphe avec un symbole cie sujet 11shy
aire eacutecrit agrave la jonction cie 11 extreacutemiteacutes libres dans G est aussi dans ltshy5 Fermeture par coupure Si G est dans lt alors un graphe cleacutelns lequel une seule
coupure est dessineacutee dans nimporte quelle sous-partie de G sans croiser un
symbole de sujet est eacutelussi dans etI
6 Fermeture par branche Si G est dans ltgt alors un graphe clans lequel une LI dans
G se branche est aussi deacutelns r
Regravegles dl tJOl1sjoll7(tiol1
l Dans une aile encercleacutee cie faccedilon poire (ou non encercleacutee) clisons laire a
(a) on peut elCreer nimporte quel graphe et
(b) on peut dessiner une LI ou un graphe X sil y eacutel une occulence de X
(i) clans la mecircme aire cest-agrave-dire laire 0 ou
(ii) dans la procheacuteline eacutelire exteacutelieure agrave laire o
2 Dans une aile encercleacutee cie faccedilon iJJljJoire clisons leacutelire 0
(a) on peut elagravecer un graphe X sil y eacutel une autre occurence cie X
(i) cleacutelns la mecircme eacutelire cest-agrave-dire leacutelire 0 ou
(ii) deacutelns la prochaine aire exteacuterieure agrave laire 0 et
(b) on peut dessiner nimporte quel graphe
108
J On peut allonger une extreacutemiteacute libre dune LI
(a) vers linteacuterieur agrave travers une ou des coupures et
(b) vers lexteacuterieur
(i) dune aire-I agrave L1ne aire-P
(ii) dune aire-I agrave L1ne aire- ou
(iii) dune aire-P agrave une aire-P agrave moins quil ny ait une autre LI
(A) qui soit attacheacutee aux mecircmes sujets
(B) dont la porteacutee soit plus grande que la LI que lon deacutesire allonger et
(C) dont la pal1ie la plus exteacuterieure soit dans une aire-P
4 On peLit reacutemcler une extreacutemiteacute libre dune LI
(a) vers l inteacuterieur
(i) dune aire-I agrave L1ne aire-P
(ii) dune aire-P agrave une aire-P ou
(iii) dune aire-I agrave une aire-I agrave moins quil ny ait une autre LI
(A) qui soit attacheacutee aux mecircmes sUIcircets
(B) dont la porteacutee soit plus grande que la LI que Ion deacutesire allonger et
(C) dont la partie la plus exteacuterieure soit dans L1ne aire-P et
(b) vers lexteacuterieur agrave travers une ou des coupures
5 On peut joindre deux extreacutemiteacutes libres de lignes didentiteacute
(a) dans une aire-l ou
(b) dans une aire-P si les sous-graphes agrave joindre sont des occurences du mecircme
type
6 On peut disjoindre une ligne didelititeacute
(a) dans une aire-I si les sous-graphes agrave disjoindre sont des occurences du mecircme
type ou
(b) dans une aire-P
7 Une cOlfJlre dOlhie peut ecirctre effaceacutee ou dessineacutee autour de nimporte quelle
partie dL1n graphe
8 On peut dessiner ou effacer nimporte quelle hmnche dune ligne didentiteacute sans
traverser une coupure
9 On reut formel OLi briser un clcfe (courbe fermeacutee) dune branche dune LI dans la
pal1ie la plus inteacuterieure dune jonction
Annexe 2 Le systegraveme deacutecriture japonais
Lisle des 19-15 kanji lIslels (jocircyocirc kanji)
-tTT~~~~~~ftfi~~~~nR~~amp~~~h~amp~=E~~~~~AgraveU~~~
~~~~~$ftC~frM~KM~~~~ffiffuuml~m~~~~mtt~~mmw~~~m~~œm
9IJM~F6~JEfrœf9euroI~flifiumlil~~g~IIcirc~~jjijA~~tirlwJ[~ampfJffi~tJ~ji1Jicircjg~~~ritIff~
~~7eumlJr7eacute7t5t~bRW-A~1tt~~~JlJ F9 pg ffiI~n~J11~EtUfLJl~ [I] tJ eacuteJlJ JJ tJJ7NJJ~jIJfIJ
Jfl] 91HtJ JJIJ ~IJ ~IJ~IJ$IJilJlJ~IJ MlIJiIJ~IJj)fljgIJJIIJilIJ11lIJ~IJIJ 1J ~D r]j sectiJ~JjJiJ9J~MiJ iJ ~ 1It1tlJl1J~UiJ~~ucircJJ~l-5JJ ~
~ta~~sectE~~+~~m$~~rn~~WM~W~~S~~~x~~amp~n~~U7~~D
~~EB3~~~~~~~~fig~~ bullbull~~~~~~~~~~~~~~u~~~~~~~~~
~~~W~~R~~~~H~~~~~~~~OO~~plusmnffrrmM~~~~~~~~~~gB~~
m~~w~œ~~~~~~mŒ~~oo~~~œœplusmntt~~~~~~~~n~a~~~~fi
~~gi1~~~~mR~5t~~~~~JlIH9D~29HJj~j~ili~eacutel~99l19lHJN9~9ft9IHffl91i~9i9iU~~HL~rP~~
m~~~~~g~œ~~~~~H~~~gamm~bullbull~~~bullbullbull~~~WM~~
~HHiumlWJj3(ij5tjm~MHtRfEuml~~-~~ram~~~~UJIJ~~g~IJIIIiI~iIJ~~~~iiJjJIIHIIIljtt
~BM~fi~~U~~~~~~~M~~fi~~~Œ~~~~~bullbull8~
g~~rt ~~ ~ 1ij 5f5tmm 5lta sN 5jj iWiJf~ ~rn~~~~i~il~ iiE ~iampm~ilt i~iii1l-iiumlIJl imi~~i~rei~~ z TE~ ~
~~~~ffia~~tt~ffl~~~~~~~~~m~~~~~~~ill~illili~~~~ill~~ill~ill~
ill~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~sect~fi~m~~~~~~~bullbull ~~iJ~gl~~~~isect~rlI~m~[ll)~Ii~iJ~~~~icircf~5t~ftlx~flWg~m~~~~g~mLir08z~SZ~~B~2tI~~
~~~~~~~bullbull~~g~~~~=~ampM~~~tt~W~tt~llimmffiregWmm~~m~mmmm
1mIIt~1$$i~iXftiiti(~UJ~pfi~~m=Fif~1j1f~atnjLtlkjRj1itjjJljRj9jEjsJHjjJ111jljljjHtbJecircj91jlijffi
j~jElecircjEliJtUH~jm~jH3j~j~mjjjeurojjUJIHSlj~jmmt(tj~j~j1i5ampmj~j~m~j~jMEcircIcircijJiumlW~j~mj~j~HlH~j~
Jfj~j~j~jfi~j~jjlitj~3Z~QrQ1i5i55~lijH9~~5i1~j9~~9~9HlY+n~jFfffIIUfi1J1rtiIIcircIcircIIcirc~)j~1IcircJtB IBi3Jf ~m~ bullbull~_ampbullbull~ bullbullubullbull~~~~~~~lItq~~~~~UftU~fi~~M~~~~~~
1im~~icircilicircg~miml~TIlY~EMmicirc~3trPJmJjicircij~~ij[i]~mlltIlijialiilijn~~ij~ijUi15k~~~
~~~~Wi~~1t1L1Jl1lj1~111~H~j~~jJlHj~j5j~t5ffjjljijnffi~j~ljjRfiumlji~Ujijjij~jfoJH~~jllJl~
~WR~jflij~jj~jiHH~lmjfrHrfl~R~~euml~~xlx~xiXLtiumlE~tiicircJiiuml9E~HIltsectliJM~~t~~H~1)l18m~tt=tEU=
~~ffJ~A~R~~~~~~~~~~~~~~~$~~~~~~~~~~~~~~~
~~~~~B~~~~~~~~~~~~~~~B~~~~~~~~~~~~~~~
~~~~~~~M~~~~~~n~~~~~m~~bullbull~~~~~~~MAA~~~~
~~~tlffl~mmH~~~m~~œlli~~~~~~~~M~m~~MgX~~fflffi~$~~
mWm~~Mft~bullbulla~amp~~amp~~~~bullbullbull~e~~H~~m~sect~~~Esect~~~
~ffi~mmm~bullbull~m~~~ffl~raquo~~~~~m~~g~~~M~ntlm~m~mn~bull bull ~~N~n~m~~nffi~nti~mmm~~œ~~~~~~~~~nbullbull~u~amp~~ampmUh~
~~~~~~~~~m~~~m~M~n~ffiffiM~mMg~~~~~g~~m~n~m~
~W~~ftWe~~~m~~~~~m~m~mbullbullbull~Mbullbullbullbullbullbullbullbull~bullbull~mmbullbullbullbull ffi $ bullbullbullTI~a~G~~~~mn~~~œsect~B~mAA~~~amp~~~~~~~AA~~~~M
~ft~iliffi~~~~~Bampti~~m~~~M~bullbullbull~m~N~mm~~U~~M~~m
middot~Hn~egrave~j1I~t~i~f~~Il~jj~R~t~~ii]~iE~g~~m~f~~ta8~8iumlt8~8~W~2i~g8~8t~~Ti~r~~~~~~mj~8ill~~~rn8~8SU
~~bullbull~mmbullbull~~sect~~M~~fta~bullbullbullaRbullbullbullbullbulla~M~~~AAg~m
~~O~li~Œm~~mHm~a~bullbullnft~~tiQ~bullbullbullbullbullW~~~~B~~n
MW~bullbullfflm~D~~~tl~~ffi~~UnmftHrt~nm~~mgmmmamp~Mm~
re M~ fMliumll rm 1HI~~iumli~1i1lllI~lilaiUll Ffisecti~tj~~~~~~ijJmiddot~u ~~fP~F~~iID fItgi~~iamp~mIJJIL~ii1iraquoij
ftUHabullbullgHUMDmam~~~D~n5~bullbull~gu~~gfta~~MR~~D
~p~~Jff~~~iMicirc~~
110
~Vllob((ires hiragana (katakana) lrunsilleacuterolion en rocircmaji
iYgt (7) a L(-1)i 3 (rJ)u X (I) e d3 pt) a
fJ) CfJ) ka ~ (~) ki lt () ku ft (7) ke (J) ka
~ (~) sa ~ () shi 9 (A) su tt ct) se -t- ()) sa
t ($7) t8 - (=-) chi J()tsu -c CT) te C ( t-- ) ta
tJ ct) na 1 (=) ni ttd C~) nu td (7) ne 0) (J) no
li () ha O(t)hi 5 (7) lu ( ) he IJ (Ii-) ho
() ma Jj(2)mi ltt (b) mu (J) (j ) me t(-r)mo
-(~)a ~ (=1) yu et (3) )0
G (5) ra L) (1)) ri o (J[) ru n (v) re ~(D)ro
b () wa ~ (3) a
Signes diacritiques 0
Signe remplaccedilant le kon(( reacutepeacuteteacute ~
Signe remplaccedilant le konji reacutepeacuteteacute ~
IC systegraveme Je tnlnslilleacutenltion Ilcpbulll llloJilieacute qui rcn oie ugrave la prononciation anglaise esl utiliseacute
III
LClrails de lexIe
sX~ B (J)~1J(J)$euml ilraquo ~o -A(J)--r A IJ~ mEr~ (J)--rTffi~JJ ~1~-gt TL fo
Jt L r~ (J) --r 1 It (J) ~ (J) 9 1 ~jH) L tJ L0 lIjt PJTq R-~ (J)~IJ 11f- ~ tJ fIl UI- ~j$
IJ~-QcTL~o m~r~IJ (g~IS~ULrL (J)~(J)9It m~JJ~9~m
ftn ~j~~~~IJ~ t ==A 11 ilraquo U-t tJ t(J)T ilraquo ~ 0 -thIJ~ (J)~0)9 I(I~ t LtJ
L 0
fiiJl51IJ) C L C (J) ==$ j1f~ 1 11 plusmnth~ C IJ) dm C IJ) $ C IJ) ~JUi C IJ) L J( L
IJ~=rj LTJtCcedil t- o -t euml~ rtJ (J) ~ lfh1J 11 -im Ueuml 1tfJ L0 Im2l cl ~ C lld~ ~fb~ ~
n~m L T -t(J)R-IJ~-JL t- l) ~icircN(J)8IJ~-JL t- U LJ- ~ ~ IjJ- 1 -JJJmuT fIT (J)4
1-gt TL t- C L $c ilraquo ~ 0 ecircrtJ IJ~-t(J)9ireuml ilraquo ~ IJ) G mEr~ (J)f~~tJ euml 11 5icl l) ~
ttiTTRi~JJ ~ IJ~tJIJ)-gt t- o 9 ~ C -t(J)mh~ Tt-(J)~ cl L$1 L T ~J1IIIJ~~~to ~A
IJ~~~to c C L L 1 11 ~ 11fJ( l) -F(J)tJ L9EA~ (J)r~ j~ TT mTTii ltC
L sectt~ ~ Z te t-o -t euml B (J) EIIJ~~Z tJ lttJ ~ C ~euml t ~o ~ gIJ~-gt T (J) r~ (J)
ilIumlpJT IIJEuml~~JJ~ L tJ L$ItJ TL t- (J)euml ilraquo ~ 0
mEr~ laquoRashocircmonraquo in Akutagawa 1969 (1915) (extrait dun conte)
~ffl11HIl tJ -5 tJ j- ~ ~ 11 1 0 9 sectlJ ~ secttEacute1 (J) 4 ffl 3iffl~= sect1sect (J)PJTf~~ajL1i~IIjij~iumlIDeumltJ -5 tJ j- ~ ~IJ~ El n -J 0 rt-7deg tJ~Mplusmn~ J 1
r~J~-~3 (~~sect) O)~~J C~~9~cI~ ~~~~ftgElO)rtbl)~tJ
~tJj-~~~~m9~Ceuml ~fiWrtJ~ j-~7euml-)~9~mLtilraquo~)-tt0 LIJ)L
r~ L Lg] BJ ~j~11 f~1t~lM 31 ~mtll9 ~fiegrave(J)sect Lpg g Itt~ ~ C gt lt11 lt tJ Ell~ t~iY)tJ L0
PJT~~Bjjfl~~T8 3 0 ~o Ecircl t~J~J~~jHeumlWlZt-jij~i~famp~l(J) pgg ~~m811~l) i6lvt s~ tfffampfJJ(J)1i~c L TII~sectM5iecircHsect(J) 4 9 8 2~ IJjUiJi-ecirc~~IcircJ~1sect(J) 6 4 5 2 ~
clU~Lo
(J)rtJTtJ~tJT~~II 2-lf~ )~~TDtJeumlmiddotB~euro[illIuml-e-~ZIlt Lt(J)~ g](J)~jjicircjtJ
euml(J)~1f~~~~acirciY)~ C 0 9 ] tM~o tJ ~ tJ T~i~pJT ~ ~~9-gt t-J~jjicircjecircHsect(J)tff
BifJi~Itt~r-J 4 fg(J)51~to
f9JJ~11~ C r Ecircl ~c(J)fplusmn$~ Pf~~I= 9 ~T v 7 -7 J ~ r BIJ~77 C tW(J)~(t~~ C
tJ~ ~77 7- r- l ~ ~famp~l] (J)miiJ r I=[ecirc] Itt-~fi L L B (J) ~tJ r- 1) - 7 ~
TT1T1-] J cLt-~-g-o
mi L t- t Iteuml 11 t C tJ L tgt 0) t ~ lt ~ m (J)~1J~ 1 IHHiH tgtfi -e- -t t o Dl~EcircX]
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Reacutesumeacute
Le bul de cc meacutemoire est de deacuteterminer quelle pourrait 0tre 11 porteacutee de la
seacutemiotique philosophique de Chlrles Sanders lirce sur la theacuteorie de leacutecriture en
prenant pour cas (leacutetude le systegraveme deacutecriture japonais Le meacutemoire questionne ainsi
la leacutegitimiteacute de lltlpplication de la seacutemiotique comme theacuteoric geacuteneacuteralc des signcs ml
sciences speacuteciales tout en eacuteclairant- par conversc leacutetudc de leacutecriturc japonaise en
tltlnt que systegravemc graphique Il lst structureacute cn dell chapitrcs principaux portant sur
1) les principes de la seacutemiotique philosophique ct 2) le licn cntrc la seacutemiotiquc ct lltl
theacuteorie dl leacutecriture
Dans le premicr chapitrc la meacutethodologic du meacutemoirc est tout dabord eacutetablie
par leamen du pragmat isme de Peirce consideacutereacute eomlne unc doctrine meacutelhodeul ique
ayant pour principe directeur la croissance La seacutemiotique ct la logique de mecircme que
la linguistique Cl leacutetmle de leacutecriture sonl situeacutees dans le systegraveme pcirceacutecn des
scicnces lcs principes de 11 phlIleacutelOscopic ct dl 1lt1 seacutemiotique sont eacutegalement
exposeacutes I~a philosophie de la notation logique de lauteur est ensuite prise cOlnme
point de deacutepltlrt pour une eacutelude de leacutecritllle du point de vue seacutemiotique
DlIls le second chapitre une synthegravese des theacuteories linguistiques de leacutecriture
japonaise est proposeacutee puis une theacuteorie geacuteneacuterale de leacutecriture comlne signe est
eacutelaboreacutee il pnrtir de la seacutemiotique peirceacuteenne La theacuteorie seacutemiotique est appliqueacutee plus
speacuteciliquement au systegraveme deacutecrilure iaponais cl agrave lanalyse de ses translormalIcircons
actuelles le retour reacutelkif et critique sur lanalyse ellectueacutee permet par la suite de
iuger de ladeacutequation des concepts seacutemiotiques dans leur application ugrave leacutetude de
leacutecriture japona ise
Le meacutemoire sc conclut par une consideacuterltion des liens que la seacutemiotique de
eacutecriture entretient avec les autres sciences philosophiques normatives soit eacutethique
et lestheacutetique
Mols chs Seacutemiotique Igthilosophie du langlge lgthilosophie des sciences (eritllle
(Systegraveme graphique) laponais (Iangue) Peirce Charles S (Charles
S(1Jl(lers) 1X39-1 lt) 14
Introduction
i t has never been 1n my power to stucy
anything-mathematics ethics metaphysics gtmiddotavitation
thermoclynamics optics chemistry comparative anatomy
astronomy psychology phonetics economic the history of
science whist men and women wine metrology except as a
study o~ sel11eiotic (SampS 85-86 1908)
Seacutem iotique de la culture 1itteacuter8 ire visuelle ou des p8SSlons le cham p
cl8pplic8tion de la seacutemiotique peut sembler v8ste m8is le caractegravere indeacutetermineacute de son
fondement nous troublera davantage Peirce deacutejagrave le tondateur de 18 discipline
contempor8ine dun point de vue philosophique donne une extension large agrave la
seacutemiotique dans Id citation bien connue mais peut-ecirctre par un emportement
eacutepistolaire (ici dans une lettre agrave Lady Welby) il fait porter la seacutemiotique aussi bien sur
les matheacutematiques et la philosophie que sur les sciences speacuteciales De plus il illustre
souvent 18 seacutemiotique en tant que grammaire speacuteculative en lappliquant agrave des
exem pies concrets et eacutelabore mecircme agrave partir de cette theacuteorie la preuve du pragmatisme
La seacutemiotique peirceacuteenne se veut donc une theacuteorie geacuteneacuterale des signes applicable
entre dLltres agrave chacune des sciences speacuteciales Toutetois Peirce effectue aussi un
eX8men systeacutematique des fondements de la seacutemiotique consideacutereacutes pour eux-mecircmes La
seacutemiotique peirceacuteenne est de la sorte proprement philosophique et indeacutependante des
sciences speacuteciales Le deacutefi lorsquon tente de tirer la seacutemiotique de Peirce vers des
applications theacuteoriques devient alors de franchir 18 distance eacutepisteacutemologique entre
seacutemiotique philosophique ct seacutemiotique appliqueacutee 8UX sciences speacuteciales et deacuteviter de
traiter superficiellement des concepts de la theacuteorie Ce nest en effet que reacutecemment
que la seacutemiotique peirceacuteenne sest vue exposeacutee systeacutem8tiquement dans son ensemble
(Carontini 1984 Savan 1988 Fisette 1990 Liszka 1996) et un examen appro londi de
ses fondements saveacuterant toujours difficile agrave effectuer lapplication de ses concepts
2
dans le cadre dune compreacutehension globale du systegraveme et non seulement de concepts
isoleacutes en est encore agrave ses deacutebuts (notamment avec Everaert-Desmedt 1990 et Fisette
1996) Degraves lors la question se pose de la leacutegitimiteacute des applications de la seacutemiotique
peirceacuteenne une theacuteorie dont on tente toujours de saisir les fondements
Probleacute lIot ique
La voie dentreacutee dans la probleacutematique sera la geacuteneacuteraliteacute de la theacuteorie Max
Fisch en 1983 se demandait Just how general is Peirce s theOy ofsigns (in Fisch
1986 356-61) et clans sa reacuteponse il sappliquait agrave deacuteterminer lextension de la theacuteorie
des signes agrave retracer les eacutetapes du deacuteveloppement de la theacuteorie dans le sens de la
geacuteneacutera 1iteacute et agrave en deacutegager la perti nence pou r la recherche scienti fique A fi n de bien
cerner le problegraveme qui nous preacuteoccupera dans ce meacutemoire je reformulerai la question
de la maniegravere suivante en quoi la theacuteorie geacuteneacuterale des signes de Peirce est-elle geacuteneacuterale
Cette question vague se laisse diviser en trois questions plus preacutecises Premiegraverement
quest-ce que la geacuteneacuteraliteacute Ce qui est rechercheacute ici est une deacutefinition de la geacuteneacuteraliteacute
proprement dite comme conception logique Deuxiegravemement quelles sont les
conditions de la geacuteneacuteraliteacute de la theacuteorie des signes Le questionnement porte ici sur la
relation de la geacuteneacutera liteacute avec dautres conceptions qu i la deacuteterm inent lorsquelle se
trouve agrave qualifier actuellement une theacuteorie Troisiegravemement quelles sont les conditions
de la relation impliqueacutee par la geacuteneacuteraliteacute entre la theacuteorie des signes et dautres theacuteories
La porteacutee de la seacutemiotique sur les sciences speacutecia les en vertu de son caractegravere geacuteneacuteral
est ici questionneacutee Cest le moment producteur du questionnement celui qui
permettra de reacutesoudre le problegraveme speacutecifique de ce meacutemoire Dans lesprit scientifique
expeacuterimental de la philosophie peirceacuteenne je tacirccherai de mieux saisir le problegraveme en
examinant une application particuliegravere agrave la theacuteorie linguistique de leacutecriture et en
prenant pour cas deacutetude deacutetermineacute le systegraveme graphique de la langue japonaise eacutecrite
La leacutell1guejaponaise fait face en ce moment agrave une situation de contact des langues qui
]
affecte son systegraveme deacutecriture engendrant un problegraveme seacutemiotique qui donnera chair
au deacuteveloppement de ce meacutemoire Il convient de Iexposer briegravevement ici
La langue japonaise contemporaine utilise un systegraveme deacutecriture complexe
com poseacute de plusieurs ty pes deacutecriture dont un ensem ble de caractegraveres dorigine
chinoise (les konji) deux syllabaires de creacuteation japonaise (les hirogono et katokono)
Ialphabet latin (le rlIcircl71oji) les chiffres indo-arabes et diffeacuterents signes de ponctuation
Ce systegraveme deacutecriture est particuliegraverement inteacuteressant en ce que la langue japonaise
assimile actuellement de faccedilon croissante des mots dorigine eacutetrangegravere (surtout de
langlais ameacutericain) eacutecrits dans un syllabaire particulier les kotokono Ces mots eacutecrits
en kotokono occupent de plus en plus despace graphique dans reacutecriture jusque
maintenant domineacutee par les konji tout en remplissant des fonctions grammaticales
sinon attribueacutees agrave ces derniers Nous assistons donc agrave une modification importante de
laspect externe ainsi que de la structure interne de leacutecriture japonaise suite au
contact de la langue japonaise avec dautres langues aux eacutecritures diffeumlrentes Le
problegraveme seacutemiotique consiste agrave deacuteterminer comment les relations de signification
propres au systegraveme deacutecriture japonais sont modifieacutees dans la situation actuelle de
contact des langues Ce problegraveme permettra de preacuteciser davantage le questionnement
de ce meacutemoire et de mieux en comprendre le sens en lui donnant un point dancrage
dans la reacutealiteacute actuelle 1 se retrouvera lui-mecircme eacuteclairci par notre enquecircte
Le but de ce meacutemoire est donc de deacuteterminer quele pourroit ecirctre la porteacutee de
10 seacutemiotique philosophique de Chorles Sonders Peirce sur 10 theacuteorie de leacuteeriture en
prenont pour cos deacutetude le vstegraveme dmiddoteacutecriturejoponois Le meacutemoire questionne ainsi
la leacutegitimiteacute de lapplication de la seacutemiotique comme theacuteorie geacuteneacuterale des signes aux
sciences speacutec ia les tou t en eacutec lai rant par converse leacutetude de leacutecriture japonaise en
tant que systegraveme graphique Il suit pour cela un questionnement sur la geacuteneacuteraliteacute de la
theacuteorie seacutem iotique
4
Slmclure du meacutell70ire
La structure du meacutemoire sinspire du motif architectonique de la philosophie
de Peirce sauf en ceci que la meacutethodologie philosophique de Iauteur est preacutesenteacutee en
premier Dun point de vue seacutemiotique le deacuteveloppement du meacutemoire consiste en
lexpeacuterimentation sur un diagramme le systegraveme des sciences de Peirce et en particulier
sa science des signes telle quappliqueacutee agrave leacutetude de leacutecriture japonaise Le meacutemoire
est donc structureacute en deux chapitres principaux portant sur 1) les principes de la
seacutemiotique philosophique et 2) Je lien entre la seacutemiotique et la theacuteorie de leacutecriture
Dans le premier chapitre la meacutethodologie du meacutemoire est tout dabord eacutetablie
par lexamen clu pragmatisme cie Peirce consideacutereacute comme une doctrine de la
meacutethodologie philosophique des sciences la meacutethodeutique ayant pour principe
directeur la croissance La meacutethodeutique est situeacutee dans le systegraveme des sciences en
tant que paltie de la logique une science philosophique normative Elle est mise en
lien avec la seacutemiotique qui inteacuteresse plus palticuliegraverement ce meacutemoire
La seacutemiotique et la logique de mecircme que la linguistique et Ieacutetude de leacutecriture
sont ensuite situeacutees dans le systegraveme peirceacuteen des sciences Le lien entre la seacutemiotique
et la logique est effectueacute plusieurs acceptions de ces deux termes eacutetant distingueacutees
Cependant les diverses deacutefinitions de ces deux disciplines en tant que sciences
saccordent pour les situer au niveau de la troisiegraveme science normative La linguistique
est ensuite deacutefinie comme une science idioscopique psychique et leacutetude de leacutecriture
comme Iune de ses branches Ce dernier point constitue une speacuteculation raisonnable
concernant la porteacutee du systegraveme des sciences de Peirce sur une science non deacutesigneacutee
comme telle par Imiddotauteur
Les principes de la phaneacuteroscopie et de la seacutemiotique sont eacutegalement exposeacutes
La phaneacuteroscopie est mise en lien avec la theacuteorie des cateacutegOlies dans le deacuteveloppement
5
historique de la penseacutee de lauteur puis un exposeacute syntheacutetique des deu theacuteories est
proposeacute Les cateacutegories universelles de lepeacuterience sont distingueacutees des cateacutegories
particul iegraveres lexposeacute eacutetant appro fond i par lexamen des cateacutegories particul iegraveres de la
modaliteacute et de la signification La conception de la geacuteneacuteraliteacute est ainsi deacutetinie comme
une cateacutegorie particuliegravere de la signification La seacutemiotique eacutetant surtout deacuteveloppeacutee
dans les eacutecrits tardifs de Peirce de sa peacuteriode phaneacuteroscopique la phaneacuteroscopie est
ensuite mise en lien avec la seacutemiotique par la preacutesentation du passage du phaneacuteron au
signe Un exposeacute syntheacutetique de la seacutemiotique en tant que grammaire speacuteculative est
proposeacute qui se deacuteveloppe jusquaux autres parties de la seacutemiotique soit la critique
des arguments ou logique critique et la meacutethodeutique La preuve logique selon les
conceptions seacutemiotiques du pragmatisme est par la suite consideacutereacutee agrave la lumiegravere des
exposeacutes de la phaneacuteroscopie et de la seacutemiotique
La philosophie de la notation logique de lauteur est ensuite prise comme point
de deacutepart pour une eacutetude de leacutecriture du point de vue seacutemiotique La notation logique
des graphes existentiels constitue un modegravele par excellence pour lillustration suivante
de lapplication de la seacutemiotique aux sciences speacuteciales puisquelle a elle-mecircme pour
fonction de repreacutesenter le langage formel de la logique peirceacuteenne dont la seacutemiotique
en tant que grammaire speacuteculative est une partie fondamentale La notation des
graphes existentiels exploite ainsi de faccedilon explicite diffeacuterents aspects du signe
distingueacutes par la theacuteorie seacutemiotique et leur examen constitue donc la leccedilon de deacutepal1
pour leacutetude du cas de leacutecriture japonaise
Dans le second chapitre une synthegravese des theacuteories linguistiques de leacutecriture
japonaise est proposeacutee puis une theacuteorie geacuteneacuterale de leacutecriture comme signe est
eacutelaboreacutee agrave parti l de la seacutem iotique pei rceacuteenne La theacuteorie seacutem iotique de leacutecriture
eacutelaboreacutee est ensuite appliqueacutee plus speacutecifiquement au systegraveme deacutecriture japonais et agrave
lanalyse de ses transformations actuelles Lappl ication commence par la
consideacuteration de quelques points de grammaire menant graduellement agrave la
6
probleacutematique de leacutecriture Lanalyse a recours non seulement agrave la grammaire
speacuteculative mais aussi agrave la logique des relations et aux graphes existentiels Durant
lanalyse du cas speacutecifique envisageacute une deacuteJ-inition du signe eacutecrit de la langue
japonaise est formuleacutee agrave travers lexamen de ses composantes puis les principaux
types de signe pmpres agrave cette eacutecriture sont distingueacutes suivant la leccedilon de la
grammaire speacuteculative Lanalyse logique critique suivante permet de juger de
ladeacutequation des signes de leacutecriture japonaise dans la repreacutesentation de leurs objets et
fait ressortir un argument de la transformation de leacutecriture dans le sens de
laugmentation des kaakana
Lexposeacute deacuteveloppe ensuite une critique eacutepisteacutemologique de lapplication de la
seacutemiotique agrave leacutetude de leacutecriture venant parachever lapproche seacutemiotique La
reacute tlexion eacutepisteacutemologique distingue dabord les concepts ph i losoph iques de la
seacutemiotique des concepts idioscopiques de la science de leacutecriture puis deacutetermine le
type dinfeacuterence qui est utiliseacute lors de la transformation dun type de concept en un
autre ainsi que largument qui justifie ce passage dans un cas speacutecifique servant
dexemple Le retour reacuteflexif et critique sur la theacuteorie seacutem iotique permet de la sOlie de
juger de ladeacutequation de ses concepts dans leur application agrave leacutetude de leacutecriture
japonaise
Lanalyse seacutemiotique de leacutecriture japonaise est finalement ouverte sur le reste
du systegraveme des sciences peirceacuteen en eacutetant relieacutee aux autres sciences philosophiques
normatives soit leacutethique et lestheacutetique Il ny pas sur ce point dapplication
speacutecifique mais une bregraveve reacutetlexion dordre philosophique sur la relation quentretien
la seacutemiotique avec leacutethique et lestheacutetique lorsque cette premiegravere est appliqueacutee aux
sciences speacuteciales Le lien solidaire entre les sciences dans le systegraveme peirceacuteen est
souligneacute lien montrant le sens ultime de larchitectonique peilTeacuteenne la continuiteacute de
la penseacutee ou syneacutechisme
7
Texes SOllces e iliraure secondaire
rai utiliseacute dans mes recherches les sources standards des eacutetudes peirceacuteennes
soit principalement leacutedition theacutematique des Colleced Papen (abbr CP) leacutedition
chronologique des Wriings (W) en cours de publication et les seacutelections des Esseniol
Peirce (EP) de mecircme que la correspondance de Peirce avec Lady Welby compileacutee
dans louvrage intituleacute Semioics and Signifies The Correlpondence between Charles
S Peirce ond Victoria Lady Welby (SampS) et quelques fiagments que lai eu le bonheur
daller repecirccher dans loceacutean des manuscrits de Peirce en eacutedition microfilm The
Poper1 of Chorles S Peirce Microfilm Ediion (MS) Pratiquement mes recherches
ont surtout consisteacute en une meacuteditation des ESlenial Peirce ensemble amplement
suffisant pour une maicirctrise egraves signes bien que plusieurs autres eacutecrits maient eacuteclaireacute
sur de nombreux points Je privileacutegie donc dans mes reacutefeumlrences les seacutelections des
Essenlial Peirce tout en renvoyant agrave loccasion agrave certains textes des autres eacuteditions Je
reacutefegravere aux textes sources selon lusage en ajoutant lanneacutee de reacutedaction ou de
publication lorsque connue (par exemple EP 1 132 1878) Les commentaires qui
mont eacuteteacute de la plus grande aide sont ceux de Max Fisch pour une vision densemble
de lœuvre de Peirce Andreacute De Tienne pour la phaneacuteroscopie el la theacuteorie des
cateacutegories initiale et James Liszka pour la seacutemiotique philosophique Jindique toutes
les reacutefeacuterences dans le corps du texte et reacuteserve les notes en bas de page pour quelques
digressions et scolies
1 Seacutemiotique philosophique
En quoi la seacutemiotique de Peirce est-elle philosophique Une reacuteponse simple agrave
cette question serait tout dabord que la seacutemiotique possegravede le caractegravere geacuteneacuteral de la
philosophie cest une science positive qui rend compte des faits de expeacuterience
commune Cette deacutefinition se preacutecise lorsque lon considegravere la situation de la
seacutemiotique dans le systegraveme peirceacuteen des sciences en tant que troisiegraveme science
philosophique normative Plusieurs sens du terme laquoseacutemiotiqueraquo sont aussi agrave
distinguer et expliquer Dans ce premier chapitre je montrerai en quoi la seacutemiotique de
Peirce est philosophique en suivant le motif architectonique du systegraveme peirceacuteen des
sciences sauf que je preacutesenterai la meacutethodologie philosophique de lauteur la doctrine
meacutethodeutique du pragmatisme en premier le deacutefinirai chaque fois davantage la
seacutemiotique en la situant dans le systegraveme des sciences de faccedilon de plus en plus preacutecise
jusquagrave une application theacuteorique dans lexposeacute de la notation logique des graphes
existentiels Jaborderai par la mecircme occasion la question de la geacuteneacuteraliteacute de la theacuteorie
seacutemiotique dont la consideacuteration permettra deacuteclaircir le problegraveme speacutecitique du
meacutemoire dans le second chapitre Lexposeacute tacircchera de rentrer meacutethod iquemenl dans
lesprit de continuiteacute de la penseacutee peirceacuteenne auquel aboutit ultimement le
pragmatisme
11 Le pragmatisme
Le pragmatisme est une doctrine meacutethodologique des sciences de la deacutecouverte
ayant pour principe directeur la croissance II consiste essentiellement agrave reconnaicirctre la
porteacutee possible de la rationaliteacute sur la reacutealiteacute actuelle en particulier dans laction
controcircleacutee et conseacutequente au raisonnement Le sens de cette porteacutee ou de cette
conseacutequence est celui du deacuteveloppement de lordre rationnel dans la reacutealiteacute Le
pragmatisme sinteacuteressant plus speacutecifiquement agrave la recherche scientifique il preacuteconise
9
la reconnaissance des conseacutequences pratiques possibles du raisonnement comme
meacutethode de recherche dans les sciences La recherche scientifique doit donc consister agrave
deacutecouvrir les lois neacutecessaires de la nature en observant et en envisageant leurs
conseacutequences pratiques non seulement actuelles mais aussi possibles
Cette formulation peut eacutevoquer le deacuteveloppement de la Raison et son
identification au Reacuteel dans la philosophie de Hegel Il ny a cependant pas de
Aufhebung dans la penseacutee peirceacuteenne le deacuteveloppement de lordre rationnel eacutetant
plutocirct une prise de conscience des diffeacuterents aspects omnipreacutesents de la reacutealiteacute dont
chacun conserve son importance propre quune absorption de stades infeumlrieurs de la
conscience en un stade rationnel supeacuterieur Peirce qui est tout agrave fait probe
intellectuellement ne se reconnaicirct dailleurs pas dinfluence directe de la part de
heacutegeacutelianisme Il admet bien certaines affiniteacutes de sa penseacutee avec celle de Hegel mais
en retrace une tout autre origine immeacutediate de faccedilon geacuteneacuterale dans lœuvre des
hommes de science et de tagraveccedilon plus speacutecifique dans les philosophies de divers
auteurs meacutedieacutevaux (Duns Scot et les reacutealistes scolastiques) et modernes (Reid et les
philosophes du sens commun eacutecossais) et avant tout dans celles de Kant et Aristote
Atin dapprofondir notre compreacutehension de la doctrine du pragmatisme jen
retracerai agrave preacutesent sommairement le deacuteveloppement dans lœuvre de Peirce Je
retiendrai trois moments principaux du deacuteveloppement de la doctrine correspondant agrave
1) la formulation initiale de la maxime clu pragmatisme dans la seacuterie du Populor Science
illonhly de 1877-78 2) la reprise et Ieacutelaboration de la doctrine lors de la seacuterie de
confeacuterences donneacutee agrave Harvard en 1903 et 3) la tentative finale de formulation dune
preuve du pragmatisme dans une seacuterie darticles en partie publieacutee dans la revue The
Monis en 1905-7 Ces trois moments neacutepuisent pas lhistoire de la doctrine du
pragrhatisme de Peirce mais en repreacutesentent lessentiel du deacuteveloppement
Jeacutevoquerai par ailleurs le questionnement des limites du pragmatisme dans les
derniers eacutecrits de Iauteur
10
Le premier moment du deacuteveloppement de la doctrine du pragmatisme consiste
en la formulation de la maxime pragmatiste suite agrave leacutelaboration dune theacuteorie
psychologique de la croyance dans les articles intituleacutes laquoThe Fixation of Beliefraquo (EP 1
109-231877) et laquoHow to Make Our Ideas Cleangt (EI)I 124-41 1878) Lapproche
psychologique rend la teneur de la doctrine eacutevidente iusquagrave un celtain point mais la
compreacutehension du pragmatisme se montre alors insuffisante pour rendre compte de sa
porteacutee reacuteelle telle quenvisageacutee par lauteur La psychologie ne sert en fait quagrave
lillustration de la doctrine en facilitant un premier abord car le pragmatisme est une
doctrine de la logique et cette derniegravere une science plus fondamentale que la
psychologie Peirce illustrera parfois encore Je pragmatisme dans ses eacutecrits ulteacuterieurs agrave
laide de faits psychologiques mais il soulignera alors linsuftisance de cette meacutethode
et tacircchera de deacutevelopper une approche plus proprement logique La maxime du
pragmatisme est formuleacutee initialement comme suit
Consider what effects which might conceivably have practical bearings we
conceive the object of our conception to have Then our conception of these
effects is the whole of our conception of the object (EPI 132 1878)
Consideacuterer quels sont les effets pratiques que nous pensons pouvoir ecirctre produits par
lobjet de notre conception La conception de tous ces effets est la conception
complegravete de lobjet (version franccedilaise de Peirce W3 365 1879)
La theacuteorie psychologique de la croyance sur laquelle se fonde la maxime
pragmatiste sert de base dans les articles subseacutequents de la seacuterie agrave une explication de
la logique de la science Dans cette theacuteorie le raisonnement est consideacutereacute comme une
enquecircte de la penseacutee visant agrave faire cesser le doute par la fixation de la croyance ce qui
implique leacutetablissement dune regravegle daction sous la forme dune prise dhabitude
Peirce y distingue de plus trois degreacutes de clarteacute de la penseacutee atteints respectivement
dans la deacutefinition des ideacutees par lusage familier la distinction abstraite et
lexpeacuterimentation scientifique La maxime pragmatiste est ainsi preacutesenteacutee comme une
regravegle meacutethodologique inspireacutee de la meacutethode scientifique expeacuterimentale permettant
datteindre le troisiegraveme degreacute de clarteacute de la penseacutee
Il
La meacutethode scientifique est selon Peirce reacutealiste et faillible cest-agrave-dire que le
scientifique admet quiumll y a des choses reacuteelles dont le caractegravere ne deacutepend pas de ce
quun individu quelconque peut penser et que la confrontation avec les faits de la
reacutealiteacute actuelle par laquelle il cherche agrave connaicirctre ces choses reacuteelles peut le mener agrave
douter de certaines de ses croyances jusque-lagrave preacutesupposeacutees comme vraies La
meacutethode la plus adeacutequate dans la repreacutesentation de la reacutealiteacute est donc de consideacuterer
lensemble des conseacutequences pratiques possibles et non seulement actuelles des
conceptions concernant cette reacutealiteacute La consideacuteration des diffeacuterents aspects de la
reacutealiteacute augmente la probabiliteacute dune adeacutequation de la croyance avec leacutetat des choses
reacuteel et donc latteinte de la veacuteriteacute dans la repreacutesentation de la reacutealiteacute La meacutethode
scientifique a de plus la proprieacuteteacute de se corriger elle-mecircme lorsque le scientifique en
v ient agrave recon naicirctre 1iumlnadeacutequation de certa ines de ses repreacutesentations su ite agrave leur
confrontation avec la reacutealiteacute actuelle
Une faccedilon de distinguer les difteumlrents aspects de la reacutealiteacute consiste nous le
percevons deacutejagrave agrave consideacuterer les modes decirctre dont leacutetude est avant tout propre agrave la
logique et agrave la meacutetaphysique La porteacutee logique de la maxime est dailleurs le mieux
entrevue dans Jutilisation de la modaliteacute de la possibiliteacute (ltltmight conceivablyraquo ou
laquoque nous pensons pouvoir ecirctreraquo) alors que les faits psychologiques servant agrave
lillustration sont tireacutes de lexpeacuterimentation psychologique qui consiste agrave accumuler
des faits par la confrontation des croyances de lexpeacuterimentateur avec la reacutealiteacute
actuelle seulement La doctrine du pragmatisme donne un principe meacutethodologique au
scientifique consideacuterant lensemble des modaliteacutes decirctre qui caracteacuterisent la reacutealiteacute
tout en accentuant celle de la possibiliteacute tandis que les sciences speacuteciales lui
fournissent des donneacutees factuelles compileacutees lors dexpeacuterimentations constituant des
confrontations avec la reacutealiteacute actuelle Peirce illustre sa doctrine en appliquant la
maxime agrave la deacutefinition de plusieurs conceptions scientifiques dont lune la dureteacute
dans linterpreacutetation de laquelle il ne semble pas comprendre la reacutealiteacute de la possibiliteacute
Il reviendra plus tard sur cet exemple pour en rectifier liumlnterpleacutetation (EP2 354
12
1905 455-57 1911) mais il est vrai quen ce moment initial du deacuteveloppement de la
doc tri ne du pragmatisme il n en sais issa it sans doute pas tou te la porteacutee pou ltant deacutejagrave
clairement envisageacutee dans la maxime
11 est agrave noter que lors du premier deacuteveloppement de la doctrine Peirce
nemploie pas encore le terme laquopragmatismeraquo quil aurait toutefois utiliseacute degraves les
anneacutees 1870 dans des discussions avec ses camarades du laquoMetaphysical Clubraquo de
Cambridge Cest William James qui relancera publiquement en 1898 la notion de
pragmatisme et puis la popularisera tout en accordant le creacuteclit cie sa premiegravere
expression agrave son ami de toujours Peirce recommencera par la suite agrave sy inteacuteresser
explicitement dans ses eacutecrits et consacrera une seacuterie de confeumlrences donneacutee agrave Harvard
en 1903 agrave son sujet Il deacuteveloppe dans ces confeacuterences une approche
pheacutenomeacutenologique et logique expliquant le pragmatisme agrave partir de sa theacuteorie de la
perception et faisant le lien de cette derniegravere avec la logique des relations et la theacuteorie
de liumlnfeumlrence Le pragmatisme est alors preacutesenteacute sous la ~orme cIun theacuteoregraveme
philosophique dont lauteur cherchera agrave plOuver la veacuteriteacute Ce theacuteoregraveme relie le sens du
pragmatisme aux modes grammaticaux et le rapproche ainsi du thegraveme de la
repreacutesentation
Praglllatism is the principle that every theoretical jllclgment expressibJe in a
sentence ln the inclicative moocl is a confllsed form of lhollght whose only
meaning if il has any lies in ils tenclency to enforce a corresponding practical
Illaxim expressible as a conclitional sentence having its apoclosis in the illlpelative
Illood (EP 134-51903)
Peirce considegravere que lutiliteacute de la maxime est deacutejagrave suHisamment apparente
dans sa formulation initiale et cherche plutat dans sa nouvelle approche une preuve
cie la doctrine Cette preuve consistera agrave approfondir la compreacutehension clu
pragmatisme par le moyen cie la theacuteorie de la perception et plus tard de la theacuteorie des
signes et agrave en speacutecifier la porteacutee au niveau logique Lauteur rejette tout daborcl
lapproche psychologique qui caracteacuterisait sa premiegravere formulation laquoMy original
13
article carried this back to a psychological principle 1 do not think it satisfclctory to
reduce such fundamental things to tclcts of psychology ail attempts to ground the
fundamental facts of logic on psychology are seen to be essentially shallowraquo (EP2
140 1903)11 explique sa position antipsychologiste en exposant sa conception de la
hieacuterarchie des sciences selon laquelle la logique est plus fondamentale que la
psychologie et se fonde entre autres sur la pheacutenomeacutenologie dont le thegraveme speacutecifique
de la perception donne une nouvelle voie agrave lapprofondissement de la doctrine
Dans laquoThe nature ofMeaningraquo (EP2 208-25 1903) puis laquoPragmatism as the
Logic of Abductionraquo (EP2 226-7 1903) dont les exposeacutes repreacutesentent
laboutissement de lapproche baseacutee sur la theacuteorie de la perception Peirce deacutegage
ensuite trois propositions appuyant la maxime du pragmatisme premiegraverement rien
nest dans lintellect qui ne soit dabord dans les sens deuxiegravemement les jugements
perceptuels contiennent des eacuteleacutements geacuteneacuteraux troisiegravemement liumlnteumlrence abductive
se confond avec un certain niveau du jugement perceptuel Le pragmatisme tclit suite agrave
ces trois propositiollS car nous pouvons en les examinant effectuer un lien entre la
perception et la logique de jabduction mode dinteumlrence hypotheacutetique propre au
pragmatisme Par la premiegravere proposition Peirce entend plus preacuteciseacutement quil ny a
pas de conception qui ne soit donneacutee autrement que dans des jugements perceptuels
Ainsi Je premier eacuteleacutement de la perception est un jugement servant de fondement au
reste du processus cognitif qui en deacutecoule Les jugements perceptuels constituant de
plus une forme dappreacutehension de laspect rationnel de la reacutealiteacute par la raison
individuelle ils contiennent des eacuteleacutements geacuteneacuteraux propres agrave la fois agrave la reacutealiteacute
exteacuterieure et agrave la reacutealiteacute inteacuterieure qui se confrontent en lindividu La lclculteacute abductive
tire finalement son origine de la perception puisque le mode dinteumlrence de labduction
repreacutesente une gradation du processus cognitif deacutebutant avec le jugement perceptuel
Labduction et le jugement perceptuel jouent dailleurs un lole semblable au sein du
processus cogn itif en y apporta nt de nouveaux eacuteleacutements de base preacutem isses logiques
ou donneacutees factuelles
1 Scloll l~ldagc scolastiquc Vihil lsi in inielleeII (lIinJlillljileJil in se)SIl (IY2 2261903)
14
Pour ce qui inteacuteresse plus particuliegraverement le pragmatisme lanalyse du
processus cognitif au niveau du jugement perceptuel et de labduction montre que le
dessein de la cognition est daccroicirctre linformation concernant la reacuteal iteacute Le jugement
perceptuel diffegravere cependant de labduction en ce que ce premier est acritique et non
controcircleacute par la raison contrairement au second Labduction repreacutesente un stade
avanceacute du processus initieacute par le jugement perceptuel qui ouvre sur les autres modes
dinfeacuterence subseacutequents de la deacuteduction et de linduction et montre ainsi que le
processus cognitif fait ultimement retour sur la reacutealiteacute actuelle afin de confirmer
linformation communiqueacutee Le pragmatisme en tant que doctrine meacutethodologique
baseacutee sur la logique de labduction met laccent sur le premier moment du
raisonnement logique critique et auto-controcircleacute soit le deacutecegravelement des conseacutequences
possibles dune conception mais en comprend aussi la suite logique qui consiste en la
deacuteduction des conseacutequences pratiques neacutecessaires selon le cas actuel envisageacute et leur
confirmation par induction cest-agrave-dire par la confrontation avec la reacutealiteacute actuelle et
le retour sur le raisonnement Le pragmatisme preacuteconise ainsi laccord de la raison
individuelle avec laspect rationnel de la reacutealiteacute et identifie le dessein ultime de la
cognition agrave celui de la reacutealiteacute tout entiegravere soit la croissance de lordre rationnel agrave
travers les diffeacuterents aspects de la reacutealiteacute ici compris du point de vue des modaliteacutes
Peirce revient sur cette ideacutee au deacutebut de la prochaine seacuterie darticles au sujet du
pragmatisme
Now quite the most striking feature of the new theory was its recognition of an
inseparable connection between rational cognition and rational purpose and that
consideration il was which determined the preference for Ihe na me pragmalism
(EP2 333 1905)
Le dern ier moment importa nt de 1 eacutelaboration de la doctri ne du pragmatisme
est la reacutedaction en 1905-07 dune seacuterie darticles dans laquelle Peirce adopte une
approche seacutemiotique et donc proprement logique la logique eacutetant comprise par
lauteur en un sens large comme la theacuteorie de la penseacutee deacutelibeacutereacutee opeacuterant par signes Il
renomme sa doctrine laquopragmaticismeraquo pour la distinguer des autres pragmatismes
15
eacutemergeant agrave leacutepoque et divergeant du sien mais il continuera plus tard dutiliser le
terme dorigine Il nomme aussi deacutesormais sa pheacutenomeacutenologie laquophaneacuteroscopieraquo atin
den souligner la speacutecificiteacute La maxime du pragmatisme est reformuleacutee
conseacutequemment en termes seacutem iot iq ues comme su it
The entire intellectual purport of any symbol consists in the total of elll generell
modes of rationClI concluct which conclitionally upon ClII the possible different
circul1lstances Clnd c1esires would ensue upon the Clcceptance of the symbol (EP2
346 1905)
Peirce reconnaicirct de plus explicitement les limites du pragmatisme ddini par rapport agrave
la porteacutee des symboles dans la citation preacuteceacutedente et clairement limiteacute aux concepts
intellectuels dans lextrait suivant
1 unclerstclllcl pragmatislll to be a method of Clscertaining the meanings not 01 ail
ideas but only of such elS 1 term intellectuell concepts that is to say of those
upon the structure of which argulllents concerning objective tclct may hinge (EP2
421 1907)
La nouvelle preuve seacutemiotique du pragmatisme consiste agrave suivre le deacuteveloppement du
processus interpreacutetatif des signes cest-agrave-dire leur transtormation dun aspect de la
repreacutesentation en un autre afin de confirmer la concordance de ce processus avec la
meacutethode deacutecrite par la maxime Le pragmatisme est alors soutenu par largument selon
lequel liumlnterpreacutetant logique ultime est une habitude le reviendrai dans des sections
subseacutequentes aux exposeacutes de la phaneacuteroscopie et la seacutemiotique mais il convient deacutejagrave
de don ner le sens geacuteneacuteral de 18 nouvelle preuve L iuml nterpreacutetant logique d un signe est
une appreacutehension intellectuelle de la signification de ce signe sous son aspect
triadique Lorsque nous saiSissons laspect triadique de nos repreacutesent8tions qui
concorde lui-mecircme avec la triadiciteacute de la reacutealiteacute sous ses diffeacuterents aspects cest alors
que notre raison s8ccorde le mieux 8vec la raison reacuteelle L iumlnterpreacutet8nt logique ultime
fait porter cet accord agrave un autre niveau de la reacutealiteacute lnctualiteacute puisquil consiste en
une conduite reacutegleacutee de nos actions une habitude Nous retrouvons donc encore une
fois le thegraveme de laccord de la raison individuelle avec la raison geacuteneacuterale de la reacutealiteacute
qu i constitue le moti f essentiel du pragmatisme
16
De 1908 agrave sa mOlt en 1914 Peirce continue de reacuteviser la doctrine du
pragmatisme sans la deacutevelopper davantage mais en la critiquant Il reacuteitegravere ainsi la
critique de sa compreacutehension initiale du reacutealisme dont il avait limiteacute la porteacutee agrave
lactualiteacute des concepts geacuteneacuteraux alors que la reacutealiteacute comprend aussi des possibiliteacutes
reacuteelles li speacutecifie aussi agrave nouveau la porteacutee du pragmatisme qui seacutetend au domaine
de la logique en introduisant cette fois deux nouveaux concepts la seacutecuriteacute et la
feumlconditeacute (ltherly) du raisonnement Le pragmatisme serait une doctrine qui seacutecurise le
raisonnement mais le rend peu feumlcond
1 think logicians should have two aims lirst to bring out the amount and kind of
seclIrily (approach to certainty) of each kind of reasoning and second to bring out
the possible and esperable lIberly or value in productiveness of each kind (EP2
553 note 7 IYI3)
[PIagmatism] certainly aicls OUI approximation to the securily of reasoning But il
does Ilot contribute to the lIberly of reasoning which far more calls for solicitous
care the maxil11 of Pragmatism does not bestow a single smile upon beltluty upon
moral virtue or upon abstract truth-the three things that alone laise Humanity
above Animltllity (EP2 465 1913)
Cette assertion tardive surprend puisque Peirce avait tait plus tocirct de la croissance
lideacutee la plus importante que la philosophie ait produite (explicitement en EP2 373
1905) et par extension le principe directeur de la meacutethodeutique dans la doctrine du
pragmatisme Il sagit en fagraveit de bien comprendre le rocircle speacutecifique du pragmatisme
son caractegravere nonnati f en tant que doctrine meacutethodeutique La meacutethode preacuteconiseacutee par
le pragmatisme seacutecurise le raisonnement en lui donnant une voie speacuteci fique agrave suivre
mais elle ne le rend pas feumlcond puisquelle ne stimule pas elle-mecircme la production de
raisonnement La doctrine du pragmatisme est un tuteur sur lequel il faut fagraveire croicirctre
le raisonnement par dautres moyens Elle prend la croissance pour principe mais ne
lactualise pas elle-mecircme ne deacutecelant avant tout que les possibiliteacutes du raisonnement
les gennes de croissance
Je term inerai cette section en revenant sur le lien de la seacutem iotique avec le
pragmatisme Nous avons vu quau cours du deacuteveloppement de la doctrine du
17
pragmatisme la maxime initiale ne subit pas de changement majeur mais que divers
points de vue sont pris sur la doctrine qui tentent den ameacuteliorer la compreacutehension et
den speacutecifier la porteacutee La seacutemiotique donne ainsi le point de vue le plus authentique
sur le pragmatisme Peirce cherchait un point de vue encore plus propre agrave exprimer
lessence du pragmatisme avec les graphes existentiels une meacutethode de repreacutesentation
graphique de la logique deacuteductive Ce dernier traceacute est resteacute inacheveacute et peut-ecirctre cela
est-il duuml au fait que le pragmatisme preacutetend plutocirct faire appel agrave une logique de
labduction La seacutem iotique reste dans œuvre de Peirce le poin t de vue le plus
compreacutehensif sur le pragmatisme la logique de labduction n ayant pas eacuteteacute formai iseacutee
de faccedilon satisfaisante par lauteur auquel il manquait peut-ecirctre les outils conceptuels
neacutecessaires pour le faire Plus fondamentalement que labduction le pragmatisme
pointe cependant aussi vers la doctrine de la continuiteacute de la penseacutee le syneacutechisme
qui constitue Jultime theacuteoregraveme philosophique que Peirce cherchait agrave prouver
] 2 Le systegraveme des sciences
Peirce conccediloit la sCience comme une activiteacute des ecirctres humains en vue
datteindre la veacuteriteacute dans la repreacutesentation de la reacutealiteacute cest-agrave-dire ladeacutequation
eacuteventuelle des repreacutesentations aux o~jets deacutetude des scientifiques La science nest
ainsi quune des activiteacutes culturelles humaines celle qui fait appel au raisonnement
neacutecessaire Peirce deacuteveloppe de plus une classification des sciences au sein de laquelle
les matheacutematiques occupent la place la plus fondamentale suivies de la philosophie
puis des sciences speacuteciales (deacutenommeacutees idioscopiques) soit les sciences physiques et
psychiques Cette premiegravere trichotomie de sciences constitue la grande classe des
sciences de la deacutecouverte (ou heuristiques) elle-mecircme suivie de deux autres grandes
classes des sciences reacutetrospectives et des sciences pratiques Dans laquoAn Outline
Classiication of the Sciencesraquo (EP2 258-62 1903) lauteur preacutesente la classification
agrave laquelle il aboutit apregraves maintes anneacutees de recherches et dont il retiendra par la suite
18
en ses traits essentiels le modegravele Le scheacutema de cette classification peut ecirctre
reconstitueacute pour ce qui nous inteacuteresse comme suit
3 Science
31 Sciences de la deacutecouverte
311 Matheacutematiques
3111 Matheacutematiques de la logique
3112 Matheacutematiques des seacuteries discregravetes
313 Matheacutematiques des continua et pseudo-colltillua
312 Philosophie
3121 Pheacutenomeacutenologie
3122 Sciences normatives
31221 Estheacutetique
31222 Eacutethique
31223 Logique
312231 Grammaire speacuteculative
312232 Critique
312233 Meacutetllocleutique
3123 Meacutetaphysique
313 Idioscopie
3131 Sciences physiques
3132 Sciences psychiques
32 Sciences reacutetrospectives
33 Sciences pratiques
La classification des sciences suit un ordre selon lequel les sciences deacutependent
de sciences plus fondamentales pour leurs principes auxquelles elles fournissent en
retour des donneacutees Cette ideacutee dune classification des sciences selon le motif de la
deacutependance non reacuteciproque au niveau des principes proviendrait de la philosophie
dAuguste Comte (EP2 258 1903) Je deacutevelopperai agrave preacutesent lexposeacute du systegraveme
des sc iences en y si tuant les dise ipl ines qui nous concernent so it la seacutem iotique ct la
logique de mecircme que la 1ingu istique et leacutetude de leacutecriture
19
Il Y a deux sens du terme laquoseacutem iotiq ueraquo qu i peu t deacutesigner te 1 que Peirce
lutilise la theacuteorie geacuteneacuterale des signes ou selon lacception contemporaine une partie
de la seacutemiotique au sens peirceacuteen la grammaire speacuteculative agrave laquelle est alors
restreinte la theacuteorie des signes Peirce identifie la seacutemiotique en tant que theacuteorie
geacuteneacuterale des signes agrave la logique eacutegalement comprise en un sens large Il suffira pour le
moment de preacutesenter les diffeacuterents sens de la logique la seacutemiotique que nous avons
maintenant situeacutee dans le systegraveme eacutetant preacutesenteacutee en deacutetail dans une prochaine
section
La logique est une sCIence philosophique normative En tant que sCIence
philosophique elle cherche agrave repreacutesenter adeacutequatement la reacutealiteacute actuelle telle
quexpeacuterimenteacutee dans lexpeacuterience commune Les matheacutematiques opegraverent plutocirct par
raisonn~ment hypotheacutetique ou conditionnel portant sur des possibiliteacutes qui ne sont
pas neacutecessairement actualiseacutees mais dont la conseacutequence serait neacutecessaire si les
preacutemisses du raisonnement sactualisaient (menant neacutecessairement au conseacutequentf
Les sciences physiques et psychiques cherchent quant agrave elles les repreacutesentations
neacutecessaires de la reacutealiteacute par lexpeacuterimentation et lobservation speacutecialiseacutees afin de
rendre le savoir productif
Mathematics studies vllat is and wllat is not logically possible without making
itself responsible for its actual existence Philosophy is positive science in the
sense of discovering what really is true but it lilllits itself to sa much of trutll as
can be inferred from comlllon experience Idioscopy embraces ail the special
sciences which are principally occupied wilh the accumulation of new facts (EP2
259 1903)
Peirce conccediloit ainsi les matheacutematiques et la logique comme deux sciences distinctes
mais ordonneacutees poursuivant la veacuteriteacute chacune agrave sa maniegravere lune fondant la seconde
Il considegravere eacutegalement la logique comme plus fondamentale que les sciences rhysiques
et psychiques Il soppose donc agrave la fois au logicisme (agrave Jeacutepoque de Dedekind CP
4239 1902) et au psychologisme fort (entre autres de John Stuart Mill CP 433 91
1893)
La conseacutequcncc csl bien ln chaIcircnc dinleacutelcncc mcnant dcs preacutemisscs au conseacutequcnt
20
En tant que science normative la logique distingue les bons raisonnements des
mauvais Elle tire ses pliumlnClpes de la pheacutenomeacutenologie (aussi deacutenommeacutee
phaneacuteroscopie) science dont lactiviteacute consiste agrave deacutecrire tout ce qUI apparalt agrave
lesprit La description pheacutenomeacutenologique consiste agrave effectuer des seacuteparations
mentales mettant en eacutevidence les eacuteleacutements universellement pleacutesents agrave lesprit La
logique fournit par ailleurs des principes agrave la meacutetaphysique la dirigeant dans ses
raisonnements speacuteculatifs sur la nature de la reacutealiteacute La logique ainsi comprise en un
sens large est une theacuteorie du raisonnement deacutelibeacutereacute et le raisonnement seffectuant par
signes elle correspond agrave la seacutemiotique en tant que theacuteorie geacuteneacuterale des signes
constitueacutee de la grammaire speacuteculativegt la logique critique et la meacutethodeutique Elle
tire ses principes des matheacutematiques et de la pheacutenomeacutenologie mais eacutegalement de
lestheacutetique et de leacutethique En un sens restreint la logique effectue seulement la
critique des arguments en les classifiant et en jugeant leur validiteacute
Logic is the theory of self-controlled or deliberate thought ancl as such must
appeal to ethics fOI its principles It also (Iepends upon phenomenology and upon
mathematics Ail thought being performed by means of signs Logic may be
regarcled as the science of the general laws of signs It has three branches (1)
Speculative CraIl1J7Jar or the general theory of thc nature and Illeanings of signs
whether they be ieons indices or symbols (2) Crije which classitiumles arguments
and determines the validity and degree of force of each kind (3) Methodeuic
which studies the methods that ought to be pursued in the investigation in the
exposition ancl in the application of truth Each division depencls on that which
precedes il (EP2 260 1903)
La logique deacuteductive lormelle une logique matheacutematique selon lacception courante de
la logique contemporaine repreacutesenterait un autre sens restreint de la logique
correspondant agrave une partie de la meacutethodeutique la theacuteorie de la deacuteduction par lemploi
de modegraveles matheacutematiques La meacutethodeutique comprise en ce sens serait une theacuteorie
de la production de raisonnements valides par application dalgorithmes logiques
rapprochant la logique de la technique La logique matheacutematique nest pas agrave confondre
avec les matheacutematiques de la logique qu ineffectuent pas de retour reacuteflexif sur
laquoSpeacutecul~ltiiraquo U sens Je laquotheacuteoreacutetiqucraquo (U)2 128 190lt1)
21
largument mais fournissent le diagramme eacuteleacutementaire servant agrave lanalyse logique
deacuteductive (cf laquoThe Simplest Mathematicsraquo CP 4227-323 1902 en particulier CP
4227-8 CP 4240 et CP 4244)
Peirce classe la linguistique toujours dans le mecircme article de 1903 parm i les
sciences idioscopiques psychiques Plus exactement il sagit dune science psychique
classificatoire En tant que science psychique classificatoire la linguistique tire ses
principes de la psychologie la science psychique nomologique quelle applique lt1
leacutetude des langues Peirce nidentifie pas leacutetude de leacutecriture comme sujet speacutecifique
dune des branches dela linguistique mais il est eacutevident que sa deacutefinition geacuteneacuterale de la
linguistique comprend cette eacutetude que nous pouvons maintenant isoler suite au
progregraves des sciences du langage La science de leacutecriture ici envisageacutee peut ecirctre
caracteacuteriseacutee au moins comme une science psychique classiticatoire tirant ses principes
immeacutediats de la psychologie Elle se base aussi sur la pheacutenomeacutenologie la logique (ou
seacutemiotique) et la meacutetaphysique de mecircme que la biologie sur lesquelles Peirce fonde la
psychologie Il faudrait par ailleurs distinguer la science de leacutecriture des theacuteories de
leacutecriture La science est une activiteacute des ecirctres humains leacutetude dun objet de la reacutealiteacute
actuelle par le biais de lexpeacuterience et la construction conseacutequente de repreacutesentations
concernant cette reacutealiteacute alors que la theacuteorie est plutocirct une chaicircne darguments
concernant la repreacutesentation de la reacutealiteacute La science sengage dans la reacutealiteacute sous tous
ses aspects en prenant pour point de vue la rationaliteacute la theacuteorie est davantage limiteacutee
au raisonnement agrave laspect rationnel de la reacutealiteacute Nous pourrions dire que la theacuteorie
est une repreacutesentation paradigmatique dans le travail continu des sciences
J3 Les sciences philosophiques
Afin dintroduire lt1 une eacutetude plus approfondie des sciences philosophiques
Je l11opposc Cil cela au illlcrpntatIcircolls dc Kcnt (19t7) clliszka (1996) qui situclltlllogiquc
1()liumlllCllc 8U scin dcs 111ecirc1theacuteI118tiqucs
1
22
telles que les concevait Peirce je commencerai par esquisser en quelques traits sa
meacutetaphysique La meacutetaphysique est en quelque sorte la partie productive de la
philosophie peirceacuteenne elle interpregravete en une vision densemble les diffeacuterents aspects
de la reacutealiteacute tels quiumlntuitionneacutes et analyseacutes par les autres sciences philosophiques et
fait le lien avec les sciences idioscopiques De ce point de vue englobant et speacuteculatif
sur la reacutealiteacute Peirce reconnaicirct les diffeacuterents sens et la valeur de la repreacutesentation le
monde comme repreacutesentation est organiseacute selon un ordre hieacuterarchique solidaire la
triade Ces diffeacuterents sens des trois points de vue tondamentaux de la triade et cette
valeur accordeacutee selon lordre hieacuterarchique solidaire transparaicirctront dans lexamen des
principes de la phaneacuteroscopie et de la seacutemiotique sciences auxquelles nous aurons
plus speacutecifiquement affaire dans lexamen de la cateacutegorie de la geacuteneacuteraliteacute Leacutethique et
lestheacutetique nous inteacuteresseront aussi mais pas en ce qui concerne le problegraveme
speacutecifique du meacutemoire et je ny reviendrai donc quagrave la conclusion dans une tentative
douverture de largument par-delagrave son niveau logique
Les principales doctrines de la meacutetaphysique peirceacuteenne sont le reacutealisme
scolastique et la ph i losoph ie du sens commun critique que lauteur preacutesente dans
laquoIssues of Pragmaticismraquo (EP2 346-59 1905) comme des conseacutequences du
pragmatisme Nous pourrions aussi compter au nombre des doctrines meacutetaphysiques
originales de Peirce le tychisme lagapisme et le syneacutechisme de mecircme que lideacutealisme
objectif (deacuteveloppeacutes surtout dans la seacuterie meacutetaphysique de la revue The Aifonisl de
1891-93 (EPI 285-371 )) maisje ne les aborderai pas directement Le reacutealisme a deacutejagrave
eacuteteacute preacutesenteacute comme une caracteacuteristique de la meacutethode scientifique expeacuterimentale de
laquelle sinspire le pragmatisme Il consiste essentiellement agrave reconnaicirctre quiumll ya des
objets dans le monde reacuteel qui ne deacutependent pas de ce quun individu quelconque
puisse en penser Il est aussi traditionnellement compris comme sappliquant aux
concepts geacuteneacuteraux deacuteterminant des objets singuliers Peirce entend toutefois eacutelargir
cette conception de la reacutealiteacute et cest ce qui caracteacuterise son propre reacutealisme inspireacute du
reacutealisme scolastique (de Duns Scot) Selon Peirce il ny a pas que des objets geacuteneacuteraux
)_J
ou deacutetermineacutes qUI soient reacuteels meacutellS eacutegalement toujours du point de vue de la
signilication des repreacutesentations des objets vagues et mecircme du point de vue des
modaliteacutes des objets possibles La reacutealiteacute seacutetend sur trois aspects fondamentaux tels
que diffeacuterencieacutes par la phaneacuteroscopie et la seacutemiotique La notion de reacutealiteacute soppose agrave
celle de fiction ou plutocirct inclut cette derniegravere puisque la fiction est une repreacutesentation
possible de la reacutealiteacute deacutependante de lindividu qui la cree mais elle-mecircme reacuteelle dans
S3 situation particuliegravere au sein de la reacutealiteacute
L3 philosophie du sens commun critique eacutegalement en germe dans le
faillibilisme caracteacuteristique de la meacutethode du pragmatisme et deacuteriveacutee de la philosophie
du sens commun eacutecossaise (avant tout de Reid) est agrave son tour une doctrine
meacutet3physique dont le principe essentiel consiste agrave reconnaicirctre quil y a des inleumlrences
indubitables en ce sens quelles sont acritiques qui constituent le fondement de la
connaissance Ces inleumlrences sont indubitables mais extrecircmement vagues ce qui les
rend facilement sujettes au doute degraves quelles sont circonscrites et que des deacutetinitions
plus preacutecises en sont rechercheacutees La doctrine est de la sOlte critique parce quelle
reconnaicirct ecirctre elle-mecircme fondeacutee sur des croyances non critiqueacutees mais pouvant ecirctre
reacutevoqueacutees en doute non par la simple volonteacute du sujet connaissant mais par leur
confrontation aux faits de la reacutealiteacute actuelle La philosophie du sens commun critique
reconnaicirct donc sa propre faillibiliteacute Les deux doctrines repreacutesentent finalement des
conseacutequences du pragm3tisme une doctrine meacutethodeutique de la seacutemiotique en ce
quelles se fondent sur les analyses de la phaneacuteroscopie pm la prise en compte des
di f1eumlrents aspects de la reacutealiteacute et de la seacutemiotique par la critique du raisonnemento Il
conven3it cependant de preacutesenter 13 meacutetaphysique avant la ph3neacuteroscopie et la
On pourrait sc dcmandcr siumllne sagit pas lil plutocirct dc doctrincs eacutepisteacutemologiques Cl non
meacutelaphysiqucs mais leilcc nuli 1isc (oui simplement pas le terme d laquoeacutepisteacutenwlogicraquo Leacutepisteacutemologie en tant que theacuteorie ue la euumlnnaiss~lncc semble ecirctle pour lui une bl~lnehe de la meacutelltlrh) sique ct nous pouons rcnsel qUII elasser~lit la philosophic des sciences dans les sciences reacutetmspeelives ou mecircl11e CIleore 11 meacutetaph)siquc Il dit une il1is au sujet de Imiddoteacutepisteacutemologie en inlroduisantla gnll11maire speacuteCLilatic eomlllc rrcmiegravere seienec logique
Other logiciI1s clldeorillg to steel elear or psyclwlog) as lal ilS rossibk lhillk thal this Jirst blI1ch olIogic I11lsl relne 10 lhe posibilily or knolcdgc or Ihe lcal Vorld alld liron the sellse in hieh il is Inle Ihal Ihe lcal orlll eall be kno n This bran ch 01 rhiloso[Jh) clilcd epistel11gy 01
rkelliJIl7isehre is ncccssarily jltJrgely I11claphysicill (112 257 1(()3)
24
seacutemiotique afin de donner agrave ces derniegraveres un horizon envisageacute dans le sens de leur
app 1ication
131 Phaneacuteroscopie theacuteorie des cateacutegolies
La phaneacuteroscopie peut ecirctre preacutesenteacutee dans un but heuristique selon deux
approches diffeumlrentes lune allant dans le sens formel des principes et lautre dans le
sens mateacuteriel des donneacutees 1 ny a toutefois pas de solution de continuiteacute entre la
forme et la matiegravere car selon la doctrine de lideacutealisme objectif la matiegravere nest quune
forme contrainte par lhabitude laquomatter is effete mind inveterate habits becoming
physical lawsraquo (EP 1 293 1891) ou encore laquomatter is merely mind deadened by the
development of habitraquo (CP 8318 1891) Peirce deacuteveloppe la phaneacuteroscopie agrave partir
de sa theacuteorie des cateacutegories dabord conccedilue comme une theacuteorie de la cognition dont
les conceptions reacuteduisant la diversiteacute de la Substance agrave luniteacute conceptuelle de lEcirctre
sont la Repreacutesentation la Relation la Qualiteacute (EP 1 6 1867) Il propose dans sa
theacuteorie cognitive des cateacutegories une approche psychologisante de la logique illustreacutee
par mais non fondeacutee sur la psychologie selon laquelle il deacutecrit Je processus
dabstraction qui permet la cateacutegorisation dans un exposeacute meacutelangeant les aspects
formel et mateacuteriel Peirce qui deacutefend au moment de sa theacuteorie initiale une ontologie
reacutealiste comprenant des eacuteleacutements nominalistes adoptera eacuteventuellement un reacutealisme
dur Les cateacutegories seront alors deacutetinies comme des eacuteleacutements universellement preacutesents
agrave lesprit et seront nommeacutees dans leur plus grande geacuteneacutera 1iteacute Prem iegravereteacute Deuxiegravemeteacute
Troisiegraverneteacute Cest cette derniegravere approche phaneacuteroscopique que je retiendrai surtout
ici puisque cest delle que procegravede la seacutemiotique peirceacuteenne pleinement deacuteveloppeacutee
qui rera lobjet de la prochaine section
Selon lapproche la plus proprement formelle de la phaneacuteroscopie les
cateacutegories sont deacuteriveacutees des intuitions matheacutematiques exposeacutees dans les
25
matheacutematiques de la logique (CP 4250-323 1902 laquoThe Simplest Mathematicsraquo) Le
matheacutematicien deacutecouvre il travers ses raisonnements sur les formes hypotheacutetiques de
la reacutealiteacute la triadiciteacute des structures formelles primitives authentiques (genlline) et leur
dyadiciteacute dans une forme deacutegeacuteneacutereacutee (degeneroe) La dyade constitue un point de
deacutepart dans la reacutealiteacute actuelle et est donc la premiegravere structure analyseacutee mais avec le
deacuteveloppement de la reacuteflexion matheacutematique cest la triade qui fait loi Peirce
distingue eacutegalement selon une approche moins essentiellement tonnelle mais plus
proprement philosophique puisque logique trois modes de seacuteparation dans la penseacutee
la dissociation la preacutescission et la discrimination (cf laquoSundry Logical Conceptionsraquo
EP2 267-72 1903) La description phaneacuteroscopique consiste alors agrave effectuer ces
diffeacuterents types de seacuteparation mentale afin de mettre en eacutevidence les eacuteleacutements
un iversellement preacutesen ts agrave lesprit Les tro is cateacutegories sont om nipreacutesen tes dans la
penseacutee mais les modes de seacuteparation qui sappliquent agrave chacune dentre elles
diffegraverent A insi la d issoc iation est une opeacuteration de Prem iegravereteacute selon laquelle on peut
imaginer un eacuteleacutement sans un autre la preacutescission est une opeacuteration de Deuxiegravemeteacute
selon laquelle on peut supposer un eacuteleacutement sans un autre mais non limaginer et la
discrimination est une opeacuteration de Troisiegravemeteacute selon laquelle on peut repreacutesenter un
eacuteleacutement sans un autre mais non Je supposer ni limaginer La diffeacuterence entre les
modes de seacuteparation deacutecoule de lordre de genegravese des cateacutegories et du lien de
deacutependance non reacuteciproque qui les unit La Premiegravereteacute se suffit agrave elle-mecircme la
Deuxiegravemeteacute deacutepend de la Premiegravereteacute mais non de la Troisiegravemeteacute et la Troisiegravemeteacute
deacutepend agrave la tais de la Premiegravereteacute et de la Deuxiegravemeteacute Le scheacutema suivant preacutesente les
diffeacuterents aspects tormels de la structure
Niveaux cOleacutegoriels des l1odes de seacuteparolion
1deg Dissociation seacuteparation de Premiegravereteacute
2deg Preacutescission seacuteparation de Deuxiegravemeteacute
3deg Discrimination seacuteparation de Troisiegravemeteacute
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Deacutefinitions en termespllJs intuitifs
1deg On peut imaginer un eacuteleacutement sans un autre
2deg On peut supposer un eacuteleacutement sans un autre mais non limaginer
3deg On peut repreacutesenter un eacuteleacutement sans un autre mais non liumlmaginer ni le
supposer
(Par exemple 1deg on peut imaginer une couleur sans une autre 2deg on peut
supposer quune couleur nait pas dintensiteacute speacutecij~que (ainsi lorsquon parle
du rouge en geacuteneacuteral la rougeur (rednessraquo mais on ne peut limaginer 3deg on peut
repreacutesenter lintensiteacute dune couleur sans cette couleur (lorsquon donne une
formule matheacutematique repreacutesentant lintensiteacute) mais on ne peut la supposer ni
1iumlmagi ner)
Porteacutee des modes de seacutejJorotion
1deg On peut
- dissocier un Premier dun autre Premier
2deg On peut
- preacutescinder un Deuxiegraveme dun autre Deuxiegraveme
- preacutescinder un Premier dun Deuxiegraveme mais non un Deuxiegraveme dun Premier
3deg On peut
- discriminer un Troisiegraveme dun autre Troisiegraveme
- discriminer un Premier dun Troisiegraveme mais non un Troisiegraveme dun Premier
- discriminer un Deuxiegraveme dun Troisiegraveme mais non un Troisiegraveme dun
Deux iegraveme
De plus selon lordre de genegravese et le lien de deacutependance non reacuteciproque qui unit les
cateacutegories le scheacutema peut se complexifier si lon considegravere la dissociation possible de
la Premiegravereteacute avec la Deuxiegravemeteacute dun Deuxiegraveme la dissociation possible de la
Premiegravereteacute avec la Premiegravereteacute dun Troisiegraveme etc Remarquons finalement que la
Premiegravereteacute ofije le plus de possibiliteacutes de seacuteparation mais que son propre niveau
requiert la plus grande seacuteparation Les possibiliteacutes de seacuteparation de la Troisiegravemeteacute
sont quant agrave elles plus restreintes mais le niveau propre de celle-ci requiert une plus
27
petite seacuteparation En dautres termes la seacuteparation au niveau de la Premiegravereteacute requiert
une plus grande implication logique et ontologique quune seacuteparation au niveau de la
Troisiegravemeteacute
Selon lapplOche mateacuterielle de la phaneacuteroscopie les cateacutegories sont plutocirct
deacutecrites agrave partir des donneacutees immeacutediates de la philosophie les faits de lexpeacuterience
commune en tant qu eacuteleacutements pheacutenomeacutenaux invariablement preacutesents dans la penseacutee
tels que la qualiteacute pour la Premiegravereteacute le fait brut pour la Deuxiegravemeteacute et la loi pour la
Troisiegravemeteacute Cest cette approche que Peirce utilise le plus souvent afin dillustrer sa
theacuteorie Les sens formel et mateacuteriel sont tous deux distingueacutes implicitement dans les
deacutefinitions suivantes
Categoly the First is the Idea of that which is such as it is regardless of
anything else That is to say it is a Qiality of Feeling
Category the Second is the Idea of that which is such as it is as being Second
to SOllle First regardless of anything else and in particular regardless of any 011
although it Illay conforlll to a law That is to say it is Reaction as an eleillent of
the Phenomenon
Category the Third is the Idea of that which is such as it is as being a Third
or Medium between a Second and its First That is to say it is Representation as an
element of the Phenomenon
(EP2 160 1903)
Dans sa formulation initale de la theacuteorie des cateacutegories Peirce considegravere aussi
deux cateacutegories suppleacutementailes lEcirctre et la Substance Les trois cateacutegories
intermeacutediaires correspondant lt1 la Premiegravereteacute la Deuxiegravemeteacute et la Troisiegravemeteacute sont
alors nommeacutees Qualiteacute Relation et Repreacutesentation Les cinq cateacutegories sont deacutefinies
cOl11me des conceptions universelles servant agrave reacuteduire la diversiteacute des impressions
sensibles en une uniteacute Les trois cateacutegories intermeacutediaires sont consideacutereacutees comme des
accidents reacuteduisant progressivement la diversiteacute de la Substance agrave luniteacute conceptuelle
pure de I~Ecirctre Dans le langage cette reacuteduction seffectue au sein de la proposition
luniteacute conceptuelle geacuteneacuterale comprenant les diffeacuterents niveaux de la reacuteduction Peirce
28
reacutesume les cateacutegories dans le scheacutema suivant
Being
Quality (Reference to a Ground)
Relation (Reference to a Correlate)
Representation (Reference to an Interpretant)
Substance
(EPI 61867)
Peirce fait de plus la distinction aussi bien dlI1s ses premiers eacutecrits menant agrave la
formulation de la theacuteorie des cateacutegories initiale que dans les eacutecrits sur la
pheacutenomeacutenologie entre les cateacutegories universelles jusquici preacutesenteacutees et quil a
surtout deacuteveloppeacutees et les cateacutegories paliiculiegraveres dont il na pas termineacute leacutetude
mais quil em ploie largement dans son œuvre Les cateacutegories un iverselles sont
organiseacutees selon un ordre hieacuterarchique solidaire et sont preacutesenteacutees dans la liste courte
de la triade fondamentale Prem iegravereteacute Deuxiegravemeteacute Troisiegravemeteacute Les cateacutegories
particuliegraveres sont plutocirct organiseacutees selon un modegravele ternaire une seule agrave la fois eacutetant
preacutesente ou du moins preacutedominante dans un pheacutenomegravene (EP2 148 1903) Ces
cateacutegories se multiplient en un nombre indeacutetermineacute et repreacutesentent une longue liste
que Peirce na pas compleacuteteacutee Nous pouvons toutefois en suivant ses eacutecrits classer
quelques-unes de ces cateacutegories en tables selon laspect de la reacutealiteacute sur lequel elles
portent de la maniegravere suivante
Aspect de la reacutealiteacute Cateacutegories particuliegraveres
modaliteacute possibiliteacute actualiteacute neacutecessiteacute (EP2 491)
qualiteacute neacutegation aftiumlnnation infiniteacute dintermeacutediaires (EP2
353)
relation monade dyade triade (EP2 424-7)
[sign if~cat ion] vagueur (laglleness) deacutetermination geacuteneacuteraliteacute (EP2
350-52)
quantiteacute particulariteacute singulariteacute universaliteacute (EI)2 353)
Les principaux aspects de la reacutealiteacute ici distingueacutes selon un scheacutema inspireacute des tables
29
kantiennes auxquelles sajoute la signification (je la deacutesigne comme telle) semblent
correspondre aux cinq cateacutegories de la theacuteorie des cateacutegories initiale la modaliteacute eacutetant agrave
relier agrave lEcirctre (Peirce en discute aussi en termes de laquomodes decirctreraquo (EP2 269 1903))
la signification agrave la Repreacutesentation la Relation et la Qualiteacute se retrouvant telles quelles
et la quantiteacute se reliant agrave la Substance Les cateacutegories universelles se complexifieraient
de la sorte selon le motif de la quantiteacute en cateacutegories particuliegraveres suivant un modegravele
ternaire La modaliteacute et la quantiteacute encadreraient theacuteoriquement les cateacutegories
universelles philosophiques la Qualiteacute la Relation et la Repreacutesentation qUI
sappliquent plus speacutecifiquement agrave la reacutealiteacute telle que perccedilue dans lexpeacuterience
commune Peut-ecirctre pourrions-nous consideacuterer la modaliteacute et la quantiteacute comme des
cateacutegories laquomeacuteta-philosophiquesraquo propres agrave un autre point de vue au sein des
sciences reacutetrospectif sans doute Toujours est-il que je me limiterai ici agrave lexamen de
deux ensembles de cateacutegories particuliegraveres lune soi-disant meacuteta-philosophique les
modaliteacutes qui permettront dapprofondir la compreacutehension du motif de la
cateacutegorisation peirceacuteenne et lautre proprement philosophique et mecircme logique les
cateacutegories de la signification qui inteacuteressent plus speacutecifiquement le problegraveme envisageacute
dans ce meacutemoire
Ainsi les exemples que Peirce utilise pour deacutelinir ses cateacutegories tant appel aux
modaliteacutes Certaines notions modales sont mecircme lieacutees agrave des cateacutegories speacutecifiques Les
modaliteacutes eacutetant des notions logiques assez intuitives il est inteacuteressant dexaminer le
lien queffectue Peirce entre ces derniegraveres et les cateacutegories en revenant sur les
illustrations concregravetes des cateacutegories et leurs exp 1ications formelles La Prem iegravereteacute est
illustreacutee le plus souvent par une qualiteacute de sensation (qllolilyojjegraveeling) telle le rouge
Avant mecircme quon prenne conscience de la qualiteacute et quon lui accorde une intensiteacute
elle est sous son aspect le plus authentique une simple possibiliteacute ce que Peirce
considegravere comme de la Prel11 iegravereteacute sans Deuxiegravemeteacute La Prel11iegravereteacute la pl us En suivant le motilues cateacutegories rltlrliculiegravetes dc la lJuantiteacute on pcut se dcmanuelnugravelmiddotemenl siumlln) ltlurait pas des cateacutegolies singuliegraveres I)cilcc ne scmole rIS eonsiJeacutenr ec cl1emin de renseacutee (il nest S[II
que ue cc quiumll Joit) lloil deu ordns (lY2 148 1J(3)) Imis on peut imaginer lJuiumll sagilltlil selon son systegraveme de cateacutegolies (d hoc cest-tl-dire que pOlll tel CIS il y uuraillelle laquocateacutegorieraquo lei un nOI11 rlOrlC
30
fondamentale des cateacutegories est donc associeacutee agrave la modaliteacute de la possibi liteacute
laquoPossibility the mode of being ofFirstness is the embryo ofbeing It is not nothing
It is not existenceraquo (EP2 269 1903) La Deuxiegravemeteacute est le plus souvent illustreacutee par
un fait brut tel la compulsion par exemple leffort provoqueacute soudainement
lorsquune porte quon sapprecircte agrave ouvrir nous reacutesiste La modaliteacute qui lui est associeacutee
est lactualiteacute laquoSecondness only is while it actually is The same thing can never
happen tVice As Heraclitus said one cannot cross the same river twice raquo (EP2
268 1903) Cest donc aussi la cateacutegorie de lexistence et de lindividualiteacute de la
situation dans un espace-temps La Troisiegravemeteacute peut quant agrave elle ecirctre illustreacutee entre
autres par Lin ensemble discursif mettant plusieurs propositions singuliegraveres en
relation cest-agrave-dire un argument Cest la cateacutegorie meacutediatrice de la penseacutee de la loi et
de la finaliteacute entendue comme raison ou but La modaliteacute qui lui est associeacutee est la
neacutecessiteacute
On the other hand Necessiy is an idea 01 Thirdness This word is equivocal it is
here taken in the sense of rational ie general necessity It is not a mere cJenial of
Possibility For Possibility in the sense of Firstness is not a subject of denial The
absence of any given possibility is 01 course a possibility but to leave a character
st8ncling and rcmovc From it its possibility is nonsense unJess one means ta speak
of a representamen of the quality in which case the element of Thirclness is the
predominant one (EP2 271 1903)
La relation de deacutependance non reacuteciproque propre aux cateacutegories universelles
sapplique aussi aux modaliteacutes qui leur sont associeacutees La neacutecessiteacute ne nie pas la
possibiliteacute mais limplique Cependant tout comme la Troisiegravemeteacute peut dominer et
laisser la Premiegravereteacute inapparente la neacutecessiteacute peut aussi dominer et laisser la
possibiliteacute sembler seffacer comme caracteacuteristique modale Nous remarquons aussi
que la Troisiegravemeteacute est la cateacutegorie dont la deacutefinition est la plus tagravecile agrave eacutelaborer
discursivement que la Deuxiegravemeteacute est la cateacutegorie la plus tagravecile agrave illustrer par
lexpeacuterience que nous en faisons dans le monde et que la Premiegravereteacute est tout
simplement la cateacutegorie la plus difficile agrave saisir bien que la plus fondamentale La
deacutefinition agrave laide dillustrations recoupe leacutelaboration formelle preacutesenteacutee plus haut
31
mais implique les modaliteacutes de faccedilon plus eacutevidente La structure deacutegageacutee dans
lexposition formelle se reflegravete donc aussi sur les modaliteacutes
Le lien queffectue Peirce entre les cateacutegories et le langage dans la theacuteorie des
cateacutegories in itiale nOLIs informe eacutegalement au sujet des modal iteacutes Les cateacutegories
opegraverent une unification conceptuelle au sein de la proposition qui consiste en la mise
en relation clu preacutedicat et de ses sujets culminant clans la conception dmiddotEcirctre Or la
modaliteacute est dans sa deacutefinition canonique une notion moditiant la relation diumlnheacuterence
subsistant entre le sujet et le preacutedicat Les modaliteacutes sont donc des notions tregraves
semblables aux cateacutegories universelles Peirce dit lui-mecircme dans sa preacutesentation plus
tardive et pheacutenomeacutenologique des cateacutegories laquoA Possibility and a Firstness are pretty
nearly identicalraquo (EP2 271 1903) Et il preacutecise ailleurs dans le mecircme article nous
lavons vu plus haut laquoPossibility the mode of being of Firstness is the embryo of
beingraquo (EP2 269 1903) Si nous faisons le lien entre laftinnation selon laquelle laquola
possibiliteacute [est] le mode decirctre de la Premiegravereteacuteraquo et la liste initiale des cateacutegories nous
pouvons comprendre le mode decirctre comme eacutetant une modification de luniteacute
conceptue Ile pure de la cateacutegorie dEcirctre par des accidents Les cateacutegories
intermeacutediaires sont les accidents graduels de la conception dEcirctre et la modaliteacute est la
qualitication de ces accidents Les modaliteacutes indiquent donc la maniegravere dont les
cateacutegories accidentelles opegraverent la reacuteduction du divers sensible en une uniteacute imparfaite
par rapport agrave luniteacute pure de lEcirctre qui na pas de modaliteacute En nous reacutereumlrant
eacutegalement agrave la liste initiale des cateacutegories nous pouvons aussi comprendre
latlirmation selon laquelle laquola possibiliteacute est lembryon de lecirctreraquo puisque la
cateacutegorie universelle dont la possibiliteacute est la modaliteacute correspondante la qualiteacute est la
derniegravere conception avant luniteacute conceptuelle pure de lEcirctre Nous tirons de ces
consideacuterations le scheacutema reacutecapitulatif su ivant
32
Ecirctre mode decirctre
Qualiteacute possible
Relation accidents qualifieacutes de actuel
Repreacutesentation neacutecessaire
Substance
La modaliteacute est de plus abordeacutee en logique dans la partie modale des graphes
existentiels mais celle-ci est resteacutee largement inacheveacutee et reste inaccessible sans une
introduction agrave la meacutethode des graphes existentiels La modaliteacute est sinon mentionneacutee
par Peirce lorsquil eacutetudie les propositions dans le cadre de sa theacuteorie des signes Mais
il ne fait alors que suivre la tradition scolastique et kantienne en en reprenant les
deacutefinitions Toutefois cela nous indique que sa conception devrait pour lessentiel
saccorder avec cette tradition quil a eacutetudieacutee en profondeur et dont il sest
certainement inspire Honn is les deacutefinitions de dictionnaire eacutecrites par Peirce la
principale occurrence dune deacutefinition des modaliteacutes dans le cadre de leacutetude
seacutemiotique des propositions est la suivante
ln the fiumlrst place accordillg to Ivodalily [ J or Mode [ J a prOposition is either
de inesse [ ] or modal A proposition de inesse contemplates ollly the existing
state of things-existing that is in the logical ulliverse of c1iscourse A modal
proposition takes account of a whole range of possibility According as it asserts
something to be true or fnlse throughout the whole range of possibility it is
necessary [ J or impossible According as it asserts something to be true or false
within the range of possibility (not expressly including or excluding the existent
state of things) it is possible [ ] or conlingenl (EP2 283 1903)
La conception de la modaliteacute formuleacutee ici correspond exactement agrave celle entrevue
jusque maintenant dans lexamen de la phaneacuteroscopie Selon la modaliteacute une
proposition est soit de inesse ou modale Le de inesse correspond agrave la modaliteacute cie
lactualiteacute La possibiliteacute est aussi reconnue comme un aspect fondamental des
Le long article encyclopeacutedique sur lu modoliteacute que leircc a eacutecril pour le dictionnaire de lames Mark 13uldin reacutesume les conceptions ue ces deux lraditions (CI 2382-90 1902) Les parenthegraveses omises dons la citation suivante lonl dailleurs reacuteleumlrcnec au lermes uorigine el il leurs au leurs (I~()egravece
Iheacutel)Id Kal1l)
33
modaliteacutes Les modaliteacutes sont ensuite classeacutees selon le champ de possibiliteacute consideacutereacute
la modaliteacute qui englobe tout le champ du possible est la neacutecessiteacute si la proposition est
positive et limpossibiliteacute si la proposition est neacutegative et la modaliteacute qui ne
considegravere quune partie du champ du possible est la possibiliteacute si la proposition est
positive et la contingence si la proposition est neacutegative Il est inteacuteressant de noter
que lactualiteacute est consideacutereacutee comme une modaliteacute et que la phaneacuteroscopie ne
consideacuterait en plus de lactualiteacute que les modaliteacutes positives de la neacutecessiteacute et la
possibiliteacute La deacutefinition de la philosophie citeacutee plus tocirct preacutecise bien quelle est laquoune
science jJOsiive en ce sens quelle deacutecouvre ce qui est reacuteellement vrairaquo La seconde
occurrence significative des modaliteacutes dans un contexte seacutemiotique est le postshy
scriptum dune lettre agrave Lady Welby La modaliteacute y sert agrave caracteacuteriser les diffeacuterents
types de signes
1 signifies the Possible Modality that of an Idea
2 signifies the Actual Modality that of an Occurrence
3 signilies the Necessary Moclality that of a Habit
(EP2 4911908)
Les chiffres (1 2 3) deacutecrivent chacun un aspect du signe dans un scheacutema de
combinntoires deacutefinissant les dix classes de signes Lactualiteacute est agrave nouveau reconnue
comme modaliteacute tandis que seules les modaliteacutes positives de ln possibiliteacute et la
neacutecessiteacute sont eacutegalement retenues dans le cadre dune description phaneacuteroscopique
servnnt agrave caracteacuteriser les dineumlrents types de signes
Les cateacutegories particuliegraveres de la signification ne sont pas preacutesenteacutees
explicitement dans les tables de Kant mais Peirce les fait remonter agrave ce demier (EP2
352 1905) Lexposeacute le plus complet des cateacutegories de la signification se trouve dans
larticle de 1905 intituleacute laquoIssues ofPragl11aticisl11raquo (EP2 346-59) auquel peuvent ecirctre
ajouteacutees les deacutefinitions du LenlIry Dicio1mJ el du dictionnaire de Baldvin le
deacute1inirai tout dabord chacune des trois conceptions puis les aliiculerai les unes avec
les autres pour finalement me concentrer sur la porteacutee de la geacuteneacuteraliteacute dans le systegraveme
des sciences Il sera plus commodc dc prcndrc pour point de deacutepart la reacutealiteacute actuelle
34
et de deacutefinir en premier I() cateacutegorie particuliegravere de la signitication qui lui correspond la
deacutetermination La signification dun terme est dite deacutetermineacutee lorsque la Deuxiegravemeteacute
domine la repreacutesentation La relation entre le terme et ses objets est alors actuelle
quelle soit affirmeacutee ou nieacutee les qualiteacutes de lun eacutetant attribueacutees agrave lautre Ainsi un
nom commun deacutesigneacute par un adjectif deacutemonstratif est un exemple de terme dont la
signification est deacutetermineacutee Les cateacutegories du vague et du geacuteneacuteral sont toutes deux
indeacutetermineacutees Peirce donne la deacutetinition suivante de la deacutetermination
A subject is delerminale in respect ta any character which inheres ln it or is
(universally and ltlt1iliumlllatively) predicated of il as weil as in respect ta the negative
of such character these being the very saille respect In ail other respecls it is
indelerlllil1ole (EP2 350 1905)
La sign ificeacuteltion d un tcrmc est plutocirct dite lagile lorsque son caractegravere de Prcm iegravercteacute
esl preacutepondeacuteranl La relation entre le terme et les objets auxquels il est altribuable
nest alors que possible elle reste agrave deacuteterminer dans le processus interpreacutetatif Le
champ dapplication du terme neacutelant pas initialement entrevu la signification est dite
non seulement indeacutetermineacutee mais eacutegalement indeacutefinie Un mot agrave la signification
inconnue dans son premier abord mais speacutecitiable par la suite esl un exemple de
terme vague La deacutefinition du vague que donne Peirce est la suivante
A sign that is objectively indetenninate in any respect is objectively vague in sa
far as it reserves further determination ta be made in saille other conceivable sign
or nt least does not appo int the interpreter as its deputy in this office (EP2 351
1905)
La signification dun terme est finalement dite geacuteneacuterale lorsque cest la Troisiegravel11eteacute
qui domine la repreacutesentation La relation entre le terme et les objets auxquels il est
imputable eSl alors neacutecessaire car bien quelle soit indeacutetermineacutee elle reste limiteacutee agrave
une porteacutee bien deacutefinie La signification du terme geacuteneacuteral est pour cette raison dite
deacutefinie par opposition agrave lautre cateacutegorie indeacutetermineacutee du vague La conception
dEcirctre implicite agrave toute proposition constitue la signification geacuteneacuterale par excellence
exprimant la relation d iumldenti teacute propre agrave tous les objets eacutemergeant d un mecircme
continuum phaneacuteronique et repreacutesenteacutes aussi dans un mecircme continuum seacutemiotique
Peirce deacutetinit le geacuteneacuteral cOmme suit
35
A sign (under which designation 1 place every kind of thoughL and not alone
external signs) that is in any respect objectively indetenninate (ie whose object
is undeterlllined by the sign itself) is objectively genera in so far as it extends to
the interpreter the privilege of carrying its deterlllination fmtheL (EP2 350
1905)
Agrave un niveau plus speacutecifiquement logique Peirce donne une cleacute suppleacutementaire agrave
linterpreacutetation des deux cateacutegories indeacuteterlll ineacutees en di san t que le princ ipe du tiers
exclu ne sapplique pas agrave ce qui est geacuteneacuteral tandis que le principe de contradiction ne
sapplique pas il ce qui est vague (FP2 351 1905) Nous pouvons en deacuteduire que la
cateacutegorie de la deacutetermination implique les deux principes agrave la fois eacutetant la plus
contrainte dans le cadre de la reacutealiteacute actuelle Peirce nomme aussi preacutecision lacte de
deacutetermination pouvant ecirctre accompli par un interpregravete celui qui effectue la relation de
signification (EP2 352 1905)
les trois cateacutegories particuliegraveres de la signification sont ordonneacutees entre elles
selon le mecircme ordre hieacuterarchique que les cateacutegories universelles agrave cette diffeumlrence pregraves
que lordre des premiegraveres nest pas solidaire cest-agrave-dire quil nest pas triadique
mais ternaire L ordre de genegravese reste le mecircme le vague eacutetant la conception la plus
eacuteleacutementaire suivie de la deacutetermination et de la geacuteneacuteraliteacute dans le deacuteveloppement du
processus de signification laquoLooking upon the course of logic as a who le vve see that it
proceeds from the question to the answer-from the vague to the definite And so
likewise ail the evolution we know of proceeds from the vague to the definiteraquo (CP
6191 1898 un autre exemple psychologique cette fois en CP 3160 1880)
Toutefois la preacutesence dune cateacutegorie n iuml mpl ique pas neacutecessa irement celle des deux
autres Cela sexplique si Ion considegravere quau sein des cateacutegories de la quantiteacute lautre
ensemble de cateacutegories meacuteta-phi losoph iques en compleacutement de la modaliteacute la
particulariteacute fait figure de Premier et luniversaliteacute de Troisiegraveme La particulariteacute
nimplique donc que chacune des cateacutegories pour elle-mecircme tandis que luniversaliteacute
implique lensemble des relations de deacutependance non reacuteciproque entre les diffeumlrentes
Ane pas cont()JlJrc ~lee lopeacutel~ltion Jabstraction preacuteseission qui consisk Ugrave cleacutecl Ull ens llIlionis
par exemple la noilcellr (illckness) de tous les obiets Iloirs
36
cateacutegories Le lien entre les cateacutegories est de la sorte bien reconnu mais leur mise en
preacutesence nest pas neacutecessaire Notons cependant que les cateacutegories particuliegraveres de la
modaliteacute semblaient impliquer le lien de cleacutependance non reacuteciproque de lagraveccedilon plus
explicite et quelles se rapprochaient en cela des cateacutegories universelles Disons agrave ce
sujet que dans le systegraveme continu de Peirce tout est affaire de degreacute et que mecircme au
sein des diffeacuterents ensembles de cateacutegories la caracteacuterisation ne simpose que
graduellement Peirce ne propose pas cette expl ication lui-mecircme et n eacuteta it pas
satisfagraveit du moins en 1903 de la distinction entre les deux modegraveles celui ternaire des
cateacutegories particuliegraveres et celui triadique des cateacutegories universelles (EP2 148 1903)
mais cette explication entendue de faccedilon nuanceacutee eacutetant coheacuterente avec son systegraveme je
ladopterai pour la suite cie mon argumentation Peirce reconnaicirct cie plus une certaine
polariteacute entre la Premiegravereteacute et la Troisiegravemeteacute qui semblent ainsi graviter autour cie la
Deuxiegravemeteacute comme si l actua 1iteacute consti tuai t un po int de vue central sllr les deux
alitres aspects de la reacutea 1iteacute Il alticule souvent les cateacutegories Premiegraveres et Troisiegravemes
ensemble tel que clans cet extrait reacuteveacutelateur laquopossibility being the denial of a
necessity which is a kind of generality is vague like any other contradiction of a
generatraquo (EP2 354 1905) La Troisiegravemeteacute entretient donc un certain lien privileacutegieacute
avec la Prem iegravereteacute de mecircme que la geacuteneacuteral iteacute avec la vagueur
A fin de deacuteterminer maintenant quelle est la porteacutee de la geacuteneacuteraliteacute dans le
systegraveme des sciences revenons au scheacutema classificatoire preacutesenteacute dans la section
preacuteceacutedente La classification cles sciences suit le motifcles cateacutegories et chaque science
possegravede de la sorte un aspect cateacutegoriel preacutepondeacuterant qui se combine agrave dautres
aspects lors de lapprofondissement de la structure du systegraveme La science est la plus
