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TENNIS DE TABLE
ADAPTATIONS TYPIQUES D'UN COLLEGIEN
LORS DE « SITUATIONS-JEU »
PAR J. GUÉRIN
Examiner l'activité d'un élève dans des « situations-jeu » en tennis de table et dévoiler plus précisément le sens qui se déploie dans l'action de l'élève, est le prolongement du travail de recherche sur l'activité des adolescents en classe.
Face à un m a n q u e d ' e n g a g e m e n t des élèves, les professionnels de l'éducation s ' interrogent sur les conditions à créer pour qu'ils puissent apprendre et se transformer. De nombreux enseignants tentent de répondre à travers la mise en place de t âches conçues ou repé rées dans des revues professionnelles censées placer l 'élève dans une démarche d'apprentissage. Cependant, rares sont les travaux qui se sont intéressés, dans une perspective descriptive (et non pas seulement prescriptive), à l 'expérience réelle vécue par les élèves dans ces tâches.
LES « SITUATIONS-JEU »
Les « situations-jeu » (SJ) [1 ] tiennent une place essentiel le dans le processus de cons t ruc t ion des conna i s sances EPS , notamment parce qu'elles constituent une référence pour l'enseignant et les élèves et qu 'el les reflètent le choix des connaissances à enseigner à l 'école. Comme le rappelle J. Metzler [1 ] les SJ sont le produit d 'une double adaptation des règlements relatifs aux APS. La première vise à concevoir une situation motrice adaptée
aux ressources des é lèves , la seconde prend en considération les caractéristiques du contexte physique, social et culturel. Ces adaptat ions conduisent les ense i gnants à aménager certains traits caractéristiques de l 'APS comme le rapport au matériel, à l'espace, au type d'intervention sur le ballon ou la balle, aux autres joueurs et également au système de marque (encadrés 1 et 2).
QUATRE FORMES TYPIQUES D'ENGAGEMENT
Rechercher des coups préférentiels compatibles Cette forme d ' e n g a g e m e n t de l ' é lève consiste à rechercher des solutions compatibles avec les contraintes de la tâche et ses points forts. Pendant quelques minutes, l ' é l ève évalue le rappor t de force et recherche des solutions pour s'y adapter. Tout d'abord, il vérifie l'efficacité de certains coups préférentiels au regard des particularités de son adversaire. Il exécute ainsi des services et des enchaînements de coups qu' i l maîtrise afin d'évaluer leur
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1. CONTEXTE Cet article rend compte d'une partie des travaux de recherche que nous menons (cf. encadré 2). Notre étude s'inscrit dans une approche située de l'apprentissage et entreprend de décrire et de comprendre l'activité des élèves engagés dans des SJ en tennis de table (TdeT). Notre conviction est que la prise en compte du point de vue de l'élève est essentielle pour construire une EPS signifiante et adaptée à chacun. Nous considérons que l'activité et l'apprentissage consistent fondamentalement à construire des significations dans un cours d'action [2]. Notre intention est de reconstruire la dynamique de construction des significations d'élèves au cours de SJ durant une longue période de leur activité en EPS. À travers la reconstitution de l'histoire des interactions entre l'élève et la situation, l'objectif était, d'une part, de vérifier dans quelle mesure l'adaptation de cet élève était en adéquation avec les attentes de l'enseignant
et d'autre part, d'évaluer la pertinence des tâches prescrites. Cette double visée nous semble intéressante pour aider les enseignants à optimiser la conception des SJ. Cette étude est menée dans un collège de la banlieue parisienne. Chaque lundi pendant six semaines, une classe de 4e sportive accepte d'être observée par un chercheur. Parmi les élèves, 3 garçons dont Samuel sont volontaires pour évoquer leur expérience. Ils pratiquent le TdeT à l'AS et en club pour deux d'entre eux et affectionnent la dimension duelle et compétitive. Deux types de SJ sont plus particulièrement étudiés : des tâches d'apprentissage prévoyant respectivement un aménagement du système de marque et des possibilités d'intervention sur la balle. Dans la première, le but pour l'élève est de « marquer des points directs » (balle non touchée par l'adversaire) afin de développer chez lui la capacité à créer des
conditions favorables pour placer une balle rapide et gagner le point. Dans la deuxième, il s'agit pour l'élève de « lifter les balles » afin de reproduire des savoir-faire travaillés durant le cycle d'enseignement. Les points gagnés sans respecter la consigne ne sont pas comptabilisés. Ces deux type de SJ se sont respectivement déroulés sous la forme de championnats par poules de niveau de jeu et d'une « montée-descente ». Les élèves sont filmés lors de quatre SJ. Ensuite, dans un délai maximum de deux jours, ils participent à un entretien individuel au cours duquel ils sont encouragés, à partir de l'enregistrement audiovisuel de leur pratique, à expliciter et à commenter leur activité au cours des SJ. L'analyse de l'activité des élèves dans les différentes SJ permet d'identifier quatre formes typiques d'engagement. Nous les illustrons sur la base de l'étude de cas de l'activité de l'un des trois élèves, que nous avons nommé Samuel.
