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Séquence 2 : La déclaration d’amour sur scène. Objet d’étude : Le texte théâtral et sa représentation, du XVII e siècle à nos jours. Etude d’un groupement de textes. Ø Problématique : Quelle forme peut prendre l’aveu d’amour sur scène et quels sont ses enjeux ? Ø Etude d’ensemble : Histoire du théâtre, du mouvement baroque au mouvement romantique. Ø Extraits étudiés en lecture analytique : 4. Jean Racine, Phèdre (1677), II, 5 (extrait). 5. Marivaux, Le Jeu de l’amour et du hasard (1730), III, 8 (extrait). 6. Alfred de Musset, On ne badine pas avec l’amour (1832), III, 8. 7. Edmond Rostand, Cyrano de Bergerac (1897), III, 7 (extrait). Ø Documents complémentaires : o Textes : - Shakespeare, Roméo et Juliette (v.1595), Acte II, scène 2. - Victor Hugo, extraits de la Préface de Cromwell (1827). - Tardieu, « Finissez vos phrases ou une heureuse rencontre », La Comédie du langage (1987). o Représentations : - Phèdre, II, 5 : mise en scène de Patrice Chéreau (Théâtre de l'Odéon, 2003). - Le Jeu de l’amour et du hasard, III, 8 : mise en scène de Galin Stoev (Comédie française, 2011). - Cyrano de Bergerac, III, 7 : mise en scène de Denis Podalydès (Comédie française, 2006). Ø Activités complémentaires : Lecture de deux œuvres complémentaires : - Jean Racine, Phèdre, 1677. - Alfred de Musset, On ne badine pas avec l’amour, 1832. Histoire des arts : Alexandre Cabanel, Phèdre (1880) et la peinture académique. Sorties facultatives au théâtre : - Cyrano, mise en scène de Lazare Herson-Macarel, Théâtre Jean Vilar de Suresnes (10 novembre 2017). - Le Jeu de l’amour et du hasard, mise en scène de Salomé Villiers, Théâtre de La Celle Saint- Cloud (24 novembre 2017).

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Page 1: Séquence 2 : La déclaration d’amour sur scène.blog.ac-versailles.fr/corneille/public/DescriptifFINAL.pdf · - Phèdre, II, 5 : mise en scène de Patrice Chéreau (Théâtre de

Séquence 2 : La déclaration d’amour sur scène.

Objet d’étude : Le texte théâtral et sa représentation, du XVIIe siècle à nos jours.

Etude d’un groupement de textes.

Ø Problématique : Quelle forme peut prendre l’aveu d’amour sur scène et quels sont ses enjeux ?

Ø Etude d’ensemble : Histoire du théâtre, du mouvement baroque au mouvement romantique.

Ø Extraits étudiés en lecture analytique :

4. Jean Racine, Phèdre (1677), II, 5 (extrait).

5. Marivaux, Le Jeu de l’amour et du hasard (1730), III, 8 (extrait).

6. Alfred de Musset, On ne badine pas avec l’amour (1832), III, 8.

7. Edmond Rostand, Cyrano de Bergerac (1897), III, 7 (extrait).

Ø Documents complémentaires :

o Textes :

- Shakespeare, Roméo et Juliette (v.1595), Acte II, scène 2.

- Victor Hugo, extraits de la Préface de Cromwell (1827).

- Tardieu, « Finissez vos phrases ou une heureuse rencontre », La Comédie du langage

(1987).

o Représentations :

- Phèdre, II, 5 : mise en scène de Patrice Chéreau (Théâtre de l'Odéon, 2003).

- Le Jeu de l’amour et du hasard, III, 8 : mise en scène de Galin Stoev (Comédie française,

2011).

- Cyrano de Bergerac, III, 7 : mise en scène de Denis Podalydès (Comédie française, 2006).

Ø Activités complémentaires :

• Lecture de deux œuvres complémentaires :

- Jean Racine, Phèdre, 1677.

- Alfred de Musset, On ne badine pas avec l’amour, 1832.

• Histoire des arts : Alexandre Cabanel, Phèdre (1880) et la peinture académique.

• Sorties facultatives au théâtre :

- Cyrano, mise en scène de Lazare Herson-Macarel, Théâtre Jean Vilar de Suresnes (10

novembre 2017).

- Le Jeu de l’amour et du hasard, mise en scène de Salomé Villiers, Théâtre de La Celle Saint-

Cloud (24 novembre 2017).

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Racine, Phèdre (1677), II, 5.

Alors que son mari court le monde, Phèdre se meurt d’amour pour Hippolyte. Quand elle apprend la fausse nouvelle de la mort de son époux, elle avoue sa passion à son beau-fils, dans un discours fiévreux.

