semantique et syntaxe mes remerciements vont en...
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Les paires verbales en Birman
Maîtrise - février 19, 2014 1
Université Saint-Denis Paris VIII
SEMANTIQUE ET SYNTAXE
DES PAIRES VERBALES
EN BIRMAN
Dans une approche contrastive avec d'autres langues tibéto-birmanes
Alice VITTRANT
Maîtrise en Sciences du Langage
Septembre 1998
Les paires verbales en Birman
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REMERCIEMENTS
Mes remerciements vont en premier lieu à mes informateurs à Paris et à Yangon, sans qui ce travail n’aurait pu voir le jour : Daw Yin Yin Myint pour son aide précieuse et sa grande patience, Moe Moe U et Than Sin Aye, U Tun Myit, U Tun Myint, Daw Ma lay pour avoir si gentillement répondu à mes questions. Je tiens ensuite à remercier Denise Bernot pour ses conseils, sa disponibilité et son soutien tout au long de cette recherche, Boyd Michaïlovsky et Martine Mazaudon pour les données sur les langues tibéto-birmanes mises à ma disposition, et bien sûr Nicolas Tournadre pour avoir accepté de diriger ce travail en plus de ses nombreuses occupations, et dont les conseils avisés ont été d’un grand secours. En dernier lieu, je souhaiterais exprimer mes remerciements à tous les membres du LACITO pour avoir permis mon séjour en Birmanie dans de si bonnes conditions.
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SEMANTIQUE ET SYNTAXE DES PAIRES VERBALES EN BIRMAN
Dans une approche contrastive avec d'autres langues tibéto-birmanes
PLAN
Introduction
Ière Partie - Sur le phénomène des paires verbales dans les langues tibéto-birmanes
I - Origine du phénomène
II - Les oppositions morphologiques
Remarque : autres expressions morphologiques de la causativité
II - 1/ Oppositions consonantiques à l'initiale (aspiration, voisement)
II - 2/ Oppositions tonales
II - 3/ Oppositions vocaliques
II - 4/ Autres oppositions phonologiques récurrentes
III - Terminologie proposée par ces paires
III - 1/ Causatif, et sémantique du phénomène
III - 2/ En se référant à la syntaxe
2ème partie - Les paires verbales en birman
I - La théorie
I - 1/ Introduction : à propos du birman
I - 1.1/ Le birman : géographie et locuteurs
I - 1.2/ Type de langue
I - 1.3/ Langue et écriture
I - 1.4/ Le système phonologique
I - 2/ Morpho-syntaxe du birman
I - 2.1/ Syntaxe de la phrase
I - 2.2/ Le marquage syntaxique des actants
I - 2.3/ Le syntagme nominal
I - 2.4/ Structure du groupe verbal
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I - 3/ Marques modales, auxiliaires et marques verbales : éléments du groupe verbal
I - 3.1/ Les marques modales : obligatoires et exclusives
I - 3.2/ Marques verbales • Définition et exemples (M.Verbales utilisées pour tests)
I - 3.2/ Auxiliaires • Définition et exemples (auxiliaires utilisés pour tests)
II - Les faits
II - 1/ Description du phénomène en birman
II - 1.1/ Deux types d'oppositions morphologiques • Alternance consonantique : l'aspiration • Alternance tonale • Remarque
II - 1.2/ Perception du phénomène par les Birmans • Grammaire scolaire : rien sur les paires • Articles sur le phénomène : paires avec aspiration seulement • Les locuteurs face aux paires
II - 2/ Présentation des données
II - 2.1/ A propos des Listes de paires verbales(Okell/U Tun Tin) • Définition de chaque verbe (cf. annexe) • Liste des paires testées
II - 2.2/ L'enquête linguistique : • Présentation des tests effectués • Tests non-concluants et données partielles • Méthode d'enquête et exemple type
II - 3/ Tableaux et exemples
II - 3.1/ Premier tableau récapitulatif des tests effectués et exemples
II - 3.2/ Deuxième tableau récapitulatif : données partielles II - 4/ Analyse et Hypothèses
II - 4.1/ Deux grandes classes morphosyntaxiques
II - 4.2/ La syntaxe effleurée
II - 4.3/ Problèmes rencontrés et sujets non-traités
Conclusion
Liste des abréviations
Bibliographie
Annexe 1 : Tableau des verbes courants testés
Annexe 2 : Classification des langues tibéto-birmanes
Annexe 3 : Carte Linguistique de l'aire tibéto-birmane
Annexe 4 : Liste des paires verbales et de leur(s) définition(s)
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L'existence de paires (ou ensembles de 3 formes et plus) fondées sur une opposition phonologique tel le ton, le voisement, l'aspiration, et la variation vocalique correspondant sur le plan sémantico-syntaxique à une opposition de diathèse, de causativité,1 est un phénomène connu dans les langues tibéto-birmanes. C'est aussi le sujet que nous souhaitons aborder par ce travail sur la langue birmane. Dans un premier temps, et après avoir rappelé brièvement l'origine de ce phénomène, nous nous proposons de décrire les différentes oppositions morphologiques véhiculées par ces paires verbales (ou ensembles de verbes présentant une unité sémantique évidente) dans différentes langues du groupe tibéto-birman, du Nord de l'Inde au sud de la Chine, en passant par le Népal, le Tibet, et la Birmanie. Puis nous aborderons le problème des classes formées par ces verbes, et la manière dont la question a été traitée par les linguistes ou grammairiens. Classement sémantique? Morphosyntaxique? Le phénomène subsistant à l'état de traces (plus ou moins nombreuses) d'une part, le lexique ayant évolué sémantiquement après fixation du phénomène d'autre part, l'analyse de ces verbes et leur répartition en deux groupes sémantico-syntaxiques bien distincts posent problème. Dans une deuxième partie, nous nous intéresserons plus spécifiquement au birman. Après un bref exposé de la phonologie utilisée, une présentation de la morpho-syntaxe du birman, et des éléments constituants du groupe verbal, nous tâcherons de dégager l'essence de ce phénomène difficile à cerner, et de repérer quelques traits sous-jacents à la dichotomie de ces paires. A partir des listes établies par J.Okell, U Tun Tin augmentée de quelques paires par nos soins, nous nous attacherons à dégager les propriétés morphosyntaxiques et sémantiques de chaque élément de ces paires, dans le but de proposer (un début de) une classsification pertinente pour le birman.
1 Certaines paires verbales introduisent une dimension aspectuelle —le résultatif traite de la borne finale du procès— tandis que d'autres ont trait à la modalité (volition).
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1ère PARTIE
SUR LE PHENOMENE DES PAIRES VERBALES DANS LES LANGUES TIBETO-BIRMANES
I - Origine du phénomène : On sait depuis longtemps maintenant (cF WOLFENDEN, 1929) que les langues tibeto-birmanes ont conservé des traces d'un ancien système d'affixation. "L'un des traits des plus remarquables du tibéto-birman commun, est le développement d'un véritable procédé de dérivation, tant nominale que verbale, au moyen d'un jeu de préfixes et de suffixes. [...] Les comparaisons permettent de reconnaître au moins six préfixes]" écrit plus tard Maspero en 1939 dans Les Langues du Monde. Parmi ces préfixes, il en est un qui servait à marquer le causatif et le factitif, le préfixe *s-, qui a été conservé, figé sous cette forme dans certaines langues, en Jinghpo (ou Kachin) par exemple, ou en tibétain écrit. • Ex. : Tib O-byon* (a.byong) "être nettoyé" s-byon* (sbyong) "nettoyer Jinghpo a_-wan "être propre s_a_-wan "nettoyer"2 Kinnauri kr´p "pleurer, scuinter" skr´p "faire pleurer"3 Dans d'autres langues, surtout quand elles n'ont pas de tradition écrite, il n'est plus reconnaissable sous la forme d'un préfixe, et s'est agglutiné à la consonne, cette simplification morphologique entraînant un changement phonologique: le préfixe *s- modifie la consonne du verbe causatif. Cela donne alors naissance à un double système de verbes dont l'alternance phonologique reflète cet ancien processus morphologique de"causativisation". Les traces de ce phénomène — qui, rappelons-le, n'est plus productif — sont donc assez diversifiées quant aux formes sonores que prennent les verbes anciennement préfixés, dans les langues tibéto-birmanes.
2 Cf. Maspero, "Morphologie du Tibéto-birman et du Munda", 1947, Paris, BSLP, p.156 3 Cf. DD Sharma, "A descriptive grammar of Kinnauri", 1988, Delhi, Mittal Publications
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D'autre part, nous avons vu que *s- n'était pas le seul prefixe existant en Proto Tibéto-Birman (PTB). On peut penser que d'autres ont pu eux aussi laisser des traces dans les langues, se figer et donner naissance à des formes lexicales distinctes du verbe-racine. Ainsi quand on trouve comme dans certains dialectes de l'Amdo (cf. F.Haller), ou en Birman Central plus de deux verbes apparentés, liés par un lien sémantique de l'ordre de la causativité, on peut se poser la question de savoir si le troisième membre n 'est pas la trace d'un autre préfixe, comme par exemple le *p- également marque du causatif en PTB. II - Les oppositions morphologiques: On trouve trace de cet ancien phénomène de "causativisation" dans toute la région d'expansion des langues tibéto-birmanes (TB), du Nord l'Inde au Sud de la Chine, en passant par le Népal, le Tibet et la Birmanie. • Dans la branche BODIC des langues TB, et le sous-groupe BODISH (cf. Annexe 2, Classication des languesTB), les langues ont été très "conservatrices". Nous avons déjà noté que le Tibétain écrit avait conservé le préfixe, et un grand nombre d'autres dialectes tibétains en ont aussi gardé la trace. Nous n'en citerons que quelques uns : Ladakhi, Nyamskad, Spiti (Nord de l'Inde), U-Tsang (Région Autonome du Tibet), Khamskad (Région Autonome du Tibet, Yunnan) et aussi, le Tamang, le Gurung (Népal), le rGyarong (Sichuan). Certaines langues de la branche HIMALAYISH occidental possèdent aussi des couples de verbes dont la variation morphologique est une trace de l'ancien système de "causativisation": le Kanauri (ou Kinnauri) à la frontière du Zanskar (Inde), le Darmiya (groupe des Rangkas) dans l'état de l'Uttakarand Pradesh (Inde) près de la frontière du Népal; de même en Bahing, Limbu, Kiranti, Hayu (Népal) de la branche HIMALAYISH Oriental. Le Newari (Népal), classé à part, dans la famille des langues TB, a aussi des paires de verbes dont l'alternance morphologique dérive du même phénomène que les langues précédentes. Dans cette partie occidentale de l'aire tibéto-birmane, seul un petit groupe de langues situées à l'Est du Népal (Khaling, Dumi, Kulung, Bantawa, Chamling)4, a perdu toute trace du phénomène de "causativisation" du PTB.