2. À PROPOS DE LA THÈSE DE JÉRÔME GUÉRIN
L'ACTIVITÉ D'ADOLESCENTS EN CLASSE : CONTRIBUTION À UN PROGRAMME DE RECHERCHE EN ANTHROPOLOGIE COGNITIVE
Cette thèse sur l'activité d'élèves et d'adolescents de la région parisienne dans le cadre quotidien de leur vie scolaire débute par le bilan d'une étude
« exploratoire » sur les connaissances pratiques mobilisées par les enseignants dans les débuts de cours d'EPS. L'étude montre que ces derniers, co-cons-truits par l'enseignant et les élèves, ne peuvent être expliqués que si l'on se donne les moyens d'accéder à la fois à l'activité de l'enseignant, à celle des élèves et à leur articulation. Considérant que la littérature scientifique a déjà fourni des éléments significatifs sur l'activité de l'enseignant, l'auteur se focalise sur celle des élèves, peu étudiée, sans doute du fait des difficultés méthodologiques. À travers trois études de terrain, l'auteur poursuit un triple objectif. Un objectif empirique : la connaissance des activités des élèves en classe comme dynamique de couplage avec la situation de classe dans son ensemble, en passant par la reconstruction de l'histoire des significations données par les élèves à leur expérience vécue. Un objectif méthodologique : le développement d'un observatoire de telles activités et de sa théorie. Un objectif technologique (technologie éducative) : repenser les pratiques d'enseignement à partir de la connaissance des activités des élèves en classe.
Le chapitre 1 présente d'abord de façon systématique et rigoureuse les hypothèses générales sur l'activité humaine et les principes épisté-
mologiques de leur étude présidant au programme de recherche dit « du cours d'action » développé en ergonomie depuis une quinzaine d'années essentiellement par Jacques Theureau mais aussi par un certain nombre de chercheurs, y compris dans les STAPS. Puis l'auteur dresse un bilan bien documenté de la littérature scientifique concernant ce programme de recherche.
Le chapitre 2 décrit l'activité des élèves engendrée par l'introduction des méthodes de recueil de données empiriques en classe d'EPS. Les résultats
essentiels portent sur l'apprentissage par les élèves de l'explicitation de leur expérience, la co-construction des conditions de cette explicitation, et les perturbations induites par les méthodes de l'observatoire du cours d'action. Ces résultats sont exploités dans les deux études présentées ensuite, soit pour concevoir des techniques et procédures de coopération avec les élèves et recueillir des données, soit pour définir des précautions à prendre dans les protocoles.