geacuteneacuterale des activiteacutes humaines et cest la Troisiegravemeteacute qui la marque de ce point de
vue Au sein mecircme des sciences heuristiques Premiegraveres des sciences les
matheacutematiques sont Premiegraveres et vagues on peut les appliquer dans plusieurs sens
qui restent agrave lorigine indeacutefinis Les sciences idioscopiques sont plutocirct Troisiegravemes et
geacuteneacuterales leurs applications eacutetant multiples mais deacutefinies en fonction de certains
37
champs dapplication speacutecifiques La philosophie est quant agrave elle la science
heuristique la plus actuelle et deacutetermineacutee partant dans ses recherches de
lappreacutehension de la reacutealiteacute agrave travers lexpeacuterience commune On accentue souvent le
caractegravere geacuteneacuteral de la philosophie mais il sagit sans doute de la geacuteneacuteraliteacute de toutes
sciences qui devient plus marqueacutee suivant la concordance de notre propre point de
vue actuel avec lobjet de la philosophie les fagraveits de lexpeacuterience commune Parmi les
sciences philosophiques mecircmes la phaneacuteroscopie se reacutefegravere vaguement agrave la reacutealiteacute dans
leacutetude de sa man i festation prem iegravere les sciences normati ves proposent dordonner
selon des principes deacutetermineacutes notre relation au reacuteel tandis que la meacutetaphysique
efrectue un retour reacutellexif geacuteneacuteral sur la reacutealiteacute comprise comme un tout deacute1ini mais
saisissable de difteumlrentes faccedilons
La science normative qui inteacuteresse le meacutemoire est la seacutemiotique ou logique
geacuteneacuterale identifieacutee agrave la theacuteorie des signes La seacutemiotique est Troisiegraveme et geacuteneacuterale elle
eacutetudie la penseacutee qui permet de saisir en un tout coheacuterent la reacutealiteacute mais elle leacutetudie
avant tout dans le but de proposer des principes dilecteurs agrave la penseacutee tireacutes de
lexamen mecircme de la structure de la reacutealiteacute Ultimement dans la doctrine du
pragmatisme le but de la logique sous son aspect meacutethodeutique est de montrer le
chemin menant agrave ladeacutequation de la penseacutee avec la reacutealiteacute En indiquant la voie agrave suivre
dans la confrontation agrave la reacutealiteacute actuelle la seacutemiotique reste Deuxiegraveme mais possegravede
neacuteanmoins un aspect Troisiegraveme important en ce quelle porte sur leacuteleacutement meacutediateur
de la reacutealiteacute la penseacutee La seacutemiotique fournit donc des principes normatifs geacuteneacuteraux
aux sciences qui en deacutependent y compris les sciences idioscopiques et plus
speacutecifiquement la linguistique et la science de leacutecriture Ces principes sont geacuteneacuteraux
en ce quils concernent leacuteleacutement meacutediateur de la penseacutee qui ne reflegraveterait ultimement
que la structure de la reacutealiteacute comprise de faccedilon adeacutequate ce qui rend les principes de la
seacutemiotique deacutefinis mais qui comprend lensemble des repreacutesentations possibles de la
reacutealiteacute ce pour quoi la signification des principes demeure indeacutetermineacutee
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le terminerai cette section en examinant comment seffectue le passage du
phaneacuteron au signe question que jaborderai en consideacuterant le problegraveme exeacutegeacutetique du
lien entre la phaneacuteroscopie et la theacuteorie des cateacutegories initiale Le passage de la
Substance agrave lEcirctre dans la theacuteorie in i tia le peut ecirctre rapprocheacute de ce 1ui du phaneacuteron au
signe dans la theacuteorie tardive Le phaneacuteron comprend les trois aspects fondamentaux de
la reacutealiteacute au premier abord indiffeacuterencieacutes tandis que la substance est une conception
permettant de saisir lensemble des impressions sensibles Ceci nous rappelle par
ailleurs les trois propositions qui venaient appuyer la doctrine du pragmatisme et
selon lesquelles le point de deacutepart du processus cognitif faisant sens des impressions
sensibles est un jugement perceptuel qui contient des eacuteleacutements geacuteneacuteraux Le passage
du phaneacuteron au signe consiste ensuite en une prise de conscience explicite graduelle
des trois aspects de la reacutealiteacute qui se preacutesentent dabord agrave la conscience sans se
diffeacuterencier de celle-ci jusquagrave leur repreacutesentation par des signes au sein de la
conscience repreacutesentative la cognition seacutemiotique Ce passage est caracteacuteriseacute par une
geacuteneacuteralisation croissante des eacuteleacutements distingueacutes ou plus exactement par leur
deacutetermination allant dune preacutepondeacuterance de la Premiegravereteacute du phaneacuteron agrave celle de sa
Deuxiegravemeteacute Les eacuteleacutements sont extraits du phaneacuteron qui se preacutesente agrave la conscience
par le biais dune coalescence perceptuelle puis se distinguent de la conscience et la
confrontent en tant que faits perceptuels et sont finalement saisis dans le jugement
perceptuel Ils peuvent alors ecirctre repreacutesenteacutes et se deacutevelopper en tant que signes dans
le sens de la geacuteneacuteralisation croissante de la repreacutesentation
Le problegraveme du lien des cateacutegories phaneacuteroscopiques avec les cateacutegories
initiales consiste en ceci que lordre de cateacutegorisation nest pas le mecircme dans les deux
theacuteories Dans la theacuteorie initiale lordre de passage des cateacutegories intermeacutediaires de la
Substance agrave lEcirctre est de la Repreacutesentation (Troisiegraveme) agrave la Relation (Deuxiegraveme) puis
la Qualiteacute (Premiegravere) tandis que selon la phaneacuteroscopie lordre de passage du
phaneacuteron au signe duumlmentconstitueacute est de la Premiegravereteacute agrave la Deuxiegravemeteacute puis agrave la
le Illinspire ici Je Imiddotcposeacute JnJeacute I)e Tienne (2000) Illnis ne lais ljuefJ1euITI ln surlilCC Je son eacutelrgulllenl
39
Troisiegravemeteacute toutes trois cateacutegories eacutetant preacutesentes mais chacune devenant
preacutepondeacuterante selon leur ordre de genegravese Toutelois la porteacutee des cateacutegories de la
theacuteorie initiale est limiteacutee agrave la cognition alors que la phaneacuteroscopie comprend comme
son objet la totaliteacute du pheacutenomegravene preacutesent ft lmiddotesprit La Substance serait donc agrave situer
au niveau seacutemiotique de la description phaneacuteroscopique et la phaneacuteroscopie serait de
la sorte plus englobante que la theacuteorie des cateacutegories in itiale Il en serait ainsi de mecircme
que pour labduction qui repreacutesente un niveau avanceacute du processus cognitif deacutebutant
agrave un niveau plus fondamental avec le jugement perceptuel Il reste malgreacute cette
distinction ft expliquer le problegraveme de linversion des cateacutegories dune theacuteorie agrave
lautre Je propose comme explication que le deacuteveloppement des cateacutegories de la
theacuteorie initiale dans le sens de la reacuteduction du divers sensible en une uniteacute est le cas
limite de la cognition par signes Dans le cours de lunification de lexpeacuterience par la
repreacutesentation il vient un moment ougrave le processus allant dans le sens dune
domination toujours croissante de la raison sur la reacutealiteacute seacutepuise La seule issue agrave une
seacutemiose infinie est alors le retour aux eacuteleacutements plus fondamentaux de la reacutealiteacute un
retour qui nest toutefois pas une reacutegression puisque chaque aspect de la reacutealiteacute
demeure important et nest que mieux valoriseacute Le retour consiste donc agrave passer de la
repreacutesentation de la reacutealiteacute la conception de lunivers comme un symbole agrave la
consideacuteration des relations constitutives de cette reacutealiteacute et puis de ses qualiteacutes jusquagrave
lunification ultime de lexpeacuterience en lEcirctre qui lui-mecircme nest pas un signe La
conception decirctre est bien un signe geacuteneacuteral le plus geacuteneacuterd qui soit mais lEcirctre luishy
mecircme est au-delagrave de la cateacutegorisation propre au domaine phaneacuteronique Cette
speacuteculation sur le sens du procegraves de la reacutealiteacute chez Peirce serait agrave tout le moins
appuyeacutee par la doctrine du pragmatisme qui preacuteconise le retour agrave lactualiteacute degraves lors
que la structure de la reacutealiteacute a eacuteteacute saisie par la raison Ce problegraveme nous megravene au
champ de la meacutetaphysique qui deacutepasse le cadre de ce meacutemoire et je ne
lapprofondirai donc pas mais la solution suggeacutereacutee devrait permettre douvrir le
systegraveme de Peirce en lui donnant de nouvelles possibiliteacutes de penseacutee
40
132 Seacutemiotique theacuteorie des signes
La seacutemiotique ou logique de Peirce est une science des signes cherchant les
conditions formelles de la signification vraie de la repreacutesentation adeacutequate de la reacutealiteacute
par des signes La penseacutee seffectuant par signes la seacutemiotique occupe une place
centrale dans lordre des sciences heuristiques Elle comporte trois branches la
grammaire speacuteculative qui deacutecrit la constitution mecircme du signe distingue ses
diffeacuterents types et organise ceux-ci en classes la logique critique qui analyse plus
speacutecitiquement les arguments et permet ainsi de juger de leur validiteacute ou leur degreacute de
force et la meacutethodeutique qui eacutetudie les conditions de la production de signes Je
preacutesenterai dans cette section la seacutemiotique en me concentrant sur la grammaire
speacuteculati ve qu i en consti tue la partie la plus inteacuteressante en ce qui concerne leacutetude de
leacutecriture mais je la relierai tout de mecircme par la suite agrave la logique critique et la
meacutethodeutique en palticulier agrave la doctrine du pragmatisme
Quest-ce quun signe La seacutem iotique en tan t que grammaire speacuteculative
reprend le motif structurel des cateacutegories et sa deacutetinition du signe est donc triadique
cest-agrave-dire quelle distingue trois termes interdeacutependants et irreacuteductibles de la relation
de signification authentique soit le signe proprement dit lobjet et linterpreacutetant Une
structure est dite laquoauthentiqueraquo lorsquelle respecte lordre hieacuterarchique solidaire sous
tous ses aspects et est de la sorte purement triadique tandis quune structure dont au
moins un aspect quelconque nentre pas dans lordre de la triade est qualifieacutee de
laquodeacutegeacuteneacutereacuteeraquo Peirce dans une de ses formules les plus claires deacutetinit le signe
formellement comme suit
A Sign or Representomen is a First which stands in such a genuine triadic relation
ta a Secancl called its Object as ta be capable of detennining a Third called its
Interpretant ta assume the same triadic relation to its Object in which it stands
itself ta the same Object The triadic relation is genlline that is its three members
are bauncl tagether by it in a way that does nat consist in any complexus of dyadic
le base pour lessentiel mon c-poseacute de la seacutemiotique sur celui dc Liszka (1996) mais cn deacuteveloppe eacute1utremenlla panic meacutelhoc1eutique que je relie plus direclenleacutenl ugrave la doctrine du pragmatisme
41
relations (EP2 272-3 1903)
Dans ses premiers eacutecrits seacutemiotiques Peirce distingue le signe de son
fondement (grollnd degraves la laquoNew List of Categoriesraquo EP 1 1-10 1867) Le fiJndel7len
du signe est une forme abstraite qui ne retient que certaines caracteacuteristiques de lobjet
celles agrave partir desquelles la signification se construit Une chose devient donc le
fondement dun signe lorsquelle preacutesente un certain aspect dune autre chose lo~jet
Le signe lui-mecircme peut ecirctre pris dans un sens plus large comprenant linstantiation
mateacuterielle et la relation aux autres composantes de la signitication Le tenlle
laquofondementraquo nest plus employeacute dans les derniers eacutecrits mais la preacutesentation dune
forme particuliegravere de lobjet est toujours sous-entendue ainsi dans cet extrait dune
lettre agrave Lady Welby laquo1 use the word --Sign-- in the widest sense for any medium for
the communication or extension of a Form (or feature)) (SampS 196 1906) Le terme
laquorepreacutesentamenraquo est utiliseacute quant agrave lui par lauteur agrave une certaine eacutepoque (voir la
citation ci-dessus de 1903) dans un sens plus large que le signe non limiteacute agrave la
repreacutesentation mentale La deacutefinition du signe tinira cependant par englober ce sens
eacutelargi lillustration par la reacutefeacuterence agrave la repreacutesentation mentale humaine servant
seulement agrave faire comprendre la conception (ce nest quun laquopot de vin agrave Cerbegravereraquo dit
Peirce EP2 478 1908) Lobjet est dautre paria chose correacuteleacutee avec le signe ce dont
le signe tient lieu dans la reacutealiteacute La lieutenance est laspect central de la relation de
sign ification consti tuant le signe dugrave agrave son mode decirctre actuel cest bien parce que
deux choses existant individuellement dans la reacutealiteacute actuelle occupent des positions
deacutetermineacutees et ne peuvent sidentitier parfaitement lune agrave lautre que lune le signe
tient lieu de lautre Iobjet atin de la repreacutesenter tagravece agrave une troisiegraveme chose
(linterpreacutetant) Toutefois des possibiliteacutes et des lois neacutecessaires peuvent aussi servir
dobjets en ce sens quelles deacuteterminent alors de leur propre point de vue modal la
repreacutesentation que le signe en donne au sein de la reacutealiteacute actuelle De faccedilon geacuteneacuterale
une chose devient donc lobjet dun signe lorsquelle est repreacutesenteacutee par ce signe le
signe eacutetant laquoagrave proposraquo de lobjet et deacuteterm ine la repreacutesentation la torl11e de lobjet
42
contraignant la forme du signe Dans la seacutemiotique plus tardive de Peirce lobjet en
tant quil est repreacutesenteacute par le signe est dit illlllleacutediol et en tant quil deacutetermine la
repreacutesentation dYl1olJ7iqllc L inlcrpreacutelol11 est quant agrave lui ce qui est deacutetermineacute par le
signe une autre chose qui devient agrave son tour signe Linterpreacutetation dun signe en un
autre est agrave la Iois un produit un nouveau signe un processus la transformation de la
troisiegraveme chose en signe (la seacutemiose) et un elTet sur lltltinterpregravete)) qui comprend le
signe Linterpreacutetant peut aussi ecirctre consideacutereacute de faccedilon geacuteneacuterale comme une regravegle de
transformation dune chose en un nouveau signe puisque le processus de seacutemiose vise
une certaine tin Une chose devient donc linterpreacutetant dun signe lorsquelle est
deacutetermineacutee par ce signe agrave se transformer en un autre signe repreacutesentant le mecircme objet
selon le mecircme point de vue formel de preacutesentation initiale la production de ce
nouveau signe ayant pour effet dinfluencer un agent interpreacutetant Dans ses derniers
eacutecrits de seacutemiotique Peirce qualifie linterpreacutetant en tant que produit dilJ7l11eacutediul en
tant que processus de dYl1olJ7iqlle et en tant queffet defll1o
Afin dillustrer ces deacutefinitions prenons lexemple suivant de Peirce
Two men are standing on the seashore looking out ta sea One of them says ta the
other That vesser there carries no freighl at ail but only passengers Now if the
other himselL sees no vessel the first information he derives lrom the remark has
for its abject the part of the sea that he c10es see and informs him that a persan
with sharper eyes than his or more trainecl in looking for such things can see il
vesser there and then (hat vesser having been thus introducecl ta his acquaintance
he is prepalecl ta receive the information about it that it carries passengers
exclusively But the sentence as a whole has for the persan supposed no other
abject than that Vith which it tinds him alreacly acquainted (CP 2232 1910)
Le signe dans cet exemple est la proposition eacutechangeacutee entre les deux personnes qui en
son tondement deacutecrit certaines caracteacuteristiques de lobjet repreacutesenteacute dans le discours
cest un navire situeacute agrave tel endroit qui ne transporte nulle cargaison mais seulement
des passagers Lobjet immeacutediat pour celui qui eacutecoute est la partie de la mer quil
entrevoit dans la direction indiqueacutee par le locuteur tandis que lobjet dynamique pour
le mecircme interpregravete est le navire que son compagnon distingue effectivement et au
43
sujet duquel il asserte une proposition L interpreacutetant immeacutediat est agrave son tour lideacutee
du navire que se fait lauditeur alors que linterpreacutetant dynamique est le processus
dinfOlmation auquel est sujet cet interpregravete et que linterpreacutetant [iumlnal est peut-ecirctre
supposons-le la reconnaissance de leacuterudition en matiegravere de navires que le locuteur
espegravere susciter chez son camarade
La grammaire speacuteculative deacuteveloppe aLlSSI une typologie des signes qui [ut
eacutelaboreacutee chez Peirce en plusieurs moments Je nexaminerai ici que la typologie de
1903 (EP2 267-88 et 289-99 1903) qui est la mieux deacuteveloppeacutee et dont je pourrai
par conseacutequent preacutesenter un exposeacute plus coheacuterent Le signe peut prendre diffeacuterents
aspects selon quil est consideacutereacute en soi (en son fondement) dans sa relation agrave lo~iet
ou dans sa relation agrave linterpreacutetant Lanalyse typologique de ces aspects permet de
distinguer trois trichotomies de signes que Peirce distingue de la faccedilon suivante
Signs are divisible by three trichotomies fi lst according as the sign in itself is a
mere quality is an actual existent or is a general law secondly according as the
relation of the sign to its Object consisls in the signs having some character in
itself or in some existential relation to that Object or in its relation to an
Interpretant thirdly according as its Interpretant represents il as a sign of
possibility or as a sign of fact or a sign of reason (EP2 291 1903)
Les aspects que prend le signe lorsque consideacutereacute pour lui-mecircme sont le
qualisigne le sinsigne et le leacutegisigne Ces aspects font reacutefeacuterence agrave des caractegraveres du
signe preacutesents en son fondement qui permettent la construction de la signification Le
signe qui preacutesente avant tout en son fondement une qualiteacute formelle est un qualisigne
Il se maniteste forceacutement dans la reacutealiteacute actuelle agrave travers une existence singuliegravere meacutelis
cest un aspect qualitatifqui domine son fondement et rend la repreacutesentation possible
Par exemple une chose qui devient un signe pour la simple raison quelle possegravede telle
qualiteacute disons decirctre bruyante est un qualisigne (cest bien le type de signe le plus
dinicile agrave illustrer) Le signe dont le fondement preacutesente comme aspect dominant Lin
existant actuel est nommeacuteinsignc Il a forceacutement des qualiteacutes qui rendent sa
44
preacutesentation possible mais cest la manifestation de son fondement dans la reacutealiteacute
actuelle qui importe et permet la repreacutesentation Le tic ou le tac dun meacutetronome en
ce quil marque un temps preacutecis est un sinsigne Si laspect le plus important que le
fondement preacutesente a le caractegravere dune loi une convention ou une habitude alors le
signe est nommeacute leacutegisigne Ce type de signe possegravede aussi des qualiteacutes et se preacutesente
eacutegalement dans un existant actuel mais ce qui importe en son fondement est 1 aspect
conventionnel ou habituel rendant la repreacutesentation possible La manifestation
singuliegravere du leacutegisigne est un sinsigne appeleacute reacuteplique Le tic-tac reacutegulier du
meacutetronome en ce quil donne la cadence agrave suivre dans linterpreacutetation dun morceau
de musique est un leacutegisigne Chacun de ces aspects peut ecirctre preacutesent dans le signe
laspect dominant en son fondement deacuteterminant cependant de quel type de signe il
sagit
Les aspects que prend le signe dans sa relation agrave lobjet sont licocircne lindex et
le symbole Cette division est la plus utile car en lien avec la repleacutesentation du signe
dans la reacutealiteacute actuelle Les trois aspects font ainsi reacutefeacuterence agrave une capaciteacute
repreacutesentative du signe actualiseacutee dans sa mise en relation avec lobjet Nous
retrouvons ici les approches formelle et mateacuterielle dans diffeacuterentes deacutetinitions de ces
types de signe
An con is a Representamen whose Representative Qualily is a Firstness of il as a
First Thal is a CJuality that it heacutelS qlla thing renclers il fit to be Cl Representarnen
An index or Seille (Olwa) is a RepresentClmen whose Representative cheacutelracter
consists in its being an inclividueacutell Seconcl A SymJo is Cl Representarneri whose
Representative Cheacutelrltlcter consists precisely in its being a rule that will delermine its
Interpretant (EP2 273-4 1903)
There are Ihree kincls ofsigns Firstly Ihere are likenesses or icons which serve 10
convey icleas of the lhings lhey represent simply by imitating them Secondly
there are indicatiol1s or indices which show sornething abOlit things on accollnt of
their being physically connected with them Thirclly there are symbos or
general signs which have becoille associated with their rneanings by usage (EP2 5
1894)
4S
Un signe est une icocircne lorsquil preacutesente en son fondement des caractegraveres
similaires agrave des caractegraveres de lobjet Liumlcocircne possegravede ces caractegraveres peu importe
quelle soit mise en relation avec lobjet ou non Toutefois la signification de liumlcocircne
reste vague dans la seule preacutesentation de son tondement et ne se preacutecise que dans la
repreacutesentation actuel le de lobjet Pour que licocircne devienne eHegravectivement le signe de
lobjet leur mise en relation doit donc ecirctre actuelle bien quelle demeure mecircme sans
correacutelation le signe potentiel de lobjet Par exemple une peinture de paysage en ce
quelle ressemble eHegravectivement au paysage quelle deacutepeint est une icocircne Peirce
distingue par ailleurs des sous-types diumlcocircne ou hypoicocircnes selon le genre de
caractegraveres que le signe partage avec lobjet soit liumlmage le diagramme et la meacutetaphore
Limage ressemble agrave son objet en vertu dune similariteacute de qualiteacutes le diagramme
dune similariteacute de relations entre eacuteleacutements de lobjet et de relations entre eacuteleacutements du
signe et la meacutetaphore dune mise en parallegravele avec un troisiegraveme terme non expliciteacute
Un signe est un index lorsquiumll entretient une relation de contiguiumlteacute avec lobjet
Lindex est aussi essentiellement un individu sa signification est deacutetermineacutee et il ne
peut par conseacutequent que montrer lobjet sans rien dire agrave son sujet Un signe ne peut
ecirctre un index que dans sa mise en re lation actuelle avec lobjet Un pronom
deacutemonstratif dans sa fonction deacuteictique en est un exemple dans la langue usuelle Un
signe est finalement un symbole lorsque sa relation agrave lobjet est eacutetablie par une loi une
convention ou une habitude Le symbole donne une signification geacuteneacuterale de lobjet en
appelant agrave linterpreacutetation de la repreacutesentation de lobjet par le signe dans les limites
de la regravegle qui eacutetablit leur relation Pour quun signe soit un symbole il doit donc ecirctre
interpreacuteteacute comme tel et sa mise en relation avec lobjet doit ecirctre actuelle Un mot est
un symbole en ce que sa signification est eacutetablie conventionnellement Peirce
concevait aussi lUnivers comme eacutetant un symbole car il sagit bien dune
interpreacutetation de la reacutealiteacute par sa propre raison
Les aspects que prend le signe dans sa relation agrave linterpreacutetant sont le rhegraveme
le dicisigne (ou proposition) et largument Ces aspects tont reacute1eumlrence au pouvoir que
46
le signe possegravede de deacuteterminer en vue dune certaine fin linterpreacutetation de lobjet en
un nouveau signe linterpreacutetant Le rhegraveme est un signe qui tend agrave deacuteterminer
linterpreacutetation selon des caractegraveres qualitatifs La compreacutehension du rhegraveme est
preacuteciseacutee mais son extension reste indeacutetermineacutee La signitication du rhegraveme est par
conseacutequent vague Le rhegraveme peut veacutehiculer de linformation mais nest pas interpreacuteteacute
comme tel Il nest ni vrai ni faux ne faisant que preacutesenter des caractegraveres possiblement
attribuables agrave lobjet Cest donc un signe compris comme repreacutesentant seulement des
caractegraveres de Imiddotobjet Un exemple de rhegraveme serait un preacutedicat logique ou plus
exactement chez Peirce une proposition dont a enleveacute les sujets logiques reacutefeacuterant agrave
des objets dans le monde Le dicisigne est un signe qui veacutehicule dans la reacutealiteacute actuelle
de linformation vraie ou fausse par rapport agrave lobjet 1 relie la compreacutehension du
signe agrave une extension deacutetermineacutee dans lactualiteacute indiquant de la sorte seacutepareacutement quel
est son objet (EP2 308 1904) Cest donc un signe compris comme repreacutesentant
lobjet dans la reacutealiteacute actuelle Le paradigme du dicisigne est une proposition telle que
laquoSocrate est un hommeraquo Largument est quant agrave lui un signe qui fournit une regravegle
dinterpreacutetation agrave dautres signes JI montre seacutepareacutement quel est son interpreacutetant tinal
celui qui est viseacute par la repreacutesentation (EP2 308 1904) 1 peut toutefois ecirctre
appliqueacute agrave diffeumlrents signes La signification veacutehiculeacutee par largument est de la sorte
geacuteneacuterale puisque lextension agrave donner agrave ce signe sa porteacutee sur dautres signes reste
indeacutetermineacutee bien que limiteacutee par la regravegle dinterpreacutetation Largument est donc un
signe compris comme repreacutesentant lobjet en tant que signe sujet agrave linterpreacutetation Un
argument constitueacute de plusieurs propositions conjointes dans une chaicircne dinteumlrence
en est un exemple commun
Les types ou aspects du signe regroupeacutes dans les trois trichotomies
preacuteceacutedentes peuvent de plus ecirctre combineacutes en difleumlrentes classes Deux regravegles
formelles de combinaison sappliquent une regravegle de composition selon laquelle
lordre triadique du signe doit ecirctre respecteacute ainsi chaque classe doit comporter un
type de chaque lrichotomie correspondant chacune agrave une composante de la relation de
47
signification et une regravegle de qualification selon laquelle le principe de deacutependance non
reacuteciproque des cateacutegories correspondant aux trois trichotomies doit aussi ecirctre
respecteacute La combinaison des types selon ces deux regravegles formelles permet de produire
dix classes de signes qui sont (EP2 296 1903)
1 les qUCllisignes iconiques rheacutematiques
2 les sinsignes icuniques rheacutematiques
3 les sinsignes indexicCl7lx rheacutel1lotiques
4 les Imiddotinsignes indexicau dicents
5 les leacutegisignes iconiques rheacutematiques
6 les Leacutegisignes indexicCl7lx rheacutematiques
7 les leacutegisignes indexicoux dicenls
8 les leacutegisignes sY7boliques lheacutematiques
9 les leacutegisignes IYlllboliques dicents
10 les leacutegisignes symboliques urgulllenls
Cette classification doit toutefois ecirctre nuanceacutee Comme partout ailleurs dans le
systegraveme de Peirce tout dans la classification est une alTaire de degreacute de point de vue
et certains aspects du signe (indiqueacutes en italiques) dominent par conseacutequent chaque
classe Les dix classes de signe sont aussi contraintes par leur situation dans la reacutealiteacute
actuelle Tout signe se manifeste actuellement en tant quindividu et donc dans un
sinsigne quil sagisse dun de ses aspects dominants ou non Chaque aspect inclut de
plus le ou les aspects qui lui sont pheacutenomeacutenologiquement anteacuterieurs selon ordre des
cateacutegories Les classes de rang supeacuterieur (vers 10) incluent par conseacutequent
directement ou indirectement les classes de rang infugraveieur (vers 1) La classification
demeure ainsi lloue dans son application car elle ne seacutelectionne agrave travers ses
opeacuterations c1abstraction que certains traits du signe et conserve degraves lors toujours une
part d opaci teacute d aspects non repreacutesen teacutes ou repreacutesenteacutes de faccedilon inadeacuteq uate
Jillustrerai certai nes de ces classes lorsq ueiumlappl iq uera i la leccedilon de la seacutelll iotique agrave la
science de leacutecriture au second chapitre
48
La logique critique analyse le raisonnement ou plus preacuteciseacutement les signes qui
informent la penseacutee cest-agrave-dire les leacutegisignes les symboles les dicisignes et les
arguments Elle sinteacuteresse aux signes en tant quils veacutehiculent la signification vraie La
veacuteriteacute appartient proprement aux propositions des symboles dicents mais nest
eacuteventuellement atteinte que dans largumentation la convergence de linfeumlrence valide
vers la repreacutesentation adeacutequate de la reacutealiteacute alors que la pleine conseacutequence des
arguments valides baseacutes sur des propositions vraies est ultimement comprise La
logique critique soccupe donc avant tout de linreumlrence valide et repreacutesente en cela
une theacuteorie de linteumlrence Elle distingue trois types dinfeumlrence eacuteleacutementaires
labduction l i nd uction et la deacuted uction qui entrent en com posi tion dans le processus
du raison nement
Labduction et linduction sont des types dinfeacuterence ampliatifs en ce quelles
augmentent la quantiteacute dinformation veacutehiculeacutee par les signes La deacuteduction est plutocirct
un type dinfeacuterence explicatif elle modifie lextension ou la compreacutehension des signes
sans changer la quantiteacute dinformation veacutehiculeacutee La notion dabduction est lune des
contributions les plus originales de Peirce agrave la logique bien quil la fasse remonter agrave
Aristote (EP2 205 1903) Il a dabord lui-mecircme deacuteveloppeacute cette notion sous le nom
dlaquohypothegraveseraquo puis eacuteventuellement sous les noms de laquoreacutetroductionraquo et
dlaquoabductionraquo Lahdllclio1 est essentiellement ladoption dune hypothegravese Elle
suggegravere que quelque chose puisse ecirctre le cas selon certains reacutesultats qui deacutecouleraient
alors dune certaine regravegle Elle est donc le seul type dinfeacuterence eacuteleacutementaire qui
introduit une nouvelle ideacutee dans le raisonnement Elle nest aussi que provisoire
devant ensuite ecirctre confirmeacutee par expeacuterimentation Peirce en reconstruit largument
comme suit en deux formulations diffeumlrentes
RlIle-AII the beans From this bag are while
Reslllt-These beans are white
Case-These beans are From this bag
(EPI 1881878)
49
The surprising ~act c is observed
But if ri were true C woulcl be a matter of course
Hence there is reason 10 suspect that A is true
(EP2 2311903)
Linduction donne plutocirct de la valeur agrave un ensemble de signes deacutejagrave perccedilus Elle eacutetablit
de la sOlte une regravegle permettant de rendre compte de certains reacutesultats observeacutes dans
un celtain cas Elle montre que cette regravegle est actuellement opeacuterante dans le cas
consideacutereacute selon les reacutesultats observeacutes Elle donne donc torce de loi agrave la reacutegulariteacute
Peirce fournit pour illustrer linduction lexemple suivant
Case-These beans are From this bag
Result-These beans are white
middotRule-AII the beans from this bag are white
(EP 1 188 1878)
La deacuteduction eacutelabore quant agrave elle les conseacutequences neacutecessaires dune hypothegravese Elle
prouve que certains reacutesultats doivent neacutecessairement deacutecouler dun certain cas en
vertu dune celtaine regravegle Peirce illustre la deacuteduction agrave raide de lexemple suivant
RuJe-AIl the beans frolll this bag are white
Case-These beans are From this bag
middotResult-These beans are white
(EP 1 188 1878)
Le processus du raisonnement est essentiellement composeacute de ces trois types
dinfeumlrence Le raisonnement scientifique en particulier commence typiquement par
une abduction qui est justifieacutee lorsquagrave peacutelrtir de lhypothegravese suggeacuteleacutee la deacuteduction
peut tirer des preacutedictions qui seront agrave leur tour veacuterifieacutees dans lexpeacuterience par
induction (EP2 216 1903) Il Y dautres types de raisonnement par exemple
lextension la restriction la geacuteneacutereacutell isation (ou oscent) et leacutel speacutec ification (ou descent)
mais ceux-ci sont deacuteriveacutes des trois types eacuteleacutementaires Jy reviendrai dans le second
chapitre lorsque janalysereacuteli Iappliceacuteltion des concepts seacutemiotiques agrave la science de
eacutecriture
50
La meacutethodeutique sinteacuteresse agrave la production de signes el trouve sa
rormulation paradigmatique dans la doctrine du pragmatisme Le retour sur cene
doctrine peut maintenant compleacuteter lexamen de la seacutemiotique et permettre den
approfondir davantage la compreacutehension La seacutemiotique se deacuteveloppe
systeacutematiquement en une meacutethodologie de la recherche Elle c10it alors indiquer au
scientifique commellt faire pour penser avec les signes quel type de processus
diumlnfeacuterence engager Mais nous avons vu par ailleurs quau niveau de la signification
mecircme dans le processus de seacutemiose une fin ultime est aussi envisageacutee
Semblablement la meacutethodeutique doit suggeacuterer un dessein geacuteneacuteral au processus
diumlnfeacuterence qui lui serve de principe directeur et en constitue leffet eacuteventuel Le
pragmatisme suggegravere par conseacutequent lhypothegravese selon laquelle la signiliumlcation c1un
signe reacuteside dans lensemble de ses effets env isageables Il propose de su ivre une
abduction al1n dengager le raisonnement dans une chaicircne diumln~eumlrences qui en tant que
meacutethode proprement scientifique puisse reacuteellement mener agrave la veacuteriteacute agrave ladeacutequation
de la raison au reacuteel Il repreacutesente donc le couronnement de la seacutemiotique qui en vient agrave
controcircler ses raisonnements selon ses propres principes constitutifs Le preacutecepte du
pragmatisme nen demeure pas moins tagraveillible et agrave veacuteritier dans lactualiteacute ce qui fait
de la seacutemiotique une veacuteritable science expeacuterimentale et philosophique une activiteacute qui
confronte la reacutealiteacute actuelle telle que repreacutesenteacutee dans lexpeacuterience commune Cest
bien la leccedilon de la seacutemiotique qui prouve ultimement le pragmatisme car cest sur elle
quiumll se tonde
The word pragillatism was invented ta express a certain Illaxim of logie whieh as
was shawn at its tirst enouneel1lent invoives a who1e system of phiiosophy This
maxim is put forth neilher as a hancly tool to serve so far as it may be found
serviceable nor as a self-eviclent truth but as a far-reaching theorem solidly
grounded upon an elaborate study of the nature ofsigns (CP 81911904)
51
1321 Seacutemiotique et notation logique
Le deacuteveloppement de la logique peirceacuteenne prend son point de deacutepart dans
algegravebre logique de Boole et la logique des relations de De Morgan Peirce propose
dans ses premiers articles publieacutes des ameacuteliorations agrave lalgegravebre booleacuteenne et applique
celle-ci agrave la logique des relations (CP 31-191867 CP 345-1491870) dans une
version quil nomme laquologique des relatifsraquo Lors de ses travaux en tant que maicirctre de
confeacuterence agrave luniversiteacute Johns Hopkins de 1879 agrave 1883 il introduit avec son eacutelegraveve
Oscar Mitchell (et indeacutependamment de Frege) la quantification dans la logique des
propositions produisant un systegraveme de logique eacutequivalent agrave la logique des preacutedicats
du premier ordre avec identiteacute (CP 3328-58 1883 CP 3359-403 1885) Il eacutelabore
ensuite un nouveau systegraveme de notation graphique les graphes existentiels
permettant lextension de sa logique aux preacutedicats du deuxiegraveme ordre et aux modaliteacutes
(CP 3456-552 1897 CP 4347-584 1903-1906) Il favorise degraves lors la notation
graphique de la logique sur laquelle il travaillera jusquagrave la fin de sa vie deacuteveloppant
une logique philosophique en continuiteacute avec la seacutemiotique et le pragmatisme
Plusieurs autres deacuteveloppements de la logique de Peirce confirment son rocircle de
pionnier de la logique moderne bien quils soient resteacutes inaperccedilus jusquagrave reacutecemment
dont notamment la conception dune logique agrave trois valeurs de veacuteriteacute et dune logique agrave
opeacuterateur unique (barre de SchefTer) de mecircme que la deacutecouverte du lien agrave la base de la
computation en informatique entre les fonctions de veacuteriteacute et le fonctionnement des
circuits eacutelectriques La preacutesentation du systegraveme des graphes existentiels eacutevoque par
ailleurs la seacutemantique des jeux contemporaine et la theacuteorie des modegraveles par son
utilisation de personnages conceptuels en dialogue clans un univers du discours
alteacuterable Je minteacuteresserai cependant avant tout dans cette section aux graphes
existentiels et ce quils repreacutesentent comme deacuteveloppement de la notation logique un
type de systegraveme deacutecriture propre au langage formel de la logique
L eacutelaboration des graphes existentiels repreacutesente lin deacuteveloppement majeur
52
dans lhistoire de la logique de Peirce que nous poulTlons appeler son laquotournant
seacutem iotiqueraquo Il 1nsatisfa it par laspect sym bol iq ue de la notation a19eacutebrique de la
logique Peirce cherche agrave eacutelaborer une notation qui soit davantage iconique refleacutetant le
mode de repreacutesentation le plus eacuteleacutementaire de linfeacuterence logique Degraves 1882 il
commence agrave deacutevelopper une notation diagrammatique sinspirant probablement des
travaux de ses collegravegues agrave Johns Hopkins James J Sylvester et William K Clifford
qui utilisaient deacutejagrave des diagrammes chimiques pour repreacutesenter des invariants
algeacutebriques Un essai similaire par Alfred Bray Kempe publieacute en 1886 le pousse agrave
poursuivre ses recherches sur la notation diagrammatique surtout de 1889 agrave 1896 ce
qui megravenera agrave la publication en 1897 dun article sur la logique des relatifs utilisant
une notation diagrammatique (CP 3456-552 1897) quil appellera plus tard
reacutetrospectivement les laquographes dentiteacuteraquo (enlilolive grophI) Certaines caracteacuteristiques
cie la logique algeacutebrique rendaient lexpression des propositions existentielles difficile
et la quantification universelle seacutetait alors imposeacutee naturellement comme plus
fondamentale la quantification existentielle eacutetant deacutefinie par deacuterivation Dans les
graphes dentiteacute les deux types de quantification prennent une importance eacutegale leur
deacutefinition reacuteciproque eacutetant rendue plus explicite par la repreacutesentation graphique Les
signes deacutesignent clairement des propositions et non des classes et lopeacuteration de
disjonction avec la neacutegation remplace la relation transitive dinclusion utiliseacutee dans la
logique algeacutebrique La juxtaposi tion de termes su r une feu iIle d asseltion repreacutesen te la
disjonction lencerclement dun terme sa neacutegation et un point ou une ligne relieacutee agrave
des termes la relation entre ceux-ci Peirce ne resta cependant pas longtemps satisfait
par les graphes dentiteacute el rapidement apregraves la publication de larticle de 1897 la
duale de ce systegraveme les graphes existentiels simposa constituant la base deacute1initive
de la notation diagrammatique que Pe irce deacuteve loppa et ra tli na jusquagrave la fin de sa vie
Les graphes existentiels prennent ainsi pour connecteur primitif la conjonction avec la
neacutegation et pour quantification implicite et fondamentale la quantification
existentielle agrave partir de laquelle la quantification universelle est deacuteriveacutee La
juxtaposition de termes en vient agrave repreacutesenter la conjonction et lexistence est
Il I)es exemples de grlphcs S0l11 ()Uliumllis iJ 1I1ncc
53
reconnue implicitement par la seule preacutesence de la feuille dassertion comme univers
du discours agrave deacuteterminer par des inscriptions
Peirce preacutesenta dabord Je systegraveme des graphes existentiels en parties Alpha
Beta et Gamma correspondant respectivement agrave la logique des propositions la
logique des preacutedicats du premier ordre et leurs extensions dans la logique des preacutedicats
du deuxiegraveme ordre et la logique modale (CP 4394-5291903) Il deacuteveloppa par la suite
une approche unifieacutee ou les parties ne sont plus distingueacutees les principes
fondamentaux de la logique deacuteductive eacutetant les mecircmes dans les di fleumlrentes versions
deacuteveloppeacutees et ne faisant que se complexifier (CP 4530-72 1906) le retiendrai
lapproche par parties puisque cest celle que les commentateurs ont deacuteveloppeacutee en
la torrilalisant dans le sens de laxiomatisation de la logique contemporaine La
preacutesentation du systegraveme des graphes existentiels chez Peirce suit un ordre semblable agrave
celui de l ax iomatisation de la logique moderne Elle n est pas agrave proprement dit
axiomatiseacutee mais su it un ord re rigoureux deacutemontrant un certa in degreacute de forma 1isation
Un vocabulaire est tout dabord eacutetabli puis des regravegles de formation (deacutefinitions) sont
formuleacutees de mecircme que des regravegles de transformation (regravegles diumlnfeumlrence) Il ny a pas
vraiment daxiome dans les graphes existentiels si ce nest que la teuille dassertion
sert de point de deacutepart agrave lanalyse cest-agrave-dire quune inscription Sur la feuille de
travail repreacutesente une assertion dans lunivers du discours quantifieacutee existentiellement
de fagraveccedilon implicite Le travail danalyse consistera agrave traduire les arguments du discours
dans la notation des graphes existentiels deacutecouvrant ainsi les inteumlrences les plus
simples du raisonnement puis agrave etfectuer des transformations sur les graphes pour en
tirer des conclusions quant aux conseacutequences possibles du raisonnement
La partie Alpha repreacutesente la logique des propositions non analyseacutees Il est
inteacuteressant de noter que la quantitication implicite par la situation dans un univers du
discours vague agrave deacuteterminer par des assenions implique eacutegalement lanalyse
l ~I preacutesenl8tion lorl11elle de 1~I s nllse d 1 1phu et ~3et1 selon Sh in (2002) l110d i lieacutee est lltllIrn ie en lnncse
54
potentielle des propositions Alpha megravene agrave Beta et les deux parties sont mecircme
eacuteventuellement unifieacutees en un seul systegraveme Le voceacutelbulaire dAlpha est composeacute de
symboles propositionnels de leacutel coupure (C1I1 symbolique) et implicitement de la
juxtaposition (quasi-iconique) Les regravegles de transformation comprennent trois
opeacuterations possibles portant sur le vocabulaire eacuteleacutementaire qui repreacutesentent les
opeacuterations rondamenteacutelles de la logique deacuteductive Ces trois eacutetapes du raisonnement
sont deacutefinies dans Ialticle laquoSymbolic Logicraquo du dictionneacutelire Baldwin comme eacuteteacutelnt la
reacuteunion (Coligoliol1) liteacuteration et leffacement (CP 4372-93 1902) Elles sont
ailleurs deacutefinies sommairement comme suit
[Deductive reasoning] 1 have ascertainecl can be reduced to three kinds of steps
The first consists in copulating separate propositions into one compound
proposition The seconcl consists in omitting something Irom a proposition
withollt possibility of introdllcing errol The third consists in inserting something
into a proposition witholll introdllcing error (EP2 213 1903)
La partie Beteacutel du systegraveme repreacutesente leacutel logique des propositions analyseacutees ou
logique des preacutedicats du premier ordre et constitue une extension dAlpha dont
Iajout principal du point de vue notationnel est la ligne didentiteacute La preacutesentation
formelle du systegraveme doit donc en plus treacuteliter des modifications de graphes avec ligne
d identi teacute Le voceacutelbuleacutelire de Beta est com poseacute de sym bo les de sujets de la coupu re
(symbolique) de la ligne didentiteacute (iconique) et implicitement de la juxtaposition
(quasi-iconique) Les regravegles de transformeacuteltion sont modifieacutees afin de comprendre la
ligne didentiteacute mais comportent toujours les trois opeacuterations fondeacutelmentales Les
opeacuterations suppleacutementeacutelires consistent agrave joindre ou disjoindre les lignes didentiteacute agrave en
dessiner ou en effacer et agrave les eacuteliionger ou les reacutetracter agrave travers les aires deacutefinies par les
cou pures ce qui ne consti tue quune extension des trois opeacuterations fondamenta les
Les commentateurs (Roberts 1973 Shin 2002) interpregravetent les symboles de
Beta comme des preacutediceacutelts (Shin les nomme prcdicolcSYl1lbos) mais il sagit bien
plutocirct de sujets alors que la ligne didentiteacute repreacutesente le preacutediceacutelt geacuteneacutereacutell de la
55
proposition analyseacutee en ses eacuteleacutements les plus simples la relation didentiteacute Cette
ideacutee essentielle agrave la logique de Peirce est une innovation de sa logique des relations
(voir entre autres CP 3467 1897 CP 4403-8 1903 EP2 208-25 J903) Lanalyse
logique par les graphes existentiels est sous cet aspect la duale visuelle de lanalyse
seacutemiotique plus informelle en termes de rhegraveme proposition et argument (le rhegraveme
eacutetant alors une proposition dont les sujets logiques sont remplaceacutes par des espaces
vides ne montrant ainsi que la relation preacutedicative subsistante)
Les deux principaux aspects seacutem iotiques de la notation algeacutebrique sont sa
symboliciteacute soit que la signification est deacutetermineacutee par convention et sa lineacuteariteacute qui
repreacutesente une surdeacutetermination de la notation dun point de vue iconique Lalgegravebre
est constitueacutee dune seacuterie de symboles dont il faut apprendre le sens qui leur a eacuteteacute
assigneacute de faccedilon arbitraire La compreacutehension de la notation algeacutebrique demande donc
un investissement suppleacutementaire de la part de linterpregravete dont la propre intention
de mecircme que celle du signe ne sufiisent pas De plus 18 quanti fication existentielle est
plus ditlicile agrave repreacutesenter que luniverselle dans lalgegravebre logique agrave cause du caractegravere
symbolique de la notation D8ns lalgegravebre de la logique la signification est assigneacutee par
convention aux termes de la notation exprimant lideacutee que la regravegle impose la
signification avec necessiteacute La quantification universelle en deacuteterminant lextension
entiegravere dune variable implique de faccedilon analogue que la signific8tion soit assigneacutee agrave la
variable neacutecessairementVx (Fx) F(x) 1 1 F(x) La symboliciteacute du symbole l 1
repreacutesente en quelque sorte un diagramme de luniversaliteacute de la quantification
universelle La quantification existentielle implique plutocirct quil puisse y avoir
plusieurs significations possibles assigneacutees agrave la variable dont au moins une satisfait agrave
la proposition 3x (Fx) F(x) V V F(x) La deacutefinition reacuteciproque nest pas non=1 n
plus eacutevidente dans la notation algeacutebrique car la porteacutee des quanti [icateurs en tant que
symboles est deacutetermineacutee de faccedilon arbitraire par convention Laspect symbolique
bien queacutetant peu eacuteconomique au niveau cognitit~ permet toutefois une assignation
preacutecise de la signi fication aux termes de la notation
56
La notation algeacutebrique comporte aussi dans sa lineacuteariteacute un aspect iconique
contingent qui impose des contraintes suppleacutementaires agrave liumlnterpreacutetation Lordre
syntaxique surdeacutetennine la seacutemantique et il faut par conseacutequent la corriger en ajoutant
des regravegles diumlnfeacuterence suppleacutementaires Par exemple dans le cas de lopeacuteration de
conjonction (p A q) lordre lineacuteaire de la formule imposeacute par la notation constitue
une contrainte non neacutecessaire quil faut corriger en ajoutant une regravegle dinfeumlrence
explicitant la commutativiteacute de lopeacuteration (p A q) (q A p) Il en est de mecircme
pour la reacuteiteacuteration des variables dans les formules quantifieacutees Par cxemple dans la
formule existentiellement quantifieacutee 3x (Fx A Gx) la notation algeacutebrique lineacuteaire
contraint agrave reacutepeacuteter dans une Illecircmeformule plusieurs occurrences de la variable x qui
ne deacutesigne dans les fagraveits quun seul type de variable La regravegle implicite consiste ici agrave
distinguer les occurrences particuliegraveres de la variable de leur type geacuteneacuteral
Sous laspect symbolique fort et la surdeacutetermination iconique se trouvent
cependan t c1es aspects diagrammatiques plus fondamentaux qu i partic ipent de lagraveccedilon
adeacutequate agrave la signification Le deacutecoupage visuel opeacutereacute par lalgegravebre est plus net que
clans le langage informel de la langue usuelle et repreacutesente de faccedilon plus adeacutequate la
structure logique du langage Les preacutedicats F et G sont ainsi nettement distingueacutes du
sujet logique repreacutesenteacute par la variable x ce qui permet lanalogie entre les relations
propres agrave la structure logique de la proposition analyseacutee et les relations entre termes
de la not3tion logique Laspect iconique simplifie la mise en relation dela notation et
du langage et augmente en ce sens lefficaciteacute de la notation dans sa fonction de
repreacutesentation
Compareacutee agrave la notation algeacutebrique la notation logique des graphes existentiels
exploite plus agrave fond les difteumlrents aspects de la repreacutesentation distingueacutes par la
seacutemiotique en tant que grammaire speacuteculative Le systegraveme des graphes existentiels est
un systegraveme de repreacutesentdtion heacuteteacuterogegravene cest-agrave-dire quiumll fait appel agrave plusieurs
aspects clu signe dans sa relation agrave lobjet il est agrave la fois iconique et symbolique Dans
57
le deacuteveloppement de sa not8tion logique et mecircme dans le passage des graphes dentiteacute
aux gr8phes existentiels Peirce transform8 des eacuteleacutements symboliques en eacuteleacutements
iconiques mais non Jinverse Il tendait donc vers une repreacutesentation davant8ge
iconique de 18 logique
Certains aspects des graphes existentiels sont imparJagraveitement iconiques La
juxtaposition de propositions sur une feuille d8ssertion repreacutesente la conjonction de
ces propositions Elle ressemble fortement il 18 conjonction de deux objets dans le
monde actuel mais le caractegravere neacutecessaire de la conjonction comme opeacuteration logique
nest pas repreacutesenteacute et la notation par juxt8position est donc 8umieux quasi iconique
La notation de la neacutegation par encerclement est suggestive dune discontinuiteacute par
rapport au reste de lunivers du discours surtout dans son interpreacutet8tion comme
laquocoupureraquo mais reste principalement symbolique car le lien effectueacute avec la neacutegation
logique demeure contingent Liconiciteacute est surtout preacutesente dans la notation du
preacutedicat logique par une ligne didentiteacute dans 18 notation dune 8ssertion quantifieacutee
existentiellement de faccedilon implicite au sein de lunivers du discours par linscription
dun graphe sur la feuille dassertion et dans lexpression de la porteacutee des
quantificateurs soit leur ordre dapplication dans la notation algeacutebrique
Les relations sont plus difficiles agrave repreacutesenter dans un systegraveme graphique que
les proprieacuteteacutes Les diagrammes de Venn par exemple ne permettent pas de
repreacutesenter des relations mais seulement des proprieacuteteacutes Peirce a donc creacuteeacute le signe de
la ligne didentiteacute afin de repreacutesenter gr8phiquement des relations La relation
didentiteacute dun individu 8vec lui-mecircme est repreacutesenteacutee de faccedilon iconique par la
continuiteacute de la ligne didentiteacute Luniciteacute de lune renvoie agrave luniciteacute de lautre Cette
caracteacuteristique permet deacuteviter la reacuteiteacuteration des variables tcl que le neacutecessite
inadeacutequ8tement lalgegravebre logique I~a quantific8tion existentielle est repreacutesenteacutee
implicitement de fagraveccedilon iconique par la seule p-eacutesence dune fcuille dassertion dont
lespace deacutecriture est agrave deacuteterminer par des inscriptions de la mecircme faccedilon que
S8
lunivers du discours est agrave deacuteterminer par des assertions et des mises en relation
Lordre de porteacutee des ditTeacuterents quantiticateurs est repreacutesenteacute iconiquelllent ugrave laide
dune proprieacuteteacute topologique de la notation graphique moins la partie exteacuterieure dune
1igne didentiteacute est encerc leacutee p lus large est la porteacutee de la 1igne Il sensu it un princ ipe
de lecture laquoendoporeutiqueraquo de lexteacuterieur du graphe vers linteacuterieur de la ligne
didentiteacute de plus grande porteacutee ugrave celle de moindre porteacutee
La lecture endoporeutique peut ecirctre lourde car elle sapplique agrave tous les
deacutetails rencontreacutes dans la lecture elle-mecircme contrainte par un ordre imposeacute Elle est
simplifieacutee par une lecture de forme normale neacutegative qui reacuteduit la formule ugrave des
neacutegations de propositions et non dopeacuterations et par la lecture des rouleaux (scro)
comme conditionnels (voir lannexe 1) Peirce ne cherche cependant pas ugrave eacuteliminer des
eacutetapes dans la lecture et favorise lapproche endoporeutique car il conccediloit la logique
comme une analyse du raisonnement et non un calcul La logique doit analyser le
raisonnement en ses plus petits eacuteleacutements des arguments aux propositions aux termes
eacuteleacutementaires de linfeacuterence (les rhegravemes) La notation logique la plus adeacutequate
repreacutesente le raisonnement ugrave laide des signes les plus simples les icocircnes et non
seulement des indices ou des symboles Le caractegravere principal du raisonnement comme
processus actuel eacutetant de plus la relation lhypoicocircne le plus adeacutequat est donc le
diagramm e
En tin de com pte le mei lieur systegraveme de repreacutesen tation sera it heacuteteacuterogegravene
Ainsi liconiciteacute permet une repreacutesentation agrave un niveau plus intuitif et rend le
systegraveme de repreacutesentation plus efticace Elle laisse cependant une possibiliteacute derreur
dans linterpreacutetation car lassignation intuitive de la signitication est vague impreacutecise
La symboliciteacute permet une plus grande preacutecision car la relation de signification est
tixeacutee par des conventions arbitraires (stipulation) qui contrecarrent nos intuitions
pouvant fausser la repreacutesentation La symboliciteacute permet de la sOlte une geacuteneacuteralisation
rigoureuse de linterpreacutetation Le langage symbolique est eacutegalement plus tagravecile agrave
59
formaliser pUisque les regravegles syntaxiques et seacutemantiques sont stipuleacutees Il felUt
toutefois apprendre les symboles ce qui implique un plus grand investissement de 13
p8rt de linterpregravete Le jeu est agrave faire entre lintuition de liconique et ]3 preacutecision du
symbolique dans un systegraveme de repreacutesent3tion f3isant 3ppel aux deux 3spects du
signe selon les buts que on assigne au systegraveme de repreacutesentation Un examen des
aspects mod3ux de la signification est eacutegalement eacuteclairant Dans le passage de lalgegravebre
logique 3UX gr3phes existentiels Peirce a eacutelimineacute les regravegles suppleacutement3ires
contingentes du symbole inadeacutequat (lalgegravebre ineacute3ire) pour ne gmder que les regravegles
neacutecessaires du symbole adeacutequat (le voc3bulaire eacuteeacutement3ire des graphes) La
contingence du symbole in3deacutequ3t deacutecoulait plus fondamentalement de limpossibiliteacute
de son aspect iconique sous-jacent (les contr3intes de la lineacuteariteacute limpossibiliteacute de
repreacutesenter des qualiteacutes de lobjet par ces qualiteacutes clu signe) La repreacutesentation la plus
adeacutequate dun objet 3ctuel exploite donc les mod31iteacutes positives regravegles neacutecessaires du
symbole qU31iteacutes possibles de licocircne et cherche agrave eacuteviter les modaliteacutes neacutegatives
regravegles contingentes du symbole qualiteacutes impossibles de licocircne l
Dans le cadre de la logique peirceacuteenne la notation logique doit permettre de
deacutecomposer les arguments en leurs termes eacuteleacutementaires et laspect iconique est donc le
plus important cm il permet de fagraveire ressortir le niveau le plus intuitif du
raisonnement Le diagr3l11me en p3rticulier permet de repreacutesenter les relations
eacuteleacutementaires agrave la base du processus dinfeacuterence Toutefois il est inteacuteress3nt de noter
que les graphes existentiels se precirctent 3ussi bien au calcul logique Avec peu ou pas
daxiomes un certain nombre de regravegles de translormation pouvant ecirctre reacuteinterpreacuteteacutees
Un ltlutrc cClllrlc hors UU cnurc UC la notation logiquc rcut conlirlllcr plus alanllintuition UCS Illoualileacutes Disons gue ie IllC legravevc cc Illatin cl que const~l~lnt ln tcmreacuteraturc hivermllc UC Montreacute81jc uisc laquol1nT il lilit lroidiraquo Iinterjection middotlhIT lCUL sClllhlcr contingente CZlI iumlai ~lrlllis uans Illa rrOlllC culturc Ugrave cplil11cr Zlinsi Illa lcncontrc avec le [miu (rm cc )IIhoe) et il ncst ras neacutecessaire guune autre relsonne ue culture Liilleacutelcnte ilronaise uisons ScplilllC ainsi VIais celtc erlCssion nest ras que contingClltc ellc est ~Iussi uZlns son caraelegravelC llus ()nualllentai dOIlOIllZltOreacutee (iconiqlle) une rossibiliteacute rhoneacutetique uc Illa langue que lmltrc rerSOllnC Iaromise Ilaurait ru pmllollcel ualls SI rmrre langue le 1 lr~illccedillis (UI ulairc lOuleacutee) n) cistant PIS (plutocirct unc ail eacuteolaire lihlIlte ou
hittue G~) Q tt ~) Lie Illecircllle que la concateacutenation consonncconsonlle (lcnchaIcircnemCllt nOliumllli1 est
(voycllc) consollnCIO) clic saul pour la nasale Iv ct 1IITecirct glotal J)
GO
de mecircme que la possibiliteacute de plusieurs lectures formaliseacutees en algorithme les graphes
existentiels ressemblent agrave un systegraveme de deacuteduction naturelle appliqueacute au calcul Leur
vocabulaire limiteacute permet de saisir facilement lessence du raisonnement par
lexploitation des divers aspects seacutemiotiques de la notation graphique et donc de
reacutefleacutechir agrave la fois sur la logique et de lutiliser Lheacuteteacuterogeacuteneacuteiteacute du systegraveme assure sa
polyvalence Finalement que diverses lectures des graphes permettent de retracer
plusieurs chaicircnes dinfeacuterence et de mieux saisir toute la signification dune proposition
ou dun argument va dans le sens du pragmatisme bien que ce ne soit pas labduction
mecircme qui soit repreacutesenteacutee mais une seacuterie de deacuteductions possibles
2 Seacutenliotique et theacuteorie de leacutecriture
The author (though with no pretension ta being a iinguist)
has fumbled the grammars of many languages in the search
ror a language constructecl at ail in the way in which the
logicians go out or their way ta teach that ail men think
(rOI even if they do sa that has reall) nothing ta cio with
logic) (EP2 285 1903)
Les manuscrits de Peirce contiennent de nombreuses eacutetudes linguistiques (MS
1135-1261) ainsi sur le vocabulaire de la philosophie lorthographe anglaise la
ponctuation etc ce qui teacutemoigne de linteacuterecirct que lauteur portait agrave leacutetude des langues
Sa logique eacuteventuellement deacuteveloppeacutee en seacutem iotiq ue fou rn it aussi des pri nc ipes
tondamentaux aux sciences du langage et constitue en cela une philosophie du langage
Peirce fait lui-mecircme le lien entre la seacutemiotique et leacutetude des langues en illustrant la
premiegravere agrave laide dexemples tireacutes de la seconde tels que des points de grammaire Il
ne siumlnteacuteresse cependant pas au thegraveme de leacutecriture proprement dit bien que ses
consideacuteralions sur lorthographe anglaise sen rapprochent et il revient donc agrave
1iuml nterpregravete de deacuteve lopper dans son travai 1exeacutegeacutetique la seacutem iotique dans le sens d une
science de leacutecriture L application de la seacutemiotique agrave leacutetude de leacutecriture
constituerait dans son moment paradigmatique une theacuteorie de leacutecriture et cest ce
passage dune science agrave lautre que janalyserai et critiquerai dans ce chapitre en tant
que problegraveme speacutecitlque du meacutemoire Lhypothegravese de deacutepart est que la theacuteorie
geacuteneacuterale cles signes fou lIl it les pri nc ipes directeurs cIune eacuteventuelle theacuteorie de
Imiddoteacutecriture Il sagira alors de preacuteciser cette assertion en cherchant les nuances agrave accorder
agrave la geacuteneacuteraliteacute cie la seacutemiotique clans le contexte envisageacute Je tacirccherai pour cela de
deacuteterminer quels concepts cie la grammaire speacuteculative seraient les plus teumlconds pour
une eacutetude de leacutecriture en examinant le cas de leacutecriture japonaise quels types
diumlnteumlrence seraient utiliseacutes dans lapplication de ces concepts agrave lobjet speacutecil-Ique
eacutetuclieacute et en quoi le pragmatisme peut fournir le principe directeur geacuteneacuteral de cette
recherche
62
21 Theacuteories linguistiques de leacutecriture japonaise
La langue japonaise utilise un systegraveme deacutecriture traditionnellement composeacute
de trois types de caractegraveres soit un ensemble de caractegraveres dorigine chinoise les
konji et deux syllabaires de creacuteation japonaise les hirogono et kOlokono nommeacutes
geacuteneacuteriquement kono La langue eacutecrite contemporaine a aussi assimileacute les chiffres arabes
et lalphabet latin le rOcircJ71oji La richesse dans la diversiteacute de ce systegraveme deacutecriture en
fait un objet seacutemiotique particuliegraverement inteacuteressant agrave eacutetudier par la complexiteacute des
relations de signification qui peuvent sy deacutevelopper Je preacutesenterai reacutecriture
JaponaIse en me concentrant selon rapproche geacuteneacuterale de la linguistique sur son
aspect orthographique entendant par la notion dorthographe agrave la fois la construction
des graphegravemes et leur disposition textuelle selon un ensemble de conventions
Lexposeacute fera ressorti l certaines des re lations de sign i lication rendues possi bles par
laspect graphique de leacutecriture japonaise ce qui megravenera agrave lanalyse seacutemiotique
critique de la prochaine section
Le statut des caractegraveres dorigine chinoise en japonais nommeacutes konji fait
lobjet dune poleacutemique aupregraves des linguistes Il sagit de comprendre ce que ces
caractegraveres repreacutesentent exactement mais comme nous le verrons leur signification en
est plutocirct une agrave multiples visages Les caractegraveres dorigine chinoise utiliseacutes dans la
langue japonaise peuvent ainsi ecirctre consideacutereacutes agrave la fois comme des logogrammes
deacutesignant des mots entiers des phonogrammes deacutesignant des uniteacutes de son et des
morphogrammes deacutesignant des morphegravemes La notion dIdeacuteogramme selon laquelle
les caractegraveres repreacutesenteraient chacun une ideacutee est maintenant rejeteacutee (DeFrancis
1984 Unger 2004) r uti 1iserai ic i le terme konji car il possegravede une sign i lication moins
deacutetermineacutee qui renvoie agrave lhistoire plutocirct quagrave la logique de repreacutesentation
II existe quatre grands groupes de konji pictographiques diagrammatiques
63
seacutemantiques composeacutes et phoneacutetico-seacutemantiques Les caractegraveres pictographiques
repreacutesentent leur objet en vertu dune ressemblance graphique avec ce dernier Ils onl
eacuteteacute de plus en plus styliseacutes avec leacutevolution de leacutecriture tout en conservant un lien
eacutetymologique avec leur origine Des exemples de ce type de caractegravere sont ~ ko
enfant 0 kIchi bouche LJ yal71a montagne Les caractegraveres diagrammatiques
lepreacutesentent leur objet dune Faccedilon similaire au premier groupe par une ressemblance
de la relation entre leurs eacuteleacutements graphiques avec les relations propres il la notion
repreacutesenteacutee Des exemples de ce type de caractegravere sont t Ile en haut T lhia en
bas Ces deux groupes de kan)i primitifs sont les moins nombreux de la langue
Japonaise Les kan)i seacutemantiques composeacutes sont quant agrave eux constitueacutes deacuteleacutements
simples dont la combinaison de sens donne la signification de la notion repreacutesenteacutee
par exemple B hi soleil et ~ luki lune donnent BEj mei lumiegravere Les caractegraveres
les plus nombreux sont cependant les kan)i phoneacutetico-seacutemantiques qui comportent agrave
la fois un eacuteleacutement donnant Je son et un ou plusieurs eacuteleacutements donnant le sens Par
exemple le caractegravere repreacutesentant la langue (tIcircanccedilaise japonaise etc) ~g go est
composeacute des eacuteleacutements seacutemantiques sect k mot et 0 kwhi bouche et de leacuteleacutement
phoneacutetique Ji go (cinq mais seul le son est retenu et non le sens)
Les kan)i complexes sont construits par lajout dun ou plusieurs eacuteleacutements
secondaires deacuteterm inants en geacuteneacutera 1les eacuteleacutements seacutemantiq ues il un eacuteleacutemen t pri nci pa 1
deacutetermineacute en geacuteneacuteral leacuteleacutement phoneacutetique Les ditleumlrents types deacuteleacutements
correspondent il difleumlrents lieux dinsertion dans la structure des caractegraveres La
composition des eacuteleacutements secondaires avec leacuteleacutement principal est ainsi reacutegleacutee de fagraveccedilon
il respecter des contraintes dmiddoteacutequidimensionaliteacute Ces contraintes assurent lharmonie
des proportions de leacutecriture Une autre contrainte deacutecriture de tous les types de
Ccttc clilssiliumlciltion contcmroraille est deacuteriveacutec dune CI~lssiliumleltioll traditionnelle chinoise Cil si classes ue earaetegraveles ueacuteiugrave rreacutesellc dalls le 51110 11e17 jie~i dietionll~lilc eacutetymologiquc Jc Xu Shcn Cl8tlllt du Jcuiegraveme siegraveelc ue Ilotre egraverc (Coull11JS 1080 Kcss ct Miyal11oto 10(9) LI lislc ues j()45
k(l7ji usucls dont lcmploi cst lccommJndeacute par le goucrllemclltiapollais cst ()urnic ugrave ImiddotAllncc 2
64
kanji mais aussi des kana est lordre de traccedilage des traits des caractegraveres en geacuteneacuteral de
haut en bas de gauche agrave droite et de lexteacuterieur vers linteacuterieur Finalement les kani
possegravedent deux types de lectures possibles par le son et par le sens chacun pouvant
ecirctre unique ou multiple La lecture par le son eacutequivaut dans une prononciation
japoniseacutee aux mots chinois dorigine chaque caractegravere repreacutesentant une syllabe
chinoise (souvent en mots composeacutes tels que ILjjij hinzocirc lorgane du cœur) tandis
que la lecture par le sens correspond aux mots japonais exprimant ce sens (IL kokoro
cœur esprit acircme) La lecture par le son est particuliegraverement utiliseacutee atin de
construire cie nouveaux mots les mots composeacutes cie plusieurs kani (par exemple tfu
Ficirc~ chi-ka-lelU (chemin de) fer souterrain cest-agrave-dire le meacutetro) qui permettent de
deacutevelopper le lexique de la langue par les ressources graphiques de leacutecriture
Toutefois les diffeumlrentes combinaisons cie lecture (aussi bien que de types deacutecriture)
possibles se retrouvent actuellement dans la langue japonaise eacutecrite Les multiples
lectures possibles contribuent donc agrave la difficulteacute dutilisation de leacutecriture japonaise
tout aussi bien quagrave sa richesse propre en tant queacutecriture lexicalement productive
La difliculteacute de deacuteterm iner exactement ce que deacutesignent les Iwni est eacutegalement
due aux diffeacuterentes possibiliteacutes de lecture Les caractegraveres chinois sont dans leur langue
dorigine des caractegraveres morphosyllabiques cest-agrave-dire des caractegraveres repreacutesentant le
plus souvent agrave la fois un morphegraveme pouvant ecirctre indiqueacute par un eacuteleacutement seacutemantique
et une syllabe pouvant ecirctre indiqueacutee par un eacuteleacutement phoneacutetique Cependant les
eacuteleacutements seacutemantiques nindiquent parfois que tregraves vaguement le sens quils ont pour
fonction de preacuteciser Le sens de la structure interne des caractegraveres nest alors
reconstruit que de faccedilon tregraves speacuteculative Dans dautres cas au cours cie assimilation
des caractegraveres dans une lecture par le son japoniseacutee la prononciation a changeacute agrave un
point tel que leacuteleacutement phoneacutetique en est clevenu insignifiant Par ailleurs certains
caractegraveres sont aussi des logogrammes puisque leurs lectures japonaises correspondent
agrave des mors complets pouvant ecirctre deacutecomposeacutes en plusieurs morphegravemes (par exemple
65
~~ honoshi converseacuteltion tandis que le verbe ~~9 honoS1l parler distingue la
terminaison 9 -Sil) Dautres ne repreacutesentent mecircme pas des morphegravemes (~laquo ~
lobeu manger le premier morphegraveme eacutetant ~laquo 10fJe- et non ~ 10-) mais seulement
des sons (un ou plusieurs phonegravemes)
Les syllabaires nommeacutes kono sont des creacuteations speacutecifiumlquementjaponaises
Ils ont tous les deux eacuteteacute formeacutes agrave partir de leacutecriture chinoise les kOlokona eacutetant de
forme plus angulaire deacuterivant chacun dune partie de caractegravere chinois et les hirogono
de forme plus cursive deacuterivant de caractegraveres chinois eacutecrits en style cursif Les
kOlokono ont eacuteteacute creacuteeacutes agrave lorigine a1iumln dannoter les textes eacutecrits en caractegraveres chinois
en leur ajoutant des eacuteleacutements grammaticaux preacutesents dans la langue japonaise et non
dans la langue chinoise tandis que les hirogono servirent plutocirct au deacutebut agrave lusage
quotidien tel la correspondance ainsi que dans la production de la premiegravere grande
litteacuterature j-eumlminine japonaise
Les kono correspondent en fait agrave des mores et non des syllabes ce dernier
terme eacutetant plutocirct la deacutesignation retenue par lusage en Occident La more est agrave la fois
un eacuteleacutement rythmique et un segment phoneacutetique donc une uniteacute de longueur alors que
la syllabe correspond plutocirct agrave une seule eacutemission de voix Chaque more a normalement
la mecircme dureacutee ce qui nest pas neacutecessairement le cas pour les syllabes Par exemple
le mot japonais pour journal L1v )~1v shillbun lorsqueacutecrit en kono ici en
hirogono est composeacute de quatre mores (L shi Iv nt )~ m Iv n) alors que nous ne
compterions que deux syllabes (Llvlhill )~Iv blln qui correspondent toutefois aux
konji du mecircme mot ~JTM) Les quatre mores cie L1v )~1v sont prononceacutees avec
presque la mecircme longueur tandis quun mot tel que syllabe il la double consonne se
deacutecompose en syllabes de dureacutees ineacutegales (syl- la- b(e)) La more comme eacuteleacutement
rythmique et segment phoneacutetique est de la sorte luniteacute de son conventionnelle de la
l UlltahlcClll des i0110 cie hase Cilmiddot cc Icm tllIlsiitleacutetatioll Cil r(jlJwji cst [()umi ugrave 1-illllcc 2
66
langue japonaise agrave laquelle correspond un kono Elle servira par ailleurs de mesure
prosodique agrave la poeacutesie
Dans la langue eacutecrite contemporaine Iusage des konji et kono est tixeacute selon
des fonctions propres Les konji logographiques sont utiliseacutes pour les mots et parties
de mots signifiants ou agrave contenu tixe tels les noms propres et communs et les racines
des verbes des adjectifs et des adverbes Leur alternance avec les deux syllabaires rend
le deacutecoupage du texte plus eacutevident et lespacement des mots non neacutecessaire le texte
japonais eacutetant continu et nayant recours quaux marques de ponctuation
Les kk(w servent agrave un usage similaire agrave celui des italiques de la langue
franccedilaise soit pour eacutecrire des mots dorigine eacutetrangegravere sauf les mots (surtout dorigine
chinoise) deacutejagrave eacutecrits en konji ou pour mettre de lemphase sur un ou plusieurs mots
dans une phrase Beaucoup de mots eacutetrangers sont en effet utiliseacutes dans une version
japoniseacutee par exemple ~9- nekllNi neckie ou I)J posocon persona
computer Les noms propres dorigine eacutetrangegravere sont eacutegaJementjaponiseacutes et eacutecrits en
koakono 1 middot1)[-1 Jan BOlIjon Jean Valjean Les kkono ont
comme particulariteacute de se ressembler fortement dans lems tormes angulaires J
Les hirogono sont quant agrave eux employeacutes pour le reste de leacutecriture de la langue
japonaise soit principalement les parties deacuteclineacutees des verbes des adjectifs et des
adverbes les particules enclitiques les inteljections et les conjonctions par exemple
la terminaison -219 kil710su dans W-2K9 kokil71oslI eacutecrire ou la particule
theacutematisante ft ho (prononceacutee exceptionnellement 10) dans ~ B [t konnichillo
bonjour Tous les konji peuvent ecirctre eacutecrits en hirugono bien que lutilisation cles
logogrammes teacutemoigne du niveau de richesse cie la langue eacutecrite Des hirogono
Voir Ic~ eltail~ dc IClc IllLlmis illnncc 2
67
minuscules placeacutes parallegravelement ltlUX kOl1ji les filrigono sont dailleurs utiliseacutes al-in
dindiquer la lecture phoneacutetique des textes destineacutes agrave lapprentissage scolaire ou de
certains caractegraveres peu communs des autres textes Les hirogono sont plus distincts
dans leurs formes cursives (pour les mecircmes mores que dans le paragraphe preacuteceacutedent)
Leacutecriture latine le n)lJ7oji a finltllement eacuteteacute introduite dans le contete de
linternationalisation du Japon moderne surtout commerciale et touristique Elle est
ainsi utiliseacutee dans la signalisation routiegravere laffichage publicitaire les noms de
compagnies commerciales etc Elle ltl pour particulariteacute de ressortir en tant queacutecriture
eacutetrangegravere au sein de leacutecriture ind igegravene japonaise
Pour conclure cette section je remarquerai que la complexiteacute de leacutecriture
japonaise pousse le lecteur agrave utiliser une multitude de voies daccegraves au sens des mots
eacutecrits (agrave ce sujet Kess et Miyamoto 1999) Liumlnformation peut ainsi ecirctre transmise
par les voies phonologique grapheacutemique kineacutetique ou directement seacutemantique Lune
et lautre de ces voies qui sont sans doute communes agrave toutes les langues eacutecrites sont
plus ou moins utiliseacutees selon le type deacutecriture et son contexte dutilisation Laspect
phonologique peut ecirctre favoriseacute dans la lecture de kono et des eacuteleacutements phoneacutetiques
de keJnji la voie grapheacutemique dans la lecture de cltlractegraveres pictographiques et
diagrammltltiques lltl voie kineacutetique dans la reconnaissance de lordre de traccedilage et lltl
voie seacutemantique dltlns lassociation du sens agrave la composante seacutemantique du caractegravere
non familier lors de lanalyse de ce dernier Un ensemble important de facteurs en
rapport au contete dutilisation est finalement la familiariteacute du lecteur et scripteur
avec les caractegraveres la reacutegulltlriteacute de correspondance de ces derniers au sens et au son
viseacutes ainsi que leur ti-eacutequence dans les tetes lus et eacutecrits trois points lieacutes agrave
lhabitude
68
22 Approche seacutemiotique de leacutecriture japonaise
L eacutecriture est pal10ut preacutesente dans notre socieacuteteacute contemporaine de lettreacutes el
nous y sommes habitueacutes Si bien quelle paraicirct seffacer dans Jexpeacuterience commune
que nous faisons du monde environnant et quelle ne semble pas se manifester pour
elle-mecircme Hormis les effets estheacutetiques explicites de la calligraphie lorsque nous
rencontrons un texte eacutecrit nous ne tenons pas compte le plus souvent de la lettre
traceacutee mais seulement du message veacutehiculeacute Leacutecriture tend en ce sens agrave la
transparence car nous ne prenons pas conscience de ses propres particulariteacutes bien
quelle en recegravele et nous en impose implicitement La science de leacutecriture cherchera ft
faire ressortir cet implicite par lequel leacutecriture structure la penseacutee lorsque cette
dern iegravere en fa it lexpeacuterience r abordera i dans cette section 1 eacutecriture en tant que
systegraveme de repreacutesentation grltlphique dont le but est de repreacutesenter le langage informel
de la langue usuelle Leacutecriture ainsi comprise sera contrasteacutee avec la notation logique
des graphes existentiels comme systegraveme de repreacutesentation graphique du langage
formel de la logique deacuteductive Mais tout dltIbord je deacutefinirai leacutecriture de lagraveccedilon
geacuteneacuterale afin de guider la caracteacuterisation suivante de leacutecriture ordinaire et plus
speacutecifiquement de leacutecriture japonaise par contrltlste avec la notation logique Le
retour critique sur lapplication theacuteorique effectueacutee permettra en dernier instant de
juger du bien-fondeacute de cette applic8tion de la seacutemiotique par une reacuteflexion eacutelaboreacutee agrave
partir des cateacutegories particuliegraveres de la signification
221 Theacuteorie geacuteneacuterale de leacutecriture comme signe
Quest-ce que eacutecriture La reacuteponse agrave cette question prendra pour point de
deacutepart la deacutetermination des caractegraveres essentiels de leacutecriture agrave partir desquels cette
derniegravere sera mise en lien avec le langltlge compris de ragraveccedilon geacuteneacuterale et les diffeacuterents
types speacutecifiques deacutecriture pour ensuite faire place ft une analyse de la ronction
69
1
interpreacutetative du signe eacutecrit Selon le linguiste Florian Coulmas leacutecriture comporte
trois caracteacuteristiques fondamentales (Coulmas J 989 17)
it consists of artificial graphical marks on a durable surl~1ce
2 its purpose is to commullicate something
3 this purpose is achieved by virtue of the meacutelrks conventional relation to
langueacutelge
Nous reconnaissons ici les constituants essentiels du signe soit le signe pris en son
fondement lobjet et linterpreacutetant chaque constituant eacutetant toutetois compris dune
faccedilon nuanceacutee caracteacuteristique du signe speacutecifique quest leacutecriture Au fondement de
leacutecriture en tant que signe se trouve sa preacutesence mateacuterielle condition formelle de la
repreacutesentation dun objet par le signe eacutecrit La signification est contrainte par la
preacutesence mateacuterielle du signe eacutecrit la matiegravere neacutetanl elle-mecircme rappelons-le quune
loliumlne contrainte par lhabitude L objet de leacuteCliture est pour sa parl agrave communiquer
et sa forme tient donc du langage et de tout ce que ce dernier permet dexprimer
(sentiment jugement argumcnt etc) Linterpreacutetant du signe consiste finalement en
une convention reliant les traces mateacuterielles de leacutecriture au langage repreacutesenteacute
La philosophie du langage contemporaine dexpression franccedilaise fait la
distinction entre le langage et la langue Dans une approche seacutemiotique de leacutecriture le
langage serait le systegraveme de signes tel que caracteacuteriseacute par la grammaire speacuteculative
tandis que la langue serait la langue usuelle dont leacutecriture serait un mode dexpression
deacutetermineacute Toutefois un approfondissement de lanalyse du cas de leacutecriture permet
de constater toute une gradation allant de la grammaire speacuteculative aux eacutecritures
speacutecifiques et finalement agrave la langue Selon Coulmas dun point de vue linguistique il
sied de distinguer le systegraveme deacutecriture du lype c1eacutecriture (script) el de lorthographe
de la maniegravere suivante (Coulmas 1989 38-9)7
- Le lCIiuml11C langlage Jeacutesigne ici la leacutell1gUC lmgllis ne laisltlnl pas la dilTeacutelcncc cnlre les Licu nolions
70
Writing system
Every writing system
selection of the linguistic
to be graphically re
(not language specifie)
makes
pres
un its
ented
a Word writing
Morpheille writing
Syllable writing
Phoneille writing
Phonetic writing
Script
Every script Illakes a speci lie Chinese script
selection of the possibilities of a Arabie script
given system in accordance with Greek script
the structu ra 1 conditions of a
given language
Orthograph
Every orthography Illakes a Ch ineseTa iwanese
speci fic selection of the orthography
possibilities of a script ~or Standard German
writing a particular language in a Swiss-Gellnan
uni ~orlll and standardized way ortho gra phy
Dun point de vue seacutemiotique plus englobant la gradation passant du langage formel agrave
la langue informelle comprendrait la logique en tant que grammaire speacuteculative la
deacutefinition geacuteneacuterale de leacutecriture en tant que signe le systegraveme deacutecriture le type
deacutecriture lorthographe la langue eacutecrite la langue parleacutee usuelle La logique en tant
que grammaire speacuteculative repreacutesente la forme du langage le plus geacuteneacuteralement
possible Les autres aspects du signe eacutecrit preacutecisent la signification en fonction du cas
actuel de leacutecriturc La deacute1inition de leacutecriture en tant que signe sapplique toujours au
niveau geacuteneacuteral du langage mais la distinction du type de systegraveme deacutecriture est deacutejagrave
propre agrave un niveau geacuteneacuteral de la langue deacutecoulant de lanalyse laquopar le basraquo des uniteacutes
linguistiques composant les langues des donneacutees propres agrave la science idioscopique de
la linguistique Les nivcaux suivants du type deacutecriture et de lorthographe son plus
speacuteci1iques aux langues eacutetudieacutees et leur distinction permet de deacutefinir plus exactement
71
les particulariteacutes dune eacutecriture Lorthographe repreacutesente ainSI la convention dune
eacutecriture propre agrave une langue speacutecifique
Cette analyse ne tient cependant compte que dun seul type dobjet du signe
eacutecritmiddot soit la langue parleacutee usuelle Leacutecriture peut aussi repreacutesenter dautres types
dobjet et une classification des types deacutecriture selon le type dobjet repreacutesenteacute
devrait distinguer au moins les trois types tondamentaux suivants formel tel que la
notation logique ou matheacutematique informel utilitaire repreacutesentant la langue parleacutee
usuelle et informel estheacutetique tel que dans la calligraphie Leacutecriture de type lormel
fait ressortir explicitement la forme geacuteneacuterale du langa~e agrave travers le 1ondement du signe
eacutecrit et permet ainsi de prendre conscience de la fonction repreacutesentative du langage
Elle engendre une interpreacutetation consciente du langage preacutecisant de faccedilon geacuteneacuterale la
signification Leacutecriture de type informel utilitaire fait ressortir implicitement la lorme
du langage propre agrave une langue deacutetermineacutee dans le fondement du signe eacutecrit Son but
premier nest pas de faire reacutefleacutechir sur le langage mais de communiquer le message
veacutehiculeacute par celui-ci Linterpreacutetation est alors dirigeacutee dans un sens deacutetermineacute par
leacutecriture sa tonction de repreacutesentation de la langue Leacutecriture de type informel
estheacutetique provoque pour sa part un sentiment agrave leacutegard de la forme de la
repreacutesentation le fondement du signe eacutecrit mais na pas pou l fonction prem iegravere de
faire reacutefleacutechir sur lobjet repreacutesenteacute Elle renvoie inconsciemment linterpreacutetation au
fondement du signe et reste vague quant au sens agrave lui donner
La consideacuteration du type dobjet repreacutesenteacute megravene agrave lanalyse de la fonction
interpreacutetative de Jeacutecriture Linterpreacutetant immeacutediat du signe eacutecrit le produit de
l eacutecri ture est une repreacutesen tation cie la langue usuelle moda1iseacutee se Ion les possi bi 1iteacutes
offertes par le tondement du signe soit la langue eacutecrite En tant quinterpreacutetant
dynamique leacutecriture preacutesente eacutegalement laspect dun processus qUI a cette
particulariteacute de mettre en lien plusieurs niveaux de la leacutealiteacute plusieurs eacutetats de la
lorme du langage Le signe eacuteClit est un acte psychique et physique laissant une trace
72
mateacuterie Ile in lormeacutee pa rune forme speacutecifiq ue du langage la langue usue Ile ou les
expressions matheacutematiques etc Linterpreacutetant final le troisiegraveme aspect de la lonction
interpreacutetative de leacutecriture est son but son effet viseacute Agrave ce sujet on consiclegravere
souvent leacutecriture comme secondaire par rapport agrave la langue parleacutee comme si elle
deacutependait en tout de cette derniegravere Le but de leacutecriture serait de la sorte de repreacutesenter
la langue de la faccedilon la plus transparente possible en seffaccedilant elle-mecircme comme
moyen de la repreacutesentation Mais nous pouvons aussi renverser le point de vue et
faire remarquer que leacutecriture est dune aide des plus preacutecieuse agrave la repreacutesentation du
langage plus fondamental que la langue deacuteterminant mecircme par converse celle-ci
jusquagrave un certain point Le signe eacutecrit par les particulariteacutes de son fondement
permet dactualiser dans une langue eacutecrite certaines possibiliteacutes du langage que la
langue parleacutee usuelle a laisseacutees pour compte Ainsi Coulmas dit-il dans sa conclusion
laquoThe invention of writing is the answer to the limitations of speech to the here and
now Thus by acquiring a vritten form the expressive power of a language is realized
to a greater extent than it is in speech onlyraquo (Coulmas 1989 272) La perdurabiliteacute du
message eacutecrit ou sa transmission agrave distance en sont les avantages les plus
communeacutement eacutevoqueacutes mais son utiliteacute pour analyse formelle clans le cas de la
logique ou des matheacutematiques de mecircme que son pouvoir expressif estheacutetique dans le
cas de la calligraphie sont c1autres aspects que la formulation dune theacuteorie geacuteneacuterale de
leacutecriture comme signe permet de mettre en eacutevidence
Leacutecri ture sJisie en sync hlon ie nest pas un Jrgument car elle ne don ne pJS la
cleacute de sa propre interpreacutetation et son analyse dJns cette section sest donc limiteacutee agrave
une cmacleacuterisJtion geacuteneacuterale du signe eacutecrit dans les termes de la grJmmJire speacuteculative
Toutetoisle signe eacutecrit en ce quil preacutetend retleacuteter la structure du langage et plus
speacutec ifiq uement de la IJngue usue Ile com porte certJi ns Jspects sym bol iques et d icents
qui le rendent informatif et en appellent il une analyse logique critique Cest vers cette
critique logique que se dirigera lexamen de cas speacutecitiques dans la prochJine section
critique qui sera redoubleacutee pm la critique eacutepisteacutemologique suivante
73
222 Analyse seacutemiotique de leacutecriture japonaise
Leacutecriturejaponaise na pas le mecircme objet et ne poursuit pas le mecircme but que
la notation logique des graphes existentiels preacutesenteacutee au chapitre preacuteceacutedent Le but
principal de leacutecriture dune langue intonnelle telle que la langue parleacutee usuelle est de
communiquer efficacement linformation agrave distance dassurer la transparence du signe
eacutecrit et non de sarrecircter sur la repreacutesentation eacutecrite pour Imiddotanalyser alors que celui de
la notation du langage tormel de la logique est de permettre lanalyse du raisonnement
par le retour reacuteflexif sur le systegraveme de signes et la critique subseacutequente Les graphes
existentiels serviront dans cette section de point de repegravere et doutil agrave leacutelaboration
dune theacuteorie seacutemiotique de leacutecriture japonaise Le contraste entre les deux types
deacutecriture permettra aussi de mieux tagraveire ressortir les particulariteacutes de cette derniegravere le
deacutebuterai par lexamen de quelques points de grammaire pour ensuite deacuteterminer les
caractegraveres essentiels de reacutecriture japonaise L exposeacute passera ainsi dune analyse de la
gram mai re japonaise repreacutesentant la structu re de la langue usue Ile par l app 1ication de
la logique des relations agrave lanalyse de la grammaire telle que la langue eacutecrite la tagraveit
ressortir par lapplication de la meacutethode des graphes existentiels agrave labstraction de la
forme du langage propre agrave reacutecriture japonaise par lapplication de la theacuteorie
seacutemiotique au cas consideacutereacute Japprotondirai lanalyse jusquau niveau des dix classes
de signes et passerai au moment critique de la logique tout en gardant en vue les
principes directeurs du pragmatisme
La languejaponaise a ceci de particulier que le sujet grammatical peut ecirctre omis
de la phrase sa preacutesence implicite eacutetant alors reconnue par la situation dans le
contexte de leacutenonciation La grammaire japonaise dans la tradition de Mikami Akira
deacutefinit la structure eacuteleacutementaire du japonais selon un moti f diffeacuterent de la structure
sujet-verbe-objet typique du tranccedilais ou de Imiddotanglais La langue japonaise est plutocirct leacuteeri~ le~ noms japonais selon lusage soit le nOIll Je IUumlllli11c aClnt le pleacutenolllJe tiens les exelllpics selltlnt ~ liumlllustrltltion Jes points lie gralllllllire Jes courS Je langue iaponaise Jonneacutes pal Kana) a Takehi 10 il l LJ ni clsi leacute Je VIontreacutea 1 auquel je Jo is Iussi 1Cl leyon sur 18 glalll1ll8i le Je lvI ik81ll i ikira la pn~senlation de la grlllllllailC jlponaise Jlns celle ~eetion relegraveve eepenJlnl de Illlt pmplc interpreacutetation clu co llIS
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dite structureacutee selon un ordre thegraveme-commentaire OLI le sujet grammatical plutocirct
nommeacute laquothegravemeraquo pou l en distinguer la fonction na pas l im portance quon 1ui precircte
dans notre langue franccedilaise Cest que le japonais nest pas une langue du laquotaireraquo ct
~ sulu) comme le franccedilais mais une langue du laquoil y araquo (~~ (111) Les faits ( C
kaa) repreacutesenteacutes ne deacutependent pas neacutecessairement de choses (t 0) mono) qui les
accomplissent lis peuvent aliumliver par eux-mecircmes eacutetant alors seulement constateacutes par
le locuteur Le thegraveme nest pas neacutecessairement un agent il est plus essentiellement une
partie de la phrase mise en eacuteviclence (par la particule fJ ho prononceacutee 110) tel un
soleil levant (80)11 hi 10 l1Jolu -le roncl clu jour) eacuteclairant le reste de la phrase Il
peut ecirctre omis leacuteclaircissement venant alors du contexte de leacutenonciation Le
commentaire quant agrave lui se construit autour clu verbe clans les phrases verbales ce
centre restant v icle clans les phrases nom ina les sans la laquocopu leraquo C ~ ~ de 011 ou C
9 desu La phrase japonaise est clonc construite autour cie la base clu verbe situeacute agrave la
fin cie la phrase par lajout cIeacuteleacutements clont la fonction est speacuteci fieacutee par cles
particules cest une phrase en forme cie bonsaiuml (~t(X bonsoi bun) clans laquelle les
com mentai res-branches cl irigeacutes clans le sens cles particu les-tuteurs seacutelaborent agrave parti l
clu verbe-pot qui contient les racines cie la phrase Tanclis que la phrase franccedilaise est
construite agrave partir clu couple sujet-verbe clont le sujet est mis en eacuteviclence tel un arbre
cie Noeumll avec son eacutetoile-sujet au sommet son tronc-verbe et ses branches-objets ( 1)
A 7( A Y 1) - X kllli111l1l0SII IIIIii IWI1) Cest que le locuteur japonais ne prencl pas
clans le contexte cie sa langue un point de vue du dieu sur le moncle (f$0) El kmlli 10
me) slIb ljJecie oeemiois pourrions-nous dire le point de vue du grand architecte
celui qui construit le monde mais un point de vue de linsecte (RO) El lJ1ushi no JJle)
la petite becircte qui voyage sans lin agrave travers la surface de la terre Cette construction par
le bas de la grammaire sera agrave preacutesent formaliseacutee par la rencontre avec les principes
directeurs de la logique peirceacuteenne
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La logique des relations de Peirce et son deacuteveloppement par la meacutethode des
graphes existentiels seraient en effet particuliegraverement adapteacutes agrave lanalyse de la
grammaire japonaise que le modegravele de la grammaire anglaise a tendance agrave brutaliser
Notons par ailleurs que lutilisation dune grammaire speacutecifique cOl11me modegravele dune
autre grammaire procegravede dune mauvaise meacutethodeutique La grammaire des langues
speacutecifiques doit plutocirct se fonder sur la grammaire pure ou speacuteculative de la logique La
meacutethodeutique bien penseacutee dun point de vue peirceacuteen implique que lon fasse se
rencontrer les principes de la logique et les donneacutees de la linguistique en tant que
scientifique-philosophe confrontant dans son expeacuterience ordinaire de la reacutealiteacute le
pheacutenomegravene de la langue japonaise
Chez Peirce il ny a ultimement dans lanalyse logique meneacutee agrave fond quun
preacutedicat geacuteneacuteral par proposition (repreacutesentant luniteacute conceptuelle de lEcirctre) et
plusieurs sujets qUI constituent des points dancrage dans la reacutealiteacute actuelle
(repreacutesentant le divers de la Substance) (EP2 208 1903 EP2 275-88 1903) Un
sujet peut aussi ecirctre laisseacute pour implicite seul le contexte de leacutenonciation permettant
alors la mise en situation (EP2 281-82 1903) Semblablement dans la langue
japonaise il ny a pas neacutecessairement de sujet actif se deacute1narquant le laquosujet
grammaticalraquo en tant que thegraveme du commentaire qui constitue le reste de la phrase
pouvant ecirctre omis Prenons comme exemple la phrase inaugurale du roman de
Kawabata (~OO Yllkigllni Pays de neige in Kawabata 1974 (1935) 7)
kllnizokoi rO rogoi orneII 110 nllkelIo ykigri de ullu
liontiegravere (particule 0) de) long tunnel (part ~ laquoobjet directraquo) eacutemerger de
(parI C lorsque) pays de neige (ltltcapu leraquo -r 17gt ) t laquoc eacuteta itraquo)
Le thegraveme de la premiegravere proposition nest pas un agent mais un contemplateur de
leacutetat de choses duquel il fagraveit paltie Il est laisseacute pour implicite dans le contexte de
leacutenonciation La distance entre leacutenonciateur et lobjet de son eacutenonceacute nest pas
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ressentie de faccedilon aussi grande que dans nos eacutenonceacutes de langue franccedilaise ou anglaise
Des tentatives de traduction de cette phrase sans sujet actif seraient
laquoUne fois eacutemergeacute du long tunnel frontalier ceacutetait le pays de neigeraquo
(le plus litteacuteralement possible mais je dis tout de mecircme laquocea eacutetaitraquo ce qui nous
distancie de lobjet le pronom deacutemonstratif eacutetant toutefois un index agrave la fois
plus direct et discret plus transparent quun pronom personnel ou un nom
commun)
laquoUn long tunnel entre les deux reacutegions et voici quon eacutetait dans le pays de
neigeraquo
(trad Fujimori Bunkichi et Annel Guerne (1960) eacuteliminant le verbe mikeli
eacutemerger et utilisant le pronom indeacutefini lt(011 eacutetaitraquo)
laquoThe train came out of the long tunnel into the snov countryraquo
(trad Edward Seidensticker (1986) qui rajoute un sujet (troil1) et embrouille les
deux propositions)
Dans la phrase japonaise la copule peut eacutegalement ecirctre omise La logique de
Peirce permet de mieux expliquer ce que lon entend ici par laquocopuleraquo Prenons agrave ce
sujet la phrase-exern pie de M ikam i
~ fjll1J l 0
ZOcirc 110 hOl1o go l10gai
eacuteleacutephant (particule) trompe (particule) longue (deacuteclinaison de ladjectit)
laquoLeacuteleacutephant-lagrave [sa] trompe [est] longueraquo
Lanalyse de cette phrase selon la meacutethode des i Sdonne le diagramme suivant
1 est clair que la repreacutesentation de la relation didentiteacute implicite ne cause pas de
problegraveme puisque nous la retrouvons dans la quantification existentielle eacutegalement
implicite exprimeacutee par linscription mecircme de la ligne didentiteacute sur la feuille
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dassertion La copule nest pas lagrave pourjoi nd re les eacuteleacutements de la ph rase mais pou l
speacutecitier la relation du terme qui la preacutecegravede avec les autres eacuteleacutements la relation
diumldentiteacute eacutetant plus fondamentale que toute expression speacutecitique telle quexprimeacutee
par la copule Elle servira plutocirct dindicateur du niveau de langage (honoritique C
~~ 9 de gozoil1loslI poli Cg desu style eacutecrit Cc10 Q de OlI neutre Uamilier)
t do) compleacutetant le commentaire Elle est omise au style neutre apregraves les adjectifs
situeacutes agrave la base du commentaire qui ont eux-mecircmes une fonction qualitative
prononceacutee Nous pourrions dailleurs lappeler plus justement un marqueur
dexistence quune copule Il faut dire agrave ce sujet que les grammairiens actuels (tels que
Shimamori 1997) distinguent plutocirct deux fonctions de Cg delu qui sont soit en tant
que copule de laquotransformer le nom preacuteceacutedent en eacutenonceacute minimal completraquo
(Shimamori 1997 17) dans lequel cas leacuteleacutement est indispensable soit devant un mot
qualitatif japonais (adjectif en ~ i) de laquosituer leacutenonceacute au niveau poliraquo (Shimamori
1997 27) dans lequel cas leacuteleacutement est tacultatif Linterpreacutetation ici proposeacutee eacutevite