4 Cf. B.Michailovsky, "Notes on the distribution and phonology of causative pairs in East Himalayish", 1990, 23e ICSTLL.
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Plus à l'est, les langues Lolo (Yi) du sud de la Chine et les dialectes du birman (Birmanie centrale, et Arakan) appartenant au sous-groupe Burmish de la branche BURMIC, et le Kachin (Nord-Est de la Birmanie) aussi de la branche BURMIC des langues TB, ont tous gardé des traces du préfixe causatif *s- du PTB. Et sous quelle forme? La réponse est multiple, comme nous allons le voir dans le paragraphe suivant. Mais avant de nous intéresser aux différentes alternances morphologiques dérivant du préfixe causatif du PTB que l'on trouve dans les langues tibeto-birmanes, nous souhaiterions faire une remarque sur le phénomène de la causativité dans ces langues. Vestige du PTB, le préfixe *s- n'est absolument plus productif. Et même si certaines langues ont beaucoup de double-verbes, dont l'un marque le causatif (le tibétain classique en compte 180 5), d'autres comme le Lahu, n'en ont plus qu'une quinzaine6. Ce qui ne veut pas dire bien sur que ces langues n'ont pas de causatif! Ainsi, souvent dans toutes ces langues, il existe un(des) autre(s) système(s) bien vivant celui-là, pour produire des causatifs. Dans la langue du Manipur (Inde du Nord-Est) par exemple, on utilisera, pour noter le causatif, soit le suffixe bénéfactif /-bi/, soit des marqueurs causatifs, formes infinitive et adverbiale du verbe /hay/ "dire", soit bien sûr les formes lexicales figées (paires verbales)7. En birman central, l'auxiliaire du factitif /se/ permettra de produire des énoncés à procès causatif. Il est bien évident que tous ces processus causatifs productifs ne concernent pas notre étude, qui ne s'intéresse qu'au phénomène fossilisé du préfixe causatif du PTB. Il nous semblait cependant important de signaler le double système existant dans de nombreuses langues. Revenons maintenant aux traces laissées par le préfixe *s-, et surtout aux différentes alternances morphologiques qui en ont découlé.
5 Cf. N.Tournadre, "L'ergativité en Tibétain", Louvain-Paris, 1996, PEETERS, p.199 6 Cf. J.A.Matisoff, "The Grammar of Lahu", 1982, Berkeley. Il en dénombre 14. 7 Cf. D.N.S.Bhat et M.S.Ningomba, "Manipuri grammar", 1997, München, Lincom Europa.
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II - 1 - Oppositions consonantiques à l'initiale (aspiration, voisement) Parmi les oppositions morphologiques résultant de la fusion du préfixe avec la consonne initiale de la syllabe.8., il existent deux types d'oppositions consonantiques, c'est à dire que deux verbes reliés sémantiquement peuvent s'opposer formellement d'une part par une alternance de consonnes aspirées et consonnes non-aspirées, d'autre part par une alternance de voisement des consonnes initiales. • Alternance d'aspiration: Elle est très fréquente — 75% des langues pour lesquelles nous avons pu obtenir des données — et est parfois combinée avec d'autres types d'oppositions morphologiques. verbe 1 verbe 2 Langue et pays Référence
voir
montrer Pattani (Himachal Pradesh) Inde
TLgHP1
voir
montrer Tinani (Himachal Pradesh) Inde
TLgHP1
accrocher, suspendre (intr.)
accrocher, suspendre (trans.)
Spitian (Himachal Pradesh) Inde
TLgHP2
bouger soi-même
faire bouger Nyam-Kad (Himachal Pradesh) Inde
TLgHP2 (transitif)
être assis (intrans)
s'assoir (trans) Manipuri (Inde Nord)
p.222 ManpGr
peler (intrans.)
peler, (to husk, unwrap) (trans)
Limbu (Népal)
BM/TBdsf
être plein (intrans.)
remplir (trans)
Limbu (Népal)
BM/TBdsf
frapper (intrans.)
entrer en collision avec (trans)
Hayu (Népal)
BM/LgHy
boire (intrans)
donner à boire à qqn (trans)
Hayu (Népal)
BM/LgHy
8 Rappelons ici que les langues tibéto-birmanes sont majoritairement monosyllabiques, et que donc le préffxe s'est agglutiné, a fusionné avec LA syllabe formant le verbe.
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to unravel
to loosen (trans)
Sunuwar (Népal)
BM/CpEH
verbe 1 verbe 2 Langue et pays Référence
35
s'écrouler 35
faire s'écrouler
Memba/Monpa (Sud-Est Tibet- Bhoutan)
MC/Llmc p.232
53
se casser 53
casser
Memba/Monpa (Sud-Est Tibet- Bhoutan)
MC/Llmc
faire tourner
tourner Tibétain Central (Tibet)
KG/Lcm
être cassé
casserBirman Central (Birmanie)
liste d'Okell
dormir(intrans)
mettre au lit (trans) Hayu (Népal) BM/LgHy
dominer, pouvoir
obéir à (trans) Hayu (Népal) BM/LgHy
toucher au but
encorner (trans) Hayu (Népal) BM/LgHy
Note : Dans ces trois derniers exemples, l'aspiration n'affecte pas de consonne mais des voyelles ou semi-voyelle. Mais il y a de toute façon transformation de la syllabe.
• Alternance de voisement: Elle est aussi très utilisée, et se combine souvent avec la précédente. verbe 1 verbe 2 Langue et pays Référence
ê.mouillé d'eau, se mouiller
plonger ds l'eau, mouiller
Nyam-Kad (Himachal Pradesh) Inde
TLgHP2
s'étaler soi-même
étaler quelque chose Nyam-Kad (Himachal Pradesh) Inde
TLgHP2
être brûlé
brûler (trans) Kinnauri (Himachal Pradesh) Inde
DGrKin
être ouvert
ouvrir (trans) Kinnauri (Himachal Pradesh) Inde
DGrKin
coller (intrans)
coller (trans) Darmiya (Uttar Pradesh) Inde
THLgUtt
courber (trans.)
enrouler (trans) Hayu Népal)
BM/LgHy
vivre (intrans.)
sauver la vie de qlq'un (trans)
Hayu (Népal)
BM/LgHy
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verbe 1 verbe 2 Langue et pays Référence
casser (intrans)
casser (trans) Sunuwar (Népal)
BM/CpEH
tomber
faire tomber, jeter Sunuwar (Népal)
BM/CpEH
naître, être né
donner naissance à Thulung (Népal)
BM/CpEH
briser / to crack
casser / to shatter Thulung (Népal)
BM/CpEH
55
porter sur le dos
55
faire porter s. le dos
Yi - Luquan (Yunnan) Chine
MC/Llmc
55
brûler
55
faire brûler
Yi - Luquan (Yunnan) Chine
MC/Llmc
44
craindre
35
effrayer
Lisu (Yunnan) Chine
MC/Llmc ex. p.127
33
flotter
44
faire flotter
Lisu (Yunnan) Chine
MC/Llmc ex. p.127
11
porter, mettre sur 11
faire porter, laisser mettre sur
Yi - Nosu (Chine)
ACFYi
33
monter, conduire 33
faire monter, conduire
Yi - Nasu (Yunnan) Chine
ACFYi
33
brûler 33
faire brûler Yi - Nasu (Yunnan) Chine
ACFYi
Combinaison des deux alternances: aspiration + voisement verbe 1 verbe 2 Langue et pays Référence
être cassé
casser Gahri (Himachal Pradesh) Inde
TLgHP1
être cassé casser
Chhitkuli (Himachal Pradesh) Innde
TLgHP2
être eclaté, divisé
diviser (trans)
Kinnauri (Himachal Pradesh) Inde
DGrKin
entrer (intrans.)
faire entrer, rentrer (trans)
Hayu (Népal)
BM/LgHy
bouger (intrans.)
déplacer (trans) Hayu (Népal)
BM/LgHy
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verbe 1 verbe 2 Langue et pays Référence
jaillir (de l'eau) (intrans.)
emporter qch. (d'un courant d'eau)
Hayu (Népal)
BM/LgHy
être effrayé
effrayer (trans) Newari (Népal)
GrClNew
to rise
to arouse (trans) Newari (Népal)
GrClNew
bouger (intrans)
bouger / to stir (trans)
Bahing (Népal)
BM/CpEH
être, devenir
finir (de faire) Bahing (Népal)
BM/CpEH
se lever, s'élever /to rise (intrans)
lever, élever (trans)
Thulung (Népal)
BM/CpEH
( )
devenir lâche, être ouvert
( ) défaire, déshabiller (trans)/ to loosen
Thulung (Népal)
BM/CpEH
33
ê.détruit/ to collapse (act.)
33 détruire/make collapse (caus.)
Yi-Nosu (Chine)
ACFYi
33
devenir lâche/ to come loose (act.)
33 (faire) devenir lâche (caus.)
Yi-Nosu (Chine)
ACFYi
45
étirer (act.) 45
faire étirer (caus.) Yi-Nasu (Yunnan) Chine
ACFYi
11
suspendre (act.) 11
faire suspendre / to hang (caus.)
Yi-Nasu (Yunnan) Chine
ACFYi
II - 2 - Oppositions tonales Toutes les langues tibéto-birmanes n'étant pas des langues à ton, cette alternance est donc moins fréquente que les deux précédentes. Note: Pour les exemples en langue Lahu, nous utiliserons la correspondance suivante pour les tons: 1 –> / 1/ / / 2 –> / 2/ / / (mid tone) 3–> / 3/ / / 4 –> / 4/ / / 5 –> / 5/ / /
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• Alternance tonale : verbe 1 verbe 2 Langue et pays Référence
1
voir 2
montrer (trans)
Lahu (Yunnan - Birm -Thail)
p.33 TGrLahu
1
souffir, ê. douloureux
2
être guéri
Lahu (Yunnan - Birm -Thail)
p.33 TGrLahu
3
manger 4
nourrir
Lahu (Yunnan - Birm -Thail)
p.33 TGrLahu
33
être dans
55
(voy.tendue) introduire
Jingpo (Birmanie)
MC/Llmc ex. p.220
33
être pendant
55
(voy.tendue) suspendre
Jingpo (Birmanie)
MC/Llmc ex. p.220
2
être ressemblant 1
imiter
Birman Central (Birmanie)
liste personnelle
14
dormir 44
faire dormir
Tibétain Central (Tibet)
MC/Llmc p.220
35
brûler (intrans.) 55
brûler (trans.)