Le chapitre 3 décrit et interprète l'activité des élèves en cours de mathématiques. L'auteur s'intéresse à l'articulation des dimensions dissimulée et visi
ble aux yeux du professeur de l'activité d'un élève de Seconde. L'organisation et la signification de l'action de Karim est décrite avec finesse et montre la manière dont est résolu le dilemme fondamental de l'activité en classe : mémoriser ou comprendre et les processus de décrochage ou « d'accrochage » pendant les cours. La discussion des résultats concerne deux aspects : d'une part l'articulation entre des composantes clandestines et publiques de l'activité en classe, d'autre part le rôle de l'enseignant envisagé comme une contrainte ou une ressource par l'élève. Les résultats empiriques et technologiques novateurs conduisent à questionner la pertinence d'une conception individualiste de l'apprentissage, à repenser la classe dans son ensemble et sa dynamique comme un réseau d'apprenants dans un environnement significatif pour eux.
Le chapitre 4 revient sur les APS programmées au cours de l'année scolaire, se focalisant sur l'activité d'un élève en tennis de table pendant le cours et la
« situation-jeu ». Tout d'abord, les résultats mettent en évidence le faisceau de préoccupations types organisant l'activité de l'élève lors des cours. À travers
l'analyse de plusieurs épisodes, l'auteur décrit la fluctuation de ces préoccupations et les caractéristiques de la situation à l'origine de l'évolution de l'engagement de l'élève. Ensuite, les résultats présentent l'activité adaptative de l'élève dans des « situations-jeu » visant le réinvestissement de savoir-faire travaillés en classe. L'analyse montre que les conditions sont rarement réunies pour qu'il y ait une adéquation entre les effets recherchés par l'enseignant et l'activité effectivement développée par un élève fortement engagé dans une logique d'opposition. La congruence entre les attentes de l'enseignant et l'action de l'élève est épisodique et éphémère. Les résultats sont discutés selon trois axes : l'adaptation spécifique de l'activité à l'aménagement des « situations-jeu », le respect de la consigne/marquer des points, l'équilibre précaire de l'accord entre l'enseignant et l'élève.
La réalisation de trois études empiriques de grande ampleur apporte à différents niveaux des éléments de réponse à ces objectifs ambitieux. Sur le plan de la
connaissance de l'activité des élèves, cette thèse contribue à une meilleure compréhension de la culture scolaire et de l'activité quotidienne des adolescents dans le cadre de l'éducation physique et plus largement dans un cadre scolaire. Ces études sont toutes introduites par un ensemble de questions parfaitement bien explicitées et les données recueillies sont très intéressantes. L'auteur montre à quel point la collaboration entre chercheur et élève peut être étrangère aux relations habituelles entre les adultes et les élèves en milieu scolaire. Ce résultat constitue un acquis en matière d'observatoire et de théorie de l'observatoire des activités des élèves, d'autres résultats méthodologiques recoupent et développent l'observatoire et sa théorie pour toutes sortes d'activités dans des situations variées. Ce travail est aussi une contribution à l'enrichissement des conditions à construire pour obtenir des données sur l'activité et la conscience pré-réflexive et au processus de cette construction, à travers les « tests sociaux » du chercheur, l'appropriation du dispositif de construction de données à diverses fins. Ainsi la co-construction exigeante d'un observatoire du cours d'action, dans un contexte difficile, devrait éviter désormais toute banalisation de l'autoconfrontation comme simple technique appliquée de façon standard dans un certain nombre de recherches sur l'enseignement. À travers une analyse fine et précise, l'auteur apporte des éléments nouveaux concernant les conditions de collaboration à établir avec les acteurs sur les objectifs de recherche, donc aussi la manière de familiariser ces acteurs avec certaines dimensions de la culture de recherche, dès les enregistrements vidéo des comportements et leur processus d'établissement et de développement : la garantie de validité des données repose non pas sur l' « objectivation » de l'acteur mais sur sa collaboration active à la recherche sur son activité prise par lui (elle) et le chercheur comme « objet commun » d'étude.
Cette thèse est donc utile et stimulante pour les pistes qu'elle ouvre en terme de recherches à venir.
Charles Roncin
Cette thèse de doctorat en STAPS a été soutenue le 30 novembre 2004 à Orléans. Elle a obtenu la mention très honorable. Le jury était composé de Marc Durand, rapporteur et président, professeur des universités, université de Genève ; Charles Roncin, directeur de thèse, professeur des universités, STAPS, université de Rennes Il ; Jacques Riff, co-directeur de thèse, maître de conférences, STAPS, université d'Orléans ; Jacques Theureau, rapporteur, directeur de recherche au CNRS IRCAM, Paris ; Jean-Pierre Schreiber, professeur des universités, université d'Orléans.