le deacutedoublement de fonction du marqueur dexistence en expliquant lomission de
leacuteleacutement apregraves ladjectif dorigine japonaise par la marque de seconde intention la
fonction qualitative prononceacutee deacutejagrave preacutesente dans la tlexion adjectivale et ne
neacutecessitant donc pas de surenchegravere au style neutre (la notion de seconde intention
relative agrave la flexion est preacutesenteacutee ci-apregraves) Par ailleurs dans la logique des relations
non plus la copule explicite nest pas un eacuteleacutement du vocabulaire primitif il sagit
mecircme selon Peirce dune notion grammaticale latine tardive datant du Moyen Acircge le
verbe neacutetant pas dans le grec ancien ou le latin classique une composante essentielle
de la phrase (EP2 221 282 1903)
Le thegraveme est aussi convenablement deacutecentreacute par cette analyse cest-agrave-dire
situeacute comme un sujet de la proposition parm i dautres la fonction speacutecitique de
chaque eacuteleacutement eacutetant indiqueacutee par la particule qui lui est associeacutee (rd 1 0 et 1J go) ou
sa tlexion adjectivale (~ i) toutes eacutecrites en hirogol1( Une certaine structure
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grammaticale est donc mise en eacutevidence par lalternance de deux types deacutecriture les
kan et les hirogano Dans le cas des adjectifs et des verbes un morphegraveme vient
moditier le sens dun autre morphegraveme plus fondamental au sein dun mecircme mot La
fonction grammaticale de chaque morphegraveme (racine et deacuteclinaison base connective et
terminaison) est de la sorte distingueacutee par leacutecriture Dans le cas des particules et du
marqueur dexistence leur fonction est encore plus abstraite puisquil sagit de termes
distincts donnant un sens aux termes auxquels ils se rapportent mais dont la
signification reste incomplegravete sans ces termes (ce sont des laquosyncateacutegoregravemesraquo EP2
286 1903) Ils deacuteterminent le sens de la proposition au niveau des rhegravemes proprement
dits et non de linteacuterieur de ceux-ci par deacuterivation agrave partir des morphegravemes Selon la
logique des relations de Peirce nous voyons surgir dans ces deux cas la seconde
intention aussi repreacutesenteacutee dans les -Jocirc par des signes nommeacutes Potentiels (CI) 5524shy
6 1903) Peirce donne les deacutefinitions suivantes de la seconde intention
The smt of idea wllich an icon embodies if it be such that it can convey any
positive information being applicable to some things but not to others is called a
jirst intention The idea embodied by an icon which cannot of itself convey any
information being applicable to everything or to nothing but which may
nevertheless be useful in modifying other ieons is ealled a second il1lenion (CP
3433 1896)
Every rhemn whose blnnks may be filled by signs of orclinary individunls but which
signifies only what is true of symbols of those individuals without any reference to
qualities of sense is termed n rhema 01 second intention For second intention is
thought about thought as symbol (CP 4465 1903)
Il is by menns of reuiles of second intention thnl the general method of logicnl
representation is to find eompletion (CP 3490 1897)
Dans les deux cas qui nous inteacuteressent les particules Id 110 et tJ~ go et la llexion l i
sont des signes de seconde intention en ce quils viennent preacuteciser la signitication agrave
accorder agrave la proposition en modalisant la relation didentiteacute fondamentale qui joint
les diffeacuterents termes de premiegravere intention Ce sont des signes qui agissent sur les
relations entre dautres signes au sein dune mecircme repreacutesentation Par la preacutecision
quils apportent agrave la sign ification au niveau des re lations fondamentales ils
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complegravetent Ianalyse logique implicite agrave la langue japonaise L alternance entre les
types deacutecriture fait donc ressortir la structure de la phrase en mettant en eacutevidence le
rapport entre la premiegravere et la seconde intention
Le problegraveme speacutecifique qui nous permettra dapprolondir plus avant lanalyse
seacutemiotique de leacutecriture japonaise est le changement actuel de proportions entre les
difteumlrents types deacutecriture utiliseacutes dans la langue japonaise eacutecrite La langue japonaise
assimile en ce moment de faccedilon croissante des mots dorigine eacutetrangegravere surtout de
langlais ameacutericain eacutecrits en kolokol1o Ces mots eacutecrits en kOlokona occupent de plus
en plus despace graphique dans leacutecriture jusque maintenant domineacutee par les kanjl
tout en remplissant des fonctions grammaticales sinon attribueacutees il ces derniers
Laspect externe ainsi que de la structure interne de Ieacutecriture japonaise se trouvent
donc fortement modifieacutes suite au contact de la langue japonaise avec dautres langues
aux eacutecritures difteumlrentes Le problegraveme consiste agrave deacuteterminer quels aspects seacutemiotiques
fondamentaux de Ieacutecriture japonaise sont modifieacutes par ce changement de proportions
dans les types deacutecriture utiliseacutes Construisons tout dabord un exemple de
transformation dune phrase dans le sens de laugmentation des kalokono La phrase
suivante servira agrave lillustration
Nihongo no kihon bun wa bonsaiuml bun desu gajilransligo wa klifisumasli twlii bUll
c1esu
laquoLa phrase eacuteleacutementaire du japomlis est une phrase bonsaiuml mais en franccedilais cest
une phrClse arhr de Noeumlf [Christmas tree]raquo
Certains kan)l tels que 8 111110n Japon sont dune importance culturelle
m~ieure et il est agrave parier que les Japonais ne les abandonneront pas cie si vite parce
que ces caractegraveres leur sont chers au cœur Dautres sont tregraves simples ou tregraves
tamiliers tels que ~g go langue et )( blll1 phrase et ils seront conserveacutes parce
quils sOl1l deacutejagrave ancreacutes clans Jhabitude et ne causent pas de problegraveme Mais il est aussi
80
des mots dorigine chinoise aux caractegraveres plus complexes ou moins familiers dans la
phrase-exemple ~~ hO1soi bonsaiuml qui sont bien ancreacutes dans la langue parleacutee
usuelle mais dont on souhaitera peut-ecirctre il lavenir simplifier la repreacutesentation eacutecrite
en les eacutecrivant en koloko1o (puisque dorigine eacutetrangegravere) ainsi honsoi deviendrait 1f 1 Finalement le nouveau vocabula ire techn ique eacutetant sou ven t anglo-ameacuterica in
dorigine le vocabulaire anglo-ameacutericain japoniseacute simposera aussi de lui-ll1ecircme en
comblant les vides de la langue technique 1) A A Y 1) - kulisll710SI IIii
Chrilll1los Iree en est un exemple ou en remplaccedilant avec sa nouvelle saveur les
anciens lllotS dorigine chinoise deacutesormais deacutesuets ainsi dans notre phrase
supposons que ~ kiho1 fondement subisse ce dernier sort et soit remplaceacute par le
terme anglo-japonais Acirc-~ hecsliiku )olie y a dautres raisons favorisant la
prolifeumlration de mots eacutecrits en kolokol1o surtout en lien avec lapport culturel
eacutetranger par exemple dans les modes engendreacutees par la musique la litteacuterature Ie
discours politique etc mais la preacutesente illustration seacutepuise dans les deux cas mis de
lavant La phrase-exemple transformeacutee devient alors en reprenant dabord loriginal
pour effet de comparaison
B ~gO)~gtzIj~~gtZT9tJ 77 Agrave~glj 1) Agrave Agrave ) 1) -gtZT9o
B ~gO) 0( - gtz1j ~ -1 gtzT9tJ~ 77 Agrave~glj 1) Agrave Agrave ) 1) - gtzT9 0
Nihongo no heeshiku bun Wl hO7sai bun c1esu ga li1runsllgo wa kllislll11allI 1lIlii
bun desu
laquoLa phrase ileacutell7ltnluire [hLsic] du japonais est une phrase hOl1sui mais enfiu7ccediluis
cest L1ne phrase urhre de Noeumllraquo
Une analyse grammaticale donnera une premiegravere ideacutee de la structure de ces
phrases Les phrases sont composeacutees chacune de deux propositions lieacutees par la
cc suiet le dcuiegravelllc lelc dc lannec 2 donllc un ecl1lple dnrlicle dciourJlltJ1 urilisnnl de nomlxcu lllolS 0crits Cil kU(fw7u dans ce cas-Iugrave pour cn eriliquer lulilisltJtion ccessi e llm le rrcl1licr Illinislre l1e Shinll Jans son discours inaugural Cc lcte contrasle mcc Ic premicr clrail de lanncc rcrrcnanl le d011ul dun conte de Ikutngaa le famcu 1eacute1shocircIllOIlraquo eacutecrit en 1915 dans unc languc litteacuteraire au Sl Ic laquogothiqucraquo ulilisant quelques kl7ji cOl1lrlcCS ou inusil0s el aucun kalakrlu
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particule conjonctive IJIcirc go mais qui introduit dans la deuxiegraveme proposition une ideacutee
constrastant avec celle exprimeacutee dans la prem iegravere Dans la prem iegravere phrase le thegraveme
de la premiegravere proposition est B ~gO)~)( l1iho1go 110 kihon )((n la phrase
eacuteleacutementaire de la langue japonaise mis en eacutevidence par la particule theacutematisante fj
wa en ce qui concerne et son commentaire est ~~)( honsai )1(1 phrase bonsaiuml
dont le rapport avec le reste de la proposition est souligneacute par le marqueur dexistence
de style poli C9 desu il y a ou cest tandis que le thegraveme de la seconde
proposition est 77 Agrave~g fltral1sugo langue franccedilaise et son commentaire est
1) Agrave x Agrave J 1) -)( kurisulllosu ISlIii blll1 phrase arbre de Noeumll indiqueacutes par la
mecircme particule theacutematisante et le mecircme niarqueur dexistence La phrase transformeacutee
reprend exactement la mecircme structure grammaticale mais remplace ~ kihun par le
terme anglo-japonais I-~ beeshikll basic eacutecrit en kolakana et les kan)i de ~
~ bonsoi par les kalakano de mecircme lecture tT - La transformation du type
deacutecriture naffecte donc en rien la structure grammaticale de la phrase japonaise dans
tous les cas du pheacutenomegravenc actuel qui nous concerne Mecircme dans le cas extrecircme de
lassimilation dun mot eacutetranger comme verbe base de la phrase bonsaiuml japonaise le
nouveau mot prend une forme grammaticale deacutejagrave preacutevue par la langue soit celle des
verbes dorigine chinoise construits par lajout du morphegraveme 9 g SlIU fnire (ici en
style neutre eacuteventuellement conjugueacute) agrave la base connective sino-japonaise par
exemple le verbe anglo-japonais 7 euml-)[9g apiiuslIlI to appeal a une forme
identique agrave un verbe sino-japonais tel que ~fff9 ~ JlIl1sekisuu analyser Le
contact des langues peut bien provoquer des transformations de la grammaire mais la
cause nen est pas alors le changement de type d eacutecri ture
Lanalyse seacutemiotique proprement dite commencera par deacutegager les
composantes du signe eacutecrit de la langue japonaise tel quillustreacute par la phraseshy
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exemple Lefondemen de leacutecriture japonaise comme signe est lapparence mateacuterielle
quelle offre dont on peut deacutegager une structure logique deacutetermineacutee par lobjet que le
signe repreacutesente la langue parleacutee usuelle et deacuteterminant agrave son tour un interpreacutetant la
langue eacutecrite Leacutecriture japonaise ne saisit en son fondement que certains aspects de la
langue parleacutee soit certains lexegravemes morphegravemes syllabes et mores et une certaine
structure syntaxique de ces eacuteleacutements 211 bull Elle fait ressortir ces aspects dune faccedilon plus
preacutecise que la langue parleacutee mais en neacuteglige cIautres clans sa seacutelection (par exemple la
tonaliteacute) Elle est donc une abstraction de la langue parleacutee qui nen retient que certains
traits Ces traits sont inscrits et fixeacutes dans la matiegravere de leacutecriture une forme davantage
contrainte par lhabitude que la langue parleacutee Dans lexemple on peut reprendre les
deux phrases en ne siumlnteacuteressant quagrave leur aspect graphique et en consideacuterant quelles
uniteacutes linguistiques chaque signe de la phrase repreacutesente ainsi que quelle syntaxe
lensemble fail graphiquement ressortir Le fondement des deux phrases est une
alternance de kani D hiragw1( kafakana 0 et ponctuation selon ordre suivant
B80)~Xfl~)CC91JIcirc 75 Agrave81l 1) AgraveAgrave 1) -XT90
DUO 0 000bullbullbull 00000000000000bullbull0
B ~O)I-S-XIl -if-1 XC91f) 75 Agrave~gll 1) Agrave Agrave 1) -XC90
0000000000000bullbullbull 00000000000000bullbull0
Sur le support mateacuteriel cie la feuille dassertion leacutecriture est tout daborcl
contrainte par la lineacuteariteacute de la phrase inscrite semblable agrave leacutecoulement temporel de la
parole La ponctuation donne ensuite les limites hors tout ainsi quune certaine
structure interne cie la phrase Dans lexel1lj1le le j1ointmiddot o marque la tin de la phrase
et la virgule seacutepare la premiegravere proposition de la seconde Les morphegravemes et
syllabes repreacutesenteacutes par des kan) 0 sont aussi distingueacutes des mores repreacutesenteacutees par
des kan(f 0 ce qui est L1ne abstraction de leacutetude cie la langue eacutecrite la langue parleacutee
Il nesl ras eacutevident que leacuteelillllc lcwenne caetclllcntla stluelure S) nwiquc de I~I langue ralmiddotke Ia languc japonaise el8ssique Je SI) le klllbllll en olile un eelllrie pal eeellcncc leacutecrilulC sc lilisanl dans joldle sYlitaique du chinois rouI ensuite ecirclle inlelpleacuteleacutee au eouls Je la ledule en lceonslruisanl lnrdre S) nlltliqlle JlIjaponais
83
ne les distinguant pas Avec une connaissance un peu plus profonde de la grammaire
eacuteleacutementaire du japonais on reconnaicirct de plus dans lalternance entre konji U (ou
katakona 0) et hiragano bull une structure syntaxique correspondant agrave la structure
thegraveme-comnientaire On constate ainsi dans lexemple que la transformation de
leacutecriture dans le scns de laugmentation des kotakono ne change pas la structure
syntaxique de la phrase ponctueacutee dune phrase agrave lautre de la mecircme faccedilon par les
hiragana bull le point et la virgule Les lectures speacutecifiques des signes eacutecrits renvoient
finalement de diverses maniegraveres agrave la prononciation de la langue padeacutee Telle est donc la
forme geacuteneacuterale du signe eacutecrit pris en son fondement qui contraste avec la torme plutocirct
vague de la langue parleacutee
Lobjet de eacutecriture japonaise la langue parleacutee usuelle est plus fluide et
eacutepheacutemegravere que son support eacutecrit qui tixe les paroles dans lespace et les fait perdurer
dans le temps Il peut ecirctre deacutecomposeacute pour chaque kanji ou groupe de konji en mots
morphegravemes ou phonegravemes repreacutesenteacutes et pour chaque kono en mOIes repreacutesenteacutees Il
peut aussi ecirctre saisi en un tout comme dans la repreacutesentation diagrammatique de la
structure syntaxique de la phrase et du texte Lobjet immeacutediat de leacutecriture japonaise
est la parole penseacutee ou entendue en langue japonaise La phrase-exemple peut ainsi
repreacutesenter une penseacutee immeacutediate du scripteur ou un eacutenonceacute entendu par ce dernier
Lobjet c1I1amiqlle est lideacutee vague que lon cherche agrave repreacutesenter en la preacutecisant dans
cette langue et ces phrases deacutetermineacutees mais qui pourrait ecirctre exprimeacutee autrement en
dautres phrases et dans dautres langues Cest la proposition logique du grammairien
sous-tendant vaguement la phrase-eemple inscrite par le scripteur
Linterpreacutetant clu signe eacutecrit japonais la langue eacutecrite est une forme davantage
contrainte que son objet car preacuteciseacutee par la repreacutesentation Linterpreacutetant ill1l1leacutediot
est le message transmis au lecteLll en langue japonaise Cest ce que le lecteur
comprencl effectivement cie la Poposition inscrite sur la teuille cIassertion La phraseshy
exemple est ainsi un eacutenonceacute de la grammaire qui permet au lecteur cie saisir certains
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traits de la langue japonaise dans sa comparaison agrave la langue fi-anccedilaise Linterpreacutetant
c0mamiqlle est le processus deacutecriture et de lecture du signe sa traduction en parole et
en penseacutee Il ne sagit pas seulement dun processus psychologique et physique car
on peut aussi lanalyser logiquement en tant que processus seacutemiotique de construction
dune signification la seacutemiose Le scripteur et le lecteur sont conditionneacutes par la torme
de leacutecriture son fondement et le processus dinterpreacutetation du signe eacutecrit est donc
dirigeacute dans un certain sens il sactualise dune maniegravere deacutetermineacutee Linterpreacutetant
f7nal leffet viseacute est la compreacutehension du message japonais dorigine telle que deacutesireacutee
par le scripteur mais aussi par le lecteur Cest la signification deacutetermineacutee que la
repreacutesentation adeacutequate de lobjet construirait eacuteventuellement une proposition
logique speacutecifique dans le cas dune phrase ou une langue eacutecrite ideacuteale dans le cas de
la langue usuelle La proposition logique qui sous-tend la phrase-exemple lorsque
ideacutealement preacuteciseacutee en constituerait linterpreacutetant tlnal Le grammairien eacutenonccedilant
cette proposi tion en partagera it donc avec le seri pteu r et le lecteur la sign i lication
exacte dans un contexte similaire Ces demiers se feraient une repreacutesentation adeacutequate
de la proposition logique reacuteelle celle que le grammairien a lintention dexprimer
La prochaine eacutetape de lanalyse consiste agrave deacuteterminer quels types de signes
sont opeacuterants dans leacutecriture japonaise et dans le cas speacutecillque des kalakana qui nous
inteacuteresse Les signes de la langue parleacutee ou eacutecrite sont avant tout en leur fondement
des leacutegiigne car ils ont eacuteteacute institueacutes par convention explicitement ou non Les kani
et les kana tant ainsi lobjet de recommandations de la part du gouvernement japonais
les formes des kana ont eacuteteacute standardiseacutees et des listes de kani ont eacuteteacute publieacutees afin
den limiter le nombre communeacutement en usage Ces leacutegisignes se manifestent
actuellement en tant que sinsignes leurs occurences mateacuterielles Cependant dans leur
composition et par leur alternance au sein de la phrase les signes eacutecrits font ressortir
une certaine structure syntaxique et tOrll1ent en cela un diagramlle de la langue un
signe icon ique qu i epreacutesente son objet en vertu dune si 111 i lari teacute en tre les re lations de
sa propre tonne (son tondement) et les relations de la tonl1e de lobjet Leacutecriture
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japonaise en tant que diagramme de la langue japonaise est donc un leacutegisigne iconique
rheacutematique Dans le cas de la phrase-exemple la diagrammaticiteacute du signe eacutecrit est
manifeste si lon considegravere la structure thegraveme-commentaire indiqueacutee par lalternance
des konji 0 (ou kotakono 0) et des hirogono bull La transformation de konji en
kotokono naffecte en rien laspect diagrammatique de leacutecriture pour autant que lon
sache diffeacuterencier les deux types de kano La distinction entre la premiegravere et la
seconde intention qui fonde cette diagrammaticiteacute est quand mecircme un peu embrouilleacutee
car les deux types de kono sont moins distincts entre eux dans leur forille graphique
et leur fonction repreacutesentative (moraiumlque et non morpheacutemique) quils ne le sont des
konji I~e passage du terme B gg nihongo agrave la particule conjonctive 0) no puis au
terme laquo-~ beeshikll dans le thegraveme B~gO)(-~)(Ij niJongo no beeshikll
blln Vo lillustre bien
Dun point de vue agrave la fois grammatical et graphique les termes de seconde
intention eacutecrits en hirogono tels que les particules les flexions et les marqueurs
dexistence en ponctuant la phrase et en rendant sa structure syntaxique manifeste
possegravedent un certain aspect indexical tels des leacutegisignes indexicollx rheacutematiqlles mais
en modalisant les relations logiques de la proposition de maniegravere plus fine quun
simple index qui ne fait quindiquer son objet ils jouent un rocircle davantage
conventionnel et se rapprochent en cela du leacutegisignc middot)YIIIJoiqlle rheacutel11otique Dans
lexemple la particule conjonctive 0) no de se fond syntaxiquement dans le thegraveme de
la premiegravere proposition la particule conjonctive tJ go mais unit les deux
propositions en exprimant un certain sentiment dopposition la distance syntaxique
entre les propositions devant tout de mecircme ecirctre souligneacutee par la virgule et la copule
Tt desli marque lexistence du rapport entre le terme quelle deacutetermine et le reste de
la plOposition selon un certain niveau de politesse tel un emballage rendant la
plOposition mieux preacutesentable La compreacutehension de la nuance que chacun de ces
termes apporte agrave la phrase demande une plus grande connaissance de la grammaire
86
japonaise quun simple index Seule la particule Ij ]la en theacutematisant le terme auquel
elle est adjointe cest-agrave-dire en le mettant agrave distance et en le pointant du doigt agit
principalement comme un index et constitue en cela un eacutegisignc indcxicol rheacutellloiquc
Les termes de premiegravere intention tels les noms et les bases connectives des verbes ou
des adjectifs sont quant agrave eux des leacutegisigncs ~Yl77b()liqucs rheacutel77oiqllcs plus
authentiques car cest peacutelr eux que la proposition acquiert sa compreacutehension fis
comportent neacuteanmoins un certain aspect indexical puisque cest eux qui ancrent la
proposition dans la reacutealiteacute eacutelctuelle La complexiteacute de leur forme grarhique en konji
compeacutelreacutee aux autres eacuteleacutements en kano rellegravete aussi sous un aspect iconique cette
fois limportance de leur cheacutelrge seacutemantique Ceci nous conlirme bien que les
symboles peuvent impliquer des index et des icocircnes et mecircme que les termes de
seconde intention eacutecrits en kanji participent de la sorte agrave la diagrammaticiteacute de
leacutecriture
Les konji et les kono en tant que graphegravemes abstraits de leur fonction
grammaticale se distinguent aussi dans leurs aspects seacutemiotiques Les konosont des
signes phoneacutetiques repreacutesentant des mores et sont donc de purs leacutegisignes
~ymb()liqucs rheacutemaiques Ils se lisent directement mecircme si lon ne comprend pas le
sens des mots ni de la ph rase Il nest pas neacutecessai re de les mettre en re lation avec
dautres signes dans le contexte de la phrase pour les lire Les kanji sont pour leur part
des signes plus complexes et leur composition interne est exploiteacutee afin de
reconstruire leur signification Ils peuvent ecirctre analyseacutes en eacuteleacutements plus petits
entretenant entre eux des relations signi liantes (des ensembles de traits ou de
radicaux) Ils constituent en cela des leacutegisigne~ ~Ylllb()liqllcS diccns bien que dans leur
fonction normale de repreacutesentation lorsquils sont immeacutediatement reconnus et
demeurent transparents leur aspect symbolique dominant reste lheacutematique Ces
leacutegi~igncs symholiqlles rheacutellCIiqllcl sont toutefois imparfaits car leur interpreacutetation
correcte neacutecessite une mise en contexte plusieurs lectures eacutetant possibles En tant que
rhegravemes ils deacuteterm inent linterpreacutetation en vertu de caractegraveres rlOpres agrave leur objet
87
relatifs au sens et au son des mots repreacutesenteacutes mais offrent plusieurs possibiliteacutes agrave
cet eacutegard et sont donc des signes lheacutematiques geacuteneacuteraux plutocirct que deacutetermineacutes
Laspect dicent secondaire mais pertinent agrave lanalyse des kon)i est perdu dans
leur trlIlsformation en kolokono alors quils se trouvent en quelque sorte aplanis (et
allongeacutes) Les kona de Z- J beeshiku basic ne sanalysent pas plus avant que
les mores quils repreacutesentent mais les kanji de ~$ kihon fondement ont chacun
plusieurs lectures possi bles qu i permettent den reeonstru ire le sens de Li iverses
maniegraveres par exemple ~ peut aussi se lire 171010 signifiant base et donnant entre
autres le verbe ~j lt IIIOloczukll baseacute sur tirant son origine de tandis que $ peut
eacutegalement se lire de la mecircme faccedilon molo origine tous autant dindices il la lecture et
la com preacutehension du mot ~$ Laspect rheacutematiq ue des kOlokono est cependant plus
eacutevident que pour les kunji la phoneacutetisation faisant plus directement reacutefeacuterence agrave son
objet la more
Leacutecriture mixte konji-kono est quant agrave elle le eacutegisigne vmboiqlle dicenl le
plus authentique du systegraveme Elle est composeacutee de quasi-propositions graphiques
(des dicisignes) qui donnent accegraves au sens de leurs objets des phrases de la langue
japonaise Les signes de leacutecriture mixte informent le lecteur et scripteur quant au son
et au sens il accorder aux termes par leur symboliciteacute lheacutematique et aux propositions
par leur diagral1lmaticiteacute Les sujets logiques dela quasi-proposition graphique
B~gO)~XIj~aUZC91J~ 75 A~gfjQ 1) AYA Y 1) -XC9o
sont les signes de premiegravere intention eacutecrits en kanji et en kolawno B ~~j ~
X l1~x 75A~~f QI)AYAYI)-X tandis que son preacutedicat logique
geacuteneacuteral est la relation repreacutesenteacutee par le diagramme de lalternance entre wnji kona et
ponctuation
DDOnOOooobullbullbull 00000000000000bullbull0
Il est rendu deacutetermineacute par les signes de seconde intention eacutecrits en hirogano 0)
88
r~r Ct IF f~r Ct Le preacutedicat logique ne change pas avec la
transformation en kalakona seuls les sujets logiques eacutetant aHecteacutes lancrage dans la
reacutealiteacute actuelle est moclaliseacute par de nouvelles fmmes speacutecifiques de leacutecriture aux
aspects seacutemiotiques diffeacuterents Ainsi la transformation de eacutecriture japonaise ne
change pas sa structure syntaxique mais bien son rapport agrave la langue usuelle et au
monde sa seacutemantique Nous comprenons eacutegalement agrave preacutesent que leacutecriture saisie en
diachronie dans sa transformation historique puisse constituer un argument une
quasi-proposition se transformant en une autre Les nuances seacutemantiques laissent
perdurer une certaine structure syntaxique qui se constitue par lhabitude en regravegle
syntaxique Une certaine tendance eacutevolutive dans le sens de la phoneacutetisation de
leacutecriture peut aussi ecirctre perccedilue dun autre point de vue Lexamen pl us appro fond i de
ces arguments sera le propre de 111 critique logique
Lanalyse logique critique de leacutecriture japonaise cherche agrave deacuteterminer jusquagrave
quel point le signe eacutecrit constitue une repreacutesentation adeacutequate de son objet cest-agraveshy
dire de la langue japonaise et du langage logique qui lui est sous-jacent Elle critique
liumlnformation veacutehiculeacutee par le signe et ne soccupe donc que des signes qui informent
tels que les leacutegisignes symboles dicisignes et arguments Lmiddoteacutecriture au premier abord
ne montre pas de faccedilon explicite quel est son interpreacutetant final et elle ne semble donc
pas un argument mais lanalyse seacutemiotique en a distingueacute au niveau de la grammaire
speacuteculative des aspects informati fs tout signe eacutecrit est en son fondement un leacutegisigne
et peut ecirctre dans son rapport agrave lobjet un symbole et dans son rapport agrave
liumlnterpreacutetant un dicisigne Toutefois eacutegalement dans sa transformation historique
reacutecriture constitue bien un argument implicite que lanalyse critique classera selon les
types diumlnfeacuterence et dont elle jugera de la validiteacute Il sagit donc de critiquer chaque
type de signe informatif distingueacute dans leacutecriture japonaise et de voir si la
transformation de eacutecri ture dans le sens de augmentation des kaloko1o la rend pl us
apte agrave repreacutesenter son objet la langue japonaise usuelle La comparaison avec les
sera ici utile faisant contraster les objets et buts speacutecifiques cie chaque eacutecriture
89
Le but principal de leacutecriture japonaise est de transmettre le message en langue
japonaise le plus fidegravelement possible afin de permettre la communication effective de
l information du scri pteu l au lecteur Le signe eacutecrit do i t pour cela tendre agrave la
transparence il ne doit pas se man ifester pour lu i-mecircme mais seulement pou l son
objet La notation des p$ cependant a pour fonction plincipale de permettre
lanalyse logique par le retour reacuteflexif sur le signe et la critique subseacutequente La
logique qui est sous-jacente agrave sa repreacutesentation graphique est tout aussi fondamentale
que celle que le logicien tente de deacutecouvrir dans dautres pheacutenomegravenes Lanalyse de la
notation partic ipe donc agrave janalyse logique quelle su pporte Les signes de leacutecriture
japonaise et des graphes existentiels lepreacutesentent-ils leur objet de maniegravere adeacutequate
Forceacutement ces signes sont contraints par la forme de leur tondement et ne peuvent
sidentitier parfaitement agrave leur objet Mais ils visent un certain but et sils permettent
de latteindre alors on peut consideacuterer quils constituent des repreacutesentations
adeacutequates de leur objet Ladeacutequation de la repreacutesentation est relative agrave leffet viseacute Le
but du signe est son interpreacutetant final le processus qui megravene au nouveau signe son
interpreacutetant dynamique et le nouveau signe effectivement produit linterpreacutetant
immeacutediat Lanalyse logique critique doit eacutevaluer ladeacutequation de linterpreacutetant
immeacutediat agrave son objet en vertu de linterpreacutetant final La consideacuteration de linterpreacutetant
dynamique permet quant agrave elle de comprendre comment sopegravere cette mise en relation
Dans le cas des graphes existentiels lanalyse portera sur le vocabulaire
eacuteleacutementaire de la notation Le vocabulaire eacuteleacutementaire des 5 en leur partie Seta est
composeacute de symboles de sujets de la coupure (symbolique) de la ligne didentiteacute
(iconique) et implicitement de la juxtaposition La symboliciteacute des sujets et de la
coupure de mecircme que liumlconiciteacute de la ligne didentiteacute sont-elles les aspects
seacutemiotiques les plus appmprieacutes agrave fagraveire ressoltil lors de la repreacutesentation de la logique
des propositions analyseacutees Les sujets logiques sont des index des termes agrave la
signification deacutetermineacutee qui ancrent la proposition dans la reacutealiteacute actuelle Les signes
repreacutesentant ces sujets seraient donc ideacutealement des index ou plus exactement des
90
leacutegisignes indexicaux lheacutematiques Peirce donne le plus souvent dans ses exemples de
graphes des sujets tels que laquoest un hommeraquo et laquoest mortelraquo (CP 4407 1903) donc
des leacutegisignes symboliques lheacutematiques mais larcheacutetype du sujet logique en tant que
leacutegisigne indexical lheacutematique serait plutocirct un pronom deacutemonstratif tel que laquoceciraquo ou
laquocelaraquo ou mecircme une simple lettre de lalphabet telle quutiliseacutee dans la notation de la
logique formelle contemporaine (les exemples de graphes donneacutes dans la
correspondance agrave Lady Welby utilisent de telles lettres cf SampS 94-130 J909)
Lillustration commune par des symboles nest donc pas la plus adeacutequate mais
poursuit sans doute un but peacutedagogique secondaire agrave lanalyse du raisonnement
proprement dite et rend agrave cet effet la notation plus familiegravere cn utilisant des mots de la
langue usuelle Lemploi plus technique des lettres de lalphabet est cependant tout agrave
fagraveit apte agrave repreacutesenter les sujets logiques en leur caractegravere essentiel dindex La
neacutegation est quant agrave elle une cateacutegorie particuliegravere de la qualiteacute et la neacutegation logique
modalise donc la qualiteacute dun terme ou dune proposition Son signe serait ideacutealement
un leacutegisigne iconique lheacutematique La coupure est suggestive de cette modalisation
ma is ne lopegravele pas sans une cOllVention exp 1ic ite son 1ien avec la neacutegation restant
contingent Un changement de couleur des signes nieacutes aurait peut-ecirctre eacuteteacute plus
adeacutequat La coupure permet cependant la lecture endoporeutique de lexteacuterieur vers
linteacuterieur du graphe une convention fagravecilitant linterpreacutetation La relation didentiteacute
constituant le preacutedicat geacuteneacuteral de la proposition est finalement lexpression la plus
simple de lessence de la proposition Son signe le plus adeacutequat serait donc une icocircne
la plus authentique possible La ligne didentiteacute par la continuiteacute de son trait reliant
les symboles de sujets est un signe iconique lheacutematique des plus adeacutequats dans le
cadre dune analyse logique neacutecessitant lemploi dune notation conventionnelle en
son fondement un leacutegisigne La ligne didentiteacute est de la sorte un leacutegisigne iconique
lheacutematique le pJus approprieacute des signes vu les contraintes formelles imposeacutees par le
type de notation servant il lanalyse du raisonnement Les graphes existentiels font
donc ressortir dans la composition graphique de leurs signes explicites la structure
logique des propositions et arguments quils repreacutesentent en exploitant divers aspects
91
seacutemiotiques du signe qui correspondent aux divers aspects de la reacutealiteacute
Dans le cas de leacutecritule japonaise lanalyse portera sur les principaux signes
distingueacutes dans lexamen de la grammaire speacuteculative soit leacutecriture mixte konji-kona
et largument de la transformation en kalakano La quasi-proposition graphique de
leacutecriture mixte est com poseacutee de sujets logiques et dun preacuted icat logique geacuteneacuteral Les
sujets logiques sont comme dans lesif des index et leurs signes ideacuteaux dans une
repreacutesentation conventionnelle servant agrave lanalyse du raisonnement seraient des
leacutegisignes indexicaux rheacutematiques Mais le but de leacutecriture japonaise est de
repreacutesenter une langue usuelle servant avant tout agrave la communication effective entre
interlocuteurs et les leacutegisignes symboliques lheacutematiques que sont les kanji el
kalakana repreacutesentant les sujets logiques de leacutecriture jouent convenablement leur
rocircle ils ancrent la proposition dans une langue conventionnelle et non seulement dans
le monde actuel Les konji sont mecircme agrave ce sujet un peu plus approprieacutes que les
kalokana car ils tendent agrave la symboliciteacute dicente leur interpreacutetation interne ou en
contexte eacutetant plus complexe tandis que les kana tendent agrave lindexicaliteacute rheacutematique
indiquant chacun tel son deacutetermineacute Dans un contexte sociolinguistique ougrave la
connaissance de la convention de leacutecriture tagraveit deacutetagraveut les kOlokono sont cependant
preacutefeumlrables un but diffeacuterent daccessibiliteacute agrave Jinformation eacutetant alors poursuivi Le
preacutedic8t logique geacuteneacuteral repreacutesenteacute par leacutecriture mixte est pour sa part la syntaxe de la
langue japonaise lorganisation des relations logiques propre agrave cette langue Le
diagramme un sous-type de leacutegisigne iconique rheacutematique en est le type de signe
ideacuteal relleacutetant en son fondement la structure relationnelle propre agrave la syntaxe Le
diagramme de lalternance entre types deacutecriture en indiquant la structure
fondamentale thegraveme-commentaire est un signe de la syntaxe japonaise des plus
adeacutequats Il est quelque peu embrouilleacute par lutilisation des hiragafo dans la
structuration interne et non seulement externe du thegraveme et du commentaire mais Ilen
demeure pas moins un signe explicite de la syntaxe japonaise dans son ensemble
Leacutecriture mixte par le jeu entre ses deux composantes logiques repreacutesente donc
92
adeacutequatement la nature propositionnelle de la langue japonaise
Les transformations actuelles de leacutecriture japonaise preacutesentent un certain
aspect argumentatif Lobjet de cet argument est le contact des langues auquel est
actuellement sujette la langue japonaise Lassimilation de mots eacutetrangers principal
effet du contact des langues ne moditiumle pas la structure syntaxique fondamentale de la
langue mais change bien la coloration le ton la nLiance de ses termes un certain
aspect qualitatif de la langue est transformeacute La langue japonaise en tant que signe
deacuteterm ine son interpreacutetant en vertu de nouvelles quai iteacutes prem iegraveres de son fondement
la forme des mots dorigine eacutetrangegravere assimileacutes Sa rheacutematiciteacute est donc affecteacutee La
repreacutesentation de ces mots par des katakal10 et laugmentation sign ifiumlcative du nom bre
de katakano dans le texte japonais sont un signe adeacutequat de la transformation de la
langue japona ise Les katokana otfren t un aspect qua 1itatif d i lteumlrent de cel uides konji
qui transforme la rheacutematiciteacute des termes de la quasi-proposition En quoi consiste
largument Largument de la transformation actuelle de leacutecriture japonaise est L1ne
infeacuterence deacuteductive dont la regravegle reste implicite Cette regravegle eacutenonceacutee de faccedilon geacuteneacuterale
est que si seuls les sujets logiques de la quasi-proposition sont moditiumleacutes et non son
preacutedicat logique geacuteneacuteral alors la structure fondamentale de la langue japonaise reste la
mecircme car cest la relation didentiteacute du preacutedicat qui fonde sa syntaxe Eacutenonceacutee de
maniegravere speacutecifique agrave leacutecriture japonaise cette regravegle devient si seuls les leacutegisignes
symboliques lheacutematiques des termes de premiegravere intention sujets de la quasishy
propos i tion sont mod i fieacutes alors le diagramme fondamenta 1 de leacutecriture le preacuted icat
geacuteneacuteral reste le mecircme Le cas actuel observeacute est une transformation de la rheacutematiciteacute
des termes de premiegravere intention cie leacutecriture japonaise Le reacutesultat perccedilu agrave travers la
diachronie est que le diagramme de leacutecriture reste le mecircme de mecircme que la syntaxe
de la langue Nous pouvons tiumlnalement illustrer et reacutesumer largument de la maniegravere
suivante
93
B~~(J)~9It~~9T9tlmiddot 77- z~~It1J I)zz Y 1) -9T90
B~~(J) 1(- IJ 91t--j- - YT9tJ 77- z~~lt IJ 1) z z 1) -YT90
000000000bullbullbull 00000000000000bullbull0
0000000000000bullbullbull OOUOOOOOOOOOOObullbullo
Regravegle-Si seule la rheacutematiciteacute cles termes de premiegravere intention de leacutecriture
japonaise est modifieacutee alors son diagramme reste le mecircme
Cas-Seule la rheacutematiciteacute des termes cie premiegravere intention cie leacutecriture japonaise
est Illodi fieacutee
Reacutesultat-Le diagramme de leacutecriture japonaise reste le mecircme
223 Critique de lanalyse seacutemiotique
Le retour reacuteflexif et critique sur lanalyse seacutemiotique permettra agrave preacutesent de
mieux saisir les aspects eacutepisteacutemologiques de Iapplication de la theacuteorie seacutemiotique agrave
leacutetude de Ieacutecriture La reacuteflexion sera eacutelaboreacutee agrave partir des cateacutegories particuliegraveres de la
signification et de la modaliteacute et permettra de juger du bien-fondeacute de lapplication de la
seacutemiotique Le retour se fera dabord sur la theacuteorie geacuteneacuterale de leacutecriture comme signe
eacutelaboreacutee puis sur lapplication speacutecifique agrave leacutecriture japonaise et le problegraveme de sa
transformation actuelle Jexaminerai plus speacutecifiquement les concepts et les types
dinfeumlrence utiliseacutes en deacutefinissant les concepts philosophiques de la seacutemiotique et les
concepts idioscopiques de la linguistique et en deacuteterminant comment seffectue la
transformation dun type de concept en Iautre Je ferai ainsi ressortir Iargument qui
justifie le passage de la seacutemiotique agrave la science de jeacutecriture
Les concepts philosophiques de la seacutemiotique sont des concepts geacuteneacuteraux
servant de normes au raisonnement Prenons par exemple les concepts seacutemiotiques de
fondelllent en tant que constituant du signe et de diogrUlllllle en tant que type de signe
Ces deux concepts reacutefegraverent agrave une certaine structure de la reacutealiteacute que la seacutemiotique
94
philosophique cherche il repreacutesenter Ce sont des concepts philosophiques en ce
quils sappliquent agrave lexpeacuterience commune de la reacutealiteacute actuelle Ce sont aussi des
concepts seacutemiotiques en ce quils sappliquent plus speacutecifiquement agrave la penseacutee qui se
deacuteveloppe de signe en signe Ils servent finalement de normes au raisonnement en ce
quils constituent des principes directeurs pour toute reacuteflexion systeacutematiquement
ulteacuterieure SUI les lepreacutesentations neacutecessaires de la reacutealiteacute propres agrave la science Le
fondement repreacutesente ainsi un eacuteleacutement de la structure du signe laspect selon lequel le
signe en soi deacuteterm ine la repreacutesentation que lon se doit de consideacuterer dans toute
repreacutesentation adeacutequate de la reacutealiteacute Le diagramme en repreacutesentant un type de signe
rend quant agrave lui explicite laspect selon lequel le signe repreacutesente un ensemble de
re lat ions reacuteelles ce que lon se doit eacutegalement de consideacuterer dans la repreacutesentation
particuliegravere de la reacutealiteacute en vertu des relations propres agrave un objet La seacutemiotique
inaugure donc le mouvement reacuteflexif et critique de la penseacutee qui fait alors retour sur
ses propres repreacutesentations et sert en cela de fondement agrave toute repreacutesentation
scientifique Le concept seacutemiotique exprime de la sorte une relation possible en voie
dactualisation dans la repreacutesentation dun objet reacuteel par son signe
Les concepts idioscopiques de la linguistique sont des concepts geacuteneacuteraux
servant agrave la classification des langues et de leurs eacuteleacutements En classifiant des
propositions qui peuvent se constituer en arguments la linguistique tend aussi agrave
repreacutesenter les lois du langage Par exemple les regravegles grammaticales sont des
propositions pouvant composer des arguments dune theacuteorie de la syntaxe Ces regravegles
lorsque duumlment justifieacutees par les 8rguments quelles composent deviennent
effectivement des lois de la langue il laquelle elles sappliquent Les regravegles
grammaticales ordinaires sont cependant des propositions constitutives dune theacuteorie
linguistique construite par le bas il partir des donneacutees factuelles accumuleacutees dans les
recherches de cette science idioscopique attacheacutee agrave lobservation des fagraveits propres aux
langues speacutecifiques Les concepts linguistiques qui nous inteacuteressent sont plutocirct ceux
deacuteriveacutes de la seacutemiotique tels queacutelaboreacutes dans lanalyse de leacutecriture des sections
95
preacuteceacutedentes Prenons ainsi pour exemple les concepts defocircndelJent de leacutecriture tel
que deacuteveloppeacute dans la theacuteorie geacuteneacuterale de leacutecriture comme signe el de diogroJJJJI1e de
eacutecriture tel que deacuteveloppeacute dans lanalyse de leacutecriture japonaise et de ses
transformations actuelles Ces concepts eacutelaboreacutes agrave partir de la seacutemiotique rentrent euxshy
mecircmes dans la composition dune theacuteorie de la syntaxe et de la seacutemantique graphiques
de leacutecriture Le fondement de leacutecriture est la forme speacutecifique dun signe deacutetermineacute
leacutecriture qui deacutetermine la repreacutesentation de la reacutealiteacute par ce signe Le concept
linguistique de fondement de leacutecriture est donc agrave la fois mieux deacutelinIcirc el plus geacuteneacuteral
que le concept seacutemiotique de fondement tout court car sa compreacutehension et son
extension sont preacuteciseacutees il ne sagit plus du signe mais de leacutecriture un ensemble
speacutecifique de signes comprenant toutefois plusieurs types deacutecriture eux-mecircmes
deacutefinissables plus avant Le diagramme de leacutecriture est de la mecircme faccedilon un aspect de
lo~jet reacuteel plus preacutecis de fa langue rendu explicite par leacutecriture dont plusieurs
langues et eacutecritures peuvent cependant ofTrir des formes diffeumlrentes Les sciences
idioscopiques achegravevent donc le mouvement reacuteflexif de la penseacutee en le faisant porter
dans un retour pragmatique sur des objets speacutecifiques de la reacutealiteacute actuelle dont la
consideacuteration megravenera ultimement agrave certaines conduites controcircleacutees par la raison Le
concept idioscopique exprime ainsi une relation neacutecessaire entre la repreacutesentation et la
reacutealiteacute repreacutesenteacutee une loi de la nature ou du deacuteveloppement naturel de lactiviteacute
humaine
Leacutepisteacutemologie suite agrave la distinction et la deacutefinition des dif1eumlrents types de
concepts geacuteneacuteraux peut aussi effectuer un retour critique sur la transtormation de
certains concepts en autres concepts tel que leffectue la logique crilique au sujet des
signes infonnatifs Lobjet seacutemiotique plus preacutecis de leacutepisteacutemologie est la
connaissance qui est deacutetlnie classiquement comme une croyance vraie justifieacutee Cette
croyance est une proposition constitueacutee de rhegravemes Elle est consideacutereacutee vraie lorsque
les sujets de ces rhegravemes reacuteduits agrave la relation didentiteacute fondamentale de mecircme que la
structure repreacutesenteacutee par ces rhegravemes en tant que preacutedicats geacuteneacuteraux saccordent avec
96
la reacutealiteacute actuelle Elle est de plus justifieacutee par un argument qui la relie logiquement agrave
dautres propositions vraies lui donnant de la sorte des points dancrage
suppleacutementaires dans la reacutealiteacute actuelle qui viennent assurer sa propre adeacutequation au
reacuteel Quel est largument qui justifie la transformation des concepts seacutemiotiques en
concepts linguistiques Le principal type diumlnfeumllence par lequel les concepts
philosophiques de la seacutemiotique sont transformeacutes en concepts idioscopiques de la
linguistique est la deacuteduction Dans le cas du diagramme par exemple largument
deacuteductifspeacutecifique qui justifie son application agrave Ieacutecriture prend pour regravegle le principe
directeur de la seacutemiotique suivant si un signe entretient sous un celtain aspect avec
son objet une relation de similitude en vertu de relations propres agrave lobjet et au signe
alors ce signe est un diagramme Le cas auquel il sapplique est le fagraveit constateacute que
leacutecriture est un signe qui sous un certain aspect entretient avec son objet speacutecifique
la langue usuelle une relation de similitude en vertu de relations propres agrave lui-mecircme et
agrave ce dernier Le reacutesultat en est que dans la reacutellexion du linguiste sur la repreacutesentation
de lobjet reacuteel de la langue usuelle quest leacutecriture ce dernier signe est interpreacuteteacute
comme un diagramme La seacutemiotique fournit de la sorte une regravegle agrave linterpreacutetation
dun cas speacuteci1ique de la linguistique interpreacutetation qui produit un concept
linguistique Les concepts seacutemiotiques sont donc des termes de la proposition servant
de regravegles qui sont repris dans une version plus preacutecise et geacuteneacuteralisable agrave un ensemble
dobjets actuels en tan t que conce pts id ioscop iq ues L infeumlrence effectueacutee nest pas
en cela une simple deacuteduction mais un type diumln1eumlrence deacuteductive plus preacutecis
comprenant un certain aspect abductir la speacutecification (descent) du concept de
diagramme La peacutecJjicoioJ1 est un type diumlnfeacuterence qui augmente la compreacutehension
dun concept tout en en diminuant lextension et augmente globalement linformation
veacutehiculeacutee (sa parI abductive) Cest agrave la fois une deacutetermination (augmentation de la
compreacutehension) et une restriction (diminution de lextension) (CP 2422-29 1867
1893) Dans le cas de la transformation du concept de diagramme un nouveau concept
est produit le diagramme de leacutecriture suite agrave une augmentation de la compreacutehension
lacquisition de la qualiteacute deacutecriture et une diminution de lextension du concept la
97
limitation aux seuls signes eacutecrits Largument peut finalement ecirctre scheacutematiseacute de la
fagraveccedilon suivante
Regravegle-Si un signe entretien avec son objet une relation de similitude en vertu de
relations propres agrave lobjet et au signe alors ce signe est un c1iagreacutellnme
CilS speacutecitique-Leacutecriture est un signe qui entretien avec son objet la langue
usuelle une relation ck similitude en vertu de reliltions propres agrave lui-mecircme e
agrave ce dernier
Reacutesultill-Leacutecriture est un diagramme de la langue usuelle
Le dernier moment de la reacuteflexion dordre eacutepisteacutemologique est liumlnterpreacutetation
geacuteneacuterale de largument distingueacute replaccedilant ce dernier clans lensemble du systegraveme
peirceacuteen et allant dans le sens du pragmatisme Les concepts seacutemiotiques ont eacuteteacute dits
fonder la reacuteflexion systeacutematiquement ulteacuterieure sur les repreacutesentations de la science
mais le systegraveme peirceacuteen renvoie en fait agrave toute une ontologie Chaque niveau du
systegraveme est caracteacuteriseacute par un ensemble de cateacutegories qui speacuteci fient le point de vLle
que ce premier prend sur la reacutealiteacute La transformation des concepts scientifiques
correspond donc agrave un changement de niveau ontologique ainsi les concepts
seacutem iotiq ues extra its de leur si tuation particul iegravere au se in des sc iences ph i losoph iques
normatives ont-ils eacuteteacute appliqueacutes agrave leacutetude de leacutecriture une science idioscopique
psychique La reacuteflexion agrave ce sujet seffectuant par les signes du langage on se rend
aussi compte que le point de vue seacutemiotique sur lactiviteacute scientifique implique quau
langage soit confeacutereacute un statut particulier parmi les objets constituant la reacutealiteacute le
langage occupe plusieurs niveaux de la reacutealiteacute et permet de passer dun niveau agrave
lautre Ce serait son aspect meacutediateur en tant que signe triadique qui ressortirait ici et
le caracteacuteriserait avant tout
En quoi la reacuteflexion eacutepisteacutemologique sappuie-t-elle sur la doctrine du
pragmatisme Leacutepisteacutemologie est une science meacutetaphysique faisant retour sur les
connaissances deacuteveloppeacutees par le raisonnement Le pragmatisme est quant agrave lui une
doctrine de la meacutethodeutique science anteacutelieule agrave la meacutetaphysique et ayant des
98
conseacutequences sur cette dell1iegravere La conseacutequence la plus proprement eacutepisteacutemologique
est le faillibilisme ou plus geacuteneacuteralement le sens commun critique Nous reconnaicirctrons
ces conseacutequences du pragmatisme en mettant en lien deux aspects de la transformation
des signes constateacutes dans la critique logique et la critique eacutepisteacutemologique Dans
lana lyse logique critiq ue nous avons pu remarquer 1iuml mportance de certains types de
signe du point de vue de la seacutemiose Un signe qui ne nous inlorme pas qui ne
deacuteveloppe pas son aspect de Troisiegravemeteacute ne nous affectera que momentaneacutement en
tant que Deuxiegraveme ou inconsciemment en tant que Premier ce sont donc les signes
informatifs et ultimement les arguments qui nous affectent le plus en prenant controcircle
de notre vie et de notre monde comme repreacutesentation Cependant les arguments se
deacuteveloppent et sajustent selon que la contiontation avec la reacutealiteacute actuelle vienne les
confirmer ou non En faisant ressortir cet aspect de la seacutemiose la critique logique vient
fonder le faillibilisme Dans la critique eacutepisteacutemologique nOLIs avons aussi vu que les
concepts se deacuteveloppent systeacutematiquement dans le sens du retour sur la reacutealiteacute
actuelle en tant que principes directeurs de repreacutesentations deacutetermineacutees cie la reacutealiteacute
puis densembles de repreacutesentations speacutecifiques Cette constatation est baseacutee sur des
principes de la logique la deacuteduction et plus preacuteciseacutement la speacutecification rendus
explicites par la critique logique Le principe du pragmatisme est donc opeacuterant dun
point de vue eacutepisteacutemologique dans le deacuteveloppement de la connaissance au sein du
systegraveme des sciences mais se fonde sur une logique deacutegageacutee par lanalyse seacutemiotique
Finalement lanalyse seacutemiotique ne nous a pas fait deacutecouvrir la structure logique de la
langue que la grammaire distinguait deacutejagrave dans son travail de reacutellexion theacuteorique agrave partir
de donneacutees lagravectuelles mais a permis en explicitant les principes directeurs de la
repreacutesentation par signes de fonder lanalyse grammaticale et de rendre ses
explications plus claires moins opaques plus conformes agrave leur objet Cest ce que la
critique eacutepisteacutemologique nous fait constater
Conclusion
Lapplication de la seacutemiotique philosophique agrave leacutetude de leacutecriture est
leacutegitimeacutee par une certaine logique de la transformation des concepts au moyen dune
inrerence valide qui prend la forme dClrguments speacutecifiques Cette application sous
son aspect logique se 10nde donc sur la seacutem iotique en tant que science normative
donnant les principes directeurs du raisonnement La seacutemiotique se base quant agrave elle
sur la phaneacuteroscopie qui lui tournit agrave son tour les cateacutegories universelles et
particuliegraveres de lexpeacuterience repreacutesentant la structure de la reacutealiteacute et permettant
deacutelaborer la reacuterlexion sur les r-ormes geacuteneacuterales de la reacutealiteacute que sont les signes Le
deacuteveloppement des cateacutegories et plus preacuteciseacutement des signes suit de plus un certain
ordre dont le but viseacute du retour sur la reacutealiteacute actuelle atin de reacutealiser ladeacutequation
entre la raison individuelle et le monde est rendu explicite par un mouvement
reacutetrospectif dans le principe du prClgmatisme Ladeacutequation de la raison au reacuteel est le
motif mecircme de lapproche seacutemiotique de leacutecriture qui a pour but de rendre les
repreacutesentations de la science idioscopique de leacutecriture plus conronnes agrave la structure
reacuteelle du langage repreacutesenteacute
Linterpreacutetation de la philosophie peirceacuteenne et son application agrave leacutetude de
leacutecriture proposeacutees dans ce meacutemoire possegravedent quelques particulariteacutes les
deacutemarquallt de lexeacutegegravese traditionnelle Tout dabord la meacutethodeutique (le
pragmatisme) et la meacutetaphys iq ue on t eacuteteacute preacutesenteacutees en prem ier alors quelles son t
toutes deux les derniegraveres sciences (Troisiegravemes) de leurs branches respectives alin de
donner degraves le deacutepart le but viseacute des sciences philosophiques dans le premier chapitre
qui repreacutesente somme toute un exposeacute reacutetrospectif du systegraveme peirceacuteen Lexposeacute de
la phaneacuteroscopie a ensuite eacuteteacute eacutelClboreacute en preacutesentant non seulement les cateacutegories
universelles mais aussi les cateacutegories particuliegraveres comme r-ondamentales agrave la penseacutee
peirceacuteenne en mettant toutefois laccent sur les cateacutegories particuliegraveres de la modaliteacute
et de la signirication Lexposeacute suivant de la seacutemiotique ne sest pas de la mecircme faccedilon
100
limiteacute agrave la preacutesentation de la grammaire speacuteculative mais sest eacutetendu jusquagrave la
logique critique pour faire finalement retour sur la doctrine du pragmatisme preacutesenteacutee
en deacutebut de chapitre La notation logique des graphes existentiels a quant agrave elle servi
dexemple privileacutegieacute dun systegraveme deacutecriture deacuteveloppeacute agrave partir des principes de la
seacutemiotique
Lapplication agrave leacutetude de leacutecriture et au cas speacutecifique de leacutecriture japonaise
a permis au second chapitre de deacuteterminer la porteacutee de la seacutemiotique philosophique
sur une science idioscopique plus preacutecise Le motif structurant de lexposeacute a plutocirct
eacuteteacute dans ce chapitre de partir agrave chaque fois dun exemple lagravemilier les theacuteories
linguistiques de leacutecriture japonaise et la graml11airejaponaise pour ensuite deacutevelopper
lanalyse seacutemiotique Lapproche seacutemiotique a permis entre autres de formuler une
interpreacutetation originale de la structure syntaxique eacuteleacutementaire de la langue japonaise et
de la fonction signifiante de son eacutecriture La reacuteflexion eacutepisteacutemologique a finalement
permis deffectuer un retour critique et global sur lapplication quelle a justifieacutee en
faisant ressortir largument par lequel seffectue le passage dun type cie concept agrave un
autre La critique eacutepisteacutemologique a eacutegalement permis une premiegravere ouverture
meacutetaphysique de Janalyse seacutemiotique par le retour reacutellexif sur cette derniegravere
Jaimerais suggeacuterer en conclusion de ce meacutemoire deux autres pistes permettant
douvrir lana lyse seacutem iotiq ue plus avant mais cette fois-ci au se in des sciences
normatives du systegraveme peirceacuteen soit celles de leacutethique et de lestheacutetique
Deux ouvertlires eacutethiq1le et estheacutetiq1le
Peirce a peu eacutecrit sur leacutethique et lestheacutetique maIs on retrouve dans son
œuvre plusieurs passages qui permettent de reconstruire agrave peu pregraves sa penseacutee agrave ce
sujet Dans le domaine de leacutethique Peirce suit avant tout la tradition kantienne qui
met laccent sur lautonomie du sujet moral et limportance du devoir Il fonde de plus
101
leacutethique sur lestheacutetique tel que nous lavons vu dans la preacutesentation du systegraveme des
sciences La maicirctrise de soi est lultime moment eacutethique de la vie et son but doit ecirctre
de rendre cette vie belle et admirable La libre volonteacute est elle-mecircme dirigeacutee vers ce but
propre et rien dautre si ce nest que par deacuterivation (une rdlexion cie Peirce explicite agrave
ce sujet dans une lettre agrave Lady Welby en SampS 112 1909)
Quel lien peut entretenir la theacuteorie seacutemiotique de leacutecriture japonaise avec
leacutethique La theacuteorie seacutemiotique de leacutecriture pourrait ici fonder le retour pragmatiste
de la raison sur une dimension eacutethique plus vaste cie la reacutealiteacute actuelle le controcircle clu
deacuteveloppement de la culture En comprenant mieux les eHets cles transformations
actuelles de leacutecriture dun point de vue seacutemiotique on serait plus apte agrave juger du
bien-fondeacute dune intervention normative agrave ce sujet et on pourrait ainsi fonder une
veacuteritable politique de leacutecriture Peirce lui-mecircme a reacutefleacutechi agrave un problegraveme analogue agrave la
transformation de leacutecriture dans le sens de laugmentation des kalakana soit la
reacuteforme de lorthographe anglaise dans le sens de sa phoneacutetisation Il eacutetait sur ce point
plutocirct conservateur sont motif eacutetant en cela cie sauver lltltesprit)) de la langue anglaise
le monde de signification auquel participe et que fonde dun cel1ain point de vue non
neacutegligeable lorthographe de la langue anglaise Cette position est illustreacutee dans la
citation suivante qui pourrait servir cie leccedilon agrave une reacutellexion ulteacuterieure sur le cas de
leacutecriture japonaise et sa reacuteforme
1 remember in Rome in 1870 lt111 Egyptian obelisk covered Vitll hieroglyphics
surmounted by a gilt cross and resting on eacutel base Vith eacuteln inscription of Trsjltln This
monument pleased me greeacuteltly as eacuteln epitome o~ Rome Probably ere tllis tlle cross
Ilas been removed by tllose wllom it seemecl barbmously unllistoriceacutell They were
unconscious theacutelt il WeacutelS their own proceeding thsl wss barbmously oblivious of
Ilistory But 1 woulcl not have il restored for its removal bespeaks the spirit of s
new historicsl phase or the eternal city English spelling is like Rome it is a
historical composite of the most heterogeneous elements Il is onen absurcl but
that very absurclity is of value to us To raze Rome and have it rebuilt by Cl
Chazago architect would be less detrimental to the higher interests of the human
race than to reform English spclling sa as ta Illake it ljuite phanetic The one
102
would not only do terrible violence ta our sentiments but woulcL [no doubt alleet
the lesthetic development of the worlcl But even this would not be sa bacl as ta
deprive English-writing thought-we will not say of its clolhing for that would be a
most inaclequate meta phare Ta attem pt ta revo 1ution ize Engl ish spell ing whi le
leaving Anglo-saxon thought intact would be like trying ta burn up the cellulose of
the rose while leaving its color ancl beauty ancl significance (MS 1181 laquoThe
Eclitors Manual English Spellingraquo c 1886-9 1901)
Lestheacutetique agrave son tour ne consiste pas en une pure contemplation de la
Premiegravereteacute car il sagit dune science posseacutedant une part importante de Troisiegravemeteacute
un certain type de raisonnement neacutecessaire De toute faccedilon en tant quactiviteacute
humaine il sagit aussi dun type dexpression prenant le point de vue du phaneacuteron
sur lui-mecircme et ses trois aspects fondamentaux omnipreacutesents et irreacuteductibles Le
jugement estheacutetique consiste en un retour agrave un certain degreacute de Premiegravereteacute mais reste
en tant que repreacutesentation de la reacutealiteacute toujours soumis agrave lineacutevitable triadiciteacute du
monde phaneacuteronique De ce point de vue la calligraphie lun des arts majeurs de la
culture japonaise bien quelle tend le plus souvent agrave reacutegresser agrave un stade qualitatif
plus eacuteleacutementaire nen reste pas moins un art de leacutecriture un produit de la culture et
de son mode conventionnel dexpression Seulement lart de la calligraphie donne un
point de vue qualitatif sur le phaneacuteron et se distingue en cela de la science de
lestheacutetique qui tend agrave interpreacuteter rationnellement le pheacutenomegravene de la contem p lation
des qualiteacutes La reacuteflexion suivante de Peirce rend explicite cette cleacute de la
com preacutehens ion de lart
and ignorant as 1 am of Art 1 have a lair share of capacity for esthetic
enjoyment and it seems ta me that while in esthetic cnjoymenl we attend ta the
totality of Feeling-ancl especially to the totll resultanl Quality of Feeling
presentecl in the work of art we are contemplating-yet it is a sort of intellectual
sympathy a sense thal here is a feeling that one can comprehencl a reasolleacutelble
feeling 1 do not succeed in saying exactly what it is but it is a consciousness
belongi ng to the category a l Representa tion though representi ng someth ing in the
Category of Quality of Feeling (EP2 190 1903)
103
Ainsi Ianalyse seacutemiotique en plus de sensibiliser aux diverses perspectives
du signe eacutecrit peut eacutegalement souvrir aux multiples dimensions du phaneacuteron ce qui
est sans aucun doute la plus importante marque attestant du caractegravere philosophique
de la seacutemiotique peirceacuteenne De mecircme que pour les conceptions universelles qui bien
quelles ne puissent ecirctre davantage analyseacutees en soi le sont toujours dans leur mise en
relation contextuelle (ce qui serait selon Peirce lune des leccedilons essentielles de la
logique des relations EP2 219 1903) lorsque lanalyse seacutem iotique se parachegraveve
inteacuterieurement la reacuteflexion philosophique qui la soutient peut toujours souvrir et se
deacutevelopper dans le sens des autres sciences philosophiques des autres sciences
heuristiques et mecircme du reste de lactiviteacute humaine Au terme ultime de cette odysseacutee
de la conscience seacutemiotique agrave travers le systegraveme peirceacuteen des sciences nous
reconnaissons donc tinalement le motif Je plus fondamental de ce systegraveme la
continuiteacute de la penseacutee
Annexe 1 Les graphes existentiels (parties Alpha et Geta)
Alpha
Il tonne Il tonne
Il pleut
Il tonne et il pleut Il tonne ou il pleut Siumll tonne alors il pleut
(serail)
Le modus ponenl (selon Roberts 1973 45 avec les regravegles de Shin 2002)
P p
l Preacutem isses
p
2 Erlacement de P en aire non-encercleacutee
3 EHacement de P car P exteacuterieur en l
4 Q Effacement de la double coupure
lOS
Jeta
Cest beau Cest beau
est bon
est bon
Quelque chose est beau et bon Il nest pas le cas que quelque chose soit beau et
bon
est beau( ~
Quelque chose est beau mais pas bon Tout ce LJui est beau est bon
(II nest pas le cas que quelque chose soit
beau
mais pas bon)
EYOkO
donne une 1legraveul
John John donne une neul agrave Yoko (ligature)
106
Syntaxe dAlpha (selon Shin 2002 37-8 84-5)
Vocahulaire
symboles propositionnels (senence symhols)
coupure (cut) [symbolique]
(juxtaposition [quasi-iconique])
Regravegles de formaion
Un ensemble de graphes Alpha c esl le plus petit ensemble satisfaiseacutelnt les
cond i tions su i vantes
1 Un espeacutelce vide est clans r
2 Un symbole propositionnel est dans
3 Fermeture pm juxtaposition Vuxaposilion colure) Si G est dans lt et G
est dans c alors la juxtaposition de ces n graphes cesl-agrave-dire G G est
aussi dans (
4 Fermeture par coupure (CUi cfosure) Si G est dans lt alors une seule coupure cie
G est aussi clans _
Regravegles de ransjOrmaion
1 Dans une aire encercleacutee de faccedilon paire (ou non encercleacutee) disons iaire a
(a) on peut ellagravecer nimporte quel graphe et
(b) on peut dessiner un graphe X sil ya une occurence cie X
(i) clans la mecircme eacutelire cest-agrave-clire laire a ou
(ii) clans leacutel prochaine eacutelire exteacuterieure agrave aire a
2 Dans une aire encercleacutee cie faccedilon ill1paire clisons iaire a
(a) on peut elcrcer un graphe X sil ya une eacute1Lltre occurence cie X
(i) dans la mecircme aire cest-agrave-dire iaire a ou
(ii) dans la prochaine aire exteacuterieure 21 laire a et
(b) on peut dessina nimporte quel graphe
3 Une COUPl( couhle peut ecirctre effeacutelceacutee ou dessineacutee autour cie nimporte quelle
partie (Jun graphe
107
Synfaxe de [Jefa (selon Shin 2002 39-41 139-42 modifieacutee)
Vocabulaire
symboles de sujets
coupure [symbolique]
ligne didentiteacute (fine ojideJ1lity) abbr LI [iconique]
(iux taposition [qUeacutelsi- iconique])
Regravegles dl formation
Un ensemble de graphes Beta est le plus petit ensemble salisfeacutelisanl les
conclitions suivantes
l Un espace vide est cleacutelnsC Il
2 Une ligne cIidentiteacute est clans (
J Fermeture par juxtaposition Si G est dans r et G est clans ( alors leacutel bull 1 lt Il Il
juxtaposition de ces n graphes cest-agrave-dire G G est aussi clans (
4 Fermeture par sujet Si G est dans C~ alors un graphe avec un symbole cie sujet 11shy
aire eacutecrit agrave la jonction cie 11 extreacutemiteacutes libres dans G est aussi dans ltshy5 Fermeture par coupure Si G est dans lt alors un graphe cleacutelns lequel une seule
coupure est dessineacutee dans nimporte quelle sous-partie de G sans croiser un
symbole de sujet est eacutelussi dans etI
6 Fermeture par branche Si G est dans ltgt alors un graphe clans lequel une LI dans
G se branche est aussi deacutelns r
Regravegles dl tJOl1sjoll7(tiol1
l Dans une aile encercleacutee cie faccedilon poire (ou non encercleacutee) clisons laire a
(a) on peut elCreer nimporte quel graphe et
(b) on peut dessiner une LI ou un graphe X sil y eacutel une occulence de X
(i) clans la mecircme aire cest-agrave-dire laire 0 ou
(ii) dans la procheacuteline eacutelire exteacutelieure agrave laire o
2 Dans une aile encercleacutee cie faccedilon iJJljJoire clisons leacutelire 0
(a) on peut elagravecer un graphe X sil y eacutel une autre occurence cie X
(i) cleacutelns la mecircme eacutelire cest-agrave-dire leacutelire 0 ou
(ii) deacutelns la prochaine aire exteacuterieure agrave laire 0 et
(b) on peut dessiner nimporte quel graphe
108
J On peut allonger une extreacutemiteacute libre dune LI
(a) vers linteacuterieur agrave travers une ou des coupures et
(b) vers lexteacuterieur
(i) dune aire-I agrave L1ne aire-P
(ii) dune aire-I agrave L1ne aire- ou
(iii) dune aire-P agrave une aire-P agrave moins quil ny ait une autre LI
(A) qui soit attacheacutee aux mecircmes sujets
(B) dont la porteacutee soit plus grande que la LI que lon deacutesire allonger et
(C) dont la pal1ie la plus exteacuterieure soit dans une aire-P
4 On peLit reacutemcler une extreacutemiteacute libre dune LI
(a) vers l inteacuterieur
(i) dune aire-I agrave L1ne aire-P
(ii) dune aire-P agrave une aire-P ou
(iii) dune aire-I agrave une aire-I agrave moins quil ny ait une autre LI
(A) qui soit attacheacutee aux mecircmes sUIcircets
(B) dont la porteacutee soit plus grande que la LI que Ion deacutesire allonger et
(C) dont la partie la plus exteacuterieure soit dans L1ne aire-P et
(b) vers lexteacuterieur agrave travers une ou des coupures
5 On peut joindre deux extreacutemiteacutes libres de lignes didentiteacute
(a) dans une aire-l ou
(b) dans une aire-P si les sous-graphes agrave joindre sont des occurences du mecircme
type
6 On peut disjoindre une ligne didelititeacute
(a) dans une aire-I si les sous-graphes agrave disjoindre sont des occurences du mecircme
type ou
(b) dans une aire-P
7 Une cOlfJlre dOlhie peut ecirctre effaceacutee ou dessineacutee autour de nimporte quelle
partie dL1n graphe
8 On peut dessiner ou effacer nimporte quelle hmnche dune ligne didentiteacute sans
traverser une coupure
9 On reut formel OLi briser un clcfe (courbe fermeacutee) dune branche dune LI dans la
pal1ie la plus inteacuterieure dune jonction
Annexe 2 Le systegraveme deacutecriture japonais
Lisle des 19-15 kanji lIslels (jocircyocirc kanji)
-tTT~~~~~~ftfi~~~~nR~~amp~~~h~amp~=E~~~~~AgraveU~~~
~~~~~$ftC~frM~KM~~~~ffiffuuml~m~~~~mtt~~mmw~~~m~~œm
9IJM~F6~JEfrœf9euroI~flifiumlil~~g~IIcirc~~jjijA~~tirlwJ[~ampfJffi~tJ~ji1Jicircjg~~~ritIff~
~~7eumlJr7eacute7t5t~bRW-A~1tt~~~JlJ F9 pg ffiI~n~J11~EtUfLJl~ [I] tJ eacuteJlJ JJ tJJ7NJJ~jIJfIJ
Jfl] 91HtJ JJIJ ~IJ ~IJ~IJ$IJilJlJ~IJ MlIJiIJ~IJj)fljgIJJIIJilIJ11lIJ~IJIJ 1J ~D r]j sectiJ~JjJiJ9J~MiJ iJ ~ 1It1tlJl1J~UiJ~~ucircJJ~l-5JJ ~
~ta~~sectE~~+~~m$~~rn~~WM~W~~S~~~x~~amp~n~~U7~~D
~~EB3~~~~~~~~fig~~ bullbull~~~~~~~~~~~~~~u~~~~~~~~~
~~~W~~R~~~~H~~~~~~~~OO~~plusmnffrrmM~~~~~~~~~~gB~~
m~~w~œ~~~~~~mŒ~~oo~~~œœplusmntt~~~~~~~~n~a~~~~fi
~~gi1~~~~mR~5t~~~~~JlIH9D~29HJj~j~ili~eacutel~99l19lHJN9~9ft9IHffl91i~9i9iU~~HL~rP~~
m~~~~~g~œ~~~~~H~~~gamm~bullbull~~~bullbullbull~~~WM~~
~HHiumlWJj3(ij5tjm~MHtRfEuml~~-~~ram~~~~UJIJ~~g~IJIIIiI~iIJ~~~~iiJjJIIHIIIljtt
~BM~fi~~U~~~~~~~M~~fi~~~Œ~~~~~bullbull8~
g~~rt ~~ ~ 1ij 5f5tmm 5lta sN 5jj iWiJf~ ~rn~~~~i~il~ iiE ~iampm~ilt i~iii1l-iiumlIJl imi~~i~rei~~ z TE~ ~
~~~~ffia~~tt~ffl~~~~~~~~~m~~~~~~~ill~illili~~~~ill~~ill~ill~
ill~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~sect~fi~m~~~~~~~bullbull ~~iJ~gl~~~~isect~rlI~m~[ll)~Ii~iJ~~~~icircf~5t~ftlx~flWg~m~~~~g~mLir08z~SZ~~B~2tI~~
~~~~~~~bullbull~~g~~~~=~ampM~~~tt~W~tt~llimmffiregWmm~~m~mmmm
1mIIt~1$$i~iXftiiti(~UJ~pfi~~m=Fif~1j1f~atnjLtlkjRj1itjjJljRj9jEjsJHjjJ111jljljjHtbJecircj91jlijffi
j~jElecircjEliJtUH~jm~jH3j~j~mjjjeurojjUJIHSlj~jmmt(tj~j~j1i5ampmj~j~m~j~jMEcircIcircijJiumlW~j~mj~j~HlH~j~
Jfj~j~j~jfi~j~jjlitj~3Z~QrQ1i5i55~lijH9~~5i1~j9~~9~9HlY+n~jFfffIIUfi1J1rtiIIcircIcircIIcirc~)j~1IcircJtB IBi3Jf ~m~ bullbull~_ampbullbull~ bullbullubullbull~~~~~~~lItq~~~~~UftU~fi~~M~~~~~~
1im~~icircilicircg~miml~TIlY~EMmicirc~3trPJmJjicircij~~ij[i]~mlltIlijialiilijn~~ij~ijUi15k~~~
~~~~Wi~~1t1L1Jl1lj1~111~H~j~~jJlHj~j5j~t5ffjjljijnffi~j~ljjRfiumlji~Ujijjij~jfoJH~~jllJl~
~WR~jflij~jj~jiHH~lmjfrHrfl~R~~euml~~xlx~xiXLtiumlE~tiicircJiiuml9E~HIltsectliJM~~t~~H~1)l18m~tt=tEU=
~~ffJ~A~R~~~~~~~~~~~~~~~$~~~~~~~~~~~~~~~
~~~~~B~~~~~~~~~~~~~~~B~~~~~~~~~~~~~~~
~~~~~~~M~~~~~~n~~~~~m~~bullbull~~~~~~~MAA~~~~
~~~tlffl~mmH~~~m~~œlli~~~~~~~~M~m~~MgX~~fflffi~$~~
mWm~~Mft~bullbulla~amp~~amp~~~~bullbullbull~e~~H~~m~sect~~~Esect~~~
~ffi~mmm~bullbull~m~~~ffl~raquo~~~~~m~~g~~~M~ntlm~m~mn~bull bull ~~N~n~m~~nffi~nti~mmm~~œ~~~~~~~~~nbullbull~u~amp~~ampmUh~
~~~~~~~~~m~~~m~M~n~ffiffiM~mMg~~~~~g~~m~n~m~
~W~~ftWe~~~m~~~~~m~m~mbullbullbull~Mbullbullbullbullbullbullbullbull~bullbull~mmbullbullbullbull ffi $ bullbullbullTI~a~G~~~~mn~~~œsect~B~mAA~~~amp~~~~~~~AA~~~~M
~ft~iliffi~~~~~Bampti~~m~~~M~bullbullbull~m~N~mm~~U~~M~~m
middot~Hn~egrave~j1I~t~i~f~~Il~jj~R~t~~ii]~iE~g~~m~f~~ta8~8iumlt8~8~W~2i~g8~8t~~Ti~r~~~~~~mj~8ill~~~rn8~8SU
~~bullbull~mmbullbull~~sect~~M~~fta~bullbullbullaRbullbullbullbullbulla~M~~~AAg~m
~~O~li~Œm~~mHm~a~bullbullnft~~tiQ~bullbullbullbullbullW~~~~B~~n
MW~bullbullfflm~D~~~tl~~ffi~~UnmftHrt~nm~~mgmmmamp~Mm~
re M~ fMliumll rm 1HI~~iumli~1i1lllI~lilaiUll Ffisecti~tj~~~~~~ijJmiddot~u ~~fP~F~~iID fItgi~~iamp~mIJJIL~ii1iraquoij
ftUHabullbullgHUMDmam~~~D~n5~bullbull~gu~~gfta~~MR~~D
~p~~Jff~~~iMicirc~~
110
~Vllob((ires hiragana (katakana) lrunsilleacuterolion en rocircmaji
iYgt (7) a L(-1)i 3 (rJ)u X (I) e d3 pt) a
fJ) CfJ) ka ~ (~) ki lt () ku ft (7) ke (J) ka
~ (~) sa ~ () shi 9 (A) su tt ct) se -t- ()) sa
t ($7) t8 - (=-) chi J()tsu -c CT) te C ( t-- ) ta
tJ ct) na 1 (=) ni ttd C~) nu td (7) ne 0) (J) no
li () ha O(t)hi 5 (7) lu ( ) he IJ (Ii-) ho
() ma Jj(2)mi ltt (b) mu (J) (j ) me t(-r)mo
-(~)a ~ (=1) yu et (3) )0
G (5) ra L) (1)) ri o (J[) ru n (v) re ~(D)ro
b () wa ~ (3) a
Signes diacritiques 0
Signe remplaccedilant le kon(( reacutepeacuteteacute ~
Signe remplaccedilant le konji reacutepeacuteteacute ~
IC systegraveme Je tnlnslilleacutenltion Ilcpbulll llloJilieacute qui rcn oie ugrave la prononciation anglaise esl utiliseacute
III
LClrails de lexIe
sX~ B (J)~1J(J)$euml ilraquo ~o -A(J)--r A IJ~ mEr~ (J)--rTffi~JJ ~1~-gt TL fo
Jt L r~ (J) --r 1 It (J) ~ (J) 9 1 ~jH) L tJ L0 lIjt PJTq R-~ (J)~IJ 11f- ~ tJ fIl UI- ~j$
IJ~-QcTL~o m~r~IJ (g~IS~ULrL (J)~(J)9It m~JJ~9~m
ftn ~j~~~~IJ~ t ==A 11 ilraquo U-t tJ t(J)T ilraquo ~ 0 -thIJ~ (J)~0)9 I(I~ t LtJ
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n~m L T -t(J)R-IJ~-JL t- l) ~icircN(J)8IJ~-JL t- U LJ- ~ ~ IjJ- 1 -JJJmuT fIT (J)4
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appiying the theories o~middot Saussure and Peirce to a new speacutelce of meaningJ Meacutemoire de maicirctrise de lUniversiteacute Keiagrave Tagravekyagrave Universiteacute [(eiagrave 85 p Je nai
113
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Introduction
i t has never been 1n my power to stucy
anything-mathematics ethics metaphysics gtmiddotavitation
thermoclynamics optics chemistry comparative anatomy
astronomy psychology phonetics economic the history of
science whist men and women wine metrology except as a
study o~ sel11eiotic (SampS 85-86 1908)
Seacutem iotique de la culture 1itteacuter8 ire visuelle ou des p8SSlons le cham p
cl8pplic8tion de la seacutemiotique peut sembler v8ste m8is le caractegravere indeacutetermineacute de son
fondement nous troublera davantage Peirce deacutejagrave le tondateur de 18 discipline
contempor8ine dun point de vue philosophique donne une extension large agrave la
seacutemiotique dans Id citation bien connue mais peut-ecirctre par un emportement
eacutepistolaire (ici dans une lettre agrave Lady Welby) il fait porter la seacutemiotique aussi bien sur
les matheacutematiques et la philosophie que sur les sciences speacuteciales De plus il illustre
souvent 18 seacutemiotique en tant que grammaire speacuteculative en lappliquant agrave des
exem pies concrets et eacutelabore mecircme agrave partir de cette theacuteorie la preuve du pragmatisme
La seacutemiotique peirceacuteenne se veut donc une theacuteorie geacuteneacuterale des signes applicable
entre dLltres agrave chacune des sciences speacuteciales Toutetois Peirce effectue aussi un
eX8men systeacutematique des fondements de la seacutemiotique consideacutereacutes pour eux-mecircmes La
seacutemiotique peirceacuteenne est de la sorte proprement philosophique et indeacutependante des
sciences speacuteciales Le deacutefi lorsquon tente de tirer la seacutemiotique de Peirce vers des
applications theacuteoriques devient alors de franchir 18 distance eacutepisteacutemologique entre
seacutemiotique philosophique ct seacutemiotique appliqueacutee 8UX sciences speacuteciales et deacuteviter de
traiter superficiellement des concepts de la theacuteorie Ce nest en effet que reacutecemment
que la seacutemiotique peirceacuteenne sest vue exposeacutee systeacutem8tiquement dans son ensemble
(Carontini 1984 Savan 1988 Fisette 1990 Liszka 1996) et un examen appro londi de
ses fondements saveacuterant toujours difficile agrave effectuer lapplication de ses concepts
2
dans le cadre dune compreacutehension globale du systegraveme et non seulement de concepts
isoleacutes en est encore agrave ses deacutebuts (notamment avec Everaert-Desmedt 1990 et Fisette
1996) Degraves lors la question se pose de la leacutegitimiteacute des applications de la seacutemiotique
peirceacuteenne une theacuteorie dont on tente toujours de saisir les fondements
Probleacute lIot ique
La voie dentreacutee dans la probleacutematique sera la geacuteneacuteraliteacute de la theacuteorie Max
Fisch en 1983 se demandait Just how general is Peirce s theOy ofsigns (in Fisch
1986 356-61) et clans sa reacuteponse il sappliquait agrave deacuteterminer lextension de la theacuteorie
des signes agrave retracer les eacutetapes du deacuteveloppement de la theacuteorie dans le sens de la
geacuteneacutera 1iteacute et agrave en deacutegager la perti nence pou r la recherche scienti fique A fi n de bien
cerner le problegraveme qui nous preacuteoccupera dans ce meacutemoire je reformulerai la question
de la maniegravere suivante en quoi la theacuteorie geacuteneacuterale des signes de Peirce est-elle geacuteneacuterale
Cette question vague se laisse diviser en trois questions plus preacutecises Premiegraverement
quest-ce que la geacuteneacuteraliteacute Ce qui est rechercheacute ici est une deacutefinition de la geacuteneacuteraliteacute
proprement dite comme conception logique Deuxiegravemement quelles sont les
conditions de la geacuteneacuteraliteacute de la theacuteorie des signes Le questionnement porte ici sur la
relation de la geacuteneacutera liteacute avec dautres conceptions qu i la deacuteterm inent lorsquelle se
trouve agrave qualifier actuellement une theacuteorie Troisiegravemement quelles sont les conditions
de la relation impliqueacutee par la geacuteneacuteraliteacute entre la theacuteorie des signes et dautres theacuteories
La porteacutee de la seacutemiotique sur les sciences speacutecia les en vertu de son caractegravere geacuteneacuteral
est ici questionneacutee Cest le moment producteur du questionnement celui qui
permettra de reacutesoudre le problegraveme speacutecifique de ce meacutemoire Dans lesprit scientifique
expeacuterimental de la philosophie peirceacuteenne je tacirccherai de mieux saisir le problegraveme en
examinant une application particuliegravere agrave la theacuteorie linguistique de leacutecriture et en
prenant pour cas deacutetude deacutetermineacute le systegraveme graphique de la langue japonaise eacutecrite
La leacutell1guejaponaise fait face en ce moment agrave une situation de contact des langues qui
]
affecte son systegraveme deacutecriture engendrant un problegraveme seacutemiotique qui donnera chair
au deacuteveloppement de ce meacutemoire Il convient de Iexposer briegravevement ici
La langue japonaise contemporaine utilise un systegraveme deacutecriture complexe
com poseacute de plusieurs ty pes deacutecriture dont un ensem ble de caractegraveres dorigine
chinoise (les konji) deux syllabaires de creacuteation japonaise (les hirogono et katokono)
Ialphabet latin (le rlIcircl71oji) les chiffres indo-arabes et diffeacuterents signes de ponctuation
Ce systegraveme deacutecriture est particuliegraverement inteacuteressant en ce que la langue japonaise
assimile actuellement de faccedilon croissante des mots dorigine eacutetrangegravere (surtout de
langlais ameacutericain) eacutecrits dans un syllabaire particulier les kotokono Ces mots eacutecrits
en kotokono occupent de plus en plus despace graphique dans reacutecriture jusque
maintenant domineacutee par les konji tout en remplissant des fonctions grammaticales
sinon attribueacutees agrave ces derniers Nous assistons donc agrave une modification importante de
laspect externe ainsi que de la structure interne de leacutecriture japonaise suite au
contact de la langue japonaise avec dautres langues aux eacutecritures diffeumlrentes Le
problegraveme seacutemiotique consiste agrave deacuteterminer comment les relations de signification
propres au systegraveme deacutecriture japonais sont modifieacutees dans la situation actuelle de
contact des langues Ce problegraveme permettra de preacuteciser davantage le questionnement
de ce meacutemoire et de mieux en comprendre le sens en lui donnant un point dancrage
dans la reacutealiteacute actuelle 1 se retrouvera lui-mecircme eacuteclairci par notre enquecircte
Le but de ce meacutemoire est donc de deacuteterminer quele pourroit ecirctre la porteacutee de
10 seacutemiotique philosophique de Chorles Sonders Peirce sur 10 theacuteorie de leacuteeriture en
prenont pour cos deacutetude le vstegraveme dmiddoteacutecriturejoponois Le meacutemoire questionne ainsi
la leacutegitimiteacute de lapplication de la seacutemiotique comme theacuteorie geacuteneacuterale des signes aux
sciences speacutec ia les tou t en eacutec lai rant par converse leacutetude de leacutecriture japonaise en
tant que systegraveme graphique Il suit pour cela un questionnement sur la geacuteneacuteraliteacute de la
theacuteorie seacutem iotique
4
Slmclure du meacutell70ire
La structure du meacutemoire sinspire du motif architectonique de la philosophie
de Peirce sauf en ceci que la meacutethodologie philosophique de Iauteur est preacutesenteacutee en
premier Dun point de vue seacutemiotique le deacuteveloppement du meacutemoire consiste en
lexpeacuterimentation sur un diagramme le systegraveme des sciences de Peirce et en particulier
sa science des signes telle quappliqueacutee agrave leacutetude de leacutecriture japonaise Le meacutemoire
est donc structureacute en deux chapitres principaux portant sur 1) les principes de la
seacutemiotique philosophique et 2) Je lien entre la seacutemiotique et la theacuteorie de leacutecriture
Dans le premier chapitre la meacutethodologie du meacutemoire est tout dabord eacutetablie
par lexamen clu pragmatisme cie Peirce consideacutereacute comme une doctrine de la
meacutethodologie philosophique des sciences la meacutethodeutique ayant pour principe
directeur la croissance La meacutethodeutique est situeacutee dans le systegraveme des sciences en
tant que paltie de la logique une science philosophique normative Elle est mise en
lien avec la seacutemiotique qui inteacuteresse plus palticuliegraverement ce meacutemoire
La seacutemiotique et la logique de mecircme que la linguistique et Ieacutetude de leacutecriture
sont ensuite situeacutees dans le systegraveme peirceacuteen des sciences Le lien entre la seacutemiotique
et la logique est effectueacute plusieurs acceptions de ces deux termes eacutetant distingueacutees
Cependant les diverses deacutefinitions de ces deux disciplines en tant que sciences
saccordent pour les situer au niveau de la troisiegraveme science normative La linguistique
est ensuite deacutefinie comme une science idioscopique psychique et leacutetude de leacutecriture
comme Iune de ses branches Ce dernier point constitue une speacuteculation raisonnable
concernant la porteacutee du systegraveme des sciences de Peirce sur une science non deacutesigneacutee
comme telle par Imiddotauteur
Les principes de la phaneacuteroscopie et de la seacutemiotique sont eacutegalement exposeacutes
La phaneacuteroscopie est mise en lien avec la theacuteorie des cateacutegOlies dans le deacuteveloppement
5
historique de la penseacutee de lauteur puis un exposeacute syntheacutetique des deu theacuteories est
proposeacute Les cateacutegories universelles de lepeacuterience sont distingueacutees des cateacutegories
particul iegraveres lexposeacute eacutetant appro fond i par lexamen des cateacutegories particul iegraveres de la
modaliteacute et de la signification La conception de la geacuteneacuteraliteacute est ainsi deacutetinie comme
une cateacutegorie particuliegravere de la signification La seacutemiotique eacutetant surtout deacuteveloppeacutee
dans les eacutecrits tardifs de Peirce de sa peacuteriode phaneacuteroscopique la phaneacuteroscopie est
ensuite mise en lien avec la seacutemiotique par la preacutesentation du passage du phaneacuteron au
signe Un exposeacute syntheacutetique de la seacutemiotique en tant que grammaire speacuteculative est
proposeacute qui se deacuteveloppe jusquaux autres parties de la seacutemiotique soit la critique
des arguments ou logique critique et la meacutethodeutique La preuve logique selon les
conceptions seacutemiotiques du pragmatisme est par la suite consideacutereacutee agrave la lumiegravere des
exposeacutes de la phaneacuteroscopie et de la seacutemiotique
La philosophie de la notation logique de lauteur est ensuite prise comme point
de deacutepart pour une eacutetude de leacutecriture du point de vue seacutemiotique La notation logique
des graphes existentiels constitue un modegravele par excellence pour lillustration suivante
de lapplication de la seacutemiotique aux sciences speacuteciales puisquelle a elle-mecircme pour
fonction de repreacutesenter le langage formel de la logique peirceacuteenne dont la seacutemiotique
en tant que grammaire speacuteculative est une partie fondamentale La notation des
graphes existentiels exploite ainsi de faccedilon explicite diffeacuterents aspects du signe
distingueacutes par la theacuteorie seacutemiotique et leur examen constitue donc la leccedilon de deacutepal1
pour leacutetude du cas de leacutecriture japonaise
Dans le second chapitre une synthegravese des theacuteories linguistiques de leacutecriture
japonaise est proposeacutee puis une theacuteorie geacuteneacuterale de leacutecriture comme signe est
eacutelaboreacutee agrave parti l de la seacutem iotique pei rceacuteenne La theacuteorie seacutem iotique de leacutecriture
eacutelaboreacutee est ensuite appliqueacutee plus speacutecifiquement au systegraveme deacutecriture japonais et agrave
lanalyse de ses transformations actuelles Lappl ication commence par la
consideacuteration de quelques points de grammaire menant graduellement agrave la
6
probleacutematique de leacutecriture Lanalyse a recours non seulement agrave la grammaire
speacuteculative mais aussi agrave la logique des relations et aux graphes existentiels Durant
lanalyse du cas speacutecifique envisageacute une deacuteJ-inition du signe eacutecrit de la langue
japonaise est formuleacutee agrave travers lexamen de ses composantes puis les principaux
types de signe pmpres agrave cette eacutecriture sont distingueacutes suivant la leccedilon de la
grammaire speacuteculative Lanalyse logique critique suivante permet de juger de
ladeacutequation des signes de leacutecriture japonaise dans la repreacutesentation de leurs objets et
fait ressortir un argument de la transformation de leacutecriture dans le sens de
laugmentation des kaakana
Lexposeacute deacuteveloppe ensuite une critique eacutepisteacutemologique de lapplication de la
seacutemiotique agrave leacutetude de leacutecriture venant parachever lapproche seacutemiotique La
reacute tlexion eacutepisteacutemologique distingue dabord les concepts ph i losoph iques de la
seacutemiotique des concepts idioscopiques de la science de leacutecriture puis deacutetermine le
type dinfeacuterence qui est utiliseacute lors de la transformation dun type de concept en un
autre ainsi que largument qui justifie ce passage dans un cas speacutecifique servant
dexemple Le retour reacuteflexif et critique sur la theacuteorie seacutem iotique permet de la sOlie de
juger de ladeacutequation de ses concepts dans leur application agrave leacutetude de leacutecriture
japonaise
Lanalyse seacutemiotique de leacutecriture japonaise est finalement ouverte sur le reste
du systegraveme des sciences peirceacuteen en eacutetant relieacutee aux autres sciences philosophiques
normatives soit leacutethique et lestheacutetique Il ny pas sur ce point dapplication
speacutecifique mais une bregraveve reacutetlexion dordre philosophique sur la relation quentretien
la seacutemiotique avec leacutethique et lestheacutetique lorsque cette premiegravere est appliqueacutee aux
sciences speacuteciales Le lien solidaire entre les sciences dans le systegraveme peirceacuteen est
souligneacute lien montrant le sens ultime de larchitectonique peilTeacuteenne la continuiteacute de
la penseacutee ou syneacutechisme
7
Texes SOllces e iliraure secondaire
rai utiliseacute dans mes recherches les sources standards des eacutetudes peirceacuteennes
soit principalement leacutedition theacutematique des Colleced Papen (abbr CP) leacutedition
chronologique des Wriings (W) en cours de publication et les seacutelections des Esseniol
Peirce (EP) de mecircme que la correspondance de Peirce avec Lady Welby compileacutee
dans louvrage intituleacute Semioics and Signifies The Correlpondence between Charles
S Peirce ond Victoria Lady Welby (SampS) et quelques fiagments que lai eu le bonheur
daller repecirccher dans loceacutean des manuscrits de Peirce en eacutedition microfilm The
Poper1 of Chorles S Peirce Microfilm Ediion (MS) Pratiquement mes recherches
ont surtout consisteacute en une meacuteditation des ESlenial Peirce ensemble amplement
suffisant pour une maicirctrise egraves signes bien que plusieurs autres eacutecrits maient eacuteclaireacute
sur de nombreux points Je privileacutegie donc dans mes reacutefeumlrences les seacutelections des
Essenlial Peirce tout en renvoyant agrave loccasion agrave certains textes des autres eacuteditions Je
reacutefegravere aux textes sources selon lusage en ajoutant lanneacutee de reacutedaction ou de
publication lorsque connue (par exemple EP 1 132 1878) Les commentaires qui
mont eacuteteacute de la plus grande aide sont ceux de Max Fisch pour une vision densemble
de lœuvre de Peirce Andreacute De Tienne pour la phaneacuteroscopie el la theacuteorie des
cateacutegories initiale et James Liszka pour la seacutemiotique philosophique Jindique toutes
les reacutefeacuterences dans le corps du texte et reacuteserve les notes en bas de page pour quelques
digressions et scolies
1 Seacutemiotique philosophique
En quoi la seacutemiotique de Peirce est-elle philosophique Une reacuteponse simple agrave
cette question serait tout dabord que la seacutemiotique possegravede le caractegravere geacuteneacuteral de la
philosophie cest une science positive qui rend compte des faits de expeacuterience
commune Cette deacutefinition se preacutecise lorsque lon considegravere la situation de la
seacutemiotique dans le systegraveme peirceacuteen des sciences en tant que troisiegraveme science
philosophique normative Plusieurs sens du terme laquoseacutemiotiqueraquo sont aussi agrave
distinguer et expliquer Dans ce premier chapitre je montrerai en quoi la seacutemiotique de
Peirce est philosophique en suivant le motif architectonique du systegraveme peirceacuteen des
sciences sauf que je preacutesenterai la meacutethodologie philosophique de lauteur la doctrine
meacutethodeutique du pragmatisme en premier le deacutefinirai chaque fois davantage la
seacutemiotique en la situant dans le systegraveme des sciences de faccedilon de plus en plus preacutecise
jusquagrave une application theacuteorique dans lexposeacute de la notation logique des graphes
existentiels Jaborderai par la mecircme occasion la question de la geacuteneacuteraliteacute de la theacuteorie
seacutemiotique dont la consideacuteration permettra deacuteclaircir le problegraveme speacutecitique du
meacutemoire dans le second chapitre Lexposeacute tacircchera de rentrer meacutethod iquemenl dans
lesprit de continuiteacute de la penseacutee peirceacuteenne auquel aboutit ultimement le
pragmatisme
11 Le pragmatisme
Le pragmatisme est une doctrine meacutethodologique des sciences de la deacutecouverte
ayant pour principe directeur la croissance II consiste essentiellement agrave reconnaicirctre la
porteacutee possible de la rationaliteacute sur la reacutealiteacute actuelle en particulier dans laction
controcircleacutee et conseacutequente au raisonnement Le sens de cette porteacutee ou de cette
conseacutequence est celui du deacuteveloppement de lordre rationnel dans la reacutealiteacute Le
pragmatisme sinteacuteressant plus speacutecifiquement agrave la recherche scientifique il preacuteconise
9
la reconnaissance des conseacutequences pratiques possibles du raisonnement comme
meacutethode de recherche dans les sciences La recherche scientifique doit donc consister agrave
deacutecouvrir les lois neacutecessaires de la nature en observant et en envisageant leurs
conseacutequences pratiques non seulement actuelles mais aussi possibles
Cette formulation peut eacutevoquer le deacuteveloppement de la Raison et son
identification au Reacuteel dans la philosophie de Hegel Il ny a cependant pas de
Aufhebung dans la penseacutee peirceacuteenne le deacuteveloppement de lordre rationnel eacutetant
plutocirct une prise de conscience des diffeacuterents aspects omnipreacutesents de la reacutealiteacute dont
chacun conserve son importance propre quune absorption de stades infeumlrieurs de la
conscience en un stade rationnel supeacuterieur Peirce qui est tout agrave fait probe
intellectuellement ne se reconnaicirct dailleurs pas dinfluence directe de la part de
heacutegeacutelianisme Il admet bien certaines affiniteacutes de sa penseacutee avec celle de Hegel mais
en retrace une tout autre origine immeacutediate de faccedilon geacuteneacuterale dans lœuvre des
hommes de science et de tagraveccedilon plus speacutecifique dans les philosophies de divers
auteurs meacutedieacutevaux (Duns Scot et les reacutealistes scolastiques) et modernes (Reid et les
philosophes du sens commun eacutecossais) et avant tout dans celles de Kant et Aristote
Atin dapprofondir notre compreacutehension de la doctrine du pragmatisme jen
retracerai agrave preacutesent sommairement le deacuteveloppement dans lœuvre de Peirce Je
retiendrai trois moments principaux du deacuteveloppement de la doctrine correspondant agrave
1) la formulation initiale de la maxime clu pragmatisme dans la seacuterie du Populor Science
illonhly de 1877-78 2) la reprise et Ieacutelaboration de la doctrine lors de la seacuterie de
confeacuterences donneacutee agrave Harvard en 1903 et 3) la tentative finale de formulation dune
preuve du pragmatisme dans une seacuterie darticles en partie publieacutee dans la revue The
Monis en 1905-7 Ces trois moments neacutepuisent pas lhistoire de la doctrine du
pragrhatisme de Peirce mais en repreacutesentent lessentiel du deacuteveloppement
Jeacutevoquerai par ailleurs le questionnement des limites du pragmatisme dans les
derniers eacutecrits de Iauteur
10
Le premier moment du deacuteveloppement de la doctrine du pragmatisme consiste
en la formulation de la maxime pragmatiste suite agrave leacutelaboration dune theacuteorie
psychologique de la croyance dans les articles intituleacutes laquoThe Fixation of Beliefraquo (EP 1
109-231877) et laquoHow to Make Our Ideas Cleangt (EI)I 124-41 1878) Lapproche
psychologique rend la teneur de la doctrine eacutevidente iusquagrave un celtain point mais la
compreacutehension du pragmatisme se montre alors insuffisante pour rendre compte de sa
porteacutee reacuteelle telle quenvisageacutee par lauteur La psychologie ne sert en fait quagrave
lillustration de la doctrine en facilitant un premier abord car le pragmatisme est une
doctrine de la logique et cette derniegravere une science plus fondamentale que la
psychologie Peirce illustrera parfois encore Je pragmatisme dans ses eacutecrits ulteacuterieurs agrave
laide de faits psychologiques mais il soulignera alors linsuftisance de cette meacutethode
et tacircchera de deacutevelopper une approche plus proprement logique La maxime du
pragmatisme est formuleacutee initialement comme suit
Consider what effects which might conceivably have practical bearings we
conceive the object of our conception to have Then our conception of these
effects is the whole of our conception of the object (EPI 132 1878)
Consideacuterer quels sont les effets pratiques que nous pensons pouvoir ecirctre produits par
lobjet de notre conception La conception de tous ces effets est la conception
complegravete de lobjet (version franccedilaise de Peirce W3 365 1879)
La theacuteorie psychologique de la croyance sur laquelle se fonde la maxime
pragmatiste sert de base dans les articles subseacutequents de la seacuterie agrave une explication de
la logique de la science Dans cette theacuteorie le raisonnement est consideacutereacute comme une
enquecircte de la penseacutee visant agrave faire cesser le doute par la fixation de la croyance ce qui
implique leacutetablissement dune regravegle daction sous la forme dune prise dhabitude
Peirce y distingue de plus trois degreacutes de clarteacute de la penseacutee atteints respectivement
dans la deacutefinition des ideacutees par lusage familier la distinction abstraite et
lexpeacuterimentation scientifique La maxime pragmatiste est ainsi preacutesenteacutee comme une
regravegle meacutethodologique inspireacutee de la meacutethode scientifique expeacuterimentale permettant
datteindre le troisiegraveme degreacute de clarteacute de la penseacutee
Il
La meacutethode scientifique est selon Peirce reacutealiste et faillible cest-agrave-dire que le
scientifique admet quiumll y a des choses reacuteelles dont le caractegravere ne deacutepend pas de ce
quun individu quelconque peut penser et que la confrontation avec les faits de la
reacutealiteacute actuelle par laquelle il cherche agrave connaicirctre ces choses reacuteelles peut le mener agrave
douter de certaines de ses croyances jusque-lagrave preacutesupposeacutees comme vraies La
meacutethode la plus adeacutequate dans la repreacutesentation de la reacutealiteacute est donc de consideacuterer
lensemble des conseacutequences pratiques possibles et non seulement actuelles des