Memba/Monpa (Sud-Est Tibet, Bhoutan)
MC/Llmc p.222
35
tomber, se perdre 55
faire tomber, (laisser, faire) perdre
Memba/Monpa (Sud-Est Tibet, Bhoutan)
MC/Llmc p.222
2
rêverie 1
rêver éveillé
Tamang (Népal)
CF. M.Mazaudon
Cette alternance de tons se combine parfois avec l'alternance consonantique de l'aspiration ou encore du voisement. • Alternance tonale + voisement : verbe 1 verbe 2 Langue et pays Référence
1
boire 2
donner à boire
Lahu (Yunnan - Birm -Thail)
p.33 TGrLahu
1
venir se reposer 2
allonger, mettre par terre
Lahu (Yunnan - Birm -Thail)
p.33 TGrLahu
3
manger 4
nourrir
Lahu (Yunnan - Birm -Thail)
p.33 TGrLahu
45
fondre (act.) 33
faire fondre (caus.) Yi-Nasu (Chine) ACFYi
45
dormir (act.) 11
faire dormir (caus.) Yi - Nyi (Chine/Yunnan)
ACFYi
45
porter sur le dos (act.)
11 faire porter sur le dos (caus.)
Yi- Nyi (Chine/Yunnan)
ACFYi
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verbe 1 verbe 2 Langue et pays Référence
45
brûler (act.) 11
faire brûler (caus.) Yi-Axi (Chine/Yunnan) ACFYi
3
être salé 2
être sucré Tamang (Népal)
CF. M.Mazaudon
• Alternance tonale + aspiration : verbe 1 verbe 2 Langue et pays Référence
15
sortir 55
expulser
Tibétain MC/Llmc
35
se casser 53
faire casser, casser
Memba/Monpa (Sud-Est Tibet-Bhoutan)
MC/Llmc
2 /sha/
avoir faim 3 /'sa/
manger
Birman Central (Birmanie)
Liste personnelle
4
égorger 2
gratter au couteau
Tamang Risiangku (Népal)
CF. M.Mazaudon
4
malaxer 1
mélanger 2 choses différentes
Tamang Risiangku (Népal)
CF. M.Mazaudon
II - 3 - Oppositions vocaliques Peu de langues utilisent cette alternance morphologique pour marquer la relation sémantique (à l'origine causative) entre deux verbes. Elle est le plus souvent couplée à une autre alternance formelle : l'aspiration, le ton, la finale... verbe 1 verbe 2 Langue et pays Référence
laver
faire laver Tod (Himachal Pradesh) Inde
TLgHP1
mourir
tuer Kinnauri (Himachal Pradesh) Inde
DGrKin
1
battre qlq'un 3
frapper au tambour, faire du bruit
Tamang Risiangku (Népal)
CF. M.Mazaudon
1
prendre feu, s'emflammer
5
allumer, faire un feu
Lahu (Yunnan - Birm -Thail)
TGrLahu p.33
1
toucher au but 3
gagner
Tamang Risiangku (Népal)
CF. M.Mazaudon
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verbe 1 verbe 2 Langue et pays Référence 2
cuire à l'eau 2
bouillir
Tamang Risiangku (Népal)
CF. M.Mazaudon
3
cuire à l'eau 3
bouillir
Tamang Risiangku (Népal)
CF. M.Mazaudon
II - 4 - Autres oppositions récurrentes Il existent d'autres types d'alternances morphologiques moins fréquentes comme la prénasalisation que l'on trouve dans certaines dialectes Yi, la palatalisation, ou encore la transformation de sifflantes en fricative. Elles peuvent aussi se combiner aux alternances précitées Il s'agit souvent d'opposition récurrente propre à une langue donnée. • Prénasalisation verbe 1 verbe 2 Langue et pays Référence
11
mettre son chapeau sur (act.)
11 faire mettre sur (caus.)
Yi-Nosu (Chine) ACFYi
11
peler (act.) 11
faire peler (caus.) Yi-Nosu (Chine) ACFYi
45
boire (act.) 45
faire boire, abreuver Yi-Nasu (Chine) ACFYi
• Palatalisation, et autres changements de point d'articulation
se rassembler, s'amasser
rassembler, ramasser (trans)
Limbu (Népal) BM/TBdsf
ê. complété
finir, compléter Limbu (Népal) BM/TBdsf
se renverser
abattre, renverser Limbu (Népal) BM/TBdsf
casser (intrans)
casser (trans) Thulung (Népal) BM/CpEH
tomber
laisser tomber
Thulung (Népal) BM/CpEH
ê. séparé séparer/ to split
Thulung (Népal) BM/CpEH
être possible
être capable Thulung (Népal) BM/CpEH
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mourir
tuer Kanashi (Himachal Pradesh) Inde
TLgHP2
Le voisement et la palatalisation peuvent parfois concerner non pas la consonne initiale mais la consonne de la deuxième syllabe du mot. verbe 1 verbe 2 Langue et pays Référence
brûler
allumer Tinani (Himachal Pradesh) Inde
TLgHP1 + opp. suffixe
être trempé
tremper (dans l'eau) Tinani (Himachal Pradesh) Inde
TLgHP1
étaler
étaler (trans.) Tinani (Himachal Pradesh) Inde
TLgHP1
être pressé
presserGahri (Himachal Pradesh) Inde
TLgHP1
se lever
lever Gahri (Himachal Pradesh) Inde
TLgHP1
Et quand les mêmes syllabes (ou consonnes) finales se retrouvent souvent en opposition dans une même langue, on peut poser l'hypothèse que l'origine en est un suffixe qui s'est, lui aussi figé à une époque plus ou moins lointaine. Remarquons cependant que parfois l'alternance morphologique concerne à la fois la consonne initiale du mot et la consonne de la deuxième syllabe (ou suffixe). • Palatalisation de la deuxième syllabe, identique dans tous les exemples : verbe 1 verbe 2 Langue et pays Référence
être cassé
casser Gahri (Himachal Pradesh) Inde
TLgHP1 (caus.) opp.ds suffixes
être pressé
presserGahri (Himachal Pradesh) Inde
TLgHP1 (caus.) opp.ds suffixes
brûler
allumer Gahri (Himachal Pradesh) Inde
TLgHP1
se lever
lever Gahri (Himachal Pradesh) Inde
TLgHP1
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• Consonne finale de la syllabe, identique dans tous les exemples :
verbe 1 verbe 2 Langue et pays Référence
se casser
casser (trans) Limbu (Népal) BM/TBdsf
souffrir, être malade (intrans.)
faire souffrir, faire mal (trans)
Limbu (Népal) BM/TBdsf
se lever (intrans.)
lever (trans) Limbu (Népal) BM/TBdsf
tomber (intrans.)
faire tomber, assomer (?) (trans)
Limbu (Népal) BM/TBdsf
être percé (intrans.)
percer (trans)
Limbu (Népal) BM/TBdsf
• Alternance consonantique dans les deux syllabes :
verbe 1 verbe 2 Langue et pays Référence
se cacher
cacher Tinani (Himachal Pradesh)
TLgHP1 + opp. ds suffixe
être cassé
casser
idem TLgHP1 + opp. ds suffixe
Pour résumer cet état des lieux des alternances morphologiques liés à l'opposition sémantique qui existent entre des couples de verbes, nous dirons que les plus courantes sont les alternances consonantiques d'aspiration et de voisement, puis l'alternance tonale. Les autres alternances présentées sont beaucoup moins répandues. D'autre part, ce que nous pouvons remarquer à travers ces exemples, c'est que la nature du lien sémantique que l'on peut établir entre deux verbes n'est pas le même dans toutes les langues. Et il ne correspond pas toujours à une relation de "causitivisation". Différence sémantique, différence syntaxique, le comportement idiosyncrasique de ces paires de verbales amène aujourd'hui les linguistes à parler du phénomène différemment selon les langues qu'ils étudient comme nous allons le constater ci-après.
Les paires verbales en Birman
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III - Terminologie proposée pour ces paires verbales III- 1 - Causatif, et sémantique du phénomène • Il est bien évident que l'origine de ce phénomène ayant été clairement établie, comme hérité du préfixe causatif *s- du PTB, le terme de causatif est souvent employé pour décrire ces verbes. M.COYAUD dans son livre "Les langues dans le Monde Chinois" (p.215)9 parle d'opposition sémantique de causativité voire de contrariété (?).DD SHARMA parle de "verbs roots for causative et non-causative actions" pour les langues tibeto-birmanes du Nord de l'Inde, et J.A.MATISOFF pour le lahu comme J.OKELL pour le birman, parlent d'opposition entre verbes statifs et causatifs. Enfin, on trouve pour le tibétain la définition suivante."...il existe pour de nombreux verbes une opposition manifestée par des paires verbales entre causatif et résultatif [...] il faut concevoir [ces] classes comme deux éléments d'une opposition" écrit N.TOURNADRE dans "L'ergativité en Tibétain"qui définit les deux termes de la façon suivante. :" Les verbes causatifs insistent sur le fait que l'agent est la cause du procès tandis que lse résultatifs insitent sur le résultat obtenu, sur l'état du patient." Il est vrai que cette définition sémantique fonctionne bien pour parler des paires verbales du tibétain, voire pour celles d'autres langues comme le Kinnauri ou le Nyam-(s)Kad par exemple.
être brûlé
brûler
Kinnauri (Himachal Pradesh) Inde
être ouvert
ouvrir
Kinnauri (Himachal Pradesh) Inde
ê.mouillé d'eau, se mouiller
plonger ds l'eau, mouiller
Nyam-Kad (Himachal Pradesh) Inde
s'étaler soi-même
étaler quelque chose Nyam-Kad
(Himachal Pradesh) Inde • Mais que dire des paires verbales des langues Yi ou Lisu ?
11
suspendre (act.) 11
faire suspendre Yi-Nasu
(Yunnan) Chine 55/
porter sur le dos 55/
faire porter sur le dos Yi - Luquan
(Yunnan) Chine 55/
brûler 55/
faire brûler Yi - Luquan
(Yunnan) Chine
9 Cf. Bibliographie
-
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Il ne peut être question de résultatif pour aucun de ces verbes. En fait, on doit plutôt parler ici de factitif au sens défini par N.TOURNADRE, qui le différencie de causatif (cf.Ibid, p.200) : "Les verbes causatifs indiquent que l'agent fait en sorte que l'action ait lieu. [...] Les verbes factitifs[...] signifient qu'un premier agent fait faire une action par un autre agent. On peut parler avec L.Tesnière de la présence de 2 agents dans l'énoncé." Ce qui nous donne, du point de vue sémantique, pour parler d'un phénomène identique, au moins à l'origine, les différents termes suivants : causatif vs non-causatif causatif vs statifs causatif vs résultatif causatif vs factitif. III- 2 - En se référant à la syntaxe • Une autre manière de définir de ces deux classes de verbes, liées au processus de "causativisation" (donc à la formation de verbes polyactanciels), est de se référer à la syntaxe. En effet, de nombreux linguistes utilisent les termes de transitif vs intransitif pour ces verbes. DD SHARMA parle de "dérivation of intransitive stems from transitive by means of phonetic changes", et il explicite plus loin : "The tibetan method of transforming a transitive root into an intransitive one by means of making phonetic changes in the components of the stem is attested almost in all the TB speeches of Himachal Pradesh."10 Mais cette dénomination syntaxique, ne peut être appliquée une fois encore aux langues YI (voir plus haut) dont les deux verbes des paires sont polyactantiels. • Certains auteurs mélangent des termes de syntaxe et de sémantique. Ainsi M.COYAUD parle de "couples intransitifs vs transitfs et aussi transitif vs causatif" pour la langue Yi des Liangshan. Nous retrouvons les mêmes termes chez DD SHARMA à propos des langues du Nord de l'Inde. D'autres encore, se réfèrent conjointement à la syntaxe et à la sémantique. J.MATISOFF note à propos des paires encore attestées en Lahu: "This process survive faintly but inmistakably in present-day Lahu as well. There remain more than a dozen pairs of verbs related to each other semantically as simplex/causative or intransitive/transitive, and differing phonologically...".