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pertinence en terme de gain de point. La préoccupation est aussi d'éviter de reproduire des actions inefficaces. Pour cela, l ' é l ève essaie de m a s q u e r ses po in t s faibles. Ensuite, il recherche des parades aux coups adverses en se focalisant sur le retour de service afin de vérifier la validité des connaissances relatives aux caractéristiques du jeu de son adversaire. En effet, certaines consignes ont pour conséquence de modifier de manière radicale le rapport de force habituel entre les élèves. Cette forme d'engagement intervient à des moments différents selon que la SJ s'inscrit dans une compéti t ion de type soit championnat soit « montée-descente ». Dans le premier cas (aménagement de la situation « marquer des points directs ») cette phase d'enquête intervient systématiquement lors de la période d'avant-match au cours de laquelle les élèves s'accordent q u e l q u e s minu te s pour é change r des ba l les . Cet te phase prend fin lorsque l'élève estime avoir identifié suffisamment d'actions susceptibles de répondre au problème posé par la SJ. À l ' issue de cette période, l 'élève définit un plan d'action plus ou moins riche qu'il va reproduire. Cet engagement intervient également lors d'un écart au score défavorable. Dans ce dernier cas, l'élève considère le set comme perdu et exploite les dernières balles pour tester de nouvelles parades. Dans la SJ « lifter les balles », cette forme d'engagement n'est repérée que lorsque le rapport de force lui est largement favorable. Il estime que la perte de point n'est pas préjudiciable et qu'il peut évaluer l'efficacité de certains coups. Cette adaptation de Samuel traduit une manière singulière de concilier des préoccupations contradictoires. En effet, l'aménagement des SJ confronte l 'élève à un dilemme : faire ce que demande le professeur et accepter de pouvoir perdre des points ou reproduire des coups préférentiels compat ib les , efficaces, mais non attendus par l'enseignant. Ses préoccupations compéti t ives ne permettent pas à l'élève d ' a d o p t e r un e n g a g e m e n t congruent avec les consignes du professeur. Ce qui in téresse pr ior i ta i rement Samuel c 'est de gagner le maximum de matchs pour monter à la table la plus haute ou obtenir le meilleur classement dans sa poule.
Illustration. SJ « marquer des points directs »
Contre Benoît, Samuel recherche l'effet latéral lui permettant d'enchaîner une attaque en coup droit pour rompre l'échange afin de marquer 3 points. Après plusieurs essais, il valide l'enchaînement effet latéral droit/attaque coup droit car Benoît est en difficulté pour retourner ce type de service. Samuel explique qu'en position de service, son intention est de réduire la durée des échanges pour marquer rapidement. Il justifie cette prise de distance par rapport aux attentes de
l'enseignant : « Je sais que je perds si je fais ce que montre le prof (une rupture combinant vitesse et placement latéral). Moi, il faut que je marque vite car plus l'échange dure plus j'ai de chance de perdre le point. Benoît sait que je n'ai pas un bon revers, donc avec l'effet latéral il peut pas me gêner ». Samuel s'emploie donc à trouver parmi ses points forts des solutions susceptibles de réduire au maximum la durée des échanges (dessin 1).