conceptions concernant cette reacutealiteacute La consideacuteration des diffeacuterents aspects de la
reacutealiteacute augmente la probabiliteacute dune adeacutequation de la croyance avec leacutetat des choses
reacuteel et donc latteinte de la veacuteriteacute dans la repreacutesentation de la reacutealiteacute La meacutethode
scientifique a de plus la proprieacuteteacute de se corriger elle-mecircme lorsque le scientifique en
v ient agrave recon naicirctre 1iumlnadeacutequation de certa ines de ses repreacutesentations su ite agrave leur
confrontation avec la reacutealiteacute actuelle
Une faccedilon de distinguer les difteumlrents aspects de la reacutealiteacute consiste nous le
percevons deacutejagrave agrave consideacuterer les modes decirctre dont leacutetude est avant tout propre agrave la
logique et agrave la meacutetaphysique La porteacutee logique de la maxime est dailleurs le mieux
entrevue dans Jutilisation de la modaliteacute de la possibiliteacute (ltltmight conceivablyraquo ou
laquoque nous pensons pouvoir ecirctreraquo) alors que les faits psychologiques servant agrave
lillustration sont tireacutes de lexpeacuterimentation psychologique qui consiste agrave accumuler
des faits par la confrontation des croyances de lexpeacuterimentateur avec la reacutealiteacute
actuelle seulement La doctrine du pragmatisme donne un principe meacutethodologique au
scientifique consideacuterant lensemble des modaliteacutes decirctre qui caracteacuterisent la reacutealiteacute
tout en accentuant celle de la possibiliteacute tandis que les sciences speacuteciales lui
fournissent des donneacutees factuelles compileacutees lors dexpeacuterimentations constituant des
confrontations avec la reacutealiteacute actuelle Peirce illustre sa doctrine en appliquant la
maxime agrave la deacutefinition de plusieurs conceptions scientifiques dont lune la dureteacute
dans linterpreacutetation de laquelle il ne semble pas comprendre la reacutealiteacute de la possibiliteacute
Il reviendra plus tard sur cet exemple pour en rectifier liumlnterpleacutetation (EP2 354
12
1905 455-57 1911) mais il est vrai quen ce moment initial du deacuteveloppement de la
doc tri ne du pragmatisme il n en sais issa it sans doute pas tou te la porteacutee pou ltant deacutejagrave
clairement envisageacutee dans la maxime
11 est agrave noter que lors du premier deacuteveloppement de la doctrine Peirce
nemploie pas encore le terme laquopragmatismeraquo quil aurait toutefois utiliseacute degraves les
anneacutees 1870 dans des discussions avec ses camarades du laquoMetaphysical Clubraquo de
Cambridge Cest William James qui relancera publiquement en 1898 la notion de
pragmatisme et puis la popularisera tout en accordant le creacuteclit cie sa premiegravere
expression agrave son ami de toujours Peirce recommencera par la suite agrave sy inteacuteresser
explicitement dans ses eacutecrits et consacrera une seacuterie de confeumlrences donneacutee agrave Harvard
en 1903 agrave son sujet Il deacuteveloppe dans ces confeacuterences une approche
pheacutenomeacutenologique et logique expliquant le pragmatisme agrave partir de sa theacuteorie de la
perception et faisant le lien de cette derniegravere avec la logique des relations et la theacuteorie
de liumlnfeumlrence Le pragmatisme est alors preacutesenteacute sous la ~orme cIun theacuteoregraveme
philosophique dont lauteur cherchera agrave plOuver la veacuteriteacute Ce theacuteoregraveme relie le sens du
pragmatisme aux modes grammaticaux et le rapproche ainsi du thegraveme de la
repreacutesentation
Praglllatism is the principle that every theoretical jllclgment expressibJe in a
sentence ln the inclicative moocl is a confllsed form of lhollght whose only
meaning if il has any lies in ils tenclency to enforce a corresponding practical
Illaxim expressible as a conclitional sentence having its apoclosis in the illlpelative
Illood (EP 134-51903)
Peirce considegravere que lutiliteacute de la maxime est deacutejagrave suHisamment apparente
dans sa formulation initiale et cherche plutat dans sa nouvelle approche une preuve
cie la doctrine Cette preuve consistera agrave approfondir la compreacutehension clu
pragmatisme par le moyen cie la theacuteorie de la perception et plus tard de la theacuteorie des
signes et agrave en speacutecifier la porteacutee au niveau logique Lauteur rejette tout daborcl
lapproche psychologique qui caracteacuterisait sa premiegravere formulation laquoMy original
13
article carried this back to a psychological principle 1 do not think it satisfclctory to
reduce such fundamental things to tclcts of psychology ail attempts to ground the
fundamental facts of logic on psychology are seen to be essentially shallowraquo (EP2
140 1903)11 explique sa position antipsychologiste en exposant sa conception de la
hieacuterarchie des sciences selon laquelle la logique est plus fondamentale que la
psychologie et se fonde entre autres sur la pheacutenomeacutenologie dont le thegraveme speacutecifique
de la perception donne une nouvelle voie agrave lapprofondissement de la doctrine
Dans laquoThe nature ofMeaningraquo (EP2 208-25 1903) puis laquoPragmatism as the
Logic of Abductionraquo (EP2 226-7 1903) dont les exposeacutes repreacutesentent
laboutissement de lapproche baseacutee sur la theacuteorie de la perception Peirce deacutegage
ensuite trois propositions appuyant la maxime du pragmatisme premiegraverement rien
nest dans lintellect qui ne soit dabord dans les sens deuxiegravemement les jugements
perceptuels contiennent des eacuteleacutements geacuteneacuteraux troisiegravemement liumlnteumlrence abductive
se confond avec un certain niveau du jugement perceptuel Le pragmatisme tclit suite agrave
ces trois propositiollS car nous pouvons en les examinant effectuer un lien entre la
perception et la logique de jabduction mode dinteumlrence hypotheacutetique propre au
pragmatisme Par la premiegravere proposition Peirce entend plus preacuteciseacutement quil ny a
pas de conception qui ne soit donneacutee autrement que dans des jugements perceptuels
Ainsi Je premier eacuteleacutement de la perception est un jugement servant de fondement au
reste du processus cognitif qui en deacutecoule Les jugements perceptuels constituant de
plus une forme dappreacutehension de laspect rationnel de la reacutealiteacute par la raison
individuelle ils contiennent des eacuteleacutements geacuteneacuteraux propres agrave la fois agrave la reacutealiteacute
exteacuterieure et agrave la reacutealiteacute inteacuterieure qui se confrontent en lindividu La lclculteacute abductive
tire finalement son origine de la perception puisque le mode dinteumlrence de labduction
repreacutesente une gradation du processus cognitif deacutebutant avec le jugement perceptuel
Labduction et le jugement perceptuel jouent dailleurs un lole semblable au sein du
processus cogn itif en y apporta nt de nouveaux eacuteleacutements de base preacutem isses logiques
ou donneacutees factuelles
1 Scloll l~ldagc scolastiquc Vihil lsi in inielleeII (lIinJlillljileJil in se)SIl (IY2 2261903)
14
Pour ce qui inteacuteresse plus particuliegraverement le pragmatisme lanalyse du
processus cognitif au niveau du jugement perceptuel et de labduction montre que le
dessein de la cognition est daccroicirctre linformation concernant la reacuteal iteacute Le jugement
perceptuel diffegravere cependant de labduction en ce que ce premier est acritique et non
controcircleacute par la raison contrairement au second Labduction repreacutesente un stade
avanceacute du processus initieacute par le jugement perceptuel qui ouvre sur les autres modes
dinfeacuterence subseacutequents de la deacuteduction et de linduction et montre ainsi que le
processus cognitif fait ultimement retour sur la reacutealiteacute actuelle afin de confirmer
linformation communiqueacutee Le pragmatisme en tant que doctrine meacutethodologique
baseacutee sur la logique de labduction met laccent sur le premier moment du
raisonnement logique critique et auto-controcircleacute soit le deacutecegravelement des conseacutequences
possibles dune conception mais en comprend aussi la suite logique qui consiste en la
deacuteduction des conseacutequences pratiques neacutecessaires selon le cas actuel envisageacute et leur
confirmation par induction cest-agrave-dire par la confrontation avec la reacutealiteacute actuelle et
le retour sur le raisonnement Le pragmatisme preacuteconise ainsi laccord de la raison
individuelle avec laspect rationnel de la reacutealiteacute et identifie le dessein ultime de la
cognition agrave celui de la reacutealiteacute tout entiegravere soit la croissance de lordre rationnel agrave
travers les diffeacuterents aspects de la reacutealiteacute ici compris du point de vue des modaliteacutes
Peirce revient sur cette ideacutee au deacutebut de la prochaine seacuterie darticles au sujet du
pragmatisme
Now quite the most striking feature of the new theory was its recognition of an
inseparable connection between rational cognition and rational purpose and that
consideration il was which determined the preference for Ihe na me pragmalism
(EP2 333 1905)
Le dern ier moment importa nt de 1 eacutelaboration de la doctri ne du pragmatisme
est la reacutedaction en 1905-07 dune seacuterie darticles dans laquelle Peirce adopte une
approche seacutemiotique et donc proprement logique la logique eacutetant comprise par
lauteur en un sens large comme la theacuteorie de la penseacutee deacutelibeacutereacutee opeacuterant par signes Il
renomme sa doctrine laquopragmaticismeraquo pour la distinguer des autres pragmatismes
15
eacutemergeant agrave leacutepoque et divergeant du sien mais il continuera plus tard dutiliser le
terme dorigine Il nomme aussi deacutesormais sa pheacutenomeacutenologie laquophaneacuteroscopieraquo atin
den souligner la speacutecificiteacute La maxime du pragmatisme est reformuleacutee
conseacutequemment en termes seacutem iot iq ues comme su it
The entire intellectual purport of any symbol consists in the total of elll generell
modes of rationClI concluct which conclitionally upon ClII the possible different
circul1lstances Clnd c1esires would ensue upon the Clcceptance of the symbol (EP2
346 1905)
Peirce reconnaicirct de plus explicitement les limites du pragmatisme ddini par rapport agrave
la porteacutee des symboles dans la citation preacuteceacutedente et clairement limiteacute aux concepts
intellectuels dans lextrait suivant
1 unclerstclllcl pragmatislll to be a method of Clscertaining the meanings not 01 ail
ideas but only of such elS 1 term intellectuell concepts that is to say of those
upon the structure of which argulllents concerning objective tclct may hinge (EP2
421 1907)
La nouvelle preuve seacutemiotique du pragmatisme consiste agrave suivre le deacuteveloppement du
processus interpreacutetatif des signes cest-agrave-dire leur transtormation dun aspect de la
repreacutesentation en un autre afin de confirmer la concordance de ce processus avec la
meacutethode deacutecrite par la maxime Le pragmatisme est alors soutenu par largument selon
lequel liumlnterpreacutetant logique ultime est une habitude le reviendrai dans des sections
subseacutequentes aux exposeacutes de la phaneacuteroscopie et la seacutemiotique mais il convient deacutejagrave
de don ner le sens geacuteneacuteral de 18 nouvelle preuve L iuml nterpreacutetant logique d un signe est
une appreacutehension intellectuelle de la signification de ce signe sous son aspect
triadique Lorsque nous saiSissons laspect triadique de nos repreacutesent8tions qui
concorde lui-mecircme avec la triadiciteacute de la reacutealiteacute sous ses diffeacuterents aspects cest alors
que notre raison s8ccorde le mieux 8vec la raison reacuteelle L iumlnterpreacutet8nt logique ultime
fait porter cet accord agrave un autre niveau de la reacutealiteacute lnctualiteacute puisquil consiste en
une conduite reacutegleacutee de nos actions une habitude Nous retrouvons donc encore une
fois le thegraveme de laccord de la raison individuelle avec la raison geacuteneacuterale de la reacutealiteacute
qu i constitue le moti f essentiel du pragmatisme
16
De 1908 agrave sa mOlt en 1914 Peirce continue de reacuteviser la doctrine du
pragmatisme sans la deacutevelopper davantage mais en la critiquant Il reacuteitegravere ainsi la
critique de sa compreacutehension initiale du reacutealisme dont il avait limiteacute la porteacutee agrave
lactualiteacute des concepts geacuteneacuteraux alors que la reacutealiteacute comprend aussi des possibiliteacutes
reacuteelles li speacutecifie aussi agrave nouveau la porteacutee du pragmatisme qui seacutetend au domaine
de la logique en introduisant cette fois deux nouveaux concepts la seacutecuriteacute et la
feumlconditeacute (ltherly) du raisonnement Le pragmatisme serait une doctrine qui seacutecurise le
raisonnement mais le rend peu feumlcond
1 think logicians should have two aims lirst to bring out the amount and kind of
seclIrily (approach to certainty) of each kind of reasoning and second to bring out
the possible and esperable lIberly or value in productiveness of each kind (EP2
553 note 7 IYI3)
[PIagmatism] certainly aicls OUI approximation to the securily of reasoning But il
does Ilot contribute to the lIberly of reasoning which far more calls for solicitous
care the maxil11 of Pragmatism does not bestow a single smile upon beltluty upon
moral virtue or upon abstract truth-the three things that alone laise Humanity
above Animltllity (EP2 465 1913)
Cette assertion tardive surprend puisque Peirce avait tait plus tocirct de la croissance
lideacutee la plus importante que la philosophie ait produite (explicitement en EP2 373
1905) et par extension le principe directeur de la meacutethodeutique dans la doctrine du
pragmatisme Il sagit en fagraveit de bien comprendre le rocircle speacutecifique du pragmatisme
son caractegravere nonnati f en tant que doctrine meacutethodeutique La meacutethode preacuteconiseacutee par
le pragmatisme seacutecurise le raisonnement en lui donnant une voie speacuteci fique agrave suivre
mais elle ne le rend pas feumlcond puisquelle ne stimule pas elle-mecircme la production de
raisonnement La doctrine du pragmatisme est un tuteur sur lequel il faut fagraveire croicirctre
le raisonnement par dautres moyens Elle prend la croissance pour principe mais ne
lactualise pas elle-mecircme ne deacutecelant avant tout que les possibiliteacutes du raisonnement
les gennes de croissance
Je term inerai cette section en revenant sur le lien de la seacutem iotique avec le
pragmatisme Nous avons vu quau cours du deacuteveloppement de la doctrine du
17
pragmatisme la maxime initiale ne subit pas de changement majeur mais que divers
points de vue sont pris sur la doctrine qui tentent den ameacuteliorer la compreacutehension et
den speacutecifier la porteacutee La seacutemiotique donne ainsi le point de vue le plus authentique
sur le pragmatisme Peirce cherchait un point de vue encore plus propre agrave exprimer
lessence du pragmatisme avec les graphes existentiels une meacutethode de repreacutesentation
graphique de la logique deacuteductive Ce dernier traceacute est resteacute inacheveacute et peut-ecirctre cela
est-il duuml au fait que le pragmatisme preacutetend plutocirct faire appel agrave une logique de
labduction La seacutem iotique reste dans œuvre de Peirce le poin t de vue le plus
compreacutehensif sur le pragmatisme la logique de labduction n ayant pas eacuteteacute formai iseacutee
de faccedilon satisfaisante par lauteur auquel il manquait peut-ecirctre les outils conceptuels
neacutecessaires pour le faire Plus fondamentalement que labduction le pragmatisme
pointe cependant aussi vers la doctrine de la continuiteacute de la penseacutee le syneacutechisme
qui constitue Jultime theacuteoregraveme philosophique que Peirce cherchait agrave prouver
] 2 Le systegraveme des sciences
Peirce conccediloit la sCience comme une activiteacute des ecirctres humains en vue
datteindre la veacuteriteacute dans la repreacutesentation de la reacutealiteacute cest-agrave-dire ladeacutequation
eacuteventuelle des repreacutesentations aux o~jets deacutetude des scientifiques La science nest
ainsi quune des activiteacutes culturelles humaines celle qui fait appel au raisonnement
neacutecessaire Peirce deacuteveloppe de plus une classification des sciences au sein de laquelle
les matheacutematiques occupent la place la plus fondamentale suivies de la philosophie
puis des sciences speacuteciales (deacutenommeacutees idioscopiques) soit les sciences physiques et
psychiques Cette premiegravere trichotomie de sciences constitue la grande classe des
sciences de la deacutecouverte (ou heuristiques) elle-mecircme suivie de deux autres grandes
classes des sciences reacutetrospectives et des sciences pratiques Dans laquoAn Outline
Classiication of the Sciencesraquo (EP2 258-62 1903) lauteur preacutesente la classification
agrave laquelle il aboutit apregraves maintes anneacutees de recherches et dont il retiendra par la suite
18
en ses traits essentiels le modegravele Le scheacutema de cette classification peut ecirctre
reconstitueacute pour ce qui nous inteacuteresse comme suit
3 Science
31 Sciences de la deacutecouverte
311 Matheacutematiques
3111 Matheacutematiques de la logique
3112 Matheacutematiques des seacuteries discregravetes
313 Matheacutematiques des continua et pseudo-colltillua
312 Philosophie
3121 Pheacutenomeacutenologie
3122 Sciences normatives
31221 Estheacutetique
31222 Eacutethique
31223 Logique
312231 Grammaire speacuteculative
312232 Critique
312233 Meacutetllocleutique
3123 Meacutetaphysique
313 Idioscopie
3131 Sciences physiques
3132 Sciences psychiques
32 Sciences reacutetrospectives
33 Sciences pratiques
La classification des sciences suit un ordre selon lequel les sciences deacutependent
de sciences plus fondamentales pour leurs principes auxquelles elles fournissent en
retour des donneacutees Cette ideacutee dune classification des sciences selon le motif de la
deacutependance non reacuteciproque au niveau des principes proviendrait de la philosophie
dAuguste Comte (EP2 258 1903) Je deacutevelopperai agrave preacutesent lexposeacute du systegraveme
des sc iences en y si tuant les dise ipl ines qui nous concernent so it la seacutem iotique ct la
logique de mecircme que la 1ingu istique et leacutetude de leacutecriture
19
Il Y a deux sens du terme laquoseacutem iotiq ueraquo qu i peu t deacutesigner te 1 que Peirce
lutilise la theacuteorie geacuteneacuterale des signes ou selon lacception contemporaine une partie
de la seacutemiotique au sens peirceacuteen la grammaire speacuteculative agrave laquelle est alors
restreinte la theacuteorie des signes Peirce identifie la seacutemiotique en tant que theacuteorie
geacuteneacuterale des signes agrave la logique eacutegalement comprise en un sens large Il suffira pour le
moment de preacutesenter les diffeacuterents sens de la logique la seacutemiotique que nous avons
maintenant situeacutee dans le systegraveme eacutetant preacutesenteacutee en deacutetail dans une prochaine
section
La logique est une sCIence philosophique normative En tant que sCIence
philosophique elle cherche agrave repreacutesenter adeacutequatement la reacutealiteacute actuelle telle
quexpeacuterimenteacutee dans lexpeacuterience commune Les matheacutematiques opegraverent plutocirct par
raisonn~ment hypotheacutetique ou conditionnel portant sur des possibiliteacutes qui ne sont
pas neacutecessairement actualiseacutees mais dont la conseacutequence serait neacutecessaire si les
preacutemisses du raisonnement sactualisaient (menant neacutecessairement au conseacutequentf
Les sciences physiques et psychiques cherchent quant agrave elles les repreacutesentations
neacutecessaires de la reacutealiteacute par lexpeacuterimentation et lobservation speacutecialiseacutees afin de
rendre le savoir productif
Mathematics studies vllat is and wllat is not logically possible without making
itself responsible for its actual existence Philosophy is positive science in the
sense of discovering what really is true but it lilllits itself to sa much of trutll as
can be inferred from comlllon experience Idioscopy embraces ail the special
sciences which are principally occupied wilh the accumulation of new facts (EP2
259 1903)
Peirce conccediloit ainsi les matheacutematiques et la logique comme deux sciences distinctes
mais ordonneacutees poursuivant la veacuteriteacute chacune agrave sa maniegravere lune fondant la seconde
Il considegravere eacutegalement la logique comme plus fondamentale que les sciences rhysiques
et psychiques Il soppose donc agrave la fois au logicisme (agrave Jeacutepoque de Dedekind CP
4239 1902) et au psychologisme fort (entre autres de John Stuart Mill CP 433 91
1893)
La conseacutequcncc csl bien ln chaIcircnc dinleacutelcncc mcnant dcs preacutemisscs au conseacutequcnt
20
En tant que science normative la logique distingue les bons raisonnements des
mauvais Elle tire ses pliumlnClpes de la pheacutenomeacutenologie (aussi deacutenommeacutee
phaneacuteroscopie) science dont lactiviteacute consiste agrave deacutecrire tout ce qUI apparalt agrave
lesprit La description pheacutenomeacutenologique consiste agrave effectuer des seacuteparations
mentales mettant en eacutevidence les eacuteleacutements universellement pleacutesents agrave lesprit La
logique fournit par ailleurs des principes agrave la meacutetaphysique la dirigeant dans ses
raisonnements speacuteculatifs sur la nature de la reacutealiteacute La logique ainsi comprise en un
sens large est une theacuteorie du raisonnement deacutelibeacutereacute et le raisonnement seffectuant par
signes elle correspond agrave la seacutemiotique en tant que theacuteorie geacuteneacuterale des signes
constitueacutee de la grammaire speacuteculativegt la logique critique et la meacutethodeutique Elle
tire ses principes des matheacutematiques et de la pheacutenomeacutenologie mais eacutegalement de
lestheacutetique et de leacutethique En un sens restreint la logique effectue seulement la
critique des arguments en les classifiant et en jugeant leur validiteacute
Logic is the theory of self-controlled or deliberate thought ancl as such must
appeal to ethics fOI its principles It also (Iepends upon phenomenology and upon
mathematics Ail thought being performed by means of signs Logic may be
regarcled as the science of the general laws of signs It has three branches (1)
Speculative CraIl1J7Jar or the general theory of thc nature and Illeanings of signs
whether they be ieons indices or symbols (2) Crije which classitiumles arguments
and determines the validity and degree of force of each kind (3) Methodeuic
which studies the methods that ought to be pursued in the investigation in the
exposition ancl in the application of truth Each division depencls on that which
precedes il (EP2 260 1903)
La logique deacuteductive lormelle une logique matheacutematique selon lacception courante de
la logique contemporaine repreacutesenterait un autre sens restreint de la logique
correspondant agrave une partie de la meacutethodeutique la theacuteorie de la deacuteduction par lemploi
de modegraveles matheacutematiques La meacutethodeutique comprise en ce sens serait une theacuteorie
de la production de raisonnements valides par application dalgorithmes logiques
rapprochant la logique de la technique La logique matheacutematique nest pas agrave confondre
avec les matheacutematiques de la logique qu ineffectuent pas de retour reacuteflexif sur
laquoSpeacutecul~ltiiraquo U sens Je laquotheacuteoreacutetiqucraquo (U)2 128 190lt1)
21
largument mais fournissent le diagramme eacuteleacutementaire servant agrave lanalyse logique
deacuteductive (cf laquoThe Simplest Mathematicsraquo CP 4227-323 1902 en particulier CP
4227-8 CP 4240 et CP 4244)
Peirce classe la linguistique toujours dans le mecircme article de 1903 parm i les
sciences idioscopiques psychiques Plus exactement il sagit dune science psychique
classificatoire En tant que science psychique classificatoire la linguistique tire ses
principes de la psychologie la science psychique nomologique quelle applique lt1
leacutetude des langues Peirce nidentifie pas leacutetude de leacutecriture comme sujet speacutecifique
dune des branches dela linguistique mais il est eacutevident que sa deacutefinition geacuteneacuterale de la
linguistique comprend cette eacutetude que nous pouvons maintenant isoler suite au
progregraves des sciences du langage La science de leacutecriture ici envisageacutee peut ecirctre
caracteacuteriseacutee au moins comme une science psychique classiticatoire tirant ses principes
immeacutediats de la psychologie Elle se base aussi sur la pheacutenomeacutenologie la logique (ou
seacutemiotique) et la meacutetaphysique de mecircme que la biologie sur lesquelles Peirce fonde la
psychologie Il faudrait par ailleurs distinguer la science de leacutecriture des theacuteories de
leacutecriture La science est une activiteacute des ecirctres humains leacutetude dun objet de la reacutealiteacute
actuelle par le biais de lexpeacuterience et la construction conseacutequente de repreacutesentations
concernant cette reacutealiteacute alors que la theacuteorie est plutocirct une chaicircne darguments
concernant la repreacutesentation de la reacutealiteacute La science sengage dans la reacutealiteacute sous tous
ses aspects en prenant pour point de vue la rationaliteacute la theacuteorie est davantage limiteacutee
au raisonnement agrave laspect rationnel de la reacutealiteacute Nous pourrions dire que la theacuteorie
est une repreacutesentation paradigmatique dans le travail continu des sciences
J3 Les sciences philosophiques
Afin dintroduire lt1 une eacutetude plus approfondie des sciences philosophiques
Je l11opposc Cil cela au illlcrpntatIcircolls dc Kcnt (19t7) clliszka (1996) qui situclltlllogiquc
1()liumlllCllc 8U scin dcs 111ecirc1theacuteI118tiqucs
1
22
telles que les concevait Peirce je commencerai par esquisser en quelques traits sa
meacutetaphysique La meacutetaphysique est en quelque sorte la partie productive de la
philosophie peirceacuteenne elle interpregravete en une vision densemble les diffeacuterents aspects
de la reacutealiteacute tels quiumlntuitionneacutes et analyseacutes par les autres sciences philosophiques et
fait le lien avec les sciences idioscopiques De ce point de vue englobant et speacuteculatif
sur la reacutealiteacute Peirce reconnaicirct les diffeacuterents sens et la valeur de la repreacutesentation le
monde comme repreacutesentation est organiseacute selon un ordre hieacuterarchique solidaire la
triade Ces diffeacuterents sens des trois points de vue tondamentaux de la triade et cette
valeur accordeacutee selon lordre hieacuterarchique solidaire transparaicirctront dans lexamen des
principes de la phaneacuteroscopie et de la seacutemiotique sciences auxquelles nous aurons
plus speacutecifiquement affaire dans lexamen de la cateacutegorie de la geacuteneacuteraliteacute Leacutethique et
lestheacutetique nous inteacuteresseront aussi mais pas en ce qui concerne le problegraveme
speacutecifique du meacutemoire et je ny reviendrai donc quagrave la conclusion dans une tentative
douverture de largument par-delagrave son niveau logique
Les principales doctrines de la meacutetaphysique peirceacuteenne sont le reacutealisme
scolastique et la ph i losoph ie du sens commun critique que lauteur preacutesente dans
laquoIssues of Pragmaticismraquo (EP2 346-59 1905) comme des conseacutequences du
pragmatisme Nous pourrions aussi compter au nombre des doctrines meacutetaphysiques
originales de Peirce le tychisme lagapisme et le syneacutechisme de mecircme que lideacutealisme
objectif (deacuteveloppeacutes surtout dans la seacuterie meacutetaphysique de la revue The Aifonisl de
1891-93 (EPI 285-371 )) maisje ne les aborderai pas directement Le reacutealisme a deacutejagrave
eacuteteacute preacutesenteacute comme une caracteacuteristique de la meacutethode scientifique expeacuterimentale de
laquelle sinspire le pragmatisme Il consiste essentiellement agrave reconnaicirctre quiumll ya des
objets dans le monde reacuteel qui ne deacutependent pas de ce quun individu quelconque
puisse en penser Il est aussi traditionnellement compris comme sappliquant aux
concepts geacuteneacuteraux deacuteterminant des objets singuliers Peirce entend toutefois eacutelargir
cette conception de la reacutealiteacute et cest ce qui caracteacuterise son propre reacutealisme inspireacute du
reacutealisme scolastique (de Duns Scot) Selon Peirce il ny a pas que des objets geacuteneacuteraux
)_J
ou deacutetermineacutes qUI soient reacuteels meacutellS eacutegalement toujours du point de vue de la
signilication des repreacutesentations des objets vagues et mecircme du point de vue des
modaliteacutes des objets possibles La reacutealiteacute seacutetend sur trois aspects fondamentaux tels
que diffeacuterencieacutes par la phaneacuteroscopie et la seacutemiotique La notion de reacutealiteacute soppose agrave
celle de fiction ou plutocirct inclut cette derniegravere puisque la fiction est une repreacutesentation
possible de la reacutealiteacute deacutependante de lindividu qui la cree mais elle-mecircme reacuteelle dans
S3 situation particuliegravere au sein de la reacutealiteacute
L3 philosophie du sens commun critique eacutegalement en germe dans le
faillibilisme caracteacuteristique de la meacutethode du pragmatisme et deacuteriveacutee de la philosophie
du sens commun eacutecossaise (avant tout de Reid) est agrave son tour une doctrine
meacutet3physique dont le principe essentiel consiste agrave reconnaicirctre quil y a des inleumlrences
indubitables en ce sens quelles sont acritiques qui constituent le fondement de la
connaissance Ces inleumlrences sont indubitables mais extrecircmement vagues ce qui les
rend facilement sujettes au doute degraves quelles sont circonscrites et que des deacutetinitions
plus preacutecises en sont rechercheacutees La doctrine est de la sOlte critique parce quelle
reconnaicirct ecirctre elle-mecircme fondeacutee sur des croyances non critiqueacutees mais pouvant ecirctre
reacutevoqueacutees en doute non par la simple volonteacute du sujet connaissant mais par leur
confrontation aux faits de la reacutealiteacute actuelle La philosophie du sens commun critique
reconnaicirct donc sa propre faillibiliteacute Les deux doctrines repreacutesentent finalement des
conseacutequences du pragm3tisme une doctrine meacutethodeutique de la seacutemiotique en ce
quelles se fondent sur les analyses de la phaneacuteroscopie pm la prise en compte des
di f1eumlrents aspects de la reacutealiteacute et de la seacutemiotique par la critique du raisonnemento Il
conven3it cependant de preacutesenter 13 meacutetaphysique avant la ph3neacuteroscopie et la
On pourrait sc dcmandcr siumllne sagit pas lil plutocirct dc doctrincs eacutepisteacutemologiques Cl non
meacutelaphysiqucs mais leilcc nuli 1isc (oui simplement pas le terme d laquoeacutepisteacutenwlogicraquo Leacutepisteacutemologie en tant que theacuteorie ue la euumlnnaiss~lncc semble ecirctle pour lui une bl~lnehe de la meacutelltlrh) sique ct nous pouons rcnsel qUII elasser~lit la philosophic des sciences dans les sciences reacutetmspeelives ou mecircl11e CIleore 11 meacutetaph)siquc Il dit une il1is au sujet de Imiddoteacutepisteacutemologie en inlroduisantla gnll11maire speacuteCLilatic eomlllc rrcmiegravere seienec logique
Other logiciI1s clldeorillg to steel elear or psyclwlog) as lal ilS rossibk lhillk thal this Jirst blI1ch olIogic I11lsl relne 10 lhe posibilily or knolcdgc or Ihe lcal Vorld alld liron the sellse in hieh il is Inle Ihal Ihe lcal orlll eall be kno n This bran ch 01 rhiloso[Jh) clilcd epistel11gy 01
rkelliJIl7isehre is ncccssarily jltJrgely I11claphysicill (112 257 1(()3)
24
seacutemiotique afin de donner agrave ces derniegraveres un horizon envisageacute dans le sens de leur
app 1ication
131 Phaneacuteroscopie theacuteorie des cateacutegolies
La phaneacuteroscopie peut ecirctre preacutesenteacutee dans un but heuristique selon deux
approches diffeumlrentes lune allant dans le sens formel des principes et lautre dans le
sens mateacuteriel des donneacutees 1 ny a toutefois pas de solution de continuiteacute entre la
forme et la matiegravere car selon la doctrine de lideacutealisme objectif la matiegravere nest quune
forme contrainte par lhabitude laquomatter is effete mind inveterate habits becoming
physical lawsraquo (EP 1 293 1891) ou encore laquomatter is merely mind deadened by the
development of habitraquo (CP 8318 1891) Peirce deacuteveloppe la phaneacuteroscopie agrave partir
de sa theacuteorie des cateacutegories dabord conccedilue comme une theacuteorie de la cognition dont
les conceptions reacuteduisant la diversiteacute de la Substance agrave luniteacute conceptuelle de lEcirctre
sont la Repreacutesentation la Relation la Qualiteacute (EP 1 6 1867) Il propose dans sa
theacuteorie cognitive des cateacutegories une approche psychologisante de la logique illustreacutee
par mais non fondeacutee sur la psychologie selon laquelle il deacutecrit Je processus
dabstraction qui permet la cateacutegorisation dans un exposeacute meacutelangeant les aspects
formel et mateacuteriel Peirce qui deacutefend au moment de sa theacuteorie initiale une ontologie
reacutealiste comprenant des eacuteleacutements nominalistes adoptera eacuteventuellement un reacutealisme
dur Les cateacutegories seront alors deacutetinies comme des eacuteleacutements universellement preacutesents
agrave lesprit et seront nommeacutees dans leur plus grande geacuteneacutera 1iteacute Prem iegravereteacute Deuxiegravemeteacute
Troisiegraverneteacute Cest cette derniegravere approche phaneacuteroscopique que je retiendrai surtout
ici puisque cest delle que procegravede la seacutemiotique peirceacuteenne pleinement deacuteveloppeacutee
qui rera lobjet de la prochaine section
Selon lapproche la plus proprement formelle de la phaneacuteroscopie les
cateacutegories sont deacuteriveacutees des intuitions matheacutematiques exposeacutees dans les
25
matheacutematiques de la logique (CP 4250-323 1902 laquoThe Simplest Mathematicsraquo) Le
matheacutematicien deacutecouvre il travers ses raisonnements sur les formes hypotheacutetiques de
la reacutealiteacute la triadiciteacute des structures formelles primitives authentiques (genlline) et leur
dyadiciteacute dans une forme deacutegeacuteneacutereacutee (degeneroe) La dyade constitue un point de
deacutepart dans la reacutealiteacute actuelle et est donc la premiegravere structure analyseacutee mais avec le
deacuteveloppement de la reacuteflexion matheacutematique cest la triade qui fait loi Peirce
distingue eacutegalement selon une approche moins essentiellement tonnelle mais plus
proprement philosophique puisque logique trois modes de seacuteparation dans la penseacutee
la dissociation la preacutescission et la discrimination (cf laquoSundry Logical Conceptionsraquo
EP2 267-72 1903) La description phaneacuteroscopique consiste alors agrave effectuer ces
diffeacuterents types de seacuteparation mentale afin de mettre en eacutevidence les eacuteleacutements
un iversellement preacutesen ts agrave lesprit Les tro is cateacutegories sont om nipreacutesen tes dans la
penseacutee mais les modes de seacuteparation qui sappliquent agrave chacune dentre elles
diffegraverent A insi la d issoc iation est une opeacuteration de Prem iegravereteacute selon laquelle on peut
imaginer un eacuteleacutement sans un autre la preacutescission est une opeacuteration de Deuxiegravemeteacute
selon laquelle on peut supposer un eacuteleacutement sans un autre mais non limaginer et la
discrimination est une opeacuteration de Troisiegravemeteacute selon laquelle on peut repreacutesenter un
eacuteleacutement sans un autre mais non Je supposer ni limaginer La diffeacuterence entre les
modes de seacuteparation deacutecoule de lordre de genegravese des cateacutegories et du lien de
deacutependance non reacuteciproque qui les unit La Premiegravereteacute se suffit agrave elle-mecircme la
Deuxiegravemeteacute deacutepend de la Premiegravereteacute mais non de la Troisiegravemeteacute et la Troisiegravemeteacute
deacutepend agrave la tais de la Premiegravereteacute et de la Deuxiegravemeteacute Le scheacutema suivant preacutesente les
diffeacuterents aspects tormels de la structure
Niveaux cOleacutegoriels des l1odes de seacuteparolion
1deg Dissociation seacuteparation de Premiegravereteacute
2deg Preacutescission seacuteparation de Deuxiegravemeteacute
3deg Discrimination seacuteparation de Troisiegravemeteacute
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Deacutefinitions en termespllJs intuitifs
1deg On peut imaginer un eacuteleacutement sans un autre
2deg On peut supposer un eacuteleacutement sans un autre mais non limaginer
3deg On peut repreacutesenter un eacuteleacutement sans un autre mais non liumlmaginer ni le
supposer
(Par exemple 1deg on peut imaginer une couleur sans une autre 2deg on peut
supposer quune couleur nait pas dintensiteacute speacutecij~que (ainsi lorsquon parle
du rouge en geacuteneacuteral la rougeur (rednessraquo mais on ne peut limaginer 3deg on peut
repreacutesenter lintensiteacute dune couleur sans cette couleur (lorsquon donne une
formule matheacutematique repreacutesentant lintensiteacute) mais on ne peut la supposer ni
1iumlmagi ner)
Porteacutee des modes de seacutejJorotion
1deg On peut
- dissocier un Premier dun autre Premier
2deg On peut
- preacutescinder un Deuxiegraveme dun autre Deuxiegraveme
- preacutescinder un Premier dun Deuxiegraveme mais non un Deuxiegraveme dun Premier
3deg On peut
- discriminer un Troisiegraveme dun autre Troisiegraveme
- discriminer un Premier dun Troisiegraveme mais non un Troisiegraveme dun Premier
- discriminer un Deuxiegraveme dun Troisiegraveme mais non un Troisiegraveme dun
Deux iegraveme
De plus selon lordre de genegravese et le lien de deacutependance non reacuteciproque qui unit les
cateacutegories le scheacutema peut se complexifier si lon considegravere la dissociation possible de
la Premiegravereteacute avec la Deuxiegravemeteacute dun Deuxiegraveme la dissociation possible de la
Premiegravereteacute avec la Premiegravereteacute dun Troisiegraveme etc Remarquons finalement que la
Premiegravereteacute ofije le plus de possibiliteacutes de seacuteparation mais que son propre niveau
requiert la plus grande seacuteparation Les possibiliteacutes de seacuteparation de la Troisiegravemeteacute
sont quant agrave elles plus restreintes mais le niveau propre de celle-ci requiert une plus
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petite seacuteparation En dautres termes la seacuteparation au niveau de la Premiegravereteacute requiert
une plus grande implication logique et ontologique quune seacuteparation au niveau de la
Troisiegravemeteacute
Selon lapplOche mateacuterielle de la phaneacuteroscopie les cateacutegories sont plutocirct
deacutecrites agrave partir des donneacutees immeacutediates de la philosophie les faits de lexpeacuterience
commune en tant qu eacuteleacutements pheacutenomeacutenaux invariablement preacutesents dans la penseacutee
tels que la qualiteacute pour la Premiegravereteacute le fait brut pour la Deuxiegravemeteacute et la loi pour la
Troisiegravemeteacute Cest cette approche que Peirce utilise le plus souvent afin dillustrer sa
theacuteorie Les sens formel et mateacuteriel sont tous deux distingueacutes implicitement dans les
deacutefinitions suivantes
Categoly the First is the Idea of that which is such as it is regardless of
anything else That is to say it is a Qiality of Feeling
Category the Second is the Idea of that which is such as it is as being Second
to SOllle First regardless of anything else and in particular regardless of any 011
although it Illay conforlll to a law That is to say it is Reaction as an eleillent of
the Phenomenon
Category the Third is the Idea of that which is such as it is as being a Third
or Medium between a Second and its First That is to say it is Representation as an
element of the Phenomenon
(EP2 160 1903)
Dans sa formulation initale de la theacuteorie des cateacutegories Peirce considegravere aussi
deux cateacutegories suppleacutementailes lEcirctre et la Substance Les trois cateacutegories
intermeacutediaires correspondant lt1 la Premiegravereteacute la Deuxiegravemeteacute et la Troisiegravemeteacute sont
alors nommeacutees Qualiteacute Relation et Repreacutesentation Les cinq cateacutegories sont deacutefinies
cOl11me des conceptions universelles servant agrave reacuteduire la diversiteacute des impressions
sensibles en une uniteacute Les trois cateacutegories intermeacutediaires sont consideacutereacutees comme des
accidents reacuteduisant progressivement la diversiteacute de la Substance agrave luniteacute conceptuelle
pure de I~Ecirctre Dans le langage cette reacuteduction seffectue au sein de la proposition
luniteacute conceptuelle geacuteneacuterale comprenant les diffeacuterents niveaux de la reacuteduction Peirce
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reacutesume les cateacutegories dans le scheacutema suivant
Being
Quality (Reference to a Ground)
Relation (Reference to a Correlate)
Representation (Reference to an Interpretant)
Substance
(EPI 61867)
Peirce fait de plus la distinction aussi bien dlI1s ses premiers eacutecrits menant agrave la
formulation de la theacuteorie des cateacutegories initiale que dans les eacutecrits sur la
pheacutenomeacutenologie entre les cateacutegories universelles jusquici preacutesenteacutees et quil a
surtout deacuteveloppeacutees et les cateacutegories paliiculiegraveres dont il na pas termineacute leacutetude
mais quil em ploie largement dans son œuvre Les cateacutegories un iverselles sont
organiseacutees selon un ordre hieacuterarchique solidaire et sont preacutesenteacutees dans la liste courte
de la triade fondamentale Prem iegravereteacute Deuxiegravemeteacute Troisiegravemeteacute Les cateacutegories
particuliegraveres sont plutocirct organiseacutees selon un modegravele ternaire une seule agrave la fois eacutetant
preacutesente ou du moins preacutedominante dans un pheacutenomegravene (EP2 148 1903) Ces
cateacutegories se multiplient en un nombre indeacutetermineacute et repreacutesentent une longue liste
que Peirce na pas compleacuteteacutee Nous pouvons toutefois en suivant ses eacutecrits classer
quelques-unes de ces cateacutegories en tables selon laspect de la reacutealiteacute sur lequel elles
portent de la maniegravere suivante
Aspect de la reacutealiteacute Cateacutegories particuliegraveres
modaliteacute possibiliteacute actualiteacute neacutecessiteacute (EP2 491)
qualiteacute neacutegation aftiumlnnation infiniteacute dintermeacutediaires (EP2
353)
relation monade dyade triade (EP2 424-7)
[sign if~cat ion] vagueur (laglleness) deacutetermination geacuteneacuteraliteacute (EP2
350-52)
quantiteacute particulariteacute singulariteacute universaliteacute (EI)2 353)
Les principaux aspects de la reacutealiteacute ici distingueacutes selon un scheacutema inspireacute des tables
29
kantiennes auxquelles sajoute la signification (je la deacutesigne comme telle) semblent
correspondre aux cinq cateacutegories de la theacuteorie des cateacutegories initiale la modaliteacute eacutetant agrave
relier agrave lEcirctre (Peirce en discute aussi en termes de laquomodes decirctreraquo (EP2 269 1903))
la signification agrave la Repreacutesentation la Relation et la Qualiteacute se retrouvant telles quelles
et la quantiteacute se reliant agrave la Substance Les cateacutegories universelles se complexifieraient
de la sorte selon le motif de la quantiteacute en cateacutegories particuliegraveres suivant un modegravele
ternaire La modaliteacute et la quantiteacute encadreraient theacuteoriquement les cateacutegories
universelles philosophiques la Qualiteacute la Relation et la Repreacutesentation qUI
sappliquent plus speacutecifiquement agrave la reacutealiteacute telle que perccedilue dans lexpeacuterience
commune Peut-ecirctre pourrions-nous consideacuterer la modaliteacute et la quantiteacute comme des
cateacutegories laquomeacuteta-philosophiquesraquo propres agrave un autre point de vue au sein des
sciences reacutetrospectif sans doute Toujours est-il que je me limiterai ici agrave lexamen de
deux ensembles de cateacutegories particuliegraveres lune soi-disant meacuteta-philosophique les
modaliteacutes qui permettront dapprofondir la compreacutehension du motif de la
cateacutegorisation peirceacuteenne et lautre proprement philosophique et mecircme logique les
cateacutegories de la signification qui inteacuteressent plus speacutecifiquement le problegraveme envisageacute
dans ce meacutemoire
Ainsi les exemples que Peirce utilise pour deacutelinir ses cateacutegories tant appel aux
modaliteacutes Certaines notions modales sont mecircme lieacutees agrave des cateacutegories speacutecifiques Les
modaliteacutes eacutetant des notions logiques assez intuitives il est inteacuteressant dexaminer le
lien queffectue Peirce entre ces derniegraveres et les cateacutegories en revenant sur les
illustrations concregravetes des cateacutegories et leurs exp 1ications formelles La Prem iegravereteacute est
illustreacutee le plus souvent par une qualiteacute de sensation (qllolilyojjegraveeling) telle le rouge
Avant mecircme quon prenne conscience de la qualiteacute et quon lui accorde une intensiteacute
elle est sous son aspect le plus authentique une simple possibiliteacute ce que Peirce
considegravere comme de la Prel11 iegravereteacute sans Deuxiegravemeteacute La Prel11iegravereteacute la pl us En suivant le motilues cateacutegories rltlrliculiegravetes dc la lJuantiteacute on pcut se dcmanuelnugravelmiddotemenl siumlln) ltlurait pas des cateacutegolies singuliegraveres I)cilcc ne scmole rIS eonsiJeacutenr ec cl1emin de renseacutee (il nest S[II
que ue cc quiumll Joit) lloil deu ordns (lY2 148 1J(3)) Imis on peut imaginer lJuiumll sagilltlil selon son systegraveme de cateacutegolies (d hoc cest-tl-dire que pOlll tel CIS il y uuraillelle laquocateacutegorieraquo lei un nOI11 rlOrlC
30
fondamentale des cateacutegories est donc associeacutee agrave la modaliteacute de la possibi liteacute
laquoPossibility the mode of being ofFirstness is the embryo ofbeing It is not nothing
It is not existenceraquo (EP2 269 1903) La Deuxiegravemeteacute est le plus souvent illustreacutee par
un fait brut tel la compulsion par exemple leffort provoqueacute soudainement
lorsquune porte quon sapprecircte agrave ouvrir nous reacutesiste La modaliteacute qui lui est associeacutee
est lactualiteacute laquoSecondness only is while it actually is The same thing can never
happen tVice As Heraclitus said one cannot cross the same river twice raquo (EP2
268 1903) Cest donc aussi la cateacutegorie de lexistence et de lindividualiteacute de la
situation dans un espace-temps La Troisiegravemeteacute peut quant agrave elle ecirctre illustreacutee entre
autres par Lin ensemble discursif mettant plusieurs propositions singuliegraveres en
relation cest-agrave-dire un argument Cest la cateacutegorie meacutediatrice de la penseacutee de la loi et
de la finaliteacute entendue comme raison ou but La modaliteacute qui lui est associeacutee est la
neacutecessiteacute
On the other hand Necessiy is an idea 01 Thirdness This word is equivocal it is
here taken in the sense of rational ie general necessity It is not a mere cJenial of
Possibility For Possibility in the sense of Firstness is not a subject of denial The
absence of any given possibility is 01 course a possibility but to leave a character
st8ncling and rcmovc From it its possibility is nonsense unJess one means ta speak
of a representamen of the quality in which case the element of Thirclness is the
predominant one (EP2 271 1903)
La relation de deacutependance non reacuteciproque propre aux cateacutegories universelles
sapplique aussi aux modaliteacutes qui leur sont associeacutees La neacutecessiteacute ne nie pas la
possibiliteacute mais limplique Cependant tout comme la Troisiegravemeteacute peut dominer et
laisser la Premiegravereteacute inapparente la neacutecessiteacute peut aussi dominer et laisser la
possibiliteacute sembler seffacer comme caracteacuteristique modale Nous remarquons aussi
que la Troisiegravemeteacute est la cateacutegorie dont la deacutefinition est la plus tagravecile agrave eacutelaborer
discursivement que la Deuxiegravemeteacute est la cateacutegorie la plus tagravecile agrave illustrer par
lexpeacuterience que nous en faisons dans le monde et que la Premiegravereteacute est tout
simplement la cateacutegorie la plus difficile agrave saisir bien que la plus fondamentale La
deacutefinition agrave laide dillustrations recoupe leacutelaboration formelle preacutesenteacutee plus haut
31
mais implique les modaliteacutes de faccedilon plus eacutevidente La structure deacutegageacutee dans
lexposition formelle se reflegravete donc aussi sur les modaliteacutes
Le lien queffectue Peirce entre les cateacutegories et le langage dans la theacuteorie des
cateacutegories in itiale nOLIs informe eacutegalement au sujet des modal iteacutes Les cateacutegories
opegraverent une unification conceptuelle au sein de la proposition qui consiste en la mise
en relation clu preacutedicat et de ses sujets culminant clans la conception dmiddotEcirctre Or la
modaliteacute est dans sa deacutefinition canonique une notion moditiant la relation diumlnheacuterence
subsistant entre le sujet et le preacutedicat Les modaliteacutes sont donc des notions tregraves
semblables aux cateacutegories universelles Peirce dit lui-mecircme dans sa preacutesentation plus
tardive et pheacutenomeacutenologique des cateacutegories laquoA Possibility and a Firstness are pretty
nearly identicalraquo (EP2 271 1903) Et il preacutecise ailleurs dans le mecircme article nous
lavons vu plus haut laquoPossibility the mode of being of Firstness is the embryo of
beingraquo (EP2 269 1903) Si nous faisons le lien entre laftinnation selon laquelle laquola
possibiliteacute [est] le mode decirctre de la Premiegravereteacuteraquo et la liste initiale des cateacutegories nous
pouvons comprendre le mode decirctre comme eacutetant une modification de luniteacute
conceptue Ile pure de la cateacutegorie dEcirctre par des accidents Les cateacutegories
intermeacutediaires sont les accidents graduels de la conception dEcirctre et la modaliteacute est la
qualitication de ces accidents Les modaliteacutes indiquent donc la maniegravere dont les
cateacutegories accidentelles opegraverent la reacuteduction du divers sensible en une uniteacute imparfaite
par rapport agrave luniteacute pure de lEcirctre qui na pas de modaliteacute En nous reacutereumlrant
eacutegalement agrave la liste initiale des cateacutegories nous pouvons aussi comprendre
latlirmation selon laquelle laquola possibiliteacute est lembryon de lecirctreraquo puisque la
cateacutegorie universelle dont la possibiliteacute est la modaliteacute correspondante la qualiteacute est la
derniegravere conception avant luniteacute conceptuelle pure de lEcirctre Nous tirons de ces
consideacuterations le scheacutema reacutecapitulatif su ivant
32
Ecirctre mode decirctre
Qualiteacute possible
Relation accidents qualifieacutes de actuel
Repreacutesentation neacutecessaire
Substance
La modaliteacute est de plus abordeacutee en logique dans la partie modale des graphes
existentiels mais celle-ci est resteacutee largement inacheveacutee et reste inaccessible sans une
introduction agrave la meacutethode des graphes existentiels La modaliteacute est sinon mentionneacutee
par Peirce lorsquil eacutetudie les propositions dans le cadre de sa theacuteorie des signes Mais
il ne fait alors que suivre la tradition scolastique et kantienne en en reprenant les
deacutefinitions Toutefois cela nous indique que sa conception devrait pour lessentiel
saccorder avec cette tradition quil a eacutetudieacutee en profondeur et dont il sest
certainement inspire Honn is les deacutefinitions de dictionnaire eacutecrites par Peirce la
principale occurrence dune deacutefinition des modaliteacutes dans le cadre de leacutetude
seacutemiotique des propositions est la suivante
ln the fiumlrst place accordillg to Ivodalily [ J or Mode [ J a prOposition is either
de inesse [ ] or modal A proposition de inesse contemplates ollly the existing
state of things-existing that is in the logical ulliverse of c1iscourse A modal
proposition takes account of a whole range of possibility According as it asserts
something to be true or fnlse throughout the whole range of possibility it is
necessary [ J or impossible According as it asserts something to be true or false
within the range of possibility (not expressly including or excluding the existent
state of things) it is possible [ ] or conlingenl (EP2 283 1903)
La conception de la modaliteacute formuleacutee ici correspond exactement agrave celle entrevue
jusque maintenant dans lexamen de la phaneacuteroscopie Selon la modaliteacute une
proposition est soit de inesse ou modale Le de inesse correspond agrave la modaliteacute cie
lactualiteacute La possibiliteacute est aussi reconnue comme un aspect fondamental des
Le long article encyclopeacutedique sur lu modoliteacute que leircc a eacutecril pour le dictionnaire de lames Mark 13uldin reacutesume les conceptions ue ces deux lraditions (CI 2382-90 1902) Les parenthegraveses omises dons la citation suivante lonl dailleurs reacuteleumlrcnec au lermes uorigine el il leurs au leurs (I~()egravece
Iheacutel)Id Kal1l)
33
modaliteacutes Les modaliteacutes sont ensuite classeacutees selon le champ de possibiliteacute consideacutereacute
la modaliteacute qui englobe tout le champ du possible est la neacutecessiteacute si la proposition est
positive et limpossibiliteacute si la proposition est neacutegative et la modaliteacute qui ne
considegravere quune partie du champ du possible est la possibiliteacute si la proposition est
positive et la contingence si la proposition est neacutegative Il est inteacuteressant de noter
que lactualiteacute est consideacutereacutee comme une modaliteacute et que la phaneacuteroscopie ne
consideacuterait en plus de lactualiteacute que les modaliteacutes positives de la neacutecessiteacute et la
possibiliteacute La deacutefinition de la philosophie citeacutee plus tocirct preacutecise bien quelle est laquoune
science jJOsiive en ce sens quelle deacutecouvre ce qui est reacuteellement vrairaquo La seconde
occurrence significative des modaliteacutes dans un contexte seacutemiotique est le postshy
scriptum dune lettre agrave Lady Welby La modaliteacute y sert agrave caracteacuteriser les diffeacuterents
types de signes
1 signifies the Possible Modality that of an Idea
2 signifies the Actual Modality that of an Occurrence
3 signilies the Necessary Moclality that of a Habit
(EP2 4911908)
Les chiffres (1 2 3) deacutecrivent chacun un aspect du signe dans un scheacutema de
combinntoires deacutefinissant les dix classes de signes Lactualiteacute est agrave nouveau reconnue
comme modaliteacute tandis que seules les modaliteacutes positives de ln possibiliteacute et la
neacutecessiteacute sont eacutegalement retenues dans le cadre dune description phaneacuteroscopique
servnnt agrave caracteacuteriser les dineumlrents types de signes
Les cateacutegories particuliegraveres de la signification ne sont pas preacutesenteacutees
explicitement dans les tables de Kant mais Peirce les fait remonter agrave ce demier (EP2
352 1905) Lexposeacute le plus complet des cateacutegories de la signification se trouve dans
larticle de 1905 intituleacute laquoIssues ofPragl11aticisl11raquo (EP2 346-59) auquel peuvent ecirctre
ajouteacutees les deacutefinitions du LenlIry Dicio1mJ el du dictionnaire de Baldvin le
deacute1inirai tout dabord chacune des trois conceptions puis les aliiculerai les unes avec
les autres pour finalement me concentrer sur la porteacutee de la geacuteneacuteraliteacute dans le systegraveme
des sciences Il sera plus commodc dc prcndrc pour point de deacutepart la reacutealiteacute actuelle
34
et de deacutefinir en premier I() cateacutegorie particuliegravere de la signitication qui lui correspond la
deacutetermination La signification dun terme est dite deacutetermineacutee lorsque la Deuxiegravemeteacute
domine la repreacutesentation La relation entre le terme et ses objets est alors actuelle
quelle soit affirmeacutee ou nieacutee les qualiteacutes de lun eacutetant attribueacutees agrave lautre Ainsi un
nom commun deacutesigneacute par un adjectif deacutemonstratif est un exemple de terme dont la
signification est deacutetermineacutee Les cateacutegories du vague et du geacuteneacuteral sont toutes deux
indeacutetermineacutees Peirce donne la deacutetinition suivante de la deacutetermination
A subject is delerminale in respect ta any character which inheres ln it or is
(universally and ltlt1iliumlllatively) predicated of il as weil as in respect ta the negative
of such character these being the very saille respect In ail other respecls it is
indelerlllil1ole (EP2 350 1905)
La sign ificeacuteltion d un tcrmc est plutocirct dite lagile lorsque son caractegravere de Prcm iegravercteacute
esl preacutepondeacuteranl La relation entre le terme et les objets auxquels il est altribuable
nest alors que possible elle reste agrave deacuteterminer dans le processus interpreacutetatif Le
champ dapplication du terme neacutelant pas initialement entrevu la signification est dite
non seulement indeacutetermineacutee mais eacutegalement indeacutefinie Un mot agrave la signification
inconnue dans son premier abord mais speacutecitiable par la suite esl un exemple de
terme vague La deacutefinition du vague que donne Peirce est la suivante
A sign that is objectively indetenninate in any respect is objectively vague in sa
far as it reserves further determination ta be made in saille other conceivable sign
or nt least does not appo int the interpreter as its deputy in this office (EP2 351
1905)
La signification dun terme est finalement dite geacuteneacuterale lorsque cest la Troisiegravel11eteacute
qui domine la repreacutesentation La relation entre le terme et les objets auxquels il est
imputable eSl alors neacutecessaire car bien quelle soit indeacutetermineacutee elle reste limiteacutee agrave
une porteacutee bien deacutefinie La signification du terme geacuteneacuteral est pour cette raison dite
deacutefinie par opposition agrave lautre cateacutegorie indeacutetermineacutee du vague La conception
dEcirctre implicite agrave toute proposition constitue la signification geacuteneacuterale par excellence
exprimant la relation d iumldenti teacute propre agrave tous les objets eacutemergeant d un mecircme
continuum phaneacuteronique et repreacutesenteacutes aussi dans un mecircme continuum seacutemiotique
Peirce deacutetinit le geacuteneacuteral cOmme suit
35
A sign (under which designation 1 place every kind of thoughL and not alone
external signs) that is in any respect objectively indetenninate (ie whose object
is undeterlllined by the sign itself) is objectively genera in so far as it extends to
the interpreter the privilege of carrying its deterlllination fmtheL (EP2 350
1905)
Agrave un niveau plus speacutecifiquement logique Peirce donne une cleacute suppleacutementaire agrave
linterpreacutetation des deux cateacutegories indeacuteterlll ineacutees en di san t que le princ ipe du tiers
exclu ne sapplique pas agrave ce qui est geacuteneacuteral tandis que le principe de contradiction ne
sapplique pas il ce qui est vague (FP2 351 1905) Nous pouvons en deacuteduire que la
cateacutegorie de la deacutetermination implique les deux principes agrave la fois eacutetant la plus
contrainte dans le cadre de la reacutealiteacute actuelle Peirce nomme aussi preacutecision lacte de
deacutetermination pouvant ecirctre accompli par un interpregravete celui qui effectue la relation de
signification (EP2 352 1905)
les trois cateacutegories particuliegraveres de la signification sont ordonneacutees entre elles
selon le mecircme ordre hieacuterarchique que les cateacutegories universelles agrave cette diffeumlrence pregraves
que lordre des premiegraveres nest pas solidaire cest-agrave-dire quil nest pas triadique
mais ternaire L ordre de genegravese reste le mecircme le vague eacutetant la conception la plus
eacuteleacutementaire suivie de la deacutetermination et de la geacuteneacuteraliteacute dans le deacuteveloppement du
processus de signification laquoLooking upon the course of logic as a who le vve see that it
proceeds from the question to the answer-from the vague to the definite And so
likewise ail the evolution we know of proceeds from the vague to the definiteraquo (CP
6191 1898 un autre exemple psychologique cette fois en CP 3160 1880)
Toutefois la preacutesence dune cateacutegorie n iuml mpl ique pas neacutecessa irement celle des deux
autres Cela sexplique si Ion considegravere quau sein des cateacutegories de la quantiteacute lautre
ensemble de cateacutegories meacuteta-phi losoph iques en compleacutement de la modaliteacute la
particulariteacute fait figure de Premier et luniversaliteacute de Troisiegraveme La particulariteacute
nimplique donc que chacune des cateacutegories pour elle-mecircme tandis que luniversaliteacute
implique lensemble des relations de deacutependance non reacuteciproque entre les diffeumlrentes
Ane pas cont()JlJrc ~lee lopeacutel~ltion Jabstraction preacuteseission qui consisk Ugrave cleacutecl Ull ens llIlionis
par exemple la noilcellr (illckness) de tous les obiets Iloirs
36
cateacutegories Le lien entre les cateacutegories est de la sorte bien reconnu mais leur mise en
preacutesence nest pas neacutecessaire Notons cependant que les cateacutegories particuliegraveres de la
modaliteacute semblaient impliquer le lien de cleacutependance non reacuteciproque de lagraveccedilon plus
explicite et quelles se rapprochaient en cela des cateacutegories universelles Disons agrave ce
sujet que dans le systegraveme continu de Peirce tout est affaire de degreacute et que mecircme au
sein des diffeacuterents ensembles de cateacutegories la caracteacuterisation ne simpose que
graduellement Peirce ne propose pas cette expl ication lui-mecircme et n eacuteta it pas
satisfagraveit du moins en 1903 de la distinction entre les deux modegraveles celui ternaire des
cateacutegories particuliegraveres et celui triadique des cateacutegories universelles (EP2 148 1903)
mais cette explication entendue de faccedilon nuanceacutee eacutetant coheacuterente avec son systegraveme je
ladopterai pour la suite cie mon argumentation Peirce reconnaicirct cie plus une certaine
polariteacute entre la Premiegravereteacute et la Troisiegravemeteacute qui semblent ainsi graviter autour cie la
Deuxiegravemeteacute comme si l actua 1iteacute consti tuai t un po int de vue central sllr les deux
alitres aspects de la reacutea 1iteacute Il alticule souvent les cateacutegories Premiegraveres et Troisiegravemes
ensemble tel que clans cet extrait reacuteveacutelateur laquopossibility being the denial of a
necessity which is a kind of generality is vague like any other contradiction of a
generatraquo (EP2 354 1905) La Troisiegravemeteacute entretient donc un certain lien privileacutegieacute
avec la Prem iegravereteacute de mecircme que la geacuteneacuteral iteacute avec la vagueur
A fin de deacuteterminer maintenant quelle est la porteacutee de la geacuteneacuteraliteacute dans le
systegraveme des sciences revenons au scheacutema classificatoire preacutesenteacute dans la section
preacuteceacutedente La classification cles sciences suit le motifcles cateacutegories et chaque science
possegravede de la sorte un aspect cateacutegoriel preacutepondeacuterant qui se combine agrave dautres
aspects lors de lapprofondissement de la structure du systegraveme La science est la plus
geacuteneacuterale des activiteacutes humaines et cest la Troisiegravemeteacute qui la marque de ce point de
vue Au sein mecircme des sciences heuristiques Premiegraveres des sciences les
matheacutematiques sont Premiegraveres et vagues on peut les appliquer dans plusieurs sens
qui restent agrave lorigine indeacutefinis Les sciences idioscopiques sont plutocirct Troisiegravemes et
geacuteneacuterales leurs applications eacutetant multiples mais deacutefinies en fonction de certains
37
champs dapplication speacutecifiques La philosophie est quant agrave elle la science
heuristique la plus actuelle et deacutetermineacutee partant dans ses recherches de
lappreacutehension de la reacutealiteacute agrave travers lexpeacuterience commune On accentue souvent le
caractegravere geacuteneacuteral de la philosophie mais il sagit sans doute de la geacuteneacuteraliteacute de toutes
sciences qui devient plus marqueacutee suivant la concordance de notre propre point de
vue actuel avec lobjet de la philosophie les fagraveits de lexpeacuterience commune Parmi les
sciences philosophiques mecircmes la phaneacuteroscopie se reacutefegravere vaguement agrave la reacutealiteacute dans
leacutetude de sa man i festation prem iegravere les sciences normati ves proposent dordonner
selon des principes deacutetermineacutes notre relation au reacuteel tandis que la meacutetaphysique
efrectue un retour reacutellexif geacuteneacuteral sur la reacutealiteacute comprise comme un tout deacute1ini mais
saisissable de difteumlrentes faccedilons
La science normative qui inteacuteresse le meacutemoire est la seacutemiotique ou logique
geacuteneacuterale identifieacutee agrave la theacuteorie des signes La seacutemiotique est Troisiegraveme et geacuteneacuterale elle
eacutetudie la penseacutee qui permet de saisir en un tout coheacuterent la reacutealiteacute mais elle leacutetudie
avant tout dans le but de proposer des principes dilecteurs agrave la penseacutee tireacutes de
lexamen mecircme de la structure de la reacutealiteacute Ultimement dans la doctrine du
pragmatisme le but de la logique sous son aspect meacutethodeutique est de montrer le
chemin menant agrave ladeacutequation de la penseacutee avec la reacutealiteacute En indiquant la voie agrave suivre
dans la confrontation agrave la reacutealiteacute actuelle la seacutemiotique reste Deuxiegraveme mais possegravede
neacuteanmoins un aspect Troisiegraveme important en ce quelle porte sur leacuteleacutement meacutediateur
de la reacutealiteacute la penseacutee La seacutemiotique fournit donc des principes normatifs geacuteneacuteraux
aux sciences qui en deacutependent y compris les sciences idioscopiques et plus
speacutecifiquement la linguistique et la science de leacutecriture Ces principes sont geacuteneacuteraux
en ce quils concernent leacuteleacutement meacutediateur de la penseacutee qui ne reflegraveterait ultimement
que la structure de la reacutealiteacute comprise de faccedilon adeacutequate ce qui rend les principes de la
seacutemiotique deacutefinis mais qui comprend lensemble des repreacutesentations possibles de la
reacutealiteacute ce pour quoi la signification des principes demeure indeacutetermineacutee
38
le terminerai cette section en examinant comment seffectue le passage du
phaneacuteron au signe question que jaborderai en consideacuterant le problegraveme exeacutegeacutetique du
lien entre la phaneacuteroscopie et la theacuteorie des cateacutegories initiale Le passage de la
Substance agrave lEcirctre dans la theacuteorie in i tia le peut ecirctre rapprocheacute de ce 1ui du phaneacuteron au
signe dans la theacuteorie tardive Le phaneacuteron comprend les trois aspects fondamentaux de
la reacutealiteacute au premier abord indiffeacuterencieacutes tandis que la substance est une conception
permettant de saisir lensemble des impressions sensibles Ceci nous rappelle par
ailleurs les trois propositions qui venaient appuyer la doctrine du pragmatisme et
selon lesquelles le point de deacutepart du processus cognitif faisant sens des impressions
sensibles est un jugement perceptuel qui contient des eacuteleacutements geacuteneacuteraux Le passage
du phaneacuteron au signe consiste ensuite en une prise de conscience explicite graduelle
des trois aspects de la reacutealiteacute qui se preacutesentent dabord agrave la conscience sans se
diffeacuterencier de celle-ci jusquagrave leur repreacutesentation par des signes au sein de la
conscience repreacutesentative la cognition seacutemiotique Ce passage est caracteacuteriseacute par une
geacuteneacuteralisation croissante des eacuteleacutements distingueacutes ou plus exactement par leur
deacutetermination allant dune preacutepondeacuterance de la Premiegravereteacute du phaneacuteron agrave celle de sa
Deuxiegravemeteacute Les eacuteleacutements sont extraits du phaneacuteron qui se preacutesente agrave la conscience
par le biais dune coalescence perceptuelle puis se distinguent de la conscience et la
confrontent en tant que faits perceptuels et sont finalement saisis dans le jugement
perceptuel Ils peuvent alors ecirctre repreacutesenteacutes et se deacutevelopper en tant que signes dans
le sens de la geacuteneacuteralisation croissante de la repreacutesentation
Le problegraveme du lien des cateacutegories phaneacuteroscopiques avec les cateacutegories
initiales consiste en ceci que lordre de cateacutegorisation nest pas le mecircme dans les deux
theacuteories Dans la theacuteorie initiale lordre de passage des cateacutegories intermeacutediaires de la
Substance agrave lEcirctre est de la Repreacutesentation (Troisiegraveme) agrave la Relation (Deuxiegraveme) puis
la Qualiteacute (Premiegravere) tandis que selon la phaneacuteroscopie lordre de passage du
phaneacuteron au signe duumlmentconstitueacute est de la Premiegravereteacute agrave la Deuxiegravemeteacute puis agrave la
le Illinspire ici Je Imiddotcposeacute JnJeacute I)e Tienne (2000) Illnis ne lais ljuefJ1euITI ln surlilCC Je son eacutelrgulllenl
39
Troisiegravemeteacute toutes trois cateacutegories eacutetant preacutesentes mais chacune devenant
preacutepondeacuterante selon leur ordre de genegravese Toutelois la porteacutee des cateacutegories de la
theacuteorie initiale est limiteacutee agrave la cognition alors que la phaneacuteroscopie comprend comme
son objet la totaliteacute du pheacutenomegravene preacutesent ft lmiddotesprit La Substance serait donc agrave situer
au niveau seacutemiotique de la description phaneacuteroscopique et la phaneacuteroscopie serait de
la sorte plus englobante que la theacuteorie des cateacutegories in itiale Il en serait ainsi de mecircme
que pour labduction qui repreacutesente un niveau avanceacute du processus cognitif deacutebutant
agrave un niveau plus fondamental avec le jugement perceptuel Il reste malgreacute cette
distinction ft expliquer le problegraveme de linversion des cateacutegories dune theacuteorie agrave
lautre Je propose comme explication que le deacuteveloppement des cateacutegories de la
theacuteorie initiale dans le sens de la reacuteduction du divers sensible en une uniteacute est le cas
limite de la cognition par signes Dans le cours de lunification de lexpeacuterience par la
repreacutesentation il vient un moment ougrave le processus allant dans le sens dune
domination toujours croissante de la raison sur la reacutealiteacute seacutepuise La seule issue agrave une
seacutemiose infinie est alors le retour aux eacuteleacutements plus fondamentaux de la reacutealiteacute un
retour qui nest toutefois pas une reacutegression puisque chaque aspect de la reacutealiteacute
demeure important et nest que mieux valoriseacute Le retour consiste donc agrave passer de la
repreacutesentation de la reacutealiteacute la conception de lunivers comme un symbole agrave la
consideacuteration des relations constitutives de cette reacutealiteacute et puis de ses qualiteacutes jusquagrave
lunification ultime de lexpeacuterience en lEcirctre qui lui-mecircme nest pas un signe La
conception decirctre est bien un signe geacuteneacuteral le plus geacuteneacuterd qui soit mais lEcirctre luishy
mecircme est au-delagrave de la cateacutegorisation propre au domaine phaneacuteronique Cette
speacuteculation sur le sens du procegraves de la reacutealiteacute chez Peirce serait agrave tout le moins
appuyeacutee par la doctrine du pragmatisme qui preacuteconise le retour agrave lactualiteacute degraves lors
que la structure de la reacutealiteacute a eacuteteacute saisie par la raison Ce problegraveme nous megravene au
champ de la meacutetaphysique qui deacutepasse le cadre de ce meacutemoire et je ne
lapprofondirai donc pas mais la solution suggeacutereacutee devrait permettre douvrir le
systegraveme de Peirce en lui donnant de nouvelles possibiliteacutes de penseacutee
40
132 Seacutemiotique theacuteorie des signes
La seacutemiotique ou logique de Peirce est une science des signes cherchant les
conditions formelles de la signification vraie de la repreacutesentation adeacutequate de la reacutealiteacute
par des signes La penseacutee seffectuant par signes la seacutemiotique occupe une place
centrale dans lordre des sciences heuristiques Elle comporte trois branches la
grammaire speacuteculative qui deacutecrit la constitution mecircme du signe distingue ses
diffeacuterents types et organise ceux-ci en classes la logique critique qui analyse plus
speacutecitiquement les arguments et permet ainsi de juger de leur validiteacute ou leur degreacute de
force et la meacutethodeutique qui eacutetudie les conditions de la production de signes Je
preacutesenterai dans cette section la seacutemiotique en me concentrant sur la grammaire
speacuteculati ve qu i en consti tue la partie la plus inteacuteressante en ce qui concerne leacutetude de
leacutecriture mais je la relierai tout de mecircme par la suite agrave la logique critique et la
meacutethodeutique en palticulier agrave la doctrine du pragmatisme
Quest-ce quun signe La seacutem iotique en tan t que grammaire speacuteculative
reprend le motif structurel des cateacutegories et sa deacutetinition du signe est donc triadique
cest-agrave-dire quelle distingue trois termes interdeacutependants et irreacuteductibles de la relation
de signification authentique soit le signe proprement dit lobjet et linterpreacutetant Une
structure est dite laquoauthentiqueraquo lorsquelle respecte lordre hieacuterarchique solidaire sous
tous ses aspects et est de la sorte purement triadique tandis quune structure dont au
moins un aspect quelconque nentre pas dans lordre de la triade est qualifieacutee de
laquodeacutegeacuteneacutereacuteeraquo Peirce dans une de ses formules les plus claires deacutetinit le signe
formellement comme suit
A Sign or Representomen is a First which stands in such a genuine triadic relation
ta a Secancl called its Object as ta be capable of detennining a Third called its
Interpretant ta assume the same triadic relation to its Object in which it stands
itself ta the same Object The triadic relation is genlline that is its three members
are bauncl tagether by it in a way that does nat consist in any complexus of dyadic
le base pour lessentiel mon c-poseacute de la seacutemiotique sur celui dc Liszka (1996) mais cn deacuteveloppe eacute1utremenlla panic meacutelhoc1eutique que je relie plus direclenleacutenl ugrave la doctrine du pragmatisme
41
relations (EP2 272-3 1903)
Dans ses premiers eacutecrits seacutemiotiques Peirce distingue le signe de son
fondement (grollnd degraves la laquoNew List of Categoriesraquo EP 1 1-10 1867) Le fiJndel7len
du signe est une forme abstraite qui ne retient que certaines caracteacuteristiques de lobjet
celles agrave partir desquelles la signification se construit Une chose devient donc le
fondement dun signe lorsquelle preacutesente un certain aspect dune autre chose lo~jet
Le signe lui-mecircme peut ecirctre pris dans un sens plus large comprenant linstantiation
mateacuterielle et la relation aux autres composantes de la signitication Le tenlle
laquofondementraquo nest plus employeacute dans les derniers eacutecrits mais la preacutesentation dune
forme particuliegravere de lobjet est toujours sous-entendue ainsi dans cet extrait dune
lettre agrave Lady Welby laquo1 use the word --Sign-- in the widest sense for any medium for
the communication or extension of a Form (or feature)) (SampS 196 1906) Le terme
laquorepreacutesentamenraquo est utiliseacute quant agrave lui par lauteur agrave une certaine eacutepoque (voir la
citation ci-dessus de 1903) dans un sens plus large que le signe non limiteacute agrave la
repreacutesentation mentale La deacutefinition du signe tinira cependant par englober ce sens
eacutelargi lillustration par la reacutefeacuterence agrave la repreacutesentation mentale humaine servant
seulement agrave faire comprendre la conception (ce nest quun laquopot de vin agrave Cerbegravereraquo dit
Peirce EP2 478 1908) Lobjet est dautre paria chose correacuteleacutee avec le signe ce dont
le signe tient lieu dans la reacutealiteacute La lieutenance est laspect central de la relation de
sign ification consti tuant le signe dugrave agrave son mode decirctre actuel cest bien parce que
deux choses existant individuellement dans la reacutealiteacute actuelle occupent des positions
deacutetermineacutees et ne peuvent sidentitier parfaitement lune agrave lautre que lune le signe
tient lieu de lautre Iobjet atin de la repreacutesenter tagravece agrave une troisiegraveme chose
(linterpreacutetant) Toutefois des possibiliteacutes et des lois neacutecessaires peuvent aussi servir
dobjets en ce sens quelles deacuteterminent alors de leur propre point de vue modal la
repreacutesentation que le signe en donne au sein de la reacutealiteacute actuelle De faccedilon geacuteneacuterale
une chose devient donc lobjet dun signe lorsquelle est repreacutesenteacutee par ce signe le
signe eacutetant laquoagrave proposraquo de lobjet et deacuteterm ine la repreacutesentation la torl11e de lobjet
42
contraignant la forme du signe Dans la seacutemiotique plus tardive de Peirce lobjet en
tant quil est repreacutesenteacute par le signe est dit illlllleacutediol et en tant quil deacutetermine la
repreacutesentation dYl1olJ7iqllc L inlcrpreacutelol11 est quant agrave lui ce qui est deacutetermineacute par le
signe une autre chose qui devient agrave son tour signe Linterpreacutetation dun signe en un
autre est agrave la Iois un produit un nouveau signe un processus la transformation de la
troisiegraveme chose en signe (la seacutemiose) et un elTet sur lltltinterpregravete)) qui comprend le
signe Linterpreacutetant peut aussi ecirctre consideacutereacute de faccedilon geacuteneacuterale comme une regravegle de
transformation dune chose en un nouveau signe puisque le processus de seacutemiose vise
une certaine tin Une chose devient donc linterpreacutetant dun signe lorsquelle est
deacutetermineacutee par ce signe agrave se transformer en un autre signe repreacutesentant le mecircme objet
selon le mecircme point de vue formel de preacutesentation initiale la production de ce
nouveau signe ayant pour effet dinfluencer un agent interpreacutetant Dans ses derniers
eacutecrits de seacutemiotique Peirce qualifie linterpreacutetant en tant que produit dilJ7l11eacutediul en
tant que processus de dYl1olJ7iqlle et en tant queffet defll1o
Afin dillustrer ces deacutefinitions prenons lexemple suivant de Peirce
Two men are standing on the seashore looking out ta sea One of them says ta the
other That vesser there carries no freighl at ail but only passengers Now if the
other himselL sees no vessel the first information he derives lrom the remark has
for its abject the part of the sea that he c10es see and informs him that a persan
with sharper eyes than his or more trainecl in looking for such things can see il
vesser there and then (hat vesser having been thus introducecl ta his acquaintance
he is prepalecl ta receive the information about it that it carries passengers
exclusively But the sentence as a whole has for the persan supposed no other
abject than that Vith which it tinds him alreacly acquainted (CP 2232 1910)
Le signe dans cet exemple est la proposition eacutechangeacutee entre les deux personnes qui en
son tondement deacutecrit certaines caracteacuteristiques de lobjet repreacutesenteacute dans le discours
cest un navire situeacute agrave tel endroit qui ne transporte nulle cargaison mais seulement
des passagers Lobjet immeacutediat pour celui qui eacutecoute est la partie de la mer quil
entrevoit dans la direction indiqueacutee par le locuteur tandis que lobjet dynamique pour
le mecircme interpregravete est le navire que son compagnon distingue effectivement et au
43
sujet duquel il asserte une proposition L interpreacutetant immeacutediat est agrave son tour lideacutee
du navire que se fait lauditeur alors que linterpreacutetant dynamique est le processus
dinfOlmation auquel est sujet cet interpregravete et que linterpreacutetant [iumlnal est peut-ecirctre
supposons-le la reconnaissance de leacuterudition en matiegravere de navires que le locuteur
espegravere susciter chez son camarade
La grammaire speacuteculative deacuteveloppe aLlSSI une typologie des signes qui [ut
eacutelaboreacutee chez Peirce en plusieurs moments Je nexaminerai ici que la typologie de
1903 (EP2 267-88 et 289-99 1903) qui est la mieux deacuteveloppeacutee et dont je pourrai
par conseacutequent preacutesenter un exposeacute plus coheacuterent Le signe peut prendre diffeacuterents
aspects selon quil est consideacutereacute en soi (en son fondement) dans sa relation agrave lo~iet
ou dans sa relation agrave linterpreacutetant Lanalyse typologique de ces aspects permet de
distinguer trois trichotomies de signes que Peirce distingue de la faccedilon suivante
Signs are divisible by three trichotomies fi lst according as the sign in itself is a
mere quality is an actual existent or is a general law secondly according as the
relation of the sign to its Object consisls in the signs having some character in
itself or in some existential relation to that Object or in its relation to an
Interpretant thirdly according as its Interpretant represents il as a sign of
possibility or as a sign of fact or a sign of reason (EP2 291 1903)
Les aspects que prend le signe lorsque consideacutereacute pour lui-mecircme sont le
qualisigne le sinsigne et le leacutegisigne Ces aspects font reacutefeacuterence agrave des caractegraveres du
signe preacutesents en son fondement qui permettent la construction de la signification Le
signe qui preacutesente avant tout en son fondement une qualiteacute formelle est un qualisigne
Il se maniteste forceacutement dans la reacutealiteacute actuelle agrave travers une existence singuliegravere meacutelis
cest un aspect qualitatifqui domine son fondement et rend la repreacutesentation possible
Par exemple une chose qui devient un signe pour la simple raison quelle possegravede telle
qualiteacute disons decirctre bruyante est un qualisigne (cest bien le type de signe le plus
dinicile agrave illustrer) Le signe dont le fondement preacutesente comme aspect dominant Lin
existant actuel est nommeacuteinsignc Il a forceacutement des qualiteacutes qui rendent sa
44
preacutesentation possible mais cest la manifestation de son fondement dans la reacutealiteacute
actuelle qui importe et permet la repreacutesentation Le tic ou le tac dun meacutetronome en
ce quil marque un temps preacutecis est un sinsigne Si laspect le plus important que le
fondement preacutesente a le caractegravere dune loi une convention ou une habitude alors le
signe est nommeacute leacutegisigne Ce type de signe possegravede aussi des qualiteacutes et se preacutesente
eacutegalement dans un existant actuel mais ce qui importe en son fondement est 1 aspect
conventionnel ou habituel rendant la repreacutesentation possible La manifestation
singuliegravere du leacutegisigne est un sinsigne appeleacute reacuteplique Le tic-tac reacutegulier du
meacutetronome en ce quil donne la cadence agrave suivre dans linterpreacutetation dun morceau
de musique est un leacutegisigne Chacun de ces aspects peut ecirctre preacutesent dans le signe
laspect dominant en son fondement deacuteterminant cependant de quel type de signe il
sagit
Les aspects que prend le signe dans sa relation agrave lobjet sont licocircne lindex et
le symbole Cette division est la plus utile car en lien avec la repleacutesentation du signe
dans la reacutealiteacute actuelle Les trois aspects font ainsi reacutefeacuterence agrave une capaciteacute
repreacutesentative du signe actualiseacutee dans sa mise en relation avec lobjet Nous
retrouvons ici les approches formelle et mateacuterielle dans diffeacuterentes deacutetinitions de ces
types de signe
An con is a Representamen whose Representative Qualily is a Firstness of il as a
First Thal is a CJuality that it heacutelS qlla thing renclers il fit to be Cl Representarnen
An index or Seille (Olwa) is a RepresentClmen whose Representative cheacutelracter
consists in its being an inclividueacutell Seconcl A SymJo is Cl Representarneri whose
Representative Cheacutelrltlcter consists precisely in its being a rule that will delermine its
Interpretant (EP2 273-4 1903)
There are Ihree kincls ofsigns Firstly Ihere are likenesses or icons which serve 10
convey icleas of the lhings lhey represent simply by imitating them Secondly
there are indicatiol1s or indices which show sornething abOlit things on accollnt of
their being physically connected with them Thirclly there are symbos or
general signs which have becoille associated with their rneanings by usage (EP2 5
1894)
4S
Un signe est une icocircne lorsquil preacutesente en son fondement des caractegraveres
similaires agrave des caractegraveres de lobjet Liumlcocircne possegravede ces caractegraveres peu importe
quelle soit mise en relation avec lobjet ou non Toutefois la signification de liumlcocircne
reste vague dans la seule preacutesentation de son tondement et ne se preacutecise que dans la
repreacutesentation actuel le de lobjet Pour que licocircne devienne eHegravectivement le signe de
lobjet leur mise en relation doit donc ecirctre actuelle bien quelle demeure mecircme sans
correacutelation le signe potentiel de lobjet Par exemple une peinture de paysage en ce
quelle ressemble eHegravectivement au paysage quelle deacutepeint est une icocircne Peirce
distingue par ailleurs des sous-types diumlcocircne ou hypoicocircnes selon le genre de
caractegraveres que le signe partage avec lobjet soit liumlmage le diagramme et la meacutetaphore
Limage ressemble agrave son objet en vertu dune similariteacute de qualiteacutes le diagramme
dune similariteacute de relations entre eacuteleacutements de lobjet et de relations entre eacuteleacutements du
signe et la meacutetaphore dune mise en parallegravele avec un troisiegraveme terme non expliciteacute
Un signe est un index lorsquiumll entretient une relation de contiguiumlteacute avec lobjet
Lindex est aussi essentiellement un individu sa signification est deacutetermineacutee et il ne
peut par conseacutequent que montrer lobjet sans rien dire agrave son sujet Un signe ne peut
ecirctre un index que dans sa mise en re lation actuelle avec lobjet Un pronom
deacutemonstratif dans sa fonction deacuteictique en est un exemple dans la langue usuelle Un
signe est finalement un symbole lorsque sa relation agrave lobjet est eacutetablie par une loi une
convention ou une habitude Le symbole donne une signification geacuteneacuterale de lobjet en
appelant agrave linterpreacutetation de la repreacutesentation de lobjet par le signe dans les limites
de la regravegle qui eacutetablit leur relation Pour quun signe soit un symbole il doit donc ecirctre
interpreacuteteacute comme tel et sa mise en relation avec lobjet doit ecirctre actuelle Un mot est
un symbole en ce que sa signification est eacutetablie conventionnellement Peirce
concevait aussi lUnivers comme eacutetant un symbole car il sagit bien dune
interpreacutetation de la reacutealiteacute par sa propre raison
Les aspects que prend le signe dans sa relation agrave linterpreacutetant sont le rhegraveme
le dicisigne (ou proposition) et largument Ces aspects tont reacute1eumlrence au pouvoir que
46
le signe possegravede de deacuteterminer en vue dune certaine fin linterpreacutetation de lobjet en
un nouveau signe linterpreacutetant Le rhegraveme est un signe qui tend agrave deacuteterminer
linterpreacutetation selon des caractegraveres qualitatifs La compreacutehension du rhegraveme est
preacuteciseacutee mais son extension reste indeacutetermineacutee La signitication du rhegraveme est par
conseacutequent vague Le rhegraveme peut veacutehiculer de linformation mais nest pas interpreacuteteacute
comme tel Il nest ni vrai ni faux ne faisant que preacutesenter des caractegraveres possiblement
attribuables agrave lobjet Cest donc un signe compris comme repreacutesentant seulement des
caractegraveres de Imiddotobjet Un exemple de rhegraveme serait un preacutedicat logique ou plus
exactement chez Peirce une proposition dont a enleveacute les sujets logiques reacutefeacuterant agrave
des objets dans le monde Le dicisigne est un signe qui veacutehicule dans la reacutealiteacute actuelle
de linformation vraie ou fausse par rapport agrave lobjet 1 relie la compreacutehension du
signe agrave une extension deacutetermineacutee dans lactualiteacute indiquant de la sorte seacutepareacutement quel
est son objet (EP2 308 1904) Cest donc un signe compris comme repreacutesentant
lobjet dans la reacutealiteacute actuelle Le paradigme du dicisigne est une proposition telle que
laquoSocrate est un hommeraquo Largument est quant agrave lui un signe qui fournit une regravegle
dinterpreacutetation agrave dautres signes JI montre seacutepareacutement quel est son interpreacutetant tinal
celui qui est viseacute par la repreacutesentation (EP2 308 1904) 1 peut toutefois ecirctre
appliqueacute agrave diffeumlrents signes La signification veacutehiculeacutee par largument est de la sorte
geacuteneacuterale puisque lextension agrave donner agrave ce signe sa porteacutee sur dautres signes reste
indeacutetermineacutee bien que limiteacutee par la regravegle dinterpreacutetation Largument est donc un
signe compris comme repreacutesentant lobjet en tant que signe sujet agrave linterpreacutetation Un
argument constitueacute de plusieurs propositions conjointes dans une chaicircne dinteumlrence
en est un exemple commun
Les types ou aspects du signe regroupeacutes dans les trois trichotomies
preacuteceacutedentes peuvent de plus ecirctre combineacutes en difleumlrentes classes Deux regravegles
formelles de combinaison sappliquent une regravegle de composition selon laquelle
lordre triadique du signe doit ecirctre respecteacute ainsi chaque classe doit comporter un
type de chaque lrichotomie correspondant chacune agrave une composante de la relation de
47
signification et une regravegle de qualification selon laquelle le principe de deacutependance non
reacuteciproque des cateacutegories correspondant aux trois trichotomies doit aussi ecirctre
respecteacute La combinaison des types selon ces deux regravegles formelles permet de produire
dix classes de signes qui sont (EP2 296 1903)
1 les qUCllisignes iconiques rheacutematiques
2 les sinsignes icuniques rheacutematiques
3 les sinsignes indexicCl7lx rheacutel1lotiques
4 les Imiddotinsignes indexicau dicents
5 les leacutegisignes iconiques rheacutematiques
6 les Leacutegisignes indexicCl7lx rheacutematiques
7 les leacutegisignes indexicoux dicenls
8 les leacutegisignes sY7boliques lheacutematiques
9 les leacutegisignes IYlllboliques dicents
10 les leacutegisignes symboliques urgulllenls
Cette classification doit toutefois ecirctre nuanceacutee Comme partout ailleurs dans le
systegraveme de Peirce tout dans la classification est une alTaire de degreacute de point de vue
et certains aspects du signe (indiqueacutes en italiques) dominent par conseacutequent chaque
classe Les dix classes de signe sont aussi contraintes par leur situation dans la reacutealiteacute
actuelle Tout signe se manifeste actuellement en tant quindividu et donc dans un
sinsigne quil sagisse dun de ses aspects dominants ou non Chaque aspect inclut de
plus le ou les aspects qui lui sont pheacutenomeacutenologiquement anteacuterieurs selon ordre des
cateacutegories Les classes de rang supeacuterieur (vers 10) incluent par conseacutequent
directement ou indirectement les classes de rang infugraveieur (vers 1) La classification
demeure ainsi lloue dans son application car elle ne seacutelectionne agrave travers ses
opeacuterations c1abstraction que certains traits du signe et conserve degraves lors toujours une
part d opaci teacute d aspects non repreacutesen teacutes ou repreacutesenteacutes de faccedilon inadeacuteq uate
Jillustrerai certai nes de ces classes lorsq ueiumlappl iq uera i la leccedilon de la seacutelll iotique agrave la
science de leacutecriture au second chapitre
48
La logique critique analyse le raisonnement ou plus preacuteciseacutement les signes qui
informent la penseacutee cest-agrave-dire les leacutegisignes les symboles les dicisignes et les
arguments Elle sinteacuteresse aux signes en tant quils veacutehiculent la signification vraie La
veacuteriteacute appartient proprement aux propositions des symboles dicents mais nest
eacuteventuellement atteinte que dans largumentation la convergence de linfeumlrence valide
vers la repreacutesentation adeacutequate de la reacutealiteacute alors que la pleine conseacutequence des
arguments valides baseacutes sur des propositions vraies est ultimement comprise La
logique critique soccupe donc avant tout de linreumlrence valide et repreacutesente en cela
une theacuteorie de linteumlrence Elle distingue trois types dinfeumlrence eacuteleacutementaires
labduction l i nd uction et la deacuted uction qui entrent en com posi tion dans le processus
du raison nement
Labduction et linduction sont des types dinfeacuterence ampliatifs en ce quelles
augmentent la quantiteacute dinformation veacutehiculeacutee par les signes La deacuteduction est plutocirct
un type dinfeacuterence explicatif elle modifie lextension ou la compreacutehension des signes
sans changer la quantiteacute dinformation veacutehiculeacutee La notion dabduction est lune des
contributions les plus originales de Peirce agrave la logique bien quil la fasse remonter agrave
Aristote (EP2 205 1903) Il a dabord lui-mecircme deacuteveloppeacute cette notion sous le nom
dlaquohypothegraveseraquo puis eacuteventuellement sous les noms de laquoreacutetroductionraquo et
dlaquoabductionraquo Lahdllclio1 est essentiellement ladoption dune hypothegravese Elle
suggegravere que quelque chose puisse ecirctre le cas selon certains reacutesultats qui deacutecouleraient
alors dune certaine regravegle Elle est donc le seul type dinfeacuterence eacuteleacutementaire qui
introduit une nouvelle ideacutee dans le raisonnement Elle nest aussi que provisoire
devant ensuite ecirctre confirmeacutee par expeacuterimentation Peirce en reconstruit largument
comme suit en deux formulations diffeumlrentes
RlIle-AII the beans From this bag are while
Reslllt-These beans are white
Case-These beans are From this bag
(EPI 1881878)
49
The surprising ~act c is observed
But if ri were true C woulcl be a matter of course
Hence there is reason 10 suspect that A is true
(EP2 2311903)
Linduction donne plutocirct de la valeur agrave un ensemble de signes deacutejagrave perccedilus Elle eacutetablit
de la sOlte une regravegle permettant de rendre compte de certains reacutesultats observeacutes dans
un celtain cas Elle montre que cette regravegle est actuellement opeacuterante dans le cas
consideacutereacute selon les reacutesultats observeacutes Elle donne donc torce de loi agrave la reacutegulariteacute
Peirce fournit pour illustrer linduction lexemple suivant
Case-These beans are From this bag
Result-These beans are white
middotRule-AII the beans from this bag are white
(EP 1 188 1878)
La deacuteduction eacutelabore quant agrave elle les conseacutequences neacutecessaires dune hypothegravese Elle
prouve que certains reacutesultats doivent neacutecessairement deacutecouler dun certain cas en
vertu dune celtaine regravegle Peirce illustre la deacuteduction agrave raide de lexemple suivant
RuJe-AIl the beans frolll this bag are white
Case-These beans are From this bag
middotResult-These beans are white
(EP 1 188 1878)
Le processus du raisonnement est essentiellement composeacute de ces trois types
dinfeumlrence Le raisonnement scientifique en particulier commence typiquement par
une abduction qui est justifieacutee lorsquagrave peacutelrtir de lhypothegravese suggeacuteleacutee la deacuteduction
peut tirer des preacutedictions qui seront agrave leur tour veacuterifieacutees dans lexpeacuterience par
induction (EP2 216 1903) Il Y dautres types de raisonnement par exemple
lextension la restriction la geacuteneacutereacutell isation (ou oscent) et leacutel speacutec ification (ou descent)
mais ceux-ci sont deacuteriveacutes des trois types eacuteleacutementaires Jy reviendrai dans le second
chapitre lorsque janalysereacuteli Iappliceacuteltion des concepts seacutemiotiques agrave la science de
eacutecriture
50
La meacutethodeutique sinteacuteresse agrave la production de signes el trouve sa
rormulation paradigmatique dans la doctrine du pragmatisme Le retour sur cene
doctrine peut maintenant compleacuteter lexamen de la seacutemiotique et permettre den
approfondir davantage la compreacutehension La seacutemiotique se deacuteveloppe
systeacutematiquement en une meacutethodologie de la recherche Elle c10it alors indiquer au
scientifique commellt faire pour penser avec les signes quel type de processus
diumlnfeacuterence engager Mais nous avons vu par ailleurs quau niveau de la signification
mecircme dans le processus de seacutemiose une fin ultime est aussi envisageacutee
Semblablement la meacutethodeutique doit suggeacuterer un dessein geacuteneacuteral au processus
diumlnfeacuterence qui lui serve de principe directeur et en constitue leffet eacuteventuel Le
pragmatisme suggegravere par conseacutequent lhypothegravese selon laquelle la signiliumlcation c1un
signe reacuteside dans lensemble de ses effets env isageables Il propose de su ivre une
abduction al1n dengager le raisonnement dans une chaicircne diumln~eumlrences qui en tant que
meacutethode proprement scientifique puisse reacuteellement mener agrave la veacuteriteacute agrave ladeacutequation
de la raison au reacuteel Il repreacutesente donc le couronnement de la seacutemiotique qui en vient agrave
controcircler ses raisonnements selon ses propres principes constitutifs Le preacutecepte du
pragmatisme nen demeure pas moins tagraveillible et agrave veacuteritier dans lactualiteacute ce qui fait
de la seacutemiotique une veacuteritable science expeacuterimentale et philosophique une activiteacute qui
confronte la reacutealiteacute actuelle telle que repreacutesenteacutee dans lexpeacuterience commune Cest
bien la leccedilon de la seacutemiotique qui prouve ultimement le pragmatisme car cest sur elle
quiumll se tonde
The word pragillatism was invented ta express a certain Illaxim of logie whieh as