PHEDRE, HIPPOLYTE, OENONE

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[...] PHEDRE

Ah ! cruel, tu m'as trop entendue ! Je t'en ai dit assez pour te tirer d'erreur. Eh bien ! connais donc Phèdre et toute sa fureur. J'aime. Ne pense pas qu'au moment que je t'aime, Innocente à mes yeux, je m'approuve moi-même, Ni que du fol amour qui trouble ma raison, Ma lâche complaisance ait nourri le poison. Objet infortuné des vengeances célestes, Je m'abhorre encor plus que tu ne me détestes. Les dieux m'en sont témoins, ces dieux qui dans mon flanc Ont allumé le feu fatal à tout mon sang ; Ces dieux qui se sont fait une gloire cruelle De séduire le cœur d'une faible mortelle. Toi-même en ton esprit rappelle le passé. C'est peu de t'avoir fui, cruel, je t'ai chassé : J'ai voulu te paraître odieuse, inhumaine, Pour mieux te résister, j'ai recherché ta haine. De quoi m'ont profité mes inutiles soins ? Tu me haïssais plus, je ne t'aimais pas moins. Tes malheurs te prêtaient encor de nouveaux charmes. J'ai langui, j'ai séché, dans les feux, dans les larmes. Il suffit de tes yeux pour t'en persuader, Si tes yeux un moment pouvaient me regarder. Que dis-je ? Cet aveu que je te viens de faire, Cet aveu si honteux, le crois-tu volontaire ? Tremblante pour un fils que je n'osais trahir, Je te venais prier de ne le point haïr. Faibles projets d'un cœur trop plein de ce qu'il aime ! Hélas ! je ne t'ai pu parler que de toi-même ! Venge-toi, punis-moi d'un odieux amour ; Digne fils du héros qui t'a donné le jour, Délivre l'univers d'un monstre qui t'irrite. La veuve de Thésée ose aimer Hippolyte ! Crois-moi, ce monstre affreux ne doit point t'échapper. Voilà mon cœur : c'est là que ta main doit frapper. Impatient déjà d'expier son offense, Au-devant de ton bras je le sens qui s'avance. Frappe. Ou si tu le crois indigne de tes coups, Si ta haine m'envie un supplice si doux, Ou si d'un sang trop vil ta main serait trempée, Au défaut de ton bras prête-moi ton épée. Donne. ŒNONE

Que faites-vous, Madame ? Justes dieux ! Mais on vient. Évitez des témoins odieux ; Venez, rentrez, fuyez une honte certaine.

TEXTE BAC N°4

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Marivaux, Le Jeu de l’amour et du hasard (1730), III, 8. Les Pères respectifs de Dorante et Silvia ont décidé de les marier. Les deux jeunes gens décident, eux, chacun de leur côté, de prendre la place de leurs domestiques afin de s’observer. Dorante, épris de Silvia, a dévoilé sa véritable identité. Mais Silvia poursuit le jeu des masques jusqu’à la dernière scène pour éprouver l’amour de Dorante.