Exécuter des coups efficaces
Ce qui organise l'action de l'élève, c'est la reproduction de coups efficaces qui correspondent à une sélection parmi ses coups « forts ». Ce choix est déterminé soit à l'issue de la phase d'enquête soit en se référant à des connaissances du jeu de son adversa i re cons t ru i tes lors d 'un autre match par exemple. Selon la nature de l'aménagement, il exécute un nombre plus
ou moins impor t an t de c o u p s . Les contraintes sur les possibilités d'intervention sur la balle réduisent ses possibilités de reproduire des coups forts. Ainsi on observe un jeu extrêmement stéréotypé. L'élève reproduit un seul coup fort dont il varie le placement latéral ou l'effet afin de p rése rver son eff icaci té . Cet te forme d'adaptation est jugée suffisante dès l'instant où l'élève prend l'avantage au score. Cette reproduction de coups intervient lorsque l'élève ne se donne plus le droit à l 'erreur et estime qu'il doit absolument marquer des points. En match de poule, cette forme d'engagement est identifiée lorsque l'écart au score est serré. En position de serveur, Samuel exécute systématiquement un effet latéral coupé droit puis un coup droit fort avec une trajectoire tendue. Seul le placement en profondeur de la
balle de service varie. Lors des matchs de « montée-descente », l'élève estime qu'il est impératif d'être immédiatement efficace. En effet, le fait de jouer au temps, oblige l'élève à marquer le plus tôt possible pour prendre immédiatement une avance au score et la conserver [3]. Si certaines catégories de coups répondent aux attentes de l'enseignant, la préoccupation prioritaire de l'élève est de marquer des points pour gagner. C'est ce qui le conduit dans le cadre des situations avec aménagement du système de marque à exclure les solutions prônées par l'enseignant. L'écart au score n'est pas suffisant pour prendre le risque de reproduire des coups trop décalés par rapport à ses coups forts. De plus, la reproduction de coups jugés efficaces par l'élève lui offre la possibilité de gagner du temps pour agir. En se préparant, après un service, à enchaîner un retour cela lui permet un gain en efficacité.
Illustration. SJ « marquer des points directs »
Samuel choisit de reproduire systématiquement un schéma de jeu connu a priori efficace (effet latéral coupé/attaque en coup droit). Contre Benoît (score de 6-4) et Kalid, il inscrit plusieurs points-consignes qui lui permettent de prendre l'avantage au score et de gagner le match. En position de serveur, la préoccupation de Samuel est de prendre l'initiative en contraignant l'adversaire à retourner une balle favorable pour rompre l'échange : « Là, après le service, je me prépare pour smasher la balle, je sais qu'il va être obligé de la lever ». L'exécution de cet enchaînement d'actions a mis en œuvre des connaissances validées lors des échanges précédents (le service avec le coup droit en don-
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nant un effet latéral coupé permet d'enchaîner une 3' balle d'attaque en coup droit) et des connaissances construites lors (les séances précédentes (Benoît est gêné pour retourner l'effet latéral coupé) (dessin 2).
Répondre aux attentes de l'enseignant L'é lève accepte de modif ier de façon notable sa façon habituelle de jouer. Il adapte son système de jeu en intégrant des savoir-faire ou des schémas de jeu travaillés et appris lors de la séance. Cette adaptation intervient essentiellement lors
des matchs de poule ; lors des SJ « jouer en lift » sous forme de « montée-descente », c 'est plus rare. Se conformer à ce que demande l'enseignant intervient dans un contexte particulier, lorsque le score est très favorable et que l'élève estime qu'il ne peut plus perdre le match. Cette évolution du contexte a pour effet d 'annuler le caractère contradictoire de préoccupations qui l'étaient initialement. L'élève peut répondre aux attentes de l'enseignant sans pour autant abandonner son objectif de victoire. Dans cette configuration, l 'élève sait ou constate rapidement
que le rapport de force lui est favorable et qu'il est quasiment sûr de gagner le match. L 'adversaire est en difficulté face aux contraintes de la SJ et son jeu ne présente aucun danger. Par conséquent, il peut s'autoriser la perte de points sans compromettre sa victoire. Samuel est certain de monter à la table supérieure ou de remporter le set et le match. Les conditions sont réunies pour que la forme d'adaptation à la situation soit congruente avec les attentes de l 'enseignant. Cette forme d 'engagement intervient également lorsque l'intérêt de l'élève pour la situation diminue. En exécutant des savoir-faire moins maîtrisés, l'élève assure le maintien de l'intérêt de la situation. Ça n ' intéresse pas Samuel de gagner trop facilement le duel.