was shawn at its tirst enouneel1lent invoives a who1e system of phiiosophy This
maxim is put forth neilher as a hancly tool to serve so far as it may be found
serviceable nor as a self-eviclent truth but as a far-reaching theorem solidly
grounded upon an elaborate study of the nature ofsigns (CP 81911904)
51
1321 Seacutemiotique et notation logique
Le deacuteveloppement de la logique peirceacuteenne prend son point de deacutepart dans
algegravebre logique de Boole et la logique des relations de De Morgan Peirce propose
dans ses premiers articles publieacutes des ameacuteliorations agrave lalgegravebre booleacuteenne et applique
celle-ci agrave la logique des relations (CP 31-191867 CP 345-1491870) dans une
version quil nomme laquologique des relatifsraquo Lors de ses travaux en tant que maicirctre de
confeacuterence agrave luniversiteacute Johns Hopkins de 1879 agrave 1883 il introduit avec son eacutelegraveve
Oscar Mitchell (et indeacutependamment de Frege) la quantification dans la logique des
propositions produisant un systegraveme de logique eacutequivalent agrave la logique des preacutedicats
du premier ordre avec identiteacute (CP 3328-58 1883 CP 3359-403 1885) Il eacutelabore
ensuite un nouveau systegraveme de notation graphique les graphes existentiels
permettant lextension de sa logique aux preacutedicats du deuxiegraveme ordre et aux modaliteacutes
(CP 3456-552 1897 CP 4347-584 1903-1906) Il favorise degraves lors la notation
graphique de la logique sur laquelle il travaillera jusquagrave la fin de sa vie deacuteveloppant
une logique philosophique en continuiteacute avec la seacutemiotique et le pragmatisme
Plusieurs autres deacuteveloppements de la logique de Peirce confirment son rocircle de
pionnier de la logique moderne bien quils soient resteacutes inaperccedilus jusquagrave reacutecemment
dont notamment la conception dune logique agrave trois valeurs de veacuteriteacute et dune logique agrave
opeacuterateur unique (barre de SchefTer) de mecircme que la deacutecouverte du lien agrave la base de la
computation en informatique entre les fonctions de veacuteriteacute et le fonctionnement des
circuits eacutelectriques La preacutesentation du systegraveme des graphes existentiels eacutevoque par
ailleurs la seacutemantique des jeux contemporaine et la theacuteorie des modegraveles par son
utilisation de personnages conceptuels en dialogue clans un univers du discours
alteacuterable Je minteacuteresserai cependant avant tout dans cette section aux graphes
existentiels et ce quils repreacutesentent comme deacuteveloppement de la notation logique un
type de systegraveme deacutecriture propre au langage formel de la logique
L eacutelaboration des graphes existentiels repreacutesente lin deacuteveloppement majeur
52
dans lhistoire de la logique de Peirce que nous poulTlons appeler son laquotournant
seacutem iotiqueraquo Il 1nsatisfa it par laspect sym bol iq ue de la notation a19eacutebrique de la
logique Peirce cherche agrave eacutelaborer une notation qui soit davantage iconique refleacutetant le
mode de repreacutesentation le plus eacuteleacutementaire de linfeacuterence logique Degraves 1882 il
commence agrave deacutevelopper une notation diagrammatique sinspirant probablement des
travaux de ses collegravegues agrave Johns Hopkins James J Sylvester et William K Clifford
qui utilisaient deacutejagrave des diagrammes chimiques pour repreacutesenter des invariants
algeacutebriques Un essai similaire par Alfred Bray Kempe publieacute en 1886 le pousse agrave
poursuivre ses recherches sur la notation diagrammatique surtout de 1889 agrave 1896 ce
qui megravenera agrave la publication en 1897 dun article sur la logique des relatifs utilisant
une notation diagrammatique (CP 3456-552 1897) quil appellera plus tard
reacutetrospectivement les laquographes dentiteacuteraquo (enlilolive grophI) Certaines caracteacuteristiques
cie la logique algeacutebrique rendaient lexpression des propositions existentielles difficile
et la quantification universelle seacutetait alors imposeacutee naturellement comme plus
fondamentale la quantification existentielle eacutetant deacutefinie par deacuterivation Dans les
graphes dentiteacute les deux types de quantification prennent une importance eacutegale leur
deacutefinition reacuteciproque eacutetant rendue plus explicite par la repreacutesentation graphique Les
signes deacutesignent clairement des propositions et non des classes et lopeacuteration de
disjonction avec la neacutegation remplace la relation transitive dinclusion utiliseacutee dans la
logique algeacutebrique La juxtaposi tion de termes su r une feu iIle d asseltion repreacutesen te la
disjonction lencerclement dun terme sa neacutegation et un point ou une ligne relieacutee agrave
des termes la relation entre ceux-ci Peirce ne resta cependant pas longtemps satisfait
par les graphes dentiteacute el rapidement apregraves la publication de larticle de 1897 la
duale de ce systegraveme les graphes existentiels simposa constituant la base deacute1initive
de la notation diagrammatique que Pe irce deacuteve loppa et ra tli na jusquagrave la fin de sa vie
Les graphes existentiels prennent ainsi pour connecteur primitif la conjonction avec la
neacutegation et pour quantification implicite et fondamentale la quantification
existentielle agrave partir de laquelle la quantification universelle est deacuteriveacutee La
juxtaposition de termes en vient agrave repreacutesenter la conjonction et lexistence est
Il I)es exemples de grlphcs S0l11 ()Uliumllis iJ 1I1ncc
53
reconnue implicitement par la seule preacutesence de la feuille dassertion comme univers
du discours agrave deacuteterminer par des inscriptions
Peirce preacutesenta dabord Je systegraveme des graphes existentiels en parties Alpha
Beta et Gamma correspondant respectivement agrave la logique des propositions la
logique des preacutedicats du premier ordre et leurs extensions dans la logique des preacutedicats
du deuxiegraveme ordre et la logique modale (CP 4394-5291903) Il deacuteveloppa par la suite
une approche unifieacutee ou les parties ne sont plus distingueacutees les principes
fondamentaux de la logique deacuteductive eacutetant les mecircmes dans les di fleumlrentes versions
deacuteveloppeacutees et ne faisant que se complexifier (CP 4530-72 1906) le retiendrai
lapproche par parties puisque cest celle que les commentateurs ont deacuteveloppeacutee en
la torrilalisant dans le sens de laxiomatisation de la logique contemporaine La
preacutesentation du systegraveme des graphes existentiels chez Peirce suit un ordre semblable agrave
celui de l ax iomatisation de la logique moderne Elle n est pas agrave proprement dit
axiomatiseacutee mais su it un ord re rigoureux deacutemontrant un certa in degreacute de forma 1isation
Un vocabulaire est tout dabord eacutetabli puis des regravegles de formation (deacutefinitions) sont
formuleacutees de mecircme que des regravegles de transformation (regravegles diumlnfeumlrence) Il ny a pas
vraiment daxiome dans les graphes existentiels si ce nest que la teuille dassertion
sert de point de deacutepart agrave lanalyse cest-agrave-dire quune inscription Sur la feuille de
travail repreacutesente une assertion dans lunivers du discours quantifieacutee existentiellement
de fagraveccedilon implicite Le travail danalyse consistera agrave traduire les arguments du discours
dans la notation des graphes existentiels deacutecouvrant ainsi les inteumlrences les plus
simples du raisonnement puis agrave etfectuer des transformations sur les graphes pour en
tirer des conclusions quant aux conseacutequences possibles du raisonnement
La partie Alpha repreacutesente la logique des propositions non analyseacutees Il est
inteacuteressant de noter que la quantitication implicite par la situation dans un univers du
discours vague agrave deacuteterminer par des assenions implique eacutegalement lanalyse
l ~I preacutesenl8tion lorl11elle de 1~I s nllse d 1 1phu et ~3et1 selon Sh in (2002) l110d i lieacutee est lltllIrn ie en lnncse
54
potentielle des propositions Alpha megravene agrave Beta et les deux parties sont mecircme
eacuteventuellement unifieacutees en un seul systegraveme Le voceacutelbulaire dAlpha est composeacute de
symboles propositionnels de leacutel coupure (C1I1 symbolique) et implicitement de la
juxtaposition (quasi-iconique) Les regravegles de transformation comprennent trois
opeacuterations possibles portant sur le vocabulaire eacuteleacutementaire qui repreacutesentent les
opeacuterations rondamenteacutelles de la logique deacuteductive Ces trois eacutetapes du raisonnement
sont deacutefinies dans Ialticle laquoSymbolic Logicraquo du dictionneacutelire Baldwin comme eacuteteacutelnt la
reacuteunion (Coligoliol1) liteacuteration et leffacement (CP 4372-93 1902) Elles sont
ailleurs deacutefinies sommairement comme suit
[Deductive reasoning] 1 have ascertainecl can be reduced to three kinds of steps
The first consists in copulating separate propositions into one compound
proposition The seconcl consists in omitting something Irom a proposition
withollt possibility of introdllcing errol The third consists in inserting something
into a proposition witholll introdllcing error (EP2 213 1903)
La partie Beteacutel du systegraveme repreacutesente leacutel logique des propositions analyseacutees ou
logique des preacutedicats du premier ordre et constitue une extension dAlpha dont
Iajout principal du point de vue notationnel est la ligne didentiteacute La preacutesentation
formelle du systegraveme doit donc en plus treacuteliter des modifications de graphes avec ligne
d identi teacute Le voceacutelbuleacutelire de Beta est com poseacute de sym bo les de sujets de la coupu re
(symbolique) de la ligne didentiteacute (iconique) et implicitement de la juxtaposition
(quasi-iconique) Les regravegles de transformeacuteltion sont modifieacutees afin de comprendre la
ligne didentiteacute mais comportent toujours les trois opeacuterations fondeacutelmentales Les
opeacuterations suppleacutementeacutelires consistent agrave joindre ou disjoindre les lignes didentiteacute agrave en
dessiner ou en effacer et agrave les eacuteliionger ou les reacutetracter agrave travers les aires deacutefinies par les
cou pures ce qui ne consti tue quune extension des trois opeacuterations fondamenta les
Les commentateurs (Roberts 1973 Shin 2002) interpregravetent les symboles de
Beta comme des preacutediceacutelts (Shin les nomme prcdicolcSYl1lbos) mais il sagit bien
plutocirct de sujets alors que la ligne didentiteacute repreacutesente le preacutediceacutelt geacuteneacutereacutell de la
55
proposition analyseacutee en ses eacuteleacutements les plus simples la relation didentiteacute Cette
ideacutee essentielle agrave la logique de Peirce est une innovation de sa logique des relations
(voir entre autres CP 3467 1897 CP 4403-8 1903 EP2 208-25 J903) Lanalyse
logique par les graphes existentiels est sous cet aspect la duale visuelle de lanalyse
seacutemiotique plus informelle en termes de rhegraveme proposition et argument (le rhegraveme
eacutetant alors une proposition dont les sujets logiques sont remplaceacutes par des espaces
vides ne montrant ainsi que la relation preacutedicative subsistante)
Les deux principaux aspects seacutem iotiques de la notation algeacutebrique sont sa
symboliciteacute soit que la signification est deacutetermineacutee par convention et sa lineacuteariteacute qui
repreacutesente une surdeacutetermination de la notation dun point de vue iconique Lalgegravebre
est constitueacutee dune seacuterie de symboles dont il faut apprendre le sens qui leur a eacuteteacute
assigneacute de faccedilon arbitraire La compreacutehension de la notation algeacutebrique demande donc
un investissement suppleacutementaire de la part de linterpregravete dont la propre intention
de mecircme que celle du signe ne sufiisent pas De plus 18 quanti fication existentielle est
plus ditlicile agrave repreacutesenter que luniverselle dans lalgegravebre logique agrave cause du caractegravere
symbolique de la notation D8ns lalgegravebre de la logique la signification est assigneacutee par
convention aux termes de la notation exprimant lideacutee que la regravegle impose la
signification avec necessiteacute La quantification universelle en deacuteterminant lextension
entiegravere dune variable implique de faccedilon analogue que la signific8tion soit assigneacutee agrave la
variable neacutecessairementVx (Fx) F(x) 1 1 F(x) La symboliciteacute du symbole l 1
repreacutesente en quelque sorte un diagramme de luniversaliteacute de la quantification
universelle La quantification existentielle implique plutocirct quil puisse y avoir
plusieurs significations possibles assigneacutees agrave la variable dont au moins une satisfait agrave
la proposition 3x (Fx) F(x) V V F(x) La deacutefinition reacuteciproque nest pas non=1 n
plus eacutevidente dans la notation algeacutebrique car la porteacutee des quanti [icateurs en tant que
symboles est deacutetermineacutee de faccedilon arbitraire par convention Laspect symbolique
bien queacutetant peu eacuteconomique au niveau cognitit~ permet toutefois une assignation
preacutecise de la signi fication aux termes de la notation
56
La notation algeacutebrique comporte aussi dans sa lineacuteariteacute un aspect iconique
contingent qui impose des contraintes suppleacutementaires agrave liumlnterpreacutetation Lordre
syntaxique surdeacutetennine la seacutemantique et il faut par conseacutequent la corriger en ajoutant
des regravegles diumlnfeacuterence suppleacutementaires Par exemple dans le cas de lopeacuteration de
conjonction (p A q) lordre lineacuteaire de la formule imposeacute par la notation constitue
une contrainte non neacutecessaire quil faut corriger en ajoutant une regravegle dinfeumlrence
explicitant la commutativiteacute de lopeacuteration (p A q) (q A p) Il en est de mecircme
pour la reacuteiteacuteration des variables dans les formules quantifieacutees Par cxemple dans la
formule existentiellement quantifieacutee 3x (Fx A Gx) la notation algeacutebrique lineacuteaire
contraint agrave reacutepeacuteter dans une Illecircmeformule plusieurs occurrences de la variable x qui
ne deacutesigne dans les fagraveits quun seul type de variable La regravegle implicite consiste ici agrave
distinguer les occurrences particuliegraveres de la variable de leur type geacuteneacuteral
Sous laspect symbolique fort et la surdeacutetermination iconique se trouvent
cependan t c1es aspects diagrammatiques plus fondamentaux qu i partic ipent de lagraveccedilon
adeacutequate agrave la signification Le deacutecoupage visuel opeacutereacute par lalgegravebre est plus net que
clans le langage informel de la langue usuelle et repreacutesente de faccedilon plus adeacutequate la
structure logique du langage Les preacutedicats F et G sont ainsi nettement distingueacutes du
sujet logique repreacutesenteacute par la variable x ce qui permet lanalogie entre les relations
propres agrave la structure logique de la proposition analyseacutee et les relations entre termes
de la not3tion logique Laspect iconique simplifie la mise en relation dela notation et
du langage et augmente en ce sens lefficaciteacute de la notation dans sa fonction de
repreacutesentation
Compareacutee agrave la notation algeacutebrique la notation logique des graphes existentiels
exploite plus agrave fond les difteumlrents aspects de la repreacutesentation distingueacutes par la
seacutemiotique en tant que grammaire speacuteculative Le systegraveme des graphes existentiels est
un systegraveme de repreacutesentdtion heacuteteacuterogegravene cest-agrave-dire quiumll fait appel agrave plusieurs
aspects clu signe dans sa relation agrave lobjet il est agrave la fois iconique et symbolique Dans
57
le deacuteveloppement de sa not8tion logique et mecircme dans le passage des graphes dentiteacute
aux gr8phes existentiels Peirce transform8 des eacuteleacutements symboliques en eacuteleacutements
iconiques mais non Jinverse Il tendait donc vers une repreacutesentation davant8ge
iconique de 18 logique
Certains aspects des graphes existentiels sont imparJagraveitement iconiques La
juxtaposition de propositions sur une feuille d8ssertion repreacutesente la conjonction de
ces propositions Elle ressemble fortement il 18 conjonction de deux objets dans le
monde actuel mais le caractegravere neacutecessaire de la conjonction comme opeacuteration logique
nest pas repreacutesenteacute et la notation par juxt8position est donc 8umieux quasi iconique
La notation de la neacutegation par encerclement est suggestive dune discontinuiteacute par
rapport au reste de lunivers du discours surtout dans son interpreacutet8tion comme
laquocoupureraquo mais reste principalement symbolique car le lien effectueacute avec la neacutegation
logique demeure contingent Liconiciteacute est surtout preacutesente dans la notation du
preacutedicat logique par une ligne didentiteacute dans 18 notation dune 8ssertion quantifieacutee
existentiellement de faccedilon implicite au sein de lunivers du discours par linscription
dun graphe sur la feuille dassertion et dans lexpression de la porteacutee des
quantificateurs soit leur ordre dapplication dans la notation algeacutebrique
Les relations sont plus difficiles agrave repreacutesenter dans un systegraveme graphique que
les proprieacuteteacutes Les diagrammes de Venn par exemple ne permettent pas de
repreacutesenter des relations mais seulement des proprieacuteteacutes Peirce a donc creacuteeacute le signe de
la ligne didentiteacute afin de repreacutesenter gr8phiquement des relations La relation
didentiteacute dun individu 8vec lui-mecircme est repreacutesenteacutee de faccedilon iconique par la
continuiteacute de la ligne didentiteacute Luniciteacute de lune renvoie agrave luniciteacute de lautre Cette
caracteacuteristique permet deacuteviter la reacuteiteacuteration des variables tcl que le neacutecessite
inadeacutequ8tement lalgegravebre logique I~a quantific8tion existentielle est repreacutesenteacutee
implicitement de fagraveccedilon iconique par la seule p-eacutesence dune fcuille dassertion dont
lespace deacutecriture est agrave deacuteterminer par des inscriptions de la mecircme faccedilon que
S8
lunivers du discours est agrave deacuteterminer par des assertions et des mises en relation
Lordre de porteacutee des ditTeacuterents quantiticateurs est repreacutesenteacute iconiquelllent ugrave laide
dune proprieacuteteacute topologique de la notation graphique moins la partie exteacuterieure dune
1igne didentiteacute est encerc leacutee p lus large est la porteacutee de la 1igne Il sensu it un princ ipe
de lecture laquoendoporeutiqueraquo de lexteacuterieur du graphe vers linteacuterieur de la ligne
didentiteacute de plus grande porteacutee ugrave celle de moindre porteacutee
La lecture endoporeutique peut ecirctre lourde car elle sapplique agrave tous les
deacutetails rencontreacutes dans la lecture elle-mecircme contrainte par un ordre imposeacute Elle est
simplifieacutee par une lecture de forme normale neacutegative qui reacuteduit la formule ugrave des
neacutegations de propositions et non dopeacuterations et par la lecture des rouleaux (scro)
comme conditionnels (voir lannexe 1) Peirce ne cherche cependant pas ugrave eacuteliminer des
eacutetapes dans la lecture et favorise lapproche endoporeutique car il conccediloit la logique
comme une analyse du raisonnement et non un calcul La logique doit analyser le
raisonnement en ses plus petits eacuteleacutements des arguments aux propositions aux termes
eacuteleacutementaires de linfeacuterence (les rhegravemes) La notation logique la plus adeacutequate
repreacutesente le raisonnement ugrave laide des signes les plus simples les icocircnes et non
seulement des indices ou des symboles Le caractegravere principal du raisonnement comme
processus actuel eacutetant de plus la relation lhypoicocircne le plus adeacutequat est donc le
diagramm e
En tin de com pte le mei lieur systegraveme de repreacutesen tation sera it heacuteteacuterogegravene
Ainsi liconiciteacute permet une repreacutesentation agrave un niveau plus intuitif et rend le
systegraveme de repreacutesentation plus efticace Elle laisse cependant une possibiliteacute derreur
dans linterpreacutetation car lassignation intuitive de la signitication est vague impreacutecise
La symboliciteacute permet une plus grande preacutecision car la relation de signification est
tixeacutee par des conventions arbitraires (stipulation) qui contrecarrent nos intuitions
pouvant fausser la repreacutesentation La symboliciteacute permet de la sOlte une geacuteneacuteralisation
rigoureuse de linterpreacutetation Le langage symbolique est eacutegalement plus tagravecile agrave
59
formaliser pUisque les regravegles syntaxiques et seacutemantiques sont stipuleacutees Il felUt
toutefois apprendre les symboles ce qui implique un plus grand investissement de 13
p8rt de linterpregravete Le jeu est agrave faire entre lintuition de liconique et ]3 preacutecision du
symbolique dans un systegraveme de repreacutesent3tion f3isant 3ppel aux deux 3spects du
signe selon les buts que on assigne au systegraveme de repreacutesentation Un examen des
aspects mod3ux de la signification est eacutegalement eacuteclairant Dans le passage de lalgegravebre
logique 3UX gr3phes existentiels Peirce a eacutelimineacute les regravegles suppleacutement3ires
contingentes du symbole inadeacutequat (lalgegravebre ineacute3ire) pour ne gmder que les regravegles
neacutecessaires du symbole adeacutequat (le voc3bulaire eacuteeacutement3ire des graphes) La
contingence du symbole in3deacutequ3t deacutecoulait plus fondamentalement de limpossibiliteacute
de son aspect iconique sous-jacent (les contr3intes de la lineacuteariteacute limpossibiliteacute de
repreacutesenter des qualiteacutes de lobjet par ces qualiteacutes clu signe) La repreacutesentation la plus
adeacutequate dun objet 3ctuel exploite donc les mod31iteacutes positives regravegles neacutecessaires du
symbole qU31iteacutes possibles de licocircne et cherche agrave eacuteviter les modaliteacutes neacutegatives
regravegles contingentes du symbole qualiteacutes impossibles de licocircne l
Dans le cadre de la logique peirceacuteenne la notation logique doit permettre de
deacutecomposer les arguments en leurs termes eacuteleacutementaires et laspect iconique est donc le
plus important cm il permet de fagraveire ressortir le niveau le plus intuitif du
raisonnement Le diagr3l11me en p3rticulier permet de repreacutesenter les relations
eacuteleacutementaires agrave la base du processus dinfeacuterence Toutefois il est inteacuteress3nt de noter
que les graphes existentiels se precirctent 3ussi bien au calcul logique Avec peu ou pas
daxiomes un certain nombre de regravegles de translormation pouvant ecirctre reacuteinterpreacuteteacutees
Un ltlutrc cClllrlc hors UU cnurc UC la notation logiquc rcut conlirlllcr plus alanllintuition UCS Illoualileacutes Disons gue ie IllC legravevc cc Illatin cl que const~l~lnt ln tcmreacuteraturc hivermllc UC Montreacute81jc uisc laquol1nT il lilit lroidiraquo Iinterjection middotlhIT lCUL sClllhlcr contingente CZlI iumlai ~lrlllis uans Illa rrOlllC culturc Ugrave cplil11cr Zlinsi Illa lcncontrc avec le [miu (rm cc )IIhoe) et il ncst ras neacutecessaire guune autre relsonne ue culture Liilleacutelcnte ilronaise uisons ScplilllC ainsi VIais celtc erlCssion nest ras que contingClltc ellc est ~Iussi uZlns son caraelegravelC llus ()nualllentai dOIlOIllZltOreacutee (iconiqlle) une rossibiliteacute rhoneacutetique uc Illa langue que lmltrc rerSOllnC Iaromise Ilaurait ru pmllollcel ualls SI rmrre langue le 1 lr~illccedillis (UI ulairc lOuleacutee) n) cistant PIS (plutocirct unc ail eacuteolaire lihlIlte ou
hittue G~) Q tt ~) Lie Illecircllle que la concateacutenation consonncconsonlle (lcnchaIcircnemCllt nOliumllli1 est
(voycllc) consollnCIO) clic saul pour la nasale Iv ct 1IITecirct glotal J)
GO
de mecircme que la possibiliteacute de plusieurs lectures formaliseacutees en algorithme les graphes
existentiels ressemblent agrave un systegraveme de deacuteduction naturelle appliqueacute au calcul Leur
vocabulaire limiteacute permet de saisir facilement lessence du raisonnement par
lexploitation des divers aspects seacutemiotiques de la notation graphique et donc de
reacutefleacutechir agrave la fois sur la logique et de lutiliser Lheacuteteacuterogeacuteneacuteiteacute du systegraveme assure sa
polyvalence Finalement que diverses lectures des graphes permettent de retracer
plusieurs chaicircnes dinfeacuterence et de mieux saisir toute la signification dune proposition
ou dun argument va dans le sens du pragmatisme bien que ce ne soit pas labduction
mecircme qui soit repreacutesenteacutee mais une seacuterie de deacuteductions possibles
2 Seacutenliotique et theacuteorie de leacutecriture
The author (though with no pretension ta being a iinguist)
has fumbled the grammars of many languages in the search
ror a language constructecl at ail in the way in which the
logicians go out or their way ta teach that ail men think
(rOI even if they do sa that has reall) nothing ta cio with
logic) (EP2 285 1903)
Les manuscrits de Peirce contiennent de nombreuses eacutetudes linguistiques (MS
1135-1261) ainsi sur le vocabulaire de la philosophie lorthographe anglaise la
ponctuation etc ce qui teacutemoigne de linteacuterecirct que lauteur portait agrave leacutetude des langues
Sa logique eacuteventuellement deacuteveloppeacutee en seacutem iotiq ue fou rn it aussi des pri nc ipes
tondamentaux aux sciences du langage et constitue en cela une philosophie du langage
Peirce fait lui-mecircme le lien entre la seacutemiotique et leacutetude des langues en illustrant la
premiegravere agrave laide dexemples tireacutes de la seconde tels que des points de grammaire Il
ne siumlnteacuteresse cependant pas au thegraveme de leacutecriture proprement dit bien que ses
consideacuteralions sur lorthographe anglaise sen rapprochent et il revient donc agrave
1iuml nterpregravete de deacuteve lopper dans son travai 1exeacutegeacutetique la seacutem iotique dans le sens d une
science de leacutecriture L application de la seacutemiotique agrave leacutetude de leacutecriture
constituerait dans son moment paradigmatique une theacuteorie de leacutecriture et cest ce
passage dune science agrave lautre que janalyserai et critiquerai dans ce chapitre en tant
que problegraveme speacutecitlque du meacutemoire Lhypothegravese de deacutepart est que la theacuteorie
geacuteneacuterale cles signes fou lIl it les pri nc ipes directeurs cIune eacuteventuelle theacuteorie de
Imiddoteacutecriture Il sagira alors de preacuteciser cette assertion en cherchant les nuances agrave accorder
agrave la geacuteneacuteraliteacute cie la seacutemiotique clans le contexte envisageacute Je tacirccherai pour cela de
deacuteterminer quels concepts cie la grammaire speacuteculative seraient les plus teumlconds pour
une eacutetude de leacutecriture en examinant le cas de leacutecriture japonaise quels types
diumlnteumlrence seraient utiliseacutes dans lapplication de ces concepts agrave lobjet speacutecil-Ique
eacutetuclieacute et en quoi le pragmatisme peut fournir le principe directeur geacuteneacuteral de cette
recherche
62
21 Theacuteories linguistiques de leacutecriture japonaise
La langue japonaise utilise un systegraveme deacutecriture traditionnellement composeacute
de trois types de caractegraveres soit un ensemble de caractegraveres dorigine chinoise les
konji et deux syllabaires de creacuteation japonaise les hirogono et kOlokono nommeacutes
geacuteneacuteriquement kono La langue eacutecrite contemporaine a aussi assimileacute les chiffres arabes
et lalphabet latin le rOcircJ71oji La richesse dans la diversiteacute de ce systegraveme deacutecriture en
fait un objet seacutemiotique particuliegraverement inteacuteressant agrave eacutetudier par la complexiteacute des
relations de signification qui peuvent sy deacutevelopper Je preacutesenterai reacutecriture
JaponaIse en me concentrant selon rapproche geacuteneacuterale de la linguistique sur son
aspect orthographique entendant par la notion dorthographe agrave la fois la construction
des graphegravemes et leur disposition textuelle selon un ensemble de conventions
Lexposeacute fera ressorti l certaines des re lations de sign i lication rendues possi bles par
laspect graphique de leacutecriture japonaise ce qui megravenera agrave lanalyse seacutemiotique
critique de la prochaine section
Le statut des caractegraveres dorigine chinoise en japonais nommeacutes konji fait
lobjet dune poleacutemique aupregraves des linguistes Il sagit de comprendre ce que ces
caractegraveres repreacutesentent exactement mais comme nous le verrons leur signification en
est plutocirct une agrave multiples visages Les caractegraveres dorigine chinoise utiliseacutes dans la
langue japonaise peuvent ainsi ecirctre consideacutereacutes agrave la fois comme des logogrammes
deacutesignant des mots entiers des phonogrammes deacutesignant des uniteacutes de son et des
morphogrammes deacutesignant des morphegravemes La notion dIdeacuteogramme selon laquelle
les caractegraveres repreacutesenteraient chacun une ideacutee est maintenant rejeteacutee (DeFrancis
1984 Unger 2004) r uti 1iserai ic i le terme konji car il possegravede une sign i lication moins
deacutetermineacutee qui renvoie agrave lhistoire plutocirct quagrave la logique de repreacutesentation
II existe quatre grands groupes de konji pictographiques diagrammatiques
63
seacutemantiques composeacutes et phoneacutetico-seacutemantiques Les caractegraveres pictographiques
repreacutesentent leur objet en vertu dune ressemblance graphique avec ce dernier Ils onl
eacuteteacute de plus en plus styliseacutes avec leacutevolution de leacutecriture tout en conservant un lien
eacutetymologique avec leur origine Des exemples de ce type de caractegravere sont ~ ko
enfant 0 kIchi bouche LJ yal71a montagne Les caractegraveres diagrammatiques
lepreacutesentent leur objet dune Faccedilon similaire au premier groupe par une ressemblance
de la relation entre leurs eacuteleacutements graphiques avec les relations propres il la notion
repreacutesenteacutee Des exemples de ce type de caractegravere sont t Ile en haut T lhia en
bas Ces deux groupes de kan)i primitifs sont les moins nombreux de la langue
Japonaise Les kan)i seacutemantiques composeacutes sont quant agrave eux constitueacutes deacuteleacutements
simples dont la combinaison de sens donne la signification de la notion repreacutesenteacutee
par exemple B hi soleil et ~ luki lune donnent BEj mei lumiegravere Les caractegraveres
les plus nombreux sont cependant les kan)i phoneacutetico-seacutemantiques qui comportent agrave
la fois un eacuteleacutement donnant Je son et un ou plusieurs eacuteleacutements donnant le sens Par
exemple le caractegravere repreacutesentant la langue (tIcircanccedilaise japonaise etc) ~g go est
composeacute des eacuteleacutements seacutemantiques sect k mot et 0 kwhi bouche et de leacuteleacutement
phoneacutetique Ji go (cinq mais seul le son est retenu et non le sens)
Les kan)i complexes sont construits par lajout dun ou plusieurs eacuteleacutements
secondaires deacuteterm inants en geacuteneacutera 1les eacuteleacutements seacutemantiq ues il un eacuteleacutemen t pri nci pa 1
deacutetermineacute en geacuteneacuteral leacuteleacutement phoneacutetique Les ditleumlrents types deacuteleacutements
correspondent il difleumlrents lieux dinsertion dans la structure des caractegraveres La
composition des eacuteleacutements secondaires avec leacuteleacutement principal est ainsi reacutegleacutee de fagraveccedilon
il respecter des contraintes dmiddoteacutequidimensionaliteacute Ces contraintes assurent lharmonie
des proportions de leacutecriture Une autre contrainte deacutecriture de tous les types de
Ccttc clilssiliumlciltion contcmroraille est deacuteriveacutec dune CI~lssiliumleltioll traditionnelle chinoise Cil si classes ue earaetegraveles ueacuteiugrave rreacutesellc dalls le 51110 11e17 jie~i dietionll~lilc eacutetymologiquc Jc Xu Shcn Cl8tlllt du Jcuiegraveme siegraveelc ue Ilotre egraverc (Coull11JS 1080 Kcss ct Miyal11oto 10(9) LI lislc ues j()45
k(l7ji usucls dont lcmploi cst lccommJndeacute par le goucrllemclltiapollais cst ()urnic ugrave ImiddotAllncc 2
64
kanji mais aussi des kana est lordre de traccedilage des traits des caractegraveres en geacuteneacuteral de
haut en bas de gauche agrave droite et de lexteacuterieur vers linteacuterieur Finalement les kani
possegravedent deux types de lectures possibles par le son et par le sens chacun pouvant
ecirctre unique ou multiple La lecture par le son eacutequivaut dans une prononciation
japoniseacutee aux mots chinois dorigine chaque caractegravere repreacutesentant une syllabe
chinoise (souvent en mots composeacutes tels que ILjjij hinzocirc lorgane du cœur) tandis
que la lecture par le sens correspond aux mots japonais exprimant ce sens (IL kokoro
cœur esprit acircme) La lecture par le son est particuliegraverement utiliseacutee atin de
construire cie nouveaux mots les mots composeacutes cie plusieurs kani (par exemple tfu
Ficirc~ chi-ka-lelU (chemin de) fer souterrain cest-agrave-dire le meacutetro) qui permettent de
deacutevelopper le lexique de la langue par les ressources graphiques de leacutecriture
Toutefois les diffeumlrentes combinaisons cie lecture (aussi bien que de types deacutecriture)
possibles se retrouvent actuellement dans la langue japonaise eacutecrite Les multiples
lectures possibles contribuent donc agrave la difficulteacute dutilisation de leacutecriture japonaise
tout aussi bien quagrave sa richesse propre en tant queacutecriture lexicalement productive
La difliculteacute de deacuteterm iner exactement ce que deacutesignent les Iwni est eacutegalement
due aux diffeacuterentes possibiliteacutes de lecture Les caractegraveres chinois sont dans leur langue
dorigine des caractegraveres morphosyllabiques cest-agrave-dire des caractegraveres repreacutesentant le
plus souvent agrave la fois un morphegraveme pouvant ecirctre indiqueacute par un eacuteleacutement seacutemantique
et une syllabe pouvant ecirctre indiqueacutee par un eacuteleacutement phoneacutetique Cependant les
eacuteleacutements seacutemantiques nindiquent parfois que tregraves vaguement le sens quils ont pour
fonction de preacuteciser Le sens de la structure interne des caractegraveres nest alors
reconstruit que de faccedilon tregraves speacuteculative Dans dautres cas au cours cie assimilation
des caractegraveres dans une lecture par le son japoniseacutee la prononciation a changeacute agrave un
point tel que leacuteleacutement phoneacutetique en est clevenu insignifiant Par ailleurs certains
caractegraveres sont aussi des logogrammes puisque leurs lectures japonaises correspondent
agrave des mors complets pouvant ecirctre deacutecomposeacutes en plusieurs morphegravemes (par exemple
65
~~ honoshi converseacuteltion tandis que le verbe ~~9 honoS1l parler distingue la
terminaison 9 -Sil) Dautres ne repreacutesentent mecircme pas des morphegravemes (~laquo ~
lobeu manger le premier morphegraveme eacutetant ~laquo 10fJe- et non ~ 10-) mais seulement
des sons (un ou plusieurs phonegravemes)
Les syllabaires nommeacutes kono sont des creacuteations speacutecifiumlquementjaponaises
Ils ont tous les deux eacuteteacute formeacutes agrave partir de leacutecriture chinoise les kOlokona eacutetant de
forme plus angulaire deacuterivant chacun dune partie de caractegravere chinois et les hirogono
de forme plus cursive deacuterivant de caractegraveres chinois eacutecrits en style cursif Les
kOlokono ont eacuteteacute creacuteeacutes agrave lorigine a1iumln dannoter les textes eacutecrits en caractegraveres chinois
en leur ajoutant des eacuteleacutements grammaticaux preacutesents dans la langue japonaise et non
dans la langue chinoise tandis que les hirogono servirent plutocirct au deacutebut agrave lusage
quotidien tel la correspondance ainsi que dans la production de la premiegravere grande
litteacuterature j-eumlminine japonaise
Les kono correspondent en fait agrave des mores et non des syllabes ce dernier
terme eacutetant plutocirct la deacutesignation retenue par lusage en Occident La more est agrave la fois
un eacuteleacutement rythmique et un segment phoneacutetique donc une uniteacute de longueur alors que
la syllabe correspond plutocirct agrave une seule eacutemission de voix Chaque more a normalement
la mecircme dureacutee ce qui nest pas neacutecessairement le cas pour les syllabes Par exemple
le mot japonais pour journal L1v )~1v shillbun lorsqueacutecrit en kono ici en
hirogono est composeacute de quatre mores (L shi Iv nt )~ m Iv n) alors que nous ne
compterions que deux syllabes (Llvlhill )~Iv blln qui correspondent toutefois aux
konji du mecircme mot ~JTM) Les quatre mores cie L1v )~1v sont prononceacutees avec
presque la mecircme longueur tandis quun mot tel que syllabe il la double consonne se
deacutecompose en syllabes de dureacutees ineacutegales (syl- la- b(e)) La more comme eacuteleacutement
rythmique et segment phoneacutetique est de la sorte luniteacute de son conventionnelle de la
l UlltahlcClll des i0110 cie hase Cilmiddot cc Icm tllIlsiitleacutetatioll Cil r(jlJwji cst [()umi ugrave 1-illllcc 2
66
langue japonaise agrave laquelle correspond un kono Elle servira par ailleurs de mesure
prosodique agrave la poeacutesie
Dans la langue eacutecrite contemporaine Iusage des konji et kono est tixeacute selon
des fonctions propres Les konji logographiques sont utiliseacutes pour les mots et parties
de mots signifiants ou agrave contenu tixe tels les noms propres et communs et les racines
des verbes des adjectifs et des adverbes Leur alternance avec les deux syllabaires rend
le deacutecoupage du texte plus eacutevident et lespacement des mots non neacutecessaire le texte
japonais eacutetant continu et nayant recours quaux marques de ponctuation
Les kk(w servent agrave un usage similaire agrave celui des italiques de la langue
franccedilaise soit pour eacutecrire des mots dorigine eacutetrangegravere sauf les mots (surtout dorigine
chinoise) deacutejagrave eacutecrits en konji ou pour mettre de lemphase sur un ou plusieurs mots
dans une phrase Beaucoup de mots eacutetrangers sont en effet utiliseacutes dans une version
japoniseacutee par exemple ~9- nekllNi neckie ou I)J posocon persona
computer Les noms propres dorigine eacutetrangegravere sont eacutegaJementjaponiseacutes et eacutecrits en
koakono 1 middot1)[-1 Jan BOlIjon Jean Valjean Les kkono ont
comme particulariteacute de se ressembler fortement dans lems tormes angulaires J
Les hirogono sont quant agrave eux employeacutes pour le reste de leacutecriture de la langue
japonaise soit principalement les parties deacuteclineacutees des verbes des adjectifs et des
adverbes les particules enclitiques les inteljections et les conjonctions par exemple
la terminaison -219 kil710su dans W-2K9 kokil71oslI eacutecrire ou la particule
theacutematisante ft ho (prononceacutee exceptionnellement 10) dans ~ B [t konnichillo
bonjour Tous les konji peuvent ecirctre eacutecrits en hirugono bien que lutilisation cles
logogrammes teacutemoigne du niveau de richesse cie la langue eacutecrite Des hirogono
Voir Ic~ eltail~ dc IClc IllLlmis illnncc 2
67
minuscules placeacutes parallegravelement ltlUX kOl1ji les filrigono sont dailleurs utiliseacutes al-in
dindiquer la lecture phoneacutetique des textes destineacutes agrave lapprentissage scolaire ou de
certains caractegraveres peu communs des autres textes Les hirogono sont plus distincts
dans leurs formes cursives (pour les mecircmes mores que dans le paragraphe preacuteceacutedent)
Leacutecriture latine le n)lJ7oji a finltllement eacuteteacute introduite dans le contete de
linternationalisation du Japon moderne surtout commerciale et touristique Elle est
ainsi utiliseacutee dans la signalisation routiegravere laffichage publicitaire les noms de
compagnies commerciales etc Elle ltl pour particulariteacute de ressortir en tant queacutecriture
eacutetrangegravere au sein de leacutecriture ind igegravene japonaise
Pour conclure cette section je remarquerai que la complexiteacute de leacutecriture
japonaise pousse le lecteur agrave utiliser une multitude de voies daccegraves au sens des mots
eacutecrits (agrave ce sujet Kess et Miyamoto 1999) Liumlnformation peut ainsi ecirctre transmise
par les voies phonologique grapheacutemique kineacutetique ou directement seacutemantique Lune
et lautre de ces voies qui sont sans doute communes agrave toutes les langues eacutecrites sont
plus ou moins utiliseacutees selon le type deacutecriture et son contexte dutilisation Laspect
phonologique peut ecirctre favoriseacute dans la lecture de kono et des eacuteleacutements phoneacutetiques
de keJnji la voie grapheacutemique dans la lecture de cltlractegraveres pictographiques et
diagrammltltiques lltl voie kineacutetique dans la reconnaissance de lordre de traccedilage et lltl
voie seacutemantique dltlns lassociation du sens agrave la composante seacutemantique du caractegravere
non familier lors de lanalyse de ce dernier Un ensemble important de facteurs en
rapport au contete dutilisation est finalement la familiariteacute du lecteur et scripteur
avec les caractegraveres la reacutegulltlriteacute de correspondance de ces derniers au sens et au son
viseacutes ainsi que leur ti-eacutequence dans les tetes lus et eacutecrits trois points lieacutes agrave
lhabitude
68
22 Approche seacutemiotique de leacutecriture japonaise
L eacutecriture est pal10ut preacutesente dans notre socieacuteteacute contemporaine de lettreacutes el
nous y sommes habitueacutes Si bien quelle paraicirct seffacer dans Jexpeacuterience commune
que nous faisons du monde environnant et quelle ne semble pas se manifester pour
elle-mecircme Hormis les effets estheacutetiques explicites de la calligraphie lorsque nous
rencontrons un texte eacutecrit nous ne tenons pas compte le plus souvent de la lettre
traceacutee mais seulement du message veacutehiculeacute Leacutecriture tend en ce sens agrave la
transparence car nous ne prenons pas conscience de ses propres particulariteacutes bien
quelle en recegravele et nous en impose implicitement La science de leacutecriture cherchera ft
faire ressortir cet implicite par lequel leacutecriture structure la penseacutee lorsque cette
dern iegravere en fa it lexpeacuterience r abordera i dans cette section 1 eacutecriture en tant que
systegraveme de repreacutesentation grltlphique dont le but est de repreacutesenter le langage informel
de la langue usuelle Leacutecriture ainsi comprise sera contrasteacutee avec la notation logique
des graphes existentiels comme systegraveme de repreacutesentation graphique du langage
formel de la logique deacuteductive Mais tout dltIbord je deacutefinirai leacutecriture de lagraveccedilon
geacuteneacuterale afin de guider la caracteacuterisation suivante de leacutecriture ordinaire et plus
speacutecifiquement de leacutecriture japonaise par contrltlste avec la notation logique Le
retour critique sur lapplication theacuteorique effectueacutee permettra en dernier instant de
juger du bien-fondeacute de cette applic8tion de la seacutemiotique par une reacuteflexion eacutelaboreacutee agrave
partir des cateacutegories particuliegraveres de la signification
221 Theacuteorie geacuteneacuterale de leacutecriture comme signe
Quest-ce que eacutecriture La reacuteponse agrave cette question prendra pour point de
deacutepart la deacutetermination des caractegraveres essentiels de leacutecriture agrave partir desquels cette
derniegravere sera mise en lien avec le langltlge compris de ragraveccedilon geacuteneacuterale et les diffeacuterents
types speacutecifiques deacutecriture pour ensuite faire place ft une analyse de la ronction
69
1
interpreacutetative du signe eacutecrit Selon le linguiste Florian Coulmas leacutecriture comporte
trois caracteacuteristiques fondamentales (Coulmas J 989 17)
it consists of artificial graphical marks on a durable surl~1ce
2 its purpose is to commullicate something
3 this purpose is achieved by virtue of the meacutelrks conventional relation to
langueacutelge
Nous reconnaissons ici les constituants essentiels du signe soit le signe pris en son
fondement lobjet et linterpreacutetant chaque constituant eacutetant toutetois compris dune
faccedilon nuanceacutee caracteacuteristique du signe speacutecifique quest leacutecriture Au fondement de
leacutecriture en tant que signe se trouve sa preacutesence mateacuterielle condition formelle de la
repreacutesentation dun objet par le signe eacutecrit La signification est contrainte par la
preacutesence mateacuterielle du signe eacutecrit la matiegravere neacutetanl elle-mecircme rappelons-le quune
loliumlne contrainte par lhabitude L objet de leacuteCliture est pour sa parl agrave communiquer
et sa forme tient donc du langage et de tout ce que ce dernier permet dexprimer
(sentiment jugement argumcnt etc) Linterpreacutetant du signe consiste finalement en
une convention reliant les traces mateacuterielles de leacutecriture au langage repreacutesenteacute
La philosophie du langage contemporaine dexpression franccedilaise fait la
distinction entre le langage et la langue Dans une approche seacutemiotique de leacutecriture le
langage serait le systegraveme de signes tel que caracteacuteriseacute par la grammaire speacuteculative
tandis que la langue serait la langue usuelle dont leacutecriture serait un mode dexpression
deacutetermineacute Toutefois un approfondissement de lanalyse du cas de leacutecriture permet
de constater toute une gradation allant de la grammaire speacuteculative aux eacutecritures
speacutecifiques et finalement agrave la langue Selon Coulmas dun point de vue linguistique il
sied de distinguer le systegraveme deacutecriture du lype c1eacutecriture (script) el de lorthographe
de la maniegravere suivante (Coulmas 1989 38-9)7
- Le lCIiuml11C langlage Jeacutesigne ici la leacutell1gUC lmgllis ne laisltlnl pas la dilTeacutelcncc cnlre les Licu nolions
70
Writing system
Every writing system
selection of the linguistic
to be graphically re
(not language specifie)
makes
pres
un its
ented
a Word writing
Morpheille writing
Syllable writing
Phoneille writing
Phonetic writing
Script
Every script Illakes a speci lie Chinese script
selection of the possibilities of a Arabie script
given system in accordance with Greek script
the structu ra 1 conditions of a
given language
Orthograph
Every orthography Illakes a Ch ineseTa iwanese
speci fic selection of the orthography
possibilities of a script ~or Standard German
writing a particular language in a Swiss-Gellnan
uni ~orlll and standardized way ortho gra phy
Dun point de vue seacutemiotique plus englobant la gradation passant du langage formel agrave
la langue informelle comprendrait la logique en tant que grammaire speacuteculative la
deacutefinition geacuteneacuterale de leacutecriture en tant que signe le systegraveme deacutecriture le type
deacutecriture lorthographe la langue eacutecrite la langue parleacutee usuelle La logique en tant
que grammaire speacuteculative repreacutesente la forme du langage le plus geacuteneacuteralement
possible Les autres aspects du signe eacutecrit preacutecisent la signification en fonction du cas
actuel de leacutecriturc La deacute1inition de leacutecriture en tant que signe sapplique toujours au
niveau geacuteneacuteral du langage mais la distinction du type de systegraveme deacutecriture est deacutejagrave
propre agrave un niveau geacuteneacuteral de la langue deacutecoulant de lanalyse laquopar le basraquo des uniteacutes
linguistiques composant les langues des donneacutees propres agrave la science idioscopique de
la linguistique Les nivcaux suivants du type deacutecriture et de lorthographe son plus
speacuteci1iques aux langues eacutetudieacutees et leur distinction permet de deacutefinir plus exactement
71
les particulariteacutes dune eacutecriture Lorthographe repreacutesente ainSI la convention dune
eacutecriture propre agrave une langue speacutecifique
Cette analyse ne tient cependant compte que dun seul type dobjet du signe
eacutecritmiddot soit la langue parleacutee usuelle Leacutecriture peut aussi repreacutesenter dautres types
dobjet et une classification des types deacutecriture selon le type dobjet repreacutesenteacute
devrait distinguer au moins les trois types tondamentaux suivants formel tel que la
notation logique ou matheacutematique informel utilitaire repreacutesentant la langue parleacutee
usuelle et informel estheacutetique tel que dans la calligraphie Leacutecriture de type lormel
fait ressortir explicitement la forme geacuteneacuterale du langa~e agrave travers le 1ondement du signe
eacutecrit et permet ainsi de prendre conscience de la fonction repreacutesentative du langage
Elle engendre une interpreacutetation consciente du langage preacutecisant de faccedilon geacuteneacuterale la
signification Leacutecriture de type informel utilitaire fait ressortir implicitement la lorme
du langage propre agrave une langue deacutetermineacutee dans le fondement du signe eacutecrit Son but
premier nest pas de faire reacutefleacutechir sur le langage mais de communiquer le message
veacutehiculeacute par celui-ci Linterpreacutetation est alors dirigeacutee dans un sens deacutetermineacute par
leacutecriture sa tonction de repreacutesentation de la langue Leacutecriture de type informel
estheacutetique provoque pour sa part un sentiment agrave leacutegard de la forme de la
repreacutesentation le fondement du signe eacutecrit mais na pas pou l fonction prem iegravere de
faire reacutefleacutechir sur lobjet repreacutesenteacute Elle renvoie inconsciemment linterpreacutetation au
fondement du signe et reste vague quant au sens agrave lui donner
La consideacuteration du type dobjet repreacutesenteacute megravene agrave lanalyse de la fonction
interpreacutetative de Jeacutecriture Linterpreacutetant immeacutediat du signe eacutecrit le produit de
l eacutecri ture est une repreacutesen tation cie la langue usuelle moda1iseacutee se Ion les possi bi 1iteacutes
offertes par le tondement du signe soit la langue eacutecrite En tant quinterpreacutetant
dynamique leacutecriture preacutesente eacutegalement laspect dun processus qUI a cette
particulariteacute de mettre en lien plusieurs niveaux de la leacutealiteacute plusieurs eacutetats de la
lorme du langage Le signe eacuteClit est un acte psychique et physique laissant une trace
72
mateacuterie Ile in lormeacutee pa rune forme speacutecifiq ue du langage la langue usue Ile ou les
expressions matheacutematiques etc Linterpreacutetant final le troisiegraveme aspect de la lonction
interpreacutetative de leacutecriture est son but son effet viseacute Agrave ce sujet on consiclegravere
souvent leacutecriture comme secondaire par rapport agrave la langue parleacutee comme si elle
deacutependait en tout de cette derniegravere Le but de leacutecriture serait de la sorte de repreacutesenter
la langue de la faccedilon la plus transparente possible en seffaccedilant elle-mecircme comme
moyen de la repreacutesentation Mais nous pouvons aussi renverser le point de vue et
faire remarquer que leacutecriture est dune aide des plus preacutecieuse agrave la repreacutesentation du
langage plus fondamental que la langue deacuteterminant mecircme par converse celle-ci
jusquagrave un certain point Le signe eacutecrit par les particulariteacutes de son fondement
permet dactualiser dans une langue eacutecrite certaines possibiliteacutes du langage que la
langue parleacutee usuelle a laisseacutees pour compte Ainsi Coulmas dit-il dans sa conclusion
laquoThe invention of writing is the answer to the limitations of speech to the here and
now Thus by acquiring a vritten form the expressive power of a language is realized
to a greater extent than it is in speech onlyraquo (Coulmas 1989 272) La perdurabiliteacute du
message eacutecrit ou sa transmission agrave distance en sont les avantages les plus
communeacutement eacutevoqueacutes mais son utiliteacute pour analyse formelle clans le cas de la
logique ou des matheacutematiques de mecircme que son pouvoir expressif estheacutetique dans le
cas de la calligraphie sont c1autres aspects que la formulation dune theacuteorie geacuteneacuterale de
leacutecriture comme signe permet de mettre en eacutevidence
Leacutecri ture sJisie en sync hlon ie nest pas un Jrgument car elle ne don ne pJS la
cleacute de sa propre interpreacutetation et son analyse dJns cette section sest donc limiteacutee agrave
une cmacleacuterisJtion geacuteneacuterale du signe eacutecrit dans les termes de la grJmmJire speacuteculative
Toutetoisle signe eacutecrit en ce quil preacutetend retleacuteter la structure du langage et plus
speacutec ifiq uement de la IJngue usue Ile com porte certJi ns Jspects sym bol iques et d icents
qui le rendent informatif et en appellent il une analyse logique critique Cest vers cette
critique logique que se dirigera lexamen de cas speacutecitiques dans la prochJine section
critique qui sera redoubleacutee pm la critique eacutepisteacutemologique suivante
73
222 Analyse seacutemiotique de leacutecriture japonaise
Leacutecriturejaponaise na pas le mecircme objet et ne poursuit pas le mecircme but que
la notation logique des graphes existentiels preacutesenteacutee au chapitre preacuteceacutedent Le but
principal de leacutecriture dune langue intonnelle telle que la langue parleacutee usuelle est de
communiquer efficacement linformation agrave distance dassurer la transparence du signe
eacutecrit et non de sarrecircter sur la repreacutesentation eacutecrite pour Imiddotanalyser alors que celui de
la notation du langage tormel de la logique est de permettre lanalyse du raisonnement
par le retour reacuteflexif sur le systegraveme de signes et la critique subseacutequente Les graphes
existentiels serviront dans cette section de point de repegravere et doutil agrave leacutelaboration
dune theacuteorie seacutemiotique de leacutecriture japonaise Le contraste entre les deux types
deacutecriture permettra aussi de mieux tagraveire ressortir les particulariteacutes de cette derniegravere le
deacutebuterai par lexamen de quelques points de grammaire pour ensuite deacuteterminer les
caractegraveres essentiels de reacutecriture japonaise L exposeacute passera ainsi dune analyse de la
gram mai re japonaise repreacutesentant la structu re de la langue usue Ile par l app 1ication de
la logique des relations agrave lanalyse de la grammaire telle que la langue eacutecrite la tagraveit
ressortir par lapplication de la meacutethode des graphes existentiels agrave labstraction de la
forme du langage propre agrave reacutecriture japonaise par lapplication de la theacuteorie
seacutemiotique au cas consideacutereacute Japprotondirai lanalyse jusquau niveau des dix classes
de signes et passerai au moment critique de la logique tout en gardant en vue les
principes directeurs du pragmatisme
La languejaponaise a ceci de particulier que le sujet grammatical peut ecirctre omis
de la phrase sa preacutesence implicite eacutetant alors reconnue par la situation dans le
contexte de leacutenonciation La grammaire japonaise dans la tradition de Mikami Akira
deacutefinit la structure eacuteleacutementaire du japonais selon un moti f diffeacuterent de la structure
sujet-verbe-objet typique du tranccedilais ou de Imiddotanglais La langue japonaise est plutocirct leacuteeri~ le~ noms japonais selon lusage soit le nOIll Je IUumlllli11c aClnt le pleacutenolllJe tiens les exelllpics selltlnt ~ liumlllustrltltion Jes points lie gralllllllire Jes courS Je langue iaponaise Jonneacutes pal Kana) a Takehi 10 il l LJ ni clsi leacute Je VIontreacutea 1 auquel je Jo is Iussi 1Cl leyon sur 18 glalll1ll8i le Je lvI ik81ll i ikira la pn~senlation de la grlllllllailC jlponaise Jlns celle ~eetion relegraveve eepenJlnl de Illlt pmplc interpreacutetation clu co llIS
74
dite structureacutee selon un ordre thegraveme-commentaire OLI le sujet grammatical plutocirct
nommeacute laquothegravemeraquo pou l en distinguer la fonction na pas l im portance quon 1ui precircte
dans notre langue franccedilaise Cest que le japonais nest pas une langue du laquotaireraquo ct
~ sulu) comme le franccedilais mais une langue du laquoil y araquo (~~ (111) Les faits ( C
kaa) repreacutesenteacutes ne deacutependent pas neacutecessairement de choses (t 0) mono) qui les
accomplissent lis peuvent aliumliver par eux-mecircmes eacutetant alors seulement constateacutes par
le locuteur Le thegraveme nest pas neacutecessairement un agent il est plus essentiellement une
partie de la phrase mise en eacuteviclence (par la particule fJ ho prononceacutee 110) tel un
soleil levant (80)11 hi 10 l1Jolu -le roncl clu jour) eacuteclairant le reste de la phrase Il
peut ecirctre omis leacuteclaircissement venant alors du contexte de leacutenonciation Le
commentaire quant agrave lui se construit autour clu verbe clans les phrases verbales ce
centre restant v icle clans les phrases nom ina les sans la laquocopu leraquo C ~ ~ de 011 ou C
9 desu La phrase japonaise est clonc construite autour cie la base clu verbe situeacute agrave la
fin cie la phrase par lajout cIeacuteleacutements clont la fonction est speacuteci fieacutee par cles
particules cest une phrase en forme cie bonsaiuml (~t(X bonsoi bun) clans laquelle les
com mentai res-branches cl irigeacutes clans le sens cles particu les-tuteurs seacutelaborent agrave parti l
clu verbe-pot qui contient les racines cie la phrase Tanclis que la phrase franccedilaise est
construite agrave partir clu couple sujet-verbe clont le sujet est mis en eacuteviclence tel un arbre
cie Noeumll avec son eacutetoile-sujet au sommet son tronc-verbe et ses branches-objets ( 1)
A 7( A Y 1) - X kllli111l1l0SII IIIIii IWI1) Cest que le locuteur japonais ne prencl pas
clans le contexte cie sa langue un point de vue du dieu sur le moncle (f$0) El kmlli 10
me) slIb ljJecie oeemiois pourrions-nous dire le point de vue du grand architecte
celui qui construit le monde mais un point de vue de linsecte (RO) El lJ1ushi no JJle)
la petite becircte qui voyage sans lin agrave travers la surface de la terre Cette construction par
le bas de la grammaire sera agrave preacutesent formaliseacutee par la rencontre avec les principes
directeurs de la logique peirceacuteenne
75
La logique des relations de Peirce et son deacuteveloppement par la meacutethode des
graphes existentiels seraient en effet particuliegraverement adapteacutes agrave lanalyse de la
grammaire japonaise que le modegravele de la grammaire anglaise a tendance agrave brutaliser
Notons par ailleurs que lutilisation dune grammaire speacutecifique cOl11me modegravele dune
autre grammaire procegravede dune mauvaise meacutethodeutique La grammaire des langues
speacutecifiques doit plutocirct se fonder sur la grammaire pure ou speacuteculative de la logique La
meacutethodeutique bien penseacutee dun point de vue peirceacuteen implique que lon fasse se
rencontrer les principes de la logique et les donneacutees de la linguistique en tant que
scientifique-philosophe confrontant dans son expeacuterience ordinaire de la reacutealiteacute le
pheacutenomegravene de la langue japonaise
Chez Peirce il ny a ultimement dans lanalyse logique meneacutee agrave fond quun
preacutedicat geacuteneacuteral par proposition (repreacutesentant luniteacute conceptuelle de lEcirctre) et
plusieurs sujets qUI constituent des points dancrage dans la reacutealiteacute actuelle
(repreacutesentant le divers de la Substance) (EP2 208 1903 EP2 275-88 1903) Un
sujet peut aussi ecirctre laisseacute pour implicite seul le contexte de leacutenonciation permettant
alors la mise en situation (EP2 281-82 1903) Semblablement dans la langue
japonaise il ny a pas neacutecessairement de sujet actif se deacute1narquant le laquosujet
grammaticalraquo en tant que thegraveme du commentaire qui constitue le reste de la phrase
pouvant ecirctre omis Prenons comme exemple la phrase inaugurale du roman de
Kawabata (~OO Yllkigllni Pays de neige in Kawabata 1974 (1935) 7)
kllnizokoi rO rogoi orneII 110 nllkelIo ykigri de ullu
liontiegravere (particule 0) de) long tunnel (part ~ laquoobjet directraquo) eacutemerger de
(parI C lorsque) pays de neige (ltltcapu leraquo -r 17gt ) t laquoc eacuteta itraquo)
Le thegraveme de la premiegravere proposition nest pas un agent mais un contemplateur de
leacutetat de choses duquel il fagraveit paltie Il est laisseacute pour implicite dans le contexte de
leacutenonciation La distance entre leacutenonciateur et lobjet de son eacutenonceacute nest pas
76
ressentie de faccedilon aussi grande que dans nos eacutenonceacutes de langue franccedilaise ou anglaise
Des tentatives de traduction de cette phrase sans sujet actif seraient
laquoUne fois eacutemergeacute du long tunnel frontalier ceacutetait le pays de neigeraquo
(le plus litteacuteralement possible mais je dis tout de mecircme laquocea eacutetaitraquo ce qui nous
distancie de lobjet le pronom deacutemonstratif eacutetant toutefois un index agrave la fois
plus direct et discret plus transparent quun pronom personnel ou un nom
commun)
laquoUn long tunnel entre les deux reacutegions et voici quon eacutetait dans le pays de
neigeraquo
(trad Fujimori Bunkichi et Annel Guerne (1960) eacuteliminant le verbe mikeli
eacutemerger et utilisant le pronom indeacutefini lt(011 eacutetaitraquo)
laquoThe train came out of the long tunnel into the snov countryraquo
(trad Edward Seidensticker (1986) qui rajoute un sujet (troil1) et embrouille les
deux propositions)
Dans la phrase japonaise la copule peut eacutegalement ecirctre omise La logique de
Peirce permet de mieux expliquer ce que lon entend ici par laquocopuleraquo Prenons agrave ce
sujet la phrase-exern pie de M ikam i
~ fjll1J l 0
ZOcirc 110 hOl1o go l10gai
eacuteleacutephant (particule) trompe (particule) longue (deacuteclinaison de ladjectit)
laquoLeacuteleacutephant-lagrave [sa] trompe [est] longueraquo
Lanalyse de cette phrase selon la meacutethode des i Sdonne le diagramme suivant
1 est clair que la repreacutesentation de la relation didentiteacute implicite ne cause pas de
problegraveme puisque nous la retrouvons dans la quantification existentielle eacutegalement
implicite exprimeacutee par linscription mecircme de la ligne didentiteacute sur la feuille
77
dassertion La copule nest pas lagrave pourjoi nd re les eacuteleacutements de la ph rase mais pou l
speacutecitier la relation du terme qui la preacutecegravede avec les autres eacuteleacutements la relation
diumldentiteacute eacutetant plus fondamentale que toute expression speacutecitique telle quexprimeacutee
par la copule Elle servira plutocirct dindicateur du niveau de langage (honoritique C
~~ 9 de gozoil1loslI poli Cg desu style eacutecrit Cc10 Q de OlI neutre Uamilier)
t do) compleacutetant le commentaire Elle est omise au style neutre apregraves les adjectifs
situeacutes agrave la base du commentaire qui ont eux-mecircmes une fonction qualitative
prononceacutee Nous pourrions dailleurs lappeler plus justement un marqueur
dexistence quune copule Il faut dire agrave ce sujet que les grammairiens actuels (tels que
Shimamori 1997) distinguent plutocirct deux fonctions de Cg delu qui sont soit en tant
que copule de laquotransformer le nom preacuteceacutedent en eacutenonceacute minimal completraquo
(Shimamori 1997 17) dans lequel cas leacuteleacutement est indispensable soit devant un mot
qualitatif japonais (adjectif en ~ i) de laquosituer leacutenonceacute au niveau poliraquo (Shimamori
1997 27) dans lequel cas leacuteleacutement est tacultatif Linterpreacutetation ici proposeacutee eacutevite
le deacutedoublement de fonction du marqueur dexistence en expliquant lomission de
leacuteleacutement apregraves ladjectif dorigine japonaise par la marque de seconde intention la
fonction qualitative prononceacutee deacutejagrave preacutesente dans la tlexion adjectivale et ne
neacutecessitant donc pas de surenchegravere au style neutre (la notion de seconde intention
relative agrave la flexion est preacutesenteacutee ci-apregraves) Par ailleurs dans la logique des relations
non plus la copule explicite nest pas un eacuteleacutement du vocabulaire primitif il sagit
mecircme selon Peirce dune notion grammaticale latine tardive datant du Moyen Acircge le
verbe neacutetant pas dans le grec ancien ou le latin classique une composante essentielle
de la phrase (EP2 221 282 1903)
Le thegraveme est aussi convenablement deacutecentreacute par cette analyse cest-agrave-dire
situeacute comme un sujet de la proposition parm i dautres la fonction speacutecitique de
chaque eacuteleacutement eacutetant indiqueacutee par la particule qui lui est associeacutee (rd 1 0 et 1J go) ou
sa tlexion adjectivale (~ i) toutes eacutecrites en hirogol1( Une certaine structure
78
grammaticale est donc mise en eacutevidence par lalternance de deux types deacutecriture les
kan et les hirogano Dans le cas des adjectifs et des verbes un morphegraveme vient
moditier le sens dun autre morphegraveme plus fondamental au sein dun mecircme mot La
fonction grammaticale de chaque morphegraveme (racine et deacuteclinaison base connective et
terminaison) est de la sorte distingueacutee par leacutecriture Dans le cas des particules et du
marqueur dexistence leur fonction est encore plus abstraite puisquil sagit de termes
distincts donnant un sens aux termes auxquels ils se rapportent mais dont la
signification reste incomplegravete sans ces termes (ce sont des laquosyncateacutegoregravemesraquo EP2
286 1903) Ils deacuteterminent le sens de la proposition au niveau des rhegravemes proprement
dits et non de linteacuterieur de ceux-ci par deacuterivation agrave partir des morphegravemes Selon la
logique des relations de Peirce nous voyons surgir dans ces deux cas la seconde
intention aussi repreacutesenteacutee dans les -Jocirc par des signes nommeacutes Potentiels (CI) 5524shy
6 1903) Peirce donne les deacutefinitions suivantes de la seconde intention
The smt of idea wllich an icon embodies if it be such that it can convey any
positive information being applicable to some things but not to others is called a
jirst intention The idea embodied by an icon which cannot of itself convey any
information being applicable to everything or to nothing but which may
nevertheless be useful in modifying other ieons is ealled a second il1lenion (CP
3433 1896)
Every rhemn whose blnnks may be filled by signs of orclinary individunls but which
signifies only what is true of symbols of those individuals without any reference to
qualities of sense is termed n rhema 01 second intention For second intention is
thought about thought as symbol (CP 4465 1903)
Il is by menns of reuiles of second intention thnl the general method of logicnl
representation is to find eompletion (CP 3490 1897)
Dans les deux cas qui nous inteacuteressent les particules Id 110 et tJ~ go et la llexion l i
sont des signes de seconde intention en ce quils viennent preacuteciser la signitication agrave
accorder agrave la proposition en modalisant la relation didentiteacute fondamentale qui joint
les diffeacuterents termes de premiegravere intention Ce sont des signes qui agissent sur les
relations entre dautres signes au sein dune mecircme repreacutesentation Par la preacutecision
quils apportent agrave la sign ification au niveau des re lations fondamentales ils
79
complegravetent Ianalyse logique implicite agrave la langue japonaise L alternance entre les
types deacutecriture fait donc ressortir la structure de la phrase en mettant en eacutevidence le
rapport entre la premiegravere et la seconde intention
Le problegraveme speacutecifique qui nous permettra dapprolondir plus avant lanalyse
seacutemiotique de leacutecriture japonaise est le changement actuel de proportions entre les
difteumlrents types deacutecriture utiliseacutes dans la langue japonaise eacutecrite La langue japonaise
assimile en ce moment de faccedilon croissante des mots dorigine eacutetrangegravere surtout de
langlais ameacutericain eacutecrits en kolokol1o Ces mots eacutecrits en kOlokona occupent de plus
en plus despace graphique dans leacutecriture jusque maintenant domineacutee par les kanjl
tout en remplissant des fonctions grammaticales sinon attribueacutees il ces derniers
Laspect externe ainsi que de la structure interne de Ieacutecriture japonaise se trouvent
donc fortement modifieacutes suite au contact de la langue japonaise avec dautres langues
aux eacutecritures difteumlrentes Le problegraveme consiste agrave deacuteterminer quels aspects seacutemiotiques
fondamentaux de Ieacutecriture japonaise sont modifieacutes par ce changement de proportions
dans les types deacutecriture utiliseacutes Construisons tout dabord un exemple de
transformation dune phrase dans le sens de laugmentation des kalokono La phrase
suivante servira agrave lillustration
Nihongo no kihon bun wa bonsaiuml bun desu gajilransligo wa klifisumasli twlii bUll
c1esu
laquoLa phrase eacuteleacutementaire du japomlis est une phrase bonsaiuml mais en franccedilais cest
une phrClse arhr de Noeumlf [Christmas tree]raquo
Certains kan)l tels que 8 111110n Japon sont dune importance culturelle
m~ieure et il est agrave parier que les Japonais ne les abandonneront pas cie si vite parce
que ces caractegraveres leur sont chers au cœur Dautres sont tregraves simples ou tregraves
tamiliers tels que ~g go langue et )( blll1 phrase et ils seront conserveacutes parce
quils sOl1l deacutejagrave ancreacutes clans Jhabitude et ne causent pas de problegraveme Mais il est aussi
80
des mots dorigine chinoise aux caractegraveres plus complexes ou moins familiers dans la
phrase-exemple ~~ hO1soi bonsaiuml qui sont bien ancreacutes dans la langue parleacutee
usuelle mais dont on souhaitera peut-ecirctre il lavenir simplifier la repreacutesentation eacutecrite
en les eacutecrivant en koloko1o (puisque dorigine eacutetrangegravere) ainsi honsoi deviendrait 1f 1 Finalement le nouveau vocabula ire techn ique eacutetant sou ven t anglo-ameacuterica in
dorigine le vocabulaire anglo-ameacutericain japoniseacute simposera aussi de lui-ll1ecircme en
comblant les vides de la langue technique 1) A A Y 1) - kulisll710SI IIii
Chrilll1los Iree en est un exemple ou en remplaccedilant avec sa nouvelle saveur les
anciens lllotS dorigine chinoise deacutesormais deacutesuets ainsi dans notre phrase
supposons que ~ kiho1 fondement subisse ce dernier sort et soit remplaceacute par le
terme anglo-japonais Acirc-~ hecsliiku )olie y a dautres raisons favorisant la
prolifeumlration de mots eacutecrits en kolokol1o surtout en lien avec lapport culturel
eacutetranger par exemple dans les modes engendreacutees par la musique la litteacuterature Ie
discours politique etc mais la preacutesente illustration seacutepuise dans les deux cas mis de
lavant La phrase-exemple transformeacutee devient alors en reprenant dabord loriginal
pour effet de comparaison
B ~gO)~gtzIj~~gtZT9tJ 77 Agrave~glj 1) Agrave Agrave ) 1) -gtZT9o
B ~gO) 0( - gtz1j ~ -1 gtzT9tJ~ 77 Agrave~glj 1) Agrave Agrave ) 1) - gtzT9 0
Nihongo no heeshiku bun Wl hO7sai bun c1esu ga li1runsllgo wa kllislll11allI 1lIlii
bun desu
laquoLa phrase ileacutell7ltnluire [hLsic] du japonais est une phrase hOl1sui mais enfiu7ccediluis
cest L1ne phrase urhre de Noeumllraquo
Une analyse grammaticale donnera une premiegravere ideacutee de la structure de ces
phrases Les phrases sont composeacutees chacune de deux propositions lieacutees par la
cc suiet le dcuiegravelllc lelc dc lannec 2 donllc un ecl1lple dnrlicle dciourJlltJ1 urilisnnl de nomlxcu lllolS 0crits Cil kU(fw7u dans ce cas-Iugrave pour cn eriliquer lulilisltJtion ccessi e llm le rrcl1licr Illinislre l1e Shinll Jans son discours inaugural Cc lcte contrasle mcc Ic premicr clrail de lanncc rcrrcnanl le d011ul dun conte de Ikutngaa le famcu 1eacute1shocircIllOIlraquo eacutecrit en 1915 dans unc languc litteacuteraire au Sl Ic laquogothiqucraquo ulilisant quelques kl7ji cOl1lrlcCS ou inusil0s el aucun kalakrlu
81
particule conjonctive IJIcirc go mais qui introduit dans la deuxiegraveme proposition une ideacutee
constrastant avec celle exprimeacutee dans la prem iegravere Dans la prem iegravere phrase le thegraveme
de la premiegravere proposition est B ~gO)~)( l1iho1go 110 kihon )((n la phrase
eacuteleacutementaire de la langue japonaise mis en eacutevidence par la particule theacutematisante fj
wa en ce qui concerne et son commentaire est ~~)( honsai )1(1 phrase bonsaiuml
dont le rapport avec le reste de la proposition est souligneacute par le marqueur dexistence
de style poli C9 desu il y a ou cest tandis que le thegraveme de la seconde
proposition est 77 Agrave~g fltral1sugo langue franccedilaise et son commentaire est
1) Agrave x Agrave J 1) -)( kurisulllosu ISlIii blll1 phrase arbre de Noeumll indiqueacutes par la
mecircme particule theacutematisante et le mecircme niarqueur dexistence La phrase transformeacutee
reprend exactement la mecircme structure grammaticale mais remplace ~ kihun par le
terme anglo-japonais I-~ beeshikll basic eacutecrit en kolakana et les kan)i de ~
~ bonsoi par les kalakano de mecircme lecture tT - La transformation du type
deacutecriture naffecte donc en rien la structure grammaticale de la phrase japonaise dans
tous les cas du pheacutenomegravenc actuel qui nous concerne Mecircme dans le cas extrecircme de
lassimilation dun mot eacutetranger comme verbe base de la phrase bonsaiuml japonaise le
nouveau mot prend une forme grammaticale deacutejagrave preacutevue par la langue soit celle des
verbes dorigine chinoise construits par lajout du morphegraveme 9 g SlIU fnire (ici en
style neutre eacuteventuellement conjugueacute) agrave la base connective sino-japonaise par
exemple le verbe anglo-japonais 7 euml-)[9g apiiuslIlI to appeal a une forme
identique agrave un verbe sino-japonais tel que ~fff9 ~ JlIl1sekisuu analyser Le
contact des langues peut bien provoquer des transformations de la grammaire mais la
cause nen est pas alors le changement de type d eacutecri ture
Lanalyse seacutemiotique proprement dite commencera par deacutegager les
composantes du signe eacutecrit de la langue japonaise tel quillustreacute par la phraseshy
82
exemple Lefondemen de leacutecriture japonaise comme signe est lapparence mateacuterielle
quelle offre dont on peut deacutegager une structure logique deacutetermineacutee par lobjet que le
signe repreacutesente la langue parleacutee usuelle et deacuteterminant agrave son tour un interpreacutetant la
langue eacutecrite Leacutecriture japonaise ne saisit en son fondement que certains aspects de la
langue parleacutee soit certains lexegravemes morphegravemes syllabes et mores et une certaine
structure syntaxique de ces eacuteleacutements 211 bull Elle fait ressortir ces aspects dune faccedilon plus
preacutecise que la langue parleacutee mais en neacuteglige cIautres clans sa seacutelection (par exemple la
tonaliteacute) Elle est donc une abstraction de la langue parleacutee qui nen retient que certains
traits Ces traits sont inscrits et fixeacutes dans la matiegravere de leacutecriture une forme davantage
contrainte par lhabitude que la langue parleacutee Dans lexemple on peut reprendre les
deux phrases en ne siumlnteacuteressant quagrave leur aspect graphique et en consideacuterant quelles
uniteacutes linguistiques chaque signe de la phrase repreacutesente ainsi que quelle syntaxe
lensemble fail graphiquement ressortir Le fondement des deux phrases est une
alternance de kani D hiragw1( kafakana 0 et ponctuation selon ordre suivant
B80)~Xfl~)CC91JIcirc 75 Agrave81l 1) AgraveAgrave 1) -XT90
DUO 0 000bullbullbull 00000000000000bullbull0
B ~O)I-S-XIl -if-1 XC91f) 75 Agrave~gll 1) Agrave Agrave 1) -XC90
0000000000000bullbullbull 00000000000000bullbull0
Sur le support mateacuteriel cie la feuille dassertion leacutecriture est tout daborcl
contrainte par la lineacuteariteacute de la phrase inscrite semblable agrave leacutecoulement temporel de la
parole La ponctuation donne ensuite les limites hors tout ainsi quune certaine
structure interne cie la phrase Dans lexel1lj1le le j1ointmiddot o marque la tin de la phrase
et la virgule seacutepare la premiegravere proposition de la seconde Les morphegravemes et
syllabes repreacutesenteacutes par des kan) 0 sont aussi distingueacutes des mores repreacutesenteacutees par
des kan(f 0 ce qui est L1ne abstraction de leacutetude cie la langue eacutecrite la langue parleacutee
Il nesl ras eacutevident que leacuteelillllc lcwenne caetclllcntla stluelure S) nwiquc de I~I langue ralmiddotke Ia languc japonaise el8ssique Je SI) le klllbllll en olile un eelllrie pal eeellcncc leacutecrilulC sc lilisanl dans joldle sYlitaique du chinois rouI ensuite ecirclle inlelpleacuteleacutee au eouls Je la ledule en lceonslruisanl lnrdre S) nlltliqlle JlIjaponais
83
ne les distinguant pas Avec une connaissance un peu plus profonde de la grammaire
eacuteleacutementaire du japonais on reconnaicirct de plus dans lalternance entre konji U (ou
katakona 0) et hiragano bull une structure syntaxique correspondant agrave la structure
thegraveme-comnientaire On constate ainsi dans lexemple que la transformation de
leacutecriture dans le scns de laugmentation des kotakono ne change pas la structure
syntaxique de la phrase ponctueacutee dune phrase agrave lautre de la mecircme faccedilon par les
hiragana bull le point et la virgule Les lectures speacutecifiques des signes eacutecrits renvoient
finalement de diverses maniegraveres agrave la prononciation de la langue padeacutee Telle est donc la
forme geacuteneacuterale du signe eacutecrit pris en son fondement qui contraste avec la torme plutocirct
vague de la langue parleacutee
Lobjet de eacutecriture japonaise la langue parleacutee usuelle est plus fluide et
eacutepheacutemegravere que son support eacutecrit qui tixe les paroles dans lespace et les fait perdurer
dans le temps Il peut ecirctre deacutecomposeacute pour chaque kanji ou groupe de konji en mots
morphegravemes ou phonegravemes repreacutesenteacutes et pour chaque kono en mOIes repreacutesenteacutees Il
peut aussi ecirctre saisi en un tout comme dans la repreacutesentation diagrammatique de la
structure syntaxique de la phrase et du texte Lobjet immeacutediat de leacutecriture japonaise
est la parole penseacutee ou entendue en langue japonaise La phrase-exemple peut ainsi
repreacutesenter une penseacutee immeacutediate du scripteur ou un eacutenonceacute entendu par ce dernier
Lobjet c1I1amiqlle est lideacutee vague que lon cherche agrave repreacutesenter en la preacutecisant dans
cette langue et ces phrases deacutetermineacutees mais qui pourrait ecirctre exprimeacutee autrement en
dautres phrases et dans dautres langues Cest la proposition logique du grammairien
sous-tendant vaguement la phrase-eemple inscrite par le scripteur
Linterpreacutetant clu signe eacutecrit japonais la langue eacutecrite est une forme davantage
contrainte que son objet car preacuteciseacutee par la repreacutesentation Linterpreacutetant ill1l1leacutediot
est le message transmis au lecteLll en langue japonaise Cest ce que le lecteur
comprencl effectivement cie la Poposition inscrite sur la teuille cIassertion La phraseshy
exemple est ainsi un eacutenonceacute de la grammaire qui permet au lecteur cie saisir certains
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traits de la langue japonaise dans sa comparaison agrave la langue fi-anccedilaise Linterpreacutetant
c0mamiqlle est le processus deacutecriture et de lecture du signe sa traduction en parole et
en penseacutee Il ne sagit pas seulement dun processus psychologique et physique car
on peut aussi lanalyser logiquement en tant que processus seacutemiotique de construction
dune signification la seacutemiose Le scripteur et le lecteur sont conditionneacutes par la torme
de leacutecriture son fondement et le processus dinterpreacutetation du signe eacutecrit est donc
dirigeacute dans un certain sens il sactualise dune maniegravere deacutetermineacutee Linterpreacutetant
f7nal leffet viseacute est la compreacutehension du message japonais dorigine telle que deacutesireacutee
par le scripteur mais aussi par le lecteur Cest la signification deacutetermineacutee que la
repreacutesentation adeacutequate de lobjet construirait eacuteventuellement une proposition
logique speacutecifique dans le cas dune phrase ou une langue eacutecrite ideacuteale dans le cas de
la langue usuelle La proposition logique qui sous-tend la phrase-exemple lorsque
ideacutealement preacuteciseacutee en constituerait linterpreacutetant tlnal Le grammairien eacutenonccedilant
cette proposi tion en partagera it donc avec le seri pteu r et le lecteur la sign i lication
exacte dans un contexte similaire Ces demiers se feraient une repreacutesentation adeacutequate
de la proposition logique reacuteelle celle que le grammairien a lintention dexprimer
La prochaine eacutetape de lanalyse consiste agrave deacuteterminer quels types de signes
sont opeacuterants dans leacutecriture japonaise et dans le cas speacutecillque des kalakana qui nous
inteacuteresse Les signes de la langue parleacutee ou eacutecrite sont avant tout en leur fondement
des leacutegiigne car ils ont eacuteteacute institueacutes par convention explicitement ou non Les kani
et les kana tant ainsi lobjet de recommandations de la part du gouvernement japonais
les formes des kana ont eacuteteacute standardiseacutees et des listes de kani ont eacuteteacute publieacutees afin
den limiter le nombre communeacutement en usage Ces leacutegisignes se manifestent
actuellement en tant que sinsignes leurs occurences mateacuterielles Cependant dans leur
composition et par leur alternance au sein de la phrase les signes eacutecrits font ressortir
une certaine structure syntaxique et tOrll1ent en cela un diagramlle de la langue un
signe icon ique qu i epreacutesente son objet en vertu dune si 111 i lari teacute en tre les re lations de
sa propre tonne (son tondement) et les relations de la tonl1e de lobjet Leacutecriture
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japonaise en tant que diagramme de la langue japonaise est donc un leacutegisigne iconique
rheacutematique Dans le cas de la phrase-exemple la diagrammaticiteacute du signe eacutecrit est
manifeste si lon considegravere la structure thegraveme-commentaire indiqueacutee par lalternance
des konji 0 (ou kotakono 0) et des hirogono bull La transformation de konji en
kotokono naffecte en rien laspect diagrammatique de leacutecriture pour autant que lon
sache diffeacuterencier les deux types de kano La distinction entre la premiegravere et la
seconde intention qui fonde cette diagrammaticiteacute est quand mecircme un peu embrouilleacutee
car les deux types de kono sont moins distincts entre eux dans leur forille graphique
et leur fonction repreacutesentative (moraiumlque et non morpheacutemique) quils ne le sont des
konji I~e passage du terme B gg nihongo agrave la particule conjonctive 0) no puis au
terme laquo-~ beeshikll dans le thegraveme B~gO)(-~)(Ij niJongo no beeshikll
blln Vo lillustre bien
Dun point de vue agrave la fois grammatical et graphique les termes de seconde
intention eacutecrits en hirogono tels que les particules les flexions et les marqueurs
dexistence en ponctuant la phrase et en rendant sa structure syntaxique manifeste
possegravedent un certain aspect indexical tels des leacutegisignes indexicollx rheacutematiqlles mais
en modalisant les relations logiques de la proposition de maniegravere plus fine quun
simple index qui ne fait quindiquer son objet ils jouent un rocircle davantage
conventionnel et se rapprochent en cela du leacutegisignc middot)YIIIJoiqlle rheacutel11otique Dans
lexemple la particule conjonctive 0) no de se fond syntaxiquement dans le thegraveme de
la premiegravere proposition la particule conjonctive tJ go mais unit les deux
propositions en exprimant un certain sentiment dopposition la distance syntaxique
entre les propositions devant tout de mecircme ecirctre souligneacutee par la virgule et la copule
Tt desli marque lexistence du rapport entre le terme quelle deacutetermine et le reste de
la plOposition selon un certain niveau de politesse tel un emballage rendant la
plOposition mieux preacutesentable La compreacutehension de la nuance que chacun de ces
termes apporte agrave la phrase demande une plus grande connaissance de la grammaire
86
japonaise quun simple index Seule la particule Ij ]la en theacutematisant le terme auquel
elle est adjointe cest-agrave-dire en le mettant agrave distance et en le pointant du doigt agit
principalement comme un index et constitue en cela un eacutegisignc indcxicol rheacutellloiquc
Les termes de premiegravere intention tels les noms et les bases connectives des verbes ou
des adjectifs sont quant agrave eux des leacutegisigncs ~Yl77b()liqucs rheacutel77oiqllcs plus
authentiques car cest peacutelr eux que la proposition acquiert sa compreacutehension fis
comportent neacuteanmoins un certain aspect indexical puisque cest eux qui ancrent la
proposition dans la reacutealiteacute eacutelctuelle La complexiteacute de leur forme grarhique en konji
compeacutelreacutee aux autres eacuteleacutements en kano rellegravete aussi sous un aspect iconique cette
fois limportance de leur cheacutelrge seacutemantique Ceci nous conlirme bien que les
symboles peuvent impliquer des index et des icocircnes et mecircme que les termes de
seconde intention eacutecrits en kanji participent de la sorte agrave la diagrammaticiteacute de
leacutecriture
Les konji et les kono en tant que graphegravemes abstraits de leur fonction
grammaticale se distinguent aussi dans leurs aspects seacutemiotiques Les konosont des
signes phoneacutetiques repreacutesentant des mores et sont donc de purs leacutegisignes
~ymb()liqucs rheacutemaiques Ils se lisent directement mecircme si lon ne comprend pas le
sens des mots ni de la ph rase Il nest pas neacutecessai re de les mettre en re lation avec
dautres signes dans le contexte de la phrase pour les lire Les kanji sont pour leur part
des signes plus complexes et leur composition interne est exploiteacutee afin de
reconstruire leur signification Ils peuvent ecirctre analyseacutes en eacuteleacutements plus petits
entretenant entre eux des relations signi liantes (des ensembles de traits ou de
radicaux) Ils constituent en cela des leacutegisigne~ ~Ylllb()liqllcS diccns bien que dans leur
fonction normale de repreacutesentation lorsquils sont immeacutediatement reconnus et
demeurent transparents leur aspect symbolique dominant reste lheacutematique Ces
leacutegi~igncs symholiqlles rheacutellCIiqllcl sont toutefois imparfaits car leur interpreacutetation
correcte neacutecessite une mise en contexte plusieurs lectures eacutetant possibles En tant que
rhegravemes ils deacuteterm inent linterpreacutetation en vertu de caractegraveres rlOpres agrave leur objet
87
relatifs au sens et au son des mots repreacutesenteacutes mais offrent plusieurs possibiliteacutes agrave
cet eacutegard et sont donc des signes lheacutematiques geacuteneacuteraux plutocirct que deacutetermineacutes
Laspect dicent secondaire mais pertinent agrave lanalyse des kon)i est perdu dans
leur trlIlsformation en kolokono alors quils se trouvent en quelque sorte aplanis (et
allongeacutes) Les kona de Z- J beeshiku basic ne sanalysent pas plus avant que
les mores quils repreacutesentent mais les kanji de ~$ kihon fondement ont chacun
plusieurs lectures possi bles qu i permettent den reeonstru ire le sens de Li iverses
maniegraveres par exemple ~ peut aussi se lire 171010 signifiant base et donnant entre
autres le verbe ~j lt IIIOloczukll baseacute sur tirant son origine de tandis que $ peut
eacutegalement se lire de la mecircme faccedilon molo origine tous autant dindices il la lecture et
la com preacutehension du mot ~$ Laspect rheacutematiq ue des kOlokono est cependant plus
eacutevident que pour les kunji la phoneacutetisation faisant plus directement reacutefeacuterence agrave son
objet la more
Leacutecriture mixte konji-kono est quant agrave elle le eacutegisigne vmboiqlle dicenl le
plus authentique du systegraveme Elle est composeacutee de quasi-propositions graphiques
(des dicisignes) qui donnent accegraves au sens de leurs objets des phrases de la langue
japonaise Les signes de leacutecriture mixte informent le lecteur et scripteur quant au son
et au sens il accorder aux termes par leur symboliciteacute lheacutematique et aux propositions
par leur diagral1lmaticiteacute Les sujets logiques dela quasi-proposition graphique
B~gO)~XIj~aUZC91J~ 75 A~gfjQ 1) AYA Y 1) -XC9o
sont les signes de premiegravere intention eacutecrits en kanji et en kolawno B ~~j ~
X l1~x 75A~~f QI)AYAYI)-X tandis que son preacutedicat logique
geacuteneacuteral est la relation repreacutesenteacutee par le diagramme de lalternance entre wnji kona et
ponctuation
DDOnOOooobullbullbull 00000000000000bullbull0
Il est rendu deacutetermineacute par les signes de seconde intention eacutecrits en hirogano 0)
88
r~r Ct IF f~r Ct Le preacutedicat logique ne change pas avec la
transformation en kalakona seuls les sujets logiques eacutetant aHecteacutes lancrage dans la
reacutealiteacute actuelle est moclaliseacute par de nouvelles fmmes speacutecifiques de leacutecriture aux
aspects seacutemiotiques diffeacuterents Ainsi la transformation de eacutecriture japonaise ne
change pas sa structure syntaxique mais bien son rapport agrave la langue usuelle et au
monde sa seacutemantique Nous comprenons eacutegalement agrave preacutesent que leacutecriture saisie en
diachronie dans sa transformation historique puisse constituer un argument une
quasi-proposition se transformant en une autre Les nuances seacutemantiques laissent
perdurer une certaine structure syntaxique qui se constitue par lhabitude en regravegle
syntaxique Une certaine tendance eacutevolutive dans le sens de la phoneacutetisation de
leacutecriture peut aussi ecirctre perccedilue dun autre point de vue Lexamen pl us appro fond i de
ces arguments sera le propre de 111 critique logique
Lanalyse logique critique de leacutecriture japonaise cherche agrave deacuteterminer jusquagrave
quel point le signe eacutecrit constitue une repreacutesentation adeacutequate de son objet cest-agraveshy
dire de la langue japonaise et du langage logique qui lui est sous-jacent Elle critique
liumlnformation veacutehiculeacutee par le signe et ne soccupe donc que des signes qui informent
tels que les leacutegisignes symboles dicisignes et arguments Lmiddoteacutecriture au premier abord
ne montre pas de faccedilon explicite quel est son interpreacutetant final et elle ne semble donc
pas un argument mais lanalyse seacutemiotique en a distingueacute au niveau de la grammaire
speacuteculative des aspects informati fs tout signe eacutecrit est en son fondement un leacutegisigne
et peut ecirctre dans son rapport agrave lobjet un symbole et dans son rapport agrave
liumlnterpreacutetant un dicisigne Toutefois eacutegalement dans sa transformation historique
reacutecriture constitue bien un argument implicite que lanalyse critique classera selon les
types diumlnfeacuterence et dont elle jugera de la validiteacute Il sagit donc de critiquer chaque
type de signe informatif distingueacute dans leacutecriture japonaise et de voir si la
transformation de eacutecri ture dans le sens de augmentation des kaloko1o la rend pl us
apte agrave repreacutesenter son objet la langue japonaise usuelle La comparaison avec les
sera ici utile faisant contraster les objets et buts speacutecifiques cie chaque eacutecriture
89
Le but principal de leacutecriture japonaise est de transmettre le message en langue
japonaise le plus fidegravelement possible afin de permettre la communication effective de
l information du scri pteu l au lecteur Le signe eacutecrit do i t pour cela tendre agrave la
transparence il ne doit pas se man ifester pour lu i-mecircme mais seulement pou l son
objet La notation des p$ cependant a pour fonction plincipale de permettre
lanalyse logique par le retour reacuteflexif sur le signe et la critique subseacutequente La
logique qui est sous-jacente agrave sa repreacutesentation graphique est tout aussi fondamentale
que celle que le logicien tente de deacutecouvrir dans dautres pheacutenomegravenes Lanalyse de la
notation partic ipe donc agrave janalyse logique quelle su pporte Les signes de leacutecriture
japonaise et des graphes existentiels lepreacutesentent-ils leur objet de maniegravere adeacutequate
Forceacutement ces signes sont contraints par la forme de leur tondement et ne peuvent
sidentitier parfaitement agrave leur objet Mais ils visent un certain but et sils permettent
de latteindre alors on peut consideacuterer quils constituent des repreacutesentations
adeacutequates de leur objet Ladeacutequation de la repreacutesentation est relative agrave leffet viseacute Le
but du signe est son interpreacutetant final le processus qui megravene au nouveau signe son
interpreacutetant dynamique et le nouveau signe effectivement produit linterpreacutetant
immeacutediat Lanalyse logique critique doit eacutevaluer ladeacutequation de linterpreacutetant
immeacutediat agrave son objet en vertu de linterpreacutetant final La consideacuteration de linterpreacutetant
dynamique permet quant agrave elle de comprendre comment sopegravere cette mise en relation
Dans le cas des graphes existentiels lanalyse portera sur le vocabulaire
eacuteleacutementaire de la notation Le vocabulaire eacuteleacutementaire des 5 en leur partie Seta est
composeacute de symboles de sujets de la coupure (symbolique) de la ligne didentiteacute
(iconique) et implicitement de la juxtaposition La symboliciteacute des sujets et de la
coupure de mecircme que liumlconiciteacute de la ligne didentiteacute sont-elles les aspects
seacutemiotiques les plus appmprieacutes agrave fagraveire ressoltil lors de la repreacutesentation de la logique
des propositions analyseacutees Les sujets logiques sont des index des termes agrave la
signification deacutetermineacutee qui ancrent la proposition dans la reacutealiteacute actuelle Les signes
repreacutesentant ces sujets seraient donc ideacutealement des index ou plus exactement des
90
leacutegisignes indexicaux lheacutematiques Peirce donne le plus souvent dans ses exemples de
graphes des sujets tels que laquoest un hommeraquo et laquoest mortelraquo (CP 4407 1903) donc
des leacutegisignes symboliques lheacutematiques mais larcheacutetype du sujet logique en tant que
leacutegisigne indexical lheacutematique serait plutocirct un pronom deacutemonstratif tel que laquoceciraquo ou
laquocelaraquo ou mecircme une simple lettre de lalphabet telle quutiliseacutee dans la notation de la
logique formelle contemporaine (les exemples de graphes donneacutes dans la
correspondance agrave Lady Welby utilisent de telles lettres cf SampS 94-130 J909)
Lillustration commune par des symboles nest donc pas la plus adeacutequate mais
poursuit sans doute un but peacutedagogique secondaire agrave lanalyse du raisonnement
proprement dite et rend agrave cet effet la notation plus familiegravere cn utilisant des mots de la
langue usuelle Lemploi plus technique des lettres de lalphabet est cependant tout agrave
fagraveit apte agrave repreacutesenter les sujets logiques en leur caractegravere essentiel dindex La
neacutegation est quant agrave elle une cateacutegorie particuliegravere de la qualiteacute et la neacutegation logique
modalise donc la qualiteacute dun terme ou dune proposition Son signe serait ideacutealement
un leacutegisigne iconique lheacutematique La coupure est suggestive de cette modalisation
ma is ne lopegravele pas sans une cOllVention exp 1ic ite son 1ien avec la neacutegation restant
contingent Un changement de couleur des signes nieacutes aurait peut-ecirctre eacuteteacute plus
adeacutequat La coupure permet cependant la lecture endoporeutique de lexteacuterieur vers
linteacuterieur du graphe une convention fagravecilitant linterpreacutetation La relation didentiteacute
constituant le preacutedicat geacuteneacuteral de la proposition est finalement lexpression la plus
simple de lessence de la proposition Son signe le plus adeacutequat serait donc une icocircne
la plus authentique possible La ligne didentiteacute par la continuiteacute de son trait reliant
les symboles de sujets est un signe iconique lheacutematique des plus adeacutequats dans le
cadre dune analyse logique neacutecessitant lemploi dune notation conventionnelle en
son fondement un leacutegisigne La ligne didentiteacute est de la sorte un leacutegisigne iconique
lheacutematique le pJus approprieacute des signes vu les contraintes formelles imposeacutees par le
type de notation servant il lanalyse du raisonnement Les graphes existentiels font
donc ressortir dans la composition graphique de leurs signes explicites la structure
logique des propositions et arguments quils repreacutesentent en exploitant divers aspects
91
seacutemiotiques du signe qui correspondent aux divers aspects de la reacutealiteacute
Dans le cas de leacutecritule japonaise lanalyse portera sur les principaux signes
distingueacutes dans lexamen de la grammaire speacuteculative soit leacutecriture mixte konji-kona
et largument de la transformation en kalakano La quasi-proposition graphique de
leacutecriture mixte est com poseacutee de sujets logiques et dun preacuted icat logique geacuteneacuteral Les
sujets logiques sont comme dans lesif des index et leurs signes ideacuteaux dans une
repreacutesentation conventionnelle servant agrave lanalyse du raisonnement seraient des
leacutegisignes indexicaux rheacutematiques Mais le but de leacutecriture japonaise est de
repreacutesenter une langue usuelle servant avant tout agrave la communication effective entre
interlocuteurs et les leacutegisignes symboliques lheacutematiques que sont les kanji el
kalakana repreacutesentant les sujets logiques de leacutecriture jouent convenablement leur
rocircle ils ancrent la proposition dans une langue conventionnelle et non seulement dans
le monde actuel Les konji sont mecircme agrave ce sujet un peu plus approprieacutes que les
kalokana car ils tendent agrave la symboliciteacute dicente leur interpreacutetation interne ou en
contexte eacutetant plus complexe tandis que les kana tendent agrave lindexicaliteacute rheacutematique
indiquant chacun tel son deacutetermineacute Dans un contexte sociolinguistique ougrave la
connaissance de la convention de leacutecriture tagraveit deacutetagraveut les kOlokono sont cependant
preacutefeumlrables un but diffeacuterent daccessibiliteacute agrave Jinformation eacutetant alors poursuivi Le
preacutedic8t logique geacuteneacuteral repreacutesenteacute par leacutecriture mixte est pour sa part la syntaxe de la
langue japonaise lorganisation des relations logiques propre agrave cette langue Le
diagramme un sous-type de leacutegisigne iconique rheacutematique en est le type de signe
ideacuteal relleacutetant en son fondement la structure relationnelle propre agrave la syntaxe Le