DORANTE, SILVIA

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[...] DORANTE, l'arrêtant. – Restez, je vous prie, j'ai encore quelque chose à vous dire. SILVIA. – À moi, Monsieur ? DORANTE. – J'ai de la peine à partir sans vous avoir convaincue que je n'ai pas tort de le faire. SILVIA. – Eh, Monsieur, de quelle conséquence est-il de vous justifier auprès de moi ? Ce n'est pas la peine, je ne suis qu'une suivante, et vous me le faites bien sentir. DORANTE. – Moi, Lisette ! est-ce à vous à vous plaindre, vous qui me voyez prendre mon parti sans me rien dire ? SILVIA. – Hum, si je voulais je vous répondrais bien là-dessus. DORANTE. – Répondez donc, je ne demande pas mieux que de me tromper. Mais que dis-je ! Mario vous aime. SILVIA. – Cela est vrai. DORANTE. – Vous êtes sensible à son amour, je l'ai vu par l'extrême envie que vous aviez tantôt que je m'en allasse ; ainsi, vous ne sauriez m'aimer. SILVIA. – Je suis sensible à son amour ! qui est-ce qui vous l'a dit ? je ne saurais vous aimer ! qu'en savez-vous ? Vous décidez bien vite. DORANTE. – Eh bien, Lisette, par tout ce que vous avez de plus cher au monde, instruisez-moi de ce qui en est, je vous en conjure. SILVIA. – Instruire un homme qui part ! DORANTE. – Je ne partirai point. SILVIA. – Laissez-moi, tenez, si vous m'aimez, ne m'interrogez point. Vous ne craignez que mon indifférence, et vous êtes trop heureux que je me taise. Que vous importent mes sentiments ? DORANTE. – Ce qu'ils m'importent, Lisette ? peux-tu douter encore que je ne t'adore ? SILVIA. – Non, et vous me le répétez si souvent que je vous crois ; mais pourquoi m'en persuadez-vous, que voulez-vous que je fasse de cette pensée-là, Monsieur ? je vais vous parler à cœur ouvert, vous m'aimez, mais votre amour n'est pas une chose bien sérieuse pour vous ; que de ressources n'avez-vous pas pour vous en défaire ! la distance qu'il y a de vous à moi, mille objets que vous allez trouver sur votre chemin, l'envie qu'on aura de vous rendre sensible, les amusements d'un homme de votre condition, tout va vous ôter cet amour dont vous m'entretenez impitoyablement, vous en rirez peut-être au sortir d'ici, et vous aurez raison ; mais moi, Monsieur, si je m'en ressouviens, comme j'en ai peur, s'il m'a frappée, quel secours aurai-je contre l'impression qu'il m'aura faite ? qui est-ce qui me dédommagera de votre perte ? qui voulez-vous que mon cœur mette à votre place ? savez-vous bien que si je vous aimais tout ce qu'il y a de plus grand dans le monde ne me toucherait plus ? jugez donc de l'état où je resterais, ayez la générosité de me cacher votre amour : moi qui vous parle, je me ferais un scrupule de vous dire que je vous aime, dans les dispositions où vous êtes. L'aveu de mes sentiments pourrait exposer votre raison, et vous voyez bien aussi que je vous les cache. DORANTE. – Ah, ma chère Lisette, que viens-je d'entendre ! tes paroles ont un feu qui me pénètre, je t'adore, je te respecte : il n'est ni rang, ni naissance, ni fortune qui ne disparaisse devant une âme comme la tienne ; j'aurais honte que mon orgueil tînt encore contre toi, et mon cœur et ma main t'appartiennent. SILVIA. – En vérité, ne mériteriez-vous pas que je les prisse, ne faut-il pas être bien généreuse pour vous dissimuler le plaisir qu'ils me font, et croyez-vous que cela puisse durer ? DORANTE. – Vous m'aimez donc ? SILVIA. – Non, non ; mais si vous me le demandez encore, tant pis pour vous. DORANTE. – Vos menaces ne me font point de peur. SILVIA. – Et Mario, vous n'y songez donc plus ? DORANTE. – Non, Lisette ; Mario ne m'alarme plus, vous ne l'aimez point, vous ne pouvez plus me tromper, vous avez le cœur vrai, vous êtes sensible à ma tendresse : je ne saurais en douter au transport qui m'a pris, j'en suis sûr, et vous ne sauriez plus m'ôter cette certitude-là. SILVIA. – Oh, je n'y tâcherai point, gardez-la, nous verrons ce que vous en ferez. DORANTE. – Ne consentez-vous pas d'être à moi ? SILVIA. – Quoi, vous m'épouserez malgré ce que vous êtes, malgré la colère d'un père, malgré votre fortune ? DORANTE. – Mon père me pardonnera dès qu'il vous aura vue, ma fortune nous suffit à tous deux, et le mérite vaut bien la naissance : ne disputons point, car je ne changerai jamais. SILVIA. – Il ne changera jamais ! savez-vous bien que vous me charmez, Dorante ? DORANTE. – Ne gênez donc plus votre tendresse, et laissez-la répondre… SILVIA. – Enfin, j'en suis venue à bout ; vous... vous ne changerez jamais ? DORANTE. – Non, ma chère Lisette. SILVIA. – Que d'amour !

TEXTE BAC N°5

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Alfred de Musset, On ne badine pas avec l’amour (1834).

Acte III, Scène 8

Un oratoire. Entre CAMILLE ; elle se jette au pied de l’autel.