10 Cf. DD Sharma, 1994,
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Nous pourrions encore citer B.MICHAILOVSKY 11: "...pairs of wich the voiced or unaspirated member of the pair is transitive or non-causative in sense compared its voiced or aspirated partner" à propos des langues du Népal Oriental. Tant d'appellations différentes pour un même phénomène !? Ce n'est pourtant pas étonnant. Ces langues ont évolué différemment depuis le Proto Tibéto-birman, et il ne s'agit donc plus synchroniquement, du même phénomène, ou plutôt, des mêmes traces du processus causatif du PTB. Il semble qu'il soit resté productif dans certaines langues après leur séparation d'avec le PTB. Ainsi le tibétain a utilisé le processus jusqu'au 8ème ou 9ème siècle. Ce qui expliquerait pourquoi les paires résultatives vs causatives varient largement d'un dialecte à l'autre12. En effet, malgré quelques racines lexicales communes aux paires verbales de la majorité des langues — comme "casser", "tomber", "effrayer", "boire-abreuver", "manger-nourrir", "remplir" ... — aucune langue n'a gardé les mêmes verbes. Cette difficulté à nommer le phénomène existant aujourd'hui dans les différentes langues tibéto-birmanes, nous a incité à regarder ce qu'il en était en birman. De toutes les appellations d'ordre sémantique ou syntaxique présentées ci-dessus, aucune n'a paru couvrir l'entièreté du phénomène. Statif vs Causatif, qui est la dénomination employée par J.OKELL, nous paraît être mise en défaut par des paires comme /l ôE/-/'lE/ "faire tomber" vs "basculer", / phyO?/- /pyO?/ "anéantir" vs "disparaître". Transitif vs intransitif ne correspond pas non plus à la nature syntaxique de /chO?/- /cO?/ "effrayer" vs "avoir peur". Nous souhaitons donc étudier le phénomène en birman, en espèrant dégager des concepts pertinents pour décrire les paires verbales dans cette langue.
11 Cf. B.Michailovsky, 1990 12 Cf. N.Tournadre, "L'ergativité en Tibétain", Louvain-Paris, 1996, PEETERS, p.199
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2ème PARTIE
I - LA THÉORIE
I - 1 - Introduction : A propos du birman
I - 1.1 - Le birman : géographie et locuteurs Langue nationale en Birmanie (ou Myanmar) et langue officielle depuis 1948, le birman est la langue maternelle d'environ la moitié de la population (22 millions), proportion à laquelle il faudrait ajouter tous les dialectes qui existent à l'intérieur du birman proprement dit. Langue de l'ethnie dominante, elle est utilisée pour le commerce, l'administration et la littérature. Cependant, on trouve en Birmanie, en régions frontalières principalement, d'autres langues de la même famille13. Parmi les dialectes du birman, à l'Ouest de la Birmanie à la frontière avec l'Inde, l'arakanais s'est mis à évoluer parallèlement au birman central de façon progressive — certains faits d'évolution n'ont eu lieu qu'au 18e siècle. Au niveau phonologique, l'arakanais a un système vocalique moins riche que le birman central (BC) (un degré d'aperture en moins) mais il a conservé des consonnes comme le /r/, qui ont disparu dans cette langue. Pour ce qui est de la morphosyntaxe, certains auxiliaires ou particules modales diffèrent d'avec le BC, mais sans altérer le système qui reste fondamentalement le même. La langue de la région du lac Inlé, le intha (Est- Etat Shan) et le tavoyen (Sud-Tenassarim) sont aussi considérés comme des dialectes archaïques du birman, ce qui peut s'expliquer en partie par l'isolation des populations dans ces régions. Certains phonèmes latéralisés — [pl], [kl]] — y ont été conservés. Cependant les correspondances sont faciles à établir avec les phonèmes du BC. Ainsi dans la région du lac Inle, le /Q/ birman est réalisé /s/.
Nous pouvons encore citer le dialecte de Taungyo (haute-birmanie), les langues apparentées au birman, comme le maru, et le atsi, parlés par des populations vivant au nord de la Birmanie à la frontière des états Shan et Chin. Toujours dans la famille des langues tibéto-birmanes, sont aussi parlés en Birmanie14, le karen (kayah), et le kachin —connu aussi sous le nom de jingpho— et les langues kuki-chin (kuki-naga), dont les peuples vivent dans les Etats de même nom au sein de l'Union birmane.
13 Famille tibéto-birmane, voir carte linguistique de l'aire en annexe. 14 Cf. Annexe 2 : Classification des langues tibéto-birmanes d'après Schaffer et Matisoff.
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I - 1.2 - Type de langue Classée dans la famille TIBETO-BIRMANE15, le birman est une langue de type SOV. Elle est essentiellement monosyllabique. Il existe cependant beaucoup de mots composés de racines monosyllabiques qui rendent peu apparent ce monosyllabisme structurel. On trouve aussi quelques polysyllabes, emprunts au pâli ou à l'anglais. Langue tonale, le birman a 3 (ou 4 selon les linguistes) tons. Le premier est haut et bref, le second est bas et long, le troisième est haut descendant/ou long et fort. Lorsqu'il y a un coup de glotte (occlusive laryngale) en fin de syllabe, celle-ci ne porte alors aucun ton (il y a neutralisation des oppositions tonales) – cet arrêt glottal correspond au 4ème ton quand on en compte quatre. D'un point de vue diachronique, nous pourrions ajouter que le ton, en birman, est même plus pertinent que la voyelle. I - 1.3 - Langue et écriture Le birman est une langue à tradition écrite ; les premiers textes datent du 12e siècle (stèle de Myazedi). L'écriture birmane est dérivée du Nagari (écriture de langues indo-européennes de l'Inde) via l'écriture Môn (langue de la famille Môn-Khmer encore parlée dans le sud de la Birmanie actuelle). De ce fait, l'alphabet, apparaît souvent mal adapté pour transcrire une langue tonale telle que le birman. Certaines consonnes ne sont d'ailleurs utilisées que pour la transcription des termes d'origine Pâli. Ces termes sont empruntés essentiellement au domaine religieux (bouddhisme), pour les mots abstraits, savants ou techniques. L'alphabet comporte 33 consonnes, qui sont toujours prononcées suivies d'un /a/ au premier ton (on notera que ce /a/ premier ton est inhérent à la consonne et donc non-marqué). C'est la consonne qui sert de support à toute voyelle, il n'est pas possible d'écrire une voyelle seule. Les différents tons sont indiqués dans l'écriture de la voyelle en syllabe ouverte — hélas, pour l'apprentissage de la langue, les voyelles non-marquées ne sont pas toujours au même ton; ainsi nous avons vu que pour la voyelle , le 1er ton n'était pas marqué, mais pour les voyelles ou , c'est le 2e ton qui ne sera pas marqué – Nous avons donc 64 voyelles écrites (si l'on tient compte de toutes les combinaisons orthographiques).
15 Branche de la famille des langues sino-tibétaines
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La littérature birmane a longtemps été influencée par les écrits bouddhiques. De traductions en commentaires, elle s'est progressivement éloignée de cette littérature religieuse, pour développer une forme originale de littérature, dans laquelle on retrouve des thèmes d'inspiration bouddhique tels les Jatakas, histoires des vies antérieures du Bouddha. Il nous paraît important à ce stade de la présentation de la langue birmane de parler de littérature écrite, et donc d'écriture, car, de nos jours, une distinction est faite entre la langue parlée et la langue écrite (ou littéraire). La différence essentielle réside dans l'existence d'un double système de particules grammaticales (marques modales, syntaxiques et connecteurs) distinctes formellement — car paradoxalement, la langue parlée s'écrit aussi! On peut donc se poser la question de leur emploi respectif. En fait, tout ce qui est écrit doit l'être en langue dite "littéraire" : discours officiels16, écrits administratifs, romans, mais aussi journaux, inscriptions, panneaux de signalisation etc... Seule exception à cette règle, par ailleurs rigoureusement suivie, les dialogues dans un texte, qui eux, sont écrits en langue parlée. Il nous faut pourtant signaler la naissance, dans les années 70 à Mandalay (ville de Birmanie centrale), d'un mouvement littéraire prônant une littérature en langue parlée, accessible à un plus grand nombre. Le mouvement à vocation populaire n'eut pas l'audience souhaitée au sein du grand public, et resta circonscrit à la Société littéraire de Haute-Birmanie. Une hypothèse à cet échec, serait la résistance du lecteur birman à un changement structurel du récit. En effet, depuis les débuts de la littérature écrite (cf. textes classiques du 19e s.), une diffférence est faite entre la narration et les dialogues, — en langue classique par un jeu de marqueurs différents, en langue moderne par une alternance de la langue écrite et parlée. Et dans un texte tout en langue parlée, impossible de marquer formellement cette différence de style, impossible au lecteur de s'y retrouver! Aujourd'hui, un petit nombre d'auteurs publient encore des romans, ou des nouvelles en utilisant la langue parlée, mais cela reste marginal, et ... peu encouragé par le gouvernement.
16 A propos des discours officiels: Bien qu'écrits (et éventuellement) publiés en langue littéraire, ils seront lus en langue parlée. Ainsi sauf cas rarissime (comme celui d'un universitaire, lisant son article dans un colloque), la langue littéraire n'est jamais énoncée.