diagramme de lalternance entre types deacutecriture en indiquant la structure
fondamentale thegraveme-commentaire est un signe de la syntaxe japonaise des plus
adeacutequats Il est quelque peu embrouilleacute par lutilisation des hiragafo dans la
structuration interne et non seulement externe du thegraveme et du commentaire mais Ilen
demeure pas moins un signe explicite de la syntaxe japonaise dans son ensemble
Leacutecriture mixte par le jeu entre ses deux composantes logiques repreacutesente donc
92
adeacutequatement la nature propositionnelle de la langue japonaise
Les transformations actuelles de leacutecriture japonaise preacutesentent un certain
aspect argumentatif Lobjet de cet argument est le contact des langues auquel est
actuellement sujette la langue japonaise Lassimilation de mots eacutetrangers principal
effet du contact des langues ne moditiumle pas la structure syntaxique fondamentale de la
langue mais change bien la coloration le ton la nLiance de ses termes un certain
aspect qualitatif de la langue est transformeacute La langue japonaise en tant que signe
deacuteterm ine son interpreacutetant en vertu de nouvelles quai iteacutes prem iegraveres de son fondement
la forme des mots dorigine eacutetrangegravere assimileacutes Sa rheacutematiciteacute est donc affecteacutee La
repreacutesentation de ces mots par des katakal10 et laugmentation sign ifiumlcative du nom bre
de katakano dans le texte japonais sont un signe adeacutequat de la transformation de la
langue japona ise Les katokana otfren t un aspect qua 1itatif d i lteumlrent de cel uides konji
qui transforme la rheacutematiciteacute des termes de la quasi-proposition En quoi consiste
largument Largument de la transformation actuelle de leacutecriture japonaise est L1ne
infeacuterence deacuteductive dont la regravegle reste implicite Cette regravegle eacutenonceacutee de faccedilon geacuteneacuterale
est que si seuls les sujets logiques de la quasi-proposition sont moditiumleacutes et non son
preacutedicat logique geacuteneacuteral alors la structure fondamentale de la langue japonaise reste la
mecircme car cest la relation didentiteacute du preacutedicat qui fonde sa syntaxe Eacutenonceacutee de
maniegravere speacutecifique agrave leacutecriture japonaise cette regravegle devient si seuls les leacutegisignes
symboliques lheacutematiques des termes de premiegravere intention sujets de la quasishy
propos i tion sont mod i fieacutes alors le diagramme fondamenta 1 de leacutecriture le preacuted icat
geacuteneacuteral reste le mecircme Le cas actuel observeacute est une transformation de la rheacutematiciteacute
des termes de premiegravere intention cie leacutecriture japonaise Le reacutesultat perccedilu agrave travers la
diachronie est que le diagramme de leacutecriture reste le mecircme de mecircme que la syntaxe
de la langue Nous pouvons tiumlnalement illustrer et reacutesumer largument de la maniegravere
suivante
93
B~~(J)~9It~~9T9tlmiddot 77- z~~It1J I)zz Y 1) -9T90
B~~(J) 1(- IJ 91t--j- - YT9tJ 77- z~~lt IJ 1) z z 1) -YT90
000000000bullbullbull 00000000000000bullbull0
0000000000000bullbullbull OOUOOOOOOOOOOObullbullo
Regravegle-Si seule la rheacutematiciteacute cles termes de premiegravere intention de leacutecriture
japonaise est modifieacutee alors son diagramme reste le mecircme
Cas-Seule la rheacutematiciteacute des termes cie premiegravere intention cie leacutecriture japonaise
est Illodi fieacutee
Reacutesultat-Le diagramme de leacutecriture japonaise reste le mecircme
223 Critique de lanalyse seacutemiotique
Le retour reacuteflexif et critique sur lanalyse seacutemiotique permettra agrave preacutesent de
mieux saisir les aspects eacutepisteacutemologiques de Iapplication de la theacuteorie seacutemiotique agrave
leacutetude de Ieacutecriture La reacuteflexion sera eacutelaboreacutee agrave partir des cateacutegories particuliegraveres de la
signification et de la modaliteacute et permettra de juger du bien-fondeacute de lapplication de la
seacutemiotique Le retour se fera dabord sur la theacuteorie geacuteneacuterale de leacutecriture comme signe
eacutelaboreacutee puis sur lapplication speacutecifique agrave leacutecriture japonaise et le problegraveme de sa
transformation actuelle Jexaminerai plus speacutecifiquement les concepts et les types
dinfeumlrence utiliseacutes en deacutefinissant les concepts philosophiques de la seacutemiotique et les
concepts idioscopiques de la linguistique et en deacuteterminant comment seffectue la
transformation dun type de concept en Iautre Je ferai ainsi ressortir Iargument qui
justifie le passage de la seacutemiotique agrave la science de jeacutecriture
Les concepts philosophiques de la seacutemiotique sont des concepts geacuteneacuteraux
servant de normes au raisonnement Prenons par exemple les concepts seacutemiotiques de
fondelllent en tant que constituant du signe et de diogrUlllllle en tant que type de signe
Ces deux concepts reacutefegraverent agrave une certaine structure de la reacutealiteacute que la seacutemiotique
94
philosophique cherche il repreacutesenter Ce sont des concepts philosophiques en ce
quils sappliquent agrave lexpeacuterience commune de la reacutealiteacute actuelle Ce sont aussi des
concepts seacutemiotiques en ce quils sappliquent plus speacutecifiquement agrave la penseacutee qui se
deacuteveloppe de signe en signe Ils servent finalement de normes au raisonnement en ce
quils constituent des principes directeurs pour toute reacuteflexion systeacutematiquement
ulteacuterieure SUI les lepreacutesentations neacutecessaires de la reacutealiteacute propres agrave la science Le
fondement repreacutesente ainsi un eacuteleacutement de la structure du signe laspect selon lequel le
signe en soi deacuteterm ine la repreacutesentation que lon se doit de consideacuterer dans toute
repreacutesentation adeacutequate de la reacutealiteacute Le diagramme en repreacutesentant un type de signe
rend quant agrave lui explicite laspect selon lequel le signe repreacutesente un ensemble de
re lat ions reacuteelles ce que lon se doit eacutegalement de consideacuterer dans la repreacutesentation
particuliegravere de la reacutealiteacute en vertu des relations propres agrave un objet La seacutemiotique
inaugure donc le mouvement reacuteflexif et critique de la penseacutee qui fait alors retour sur
ses propres repreacutesentations et sert en cela de fondement agrave toute repreacutesentation
scientifique Le concept seacutemiotique exprime de la sorte une relation possible en voie
dactualisation dans la repreacutesentation dun objet reacuteel par son signe
Les concepts idioscopiques de la linguistique sont des concepts geacuteneacuteraux
servant agrave la classification des langues et de leurs eacuteleacutements En classifiant des
propositions qui peuvent se constituer en arguments la linguistique tend aussi agrave
repreacutesenter les lois du langage Par exemple les regravegles grammaticales sont des
propositions pouvant composer des arguments dune theacuteorie de la syntaxe Ces regravegles
lorsque duumlment justifieacutees par les 8rguments quelles composent deviennent
effectivement des lois de la langue il laquelle elles sappliquent Les regravegles
grammaticales ordinaires sont cependant des propositions constitutives dune theacuteorie
linguistique construite par le bas il partir des donneacutees factuelles accumuleacutees dans les
recherches de cette science idioscopique attacheacutee agrave lobservation des fagraveits propres aux
langues speacutecifiques Les concepts linguistiques qui nous inteacuteressent sont plutocirct ceux
deacuteriveacutes de la seacutemiotique tels queacutelaboreacutes dans lanalyse de leacutecriture des sections
95
preacuteceacutedentes Prenons ainsi pour exemple les concepts defocircndelJent de leacutecriture tel
que deacuteveloppeacute dans la theacuteorie geacuteneacuterale de leacutecriture comme signe el de diogroJJJJI1e de
eacutecriture tel que deacuteveloppeacute dans lanalyse de leacutecriture japonaise et de ses
transformations actuelles Ces concepts eacutelaboreacutes agrave partir de la seacutemiotique rentrent euxshy
mecircmes dans la composition dune theacuteorie de la syntaxe et de la seacutemantique graphiques
de leacutecriture Le fondement de leacutecriture est la forme speacutecifique dun signe deacutetermineacute
leacutecriture qui deacutetermine la repreacutesentation de la reacutealiteacute par ce signe Le concept
linguistique de fondement de leacutecriture est donc agrave la fois mieux deacutelinIcirc el plus geacuteneacuteral
que le concept seacutemiotique de fondement tout court car sa compreacutehension et son
extension sont preacuteciseacutees il ne sagit plus du signe mais de leacutecriture un ensemble
speacutecifique de signes comprenant toutefois plusieurs types deacutecriture eux-mecircmes
deacutefinissables plus avant Le diagramme de leacutecriture est de la mecircme faccedilon un aspect de
lo~jet reacuteel plus preacutecis de fa langue rendu explicite par leacutecriture dont plusieurs
langues et eacutecritures peuvent cependant ofTrir des formes diffeumlrentes Les sciences
idioscopiques achegravevent donc le mouvement reacuteflexif de la penseacutee en le faisant porter
dans un retour pragmatique sur des objets speacutecifiques de la reacutealiteacute actuelle dont la
consideacuteration megravenera ultimement agrave certaines conduites controcircleacutees par la raison Le
concept idioscopique exprime ainsi une relation neacutecessaire entre la repreacutesentation et la
reacutealiteacute repreacutesenteacutee une loi de la nature ou du deacuteveloppement naturel de lactiviteacute
humaine
Leacutepisteacutemologie suite agrave la distinction et la deacutefinition des dif1eumlrents types de
concepts geacuteneacuteraux peut aussi effectuer un retour critique sur la transtormation de
certains concepts en autres concepts tel que leffectue la logique crilique au sujet des
signes infonnatifs Lobjet seacutemiotique plus preacutecis de leacutepisteacutemologie est la
connaissance qui est deacutetlnie classiquement comme une croyance vraie justifieacutee Cette
croyance est une proposition constitueacutee de rhegravemes Elle est consideacutereacutee vraie lorsque
les sujets de ces rhegravemes reacuteduits agrave la relation didentiteacute fondamentale de mecircme que la
structure repreacutesenteacutee par ces rhegravemes en tant que preacutedicats geacuteneacuteraux saccordent avec
96
la reacutealiteacute actuelle Elle est de plus justifieacutee par un argument qui la relie logiquement agrave
dautres propositions vraies lui donnant de la sorte des points dancrage
suppleacutementaires dans la reacutealiteacute actuelle qui viennent assurer sa propre adeacutequation au
reacuteel Quel est largument qui justifie la transformation des concepts seacutemiotiques en
concepts linguistiques Le principal type diumlnfeumllence par lequel les concepts
philosophiques de la seacutemiotique sont transformeacutes en concepts idioscopiques de la
linguistique est la deacuteduction Dans le cas du diagramme par exemple largument
deacuteductifspeacutecifique qui justifie son application agrave Ieacutecriture prend pour regravegle le principe
directeur de la seacutemiotique suivant si un signe entretient sous un celtain aspect avec
son objet une relation de similitude en vertu de relations propres agrave lobjet et au signe
alors ce signe est un diagramme Le cas auquel il sapplique est le fagraveit constateacute que
leacutecriture est un signe qui sous un certain aspect entretient avec son objet speacutecifique
la langue usuelle une relation de similitude en vertu de relations propres agrave lui-mecircme et
agrave ce dernier Le reacutesultat en est que dans la reacutellexion du linguiste sur la repreacutesentation
de lobjet reacuteel de la langue usuelle quest leacutecriture ce dernier signe est interpreacuteteacute
comme un diagramme La seacutemiotique fournit de la sorte une regravegle agrave linterpreacutetation
dun cas speacuteci1ique de la linguistique interpreacutetation qui produit un concept
linguistique Les concepts seacutemiotiques sont donc des termes de la proposition servant
de regravegles qui sont repris dans une version plus preacutecise et geacuteneacuteralisable agrave un ensemble
dobjets actuels en tan t que conce pts id ioscop iq ues L infeumlrence effectueacutee nest pas
en cela une simple deacuteduction mais un type diumln1eumlrence deacuteductive plus preacutecis
comprenant un certain aspect abductir la speacutecification (descent) du concept de
diagramme La peacutecJjicoioJ1 est un type diumlnfeacuterence qui augmente la compreacutehension
dun concept tout en en diminuant lextension et augmente globalement linformation
veacutehiculeacutee (sa parI abductive) Cest agrave la fois une deacutetermination (augmentation de la
compreacutehension) et une restriction (diminution de lextension) (CP 2422-29 1867
1893) Dans le cas de la transformation du concept de diagramme un nouveau concept
est produit le diagramme de leacutecriture suite agrave une augmentation de la compreacutehension
lacquisition de la qualiteacute deacutecriture et une diminution de lextension du concept la
97
limitation aux seuls signes eacutecrits Largument peut finalement ecirctre scheacutematiseacute de la
fagraveccedilon suivante
Regravegle-Si un signe entretien avec son objet une relation de similitude en vertu de
relations propres agrave lobjet et au signe alors ce signe est un c1iagreacutellnme
CilS speacutecitique-Leacutecriture est un signe qui entretien avec son objet la langue
usuelle une relation ck similitude en vertu de reliltions propres agrave lui-mecircme e
agrave ce dernier
Reacutesultill-Leacutecriture est un diagramme de la langue usuelle
Le dernier moment de la reacuteflexion dordre eacutepisteacutemologique est liumlnterpreacutetation
geacuteneacuterale de largument distingueacute replaccedilant ce dernier clans lensemble du systegraveme
peirceacuteen et allant dans le sens du pragmatisme Les concepts seacutemiotiques ont eacuteteacute dits
fonder la reacuteflexion systeacutematiquement ulteacuterieure sur les repreacutesentations de la science
mais le systegraveme peirceacuteen renvoie en fait agrave toute une ontologie Chaque niveau du
systegraveme est caracteacuteriseacute par un ensemble de cateacutegories qui speacuteci fient le point de vLle
que ce premier prend sur la reacutealiteacute La transformation des concepts scientifiques
correspond donc agrave un changement de niveau ontologique ainsi les concepts
seacutem iotiq ues extra its de leur si tuation particul iegravere au se in des sc iences ph i losoph iques
normatives ont-ils eacuteteacute appliqueacutes agrave leacutetude de leacutecriture une science idioscopique
psychique La reacuteflexion agrave ce sujet seffectuant par les signes du langage on se rend
aussi compte que le point de vue seacutemiotique sur lactiviteacute scientifique implique quau
langage soit confeacutereacute un statut particulier parmi les objets constituant la reacutealiteacute le
langage occupe plusieurs niveaux de la reacutealiteacute et permet de passer dun niveau agrave
lautre Ce serait son aspect meacutediateur en tant que signe triadique qui ressortirait ici et
le caracteacuteriserait avant tout
En quoi la reacuteflexion eacutepisteacutemologique sappuie-t-elle sur la doctrine du
pragmatisme Leacutepisteacutemologie est une science meacutetaphysique faisant retour sur les
connaissances deacuteveloppeacutees par le raisonnement Le pragmatisme est quant agrave lui une
doctrine de la meacutethodeutique science anteacutelieule agrave la meacutetaphysique et ayant des
98
conseacutequences sur cette dell1iegravere La conseacutequence la plus proprement eacutepisteacutemologique
est le faillibilisme ou plus geacuteneacuteralement le sens commun critique Nous reconnaicirctrons
ces conseacutequences du pragmatisme en mettant en lien deux aspects de la transformation
des signes constateacutes dans la critique logique et la critique eacutepisteacutemologique Dans
lana lyse logique critiq ue nous avons pu remarquer 1iuml mportance de certains types de
signe du point de vue de la seacutemiose Un signe qui ne nous inlorme pas qui ne
deacuteveloppe pas son aspect de Troisiegravemeteacute ne nous affectera que momentaneacutement en
tant que Deuxiegraveme ou inconsciemment en tant que Premier ce sont donc les signes
informatifs et ultimement les arguments qui nous affectent le plus en prenant controcircle
de notre vie et de notre monde comme repreacutesentation Cependant les arguments se
deacuteveloppent et sajustent selon que la contiontation avec la reacutealiteacute actuelle vienne les
confirmer ou non En faisant ressortir cet aspect de la seacutemiose la critique logique vient
fonder le faillibilisme Dans la critique eacutepisteacutemologique nOLIs avons aussi vu que les
concepts se deacuteveloppent systeacutematiquement dans le sens du retour sur la reacutealiteacute
actuelle en tant que principes directeurs de repreacutesentations deacutetermineacutees cie la reacutealiteacute
puis densembles de repreacutesentations speacutecifiques Cette constatation est baseacutee sur des
principes de la logique la deacuteduction et plus preacuteciseacutement la speacutecification rendus
explicites par la critique logique Le principe du pragmatisme est donc opeacuterant dun
point de vue eacutepisteacutemologique dans le deacuteveloppement de la connaissance au sein du
systegraveme des sciences mais se fonde sur une logique deacutegageacutee par lanalyse seacutemiotique
Finalement lanalyse seacutemiotique ne nous a pas fait deacutecouvrir la structure logique de la
langue que la grammaire distinguait deacutejagrave dans son travail de reacutellexion theacuteorique agrave partir
de donneacutees lagravectuelles mais a permis en explicitant les principes directeurs de la
repreacutesentation par signes de fonder lanalyse grammaticale et de rendre ses
explications plus claires moins opaques plus conformes agrave leur objet Cest ce que la
critique eacutepisteacutemologique nous fait constater
Conclusion
Lapplication de la seacutemiotique philosophique agrave leacutetude de leacutecriture est
leacutegitimeacutee par une certaine logique de la transformation des concepts au moyen dune
inrerence valide qui prend la forme dClrguments speacutecifiques Cette application sous
son aspect logique se 10nde donc sur la seacutem iotique en tant que science normative
donnant les principes directeurs du raisonnement La seacutemiotique se base quant agrave elle
sur la phaneacuteroscopie qui lui tournit agrave son tour les cateacutegories universelles et
particuliegraveres de lexpeacuterience repreacutesentant la structure de la reacutealiteacute et permettant
deacutelaborer la reacuterlexion sur les r-ormes geacuteneacuterales de la reacutealiteacute que sont les signes Le
deacuteveloppement des cateacutegories et plus preacuteciseacutement des signes suit de plus un certain
ordre dont le but viseacute du retour sur la reacutealiteacute actuelle atin de reacutealiser ladeacutequation
entre la raison individuelle et le monde est rendu explicite par un mouvement
reacutetrospectif dans le principe du prClgmatisme Ladeacutequation de la raison au reacuteel est le
motif mecircme de lapproche seacutemiotique de leacutecriture qui a pour but de rendre les
repreacutesentations de la science idioscopique de leacutecriture plus conronnes agrave la structure
reacuteelle du langage repreacutesenteacute
Linterpreacutetation de la philosophie peirceacuteenne et son application agrave leacutetude de
leacutecriture proposeacutees dans ce meacutemoire possegravedent quelques particulariteacutes les
deacutemarquallt de lexeacutegegravese traditionnelle Tout dabord la meacutethodeutique (le
pragmatisme) et la meacutetaphys iq ue on t eacuteteacute preacutesenteacutees en prem ier alors quelles son t
toutes deux les derniegraveres sciences (Troisiegravemes) de leurs branches respectives alin de
donner degraves le deacutepart le but viseacute des sciences philosophiques dans le premier chapitre
qui repreacutesente somme toute un exposeacute reacutetrospectif du systegraveme peirceacuteen Lexposeacute de
la phaneacuteroscopie a ensuite eacuteteacute eacutelClboreacute en preacutesentant non seulement les cateacutegories
universelles mais aussi les cateacutegories particuliegraveres comme r-ondamentales agrave la penseacutee
peirceacuteenne en mettant toutefois laccent sur les cateacutegories particuliegraveres de la modaliteacute
et de la signirication Lexposeacute suivant de la seacutemiotique ne sest pas de la mecircme faccedilon
100
limiteacute agrave la preacutesentation de la grammaire speacuteculative mais sest eacutetendu jusquagrave la
logique critique pour faire finalement retour sur la doctrine du pragmatisme preacutesenteacutee
en deacutebut de chapitre La notation logique des graphes existentiels a quant agrave elle servi
dexemple privileacutegieacute dun systegraveme deacutecriture deacuteveloppeacute agrave partir des principes de la
seacutemiotique
Lapplication agrave leacutetude de leacutecriture et au cas speacutecifique de leacutecriture japonaise
a permis au second chapitre de deacuteterminer la porteacutee de la seacutemiotique philosophique
sur une science idioscopique plus preacutecise Le motif structurant de lexposeacute a plutocirct
eacuteteacute dans ce chapitre de partir agrave chaque fois dun exemple lagravemilier les theacuteories
linguistiques de leacutecriture japonaise et la graml11airejaponaise pour ensuite deacutevelopper
lanalyse seacutemiotique Lapproche seacutemiotique a permis entre autres de formuler une
interpreacutetation originale de la structure syntaxique eacuteleacutementaire de la langue japonaise et
de la fonction signifiante de son eacutecriture La reacuteflexion eacutepisteacutemologique a finalement
permis deffectuer un retour critique et global sur lapplication quelle a justifieacutee en
faisant ressortir largument par lequel seffectue le passage dun type cie concept agrave un
autre La critique eacutepisteacutemologique a eacutegalement permis une premiegravere ouverture
meacutetaphysique de Janalyse seacutemiotique par le retour reacutellexif sur cette derniegravere
Jaimerais suggeacuterer en conclusion de ce meacutemoire deux autres pistes permettant
douvrir lana lyse seacutem iotiq ue plus avant mais cette fois-ci au se in des sciences
normatives du systegraveme peirceacuteen soit celles de leacutethique et de lestheacutetique
Deux ouvertlires eacutethiq1le et estheacutetiq1le
Peirce a peu eacutecrit sur leacutethique et lestheacutetique maIs on retrouve dans son
œuvre plusieurs passages qui permettent de reconstruire agrave peu pregraves sa penseacutee agrave ce
sujet Dans le domaine de leacutethique Peirce suit avant tout la tradition kantienne qui
met laccent sur lautonomie du sujet moral et limportance du devoir Il fonde de plus
101
leacutethique sur lestheacutetique tel que nous lavons vu dans la preacutesentation du systegraveme des
sciences La maicirctrise de soi est lultime moment eacutethique de la vie et son but doit ecirctre
de rendre cette vie belle et admirable La libre volonteacute est elle-mecircme dirigeacutee vers ce but
propre et rien dautre si ce nest que par deacuterivation (une rdlexion cie Peirce explicite agrave
ce sujet dans une lettre agrave Lady Welby en SampS 112 1909)
Quel lien peut entretenir la theacuteorie seacutemiotique de leacutecriture japonaise avec
leacutethique La theacuteorie seacutemiotique de leacutecriture pourrait ici fonder le retour pragmatiste
de la raison sur une dimension eacutethique plus vaste cie la reacutealiteacute actuelle le controcircle clu
deacuteveloppement de la culture En comprenant mieux les eHets cles transformations
actuelles de leacutecriture dun point de vue seacutemiotique on serait plus apte agrave juger du
bien-fondeacute dune intervention normative agrave ce sujet et on pourrait ainsi fonder une
veacuteritable politique de leacutecriture Peirce lui-mecircme a reacutefleacutechi agrave un problegraveme analogue agrave la
transformation de leacutecriture dans le sens de laugmentation des kalakana soit la
reacuteforme de lorthographe anglaise dans le sens de sa phoneacutetisation Il eacutetait sur ce point
plutocirct conservateur sont motif eacutetant en cela cie sauver lltltesprit)) de la langue anglaise
le monde de signification auquel participe et que fonde dun cel1ain point de vue non
neacutegligeable lorthographe de la langue anglaise Cette position est illustreacutee dans la
citation suivante qui pourrait servir cie leccedilon agrave une reacutellexion ulteacuterieure sur le cas de
leacutecriture japonaise et sa reacuteforme
1 remember in Rome in 1870 lt111 Egyptian obelisk covered Vitll hieroglyphics
surmounted by a gilt cross and resting on eacutel base Vith eacuteln inscription of Trsjltln This
monument pleased me greeacuteltly as eacuteln epitome o~ Rome Probably ere tllis tlle cross
Ilas been removed by tllose wllom it seemecl barbmously unllistoriceacutell They were
unconscious theacutelt il WeacutelS their own proceeding thsl wss barbmously oblivious of
Ilistory But 1 woulcl not have il restored for its removal bespeaks the spirit of s
new historicsl phase or the eternal city English spelling is like Rome it is a
historical composite of the most heterogeneous elements Il is onen absurcl but
that very absurclity is of value to us To raze Rome and have it rebuilt by Cl
Chazago architect would be less detrimental to the higher interests of the human
race than to reform English spclling sa as ta Illake it ljuite phanetic The one
102
would not only do terrible violence ta our sentiments but woulcL [no doubt alleet
the lesthetic development of the worlcl But even this would not be sa bacl as ta
deprive English-writing thought-we will not say of its clolhing for that would be a
most inaclequate meta phare Ta attem pt ta revo 1ution ize Engl ish spell ing whi le
leaving Anglo-saxon thought intact would be like trying ta burn up the cellulose of
the rose while leaving its color ancl beauty ancl significance (MS 1181 laquoThe
Eclitors Manual English Spellingraquo c 1886-9 1901)
Lestheacutetique agrave son tour ne consiste pas en une pure contemplation de la
Premiegravereteacute car il sagit dune science posseacutedant une part importante de Troisiegravemeteacute
un certain type de raisonnement neacutecessaire De toute faccedilon en tant quactiviteacute
humaine il sagit aussi dun type dexpression prenant le point de vue du phaneacuteron
sur lui-mecircme et ses trois aspects fondamentaux omnipreacutesents et irreacuteductibles Le
jugement estheacutetique consiste en un retour agrave un certain degreacute de Premiegravereteacute mais reste
en tant que repreacutesentation de la reacutealiteacute toujours soumis agrave lineacutevitable triadiciteacute du
monde phaneacuteronique De ce point de vue la calligraphie lun des arts majeurs de la
culture japonaise bien quelle tend le plus souvent agrave reacutegresser agrave un stade qualitatif
plus eacuteleacutementaire nen reste pas moins un art de leacutecriture un produit de la culture et
de son mode conventionnel dexpression Seulement lart de la calligraphie donne un
point de vue qualitatif sur le phaneacuteron et se distingue en cela de la science de
lestheacutetique qui tend agrave interpreacuteter rationnellement le pheacutenomegravene de la contem p lation
des qualiteacutes La reacuteflexion suivante de Peirce rend explicite cette cleacute de la
com preacutehens ion de lart
and ignorant as 1 am of Art 1 have a lair share of capacity for esthetic
enjoyment and it seems ta me that while in esthetic cnjoymenl we attend ta the
totality of Feeling-ancl especially to the totll resultanl Quality of Feeling
presentecl in the work of art we are contemplating-yet it is a sort of intellectual
sympathy a sense thal here is a feeling that one can comprehencl a reasolleacutelble
feeling 1 do not succeed in saying exactly what it is but it is a consciousness
belongi ng to the category a l Representa tion though representi ng someth ing in the
Category of Quality of Feeling (EP2 190 1903)
103
Ainsi Ianalyse seacutemiotique en plus de sensibiliser aux diverses perspectives
du signe eacutecrit peut eacutegalement souvrir aux multiples dimensions du phaneacuteron ce qui
est sans aucun doute la plus importante marque attestant du caractegravere philosophique
de la seacutemiotique peirceacuteenne De mecircme que pour les conceptions universelles qui bien
quelles ne puissent ecirctre davantage analyseacutees en soi le sont toujours dans leur mise en
relation contextuelle (ce qui serait selon Peirce lune des leccedilons essentielles de la
logique des relations EP2 219 1903) lorsque lanalyse seacutem iotique se parachegraveve
inteacuterieurement la reacuteflexion philosophique qui la soutient peut toujours souvrir et se
deacutevelopper dans le sens des autres sciences philosophiques des autres sciences
heuristiques et mecircme du reste de lactiviteacute humaine Au terme ultime de cette odysseacutee
de la conscience seacutemiotique agrave travers le systegraveme peirceacuteen des sciences nous
reconnaissons donc tinalement le motif Je plus fondamental de ce systegraveme la
continuiteacute de la penseacutee
Annexe 1 Les graphes existentiels (parties Alpha et Geta)
Alpha
Il tonne Il tonne
Il pleut
Il tonne et il pleut Il tonne ou il pleut Siumll tonne alors il pleut
(serail)
Le modus ponenl (selon Roberts 1973 45 avec les regravegles de Shin 2002)
P p
l Preacutem isses
p
2 Erlacement de P en aire non-encercleacutee
3 EHacement de P car P exteacuterieur en l
4 Q Effacement de la double coupure
lOS
Jeta
Cest beau Cest beau
est bon
est bon
Quelque chose est beau et bon Il nest pas le cas que quelque chose soit beau et
bon
est beau( ~
Quelque chose est beau mais pas bon Tout ce LJui est beau est bon
(II nest pas le cas que quelque chose soit
beau
mais pas bon)
EYOkO
donne une 1legraveul
John John donne une neul agrave Yoko (ligature)
106
Syntaxe dAlpha (selon Shin 2002 37-8 84-5)
Vocahulaire
symboles propositionnels (senence symhols)
coupure (cut) [symbolique]
(juxtaposition [quasi-iconique])
Regravegles de formaion
Un ensemble de graphes Alpha c esl le plus petit ensemble satisfaiseacutelnt les
cond i tions su i vantes
1 Un espeacutelce vide est clans r
2 Un symbole propositionnel est dans
3 Fermeture pm juxtaposition Vuxaposilion colure) Si G est dans lt et G
est dans c alors la juxtaposition de ces n graphes cesl-agrave-dire G G est
aussi dans (
4 Fermeture par coupure (CUi cfosure) Si G est dans lt alors une seule coupure cie
G est aussi clans _
Regravegles de ransjOrmaion
1 Dans une aire encercleacutee de faccedilon paire (ou non encercleacutee) disons iaire a
(a) on peut ellagravecer nimporte quel graphe et
(b) on peut dessiner un graphe X sil ya une occurence cie X
(i) clans la mecircme eacutelire cest-agrave-clire laire a ou
(ii) clans leacutel prochaine eacutelire exteacuterieure agrave aire a
2 Dans une aire encercleacutee cie faccedilon ill1paire clisons iaire a
(a) on peut elcrcer un graphe X sil ya une eacute1Lltre occurence cie X
(i) dans la mecircme aire cest-agrave-dire iaire a ou
(ii) dans la prochaine aire exteacuterieure 21 laire a et
(b) on peut dessina nimporte quel graphe
3 Une COUPl( couhle peut ecirctre effeacutelceacutee ou dessineacutee autour cie nimporte quelle
partie (Jun graphe
107
Synfaxe de [Jefa (selon Shin 2002 39-41 139-42 modifieacutee)
Vocabulaire
symboles de sujets
coupure [symbolique]
ligne didentiteacute (fine ojideJ1lity) abbr LI [iconique]
(iux taposition [qUeacutelsi- iconique])
Regravegles dl formation
Un ensemble de graphes Beta est le plus petit ensemble salisfeacutelisanl les
conclitions suivantes
l Un espace vide est cleacutelnsC Il
2 Une ligne cIidentiteacute est clans (
J Fermeture par juxtaposition Si G est dans r et G est clans ( alors leacutel bull 1 lt Il Il
juxtaposition de ces n graphes cest-agrave-dire G G est aussi clans (
4 Fermeture par sujet Si G est dans C~ alors un graphe avec un symbole cie sujet 11shy
aire eacutecrit agrave la jonction cie 11 extreacutemiteacutes libres dans G est aussi dans ltshy5 Fermeture par coupure Si G est dans lt alors un graphe cleacutelns lequel une seule
coupure est dessineacutee dans nimporte quelle sous-partie de G sans croiser un
symbole de sujet est eacutelussi dans etI
6 Fermeture par branche Si G est dans ltgt alors un graphe clans lequel une LI dans
G se branche est aussi deacutelns r
Regravegles dl tJOl1sjoll7(tiol1
l Dans une aile encercleacutee cie faccedilon poire (ou non encercleacutee) clisons laire a
(a) on peut elCreer nimporte quel graphe et
(b) on peut dessiner une LI ou un graphe X sil y eacutel une occulence de X
(i) clans la mecircme aire cest-agrave-dire laire 0 ou
(ii) dans la procheacuteline eacutelire exteacutelieure agrave laire o
2 Dans une aile encercleacutee cie faccedilon iJJljJoire clisons leacutelire 0
(a) on peut elagravecer un graphe X sil y eacutel une autre occurence cie X
(i) cleacutelns la mecircme eacutelire cest-agrave-dire leacutelire 0 ou
(ii) deacutelns la prochaine aire exteacuterieure agrave laire 0 et
(b) on peut dessiner nimporte quel graphe
108
J On peut allonger une extreacutemiteacute libre dune LI
(a) vers linteacuterieur agrave travers une ou des coupures et
(b) vers lexteacuterieur
(i) dune aire-I agrave L1ne aire-P
(ii) dune aire-I agrave L1ne aire- ou
(iii) dune aire-P agrave une aire-P agrave moins quil ny ait une autre LI
(A) qui soit attacheacutee aux mecircmes sujets
(B) dont la porteacutee soit plus grande que la LI que lon deacutesire allonger et
(C) dont la pal1ie la plus exteacuterieure soit dans une aire-P
4 On peLit reacutemcler une extreacutemiteacute libre dune LI
(a) vers l inteacuterieur
(i) dune aire-I agrave L1ne aire-P
(ii) dune aire-P agrave une aire-P ou
(iii) dune aire-I agrave une aire-I agrave moins quil ny ait une autre LI
(A) qui soit attacheacutee aux mecircmes sUIcircets
(B) dont la porteacutee soit plus grande que la LI que Ion deacutesire allonger et
(C) dont la partie la plus exteacuterieure soit dans L1ne aire-P et
(b) vers lexteacuterieur agrave travers une ou des coupures
5 On peut joindre deux extreacutemiteacutes libres de lignes didentiteacute
(a) dans une aire-l ou
(b) dans une aire-P si les sous-graphes agrave joindre sont des occurences du mecircme
type
6 On peut disjoindre une ligne didelititeacute
(a) dans une aire-I si les sous-graphes agrave disjoindre sont des occurences du mecircme
type ou
(b) dans une aire-P
7 Une cOlfJlre dOlhie peut ecirctre effaceacutee ou dessineacutee autour de nimporte quelle
partie dL1n graphe
8 On peut dessiner ou effacer nimporte quelle hmnche dune ligne didentiteacute sans
traverser une coupure
9 On reut formel OLi briser un clcfe (courbe fermeacutee) dune branche dune LI dans la
pal1ie la plus inteacuterieure dune jonction
Annexe 2 Le systegraveme deacutecriture japonais
Lisle des 19-15 kanji lIslels (jocircyocirc kanji)
-tTT~~~~~~ftfi~~~~nR~~amp~~~h~amp~=E~~~~~AgraveU~~~
~~~~~$ftC~frM~KM~~~~ffiffuuml~m~~~~mtt~~mmw~~~m~~œm
9IJM~F6~JEfrœf9euroI~flifiumlil~~g~IIcirc~~jjijA~~tirlwJ[~ampfJffi~tJ~ji1Jicircjg~~~ritIff~
~~7eumlJr7eacute7t5t~bRW-A~1tt~~~JlJ F9 pg ffiI~n~J11~EtUfLJl~ [I] tJ eacuteJlJ JJ tJJ7NJJ~jIJfIJ
Jfl] 91HtJ JJIJ ~IJ ~IJ~IJ$IJilJlJ~IJ MlIJiIJ~IJj)fljgIJJIIJilIJ11lIJ~IJIJ 1J ~D r]j sectiJ~JjJiJ9J~MiJ iJ ~ 1It1tlJl1J~UiJ~~ucircJJ~l-5JJ ~
~ta~~sectE~~+~~m$~~rn~~WM~W~~S~~~x~~amp~n~~U7~~D
~~EB3~~~~~~~~fig~~ bullbull~~~~~~~~~~~~~~u~~~~~~~~~
~~~W~~R~~~~H~~~~~~~~OO~~plusmnffrrmM~~~~~~~~~~gB~~
m~~w~œ~~~~~~mŒ~~oo~~~œœplusmntt~~~~~~~~n~a~~~~fi
~~gi1~~~~mR~5t~~~~~JlIH9D~29HJj~j~ili~eacutel~99l19lHJN9~9ft9IHffl91i~9i9iU~~HL~rP~~
m~~~~~g~œ~~~~~H~~~gamm~bullbull~~~bullbullbull~~~WM~~
~HHiumlWJj3(ij5tjm~MHtRfEuml~~-~~ram~~~~UJIJ~~g~IJIIIiI~iIJ~~~~iiJjJIIHIIIljtt
~BM~fi~~U~~~~~~~M~~fi~~~Œ~~~~~bullbull8~
g~~rt ~~ ~ 1ij 5f5tmm 5lta sN 5jj iWiJf~ ~rn~~~~i~il~ iiE ~iampm~ilt i~iii1l-iiumlIJl imi~~i~rei~~ z TE~ ~
~~~~ffia~~tt~ffl~~~~~~~~~m~~~~~~~ill~illili~~~~ill~~ill~ill~
ill~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~sect~fi~m~~~~~~~bullbull ~~iJ~gl~~~~isect~rlI~m~[ll)~Ii~iJ~~~~icircf~5t~ftlx~flWg~m~~~~g~mLir08z~SZ~~B~2tI~~
~~~~~~~bullbull~~g~~~~=~ampM~~~tt~W~tt~llimmffiregWmm~~m~mmmm
1mIIt~1$$i~iXftiiti(~UJ~pfi~~m=Fif~1j1f~atnjLtlkjRj1itjjJljRj9jEjsJHjjJ111jljljjHtbJecircj91jlijffi
j~jElecircjEliJtUH~jm~jH3j~j~mjjjeurojjUJIHSlj~jmmt(tj~j~j1i5ampmj~j~m~j~jMEcircIcircijJiumlW~j~mj~j~HlH~j~
Jfj~j~j~jfi~j~jjlitj~3Z~QrQ1i5i55~lijH9~~5i1~j9~~9~9HlY+n~jFfffIIUfi1J1rtiIIcircIcircIIcirc~)j~1IcircJtB IBi3Jf ~m~ bullbull~_ampbullbull~ bullbullubullbull~~~~~~~lItq~~~~~UftU~fi~~M~~~~~~
1im~~icircilicircg~miml~TIlY~EMmicirc~3trPJmJjicircij~~ij[i]~mlltIlijialiilijn~~ij~ijUi15k~~~
~~~~Wi~~1t1L1Jl1lj1~111~H~j~~jJlHj~j5j~t5ffjjljijnffi~j~ljjRfiumlji~Ujijjij~jfoJH~~jllJl~
~WR~jflij~jj~jiHH~lmjfrHrfl~R~~euml~~xlx~xiXLtiumlE~tiicircJiiuml9E~HIltsectliJM~~t~~H~1)l18m~tt=tEU=
~~ffJ~A~R~~~~~~~~~~~~~~~$~~~~~~~~~~~~~~~
~~~~~B~~~~~~~~~~~~~~~B~~~~~~~~~~~~~~~
~~~~~~~M~~~~~~n~~~~~m~~bullbull~~~~~~~MAA~~~~
~~~tlffl~mmH~~~m~~œlli~~~~~~~~M~m~~MgX~~fflffi~$~~
mWm~~Mft~bullbulla~amp~~amp~~~~bullbullbull~e~~H~~m~sect~~~Esect~~~
~ffi~mmm~bullbull~m~~~ffl~raquo~~~~~m~~g~~~M~ntlm~m~mn~bull bull ~~N~n~m~~nffi~nti~mmm~~œ~~~~~~~~~nbullbull~u~amp~~ampmUh~
~~~~~~~~~m~~~m~M~n~ffiffiM~mMg~~~~~g~~m~n~m~
~W~~ftWe~~~m~~~~~m~m~mbullbullbull~Mbullbullbullbullbullbullbullbull~bullbull~mmbullbullbullbull ffi $ bullbullbullTI~a~G~~~~mn~~~œsect~B~mAA~~~amp~~~~~~~AA~~~~M
~ft~iliffi~~~~~Bampti~~m~~~M~bullbullbull~m~N~mm~~U~~M~~m
middot~Hn~egrave~j1I~t~i~f~~Il~jj~R~t~~ii]~iE~g~~m~f~~ta8~8iumlt8~8~W~2i~g8~8t~~Ti~r~~~~~~mj~8ill~~~rn8~8SU
~~bullbull~mmbullbull~~sect~~M~~fta~bullbullbullaRbullbullbullbullbulla~M~~~AAg~m
~~O~li~Œm~~mHm~a~bullbullnft~~tiQ~bullbullbullbullbullW~~~~B~~n
MW~bullbullfflm~D~~~tl~~ffi~~UnmftHrt~nm~~mgmmmamp~Mm~
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110
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-(~)a ~ (=1) yu et (3) )0
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Signes diacritiques 0
Signe remplaccedilant le kon(( reacutepeacuteteacute ~
Signe remplaccedilant le konji reacutepeacuteteacute ~
IC systegraveme Je tnlnslilleacutenltion Ilcpbulll llloJilieacute qui rcn oie ugrave la prononciation anglaise esl utiliseacute
III
LClrails de lexIe
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ttiTTRi~JJ ~ IJ~tJIJ)-gt t- o 9 ~ C -t(J)mh~ Tt-(J)~ cl L$1 L T ~J1IIIJ~~~to ~A
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L sectt~ ~ Z te t-o -t euml B (J) EIIJ~~Z tJ lttJ ~ C ~euml t ~o ~ gIJ~-gt T (J) r~ (J)
ilIumlpJT IIJEuml~~JJ~ L tJ L$ItJ TL t- (J)euml ilraquo ~ 0
mEr~ laquoRashocircmonraquo in Akutagawa 1969 (1915) (extrait dun conte)
~ffl11HIl tJ -5 tJ j- ~ ~ 11 1 0 9 sectlJ ~ secttEacute1 (J) 4 ffl 3iffl~= sect1sect (J)PJTf~~ajL1i~IIjij~iumlIDeumltJ -5 tJ j- ~ ~IJ~ El n -J 0 rt-7deg tJ~Mplusmn~ J 1
r~J~-~3 (~~sect) O)~~J C~~9~cI~ ~~~~ftgElO)rtbl)~tJ
~tJj-~~~~m9~Ceuml ~fiWrtJ~ j-~7euml-)~9~mLtilraquo~)-tt0 LIJ)L
r~ L Lg] BJ ~j~11 f~1t~lM 31 ~mtll9 ~fiegrave(J)sect Lpg g Itt~ ~ C gt lt11 lt tJ Ell~ t~iY)tJ L0
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BifJi~Itt~r-J 4 fg(J)51~to
f9JJ~11~ C r Ecircl ~c(J)fplusmn$~ Pf~~I= 9 ~T v 7 -7 J ~ r BIJ~77 C tW(J)~(t~~ C
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appiying the theories o~middot Saussure and Peirce to a new speacutelce of meaningJ Meacutemoire de maicirctrise de lUniversiteacute Keiagrave Tagravekyagrave Universiteacute [(eiagrave 85 p Je nai
113
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2
dans le cadre dune compreacutehension globale du systegraveme et non seulement de concepts
isoleacutes en est encore agrave ses deacutebuts (notamment avec Everaert-Desmedt 1990 et Fisette
1996) Degraves lors la question se pose de la leacutegitimiteacute des applications de la seacutemiotique
peirceacuteenne une theacuteorie dont on tente toujours de saisir les fondements
Probleacute lIot ique
La voie dentreacutee dans la probleacutematique sera la geacuteneacuteraliteacute de la theacuteorie Max
Fisch en 1983 se demandait Just how general is Peirce s theOy ofsigns (in Fisch
1986 356-61) et clans sa reacuteponse il sappliquait agrave deacuteterminer lextension de la theacuteorie
des signes agrave retracer les eacutetapes du deacuteveloppement de la theacuteorie dans le sens de la
geacuteneacutera 1iteacute et agrave en deacutegager la perti nence pou r la recherche scienti fique A fi n de bien
cerner le problegraveme qui nous preacuteoccupera dans ce meacutemoire je reformulerai la question
de la maniegravere suivante en quoi la theacuteorie geacuteneacuterale des signes de Peirce est-elle geacuteneacuterale
Cette question vague se laisse diviser en trois questions plus preacutecises Premiegraverement
quest-ce que la geacuteneacuteraliteacute Ce qui est rechercheacute ici est une deacutefinition de la geacuteneacuteraliteacute
proprement dite comme conception logique Deuxiegravemement quelles sont les
conditions de la geacuteneacuteraliteacute de la theacuteorie des signes Le questionnement porte ici sur la
relation de la geacuteneacutera liteacute avec dautres conceptions qu i la deacuteterm inent lorsquelle se
trouve agrave qualifier actuellement une theacuteorie Troisiegravemement quelles sont les conditions
de la relation impliqueacutee par la geacuteneacuteraliteacute entre la theacuteorie des signes et dautres theacuteories
La porteacutee de la seacutemiotique sur les sciences speacutecia les en vertu de son caractegravere geacuteneacuteral
est ici questionneacutee Cest le moment producteur du questionnement celui qui
permettra de reacutesoudre le problegraveme speacutecifique de ce meacutemoire Dans lesprit scientifique
expeacuterimental de la philosophie peirceacuteenne je tacirccherai de mieux saisir le problegraveme en
examinant une application particuliegravere agrave la theacuteorie linguistique de leacutecriture et en
prenant pour cas deacutetude deacutetermineacute le systegraveme graphique de la langue japonaise eacutecrite
La leacutell1guejaponaise fait face en ce moment agrave une situation de contact des langues qui
]
affecte son systegraveme deacutecriture engendrant un problegraveme seacutemiotique qui donnera chair
au deacuteveloppement de ce meacutemoire Il convient de Iexposer briegravevement ici
La langue japonaise contemporaine utilise un systegraveme deacutecriture complexe
com poseacute de plusieurs ty pes deacutecriture dont un ensem ble de caractegraveres dorigine
chinoise (les konji) deux syllabaires de creacuteation japonaise (les hirogono et katokono)
Ialphabet latin (le rlIcircl71oji) les chiffres indo-arabes et diffeacuterents signes de ponctuation
Ce systegraveme deacutecriture est particuliegraverement inteacuteressant en ce que la langue japonaise
assimile actuellement de faccedilon croissante des mots dorigine eacutetrangegravere (surtout de
langlais ameacutericain) eacutecrits dans un syllabaire particulier les kotokono Ces mots eacutecrits
en kotokono occupent de plus en plus despace graphique dans reacutecriture jusque
maintenant domineacutee par les konji tout en remplissant des fonctions grammaticales
sinon attribueacutees agrave ces derniers Nous assistons donc agrave une modification importante de
laspect externe ainsi que de la structure interne de leacutecriture japonaise suite au
contact de la langue japonaise avec dautres langues aux eacutecritures diffeumlrentes Le
problegraveme seacutemiotique consiste agrave deacuteterminer comment les relations de signification
propres au systegraveme deacutecriture japonais sont modifieacutees dans la situation actuelle de
contact des langues Ce problegraveme permettra de preacuteciser davantage le questionnement
de ce meacutemoire et de mieux en comprendre le sens en lui donnant un point dancrage
dans la reacutealiteacute actuelle 1 se retrouvera lui-mecircme eacuteclairci par notre enquecircte
Le but de ce meacutemoire est donc de deacuteterminer quele pourroit ecirctre la porteacutee de
10 seacutemiotique philosophique de Chorles Sonders Peirce sur 10 theacuteorie de leacuteeriture en
prenont pour cos deacutetude le vstegraveme dmiddoteacutecriturejoponois Le meacutemoire questionne ainsi
la leacutegitimiteacute de lapplication de la seacutemiotique comme theacuteorie geacuteneacuterale des signes aux
sciences speacutec ia les tou t en eacutec lai rant par converse leacutetude de leacutecriture japonaise en
tant que systegraveme graphique Il suit pour cela un questionnement sur la geacuteneacuteraliteacute de la
theacuteorie seacutem iotique
4
Slmclure du meacutell70ire
La structure du meacutemoire sinspire du motif architectonique de la philosophie
de Peirce sauf en ceci que la meacutethodologie philosophique de Iauteur est preacutesenteacutee en
premier Dun point de vue seacutemiotique le deacuteveloppement du meacutemoire consiste en
lexpeacuterimentation sur un diagramme le systegraveme des sciences de Peirce et en particulier
sa science des signes telle quappliqueacutee agrave leacutetude de leacutecriture japonaise Le meacutemoire
est donc structureacute en deux chapitres principaux portant sur 1) les principes de la
seacutemiotique philosophique et 2) Je lien entre la seacutemiotique et la theacuteorie de leacutecriture
Dans le premier chapitre la meacutethodologie du meacutemoire est tout dabord eacutetablie
par lexamen clu pragmatisme cie Peirce consideacutereacute comme une doctrine de la
meacutethodologie philosophique des sciences la meacutethodeutique ayant pour principe
directeur la croissance La meacutethodeutique est situeacutee dans le systegraveme des sciences en
tant que paltie de la logique une science philosophique normative Elle est mise en
lien avec la seacutemiotique qui inteacuteresse plus palticuliegraverement ce meacutemoire
La seacutemiotique et la logique de mecircme que la linguistique et Ieacutetude de leacutecriture
sont ensuite situeacutees dans le systegraveme peirceacuteen des sciences Le lien entre la seacutemiotique
et la logique est effectueacute plusieurs acceptions de ces deux termes eacutetant distingueacutees
Cependant les diverses deacutefinitions de ces deux disciplines en tant que sciences
saccordent pour les situer au niveau de la troisiegraveme science normative La linguistique
est ensuite deacutefinie comme une science idioscopique psychique et leacutetude de leacutecriture
comme Iune de ses branches Ce dernier point constitue une speacuteculation raisonnable
concernant la porteacutee du systegraveme des sciences de Peirce sur une science non deacutesigneacutee
comme telle par Imiddotauteur
Les principes de la phaneacuteroscopie et de la seacutemiotique sont eacutegalement exposeacutes
La phaneacuteroscopie est mise en lien avec la theacuteorie des cateacutegOlies dans le deacuteveloppement
5
historique de la penseacutee de lauteur puis un exposeacute syntheacutetique des deu theacuteories est
proposeacute Les cateacutegories universelles de lepeacuterience sont distingueacutees des cateacutegories
particul iegraveres lexposeacute eacutetant appro fond i par lexamen des cateacutegories particul iegraveres de la
modaliteacute et de la signification La conception de la geacuteneacuteraliteacute est ainsi deacutetinie comme
une cateacutegorie particuliegravere de la signification La seacutemiotique eacutetant surtout deacuteveloppeacutee
dans les eacutecrits tardifs de Peirce de sa peacuteriode phaneacuteroscopique la phaneacuteroscopie est
ensuite mise en lien avec la seacutemiotique par la preacutesentation du passage du phaneacuteron au
signe Un exposeacute syntheacutetique de la seacutemiotique en tant que grammaire speacuteculative est
proposeacute qui se deacuteveloppe jusquaux autres parties de la seacutemiotique soit la critique
des arguments ou logique critique et la meacutethodeutique La preuve logique selon les
conceptions seacutemiotiques du pragmatisme est par la suite consideacutereacutee agrave la lumiegravere des
exposeacutes de la phaneacuteroscopie et de la seacutemiotique
La philosophie de la notation logique de lauteur est ensuite prise comme point
de deacutepart pour une eacutetude de leacutecriture du point de vue seacutemiotique La notation logique
des graphes existentiels constitue un modegravele par excellence pour lillustration suivante
de lapplication de la seacutemiotique aux sciences speacuteciales puisquelle a elle-mecircme pour
fonction de repreacutesenter le langage formel de la logique peirceacuteenne dont la seacutemiotique
en tant que grammaire speacuteculative est une partie fondamentale La notation des
graphes existentiels exploite ainsi de faccedilon explicite diffeacuterents aspects du signe
distingueacutes par la theacuteorie seacutemiotique et leur examen constitue donc la leccedilon de deacutepal1
pour leacutetude du cas de leacutecriture japonaise
Dans le second chapitre une synthegravese des theacuteories linguistiques de leacutecriture
japonaise est proposeacutee puis une theacuteorie geacuteneacuterale de leacutecriture comme signe est
eacutelaboreacutee agrave parti l de la seacutem iotique pei rceacuteenne La theacuteorie seacutem iotique de leacutecriture
eacutelaboreacutee est ensuite appliqueacutee plus speacutecifiquement au systegraveme deacutecriture japonais et agrave
lanalyse de ses transformations actuelles Lappl ication commence par la
consideacuteration de quelques points de grammaire menant graduellement agrave la
6
probleacutematique de leacutecriture Lanalyse a recours non seulement agrave la grammaire
speacuteculative mais aussi agrave la logique des relations et aux graphes existentiels Durant
lanalyse du cas speacutecifique envisageacute une deacuteJ-inition du signe eacutecrit de la langue
japonaise est formuleacutee agrave travers lexamen de ses composantes puis les principaux
types de signe pmpres agrave cette eacutecriture sont distingueacutes suivant la leccedilon de la
grammaire speacuteculative Lanalyse logique critique suivante permet de juger de
ladeacutequation des signes de leacutecriture japonaise dans la repreacutesentation de leurs objets et
fait ressortir un argument de la transformation de leacutecriture dans le sens de
laugmentation des kaakana
Lexposeacute deacuteveloppe ensuite une critique eacutepisteacutemologique de lapplication de la
seacutemiotique agrave leacutetude de leacutecriture venant parachever lapproche seacutemiotique La
reacute tlexion eacutepisteacutemologique distingue dabord les concepts ph i losoph iques de la
seacutemiotique des concepts idioscopiques de la science de leacutecriture puis deacutetermine le
type dinfeacuterence qui est utiliseacute lors de la transformation dun type de concept en un
autre ainsi que largument qui justifie ce passage dans un cas speacutecifique servant
dexemple Le retour reacuteflexif et critique sur la theacuteorie seacutem iotique permet de la sOlie de
juger de ladeacutequation de ses concepts dans leur application agrave leacutetude de leacutecriture
japonaise
Lanalyse seacutemiotique de leacutecriture japonaise est finalement ouverte sur le reste
du systegraveme des sciences peirceacuteen en eacutetant relieacutee aux autres sciences philosophiques
normatives soit leacutethique et lestheacutetique Il ny pas sur ce point dapplication
speacutecifique mais une bregraveve reacutetlexion dordre philosophique sur la relation quentretien
la seacutemiotique avec leacutethique et lestheacutetique lorsque cette premiegravere est appliqueacutee aux
sciences speacuteciales Le lien solidaire entre les sciences dans le systegraveme peirceacuteen est
souligneacute lien montrant le sens ultime de larchitectonique peilTeacuteenne la continuiteacute de
la penseacutee ou syneacutechisme
7
Texes SOllces e iliraure secondaire
rai utiliseacute dans mes recherches les sources standards des eacutetudes peirceacuteennes
soit principalement leacutedition theacutematique des Colleced Papen (abbr CP) leacutedition
chronologique des Wriings (W) en cours de publication et les seacutelections des Esseniol
Peirce (EP) de mecircme que la correspondance de Peirce avec Lady Welby compileacutee
dans louvrage intituleacute Semioics and Signifies The Correlpondence between Charles
S Peirce ond Victoria Lady Welby (SampS) et quelques fiagments que lai eu le bonheur
daller repecirccher dans loceacutean des manuscrits de Peirce en eacutedition microfilm The
Poper1 of Chorles S Peirce Microfilm Ediion (MS) Pratiquement mes recherches
ont surtout consisteacute en une meacuteditation des ESlenial Peirce ensemble amplement
suffisant pour une maicirctrise egraves signes bien que plusieurs autres eacutecrits maient eacuteclaireacute
sur de nombreux points Je privileacutegie donc dans mes reacutefeumlrences les seacutelections des
Essenlial Peirce tout en renvoyant agrave loccasion agrave certains textes des autres eacuteditions Je
reacutefegravere aux textes sources selon lusage en ajoutant lanneacutee de reacutedaction ou de
publication lorsque connue (par exemple EP 1 132 1878) Les commentaires qui
mont eacuteteacute de la plus grande aide sont ceux de Max Fisch pour une vision densemble
de lœuvre de Peirce Andreacute De Tienne pour la phaneacuteroscopie el la theacuteorie des
cateacutegories initiale et James Liszka pour la seacutemiotique philosophique Jindique toutes
les reacutefeacuterences dans le corps du texte et reacuteserve les notes en bas de page pour quelques
digressions et scolies
1 Seacutemiotique philosophique
En quoi la seacutemiotique de Peirce est-elle philosophique Une reacuteponse simple agrave
cette question serait tout dabord que la seacutemiotique possegravede le caractegravere geacuteneacuteral de la
philosophie cest une science positive qui rend compte des faits de expeacuterience
commune Cette deacutefinition se preacutecise lorsque lon considegravere la situation de la
seacutemiotique dans le systegraveme peirceacuteen des sciences en tant que troisiegraveme science
philosophique normative Plusieurs sens du terme laquoseacutemiotiqueraquo sont aussi agrave
distinguer et expliquer Dans ce premier chapitre je montrerai en quoi la seacutemiotique de
Peirce est philosophique en suivant le motif architectonique du systegraveme peirceacuteen des
sciences sauf que je preacutesenterai la meacutethodologie philosophique de lauteur la doctrine
meacutethodeutique du pragmatisme en premier le deacutefinirai chaque fois davantage la
seacutemiotique en la situant dans le systegraveme des sciences de faccedilon de plus en plus preacutecise
jusquagrave une application theacuteorique dans lexposeacute de la notation logique des graphes
existentiels Jaborderai par la mecircme occasion la question de la geacuteneacuteraliteacute de la theacuteorie
seacutemiotique dont la consideacuteration permettra deacuteclaircir le problegraveme speacutecitique du
meacutemoire dans le second chapitre Lexposeacute tacircchera de rentrer meacutethod iquemenl dans
lesprit de continuiteacute de la penseacutee peirceacuteenne auquel aboutit ultimement le
pragmatisme
11 Le pragmatisme
Le pragmatisme est une doctrine meacutethodologique des sciences de la deacutecouverte
ayant pour principe directeur la croissance II consiste essentiellement agrave reconnaicirctre la
porteacutee possible de la rationaliteacute sur la reacutealiteacute actuelle en particulier dans laction
controcircleacutee et conseacutequente au raisonnement Le sens de cette porteacutee ou de cette
conseacutequence est celui du deacuteveloppement de lordre rationnel dans la reacutealiteacute Le
pragmatisme sinteacuteressant plus speacutecifiquement agrave la recherche scientifique il preacuteconise
9
la reconnaissance des conseacutequences pratiques possibles du raisonnement comme
meacutethode de recherche dans les sciences La recherche scientifique doit donc consister agrave
deacutecouvrir les lois neacutecessaires de la nature en observant et en envisageant leurs
conseacutequences pratiques non seulement actuelles mais aussi possibles
Cette formulation peut eacutevoquer le deacuteveloppement de la Raison et son
identification au Reacuteel dans la philosophie de Hegel Il ny a cependant pas de
Aufhebung dans la penseacutee peirceacuteenne le deacuteveloppement de lordre rationnel eacutetant
plutocirct une prise de conscience des diffeacuterents aspects omnipreacutesents de la reacutealiteacute dont
chacun conserve son importance propre quune absorption de stades infeumlrieurs de la
conscience en un stade rationnel supeacuterieur Peirce qui est tout agrave fait probe
intellectuellement ne se reconnaicirct dailleurs pas dinfluence directe de la part de
heacutegeacutelianisme Il admet bien certaines affiniteacutes de sa penseacutee avec celle de Hegel mais
en retrace une tout autre origine immeacutediate de faccedilon geacuteneacuterale dans lœuvre des
hommes de science et de tagraveccedilon plus speacutecifique dans les philosophies de divers
auteurs meacutedieacutevaux (Duns Scot et les reacutealistes scolastiques) et modernes (Reid et les
philosophes du sens commun eacutecossais) et avant tout dans celles de Kant et Aristote
Atin dapprofondir notre compreacutehension de la doctrine du pragmatisme jen
retracerai agrave preacutesent sommairement le deacuteveloppement dans lœuvre de Peirce Je
retiendrai trois moments principaux du deacuteveloppement de la doctrine correspondant agrave
1) la formulation initiale de la maxime clu pragmatisme dans la seacuterie du Populor Science
illonhly de 1877-78 2) la reprise et Ieacutelaboration de la doctrine lors de la seacuterie de
confeacuterences donneacutee agrave Harvard en 1903 et 3) la tentative finale de formulation dune
preuve du pragmatisme dans une seacuterie darticles en partie publieacutee dans la revue The
Monis en 1905-7 Ces trois moments neacutepuisent pas lhistoire de la doctrine du
pragrhatisme de Peirce mais en repreacutesentent lessentiel du deacuteveloppement
Jeacutevoquerai par ailleurs le questionnement des limites du pragmatisme dans les
derniers eacutecrits de Iauteur
10
Le premier moment du deacuteveloppement de la doctrine du pragmatisme consiste
en la formulation de la maxime pragmatiste suite agrave leacutelaboration dune theacuteorie
psychologique de la croyance dans les articles intituleacutes laquoThe Fixation of Beliefraquo (EP 1
109-231877) et laquoHow to Make Our Ideas Cleangt (EI)I 124-41 1878) Lapproche
psychologique rend la teneur de la doctrine eacutevidente iusquagrave un celtain point mais la
compreacutehension du pragmatisme se montre alors insuffisante pour rendre compte de sa
porteacutee reacuteelle telle quenvisageacutee par lauteur La psychologie ne sert en fait quagrave
lillustration de la doctrine en facilitant un premier abord car le pragmatisme est une
doctrine de la logique et cette derniegravere une science plus fondamentale que la
psychologie Peirce illustrera parfois encore Je pragmatisme dans ses eacutecrits ulteacuterieurs agrave
laide de faits psychologiques mais il soulignera alors linsuftisance de cette meacutethode
et tacircchera de deacutevelopper une approche plus proprement logique La maxime du
pragmatisme est formuleacutee initialement comme suit
Consider what effects which might conceivably have practical bearings we
conceive the object of our conception to have Then our conception of these
effects is the whole of our conception of the object (EPI 132 1878)
Consideacuterer quels sont les effets pratiques que nous pensons pouvoir ecirctre produits par
lobjet de notre conception La conception de tous ces effets est la conception
complegravete de lobjet (version franccedilaise de Peirce W3 365 1879)
La theacuteorie psychologique de la croyance sur laquelle se fonde la maxime
pragmatiste sert de base dans les articles subseacutequents de la seacuterie agrave une explication de
la logique de la science Dans cette theacuteorie le raisonnement est consideacutereacute comme une
enquecircte de la penseacutee visant agrave faire cesser le doute par la fixation de la croyance ce qui
implique leacutetablissement dune regravegle daction sous la forme dune prise dhabitude
Peirce y distingue de plus trois degreacutes de clarteacute de la penseacutee atteints respectivement
dans la deacutefinition des ideacutees par lusage familier la distinction abstraite et
lexpeacuterimentation scientifique La maxime pragmatiste est ainsi preacutesenteacutee comme une
regravegle meacutethodologique inspireacutee de la meacutethode scientifique expeacuterimentale permettant
datteindre le troisiegraveme degreacute de clarteacute de la penseacutee
Il
La meacutethode scientifique est selon Peirce reacutealiste et faillible cest-agrave-dire que le
scientifique admet quiumll y a des choses reacuteelles dont le caractegravere ne deacutepend pas de ce
quun individu quelconque peut penser et que la confrontation avec les faits de la
reacutealiteacute actuelle par laquelle il cherche agrave connaicirctre ces choses reacuteelles peut le mener agrave
douter de certaines de ses croyances jusque-lagrave preacutesupposeacutees comme vraies La
meacutethode la plus adeacutequate dans la repreacutesentation de la reacutealiteacute est donc de consideacuterer
lensemble des conseacutequences pratiques possibles et non seulement actuelles des
conceptions concernant cette reacutealiteacute La consideacuteration des diffeacuterents aspects de la
reacutealiteacute augmente la probabiliteacute dune adeacutequation de la croyance avec leacutetat des choses
reacuteel et donc latteinte de la veacuteriteacute dans la repreacutesentation de la reacutealiteacute La meacutethode
scientifique a de plus la proprieacuteteacute de se corriger elle-mecircme lorsque le scientifique en
v ient agrave recon naicirctre 1iumlnadeacutequation de certa ines de ses repreacutesentations su ite agrave leur
confrontation avec la reacutealiteacute actuelle
Une faccedilon de distinguer les difteumlrents aspects de la reacutealiteacute consiste nous le
percevons deacutejagrave agrave consideacuterer les modes decirctre dont leacutetude est avant tout propre agrave la
logique et agrave la meacutetaphysique La porteacutee logique de la maxime est dailleurs le mieux
entrevue dans Jutilisation de la modaliteacute de la possibiliteacute (ltltmight conceivablyraquo ou
laquoque nous pensons pouvoir ecirctreraquo) alors que les faits psychologiques servant agrave
lillustration sont tireacutes de lexpeacuterimentation psychologique qui consiste agrave accumuler
des faits par la confrontation des croyances de lexpeacuterimentateur avec la reacutealiteacute
actuelle seulement La doctrine du pragmatisme donne un principe meacutethodologique au
scientifique consideacuterant lensemble des modaliteacutes decirctre qui caracteacuterisent la reacutealiteacute
tout en accentuant celle de la possibiliteacute tandis que les sciences speacuteciales lui
fournissent des donneacutees factuelles compileacutees lors dexpeacuterimentations constituant des
confrontations avec la reacutealiteacute actuelle Peirce illustre sa doctrine en appliquant la
maxime agrave la deacutefinition de plusieurs conceptions scientifiques dont lune la dureteacute
dans linterpreacutetation de laquelle il ne semble pas comprendre la reacutealiteacute de la possibiliteacute
Il reviendra plus tard sur cet exemple pour en rectifier liumlnterpleacutetation (EP2 354
12
1905 455-57 1911) mais il est vrai quen ce moment initial du deacuteveloppement de la
doc tri ne du pragmatisme il n en sais issa it sans doute pas tou te la porteacutee pou ltant deacutejagrave
clairement envisageacutee dans la maxime
11 est agrave noter que lors du premier deacuteveloppement de la doctrine Peirce
nemploie pas encore le terme laquopragmatismeraquo quil aurait toutefois utiliseacute degraves les
anneacutees 1870 dans des discussions avec ses camarades du laquoMetaphysical Clubraquo de
Cambridge Cest William James qui relancera publiquement en 1898 la notion de
pragmatisme et puis la popularisera tout en accordant le creacuteclit cie sa premiegravere
expression agrave son ami de toujours Peirce recommencera par la suite agrave sy inteacuteresser
explicitement dans ses eacutecrits et consacrera une seacuterie de confeumlrences donneacutee agrave Harvard
en 1903 agrave son sujet Il deacuteveloppe dans ces confeacuterences une approche
pheacutenomeacutenologique et logique expliquant le pragmatisme agrave partir de sa theacuteorie de la
perception et faisant le lien de cette derniegravere avec la logique des relations et la theacuteorie
de liumlnfeumlrence Le pragmatisme est alors preacutesenteacute sous la ~orme cIun theacuteoregraveme
philosophique dont lauteur cherchera agrave plOuver la veacuteriteacute Ce theacuteoregraveme relie le sens du
pragmatisme aux modes grammaticaux et le rapproche ainsi du thegraveme de la
repreacutesentation
Praglllatism is the principle that every theoretical jllclgment expressibJe in a
sentence ln the inclicative moocl is a confllsed form of lhollght whose only
meaning if il has any lies in ils tenclency to enforce a corresponding practical
Illaxim expressible as a conclitional sentence having its apoclosis in the illlpelative
Illood (EP 134-51903)
Peirce considegravere que lutiliteacute de la maxime est deacutejagrave suHisamment apparente
dans sa formulation initiale et cherche plutat dans sa nouvelle approche une preuve
cie la doctrine Cette preuve consistera agrave approfondir la compreacutehension clu
pragmatisme par le moyen cie la theacuteorie de la perception et plus tard de la theacuteorie des
signes et agrave en speacutecifier la porteacutee au niveau logique Lauteur rejette tout daborcl
lapproche psychologique qui caracteacuterisait sa premiegravere formulation laquoMy original
13
article carried this back to a psychological principle 1 do not think it satisfclctory to
reduce such fundamental things to tclcts of psychology ail attempts to ground the
fundamental facts of logic on psychology are seen to be essentially shallowraquo (EP2
140 1903)11 explique sa position antipsychologiste en exposant sa conception de la
hieacuterarchie des sciences selon laquelle la logique est plus fondamentale que la
psychologie et se fonde entre autres sur la pheacutenomeacutenologie dont le thegraveme speacutecifique
de la perception donne une nouvelle voie agrave lapprofondissement de la doctrine
Dans laquoThe nature ofMeaningraquo (EP2 208-25 1903) puis laquoPragmatism as the
Logic of Abductionraquo (EP2 226-7 1903) dont les exposeacutes repreacutesentent
laboutissement de lapproche baseacutee sur la theacuteorie de la perception Peirce deacutegage
ensuite trois propositions appuyant la maxime du pragmatisme premiegraverement rien
nest dans lintellect qui ne soit dabord dans les sens deuxiegravemement les jugements
perceptuels contiennent des eacuteleacutements geacuteneacuteraux troisiegravemement liumlnteumlrence abductive
se confond avec un certain niveau du jugement perceptuel Le pragmatisme tclit suite agrave
ces trois propositiollS car nous pouvons en les examinant effectuer un lien entre la
perception et la logique de jabduction mode dinteumlrence hypotheacutetique propre au
pragmatisme Par la premiegravere proposition Peirce entend plus preacuteciseacutement quil ny a
pas de conception qui ne soit donneacutee autrement que dans des jugements perceptuels
Ainsi Je premier eacuteleacutement de la perception est un jugement servant de fondement au
reste du processus cognitif qui en deacutecoule Les jugements perceptuels constituant de
plus une forme dappreacutehension de laspect rationnel de la reacutealiteacute par la raison
individuelle ils contiennent des eacuteleacutements geacuteneacuteraux propres agrave la fois agrave la reacutealiteacute
exteacuterieure et agrave la reacutealiteacute inteacuterieure qui se confrontent en lindividu La lclculteacute abductive
tire finalement son origine de la perception puisque le mode dinteumlrence de labduction
repreacutesente une gradation du processus cognitif deacutebutant avec le jugement perceptuel
Labduction et le jugement perceptuel jouent dailleurs un lole semblable au sein du
processus cogn itif en y apporta nt de nouveaux eacuteleacutements de base preacutem isses logiques
ou donneacutees factuelles
1 Scloll l~ldagc scolastiquc Vihil lsi in inielleeII (lIinJlillljileJil in se)SIl (IY2 2261903)
14
Pour ce qui inteacuteresse plus particuliegraverement le pragmatisme lanalyse du
processus cognitif au niveau du jugement perceptuel et de labduction montre que le
dessein de la cognition est daccroicirctre linformation concernant la reacuteal iteacute Le jugement
perceptuel diffegravere cependant de labduction en ce que ce premier est acritique et non
controcircleacute par la raison contrairement au second Labduction repreacutesente un stade
avanceacute du processus initieacute par le jugement perceptuel qui ouvre sur les autres modes
dinfeacuterence subseacutequents de la deacuteduction et de linduction et montre ainsi que le
processus cognitif fait ultimement retour sur la reacutealiteacute actuelle afin de confirmer
linformation communiqueacutee Le pragmatisme en tant que doctrine meacutethodologique
baseacutee sur la logique de labduction met laccent sur le premier moment du
raisonnement logique critique et auto-controcircleacute soit le deacutecegravelement des conseacutequences
possibles dune conception mais en comprend aussi la suite logique qui consiste en la
deacuteduction des conseacutequences pratiques neacutecessaires selon le cas actuel envisageacute et leur
confirmation par induction cest-agrave-dire par la confrontation avec la reacutealiteacute actuelle et
le retour sur le raisonnement Le pragmatisme preacuteconise ainsi laccord de la raison
individuelle avec laspect rationnel de la reacutealiteacute et identifie le dessein ultime de la
cognition agrave celui de la reacutealiteacute tout entiegravere soit la croissance de lordre rationnel agrave
travers les diffeacuterents aspects de la reacutealiteacute ici compris du point de vue des modaliteacutes
Peirce revient sur cette ideacutee au deacutebut de la prochaine seacuterie darticles au sujet du
pragmatisme
Now quite the most striking feature of the new theory was its recognition of an
inseparable connection between rational cognition and rational purpose and that
consideration il was which determined the preference for Ihe na me pragmalism
(EP2 333 1905)
Le dern ier moment importa nt de 1 eacutelaboration de la doctri ne du pragmatisme
est la reacutedaction en 1905-07 dune seacuterie darticles dans laquelle Peirce adopte une
approche seacutemiotique et donc proprement logique la logique eacutetant comprise par
lauteur en un sens large comme la theacuteorie de la penseacutee deacutelibeacutereacutee opeacuterant par signes Il
renomme sa doctrine laquopragmaticismeraquo pour la distinguer des autres pragmatismes
15
eacutemergeant agrave leacutepoque et divergeant du sien mais il continuera plus tard dutiliser le
terme dorigine Il nomme aussi deacutesormais sa pheacutenomeacutenologie laquophaneacuteroscopieraquo atin
den souligner la speacutecificiteacute La maxime du pragmatisme est reformuleacutee
conseacutequemment en termes seacutem iot iq ues comme su it
The entire intellectual purport of any symbol consists in the total of elll generell
modes of rationClI concluct which conclitionally upon ClII the possible different
circul1lstances Clnd c1esires would ensue upon the Clcceptance of the symbol (EP2
346 1905)
Peirce reconnaicirct de plus explicitement les limites du pragmatisme ddini par rapport agrave
la porteacutee des symboles dans la citation preacuteceacutedente et clairement limiteacute aux concepts
intellectuels dans lextrait suivant
1 unclerstclllcl pragmatislll to be a method of Clscertaining the meanings not 01 ail
ideas but only of such elS 1 term intellectuell concepts that is to say of those
upon the structure of which argulllents concerning objective tclct may hinge (EP2
421 1907)
La nouvelle preuve seacutemiotique du pragmatisme consiste agrave suivre le deacuteveloppement du
processus interpreacutetatif des signes cest-agrave-dire leur transtormation dun aspect de la
repreacutesentation en un autre afin de confirmer la concordance de ce processus avec la
meacutethode deacutecrite par la maxime Le pragmatisme est alors soutenu par largument selon
lequel liumlnterpreacutetant logique ultime est une habitude le reviendrai dans des sections
subseacutequentes aux exposeacutes de la phaneacuteroscopie et la seacutemiotique mais il convient deacutejagrave
de don ner le sens geacuteneacuteral de 18 nouvelle preuve L iuml nterpreacutetant logique d un signe est
une appreacutehension intellectuelle de la signification de ce signe sous son aspect
triadique Lorsque nous saiSissons laspect triadique de nos repreacutesent8tions qui
concorde lui-mecircme avec la triadiciteacute de la reacutealiteacute sous ses diffeacuterents aspects cest alors
que notre raison s8ccorde le mieux 8vec la raison reacuteelle L iumlnterpreacutet8nt logique ultime
fait porter cet accord agrave un autre niveau de la reacutealiteacute lnctualiteacute puisquil consiste en
une conduite reacutegleacutee de nos actions une habitude Nous retrouvons donc encore une
fois le thegraveme de laccord de la raison individuelle avec la raison geacuteneacuterale de la reacutealiteacute
qu i constitue le moti f essentiel du pragmatisme
16
De 1908 agrave sa mOlt en 1914 Peirce continue de reacuteviser la doctrine du
pragmatisme sans la deacutevelopper davantage mais en la critiquant Il reacuteitegravere ainsi la
critique de sa compreacutehension initiale du reacutealisme dont il avait limiteacute la porteacutee agrave
lactualiteacute des concepts geacuteneacuteraux alors que la reacutealiteacute comprend aussi des possibiliteacutes
reacuteelles li speacutecifie aussi agrave nouveau la porteacutee du pragmatisme qui seacutetend au domaine
de la logique en introduisant cette fois deux nouveaux concepts la seacutecuriteacute et la
feumlconditeacute (ltherly) du raisonnement Le pragmatisme serait une doctrine qui seacutecurise le
raisonnement mais le rend peu feumlcond
1 think logicians should have two aims lirst to bring out the amount and kind of
seclIrily (approach to certainty) of each kind of reasoning and second to bring out
the possible and esperable lIberly or value in productiveness of each kind (EP2
553 note 7 IYI3)
[PIagmatism] certainly aicls OUI approximation to the securily of reasoning But il
does Ilot contribute to the lIberly of reasoning which far more calls for solicitous
care the maxil11 of Pragmatism does not bestow a single smile upon beltluty upon
moral virtue or upon abstract truth-the three things that alone laise Humanity
above Animltllity (EP2 465 1913)
Cette assertion tardive surprend puisque Peirce avait tait plus tocirct de la croissance
lideacutee la plus importante que la philosophie ait produite (explicitement en EP2 373
1905) et par extension le principe directeur de la meacutethodeutique dans la doctrine du
pragmatisme Il sagit en fagraveit de bien comprendre le rocircle speacutecifique du pragmatisme
son caractegravere nonnati f en tant que doctrine meacutethodeutique La meacutethode preacuteconiseacutee par
le pragmatisme seacutecurise le raisonnement en lui donnant une voie speacuteci fique agrave suivre
mais elle ne le rend pas feumlcond puisquelle ne stimule pas elle-mecircme la production de
raisonnement La doctrine du pragmatisme est un tuteur sur lequel il faut fagraveire croicirctre
le raisonnement par dautres moyens Elle prend la croissance pour principe mais ne
lactualise pas elle-mecircme ne deacutecelant avant tout que les possibiliteacutes du raisonnement
les gennes de croissance
Je term inerai cette section en revenant sur le lien de la seacutem iotique avec le
pragmatisme Nous avons vu quau cours du deacuteveloppement de la doctrine du
17
pragmatisme la maxime initiale ne subit pas de changement majeur mais que divers
points de vue sont pris sur la doctrine qui tentent den ameacuteliorer la compreacutehension et
den speacutecifier la porteacutee La seacutemiotique donne ainsi le point de vue le plus authentique
sur le pragmatisme Peirce cherchait un point de vue encore plus propre agrave exprimer
lessence du pragmatisme avec les graphes existentiels une meacutethode de repreacutesentation
graphique de la logique deacuteductive Ce dernier traceacute est resteacute inacheveacute et peut-ecirctre cela
est-il duuml au fait que le pragmatisme preacutetend plutocirct faire appel agrave une logique de
labduction La seacutem iotique reste dans œuvre de Peirce le poin t de vue le plus
compreacutehensif sur le pragmatisme la logique de labduction n ayant pas eacuteteacute formai iseacutee
de faccedilon satisfaisante par lauteur auquel il manquait peut-ecirctre les outils conceptuels
neacutecessaires pour le faire Plus fondamentalement que labduction le pragmatisme
pointe cependant aussi vers la doctrine de la continuiteacute de la penseacutee le syneacutechisme
qui constitue Jultime theacuteoregraveme philosophique que Peirce cherchait agrave prouver
] 2 Le systegraveme des sciences
Peirce conccediloit la sCience comme une activiteacute des ecirctres humains en vue
datteindre la veacuteriteacute dans la repreacutesentation de la reacutealiteacute cest-agrave-dire ladeacutequation
eacuteventuelle des repreacutesentations aux o~jets deacutetude des scientifiques La science nest
ainsi quune des activiteacutes culturelles humaines celle qui fait appel au raisonnement
neacutecessaire Peirce deacuteveloppe de plus une classification des sciences au sein de laquelle
les matheacutematiques occupent la place la plus fondamentale suivies de la philosophie
puis des sciences speacuteciales (deacutenommeacutees idioscopiques) soit les sciences physiques et
psychiques Cette premiegravere trichotomie de sciences constitue la grande classe des
sciences de la deacutecouverte (ou heuristiques) elle-mecircme suivie de deux autres grandes
classes des sciences reacutetrospectives et des sciences pratiques Dans laquoAn Outline
Classiication of the Sciencesraquo (EP2 258-62 1903) lauteur preacutesente la classification
agrave laquelle il aboutit apregraves maintes anneacutees de recherches et dont il retiendra par la suite
18
en ses traits essentiels le modegravele Le scheacutema de cette classification peut ecirctre
reconstitueacute pour ce qui nous inteacuteresse comme suit
3 Science
31 Sciences de la deacutecouverte
311 Matheacutematiques
3111 Matheacutematiques de la logique
3112 Matheacutematiques des seacuteries discregravetes
313 Matheacutematiques des continua et pseudo-colltillua
312 Philosophie
3121 Pheacutenomeacutenologie
3122 Sciences normatives
31221 Estheacutetique
31222 Eacutethique
31223 Logique
312231 Grammaire speacuteculative
312232 Critique
312233 Meacutetllocleutique
3123 Meacutetaphysique
313 Idioscopie
3131 Sciences physiques
3132 Sciences psychiques
32 Sciences reacutetrospectives
33 Sciences pratiques
La classification des sciences suit un ordre selon lequel les sciences deacutependent
de sciences plus fondamentales pour leurs principes auxquelles elles fournissent en
retour des donneacutees Cette ideacutee dune classification des sciences selon le motif de la
deacutependance non reacuteciproque au niveau des principes proviendrait de la philosophie
dAuguste Comte (EP2 258 1903) Je deacutevelopperai agrave preacutesent lexposeacute du systegraveme
des sc iences en y si tuant les dise ipl ines qui nous concernent so it la seacutem iotique ct la
logique de mecircme que la 1ingu istique et leacutetude de leacutecriture
19
Il Y a deux sens du terme laquoseacutem iotiq ueraquo qu i peu t deacutesigner te 1 que Peirce
lutilise la theacuteorie geacuteneacuterale des signes ou selon lacception contemporaine une partie
de la seacutemiotique au sens peirceacuteen la grammaire speacuteculative agrave laquelle est alors
restreinte la theacuteorie des signes Peirce identifie la seacutemiotique en tant que theacuteorie
geacuteneacuterale des signes agrave la logique eacutegalement comprise en un sens large Il suffira pour le
moment de preacutesenter les diffeacuterents sens de la logique la seacutemiotique que nous avons
maintenant situeacutee dans le systegraveme eacutetant preacutesenteacutee en deacutetail dans une prochaine
section
La logique est une sCIence philosophique normative En tant que sCIence
philosophique elle cherche agrave repreacutesenter adeacutequatement la reacutealiteacute actuelle telle
quexpeacuterimenteacutee dans lexpeacuterience commune Les matheacutematiques opegraverent plutocirct par
raisonn~ment hypotheacutetique ou conditionnel portant sur des possibiliteacutes qui ne sont
pas neacutecessairement actualiseacutees mais dont la conseacutequence serait neacutecessaire si les
preacutemisses du raisonnement sactualisaient (menant neacutecessairement au conseacutequentf
Les sciences physiques et psychiques cherchent quant agrave elles les repreacutesentations
neacutecessaires de la reacutealiteacute par lexpeacuterimentation et lobservation speacutecialiseacutees afin de
rendre le savoir productif
Mathematics studies vllat is and wllat is not logically possible without making
itself responsible for its actual existence Philosophy is positive science in the
sense of discovering what really is true but it lilllits itself to sa much of trutll as
can be inferred from comlllon experience Idioscopy embraces ail the special
sciences which are principally occupied wilh the accumulation of new facts (EP2
259 1903)
Peirce conccediloit ainsi les matheacutematiques et la logique comme deux sciences distinctes
mais ordonneacutees poursuivant la veacuteriteacute chacune agrave sa maniegravere lune fondant la seconde
Il considegravere eacutegalement la logique comme plus fondamentale que les sciences rhysiques
et psychiques Il soppose donc agrave la fois au logicisme (agrave Jeacutepoque de Dedekind CP
4239 1902) et au psychologisme fort (entre autres de John Stuart Mill CP 433 91
1893)
La conseacutequcncc csl bien ln chaIcircnc dinleacutelcncc mcnant dcs preacutemisscs au conseacutequcnt
20
En tant que science normative la logique distingue les bons raisonnements des
mauvais Elle tire ses pliumlnClpes de la pheacutenomeacutenologie (aussi deacutenommeacutee
phaneacuteroscopie) science dont lactiviteacute consiste agrave deacutecrire tout ce qUI apparalt agrave
lesprit La description pheacutenomeacutenologique consiste agrave effectuer des seacuteparations
mentales mettant en eacutevidence les eacuteleacutements universellement pleacutesents agrave lesprit La
logique fournit par ailleurs des principes agrave la meacutetaphysique la dirigeant dans ses
raisonnements speacuteculatifs sur la nature de la reacutealiteacute La logique ainsi comprise en un
sens large est une theacuteorie du raisonnement deacutelibeacutereacute et le raisonnement seffectuant par
signes elle correspond agrave la seacutemiotique en tant que theacuteorie geacuteneacuterale des signes
constitueacutee de la grammaire speacuteculativegt la logique critique et la meacutethodeutique Elle
tire ses principes des matheacutematiques et de la pheacutenomeacutenologie mais eacutegalement de
lestheacutetique et de leacutethique En un sens restreint la logique effectue seulement la
critique des arguments en les classifiant et en jugeant leur validiteacute
Logic is the theory of self-controlled or deliberate thought ancl as such must
appeal to ethics fOI its principles It also (Iepends upon phenomenology and upon
mathematics Ail thought being performed by means of signs Logic may be
regarcled as the science of the general laws of signs It has three branches (1)
Speculative CraIl1J7Jar or the general theory of thc nature and Illeanings of signs
whether they be ieons indices or symbols (2) Crije which classitiumles arguments
and determines the validity and degree of force of each kind (3) Methodeuic
which studies the methods that ought to be pursued in the investigation in the
exposition ancl in the application of truth Each division depencls on that which
precedes il (EP2 260 1903)
La logique deacuteductive lormelle une logique matheacutematique selon lacception courante de
la logique contemporaine repreacutesenterait un autre sens restreint de la logique
correspondant agrave une partie de la meacutethodeutique la theacuteorie de la deacuteduction par lemploi
de modegraveles matheacutematiques La meacutethodeutique comprise en ce sens serait une theacuteorie
de la production de raisonnements valides par application dalgorithmes logiques
rapprochant la logique de la technique La logique matheacutematique nest pas agrave confondre
avec les matheacutematiques de la logique qu ineffectuent pas de retour reacuteflexif sur
laquoSpeacutecul~ltiiraquo U sens Je laquotheacuteoreacutetiqucraquo (U)2 128 190lt1)
21
largument mais fournissent le diagramme eacuteleacutementaire servant agrave lanalyse logique
deacuteductive (cf laquoThe Simplest Mathematicsraquo CP 4227-323 1902 en particulier CP
4227-8 CP 4240 et CP 4244)
Peirce classe la linguistique toujours dans le mecircme article de 1903 parm i les
sciences idioscopiques psychiques Plus exactement il sagit dune science psychique
classificatoire En tant que science psychique classificatoire la linguistique tire ses
principes de la psychologie la science psychique nomologique quelle applique lt1
leacutetude des langues Peirce nidentifie pas leacutetude de leacutecriture comme sujet speacutecifique
dune des branches dela linguistique mais il est eacutevident que sa deacutefinition geacuteneacuterale de la
linguistique comprend cette eacutetude que nous pouvons maintenant isoler suite au
progregraves des sciences du langage La science de leacutecriture ici envisageacutee peut ecirctre
caracteacuteriseacutee au moins comme une science psychique classiticatoire tirant ses principes
immeacutediats de la psychologie Elle se base aussi sur la pheacutenomeacutenologie la logique (ou
seacutemiotique) et la meacutetaphysique de mecircme que la biologie sur lesquelles Peirce fonde la
psychologie Il faudrait par ailleurs distinguer la science de leacutecriture des theacuteories de
leacutecriture La science est une activiteacute des ecirctres humains leacutetude dun objet de la reacutealiteacute
actuelle par le biais de lexpeacuterience et la construction conseacutequente de repreacutesentations
concernant cette reacutealiteacute alors que la theacuteorie est plutocirct une chaicircne darguments
concernant la repreacutesentation de la reacutealiteacute La science sengage dans la reacutealiteacute sous tous
ses aspects en prenant pour point de vue la rationaliteacute la theacuteorie est davantage limiteacutee
au raisonnement agrave laspect rationnel de la reacutealiteacute Nous pourrions dire que la theacuteorie
est une repreacutesentation paradigmatique dans le travail continu des sciences
J3 Les sciences philosophiques
Afin dintroduire lt1 une eacutetude plus approfondie des sciences philosophiques
Je l11opposc Cil cela au illlcrpntatIcircolls dc Kcnt (19t7) clliszka (1996) qui situclltlllogiquc
1()liumlllCllc 8U scin dcs 111ecirc1theacuteI118tiqucs
1
22
telles que les concevait Peirce je commencerai par esquisser en quelques traits sa
meacutetaphysique La meacutetaphysique est en quelque sorte la partie productive de la
philosophie peirceacuteenne elle interpregravete en une vision densemble les diffeacuterents aspects
de la reacutealiteacute tels quiumlntuitionneacutes et analyseacutes par les autres sciences philosophiques et
fait le lien avec les sciences idioscopiques De ce point de vue englobant et speacuteculatif
sur la reacutealiteacute Peirce reconnaicirct les diffeacuterents sens et la valeur de la repreacutesentation le
monde comme repreacutesentation est organiseacute selon un ordre hieacuterarchique solidaire la
triade Ces diffeacuterents sens des trois points de vue tondamentaux de la triade et cette
valeur accordeacutee selon lordre hieacuterarchique solidaire transparaicirctront dans lexamen des
principes de la phaneacuteroscopie et de la seacutemiotique sciences auxquelles nous aurons
plus speacutecifiquement affaire dans lexamen de la cateacutegorie de la geacuteneacuteraliteacute Leacutethique et
lestheacutetique nous inteacuteresseront aussi mais pas en ce qui concerne le problegraveme
speacutecifique du meacutemoire et je ny reviendrai donc quagrave la conclusion dans une tentative
douverture de largument par-delagrave son niveau logique
Les principales doctrines de la meacutetaphysique peirceacuteenne sont le reacutealisme
scolastique et la ph i losoph ie du sens commun critique que lauteur preacutesente dans
laquoIssues of Pragmaticismraquo (EP2 346-59 1905) comme des conseacutequences du
pragmatisme Nous pourrions aussi compter au nombre des doctrines meacutetaphysiques
originales de Peirce le tychisme lagapisme et le syneacutechisme de mecircme que lideacutealisme
objectif (deacuteveloppeacutes surtout dans la seacuterie meacutetaphysique de la revue The Aifonisl de
1891-93 (EPI 285-371 )) maisje ne les aborderai pas directement Le reacutealisme a deacutejagrave
eacuteteacute preacutesenteacute comme une caracteacuteristique de la meacutethode scientifique expeacuterimentale de
laquelle sinspire le pragmatisme Il consiste essentiellement agrave reconnaicirctre quiumll ya des
objets dans le monde reacuteel qui ne deacutependent pas de ce quun individu quelconque
puisse en penser Il est aussi traditionnellement compris comme sappliquant aux
concepts geacuteneacuteraux deacuteterminant des objets singuliers Peirce entend toutefois eacutelargir
cette conception de la reacutealiteacute et cest ce qui caracteacuterise son propre reacutealisme inspireacute du
reacutealisme scolastique (de Duns Scot) Selon Peirce il ny a pas que des objets geacuteneacuteraux
)_J
ou deacutetermineacutes qUI soient reacuteels meacutellS eacutegalement toujours du point de vue de la
signilication des repreacutesentations des objets vagues et mecircme du point de vue des
modaliteacutes des objets possibles La reacutealiteacute seacutetend sur trois aspects fondamentaux tels
que diffeacuterencieacutes par la phaneacuteroscopie et la seacutemiotique La notion de reacutealiteacute soppose agrave
celle de fiction ou plutocirct inclut cette derniegravere puisque la fiction est une repreacutesentation
possible de la reacutealiteacute deacutependante de lindividu qui la cree mais elle-mecircme reacuteelle dans
S3 situation particuliegravere au sein de la reacutealiteacute
L3 philosophie du sens commun critique eacutegalement en germe dans le
faillibilisme caracteacuteristique de la meacutethode du pragmatisme et deacuteriveacutee de la philosophie
du sens commun eacutecossaise (avant tout de Reid) est agrave son tour une doctrine
meacutet3physique dont le principe essentiel consiste agrave reconnaicirctre quil y a des inleumlrences
indubitables en ce sens quelles sont acritiques qui constituent le fondement de la
connaissance Ces inleumlrences sont indubitables mais extrecircmement vagues ce qui les
rend facilement sujettes au doute degraves quelles sont circonscrites et que des deacutetinitions
plus preacutecises en sont rechercheacutees La doctrine est de la sOlte critique parce quelle
reconnaicirct ecirctre elle-mecircme fondeacutee sur des croyances non critiqueacutees mais pouvant ecirctre
reacutevoqueacutees en doute non par la simple volonteacute du sujet connaissant mais par leur
confrontation aux faits de la reacutealiteacute actuelle La philosophie du sens commun critique
reconnaicirct donc sa propre faillibiliteacute Les deux doctrines repreacutesentent finalement des
conseacutequences du pragm3tisme une doctrine meacutethodeutique de la seacutemiotique en ce
quelles se fondent sur les analyses de la phaneacuteroscopie pm la prise en compte des
di f1eumlrents aspects de la reacutealiteacute et de la seacutemiotique par la critique du raisonnemento Il
conven3it cependant de preacutesenter 13 meacutetaphysique avant la ph3neacuteroscopie et la
On pourrait sc dcmandcr siumllne sagit pas lil plutocirct dc doctrincs eacutepisteacutemologiques Cl non
meacutelaphysiqucs mais leilcc nuli 1isc (oui simplement pas le terme d laquoeacutepisteacutenwlogicraquo Leacutepisteacutemologie en tant que theacuteorie ue la euumlnnaiss~lncc semble ecirctle pour lui une bl~lnehe de la meacutelltlrh) sique ct nous pouons rcnsel qUII elasser~lit la philosophic des sciences dans les sciences reacutetmspeelives ou mecircl11e CIleore 11 meacutetaph)siquc Il dit une il1is au sujet de Imiddoteacutepisteacutemologie en inlroduisantla gnll11maire speacuteCLilatic eomlllc rrcmiegravere seienec logique
Other logiciI1s clldeorillg to steel elear or psyclwlog) as lal ilS rossibk lhillk thal this Jirst blI1ch olIogic I11lsl relne 10 lhe posibilily or knolcdgc or Ihe lcal Vorld alld liron the sellse in hieh il is Inle Ihal Ihe lcal orlll eall be kno n This bran ch 01 rhiloso[Jh) clilcd epistel11gy 01
rkelliJIl7isehre is ncccssarily jltJrgely I11claphysicill (112 257 1(()3)
24
seacutemiotique afin de donner agrave ces derniegraveres un horizon envisageacute dans le sens de leur
app 1ication
131 Phaneacuteroscopie theacuteorie des cateacutegolies
La phaneacuteroscopie peut ecirctre preacutesenteacutee dans un but heuristique selon deux
approches diffeumlrentes lune allant dans le sens formel des principes et lautre dans le
sens mateacuteriel des donneacutees 1 ny a toutefois pas de solution de continuiteacute entre la
forme et la matiegravere car selon la doctrine de lideacutealisme objectif la matiegravere nest quune
forme contrainte par lhabitude laquomatter is effete mind inveterate habits becoming
physical lawsraquo (EP 1 293 1891) ou encore laquomatter is merely mind deadened by the
development of habitraquo (CP 8318 1891) Peirce deacuteveloppe la phaneacuteroscopie agrave partir
de sa theacuteorie des cateacutegories dabord conccedilue comme une theacuteorie de la cognition dont
les conceptions reacuteduisant la diversiteacute de la Substance agrave luniteacute conceptuelle de lEcirctre
sont la Repreacutesentation la Relation la Qualiteacute (EP 1 6 1867) Il propose dans sa
theacuteorie cognitive des cateacutegories une approche psychologisante de la logique illustreacutee
par mais non fondeacutee sur la psychologie selon laquelle il deacutecrit Je processus
dabstraction qui permet la cateacutegorisation dans un exposeacute meacutelangeant les aspects
formel et mateacuteriel Peirce qui deacutefend au moment de sa theacuteorie initiale une ontologie
reacutealiste comprenant des eacuteleacutements nominalistes adoptera eacuteventuellement un reacutealisme
dur Les cateacutegories seront alors deacutetinies comme des eacuteleacutements universellement preacutesents
agrave lesprit et seront nommeacutees dans leur plus grande geacuteneacutera 1iteacute Prem iegravereteacute Deuxiegravemeteacute
Troisiegraverneteacute Cest cette derniegravere approche phaneacuteroscopique que je retiendrai surtout
ici puisque cest delle que procegravede la seacutemiotique peirceacuteenne pleinement deacuteveloppeacutee
qui rera lobjet de la prochaine section
Selon lapproche la plus proprement formelle de la phaneacuteroscopie les
cateacutegories sont deacuteriveacutees des intuitions matheacutematiques exposeacutees dans les
25
matheacutematiques de la logique (CP 4250-323 1902 laquoThe Simplest Mathematicsraquo) Le
matheacutematicien deacutecouvre il travers ses raisonnements sur les formes hypotheacutetiques de
la reacutealiteacute la triadiciteacute des structures formelles primitives authentiques (genlline) et leur
dyadiciteacute dans une forme deacutegeacuteneacutereacutee (degeneroe) La dyade constitue un point de
deacutepart dans la reacutealiteacute actuelle et est donc la premiegravere structure analyseacutee mais avec le
deacuteveloppement de la reacuteflexion matheacutematique cest la triade qui fait loi Peirce
distingue eacutegalement selon une approche moins essentiellement tonnelle mais plus
proprement philosophique puisque logique trois modes de seacuteparation dans la penseacutee
la dissociation la preacutescission et la discrimination (cf laquoSundry Logical Conceptionsraquo
EP2 267-72 1903) La description phaneacuteroscopique consiste alors agrave effectuer ces
diffeacuterents types de seacuteparation mentale afin de mettre en eacutevidence les eacuteleacutements
un iversellement preacutesen ts agrave lesprit Les tro is cateacutegories sont om nipreacutesen tes dans la
penseacutee mais les modes de seacuteparation qui sappliquent agrave chacune dentre elles
diffegraverent A insi la d issoc iation est une opeacuteration de Prem iegravereteacute selon laquelle on peut
imaginer un eacuteleacutement sans un autre la preacutescission est une opeacuteration de Deuxiegravemeteacute
selon laquelle on peut supposer un eacuteleacutement sans un autre mais non limaginer et la
discrimination est une opeacuteration de Troisiegravemeteacute selon laquelle on peut repreacutesenter un
eacuteleacutement sans un autre mais non Je supposer ni limaginer La diffeacuterence entre les
modes de seacuteparation deacutecoule de lordre de genegravese des cateacutegories et du lien de
deacutependance non reacuteciproque qui les unit La Premiegravereteacute se suffit agrave elle-mecircme la
Deuxiegravemeteacute deacutepend de la Premiegravereteacute mais non de la Troisiegravemeteacute et la Troisiegravemeteacute
deacutepend agrave la tais de la Premiegravereteacute et de la Deuxiegravemeteacute Le scheacutema suivant preacutesente les
diffeacuterents aspects tormels de la structure
Niveaux cOleacutegoriels des l1odes de seacuteparolion
1deg Dissociation seacuteparation de Premiegravereteacute
2deg Preacutescission seacuteparation de Deuxiegravemeteacute
3deg Discrimination seacuteparation de Troisiegravemeteacute
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Deacutefinitions en termespllJs intuitifs
1deg On peut imaginer un eacuteleacutement sans un autre
2deg On peut supposer un eacuteleacutement sans un autre mais non limaginer
3deg On peut repreacutesenter un eacuteleacutement sans un autre mais non liumlmaginer ni le
supposer
(Par exemple 1deg on peut imaginer une couleur sans une autre 2deg on peut
supposer quune couleur nait pas dintensiteacute speacutecij~que (ainsi lorsquon parle
du rouge en geacuteneacuteral la rougeur (rednessraquo mais on ne peut limaginer 3deg on peut
repreacutesenter lintensiteacute dune couleur sans cette couleur (lorsquon donne une
formule matheacutematique repreacutesentant lintensiteacute) mais on ne peut la supposer ni
1iumlmagi ner)
Porteacutee des modes de seacutejJorotion
1deg On peut
- dissocier un Premier dun autre Premier
2deg On peut
- preacutescinder un Deuxiegraveme dun autre Deuxiegraveme
- preacutescinder un Premier dun Deuxiegraveme mais non un Deuxiegraveme dun Premier
3deg On peut
- discriminer un Troisiegraveme dun autre Troisiegraveme
- discriminer un Premier dun Troisiegraveme mais non un Troisiegraveme dun Premier