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CAMILLE : M’avez-vous abandonnée, ô mon Dieu ? Vous le savez, lorsque je suis venue, j’avais juré de vous être fidèle ; quand j’ai refusé de devenir l’épouse d’un autre que vous, j’ai cru parler sincèrement devant vous et ma conscience ; vous le savez, mon père ; ne voulez-vous donc plus de moi ? Oh ! pourquoi faites-vous mentir la vérité elle-même ? Pourquoi suis-je si faible ? Ah ! malheureuse, je ne puis plus prier ! (Entre Perdican.) PERDICAN. Orgueil ! le plus fatal des conseillers humains, qu’es-tu venu faire entre cette fille et moi ? La voilà pâle et effrayée, qui presse sur les dalles insensibles son cœur et son visage. Elle aurait pu m’aimer, et nous étions nés l’un pour l’autre ; qu’es-tu venu faire sur nos lèvres, orgueil, lorsque nos mains allaient se joindre ? CAMILLE. Qui m’a suivie ? Qui parle sous cette voûte ? Est-ce toi, Perdican ? PERDICAN. Insensés que nous sommes ! nous nous aimons. Quel songe avons-nous fait, Camille ? Quelles vaines paroles, quelles misérables folies ont passé comme un vent funeste entre nous deux ? Lequel de nous a voulu tromper l’autre ? Hélas ! cette vie est elle-même un si pénible rêve : pourquoi encore y mêler les nôtres ? Ô mon Dieu ! le bonheur est une perle si rare dans cet océan d’ici-bas ! Tu nous l’avais donné, pêcheur céleste, tu l’avais tiré pour nous des profondeurs de l’abîme, cet inestimable joyau ; et nous, comme des enfants gâtés que nous sommes, nous en avons fait un jouet. Le vert sentier qui nous amenait l’un vers l’autre avait une pente si douce, il était entouré de buissons si fleuris, il se perdait dans un si tranquille horizon ! il a bien fallu que la vanité, le bavardage et la colère vinssent jeter leurs rochers informes sur cette route céleste, qui nous aurait conduits à toi dans un baiser ! Il a bien fallu que nous nous fissions du mal, car nous sommes des hommes. Ô insensés ! nous nous aimons. (Il la prend dans ses bras.) CAMILLE. Oui, nous nous aimons, Perdican ; laisse-moi le sentir sur ton cœur. Ce Dieu qui nous regarde ne s’en offensera pas ; il veut bien que je t’aime ; il y a quinze ans qu’il le sait. PERDICAN. Chère créature, tu es à moi ! (Il l’embrasse ; on entend un grand cri derrière l’autel.) CAMILLE. C’est la voix de ma sœur de lait. PERDICAN. Comment est-elle ici ? je l’avais laissée dans l’escalier, lorsque tu m’as fait rappeler. Il faut donc qu’elle m’ait suivi sans que je m’en sois aperçu. CAMILLE. Entrons dans cette galerie ; c’est là qu’on a crié. PERDICAN. Je ne sais ce que j’éprouve ; il me semble que mes mains sont couvertes de sang. CAMILLE. La pauvre enfant nous a sans doute épiés ; elle s’est encore évanouie ; viens, portons-lui secours ; hélas ! tout cela est cruel. PERDICAN. Non, en vérité, je n’entrerai pas ; je sens un froid mortel qui me paralyse. Vas-y, Camille, et tâche de la ramener. (Camille sort.) Je vous en supplie, mon Dieu ! ne faites pas de moi un meurtrier ! Vous voyez ce qui se passe ; nous sommes deux enfants insensés, et nous avons joué avec la vie et la mort ; mais notre cœur est pur ; ne tuez pas Rosette, Dieu juste ! Je lui trouverai un mari, je réparerai ma faute ; elle est jeune, elle sera riche, elle sera heureuse ; ne faites pas cela, ô Dieu ! vous pouvez bénir encore quatre de vos enfants. Eh bien ! Camille, qu’y a- t-il ? (Camille rentre.) CAMILLE. Elle est morte. Adieu, Perdican !

TEXTE BAC N°6

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Edmond Rostand, Cyrano de Bergerac (1897), III, 7.

Roxane, jeune précieuse, amatrice de jeux de mots et de jeux d’esprit, est attirée par le beau Christian. Mais celui-ci manie mal l’art du discours. Il a donc recours à l’aide de Cyrano, poète et soldat. Cyrano, qui aime lui aussi Roxane, n’ose lui adresser directement les déclarations qu’ils compose pour Christian, car il se juge trop laid pour être aimé.

ROXANE, CHRISTIAN, CYRANO, d’abord caché sous le balcon.

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[...] ROXANE, avec un mouvement. Je descends! CYRANO, vivement Non! ROXANE, lui montrant le banc qui est sous le balcon. Grimpez sur le banc, alors, vite ! CYRANO, reculant avec effroi dans la nuit. Non ! ROXANE Comment... non ? CYRANO, que l'émotion gagne de plus en plus. Laissez un peu que l'on profite... De cette occasion qui s'offre... de pouvoir Se parler doucement, sans se voir. ROXANE Sans se voir ? CYRANO Mais oui, c'est adorable. On se devine à peine. Vous voyez la noirceur d'un long manteau qui traîne, J'aperçois la blancheur d'une robe d'été : Moi je ne suis qu'une ombre, et vous qu'une clarté ! Vous ignorez pour moi ce que sont ces minutes ! Si quelquefois je fus éloquent... ROXANE Vous le fûtes ! CYRANO Mon langage jamais jusqu'ici n'est sorti De mon vrai cœur... ROXANE Pourquoi ? CYRANO Parce que... jusqu'ici Je parlais à travers... ROXANE Quoi? CYRANO ... le vertige où tremble Quiconque est sous vos yeux !... Mais ce soir, il me semble... Que je vais vous parler pour la première fois ! ROXANE C'est vrai que vous avez une toute autre voix. CYRANO, se rapprochant avec fièvre. Oui, tout autre, car dans la nuit qui me protège J'ose être enfin moi-même, et j'ose... Il s'arrête et, avec égarement, Où en étais-je ? Je ne sais... tout ceci, – pardonnez mon émoi, – C'est si délicieux... c'est si nouveau pour moi ! ROXANE Si nouveau ? CYRANO, bouleversé, et essayant toujours de rattraper ses mots. Si nouveau... mais oui... d'être sincère : La peur d'être raillé, toujours au cœur me serre... ROXANE Raillé de quoi? CYRANO Mais de... d'un élan !... Oui, mon cœur