Illustration. SJ « lifter les balles »
Contre Paul, Samuel accepte d'exécuter des coups en revers. Il mène de 5 points (7 à 2). À cet instant, en position de relanceur, Samuel évalue l'efficacité d'une balle liftée avec le revers. « Là je suis sûr de gagner, je sais qu'il ne reste plus beaucoup de temps. Je me dis que je peux essayer de jouer avec le revers ». Après avoir réussi son revers lifté, il valide les connaissances suivantes : « je suis capable de retourner en revers une balle liftée efficace contre Paul ». « Paul est en difficulté pour renvoyer mon revers ». A partir de cet instant quasiment toutes les balles côté revers ont été retournées en revers lifté (dessin 3).
Transgresser les règles du jeu La reproduction de coups jugés a priori efficaces n'est pas suffisante pour empêcher l'ajustement de l'adversaire ou trouver des parades. L'élève décide de transgresser les règles de la SJ. Cette adaptation est identifiée lorsque l'écart au score est défavorable à Samuel. Parfois le contexte rend rapidement inefficace la reproduction de coups forts. Ainsi Samuel se retrouve face à des adversaires qui s'adaptent rapidement. Il n'arrive plus à maintenir 1"incertitude et se trouve face à un dilemme : respecter les règles du jeu et diminuer ses chances de victoire ou t ransgresser la consigne et augmenter ses chances de victoire. La t r ansg re s s ion s ' e x p r i m e de deux façons : la première est une contestation des points gagnés par l 'adversaire et la seconde est la reproduction de coups non autorisés par l ' aménagement de la SJ. Cet te forme d ' e n g a g e m e n t appara î t lorsque Samuel est opposé à des adversaires dont le niveau d'habileté est considéré comme moins élevé que le sien. La transgression délibérée de la consigne traduit plus nettement ses priorités. Avant toute chose, il s'agit de gagner pour monter à la table supérieure. Le fait d'être en difficulté face à un élève habituellement moins bien classé est mal vécu par Samuel. Il crie, jette sa raquette, écrase la balle par exemple. Pour lui, jouer uniquement en lift ce n'est pas du tennis de table. Il ne veut
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pas perdre la face, c'est la reconnaissance par ses pairs et l'enseignant qui est en jeu. Les autres solutions compatibles sont écartées car elles ne sont pas suffisamment efficaces. On constate donc que le respect de la consigne est fortement dépendant des enjeux symboliques et réels sur l'image de soi dans la classe. A travers cet épisode on peut voir à quel point le respect de la consigne est relativement fragile. Cette forme d'adaptation manifeste une crise de sens et révèle l'émergence d'un rapport de force entre l'enseignant et l'élève.
Illustration. SJ « lifter les balles » en montée-descente Samuel, en position de relanceur, est opposé à Victor, le score est de 4-7. La perte de plusieurs points, suite à des fautes directes, le conduit à tester l'exécution d'une balle coupée : « Je voulais voir s'il (Victor) allait dire quelque chose mais je sais qu'il n'allait pas s'en apercevoir. Kalid lui, il aurait tout de suite arrêté la balle. C'est là que je vois qu'il a un niveau inférieur à nous parce qu'il ne voit pas que j'ai triché ». L'absence de réaction de Victor conduit Samuel à valider la connaissance : « Je peux retourner la balle avec un effet coupé sans que mon adversaire le remarque ». Ainsi à partir de 5-8, Samuel retourne toutes les balles côté gauche en revers coupé : « C'est la seule façon pour que je puisse marquer des points ». Malgré cette transgression de la consigne Samuel perd le match et descend pour la première fois du cycle à la table 3 (dessin 4).