- discriminer un Deuxiegraveme dun Troisiegraveme mais non un Troisiegraveme dun
Deux iegraveme
De plus selon lordre de genegravese et le lien de deacutependance non reacuteciproque qui unit les
cateacutegories le scheacutema peut se complexifier si lon considegravere la dissociation possible de
la Premiegravereteacute avec la Deuxiegravemeteacute dun Deuxiegraveme la dissociation possible de la
Premiegravereteacute avec la Premiegravereteacute dun Troisiegraveme etc Remarquons finalement que la
Premiegravereteacute ofije le plus de possibiliteacutes de seacuteparation mais que son propre niveau
requiert la plus grande seacuteparation Les possibiliteacutes de seacuteparation de la Troisiegravemeteacute
sont quant agrave elles plus restreintes mais le niveau propre de celle-ci requiert une plus
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petite seacuteparation En dautres termes la seacuteparation au niveau de la Premiegravereteacute requiert
une plus grande implication logique et ontologique quune seacuteparation au niveau de la
Troisiegravemeteacute
Selon lapplOche mateacuterielle de la phaneacuteroscopie les cateacutegories sont plutocirct
deacutecrites agrave partir des donneacutees immeacutediates de la philosophie les faits de lexpeacuterience
commune en tant qu eacuteleacutements pheacutenomeacutenaux invariablement preacutesents dans la penseacutee
tels que la qualiteacute pour la Premiegravereteacute le fait brut pour la Deuxiegravemeteacute et la loi pour la
Troisiegravemeteacute Cest cette approche que Peirce utilise le plus souvent afin dillustrer sa
theacuteorie Les sens formel et mateacuteriel sont tous deux distingueacutes implicitement dans les
deacutefinitions suivantes
Categoly the First is the Idea of that which is such as it is regardless of
anything else That is to say it is a Qiality of Feeling
Category the Second is the Idea of that which is such as it is as being Second
to SOllle First regardless of anything else and in particular regardless of any 011
although it Illay conforlll to a law That is to say it is Reaction as an eleillent of
the Phenomenon
Category the Third is the Idea of that which is such as it is as being a Third
or Medium between a Second and its First That is to say it is Representation as an
element of the Phenomenon
(EP2 160 1903)
Dans sa formulation initale de la theacuteorie des cateacutegories Peirce considegravere aussi
deux cateacutegories suppleacutementailes lEcirctre et la Substance Les trois cateacutegories
intermeacutediaires correspondant lt1 la Premiegravereteacute la Deuxiegravemeteacute et la Troisiegravemeteacute sont
alors nommeacutees Qualiteacute Relation et Repreacutesentation Les cinq cateacutegories sont deacutefinies
cOl11me des conceptions universelles servant agrave reacuteduire la diversiteacute des impressions
sensibles en une uniteacute Les trois cateacutegories intermeacutediaires sont consideacutereacutees comme des
accidents reacuteduisant progressivement la diversiteacute de la Substance agrave luniteacute conceptuelle
pure de I~Ecirctre Dans le langage cette reacuteduction seffectue au sein de la proposition
luniteacute conceptuelle geacuteneacuterale comprenant les diffeacuterents niveaux de la reacuteduction Peirce
28
reacutesume les cateacutegories dans le scheacutema suivant
Being
Quality (Reference to a Ground)
Relation (Reference to a Correlate)
Representation (Reference to an Interpretant)
Substance
(EPI 61867)
Peirce fait de plus la distinction aussi bien dlI1s ses premiers eacutecrits menant agrave la
formulation de la theacuteorie des cateacutegories initiale que dans les eacutecrits sur la
pheacutenomeacutenologie entre les cateacutegories universelles jusquici preacutesenteacutees et quil a
surtout deacuteveloppeacutees et les cateacutegories paliiculiegraveres dont il na pas termineacute leacutetude
mais quil em ploie largement dans son œuvre Les cateacutegories un iverselles sont
organiseacutees selon un ordre hieacuterarchique solidaire et sont preacutesenteacutees dans la liste courte
de la triade fondamentale Prem iegravereteacute Deuxiegravemeteacute Troisiegravemeteacute Les cateacutegories
particuliegraveres sont plutocirct organiseacutees selon un modegravele ternaire une seule agrave la fois eacutetant
preacutesente ou du moins preacutedominante dans un pheacutenomegravene (EP2 148 1903) Ces
cateacutegories se multiplient en un nombre indeacutetermineacute et repreacutesentent une longue liste
que Peirce na pas compleacuteteacutee Nous pouvons toutefois en suivant ses eacutecrits classer
quelques-unes de ces cateacutegories en tables selon laspect de la reacutealiteacute sur lequel elles
portent de la maniegravere suivante
Aspect de la reacutealiteacute Cateacutegories particuliegraveres
modaliteacute possibiliteacute actualiteacute neacutecessiteacute (EP2 491)
qualiteacute neacutegation aftiumlnnation infiniteacute dintermeacutediaires (EP2
353)
relation monade dyade triade (EP2 424-7)
[sign if~cat ion] vagueur (laglleness) deacutetermination geacuteneacuteraliteacute (EP2
350-52)
quantiteacute particulariteacute singulariteacute universaliteacute (EI)2 353)
Les principaux aspects de la reacutealiteacute ici distingueacutes selon un scheacutema inspireacute des tables
29
kantiennes auxquelles sajoute la signification (je la deacutesigne comme telle) semblent
correspondre aux cinq cateacutegories de la theacuteorie des cateacutegories initiale la modaliteacute eacutetant agrave
relier agrave lEcirctre (Peirce en discute aussi en termes de laquomodes decirctreraquo (EP2 269 1903))
la signification agrave la Repreacutesentation la Relation et la Qualiteacute se retrouvant telles quelles
et la quantiteacute se reliant agrave la Substance Les cateacutegories universelles se complexifieraient
de la sorte selon le motif de la quantiteacute en cateacutegories particuliegraveres suivant un modegravele
ternaire La modaliteacute et la quantiteacute encadreraient theacuteoriquement les cateacutegories
universelles philosophiques la Qualiteacute la Relation et la Repreacutesentation qUI
sappliquent plus speacutecifiquement agrave la reacutealiteacute telle que perccedilue dans lexpeacuterience
commune Peut-ecirctre pourrions-nous consideacuterer la modaliteacute et la quantiteacute comme des
cateacutegories laquomeacuteta-philosophiquesraquo propres agrave un autre point de vue au sein des
sciences reacutetrospectif sans doute Toujours est-il que je me limiterai ici agrave lexamen de
deux ensembles de cateacutegories particuliegraveres lune soi-disant meacuteta-philosophique les
modaliteacutes qui permettront dapprofondir la compreacutehension du motif de la
cateacutegorisation peirceacuteenne et lautre proprement philosophique et mecircme logique les
cateacutegories de la signification qui inteacuteressent plus speacutecifiquement le problegraveme envisageacute
dans ce meacutemoire
Ainsi les exemples que Peirce utilise pour deacutelinir ses cateacutegories tant appel aux
modaliteacutes Certaines notions modales sont mecircme lieacutees agrave des cateacutegories speacutecifiques Les
modaliteacutes eacutetant des notions logiques assez intuitives il est inteacuteressant dexaminer le
lien queffectue Peirce entre ces derniegraveres et les cateacutegories en revenant sur les
illustrations concregravetes des cateacutegories et leurs exp 1ications formelles La Prem iegravereteacute est
illustreacutee le plus souvent par une qualiteacute de sensation (qllolilyojjegraveeling) telle le rouge
Avant mecircme quon prenne conscience de la qualiteacute et quon lui accorde une intensiteacute
elle est sous son aspect le plus authentique une simple possibiliteacute ce que Peirce
considegravere comme de la Prel11 iegravereteacute sans Deuxiegravemeteacute La Prel11iegravereteacute la pl us En suivant le motilues cateacutegories rltlrliculiegravetes dc la lJuantiteacute on pcut se dcmanuelnugravelmiddotemenl siumlln) ltlurait pas des cateacutegolies singuliegraveres I)cilcc ne scmole rIS eonsiJeacutenr ec cl1emin de renseacutee (il nest S[II
que ue cc quiumll Joit) lloil deu ordns (lY2 148 1J(3)) Imis on peut imaginer lJuiumll sagilltlil selon son systegraveme de cateacutegolies (d hoc cest-tl-dire que pOlll tel CIS il y uuraillelle laquocateacutegorieraquo lei un nOI11 rlOrlC
30
fondamentale des cateacutegories est donc associeacutee agrave la modaliteacute de la possibi liteacute
laquoPossibility the mode of being ofFirstness is the embryo ofbeing It is not nothing
It is not existenceraquo (EP2 269 1903) La Deuxiegravemeteacute est le plus souvent illustreacutee par
un fait brut tel la compulsion par exemple leffort provoqueacute soudainement
lorsquune porte quon sapprecircte agrave ouvrir nous reacutesiste La modaliteacute qui lui est associeacutee
est lactualiteacute laquoSecondness only is while it actually is The same thing can never
happen tVice As Heraclitus said one cannot cross the same river twice raquo (EP2
268 1903) Cest donc aussi la cateacutegorie de lexistence et de lindividualiteacute de la
situation dans un espace-temps La Troisiegravemeteacute peut quant agrave elle ecirctre illustreacutee entre
autres par Lin ensemble discursif mettant plusieurs propositions singuliegraveres en
relation cest-agrave-dire un argument Cest la cateacutegorie meacutediatrice de la penseacutee de la loi et
de la finaliteacute entendue comme raison ou but La modaliteacute qui lui est associeacutee est la
neacutecessiteacute
On the other hand Necessiy is an idea 01 Thirdness This word is equivocal it is
here taken in the sense of rational ie general necessity It is not a mere cJenial of
Possibility For Possibility in the sense of Firstness is not a subject of denial The
absence of any given possibility is 01 course a possibility but to leave a character
st8ncling and rcmovc From it its possibility is nonsense unJess one means ta speak
of a representamen of the quality in which case the element of Thirclness is the
predominant one (EP2 271 1903)
La relation de deacutependance non reacuteciproque propre aux cateacutegories universelles
sapplique aussi aux modaliteacutes qui leur sont associeacutees La neacutecessiteacute ne nie pas la
possibiliteacute mais limplique Cependant tout comme la Troisiegravemeteacute peut dominer et
laisser la Premiegravereteacute inapparente la neacutecessiteacute peut aussi dominer et laisser la
possibiliteacute sembler seffacer comme caracteacuteristique modale Nous remarquons aussi
que la Troisiegravemeteacute est la cateacutegorie dont la deacutefinition est la plus tagravecile agrave eacutelaborer
discursivement que la Deuxiegravemeteacute est la cateacutegorie la plus tagravecile agrave illustrer par
lexpeacuterience que nous en faisons dans le monde et que la Premiegravereteacute est tout
simplement la cateacutegorie la plus difficile agrave saisir bien que la plus fondamentale La
deacutefinition agrave laide dillustrations recoupe leacutelaboration formelle preacutesenteacutee plus haut
31
mais implique les modaliteacutes de faccedilon plus eacutevidente La structure deacutegageacutee dans
lexposition formelle se reflegravete donc aussi sur les modaliteacutes
Le lien queffectue Peirce entre les cateacutegories et le langage dans la theacuteorie des
cateacutegories in itiale nOLIs informe eacutegalement au sujet des modal iteacutes Les cateacutegories
opegraverent une unification conceptuelle au sein de la proposition qui consiste en la mise
en relation clu preacutedicat et de ses sujets culminant clans la conception dmiddotEcirctre Or la
modaliteacute est dans sa deacutefinition canonique une notion moditiant la relation diumlnheacuterence
subsistant entre le sujet et le preacutedicat Les modaliteacutes sont donc des notions tregraves
semblables aux cateacutegories universelles Peirce dit lui-mecircme dans sa preacutesentation plus
tardive et pheacutenomeacutenologique des cateacutegories laquoA Possibility and a Firstness are pretty
nearly identicalraquo (EP2 271 1903) Et il preacutecise ailleurs dans le mecircme article nous
lavons vu plus haut laquoPossibility the mode of being of Firstness is the embryo of
beingraquo (EP2 269 1903) Si nous faisons le lien entre laftinnation selon laquelle laquola
possibiliteacute [est] le mode decirctre de la Premiegravereteacuteraquo et la liste initiale des cateacutegories nous
pouvons comprendre le mode decirctre comme eacutetant une modification de luniteacute
conceptue Ile pure de la cateacutegorie dEcirctre par des accidents Les cateacutegories
intermeacutediaires sont les accidents graduels de la conception dEcirctre et la modaliteacute est la
qualitication de ces accidents Les modaliteacutes indiquent donc la maniegravere dont les
cateacutegories accidentelles opegraverent la reacuteduction du divers sensible en une uniteacute imparfaite
par rapport agrave luniteacute pure de lEcirctre qui na pas de modaliteacute En nous reacutereumlrant
eacutegalement agrave la liste initiale des cateacutegories nous pouvons aussi comprendre
latlirmation selon laquelle laquola possibiliteacute est lembryon de lecirctreraquo puisque la
cateacutegorie universelle dont la possibiliteacute est la modaliteacute correspondante la qualiteacute est la
derniegravere conception avant luniteacute conceptuelle pure de lEcirctre Nous tirons de ces
consideacuterations le scheacutema reacutecapitulatif su ivant
32
Ecirctre mode decirctre
Qualiteacute possible
Relation accidents qualifieacutes de actuel
Repreacutesentation neacutecessaire
Substance
La modaliteacute est de plus abordeacutee en logique dans la partie modale des graphes
existentiels mais celle-ci est resteacutee largement inacheveacutee et reste inaccessible sans une
introduction agrave la meacutethode des graphes existentiels La modaliteacute est sinon mentionneacutee
par Peirce lorsquil eacutetudie les propositions dans le cadre de sa theacuteorie des signes Mais
il ne fait alors que suivre la tradition scolastique et kantienne en en reprenant les
deacutefinitions Toutefois cela nous indique que sa conception devrait pour lessentiel
saccorder avec cette tradition quil a eacutetudieacutee en profondeur et dont il sest
certainement inspire Honn is les deacutefinitions de dictionnaire eacutecrites par Peirce la
principale occurrence dune deacutefinition des modaliteacutes dans le cadre de leacutetude
seacutemiotique des propositions est la suivante
ln the fiumlrst place accordillg to Ivodalily [ J or Mode [ J a prOposition is either
de inesse [ ] or modal A proposition de inesse contemplates ollly the existing
state of things-existing that is in the logical ulliverse of c1iscourse A modal
proposition takes account of a whole range of possibility According as it asserts
something to be true or fnlse throughout the whole range of possibility it is
necessary [ J or impossible According as it asserts something to be true or false
within the range of possibility (not expressly including or excluding the existent
state of things) it is possible [ ] or conlingenl (EP2 283 1903)
La conception de la modaliteacute formuleacutee ici correspond exactement agrave celle entrevue
jusque maintenant dans lexamen de la phaneacuteroscopie Selon la modaliteacute une
proposition est soit de inesse ou modale Le de inesse correspond agrave la modaliteacute cie
lactualiteacute La possibiliteacute est aussi reconnue comme un aspect fondamental des
Le long article encyclopeacutedique sur lu modoliteacute que leircc a eacutecril pour le dictionnaire de lames Mark 13uldin reacutesume les conceptions ue ces deux lraditions (CI 2382-90 1902) Les parenthegraveses omises dons la citation suivante lonl dailleurs reacuteleumlrcnec au lermes uorigine el il leurs au leurs (I~()egravece
Iheacutel)Id Kal1l)
33
modaliteacutes Les modaliteacutes sont ensuite classeacutees selon le champ de possibiliteacute consideacutereacute
la modaliteacute qui englobe tout le champ du possible est la neacutecessiteacute si la proposition est
positive et limpossibiliteacute si la proposition est neacutegative et la modaliteacute qui ne
considegravere quune partie du champ du possible est la possibiliteacute si la proposition est
positive et la contingence si la proposition est neacutegative Il est inteacuteressant de noter
que lactualiteacute est consideacutereacutee comme une modaliteacute et que la phaneacuteroscopie ne
consideacuterait en plus de lactualiteacute que les modaliteacutes positives de la neacutecessiteacute et la
possibiliteacute La deacutefinition de la philosophie citeacutee plus tocirct preacutecise bien quelle est laquoune
science jJOsiive en ce sens quelle deacutecouvre ce qui est reacuteellement vrairaquo La seconde
occurrence significative des modaliteacutes dans un contexte seacutemiotique est le postshy
scriptum dune lettre agrave Lady Welby La modaliteacute y sert agrave caracteacuteriser les diffeacuterents
types de signes
1 signifies the Possible Modality that of an Idea
2 signifies the Actual Modality that of an Occurrence
3 signilies the Necessary Moclality that of a Habit
(EP2 4911908)
Les chiffres (1 2 3) deacutecrivent chacun un aspect du signe dans un scheacutema de
combinntoires deacutefinissant les dix classes de signes Lactualiteacute est agrave nouveau reconnue
comme modaliteacute tandis que seules les modaliteacutes positives de ln possibiliteacute et la
neacutecessiteacute sont eacutegalement retenues dans le cadre dune description phaneacuteroscopique
servnnt agrave caracteacuteriser les dineumlrents types de signes
Les cateacutegories particuliegraveres de la signification ne sont pas preacutesenteacutees
explicitement dans les tables de Kant mais Peirce les fait remonter agrave ce demier (EP2
352 1905) Lexposeacute le plus complet des cateacutegories de la signification se trouve dans
larticle de 1905 intituleacute laquoIssues ofPragl11aticisl11raquo (EP2 346-59) auquel peuvent ecirctre
ajouteacutees les deacutefinitions du LenlIry Dicio1mJ el du dictionnaire de Baldvin le
deacute1inirai tout dabord chacune des trois conceptions puis les aliiculerai les unes avec
les autres pour finalement me concentrer sur la porteacutee de la geacuteneacuteraliteacute dans le systegraveme
des sciences Il sera plus commodc dc prcndrc pour point de deacutepart la reacutealiteacute actuelle
34
et de deacutefinir en premier I() cateacutegorie particuliegravere de la signitication qui lui correspond la
deacutetermination La signification dun terme est dite deacutetermineacutee lorsque la Deuxiegravemeteacute
domine la repreacutesentation La relation entre le terme et ses objets est alors actuelle
quelle soit affirmeacutee ou nieacutee les qualiteacutes de lun eacutetant attribueacutees agrave lautre Ainsi un
nom commun deacutesigneacute par un adjectif deacutemonstratif est un exemple de terme dont la
signification est deacutetermineacutee Les cateacutegories du vague et du geacuteneacuteral sont toutes deux
indeacutetermineacutees Peirce donne la deacutetinition suivante de la deacutetermination
A subject is delerminale in respect ta any character which inheres ln it or is
(universally and ltlt1iliumlllatively) predicated of il as weil as in respect ta the negative
of such character these being the very saille respect In ail other respecls it is
indelerlllil1ole (EP2 350 1905)
La sign ificeacuteltion d un tcrmc est plutocirct dite lagile lorsque son caractegravere de Prcm iegravercteacute
esl preacutepondeacuteranl La relation entre le terme et les objets auxquels il est altribuable
nest alors que possible elle reste agrave deacuteterminer dans le processus interpreacutetatif Le
champ dapplication du terme neacutelant pas initialement entrevu la signification est dite
non seulement indeacutetermineacutee mais eacutegalement indeacutefinie Un mot agrave la signification
inconnue dans son premier abord mais speacutecitiable par la suite esl un exemple de
terme vague La deacutefinition du vague que donne Peirce est la suivante
A sign that is objectively indetenninate in any respect is objectively vague in sa
far as it reserves further determination ta be made in saille other conceivable sign
or nt least does not appo int the interpreter as its deputy in this office (EP2 351
1905)
La signification dun terme est finalement dite geacuteneacuterale lorsque cest la Troisiegravel11eteacute
qui domine la repreacutesentation La relation entre le terme et les objets auxquels il est
imputable eSl alors neacutecessaire car bien quelle soit indeacutetermineacutee elle reste limiteacutee agrave
une porteacutee bien deacutefinie La signification du terme geacuteneacuteral est pour cette raison dite
deacutefinie par opposition agrave lautre cateacutegorie indeacutetermineacutee du vague La conception
dEcirctre implicite agrave toute proposition constitue la signification geacuteneacuterale par excellence
exprimant la relation d iumldenti teacute propre agrave tous les objets eacutemergeant d un mecircme
continuum phaneacuteronique et repreacutesenteacutes aussi dans un mecircme continuum seacutemiotique
Peirce deacutetinit le geacuteneacuteral cOmme suit
35
A sign (under which designation 1 place every kind of thoughL and not alone
external signs) that is in any respect objectively indetenninate (ie whose object
is undeterlllined by the sign itself) is objectively genera in so far as it extends to
the interpreter the privilege of carrying its deterlllination fmtheL (EP2 350
1905)
Agrave un niveau plus speacutecifiquement logique Peirce donne une cleacute suppleacutementaire agrave
linterpreacutetation des deux cateacutegories indeacuteterlll ineacutees en di san t que le princ ipe du tiers
exclu ne sapplique pas agrave ce qui est geacuteneacuteral tandis que le principe de contradiction ne
sapplique pas il ce qui est vague (FP2 351 1905) Nous pouvons en deacuteduire que la
cateacutegorie de la deacutetermination implique les deux principes agrave la fois eacutetant la plus
contrainte dans le cadre de la reacutealiteacute actuelle Peirce nomme aussi preacutecision lacte de
deacutetermination pouvant ecirctre accompli par un interpregravete celui qui effectue la relation de
signification (EP2 352 1905)
les trois cateacutegories particuliegraveres de la signification sont ordonneacutees entre elles
selon le mecircme ordre hieacuterarchique que les cateacutegories universelles agrave cette diffeumlrence pregraves
que lordre des premiegraveres nest pas solidaire cest-agrave-dire quil nest pas triadique
mais ternaire L ordre de genegravese reste le mecircme le vague eacutetant la conception la plus
eacuteleacutementaire suivie de la deacutetermination et de la geacuteneacuteraliteacute dans le deacuteveloppement du
processus de signification laquoLooking upon the course of logic as a who le vve see that it
proceeds from the question to the answer-from the vague to the definite And so
likewise ail the evolution we know of proceeds from the vague to the definiteraquo (CP
6191 1898 un autre exemple psychologique cette fois en CP 3160 1880)
Toutefois la preacutesence dune cateacutegorie n iuml mpl ique pas neacutecessa irement celle des deux
autres Cela sexplique si Ion considegravere quau sein des cateacutegories de la quantiteacute lautre
ensemble de cateacutegories meacuteta-phi losoph iques en compleacutement de la modaliteacute la
particulariteacute fait figure de Premier et luniversaliteacute de Troisiegraveme La particulariteacute
nimplique donc que chacune des cateacutegories pour elle-mecircme tandis que luniversaliteacute
implique lensemble des relations de deacutependance non reacuteciproque entre les diffeumlrentes
Ane pas cont()JlJrc ~lee lopeacutel~ltion Jabstraction preacuteseission qui consisk Ugrave cleacutecl Ull ens llIlionis
par exemple la noilcellr (illckness) de tous les obiets Iloirs
36
cateacutegories Le lien entre les cateacutegories est de la sorte bien reconnu mais leur mise en
preacutesence nest pas neacutecessaire Notons cependant que les cateacutegories particuliegraveres de la
modaliteacute semblaient impliquer le lien de cleacutependance non reacuteciproque de lagraveccedilon plus
explicite et quelles se rapprochaient en cela des cateacutegories universelles Disons agrave ce
sujet que dans le systegraveme continu de Peirce tout est affaire de degreacute et que mecircme au
sein des diffeacuterents ensembles de cateacutegories la caracteacuterisation ne simpose que
graduellement Peirce ne propose pas cette expl ication lui-mecircme et n eacuteta it pas
satisfagraveit du moins en 1903 de la distinction entre les deux modegraveles celui ternaire des
cateacutegories particuliegraveres et celui triadique des cateacutegories universelles (EP2 148 1903)
mais cette explication entendue de faccedilon nuanceacutee eacutetant coheacuterente avec son systegraveme je
ladopterai pour la suite cie mon argumentation Peirce reconnaicirct cie plus une certaine
polariteacute entre la Premiegravereteacute et la Troisiegravemeteacute qui semblent ainsi graviter autour cie la
Deuxiegravemeteacute comme si l actua 1iteacute consti tuai t un po int de vue central sllr les deux
alitres aspects de la reacutea 1iteacute Il alticule souvent les cateacutegories Premiegraveres et Troisiegravemes
ensemble tel que clans cet extrait reacuteveacutelateur laquopossibility being the denial of a
necessity which is a kind of generality is vague like any other contradiction of a
generatraquo (EP2 354 1905) La Troisiegravemeteacute entretient donc un certain lien privileacutegieacute
avec la Prem iegravereteacute de mecircme que la geacuteneacuteral iteacute avec la vagueur
A fin de deacuteterminer maintenant quelle est la porteacutee de la geacuteneacuteraliteacute dans le
systegraveme des sciences revenons au scheacutema classificatoire preacutesenteacute dans la section
preacuteceacutedente La classification cles sciences suit le motifcles cateacutegories et chaque science
possegravede de la sorte un aspect cateacutegoriel preacutepondeacuterant qui se combine agrave dautres
aspects lors de lapprofondissement de la structure du systegraveme La science est la plus
geacuteneacuterale des activiteacutes humaines et cest la Troisiegravemeteacute qui la marque de ce point de
vue Au sein mecircme des sciences heuristiques Premiegraveres des sciences les
matheacutematiques sont Premiegraveres et vagues on peut les appliquer dans plusieurs sens
qui restent agrave lorigine indeacutefinis Les sciences idioscopiques sont plutocirct Troisiegravemes et
geacuteneacuterales leurs applications eacutetant multiples mais deacutefinies en fonction de certains
37
champs dapplication speacutecifiques La philosophie est quant agrave elle la science
heuristique la plus actuelle et deacutetermineacutee partant dans ses recherches de
lappreacutehension de la reacutealiteacute agrave travers lexpeacuterience commune On accentue souvent le
caractegravere geacuteneacuteral de la philosophie mais il sagit sans doute de la geacuteneacuteraliteacute de toutes
sciences qui devient plus marqueacutee suivant la concordance de notre propre point de
vue actuel avec lobjet de la philosophie les fagraveits de lexpeacuterience commune Parmi les
sciences philosophiques mecircmes la phaneacuteroscopie se reacutefegravere vaguement agrave la reacutealiteacute dans
leacutetude de sa man i festation prem iegravere les sciences normati ves proposent dordonner
selon des principes deacutetermineacutes notre relation au reacuteel tandis que la meacutetaphysique
efrectue un retour reacutellexif geacuteneacuteral sur la reacutealiteacute comprise comme un tout deacute1ini mais
saisissable de difteumlrentes faccedilons
La science normative qui inteacuteresse le meacutemoire est la seacutemiotique ou logique
geacuteneacuterale identifieacutee agrave la theacuteorie des signes La seacutemiotique est Troisiegraveme et geacuteneacuterale elle
eacutetudie la penseacutee qui permet de saisir en un tout coheacuterent la reacutealiteacute mais elle leacutetudie
avant tout dans le but de proposer des principes dilecteurs agrave la penseacutee tireacutes de
lexamen mecircme de la structure de la reacutealiteacute Ultimement dans la doctrine du
pragmatisme le but de la logique sous son aspect meacutethodeutique est de montrer le
chemin menant agrave ladeacutequation de la penseacutee avec la reacutealiteacute En indiquant la voie agrave suivre
dans la confrontation agrave la reacutealiteacute actuelle la seacutemiotique reste Deuxiegraveme mais possegravede
neacuteanmoins un aspect Troisiegraveme important en ce quelle porte sur leacuteleacutement meacutediateur
de la reacutealiteacute la penseacutee La seacutemiotique fournit donc des principes normatifs geacuteneacuteraux
aux sciences qui en deacutependent y compris les sciences idioscopiques et plus
speacutecifiquement la linguistique et la science de leacutecriture Ces principes sont geacuteneacuteraux
en ce quils concernent leacuteleacutement meacutediateur de la penseacutee qui ne reflegraveterait ultimement
que la structure de la reacutealiteacute comprise de faccedilon adeacutequate ce qui rend les principes de la
seacutemiotique deacutefinis mais qui comprend lensemble des repreacutesentations possibles de la
reacutealiteacute ce pour quoi la signification des principes demeure indeacutetermineacutee
38
le terminerai cette section en examinant comment seffectue le passage du
phaneacuteron au signe question que jaborderai en consideacuterant le problegraveme exeacutegeacutetique du
lien entre la phaneacuteroscopie et la theacuteorie des cateacutegories initiale Le passage de la
Substance agrave lEcirctre dans la theacuteorie in i tia le peut ecirctre rapprocheacute de ce 1ui du phaneacuteron au
signe dans la theacuteorie tardive Le phaneacuteron comprend les trois aspects fondamentaux de
la reacutealiteacute au premier abord indiffeacuterencieacutes tandis que la substance est une conception
permettant de saisir lensemble des impressions sensibles Ceci nous rappelle par
ailleurs les trois propositions qui venaient appuyer la doctrine du pragmatisme et
selon lesquelles le point de deacutepart du processus cognitif faisant sens des impressions
sensibles est un jugement perceptuel qui contient des eacuteleacutements geacuteneacuteraux Le passage
du phaneacuteron au signe consiste ensuite en une prise de conscience explicite graduelle
des trois aspects de la reacutealiteacute qui se preacutesentent dabord agrave la conscience sans se
diffeacuterencier de celle-ci jusquagrave leur repreacutesentation par des signes au sein de la
conscience repreacutesentative la cognition seacutemiotique Ce passage est caracteacuteriseacute par une
geacuteneacuteralisation croissante des eacuteleacutements distingueacutes ou plus exactement par leur
deacutetermination allant dune preacutepondeacuterance de la Premiegravereteacute du phaneacuteron agrave celle de sa
Deuxiegravemeteacute Les eacuteleacutements sont extraits du phaneacuteron qui se preacutesente agrave la conscience
par le biais dune coalescence perceptuelle puis se distinguent de la conscience et la
confrontent en tant que faits perceptuels et sont finalement saisis dans le jugement
perceptuel Ils peuvent alors ecirctre repreacutesenteacutes et se deacutevelopper en tant que signes dans
le sens de la geacuteneacuteralisation croissante de la repreacutesentation
Le problegraveme du lien des cateacutegories phaneacuteroscopiques avec les cateacutegories
initiales consiste en ceci que lordre de cateacutegorisation nest pas le mecircme dans les deux
theacuteories Dans la theacuteorie initiale lordre de passage des cateacutegories intermeacutediaires de la
Substance agrave lEcirctre est de la Repreacutesentation (Troisiegraveme) agrave la Relation (Deuxiegraveme) puis
la Qualiteacute (Premiegravere) tandis que selon la phaneacuteroscopie lordre de passage du
phaneacuteron au signe duumlmentconstitueacute est de la Premiegravereteacute agrave la Deuxiegravemeteacute puis agrave la
le Illinspire ici Je Imiddotcposeacute JnJeacute I)e Tienne (2000) Illnis ne lais ljuefJ1euITI ln surlilCC Je son eacutelrgulllenl
39
Troisiegravemeteacute toutes trois cateacutegories eacutetant preacutesentes mais chacune devenant
preacutepondeacuterante selon leur ordre de genegravese Toutelois la porteacutee des cateacutegories de la
theacuteorie initiale est limiteacutee agrave la cognition alors que la phaneacuteroscopie comprend comme
son objet la totaliteacute du pheacutenomegravene preacutesent ft lmiddotesprit La Substance serait donc agrave situer
au niveau seacutemiotique de la description phaneacuteroscopique et la phaneacuteroscopie serait de
la sorte plus englobante que la theacuteorie des cateacutegories in itiale Il en serait ainsi de mecircme
que pour labduction qui repreacutesente un niveau avanceacute du processus cognitif deacutebutant
agrave un niveau plus fondamental avec le jugement perceptuel Il reste malgreacute cette
distinction ft expliquer le problegraveme de linversion des cateacutegories dune theacuteorie agrave
lautre Je propose comme explication que le deacuteveloppement des cateacutegories de la
theacuteorie initiale dans le sens de la reacuteduction du divers sensible en une uniteacute est le cas
limite de la cognition par signes Dans le cours de lunification de lexpeacuterience par la
repreacutesentation il vient un moment ougrave le processus allant dans le sens dune
domination toujours croissante de la raison sur la reacutealiteacute seacutepuise La seule issue agrave une
seacutemiose infinie est alors le retour aux eacuteleacutements plus fondamentaux de la reacutealiteacute un
retour qui nest toutefois pas une reacutegression puisque chaque aspect de la reacutealiteacute
demeure important et nest que mieux valoriseacute Le retour consiste donc agrave passer de la
repreacutesentation de la reacutealiteacute la conception de lunivers comme un symbole agrave la
consideacuteration des relations constitutives de cette reacutealiteacute et puis de ses qualiteacutes jusquagrave
lunification ultime de lexpeacuterience en lEcirctre qui lui-mecircme nest pas un signe La
conception decirctre est bien un signe geacuteneacuteral le plus geacuteneacuterd qui soit mais lEcirctre luishy
mecircme est au-delagrave de la cateacutegorisation propre au domaine phaneacuteronique Cette
speacuteculation sur le sens du procegraves de la reacutealiteacute chez Peirce serait agrave tout le moins
appuyeacutee par la doctrine du pragmatisme qui preacuteconise le retour agrave lactualiteacute degraves lors
que la structure de la reacutealiteacute a eacuteteacute saisie par la raison Ce problegraveme nous megravene au
champ de la meacutetaphysique qui deacutepasse le cadre de ce meacutemoire et je ne
lapprofondirai donc pas mais la solution suggeacutereacutee devrait permettre douvrir le
systegraveme de Peirce en lui donnant de nouvelles possibiliteacutes de penseacutee
40
132 Seacutemiotique theacuteorie des signes
La seacutemiotique ou logique de Peirce est une science des signes cherchant les
conditions formelles de la signification vraie de la repreacutesentation adeacutequate de la reacutealiteacute
par des signes La penseacutee seffectuant par signes la seacutemiotique occupe une place
centrale dans lordre des sciences heuristiques Elle comporte trois branches la
grammaire speacuteculative qui deacutecrit la constitution mecircme du signe distingue ses
diffeacuterents types et organise ceux-ci en classes la logique critique qui analyse plus
speacutecitiquement les arguments et permet ainsi de juger de leur validiteacute ou leur degreacute de
force et la meacutethodeutique qui eacutetudie les conditions de la production de signes Je
preacutesenterai dans cette section la seacutemiotique en me concentrant sur la grammaire
speacuteculati ve qu i en consti tue la partie la plus inteacuteressante en ce qui concerne leacutetude de
leacutecriture mais je la relierai tout de mecircme par la suite agrave la logique critique et la
meacutethodeutique en palticulier agrave la doctrine du pragmatisme
Quest-ce quun signe La seacutem iotique en tan t que grammaire speacuteculative
reprend le motif structurel des cateacutegories et sa deacutetinition du signe est donc triadique
cest-agrave-dire quelle distingue trois termes interdeacutependants et irreacuteductibles de la relation
de signification authentique soit le signe proprement dit lobjet et linterpreacutetant Une
structure est dite laquoauthentiqueraquo lorsquelle respecte lordre hieacuterarchique solidaire sous
tous ses aspects et est de la sorte purement triadique tandis quune structure dont au
moins un aspect quelconque nentre pas dans lordre de la triade est qualifieacutee de
laquodeacutegeacuteneacutereacuteeraquo Peirce dans une de ses formules les plus claires deacutetinit le signe
formellement comme suit
A Sign or Representomen is a First which stands in such a genuine triadic relation
ta a Secancl called its Object as ta be capable of detennining a Third called its
Interpretant ta assume the same triadic relation to its Object in which it stands
itself ta the same Object The triadic relation is genlline that is its three members
are bauncl tagether by it in a way that does nat consist in any complexus of dyadic
le base pour lessentiel mon c-poseacute de la seacutemiotique sur celui dc Liszka (1996) mais cn deacuteveloppe eacute1utremenlla panic meacutelhoc1eutique que je relie plus direclenleacutenl ugrave la doctrine du pragmatisme
41
relations (EP2 272-3 1903)
Dans ses premiers eacutecrits seacutemiotiques Peirce distingue le signe de son
fondement (grollnd degraves la laquoNew List of Categoriesraquo EP 1 1-10 1867) Le fiJndel7len
du signe est une forme abstraite qui ne retient que certaines caracteacuteristiques de lobjet
celles agrave partir desquelles la signification se construit Une chose devient donc le
fondement dun signe lorsquelle preacutesente un certain aspect dune autre chose lo~jet
Le signe lui-mecircme peut ecirctre pris dans un sens plus large comprenant linstantiation
mateacuterielle et la relation aux autres composantes de la signitication Le tenlle
laquofondementraquo nest plus employeacute dans les derniers eacutecrits mais la preacutesentation dune
forme particuliegravere de lobjet est toujours sous-entendue ainsi dans cet extrait dune
lettre agrave Lady Welby laquo1 use the word --Sign-- in the widest sense for any medium for
the communication or extension of a Form (or feature)) (SampS 196 1906) Le terme
laquorepreacutesentamenraquo est utiliseacute quant agrave lui par lauteur agrave une certaine eacutepoque (voir la
citation ci-dessus de 1903) dans un sens plus large que le signe non limiteacute agrave la
repreacutesentation mentale La deacutefinition du signe tinira cependant par englober ce sens
eacutelargi lillustration par la reacutefeacuterence agrave la repreacutesentation mentale humaine servant
seulement agrave faire comprendre la conception (ce nest quun laquopot de vin agrave Cerbegravereraquo dit
Peirce EP2 478 1908) Lobjet est dautre paria chose correacuteleacutee avec le signe ce dont
le signe tient lieu dans la reacutealiteacute La lieutenance est laspect central de la relation de
sign ification consti tuant le signe dugrave agrave son mode decirctre actuel cest bien parce que
deux choses existant individuellement dans la reacutealiteacute actuelle occupent des positions
deacutetermineacutees et ne peuvent sidentitier parfaitement lune agrave lautre que lune le signe
tient lieu de lautre Iobjet atin de la repreacutesenter tagravece agrave une troisiegraveme chose
(linterpreacutetant) Toutefois des possibiliteacutes et des lois neacutecessaires peuvent aussi servir
dobjets en ce sens quelles deacuteterminent alors de leur propre point de vue modal la
repreacutesentation que le signe en donne au sein de la reacutealiteacute actuelle De faccedilon geacuteneacuterale
une chose devient donc lobjet dun signe lorsquelle est repreacutesenteacutee par ce signe le
signe eacutetant laquoagrave proposraquo de lobjet et deacuteterm ine la repreacutesentation la torl11e de lobjet
42
contraignant la forme du signe Dans la seacutemiotique plus tardive de Peirce lobjet en
tant quil est repreacutesenteacute par le signe est dit illlllleacutediol et en tant quil deacutetermine la
repreacutesentation dYl1olJ7iqllc L inlcrpreacutelol11 est quant agrave lui ce qui est deacutetermineacute par le
signe une autre chose qui devient agrave son tour signe Linterpreacutetation dun signe en un
autre est agrave la Iois un produit un nouveau signe un processus la transformation de la
troisiegraveme chose en signe (la seacutemiose) et un elTet sur lltltinterpregravete)) qui comprend le
signe Linterpreacutetant peut aussi ecirctre consideacutereacute de faccedilon geacuteneacuterale comme une regravegle de
transformation dune chose en un nouveau signe puisque le processus de seacutemiose vise
une certaine tin Une chose devient donc linterpreacutetant dun signe lorsquelle est
deacutetermineacutee par ce signe agrave se transformer en un autre signe repreacutesentant le mecircme objet
selon le mecircme point de vue formel de preacutesentation initiale la production de ce
nouveau signe ayant pour effet dinfluencer un agent interpreacutetant Dans ses derniers
eacutecrits de seacutemiotique Peirce qualifie linterpreacutetant en tant que produit dilJ7l11eacutediul en
tant que processus de dYl1olJ7iqlle et en tant queffet defll1o
Afin dillustrer ces deacutefinitions prenons lexemple suivant de Peirce
Two men are standing on the seashore looking out ta sea One of them says ta the
other That vesser there carries no freighl at ail but only passengers Now if the
other himselL sees no vessel the first information he derives lrom the remark has
for its abject the part of the sea that he c10es see and informs him that a persan
with sharper eyes than his or more trainecl in looking for such things can see il
vesser there and then (hat vesser having been thus introducecl ta his acquaintance
he is prepalecl ta receive the information about it that it carries passengers
exclusively But the sentence as a whole has for the persan supposed no other
abject than that Vith which it tinds him alreacly acquainted (CP 2232 1910)
Le signe dans cet exemple est la proposition eacutechangeacutee entre les deux personnes qui en
son tondement deacutecrit certaines caracteacuteristiques de lobjet repreacutesenteacute dans le discours
cest un navire situeacute agrave tel endroit qui ne transporte nulle cargaison mais seulement
des passagers Lobjet immeacutediat pour celui qui eacutecoute est la partie de la mer quil
entrevoit dans la direction indiqueacutee par le locuteur tandis que lobjet dynamique pour
le mecircme interpregravete est le navire que son compagnon distingue effectivement et au
43
sujet duquel il asserte une proposition L interpreacutetant immeacutediat est agrave son tour lideacutee
du navire que se fait lauditeur alors que linterpreacutetant dynamique est le processus
dinfOlmation auquel est sujet cet interpregravete et que linterpreacutetant [iumlnal est peut-ecirctre
supposons-le la reconnaissance de leacuterudition en matiegravere de navires que le locuteur
espegravere susciter chez son camarade
La grammaire speacuteculative deacuteveloppe aLlSSI une typologie des signes qui [ut
eacutelaboreacutee chez Peirce en plusieurs moments Je nexaminerai ici que la typologie de
1903 (EP2 267-88 et 289-99 1903) qui est la mieux deacuteveloppeacutee et dont je pourrai
par conseacutequent preacutesenter un exposeacute plus coheacuterent Le signe peut prendre diffeacuterents
aspects selon quil est consideacutereacute en soi (en son fondement) dans sa relation agrave lo~iet
ou dans sa relation agrave linterpreacutetant Lanalyse typologique de ces aspects permet de
distinguer trois trichotomies de signes que Peirce distingue de la faccedilon suivante
Signs are divisible by three trichotomies fi lst according as the sign in itself is a
mere quality is an actual existent or is a general law secondly according as the
relation of the sign to its Object consisls in the signs having some character in
itself or in some existential relation to that Object or in its relation to an
Interpretant thirdly according as its Interpretant represents il as a sign of
possibility or as a sign of fact or a sign of reason (EP2 291 1903)
Les aspects que prend le signe lorsque consideacutereacute pour lui-mecircme sont le
qualisigne le sinsigne et le leacutegisigne Ces aspects font reacutefeacuterence agrave des caractegraveres du
signe preacutesents en son fondement qui permettent la construction de la signification Le
signe qui preacutesente avant tout en son fondement une qualiteacute formelle est un qualisigne
Il se maniteste forceacutement dans la reacutealiteacute actuelle agrave travers une existence singuliegravere meacutelis
cest un aspect qualitatifqui domine son fondement et rend la repreacutesentation possible
Par exemple une chose qui devient un signe pour la simple raison quelle possegravede telle
qualiteacute disons decirctre bruyante est un qualisigne (cest bien le type de signe le plus
dinicile agrave illustrer) Le signe dont le fondement preacutesente comme aspect dominant Lin
existant actuel est nommeacuteinsignc Il a forceacutement des qualiteacutes qui rendent sa
44
preacutesentation possible mais cest la manifestation de son fondement dans la reacutealiteacute
actuelle qui importe et permet la repreacutesentation Le tic ou le tac dun meacutetronome en
ce quil marque un temps preacutecis est un sinsigne Si laspect le plus important que le
fondement preacutesente a le caractegravere dune loi une convention ou une habitude alors le
signe est nommeacute leacutegisigne Ce type de signe possegravede aussi des qualiteacutes et se preacutesente
eacutegalement dans un existant actuel mais ce qui importe en son fondement est 1 aspect
conventionnel ou habituel rendant la repreacutesentation possible La manifestation
singuliegravere du leacutegisigne est un sinsigne appeleacute reacuteplique Le tic-tac reacutegulier du
meacutetronome en ce quil donne la cadence agrave suivre dans linterpreacutetation dun morceau
de musique est un leacutegisigne Chacun de ces aspects peut ecirctre preacutesent dans le signe
laspect dominant en son fondement deacuteterminant cependant de quel type de signe il
sagit
Les aspects que prend le signe dans sa relation agrave lobjet sont licocircne lindex et
le symbole Cette division est la plus utile car en lien avec la repleacutesentation du signe
dans la reacutealiteacute actuelle Les trois aspects font ainsi reacutefeacuterence agrave une capaciteacute
repreacutesentative du signe actualiseacutee dans sa mise en relation avec lobjet Nous
retrouvons ici les approches formelle et mateacuterielle dans diffeacuterentes deacutetinitions de ces
types de signe
An con is a Representamen whose Representative Qualily is a Firstness of il as a
First Thal is a CJuality that it heacutelS qlla thing renclers il fit to be Cl Representarnen
An index or Seille (Olwa) is a RepresentClmen whose Representative cheacutelracter
consists in its being an inclividueacutell Seconcl A SymJo is Cl Representarneri whose
Representative Cheacutelrltlcter consists precisely in its being a rule that will delermine its
Interpretant (EP2 273-4 1903)
There are Ihree kincls ofsigns Firstly Ihere are likenesses or icons which serve 10
convey icleas of the lhings lhey represent simply by imitating them Secondly
there are indicatiol1s or indices which show sornething abOlit things on accollnt of
their being physically connected with them Thirclly there are symbos or
general signs which have becoille associated with their rneanings by usage (EP2 5
1894)
4S
Un signe est une icocircne lorsquil preacutesente en son fondement des caractegraveres
similaires agrave des caractegraveres de lobjet Liumlcocircne possegravede ces caractegraveres peu importe
quelle soit mise en relation avec lobjet ou non Toutefois la signification de liumlcocircne
reste vague dans la seule preacutesentation de son tondement et ne se preacutecise que dans la
repreacutesentation actuel le de lobjet Pour que licocircne devienne eHegravectivement le signe de
lobjet leur mise en relation doit donc ecirctre actuelle bien quelle demeure mecircme sans
correacutelation le signe potentiel de lobjet Par exemple une peinture de paysage en ce
quelle ressemble eHegravectivement au paysage quelle deacutepeint est une icocircne Peirce
distingue par ailleurs des sous-types diumlcocircne ou hypoicocircnes selon le genre de
caractegraveres que le signe partage avec lobjet soit liumlmage le diagramme et la meacutetaphore
Limage ressemble agrave son objet en vertu dune similariteacute de qualiteacutes le diagramme
dune similariteacute de relations entre eacuteleacutements de lobjet et de relations entre eacuteleacutements du
signe et la meacutetaphore dune mise en parallegravele avec un troisiegraveme terme non expliciteacute
Un signe est un index lorsquiumll entretient une relation de contiguiumlteacute avec lobjet
Lindex est aussi essentiellement un individu sa signification est deacutetermineacutee et il ne
peut par conseacutequent que montrer lobjet sans rien dire agrave son sujet Un signe ne peut
ecirctre un index que dans sa mise en re lation actuelle avec lobjet Un pronom
deacutemonstratif dans sa fonction deacuteictique en est un exemple dans la langue usuelle Un
signe est finalement un symbole lorsque sa relation agrave lobjet est eacutetablie par une loi une
convention ou une habitude Le symbole donne une signification geacuteneacuterale de lobjet en
appelant agrave linterpreacutetation de la repreacutesentation de lobjet par le signe dans les limites
de la regravegle qui eacutetablit leur relation Pour quun signe soit un symbole il doit donc ecirctre
interpreacuteteacute comme tel et sa mise en relation avec lobjet doit ecirctre actuelle Un mot est
un symbole en ce que sa signification est eacutetablie conventionnellement Peirce
concevait aussi lUnivers comme eacutetant un symbole car il sagit bien dune
interpreacutetation de la reacutealiteacute par sa propre raison
Les aspects que prend le signe dans sa relation agrave linterpreacutetant sont le rhegraveme
le dicisigne (ou proposition) et largument Ces aspects tont reacute1eumlrence au pouvoir que
46
le signe possegravede de deacuteterminer en vue dune certaine fin linterpreacutetation de lobjet en
un nouveau signe linterpreacutetant Le rhegraveme est un signe qui tend agrave deacuteterminer
linterpreacutetation selon des caractegraveres qualitatifs La compreacutehension du rhegraveme est
preacuteciseacutee mais son extension reste indeacutetermineacutee La signitication du rhegraveme est par
conseacutequent vague Le rhegraveme peut veacutehiculer de linformation mais nest pas interpreacuteteacute
comme tel Il nest ni vrai ni faux ne faisant que preacutesenter des caractegraveres possiblement
attribuables agrave lobjet Cest donc un signe compris comme repreacutesentant seulement des
caractegraveres de Imiddotobjet Un exemple de rhegraveme serait un preacutedicat logique ou plus
exactement chez Peirce une proposition dont a enleveacute les sujets logiques reacutefeacuterant agrave
des objets dans le monde Le dicisigne est un signe qui veacutehicule dans la reacutealiteacute actuelle
de linformation vraie ou fausse par rapport agrave lobjet 1 relie la compreacutehension du
signe agrave une extension deacutetermineacutee dans lactualiteacute indiquant de la sorte seacutepareacutement quel
est son objet (EP2 308 1904) Cest donc un signe compris comme repreacutesentant
lobjet dans la reacutealiteacute actuelle Le paradigme du dicisigne est une proposition telle que
laquoSocrate est un hommeraquo Largument est quant agrave lui un signe qui fournit une regravegle
dinterpreacutetation agrave dautres signes JI montre seacutepareacutement quel est son interpreacutetant tinal
celui qui est viseacute par la repreacutesentation (EP2 308 1904) 1 peut toutefois ecirctre
appliqueacute agrave diffeumlrents signes La signification veacutehiculeacutee par largument est de la sorte
geacuteneacuterale puisque lextension agrave donner agrave ce signe sa porteacutee sur dautres signes reste
indeacutetermineacutee bien que limiteacutee par la regravegle dinterpreacutetation Largument est donc un
signe compris comme repreacutesentant lobjet en tant que signe sujet agrave linterpreacutetation Un
argument constitueacute de plusieurs propositions conjointes dans une chaicircne dinteumlrence
en est un exemple commun
Les types ou aspects du signe regroupeacutes dans les trois trichotomies
preacuteceacutedentes peuvent de plus ecirctre combineacutes en difleumlrentes classes Deux regravegles
formelles de combinaison sappliquent une regravegle de composition selon laquelle
lordre triadique du signe doit ecirctre respecteacute ainsi chaque classe doit comporter un
type de chaque lrichotomie correspondant chacune agrave une composante de la relation de
47
signification et une regravegle de qualification selon laquelle le principe de deacutependance non
reacuteciproque des cateacutegories correspondant aux trois trichotomies doit aussi ecirctre
respecteacute La combinaison des types selon ces deux regravegles formelles permet de produire
dix classes de signes qui sont (EP2 296 1903)
1 les qUCllisignes iconiques rheacutematiques
2 les sinsignes icuniques rheacutematiques
3 les sinsignes indexicCl7lx rheacutel1lotiques
4 les Imiddotinsignes indexicau dicents
5 les leacutegisignes iconiques rheacutematiques
6 les Leacutegisignes indexicCl7lx rheacutematiques
7 les leacutegisignes indexicoux dicenls
8 les leacutegisignes sY7boliques lheacutematiques
9 les leacutegisignes IYlllboliques dicents
10 les leacutegisignes symboliques urgulllenls
Cette classification doit toutefois ecirctre nuanceacutee Comme partout ailleurs dans le
systegraveme de Peirce tout dans la classification est une alTaire de degreacute de point de vue
et certains aspects du signe (indiqueacutes en italiques) dominent par conseacutequent chaque
classe Les dix classes de signe sont aussi contraintes par leur situation dans la reacutealiteacute
actuelle Tout signe se manifeste actuellement en tant quindividu et donc dans un
sinsigne quil sagisse dun de ses aspects dominants ou non Chaque aspect inclut de
plus le ou les aspects qui lui sont pheacutenomeacutenologiquement anteacuterieurs selon ordre des
cateacutegories Les classes de rang supeacuterieur (vers 10) incluent par conseacutequent
directement ou indirectement les classes de rang infugraveieur (vers 1) La classification
demeure ainsi lloue dans son application car elle ne seacutelectionne agrave travers ses
opeacuterations c1abstraction que certains traits du signe et conserve degraves lors toujours une
part d opaci teacute d aspects non repreacutesen teacutes ou repreacutesenteacutes de faccedilon inadeacuteq uate
Jillustrerai certai nes de ces classes lorsq ueiumlappl iq uera i la leccedilon de la seacutelll iotique agrave la
science de leacutecriture au second chapitre
48
La logique critique analyse le raisonnement ou plus preacuteciseacutement les signes qui
informent la penseacutee cest-agrave-dire les leacutegisignes les symboles les dicisignes et les
arguments Elle sinteacuteresse aux signes en tant quils veacutehiculent la signification vraie La
veacuteriteacute appartient proprement aux propositions des symboles dicents mais nest
eacuteventuellement atteinte que dans largumentation la convergence de linfeumlrence valide
vers la repreacutesentation adeacutequate de la reacutealiteacute alors que la pleine conseacutequence des
arguments valides baseacutes sur des propositions vraies est ultimement comprise La
logique critique soccupe donc avant tout de linreumlrence valide et repreacutesente en cela
une theacuteorie de linteumlrence Elle distingue trois types dinfeumlrence eacuteleacutementaires
labduction l i nd uction et la deacuted uction qui entrent en com posi tion dans le processus
du raison nement
Labduction et linduction sont des types dinfeacuterence ampliatifs en ce quelles
augmentent la quantiteacute dinformation veacutehiculeacutee par les signes La deacuteduction est plutocirct
un type dinfeacuterence explicatif elle modifie lextension ou la compreacutehension des signes
sans changer la quantiteacute dinformation veacutehiculeacutee La notion dabduction est lune des
contributions les plus originales de Peirce agrave la logique bien quil la fasse remonter agrave
Aristote (EP2 205 1903) Il a dabord lui-mecircme deacuteveloppeacute cette notion sous le nom
dlaquohypothegraveseraquo puis eacuteventuellement sous les noms de laquoreacutetroductionraquo et
dlaquoabductionraquo Lahdllclio1 est essentiellement ladoption dune hypothegravese Elle
suggegravere que quelque chose puisse ecirctre le cas selon certains reacutesultats qui deacutecouleraient
alors dune certaine regravegle Elle est donc le seul type dinfeacuterence eacuteleacutementaire qui
introduit une nouvelle ideacutee dans le raisonnement Elle nest aussi que provisoire
devant ensuite ecirctre confirmeacutee par expeacuterimentation Peirce en reconstruit largument
comme suit en deux formulations diffeumlrentes
RlIle-AII the beans From this bag are while
Reslllt-These beans are white
Case-These beans are From this bag
(EPI 1881878)
49
The surprising ~act c is observed
But if ri were true C woulcl be a matter of course
Hence there is reason 10 suspect that A is true
(EP2 2311903)
Linduction donne plutocirct de la valeur agrave un ensemble de signes deacutejagrave perccedilus Elle eacutetablit
de la sOlte une regravegle permettant de rendre compte de certains reacutesultats observeacutes dans
un celtain cas Elle montre que cette regravegle est actuellement opeacuterante dans le cas
consideacutereacute selon les reacutesultats observeacutes Elle donne donc torce de loi agrave la reacutegulariteacute
Peirce fournit pour illustrer linduction lexemple suivant
Case-These beans are From this bag
Result-These beans are white
middotRule-AII the beans from this bag are white
(EP 1 188 1878)
La deacuteduction eacutelabore quant agrave elle les conseacutequences neacutecessaires dune hypothegravese Elle
prouve que certains reacutesultats doivent neacutecessairement deacutecouler dun certain cas en
vertu dune celtaine regravegle Peirce illustre la deacuteduction agrave raide de lexemple suivant
RuJe-AIl the beans frolll this bag are white
Case-These beans are From this bag
middotResult-These beans are white
(EP 1 188 1878)
Le processus du raisonnement est essentiellement composeacute de ces trois types
dinfeumlrence Le raisonnement scientifique en particulier commence typiquement par
une abduction qui est justifieacutee lorsquagrave peacutelrtir de lhypothegravese suggeacuteleacutee la deacuteduction
peut tirer des preacutedictions qui seront agrave leur tour veacuterifieacutees dans lexpeacuterience par
induction (EP2 216 1903) Il Y dautres types de raisonnement par exemple
lextension la restriction la geacuteneacutereacutell isation (ou oscent) et leacutel speacutec ification (ou descent)
mais ceux-ci sont deacuteriveacutes des trois types eacuteleacutementaires Jy reviendrai dans le second
chapitre lorsque janalysereacuteli Iappliceacuteltion des concepts seacutemiotiques agrave la science de
eacutecriture
50
La meacutethodeutique sinteacuteresse agrave la production de signes el trouve sa
rormulation paradigmatique dans la doctrine du pragmatisme Le retour sur cene
doctrine peut maintenant compleacuteter lexamen de la seacutemiotique et permettre den
approfondir davantage la compreacutehension La seacutemiotique se deacuteveloppe
systeacutematiquement en une meacutethodologie de la recherche Elle c10it alors indiquer au
scientifique commellt faire pour penser avec les signes quel type de processus
diumlnfeacuterence engager Mais nous avons vu par ailleurs quau niveau de la signification
mecircme dans le processus de seacutemiose une fin ultime est aussi envisageacutee
Semblablement la meacutethodeutique doit suggeacuterer un dessein geacuteneacuteral au processus
diumlnfeacuterence qui lui serve de principe directeur et en constitue leffet eacuteventuel Le
pragmatisme suggegravere par conseacutequent lhypothegravese selon laquelle la signiliumlcation c1un
signe reacuteside dans lensemble de ses effets env isageables Il propose de su ivre une
abduction al1n dengager le raisonnement dans une chaicircne diumln~eumlrences qui en tant que
meacutethode proprement scientifique puisse reacuteellement mener agrave la veacuteriteacute agrave ladeacutequation
de la raison au reacuteel Il repreacutesente donc le couronnement de la seacutemiotique qui en vient agrave
controcircler ses raisonnements selon ses propres principes constitutifs Le preacutecepte du
pragmatisme nen demeure pas moins tagraveillible et agrave veacuteritier dans lactualiteacute ce qui fait
de la seacutemiotique une veacuteritable science expeacuterimentale et philosophique une activiteacute qui
confronte la reacutealiteacute actuelle telle que repreacutesenteacutee dans lexpeacuterience commune Cest
bien la leccedilon de la seacutemiotique qui prouve ultimement le pragmatisme car cest sur elle
quiumll se tonde
The word pragillatism was invented ta express a certain Illaxim of logie whieh as
was shawn at its tirst enouneel1lent invoives a who1e system of phiiosophy This
maxim is put forth neilher as a hancly tool to serve so far as it may be found
serviceable nor as a self-eviclent truth but as a far-reaching theorem solidly
grounded upon an elaborate study of the nature ofsigns (CP 81911904)
51
1321 Seacutemiotique et notation logique
Le deacuteveloppement de la logique peirceacuteenne prend son point de deacutepart dans
algegravebre logique de Boole et la logique des relations de De Morgan Peirce propose
dans ses premiers articles publieacutes des ameacuteliorations agrave lalgegravebre booleacuteenne et applique
celle-ci agrave la logique des relations (CP 31-191867 CP 345-1491870) dans une
version quil nomme laquologique des relatifsraquo Lors de ses travaux en tant que maicirctre de
confeacuterence agrave luniversiteacute Johns Hopkins de 1879 agrave 1883 il introduit avec son eacutelegraveve
Oscar Mitchell (et indeacutependamment de Frege) la quantification dans la logique des
propositions produisant un systegraveme de logique eacutequivalent agrave la logique des preacutedicats
du premier ordre avec identiteacute (CP 3328-58 1883 CP 3359-403 1885) Il eacutelabore
ensuite un nouveau systegraveme de notation graphique les graphes existentiels
permettant lextension de sa logique aux preacutedicats du deuxiegraveme ordre et aux modaliteacutes
(CP 3456-552 1897 CP 4347-584 1903-1906) Il favorise degraves lors la notation
graphique de la logique sur laquelle il travaillera jusquagrave la fin de sa vie deacuteveloppant
une logique philosophique en continuiteacute avec la seacutemiotique et le pragmatisme
Plusieurs autres deacuteveloppements de la logique de Peirce confirment son rocircle de
pionnier de la logique moderne bien quils soient resteacutes inaperccedilus jusquagrave reacutecemment
dont notamment la conception dune logique agrave trois valeurs de veacuteriteacute et dune logique agrave
opeacuterateur unique (barre de SchefTer) de mecircme que la deacutecouverte du lien agrave la base de la
computation en informatique entre les fonctions de veacuteriteacute et le fonctionnement des
circuits eacutelectriques La preacutesentation du systegraveme des graphes existentiels eacutevoque par
ailleurs la seacutemantique des jeux contemporaine et la theacuteorie des modegraveles par son
utilisation de personnages conceptuels en dialogue clans un univers du discours
alteacuterable Je minteacuteresserai cependant avant tout dans cette section aux graphes
existentiels et ce quils repreacutesentent comme deacuteveloppement de la notation logique un
type de systegraveme deacutecriture propre au langage formel de la logique
L eacutelaboration des graphes existentiels repreacutesente lin deacuteveloppement majeur
52
dans lhistoire de la logique de Peirce que nous poulTlons appeler son laquotournant
seacutem iotiqueraquo Il 1nsatisfa it par laspect sym bol iq ue de la notation a19eacutebrique de la
logique Peirce cherche agrave eacutelaborer une notation qui soit davantage iconique refleacutetant le
mode de repreacutesentation le plus eacuteleacutementaire de linfeacuterence logique Degraves 1882 il
commence agrave deacutevelopper une notation diagrammatique sinspirant probablement des
travaux de ses collegravegues agrave Johns Hopkins James J Sylvester et William K Clifford
qui utilisaient deacutejagrave des diagrammes chimiques pour repreacutesenter des invariants
algeacutebriques Un essai similaire par Alfred Bray Kempe publieacute en 1886 le pousse agrave
poursuivre ses recherches sur la notation diagrammatique surtout de 1889 agrave 1896 ce
qui megravenera agrave la publication en 1897 dun article sur la logique des relatifs utilisant
une notation diagrammatique (CP 3456-552 1897) quil appellera plus tard
reacutetrospectivement les laquographes dentiteacuteraquo (enlilolive grophI) Certaines caracteacuteristiques
cie la logique algeacutebrique rendaient lexpression des propositions existentielles difficile
et la quantification universelle seacutetait alors imposeacutee naturellement comme plus
fondamentale la quantification existentielle eacutetant deacutefinie par deacuterivation Dans les
graphes dentiteacute les deux types de quantification prennent une importance eacutegale leur
deacutefinition reacuteciproque eacutetant rendue plus explicite par la repreacutesentation graphique Les
signes deacutesignent clairement des propositions et non des classes et lopeacuteration de
disjonction avec la neacutegation remplace la relation transitive dinclusion utiliseacutee dans la
logique algeacutebrique La juxtaposi tion de termes su r une feu iIle d asseltion repreacutesen te la
disjonction lencerclement dun terme sa neacutegation et un point ou une ligne relieacutee agrave
des termes la relation entre ceux-ci Peirce ne resta cependant pas longtemps satisfait
par les graphes dentiteacute el rapidement apregraves la publication de larticle de 1897 la
duale de ce systegraveme les graphes existentiels simposa constituant la base deacute1initive
de la notation diagrammatique que Pe irce deacuteve loppa et ra tli na jusquagrave la fin de sa vie
Les graphes existentiels prennent ainsi pour connecteur primitif la conjonction avec la
neacutegation et pour quantification implicite et fondamentale la quantification
existentielle agrave partir de laquelle la quantification universelle est deacuteriveacutee La
juxtaposition de termes en vient agrave repreacutesenter la conjonction et lexistence est
Il I)es exemples de grlphcs S0l11 ()Uliumllis iJ 1I1ncc
53
reconnue implicitement par la seule preacutesence de la feuille dassertion comme univers
du discours agrave deacuteterminer par des inscriptions
Peirce preacutesenta dabord Je systegraveme des graphes existentiels en parties Alpha
Beta et Gamma correspondant respectivement agrave la logique des propositions la
logique des preacutedicats du premier ordre et leurs extensions dans la logique des preacutedicats
du deuxiegraveme ordre et la logique modale (CP 4394-5291903) Il deacuteveloppa par la suite
une approche unifieacutee ou les parties ne sont plus distingueacutees les principes
fondamentaux de la logique deacuteductive eacutetant les mecircmes dans les di fleumlrentes versions
deacuteveloppeacutees et ne faisant que se complexifier (CP 4530-72 1906) le retiendrai
lapproche par parties puisque cest celle que les commentateurs ont deacuteveloppeacutee en
la torrilalisant dans le sens de laxiomatisation de la logique contemporaine La
preacutesentation du systegraveme des graphes existentiels chez Peirce suit un ordre semblable agrave
celui de l ax iomatisation de la logique moderne Elle n est pas agrave proprement dit
axiomatiseacutee mais su it un ord re rigoureux deacutemontrant un certa in degreacute de forma 1isation
Un vocabulaire est tout dabord eacutetabli puis des regravegles de formation (deacutefinitions) sont
formuleacutees de mecircme que des regravegles de transformation (regravegles diumlnfeumlrence) Il ny a pas
vraiment daxiome dans les graphes existentiels si ce nest que la teuille dassertion
sert de point de deacutepart agrave lanalyse cest-agrave-dire quune inscription Sur la feuille de
travail repreacutesente une assertion dans lunivers du discours quantifieacutee existentiellement
de fagraveccedilon implicite Le travail danalyse consistera agrave traduire les arguments du discours
dans la notation des graphes existentiels deacutecouvrant ainsi les inteumlrences les plus
simples du raisonnement puis agrave etfectuer des transformations sur les graphes pour en
tirer des conclusions quant aux conseacutequences possibles du raisonnement
La partie Alpha repreacutesente la logique des propositions non analyseacutees Il est
inteacuteressant de noter que la quantitication implicite par la situation dans un univers du
discours vague agrave deacuteterminer par des assenions implique eacutegalement lanalyse
l ~I preacutesenl8tion lorl11elle de 1~I s nllse d 1 1phu et ~3et1 selon Sh in (2002) l110d i lieacutee est lltllIrn ie en lnncse
54
potentielle des propositions Alpha megravene agrave Beta et les deux parties sont mecircme
eacuteventuellement unifieacutees en un seul systegraveme Le voceacutelbulaire dAlpha est composeacute de
symboles propositionnels de leacutel coupure (C1I1 symbolique) et implicitement de la
juxtaposition (quasi-iconique) Les regravegles de transformation comprennent trois
opeacuterations possibles portant sur le vocabulaire eacuteleacutementaire qui repreacutesentent les
opeacuterations rondamenteacutelles de la logique deacuteductive Ces trois eacutetapes du raisonnement
sont deacutefinies dans Ialticle laquoSymbolic Logicraquo du dictionneacutelire Baldwin comme eacuteteacutelnt la
reacuteunion (Coligoliol1) liteacuteration et leffacement (CP 4372-93 1902) Elles sont
ailleurs deacutefinies sommairement comme suit
[Deductive reasoning] 1 have ascertainecl can be reduced to three kinds of steps
The first consists in copulating separate propositions into one compound
proposition The seconcl consists in omitting something Irom a proposition
withollt possibility of introdllcing errol The third consists in inserting something
into a proposition witholll introdllcing error (EP2 213 1903)
La partie Beteacutel du systegraveme repreacutesente leacutel logique des propositions analyseacutees ou
logique des preacutedicats du premier ordre et constitue une extension dAlpha dont
Iajout principal du point de vue notationnel est la ligne didentiteacute La preacutesentation
formelle du systegraveme doit donc en plus treacuteliter des modifications de graphes avec ligne
d identi teacute Le voceacutelbuleacutelire de Beta est com poseacute de sym bo les de sujets de la coupu re
(symbolique) de la ligne didentiteacute (iconique) et implicitement de la juxtaposition
(quasi-iconique) Les regravegles de transformeacuteltion sont modifieacutees afin de comprendre la
ligne didentiteacute mais comportent toujours les trois opeacuterations fondeacutelmentales Les
opeacuterations suppleacutementeacutelires consistent agrave joindre ou disjoindre les lignes didentiteacute agrave en
dessiner ou en effacer et agrave les eacuteliionger ou les reacutetracter agrave travers les aires deacutefinies par les
cou pures ce qui ne consti tue quune extension des trois opeacuterations fondamenta les
Les commentateurs (Roberts 1973 Shin 2002) interpregravetent les symboles de
Beta comme des preacutediceacutelts (Shin les nomme prcdicolcSYl1lbos) mais il sagit bien
plutocirct de sujets alors que la ligne didentiteacute repreacutesente le preacutediceacutelt geacuteneacutereacutell de la
55
proposition analyseacutee en ses eacuteleacutements les plus simples la relation didentiteacute Cette
ideacutee essentielle agrave la logique de Peirce est une innovation de sa logique des relations
(voir entre autres CP 3467 1897 CP 4403-8 1903 EP2 208-25 J903) Lanalyse
logique par les graphes existentiels est sous cet aspect la duale visuelle de lanalyse
seacutemiotique plus informelle en termes de rhegraveme proposition et argument (le rhegraveme
eacutetant alors une proposition dont les sujets logiques sont remplaceacutes par des espaces
vides ne montrant ainsi que la relation preacutedicative subsistante)
Les deux principaux aspects seacutem iotiques de la notation algeacutebrique sont sa
symboliciteacute soit que la signification est deacutetermineacutee par convention et sa lineacuteariteacute qui
repreacutesente une surdeacutetermination de la notation dun point de vue iconique Lalgegravebre
est constitueacutee dune seacuterie de symboles dont il faut apprendre le sens qui leur a eacuteteacute
assigneacute de faccedilon arbitraire La compreacutehension de la notation algeacutebrique demande donc
un investissement suppleacutementaire de la part de linterpregravete dont la propre intention
de mecircme que celle du signe ne sufiisent pas De plus 18 quanti fication existentielle est
plus ditlicile agrave repreacutesenter que luniverselle dans lalgegravebre logique agrave cause du caractegravere
symbolique de la notation D8ns lalgegravebre de la logique la signification est assigneacutee par
convention aux termes de la notation exprimant lideacutee que la regravegle impose la
signification avec necessiteacute La quantification universelle en deacuteterminant lextension
entiegravere dune variable implique de faccedilon analogue que la signific8tion soit assigneacutee agrave la
variable neacutecessairementVx (Fx) F(x) 1 1 F(x) La symboliciteacute du symbole l 1
repreacutesente en quelque sorte un diagramme de luniversaliteacute de la quantification
universelle La quantification existentielle implique plutocirct quil puisse y avoir
plusieurs significations possibles assigneacutees agrave la variable dont au moins une satisfait agrave
la proposition 3x (Fx) F(x) V V F(x) La deacutefinition reacuteciproque nest pas non=1 n
plus eacutevidente dans la notation algeacutebrique car la porteacutee des quanti [icateurs en tant que
symboles est deacutetermineacutee de faccedilon arbitraire par convention Laspect symbolique
bien queacutetant peu eacuteconomique au niveau cognitit~ permet toutefois une assignation
preacutecise de la signi fication aux termes de la notation
56
La notation algeacutebrique comporte aussi dans sa lineacuteariteacute un aspect iconique
contingent qui impose des contraintes suppleacutementaires agrave liumlnterpreacutetation Lordre
syntaxique surdeacutetennine la seacutemantique et il faut par conseacutequent la corriger en ajoutant
des regravegles diumlnfeacuterence suppleacutementaires Par exemple dans le cas de lopeacuteration de
conjonction (p A q) lordre lineacuteaire de la formule imposeacute par la notation constitue
une contrainte non neacutecessaire quil faut corriger en ajoutant une regravegle dinfeumlrence
explicitant la commutativiteacute de lopeacuteration (p A q) (q A p) Il en est de mecircme
pour la reacuteiteacuteration des variables dans les formules quantifieacutees Par cxemple dans la
formule existentiellement quantifieacutee 3x (Fx A Gx) la notation algeacutebrique lineacuteaire
contraint agrave reacutepeacuteter dans une Illecircmeformule plusieurs occurrences de la variable x qui
ne deacutesigne dans les fagraveits quun seul type de variable La regravegle implicite consiste ici agrave
distinguer les occurrences particuliegraveres de la variable de leur type geacuteneacuteral
Sous laspect symbolique fort et la surdeacutetermination iconique se trouvent
cependan t c1es aspects diagrammatiques plus fondamentaux qu i partic ipent de lagraveccedilon
adeacutequate agrave la signification Le deacutecoupage visuel opeacutereacute par lalgegravebre est plus net que
clans le langage informel de la langue usuelle et repreacutesente de faccedilon plus adeacutequate la
structure logique du langage Les preacutedicats F et G sont ainsi nettement distingueacutes du
sujet logique repreacutesenteacute par la variable x ce qui permet lanalogie entre les relations
propres agrave la structure logique de la proposition analyseacutee et les relations entre termes
de la not3tion logique Laspect iconique simplifie la mise en relation dela notation et
du langage et augmente en ce sens lefficaciteacute de la notation dans sa fonction de
repreacutesentation
Compareacutee agrave la notation algeacutebrique la notation logique des graphes existentiels
exploite plus agrave fond les difteumlrents aspects de la repreacutesentation distingueacutes par la
seacutemiotique en tant que grammaire speacuteculative Le systegraveme des graphes existentiels est
un systegraveme de repreacutesentdtion heacuteteacuterogegravene cest-agrave-dire quiumll fait appel agrave plusieurs
aspects clu signe dans sa relation agrave lobjet il est agrave la fois iconique et symbolique Dans
57
le deacuteveloppement de sa not8tion logique et mecircme dans le passage des graphes dentiteacute
aux gr8phes existentiels Peirce transform8 des eacuteleacutements symboliques en eacuteleacutements
iconiques mais non Jinverse Il tendait donc vers une repreacutesentation davant8ge
iconique de 18 logique
Certains aspects des graphes existentiels sont imparJagraveitement iconiques La
juxtaposition de propositions sur une feuille d8ssertion repreacutesente la conjonction de
ces propositions Elle ressemble fortement il 18 conjonction de deux objets dans le
monde actuel mais le caractegravere neacutecessaire de la conjonction comme opeacuteration logique
nest pas repreacutesenteacute et la notation par juxt8position est donc 8umieux quasi iconique
La notation de la neacutegation par encerclement est suggestive dune discontinuiteacute par
rapport au reste de lunivers du discours surtout dans son interpreacutet8tion comme
laquocoupureraquo mais reste principalement symbolique car le lien effectueacute avec la neacutegation
logique demeure contingent Liconiciteacute est surtout preacutesente dans la notation du
preacutedicat logique par une ligne didentiteacute dans 18 notation dune 8ssertion quantifieacutee
existentiellement de faccedilon implicite au sein de lunivers du discours par linscription
dun graphe sur la feuille dassertion et dans lexpression de la porteacutee des
quantificateurs soit leur ordre dapplication dans la notation algeacutebrique
Les relations sont plus difficiles agrave repreacutesenter dans un systegraveme graphique que
les proprieacuteteacutes Les diagrammes de Venn par exemple ne permettent pas de
repreacutesenter des relations mais seulement des proprieacuteteacutes Peirce a donc creacuteeacute le signe de
la ligne didentiteacute afin de repreacutesenter gr8phiquement des relations La relation
didentiteacute dun individu 8vec lui-mecircme est repreacutesenteacutee de faccedilon iconique par la
continuiteacute de la ligne didentiteacute Luniciteacute de lune renvoie agrave luniciteacute de lautre Cette
caracteacuteristique permet deacuteviter la reacuteiteacuteration des variables tcl que le neacutecessite
inadeacutequ8tement lalgegravebre logique I~a quantific8tion existentielle est repreacutesenteacutee
implicitement de fagraveccedilon iconique par la seule p-eacutesence dune fcuille dassertion dont
lespace deacutecriture est agrave deacuteterminer par des inscriptions de la mecircme faccedilon que
S8
lunivers du discours est agrave deacuteterminer par des assertions et des mises en relation
Lordre de porteacutee des ditTeacuterents quantiticateurs est repreacutesenteacute iconiquelllent ugrave laide
dune proprieacuteteacute topologique de la notation graphique moins la partie exteacuterieure dune
1igne didentiteacute est encerc leacutee p lus large est la porteacutee de la 1igne Il sensu it un princ ipe
de lecture laquoendoporeutiqueraquo de lexteacuterieur du graphe vers linteacuterieur de la ligne
didentiteacute de plus grande porteacutee ugrave celle de moindre porteacutee
La lecture endoporeutique peut ecirctre lourde car elle sapplique agrave tous les
deacutetails rencontreacutes dans la lecture elle-mecircme contrainte par un ordre imposeacute Elle est
simplifieacutee par une lecture de forme normale neacutegative qui reacuteduit la formule ugrave des
neacutegations de propositions et non dopeacuterations et par la lecture des rouleaux (scro)
comme conditionnels (voir lannexe 1) Peirce ne cherche cependant pas ugrave eacuteliminer des
eacutetapes dans la lecture et favorise lapproche endoporeutique car il conccediloit la logique
comme une analyse du raisonnement et non un calcul La logique doit analyser le
raisonnement en ses plus petits eacuteleacutements des arguments aux propositions aux termes
eacuteleacutementaires de linfeacuterence (les rhegravemes) La notation logique la plus adeacutequate
repreacutesente le raisonnement ugrave laide des signes les plus simples les icocircnes et non
seulement des indices ou des symboles Le caractegravere principal du raisonnement comme
processus actuel eacutetant de plus la relation lhypoicocircne le plus adeacutequat est donc le
diagramm e
En tin de com pte le mei lieur systegraveme de repreacutesen tation sera it heacuteteacuterogegravene
Ainsi liconiciteacute permet une repreacutesentation agrave un niveau plus intuitif et rend le
systegraveme de repreacutesentation plus efticace Elle laisse cependant une possibiliteacute derreur
dans linterpreacutetation car lassignation intuitive de la signitication est vague impreacutecise
La symboliciteacute permet une plus grande preacutecision car la relation de signification est
tixeacutee par des conventions arbitraires (stipulation) qui contrecarrent nos intuitions
pouvant fausser la repreacutesentation La symboliciteacute permet de la sOlte une geacuteneacuteralisation
rigoureuse de linterpreacutetation Le langage symbolique est eacutegalement plus tagravecile agrave
59
formaliser pUisque les regravegles syntaxiques et seacutemantiques sont stipuleacutees Il felUt
toutefois apprendre les symboles ce qui implique un plus grand investissement de 13
p8rt de linterpregravete Le jeu est agrave faire entre lintuition de liconique et ]3 preacutecision du
symbolique dans un systegraveme de repreacutesent3tion f3isant 3ppel aux deux 3spects du
signe selon les buts que on assigne au systegraveme de repreacutesentation Un examen des
aspects mod3ux de la signification est eacutegalement eacuteclairant Dans le passage de lalgegravebre
logique 3UX gr3phes existentiels Peirce a eacutelimineacute les regravegles suppleacutement3ires
contingentes du symbole inadeacutequat (lalgegravebre ineacute3ire) pour ne gmder que les regravegles
neacutecessaires du symbole adeacutequat (le voc3bulaire eacuteeacutement3ire des graphes) La
contingence du symbole in3deacutequ3t deacutecoulait plus fondamentalement de limpossibiliteacute
de son aspect iconique sous-jacent (les contr3intes de la lineacuteariteacute limpossibiliteacute de
repreacutesenter des qualiteacutes de lobjet par ces qualiteacutes clu signe) La repreacutesentation la plus
adeacutequate dun objet 3ctuel exploite donc les mod31iteacutes positives regravegles neacutecessaires du
symbole qU31iteacutes possibles de licocircne et cherche agrave eacuteviter les modaliteacutes neacutegatives
regravegles contingentes du symbole qualiteacutes impossibles de licocircne l
Dans le cadre de la logique peirceacuteenne la notation logique doit permettre de
deacutecomposer les arguments en leurs termes eacuteleacutementaires et laspect iconique est donc le
plus important cm il permet de fagraveire ressortir le niveau le plus intuitif du
raisonnement Le diagr3l11me en p3rticulier permet de repreacutesenter les relations
eacuteleacutementaires agrave la base du processus dinfeacuterence Toutefois il est inteacuteress3nt de noter
que les graphes existentiels se precirctent 3ussi bien au calcul logique Avec peu ou pas
daxiomes un certain nombre de regravegles de translormation pouvant ecirctre reacuteinterpreacuteteacutees
Un ltlutrc cClllrlc hors UU cnurc UC la notation logiquc rcut conlirlllcr plus alanllintuition UCS Illoualileacutes Disons gue ie IllC legravevc cc Illatin cl que const~l~lnt ln tcmreacuteraturc hivermllc UC Montreacute81jc uisc laquol1nT il lilit lroidiraquo Iinterjection middotlhIT lCUL sClllhlcr contingente CZlI iumlai ~lrlllis uans Illa rrOlllC culturc Ugrave cplil11cr Zlinsi Illa lcncontrc avec le [miu (rm cc )IIhoe) et il ncst ras neacutecessaire guune autre relsonne ue culture Liilleacutelcnte ilronaise uisons ScplilllC ainsi VIais celtc erlCssion nest ras que contingClltc ellc est ~Iussi uZlns son caraelegravelC llus ()nualllentai dOIlOIllZltOreacutee (iconiqlle) une rossibiliteacute rhoneacutetique uc Illa langue que lmltrc rerSOllnC Iaromise Ilaurait ru pmllollcel ualls SI rmrre langue le 1 lr~illccedillis (UI ulairc lOuleacutee) n) cistant PIS (plutocirct unc ail eacuteolaire lihlIlte ou
hittue G~) Q tt ~) Lie Illecircllle que la concateacutenation consonncconsonlle (lcnchaIcircnemCllt nOliumllli1 est
(voycllc) consollnCIO) clic saul pour la nasale Iv ct 1IITecirct glotal J)
GO
de mecircme que la possibiliteacute de plusieurs lectures formaliseacutees en algorithme les graphes
existentiels ressemblent agrave un systegraveme de deacuteduction naturelle appliqueacute au calcul Leur
vocabulaire limiteacute permet de saisir facilement lessence du raisonnement par
lexploitation des divers aspects seacutemiotiques de la notation graphique et donc de
reacutefleacutechir agrave la fois sur la logique et de lutiliser Lheacuteteacuterogeacuteneacuteiteacute du systegraveme assure sa
polyvalence Finalement que diverses lectures des graphes permettent de retracer
plusieurs chaicircnes dinfeacuterence et de mieux saisir toute la signification dune proposition
ou dun argument va dans le sens du pragmatisme bien que ce ne soit pas labduction
mecircme qui soit repreacutesenteacutee mais une seacuterie de deacuteductions possibles
2 Seacutenliotique et theacuteorie de leacutecriture
The author (though with no pretension ta being a iinguist)
has fumbled the grammars of many languages in the search
ror a language constructecl at ail in the way in which the
logicians go out or their way ta teach that ail men think
(rOI even if they do sa that has reall) nothing ta cio with
logic) (EP2 285 1903)
Les manuscrits de Peirce contiennent de nombreuses eacutetudes linguistiques (MS
1135-1261) ainsi sur le vocabulaire de la philosophie lorthographe anglaise la
ponctuation etc ce qui teacutemoigne de linteacuterecirct que lauteur portait agrave leacutetude des langues
Sa logique eacuteventuellement deacuteveloppeacutee en seacutem iotiq ue fou rn it aussi des pri nc ipes
tondamentaux aux sciences du langage et constitue en cela une philosophie du langage
Peirce fait lui-mecircme le lien entre la seacutemiotique et leacutetude des langues en illustrant la
premiegravere agrave laide dexemples tireacutes de la seconde tels que des points de grammaire Il
ne siumlnteacuteresse cependant pas au thegraveme de leacutecriture proprement dit bien que ses
consideacuteralions sur lorthographe anglaise sen rapprochent et il revient donc agrave
1iuml nterpregravete de deacuteve lopper dans son travai 1exeacutegeacutetique la seacutem iotique dans le sens d une
science de leacutecriture L application de la seacutemiotique agrave leacutetude de leacutecriture
constituerait dans son moment paradigmatique une theacuteorie de leacutecriture et cest ce
passage dune science agrave lautre que janalyserai et critiquerai dans ce chapitre en tant
que problegraveme speacutecitlque du meacutemoire Lhypothegravese de deacutepart est que la theacuteorie
geacuteneacuterale cles signes fou lIl it les pri nc ipes directeurs cIune eacuteventuelle theacuteorie de
Imiddoteacutecriture Il sagira alors de preacuteciser cette assertion en cherchant les nuances agrave accorder
agrave la geacuteneacuteraliteacute cie la seacutemiotique clans le contexte envisageacute Je tacirccherai pour cela de
deacuteterminer quels concepts cie la grammaire speacuteculative seraient les plus teumlconds pour
une eacutetude de leacutecriture en examinant le cas de leacutecriture japonaise quels types
diumlnteumlrence seraient utiliseacutes dans lapplication de ces concepts agrave lobjet speacutecil-Ique
eacutetuclieacute et en quoi le pragmatisme peut fournir le principe directeur geacuteneacuteral de cette
recherche
62
21 Theacuteories linguistiques de leacutecriture japonaise
La langue japonaise utilise un systegraveme deacutecriture traditionnellement composeacute
de trois types de caractegraveres soit un ensemble de caractegraveres dorigine chinoise les
konji et deux syllabaires de creacuteation japonaise les hirogono et kOlokono nommeacutes
geacuteneacuteriquement kono La langue eacutecrite contemporaine a aussi assimileacute les chiffres arabes
et lalphabet latin le rOcircJ71oji La richesse dans la diversiteacute de ce systegraveme deacutecriture en
fait un objet seacutemiotique particuliegraverement inteacuteressant agrave eacutetudier par la complexiteacute des
relations de signification qui peuvent sy deacutevelopper Je preacutesenterai reacutecriture
JaponaIse en me concentrant selon rapproche geacuteneacuterale de la linguistique sur son
aspect orthographique entendant par la notion dorthographe agrave la fois la construction
des graphegravemes et leur disposition textuelle selon un ensemble de conventions
Lexposeacute fera ressorti l certaines des re lations de sign i lication rendues possi bles par
laspect graphique de leacutecriture japonaise ce qui megravenera agrave lanalyse seacutemiotique
critique de la prochaine section
Le statut des caractegraveres dorigine chinoise en japonais nommeacutes konji fait
lobjet dune poleacutemique aupregraves des linguistes Il sagit de comprendre ce que ces
caractegraveres repreacutesentent exactement mais comme nous le verrons leur signification en
est plutocirct une agrave multiples visages Les caractegraveres dorigine chinoise utiliseacutes dans la
langue japonaise peuvent ainsi ecirctre consideacutereacutes agrave la fois comme des logogrammes
deacutesignant des mots entiers des phonogrammes deacutesignant des uniteacutes de son et des
morphogrammes deacutesignant des morphegravemes La notion dIdeacuteogramme selon laquelle
les caractegraveres repreacutesenteraient chacun une ideacutee est maintenant rejeteacutee (DeFrancis
1984 Unger 2004) r uti 1iserai ic i le terme konji car il possegravede une sign i lication moins
deacutetermineacutee qui renvoie agrave lhistoire plutocirct quagrave la logique de repreacutesentation
II existe quatre grands groupes de konji pictographiques diagrammatiques
63
seacutemantiques composeacutes et phoneacutetico-seacutemantiques Les caractegraveres pictographiques
repreacutesentent leur objet en vertu dune ressemblance graphique avec ce dernier Ils onl
eacuteteacute de plus en plus styliseacutes avec leacutevolution de leacutecriture tout en conservant un lien
eacutetymologique avec leur origine Des exemples de ce type de caractegravere sont ~ ko
enfant 0 kIchi bouche LJ yal71a montagne Les caractegraveres diagrammatiques
lepreacutesentent leur objet dune Faccedilon similaire au premier groupe par une ressemblance
de la relation entre leurs eacuteleacutements graphiques avec les relations propres il la notion
repreacutesenteacutee Des exemples de ce type de caractegravere sont t Ile en haut T lhia en
bas Ces deux groupes de kan)i primitifs sont les moins nombreux de la langue
Japonaise Les kan)i seacutemantiques composeacutes sont quant agrave eux constitueacutes deacuteleacutements
simples dont la combinaison de sens donne la signification de la notion repreacutesenteacutee
par exemple B hi soleil et ~ luki lune donnent BEj mei lumiegravere Les caractegraveres
les plus nombreux sont cependant les kan)i phoneacutetico-seacutemantiques qui comportent agrave
la fois un eacuteleacutement donnant Je son et un ou plusieurs eacuteleacutements donnant le sens Par
exemple le caractegravere repreacutesentant la langue (tIcircanccedilaise japonaise etc) ~g go est
composeacute des eacuteleacutements seacutemantiques sect k mot et 0 kwhi bouche et de leacuteleacutement
phoneacutetique Ji go (cinq mais seul le son est retenu et non le sens)
Les kan)i complexes sont construits par lajout dun ou plusieurs eacuteleacutements
secondaires deacuteterm inants en geacuteneacutera 1les eacuteleacutements seacutemantiq ues il un eacuteleacutemen t pri nci pa 1
deacutetermineacute en geacuteneacuteral leacuteleacutement phoneacutetique Les ditleumlrents types deacuteleacutements
correspondent il difleumlrents lieux dinsertion dans la structure des caractegraveres La
composition des eacuteleacutements secondaires avec leacuteleacutement principal est ainsi reacutegleacutee de fagraveccedilon
il respecter des contraintes dmiddoteacutequidimensionaliteacute Ces contraintes assurent lharmonie
des proportions de leacutecriture Une autre contrainte deacutecriture de tous les types de
Ccttc clilssiliumlciltion contcmroraille est deacuteriveacutec dune CI~lssiliumleltioll traditionnelle chinoise Cil si classes ue earaetegraveles ueacuteiugrave rreacutesellc dalls le 51110 11e17 jie~i dietionll~lilc eacutetymologiquc Jc Xu Shcn Cl8tlllt du Jcuiegraveme siegraveelc ue Ilotre egraverc (Coull11JS 1080 Kcss ct Miyal11oto 10(9) LI lislc ues j()45
k(l7ji usucls dont lcmploi cst lccommJndeacute par le goucrllemclltiapollais cst ()urnic ugrave ImiddotAllncc 2
64
kanji mais aussi des kana est lordre de traccedilage des traits des caractegraveres en geacuteneacuteral de
haut en bas de gauche agrave droite et de lexteacuterieur vers linteacuterieur Finalement les kani
possegravedent deux types de lectures possibles par le son et par le sens chacun pouvant
ecirctre unique ou multiple La lecture par le son eacutequivaut dans une prononciation
japoniseacutee aux mots chinois dorigine chaque caractegravere repreacutesentant une syllabe
chinoise (souvent en mots composeacutes tels que ILjjij hinzocirc lorgane du cœur) tandis
que la lecture par le sens correspond aux mots japonais exprimant ce sens (IL kokoro
cœur esprit acircme) La lecture par le son est particuliegraverement utiliseacutee atin de
construire cie nouveaux mots les mots composeacutes cie plusieurs kani (par exemple tfu
Ficirc~ chi-ka-lelU (chemin de) fer souterrain cest-agrave-dire le meacutetro) qui permettent de
deacutevelopper le lexique de la langue par les ressources graphiques de leacutecriture
Toutefois les diffeumlrentes combinaisons cie lecture (aussi bien que de types deacutecriture)
possibles se retrouvent actuellement dans la langue japonaise eacutecrite Les multiples
lectures possibles contribuent donc agrave la difficulteacute dutilisation de leacutecriture japonaise
tout aussi bien quagrave sa richesse propre en tant queacutecriture lexicalement productive
La difliculteacute de deacuteterm iner exactement ce que deacutesignent les Iwni est eacutegalement
due aux diffeacuterentes possibiliteacutes de lecture Les caractegraveres chinois sont dans leur langue
dorigine des caractegraveres morphosyllabiques cest-agrave-dire des caractegraveres repreacutesentant le
plus souvent agrave la fois un morphegraveme pouvant ecirctre indiqueacute par un eacuteleacutement seacutemantique
et une syllabe pouvant ecirctre indiqueacutee par un eacuteleacutement phoneacutetique Cependant les
eacuteleacutements seacutemantiques nindiquent parfois que tregraves vaguement le sens quils ont pour
fonction de preacuteciser Le sens de la structure interne des caractegraveres nest alors
reconstruit que de faccedilon tregraves speacuteculative Dans dautres cas au cours cie assimilation
des caractegraveres dans une lecture par le son japoniseacutee la prononciation a changeacute agrave un
point tel que leacuteleacutement phoneacutetique en est clevenu insignifiant Par ailleurs certains
caractegraveres sont aussi des logogrammes puisque leurs lectures japonaises correspondent
agrave des mors complets pouvant ecirctre deacutecomposeacutes en plusieurs morphegravemes (par exemple
65
~~ honoshi converseacuteltion tandis que le verbe ~~9 honoS1l parler distingue la
terminaison 9 -Sil) Dautres ne repreacutesentent mecircme pas des morphegravemes (~laquo ~
lobeu manger le premier morphegraveme eacutetant ~laquo 10fJe- et non ~ 10-) mais seulement
des sons (un ou plusieurs phonegravemes)
Les syllabaires nommeacutes kono sont des creacuteations speacutecifiumlquementjaponaises
Ils ont tous les deux eacuteteacute formeacutes agrave partir de leacutecriture chinoise les kOlokona eacutetant de
forme plus angulaire deacuterivant chacun dune partie de caractegravere chinois et les hirogono
de forme plus cursive deacuterivant de caractegraveres chinois eacutecrits en style cursif Les
kOlokono ont eacuteteacute creacuteeacutes agrave lorigine a1iumln dannoter les textes eacutecrits en caractegraveres chinois
en leur ajoutant des eacuteleacutements grammaticaux preacutesents dans la langue japonaise et non
dans la langue chinoise tandis que les hirogono servirent plutocirct au deacutebut agrave lusage
quotidien tel la correspondance ainsi que dans la production de la premiegravere grande
litteacuterature j-eumlminine japonaise
Les kono correspondent en fait agrave des mores et non des syllabes ce dernier
terme eacutetant plutocirct la deacutesignation retenue par lusage en Occident La more est agrave la fois
un eacuteleacutement rythmique et un segment phoneacutetique donc une uniteacute de longueur alors que
la syllabe correspond plutocirct agrave une seule eacutemission de voix Chaque more a normalement
la mecircme dureacutee ce qui nest pas neacutecessairement le cas pour les syllabes Par exemple
le mot japonais pour journal L1v )~1v shillbun lorsqueacutecrit en kono ici en
hirogono est composeacute de quatre mores (L shi Iv nt )~ m Iv n) alors que nous ne
compterions que deux syllabes (Llvlhill )~Iv blln qui correspondent toutefois aux
konji du mecircme mot ~JTM) Les quatre mores cie L1v )~1v sont prononceacutees avec
presque la mecircme longueur tandis quun mot tel que syllabe il la double consonne se
deacutecompose en syllabes de dureacutees ineacutegales (syl- la- b(e)) La more comme eacuteleacutement
rythmique et segment phoneacutetique est de la sorte luniteacute de son conventionnelle de la
l UlltahlcClll des i0110 cie hase Cilmiddot cc Icm tllIlsiitleacutetatioll Cil r(jlJwji cst [()umi ugrave 1-illllcc 2
66
langue japonaise agrave laquelle correspond un kono Elle servira par ailleurs de mesure
prosodique agrave la poeacutesie
Dans la langue eacutecrite contemporaine Iusage des konji et kono est tixeacute selon
des fonctions propres Les konji logographiques sont utiliseacutes pour les mots et parties
de mots signifiants ou agrave contenu tixe tels les noms propres et communs et les racines
des verbes des adjectifs et des adverbes Leur alternance avec les deux syllabaires rend
le deacutecoupage du texte plus eacutevident et lespacement des mots non neacutecessaire le texte