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Toujours, de mon esprit s'habille, par pudeur : Je pars pour décrocher l'étoile, et je m'arrête Par peur du ridicule, à cueillir la fleurette ! ROXANE La fleurette a du bon. CYRANO Ce soir, dédaignons-la ! ROXANE Vous ne m'aviez jamais parlé comme cela ! CYRANO Ah ! si, loin des carquois, des torches et des flèches, On se sauvait un peu vers des choses... plus fraîches ! Au lieu de boire goutte à goutte, en un mignon Dé à coudre d'or fin, l'eau fade du Lignon, Si l'on tentait de voir comment l'âme s'abreuve En buvant largement à même le grand fleuve ! ROXANE Mais l'esprit ?... CYRANO

J'en ai fait pour vous faire rester D'abord, mais maintenant ce serait insulter Cette nuit, ces parfums, cette heure, la Nature, Que de parler comme un billet doux de Voiture ! – Laissons, d'un seul regard de ses astres, le ciel Nous désarmer de tout notre artificiel : Je crains tant que parmi notre alchimie exquise Le vrai du sentiment ne se volatilise, Que l'âme ne se vide à ces passe-temps vains, Et que le fin du fin ne soit la fin des fins ! ROXANE Mais l'esprit ?... CYRANO Je le hais, dans l'amour ! C'est un crime Lorsqu'on aime de trop prolonger cette escrime ! Le moment vient d'ailleurs inévitablement, – Et je plains ceux pour qui ne vient pas ce moment ! Où nous sentons qu'en nous une amour noble existe Que chaque joli mot que nous disons rend triste ! ROXANE Eh bien! si ce moment est venu pour nous deux, Quels mots me direz-vous ? CYRANO Tous ceux, tous ceux, tous ceux Qui me viendront, je vais vous les jeter, en touffe, Sans les mettre en bouquet : je vous aime, Je t'aime, je suis fou, je n'en peux plus, c'est trop ; Ton nom est dans mon cœur comme dans un grelot, Et comme tout le temps, Roxane, je frissonne, Tout le temps, le grelot s'agite, et le nom sonne ! De toi, je me souviens de tout, j'ai tout aimé Je sais que l'an dernier, un jour, le douze mai, Pour sortir le matin tu changeas de coiffure ! J'ai tellement pris pour clarté ta chevelure Que, comme lorsqu'on a trop fixé le soleil, On voit sur toute chose ensuite un rond vermeil, Sur tout, quand j'ai quitté les feux dont tu m'inondes, Mon regard ébloui pose des taches blondes ! ROXANE, d'une voix troublée Oui, c'est bien de l'amour...

TEXTE BAC N°7

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William Shakespeare, Roméo et Juliette (1594-1595), II, 2.

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ROMEO Il rit des plaies, celui qui n'a jamais été blessé !

(Juliette apparaît à une fenêtre.) Mais silence ! Quelle lumière éclate à la fenêtre ? C’est l'Orient et Juliette est le soleil ! Lève-toi clair soleil, et tue l'envieuse lune Déjà malade et pâle de chagrin De voir que sa servante est bien plus belle qu'elle. Ne sois pas sa servante puisqu'elle est envieuse, Sa robe de vestale n’est que malade et verte, Nul ne la porte que les folles, rejette-la. Voici ma Dame ! oh elle est mon amour ! Oh si elle savait qu’elle l’est ! Elle parle et pourtant ne dit rien, mais qu'importe, Ses yeux font un discours et je veux leur répondre. Je suis trop hardi, ce n'est pas à moi qu'elle parle : Deux des plus belles étoiles dans tout le ciel, Ayant quelque affaire, ont supplié ses yeux De briller dans leurs sphères jusqu'à ce qu'elles reviennent. Que serait-ce si ses yeux étaient là-haut et les étoiles dans sa tête ? Car l'éclat de sa joue ferait honte aux étoiles Comme le jour à une lampe, tandis que ses yeux au ciel Répandraient à travers la région aérienne un si grand éclat Que les oiseaux chanteraient croyant la nuit terminée. Voyez, comme elle pose sur sa main sa joue ! Oh si j’étais le gant sur cette main, Que je puisse toucher cette joue ! JULIETTE