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Traditionnellement, la grammaire birmane est adaptée du Pali, langue de l'inde (et indo-européenne) dont les catégories grammaticales ne coïncident pas du tout avec celles du birman. Avec la colonisation britannique, c'est de l'anglais dont on s'inspire pour tenter de faire de nouvelles grammaires du birman, sans que le résultat soit meilleur. Puis, en 1964, le général Ne win, alors au pouvoir et conscient de l'importance d'une unité linguistique dans un pays, met en place une commission pour réfléchir à la standardisation de l'écriture (orthographe, ordre alphabétique), et à l'élaboration de grammaires mieux adaptées à l'apprentissage de la langue. La langue écrite est ainsi réformée (un guide recensant toutes les nouvelles formes est édité), et de nouveaux livres et grammaires scolaires sont publiés, présentant un compromis entre les défenseurs de la tradition (pali) et ceux de la grammaire anglaise — solution toujours insatisfaisante! Aujourd'hui, ces normes orthographiques sont toujours rigoureusement suivies. Et toute publication doit, avant impression, être présentée à une commission de "re-lecture", chargée de retirer tout passage délictueux, et de corriger toutes les graphies erronées — lesquelles sont soumises à des amendes. Les birmans sont de grands lecteurs. Il n'est pas rare de voir à Rangoon, des petits marchands de rue, des taxis-vélos, plongés dans un roman, en attendant un client. Il y a d'autre part, énormément de points de vente de livres et magazines de toutes sortes. Aujourd'hui, les éditeurs birmans publient principalement des fictions, des nouvelles, de la poésie, toujours beaucoup d'écrits sur le bouddhisme, mais de moins en moins de pièces de théâtre. Il y a aussi de plus en plus de traductions d'auteurs étrangers, et là il s'agit essentiellement de romans d'aventure ou de nouvelles populaires venus d'occident (type "Indiana Jones)", ou bien des livres chinois sur les arts martiaux, mettant en avant l'esprit de conquête et de puissance (type "Histoire de Kung-Fu"). Le nombre de ces publications serait d'environ 600 livres imprimés par an — Ce chiffre recueilli auprès d'un Birman lettré et écrivain nous paraît loin de la réalité. Il serait plutôt de l'ordre de quelques milliers. Quant aux revues et magazines, ils sont divers et variés : mode, informatique, sport, (105 titres mensuels vendus en librairie)... Il y a cependant très peu de publications scientifiques et/ou techniques. Refermons maintenant cette parenthèse sur la production écrite en langue birmane, revenons au birman parlé.
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I - 1.4 - Le système phonologique17 Nous présentons ici la phonologie du birman parlé dans la vallée de l'Irrawady, dont les deux principales villes sont Yangon et Mandalay, c'est-à-dire le birman central (ou BC) ou standard. • La syllabe est de type CV, CVN, CV? et ne peut en aucun cas commencer par une voyelle: C V miu: /'mo/ ciel m®iu; /myo'/ ville CVN mun=; /- moN'/ gâteau ém®,x= /myoN'/ vallée encaissée CV? mut= /mo?/ porche, arche d'entrée ou C=consonne, V=voyelle/diphtongue, N= finale nasale, ?=arrêt glottal • Pour marquer les tons du birman, nous suivons ici encore le système de D.BERNOT18 : - On note le premier par une apostrophe après la syllabe et ce qui correspond phonologiquement à un ton haut et bref. ex. : l, /la'/ lune
- Le second ne se note pas, et correspond à un ton bas. ex. : / l la/ venir
- Le troisième se note par l'apostrophe avant la syllabe, et représente un ton haut descendant. ex. : l,: /'la/ pr.interrog.
• L'opposition d'aspiration (occlusives, nasales, liquides) qui est un trait distinctif en birman, a un rendement élevé. Et bien qu'il existe pour la plupart des occlusives une série sourde et une série sonore, l'opposition de sonorité a, elle, un rendement faible, car la réalisation de la consonne est en relation avec le contexte phonique. Notons encore qu'il n'existe pas de consonne sonore aspirée en birman.
17 Nous rappelons ici que nous utiliserons le système de transcription phonologique français proposé par Denise Bernot. Pour plus de détails, se reporter au "Manuel de birman Parlé", Bernot, Cardinaud, Yin Yin Myint, ed. de l'asiathèque, Paris 1990, ou au "Le prédicat en birman parlé, D.BERNOT, Paris 1980, Ed. SELAF 18 D.BERNOT, "Le prédicat en birman parlé, Paris 1980, Ed. SELAF , p.25
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• Dans notre transcription phonologique nous utiliserons la consonne sourde majuscule pour marquer l'"archiphonème" correspondant aux réalisations sonore et sourde d'une consonne occlusive, nasale, ou liquide en fonction du contexte : finale du mot précédent, liaison syntaxique, ou sémantique. On notera donc : /T/ pour [t, d], /Th/ pour [th, d], /P/ pour [p, b], /Ph/ pour [ph, b], /K/ pour [k, g] et /Kh/ pour [kh, g]. On utilisera aussi la consonne majuscule pour indiquer la réalisation neutralisée par le contexte, des consonnes liquides et nasales (assourdies ou non), /N/ marquera aussi la nasalité en fin de syllabe. • Ces neutralisations de sonorité, d'aspiration ou encore de ton de syllabes étroitement liées entre elles syntaxiquement ou sémantiquement, sont appelées SANDHIS (ce qui signifie phénomène de liaison). Par exemple, quand la première syllabe d'un mot birman est ouverte, ou bien fermée par une nasale, le début de la syllabe suivante se réalise automatiquement sonore. Et dans ce dernier cas, la consonne nasale prend le lieu d'articulation de la consonne initiale de la syllabe suivante. ex. : c,: /'sa/ manger Kè; /KhE'/ ty= /TE/ c,: Kè; ty=< /'sa KhE'TE/ ['sagE'dE] J'ai mangé (avant de venir) ex. : Cx=: /'shiN/ descendre p®I /Pi/ Cx=: Kè; ty=< /'shiN KhE'TE/ ['siNgE'dE] Je suis descendue Cx=: p®I< /'shiN Pi / ['shimbi] Je descends (ca y est!) Après une syllabe fermée par un arrêt glottal, l'initiale de la syllabe suivante se réalise cette fois-ci sourde (aspirée ou non), et la consonne laryngale prend le lieu d'articulation de celle-ci. ex. : Pt= /pha?/ lire p? /Pa/ < particule de politesse> Kè; /KhE'/
Pt= Kè; ty=<
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/pha? KhE'TE/ [phakkhE'dE] J'ai lu (avant de faire autre chose) Pt= p?=< /pha? Pa/ [phappa] Lisez s'il vous plait
Enfin, pour quelques morphèmes dissyllabiques, le sandhi peut se propager jusqu'au début de la première syllabe. Celle-ci perd alors sa valeur vocalique, son ton, et il y a même parfois une harmonisation consonantique entre son initiale et l'initiale de la 2ème syllabe. ex. : ck, /s´' Ka/ [z´ga] parole> t. K?: /T´' 'Ka/ [d´'ga] porte>
• Tableau phonologique des consonnes du birman parlé CONSONNE
S
labio-
palatale Labiale Interdentale Alvéolaire Post-
alvéolaire Palatales Vélaires Glottale
Sourde py p t c k ?
Occlusives Aspir. phy ph th ch kh
Sonore by b d J g
Nasales Sourde môy mô nô ô Nô
Sonore my m n N
Latérale Sourde lô
non-fricative Sonore l
Sourde Q s S h
Fricative Aspir. sh
Sonore z
Semi-voyelle y w
• Tableau des voyelles du birman parlé: antérieures centrales postérieures
fermées i u
mi-fermées e ´ o
mi-ouvertes E O
ouvertes a
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I - 2 - Morpho-syntaxe du birman (langue parlée) I - 2.1 - Syntaxe de la phrase En règle générale, un énoncé birman est de la forme SOV. Le groupe verbal est précédé de toutes ses expansions (actants et compléments circonstantiels), et apparaît toujours en fin d'énoncé. Lui seul est obligatoire, les actants, sujet (S) et objet (O), étant facultatifs, ce qui revient à dire qu'il peut constituer un énoncé bien formé à lui tout seul. • Phrase type: actant facultatif actant facultatif obligatoire ex.(1a) : ér: ty=< (1b) : sU; tiu; ér: ty=< /'ye TE/ / Qu @ To @ +ye TE/ écrire - M.M. il-PLUR. écrire-M.M. [groupe verbal] [actant] [groupe verbal]
(Ils) écrivent Ils écrivent Une phrase affirmative peut cependant être constituée d'un unique syntagme nominal, comme en réponse à une question "Qu'est-ce que c'est?" • Phrase minimale affirmative :
ex.(1c) : Ti: < /'thi/ C'est un parapluie parapluie
Il est courant dans ces types de phrases de faire suivre le syntagme nominal d'une marque exclamative (ou de politesse) :
ex.(1d) : l Bè< /la @ +PhE/ C'est la lune! lune M.Excl.
• Structure de la phrase interrogative : dans le cas de phrases nominales:
ex.(2a) : TI: l,:< /'thi la/ parapluie PI
Est-ce un parapluie?
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ex.(2b) : TI: Qi s l,:< /'thi Si @ Q´ +la/ parapluie se trouver M.M. PI
Est-ce qu'il y a un parapluie? L'interrogation ouverte (réponse autre que oui/non) se traduit par l'ajout d'un pronom interrogatif en début de phrase et un changement dans la forme de la particule interrogative.
ex.(2c) : TI: By= mH, wy= s lè< /'thi bE mîa wE Q´ +lE/ parapluie où acheter M.M. P.I.
Où achète-t-on des parapluies? • Phrase négative: Le morphème de la négation est un morphème discontinu. Pour les prédicats nominaux, il faut ajouter le verbe "être vrai" à la forme négative.
ex.(3a) : TI: m hut= BU: < /'thi m´ ho? +Phu/ parapluie NEG ê.vrai NEG.
Ce n'est pas un parapluie Pour les énoncés avec un groupe verbal, le morphème de la négation se répartit de part et d'autre du syntagme verbal < (SN) NEG. + SV (Syntagme Verbal) + NEG.>
ex.(3b) : TI: m wy= BU: < /'thi m´ wE +Phu/ parapluie NEG acheter NEG.
(Je) n'ai pas acheté de parapluie ou (Je) n'achète pas de parapluie ou (Je) n'achèterai pas de parapluie. Cependant, il est possible de marquer la négation d'un procès envisagé, non encore réalisé, en énonçant celui-ci suivi de la négation du verbe "être vrai". Ce qui donne en traduction littérale : "Il n'est pas vrai que....(procès)". C'est d'ailleurs la seule manière de spécifier la négation d'un procès hypothétique, envisagé, ou futur. (voir § sur les marques modales)
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ex.(3d) : TI: wy= mH, m hut= BU: < /'thi wE ma m´ ho? +Phu/ parapluie acheter M.M. (irréel) NEG ê.vrai NEG.
(Je) n'achèterai pas de parapluie
I - 2.2 - Le marquage syntaxique des constituants ll y a dans les langues plusieurs façons de marquer la fonction des constituants : par leur positionnement dans la phrase, par l'ajout d'un morphème casuel, par la présence d'un relateur pré/postposé, ou encore par une combinaison de ces 3 marquages. Le birman utilise les relateurs aussi bien que le positionnement dans la phrase. En fait, les actants ne sont marqués par un morphème syntaxique que s'il y a une ambiguïté sémantique, ou en fonction énonciative (lorsque l'on veut insister sur un actant particulier). Dans les autres cas, la place est pertinente. Ainsi, une phrase dont le sujet et l'objet seraient tous les deux marqués par des morphèmes syntaxiques, est relativement rare dans la langue parlée — la tendance à l'économie est présente en birman comme ailleurs, et marquer les actants quand la position syntaxique donne déjà la fonction, serait redondant. Et si l'énoncé est ambigu, marquer un seul des actants sera suffisant pour être correctement compris.