japonais eacutetant continu et nayant recours quaux marques de ponctuation
Les kk(w servent agrave un usage similaire agrave celui des italiques de la langue
franccedilaise soit pour eacutecrire des mots dorigine eacutetrangegravere sauf les mots (surtout dorigine
chinoise) deacutejagrave eacutecrits en konji ou pour mettre de lemphase sur un ou plusieurs mots
dans une phrase Beaucoup de mots eacutetrangers sont en effet utiliseacutes dans une version
japoniseacutee par exemple ~9- nekllNi neckie ou I)J posocon persona
computer Les noms propres dorigine eacutetrangegravere sont eacutegaJementjaponiseacutes et eacutecrits en
koakono 1 middot1)[-1 Jan BOlIjon Jean Valjean Les kkono ont
comme particulariteacute de se ressembler fortement dans lems tormes angulaires J
Les hirogono sont quant agrave eux employeacutes pour le reste de leacutecriture de la langue
japonaise soit principalement les parties deacuteclineacutees des verbes des adjectifs et des
adverbes les particules enclitiques les inteljections et les conjonctions par exemple
la terminaison -219 kil710su dans W-2K9 kokil71oslI eacutecrire ou la particule
theacutematisante ft ho (prononceacutee exceptionnellement 10) dans ~ B [t konnichillo
bonjour Tous les konji peuvent ecirctre eacutecrits en hirugono bien que lutilisation cles
logogrammes teacutemoigne du niveau de richesse cie la langue eacutecrite Des hirogono
Voir Ic~ eltail~ dc IClc IllLlmis illnncc 2
67
minuscules placeacutes parallegravelement ltlUX kOl1ji les filrigono sont dailleurs utiliseacutes al-in
dindiquer la lecture phoneacutetique des textes destineacutes agrave lapprentissage scolaire ou de
certains caractegraveres peu communs des autres textes Les hirogono sont plus distincts
dans leurs formes cursives (pour les mecircmes mores que dans le paragraphe preacuteceacutedent)
Leacutecriture latine le n)lJ7oji a finltllement eacuteteacute introduite dans le contete de
linternationalisation du Japon moderne surtout commerciale et touristique Elle est
ainsi utiliseacutee dans la signalisation routiegravere laffichage publicitaire les noms de
compagnies commerciales etc Elle ltl pour particulariteacute de ressortir en tant queacutecriture
eacutetrangegravere au sein de leacutecriture ind igegravene japonaise
Pour conclure cette section je remarquerai que la complexiteacute de leacutecriture
japonaise pousse le lecteur agrave utiliser une multitude de voies daccegraves au sens des mots
eacutecrits (agrave ce sujet Kess et Miyamoto 1999) Liumlnformation peut ainsi ecirctre transmise
par les voies phonologique grapheacutemique kineacutetique ou directement seacutemantique Lune
et lautre de ces voies qui sont sans doute communes agrave toutes les langues eacutecrites sont
plus ou moins utiliseacutees selon le type deacutecriture et son contexte dutilisation Laspect
phonologique peut ecirctre favoriseacute dans la lecture de kono et des eacuteleacutements phoneacutetiques
de keJnji la voie grapheacutemique dans la lecture de cltlractegraveres pictographiques et
diagrammltltiques lltl voie kineacutetique dans la reconnaissance de lordre de traccedilage et lltl
voie seacutemantique dltlns lassociation du sens agrave la composante seacutemantique du caractegravere
non familier lors de lanalyse de ce dernier Un ensemble important de facteurs en
rapport au contete dutilisation est finalement la familiariteacute du lecteur et scripteur
avec les caractegraveres la reacutegulltlriteacute de correspondance de ces derniers au sens et au son
viseacutes ainsi que leur ti-eacutequence dans les tetes lus et eacutecrits trois points lieacutes agrave
lhabitude
68
22 Approche seacutemiotique de leacutecriture japonaise
L eacutecriture est pal10ut preacutesente dans notre socieacuteteacute contemporaine de lettreacutes el
nous y sommes habitueacutes Si bien quelle paraicirct seffacer dans Jexpeacuterience commune
que nous faisons du monde environnant et quelle ne semble pas se manifester pour
elle-mecircme Hormis les effets estheacutetiques explicites de la calligraphie lorsque nous
rencontrons un texte eacutecrit nous ne tenons pas compte le plus souvent de la lettre
traceacutee mais seulement du message veacutehiculeacute Leacutecriture tend en ce sens agrave la
transparence car nous ne prenons pas conscience de ses propres particulariteacutes bien
quelle en recegravele et nous en impose implicitement La science de leacutecriture cherchera ft
faire ressortir cet implicite par lequel leacutecriture structure la penseacutee lorsque cette
dern iegravere en fa it lexpeacuterience r abordera i dans cette section 1 eacutecriture en tant que
systegraveme de repreacutesentation grltlphique dont le but est de repreacutesenter le langage informel
de la langue usuelle Leacutecriture ainsi comprise sera contrasteacutee avec la notation logique
des graphes existentiels comme systegraveme de repreacutesentation graphique du langage
formel de la logique deacuteductive Mais tout dltIbord je deacutefinirai leacutecriture de lagraveccedilon
geacuteneacuterale afin de guider la caracteacuterisation suivante de leacutecriture ordinaire et plus
speacutecifiquement de leacutecriture japonaise par contrltlste avec la notation logique Le
retour critique sur lapplication theacuteorique effectueacutee permettra en dernier instant de
juger du bien-fondeacute de cette applic8tion de la seacutemiotique par une reacuteflexion eacutelaboreacutee agrave
partir des cateacutegories particuliegraveres de la signification
221 Theacuteorie geacuteneacuterale de leacutecriture comme signe
Quest-ce que eacutecriture La reacuteponse agrave cette question prendra pour point de
deacutepart la deacutetermination des caractegraveres essentiels de leacutecriture agrave partir desquels cette
derniegravere sera mise en lien avec le langltlge compris de ragraveccedilon geacuteneacuterale et les diffeacuterents
types speacutecifiques deacutecriture pour ensuite faire place ft une analyse de la ronction
69
1
interpreacutetative du signe eacutecrit Selon le linguiste Florian Coulmas leacutecriture comporte
trois caracteacuteristiques fondamentales (Coulmas J 989 17)
it consists of artificial graphical marks on a durable surl~1ce
2 its purpose is to commullicate something
3 this purpose is achieved by virtue of the meacutelrks conventional relation to
langueacutelge
Nous reconnaissons ici les constituants essentiels du signe soit le signe pris en son
fondement lobjet et linterpreacutetant chaque constituant eacutetant toutetois compris dune
faccedilon nuanceacutee caracteacuteristique du signe speacutecifique quest leacutecriture Au fondement de
leacutecriture en tant que signe se trouve sa preacutesence mateacuterielle condition formelle de la
repreacutesentation dun objet par le signe eacutecrit La signification est contrainte par la
preacutesence mateacuterielle du signe eacutecrit la matiegravere neacutetanl elle-mecircme rappelons-le quune
loliumlne contrainte par lhabitude L objet de leacuteCliture est pour sa parl agrave communiquer
et sa forme tient donc du langage et de tout ce que ce dernier permet dexprimer
(sentiment jugement argumcnt etc) Linterpreacutetant du signe consiste finalement en
une convention reliant les traces mateacuterielles de leacutecriture au langage repreacutesenteacute
La philosophie du langage contemporaine dexpression franccedilaise fait la
distinction entre le langage et la langue Dans une approche seacutemiotique de leacutecriture le
langage serait le systegraveme de signes tel que caracteacuteriseacute par la grammaire speacuteculative
tandis que la langue serait la langue usuelle dont leacutecriture serait un mode dexpression
deacutetermineacute Toutefois un approfondissement de lanalyse du cas de leacutecriture permet
de constater toute une gradation allant de la grammaire speacuteculative aux eacutecritures
speacutecifiques et finalement agrave la langue Selon Coulmas dun point de vue linguistique il
sied de distinguer le systegraveme deacutecriture du lype c1eacutecriture (script) el de lorthographe
de la maniegravere suivante (Coulmas 1989 38-9)7
- Le lCIiuml11C langlage Jeacutesigne ici la leacutell1gUC lmgllis ne laisltlnl pas la dilTeacutelcncc cnlre les Licu nolions
70
Writing system
Every writing system
selection of the linguistic
to be graphically re
(not language specifie)
makes
pres
un its
ented
a Word writing
Morpheille writing
Syllable writing
Phoneille writing
Phonetic writing
Script
Every script Illakes a speci lie Chinese script
selection of the possibilities of a Arabie script
given system in accordance with Greek script
the structu ra 1 conditions of a
given language
Orthograph
Every orthography Illakes a Ch ineseTa iwanese
speci fic selection of the orthography
possibilities of a script ~or Standard German
writing a particular language in a Swiss-Gellnan
uni ~orlll and standardized way ortho gra phy
Dun point de vue seacutemiotique plus englobant la gradation passant du langage formel agrave
la langue informelle comprendrait la logique en tant que grammaire speacuteculative la
deacutefinition geacuteneacuterale de leacutecriture en tant que signe le systegraveme deacutecriture le type
deacutecriture lorthographe la langue eacutecrite la langue parleacutee usuelle La logique en tant
que grammaire speacuteculative repreacutesente la forme du langage le plus geacuteneacuteralement
possible Les autres aspects du signe eacutecrit preacutecisent la signification en fonction du cas
actuel de leacutecriturc La deacute1inition de leacutecriture en tant que signe sapplique toujours au
niveau geacuteneacuteral du langage mais la distinction du type de systegraveme deacutecriture est deacutejagrave
propre agrave un niveau geacuteneacuteral de la langue deacutecoulant de lanalyse laquopar le basraquo des uniteacutes
linguistiques composant les langues des donneacutees propres agrave la science idioscopique de
la linguistique Les nivcaux suivants du type deacutecriture et de lorthographe son plus
speacuteci1iques aux langues eacutetudieacutees et leur distinction permet de deacutefinir plus exactement
71
les particulariteacutes dune eacutecriture Lorthographe repreacutesente ainSI la convention dune
eacutecriture propre agrave une langue speacutecifique
Cette analyse ne tient cependant compte que dun seul type dobjet du signe
eacutecritmiddot soit la langue parleacutee usuelle Leacutecriture peut aussi repreacutesenter dautres types
dobjet et une classification des types deacutecriture selon le type dobjet repreacutesenteacute
devrait distinguer au moins les trois types tondamentaux suivants formel tel que la
notation logique ou matheacutematique informel utilitaire repreacutesentant la langue parleacutee
usuelle et informel estheacutetique tel que dans la calligraphie Leacutecriture de type lormel
fait ressortir explicitement la forme geacuteneacuterale du langa~e agrave travers le 1ondement du signe
eacutecrit et permet ainsi de prendre conscience de la fonction repreacutesentative du langage
Elle engendre une interpreacutetation consciente du langage preacutecisant de faccedilon geacuteneacuterale la
signification Leacutecriture de type informel utilitaire fait ressortir implicitement la lorme
du langage propre agrave une langue deacutetermineacutee dans le fondement du signe eacutecrit Son but
premier nest pas de faire reacutefleacutechir sur le langage mais de communiquer le message
veacutehiculeacute par celui-ci Linterpreacutetation est alors dirigeacutee dans un sens deacutetermineacute par
leacutecriture sa tonction de repreacutesentation de la langue Leacutecriture de type informel
estheacutetique provoque pour sa part un sentiment agrave leacutegard de la forme de la
repreacutesentation le fondement du signe eacutecrit mais na pas pou l fonction prem iegravere de
faire reacutefleacutechir sur lobjet repreacutesenteacute Elle renvoie inconsciemment linterpreacutetation au
fondement du signe et reste vague quant au sens agrave lui donner
La consideacuteration du type dobjet repreacutesenteacute megravene agrave lanalyse de la fonction
interpreacutetative de Jeacutecriture Linterpreacutetant immeacutediat du signe eacutecrit le produit de
l eacutecri ture est une repreacutesen tation cie la langue usuelle moda1iseacutee se Ion les possi bi 1iteacutes
offertes par le tondement du signe soit la langue eacutecrite En tant quinterpreacutetant
dynamique leacutecriture preacutesente eacutegalement laspect dun processus qUI a cette
particulariteacute de mettre en lien plusieurs niveaux de la leacutealiteacute plusieurs eacutetats de la
lorme du langage Le signe eacuteClit est un acte psychique et physique laissant une trace
72
mateacuterie Ile in lormeacutee pa rune forme speacutecifiq ue du langage la langue usue Ile ou les
expressions matheacutematiques etc Linterpreacutetant final le troisiegraveme aspect de la lonction
interpreacutetative de leacutecriture est son but son effet viseacute Agrave ce sujet on consiclegravere
souvent leacutecriture comme secondaire par rapport agrave la langue parleacutee comme si elle
deacutependait en tout de cette derniegravere Le but de leacutecriture serait de la sorte de repreacutesenter
la langue de la faccedilon la plus transparente possible en seffaccedilant elle-mecircme comme
moyen de la repreacutesentation Mais nous pouvons aussi renverser le point de vue et
faire remarquer que leacutecriture est dune aide des plus preacutecieuse agrave la repreacutesentation du
langage plus fondamental que la langue deacuteterminant mecircme par converse celle-ci
jusquagrave un certain point Le signe eacutecrit par les particulariteacutes de son fondement
permet dactualiser dans une langue eacutecrite certaines possibiliteacutes du langage que la
langue parleacutee usuelle a laisseacutees pour compte Ainsi Coulmas dit-il dans sa conclusion
laquoThe invention of writing is the answer to the limitations of speech to the here and
now Thus by acquiring a vritten form the expressive power of a language is realized
to a greater extent than it is in speech onlyraquo (Coulmas 1989 272) La perdurabiliteacute du
message eacutecrit ou sa transmission agrave distance en sont les avantages les plus
communeacutement eacutevoqueacutes mais son utiliteacute pour analyse formelle clans le cas de la
logique ou des matheacutematiques de mecircme que son pouvoir expressif estheacutetique dans le
cas de la calligraphie sont c1autres aspects que la formulation dune theacuteorie geacuteneacuterale de
leacutecriture comme signe permet de mettre en eacutevidence
Leacutecri ture sJisie en sync hlon ie nest pas un Jrgument car elle ne don ne pJS la
cleacute de sa propre interpreacutetation et son analyse dJns cette section sest donc limiteacutee agrave
une cmacleacuterisJtion geacuteneacuterale du signe eacutecrit dans les termes de la grJmmJire speacuteculative
Toutetoisle signe eacutecrit en ce quil preacutetend retleacuteter la structure du langage et plus
speacutec ifiq uement de la IJngue usue Ile com porte certJi ns Jspects sym bol iques et d icents
qui le rendent informatif et en appellent il une analyse logique critique Cest vers cette
critique logique que se dirigera lexamen de cas speacutecitiques dans la prochJine section
critique qui sera redoubleacutee pm la critique eacutepisteacutemologique suivante
73
222 Analyse seacutemiotique de leacutecriture japonaise
Leacutecriturejaponaise na pas le mecircme objet et ne poursuit pas le mecircme but que
la notation logique des graphes existentiels preacutesenteacutee au chapitre preacuteceacutedent Le but
principal de leacutecriture dune langue intonnelle telle que la langue parleacutee usuelle est de
communiquer efficacement linformation agrave distance dassurer la transparence du signe
eacutecrit et non de sarrecircter sur la repreacutesentation eacutecrite pour Imiddotanalyser alors que celui de
la notation du langage tormel de la logique est de permettre lanalyse du raisonnement
par le retour reacuteflexif sur le systegraveme de signes et la critique subseacutequente Les graphes
existentiels serviront dans cette section de point de repegravere et doutil agrave leacutelaboration
dune theacuteorie seacutemiotique de leacutecriture japonaise Le contraste entre les deux types
deacutecriture permettra aussi de mieux tagraveire ressortir les particulariteacutes de cette derniegravere le
deacutebuterai par lexamen de quelques points de grammaire pour ensuite deacuteterminer les
caractegraveres essentiels de reacutecriture japonaise L exposeacute passera ainsi dune analyse de la
gram mai re japonaise repreacutesentant la structu re de la langue usue Ile par l app 1ication de
la logique des relations agrave lanalyse de la grammaire telle que la langue eacutecrite la tagraveit
ressortir par lapplication de la meacutethode des graphes existentiels agrave labstraction de la
forme du langage propre agrave reacutecriture japonaise par lapplication de la theacuteorie
seacutemiotique au cas consideacutereacute Japprotondirai lanalyse jusquau niveau des dix classes
de signes et passerai au moment critique de la logique tout en gardant en vue les
principes directeurs du pragmatisme
La languejaponaise a ceci de particulier que le sujet grammatical peut ecirctre omis
de la phrase sa preacutesence implicite eacutetant alors reconnue par la situation dans le
contexte de leacutenonciation La grammaire japonaise dans la tradition de Mikami Akira
deacutefinit la structure eacuteleacutementaire du japonais selon un moti f diffeacuterent de la structure
sujet-verbe-objet typique du tranccedilais ou de Imiddotanglais La langue japonaise est plutocirct leacuteeri~ le~ noms japonais selon lusage soit le nOIll Je IUumlllli11c aClnt le pleacutenolllJe tiens les exelllpics selltlnt ~ liumlllustrltltion Jes points lie gralllllllire Jes courS Je langue iaponaise Jonneacutes pal Kana) a Takehi 10 il l LJ ni clsi leacute Je VIontreacutea 1 auquel je Jo is Iussi 1Cl leyon sur 18 glalll1ll8i le Je lvI ik81ll i ikira la pn~senlation de la grlllllllailC jlponaise Jlns celle ~eetion relegraveve eepenJlnl de Illlt pmplc interpreacutetation clu co llIS
74
dite structureacutee selon un ordre thegraveme-commentaire OLI le sujet grammatical plutocirct
nommeacute laquothegravemeraquo pou l en distinguer la fonction na pas l im portance quon 1ui precircte
dans notre langue franccedilaise Cest que le japonais nest pas une langue du laquotaireraquo ct
~ sulu) comme le franccedilais mais une langue du laquoil y araquo (~~ (111) Les faits ( C
kaa) repreacutesenteacutes ne deacutependent pas neacutecessairement de choses (t 0) mono) qui les
accomplissent lis peuvent aliumliver par eux-mecircmes eacutetant alors seulement constateacutes par
le locuteur Le thegraveme nest pas neacutecessairement un agent il est plus essentiellement une
partie de la phrase mise en eacuteviclence (par la particule fJ ho prononceacutee 110) tel un
soleil levant (80)11 hi 10 l1Jolu -le roncl clu jour) eacuteclairant le reste de la phrase Il
peut ecirctre omis leacuteclaircissement venant alors du contexte de leacutenonciation Le
commentaire quant agrave lui se construit autour clu verbe clans les phrases verbales ce
centre restant v icle clans les phrases nom ina les sans la laquocopu leraquo C ~ ~ de 011 ou C
9 desu La phrase japonaise est clonc construite autour cie la base clu verbe situeacute agrave la
fin cie la phrase par lajout cIeacuteleacutements clont la fonction est speacuteci fieacutee par cles
particules cest une phrase en forme cie bonsaiuml (~t(X bonsoi bun) clans laquelle les
com mentai res-branches cl irigeacutes clans le sens cles particu les-tuteurs seacutelaborent agrave parti l
clu verbe-pot qui contient les racines cie la phrase Tanclis que la phrase franccedilaise est
construite agrave partir clu couple sujet-verbe clont le sujet est mis en eacuteviclence tel un arbre
cie Noeumll avec son eacutetoile-sujet au sommet son tronc-verbe et ses branches-objets ( 1)
A 7( A Y 1) - X kllli111l1l0SII IIIIii IWI1) Cest que le locuteur japonais ne prencl pas
clans le contexte cie sa langue un point de vue du dieu sur le moncle (f$0) El kmlli 10
me) slIb ljJecie oeemiois pourrions-nous dire le point de vue du grand architecte
celui qui construit le monde mais un point de vue de linsecte (RO) El lJ1ushi no JJle)
la petite becircte qui voyage sans lin agrave travers la surface de la terre Cette construction par
le bas de la grammaire sera agrave preacutesent formaliseacutee par la rencontre avec les principes
directeurs de la logique peirceacuteenne
75
La logique des relations de Peirce et son deacuteveloppement par la meacutethode des
graphes existentiels seraient en effet particuliegraverement adapteacutes agrave lanalyse de la
grammaire japonaise que le modegravele de la grammaire anglaise a tendance agrave brutaliser
Notons par ailleurs que lutilisation dune grammaire speacutecifique cOl11me modegravele dune
autre grammaire procegravede dune mauvaise meacutethodeutique La grammaire des langues
speacutecifiques doit plutocirct se fonder sur la grammaire pure ou speacuteculative de la logique La
meacutethodeutique bien penseacutee dun point de vue peirceacuteen implique que lon fasse se
rencontrer les principes de la logique et les donneacutees de la linguistique en tant que
scientifique-philosophe confrontant dans son expeacuterience ordinaire de la reacutealiteacute le
pheacutenomegravene de la langue japonaise
Chez Peirce il ny a ultimement dans lanalyse logique meneacutee agrave fond quun
preacutedicat geacuteneacuteral par proposition (repreacutesentant luniteacute conceptuelle de lEcirctre) et
plusieurs sujets qUI constituent des points dancrage dans la reacutealiteacute actuelle
(repreacutesentant le divers de la Substance) (EP2 208 1903 EP2 275-88 1903) Un
sujet peut aussi ecirctre laisseacute pour implicite seul le contexte de leacutenonciation permettant
alors la mise en situation (EP2 281-82 1903) Semblablement dans la langue
japonaise il ny a pas neacutecessairement de sujet actif se deacute1narquant le laquosujet
grammaticalraquo en tant que thegraveme du commentaire qui constitue le reste de la phrase
pouvant ecirctre omis Prenons comme exemple la phrase inaugurale du roman de
Kawabata (~OO Yllkigllni Pays de neige in Kawabata 1974 (1935) 7)
kllnizokoi rO rogoi orneII 110 nllkelIo ykigri de ullu
liontiegravere (particule 0) de) long tunnel (part ~ laquoobjet directraquo) eacutemerger de
(parI C lorsque) pays de neige (ltltcapu leraquo -r 17gt ) t laquoc eacuteta itraquo)
Le thegraveme de la premiegravere proposition nest pas un agent mais un contemplateur de
leacutetat de choses duquel il fagraveit paltie Il est laisseacute pour implicite dans le contexte de
leacutenonciation La distance entre leacutenonciateur et lobjet de son eacutenonceacute nest pas
76
ressentie de faccedilon aussi grande que dans nos eacutenonceacutes de langue franccedilaise ou anglaise
Des tentatives de traduction de cette phrase sans sujet actif seraient
laquoUne fois eacutemergeacute du long tunnel frontalier ceacutetait le pays de neigeraquo
(le plus litteacuteralement possible mais je dis tout de mecircme laquocea eacutetaitraquo ce qui nous
distancie de lobjet le pronom deacutemonstratif eacutetant toutefois un index agrave la fois
plus direct et discret plus transparent quun pronom personnel ou un nom
commun)
laquoUn long tunnel entre les deux reacutegions et voici quon eacutetait dans le pays de
neigeraquo
(trad Fujimori Bunkichi et Annel Guerne (1960) eacuteliminant le verbe mikeli
eacutemerger et utilisant le pronom indeacutefini lt(011 eacutetaitraquo)
laquoThe train came out of the long tunnel into the snov countryraquo
(trad Edward Seidensticker (1986) qui rajoute un sujet (troil1) et embrouille les
deux propositions)
Dans la phrase japonaise la copule peut eacutegalement ecirctre omise La logique de
Peirce permet de mieux expliquer ce que lon entend ici par laquocopuleraquo Prenons agrave ce
sujet la phrase-exern pie de M ikam i
~ fjll1J l 0
ZOcirc 110 hOl1o go l10gai
eacuteleacutephant (particule) trompe (particule) longue (deacuteclinaison de ladjectit)
laquoLeacuteleacutephant-lagrave [sa] trompe [est] longueraquo
Lanalyse de cette phrase selon la meacutethode des i Sdonne le diagramme suivant
1 est clair que la repreacutesentation de la relation didentiteacute implicite ne cause pas de
problegraveme puisque nous la retrouvons dans la quantification existentielle eacutegalement
implicite exprimeacutee par linscription mecircme de la ligne didentiteacute sur la feuille
77
dassertion La copule nest pas lagrave pourjoi nd re les eacuteleacutements de la ph rase mais pou l
speacutecitier la relation du terme qui la preacutecegravede avec les autres eacuteleacutements la relation
diumldentiteacute eacutetant plus fondamentale que toute expression speacutecitique telle quexprimeacutee
par la copule Elle servira plutocirct dindicateur du niveau de langage (honoritique C
~~ 9 de gozoil1loslI poli Cg desu style eacutecrit Cc10 Q de OlI neutre Uamilier)
t do) compleacutetant le commentaire Elle est omise au style neutre apregraves les adjectifs
situeacutes agrave la base du commentaire qui ont eux-mecircmes une fonction qualitative
prononceacutee Nous pourrions dailleurs lappeler plus justement un marqueur
dexistence quune copule Il faut dire agrave ce sujet que les grammairiens actuels (tels que
Shimamori 1997) distinguent plutocirct deux fonctions de Cg delu qui sont soit en tant
que copule de laquotransformer le nom preacuteceacutedent en eacutenonceacute minimal completraquo
(Shimamori 1997 17) dans lequel cas leacuteleacutement est indispensable soit devant un mot
qualitatif japonais (adjectif en ~ i) de laquosituer leacutenonceacute au niveau poliraquo (Shimamori
1997 27) dans lequel cas leacuteleacutement est tacultatif Linterpreacutetation ici proposeacutee eacutevite
le deacutedoublement de fonction du marqueur dexistence en expliquant lomission de
leacuteleacutement apregraves ladjectif dorigine japonaise par la marque de seconde intention la
fonction qualitative prononceacutee deacutejagrave preacutesente dans la tlexion adjectivale et ne
neacutecessitant donc pas de surenchegravere au style neutre (la notion de seconde intention
relative agrave la flexion est preacutesenteacutee ci-apregraves) Par ailleurs dans la logique des relations
non plus la copule explicite nest pas un eacuteleacutement du vocabulaire primitif il sagit
mecircme selon Peirce dune notion grammaticale latine tardive datant du Moyen Acircge le
verbe neacutetant pas dans le grec ancien ou le latin classique une composante essentielle
de la phrase (EP2 221 282 1903)
Le thegraveme est aussi convenablement deacutecentreacute par cette analyse cest-agrave-dire
situeacute comme un sujet de la proposition parm i dautres la fonction speacutecitique de
chaque eacuteleacutement eacutetant indiqueacutee par la particule qui lui est associeacutee (rd 1 0 et 1J go) ou
sa tlexion adjectivale (~ i) toutes eacutecrites en hirogol1( Une certaine structure
78
grammaticale est donc mise en eacutevidence par lalternance de deux types deacutecriture les
kan et les hirogano Dans le cas des adjectifs et des verbes un morphegraveme vient
moditier le sens dun autre morphegraveme plus fondamental au sein dun mecircme mot La
fonction grammaticale de chaque morphegraveme (racine et deacuteclinaison base connective et
terminaison) est de la sorte distingueacutee par leacutecriture Dans le cas des particules et du
marqueur dexistence leur fonction est encore plus abstraite puisquil sagit de termes
distincts donnant un sens aux termes auxquels ils se rapportent mais dont la
signification reste incomplegravete sans ces termes (ce sont des laquosyncateacutegoregravemesraquo EP2
286 1903) Ils deacuteterminent le sens de la proposition au niveau des rhegravemes proprement
dits et non de linteacuterieur de ceux-ci par deacuterivation agrave partir des morphegravemes Selon la
logique des relations de Peirce nous voyons surgir dans ces deux cas la seconde
intention aussi repreacutesenteacutee dans les -Jocirc par des signes nommeacutes Potentiels (CI) 5524shy
6 1903) Peirce donne les deacutefinitions suivantes de la seconde intention
The smt of idea wllich an icon embodies if it be such that it can convey any
positive information being applicable to some things but not to others is called a
jirst intention The idea embodied by an icon which cannot of itself convey any
information being applicable to everything or to nothing but which may
nevertheless be useful in modifying other ieons is ealled a second il1lenion (CP
3433 1896)
Every rhemn whose blnnks may be filled by signs of orclinary individunls but which
signifies only what is true of symbols of those individuals without any reference to
qualities of sense is termed n rhema 01 second intention For second intention is
thought about thought as symbol (CP 4465 1903)
Il is by menns of reuiles of second intention thnl the general method of logicnl
representation is to find eompletion (CP 3490 1897)
Dans les deux cas qui nous inteacuteressent les particules Id 110 et tJ~ go et la llexion l i
sont des signes de seconde intention en ce quils viennent preacuteciser la signitication agrave
accorder agrave la proposition en modalisant la relation didentiteacute fondamentale qui joint
les diffeacuterents termes de premiegravere intention Ce sont des signes qui agissent sur les
relations entre dautres signes au sein dune mecircme repreacutesentation Par la preacutecision
quils apportent agrave la sign ification au niveau des re lations fondamentales ils
79
complegravetent Ianalyse logique implicite agrave la langue japonaise L alternance entre les
types deacutecriture fait donc ressortir la structure de la phrase en mettant en eacutevidence le
rapport entre la premiegravere et la seconde intention
Le problegraveme speacutecifique qui nous permettra dapprolondir plus avant lanalyse
seacutemiotique de leacutecriture japonaise est le changement actuel de proportions entre les
difteumlrents types deacutecriture utiliseacutes dans la langue japonaise eacutecrite La langue japonaise
assimile en ce moment de faccedilon croissante des mots dorigine eacutetrangegravere surtout de
langlais ameacutericain eacutecrits en kolokol1o Ces mots eacutecrits en kOlokona occupent de plus
en plus despace graphique dans leacutecriture jusque maintenant domineacutee par les kanjl
tout en remplissant des fonctions grammaticales sinon attribueacutees il ces derniers
Laspect externe ainsi que de la structure interne de Ieacutecriture japonaise se trouvent
donc fortement modifieacutes suite au contact de la langue japonaise avec dautres langues
aux eacutecritures difteumlrentes Le problegraveme consiste agrave deacuteterminer quels aspects seacutemiotiques
fondamentaux de Ieacutecriture japonaise sont modifieacutes par ce changement de proportions
dans les types deacutecriture utiliseacutes Construisons tout dabord un exemple de
transformation dune phrase dans le sens de laugmentation des kalokono La phrase
suivante servira agrave lillustration
Nihongo no kihon bun wa bonsaiuml bun desu gajilransligo wa klifisumasli twlii bUll
c1esu
laquoLa phrase eacuteleacutementaire du japomlis est une phrase bonsaiuml mais en franccedilais cest
une phrClse arhr de Noeumlf [Christmas tree]raquo
Certains kan)l tels que 8 111110n Japon sont dune importance culturelle
m~ieure et il est agrave parier que les Japonais ne les abandonneront pas cie si vite parce
que ces caractegraveres leur sont chers au cœur Dautres sont tregraves simples ou tregraves
tamiliers tels que ~g go langue et )( blll1 phrase et ils seront conserveacutes parce
quils sOl1l deacutejagrave ancreacutes clans Jhabitude et ne causent pas de problegraveme Mais il est aussi
80
des mots dorigine chinoise aux caractegraveres plus complexes ou moins familiers dans la
phrase-exemple ~~ hO1soi bonsaiuml qui sont bien ancreacutes dans la langue parleacutee
usuelle mais dont on souhaitera peut-ecirctre il lavenir simplifier la repreacutesentation eacutecrite
en les eacutecrivant en koloko1o (puisque dorigine eacutetrangegravere) ainsi honsoi deviendrait 1f 1 Finalement le nouveau vocabula ire techn ique eacutetant sou ven t anglo-ameacuterica in
dorigine le vocabulaire anglo-ameacutericain japoniseacute simposera aussi de lui-ll1ecircme en
comblant les vides de la langue technique 1) A A Y 1) - kulisll710SI IIii
Chrilll1los Iree en est un exemple ou en remplaccedilant avec sa nouvelle saveur les
anciens lllotS dorigine chinoise deacutesormais deacutesuets ainsi dans notre phrase
supposons que ~ kiho1 fondement subisse ce dernier sort et soit remplaceacute par le
terme anglo-japonais Acirc-~ hecsliiku )olie y a dautres raisons favorisant la
prolifeumlration de mots eacutecrits en kolokol1o surtout en lien avec lapport culturel
eacutetranger par exemple dans les modes engendreacutees par la musique la litteacuterature Ie
discours politique etc mais la preacutesente illustration seacutepuise dans les deux cas mis de
lavant La phrase-exemple transformeacutee devient alors en reprenant dabord loriginal
pour effet de comparaison
B ~gO)~gtzIj~~gtZT9tJ 77 Agrave~glj 1) Agrave Agrave ) 1) -gtZT9o
B ~gO) 0( - gtz1j ~ -1 gtzT9tJ~ 77 Agrave~glj 1) Agrave Agrave ) 1) - gtzT9 0
Nihongo no heeshiku bun Wl hO7sai bun c1esu ga li1runsllgo wa kllislll11allI 1lIlii
bun desu
laquoLa phrase ileacutell7ltnluire [hLsic] du japonais est une phrase hOl1sui mais enfiu7ccediluis
cest L1ne phrase urhre de Noeumllraquo
Une analyse grammaticale donnera une premiegravere ideacutee de la structure de ces
phrases Les phrases sont composeacutees chacune de deux propositions lieacutees par la
cc suiet le dcuiegravelllc lelc dc lannec 2 donllc un ecl1lple dnrlicle dciourJlltJ1 urilisnnl de nomlxcu lllolS 0crits Cil kU(fw7u dans ce cas-Iugrave pour cn eriliquer lulilisltJtion ccessi e llm le rrcl1licr Illinislre l1e Shinll Jans son discours inaugural Cc lcte contrasle mcc Ic premicr clrail de lanncc rcrrcnanl le d011ul dun conte de Ikutngaa le famcu 1eacute1shocircIllOIlraquo eacutecrit en 1915 dans unc languc litteacuteraire au Sl Ic laquogothiqucraquo ulilisant quelques kl7ji cOl1lrlcCS ou inusil0s el aucun kalakrlu
81
particule conjonctive IJIcirc go mais qui introduit dans la deuxiegraveme proposition une ideacutee
constrastant avec celle exprimeacutee dans la prem iegravere Dans la prem iegravere phrase le thegraveme
de la premiegravere proposition est B ~gO)~)( l1iho1go 110 kihon )((n la phrase
eacuteleacutementaire de la langue japonaise mis en eacutevidence par la particule theacutematisante fj
wa en ce qui concerne et son commentaire est ~~)( honsai )1(1 phrase bonsaiuml
dont le rapport avec le reste de la proposition est souligneacute par le marqueur dexistence
de style poli C9 desu il y a ou cest tandis que le thegraveme de la seconde
proposition est 77 Agrave~g fltral1sugo langue franccedilaise et son commentaire est
1) Agrave x Agrave J 1) -)( kurisulllosu ISlIii blll1 phrase arbre de Noeumll indiqueacutes par la
mecircme particule theacutematisante et le mecircme niarqueur dexistence La phrase transformeacutee
reprend exactement la mecircme structure grammaticale mais remplace ~ kihun par le
terme anglo-japonais I-~ beeshikll basic eacutecrit en kolakana et les kan)i de ~
~ bonsoi par les kalakano de mecircme lecture tT - La transformation du type
deacutecriture naffecte donc en rien la structure grammaticale de la phrase japonaise dans
tous les cas du pheacutenomegravenc actuel qui nous concerne Mecircme dans le cas extrecircme de
lassimilation dun mot eacutetranger comme verbe base de la phrase bonsaiuml japonaise le
nouveau mot prend une forme grammaticale deacutejagrave preacutevue par la langue soit celle des
verbes dorigine chinoise construits par lajout du morphegraveme 9 g SlIU fnire (ici en
style neutre eacuteventuellement conjugueacute) agrave la base connective sino-japonaise par
exemple le verbe anglo-japonais 7 euml-)[9g apiiuslIlI to appeal a une forme
identique agrave un verbe sino-japonais tel que ~fff9 ~ JlIl1sekisuu analyser Le
contact des langues peut bien provoquer des transformations de la grammaire mais la
cause nen est pas alors le changement de type d eacutecri ture
Lanalyse seacutemiotique proprement dite commencera par deacutegager les
composantes du signe eacutecrit de la langue japonaise tel quillustreacute par la phraseshy
82
exemple Lefondemen de leacutecriture japonaise comme signe est lapparence mateacuterielle
quelle offre dont on peut deacutegager une structure logique deacutetermineacutee par lobjet que le
signe repreacutesente la langue parleacutee usuelle et deacuteterminant agrave son tour un interpreacutetant la
langue eacutecrite Leacutecriture japonaise ne saisit en son fondement que certains aspects de la
langue parleacutee soit certains lexegravemes morphegravemes syllabes et mores et une certaine
structure syntaxique de ces eacuteleacutements 211 bull Elle fait ressortir ces aspects dune faccedilon plus
preacutecise que la langue parleacutee mais en neacuteglige cIautres clans sa seacutelection (par exemple la
tonaliteacute) Elle est donc une abstraction de la langue parleacutee qui nen retient que certains
traits Ces traits sont inscrits et fixeacutes dans la matiegravere de leacutecriture une forme davantage
contrainte par lhabitude que la langue parleacutee Dans lexemple on peut reprendre les
deux phrases en ne siumlnteacuteressant quagrave leur aspect graphique et en consideacuterant quelles
uniteacutes linguistiques chaque signe de la phrase repreacutesente ainsi que quelle syntaxe
lensemble fail graphiquement ressortir Le fondement des deux phrases est une
alternance de kani D hiragw1( kafakana 0 et ponctuation selon ordre suivant
B80)~Xfl~)CC91JIcirc 75 Agrave81l 1) AgraveAgrave 1) -XT90
DUO 0 000bullbullbull 00000000000000bullbull0
B ~O)I-S-XIl -if-1 XC91f) 75 Agrave~gll 1) Agrave Agrave 1) -XC90
0000000000000bullbullbull 00000000000000bullbull0
Sur le support mateacuteriel cie la feuille dassertion leacutecriture est tout daborcl
contrainte par la lineacuteariteacute de la phrase inscrite semblable agrave leacutecoulement temporel de la
parole La ponctuation donne ensuite les limites hors tout ainsi quune certaine
structure interne cie la phrase Dans lexel1lj1le le j1ointmiddot o marque la tin de la phrase
et la virgule seacutepare la premiegravere proposition de la seconde Les morphegravemes et
syllabes repreacutesenteacutes par des kan) 0 sont aussi distingueacutes des mores repreacutesenteacutees par
des kan(f 0 ce qui est L1ne abstraction de leacutetude cie la langue eacutecrite la langue parleacutee
Il nesl ras eacutevident que leacuteelillllc lcwenne caetclllcntla stluelure S) nwiquc de I~I langue ralmiddotke Ia languc japonaise el8ssique Je SI) le klllbllll en olile un eelllrie pal eeellcncc leacutecrilulC sc lilisanl dans joldle sYlitaique du chinois rouI ensuite ecirclle inlelpleacuteleacutee au eouls Je la ledule en lceonslruisanl lnrdre S) nlltliqlle JlIjaponais
83
ne les distinguant pas Avec une connaissance un peu plus profonde de la grammaire
eacuteleacutementaire du japonais on reconnaicirct de plus dans lalternance entre konji U (ou
katakona 0) et hiragano bull une structure syntaxique correspondant agrave la structure
thegraveme-comnientaire On constate ainsi dans lexemple que la transformation de
leacutecriture dans le scns de laugmentation des kotakono ne change pas la structure
syntaxique de la phrase ponctueacutee dune phrase agrave lautre de la mecircme faccedilon par les
hiragana bull le point et la virgule Les lectures speacutecifiques des signes eacutecrits renvoient
finalement de diverses maniegraveres agrave la prononciation de la langue padeacutee Telle est donc la
forme geacuteneacuterale du signe eacutecrit pris en son fondement qui contraste avec la torme plutocirct
vague de la langue parleacutee
Lobjet de eacutecriture japonaise la langue parleacutee usuelle est plus fluide et
eacutepheacutemegravere que son support eacutecrit qui tixe les paroles dans lespace et les fait perdurer
dans le temps Il peut ecirctre deacutecomposeacute pour chaque kanji ou groupe de konji en mots
morphegravemes ou phonegravemes repreacutesenteacutes et pour chaque kono en mOIes repreacutesenteacutees Il
peut aussi ecirctre saisi en un tout comme dans la repreacutesentation diagrammatique de la
structure syntaxique de la phrase et du texte Lobjet immeacutediat de leacutecriture japonaise
est la parole penseacutee ou entendue en langue japonaise La phrase-exemple peut ainsi
repreacutesenter une penseacutee immeacutediate du scripteur ou un eacutenonceacute entendu par ce dernier
Lobjet c1I1amiqlle est lideacutee vague que lon cherche agrave repreacutesenter en la preacutecisant dans
cette langue et ces phrases deacutetermineacutees mais qui pourrait ecirctre exprimeacutee autrement en
dautres phrases et dans dautres langues Cest la proposition logique du grammairien
sous-tendant vaguement la phrase-eemple inscrite par le scripteur
Linterpreacutetant clu signe eacutecrit japonais la langue eacutecrite est une forme davantage
contrainte que son objet car preacuteciseacutee par la repreacutesentation Linterpreacutetant ill1l1leacutediot
est le message transmis au lecteLll en langue japonaise Cest ce que le lecteur
comprencl effectivement cie la Poposition inscrite sur la teuille cIassertion La phraseshy
exemple est ainsi un eacutenonceacute de la grammaire qui permet au lecteur cie saisir certains
84
traits de la langue japonaise dans sa comparaison agrave la langue fi-anccedilaise Linterpreacutetant
c0mamiqlle est le processus deacutecriture et de lecture du signe sa traduction en parole et
en penseacutee Il ne sagit pas seulement dun processus psychologique et physique car
on peut aussi lanalyser logiquement en tant que processus seacutemiotique de construction
dune signification la seacutemiose Le scripteur et le lecteur sont conditionneacutes par la torme
de leacutecriture son fondement et le processus dinterpreacutetation du signe eacutecrit est donc
dirigeacute dans un certain sens il sactualise dune maniegravere deacutetermineacutee Linterpreacutetant
f7nal leffet viseacute est la compreacutehension du message japonais dorigine telle que deacutesireacutee
par le scripteur mais aussi par le lecteur Cest la signification deacutetermineacutee que la
repreacutesentation adeacutequate de lobjet construirait eacuteventuellement une proposition
logique speacutecifique dans le cas dune phrase ou une langue eacutecrite ideacuteale dans le cas de
la langue usuelle La proposition logique qui sous-tend la phrase-exemple lorsque
ideacutealement preacuteciseacutee en constituerait linterpreacutetant tlnal Le grammairien eacutenonccedilant
cette proposi tion en partagera it donc avec le seri pteu r et le lecteur la sign i lication
exacte dans un contexte similaire Ces demiers se feraient une repreacutesentation adeacutequate
de la proposition logique reacuteelle celle que le grammairien a lintention dexprimer
La prochaine eacutetape de lanalyse consiste agrave deacuteterminer quels types de signes
sont opeacuterants dans leacutecriture japonaise et dans le cas speacutecillque des kalakana qui nous
inteacuteresse Les signes de la langue parleacutee ou eacutecrite sont avant tout en leur fondement
des leacutegiigne car ils ont eacuteteacute institueacutes par convention explicitement ou non Les kani
et les kana tant ainsi lobjet de recommandations de la part du gouvernement japonais
les formes des kana ont eacuteteacute standardiseacutees et des listes de kani ont eacuteteacute publieacutees afin
den limiter le nombre communeacutement en usage Ces leacutegisignes se manifestent
actuellement en tant que sinsignes leurs occurences mateacuterielles Cependant dans leur
composition et par leur alternance au sein de la phrase les signes eacutecrits font ressortir
une certaine structure syntaxique et tOrll1ent en cela un diagramlle de la langue un
signe icon ique qu i epreacutesente son objet en vertu dune si 111 i lari teacute en tre les re lations de
sa propre tonne (son tondement) et les relations de la tonl1e de lobjet Leacutecriture
85
japonaise en tant que diagramme de la langue japonaise est donc un leacutegisigne iconique
rheacutematique Dans le cas de la phrase-exemple la diagrammaticiteacute du signe eacutecrit est
manifeste si lon considegravere la structure thegraveme-commentaire indiqueacutee par lalternance
des konji 0 (ou kotakono 0) et des hirogono bull La transformation de konji en
kotokono naffecte en rien laspect diagrammatique de leacutecriture pour autant que lon
sache diffeacuterencier les deux types de kano La distinction entre la premiegravere et la
seconde intention qui fonde cette diagrammaticiteacute est quand mecircme un peu embrouilleacutee
car les deux types de kono sont moins distincts entre eux dans leur forille graphique
et leur fonction repreacutesentative (moraiumlque et non morpheacutemique) quils ne le sont des
konji I~e passage du terme B gg nihongo agrave la particule conjonctive 0) no puis au
terme laquo-~ beeshikll dans le thegraveme B~gO)(-~)(Ij niJongo no beeshikll
blln Vo lillustre bien
Dun point de vue agrave la fois grammatical et graphique les termes de seconde
intention eacutecrits en hirogono tels que les particules les flexions et les marqueurs
dexistence en ponctuant la phrase et en rendant sa structure syntaxique manifeste
possegravedent un certain aspect indexical tels des leacutegisignes indexicollx rheacutematiqlles mais
en modalisant les relations logiques de la proposition de maniegravere plus fine quun
simple index qui ne fait quindiquer son objet ils jouent un rocircle davantage
conventionnel et se rapprochent en cela du leacutegisignc middot)YIIIJoiqlle rheacutel11otique Dans
lexemple la particule conjonctive 0) no de se fond syntaxiquement dans le thegraveme de
la premiegravere proposition la particule conjonctive tJ go mais unit les deux
propositions en exprimant un certain sentiment dopposition la distance syntaxique
entre les propositions devant tout de mecircme ecirctre souligneacutee par la virgule et la copule
Tt desli marque lexistence du rapport entre le terme quelle deacutetermine et le reste de
la plOposition selon un certain niveau de politesse tel un emballage rendant la
plOposition mieux preacutesentable La compreacutehension de la nuance que chacun de ces
termes apporte agrave la phrase demande une plus grande connaissance de la grammaire
86
japonaise quun simple index Seule la particule Ij ]la en theacutematisant le terme auquel
elle est adjointe cest-agrave-dire en le mettant agrave distance et en le pointant du doigt agit
principalement comme un index et constitue en cela un eacutegisignc indcxicol rheacutellloiquc
Les termes de premiegravere intention tels les noms et les bases connectives des verbes ou
des adjectifs sont quant agrave eux des leacutegisigncs ~Yl77b()liqucs rheacutel77oiqllcs plus
authentiques car cest peacutelr eux que la proposition acquiert sa compreacutehension fis
comportent neacuteanmoins un certain aspect indexical puisque cest eux qui ancrent la
proposition dans la reacutealiteacute eacutelctuelle La complexiteacute de leur forme grarhique en konji
compeacutelreacutee aux autres eacuteleacutements en kano rellegravete aussi sous un aspect iconique cette
fois limportance de leur cheacutelrge seacutemantique Ceci nous conlirme bien que les
symboles peuvent impliquer des index et des icocircnes et mecircme que les termes de
seconde intention eacutecrits en kanji participent de la sorte agrave la diagrammaticiteacute de
leacutecriture
Les konji et les kono en tant que graphegravemes abstraits de leur fonction
grammaticale se distinguent aussi dans leurs aspects seacutemiotiques Les konosont des
signes phoneacutetiques repreacutesentant des mores et sont donc de purs leacutegisignes
~ymb()liqucs rheacutemaiques Ils se lisent directement mecircme si lon ne comprend pas le
sens des mots ni de la ph rase Il nest pas neacutecessai re de les mettre en re lation avec
dautres signes dans le contexte de la phrase pour les lire Les kanji sont pour leur part
des signes plus complexes et leur composition interne est exploiteacutee afin de
reconstruire leur signification Ils peuvent ecirctre analyseacutes en eacuteleacutements plus petits
entretenant entre eux des relations signi liantes (des ensembles de traits ou de
radicaux) Ils constituent en cela des leacutegisigne~ ~Ylllb()liqllcS diccns bien que dans leur
fonction normale de repreacutesentation lorsquils sont immeacutediatement reconnus et
demeurent transparents leur aspect symbolique dominant reste lheacutematique Ces
leacutegi~igncs symholiqlles rheacutellCIiqllcl sont toutefois imparfaits car leur interpreacutetation
correcte neacutecessite une mise en contexte plusieurs lectures eacutetant possibles En tant que
rhegravemes ils deacuteterm inent linterpreacutetation en vertu de caractegraveres rlOpres agrave leur objet
87
relatifs au sens et au son des mots repreacutesenteacutes mais offrent plusieurs possibiliteacutes agrave
cet eacutegard et sont donc des signes lheacutematiques geacuteneacuteraux plutocirct que deacutetermineacutes
Laspect dicent secondaire mais pertinent agrave lanalyse des kon)i est perdu dans
leur trlIlsformation en kolokono alors quils se trouvent en quelque sorte aplanis (et
allongeacutes) Les kona de Z- J beeshiku basic ne sanalysent pas plus avant que
les mores quils repreacutesentent mais les kanji de ~$ kihon fondement ont chacun
plusieurs lectures possi bles qu i permettent den reeonstru ire le sens de Li iverses
maniegraveres par exemple ~ peut aussi se lire 171010 signifiant base et donnant entre
autres le verbe ~j lt IIIOloczukll baseacute sur tirant son origine de tandis que $ peut
eacutegalement se lire de la mecircme faccedilon molo origine tous autant dindices il la lecture et
la com preacutehension du mot ~$ Laspect rheacutematiq ue des kOlokono est cependant plus
eacutevident que pour les kunji la phoneacutetisation faisant plus directement reacutefeacuterence agrave son
objet la more
Leacutecriture mixte konji-kono est quant agrave elle le eacutegisigne vmboiqlle dicenl le
plus authentique du systegraveme Elle est composeacutee de quasi-propositions graphiques
(des dicisignes) qui donnent accegraves au sens de leurs objets des phrases de la langue
japonaise Les signes de leacutecriture mixte informent le lecteur et scripteur quant au son
et au sens il accorder aux termes par leur symboliciteacute lheacutematique et aux propositions
par leur diagral1lmaticiteacute Les sujets logiques dela quasi-proposition graphique
B~gO)~XIj~aUZC91J~ 75 A~gfjQ 1) AYA Y 1) -XC9o
sont les signes de premiegravere intention eacutecrits en kanji et en kolawno B ~~j ~
X l1~x 75A~~f QI)AYAYI)-X tandis que son preacutedicat logique
geacuteneacuteral est la relation repreacutesenteacutee par le diagramme de lalternance entre wnji kona et
ponctuation
DDOnOOooobullbullbull 00000000000000bullbull0
Il est rendu deacutetermineacute par les signes de seconde intention eacutecrits en hirogano 0)
88
r~r Ct IF f~r Ct Le preacutedicat logique ne change pas avec la
transformation en kalakona seuls les sujets logiques eacutetant aHecteacutes lancrage dans la
reacutealiteacute actuelle est moclaliseacute par de nouvelles fmmes speacutecifiques de leacutecriture aux
aspects seacutemiotiques diffeacuterents Ainsi la transformation de eacutecriture japonaise ne
change pas sa structure syntaxique mais bien son rapport agrave la langue usuelle et au
monde sa seacutemantique Nous comprenons eacutegalement agrave preacutesent que leacutecriture saisie en
diachronie dans sa transformation historique puisse constituer un argument une
quasi-proposition se transformant en une autre Les nuances seacutemantiques laissent
perdurer une certaine structure syntaxique qui se constitue par lhabitude en regravegle
syntaxique Une certaine tendance eacutevolutive dans le sens de la phoneacutetisation de
leacutecriture peut aussi ecirctre perccedilue dun autre point de vue Lexamen pl us appro fond i de
ces arguments sera le propre de 111 critique logique
Lanalyse logique critique de leacutecriture japonaise cherche agrave deacuteterminer jusquagrave
quel point le signe eacutecrit constitue une repreacutesentation adeacutequate de son objet cest-agraveshy
dire de la langue japonaise et du langage logique qui lui est sous-jacent Elle critique
liumlnformation veacutehiculeacutee par le signe et ne soccupe donc que des signes qui informent
tels que les leacutegisignes symboles dicisignes et arguments Lmiddoteacutecriture au premier abord
ne montre pas de faccedilon explicite quel est son interpreacutetant final et elle ne semble donc
pas un argument mais lanalyse seacutemiotique en a distingueacute au niveau de la grammaire
speacuteculative des aspects informati fs tout signe eacutecrit est en son fondement un leacutegisigne
et peut ecirctre dans son rapport agrave lobjet un symbole et dans son rapport agrave
liumlnterpreacutetant un dicisigne Toutefois eacutegalement dans sa transformation historique
reacutecriture constitue bien un argument implicite que lanalyse critique classera selon les
types diumlnfeacuterence et dont elle jugera de la validiteacute Il sagit donc de critiquer chaque
type de signe informatif distingueacute dans leacutecriture japonaise et de voir si la
transformation de eacutecri ture dans le sens de augmentation des kaloko1o la rend pl us
apte agrave repreacutesenter son objet la langue japonaise usuelle La comparaison avec les
sera ici utile faisant contraster les objets et buts speacutecifiques cie chaque eacutecriture
89
Le but principal de leacutecriture japonaise est de transmettre le message en langue
japonaise le plus fidegravelement possible afin de permettre la communication effective de
l information du scri pteu l au lecteur Le signe eacutecrit do i t pour cela tendre agrave la
transparence il ne doit pas se man ifester pour lu i-mecircme mais seulement pou l son
objet La notation des p$ cependant a pour fonction plincipale de permettre
lanalyse logique par le retour reacuteflexif sur le signe et la critique subseacutequente La
logique qui est sous-jacente agrave sa repreacutesentation graphique est tout aussi fondamentale
que celle que le logicien tente de deacutecouvrir dans dautres pheacutenomegravenes Lanalyse de la
notation partic ipe donc agrave janalyse logique quelle su pporte Les signes de leacutecriture
japonaise et des graphes existentiels lepreacutesentent-ils leur objet de maniegravere adeacutequate
Forceacutement ces signes sont contraints par la forme de leur tondement et ne peuvent
sidentitier parfaitement agrave leur objet Mais ils visent un certain but et sils permettent
de latteindre alors on peut consideacuterer quils constituent des repreacutesentations
adeacutequates de leur objet Ladeacutequation de la repreacutesentation est relative agrave leffet viseacute Le
but du signe est son interpreacutetant final le processus qui megravene au nouveau signe son
interpreacutetant dynamique et le nouveau signe effectivement produit linterpreacutetant
immeacutediat Lanalyse logique critique doit eacutevaluer ladeacutequation de linterpreacutetant
immeacutediat agrave son objet en vertu de linterpreacutetant final La consideacuteration de linterpreacutetant
dynamique permet quant agrave elle de comprendre comment sopegravere cette mise en relation
Dans le cas des graphes existentiels lanalyse portera sur le vocabulaire
eacuteleacutementaire de la notation Le vocabulaire eacuteleacutementaire des 5 en leur partie Seta est
composeacute de symboles de sujets de la coupure (symbolique) de la ligne didentiteacute
(iconique) et implicitement de la juxtaposition La symboliciteacute des sujets et de la
coupure de mecircme que liumlconiciteacute de la ligne didentiteacute sont-elles les aspects
seacutemiotiques les plus appmprieacutes agrave fagraveire ressoltil lors de la repreacutesentation de la logique
des propositions analyseacutees Les sujets logiques sont des index des termes agrave la
signification deacutetermineacutee qui ancrent la proposition dans la reacutealiteacute actuelle Les signes
repreacutesentant ces sujets seraient donc ideacutealement des index ou plus exactement des
90
leacutegisignes indexicaux lheacutematiques Peirce donne le plus souvent dans ses exemples de
graphes des sujets tels que laquoest un hommeraquo et laquoest mortelraquo (CP 4407 1903) donc
des leacutegisignes symboliques lheacutematiques mais larcheacutetype du sujet logique en tant que
leacutegisigne indexical lheacutematique serait plutocirct un pronom deacutemonstratif tel que laquoceciraquo ou
laquocelaraquo ou mecircme une simple lettre de lalphabet telle quutiliseacutee dans la notation de la
logique formelle contemporaine (les exemples de graphes donneacutes dans la
correspondance agrave Lady Welby utilisent de telles lettres cf SampS 94-130 J909)
Lillustration commune par des symboles nest donc pas la plus adeacutequate mais
poursuit sans doute un but peacutedagogique secondaire agrave lanalyse du raisonnement
proprement dite et rend agrave cet effet la notation plus familiegravere cn utilisant des mots de la
langue usuelle Lemploi plus technique des lettres de lalphabet est cependant tout agrave
fagraveit apte agrave repreacutesenter les sujets logiques en leur caractegravere essentiel dindex La
neacutegation est quant agrave elle une cateacutegorie particuliegravere de la qualiteacute et la neacutegation logique
modalise donc la qualiteacute dun terme ou dune proposition Son signe serait ideacutealement
un leacutegisigne iconique lheacutematique La coupure est suggestive de cette modalisation
ma is ne lopegravele pas sans une cOllVention exp 1ic ite son 1ien avec la neacutegation restant
contingent Un changement de couleur des signes nieacutes aurait peut-ecirctre eacuteteacute plus
adeacutequat La coupure permet cependant la lecture endoporeutique de lexteacuterieur vers
linteacuterieur du graphe une convention fagravecilitant linterpreacutetation La relation didentiteacute
constituant le preacutedicat geacuteneacuteral de la proposition est finalement lexpression la plus
simple de lessence de la proposition Son signe le plus adeacutequat serait donc une icocircne
la plus authentique possible La ligne didentiteacute par la continuiteacute de son trait reliant
les symboles de sujets est un signe iconique lheacutematique des plus adeacutequats dans le
cadre dune analyse logique neacutecessitant lemploi dune notation conventionnelle en
son fondement un leacutegisigne La ligne didentiteacute est de la sorte un leacutegisigne iconique
lheacutematique le pJus approprieacute des signes vu les contraintes formelles imposeacutees par le
type de notation servant il lanalyse du raisonnement Les graphes existentiels font
donc ressortir dans la composition graphique de leurs signes explicites la structure
logique des propositions et arguments quils repreacutesentent en exploitant divers aspects
91
seacutemiotiques du signe qui correspondent aux divers aspects de la reacutealiteacute
Dans le cas de leacutecritule japonaise lanalyse portera sur les principaux signes
distingueacutes dans lexamen de la grammaire speacuteculative soit leacutecriture mixte konji-kona
et largument de la transformation en kalakano La quasi-proposition graphique de
leacutecriture mixte est com poseacutee de sujets logiques et dun preacuted icat logique geacuteneacuteral Les
sujets logiques sont comme dans lesif des index et leurs signes ideacuteaux dans une
repreacutesentation conventionnelle servant agrave lanalyse du raisonnement seraient des
leacutegisignes indexicaux rheacutematiques Mais le but de leacutecriture japonaise est de
repreacutesenter une langue usuelle servant avant tout agrave la communication effective entre
interlocuteurs et les leacutegisignes symboliques lheacutematiques que sont les kanji el
kalakana repreacutesentant les sujets logiques de leacutecriture jouent convenablement leur
rocircle ils ancrent la proposition dans une langue conventionnelle et non seulement dans
le monde actuel Les konji sont mecircme agrave ce sujet un peu plus approprieacutes que les
kalokana car ils tendent agrave la symboliciteacute dicente leur interpreacutetation interne ou en
contexte eacutetant plus complexe tandis que les kana tendent agrave lindexicaliteacute rheacutematique
indiquant chacun tel son deacutetermineacute Dans un contexte sociolinguistique ougrave la
connaissance de la convention de leacutecriture tagraveit deacutetagraveut les kOlokono sont cependant
preacutefeumlrables un but diffeacuterent daccessibiliteacute agrave Jinformation eacutetant alors poursuivi Le
preacutedic8t logique geacuteneacuteral repreacutesenteacute par leacutecriture mixte est pour sa part la syntaxe de la
langue japonaise lorganisation des relations logiques propre agrave cette langue Le
diagramme un sous-type de leacutegisigne iconique rheacutematique en est le type de signe
ideacuteal relleacutetant en son fondement la structure relationnelle propre agrave la syntaxe Le
diagramme de lalternance entre types deacutecriture en indiquant la structure
fondamentale thegraveme-commentaire est un signe de la syntaxe japonaise des plus
adeacutequats Il est quelque peu embrouilleacute par lutilisation des hiragafo dans la
structuration interne et non seulement externe du thegraveme et du commentaire mais Ilen
demeure pas moins un signe explicite de la syntaxe japonaise dans son ensemble
Leacutecriture mixte par le jeu entre ses deux composantes logiques repreacutesente donc
92
adeacutequatement la nature propositionnelle de la langue japonaise
Les transformations actuelles de leacutecriture japonaise preacutesentent un certain
aspect argumentatif Lobjet de cet argument est le contact des langues auquel est
actuellement sujette la langue japonaise Lassimilation de mots eacutetrangers principal
effet du contact des langues ne moditiumle pas la structure syntaxique fondamentale de la
langue mais change bien la coloration le ton la nLiance de ses termes un certain
aspect qualitatif de la langue est transformeacute La langue japonaise en tant que signe
deacuteterm ine son interpreacutetant en vertu de nouvelles quai iteacutes prem iegraveres de son fondement
la forme des mots dorigine eacutetrangegravere assimileacutes Sa rheacutematiciteacute est donc affecteacutee La
repreacutesentation de ces mots par des katakal10 et laugmentation sign ifiumlcative du nom bre
de katakano dans le texte japonais sont un signe adeacutequat de la transformation de la
langue japona ise Les katokana otfren t un aspect qua 1itatif d i lteumlrent de cel uides konji
qui transforme la rheacutematiciteacute des termes de la quasi-proposition En quoi consiste
largument Largument de la transformation actuelle de leacutecriture japonaise est L1ne
infeacuterence deacuteductive dont la regravegle reste implicite Cette regravegle eacutenonceacutee de faccedilon geacuteneacuterale
est que si seuls les sujets logiques de la quasi-proposition sont moditiumleacutes et non son
preacutedicat logique geacuteneacuteral alors la structure fondamentale de la langue japonaise reste la
mecircme car cest la relation didentiteacute du preacutedicat qui fonde sa syntaxe Eacutenonceacutee de
maniegravere speacutecifique agrave leacutecriture japonaise cette regravegle devient si seuls les leacutegisignes
symboliques lheacutematiques des termes de premiegravere intention sujets de la quasishy
propos i tion sont mod i fieacutes alors le diagramme fondamenta 1 de leacutecriture le preacuted icat
geacuteneacuteral reste le mecircme Le cas actuel observeacute est une transformation de la rheacutematiciteacute
des termes de premiegravere intention cie leacutecriture japonaise Le reacutesultat perccedilu agrave travers la
diachronie est que le diagramme de leacutecriture reste le mecircme de mecircme que la syntaxe
de la langue Nous pouvons tiumlnalement illustrer et reacutesumer largument de la maniegravere
suivante
93
B~~(J)~9It~~9T9tlmiddot 77- z~~It1J I)zz Y 1) -9T90
B~~(J) 1(- IJ 91t--j- - YT9tJ 77- z~~lt IJ 1) z z 1) -YT90
000000000bullbullbull 00000000000000bullbull0
0000000000000bullbullbull OOUOOOOOOOOOOObullbullo
Regravegle-Si seule la rheacutematiciteacute cles termes de premiegravere intention de leacutecriture
japonaise est modifieacutee alors son diagramme reste le mecircme
Cas-Seule la rheacutematiciteacute des termes cie premiegravere intention cie leacutecriture japonaise
est Illodi fieacutee
Reacutesultat-Le diagramme de leacutecriture japonaise reste le mecircme
223 Critique de lanalyse seacutemiotique
Le retour reacuteflexif et critique sur lanalyse seacutemiotique permettra agrave preacutesent de
mieux saisir les aspects eacutepisteacutemologiques de Iapplication de la theacuteorie seacutemiotique agrave
leacutetude de Ieacutecriture La reacuteflexion sera eacutelaboreacutee agrave partir des cateacutegories particuliegraveres de la
signification et de la modaliteacute et permettra de juger du bien-fondeacute de lapplication de la
seacutemiotique Le retour se fera dabord sur la theacuteorie geacuteneacuterale de leacutecriture comme signe
eacutelaboreacutee puis sur lapplication speacutecifique agrave leacutecriture japonaise et le problegraveme de sa
transformation actuelle Jexaminerai plus speacutecifiquement les concepts et les types
dinfeumlrence utiliseacutes en deacutefinissant les concepts philosophiques de la seacutemiotique et les
concepts idioscopiques de la linguistique et en deacuteterminant comment seffectue la
transformation dun type de concept en Iautre Je ferai ainsi ressortir Iargument qui
justifie le passage de la seacutemiotique agrave la science de jeacutecriture
Les concepts philosophiques de la seacutemiotique sont des concepts geacuteneacuteraux
servant de normes au raisonnement Prenons par exemple les concepts seacutemiotiques de
fondelllent en tant que constituant du signe et de diogrUlllllle en tant que type de signe
Ces deux concepts reacutefegraverent agrave une certaine structure de la reacutealiteacute que la seacutemiotique
94
philosophique cherche il repreacutesenter Ce sont des concepts philosophiques en ce
quils sappliquent agrave lexpeacuterience commune de la reacutealiteacute actuelle Ce sont aussi des
concepts seacutemiotiques en ce quils sappliquent plus speacutecifiquement agrave la penseacutee qui se
deacuteveloppe de signe en signe Ils servent finalement de normes au raisonnement en ce
quils constituent des principes directeurs pour toute reacuteflexion systeacutematiquement
ulteacuterieure SUI les lepreacutesentations neacutecessaires de la reacutealiteacute propres agrave la science Le
fondement repreacutesente ainsi un eacuteleacutement de la structure du signe laspect selon lequel le
signe en soi deacuteterm ine la repreacutesentation que lon se doit de consideacuterer dans toute
repreacutesentation adeacutequate de la reacutealiteacute Le diagramme en repreacutesentant un type de signe
rend quant agrave lui explicite laspect selon lequel le signe repreacutesente un ensemble de
re lat ions reacuteelles ce que lon se doit eacutegalement de consideacuterer dans la repreacutesentation
particuliegravere de la reacutealiteacute en vertu des relations propres agrave un objet La seacutemiotique
inaugure donc le mouvement reacuteflexif et critique de la penseacutee qui fait alors retour sur
ses propres repreacutesentations et sert en cela de fondement agrave toute repreacutesentation
scientifique Le concept seacutemiotique exprime de la sorte une relation possible en voie
dactualisation dans la repreacutesentation dun objet reacuteel par son signe
Les concepts idioscopiques de la linguistique sont des concepts geacuteneacuteraux
servant agrave la classification des langues et de leurs eacuteleacutements En classifiant des
propositions qui peuvent se constituer en arguments la linguistique tend aussi agrave
repreacutesenter les lois du langage Par exemple les regravegles grammaticales sont des
propositions pouvant composer des arguments dune theacuteorie de la syntaxe Ces regravegles
lorsque duumlment justifieacutees par les 8rguments quelles composent deviennent
effectivement des lois de la langue il laquelle elles sappliquent Les regravegles
grammaticales ordinaires sont cependant des propositions constitutives dune theacuteorie
linguistique construite par le bas il partir des donneacutees factuelles accumuleacutees dans les
recherches de cette science idioscopique attacheacutee agrave lobservation des fagraveits propres aux
langues speacutecifiques Les concepts linguistiques qui nous inteacuteressent sont plutocirct ceux
deacuteriveacutes de la seacutemiotique tels queacutelaboreacutes dans lanalyse de leacutecriture des sections
95
preacuteceacutedentes Prenons ainsi pour exemple les concepts defocircndelJent de leacutecriture tel
que deacuteveloppeacute dans la theacuteorie geacuteneacuterale de leacutecriture comme signe el de diogroJJJJI1e de
eacutecriture tel que deacuteveloppeacute dans lanalyse de leacutecriture japonaise et de ses
transformations actuelles Ces concepts eacutelaboreacutes agrave partir de la seacutemiotique rentrent euxshy
mecircmes dans la composition dune theacuteorie de la syntaxe et de la seacutemantique graphiques
de leacutecriture Le fondement de leacutecriture est la forme speacutecifique dun signe deacutetermineacute
leacutecriture qui deacutetermine la repreacutesentation de la reacutealiteacute par ce signe Le concept
linguistique de fondement de leacutecriture est donc agrave la fois mieux deacutelinIcirc el plus geacuteneacuteral
que le concept seacutemiotique de fondement tout court car sa compreacutehension et son
extension sont preacuteciseacutees il ne sagit plus du signe mais de leacutecriture un ensemble
speacutecifique de signes comprenant toutefois plusieurs types deacutecriture eux-mecircmes
deacutefinissables plus avant Le diagramme de leacutecriture est de la mecircme faccedilon un aspect de
lo~jet reacuteel plus preacutecis de fa langue rendu explicite par leacutecriture dont plusieurs
langues et eacutecritures peuvent cependant ofTrir des formes diffeumlrentes Les sciences
idioscopiques achegravevent donc le mouvement reacuteflexif de la penseacutee en le faisant porter
dans un retour pragmatique sur des objets speacutecifiques de la reacutealiteacute actuelle dont la
consideacuteration megravenera ultimement agrave certaines conduites controcircleacutees par la raison Le
concept idioscopique exprime ainsi une relation neacutecessaire entre la repreacutesentation et la
reacutealiteacute repreacutesenteacutee une loi de la nature ou du deacuteveloppement naturel de lactiviteacute
humaine
Leacutepisteacutemologie suite agrave la distinction et la deacutefinition des dif1eumlrents types de
concepts geacuteneacuteraux peut aussi effectuer un retour critique sur la transtormation de
certains concepts en autres concepts tel que leffectue la logique crilique au sujet des
signes infonnatifs Lobjet seacutemiotique plus preacutecis de leacutepisteacutemologie est la
connaissance qui est deacutetlnie classiquement comme une croyance vraie justifieacutee Cette
croyance est une proposition constitueacutee de rhegravemes Elle est consideacutereacutee vraie lorsque
les sujets de ces rhegravemes reacuteduits agrave la relation didentiteacute fondamentale de mecircme que la
structure repreacutesenteacutee par ces rhegravemes en tant que preacutedicats geacuteneacuteraux saccordent avec
96
la reacutealiteacute actuelle Elle est de plus justifieacutee par un argument qui la relie logiquement agrave
dautres propositions vraies lui donnant de la sorte des points dancrage
suppleacutementaires dans la reacutealiteacute actuelle qui viennent assurer sa propre adeacutequation au
reacuteel Quel est largument qui justifie la transformation des concepts seacutemiotiques en
concepts linguistiques Le principal type diumlnfeumllence par lequel les concepts
philosophiques de la seacutemiotique sont transformeacutes en concepts idioscopiques de la
linguistique est la deacuteduction Dans le cas du diagramme par exemple largument
deacuteductifspeacutecifique qui justifie son application agrave Ieacutecriture prend pour regravegle le principe
directeur de la seacutemiotique suivant si un signe entretient sous un celtain aspect avec
son objet une relation de similitude en vertu de relations propres agrave lobjet et au signe
alors ce signe est un diagramme Le cas auquel il sapplique est le fagraveit constateacute que
leacutecriture est un signe qui sous un certain aspect entretient avec son objet speacutecifique
la langue usuelle une relation de similitude en vertu de relations propres agrave lui-mecircme et
agrave ce dernier Le reacutesultat en est que dans la reacutellexion du linguiste sur la repreacutesentation
de lobjet reacuteel de la langue usuelle quest leacutecriture ce dernier signe est interpreacuteteacute
comme un diagramme La seacutemiotique fournit de la sorte une regravegle agrave linterpreacutetation
dun cas speacuteci1ique de la linguistique interpreacutetation qui produit un concept
linguistique Les concepts seacutemiotiques sont donc des termes de la proposition servant
de regravegles qui sont repris dans une version plus preacutecise et geacuteneacuteralisable agrave un ensemble
dobjets actuels en tan t que conce pts id ioscop iq ues L infeumlrence effectueacutee nest pas
en cela une simple deacuteduction mais un type diumln1eumlrence deacuteductive plus preacutecis
comprenant un certain aspect abductir la speacutecification (descent) du concept de
diagramme La peacutecJjicoioJ1 est un type diumlnfeacuterence qui augmente la compreacutehension
dun concept tout en en diminuant lextension et augmente globalement linformation
veacutehiculeacutee (sa parI abductive) Cest agrave la fois une deacutetermination (augmentation de la
compreacutehension) et une restriction (diminution de lextension) (CP 2422-29 1867
1893) Dans le cas de la transformation du concept de diagramme un nouveau concept
est produit le diagramme de leacutecriture suite agrave une augmentation de la compreacutehension
lacquisition de la qualiteacute deacutecriture et une diminution de lextension du concept la
97
limitation aux seuls signes eacutecrits Largument peut finalement ecirctre scheacutematiseacute de la
fagraveccedilon suivante
Regravegle-Si un signe entretien avec son objet une relation de similitude en vertu de
relations propres agrave lobjet et au signe alors ce signe est un c1iagreacutellnme
CilS speacutecitique-Leacutecriture est un signe qui entretien avec son objet la langue
usuelle une relation ck similitude en vertu de reliltions propres agrave lui-mecircme e
agrave ce dernier
Reacutesultill-Leacutecriture est un diagramme de la langue usuelle
Le dernier moment de la reacuteflexion dordre eacutepisteacutemologique est liumlnterpreacutetation
geacuteneacuterale de largument distingueacute replaccedilant ce dernier clans lensemble du systegraveme
peirceacuteen et allant dans le sens du pragmatisme Les concepts seacutemiotiques ont eacuteteacute dits
fonder la reacuteflexion systeacutematiquement ulteacuterieure sur les repreacutesentations de la science
mais le systegraveme peirceacuteen renvoie en fait agrave toute une ontologie Chaque niveau du
systegraveme est caracteacuteriseacute par un ensemble de cateacutegories qui speacuteci fient le point de vLle
que ce premier prend sur la reacutealiteacute La transformation des concepts scientifiques
correspond donc agrave un changement de niveau ontologique ainsi les concepts
seacutem iotiq ues extra its de leur si tuation particul iegravere au se in des sc iences ph i losoph iques
normatives ont-ils eacuteteacute appliqueacutes agrave leacutetude de leacutecriture une science idioscopique
psychique La reacuteflexion agrave ce sujet seffectuant par les signes du langage on se rend
aussi compte que le point de vue seacutemiotique sur lactiviteacute scientifique implique quau
langage soit confeacutereacute un statut particulier parmi les objets constituant la reacutealiteacute le
langage occupe plusieurs niveaux de la reacutealiteacute et permet de passer dun niveau agrave
lautre Ce serait son aspect meacutediateur en tant que signe triadique qui ressortirait ici et
le caracteacuteriserait avant tout
En quoi la reacuteflexion eacutepisteacutemologique sappuie-t-elle sur la doctrine du
pragmatisme Leacutepisteacutemologie est une science meacutetaphysique faisant retour sur les
connaissances deacuteveloppeacutees par le raisonnement Le pragmatisme est quant agrave lui une
doctrine de la meacutethodeutique science anteacutelieule agrave la meacutetaphysique et ayant des
98
conseacutequences sur cette dell1iegravere La conseacutequence la plus proprement eacutepisteacutemologique
est le faillibilisme ou plus geacuteneacuteralement le sens commun critique Nous reconnaicirctrons
ces conseacutequences du pragmatisme en mettant en lien deux aspects de la transformation
des signes constateacutes dans la critique logique et la critique eacutepisteacutemologique Dans
lana lyse logique critiq ue nous avons pu remarquer 1iuml mportance de certains types de
signe du point de vue de la seacutemiose Un signe qui ne nous inlorme pas qui ne
deacuteveloppe pas son aspect de Troisiegravemeteacute ne nous affectera que momentaneacutement en
tant que Deuxiegraveme ou inconsciemment en tant que Premier ce sont donc les signes
informatifs et ultimement les arguments qui nous affectent le plus en prenant controcircle
de notre vie et de notre monde comme repreacutesentation Cependant les arguments se
deacuteveloppent et sajustent selon que la contiontation avec la reacutealiteacute actuelle vienne les
confirmer ou non En faisant ressortir cet aspect de la seacutemiose la critique logique vient
fonder le faillibilisme Dans la critique eacutepisteacutemologique nOLIs avons aussi vu que les
concepts se deacuteveloppent systeacutematiquement dans le sens du retour sur la reacutealiteacute
actuelle en tant que principes directeurs de repreacutesentations deacutetermineacutees cie la reacutealiteacute
puis densembles de repreacutesentations speacutecifiques Cette constatation est baseacutee sur des
principes de la logique la deacuteduction et plus preacuteciseacutement la speacutecification rendus
explicites par la critique logique Le principe du pragmatisme est donc opeacuterant dun
point de vue eacutepisteacutemologique dans le deacuteveloppement de la connaissance au sein du
systegraveme des sciences mais se fonde sur une logique deacutegageacutee par lanalyse seacutemiotique
Finalement lanalyse seacutemiotique ne nous a pas fait deacutecouvrir la structure logique de la
langue que la grammaire distinguait deacutejagrave dans son travail de reacutellexion theacuteorique agrave partir
de donneacutees lagravectuelles mais a permis en explicitant les principes directeurs de la
repreacutesentation par signes de fonder lanalyse grammaticale et de rendre ses
explications plus claires moins opaques plus conformes agrave leur objet Cest ce que la
critique eacutepisteacutemologique nous fait constater
Conclusion
Lapplication de la seacutemiotique philosophique agrave leacutetude de leacutecriture est
leacutegitimeacutee par une certaine logique de la transformation des concepts au moyen dune
inrerence valide qui prend la forme dClrguments speacutecifiques Cette application sous
son aspect logique se 10nde donc sur la seacutem iotique en tant que science normative
donnant les principes directeurs du raisonnement La seacutemiotique se base quant agrave elle
sur la phaneacuteroscopie qui lui tournit agrave son tour les cateacutegories universelles et
particuliegraveres de lexpeacuterience repreacutesentant la structure de la reacutealiteacute et permettant
deacutelaborer la reacuterlexion sur les r-ormes geacuteneacuterales de la reacutealiteacute que sont les signes Le
deacuteveloppement des cateacutegories et plus preacuteciseacutement des signes suit de plus un certain
ordre dont le but viseacute du retour sur la reacutealiteacute actuelle atin de reacutealiser ladeacutequation
entre la raison individuelle et le monde est rendu explicite par un mouvement
reacutetrospectif dans le principe du prClgmatisme Ladeacutequation de la raison au reacuteel est le
motif mecircme de lapproche seacutemiotique de leacutecriture qui a pour but de rendre les
repreacutesentations de la science idioscopique de leacutecriture plus conronnes agrave la structure
reacuteelle du langage repreacutesenteacute
Linterpreacutetation de la philosophie peirceacuteenne et son application agrave leacutetude de
leacutecriture proposeacutees dans ce meacutemoire possegravedent quelques particulariteacutes les
deacutemarquallt de lexeacutegegravese traditionnelle Tout dabord la meacutethodeutique (le
pragmatisme) et la meacutetaphys iq ue on t eacuteteacute preacutesenteacutees en prem ier alors quelles son t
toutes deux les derniegraveres sciences (Troisiegravemes) de leurs branches respectives alin de
donner degraves le deacutepart le but viseacute des sciences philosophiques dans le premier chapitre
qui repreacutesente somme toute un exposeacute reacutetrospectif du systegraveme peirceacuteen Lexposeacute de
la phaneacuteroscopie a ensuite eacuteteacute eacutelClboreacute en preacutesentant non seulement les cateacutegories
universelles mais aussi les cateacutegories particuliegraveres comme r-ondamentales agrave la penseacutee
peirceacuteenne en mettant toutefois laccent sur les cateacutegories particuliegraveres de la modaliteacute
et de la signirication Lexposeacute suivant de la seacutemiotique ne sest pas de la mecircme faccedilon
100
limiteacute agrave la preacutesentation de la grammaire speacuteculative mais sest eacutetendu jusquagrave la
logique critique pour faire finalement retour sur la doctrine du pragmatisme preacutesenteacutee
en deacutebut de chapitre La notation logique des graphes existentiels a quant agrave elle servi
dexemple privileacutegieacute dun systegraveme deacutecriture deacuteveloppeacute agrave partir des principes de la
seacutemiotique
Lapplication agrave leacutetude de leacutecriture et au cas speacutecifique de leacutecriture japonaise
a permis au second chapitre de deacuteterminer la porteacutee de la seacutemiotique philosophique
sur une science idioscopique plus preacutecise Le motif structurant de lexposeacute a plutocirct
eacuteteacute dans ce chapitre de partir agrave chaque fois dun exemple lagravemilier les theacuteories
linguistiques de leacutecriture japonaise et la graml11airejaponaise pour ensuite deacutevelopper
lanalyse seacutemiotique Lapproche seacutemiotique a permis entre autres de formuler une
interpreacutetation originale de la structure syntaxique eacuteleacutementaire de la langue japonaise et
de la fonction signifiante de son eacutecriture La reacuteflexion eacutepisteacutemologique a finalement
permis deffectuer un retour critique et global sur lapplication quelle a justifieacutee en
faisant ressortir largument par lequel seffectue le passage dun type cie concept agrave un
autre La critique eacutepisteacutemologique a eacutegalement permis une premiegravere ouverture
meacutetaphysique de Janalyse seacutemiotique par le retour reacutellexif sur cette derniegravere
Jaimerais suggeacuterer en conclusion de ce meacutemoire deux autres pistes permettant
douvrir lana lyse seacutem iotiq ue plus avant mais cette fois-ci au se in des sciences
normatives du systegraveme peirceacuteen soit celles de leacutethique et de lestheacutetique
Deux ouvertlires eacutethiq1le et estheacutetiq1le
Peirce a peu eacutecrit sur leacutethique et lestheacutetique maIs on retrouve dans son
œuvre plusieurs passages qui permettent de reconstruire agrave peu pregraves sa penseacutee agrave ce
sujet Dans le domaine de leacutethique Peirce suit avant tout la tradition kantienne qui
met laccent sur lautonomie du sujet moral et limportance du devoir Il fonde de plus
101
leacutethique sur lestheacutetique tel que nous lavons vu dans la preacutesentation du systegraveme des
sciences La maicirctrise de soi est lultime moment eacutethique de la vie et son but doit ecirctre
de rendre cette vie belle et admirable La libre volonteacute est elle-mecircme dirigeacutee vers ce but
propre et rien dautre si ce nest que par deacuterivation (une rdlexion cie Peirce explicite agrave
ce sujet dans une lettre agrave Lady Welby en SampS 112 1909)
Quel lien peut entretenir la theacuteorie seacutemiotique de leacutecriture japonaise avec
leacutethique La theacuteorie seacutemiotique de leacutecriture pourrait ici fonder le retour pragmatiste
de la raison sur une dimension eacutethique plus vaste cie la reacutealiteacute actuelle le controcircle clu
deacuteveloppement de la culture En comprenant mieux les eHets cles transformations
actuelles de leacutecriture dun point de vue seacutemiotique on serait plus apte agrave juger du
bien-fondeacute dune intervention normative agrave ce sujet et on pourrait ainsi fonder une
veacuteritable politique de leacutecriture Peirce lui-mecircme a reacutefleacutechi agrave un problegraveme analogue agrave la
transformation de leacutecriture dans le sens de laugmentation des kalakana soit la
reacuteforme de lorthographe anglaise dans le sens de sa phoneacutetisation Il eacutetait sur ce point
plutocirct conservateur sont motif eacutetant en cela cie sauver lltltesprit)) de la langue anglaise
le monde de signification auquel participe et que fonde dun cel1ain point de vue non
neacutegligeable lorthographe de la langue anglaise Cette position est illustreacutee dans la
citation suivante qui pourrait servir cie leccedilon agrave une reacutellexion ulteacuterieure sur le cas de
leacutecriture japonaise et sa reacuteforme
1 remember in Rome in 1870 lt111 Egyptian obelisk covered Vitll hieroglyphics
surmounted by a gilt cross and resting on eacutel base Vith eacuteln inscription of Trsjltln This
monument pleased me greeacuteltly as eacuteln epitome o~ Rome Probably ere tllis tlle cross
Ilas been removed by tllose wllom it seemecl barbmously unllistoriceacutell They were
unconscious theacutelt il WeacutelS their own proceeding thsl wss barbmously oblivious of
Ilistory But 1 woulcl not have il restored for its removal bespeaks the spirit of s
new historicsl phase or the eternal city English spelling is like Rome it is a
historical composite of the most heterogeneous elements Il is onen absurcl but
that very absurclity is of value to us To raze Rome and have it rebuilt by Cl
Chazago architect would be less detrimental to the higher interests of the human
race than to reform English spclling sa as ta Illake it ljuite phanetic The one
102
would not only do terrible violence ta our sentiments but woulcL [no doubt alleet
the lesthetic development of the worlcl But even this would not be sa bacl as ta
deprive English-writing thought-we will not say of its clolhing for that would be a
most inaclequate meta phare Ta attem pt ta revo 1ution ize Engl ish spell ing whi le
leaving Anglo-saxon thought intact would be like trying ta burn up the cellulose of
the rose while leaving its color ancl beauty ancl significance (MS 1181 laquoThe
Eclitors Manual English Spellingraquo c 1886-9 1901)
Lestheacutetique agrave son tour ne consiste pas en une pure contemplation de la
Premiegravereteacute car il sagit dune science posseacutedant une part importante de Troisiegravemeteacute
un certain type de raisonnement neacutecessaire De toute faccedilon en tant quactiviteacute
humaine il sagit aussi dun type dexpression prenant le point de vue du phaneacuteron
sur lui-mecircme et ses trois aspects fondamentaux omnipreacutesents et irreacuteductibles Le
jugement estheacutetique consiste en un retour agrave un certain degreacute de Premiegravereteacute mais reste
en tant que repreacutesentation de la reacutealiteacute toujours soumis agrave lineacutevitable triadiciteacute du
monde phaneacuteronique De ce point de vue la calligraphie lun des arts majeurs de la
culture japonaise bien quelle tend le plus souvent agrave reacutegresser agrave un stade qualitatif
plus eacuteleacutementaire nen reste pas moins un art de leacutecriture un produit de la culture et
de son mode conventionnel dexpression Seulement lart de la calligraphie donne un
point de vue qualitatif sur le phaneacuteron et se distingue en cela de la science de
lestheacutetique qui tend agrave interpreacuteter rationnellement le pheacutenomegravene de la contem p lation
des qualiteacutes La reacuteflexion suivante de Peirce rend explicite cette cleacute de la
com preacutehens ion de lart
and ignorant as 1 am of Art 1 have a lair share of capacity for esthetic
enjoyment and it seems ta me that while in esthetic cnjoymenl we attend ta the
totality of Feeling-ancl especially to the totll resultanl Quality of Feeling
presentecl in the work of art we are contemplating-yet it is a sort of intellectual
sympathy a sense thal here is a feeling that one can comprehencl a reasolleacutelble
feeling 1 do not succeed in saying exactly what it is but it is a consciousness
belongi ng to the category a l Representa tion though representi ng someth ing in the
Category of Quality of Feeling (EP2 190 1903)
103
Ainsi Ianalyse seacutemiotique en plus de sensibiliser aux diverses perspectives
du signe eacutecrit peut eacutegalement souvrir aux multiples dimensions du phaneacuteron ce qui
est sans aucun doute la plus importante marque attestant du caractegravere philosophique
de la seacutemiotique peirceacuteenne De mecircme que pour les conceptions universelles qui bien
quelles ne puissent ecirctre davantage analyseacutees en soi le sont toujours dans leur mise en
relation contextuelle (ce qui serait selon Peirce lune des leccedilons essentielles de la
logique des relations EP2 219 1903) lorsque lanalyse seacutem iotique se parachegraveve
inteacuterieurement la reacuteflexion philosophique qui la soutient peut toujours souvrir et se
deacutevelopper dans le sens des autres sciences philosophiques des autres sciences
heuristiques et mecircme du reste de lactiviteacute humaine Au terme ultime de cette odysseacutee
de la conscience seacutemiotique agrave travers le systegraveme peirceacuteen des sciences nous
reconnaissons donc tinalement le motif Je plus fondamental de ce systegraveme la
continuiteacute de la penseacutee
Annexe 1 Les graphes existentiels (parties Alpha et Geta)
Alpha
Il tonne Il tonne
Il pleut
Il tonne et il pleut Il tonne ou il pleut Siumll tonne alors il pleut
(serail)
Le modus ponenl (selon Roberts 1973 45 avec les regravegles de Shin 2002)
P p
l Preacutem isses
p
2 Erlacement de P en aire non-encercleacutee
3 EHacement de P car P exteacuterieur en l
4 Q Effacement de la double coupure
lOS
Jeta
Cest beau Cest beau
est bon
est bon
Quelque chose est beau et bon Il nest pas le cas que quelque chose soit beau et
bon
est beau( ~
Quelque chose est beau mais pas bon Tout ce LJui est beau est bon
(II nest pas le cas que quelque chose soit
beau
mais pas bon)
EYOkO
donne une 1legraveul
John John donne une neul agrave Yoko (ligature)
106
Syntaxe dAlpha (selon Shin 2002 37-8 84-5)
Vocahulaire
symboles propositionnels (senence symhols)
coupure (cut) [symbolique]
(juxtaposition [quasi-iconique])
Regravegles de formaion
Un ensemble de graphes Alpha c esl le plus petit ensemble satisfaiseacutelnt les
cond i tions su i vantes
1 Un espeacutelce vide est clans r
2 Un symbole propositionnel est dans
3 Fermeture pm juxtaposition Vuxaposilion colure) Si G est dans lt et G
est dans c alors la juxtaposition de ces n graphes cesl-agrave-dire G G est
aussi dans (
4 Fermeture par coupure (CUi cfosure) Si G est dans lt alors une seule coupure cie
G est aussi clans _
Regravegles de ransjOrmaion
1 Dans une aire encercleacutee de faccedilon paire (ou non encercleacutee) disons iaire a
(a) on peut ellagravecer nimporte quel graphe et
(b) on peut dessiner un graphe X sil ya une occurence cie X
(i) clans la mecircme eacutelire cest-agrave-clire laire a ou
(ii) clans leacutel prochaine eacutelire exteacuterieure agrave aire a
2 Dans une aire encercleacutee cie faccedilon ill1paire clisons iaire a
(a) on peut elcrcer un graphe X sil ya une eacute1Lltre occurence cie X
(i) dans la mecircme aire cest-agrave-dire iaire a ou
(ii) dans la prochaine aire exteacuterieure 21 laire a et
(b) on peut dessina nimporte quel graphe
3 Une COUPl( couhle peut ecirctre effeacutelceacutee ou dessineacutee autour cie nimporte quelle
partie (Jun graphe
107
Synfaxe de [Jefa (selon Shin 2002 39-41 139-42 modifieacutee)
Vocabulaire
symboles de sujets
coupure [symbolique]
ligne didentiteacute (fine ojideJ1lity) abbr LI [iconique]
(iux taposition [qUeacutelsi- iconique])
Regravegles dl formation
Un ensemble de graphes Beta est le plus petit ensemble salisfeacutelisanl les
conclitions suivantes
l Un espace vide est cleacutelnsC Il
2 Une ligne cIidentiteacute est clans (
J Fermeture par juxtaposition Si G est dans r et G est clans ( alors leacutel bull 1 lt Il Il
juxtaposition de ces n graphes cest-agrave-dire G G est aussi clans (
4 Fermeture par sujet Si G est dans C~ alors un graphe avec un symbole cie sujet 11shy
aire eacutecrit agrave la jonction cie 11 extreacutemiteacutes libres dans G est aussi dans ltshy5 Fermeture par coupure Si G est dans lt alors un graphe cleacutelns lequel une seule
coupure est dessineacutee dans nimporte quelle sous-partie de G sans croiser un
symbole de sujet est eacutelussi dans etI
6 Fermeture par branche Si G est dans ltgt alors un graphe clans lequel une LI dans
G se branche est aussi deacutelns r
Regravegles dl tJOl1sjoll7(tiol1
l Dans une aile encercleacutee cie faccedilon poire (ou non encercleacutee) clisons laire a
(a) on peut elCreer nimporte quel graphe et
(b) on peut dessiner une LI ou un graphe X sil y eacutel une occulence de X
(i) clans la mecircme aire cest-agrave-dire laire 0 ou
(ii) dans la procheacuteline eacutelire exteacutelieure agrave laire o
2 Dans une aile encercleacutee cie faccedilon iJJljJoire clisons leacutelire 0
(a) on peut elagravecer un graphe X sil y eacutel une autre occurence cie X
(i) cleacutelns la mecircme eacutelire cest-agrave-dire leacutelire 0 ou
(ii) deacutelns la prochaine aire exteacuterieure agrave laire 0 et
(b) on peut dessiner nimporte quel graphe
108
J On peut allonger une extreacutemiteacute libre dune LI
(a) vers linteacuterieur agrave travers une ou des coupures et
(b) vers lexteacuterieur
(i) dune aire-I agrave L1ne aire-P
(ii) dune aire-I agrave L1ne aire- ou
(iii) dune aire-P agrave une aire-P agrave moins quil ny ait une autre LI
(A) qui soit attacheacutee aux mecircmes sujets
(B) dont la porteacutee soit plus grande que la LI que lon deacutesire allonger et
(C) dont la pal1ie la plus exteacuterieure soit dans une aire-P
4 On peLit reacutemcler une extreacutemiteacute libre dune LI
(a) vers l inteacuterieur
(i) dune aire-I agrave L1ne aire-P
(ii) dune aire-P agrave une aire-P ou
(iii) dune aire-I agrave une aire-I agrave moins quil ny ait une autre LI
(A) qui soit attacheacutee aux mecircmes sUIcircets
(B) dont la porteacutee soit plus grande que la LI que Ion deacutesire allonger et
(C) dont la partie la plus exteacuterieure soit dans L1ne aire-P et
(b) vers lexteacuterieur agrave travers une ou des coupures
5 On peut joindre deux extreacutemiteacutes libres de lignes didentiteacute
(a) dans une aire-l ou
(b) dans une aire-P si les sous-graphes agrave joindre sont des occurences du mecircme
type
6 On peut disjoindre une ligne didelititeacute
(a) dans une aire-I si les sous-graphes agrave disjoindre sont des occurences du mecircme
type ou
(b) dans une aire-P
7 Une cOlfJlre dOlhie peut ecirctre effaceacutee ou dessineacutee autour de nimporte quelle
partie dL1n graphe
8 On peut dessiner ou effacer nimporte quelle hmnche dune ligne didentiteacute sans
traverser une coupure
9 On reut formel OLi briser un clcfe (courbe fermeacutee) dune branche dune LI dans la
pal1ie la plus inteacuterieure dune jonction
Annexe 2 Le systegraveme deacutecriture japonais
Lisle des 19-15 kanji lIslels (jocircyocirc kanji)
-tTT~~~~~~ftfi~~~~nR~~amp~~~h~amp~=E~~~~~AgraveU~~~
~~~~~$ftC~frM~KM~~~~ffiffuuml~m~~~~mtt~~mmw~~~m~~œm
9IJM~F6~JEfrœf9euroI~flifiumlil~~g~IIcirc~~jjijA~~tirlwJ[~ampfJffi~tJ~ji1Jicircjg~~~ritIff~
~~7eumlJr7eacute7t5t~bRW-A~1tt~~~JlJ F9 pg ffiI~n~J11~EtUfLJl~ [I] tJ eacuteJlJ JJ tJJ7NJJ~jIJfIJ
Jfl] 91HtJ JJIJ ~IJ ~IJ~IJ$IJilJlJ~IJ MlIJiIJ~IJj)fljgIJJIIJilIJ11lIJ~IJIJ 1J ~D r]j sectiJ~JjJiJ9J~MiJ iJ ~ 1It1tlJl1J~UiJ~~ucircJJ~l-5JJ ~
~ta~~sectE~~+~~m$~~rn~~WM~W~~S~~~x~~amp~n~~U7~~D
~~EB3~~~~~~~~fig~~ bullbull~~~~~~~~~~~~~~u~~~~~~~~~
~~~W~~R~~~~H~~~~~~~~OO~~plusmnffrrmM~~~~~~~~~~gB~~
m~~w~œ~~~~~~mŒ~~oo~~~œœplusmntt~~~~~~~~n~a~~~~fi
~~gi1~~~~mR~5t~~~~~JlIH9D~29HJj~j~ili~eacutel~99l19lHJN9~9ft9IHffl91i~9i9iU~~HL~rP~~
m~~~~~g~œ~~~~~H~~~gamm~bullbull~~~bullbullbull~~~WM~~
~HHiumlWJj3(ij5tjm~MHtRfEuml~~-~~ram~~~~UJIJ~~g~IJIIIiI~iIJ~~~~iiJjJIIHIIIljtt
~BM~fi~~U~~~~~~~M~~fi~~~Œ~~~~~bullbull8~
g~~rt ~~ ~ 1ij 5f5tmm 5lta sN 5jj iWiJf~ ~rn~~~~i~il~ iiE ~iampm~ilt i~iii1l-iiumlIJl imi~~i~rei~~ z TE~ ~
~~~~ffia~~tt~ffl~~~~~~~~~m~~~~~~~ill~illili~~~~ill~~ill~ill~
ill~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~sect~fi~m~~~~~~~bullbull ~~iJ~gl~~~~isect~rlI~m~[ll)~Ii~iJ~~~~icircf~5t~ftlx~flWg~m~~~~g~mLir08z~SZ~~B~2tI~~
~~~~~~~bullbull~~g~~~~=~ampM~~~tt~W~tt~llimmffiregWmm~~m~mmmm
1mIIt~1$$i~iXftiiti(~UJ~pfi~~m=Fif~1j1f~atnjLtlkjRj1itjjJljRj9jEjsJHjjJ111jljljjHtbJecircj91jlijffi
j~jElecircjEliJtUH~jm~jH3j~j~mjjjeurojjUJIHSlj~jmmt(tj~j~j1i5ampmj~j~m~j~jMEcircIcircijJiumlW~j~mj~j~HlH~j~
Jfj~j~j~jfi~j~jjlitj~3Z~QrQ1i5i55~lijH9~~5i1~j9~~9~9HlY+n~jFfffIIUfi1J1rtiIIcircIcircIIcirc~)j~1IcircJtB IBi3Jf ~m~ bullbull~_ampbullbull~ bullbullubullbull~~~~~~~lItq~~~~~UftU~fi~~M~~~~~~
1im~~icircilicircg~miml~TIlY~EMmicirc~3trPJmJjicircij~~ij[i]~mlltIlijialiilijn~~ij~ijUi15k~~~
~~~~Wi~~1t1L1Jl1lj1~111~H~j~~jJlHj~j5j~t5ffjjljijnffi~j~ljjRfiumlji~Ujijjij~jfoJH~~jllJl~
~WR~jflij~jj~jiHH~lmjfrHrfl~R~~euml~~xlx~xiXLtiumlE~tiicircJiiuml9E~HIltsectliJM~~t~~H~1)l18m~tt=tEU=
~~ffJ~A~R~~~~~~~~~~~~~~~$~~~~~~~~~~~~~~~
~~~~~B~~~~~~~~~~~~~~~B~~~~~~~~~~~~~~~
~~~~~~~M~~~~~~n~~~~~m~~bullbull~~~~~~~MAA~~~~
~~~tlffl~mmH~~~m~~œlli~~~~~~~~M~m~~MgX~~fflffi~$~~
mWm~~Mft~bullbulla~amp~~amp~~~~bullbullbull~e~~H~~m~sect~~~Esect~~~
~ffi~mmm~bullbull~m~~~ffl~raquo~~~~~m~~g~~~M~ntlm~m~mn~bull bull ~~N~n~m~~nffi~nti~mmm~~œ~~~~~~~~~nbullbull~u~amp~~ampmUh~
~~~~~~~~~m~~~m~M~n~ffiffiM~mMg~~~~~g~~m~n~m~
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110
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Signes diacritiques 0
Signe remplaccedilant le kon(( reacutepeacuteteacute ~
Signe remplaccedilant le konji reacutepeacuteteacute ~
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III
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appiying the theories o~middot Saussure and Peirce to a new speacutelce of meaningJ Meacutemoire de maicirctrise de lUniversiteacute Keiagrave Tagravekyagrave Universiteacute [(eiagrave 85 p Je nai
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