Ah ! ROMEO

Elle a parlé : Oh parle encore, lumineux ange ! Car tu es Aussi glorieuse à cette nuit, te tenant par-dessus ma tête, Que pourrait l'être un messager ailé du ciel Aux yeux retournés blancs d’émerveillement Des mortels, qui se renversent pour le voir, Quand il enjambe les nuages paresseux, Quand il glisse sur la poitrine de l’air. JULIETTE O Roméo, Roméo ! Pourquoi es-tu Roméo ? Renie ton père, refuse ton nom ; Ou si tu ne le fais, sois mon amour juré, Et moi je ne serai plus une Capulet. ROMEO (à part.) L’écouterai-je encore ou vais-je lui parler ? JULIETTE C'est seulement ton nom qui est mon ennemi. Tu es toi-même, tu n’es pas un Montaigue. Qu'est-ce un Montaigue ? Ce n'est ni pied ni main Ni bras ni visage, ni aucune partie Du corps d'un homme. Oh sois un autre nom ! Qu'y a-t-il en un nom ? Ce que nous nommons rose Sous un autre nom sentirait aussi bon ; Et ainsi Roméo, s'il ne s'appelait pas Roméo, garderait cette chère perfection Qu'il possède sans titre. Oh retire ton nom, Et pour ton nom qui n’est aucune partie de toi Prends-moi tout entière ! ROMEO.

Je te prends au mot : Ne m’appelle plus qu’amour et je serai rebaptisé ; Dorénavant je ne serai plus jamais Roméo. […]

DOCUMENT COMPLÉMENTAIRE

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Victor Hugo, extraits de la Préface de Cromwell (1827).

Dans la préface de la pièce Cromwell, Victor Hugo, chef de file du romantisme, expose les caractéristiques d’un

nouveau genre théâtral, le drame romantique. Voici les extraits les plus significatifs de cette longue préface-manifeste.

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[La poésie1] se mettra à faire comme la nature, à mêler dans ses créations, sans pourtant les

confondre, l’ombre et la lumière, le grotesque au sublime, en d’autres termes, le corps à l’âme, la bête

à l’esprit. [...]

Et ici, qu'il nous soit permis d'insister ; car nous venons d'indiquer le trait caractéristique, la

différence fondamentale qui sépare, à notre avis, l'art moderne de l’art antique, la forme actuelle de la

forme morte, ou, pour nous servir de mots plus vagues, mais plus accrédités, la littérature romantique

de la littérature classique. [...]

Nous voici parvenus à la sommité poétique des temps modernes. Shakespeare, c'est le Drame ;

et le drame, qui fond sous un même souffle le grotesque et le sublime, le terrible et le bouffon, la

tragédie et la comédie, le drame est le caractère propre de la troisième époque de poésie, de la

littérature actuelle. [...]

La poésie née du christianisme, la poésie de notre temps est donc le drame ; le caractère du drame

est le réel ; le réel résulte de la combinaison toute naturelle de deux types, le sublime et le grotesque,

qui se croisent dans le drame, comme ils se croisent dans la vie et dans la création. Car la poésie vraie,

la poésie complète, est dans l'harmonie des contraires. Puis, il est temps de le dire hautement, et c'est

ici surtout que les exceptions confirmeraient la règle, tout ce qui est dans la nature est dans l'art.

On voit combien l'arbitraire distinction des genres croule vite devant la raison et le goût. On ne

ruinerait pas moins aisément la prétendue règle des deux unités. Nous disons deux et non trois unités,

l'unité d'action ou d'ensemble, la seule vraie et fondée, étant depuis longtemps hors de cause.

Quoi de plus invraisemblable et de plus absurde en effet que ce vestibule, ce péristyle, cette

antichambre, lieu banal où nos tragédies ont la complaisance de venir se dérouler, où arrivent, on ne

sait comment, les conspirateurs pour déclamer contre le tyran, le tyran pour déclamer contre les

conspirateurs [...] !

L'unité de temps n'est pas plus solide que l'unité de lieu. L'action, encadrée de force dans les

vingt-quatre heures, est aussi ridicule qu'encadrée dans le vestibule. Toute action a sa durée propre

comme son lieu particulier. [...]