L'identification de plusieurs formes d'engagement révèle que le type d'aménagement de la SJ et la forme compétitive ont des incidences sur l'organisation de l'activité adaptative des é lèves . Ce résultat mon t re aussi que les cond i t i ons sont r a remen t réunies pour q u ' i l y ait une adéquation entre les effets recherchés par l 'enseignant et l 'activité effectivement développée par un élève fortement engagé dans une logique de duel. La congruence entre les attentes de l'enseignant et l'action des élèves est un phénomène épisodique et éphémère. Nous avons montré que l'adaptation est ici guidée par un faisceau de préoccupations à orientation compétitive (qui donne une résonance particulière à chaque situation). Cet é lève cons idè re la séance d ' E P S comme un lieu de construction ou de préservation d'une image de soi positive et la SJ comme une tâche susceptible de renforcer son statut vis-à-vis de ses pairs et de l'enseignant. Il s ' ag i t de réa l i se r la meilleure performance possible pour obtenir une bonne note et la reconnaissance des autres. Or le type d 'aménagement et la forme de compét i t ion peuvent rendre incompatible, du point de vue de l'élève, le fait de marquer des points et de répondre
aux attentes de l'enseignant. Au-delà des exigences contradictoires inhérentes à la pratique du tennis de table (gênes de l ' adversa i re /ne pas perdre de points ; gagner du temps/priver l 'adversaire de temps pour réagir, etc. [3]), l 'élève doit gérer des préoccupations contradictoires purement scolaires. A un autre niveau, ces différentes formes d'adaptation mettent en évidence que le problème posé à l'élève ne peut se résumer à celui délimité par l'enseignant. La signification donnée au contexte par l'élève a clairement indiqué son influence sur l'organisation de l 'activité adaptative. Par conséquent, si apprendre, c'est construire des relations avec l'environnement [4], il nous semble impor tan t de mener une réflexion sur les conditions d'organisation des SJ. Autrement dit, pour assurer la viabilité d'une tâche conçue comme un bon piège à apprendre [5], il faudrait aussi apprécier quelles sont les conditions affectives (enjeux en terme d'image de soi), les logiques des élèves (opposition, maîtrise ou coopération), la forme de compétition (« montée-descente » plus contraignante que les SJ en groupes de niveaux) qui permettront de construire un contexte favorisant l'intégration de(s) consigne(s) et donc la transformation de la motricité. Dans le cadre du tennis de table en particulier et des sports de raquette en général, il est probable que la forme compétitive sous forme de « montée-descente » soit peu propice à la transformation des comportements. Si cette APS suscite d'emblée l ' in té rê t de ce type d ' é l è v e s , on a vu qu'elle pouvait être source de conflits et de démot iva t ion . En effet, p ropose r des matchs au temps rend difficiles les phénomènes de repérage par rapport au score [6].
Les élèves sont contraints de reproduire des actions efficaces pour marquer des points. De plus, pour que les élèves ne fassent pas c o m m e s ' i l n ' y avait pas de consignes, nous proposons de mettre en place deux manières de gagner lors des SJ avec aménagement du système de marque. Par exemple, l'élève pourrait gagner la SJ soit en marquant deux points à l'aide d'une balle liftée soit en remportant le set. Les résultats de ce travail soulignent l'intérêt de mener des études visant une analyse compréhensive de la dynamique de l'activité et de l'engagement des élèves en EPS. A travers une connaissance fine de l'activité dans les tâches scolaires, l'enseignant peu t a insi éva lue r leur p e r t i n e n c e au regard des objectifs pédagogiques et optimiser leur conception.
Jérôme Guérin Maître de conférences,
IUFM de Bretagne. Site de Brest (29).
Bibliographie [1] Metzler J., « Adaptation des « situations-jeu ». Revue EPS. n° 296, juillet-août 2002. 12] Theureau J.. Le cours d'action : méthode élémentaire. Octarès éditions, 2004. [3] Sève C. « Analyse sémiologique de l'activité des pongistes de haut niveau lors de matchs internationaux ». Thèse de doctorat en STAPS, 2000. [4] Hauw D., « Enseignement et apprentissage : une vision située ». Revue EP.S. n° 298, novembre-décembre 2002. [5] Testevuide S., Construction de situations d'étude privilégiées et vigilance au sens. 4e journées d"étude Act'ing, Nouan Le Fuzelier. 2002.
[6] Sève C. « Dynamique et signification de l'activité des pongistes en match », Dossier 53. Sports de raquettes : entre pratiques et théories, édition Revue EP.S, 2001.
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