I - 2.3 - Le syntagme nominal En birman, sauf exception, le déterminant précède le déterminé (cf. démonstratifs, pronoms personnels, subordonnées relatives ...). La succession de deux noms dans un même constituant syntaxique traduit, d'une manière générale, un rapport de possession si l'on exclut le cas des phrases nominales (où il s'agit d'une prédication qui sera marquée à l'oral par une pause entre les deux syntagmes). L'utilisation de chiffre avec un nom, fait intervenir un classificateur; dans ce cas-là, c'est ce dernier qui fait office de déterminé et qui est précédé par le déterminant (chiffre).
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• Structure < déterminant + (pr.REL) + déterminé>
ex.(4a) : dI p! (4b) : KR. Tè mH, Qi tè; p! / di pi± / / cha± 'thE ma Si TE @ pi±/ cette+ maison jardin-dans-M.LOC se trouver SUB. maison
Cet arbre L'arbre qui est dans le jardin ex.(4c) : lU él: éy,k= / lu +le yO? / homme + 4 + classificateur des humains
Quatre hommes
I -2.4 - Composition du groupe verbal • Seul élément obligatoire de la phrase en birman, le groupe verbal est composé au minimum d'un lexème verbal et d'une marque modale (M.M.). Cette dernière peut se réaliser nulle ø dans le cas d'énoncés injonctifs.
ex.(5a) : c,: ty=< (5b) : c,:< / +sa TE / / +sa/ manger M.M. manger -ø
(je)mange Mange! ou (tu) manges ou (ils) mangent... • Cependant d'autres éléments peuvent être ajoutés au groupe verbal minimum. Il s'agit des marques verbales (M.V.) et/ou des auxiliaires (AUX.), généralement introduits entre le léxème et la marque modale, pour préciser le procès.
Auxiliaire : verbe avec un emploi grammaticalisé, qui perd son sens premier. M.Verbale : pas de sens propre synchroniquement, non-autonome Nous reviendrons plus en détail sur ces éléments grammaticaux. • Le syntagme verbal peut quant à lui, être composé de plusieurs lexèmes verbaux. Parmi les séquences de plusieurs verbes, il peut s'agir d'une succession chronologique de procès ou de couples verbaux "dont les éléments expriment chacun une nuance sémantique différente d'un procès unique" 19.
19 D.BERNOT, ibid, p.282
Lexème verbal + [Auxiliaire] + [Marque Verbale] + Marque Modale V. (AUX.) (M.V.) (M.M.)
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ex.(5c) : sW,: c,: my=< (5d) : TI: yU l, ty=< / +Qwa +sa mE / / 'Qi yu la TE / aller manger M.M. fruits prendre venir M.M.
Je vais aller manger J'apporte un parapluie ex.(5e) : sU én ék,x=: ty=< (5f) : cº=: c,: ty=< /+Qu ne +KOn TE / / 'sin +sa TE / il être-ê.bon M.M. hacher-manger M.M.
Il va bien / Il se porte bien Je réfléchis • La personne n'est pas marquée dans le groupe verbal, et n'est pas forcément spécifiée dans la phrase. D'ailleurs, ce qui correspond aux pronoms personnels en français prend, en birman, des formes très variées telles que des noms de parenté.
ex.(6a) : c,: ty=< /'sa TE / manger-M.M.
peut signifier "je mange", "tu manges", "il mange", ou "nous mangeons"... ex.(6b) : smI: c,: ty=< /Q´ 'mi 'sa TE / fille manger M.M.
peut aussi signifier "je mange", "tu manges", "elle mange" selon le rang social et familial de la personne qui parle. Ainsi, une fille pourra dire cette phrase à sa mère en parlant d'elle; c'est alors une 1ère personne du singulier qui est exprimée par "fille". Mais la mère peut aussi dire à sa fille : "tu manges/ tu as mangé", et le terme de parenté dans ce cas équivaut à une 2ème personne du singulier. Enfin, la même maman peut parler de sa fille à un interlocuteur et lui signifier "elle mange / elle a mangé". • La pluralité n'est, elle aussi, pas forcément marquée dans le groupe verbal. Il existe cependant un morphème /ca'/ qui peut être ajouté si l'on veut être plus précis.
ex.(7a) : l, ty=< /la TE / venir M.M.
peut signifier "il vient" comme "ils viennent" mais ex.(7b) : l, kR ty=< /la ca' TE / venir M.verbale M.M.
signifie "ils viennent" (voire "nous, ou vous" (plur.))
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ex.(7c) : kél étW lk= éC: kR< / k´ 'le Twe lE? 'she ca'/ enfants-plur.nom mains laver plur.verbal
signifie "Les enfants, lavez-vous les mains" Notons encore, que si l'actant agent de l'action est présent dans une phrase comportant le morphème du pluriel verbal, on doit opérer un "accord"; c'est-à-dire que l'on ajoute un morphème de pluriel nominal au nom (ou pronom) du syntagme nominal. (cf. ex.(13b)) • Le mode, l'aspect et le temps sont véhiculés par la marque modale, la marque verbale, et l'auxiliaire. En revanche, le lexème verbal n'est marqué ni pour le temps, ni pour le mode. L'aspect joue un rôle essentiel dans le système verbal du birman, mais seul le mode apparaît de manière systématique et obligatoire, et ce, au travers des marques modales (voir ci-après). Celles-ci sont exclusives les unes par rapport aux autres, et semblent être les seuls éléments porteurs de mode en birman. Notons au passage que la négation entraîne une neutralisation du mode. A propos du temps, nous ferons l'observation suivante : l'absence d'opposition morphologique entre le passé et le présent nous donne à penser que le temps n'est pas marqué dans le verbe en birman. En effet, la temporalité peut être déduite du contexte, par l'ajout de compléments circonstanciels, voire de certains morphèmes grammaticaux20.
ex.(8a) : c, aup= Pt= ty=< /sa ?o? pha? TE/ livre lire M.M. (réel)
peut signifier "Je lis un livre", en réponse à la question "Que fais-tu chaque jour?" peut signifier "J'ai lu un livre", en réponse à la question "Qu'as-tu fait tout à l'heure?"
20 Ces derniers ne sont pas spécialement des indicateurs de passé . Cependant des auxiliaires comme /'Qwa/, /'tha/, des marques verbales comme /KhE'/, peuvent marquer un procès radical, définitif, avec transformation, ce qui implique le plus souvent une interprétation passée. Des verbes comme /ya'/, /ta / et /ne/ lorsqu'ils sont employés comme auxiliaires, sont de préférence associés à des faits passés. (Cf. D.BERNOT, "Le prédicat en birman parlé", Paris 1980, Ed. SELAF, p.149)
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L'ajout d'un complément circonstanciel comme /ne' 'TaiN/ "tous les jours" donnera l'interprétation du présent, et l'ajout de l'adverbe /m´ ne' Ka'/ "hier",
celle du passé.
ex.(8b) : én; tiux=: c, aup= Pt= ty=< /ne' 'TaiN sa ?o? pha? TE/ jour- M.Synt. livre lire M.M. (réel)
Tous les jours je lis un (des) livre(s) ex.(8c) : m én; k c, aup= Pt= ty=< /m´ne' Ka' sa ?o? pha? TE/ hier livre lire M.M. (réel)
Hier, j'ai lu un (des) livre(s) • Une autre remarque s'impose. Elle a trait à la concomitance21; celle-ci est neutralisée à tous les temps (présent, passé, futur). L'exemple (8a) dont la traduction est"Je lis un livre" si il s'agit de la réponse à la question "Que fais-tu chaque jour?", exprime un présent non-concomitant. Cette même phrase peut aussi être la réponse à la question "Que fais-tu? (là, en ce moment)" et donc exprimer un présent concomitant. Là aussi, l'ajout d'un morphème grammatical (auxiliaire ou marque verbale) fera la différence.
ex.(8d) : c, aup= Pt= én ty=< /sa ?o? pha? ne TE/ livre lire AUX. M.M. (réel)
Je suis en train de lire un livre ou Je lisais un livre quand... ex.(8e) : c, aup= Pt= Kè; ty=< /sa ?o? pha? KHE @ TE/ livre lire AUX. M.M. (réel)
J'ai lu un livre [et depuis j'ai fait autre chose]
21 Nous utilisons concomitance avec le sens donné par D.COHEN dans son livre "L'aspect verbal", Paris, 1989, à savoir: "Un procès est concomitant à un repère R, si et seulement si il se déroule pendant R ou si son résultat reste présent pendant R."
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I - 3 - Marques modales, marques verbales et auxiliaires : éléments du groupe verbal I - 3.1 - Les marques modales : obligatoires et exclusives Nous présentons ici les marques des propositions principales ou indépendantes en discours neutre, et laissons de côté les marques appartenant à des expressions toutes faites22, ainsi que les marques modales de discours expressif, et interrogatif, la plupart d'entre elles pouvant être mises en correspondance avec les marques de discours neutre. Au nombre de 4, les marques modales en discours informatif, sont exclusives (elles ne peuvent apparaître ensembles dans un même énoncé). Trois d'entre elles sont affirmatives, et la quatrième est négative. L'absence de particule signifie l'ordre, le mode injonctif. Pour notre étude, nous nous sommes restreints à l'utilisation de la marque la plus fréquente /TE/ quand cela était possible (cf. marque /'?oN/). La majorité de nos exemples seront donc au mode affirmatif-réel. • La marque modale /TE/, la plus fréquente, est utilisée pour exprimer:
- un procès intemporel (le plus souvent statique) - un procès habituel ou répété (présent, passé) - un procès temporaire (présent, passé, durable, momentané)
ex.(9a) : p®~ r~ dI D?t= mI: nè; r ty=< /pyaN yiN di da? 'mi ne' ya' TE/ rentrer CONJ. cette torche avec obtenir/avoir M.M. (réel/intemporel)
Pour rentrer, cette lampe torche est suffisante ex.(9b) : ém; sW,: ty=< /me' 'Qwa TE/ oublier AUX. M.M. (réel/temporaire)
J'ai oublié Note : l'auxiliaire /'Qwa/ force l'interprétation passée car il apporte la nuance : résultat d'un procès après transformation (voir ci-après sur les auxiliaires).
ex.(9c) : ém; tt= ty=< /me' Ta? TE/ oublier AUX. M.M. (réel/habituel)
J'ai l'habitude d'oublier
22 Marque /KE'/,/ et /yE'/ cf. ibid p.137
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• La marque modale /mE/ est employée pour indiquer l'envisagement du procès,
qu'il soit statique ou dynamique, momentané ou continu sans rapport avec le temps de celui-ci — futur, présent, passé (rarement). Et l'envisagement n'est pas toujours le fait du locuteur. Les deux tiers des énoncés employant la marque /mE/ concernent un procès futur
ou futur immédiat.