Que fait-on en effet maintenant ? On divise les jouissances du spectateur en deux parts bien

tranchées. On lui donne d'abord deux heures de plaisir sérieux, puis une heure de plaisir folâtre ; avec

l'heure d'entr'actes que nous ne comptons pas dans le plaisir, en tout quatre heures. Que ferait le

drame romantique ? Il broierait et mêlerait artistement ces deux espèces de plaisir. Il ferait passer à

chaque instant l'auditoire du sérieux au rire, des excitations bouffonnes aux émotions déchirantes, du

grave au doux, du plaisant au sévère. Car, ainsi que nous l'avons déjà établi, le drame, c'est le

grotesque avec le sublime, l'âme sous le corps, c'est une tragédie sous une comédie.

1 La poésie désigne, pour Victor Hugo ici, la littérature dans son ensemble, dont le théâtre.

DOCUMENT COMPLÉMENTAIRE

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Jean Tardieu, La Comédie du langage, 1987. « Finissez vos phrases ! ou une heureuse rencontre »

Comédie

PERSONNAGES

MONSIEUR A, quelconque. Ni vieux, ni jeune. MADAME B, même genre.

Monsieur A et Madame B, personnages quelconques, mais pleins d'élan (comme s'ils étaient toujours sur le point de dire quelque chose d'explicite) se rencontrent dans une rue quelconque, devant la terrasse d'un café.

MONSIEUR A, avec chaleur. Oh! chère amie. Quelle chance de vous... MADAME B, ravie. Très heureuse, moi aussi. Très heureuse de... vraiment oui! MONSIEUR A. Comment allez-vous, depuis que ?. .. MADAME B, très naturelle. Depuis que ? Eh bien ! J'ai continué, vous savez, j'ai continué à... MONSIEUR A. Comme c'est !. . . Enfin, oui vraiment, je trouve que c'est. . . MADAME B, modeste. Oh ! n'exagérons rien ! C'est seulement, c'est uniquement... Je veux dire : ce n'est pas tellement, tellement… MONSIEUR A, intrigué, mais sceptique. Pas tellement, pas tellement, vous croyez ? MADAME B, restrictive. Du moins je le… je, je, je… Enfin !... MONSIEUR A, avec admiration. Oui, je comprends : vous êtes trop, vous avez trop de… MADAME B, toujours modeste, mais flattée. Mais non, mais non : plutôt pas assez... MONSIEUR A, réconfortant. Taisez-vous donc ! Vous n'allez pas nous… ? MADAME B, riant franchement. Non ! non ! Je n'irai pas jusque-là !

Un temps très long. Ils se regardent l'un l'autre en souriant. MONSIEUR A. Mais, au fait ! Puis-je vous demander où vous… ? MADAME B, très précise et décidée. Mais pas de ! Non, non, rien, rien. Je vais jusqu'au, pour aller chercher mon. Puis je reviens à la. MONSIEUR A, engageant et galant, offrant son bras. Me permettez-vous de... ? MADAME B. Mais, bien entendu ! Nous ferons ensemble un bout de. MONSIEUR A. Parfait, parfait ! Alors, je vous en prie. Veuillez passer par ! Je vous suis. Mais, à cette heure-ci, attention à, attention aux ! MADAME B, acceptant son bras, soudain volubile. Vous avez bien raison. C'est pourquoi je suis toujours très. Je pense encore à mon pauvre. Il allait, comme ça, sans, – ou plutôt avec. Et tout à coup, voilà que ! Ah la la ! Brusquement ! Parfaitement. C'est comme ça que. Oh ! j'y pense, j'y pense ! Lui qui ! Avoir eu tant de ! Et voilà que plus ! Et moi je, moi je, moi je ! MONSIEUR A. Pauvre chère ! Pauvre lui ! Pauvre vous ! MADAME B, soupirant. Hélas oui ! Voilà le mot ! C'est cela !

Une voiture passe vivement, en klaxonnant. MONSIEUR A, tirant vivement Madame B en arrière. Attention ! voilà une !

Autre voiture, en sens inverse. Klaxon. MADAME B. En voilà une autre ! MONSIEUR A. Que de ! Que de ! Ici pourtant ! On dirait que ! MADAME B. Eh ! Bien ! Quelle chance ! Sans vous, aujourd'hui, je ! MONSIEUR A. Vous êtes trop ! Vous êtes vraiment trop ! Soudain changeant de ton. Presque confidentiel. Mais si vous n'êtes pas, si vous n'avez pas, ou plutôt : si vous avez, puis-je vous offrir un ? MADAME B. Volontiers. Ça sera comme une ! Comme de nouveau si... MONSIEUR A, achevant. Pour ainsi dire. Oui. Tenez, voici justement un. Asseyons-nous !

lls s'assoient à la terrasse du café. MONSIEUR A. Tenez, prenez cette... Êtes-vous bien ? MADAME B. Très bien, merci, je vous. MONSIEUR A, appelant. Garçon ! LE GARÇON, s'approchant. Ce sera ? MONSIEUR A, à Madame B. Que désirez-vous, chère... ?

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MADAME B, désignant une affiche d'apéritif. Là... là : la même chose que... En tout cas, mêmes couleurs que. LE GARÇON. Bon, compris ! Et pour Monsieur ? MONSIEUR A. Non, pour moi, plutôt la moitié d'un ! Vous savez ! LE GARÇON. Oui. Un demi ! D'accord ! Tout de suite. Je vous.

Exit le garçon. Un silence. MONSIEUR A, sur le ton de l'intimité. Chère ! Si vous saviez comme, depuis longtemps ! MADAME B, touchée. Vraiment ? Serait-ce depuis que ? MONSIEUR A, étonné. Oui ! Justement ! Depuis que ! Mais comment pouviez-vous ? MADAME B, tendrement. Oh ! Vous savez ! Je devine que. Surtout quand. MONSIEUR A, pressant. Quand quoi ? MADAME B, péremptoire. Quand quoi ? Eh bien, mais : quand quand. MONSIEUR A, jouant l'incrédule, mais satisfait. Est-ce possible ? MADAME B. Lorsque vous me mieux, vous saurez que je toujours là. MONSIEUR A. Je vous crois, chère !... (Après une hésitation, dans un grand élan.) Je vous crois, parce que je vous ! MADAME B, jouant l'incrédule. Oh ! Vous allez me faire ? Vous êtes un grand !... MONSIEUR A, laissant libre cours à ses sentiments. Non ! Non ! C'est vrai ! Je ne puis plus me ! Il y a trop longtemps que ! Ah si vous saviez ! C'est comme si je ! C'est comme si toujours je ! Enfin, aujourd'hui, voici que, que vous, que moi, que nous ! MADAME B, émue. Ne pas si fort ! Grand, Grand ! On pourrait nous ! MONSIEUR A. Tant pis pour ! je veux que chacun, je veux que tous ! Tout le monde, oui ! MADAME B, engageante, avec un doux reproche. Mais non, pas tout le monde : seulement nous deux ! MONSIEUR A, avec un petit rire heureux et apaisé. C'est vrai ? Nous deux ! Comme c'est ! Quel ! Quel ! MADAME B, faisant chorus avec lui. Tel quel ! Tel quel ! MONSIEUR A. Nous deux, oui, oui, mais vous seule, vous seule ! MADAME B. Non, non : moi vous, vous moi ! LE GARÇON, apportant les consommations. Boum ! Voilà ! Pour Madame !... Pour Monsieur ! MONSIEUR A. Merci... Combien je vous ? LE GARÇON. Mais c'est écrit sur le, sur le... MONSIEUR A. C'est vrai. Voyons !... Bon, bien ! Mais je n'ai pas de... Tenez voici un, vous me rendrez de la. LE GARÇON. Je vais vous en faire. Minute !

Exit le garçon. MONSIEUR A, très amoureux. Chère, chère. Puis-je vous : chérie ? MADAME B. Si tu... MONSIEUR A, avec emphase. Oh le « si tu » ! Ce « si tu » ! Mais, si tu quoi ? MADAME B, dans un chuchotement rieur. Si tu, chéri ! MONSIEUR A, avec un emportement juvénile. Mais alors ! N'attendons pas ma ! Partons sans ! Allons à ! Allons au ! MADAME B, le calmant d'un geste tendre. Voyons, chéri ! Soyez moins ! Soyez plus ! LE GARÇON, revenant et tendant la monnaie. Voici votre !... Et cinq et quinze qui font un ! MONSIEUR A. Merci. Tenez ! Pour vous ! LE GARÇON. Merci. MONSIEUR A, lyrique, perdant son sang-froid. Chérie, maintenant que ! Maintenant que jamais ici plus qu'ailleurs n'importe comment parce que si plus tard, bien qu'aujourd'hui c'est-à-dire, en vous, en nous... (s'interrompant soudain, sur un ton de sous-entendu galant), voulez-vous que par ici ? MADAME B, consentante, mais baissant les yeux pudiquement. Si cela vous, moi aussi. MONSIEUR A. Oh ! ma ! Oh ma ! Oh ma, ma ! MADAME B. Je vous ! À moi vous ! (Un temps, puis, dans un souffle.) À moi tu

Ils sortent.

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ALEXANDRE CABANEL, PHÈDRE ET LA PEINTURE ACADÉMIQUE

Alexandre CABANEL, Phèdre (1880), Huile sur toile, 1,940 m × 2,860 m,

Musée Fabre, Montpellier.

HISTOIRE DES ARTS