ex.(10a) : sW,: ét,; my=< /'Qwa TO' mE/ aller AUX. M.M. (irréel/ futur immédiat)
Je suis sur le point de m'en aller / Je m'en vais [formule d'aurevoir] ex.(10b) : wy= p®I: aim= p®n= my=< /wE 'Pyi ?EiN PyaN mE/ acheter CONJ. maison rentrer. M.M. (irréel/ futur)
Après les courses, (on) rentre à la maison. ex.(10c) : vI: lx= yU ét,; my=< / 'ni liN yu TO' mE / petite-sœur mari prendre AUX. M.M. (irréel/intention)
Tu as l'intention de te marier. 23 • La marque modale /Pi/ marque le "constat actuel et immédiat d'une réalité, quelque soit la durée de cette dernière", dit autrement : avec la marque /Pi/ "énoncé, constat et réalisation du procès sont simultanés, ce qui ne veut pas dire que leur durée coïncide nécessairement."24 D'autre part, le fait de constater une réalité implique que celle-ci est nouvelle, donc qu'il y a eu un changement de situation. C'est aussi la seule des quatre marques, qui a une valeur aspectuelle — à savoir la concomitance — en plus de sa valeur modale.
ex.(11a) : l, p®I< /la Pi/ venir M.M. (constat/action)
Il arrive! [Je le vois, le bus est en train de s'approcher]
23 Exemple emprunté à D.BERNOT, Cf. ibid p.154 24 Cf. ibid p.156-157
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ex.(11b) : dI lu. KYv= éh,x=: p®I< /di loN CHi 'hON Pi / ce longyi. être vieux . M.M. (constat/état)
Ce longyi est vieux. [on le constate, on l'a sous les yeux] ex.(11c) : Bur,: kiu sW,: Kè; p®I< /p´ +ya-Ko 'Qwa KhE @ Pi / pagode-M.S. aller M.Verb. M.M. (constat/état)
Je suis allée à la pagode [mais je n'y suis plus] Note : Dans ce dernier exemple, la particule finale /Pi/, véhiculant l'idée d'immédiateté et de concomitance (“voilà que...”), prend l'avantage sur la notion de mouvement, d'éloignement par rapport au moment présent que porte la marque /KhE'/. Le commentaire d'une de mes informatrices est le suivant : "Je suis allée à la pagode, mais j'ai effectué un mouvement depuis; je n'y suis plus (cf. /KhE'/). Et maintenant je suis juste en train de vous le dire (cf. l'idée de concomitance impliquée par /Pi/)". Avec /KhE' /, la situation a changé, mais avec /Pi/, nous sommes dans la situation immédiate.
• La marque modale /m´ ... 'Phu/ est la seule marque de la négation, quelque soit le type de procès, et s'oppose donc aux trois types d'énoncés affirmatifs précédents. Elle est donc employée pour signifier: - procès intemporel négatif - procès habituel ou répété négatif - procès temporaire négatif - procès envisagé - procès constaté dans l'immédiat si la marque verbale /'Qe/ précède le morphème de la négation /'Phu/.
ex.(12a) : m q BU:< /m´ Si ' 'Phu / NEG. se trouver. M.M. (négation)
Il n'est pas là. ou Il n'y en a pas. ex.(12b) : m l, niux= BU:< /m´ la naiN 'Phu / NEG. venir AUX.(pouvoir) M.M. (négation)
Je ne peux pas venir. [ou Je n'ai pas pu venir ] ex.(12c) : m c,: és: BU:< /m´ 'sa 'Te Phu / NEG. manger M.Verb . M.M.NEG. (immédiateté/négation)
Je n'ai pas (encore) mangé. [équivalent négatif de /Pi/]
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• En résumé:
Marque Modale Mode
ty= /TE / Affirmatif/Réel
my= /mE / Affirmatif/Irréel
p®I /Pi/ Affirmatif/Réel/constat - changement + immédiateté)
m ... BU: /m ... 'Phu/ Négation/Neutralisation du mode
I - 3.2 - Marques verbales (ou predicatives) Les marques verbales, tout comme les auxiliaires, ont pour fonction de préciser un aspect, une modalité du procès. Ce sont des enclitiques placés généralement après le syntagme verbal et précédant directement la marque modale. Ils sont donc liés au groupe verbal, et de ce fait, leur consonne initiale est affectée par un sandhi; leur réalisation dépend alors de la syllabe précédente. Ces marques verbales, dont nous donnons la liste ci-dessous, sont en nombre limité, une vingtaine au total. Elles sont cumulables, et nous le rappellons encore, facultatives. Les marques verbales précédées d'une croix sont celles que nous avons retenues dans un premier temps pour nos tests syntaxiques, choisissant /Sa/, /u±'/, /chi±/ pour le rapport aux actants qu'elles impliquaient, et / +lu±/, / +?o±/ car leurs
définitions laissaient supposer des incompatibilités d'emplois avec les verbes d'état.
- Liste des marques verbales (ou prédicatives)25:
1 - /nôi± '/ nH!; implique la précédence 2 - /yi?/ rc= désigne le procès comme résiduel + 3 - /chi±/ KY!; désirer, avoir envie de + 4 - /U±'/ w.; oser (jugement du locuteur sur le procès) 5 - /yE?/ rk= appréciation critique, indignée du procès 6 - /khE'/ Kè; différentiation : tournant, transition, mouvement + 7 - / +lu±/ lW~: dénote l'excès dans la qualité ou l'état 8 - /lôu'/ lÌ (rare) Imminence du procès (cf. marque n°20)
25 Nous reprenons ici la liste et les définitions données par D.BERNOT Dans le "Prédicat en birman parlé", Paris 1980, Ed. SELAF (cf. Chapitre IV, pp.212-278)
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+ 9 - /Sa/ Q, marque affective, façon de voir du locuteur 10 - /lôE'/ lHè; (rare-Litt.) invite insistante (énoncé injonctif) 11 - /ca'/ kR pluralité (actant présent ou induit) 12 - / +phu/ PU: procès constaté, expérimenté (antériorité-accompli) 13 - /'Qe/ és: démarcation : situation antérieure-postérieure au discours 14 - /pa/ p? attitude polie du locuteur 15 - /le/ él (litt.) marque de procès effectif 16 - /chi/ KYI adversative (le procès se produit en dépit de qlque chose) 17 - /pe/ ép (litt.) formule figée : procès comme indubitable, notoire 18 - /le±'/ li~; procès très probable (où le locuteur n'est pas acteur) + 19 - / +?o±/ au.: point de départ, nouvelle étape, répétition du procès 20 - /tO'/ ét,; procès imminent, inévitable
- Exemples :
ex.(13a) : m®~m, p®v= kui m sW,: PU: és: BU:< /myaN ma pyi-Ko m´ 'Qwa 'Phu 'Te 'Phu / Myanmar pays-LOC. NEG. aller M.Verb. M.Verb M.M.NEG. expérience - démarcation/limite du procès
Je ne suis pas encore allé en Birmanie (MyanMar). ex.(13b) : sU tiu; kit= mu~; yU Kè; kR tÚ:< /Qu-TO' Kei? moN' yu KHE' ca' TE / ils-plur. gateau prendre. M.Verb. M.Verb M.M. passé/changement - pluralité
Ils ont pris des gâteaux. Nous ne présentons ci-après que les marques verbales utilisées pour tester nos paires verbales, que nous avons choisies, en fonction de leur définition, de leurs possibilités théoriques d'emploi — rapport aux actants (animés, inanimés), incompatibilité sémantique ou grammaticale reconnues— et des nuances aspectuelles qu'elles pouvaient apporter au procès. Nous tâcherons de donner des exemples avec des verbes d'aspect lexical (Aktionsart) différent, véhiculant des traits sémantiques différents, pour chacune des marques verbales (et chaque auxiliaire). - A propos des traits du lexème verbal , ce que nous entendons par Aktionsart : - Verbe de procès : "qui implique que quelque chose change, situation dynamique orientée".
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- V. de procès télique : "limite intrinsèque au procès" (ACTION); il y a une limite, un passage entre deux états, entre 2 phases d'un procès. - V. de procès atélique : "pas de limite intrinsèque" (ACTIVITÉ)
- Verbe d'état : "absence totale de changement" avec les nuances suivantes :
- Etat permanent, contingent ou résultatif. - A propos de l'aspect : - Inaccompli : "On appelle un aspect inaccompli lorsqu'il y a simultanéité, au moins partielle entre le procès rapporté, et la période qui fait le thème de l'énoncé"26. Au moment R (période qui fait le thème de l'énoncé), la borne (limite) indiquant la fin du procès n'est pas franchie, ou encore, le procès est en cours. - Accompli : "L'aspect est au contraire accompli, si le procès est antérieur à la période dont on parle[...]27.". Au moment R, on a franchi une borne du procès, la borne de début, ou de fin. Le procès est ainsi délimité. - A propos de la sémantique des verbes : - Traits sémantiques : perception, mouvement, intentionnalité. Notre recherche de données sur la sémantique des verbes birmans s'est révélée infructueuse. Apparemment, à ce jour, aucun classement sémantique des verbes birmans n'a été entrepris. Effectuer ce classement (trés utile au demeurant) dépasse le cadre de ce travail sur les paires verbales, et pourrait faire l'objet d'une recherche à part entière. Ce que nous pouvons cependant dire, en nous basant sur notre intuition et sur les quelques tests que nous avons pu effectuer (verbes courants et paires verbales), c'est qu'en birman la distinction entre verbe d'état et verbe de procès (au sens où nous les avons définis) semble pertinente de même que les traits [± ponctuel], et [± intentionnel]. Nous nous attacherons donc à montrer ces différences de fonctionnement.
26 Définition de Oswald Ducrot, "Temps dans la langue", Nouveau dictionnaire encyclopédique des sciences du langage", Paris 1995, ed. Le Seuil, p.571-72 27 D'après Oswald Ducrot, cf.ibid
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(1) lW~: La marque verbale /'luN/ Cette marque verbale28 indique que le procès exprimé par le verbe qui précède est excessif. Elle est peu utilisée, de préférence en énoncé affirmatif. Dans "Le prédicat en birman parlé", il est spécifié qu'elle est employée avec des verbes exprimant un "procès statique". • Choix de /'luN/: Paraissant incompatible avec les verbes de procès, cette marque pouvait nous aider à dégager deux classes de verbes, recoupant eventuellement celles de nos paires. Cependant, nous avons pu recueillir des exemples laissant apparaître des compatibilités avec des verbes autres que les verbes d'état.
ex.(15a) : c,: lW~: tÚ < /'sa 'luN TE / manger M.Verb M.M.
(Il) mange trop. ex.(15b) : nI lW~: tÚ < /ni 'luN TE / être rouge M.Verb M.M.
C'est trop rouge ex.(15c) : éKY,!: Ciu: lW~: tÚ < /'chO± 'sho 'luN TE / tousser M.Verb M.M.
Il tousse trop • Incompatibilité et acceptabilité : ex.(15d) : ? ém; lW~: tÚ < /me' luN TE / oublier M.Verb M.M.
? Il oublie trop / complètement Note : Cette phrase m'a été refusée une fois par une birmane plutôt érudite, mais a été acceptée ensuite par mes autres informateurs. L'un deux m'a dit l'accepter plus facilement en subordonnée. En effet dans ce cas là, il n'y a pas besoin de contexte, le verbe oublier devient atélique ("Comme j'oublie trop, je note dans un cahier"). Un autre locuteur m'a fait le commentaire suivant : c'est du langage parlé, et c'est équivalent dans ce cas à la phrase / me' Ta? TE / "Il a l'habitude d'oublier". Ce même informateur m'a ensuite spontanément fourni l'exemple suivant : 28 Cette marque est à mettre en relation avec le verbe /luN/ signifiant "être en excès".
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ex.(15e) : mi~: m kiu ém; lW~: tÚ < /meiN ma' -Ko me' luN TE / femme - M.S. oublier M.Verb M.M.
Il oublie (a oublié) complètement sa femme. • Récapitulatif : La marque /'luN/ semble acceptable avec : - les verbes d'état, - les verbes de procès (ponctuels ou non). Employée avec des verbes non-intentionnels, elle pose un problème d'acceptabilité aux locuteurs birmans — nous avons en effet eu les mêmes commentaires (langage parlé) et le même refus (une informatrice) pour le verbe "voir" /myiN/— qui peut provenir tout simplement de l'absence de contexte prédéfini.
(2) Q, La marque verbale /Sa/ /Sa/ est une marque de sentiment sur le procès, et plus exactement "elle est liée
au locuteur parce qu'elle traduit son sentiment, et à l'acteur ou plutôt à la personne-siège, point d'impact du procès qu'il désigne comme digne de pitié et de sympathie. Elle implique que le locuteur et cette personne soit distincts, et que le siège du procès soit un être animé29." • Choix de la marque /Sa/ : Que le siège du procès (actant principal) soit
obligatoirement un être animé devait nous permettre de diviser les verbes de nos paires en deux sous-catégories. De plus, cette marque impliquant que le locuteur et le siège du procès soient distincts, on pouvait penser à une incompatibilité avec les verbes monoactantiels.
ex.(16a) : c,: Q, tÚ < /'sa Sa TE / manger M.Verb M.M.
Il a mangé, le pauvre!
29 D.BERNOT, "Le prédicat en birman parlé", Paris 1980, Ed. SELAF, p.230
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ex.(16b) : nI Q, tÚ < /ni Sa TE / être rouge M.Verb M.M.
Il est rouge, le pauvre! Note : Le contexte que m'a fourni mon interlocutrice est le suivant : "J'ai des paroles choquantes qui font rougir de confusion la personne qui nous écoute".
ex.(16c) : éKY,!: Ciu: Q, tÚ < /'chO± 'sho Sa TE / tousser M.Verb M.M.
Il tousse, le pauvre! • Incompatibilité et acceptabilité :
ex.(16d) : pW!; Q, tÚ < /pwiN' Sa TE / être ouvert M.Verb M.M. (Enfin) elles se sont ouvertes, les pauvres! [en parlant des fleurs, au moment de la saison des pluies] Note : Cet exemple montre que des inanimés (les fleurs) peuvent être employés comme siège du procès.
ex.(16e) : ? élÇ,k= Q, tÚ< / +SO? Sa TE/ marcher chercher. M.M.
? Il a marché, le pauvre Je marche et je cherche (un objet). Note : Le sens avec l'auxiliaire de commisération n'a été acceptée que par une informatrice.
ex.(16f) : ép®: Q, tÚ< / +pye Sa TE/ courir M.Verb. M.M.
Il a couru, le pauvre mais
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Note : Cette phrase nécéssite un contexte pour être acceptée. Exemple :"Si vous abordez à nouveau ce sujet, je vais me remettre à rougir".
ex.(17c) : éKY,!: Ciu: au.: mÚ < /'chO± 'sho '?o± mE / tousser M.Verb M.M. (irréel)
Il se remet à tousser • Incompatibilité et acceptabilité :
ex.(17d) : lH au.: mÚ < /lôa + '?o± mE / être belle M.Verb M.M. (irréel)
Tu seras(encore) belle Note : Le commentaire de mon premier informateur est que c'est une phrase ironique et sarcastique, une plaisanterie, donc un contexte très restreint d'utilisation. ma seconde informatrice me commente l'exemple de la façon suivante. Vous avez une jeune amie, vous pouvez lui dire cette phrase qui signifira "Tu seras ecore belle longtemps; ça ne va pas s'arrêter ici, ça va continuer".
ex.(17e) : CÚ nH© kR, p®I: én,k= ét,! dI aIm= sc= au.: mÚ < /sE nôi? Ca 'Pi nO? ?O± di ?ei± Qi?+ '?o± mE / dix ans durer SUB. après même dem. maison être neuf M.Verb M.M. (irréel)
Même après dix ans, cette maison sera encore neuve Note : Sans contexte, cette phrase est dans un premier temps refusée.
ex.(17f) : kYm nè; éw: au.: mÚ < /c´ma' ne' 'we '?o± mE / je avec être loin M.Verb M.M. (irréel)
(Il) va être loin de moi ex.(17g) : *? és au.: mÚ < /Qe '?o± mE / ê.mort M.Verb M.M. (irréel)
*? Tu vas mourir Note : Acceptée seulement par le plus jeune et le moins érudit de mes informateurs avec un sens futur, cette phrase m'est refusée par un autre informateur qui donne l'explication suivante : "On ne peut pas mourir/être mort plusieurs fois". En effet, la marque / '?o± / introduit aussi l'idée de nouvelle étape dans le procès, de répétition.
ex.(17h) : ? m®! au.: mÚ < /myiN '?o± mE / voir M.Verb M.M. (irréel)
?(il) va voir Note : Phrase refusée par 2 informatrices, et acceptée par 3 informateurs. L'un deux a complété l'exemple en ajoutant l'actant 1ère personne du singulier comme objet du verbe "voir" avec le commentaire suivant : .
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Une autre m'a formé la phrase (17g)
ex.(17i) : dI liu kiF mYiu: m®! au.: mÚ < /di lo KEi? sa' 'myo myiN '?o± mE / dem. CONJ. chose sortes de voir M.Verb M.M. (irréel)
Tu verras encore ce genre de choses. ex.(17j) : TI: ém; au.: mÚ < /'thi me' '?o± mE / parapluie oublier M.Verb M.M. (irréel)
Tu vas oublier ton parapluie [Fais donc attention] Note : Il s'agit ici d'une mise en garde, plus que le point de départ d'un procès. Ici la marque modale de l'irréel, de l'envisagement prend tout son sens.
• Récapitulatif : Les exemples (17d), (17e), (17f), (17g) montrent que l'incompatibilité supposée de la marque /'?o±/ avec les verbes d'état est loin d'être vérifiée.
La marque est compatible avec : - des verbes d'état - des verbes de procès - des verbes non-intentionnels
(4) KY! La marque verbale /chiN/ /chiN/ est une marque marginale dans l'ensemble des marques verbales, du fait de sa grammaticalisation récente, ou plutôt en cours. En effet, elle est classée dans les dictionnaires birmans comme un verbe signifiant "vouloir, désirer", et aussi "être sur le point de". Il est vrai qu'elle a fonctionné comme tel en Birman classique. Cependant, dans la langue parlée actuelle, elle n'est plus employée qu'après un autre verbe, et fonctionne donc comme une marque verbale, tout en ayant gardé le même sens. De plus, on ne peut former de déverbatif à partir de /chiN/ comme on pourrait le faire avec n'importe quel verbe à part entière, par préfixation du morphème /?´/. Ceci confirme que nous avons à faire aujourd'hui à une marque verbale, et non à un verbe grammaticalisé.
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Les paires verbales en Birman
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• Le choix de /chiN/ : Cette marque exprimant le désir, le souhait, nous avons pensé qu'elle devait exclure les verbes à agent non-humain, et permettre de créer une sous-classe.
ex.(18a) : T m!: c,: KYx= tÚ < /th´ 'miN 'sa CHiN TE / riz-manger M.Verb M.M.
Je désire manger / J'ai envie de manger. ex.(18b) : éKY,!: Ciu: KYx= ép m;è m Ciu: rè BU: < /'ChON 'so CHiN pe mE' m´ 'so ' yE 'Phu / tousser M.Verb SUB. NEG. (tousser) AUX. M.M.
J'ai envie de tousser mais je n'ose pas. ex.(18c): m w KY! BU: < /m´ wa' CHiN 'Phu / NEG. ê.gros M.Verb M.M.
Je n'ai pas envie d'être gros. ex.(18d) : l.u KYv= a sc= t Tv= liu KYx= tÚ < /loN CHi ?´ Qi? T´ thE lo CHiN TE / longyi neuf 1-Class. avoir besoin M.Verb M.M.
J'ai besoin d'un longyi neuf. [longyi = vêtement féminin] • Récapitulatif : Pas d'incompatibilité relevée avec les verbes courants testés. (5) w;. La marque verbale /U±'/ Le sens de la marque /U±'/ est "oser". Elle implique un jugement du locuteur sur le procès, mais en même temps, elle concerne l'acteur du procès. - Le choix de /U± '/ : Donnant une information sur la personne agissant dans le procès, il nous a semblé que cette marque, tout comme l'auxiliaire de sens voisin /'yE/ , ne devait être compatible qu'avec des verbes de procès justement.
Les paires verbales en Birman
Maîtrise - février 19, 2014 48
ex.(19a) : kYm ép®, w;. tÚ < /C´ma' 'PyO U±' TE/ Je (F.P.) parler M.Verb M.M.
Je n'ose pas parler
ex.(19b) : dU: r! sI: c,: w;. tÚ < /'du yiN 'Qi 'sa U±' TE/ Durian (fruit de) manger M.Verb M.M.
J'ai osé manger du durian.
ex.(19c) : ?kYÈ w;. tÚ < / CE? U±' TE/ Durian (fruit de) manger M.Verb M.M.
?Il a osé être cuit. Note : Cette phrase n'est envisageable que dans le cas de conte, de légende ou l'on traite des inanimés comme des êtres vivants.
• Récapitulatif : Cette marque est compatible avec des verbes de procès, mais aussi des verbes d'état. Nous n'avons pas eu le temps de la tester avec des verbes (courants ) non-intentionnels. I - 3.3 - Les auxiliaires Ver